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HISTOIRES & LÉGENDES Chronologie p.12 La Genèse p.16 L’Exil p.20 La Fièvre Noire p.26 La Non-mort p.30 Immunisés p.31 Premier Chapitre | Etherna 11

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Page 1: Extrait Background DragonDead

HISTOIRES & LÉGENDES � Chronologie p.12

� La Genèse p.16

� L’Exil p.20

� La Fièvre Noire p.26

� La Non-mort p.30

� Immunisés p.31

Premier Chapitre | Etherna 11

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CHRONOLOGIEL’âge de Kaarn ( - 25 000 / - 10 000)

la création du mondeAmalis, le premier des Dieux, créa Kaarn et l’atti-ra vers la Lumière-Mère afin que cette terre vierge puisse profiter de ses bienfaits. Les millénaires défilèrent tandis que la chaleur provoqua, sur la jeune planète, une quantité de volcans qui disper-sèrent sur toute sa surface un océan de lave. Les scientistes et les religieux s’accordent à dire que l’activité de ces volcans provoqua un déplacement de Kaarn, alors bien trop près de la Lumière-Mère pour espérer faire naître la vie.

L’apparition de la vie sur KaarnLes religieux croient que c’est cette entité qui dé-posa dans la lave son essence de vie. Elle se déposa sur des roches extrêmement solides et s’infiltra en elle pour donner naissance aux premières créa-tures vivantes du monde. Les scientistes, eux, se gaussent ouvertement d’une telle théorie et pré-fèrent penser que rien alors n’était possible à ce moment de l’histoire. La planète parvint à s’écar-ter de la chaleur intense de la Lumière-Mère, et la température descendit notablement, permettant aux volcans de se mettre en sommeil et aux mers de lave de refroidir, puis s’assécher. Les Dragons sont nés de ces océans et ont jailli dans les cieux tandis que l’air se refroidissait. La légende raconte que leurs corps doré illuminaient les ténèbres et que leurs rugissements faisaient trembler les mon-tagnes. Le vacarme de la naissance des Dragons de Lumière attira l’attention des Dieux qui vinrent sur Kaarn, à la rencontre de ces nouveaux nés.

Alliance des dieux et des dragonsL’alliance des Dieux et des Dragons naquit lors de cette rencontre. Les Dragons reconnurent les Dieux comme étant supérieurs à eux et accep-tèrent leur autorité, mais ils préféraient penser que ceux-ci n’étaient pas à l’origine de leur naissance. La Lumière-Mère était à l’origine de tout. Néan-moins, une véritable amitié les liait à eux. Lorsque l’enfant à naitre de Naaïelï, l’une des déesses, trou-va la mort avant même d’avoir gouté à la vie, ils partagèrent sa peine et son deuil. La légende ra-conte qu’ils pleurèrent ensemble, et que leur larmes s’écoulèrent si longtemps que les océans apparurent.

Les scientistes préfèrent une théorie plus logique en présentant une autre version. Pour eux, un ca-taclysme provoqué par la chute de rochers venus de l’espace, tandis que les volcans s’endormaient, aurait permis la libération de l’air. Ils ont réussi à prouver que sans air, l’eau ne pouvait exister. Ils se basent donc sur ces preuves pour affirmer que les océans sont nés d’un cataclysme et non des larmes des Dieux et des Dragons.

La construction du monde La répartition des tâches entre les Dieux et les Dragons permit au monde de se couvrir de fleuves, de forêts, de montagnes et de végétation. Kaarn, qui n’était qu’une simple étendue de roche, se transforma ainsi en une fabuleuse Pangée prête à se remplir de créatures vivantes et autonomes, entourée d’un océan paisible. En quelques millé-naires, les deux peuples divins, amis et solidaires, créèrent un véritable paradis. Ils imaginèrent en-suite les animaux qui peupleraient ce monde en les façonnant à leur image.

Naissance des cinq races mortellesLes Dieux et les Dragons continuaient leur œuvre sans relâche. Le monde, tel qu’il était, ne les sa-tisfaisait pas. Il manquait une chose essentielle à leur création  : des êtres dotés d’une intelligence leur permettant de les honorer. L’ordre d’arrivée des races est une source de désaccord profond entre les religieux et les scientistes. Les premiers assurent que les Araks, puis les Draconiens arri-vèrent en premiers, suivis des Hommes, leur chef d’œuvre. Pour les scientistes, il est évident que les Phytes puis les Araks arrivèrent avant les autres, grâce au processus d’évolution naturelle. Les Hommes, selon eux, est le résultat d’une évolution à part, provoquée par un besoin de sécurité d’une espèce animale trop faible pour survivre sans dé-velopper un exceptionnel sens de l’adaptation. Les Zéphyr naquirent en dernier, création de l’unique pensée des dieux.

Les HommesLes Hommes sont seuls à avoir été créés par les deux peuples divins. Considérés comme l’ultime création, ils devinrent vite un sujet de trouble entre ces derniers. Amalis imposa a tous l’interdic-tion de s’en approcher, pour ne pas perturber leur développement.

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L’âge du chaos ( - 1000 / 0 )

Trahison des dragons ( -1000)Un Dragon brisa l’interdit et s’accoupla à une hu-maine, qui accoucha d’un enfant métisse. Cet évé-nement scella la désunion des Dieux et des Dra-gons. Amalis et Elimdor, les seigneurs incontestés des deux «  factions  », décidèrent l’affrontement suite à la mort de l’enfant.

Grande guerre céleste (- 400/- 200)Une terrible guerre opposa les Dieux et les Dra-gons durant 600 ans. Les premiers temps, les races mortelles n’intervinrent pas dans le combat qui se déroulait au-dessus de leurs têtes. Ils désespé-raient de voir les Dragons chuter dans l’océan, et les Dieux tomber au sol, morts. Peu à peu, les avis se partagèrent dans les communautés mortelles et les clans se désunirent, puis les batailles éclatèrent sur terre. Pro-dieux et pro-dragons, la grande frac-ture religieuse qui frappe encore le monde, trouve son origine ici.

La déchirure de Kaarn ( - 200)Tous ces siècles de combat provoquèrent la déchi-rure du monde. Les morceaux de Pangée s’écar-tèrent, provoquant raz-de-marée et éruptions volcaniques. Trois continents apparurent, qui dé-rivèrent sur l’océan.

Victoire d’Amalis et exil des dragonsLa fin de la guerre est marquée par le duel des deux seigneurs. À la suite d’un long et terrible combat, Amalis sortit victorieux, mais ne parvint pas à tuer son rival. Il exila Elimdor et tout ce qui restait

de son peuple sur le continent le plus éloigné des terres sur lesquelles les mortels se réfugièrent. Il nomma ces terres, la Draconie.

L’âge d’Etherna ( 0 / 2500 )

Reconstruction des civilisations L’exil des Dragons provoqua l’arrêt du rêve dans l’esprit des mortels. Ils s’installèrent en petits clans aux quatre coins de leur continent qu’ils nom-mèrent « Etherna ». Le traumatisme laissé par la grande guerre et la rancœur nourrie entre les clans adverses, ne purent être oubliés malgré les siècles d’éloignement. Les pro-dragons et les pro-dieux s’affirmèrent et, abandonnés par leurs divinités, trouvèrent refuge dans la prière et les temples. Les exodes commencèrent à la suite d’une grande pé-riode d’abondance et de naissances massives.

Guerres de religion ( 1000- 2500)L’exode massif et simultané de tous ces clans, poussés par le besoin de territoires, les obligea à se rencontrer. Certains s’unirent, fidèles aux mêmes Dieux. Les forces étaient égales dans les deux fac-tions, et, bientôt, la colère éclata sur tout le conti-nent. De nombreuses batailles ensanglantèrent les prairies et les cités et des armées s’assemblèrent sous les drapeaux des plus puissants.

Naissance des Grands OrdresParmi les peuples religieux, certains se montrèrent si fanatiques et intransigeants qu’ils marquèrent l’histoire. Deux ordres naquirent en ces années de conflit. Les Princes Dragons et les Fils de la Lu-mière. Leurs affrontements étaient si sanguinaires

Premier Chapitre | Etherna

13Premier Chapitre | Chronologie 13

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qu’ils entrèrent dans la légende. Les Fils de la Lu-mière vainquirent un temps leurs rivaux et les re-poussèrent aux confins du monde, à genoux.

L’âge sombre ( 2501 / 2610 )

Le retour d’Elimdor ( 2502)Les cités fortifiées parsemaient Etherna. De grandes villes, dirigées par de grands rois et leur lignée de noble sang. Les races n’avaient aucune importance, seule la croyance était facteur de so-lidarité entre les peuples. La fille de l’un de ces rois humains, attira sans le vouloir l’attention d’Elimdor, remis de ses blessures, et qui surveillait Etherna depuis son territoire. Malgré l’interdit, il traversa l’océan et vint à la rencontre de Lathia, la princesse de la Lathaen. Un enfant hors du com-mun fut conçu, mais ils ignoraient à quel point il était spécial.

Malédiction des dieuxAvertis par les vents de ce que venait de faire le Seigneur des Dragons, les dieux vinrent à leur tour sur la plage qui lui servait de cachette. Amalis en-voya l’un de ses fils négocier le départ d’Elimdor, contre la promesse de ne pas se rendre en Draco-nie dans le but d’exterminer son peuple. Poussé par Lathia, le seigneur des Dragons s’inclina de-vant l’ultimatum et rentra chez lui. Mais les Dieux avaient déjà prononcé une malédiction sans appel à son encontre, et il l’emmena avec lui sur son ter-ritoire.

La progéniture des Dragons, après ce tournant de l’histoire, naquit déformée, corrompue et mau-vaise. Elimdor renia ces fils indignes et les exi-la hors de ses terres. Les Nécrodragons allaient s’abattre sur le monde.

Naissance d’Aeniel (2542)Tandis que les Nécrodragons se précipitaient en direction d’Etherna, Lathia mit sa fille au monde, après quarante ans de grossesse. L’enfant, mi-hu-maine mi-Dragon, s’avéra d’une exceptionnelle beauté et d’une redoutable intelligence. Elle savait en naissant que son destin allait être décisif pour l’avenir des mortels et du monde.

Arrivée des nécrodragonsLes Nécrodragons survolèrent le continent d’Etherna en quelques années seulement. Ils dis-persèrent autour d’eux une maladie létale nom-mée «  Fièvre Noire  » sur tous les êtres vivants,

animaux, races dominantes et plantes. Le fléau se répandit, les non-morts envahirent les cités et les campagnes.

Fin des guerres de religion ( 2550)La Fièvre Noire et les Nécrodragons devinrent l’ennemi principal et forcèrent les peuples à s’allier malgré la haine qu’ils se vouaient. Les guerres de religion s’interrompirent et les épées se tournèrent vers les non-morts; les cités abritèrent tous les sur-vivants, pro-dragons et pro-dieux sans distinction.

L’âge du renouveau (2610 - 2823)

Naissance des immunisés ( 2610)Etherna ne doit sa survie qu’à la naissance des Immunisés. Partout dans le monde, au même moment, des enfants résistants à la maladie na-quirent. La charge de repousser le fléau et se battre contre les Nécrodragons leur fut allouée, et ils se réunirent pour former des armées insensibles au mal qui s’était répandu.

Naissance des guildes ( 2680)Bientôt, les Immunisés devinrent les personnalités les plus importantes du monde. Les fils de puis-santes familles prirent la tête de groupements des-tinés à la sécurité du monde et se partagèrent les tâches à accomplir. Le projet de la reconstruction prit forme, l’espoir dans les cités revint, et tous se mirent au travail. Des Guildes d’Immunisés se mirent en place, rassemblant les vocations si-milaires sous une même bannière. Toutes furent bénies et financées par les peuples des races mor-telles. Elles devinrent l’autorité mondiale, dirigeant les royaumes aux cotés des rois et des seigneurs.

Le début de l’unificationElathian devint la capitale principale du monde en ces années où les guildes devenaient le centre de tout. L’administration, les milices, les programmes de réhabilitation de cités détruites, la construction des cités unies auraient presque pu faire oublier a ces peuples, les dualités religieuses qui les auraient exterminés si la fièvre noire ne les avait pas inter-rompus. Grâce a ce nouveau confort, la culture s’embrasa et les intellectuels prirent la parole.

Le scientisme ( 2720)Elathian et les grandes cités, désireuses de per-mettre à tous d’avoir une éducation et un sem-blant de vie confortable, virent naître un courant

Premier Chapitre | Chronologie14

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de pensée nouvelle et révolutionnaire, le Scien-tisme. Les chercheurs et les intellectuels remirent les légendes religieuses en question, trouvant peu à peu des preuves de leurs dires. Dans les premiers temps, ils furent pourchassés pour hérésie, puis sacrifiés au nom de la religion. Mais les esprits changèrent et les générations suivantes grandirent dans un tout autre esprit.

Les scientistes purent parler sans craindre la mort, et développer leurs recherches sous l’égide de l’une des quatorze Guildes.

L’âge impérial ( 2824 / 3250 )

Aeniel sur le trône d’Elathian (2824)Trois cents ans après sa naissance, Aeniel se pré-senta au monde. Sa mère venait de mourir et ce traumatisme déclencha le début de sa destinée. Elle monta sur le trône avec l’aide de quelques Guildes et commença son règne. Les jeux de pouvoir, déjà omniprésents, se décuplèrent et s’intensifièrent. Les Guildes partirent en chasse de faveurs et re-doublèrent d’activité dans le nouvel empire nais-sant. Le territoire de l’est-Lathaen Nord ne suf-fisait pas à cette impératrice. Quelques années seulement plus tard, les campagnes de conquête débutèrent.

L’expansion de l’empire ( 2850)Aeniel s’était imposée comme élément essentiel de la survie d’Etherna. Les armées se gonflèrent de nouveau guerriers, et les Guildes soutinrent les ambitieux projets du nouvel empire. Progres-sivement, les frontières d’Elathian s’embrasèrent. Les royaumes tombèrent l’un après l’autre, tandis que nombre d’entre eux demandaient spontané-ment leur admission au sein des peuples fédérés d’Etherna, le Nouvel Empire. Ceux qui s’oppo-saient étaient exterminés, et leurs terres offertes aux clans alliés. La puissance d’Aeniel était incoer-cible.

La fin des royaumes d’Etherna ( 3250)Les petits royaumes qui composaient Etherna furent submergés par l’empire en un temps record. Les guerres de religion, strictement interdites par l’impératrice s’éteignirent définitivement, même si quelques rixes perduraient à l’abri du regard des soldats impériaux. Le premier millénaire du règne d’Aeniel, immortelle et puissante au-delà de l’ima-gination, ne fut que batailles et conquêtes. Les trois-quarts du continent entrèrent dans l’unifica-tion impériale, de gré ou de force; à l’inverse, deux royaumes s’allièrent de façon inconditionnelle afin de préserver leur identité ancestrale. Seules trois régions du continent échappèrent à la règle. Le Sy-raath, l’île de Losteth et l’île de Temlateth.

L’âge de la renaissance (3250 - ...)

L’allianceEnfin unis, puissants et à l’écoute du progrès, les peuples d’Etherna évoluent lentement et profitent des efforts de leurs ancêtres. Depuis la fin des conflits de territoire, les cités unies se sont moder-nisées, des boucliers de protection magique sensés empêcher les non-morts de pénétrer ont été ins-tallés au-dessus des grandes villes, des portails de téléportation ont été ouverts dans chacune d’elles, ce qui engendra une accélération notable du com-merce et de l’économie mondiale. Des accords entre les Guildes permirent une véritable avancée politique, et les banques ainsi que les hôpitaux purent s’implanter partout où la population en avait besoin. Les chercheurs occupent désormais une place importante dans la société et de plus en plus de gens rejoignent leurs avis arrêtés sur le dé-but de l’évolution naturelle.

Premier Chapitre | Chronologie 15

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LA GENÈSEEn d’autres temps, d’autres époques, il y a des mil-liers d’années, le grand néant enveloppait toute chose. Seules les ténèbres régnaient alors, et la vie n’était qu’un rêve absurde.

En d’autres temps, dans une lointaine époque, le néant se déchira, laissant une brèche de lumière illuminer brutalement toute une région de son être. De cette lumière jaillit Amalis. Une créature faite de cette même lumière et dont le chant s’éle-vait dans le vide, emplissant le lourd et ancestral silence. Pendant de longues années, il erra sans but, avec ses chants et ses contes pour seule com-pagnie. Mais un jour, il s’aperçut que sa tristesse et sa solitude s’étaient matérialisées en une grande étendue de terre. Elle était dans la pénombre. Il l’attira vers sa Lumière-Mère et l’installa au plus près de sa chaleur. Ne sachant qu’en faire, il l’oublia quelque temps et repartit à son errance.

La terre oubliée se réchauffait lentement. Au fil du temps, même l’intérieur des montagnes s’embrasa et donna naissance à une multitude de volcans qui brisèrent la solide croûte à sa surface. Un océan de lave se déversa, ne laissant surgir qu’une portion encore épargnée par la violence des éléments. Elle était stérile et aride. Rien de plus qu’un morceau de roche recouverte de sable.

Les créateursAlors que Kaarn se formait lentement, Amalis, lui, venait de terminer probablement sa plus belle œuvre. Sa solitude ne le torturerait plus jamais, car la Lumière-Mère lui avait offert l’essence de vie pour l’aider à donner naissance à une nouvelle créature. Il la nomma Amelia. Elle était tendre et aimante. Ils s’aimaient profondément et de leur amour naquit une nouvelle déesse qu’ils nom-mèrent Temis. Ainsi naquirent Caenes, Syrhaan, Kapthalii, Mirias et Naaiëlï.

La terre oubliée, Kaarn, s’était déplacée, mue par les violentes explosions des volcans. En se refroi-dissant, la lave se durcit par endroit et agrandit durant des centaines d’années la bande de terre qui n’avait pas été engloutie. La mer de lave recula et se rétrécit. Un continent nouveau, issu du cra-chat millénaire des volcans, pouvait surgir et gran-dir. Hors de portée de sa vigilance, il se passa une chose à laquelle Amalis ne s’attendait pas.

La naissance d’Elimdor Quelques gouttes de l’essence de vie de la Lu-mière-Mère tombèrent dans la mer en fusion et plongèrent dans ses profondeurs. Telles de petites lucioles vivaces, elles tournoyèrent et virevoltèrent sans but, au gré des vents violents qui secouaient la jeune planète.

Amalis n’avait pas vu le miracle se passer. Il vivait heureux avec ses pairs, voyant un nouvel amour naître entre Naaiëlï et Caenes. Ils étaient alors jeunes et heureux, profitant de chaque moment et savourant les délices de la vie.

Au plus profond de l’océan incandescent, les pe-tites gouttes d’or s’étaient déposées sur quelques rochers saillants et solides, stigmates du dépla-cement des terres par Amalis alors que Kaarn n’était qu’une simple étendue de terre perdue dans le néant. Un jour, tandis que les terres gagnaient la bataille contre l’océan de lave, une aile sombre se déploya, brisant la houle épaisse... immense… puissante... Bientôt, d’autres formes semblables déchirèrent la surface de l’océan. Elles soulevèrent de lourds corps recouverts d’écailles rougeoyantes et entamèrent la longue remontée vers les cieux. Vers la liberté.

Les silhouettes effrayantes jaillirent de leur matrice de lave dans une tempête de feu et prirent leur envol majestueux, quittant leur ancien royaume pour devenir les maîtres du nouveau monde. L’un d’eux semblait plus grand et plus imposant que les autres. Son vol faisait trembler l’air autour et nul n’osait le défier.

Première rencontreLes Dieux relevèrent la tête à ce moment précis. Ils avaient entendu l’appel et ils avaient frissonné devant tant de beauté. Syrhaan réagit le premier et courut vers Kaarn, car il était encore de nature cu-rieuse et enthousiaste. Il voulait être le premier à apercevoir la créature responsable de tant de bruit. Aussitôt imité par les autres Dieux, il s’incarna et plongea tel un éclair sur le continent dépourvu de vie. Ils observèrent les cieux depuis le sol, à l’affût du moindre mouvement, mais ils ne virent rien dans un premier temps. Alors, la jeune Naaiëlï ba-laya des yeux les terres grises qui laissaient échap-per une multitude de colonnes tourbillonnantes. Une fumée noire obscurcissait le ciel et empêchait la Lumière-Mère de régner comme elle aurait dû. Elle allait parler lorsqu’Elimdor apparut, grand seigneur des cieux, tournoyant au-dessus des Dieux incarnés. Il se demandait s’il devait honorer

Premier Chapitre | La Genèse16

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ou manger ces étranges créatures. Finalement, il replia ses ailes et plongea sur eux avant de se poser avec grâce devant eux.

Amalis regarda le Dragon, un sourire bienveillant sur les lèvres, en tenant la main de sa compagne. Il ne paraissait pas effrayé, ni perturbé par cette ap-parition. Les plus profondes cavernes résonnèrent au son de sa voix.

— Toi qui viens à la rencontre des Créateurs, paci-fique et magistral ! Dis-moi qui tu es.

Le Dragon secoua son encolure d’écaille en gro-gnant.

— Elimdor est mon nom, et mon royaume est là. Dis-moi... Créateur... qu’as-tu donc créé pour oser te présenter ainsi sans peur devant le seigneur de Kaarn ?

— Kaarn est ma création. De mes chants et mes contes est née cette étendue de terre. Je l’ai emme-née au plus près de la Lumière-Mère afin qu’elle se réchauffe et prenne vie... et voici cette chose ac-complie.

Tandis que le seigneur des Dragons de Lumière honorait les sept autres Dieux, il fut rejoint par son peuple. Ainsi, à l’aube d’une ère nouvelle, l’alliance des Dieux et des Dragons fût scellée et l’harmo-nie entre eux dura longtemps. Les Dieux apprirent aux Dragons les arts illustres comme le langage subtil, le chant, la danse et d’autres choses encore.

La larme de la naissanceEn cette époque de joie, l’annonce d’une nouvelle naissance dans la famille des Dieux ravit tous les cœurs. Mais jamais cet enfant ne vit le jour, ni ne connut le bonheur de partager cet amour. Il mou-rut avant de naître, car sa destinée était ailleurs. Une infinie tristesse s’empara alors de tous... tous... y compris le peuple des Dragons.

Ils pleurèrent longtemps ensemble, sur la plus haute montagne de Kaarn, et le deuil dura des cen-taines d’années. Les larmes qu’ils versèrent, abon-dantes et intarissables, se répandirent par-des-sus ce qui restait de l’activité volcanique. Petit à petit, elles avaient transformé l’océan de lave en mer salée. Les tourbillons de fumée cessèrent et la Lumière-Mère parvint enfin à illuminer le vaste continent de sa chaleur bienfaisante. Alors Naaiëlï regarda autour d’elle, séchant sa dernière larme. Elle vit les rayons du premier matin se poser ten-drement sur les collines et les scintillements du jeune océan dont les vagues se brisaient douce-ment contre les falaises.

Elle brisa le cercle de deuil et s’avança lentement vers le bord de la montagne, puis leva les bras vers les cieux.

— Que notre tristesse cesse aujourd’hui. Je vais rendre ce monde fertile et beau. Ainsi j’honorerai l’enfant perdu.

Ses mots déferlèrent sur les pentes de la montagne et se répandirent dans les plaines de Kaarn, puis, comme pour répondre à l’appel des Créateurs, de minuscules gouttes d’essence de vie tombèrent en pluie sur les roches et dans la mer. De grands arbres sortirent du sol et une herbe verte recou-vrit les étendues de sable, tandis que les premiers nuages se formaient au-dessus des mers pour em-porter l’eau de vie jusqu’aux terres intérieures.

Les rôles des Dieux furent distribués à l’aube de ces temps reculés où l’alliance des Dieux et des Dragons connaissait son âge d’or. Caenes, qui était de nature calme et houleuse à la fois, s’occuperait des océans. Kapthalii, qui était ingénieux et inven-tif, s’occuperait d’imaginer de nouvelles créatures pour peupler ce monde nouveau. Mirias, qui ai-mait le voyage, serait vents et tempêtes pour trans-porter l’eau de vie jusqu’à la plus petite parcelle de ces terres et ainsi distribuer la précieuse essence à son gré. Naaiëlï, qui aimait regarder pousser les choses, patiente et calme, s’occuperait d’habiller Kaarn d’un manteau verdoyant et fertile. Amelia, qui était la plus sage de tous, donnerait une âme à toutes les créatures qui verraient le jour, car elles devraient apprendre à être conscientes de leur existence et trouver leur chemin par elles-mêmes. Syrhaan ne savait quoi faire. Il trouvait toute cette agitation peu confortable, lui qui s’était pris d’amour pour le silence et la méditation. Il déci-da de s’exiler quelque temps, afin de trouver son chemin.

Elimdor et son peuple étaient heureux de voir leur monde se transformer et ils aidaient les Dieux à déplacer les montagnes, créer de nouvelles terres pour abriter les jeunes espèces, creuser des rivières et endormir les volcans. Ils créèrent aussi de nou-velles races animales, leur donnant une petite par-tie d’eux-mêmes. Le loup fut leur plus belle œuvre. Loyal, orgueilleux, courageux et d’une finesse d’esprit remarquable. Ils mirent d’autres créatures au monde et toutes étaient là pour équilibrer les forces naturelles et les populations animales. Le serpent, l’aigle, l’ours et le tigre.

Ainsi, pendant des milliers d’années, la vie se dé-veloppa et prospéra sous la protection des Dieux

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et des Dragons. Durant tous ces siècles de pros-périté, d’autres Dieux vinrent au monde. Ils gran-dirent ensemble et l’amour de leurs parents était immense. Les Dragons aussi s’étaient accouplés et avaient donné naissance à de nombreux rejetons. Tous vivaient en harmonie et partageaient dans la paix ces moments de joie.

L’HumainLe jour vint où ils imaginèrent de concert une nouvelle espèce pour peupler Kaarn. Une espèce particulière qui aurait les capacités de comprendre le monde qui l’entourait et d’honorer leurs Dieux. Cette nouvelle naissance tromperait l’ennui qui les gagnait et raviverait l’intérêt de leurs créations.

Ainsi, les Dieux modelèrent une race qui se dépla-cerait debout, la tête haute, le port digne et l’allure noble. Ils insinuèrent dans leurs esprits la réflexion et le calcul, l’anticipation et la peur, car ils avaient choisi de les faire mortels, comme les autres es-pèces. Ils leur donnèrent le goût des arts et de la beauté. Elimdor et les siens offrirent aux hommes les rêves et le désir, car sans rêve ni idéal, ils n’au-raient pas le goût de vivre. Ils prirent leur temps et peaufinèrent cette œuvre dans ses moindres détails. L’Humain. Voici comment ils nommèrent cette nouvelle espèce en la voyant naître. Ils étaient heureux et satisfaits. Ils savaient que ce serait eux les nouveaux seigneurs de Kaarn.

Le rêveLes voyant grandir, les Dieux décidèrent qu’aucun d’eux ni aucun des Dragon ne devait s’unir aux humains, car cela serait contre nature. Ils étaient mortels et ne devaient en aucune façon atteindre le rang de divinité.

Amalis vit le stratagème des Dragons. Ils insuf-flaient aux humains le désir de pouvoir et ils s’éloignaient, par la perversion des rêves, de leurs vrais Créateurs. Alors qu’ils devaient se retran-cher dans la prière et la demande, ils exploraient et s’alliaient avec les animaux, trouvaient des re-mèdes et des connaissances sans demander aucun secours. Tout ceci ne pouvait venir que d’un seul fait, les pensées que leur soufflaient les Dragons à leur insu. Les Dieux pensèrent que les Dragons se servaient des humains pour les renverser et deve-nir les seuls maîtres de Kaarn. Amalis ne dit rien à Elimdor qu’il savait susceptible, mais sa méfiance ne le quitta plus.

Le début de la finElimdor vint un jour au Royaume des Dieux et annonça qu’un fils venait de naître, descendant d’humain et de Dragon. Les Dieux, trahis, deman-dèrent à voir l’enfant. Il restait peut être un espoir de ramener ces créatures à la raison. Elimdor les guida jusqu’à lui de mauvaise grâce et ce qu’ils virent les terrifia. L’être qui était devant eux n’était que laideur et monstruosité. Deux yeux incandes-cents rougeoyaient au milieu d’un visage ridé re-couvert d’écailles, un corps humain se terminant par une queue reptilienne. Il ne pouvait qu’incar-ner le mal profond qui sommeillait dans tous les cœurs Draconiens. Il comprit que l’un d’eux avait forcé l’humaine à s’accoupler avec lui dans l’unique but d’engendrer un seigneur des ténèbres. Cette créature ne devait pas grandir sur Kaarn. Il de-manda au seigneur des Dragons de se débarrasser de lui, intérieurement accablé par la certitude qu’il devenait responsable de la mort d’un être vivant. Mais le mal avait déjà empoisonné les sentiments d’Elimdor et celui-ci se mit en travers du chemin d’Amalis, les yeux remplis de haine. Ses crocs bril-laient d’une aura malsaine lorsqu’il parla.

— Cet enfant est de notre sang, et il est le futur seigneur de ces terres. Maintenant je sais que ton règne inutile va s’achever.

— Elimdor. J’ai dit que l’union entre humain et Dieu ou Dragon était contre nature, et en voici la preuve. Cet enfant ne causera que chaos et déses-poir sur ces terres. Bannis-le, lui et son père, et que jamais il ne foule ce royaume... Si tu refuses, je devrai le faire moi-même.

— Tu n’as aucun droit sur ma race.

— Je suis ton Créateur.

— Tu n’es rien... rien de plus que la vermine qui pourrit mon royaume.

— Elimdor, tu vas trop loin, trancha le Dieu au comble de la souffrance.

Le Dragon souffla de ses larges narines un nuage de souffre, en ricanant d’une voix rauque. Sa splendide robe de lumière se changea en un abyme rouge sombre et miroitant de l’intérieur, et il avan-ça sur les Dieux, suivi de ses congénères, mena-çants. Leur vraie nature venait enfin d’être révélée au grand jour.

D’une voix sinistre, le Dragon siffla à l’attention d’Amalis.

— Tu le veux ? Viens donc le réclamer si tu l’oses.

Premier Chapitre | La Genèse18

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Amalis ne perdit pas courage. Il dégageait une aura lumineuse, comme une étendue d’or éclairée par le soleil matinal. Il ne voulait pas la mort de l’enfant, ni celle d’aucun en ce jour, car il croyait que le destin devait choisir. Le destin, lui seul. Mais le clan des Dragons ne le voyait pas de cet œil et fondit sur les Dieux tel les bêtes sauvages créées par erreur pour peupler ce monde. Amalis dut se défendre et, au cours de la bataille, l’enfant reçut un coup fatal porté de la griffe d’Arrelias, la plus envoûtante de tous.

Voyant ceci, Amalis choisit la seule solution qui lui restait. La guerre était inévitable, car ceux qu’il pensait sages et amicaux n’étaient en réalité que des bêtes sauvages qui n’avaient pour seul plaisir que le meurtre et la domination.

Les temps qui suivirent furent terribles. Ne leur laissant pas le temps de se mettre en garde, tous les Dragons plongèrent sur la montagne et le palais des Dieux. Crachant leurs terribles flammes de toute leur force, ils brûlèrent les forêts et tournoyèrent dans les cieux à la recherche de leurs victimes dans une danse destructrice. Mais Amalis était puissant et repoussa les attaques avec ses frères tandis que son épouse emmenait les Humains en sécurité, plus loin au sud. Hélas, une partie d’entre eux, trop pervertie, se joignit au combat et se montra si féroce que les Dieux n’eurent d’autre choix que d’appeler leurs fidèles afin qu’ils s’opposent aux al-liés des Dragons.

Les corps inertes des monstres retombèrent au sol et dans les mers. Leur chute gravait les stigmates des batailles par de grands cratères dont l’eau bouillonne encore à ce jour sur toutes les terres. Les forces en présence s’équilibraient. A contre-cœur, Kapthalii lâcha des profondeurs de sa forge d’abominables créatures sans pitié aux trousses des Dragons, privés de leurs ailes par le Dieu originel. Beaucoup périrent durant ces affrontements san-glants. D’un côté comme de l’autre. Nuit et jour, durant de très nombreuses années, les hostilités continuèrent inlassablement, sourdes aux sup-pliques de la nature qui agonisait sous les coups qu’on lui infligeait indirectement.

À la fin, il ne restait plus que quelques Dragons encore assez vivaces pour continuer le combat et le seigneur Elimdor provoqua Amalis en un der-nier duel. Le Dieu accepta, lui aussi usé par de trop nombreuses batailles et pertes. Il avait dû rappeler son frère exilé, Syrhaan, afin qu’il prenne sous son aile les âmes des mortels tombés au combat et qu’il les emmène en un lieu sacré où elles pourraient se

ressourcer et entrer dans la méditation éternelle. Syrhaan fut touché par toute cette détresse et ac-cepta la mission que lui donna Amalis. Il créa un royaume dans un autre plan et ouvrit une porte que seules les âmes des morts pouvait emprunter, mais jamais un être vivant. Ainsi le Royaume des Morts devint celui de Syrhaan, Gardien des Morts.

Le duelLe jour du duel arriva. Avec lui, l’espoir que cette guerre prendrait fin. Le combat dura plusieurs années au sommet de la plus haute montagne. Ja-mais les deux ennemis n’acceptèrent de plier ge-nou devant l’adversaire, malgré la souffrance de la trahison. Amalis se servait des souvenirs de cette époque où tout allait bien. De la rage qui montait en lui d’avoir été trompé si profondément par ce-lui qu’il pensait son ami. Son premier fils. Mais Elimdor finit par commettre une erreur. Amalis se précipita, empoignant puissamment l’enco-lure du Dragon et le faisant virevolter au-dessus de lui avant de le projeter à l’autre bout du conti-nent. Le choc fut terrible. La terre, trop éprouvée pour résister à cette dernière torture, se déchira et le continent de dispersa en plusieurs parties dont l’une dériva sur plusieurs centaines de lieues, emmenant avec elle Elimdor, inconscient. À son réveil, il ne parvenait qu’à apercevoir les côtes saillantes de l’autre côté de son ancien royaume. Il se hissa, à bout de force, sur ses pattes et rugit la haine qui empoisonnait à présent tout son être.

Pour seule réponse, il entendit la résonance de la voix d’Amalis :

— Je suis le créateur de ce monde. En ce jour je te condamne, toi, Elimdor, et tous les tiens, à abandonner ces terres et ne jamais y revenir. Je te bannis Elimdor, et donne le territoire que je t’ai re-pris... aux mortels.

Le Seigneur des Dragons de Lumière, mortelle-ment blessé, mais dont la rage d’avoir échoué le consumait, rugit à nouveau en réponse.

— Je reviendrai Amalis  ! Je reviendrai, et ce jour sera ma revanche, car toute vie sera réduite en cendres.

Amalis pleura alors, car le poison s’était répandu. Il avait gardé espoir que les Dragons fussent le bien, car il les avait créés de ses plaintes et de ses chants. Mais leur cœur de lave jamais ne connaî-trait le sentiment de fraternité ni d’amour.

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L’EXIL Ils nommèrent leur nouveau royaume Draconie, car seule leur espèce pouvait survivre sur ces terres devenues stériles. Les volcans s’étaient ré-veillés, incendiant les forêts, jadis verdoyantes, et avaient asséché les lacs, les rivières et toutes choses qui vivaient alors en ces lieux avant la grande séparation.

Ils cessèrent d’insuffler aux humains la part de rêve qui faisait leur équilibre, et ne les aidèrent plus à comprendre le monde qui les entourait. La colère remplaça peu à peu la peine dans leur cœur, et Elimdor ne pensa qu’à se venger de l’affront qui lui avait été fait. À lui, et à tous les siens. De la montagne qui était née lors de sa chute, il f ît son antre et s’y isola des années entières, nourrissant son désir de vengeance. Guérissant de ses blessures, se nourrissant de sa propre chaleur intérieure. Sans cesse, les souve-nirs défilaient en lui et ranimaient le feu de la colère. Ainsi, jamais il ne perdit de vue ce qu’il avait à faire lorsque le moment viendrait.

Le clan des Dragons de Lumière attendait le si-gnal de leur seigneur, patiemment. Ils savaient que le meurtre de l’enfant de leur frère ne serait pas impuni. Ils voyagèrent sur leur continent, continuellement, couvrant de leurs larges ailes les restes de vastes forêts. Ils fouillèrent partout afin de s’assurer qu’aucun Dieu n’eut tenté de les piéger. Des rejetons naissaient, assurant la relève de ceux qui étaient tombés au combat. Étincelle d’un espoir nouveau qu’un jour justice serait faite. Mais ils n’en voulaient pas aux mortels, in-signifiants jouets manipulés par les Dieux. Ce-pendant, ils ne voulaient plus rien savoir d’eux. Ils ne voulaient qu’abattre leurs demi-frères, res-ponsables de tous les malheurs du clan des Dra-gons de Lumière… et si les habitants d’Ether-na s’interposaient, ils mourraient avec eux. Le temps passait ainsi sur Draconie, et les Dragons engendrèrent de nouveaux guerriers et guer-rières. Ils approfondirent leurs connaissances et leur magie en attendant le jour du renouveau.

Les terres d’EthernaDe l’autre côté, sur le royaume des mortels bap-tisé Etherna, la nature avait recouvert les nom-breuses cicatrices de la grande bataille en usant

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de stratagèmes des plus ingénieux, les masquant sous des étendues de lierres, de fougères ou de jeunes bois.

Les mortels honoraient leurs égoïstes Dieux chaque jour qui passait et se développaient sur tout le continent. Les villages et les villes sortaient du sol, les animaux étaient domestiqués, les vallées étaient maîtrisées pour devenir des champs fer-tiles et les bois reculaient sous les coups de hache de ces peuples qui savaient maintenant que rien ne pourrait jamais se mesurer à eux. Ils étaient bé-nis des Dieux, et ces terres étaient leur héritage. Les créatures lâchées par Kapthalii lors de ces ba-tailles furent enfermées dans un plan solidement scellé. Mais quelques-unes, qui avaient réussi à échapper au Dieu, restaient terrées dans les terres intérieures, au plus profond des sombres forêts ou dans les galeries que les rivières souterraines avaient jadis creusées pour abreuver les abysses du continent. Ces rivières s’étaient asséchées depuis des temps reculés et les boyaux qu’elles avaient pa-tiemment modelés étaient devenus le repère des monstres engendrés jadis.

Les mortels n’y allaient jamais, car les Dieux les avaient mis en garde, leur contant les affreuses légendes de ces temps de grand trouble, oubliant certainement de leur avouer qu’elles étaient leurs créations.

Au fil des siècles, ils colonisèrent la grande Ether-na, repoussant les loups, avec qui ils avaient perdu tout lien, et les créatures maléfiques jusque dans leurs antres. Ils montèrent des remparts autour des villes et plantèrent des pieux autour des villages. Les forges ne cessaient de gronder car ils avaient nombre de choses à créer sous les enseignements de leurs Dieux. Ils inventèrent aussi leurs propres technologies.

De grandes et illustres familles, issues des héros des temps anciens, étaient à la tête des jeunes clans. Un peu partout s’établissaient des régions alliées et ennemies. Les mortels étaient une es-pèce dotée de courage, d’amour, de compassion et de solidarité, mais le départ des Dragons provo-qua dans leur cœur d’autres sentiments et désirs. Car ils étaient mortels et savaient que leur temps sur ces terres était de courte durée. La propriété, le pouvoir, la jalousie et d’autres vices encore plus pervers les uns que les autres devinrent le quoti-dien sur Etherna. Le déséquilibre entre conscience et inconscience les frappa. Dénués de rêve et d’idéal, ils n’avaient plus rien à partager. Tout de-venait prétexte à dualité, et l’espoir les quittait.

Les batailles éclatèrent entre les clans, et nombre d’entre eux s’entretuaient pour un simple morceau de territoire. Seuls les plus forts parvenaient à s’imposer, agrandissant leurs terres, naviguant au plus loin sur les océans à la recherche de nouvelles richesses et de nouveaux royaumes. Ils y décou-vrirent d’autres espèces qui n’avaient pas encore eu le temps d’apprendre ce qu’eux maîtrisaient déjà. Des êtres fantastiques tels les Phytes et les Araks, capables d’autant de courage et d’adaptabi-lité. Ils s’allièrent à eux, leur offrant l’accès à leurs connaissances, les aidant et apprenant aussi à leur tour de ces peuples primitifs.

Elathian, ville des souvenirsLa grande Elathian était gouvernée par Islaas, le descendant d’un grand héros des temps reculés, alors que l’Humanité poussait son premier rugis-sement et versait ses premières gouttes de sang aux côtés des Dieux. Ses ancêtres s’étaient établis au bord d’Ethendalith, afin de surveiller l’arrivée des Dragons, juste en face du continent maudit. Jamais sa famille n’avait quitté cet endroit, car l’honneur était grand de servir ainsi Amalis. Des tours de guet avaient été construites sur les plages, et la ville fortifiée symbolisait l’avertissement lan-cé à Elimdor de ne jamais franchir ces frontières. Elle était bénie, et sa richesse était grande. Les plus grands navigateurs en avait fait le port le plus il-lustre du continent et tous se pressaient pour avoir l’honneur d’apercevoir la cité depuis l’océan.

Le retour d’elimdorLes profondes blessures qu’avait reçues Elimdor durant la grande bataille s’étaient refermées. Sa force lui était revenue et il put à nouveau re-prendre son envol. Il était prêt. Dans un gronde-ment sourd, il se dressa sur ses puissantes pattes, et, comme il l’avait fait des milliers d’années avant, il brisa le flanc de sa montagne pour en jaillir, tel un seigneur revenu de la mort. Ses puissantes ailes alors déployées et annonciatrices de destruction masquèrent la Lumière-Mère au-dessus de la Dra-conie, défi ultime présageant que le pire était de nouveau prêt à s’abattre sur son ennemi. Le sang coulerait, les larmes seraient intarissables, la joie succomberait et tant pis si rien ne survivait.

Il poussa un rugissement si fort qu’il fit trembler le monde entier. Son peuple l’accueillit avec une grande joie et des centaines de tempêtes de flamme s’élevèrent dans le ciel pour honorer le retour du père des Dragons de Lumière. Laissant ses pairs à leur enthousiasme, il gravit le flanc de la plus

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haute montagne, faisant trembler ses muscles et soufflant une épaisse fumée incandescente, puis se tourna vers Ethendalith. L’aurore rougeoyante lui donnait un aspect majestueux. Tous les Dragons s’inclinèrent au pied de la montagne tandis qu’il ai-guisait son regard afin d’observer le royaume per-du pour voir ce que cette race était devenue sous la seule influence des Dieux. Ce qu’il vit le fit frémir pour la deuxième fois de sa longue vie. De nom-breuses cités éclatantes, des palais, des forges, des forêts trapues... et des batailles… des rivières de sang. Les animaux reculés dans les plus sombres forets. Les loups revenus à l’état sauvage et forcés de tuer pour survivre. Mais ses yeux s’arrêtèrent, alors qu’il allait se tourner à nouveau, sur la sil-houette d’une créature qui allait changer toute la destinée de ce monde. Son cœur bondit et se serra à cette vision. Toute son âme lui hurla de fermer les yeux, d’oublier, et de retourner vers les siens. Mais il ne l’écoutait plus.

Elimdor déploya ses ailes et monta haut dans le ciel, puis, comme attiré par une puissance encore inconnue, il s’approcha de l’autre continent. Il de-vait voir de plus près ce qui l’avait tant troublé… Elle fixait l’océan, laissant son âme glisser sur les vagues comme elle le faisait chaque jour depuis son enfance.

Lathia, fille d’Islaas, descendant d’Illiaë qui com-battit aux côtés d’Amalis, était peut-être la plus belle jeune femme ayant vu le jour sur Ethendalith. Âgée d’à peine seize ans, elle avait la vie devant elle et ses prétendants se pressaient aux portes du pa-lais d’Elathian. Ses cheveux d’or ondulaient autour de son visage délicat, l’entourant d’une aura fée-rique, et ses lèvres rayonnaient lorsqu’elle souriait,

mais ceci arrivait rarement. Elle attendait l’amour qui illuminerait ses jours et aucun homme encore n’était parvenu à enflammer son cœur. Ceci la ren-dait triste, car ses parents la pressaient de choisir un époux digne de leur famille. Alors elle venait sur la côte et priait que Lethäa entende son appel.

Ce matin-là, elle était venue à l’aube et admirait les reflets de la Lumière-Mère sur la houle paresseuse. Elle imaginait les créatures maritimes vaquant à leurs occupations et cela la rendait plus sereine. Mais une chose attira son attention dans le ciel. Elle n’était pas sûre, car de lourds nuages qui ve-naient du nord masquaient l’évolution d’Elimdor vers elle.

Soudain, il plongea au-dessus de l’océan et frôla la houle, creusant un profond sillon dans les eaux. Lathia trembla à la vue de ce monstre venu vers elle et Elimdor en fut troublé. Il se posa sur la plage et la regarda, n’osant plus faire le moindre geste. Longtemps ils se fixèrent à distance, comme si le geste de l’un allait provoquer la chute de l’autre. Pendant ce temps, la Lumière-Mère arrivait à son zénith, et ses rayons se posèrent sur les écailles du Dragon immobile qui scintillèrent alors dé-licatement sur tout son corps. Lathia ne pouvait détacher son regard de la bête, comme fascinée, envoûtée. Puis elle osa plonger ses yeux dans ceux d’Elimdor, toujours immobile de peur de la faire fuir. Alors une chose imprévue se passa en lui. Le sentiment qu’il avait abattu au plus profond de son âme se réveilla et se déversa telle une marée des-tructrice dans tout son être. L’amour.

Soudain, le silence se brisa, et Lathia détourna les yeux d’Elimdor en direction de la cité. Elle avait disparue depuis trop longtemps et l’inquiétude des

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gens d’Elathian était à son comble. Des équipes de recherche avaient été dispersées dans toute la ré-gion et tous la recherchaient. Elle hésita, car elle aurait voulu rester encore, à regarder cet être mer-veilleux. Hélas, elle savait que c’était impossible et se précipita vers les siens, laissant Elimdor derrière elle, qui l’observait partir, tremblant d’émotion. Il ne parvenait à se décider. Repartir vers ses terres et préparer sa revanche ou attendre qu’elle revienne ? Elimdor se cacha à l’intérieur d’une grotte non loin de la plage et attendit que la nuit vienne masquer ses déplacements, car il avait aperçu les tours de guet et ne voulait déclencher sa traque avant d’avoir pu parler à Lathia. Lorsque les ténèbres en-vahirent Etherna, il se mit en route. Il fallait qu’il la revoie une dernière fois. Alors l’âme d’Elimdor prit son envol et pénétra comme une brise dans la chambre de la jeune femme endormie. Elle ne rêvait pas, il le savait. Alors il usa de sa magie et offrit un songe à Lathia. Pour la première fois de-puis plusieurs centaines d’années, un humain sur les terres d’Etherna se laissait emporter dans les douceurs des rêves.

Là, Elimdor vit sa bien-aimée sur la plage. Elle at-tendait que le Dragon se montre, le cœur serré, la gorge sèche, sentant son sang frapper ses tempes.

Elimdor parla alors.

— Mon âme est tienne aujourd’hui, fille de roi hu-main, car je t’ai vue, et je t’adore maintenant.

La voix cristalline de Lathia s’éleva à son tour dans les airs et elle s’adressa à Elimdor qui l’entendait.

— Qui es-tu, toi qui apparus devant moi depuis les cieux ? Es-tu un Dieu ? 

— Je suis… ancien... et comme un Dieu.

— Mais tu es telle une illustration d’anciennes lé-gendes !

— Je suis… une légende.

— Comme j’aimerais te revoir.

— M’aimes-tu… fille de roi ?

— Ta vue a troublé mes sens. Je ne peux oublier. Je ne veux oublier. Tu m’as libérée de mes chaînes. Oui… oui en vérité... je t’aime.

— Alors viens à moi.

Lathia ouvrit les yeux, se souvenant de cet étrange rêve, et repoussa son drap de soie, se leva, puis sortit en silence de son palais, guidée par la voix du Dragon. Lorsqu’elle entra dans la caverne, le cœur d’Elimdor s’allégea, car il savait que leur

amour était possible, et il se laissa submerger. Mais il ne pouvait l’aimer sous cette forme, alors il uti-lisa toute sa puissance devant elle, afin qu’elle voie son sacrifice par amour. Un tourbillon de lumière éclata dans la salle remplie de ténèbres et la cha-leur monta des profondeurs de la terre. Quelques instants plus tard, lorsque la clarté s’affaiblissait, Lathia s’aperçut que le dragon s’était transformé en un humain magnifique dont l’aura qui se déga-geait n’était qu’amour et tendresse. Son puissant corps était totalement nu, partiellement camouflé par ses longs cheveux, noirs comme l’ébène. Elle comprit alors que celui qu’elle attendait n’était autre que lui, et elle fut heureuse.

Les cieux remuésLa mer grondait dehors, et les vents entrainaient la nouvelle jusqu’au Royaume des Dieux.

Elimdor avait défié l’interdit et s’était rendu sur les terres des mortels. Le Seigneur des Dragons avait perverti une humaine par son pouvoir et l’avait faite sienne. Cet acte ne devait pas rester impuni.

Les deux amants s’unirent pour l’éternité, insou-ciants et sourds aux avertissements de l’océan, toute une nuit, avant que le sommeil ne les as-somme.

Cette union engendra un être héritant de la puis-sance des anciens Dragons, incarné dans un corps d’humain. La jeune Lathia sut que son enfant se-rait immortel, car il coulait en lui le sang des Dra-gons. Durant les jours qui suivirent, ils se virent en secret dans le même lieu. Leur amour gran-dissait en même temps que la vie dans le ventre de la jeune femme. Dévorés par la passion, ils ne pouvaient imaginer la vie l’un sans l’autre, mais ils savaient que jamais le monde ne les laisserait en paix. Elimdor avait entendu les menaces venues de l’océan et il cherchait une solution. Sa haine envers les Dieux n’était rien en comparaison de l’amour qu’il nourrissait à présent pour sa compagne. Il ne voulait plus la destruction de ce royaume, seule-ment vivre en paix aux côtés de Lathia.

Amalis enrageait de ne pouvoir se rendre sur cette plage et abattre Elimdor une bonne fois pour toutes. Il savait que s’il s’incarnait sur ces terres, elles seraient en danger, car le monde n’était plus assez solide pour supporter une nouvelle bataille entre les Dieux et les Dragons.

Il envoya Elemys qui excellait dans l’art de la négo-ciation. Il lui intima l’ordre d’obliger le Dragon, par quelque façon que ce soit, à libérer cette humaine

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et qu’il reparte au plus tôt dans son royaume s’il ne voulait pas qu’une croisade fût lancée par-delà les mers et ne cause le massacre son peuple. Alors Elemys demanda à sa sœur Ascalys de l’emmener jusqu’aux côtes d’Elathian grâce à ses brises ma-ritimes, et elle accepta. Le jour suivant, pour la première fois depuis des siècles, un Dieu posait de nouveau le pied sur le continent béni. Il n’eut pas besoin de chercher longtemps, car Elimdor ne pouvait cacher son aura à un Dieu, ni sa véritable apparence.

Elimdor savait qu’ils ne tarderaient pas à venir et il les attendait. Il frissonna lorsqu’Elemys foula le sable, et il sortit telle une bête traquée de son antre, ordonnant à sa bien-aimée de ne se montrer sous aucun prétexte. Ils se firent face entre terre et mer, survolant l’écume qui se brisait sur les falaises, et ils se toisèrent longuement. Elemys leva les bras en signe de pacifisme et sourit à l’incarnation hu-maine du Dragon, rayonnante d’un fluide magique qui tournoyait autour de lui. Il prit une voix douce et paternelle, et rallongea les consonnes de ses mots volontairement, car cela, jadis, apaisait les Dragons.

— Je viens te rappeler tes devoirs, Elimdor.

— Je connais mes devoirs. Pars, avant que je ne commette l’irréparable.

— Tu as déjà commis l’irréparable, Dragon, en t’unissant à une humaine.

— Laissez-la en paix.

— Tu dois la libérer.

— Elle ne le souhaite pas.

— Libère-la.

— Ou bien ?

— Tu as une sorte de ... choix. Libère Lathia de ton emprise et rends-la aux humains et... retourne d’où tu viens, ou alors Amalis détruira la Draconie et tous les tiens.

Elimdor sentit son cœur se déchirer et ses pensées se séparèrent inexorablement entre son apparte-nance et son honneur de Dragon, contre un amour impossible à oublier. Emelys attendait patiemment que le choix lui soit annoncé et ce temps dura toute une journée.

Lorsque le crépuscule plongea enfin le monde dans les ténèbres, il brisa le silence.

— Alors... as-tu choisi ?

— Le choix que tu m’imposes est impossible. Je ne peux sacrifier les uns pour garder l’autre. Il faudra me tuer.

Emelys sourit patiemment.

— Le souhaites-tu, Elimdor ?

— Non, car mon désir le plus cher est de voir naître le fruit de mon amour.

Le Dieu ne put retenir un ricanement de mépris.

—  Cet enfant n’aurait jamais dû être conçu. Une telle créature n’était pas prévue par les Dieux !

Elimdor sentit à nouveau la colère envahir sa chair. Il se souvint qu’il était impossible de discuter avec un Dieu car, sous un aspect amical, en réalité, il n’écoutait jamais. Il contint ses émotions et les en-ferma au plus profond de lui.

— Mais sa destinée sera grande, et tu le sais.

— Peut-être... nous verrons... Mais ceci ne dépend pas de toi.

— Je ne souhaite plus la guerre. Dis à ton père de nous laisser vivre dans la paix, et les Dragons ja-mais ne fouleront le sol de ce royaume.

— Amalis ne peut accepter ta proposition.

— C’est pourtant la seule que j’ai à lui offrir.

Emelys grimaça, exprimant ainsi sa contrariété, puis se laissa soulever par la brise.

— Dans ce cas, tu viens de signer une nouvelle dé-claration de guerre. Une dernière fois, repars en Draconie et laisse l’humaine sur ces rivages.

— Jamais !

— Tu as donc choisi… Dans trois jours, une croi-sade sera lancée pour détruire ton empire.

Emelys disparut avant d’avoir fini de parler, mais ses paroles flottèrent longtemps au-dessus des mers, résonnant jusque dans la caverne où se ca-chait Lathia. Elle pleurait, car la douleur de son amour était terrible. Les Dieux ne comprenaient pas que l’enfant qu’elle portait serait le symbole d’une nouvelle paix entre eux et les Dragons. Ils détruisaient tous les espoirs avant même qu’ils ne puissent voir le jour. Elle regarda Elimdor revenir auprès d’elle, anéanti.

Il s’allongea à ses côtés, désespéré.

— Je ne peux causer la destruction des miens, mon amour, mais je ne peux te laisser. Mon cœur s’af-faiblit, je ne suis plus digne d’être le seigneur des Dragons de Lumière.

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— Tu dois retourner là-bas.

— Que dis-tu ?

Lathia sentait la force et la chaleur déjà puissante de son enfant, et ceci lui donnait du courage. Son cœur éclata sous la douleur infligée par ses propres mots, mais elle savait qu’il ne pouvait en être au-trement.

— Tu dois montrer aux tiens que tu ne les as pas abandonnés. Je vais m’exiler et donner naissance à notre enfant, loin des miens et de toute vie. Je sais que le jour viendra où nous pourrons nous aimer librement, alors nous serons heureux. Mais les épreuves ne font que commencer mon amour. Repars... maintenant…

Elle coupa une mèche de ses cheveux et la glissa dans la main d’Elimdor en lui offrant un dernier baiser, puis elle sortit de la caverne et disparut de la vue du Dragon qui saignait de toute son âme.

Brisé, Elimdor jaillit à son tour de la caverne et cou-rut de toutes ses forces sur la plage, abandonnant son corps humain. Dans un grondement terrible, il déploya ses ailes et fendit les airs violemment, prenant son envol vers les terres de Draconie.

De retour en DraconieLes Dragons soufflèrent de soulagement en aper-cevant leur maître atterrir. Tous, sauf Eleänis, la matriarche. Elle était la plus clairvoyante de tous, et la plus perspicace aussi. Elle avait été la pre-mière à soutenir Elimdor alors qu’il défendait l’en-fant demi-dragon, et sa loyauté était forte. Mais elle ne s’inclina pas devant son seigneur lorsqu’il passa devant elle, éteint et sans joie. Elimdor ne la regardait pas. Il ne souhaitait rien et ne voulait rien d’autre qu’on le laisse en paix.

Eleänis comprit ce qu’il venait de se passer. Prise de panique, elle se mit sur la route du seigneur et le fixa de ses yeux perçants.

— Tu rapportes une malédiction. Je peux la sen-tir… je peux entendre son grondement en toi. Qu’as-tu fait Elimdor ? Qu’as-tu fait…

— Silence, femelle. Ne me parle… plus... jamais...

A ces mots, Eleänis recula, la peur s’insinuant dans tous ses pores. Elle le laissa passer et l’observait gravir sa montagne. Le seigneur des Dragons ar-riva au sommet du pic le plus haut, et s’y percha pour y libérer sa tristesse…

La nouvelle du départ d’Elimdor du royaume des humains arriva à temps dans celui des Dieux. Ama-

lis fut satisfait de cette réussite. Aucun sang n’avait été versé et les choses reprenaient leur cours. Ce-pendant, tout ne serait jamais comme avant. La-thia avait disparu et portait une abomination dans ses entrailles. Il pouvait sentir sa puissance, mais ne parvenait à la voir. Ainsi soit-il, les Dieux ve-naient de prendre leur décision. Le destin décide-rait quoi faire de cette nouvelle pièce et, peut-être, serait-elle l’arme la plus terrible jamais conçue qui détruirait à jamais le peuple de Draconie.

Le destin de LathiaLa jeune Lathia s’était enfuie de sa terre natale. Sans un adieu à ses parents, elle avait couru droit devant elle, en longeant les côtes, toujours plus loin, sans jamais s’arrêter. Elle savait que la force nécessaire à ce voyage lui venait de son enfant. Elle ne pouvait décevoir ses attentes et s’éloigna vers l’Est, derrière les montagnes perdues, puis trouva refuge à l’intérieur d’une forêt qui séparait le conti-nent en deux parties. Elle savait que jamais per-sonne ne viendrait la trouver là, car cette forêt ca-chait de mystérieuses bêtes effrayantes. Mais elle ne craignait rien, car aucune créature inhumaine ne souhaiterait lui faire de mal.

Et ce fut le cas. Le danger était loin, et les ani-maux l’avaient accueillie. Elle apprit une nouvelle vie, comprit nombre de choses depuis longtemps oubliées, avait de nombreuses visions et sentit les pouvoirs que son amour lui avait offert se dévelop-per, sublimés par la présence de l’enfant à naître. C’était une fille, et elle serait la plus respectée et la plus puissante des impératrices, car la mort ne l’at-teindrait pas et la puissance des Dragons dormait dans ses veines.

Elle fit de ce lieu son sanctuaire et son palais. Elle domestiqua des animaux et les mit à son service pour préparer l’arrivée d’Aeniel, la future impéra-trice d’Etherna.

La naissance d’AenielCe jour arriva et les orages éclatèrent sur toutes les terres à ce moment précis. Les océans furent secoués, provoquant des raz de marée, et la terre trembla par endroits, détruisant des villages en-tiers sur tout le territoire, loin... très loin du pa-lais de Lathia. Ainsi Aeniel vint au monde en cette nuit maudite et semée de morts, annonciatrice du Chaos qui se profilait.

Elimdor releva la tête dans le grondement d’un éclair qui venait de tomber à ses pieds. Son enfant était née et cette nouvelle réchauffait son cœur. Sa

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bien-aimée avait raison. Le temps viendrait pour eux de se retrouver, mais en attendant, il avait un royaume à diriger. Les femelles souhaitaient engendrer, et il fallait que le sang d’Elimdor per-dure. Il n’avait d’autre choix que de se résigner. Il féconda plusieurs femelles et retourna sur son promontoire pour surveiller le royaume d’Ether-na avec l’espoir d’entrapercevoir sa fille et Lathia au moins une fois... juste une fois. Ce bonheur ne lui fut jamais offert. Durant de longues années, il régna sur le royaume des siens, avec justesse et ri-gueur, et rien ne put lui être reproché, mais son cœur était à jamais brisé.

L’enfant grandissait, et ses pouvoirs se dévoilaient. Elle était d’une intelligence redoutable, et sa viva-cité d’esprit en devenait effrayante. Mais Lathia l’idolâtrait et l’élevait de son mieux, la préparant à prendre possession du monde. Alors elle pourrait lui demander de faire venir Elimdor sur Etherna. Les années passèrent dans la forêt perdue, tandis que l’enfant apprenait à maîtriser la magie noire, l’alchimie, la manipulation des vies et des esprits. Elle ne craignait rien et son courage était grand. Quelques années suffirent à faire d’Aeniel une jeune femme d’une beauté froide et envoûtante. Elle savait parler aux bêtes et n’avait aucun mal à les rallier à elle. Ainsi elle monta une petite armée à l’abri des regards, et dans l’ignorance totale du reste du monde.

La fin d’ElimdorSur les terres de Draconie, la malédiction an-noncée par Eleänis se montra au grand jour, car la naissance des premiers Dragonnons était sur-venue. Ils étaient semblables à leurs parents, mais leurs écailles, plus sombres, dégageaient une aura maléfique. Malgré leur jeunesse, ils ne pensaient qu’à faire le mal autour d’eux. Ils étaient destruc-teurs et antipathiques, se déplaçant toujours en groupe, et ce, dès leur naissance. Elimdor fut aver-ti, et il se rendit auprès de ses rejetons. Il comprit alors que le présage était vrai, et qu’il avait engen-dré une race nouvelle moins puissante, mais qui allait faire proliférer le mal sur toute terre. Il renia ses fils et les bannit de son royaume, maudissant leur naissance.

Alors Eleänis exigea d’Elimdor qu’il abatte ces jeunes Dragonnons, appuyée par les autres fe-melles du clan. Mais il refusa. Elles décidèrent qu’il ne méritait plus sa place de seigneur, car son cœur s’était affaibli. Elles lui tendirent un piège alors qu’il retournait dans sa caverne, épuisé et désespéré.

Sans lui laisser le temps de prendre conscience de ce qui l’attendait, elles le précipitèrent ensemble à l’intérieur d’un cercle magique qui se referma sur lui et l’emprisonna solidement. Usant de toute leur essence magique, elles matérialisèrent autour du corps de leur seigneur un cristal trop solide pour que quiconque puisse le détruire, pas même un Dieu.

Voyant cela, les autres Dragons ordonnèrent aux deux femelles de libérer leur chef.

Eleänis serra ses crocs et les fit grincer.

— Elimdor n’est plus digne d’être notre seigneur.

— Tu divagues ! Il est le premier des premiers Dra-gons, fils chéri de la Lumière-Mère.

— La Lumière-Mère l’a abandonné ! Regarde. Re-garde ses rejetons.

— Mais c’est peut être toi qui lui as jeté cette malé-diction, après tout, reprit un autre Dragon.

— Non. Je ne l’ai pas fait. Laisse-nous passer main-tenant. La sentence est tombée et jamais Elimdor ne se libérera.

Phtelos, qui était le plus sage, s’éloigna, car il pen-sait que tous devenaient fous. Il prit la place de son frère au sommet du pic, et surveilla à son tour les mouvements perceptibles du continent des mor-tels. Mais Phartam ne pouvait contenir sa rage. Un tel affront à son seigneur ne pouvait être pardon-né. Il siffla d’un ton glacial, camouflant à peine la tempête qui tonnait en lui.

— Libère… le… femelle!

Eleänis se retourna alors en silence et s’éloigna, sui-vie de sa fille Rimien, qui était comme elle, puis les deux Dragonnes s’envolèrent vers le nord. Alors, d’autres Dragons, avec à leur tête le plus comba-tif de tous, Phartam le guerrier, firent battre leurs ailes et se lancèrent à la poursuite des traîtresses dans un ballet vertigineux qui brisa les nuages et les colonnes de souffre des volcans. Les éléments entrèrent à leur tour dans une colère ravageuse, déversant leur matière en fusion, obscurcissant le ciel tandis que les géants des cieux se livraient un combat acharné, telles des ombres chinoises dan-sant dans l’âtre d’un brasero. Tous ceux qui étaient restés au sol contemplaient, la gorge serrée, le des-tin s’accomplir et le chaos entrer dans leur vie. Ja-mais jusqu’à ce jour un Dragon n’avait combattu l’un des siens. La terre gronda et se lamenta. Elle ouvrit de nouvelles brèches en son cœur, laissant jaillir son sang rougeoyant comme de hautes va-gues dévastatrices.

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Les jeunes Nécrodragons profitèrent alors de cette diversion inespérée pour fuir leurs ancêtres, et se fondirent dans les vastes terres désolées. Eleänis, mortellement blessée, fendit les airs et s’écrasa dans la mer du nord tandis que sa fille sombrait lentement, gisant au bord d’une profonde crevasse que la terre avait percée pour elle.

Phartam ferma les yeux en prenant conscience de son acte, et une larme coula le long de sa joue, faite d’or et de lumière, qui virevolta lentement comme un léger flocon de neige au sommet du Royaume des Dieux. Mais il était trop tard. Il vira de bord et revint auprès des siens, silencieux et froid comme le marbre. Sous leurs yeux, il s’épuisa contre le cris-tal de son frère, essayant toutes ses faces, utilisant toute sa force et toute sa ferveur, crachant braises et flammes à maintes reprises. Mais rien n’enta-ma la surface transparente de la prison magique. Phartam, épuisé, s’écroula à ses pieds, implorant son pardon et sa clémence. Il prit la place de chef, attendant que l’on trouve le moyen de briser les chaînes d’Elimdor. Quiconque oserait s’opposer mourrait. Mais tous les Dragons s’inclinèrent et Phartam devint le nouveau seigneur, protecteur du cristal maudit.

Le trône d’AenielLes années passèrent et Aeniel grandit. Elle était prête à se montrer au grand jour, mais son cœur saignait, car Lathia venait de rendre son dernier souffle. Au lieu de laisser sa tristesse s’exprimer, elle s’en servit pour devenir plus froide encore, et fermer plus encore son cœur. Elle réunit ses ser-viteurs, empoigna les armes qu’elle avait forgées, puis se rendit dans la ville qui vit naître sa mère pour y imposer son autorité.

La cité s’était affaiblie après le départ de Lathia, et Aeniel était attendue, car sa venue avait été annon-cée par tous les prophètes du monde. Ses pouvoirs étaient grands. Elle monta sur le trône de ses an-cêtres sans verser ni sueur, ni sang. Le règne de l’impératrice Aeniel commença. En peu de temps, usant de stratégies semblant parfois cruelles et sanglantes, elle vit son territoire s’agrandir, et ses alliés d’intérêt se presser à ses portes. Tous ceux qui s’opposaient à ses lois se voyaient pendus sur les places publiques, ou tués sans procès. Aeniel était cependant une femme juste et sage. Elle évita nombre de guerres en obtenant des accords avec les royaumes voisins, et s’assura du bien-être de ses sujets, avec une attention toute particulière.

Elimdor, grisé par ce que devenait sa fille et l’espoir qui revenait avec elle, chercha en lui la force de créer un lieu où pourraient se rendre les âmes des mortels de son choix. Il les toucha de sa grâce et leur offrit le don du rêve. Les Rêveurs étaient des êtres exceptionnels, dotés d’un don exceptionnel. Ils pouvaient entrer dans le royaume du Dragon afin de découvrir la destinée des peuples, ou cher-cher des réponses parmi les signes qu’Elimdor leur laissait.

Depuis ces temps reculés, le grand Seigneur, père des Dragons de Lumière, pleure de désespoir et de rage, dans sa prison de cristal. Depuis ces temps reculés, les Nécrodragons, fils et descendants maudits d’Elimdor, vont et viennent à leur guise, exterminant ceux qui s’opposent à eux. Depuis ces temps reculés, Aeniel, fille de Lathia et d’Elimdor, gouverne d’une main de fer la grande Etherna…

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LA FIÈVRE NOIREPourquoi s’est-elle abattue sur le monde, apportant malheur, désespoir, famine et maladie sur toute la surface d’Etherna ?

Les ScientistesD’éminents scientistes avancent qu’il s’agirait de l’évolution naturelle de la peste draconique. Cette maladie aurait provoqué le déclin, et la fin, des dra-gons de jadis et aurait sommeillé durant des mil-lénaires dans leurs ossements. Ces restes retrou-vés par les archéologues, parfois à plus de trente mètres de profondeur, auraient été porteurs de la Fièvre Noire. Très volatile, elle aurait trouvé les hôtes parfaits : des Dragons de moindre taille qui survolaient les cieux pacifiquement, venus de la Draconie, continent lointain à l’est d’Etherna. Mais le métabolisme de ces créatures n’était pas exacte-ment identique à celui que la maladie connaissait. Au lieu de les tuer, elle les f ît muter et les transfor-ma en monstres sanguinaires, les premiers non-morts que l’on nomme à présent Nécrodragons. Ces monstres, jadis beaux et majestueux, s’atta-quèrent à tout ce qu’ils voyaient, poussés par une pulsion meurtrière irréversible.

Ils continuèrent à survoler les royaumes des mor-tels, déversant cette peste mutante qui s’avéra être aussi virulente et dangereuse pour les peuples et les races mortelles. Depuis ces temps, elle voyage à travers les terres sous le nom de fièvre noire. Aucun remède, aucune protection n’existe, hormis l’éloi-gnement. A cette heure, le Pôle des Sciences conti-nue ses recherches et garde bon espoir de trouver le remède qui anéantira cette pandémie une bonne fois pour toutes. La version des croyants, elle, re-late les prophéties et les anciens chants annonçant l’arrivée d’une nouvelle ère, sombre et triste.

Les pro-dieuxLes peuples proches des Dieux savent que la na-ture n’est en rien dans la création de cette mala-die, car la nature est enfant des Dieux. Comment pourraient-ils infliger tant de souffrance aux mor-tels qu’ils aiment ?

En réalité, les Dragons, dans un dernier défi, preuve de leur cruauté, envoyèrent les Nécro-dragons à l’assaut d’Etherna, messagers de haine et porteurs de malheur. Depuis leur terre d’exil, la Draconie, ils rient de voir le chaos envahir les

plaines et attendent l’heure de leur revanche. Seuls les Dieux peuvent ramener la paix et, pour cela, il faut les prier et respecter leur volonté.

Les pro-dragonsLes pro-dieux trouvent leur antithèse dans les peuples qui soutiennent les Dragons contre vents et marées. Ils savent écouter les signes de la terre et le chant des brises d’hiver.

Certains savent même rêver et entendre la voix des grands Dragons de Lumière. Ceux-là prophé-tisent et inspirent les consciences collectives. Par amour, Elimdor défia Amalis et provoqua la colère des dieux. Par égoïsme, Amalis déversa sur les descendants de son pire ennemi une malédiction que lui-même ne pouvait arrêter : la Fièvre Noire.

Les Dragons ne souhaitent pas se venger ainsi. Ils ne demandent rien et ne peuvent que pleurer la fin d’un monde qu’ils avaient rêvé et construit avec leur âme.

L’évolution de la pandémieAu fil du temps, la Fièvre Noire évoluait, et d’autres formes d’ignominies apparaissaient après la mort des victimes. De cruelles monstruosités mi-hommes mi-bêtes qui se rassemblaient en clans adverses, ou bien des ombres rôdant dans les fo-rêts, sans but ni conscience. C’est le cas des Colle-rettes, longs champignons filiformes se déplaçant lentement et se nourrissant de la sève des arbres. Ils étaient à l’origine d’anciens Phytes respectueux de la nature ayant contracté la maladie. Ceux-là ne représentaient un danger que pour la flore locale et ne se montraient jamais aux vivants.

La véritable menace venait des autres mutations. Les Wolfangs, les Tarenhnoirs, les mangeurs d’âme, souffleurs d’essence, tigres de brume, troncs mouvants, et bien d’autres encore... Autant de nouvelles espèces sanguinaires, brutales et aussi destructrices que nombreuses. Etherna comptait plusieurs centaines de milliers de ces créatures, réunies en clans par instinct et qui ne souffraient d’aucune morale. Des bêtes primaires, gouvernées par le plus fort d’entre elles et qui devait défendre son rang de chef par la force brute, régulièrement remis en question par ses concurrents. Par chance, la mutation enlevait à ces créatures la possibilité de se reproduire entre elles. La seule croissance possible était celle due à l’arrivée de nouveaux membres, récemment atteints par la fièvre noire.

Lorsque deux de ces espèces se rencontraient, une bataille sanglante éclatait sans sommation,

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oubliant jusqu’aux raisons qui les avaient pous-sées sur les terres d’autres créatures. Certains s’appropriaient les forêts, d’autres avaient réus-si à cohabiter avec les anciens êtres des tunnels, d’aucuns n’hésitaient à voler les nids et les tanières d’animaux paisibles. Parfois, ils se déclaraient la guerre entre clans, et ces périodes étaient les plus propices pour que les vivants organisent des cam-pagnes d’épuration, comme ils aimaient à l’appeler. Mais tous ne pouvaient participer à ces opérations sans risquer de tomber irrémédiablement malade.

L’essence de vie, elle, travaillait aussi en secret du-rant ces millénaires. Les «  Immunisés » virent le jour. Cette faveur de la nature ne touchait que peu de mortels, mais ceux-ci avaient une grande res-ponsabilité. Ils se devaient de défendre leurs sem-blables contre les hordes et les Nécrodragons, les

repousser au plus loin pour que la fièvre ne puisse atteindre les cités, et se déplacer de ville en ville afin d’aider les autres à se défendre.

Les Guildes, de la plus puissante à la plus insigni-fiante, s’emplissaient de ces êtres qui assuraient la sécurité, les trajets, les combats et les ambassades d’une cité à l’autre. Elles prirent alors une ampleur inégalée, s’insinuant dans toutes les couches de la société. Un enfant né Immunisé avait son avenir tout tracé. Qu’il soit né mendiant ou issu d’un notable, il entrait dans l’une de ces Guildes et la servait loyalement jusqu’à son dernier souffle. Et tandis que les mortels s’organisaient et devenaient plus fort contre le fléau, les hordes grandissaient dans l’ombre et envahissaient les territoires les plus hostiles.

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LA NON-MORTL’état de non-mort est l’issue systématique résul-tant de la Fièvre Noire. Les scientistes du monde d’Etherna ne sont pas en mesure de comprendre et, surtout, de traiter ce qui provoque cette mala-die, bien qu’ils soient sur une piste de plus en plus précise. Hélas, leur technologie n’est pas assez avancée pour continuer ces recherches de manière efficace.

Qu’est ce que la non-mortEn réalité, il s’agit de micro-organismes volatiles qui trouvent refuge dans les corps vivants de toute origine. Végétal ou animal, l’important pour les « agents noirs » est de pouvoir se nourrir des es-sences dont sont composés tous les êtres vivants de ce monde.

Une fois dans le sang de l’hôte, les micro-orga-nismes « avalent » les essences présentes, ce qui provoque une intense fièvre, des vomissements, des convulsions, et enfin la mort. La durée d’incu-bation est variable en fonction de la constitution des personnes atteintes. Environ deux jours chez les sujets les plus fragiles, et jusqu’à dix pour les plus résistants. Le corps, vidé de ses essences, de-vient ensuite un «  moyen de locomotion  » pour les micro-organismes et se ranime, à la recherche de nouvelles victimes. En même temps que cette forme de résurrection, une nouvelle conscience nait, instinctive et primaire.

Les non-morts, poussés par le besoin impérieux de nourrir ces parasites, se réunissent en hordes afin de chasser ensemble. Une hiérarchie se met progressivement en place, au fur et à mesure que ces individus accumulent l’expérience sous cette forme de vie. Plus les années passent, plus les victoires s’enchaînent, et plus ils sont dangereux. Avec le temps, ils deviennent capables de stratégie basique, de réactions adaptées et de communica-tion entre eux. Ils peuvent aller jusqu’à s’allier avec d’autres hordes de leur niveau, s’ils y trouvent un intérêt passager. Par chance, ils ne sont pas immor-tels. Beaucoup sont tués au cours d’affrontements avec d’autres non-morts ou contre les Immunisés. Les plus « chanceux » parviennent à vivre encore

vingt ans avant d’être complètement invalides et trop décomposés pour continuer à se nourrir. En résumé, les jeunes hordes sont rapides et agiles, mais inexpérimentées, donc faciles à abattre. Les anciennes hordes sont disciplinées mais ralenties par l’âge et la décomposition.

Pour se nourrir, ils immobilisent leur victime en-core vivante et aspirent ses essences grâce à une profonde inspiration, juste au-devant de sa bouche maintenue ouverte. Le fluide s’échappe vite, aus-sitôt avalé par le non-mort qui délaisse ensuite le corps inerte pour se concentrer sur un autre vi-vant.

S’il reste une essence dans le corps des victimes, elles peuvent être sauvées, mais dans l’unique cas où elles sont Immunisées.

Lutter contre la fièvre noireSi un non-mort revient à la vie après n’importe quelle blessure, même létale (mise à part la des-truction du cerveau), il n’est pas indestructible pour autant. On peut le tuer grâce à quelques coups d’épée dans les organes vitaux, ou en lui tranchant la gorge et le vidant de son sang, par exemple.

Néanmoins, les micro-organismes ne meurent pas tout de suite et peuvent infecter un non-immunisé s’il se trouve « à portée », à savoir quelques mètres.

Le feu détruit l’agent noir, ainsi qu’une exposition de plus de douze heures à l’air. Il est donc possible de revenir dans un bâtiment quelques jours après une invasion, que l’on soit Immunisé ou non, ce qui évite d’avoir à mettre le feu dans toutes les ci-tés ayant subi une invasion au cours de l’histoire d’Etherna. C’est aussi l’un des moyens répandus de protection des populations sensibles. En effet, l’alimentation non cuisinée doit être conservée au moins deux jours en plein air avant d’être consom-mée.

L’eau n’est pas conductrice de la maladie. Elle ne peut pas se contracter par les pluies, ni la traversée d’un fleuve. Sous les mers, cohabitent des poissons infectés (par morsure), d’autres indemnes mais sensibles, et d’autres encore qui sont Immunisés. La pêche est donc possible, mais il faut faire atten-tion à l’animal qui mordra à l’hameçon.

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IMMUNISÉSNaître immunisé sur Etherna n’est pas rien. La population mondiale compte 10% d’immunisés contre 90% de non-immunisés, ce qui veut dire qu’une grande partie des mortels reste sensible à la fièvre noire et ses conséquences. Pour assurer leur protection, ils ne peuvent compter que sur la minorité capable de se trouver en contact avec les non-morts sans subir le sort désastreux qui en dé-coule. Ils sont par conséquent favorisés en matière sociale et pris en charge par les Guildes qui les ac-cueillent.

L’enfance de l’ immuniséLa marque de cette défense immunitaire se voit plus facilement sur un nouveau-né que sur le corps d’un adulte. Plus nette et aux contours francs, elle ne laisse aucun doute sur l’indiscutable apparte-nance de l’enfant au grand relèvement des races mortelles.

Reconnus par les agents recenseurs qui parcourent les terres à la recherche des nouvelles recrues des Guildes, les enfants sont laissés aux bons soins de leur famille jusqu’à l’âge de huit à dix ans. L’année qui précède leur entrée dans une Guilde est dédiée à une succession de testes sur leurs compétences innées, car tout immunisé détient une destinée précise et des prédispositions particulières que n’ont pas les autres mortels.

Si cette protection apparait dans les familles de façon aléatoire (un couple non-immunisé peut mettre au monde un ou plusieurs enfants immu-nisés, de la même façon qu’un couple immunisé n’aura peut-être pas la chance d’avoir un enfant immunisé), les vocations premières de ceux-ci le sont tout autant. Un immunisé né dans une famille de commerçants sera peut-être décelé comme un futur excellent membre des Frères d’Armes ou des Fils du Vent.

Le parcours de l’immuniséLorsque sa vocation est enfin apparue, le jeune doit se rendre auprès de la Guilde qui lui corres-pond et commencer son parcours. Les études en-treprises dépendent de chaque métier. Leur durée varie selon les connaissances nécessaires à leur fu-ture fonction. Cependant, l’origine sociale de l’im-munisé entre en jeu.

Les immunisés ont certes un avenir tout tracé, ce-pendant, les enfants issus de classes sociales basses devront se surpasser pour atteindre un poste éle-vé dans leur Guilde. C’est donc un cas possible, mais rare en comparaison des étudiants issus des grandes familles auxquels sont accordées plus de « facilités ». En effet, le népotisme et la corruption ne sont pas rares, surtout dans les cités évoluées. Ainsi, à niveau équivalent, les Guildes favoriseront les enfants de classe moyenne et haute pour occu-per un poste d’importance, moyennant quelques compensations financières ou matérielles. Bien entendu, ces moyens profiteront toujours à la Guilde dans son ensemble, selon les dires de ses dirigeants.

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Extrait du rEcuEil " la NoN-Mort "» ProfEssEur alExiN sourk’taïl

GraNd MaîtrE dEs soufflEurs dE ViE (5845-5902)

Premier Chapitre | Etherna

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Mes années de recherches m’ont assuré de pouvoir prétendre ici au verdict prouvable et non-opposable sur les causes et les conséquences de ce que nous ap-pelons la «Fièvre Noire».

Depuis l’aube de cette nouvelle ère sombre, nous avons compris que la Fièvre Noire est une maladie volatile et contagieuse. Elle se répand par l’air et le toucher. La distance létale de la contamination ré-side dans la proximité de deux mètres autour d’une horde de faible taille, et d’un maximum de dix mètres lorsqu’il s’agit d’une masse d’innombrables infestés. L’influence du vent reste importante, mais la contamination ne peut excéder vingt mètres par grand vent, car ce qui compose la maladie dépérit rapidement, surtout au contact de l’air ou du feu.

Ce qui fait d’elle un fléau sans précédent est son im-pressionnante capacité à résister aux remèdes ha-bituels et sa rapidité d’action. Mais quelle en est la cause ?

Nous allons établir ici le résultat de plusieurs théo-ries de mes chers confrères, auxquelles je me joins sans réserve.

Les responsables sont de petites créatures de la même taille que celles qui provoquent un simple rhume. Nous allons les nommer « Soldats Noirs ». Ils pénètrent dans le corps, s’y installent, puis se nour-rissent des essences de leur victime. Nous savons que les essences dont nous sommes faits assurent notre survie, elles nous permettent de respirer, de bouger et même de penser. De la même façon que le ferait un « Souffleur d’Essence », ces abominables petites créatures capables d’ôter l’une de celle-ci, les Soldats Noirs, nombreux, s’en nourrissent jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien et que la mort prenne la victime.

Sans hôte, cette maladie ne peut survivre, c’est pour-quoi les Soldats Noirs ont développé le pouvoir de ranimer leur victime afin de partir en chasse de nouvelles essences et de se déplacer sans l’aide du vent à une distance bien plus lointaine qu’ils ne le pourraient eux-mêmes. Après avoir absorbé le flux vital, ils provoquent une réaction similaire au noir-sang lorsqu’il est trop secoué  : une explo-sion à moindre échelle, mais néanmoins suffisante pour réveiller le corps et lui donner assez d’énergie pour se mettre en chasse aussitôt, ce qui explique la frénésie soudaine dont sont pris les non-morts à leur naissance. Il faut deux à dix jours pour que la Fièvre Noire tue son porteur, même si les symptômes n’apparaissent que vers la toute fin de son incuba-tion. Toux, fièvre, évanouissement, hémorragies in-

ternes sont autant de signes alarmant et prédisant la fin rapide du malade. Une fois la mort constatée, le corps se trouve rapidement soumis à de violentes secousses puis se relève vidé de toute émotion, sou-venir ou conscience, obsédé par l’unique objectif de voler les essences des vivants qui l’entourent. Sans l’apport de leur alimentation principale, les Soldats Noirs dépérissent et meurent, emportant avec eux le non-mort auquel ils ont donné naissance. Nous avons établi qu’une essence nourrit un non-mort pour un mois, car leur nouvelle constitution per-met à la maladie de ralentir les besoins vitaux des deux parties. A la suite d’une chasse, le non-mort peut donc se constituer un capital suffisant à sa survie d’une durée de cinq à six mois sans souffrir des conséquences de la famine de ses envahisseurs. Il peut abriter jusqu’à dix essences dans son corps, en prévision d’une longue période de disette. Hormis cette obligation, il peut se passer de nourriture et d’eau sans le moindre problème.

Si les Soldats Noirs peuvent ranimer un mort, ils ne peuvent empêcher totalement sa putréfaction. L’agitation dont les infestés font montre, favorise la circulation de leur sang et ralentit le processus. Mais tôt ou tard, la dégradation de leur chair les rattrape et les abat. Nous avons estimé le temps qu’il faut à ces créatures pour être dans l’impossibi-lité de se déplacer à 20 ans maximum. S’ensuit une lente décomposition qui met fin à leur vie, les rédui-sant à un tas de poussière en seulement quelques semaines. Les cristaux d’essence, dont nous consti-tuons nos orbes à partir de ces poussières, sont sans danger pour les non-immunisés, tous les Soldats Noirs ayant disparu.

Les non-morts, nous l’avons dit, naissent sans conscience ni mémoire de leur ancienne vie. Ce-pendant, il existe des hordes capables de stratégie primaire et de réflexion basique. Ce phénomène s’explique par l’expérience accumulée au fil des années de leur non-mort. Les mesures réalisées par Santoash, maître incontesté de notre temps en matière d’observation des non-morts sur le terrain, conduiraient à l’hypothèse qu’il faut entre quinze et vingt ans à ces créatures pour développer une forme d’intelligence suffisante pour anticiper et imaginer des plans d’attaque réfléchis. Ce qui nous mène à la question: comment communiquent-ils entre eux ? Le Pôle des Sciences est sur le point d’ouvrir un service de recherches expérimentales sur tous les thèmes de la non-mort afin de trouver le moyen de repousser la fièvre noire et ses conséquences hors de notre continent.

Page 23: Extrait Background DragonDead

Comportements de sécurité de première urgence à l’attention des non-immunisésPendant l’attaque et les cinq jours suivant la fin des hostilités :• Restez enfermés chez vous, volets, fenêtres et portes closes.• Abritez les animaux domestiques dans une pièce fermée.• N’accueillez aucun visiteur jusqu’à la fin de l’alerte.• Attendez le passage des Souffleurs de Vie pour vérification d’absence de fièvre noire dans votre foyer• Attendez la fin de l’alerte avant de sortir.En cas de transgression des plans de sécurité sanitaire, le contrevenant sera abattu à vue.

Comportements de sécurité de première urgence à l’attention des immunisés• Les combattants doivent se tenir à disposition de la défense de la ville.• Les immunisés présents dans la cité doivent s’organiser afin de mettre en place une surveillance du respect du protocole sanitaire des non-immunisés par des rondes serrées dans les rues jusqu’à la fin de l’alerte.• Tout soigneur doit se mettre à la disposition des Souffleurs de Vie afin de contrôler les foyers des non-immunisés cinq jours après l’attaque. Les éventuelles sources d’infection doivent être signalées aux Frères d’Armes dans les plus brefs délais.• En cas de transgression de la part d’un non-immunisé, par ordre impérial, le contrevenant devra être abattu.

Extrait dE la propagandE Extrait de la propagande des Souffleurs de Vie sur les mesures sanitaires en cas de pandémie (5986)

Premier Chapitre | Etherna

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Page 24: Extrait Background DragonDead

AENIELUne sombre nuit porteuse de présages, le vent souffla, sur toutes les terres, l’arrivée d’un nouvel âge car Aeniel était née. Les éclairs frappaient aux portes des châteaux et enflammaient des chênes ancestraux, tandis que les tempêtes soulevaient les baleiniers dans la baie d’Elathian. Lathia avait disparu depuis de nombreuses années. Son enfant grandissant dans ses entrailles lui apporta force, longévité et magie durant des années entières. La-thia savait que cet enfant allait être une créature hors du commun. La jeune femme avait fui les siens et s’était précipitée sans peur à l’intérieur de la Forêt des Sombres. Elle y avait trouvé l’endroit idéal. Elle asservit bêtes et plantes afin d’offrir à sa fille un lieu sûr où elle pourrait grandir et attendre le jour de son règne.

Tandis qu’une citadelle de lianes, de ronces et de troncs épais se formait, Lathia apprit la magie et illumina son château vivant de braseros éternels. La jeune femme, douce et mélancolique, laissa place à une puissante et froide magicienne. La fo-rêt frémissait d’impatience. Les serviteurs se pres-saient aux portes de la forteresse végétale depuis des jours. Enfin, une puissante lumière inonda la chambre dans laquelle Lathia donnait la vie, dans un ultime effort après des jours entiers de labeur. En même temps que son enfant, les puissants pou-voirs dont elle avait hérité d’Elimdor jaillirent de son corps meurtri. Elle le sentait, et la peur s’insi-nua en elle pour la première fois depuis longtemps. Mortifiée, sans voix, elle tendit les bras vers son enfant et la lova dans ses bras encore tremblants. Leurs yeux se croisèrent pour la première fois et les doutes, la peur et le froid qui s’insinuaient dans son âme cédèrent la place à un amour sans limite.

La rêve de LathiaSans un cri, Aeniel était sortie du ventre de sa mère, car elle l’avait décidé. Elle observa son royaume méthodiquement de ses yeux d’ambre et respira profondément l’air du renouveau arrivant. Elle était d’une beauté divine. Et sa peau, pâle comme l’aube, reflétait l’intensité de sa force vitale. Son regard était déjà digne et intelligent. Hypnotique. Les deux âmes se sondèrent et se lièrent étroite-ment. Aeniel sentait la faiblesse de sa mère. Elle ne demanda rien ce jour-là et plongea sa mère dans un sommeil profond et salvateur. Lathia sombra dans le néant du dormeur malgré elle. Aussitôt,

la pénombre habituelle et le silence du sommeil se brisèrent. Une longue plage se dévoilait à ses pieds, faite de roches abruptes plongeant dans un océan secoué d’immenses vagues. Comme l’aurait fait un grand oiseau, elle prit son envol et glissa dans les airs au-dessus de l’eau. Elle riait de bon-heur devant ce spectacle grisant, persuadée que rien ne pouvait lui arriver, qu’elle était invincible.

Attirée par le large, elle fendit les nuages sans se retourner, toujours curieuse de ce qu’elle trouve-rait de l’autre côté. Mais lorsqu’elle prit conscience de la distance qu’elle venait de parcourir, Etherna n’était plus qu’un point sur l’horizon. Elle ten-ta de faire demi-tour, sans succès, car ses ailes la menaient toujours plus loin vers le large et lui faisaient traverser des tempêtes et des orages tita-nesques qui brisaient la mer sur plusieurs mètres de profondeur, avant de faire remonter la cime des vagues dans un fracas assourdissant. Elle comprit les récits des navigateurs et reconnut ce que les an-ciens nommaient « la Porte du Dragon ». Elle leva les yeux et regarda plus loin, où l’emportaient les vents contre sa volonté. Un continent déchiré ap-parut, surmonté d’une haute montagne de roches saillantes entourée de volcans qui dégageaient une épaisse fumée sombre. La Draconie... Lathia lutta de toutes ses forces. Elle avait peur et ne pensait plus qu’à faire volte-face pour fuir cet endroit ter-rifiant, mais quelque chose en elle lui interdisait de céder. Il fallait continuer et entrer dans la terre des Dragons. Il fallait trouver Elimdor, le père des Dragons de Lumière. En quelques instants, les plages défilaient devant elle, d’un beige éclatant, parsemées de roches aussi noires que les ténèbres. Plus loin, de vastes plaines poussiéreuses et sans couleur s’enfonçaient plus au nord jusqu’à cette montagne, mère d’une immense chaîne faite de la même roche et qui brisait l’horizon. On avait l’im-pression qu’elle touchait le ciel de sa cime aiguisée.

Lathia estima que sa base était aussi large que la Lathaen Nord, et ses flancs montaient abrupte-ment jusqu’à un plateau rougi par le magma. Par chance, ce n’était pas sa destination. Rapidement, elle s’engagea dans une brèche de la montagne et pénétra dans son cœur, dévalant le long tunnel sombre qui menait aux fondements de la mon-tagne. Elle évita les aspérités sans perdre de vitesse et épousa les courbes serrées dans une course ef-frénée. Vers quoi? Elle l’ignorait. Puis la lumière revint. Sa vitesse ralentit jusqu’à l’arrêt total, et Lathia posa le pied sur un sol qui dégageait une chaleur étouffante, provenant probablement de ces colonnes de fumée blanche qui parsemaient

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l’endroit. Alors qu’elle voulut avancer de quelques pas, cherchant la raison de sa venue, un murmure l’interrompit. Terrifiée, mais attirée par une force invisible, elle avança, tremblante, vers le centre de ce qui semblait une vaste caverne. C’est là qu’elle comprit ce qui l’avait menée ici.

Ses yeux se posèrent sur une paroi étincelante et transparente, comme un cristal d’une rare pureté. Mue par cette même force, elle leva lentement la tête, sans détacher son regard de cette œuvre di-vine. Le mur n’avait pas de fin, et il montait, aus-si lisse qu’une haute fenêtre, jusqu’au plafond du cœur de la montagne.

Il laissait apparaître une masse sombre sur quelques-unes de ses faces, prise dans le cœur même de cette pierre magique. Lathia n’osait bou-ger, ni parler, ni même respirer. Elle sentait une puissance incommensurable se dégager du cris-tal géant. Elle recula de plusieurs pas et affina sa vue pour percevoir ce qui se trouvait piégé à l’in-térieur. Un sentiment de rage et de torpeur la fit chavirer. Ce qu’elle voyait n’était autre qu’Elimdor. Il flottait dans le cristal, debout, les ailes légère-ment déployées, tendant l’une de ses pattes vers le bord de sa prison, figé dans une attitude de fuite impossible et éternelle. Ses yeux fixaient les hau-teurs et sa gueule grande ouverte dévoilait de puis-sants crocs. Malgré l’envie de fuir, Lathia observa Elimdor, le souffle coupé. Il était vivant... vivant et emprisonné pour l’éternité dans ce piège qui fut autrefois son trône.

Le trône d’EthernaAeniel ouvrit ses yeux d’ambre, le regard enflam-mé par la colère et le deuil. Elle s’était servie de sa mère, trop impatiente de se présenter à son père. Mais il était trop tard. La malédiction l’avait déjà anéantie.

Lathia ouvrit les yeux à son tour. Ce voyage l’avait éveillée. Elle comprenait maintenant qu’il ne s’agissait plus d’une simple quête de pouvoir ou de vengeance, mais que ceci allait bien plus loin et perdurerait à travers les âges. L’héritage des Dragons était précieux. Il apportait savoir et clair-voyance. Les races mortelles s’étaient emparées du monde. Des guerres de clans éclataient sur tous les continents et rien ne les fédérait. Les peuples vivaient reclus, n’évoluaient plus et oubliaient… ils avaient la mémoire tellement courte... Il fallait un chef à ces peuples. Un chef doté de l’immortalité, gardien du passé et de l’avenir. Mais la route se-rait longue et semée d’embûches. Elle observait sa

fille, plongée dans ses pensées. La responsabilité d’Etherna devrait-elle incomber à cette enfant  ? Devrait-elle se sacrifier pour donner à ce conti-nent la grandeur espérée  ? Serait-elle assez forte pour supporter un tel poids ? Alors, Aeniel posa son regard intemporel sur sa mère et hocha de la tête, lentement. L’expression décidée de son visage encore juvénile avait déjà changé, mue par la révé-lation de sa destinée. Un long travail commençait. Lathia enseigna à sa fille tout ce qu’elle avait appris durant sa grossesse. La magie, le sens du devoir, le sacrifice et la persévérance. Mais cela était insuf-fisant. Alors l’enfant, avide de connaissance, s’en remit aux êtres plus anciens.

Très jeune, elle parcourut la Forêt des Sombres en recherche de plus de pouvoir, plus de savoir, plus de courage. Elle domina les bêtes et les esprits, s’entraîna au combat, renforça sa résistance au froid, à la faim, à la douleur. Elle apprit à manier la volonté des autres et devint, au fil des ans, plus dure et plus froide encore que ne l’était sa mère.

Lathia observait son enfant grandir et s’éloigner d’elle depuis son palais de ronces. Elle n’avait gar-dé qu’un pouvoir limité dont elle se servait pour maintenir son royaume et repousser les voyageurs hors de ce territoire, laissant Aeniel apprendre ce dont elle était capable par ses propres moyens. La petite fille devint, en presque deux cents ans, une jeune femme puissante, agile et rapide. Un seul de ses regards pouvait clouer au sol la plupart de ses ennemis. Mais lorsque cela ne suffisait pas, le com-bat ne la faisait jamais reculer. Alors elle devenait sans pitié et sa colère éclatait. Elle ne supportait ni l’affront, ni l’humiliation et savait se montrer cruelle lorsqu’un adversaire tentait de la tromper. Malgré cette force incommensurable, une grande tristesse avait inondé son âme. Elle en ignorait la cause, pourtant consciente que ce trouble la frei-nait. Le temps lui avait fait oublier son voyage vers la Draconie, et il ne restait qu’un sentiment d’abandon et de trahison. Parfois, lorsque la nuit obscurcissait tout, elle libérait sa peine et laissait couler une larme dorée sur ses joues pâles.

Ce sentiment si envahissant la terrifiait. Elle doutait alors d’être celle que sa mère prétendait, d’avoir le pouvoir et la force qui lui permettraient un jour de sortir de la forêt et d’affronter le monde. Alors elle se releva et courut sans s’arrêter parmi les vieux arbres et les sentiers sauvages jusqu’au matin. C’est à la fin de l’une de ces courses qu’elle arriva un jour dans un endroit qu’elle n’avait en-

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core jamais vu. Cette rencontre fut certainement celle qui signa le commencement du règne d’Ae-niel sur les terres d’Etherna.

La fin de LathiaCette nuit-là, Lathia appela sa fille à son chevet. Elle était pâle et respirait péniblement, alors Ae-niel comprit. Après une existence de presque trois cents ans, la vie s’échappait du corps de sa mère, et rien n’y ferait. Elle se prit à regretter ses lon-gues absences et ses préoccupations qui l’avaient poussée à s’éloigner d’elle depuis le plus jeune âge. Elle prit sa mère dans ses bras, tendrement, et la berça longtemps, sans une larme, sans un soupir. Lathia devait mourir dans la dignité, tout comme elle avait fait naître son enfant.

Aeniel chanta pour elle, puis la laissa fermer les yeux pour l’éternité. Au matin, elle monta le bû-cher sacré et implora la compassion d’Amalis. Toutes les créatures vinrent rendre hommage à la mémoire de Lathia, reine du royaume de la Forêt des Sombres. La douleur de la jeune femme brûlait au plus profond de son âme, mais elle ne montrait que froideur et détachement. Elle savait que la fai-blesse était affaire de mortel, une affaire fatale. Elle devait survivre et se révéler, car le moment était venu.

Tandis que les dernières flammes rongèrent les fondations de la sépulture, Aeniel laissa entrer en elle une colère incontrôlable. L’injustice de cette vie n’était pas acceptable. Elle était immortelle, mais elle enterrait sa mère. Le temps passé ici à repousser ses propres limites l’avait empêchée de partager les précieux instants qui lui manquaient tant désormais. Sa mère lui avait été volée bru-talement, perçant dans son cœur une brèche im-possible à combler. Les créatures reculèrent, terri-fiées. Les yeux de la jeune femme s’embrasèrent et son aura décupla d’intensité. De rage, elle dégaina et tua deux de ses serviteurs qui n’avaient pas été assez vifs pour lui échapper. Puis elle se précipita dans les tréfonds de la forêt, courant comme ja-mais. La nuit était tombée puis s’était entièrement écoulée sans qu’Aeniel ne cesse de courir, espérant noyer sa rage dans l’épuisement. Elle arriva près d’un endroit qu’elle n’avait encore jamais vu. Sans comprendre pourquoi, elle sentit sa colère s’effri-ter, puis disparaître totalement.

La jeune femme entra à pas lents, sur un tapis mousseux et humide, en balayant la clairière des yeux. C’était un cercle verdoyant, baigné d’une

douce lumière apaisante. Il était cerné par de lourdes pierres droites qui montaient vers le ciel, comme pour le soutenir, et les branches des arbres se repliaient par-dessus comme le plafond d’une cathédrale. Leurs feuilles dansaient dans la brise, faisant danser leur ombre sur le sol recouvert de mousses. En son centre, un ruisseau coulait vive-ment, diffusant sa fraîcheur et son chant cristallin dans toute la clairière. Aeniel déposa son épée au sol et se releva doucement, puis s’enfonça dans ce havre étonnant. Elle sentait la magie se dégager des pierres, du sol, de l’eau et de toute chose pré-sente.

Tandis qu’elle se rapprochait du centre de cet étrange temple naturel, le vol d’un feu follet la surprit et elle fit volteface pour l’affronter. Mais il n’était pas hostile. Sa grâce séduit la jeune femme qui aimait la beauté de la nature plus que tout autre chose. Il tournait autour d’elle, virevoltait en tous sens, puis se plaça en face de son visage, planant au-dessus du sol comme s’il était une marionnette guidée de la main d’un géant. Pendant longtemps, aucun geste ni aucun bruit ne vint briser la com-munion surnaturelle. Le face à face amplifiait la magie présente, et même les pierres dégageaient une lueur douce sur leurs faces rugueuses.

Puis le feu follet disparut soudainement, laissant Aeniel seule et troublée. Elle secoua la tête en fronçant les sourcils avant de reprendre son ex-ploration. En se rapprochant du centre, elle trou-va une pierre couchée entre deux arbustes aux douces feuilles perlées de rosée. Elle n’osa parler de peur de briser la magie, et ne voulut poser ses mains sur aucune chose.

Avec précaution, elle s’assit sur cette pierre qui bordait le ruisseau. Alors sa vision se troubla, et son âme pénétra dans les profondeurs de son in-conscient. Aeniel ferma les yeux et laissa ses sou-venirs remonter d’eux-mêmes. Une sensation de bien-être l’envahit et elle regarda sa mère alors bien plus jeune, qui la portait tendrement, ses yeux plongés dans les siens. Puis l’océan immergea cette image avec une violence inouïe, la renversant presque, si elle ne s’était retenue au bord de son siège de roche.

Le chemin était long. Elle se fatiguait, mais elle voulait savoir jusqu’où les vents la mèneraient, alors elle continua. Elle arriva sur un continent aux allures torturées, percé de pics et de volcans qui crachaient leur lave incandescente sur des flancs décharnés.

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Puis la montagne émergea devant elle. Gigan-tesque.

Aeniel et ElimdorAeniel entra à l’intérieur, attirée par une force in-connue, et elle traversa la vaste salle jusqu’en son centre. Alors elle vit le cristal. Elle s’approcha len-tement tandis que des larmes d’or inondaient son visage.

Elle sentait l’aura d’un être ancien, et la puissance endormie qui transpirait de cette pierre aux mille éclats. Le cristal chanta et ses faces se déplacèrent, dégageant la vue de ce qu’il enfermait. Prudem-ment, elle approcha encore et fixa la forme immo-bile. La mémoire resurgit telle une vague dévasta-trice. Elimdor... Aeniel tomba à genoux, laissant sa détresse l’envahir et les larmes se déverser sur la poussière noire. Elle implora les Dieux de libérer son père, de lui laisser une chance de prouver qu’il pouvait être bon. Les questions se bousculaient, elle n’avait pas eu le temps de demander à sa mère de lui conter sa naissance, car elle était trop préoc-cupée par ses apprentissages, et elle craignait de découvrir que les Dieux avaient dit vrai.

Les pleurs de la jeune femme résonnèrent dans la haute caverne et leurs échos lui revinrent en de sordides plaintes qui la plongèrent un peu plus dans la tristesse et le désespoir. Mais une voix in-terrompit cet abandon. Une voix ferme mais sé-duisante, venue de nulle part, surgit dans les pro-fondeurs de l’antre d’Elimdor.

— Le temps des larmes n’est pas encore arrivé, Aeniel, fille de Dragon. Relève-toi, car ton destin n’attendra pas. 

Aeniel bondit sur ses jambes, cherchant son épée par réflexe, et guettant le moindre mouvement au-tour d’elle.

— Qui est là ? 

— Ferme ton cœur, car tes adversaires le perceront de mille traits, avant de t’achever dans l’humilia-tion et la trahison. Vois ce que les miens ont fait. 

Elle scruta les ténèbres vivement, n’osant croire ce que son intuition lui disait, mais aucun signe ne trahit la présence d’autre créature qu’Elimdor.

— J’ai été brisé. Il ne reste que toi, maintenant, pour faire perdurer Etherna. Impose-toi, Aeniel. Soit forte et montre-toi digne de ton sang.

— Elimdor ! Je dois savoir ! As-tu aimé ma mère ? 

— Pars maintenant. Retourne sur ta terre et ne re-viens jamais. 

— Mais je dois savoir !

— Le doute est ta meilleure arme.

Aeniel resta silencieuse un moment, puis reprit.

— Je peux te libérer, je vais trouver un moyen.

— Ceci n’est pas ton destin. Le mien s’achève ici, et rien ne pourra changer cela. Ton labeur sera long, tu devras apprendre la nature des mortels. Mais surtout... sache reconnaître tes alliés. Pars… 

Aeniel recula d’un pas lourd, le cœur déchiré. Sa mère morte, son père prisonnier d’une malédic-tion éternelle. Elle se sentait abandonnée et n’avait trouvé aucune réponse à ses questions. Ses yeux s’ouvrirent lentement, se posèrent sur le ruisseau qui galopait joyeusement au milieu des galets scin-tillants. Elle sut qu’elle était de retour. Le feu follet était revenu pendant son rêve et il l’observait pa-tiemment. Elle releva la tête vers lui et le fixa un instant.

— Mais qui es-tu ? 

Pour toute réponse, le petit esprit de lumière s’écarta pour laisser la princesse découvrir celui qui l’attendait. A l’entrée de la clairière, un animal d’une grâce sans pareille avançait, faisant onduler son encolure à chacun de ses pas. Sa robe blanche renvoyait les éclats du ruisseau sur les feuilles basses, tandis que l’empreinte de ses pas dans la mousse s’effaçait en scintillant de mille couleurs.

Son front était orné d’une longue corne torsadée qu’il portait haut et ses yeux sombres brillaient d’une sagesse ancestrale. Sur son dos étaient at-tachées de puissantes ailes repliées contre ses flancs alors qu’il avançait vers Aeniel. Tandis que ses muscles roulaient dans leur écrin blanc, l’ani-mal enjamba le ruisseau et s’arrêta devant la jeune femme qui venait de bondir sur ses pieds. La créa-ture l’observa quelques secondes, avant de se dé-caler légèrement sur le côté tout en faisant glisser ses ailes le long de ses flancs. Elle portait deux sacs lourds en cuir, frappés des armoiries de sa mère. Aeniel écarquilla les yeux, reconnaissant l’origine de ces sacoches, puis fixa la licorne, interloquée. Finalement le courage lui vint et elle tira sur la sangle de l’un d’eux, se demandant ce que le des-tin lui réservait encore. La longue lanière de cuir tomba aux pieds de l’animal qui attendait tranquil-lement. Aeniel écarta les pans du sac et découvrit des pièces de métal rangées avec soin. Elles étaient

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décorées de lignes subtiles s’imbriquant les unes dans les autres, rehaussant la brillance bleutée de chacune d’entre elles.

Elle plongea la main et attrapa l’une de ces pièces pour la voir de plus près. Alors, elle comprit en la touchant qu’il s’agissait d’une offrande de Lathia. Elle portait l’empreinte de sa magie, et son odeur flottait autour d’elle. Cette pièce de métal faisait partie d’une armure forgée par magie dans l’acier le plus dur existant sur ces terres, trempé dans les flammes d’une puissante forge afin de le forcer à plier, se modeler.

Les dernières onces du fluide de Lathia avaient servi à forger une armure digne de sa fille, pour que sa victoire soit éclatante.

Aeniel comprit que cette armure renfermait une partie de sa mère, grâce à sa magie ainsi offerte et qui lui coûta la vie.

Elle sortit toutes les pièces avec la plus grande ap-plication et les disposa au sol sous les yeux de la licorne et du feu follet, attentifs et bienveillants.

Lorsque la dernière fut posée au sol, il restait en-core une chose à l’intérieur du dernier sac. Aeniel plongea à nouveau la main et délogea une dague effilée, faite dans le même acier que l’armure. Lé-gère, équilibrée, et dévastatrice.

Entourée des gardiens du cercle magique, elle contempla le cadeau fait au prix de la vie de La-thia. Un nouveau courage infiltra ses veines, ses muscles et son âme, et elle sentit la chaleur de sa mère, son amour aussi, percer son cœur pour s’y loger au plus profond d’elle-même. L’armure était faite pour elle. Elle protégeait son corps sans la priver de son agilité ni de sa liberté, et elle ne pe-sait presque rien. Une deuxième peau qui recou-vrait la blancheur de la première, de sa froide et redoutable beauté. Le temps de partir était venu. Une dernière fois, elle contempla ce lieu, puis se retourna et inclina la tête devant la licorne qui lui répondit avec grâce, enroulant son encolure vers son large poitrail. L’instant d’après, celle-ci s’inter-posa entre la princesse et l’unique sentier. Aeniel se figea, surprise, puis fixa l’animal.

— Je ne peux rester plus longtemps. Je te remercie pour... pour tout ça. Mais le devoir m’attend. Au-jourd’hui, je sais ce que je dois faire.

L’animal la fixait intensément alors qu’une voix sombre emplit la tête de l’immortelle, noyant tous les autres bruits environnant.

— Comptes-tu… conquérir le monde sur tes deux jambes, princesse ? 

Le souffle coupé, elle contempla la bête puissante qui lui faisait face et qui venait de lui parler.

— Tu… parles ? 

— Je te parle, car mon destin est lié au tien. Et j’at-tends notre rencontre depuis le jour de ma nais-sance, fille du Dragon. Je me nomme Elisiath, et je suis l’un des derniers de ma race, créée il y a long-temps par les Dragons de Lumière.

— Comment sais-tu qui je suis ? 

Je sais beaucoup de choses en ce monde, Aeniel. 

— Alors, dis-moi si mon père aimait ma mère. Dis-moi si je suis née dans la douleur ou dans l’amour. Beaucoup de choses dépendent de cette réponse.

— Je l’ignore, car certaines choses doivent rester dans l’ombre. Mais je sais que tu vas changer ces terres et laisser une trace indélébile dans les cœurs et les âmes des mortels. Tu seras aimée, et haïe. Tu seras respectée, et défiée. Immortelle, et sans vie. Nombre de fois tu distribueras vie et mort dans ton empire, nombre de fois tu douteras, nombre fois tu imposeras ta loi... Et tu ne le feras pas seule. Je deviens ton allié dans la lourde tâche qui t’in-combe. Je serai ta monture et ton confident.

À ces mots, Elisiath présenta son flanc à la jeune femme. Aeniel hésita un court instant, peu habi-tuée à être portée, mais sauta finalement et attrapa quelques mèches de sa crinière d’un blanc aussi éclatant que le reste de son corps. Elisiath empor-ta Aeniel à travers la Forêt des Sombres jusqu’à la forteresse de ronces, dans un petit galop souple et rapide. Sa puissance jaillissait à chaque pas, et ses muscles roulaient entre les mollets de la jeune femme qui goûtait pour la première fois au senti-ment grisant que rien ne se mettrait entre elle et sa destinée, fut-ce nombre de morts pour ça. Enfin arrivé à destination, Elisiath s’arrêta net devant la porte du château et laissa descendre sa cavalière sans bruit. Lorsqu’Aeniel regarda en arrière, elle ne vit aucune trace du passage de son allié et sou-rit. Elle comprenait pourquoi, jamais auparavant, elle ne s’était doutée de l’existence de la licorne.

Le temps était venu pour elle de prendre ce qui lui revenait de droit. La grande cité des seigneurs d’Elathian. Elle en ferait sa demeure, et son empire s’étendrait comme l’incendie embrase les forêts. Il lui fallait une chose que sa mère gardait précieu-sement depuis toutes ces années. Une médaille frappée des armoiries de la famille qui prouvait

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son appartenance de sang à la lignée d’Illiaë, le hé-ros qui fonda cette cité en des temps reculés. Elle entra une dernière fois dans la forteresse et ouvrit le coffre maternel, fait de racines entremêlées, que seule la magie de Lathia pouvait desceller. A l’approche de sa main, les racines se démêlèrent comme un nœud de serpents et s’étalèrent en une large vasque dans laquelle était logée la médaille familiale. Aeniel saisit le bijou délicatement et fit passer la chaîne autour de son cou. Dehors, le souffle du rassemblement de ses alliés résonnait. Tous avaient répondu à l’appel.

La prise d’ElathianElisiath emportait Aeniel au-dessus de la cime des grands arbres tandis que l’armée des Sombres marchait en direction du nord. Pour la première fois de sa vie, elle apercevait les côtes et les mon-tagnes d’Etherna. Elle observa l’évolution de l’ar-mée depuis les cieux, hésitant encore sur la façon dont elle s’emparerait d’Elathian. Elle pouvait en-trer et tuer ceux qui s’opposeraient, ou revendi-quer sa place en usant de son pouvoir de persua-sion. La licorne écoutait les pensées de sa cavalière en silence. Il n’interviendrait pas sans qu’elle le de-mande, car ceci n’était pas son combat. Il ne pou-vait que l’emmener au-devant de sa destinée, et la conseiller lorsque le doute s’emparerait d’elle. Il connaissait la nature des mortels, leur faiblesse, et leur force. Il savait aussi que l’esprit était toujours plus fort que l’épée. Il la laissait réfléchir en survo-lant les plaines et les steppes qui les menaient vers la cité portuaire. Aeniel brisa le silence d’une voix cristalline.

— L’on m’a dit que les mortels s’étaient réunis en castes, et qu’un jeu de pouvoir s’était établi par ce moyen. 

— Oui, princesse. 

— Et quelle est la plus puissante ? 

— Il y en a plusieurs, Aeniel. Elles se partagent les faveurs du peuple et celles de l’empereur Athilias. Utiliser les Guildes pour atteindre le trône sans re-courir au meurtre est une idée judicieuse. 

— C’est son nom ? Athilias ? 

— Oui, il est le petit-fils de ton oncle. Nombre d’années sont passées en Etherna depuis que ta mère a fui les siens. Sordan, son frère, est né bien après le drame. Et le trône lui est revenu en l’ab-sence de son aînée.

— Sordan est-il encore en vie ? 

— Non.

Avec souplesse, Elisiath se posa sur la cime d’une haute colline dominant la cité et laissa Aeniel contempler son royaume. Elle posa pied à terre et fixa l’horizon, au bord de la falaise abrupte.

— Alors je n’aurai d’autre choix que d’évincer l’em-pereur par la mort, puis revendiquer mon droit.

— L’une de ces Guildes porte le nom de... Voix de Velours. Et ce sont eux qui te donneront le trône. 

Aeniel hocha la tête, perdue dans ses pensées. De-vant ses yeux défilaient les scènes, les hypothèses qui s’offraient à elle. La vie des mortels avait-elle vraiment de l’importance ? Devait-elle les proté-ger, ou les éradiquer? S’ils refusaient son autorité, devrait-elle déverser sur eux l’armée des Sombres, leur ordonner de rebrousser chemin sur le champ ? Autant de questions importantes qui devaient déterminer toute sa vie à venir. Mais tandis que les réflexions se bousculaient dans son esprit pour-tant pragmatique, tout cessa devant le spectacle époustouflant qui venait de prendre vie à quelques lieues d’elle. Elisiath hennit fébrilement sans lâ-cher de ses grands yeux les silhouettes noires qui planaient au loin.

— Princesse...

— J’ai vu, souffla Aeniel, hypnotisée par le funeste spectacle du vol de deux Nécrodragons se diri-geant vers le sud, vers elle.

— Ce sont eux ?

— Les Nécrodragons… Les fils d’une prophétie terrible qui s’abat sur les terres depuis longtemps. Les porteurs de la fièvre noire. Les progénitures maudites du Dragon de Lumière.

Elisiath s’assombrit tandis que ses paroles traver-saient l’âme de la future impératrice, toujours at-tentive aux Dragons maudits qui se rapprochaient. Elle n’avait encore jamais eu affaire au terrible fléau d’Etherna. Protégée et mise à l’écart du monde, fai-sant aujourd’hui face à son véritable ennemi. Elle était prête. Les vents redoublèrent à l’approche de l’un des deux Dragons noirs. Il planait au-dessus du rocher et tournoyait férocement, en attendant le moment de la rencontre.

Un geste à l’attention des créatures qui attendaient en contre-bas et la frénésie de la guerre prenait toute son ampleur. Ils attendaient que la main de leur maîtresse s’abaisse. Enfin le moment était venu pour les Sombres de montrer au monde leur

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puissance et leur détermination. Qu’importe l’ad-versaire, la voix d’Aeniel serait l’unique symbole de leur union.

La bête, massive, écarta les ailes et se laissa glisser dans les courants descendants jusqu’au promon-toire d’Aeniel, avant de se poser lourdement dans une tempête de poussière. Elle releva la tête et se grandit noblement, fixant le monstre sans fré-mir. Elle savait que rien ne pourrait la détourner de son destin, pas même le fléau. La surprise du Nécrodragon devant le courage de cette femme à l’aura familière eut l’effet escompté. L’idée de dé-vorer cette cible le quitta un instant... juste pour un temps. Il fallait qu’il sache qui elle était. Il sif-fla longuement, et huma la femme vêtue de métal avant de prononcer d’une voix caverneuse la ques-tion qui ne le quittait pas.

— Dis-moi ton nom avant que je ne te dévore... que je sache qui je vais digérer.

— Dis-moi ton nom avant que je ne te tue… que je sache qui je vais laisser pourrir ici.

Le Dragon éclata d’un rire puissant, dévoilant ses crocs et sa gorge malsaine. Aeniel ne recula pas. Elle tenait à ne montrer aucune faiblesse et sou-rit à son tour. Elisiath observait son alliée, et il fût heureux que son intuition ne l’ait pas trompé. Elle était le courage et l’honneur hérités de son père. Plus de doute. Alors il s’approcha et se plaça aux côtés d’elle, prêt à se battre. Plus bas, les combat-tants d’Aeniel commençaient leur ascension vers le promontoire. Ils savaient que la bête sentait leur progression, mais le courage de l’impératrice les grisait. Lentement, ils s’approchaient, armes affû-tées et tremblantes dans leurs griffes. La voix du Dragon résonna à nouveau.

— Voici une chose surprenante. Mais qu’importe, au moins aujourd’hui, mon repas sera de choix. On m’appelle Zet’koor et je suis...

— Je sais ce que tu es !

— Je suis... de bonne humeur. Dis-moi ton nom et peut-être t’épargnerai-je... Ton inconscience m’amuse.

— Alors, quand ton dernier souffle maudit sorti-ra de ta gorge, tu pourras prononcer mon nom. Je suis Aeniel, fille de Lathia et d’Elimdor.

Les mots d’Aeniel venaient de tomber telle une vo-lée de flèches aux pieds de la bête ailée. Il l’obser-

vait, les yeux brillants d’une lueur rougeâtre dans le crépuscule tombant, ne pouvant croire ce qu’il venait d’entendre. Elisiath sentait que la bataille n’en serait que plus féroce, car le destin avait pro-voqué́ cette rencontre et deux rejetons devaient s’affronter. S’affronter seuls. Il inclina son encolure vers les Sombres et ordonna d’un regard qu’ils re-culent, avant de faire de même. Alors pris d’une colère brûlante, le Nécrodragon sauta sur Aeniel, babines retroussées, faisant s’entrechoquer ses crocs dans un vacarme assourdissant.

— Impossssssssible !!

Elle empoigna la garde de sa lame dont elle fit cris-ser le fil contre le fourreau avant de la braquer entre elle et son assaillant. La colère de ce dernier était une bonne nouvelle. Il connaissait son nom. Elle s’en servirait comme d’une arme et le pousserait à l’erreur. Aeniel avait appris, tout au long de ces longues années, les gestes et la maîtrise de com-bats acharnés et sans pitié. La Forêt des Sombres lui avait tout appris, et voici le moment venu de mettre à profit tout ce qui avait fait d’elle une re-doutable prédatrice. Rapide et habile, il ne lui fal-lut pas longtemps pour mettre le monstre ailé en difficulté. Malgré sa puissance, le Nécrodragon ne parvenait à attraper sa cible, trop rapide. Mais il lui restait encore bien assez de force pour l’épuiser et la pousser à l’imprudence. Il feignit une chute violente et attendit, allongé, qu’elle s’approche pour l’achever. Aeniel, sûre d’elle et enivrée par la bataille, fondit sur le corps étendu. Mais tan-dis qu’elle allait plonger son épée dans sa gorge, elle sentit trop tard que le piège tendu venait de fonctionner. La solide aile restée libre s’abattit et l’emprisonna solidement juste au-devant des crocs de son ennemi. Le Nécrodragon ricana sournoi-sement.

— Ainsi tu pensais pouvoir me tuer... toi... fragile créature improbable. Mais qu’es-tu en définitive ? Une bâtarde indigne de l’espèce qui t’a mise au monde. Faible, et sans force. Oubliée de tous et sans maison. Je vais te tuer. Mais tu n’auras même pas l’honneur de finir en repas.

Aeniel bandait ses muscles et tendait son corps, cherchant le moyen de dégager son bras de l’étreinte du Dragon, n’écoutant qu’à moitié le ve-nin qui sortait de sa bouche. Le reflet de sa mère se dessinait entre eux et, avant que ses forces ne cèdent, cette vision lui redonna espoir.

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— Je suis la prophétie. Je suis celle par qui ton es-pèce tombera. Tu le sais, et tu as peur.

Alliant ses gestes à ses paroles, elle parvint à libé-rer l’un de ses bras si brutalement que le cuir so-lide se déchira, faisant rugir la bête sous la douleur.

Sans laisser le temps à son adversaire de rebon-dir, elle fit passer sa lame d’une main à l’autre et l’enfonça profondément dans sa gorge qui déborda d’un sang aussi noir que les ténèbres. Elisiath ru-git à son tour, d’un long hennissement victorieux, piaffant d’excitation et de joie. Alors une clameur venue de plus bas monta avec une telle puissance que le Nécrodragon agonisant sursauta et bondit sur ses pattes, déversant son fluide maudit à tra-vers les veines de la roche. Titubant, il se précipita au bord du précipice et jeta un dernier regard vers celle qui deviendrait à jamais l’ennemie qu’il fallait abattre.

— N’oublie pas... mon nom est Aeniel, maîtresse de ces contrées et ton ennemie éternelle. La tienne, et celle de tous les tiens.

Sans un mot, il sauta, écartant ses ailes meurtries, et remonta dans les cieux avant de disparaître dans les ténèbres de la nuit. Le silence revint. Avec lui, une paix éphémère. Elisiath frôla doucement le dos de sa protégée.

— Ce que tu as fait vient de déclencher ce qui sera bientôt. Le monde doit savoir que le fléau a trouvé son ennemi.

— Oui. Il le saura.

Sans cesser de percer les profondeurs de la nuit, elle se laissa bercer par ses pensées, maintenant claires et limpides. Aucun sang ne serait versé en Elathian. Le trône attendait son arrivée et les mor-tels avaient besoin d’un guide. Elle serait ce guide envers et contre tous. Sans douter que les choses ne seraient pas forcément faciles, mais que le sang ne devait pas être versé, elle renvoya son armée dans la Forêt des Sombres et leur ordonna d’y gar-der la tombe de sa mère.

Alors qu’elle entrait dans la grande cité d’Ela-thian, Aeniel sentit son cœur se serrer. La ville qui vit naître sa mère jadis était bien différente de ce qu’elle avait imaginé. Le temple et le palais dominaient la cité de leur splendeur immortelle, mais les fondations, envahies par d’ignobles créa-tures sanguinaires, présageaient du pire. Même ici le fléau s’était abattu. Les mortels avaient bâti de

hauts murs et élevé les habitations pour échap-per aux non-morts qui pullulaient juste sous leurs pieds. Une garde fortement présente avait l’air de tyranniser un peuple effrayé, et nombre de men-diants jonchaient des ruelles sales et malodo-rantes. Aeniel décida de visiter cette cité dans ses moindres recoins avant d’aller réclamer son dû. Elle ne pouvait imaginer régner sur une telle fange et un tel désespoir. Elle s’imprégna de la langue et des rumeurs. Elle observa longtemps les niveaux différents, assimila les nécessités de ce peuple ré-duit à la simple survie, loin de la grandeur que lui avait conté sa mère.

Plus tard, elle songea aux paroles d’Elisiath. Une Guilde appelée Voix de Velours saurait l’accueillir comme il se devait. La maison de cette Guilde se trouvait dans les hautes sphères de la cité. Ainsi elle se rendit auprès d’eux, avec les connaissances qu’elle venait d’accumuler. Les présentations furent rapides, et le nom d’Aeniel n’était pas in-connu. Du moins, il ne l’était pas pour les érudits. Zintha’yol, un zéphyr qui marqua les esprits dans cette époque de troubles, reconnut en elle la véri-table réponse aux incessantes prières de tout son peuple. Amalis venait d’offrir un nouvel espoir. Il accompagna Aeniel au palais afin qu’elle soit vue et reconnue de tous. Mais tous les conseillers de l’empereur n’étaient pas aussi enthousiastes et certains tentèrent même d’utiliser l’opinion pu-blique pour évincer l’arrivée de l’impératrice. Ce qu’ils ignoraient alors, était qu’une rumeur mon-tait dans la cité d’Elathian. Elisiath, discret et subtil allié, avait trouvé́ des oreilles attentives. Ainsi les ménestrels, tandis qu’Aeniel pénétrait dans le pa-lais, entourée de ses futurs sénateurs, chantaient sur toutes les places et toutes les sphères de la cité comment une héroïne fit tomber un terrible Nécrodragon d’un seul coup d’épée. La légende s’étendait. Le nom de l’impératrice se déversait dans les esprits. Alors les conseillers d’Athilias, empereur d’Elathian, durent abdiquer et laisser place au nouveau gouvernement.

Aucun sang ne fut versé, comme promis. Quant à l’empereur Athilias, il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre que son adversaire qui se tenait devant lui, cette Aeniel, était trop puissante. Il céda lorsqu’il sentit le regard de cette femme se poser sur lui, ces yeux étranges emplis d’une aura magique, aussi dévastateurs qu’intimidants. Elle dégagea le médaillon qu’elle portait pour qu’il soit vu par tous et s’approcha du trône, dans son ar-

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mure, à pas lents. Tandis que le bruit de ses talons résonnait comme un chant de guerre qui faisait écho aux chants de victoire qui emplissaient à pré-sent toute la ville, l’empereur s’inclina, cédant sa place et ses pouvoirs sans un mot. Elle lui laissa la vie, et ne le chassa pas. Mais il s’exila de lui-même. Une légende raconte que l’empereur d’Elathian se donna la mort, un jour de printemps. On dit qu’il sauta du pont des condamnés et que jamais on ne retrouva son corps.

Depuis ce jour, Aeniel n’eut de cesse de pousser ses alliés afin de rendre à la cité sa grandeur et ses honneurs. Une armée fût ordonnée et les Immuni-sés vinrent de tout le territoire. Les artisans réqui-sitionnés, les érudits protégés. Il fallut un temps interminable et des efforts incessants, mais l’im-pératrice parvint à honorer les promesses qu’elle s’était faites un jour, alors qu’elle découvrait le monde au côté de son fidèle ami, au sommet d’une falaise il y a bien longtemps.

Le territoire d’Aeniel s’agrandit et devint la puis-sance la plus imposante d’Etherna, tel un feu im-possible à apaiser.

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