exposition "cuisines de france"

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Cuisines de F rance réalisée en partenariat avec Le Cordon Bleu et l’Alliance française E X P O S I T I O N Réalisation : Éditions Sépia Téléphone : 33 (0)1 43 97 22 14 Fax : 33 (0)1 43 97 32 62 Site : www.editions-sepia.com E-mail : [email protected] Rédaction : Karine Elsener Graphisme : PLM 2 Crédits photographiques Panneau-titre : Saint-Honoré, photo Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd. Élèves en cours et cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photos Le Cordon Bleu International Cuisiniers à l'œuvre dans les cuisines pour la préparation du repas de Noël, G. Marchetti, in numéro de Noël 1893 de L'Illustration, Paris, ©Coll. Kharbine-Tapabor Route des épices, photomontage, ©PLM2 Un serveur en tenue d’apparat, chromo publicitaire fin XIX e siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor P1 : La soupe, Honoré Daumier (1808-1879), Paris, musée du Louvre D.A.G. (fonds Orsay), ©Photo RMN-Michèle Bellot Funérailles au bord de la Seine, Gaule préhistorique, Xénophon Hellouin (1820-1895), Paris, musée d’Orsay, ©Photo RMN-Hervé Lewandowski Sainte Marthe, gravure de Charles de Mallery, ©D. R. P2 : Le miroir historial de Vincent de Beauvais. Tome III. Scène de la vie de saint Mayeul et de saint Odillon (ms722-fol.142 verso), Maître François, XV e siècle, Chantilly, musée de Condé, ©Photo RMN-René-Gabriel Ojéda La peleuse de pommes, Gabriel Metsu (1629- 1667), Paris, musée du Louvre, ©Photo RMN-Daniel Arnaudet/Jean Schormans Intérieur de cuisine, Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 Marchand de vinaigre (règne de Louis XIII), n°47, F. Roy éd., ©D. R. Le cabaret de Rampouneau, Eugène Benjamin Fichel (1826-1895), Bordeaux, musée des Beaux-Arts, ©Photo RMN-A. Danvers Enseigne, ©PLM2 P3 : Catherine de Médicis, atelier de Corneille de Lyon (vers 1500-1575), château de Versailles et de Trianon, ©Photo RMN-Daniel Arnaudet Tenture de l’histoire d’Henri IV, François-André Vincent (1746-1816), musée national du château de Pau, ©Photo RMN- René-Gabriel Ojéda Route des épices, photomontage, ©PLM2 Le festin du sacre de Louis XV servi dans la grande salle archiépiscopale de Reims, le 25 octobre 1722, attribué à Pierre Denis Martin (1663-1742), château de Versailles et de Trianon, ©Photo RMN-Gérard Blot P4 : Le Cuisinier-Pâtissier-Traiteur-Rôtisseur, détail de la planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1760, ©D. R. Le suicide de Vatel, gravure, E. Ziem, ©D. R. Couverture d’un livre de Taillevent, ©Costa/Leemage Le Cuisinier, 1899, Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 Les cuisines de Marguerite d’Angoulême, musée national du château de Pau, ©Photo RMN-Hervé Lewandowski Cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photo Le Cordon Bleu International Deux cuisiniers, gravu- re in Le Maître d’hôtel français d’Antonin Carême, Paris, 1822, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 Cuisiniers à l'œuvre dans les cuisines pour la préparation du repas de Noël, G. Marchetti, in numéro de Noël 1893 de L'Illustration, Paris, ©Coll. Kharbine-Tapabor P5 : Transports d’hier et d’aujourd’hui, photomontage, ©PLM2 Henri-Paul Pellaprat et Les Petits Cordons Bleus, photos Le Cordon Bleu International La cuisine moderne, Paris, ©musée de la Publicité Habit de cuisinier, gravure, d’après Nicolas de Larmessin (XVIII e siècle) Rose des vents, ©PLM2 P6 : Le Cuisinier-Pâtissier-Traiteur-Rôtisseur, planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1760, ©D. R. Un serveur en tenue d’apparat, chromo publicitaire fin XIX e siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor Auguste Escoffier (1846-1935) The French Chief, ca. 1925, Paris, France, ©Hulton-Dutch Coll./Corbis Auguste Escoffier, in L'Album-Revue des Opinions, calendrier publicitaire de 1914, illustr. de Georges Villa (1883-1965), ©Coll. Kharbine-Tapabor. Bol et cuillère, photo Le Cordon Bleu International La Cuisinière bourgeoise, Paris, Guillyn éd., 1775, photo PLM2 P7 : Assiette « Fête des écoles de Neuilly-sur-Seine (1888)-Parmentier dans la plaine de Sablons (1785) », ©PLM2 Les apprêts du pot- au-feu, Michel-Honoré Bounieu (1740-1814), Paris, musée du Louvre, ©Photo RMN-Gérard Blot Alexandre Dumas père, par Pierre Petit, vers 1860. Intérieur d’un restaurant, Les Trois Frères Provençaux, E. Lami (1842), ©PLM2 Femme dans un restaurant, in L’Illustration, 1907, photo PLM2 P8 : Dessert à la poire, ©1997, Le Cordon Bleu Home Collection Series, Sauces, Murdoch Books ® Truite, photo Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd. Service de table Renaissance (XVI e siècle), Paris, musée des Arts déco- ratifs, ©Photos12.com-ARJ Projet de théière pour Napoléon Ier et couverts de table début XIX e siècle, Paris, ©musée des Arts décora- tifs-Laurent-Sully Jaulmes Service de table Charles-Maurice Talleyrand-Périgord, manufacture de Nast à Paris, verres en cristal, four- chettes aux armes par Lorillon (1798-1809), ©Photo12.com-Pierre-Jean Chalençon Les cinq sens ou les plaisirs de la vie, gravure, École française du XVII e siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor. Menu pour le souper du roi et de M me de Pompadour au château de Choisy en 1757, Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 P9 : Publicité Moulinex, in Arts Ménagers, n°43, 1961, photo PLM2 Miroir cassis, photo Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd.Nouvelle cuisinière universelle au gaz, Jules Jean Chéret, 1882, Paris, ©musée de la Publicité Je cuisine à l’électricité, Lefor-Openo, 1959, Paris, ©musée de la Publicité 2 e Exposition culinaire gastronomique de Paris, Georges Villa, 1928, Paris, ©musée de la Publicité Ustensiles et cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photos Le Cordon Bleu International Asperges et mousseline, ©1997, Le Cordon Bleu Home Collection Series, Sauces, Murdoch Books ® P10 : Botte d’asperges, « Le potager provençal », étal de marché, photos Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd. Vignette olivier, ©PLM2 Gargantua à « son petit souper », Paris, musée Carnavalet, ©Photo RMN-Bulloz P11 : Vignoble et fromages, ©D. R. Concorde, photo Didier Toulorge, coll. musée Air France Service à bord, brunch, 1999, photo Philippe Delafosse, coll. musée Air France P12 : Photos Le Cordon Bleu International

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Cuisines de France

réalisée en partenariat avec

Le Cordon Bleu et l’Alliance française

E X P O S I T I O N

Réalisation : Éditions Sépia

Téléphone : 33 (0)1 43 97 22 14

Fax : 33 (0)1 43 97 32 62

Site : www.editions-sepia.com

E-mail : [email protected]

Rédaction : Karine Elsener

Graphisme : PLM 2

Crédits photographiques

Panneau-titre : Saint-Honoré, photo Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd. ❖ Élèves en

cours et cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photos Le Cordon Bleu International ❖ Cuisiniers à l'œuvre dans les cuisines pour

la préparation du repas de Noël, G. Marchetti, in numéro de Noël 1893 de L'Illustration, Paris, ©Coll. Kharbine-Tapabor ❖ Route des

épices, photomontage, ©PLM2 ❖ Un serveur en tenue d’apparat, chromo publicitaire fin XIXe siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor

P1 : La soupe, Honoré Daumier (1808-1879), Paris, musée du Louvre D.A.G. (fonds Orsay), ©Photo RMN-Michèle Bellot ❖ Funérailles

au bord de la Seine, Gaule préhistorique, Xénophon Hellouin (1820-1895), Paris, musée d’Orsay, ©Photo RMN-Hervé Lewandowski

❖ Sainte Marthe, gravure de Charles de Mallery, ©D. R.

P2 : Le miroir historial de Vincent de Beauvais. Tome III. Scène de la vie de saint Mayeul et de saint Odillon (ms722-fol.142 verso), Maître

François, XVe siècle, Chantilly, musée de Condé, ©Photo RMN-René-Gabriel Ojéda ❖ La peleuse de pommes, Gabriel Metsu (1629-

1667), Paris, musée du Louvre, ©Photo RMN-Daniel Arnaudet/Jean Schormans ❖ Intérieur de cuisine, Paris, Bibliothèque des Arts

décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 ❖ Marchand de vinaigre (règne de Louis XIII), n°47, F. Roy éd., ©D. R. ❖ Le cabaret de

Rampouneau, Eugène Benjamin Fichel (1826-1895), Bordeaux, musée des Beaux-Arts, ©Photo RMN-A. Danvers ❖ Enseigne, ©PLM2

P3 : Catherine de Médicis, atelier de Corneille de Lyon (vers 1500-1575), château de Versailles et de Trianon, ©Photo RMN-Daniel

Arnaudet ❖ Tenture de l’histoire d’Henri IV, François-André Vincent (1746-1816), musée national du château de Pau, ©Photo RMN-

René-Gabriel Ojéda ❖ Route des épices, photomontage, ©PLM2 ❖ Le festin du sacre de Louis XV servi dans la grande salle archiépiscopale

de Reims, le 25 octobre 1722, attribué à Pierre Denis Martin (1663-1742), château de Versailles et de Trianon, ©Photo RMN-Gérard Blot

P4 : Le Cuisinier-Pâtissier-Traiteur-Rôtisseur, détail de la planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1760, ©D. R. ❖ Le suicide

de Vatel, gravure, E. Ziem, ©D. R. ❖ Couverture d’un livre de Taillevent, ©Costa/Leemage ❖ Le Cuisinier, 1899, Paris, Bibliothèque des

Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 ❖ Les cuisines de Marguerite d’Angoulême, musée national du château de Pau, ©Photo

RMN-Hervé Lewandowski ❖ Cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photo Le Cordon Bleu International ❖ Deux cuisiniers, gravu-

re in Le Maître d’hôtel français d’Antonin Carême, Paris, 1822, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2 ❖ Cuisiniers

à l'œuvre dans les cuisines pour la préparation du repas de Noël, G. Marchetti, in numéro de Noël 1893 de L'Illustration, Paris, ©Coll.

Kharbine-Tapabor

P5 : Transports d’hier et d’aujourd’hui, photomontage, ©PLM2 ❖ Henri-Paul Pellaprat et Les Petits Cordons Bleus, photos Le Cordon

Bleu International ❖ La cuisine moderne, Paris, ©musée de la Publicité ❖ Habit de cuisinier, gravure, d’après Nicolas de Larmessin

(XVIIIe siècle) ❖ Rose des vents, ©PLM2

P6 : Le Cuisinier-Pâtissier-Traiteur-Rôtisseur, planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1760, ©D. R. ❖ Un serveur en tenue

d’apparat, chromo publicitaire fin XIXe siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor ❖ Auguste Escoffier (1846-1935) The French Chief, ca. 1925,

Paris, France, ©Hulton-Dutch Coll./Corbis ❖ Auguste Escoffier, in L'Album-Revue des Opinions, calendrier publicitaire de 1914,

illustr. de Georges Villa (1883-1965), ©Coll. Kharbine-Tapabor. ❖ Bol et cuillère, photo Le Cordon Bleu International ❖ La Cuisinière

bourgeoise, Paris, Guillyn éd., 1775, photo PLM2

P7 : Assiette « Fête des écoles de Neuilly-sur-Seine (1888)-Parmentier dans la plaine de Sablons (1785) », ©PLM2 ❖ Les apprêts du pot-

au-feu, Michel-Honoré Bounieu (1740-1814), Paris, musée du Louvre, ©Photo RMN-Gérard Blot ❖ Alexandre Dumas père, par Pierre

Petit, vers 1860. ❖ Intérieur d’un restaurant, Les Trois Frères Provençaux, E. Lami (1842), ©PLM2 ❖ Femme dans un restaurant, in

L’Illustration, 1907, photo PLM2

P8 : Dessert à la poire, ©1997, Le Cordon Bleu Home Collection Series, Sauces, Murdoch Books® ❖ Truite, photo Hioki in Le Rêve de

Sabrina pour Le Cordon Bleu International, Bunka Shupan éd. ❖ Service de table Renaissance (XVIe siècle), Paris, musée des Arts déco-

ratifs, ©Photos12.com-ARJ ❖ Projet de théière pour Napoléon Ier et couverts de table début XIXe siècle, Paris, ©musée des Arts décora-

tifs-Laurent-Sully Jaulmes ❖ Service de table Charles-Maurice Talleyrand-Périgord, manufacture de Nast à Paris, verres en cristal, four-

chettes aux armes par Lorillon (1798-1809), ©Photo12.com-Pierre-Jean Chalençon ❖ Les cinq sens ou les plaisirs de la vie, gravure, École

française du XVIIe siècle, ©Coll. Kharbine-Tapabor. ❖ Menu pour le souper du roi et de Mme de Pompadour au château de Choisy en

1757, Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs, Coll. Maciet, photo PLM2

P9 : Publicité Moulinex, in Arts Ménagers, n°43, 1961, photo PLM2 ❖ Miroir cassis, photo Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon

Bleu International, Bunka Shupan éd.❖ Nouvelle cuisinière universelle au gaz, Jules Jean Chéret, 1882, Paris, ©musée de la Publicité

❖ Je cuisine à l’électricité, Lefor-Openo, 1959, Paris, ©musée de la Publicité ❖ 2e Exposition culinaire gastronomique de Paris, Georges

Villa, 1928, Paris, ©musée de la Publicité ❖ Ustensiles et cuisine de l’école Le Cordon Bleu de Paris, photos Le Cordon Bleu International

❖ Asperges et mousseline, ©1997, Le Cordon Bleu Home Collection Series, Sauces, Murdoch Books®P10 : Botte d’asperges, « Le potager provençal », étal de marché, photos Hioki in Le Rêve de Sabrina pour Le Cordon Bleu International,

Bunka Shupan éd. ❖ Vignette olivier, ©PLM2 ❖ Gargantua à « son petit souper », Paris, musée Carnavalet, ©Photo RMN-Bulloz

P11 : Vignoble et fromages, ©D. R. ❖ Concorde, photo Didier Toulorge, coll. musée Air France ❖ Service à bord, brunch, 1999, photo

Philippe Delafosse, coll. musée Air France

P12 : Photos Le Cordon Bleu International

« Mange ta soupe ! »Au Moyen Âge, ce n’est pas

une punition mais la base

appréciée de l’alimentation

rurale. Longuement miton-

née dans la cheminée, elle

est nourrissante. Préparée

avec des herbes, racines

ou fèves de saison, elle se

consomme, à l’origine, en y

trempant du pain. Depuis,

« être dans la panade », ce

n’est pas tomber dans une

soupe de pain, d’eau et de

beurre, mais avoir des

ennuis ! Bouillon, velouté,

consommé : des variantes

plus légères se sont

multipliées.

« Cuire à feu doux », « plat allant au feu » :

malgré l’évolution des pratiques

culinaires, notre vocabulaire continue de

relier la cuisine au feu originel. Ce qui

n’empêche pas de nos jours un regain

d’intérêt pour les aliments crus et marinés !

Cuire : un bon début !D

ufe

ua

ux

Lumières

1

Des mets et des mots

La garbureSoupe du Béarn, elle

a traversé les siècles :

on la prépare à partir d’une

« gerbe » de légumes frais,

de lard et de confit d’oie.

Et la cuisine naquit avec la cuisson

Le roi cochonPlat riche au Moyen Âge, le cochon

se cuisine tout au long de l’année

à des moments précis du calendrier

religieux. En Occident, l’Église ne juge

pas la viande impure, à condition

qu’on en élimine le sang

par la salaison.

◆ Avant la maîtrise du feuÀ la Préhistoire, les hommes se nourrissent le plus directement

possible : viande encore fumante, extraite des proies juste

chassées, herbes, baies, fruits, racines. La domestication des

flammes révolutionne leur mode d’alimentation. Le verbe latin

coquere, qui signifie « cuire », donnera naissance au mot cuisine,

auquel les premiers dictionnaires attribueront le sens premier

de « chair cuite ».

◆ Les moyens de cuireLa cuisine se définit donc par l’art de préparer les mets et le

cuisinier est longtemps associé au rôtisseur. Étonnamment, on

utilise dans l’Antiquité un plus grand nombre de modes de

cuisson qu’au Moyen Âge : bouillir, saisir, cuire,

rôtir, mijoter, réchauffer. Les possibilités, variées,

s’appauvrissent ensuite : broche à l’intérieur de la

cheminée et marmites à l’extérieur. Le four ne

réapparaît qu’au XIIe siècle, permettant de nouveau

une cuisson modérée, donc les ragoûts et les sauces !

◆ Une cuisine de carnassiersAu Moyen Âge, la viande est assimilée à la richesse et

toute fête implique des amoncellements de rôts : veaux,

oies, chevreuils, perdrix, sangliers... Le poisson leur est

naturellement mêlé : on farcit même le gibier d’anguilles !

Sainte Marthe,

patronne des cuisinières

La soupe par H. Daumier

À vos fourneaux

Le feu est découvert il y a

plus de cinq cent mille ans...

Du

feu

aux

Lumières

2

À vos fourneaux

Le cassoulet

Fierté de l’Occitanie, ce savoureux

plat de haricots blancs, réunissant

selon les variantes porc, confit

d’oie, saucisses locales et mouton,

soulève pourtant bien des

polémiques : le « véritable »

cassoulet, qui doit son nom à la

« cassole » de terre cuite dans

lequel on le prépare, vient-il

de Castelnaudary, de Carcassonne

ou de Toulouse ? La question n’est

toujours pas... tranchée !

La cuisine s’enracine dans les régions

Le tour des terroirs

◆ Cuisiner et créer avec les produits du cruLa richesse de la cuisine française s’explique en grande partie

par la générosité naturelle du pays même : la diversité des

climats, des sols, des reliefs, des ressources animales et végétales

a permis la spécification des régions et, à l’intérieur de

celles-ci, celle des terroirs. En exploitant cette nature

et en répétant les mêmes recettes, les

populations ont créé les cuisines régionales

et enraciné les traditions culinaires.

◆ À la maison : une affaire de femmesOn se nourrit pour survivre

– et non sans mal pendant les

disettes – mais les repas offrent

aussi des moments de partage familial

et de réconfort, loin de l’agitation

publique. Les plats mijotent longue-

ment sous l’œil attentif de la mère...

et de la fille. La transmission de

l’expérience est orale : d’ailleurs, les

premiers livres de cuisine n’indiquent

pas de mesures !

◆ Sur la routeDès le Moyen Âge, sur les grands chemins ou dans les villes,

auberges, tavernes et cabarets, repérables par leurs enseignes

animalières, sont particulièrement fréquentés lors des foires.

Point encore d’individualisme : les itinérants ripaillent assis côte

à côte autour d’une longue et même table.

« Le bonheur en voyage »« Je fus frappé d’un spectacle

qu’aucun voyageur n’eût pu

voir sans plaisir. Devant

un feu vif et brillant

tournait une broche

admirablement garnie

de cailles [...]

et tout auprès on

voyait déjà cuit un

de ces levrauts à côtes

rondes, que les Parisiens

ne connaissent pas, et dont

le fumet embaumerait

une église. »

Brillat-Savarin

À la table des moinesDans les ordres qui n’ont

pas fait vœu de pauvreté,

les moines reçoivent des

villageois ou des pèlerins

des denrées en abondance.

Déjà garnie par leurs propres

productions, leur table

s’enrichit : viandes, volailles,

poissons, fruits, légumes,

mais aussi gâteaux...et vins !

Périodiquement, ces excès

de gourmandise seront

condamnés par des

religieux plus austères.

De nos jours, nombre

de grands restaurants

sont encore situés près des

grandes étapes religieuses

et gastronomiques du

Moyen Âge.

Marchand de vinaigre

La peleuse de pommes par G. Metsu

Le cabaret Rampouneau sous l’Ancien Régime par E. B. Fichel

Un repas offertà Catherine de Médicis à Paris en 1549

R Brouet de cannelle - Potage

à la bisque de pigeonneaux

R Huîtres frites - Grenouilles -

Hochepot

R Crêtes et rognons de coq

aux fonds d'artichauts

R Salmis de hérons -

Chapons hachés

R Grues rôties

R Paons flanqués de cygnes

R Rognons au fenouil

R Rille à la garbure gratinée

à la purée de noisette

R Petits poulets au vinaigre

R Cochons rôtis

R Moëlle de bœuf au sucre candi

R Gelée de bœuf au vin d'Alicante

R Aigles rôtis

R Poires à l'hypocras

R Bécasses et perdreaux aux truffes

R Oublies - Echaudés

R Poussins à l'orange

L’appétit à la courD

ufe

ua

ux

Lumières

3

La poule au pot« Je veux qu’il n’y ait paysan qui

ne mette le dimanche une poule

en son pot. » Ainsi s’exclame

Henri IV qui aime tant cette recette

de poule entière, bouillie avec des

légumes, qu’il ne conçoit pas que

tout le peuple ne s’en régale pas.

La cuisine des Grands

« Pour la petite histoire »

◆ Les influences étrangères L’inventivité de la cuisine française ne s’explique pas seulement

par le génie de ses artisans mais aussi par les apports extérieurs :

Espagne, Allemagne, Europe orientale... Au XVIe siècle, Catherine

de Médicis, qui fait un tour de France accompagnée de cuisiniers,

exerce une influence durable sur les manières de manger, avec

propreté et discrétion, sur la pâtisserie, ainsi que sur l’adoption de

légumes et de fruits venus d’Orient : concombres, brocolis,

artichauts, melons...

◆ Du piment dans l’assiette Le goût des épices et du salé-sucré a précédé notre siècle. Le sucre

sert longtemps de condiment. Safran, cumin, curcuma, clou

de girofle, coriandre, genièvre : réputées depuis l’Antiquité

pour stimuler l’appétit, les épices orientales relèvent des

mets français depuis le Moyen Âge, puis sont laissées aux

« peuples barbares » au XVIIe siècle. Les voyages diplomatiques,

guerriers ou commerciaux introduisent de nouveaux produits ; la

cuisine du Languedoc fut ainsi marquée par le retour

des Croisés.

◆ Festins de rois et vie de châteauLe festin est un signe de puissance politique et le

seigneur qui régale doit faire preuve tant de

générosité que d’appétit. Les somptueux ban-

quets qui couronnent les fêtes données par

Louis XIV attirent les Grands de toutes les

cours d’Europe. Les rôts y abondent, les légumes

et les fruits aussi grâce au jardinier de

Versailles La Quintinie. Le goût du faste n’em-

pêche pas les nobles de s’amuser à cuisiner

eux-mêmes, comme Mme de Pompadour et

Louis XV !

Le poivre :« À vos souhaits ! »Épice la plus connue dans le monde,

originaire d’Inde, sa quête a motivé

bien des explorations ! Vert, noir,

blanc, gris ou rose : les différentes

couleurs de grains s’expliquent par

leur degré de maturité.

Les bonnes manièresLa bonne façon de se tenir

à table, enseignée aux

enfants, est déjà respectée

par la noblesse italienne

du XVIe siècle : se laver les

mains, servir les meilleurs

morceaux aux autres,

manger la tête haute... En

Angleterre, dès le Moyen

Âge, on ne doit pas parler

la bouche pleine, ni mâcher

avec bruit ou manger avec

son couteau.

Henri IV soupant chez

le meunier Michaud par F. A. Vincent

Festin du sacre de Louis XV

par P. D. Martin

Du

feu

aux

Lumières

4

Un métier à part entière

Taillevent,un précurseurAu XIVe siècle, Guillaume

Tirel, dit Taillevent, est

le cuisinier le plus célèbre

du royaume de France.

Successivement

« enfant de cuisine »,

« Premier queux du roi »

et « Premier écuyer

de cuisine », il écrit le

fameux Viandier, un des

plus anciens livres de

cuisine rédigés en français.

Vatel ou le sens de l’honneurLa médiocrité d’un repas

peut nuire au prestige d’un

seigneur. C’est pourquoi, en

1671, au château de Chantilly,

convaincu que le retard de

la marée ruinera le festin

que le prince de Condé

prévoit pour ses hôtes, Vatel

met fin à ses jours.

La dodine de TailleventL’ajout de lait, de gingembre,

de jaunes d’œufs et de sucre

à la graisse d’un rôti donne

l’une des variantes de cette

sauce savoureuse, à servir

avec du gibier à plumes.

À vos fourneaux

Cuisine etmédecineAu XVIe siècle, les

auteurs des premiers

ouvrages de cuisine ne

sont pas toujours des

« maîtres queux » mais

parfois des médecins et

les premiers établissements

servant de la nourriture

s’appellent des « maisons

de santé » !

◆ De la salle commune à la cuisine cloisonnéeÀ la Renaissance, la séparation de la salle à manger et de la

cuisine contribue à la professionnalisation du métier de

cuisinier. La cuisine gagne son indépendance et les architectes

l’intègrent à leurs plans.

◆ L’évolution des ustensiles et des technologiesLes ustensiles – couteaux, fourches et broches – se spécialisent,

ainsi que les attributions des garçons de cuisine. L’organisation se

rationalise : fourneau en briques, le « potager » est installé près

d’une fenêtre, pour la sécurité du cuisinier la cheminée est

surélevée, une zone froide est réservée aux préparations. Les

batteries de casseroles, de poêles et de plats, astiquées, sont

soigneusement alignées.

◆ La reconnaissance du statut de cuisinierJusqu’au Moyen Âge, les cuisiniers se forment sur le tas et, malgré

leurs prouesses, passent pour des incultes. La rédaction des

premières « bibles » culinaires par de grands maîtres puis leur

diffusion améliorent leur image. La cuisine s’apparente à un

ordre : Taillevent repose en armure de chevalier sous un bouclier

orné de trois marmites. La reconnaissance vient d’en haut : en

1564, des chefs accompagnent Catherine de Médicis dans son

tour de France.

Une cuisine du XVIe siècle Une cuisine de l’école Le Cordon Bleu

au XXIe siècle

Habits de cuisiniers

au début

du XIXe siècle

La professionnalisation du cuisinier

Henri-PaulPellaprat

(1869-1950)Chef de cuisine français

et professeur aux écoles

Le Cordon Bleu, il est l'auteur

de nombreux ouvrages

de référence. Traduit en

six langues, L'Art culinaire

moderne est l'un des

premiers livres à avoir fait

connaître à l'étranger

les techniques culinaires

françaises.

Chefs enherbe… Initiation à la cuisine à l’école

primaire, « Semaine nationale

du goût » ou stages spécia-

lement conçus pour eux

par des professionnels : les

enfants peuvent, eux aussi,

apprécier le plaisir de cuisiner

et découvrir par ce biais notre

patrimoine gastronomique !

Cuisine et cuisiniers s’organisent

Lan

ais

san

cede

lagastronomie

5

◆ L’évolution des transportsGrâce au chemin de fer dès le Second Empire, les poissons de

mer, longtemps considérés comme produits de luxe et réservés

aux populations du littoral, accèdent enfin à la capitale et

traversent le pays. De même, les primeurs d’un terroir ne

réjouissent plus seulement le palais de ses habitants mais

arrivent sur des tables lointaines. Les contours de la géographie

alimentaire s’effacent et certains aliments se démocratisent.

◆ Échanges de savoir-faire et de produitsDurant des siècles, les métiers sont itinérants. La précarité

de l’emploi de cuisinier entraîne une diffusion du savoir : il

apprend aux autres et des autres. De nos jours, si la cuisine de

France éblouit toujours hors de ses frontières, elle continue

d’absorber les influences extérieures. Carpaccio italien, viande

saisie à la sauce soja chinoise, cheesecake à la new-yorkaise

offrent une alternative aux classiques régionaux. Tels le raifort

et le gingembre, certains ingrédients orientaux sont même déjà

intégrés à la cuisine française.

◆ Une circulation des connaissancesLe perfectionnement des communications internationales, la

démocratisation des transports et la curiosité cultu-

relle livrent à chacun des informations que seuls les récits de

voyage apportaient jadis. La médiatisation des chefs,

leurs succès en librairie, la popularité des

critiques et la profusion d’émissions culinaires

télévisées ont fait de la gastronomie un sujet populaire.

Le cuisinier nomade Sous l’Ancien Régime, le tour

de France professionnel

du cuisinier approfondit,

à chaque embauche

saisonnière, la connaissance

qu’il a des traditions et

techniques culinaires

régionales.

Du saumon pour tousFumé, mariné, rôti, à

l’unilatérale ou en papillote :

le saumon fut un mets de

luxe, réservé aux nantis

et aux repas de fête.

Accessible au plus grand

nombre, il s’affiche aujourd’hui

sur tous les menus !

Échanges et harmonisation

Un art ou une science ?

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lagastronomie

◆ La publication des premiers manuelsL’imprimerie assure une diffusion aux premiers livres de

cuisine. Le cuisinier, auteur, communique son savoir.

Au XIVe siècle, le Viandier de Taillevent connaît une quinzaine

de rééditions. En 1651 paraissent Le Cuisinier françois de La

Varenne et Le Jardinier françois de N. de Bonnefond, premier

valet de chambre de Louis XV. Au XVIIe siècle, des dictionnaires

répertorient les ingrédients et préparations de base, ainsi que

leurs qualités et défauts diététiques respectifs. Dans leur

Encyclopédie, Diderot et d’Alembert s’intéressent aux ustensiles.

◆ La mise en place des fondements de la cuisineD’une réédition à l’autre, le Viandier illustre l’évolution de l’art

culinaire : les techniques se différencient, de nouveaux

aliments sont introduits, les proportions et les temps de cuisson

se précisent. Ingrédients, mesures et tours de main ne sont plus

ni aléatoires ni confidentiels. Si la cuisine se codifie avec

Carême, c’est, un siècle plus tard, le grand Escoffier qui laisse

l’empreinte la plus décisive en rationalisant la répartition des

tâches dans les brigades et en soignant l'image des cuisiniers.

◆ Critiques et philosophes de l’art culinaireLa vogue des restaurants aux XVIIIe et XIXe siècles s’accompagne

d’une montée en puissance des « critiques gastronomes » : ils

concilient la littérature technique (les recettes), la littérature

poétique (ah, les plaisirs de la chère !) et la littérature scientifique

(la diète quand même !). Ainsi les précurseurs de la Reynière et

Brillat-Savarin n’écrivent-ils pas que des guides mais donnent-ils

aussi des conseils sur la façon la plus hygiénique de s’alimenter.

6

À vos fourneaux

La pêche MelbaEscoffier crée la « pêche Melba »

en 1893 pour remercier Mme Melba

du plaisir qu'il a eu à entendre sa voix

à l'Opéra de Covent Garden.

La codification de la cuisine

Le mot gastronomie,

d’origine grecque,

apparaît au début du XIXe

siècle. Plus que par le seul

art de bien manger,

Brillat-Savarin la définit

comme « la connaissance

raisonnée de tout ce qui a

rapport à l’homme, en

tant qu’il se nourrit. » Ce qui plaît

au palais ne suffit pas : ce qui est bon

pour le corps importe autant.

Des mets

et des mots

Escoffier (1846-1935) :« l’empereur des cuisiniers »

Dans la restauration depuis

ses 13 ans , il rencontre

César Ritz au Grand Hôtel

de Monte-Carlo. Il le

suit à Londres où il

ouvre le Savoy, puis

le Grand Hôtel de

Rome et enfin, en 1898,

le Ritz de Paris et

le Carlton de Londres.

Ayant beaucoup œuvré

pour le renom mondial

de la cuisine française,

auteur d’ouvrages profes-

sionnels de référence

(Le guide culinaire,

Le livre des menus,

Ma cuisine...) et

réformateur des

méthodes de travail,

il a toute sa vie aidé

les cuisiniers en difficulté.

Brillat-Savarin (1755-1826)

Bressan, il s’initie à la cuisine

auprès de sa mère, cordon

bleu accompli. Il apprécie

les bons restaurants et

cuisine lui-même quelques

spécialités telles que

l'omelette au thon et le filet

de bœuf aux truffes.

Dans sa Physiologie du

goût, au succès immédiat,

il traite de la cuisine comme

d’une science exacte, avec

érudition et humour.

La Cuisinière bourgeoise

à l’usage de tous ceux

qui se mêlent de dépenses

de maisons

(Paris, Guillyn, 1775)

Les noms des recettes

Quand elles ne portent pas leur

propre nom, les cuisiniers de l’Ancien

Régime baptisent leurs recettes du

nom de leur maître afin de jouir de

son prestige : ainsi fleurissent les plats

« à la Colbert », « à la Villeroy » ou « Conti »...

Au XIXe siècle, nombre de préparations

prennent le nom d’un artiste : et un

« tournedos Rossini », un !

Les bonne tablesLe Procope est le doyen des

restaurants parisiens (1686).

Tortoni, Beauvilliers,

Les Trois Frères Provençaux,

Le Rocher de Cancale, puis

le Café Anglais, la Maison

Dorée, le Café Riche et

le Grand Véfour contribuent

à leur tour au succès de

la gastronomie française.

Grandeur etdécadence de

la pomme de terre Ramenée du Pérou par les

Conquistadors, la pomme de

terre est longtemps considérée

comme un tubercule bon pour

les pauvres. Elle est valorisée par

Parmentier, pharmacien chargé en

1785 de remédier aux disettes. Simple

garniture, elle est ensuite anoblie par des

chefs imaginatifs : pommes Duchesse, Pont-

Neuf, noisettes... Bœuf cuit haché, revenu avec

des oignons et du bouillon, nappé d’une purée

de pommes de terre gratinée, le hachis

Parmentier est l’exemple parfait du plat

« du lendemain ».

La cuisine bourgeoise

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lagastronomie

◆ Un luxe mesuré Au XIXe siècle, la cuisine doit être économique, saine et

appétissante. Ragoûts, pot-au-feu, pain perdu... l’art d’accom-

moder les restes vient du souci de ne rien gâcher. Les plats sont

roboratifs et rassurants. Dans les demeures cossues, la cuisine

est confinée au fond d’un couloir. Dans la salle à manger parée

de lustres, de cristal et d’argenterie, les convives, préservés des

odeurs et des domestiques indiscrets, se retrouvent en famille,

nouent des relations, règlent des affaires.

◆ La vogue des restaurantsLes restaurants de la capitale d’un bon rapport qualité-

prix attirent les députés provinciaux de passage ainsi

que les nouveaux riches parisiens, soucieux d’imiter

les nobles. D’une cinquantaine à la Révolution les

restaurants passent à plus de trois mille sous la

Restauration. Le décor et la clientèle importent

autant que le repas. On y parle politique ou l’on

y soupe après l’Opéra. Jadis élaborée dans le secret

des hôtels particuliers, la grande cuisine est, grâce

à eux, accessible au public.

◆ À la table des écrivainsLes gens de lettres sont aussi fins gourmets : ils

fréquentent les restaurants en vogue et reçoivent avec

faste. Alexandre Dumas, cuisinier enthousiaste, écrit un

Grand Dictionnaire de Cuisine. Balzac et Zola lient avec minutie

les habitudes alimentaires de leurs personnages avec leurs

origines sociales et géographiques. Quant à George Sand, ses

carnets de cuisine sont encore réédités !

7

Pour la petite histoire

À vos fourneaux

La confirmation des valeurs sûres

Un dîner chez

Alexandre Dumas (père)

en 1864

Le pot-au-feuParfaite combinaison d’un

savoureux bouillon, de viandes

et de légumes, sans oublier l’os

à moelle et le pain grillé, le

pot-au-feu n’est pas un plat

sophistiqué mais il ne

supporte pas la médiocrité !

Les apprêts du pot-au-feu

par M. H. Bounieu

Intérieur du restaurant

Les Trois Frères Provençaux

par E. Lami (1842)

« Entre la poire et le fromage »Dans cette expression encore

utilisée, l’ordre de ces mets,

contraire à celui d’aujourd’hui,

n’étonne plus lorsqu’on sait qu’au

XVIIe siècle les fruits précèdent

le fromage, conclusion du repas.

Un art de vivre

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lagastronomie

◆ L’art de la table Géométrie et raffinement régentent la table au XVIIe siècle.

Les convives sont régulièrement répartis selon leur naissance.

Le repas est mis en scène par la beauté des plats et des décors de

table, dont les pièces montées sont le point d’orgue. Avant le

gouvernement de Louis XIV, on plonge ses doigts dans le ragoût,

on les rince sous l’eau d’une aiguière, puis on les essuie.

Importée par Catherine de Médicis, la fourchette devient

un signe d’élégance. À chaque mets, assiette et couverts sont

renouvelés. L’apparat se retrouve sur la table bourgeoise du

XIXe siècle où l’on est jugé par son argenterie.

◆ L’ordonnance des menusAu Moyen Âge, on aime consommer les fruits au début du

repas – certains diététiciens d’aujourd’hui pensent qu’ils

se digèrent mieux ainsi. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la

symétrie gouverne encore la composition des copieux

menus. Au lendemain de la Révolution, Brillat-Savarin

indique que « L’ordre des comestibles est des plus substantiels

aux plus légers ». Il prône toutefois la mesure : « Que les mets

soient exquis mais en nombre resserré » !

◆ Le service Dans le service « à la française », appliqué sous l’Ancien Régime,

les plats sont savamment disposés sur la table, tels les éléments

d’un jardin de Le Nôtre. Le repas se divise en trois ou quatre

services. Chacun peut compter plus de vingt plats, qui ne restent

que vingt minutes sur la table, chaque convive n’en goûtant que

deux ou trois. Ce n’est qu’au XIXe siècle que tous les invités se

voient présenter chaque mets et mangent tous la même chose.

Dans le service « à la russe », le plat entier leur est présenté avant

qu’un morceau découpé ne soit servi à l’assiette.

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Des mets et des mots

À vos fourneaux

Le pouletMarengoEn pleine campagne

d’Italie contre les

Autrichiens, Bonaparte

a faim. L’intendant

s’excuse du manque

de beurre et lui sert un

poulet sauté à l’huile,

assaisonné d’épices,

d’un bouquet garni, de

Madère et de vin blanc,

accompagné de champi-

gnons : le général se régale,

la recette est née !

La fourchetteLe mot vient de l’italien fuscina, qui signifie

« petite fourche ». Elle ne comporte initialement

que deux dents longues et acérées. Le modèle

à quatre dents, moins blessant, lui sera

définitivement préféré.

Autour des mets

Les couverts à poissonUtilisés par les Anglais

depuis le XVIIe siècle,

les couverts à poisson

n’apparaissent sur les

tables françaises que

deux siècles plus tard.

Le couteau à poisson,

en détachant la chair sans

la couper, permet d’en

préserver la saveur.

La réussite d’un repas« Quelque recherchée que

soit la bonne chère, quelque

somptueux que soient

les accessoires, il n’y a pas

de plaisir de table, si le vin

est mauvais, les convives

ramassés sans choix,

les physionomies tristes,

et le repas consommé

avec précipitation. »

Brillat-Savarin

Un menu royal

en 1757

Service de Talleyrand, dont la table

fut l’une des meilleures de l’Empire.

Projets de théière pour

Napoléon Ier et de couverts

de table début XIXe siècle

Service de table Renaissance (XVIe siècle)

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◆ Des techniques nouvelles...La révolution industrielle apporte le fourneau en fonte : avec

son foyer intérieur, il permet une cuisson maîtrisée, l’exécution

simultanée de diverses préparations et la répétition exacte des

mêmes recettes. Le gaz et l’électricité – en attendant la chaleur

à induction – engendrent de nouveaux modèles de cuisinières.

Au garde-manger succèdent la conserve et le réfrigérateur.

Désormais, on peut techniquement cuisiner n’importe quel

produit quelle que soit la saison ! L’influence du calendrier sur

les mœurs alimentaires ne persiste qu’au moment des fêtes.

◆ ... aux nouvelles cuisinesÀ l’image de la mode, la cuisine connaît des cycles...

et des recyclages ! Aux préparations lourdes, la « nouvelle

cuisine » préfère la sobriété mêlée d’audace : choc des

couleurs et des saveurs, contraste des textures, mi-

cuisson, mousses de légumes, purées, feuilletages,

mariage du luxe et de la rusticité – comme dans la

« salade folle » de foie gras et haricots verts croquants.

Puis la nouvelle cuisine a lassé, le « craquant »

supplantant le moelleux. La légèreté reste de mise

sous l’influence de la cuisine japonaise : goût du

cru, fraîcheur des ingrédients, esthétisme

dépouillé des présentations...

◆ La tradition en pleine forme et à la mode

L’internationalisation et l’industrialisation de la

cuisine menaceraient-elles l’identité culinaire

française ? Comme en réaction, les plats du terroir

et autres « spécialités régionales », voire des recettes

anciennes exhumées des siècles passés, ne se sont

jamais aussi bien portés ! Tradition ou invention : c’est

une question d’équilibre...

La cuisinedomestiqueMixer, râper,

hacher... les appareils

et robots électriques

garantissent aux ménagères, dès

les années 1950, une rapidité

et une précision dans l’exécution

ainsi qu’une moindre fatigue.

Peut-on encore rater une recette ?

L’appertisationC’est un industriel français, Nicolas

Appert (1749-1841), qui met au point

le procédé de conservation des aliments

consistant en une stérilisation par

la chaleur dans un récipient clos,

d’abord en verre, puis en fer blanc.

« Pour la petite histoire »

Entre tradition et invention

Un patrimoine qui évolue

Exemple de dessert « moderne », ce miroir cassis répond au goût

contemporain : simplicité raffinée, consistance aérienne, fraîcheur fruitée.

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La sophistication révolue

◆ La passion du « vrai »« Prêt-à-consommer » ou cuisine compliquée : l’abus des extrêmes

lasse ! L’uniformisation internationale de l’alimentation aussi :

trouver dans une capitale toutes les cuisines du monde présente

des avantages mais ôte du charme aux voyages. En réaction,

le mangeur du début du XXIe siècle s’intéresse, plus qu’à

la recette, aux ingrédients qui la composent ! Choisir un

bon produit, c’est le choisir frais, de saison, savoureux,

odorant, naturel et d’une provenance connue. Marchés

et petits producteurs comblent alors ceux qui veulent

« savoir ce qu’ils mangent » !

◆ En quête de naturel et de simplicité Un plat « fait maison » est a priori synonyme de qualité mais il

révèle surtout l’attention que l’on porte aux autres. Et si l’on

mange hors de chez soi, le bistro citadin à l’ancienne et l’auberge

campagnarde en bordure de route sont largement préférés

aux restaurants de chaîne standardisés.

◆ Diététique et « cuisine minceur »Comme tout plaisir, celui de manger est parfois gâté par un

sentiment de culpabilité. Les plaisirs de la chère et de la chair ne

sont-ils pas souvent associés ? La médecine vient conforter la

morale : manger trop et trop riche nuit ! Le souci de conformer

sa silhouette aux canons esthétiques ajoute un motif à la

recherche d’un équilibre alimentaire. Végétal et légèreté allant

de pair, légumes et fruits l’emportent sur les viandes...

Heureusement, magret de canard et confit d’oie ont encore

leurs adeptes !

Quelques diplômésA.O.C. !

La poularde de Bresse

La pomme de terre de l’île de Ré

Les lentilles vertes du Puy

L’huile d’olive de Nyons

L’oignon doux des Cévennes

Le beurre d’Isigny

Le bleu d’Auvergne

La noix de Grenoble

Le miel de sapin des Vosges

Les richesses de la merBordée par quatre mers, la France

profite de l’exceptionnelle variété

de poissons que lui offre son littoral.

Matières grasses de qualitéLa diversité des corps gras est une des

richesses de la cuisine française :

beurre ou crème en Normandie,

graisse d’oie ou de canard dans

le Sud-Ouest, huile

d’olive dans le Midi...

Qualité et origine des produits

L’« Appellation d’Origine Contrôlée »

La mention A.O.C. identifie un produit

qui tire son authenticité et sa typicité

de son origine géographique. Elle

garantit un lien intime entre produit

et terroir, c'est-à-dire une zone

géographique bien circonscrite avec

ses caractéristiques géologiques,

agronomiques, climatiques

et humaines.

Le label

Cette certification atteste

qu'un produit agricole ou

une denrée alimentaire

possède un ensemble

de caractéristiques

préalablement fixées

établissant un niveau

de qualité supérieure.

L’A.B.

La mention A.B. (pour

« Agriculture Biologique »)

sur un produit signifie

que son mode de

production a respecté

les équilibres naturels en

excluant l'usage de pesticides,

d'engrais chimiques ou solubles

et d’OGM.

Un retour aux sources

Gargantua à

« son petit souper »

Les légumes oubliésTopinambour, rutabaga,

sureau sauvage, ortie...

Les producteurs spécialisés

permettent au gastronome

nostalgique de redécouvrir

les légumes d’antan ;

les plus rustiques palliaient

aux époques difficiles

le manque de légumes nobles !

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Un héritage grec

Bien avant les Français,

les Grecs appréciaient le mariage

du pain et du vin... en trempant

le premier dans le second

au petit-déjeuner !

◆ Pain, fromages et vins : un trio qui s’exporteMoyen de survie durant les disettes, le pain s’est depuis anobli.

Comble du chic outre-Atlantique, la baguette voisine avec les

« pains spéciaux », souvent inspirés de recettes anciennes, voire

antiques. Le pain s’impose surtout avec le fromage et la France

en revendique la plus grande richesse. Ses fromages sont en

effet aussi variés que ses terroirs... à l’image des vins qui les

accompagnent ! De Bordeaux, de Bourgogne, des Côtes du

Rhône ou d’Alsace, les grands vins français s’exportent... et les

cépages aussi !

◆ Les desserts : last but not least !Jadis, ils s’intercalaient entre les mets – le « trou normand »,

sorbet imbibé de Calvados censé favoriser la digestion, a

survécu... Depuis le XIXe siècle, le dessert conclut le repas. Très

enrichi sous l’influence des Médicis, l’art de la pâtisserie s’est

spécialisé et le métier aussi. Autres douceurs, les viennoiseries

du petit-déjeuner, malgré leur appellation autrichienne,

crânent, elles aussi, croissants en tête, derrière les vitrines des

boulangeries françaises expatriées !

◆ Des recettes sans frontières Sous Louis XIV, la cuisine française avait déjà séduit les cours

d’Europe. Domaine de la culture, la cuisine est appréciée

comme un artisanat, voire un art, à part entière. La capitale n’a

plus le monopole des grandes tables : de nombreux restaurants

de province justifient à eux seuls un tour de France. Les médias

aidant, de grands chefs sont devenus des stars interna-

tionales. Sole normande, saucisson chaud lyonnais ou bouilla-

baisse marseillaise : loin de la cuisine élaborée, les spécialités

régionales plaisent aussi aux gourmets étrangers !

Le champagne :une naissance bénie !

En 1668, dom Pérignon, un

ecclésiastique, constate que le

vin de Champagne subit

parfois une fermentation qui

le rend mousseux. Il décide de la

favoriser en utilisant un bouchon

de liège et en introduisant, à l’instar

des Normands dans le cidre,

un morceau de sucre, et enfin

de mélanger différents crus.

Le goût du luxe

Le foie gras

La fabrication du foie gras se répartit

depuis le XVIIIe siècle entre

l’Aquitaine et l’Alsace. Cuit avec

des épices ou de l’eau-de-vie, d’oie

ou de canard, le foie gras français,

indissociable des festivités de fin

d’année, résiste vaillamment à

la concurrence d’Europe centrale !

La truffe

La saveur subtile de la truffe se

dissimule derrière un physique ingrat !

Rare et onéreuse, crue ou cuite, en

sauce ou en accompagnement, la

truffe, déjà appréciée au XIVe siècle,

a ses indéfectibles passionnés.

Le roquefort

Au cours d’un voyage, Charlemagne

goûte un fromage en prenant soin

d’en ôter le persillé. Son hôte lui

explique qu’il se prive du meilleur :

l’empereur s’extasie et décide

d’en faire son fromage préféré !

Un déjeuner à bord du Concorde

Caviar Osciètre

Médaillons de homard breton

Fondue tomatée et champignons

Jus de grecque truffé

ou

Confit de volaille des Landes

Châtaignes fondantes, truffe noire

et foie gras de canard

Condiment de pommes

Tartare de légumes et d'herbes fraîches

Filet de bar de ligne à la plancha

Blancs de poireaux et céleri fondant

Sauce américaine coraillée

ou

Mignon de veau de lait aux champignons

et truffe noire du Périgord

Légumes de saison en beaux morceaux

poêlés

ou

Légumes gratinés aux sucs de cuisson

Jeunes épinards au beurre noisette

Brie de Meaux fourré de truffes noires

Aspic d'ananas et de fruits exotiques au

parfum de citronnelle et menthe fraîche

Croustillant choco-café au goût de moka

Des spécificités reconnues

Le prestige français

« Pour la

petite histoire »

Do you speak « cuisine » ?La formation parisienne

du Cordon Bleu est

dispensée en français

– les cours étant traduits

en anglais au début des

études. Partenaire, l’Alliance

française assure un cours

de français spécialisé dans

la terminologie culinaire.

Le Cordon Bleu propose

également des cours

d’anglais spécialisés dans

la terminologie hôtelière

et touristique.

Être ou ne pas être un cordon bleu… Synonyme d’excellence

culinaire, l’expression

« cordon bleu » provient du

cordon bleu auquel était

suspendue la croix distin-

guant les chevaliers de

l’ordre du Saint-Esprit,

ordonnés en 1578 par le

roi de France Henri III.

Les publications Le Cordon Bleu publie de nombreux

ouvrages régulièrement primés qui,

traduits dans plusieurs langues,

s’adressent au grand public, tels que

Wine Essentials, Le Cordon Bleu

Home Collection et Le Rêve de

Sabrina, ou aux professionnels,

tels que Professional Cooking et

Professional Baking, devenus des

livres de référence officiels du

système éducatif culinaire américain.

Les techniques de la cuisine française portées à l’excellence

Le Cordon Bleu

dans le monde

Présent avec plus de 26 écoles dans

une quinzaine de pays dont

l’Angleterre, l’Australie, le Canada,

la Corée, les États-Unis, le Liban,

Le Cordon Bleu accueille chaque

année 20 000 étudiants de plus de 70

nationalités. Le Cordon Bleu a parti-

cipé au dîner de couronnement de la

reine Elizabeth II d’Angleterre, à la

formation des équipes culinaires et

hôtelières australiennes pour les

Jeux Olympiques de Sydney de l’an

2000 et a accueilli les premiers Chefs

venant de Chine dès 1995. Le Cordon

Bleu bénéficie d’un rayonnement

international et poursuit son exten-

sion par la création de nouvelles

écoles et par la mise au point de nou-

veaux programmes dans de nombreux

pays. Il est également conseiller

pour des industriels du secteur agro-

alimentaire et des compagnies

aériennes ou de croisières.

Des programmespédagogiques complets

Tous reposent sur l’alternance de

démonstrations et de pratiques de

cuisine et/ou de pâtisserie.

Outre les programmes culinaires

« classiques » et les stages profession-

nels, Le Cordon Bleu propose des

programmes universitaires au plus

haut niveau : « Bachelors », « MBA’s »

en gestion internationale événemen-

tielle, hôtelière et de restauration,

ainsi qu’un « Masters of Arts in

Gastronomy »...

Les formateurs

Les enseignants du Cordon Bleu

regroupent des professeurs univer-

sitaires aux références interna-

tionales et des Chefs lauréats de

grands concours nationaux et inter-

nationaux qui ont tenu, pour la

plupart, les cuisines de restaurants

étoilés .

La transmission

d’un patrimoine

La gastronomie française jouit dans

le monde d’un grand prestige, qu’elle

doit non seulement à son histoire

mais aussi à l’apport inestimable des

influences étrangères. Conscient de

l’importance de cet échange et de

cet enrichissement mutuel, Le

Cordon Bleu n’enseigne pas unique-

ment l’art culinaire français, dont

chaque étudiant se fera l’ambassa-

deur dans son pays, mais il transmet

également un savoir-faire culinaire

universel qui peut s’adapter à chaque

culture. Les Chefs Le Cordon Bleu

sont les dignes représentants de

n o t r e p a t r i m o i n e c u l i n a i r e e t

culturel lors de nombreux festivals

et événements organisés tous les ans

à travers le monde.

Depuis sa création à Paris en 1895, le Cordon Bleu remplit la vocation de

préserver et transmettre les techniques de l’art culinaire et l’art de vivre à la

française. De grands Chefs d’hier et d’aujourd’hui, français et étrangers,

ont enseigné au Cordon Bleu ou y ont suivi une formation. Fort de cette

expérience et de la reconnaissance de son enseignement, Le Cordon Bleu

est devenu l’un des premiers groupes mondiaux en formation culinaire et

en gestion touristique et hôtelière.

À lire… en V.O. !