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Sophie DALLE-‐NAZÉBI (coord.)
François LEFEBVRE-‐ALBARET & Guillemette BOSCH
Expérimentation d’un centre relais téléphonique pour les personnes sourdes, devenues sourdes, sourdes malvoyantes,
sourdaveugles et aphasiques, françaises.
Du 2 juin 2014 au 1er juin 2015
Volet 1 – Présentation de l’expérimentation (Contexte, caractéristiques, données)
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Sommaire 1 Le contexte de l'expérimentation .................................................................................................... 4
1.1 La population ne pouvant téléphoner ...................................................................................... 4
1.2 Les services de Centre Relais Téléphonique ............................................................................. 6
1.3 Le cadre législatif en faveur des services de centre relais téléphonique en France ................. 9
2 Description de l’expérimentation .................................................................................................. 16
2.1 Objectifs .................................................................................................................................. 16
2.2 Acteurs et partenaires ............................................................................................................. 18
2.3 Organisation de l’expérimentation ......................................................................................... 20
2.3.1 Recrutement des usagers participant à l’expérimentation .............................................. 20
2.3.2 Formations des usagers des services LSF, TEXTE et LPC .................................................. 20
2.3.3 Site internet d’information et didacticiels ....................................................................... 21
2.3.4 Contraintes liées à l’expérimentation .............................................................................. 22
2.4 Services et dispositifs techniques expérimentés .................................................................... 23
2.4.1 Orientations techniques et critères de services demandées par le comité de pilotage .. 23
2.4.2 Contexte technique de l’expérimentation de relais en LSF, TEXTE et LPC ....................... 25
2.4.3 Caractéristiques techniques de cette expérimentation ................................................... 28
2.4.4 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes sourdes malvoyantes .................................................................................................................... 29
2.4.5 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes sourdaveugles ............................................................................................................................... 30
2.4.6 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes aphasiques .................................................................................................................................... 33
3 Données d’analyse ......................................................................................................................... 35
3.1 Données quantitatives sur tous les appels relayés ................................................................. 35
3.1.1 Déroulement d’un appel téléphonique passant par le CRT ............................................. 35
3.1.2 Données enregistrées dans les Comptes Rendus d’Appels .............................................. 36
3.2 Retour des usagers LSF, TEXTE, LPC au cours de l’expérimentation via un sondage en ligne 36
3.2.1 Objectifs et caractéristiques du sondage en ligne ........................................................... 36
3.2.2 Nombre et profils des répondants au sondage en ligne, situation d’appels concernées 37
3.3 Entretiens avec des usagers LSF, TEXTE, LPC .......................................................................... 38
3.4 Données qualitatives sur les panélistes sourds malvoyants, sourdaveugles et aphasiques ... 40
3.5 Entretiens avec des opérateurs de tous modes de communication ....................................... 40
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3.6 Enregistrements d’appels relayés ........................................................................................... 41
3.6.1 Description de la procédure ............................................................................................. 41
3.6.2 Description des données disponibles ............................................................................... 42
3.7 Réponses au sondage-‐bilan en ligne ....................................................................................... 44
3.7.1 Objectifs et caractéristiques du sondage-‐bilan ................................................................ 44
3.7.2 Nombre et profils des répondants au sondage-‐bilan su les appels LSF, TEXTE, LPC ........ 45
3.7.3 Nombre et profils des répondants aphasiques et sourdaveugles au sondage-‐bilan ....... 46
4 Comprendre les statistiques d’appels – une première entrée dans les stratégies des usagers .... 47
4.1 Questionnement et données utilisées .................................................................................... 47
4.2 Appels et série d’appels par les panélistes ............................................................................. 47
4.3 Fenêtre sur les appels courts .................................................................................................. 49
4.4 Analyse du temps et des pratiques de mise en relation avec l’interlocuteur ......................... 52
4.4.1 Présentation des données ................................................................................................ 53
4.4.2 Présentation synthétique des activités entourant un appel ............................................ 53
4.4.3 Durées des étapes de sonnerie et mise en relation avec un interlocuteur ..................... 56
4.4.4 Synthèse sur les temps d’attente pendant la sonnerie .................................................... 58
4.4.5 Synthèse sur les temps de mise en relation avec l’interlocuteur visé ............................. 58
5 Deux rapports, deux volets d’expérimentation ............................................................................. 60
6 Glossaire ......................................................................................................................................... 61
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1 Le contexte de l'expérimentation
1.1 La population ne pouvant téléphoner
En France, une partie importante de la population n’a pas encore accès à l’usage du téléphone pour des raisons liées à une surdité ou à un trouble du langage.
L’exploitation des données de l’enquête INSEE HSM (Handicap, Santé, Ménage) de 2008 par L. Haeusler et B. Mordier (2014)1 permet d’estimer à 5 millions de personnes la population française qui n’entend pas du tout ou a beaucoup de difficulté à entendre une conversation à plusieurs (y compris avec appareillage). Seulement 6% de cette population est concernée par des difficultés à entendre avant l’âge de 20 ans. En effet, la fréquence d’une surdité augmente avec l’âge, en particulier à partir de 40 ans, notamment pour les hommes. Par ailleurs, 46% de cette population qui n’entend pas ou avec beaucoup de difficultés une conversation à plusieurs cumule d’autres difficultés, un phénomène qui est précisément associé à l’âge. Cette population est ainsi diversifiée en raison de plusieurs facteurs :
-‐ Une surdité légère peut permettre l'utilisation du téléphone, dans certaines conditions, tandis que des difficultés d’audition plus importantes empêchent tout usage du téléphone mais aussi des communications en présentiel à plusieurs. Notons qu’en fonction des situations, certaines personnes utilisent un appareillage qui permet d'exploiter des informations sonores. Certains usagers auront ainsi besoin du centre relais pour appeler dans certaines circonstances, tandis que d'autres y auront recours pour tout type d'appel. Les uns auront une expérience antérieure du téléphone, et d'autres non.
-‐ La surdité peut être déjà présente dès la naissance ou se déclarer plus tardivement. Dans ce cas, la surdité aura des conséquences très différentes sur la communication suivant son apparition avant ou après l’acquisition du langage, mais aussi sur les pratiques sociales expérimentées ou pas (comme de faire certaines démarches par téléphone).
-‐ Les modes de communication utilisés peuvent être radicalement différents. Il peut s’agir de la langue des signes française (LSF), du langage parlé complété (LPC), de la voix et/ou de l’écrit. Notons toutefois que ces moyens de communication ne sont pas exclusifs et que les personnes sourdes peuvent recourir à l’un ou l’autre en expression ou en réception suivant la situation. Une enquête de l’INPES sur la population sourde, malentendante ou ayant des troubles de l’audition (BSSM, 2011)2, a par exemple permis de montrer que si l’écrasante majorité des personnes qui n’entendent pas du tout utilisent la LSF pour s’exprimer, la moitié
1 Haeusler L. et Mordier B., 2014, « Vivre avec des difficultés d’audition. Répercussions sur les activités quotidiennes, l’insertion et la participation sociale », Dossiers Solidarité et santé n°52, DRESS. 2 Dalle-‐Nazébi S., Ménard C., Dessaux J., Sitbon A., 2014, « Surdité, santé, travail. Lecture et enjeux de récentes études statistiques », Colloque franco-‐latinoaméricain de recherche sur le handicap, 10-‐11 juillet, Université Paris Descartes. Sitbon A. (dir.), 2015, Baromètre Santé Sourds et Malentendants 2011-‐2012, éd. INPES, Paris.
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des locuteurs de cette langue sont des personnes qui entendent avec beaucoup ou quelques difficultés une conversation à plusieurs.
-‐ La surdité peut naturellement être associée à d’autres difficultés, par exemple de vision notamment pour les personnes sourdes atteintes du syndrome d’Usher. Lorsque la vision n’est plus suffisante, il est parfois nécessaire d’utiliser une version tactile de la langue des signes ou de recourir au braille pour lire du texte. Les situations de surdicécité constituent un handicap rare qui ne se résume pas à la superposition des conditions de vie de personnes sourdes et de personnes aveugles. Afin de rendre compte de la singularité de leur situation, ces personnes revendiquent la suppression du trait d’union dans l’écriture de « sourdaveugles », interpellant de la sorte sur la spécificité de leurs besoins.
-‐ Chaque personne a ainsi son propre parcours de vie, qui a une incidence directe sur la manière dont elle perçoit sa surdité mais aussi ses relations avec les autres. Il y a donc clairement un facteur identitaire qui fait que les uns se définiront comme sourds, d’autres comme malentendants, d’autres encore comme devenus sourds.
D’autres personnes, qui entendent, sont exclues de l’accès au téléphone en raison de difficultés d’expression ou de compréhension, comme les personnes aphasiques. L’aphasie intervient dans 75% des cas à l’issue d’un accident vasculaire cérébral et dans 5% des cas suite à un traumatisme crânien, qui en sont donc les deux principales causes (Mazaux, 2008)3. Il convient de souligner que « le nombre de personnes hospitalisées pour un AVC ne cesse de s’accroitre depuis 2002 (+ 16.5%). Bien que l’âge moyen des personnes touchées est de 73 ans, on note depuis ces dernières années une augmentation du taux de survenue avant 65 ans. Cette pathologie concerne un panel d’âge de plus en plus étendu : sur les 130.000 nouveaux cas [par année], le quart des personnes touchées a moins de 65 ans (10.000 à 15.000 personnes ont moins de 45 ans), la moitié a entre 65 et 84 ans et le dernier quart concerne les personnes d’au moins 85 ans » (Soares, 2015)4. Le nombre de personnes ayant eu un AVC en France est estimé à 400.000, dont 40% avec des séquelles (Castex, 2015)5. Dans 25% de ces cas, les patients parviennent à obtenir une bonne récupération dans l’année qui suit, 50% ont des incapacités légères et quelques difficultés de communication dans leur vie ordinaire, tandis que 25% restent avec une aphasie sévère. Il y a ainsi 30.000 nouvelles personnes chaque année en France à être dans ce cas (Darrigand & al., 2010)6.
Les troubles de la communication sont divers et peuvent notamment affecter différemment l’expression et la compréhension, l’oral et l’écrit. Même s’il est possible d’identifier des stratégies et ressources communes de communication alternative (Gonzalez & Brun, 2007)7, chaque personne a ses propres moyens de compréhension ou d’expression pour communiquer au quotidien : le texte, la voix, le mime ou des images, et la combinaison de ces moyens. Des supports visuels peuvent 3 Mazaux J.-‐M., 2008, « Aphasie. Evolution des concepts, évaluation et rééducation », DES DIU, Médecin Physique et de Réadaptation, Module Neuropsychologie, Cofemer. 4 Soares G., 2015, L'ergothérapeute: Professionnel pivot pour la motivation du patient post-‐AVC en rééducation. Entre influence de la pratique et de l'information, Mémoire de l’IFPEK, Rennes. 5 Dr Castex A., 2015, Rééducation de l’AVC chez les personnes âgées, SSR Casselardit, Toulouse. 6 Darrigand B., Dutheil S., Michelet S., Rereau S., Rousseaux M., Mazaux J.-‐M., 2010, « Communication impairment and activity limitation in stroke patients with severe aphasia », Disability and Rehabilitation, Early Online, 1–10. 7 Gonzalez I. et Brun V., 2007, « Communications alternatives et suppléances fonctionnelles », In Mazaux J.-‐M., Pradat-‐Diehl P. et Brun V., eds. Aphasies et aphasiques, Issy-‐les-‐ Moulineaux : Elsevier Masson, 251-‐261.
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notamment être plus particulièrement investis, comme les cahiers de communication, pour aider à contourner les incompréhensions en situation d’interactions (Gonzalez & al., 2014)8.
Il n’en reste pas moins que ces difficultés de communication, et cet investissement de pratiques alternatives, constituent de véritables épreuves pour les personnes aphasiques comme pour leurs proches, devenus des aidants. Les divorces seraient plus importants après l’hospitalisation (Teasell & al., 2000)9. Les états dépressifs de personnes aphasiques sont aussi mentionnés dans la littérature (Benaim & al. 2007)10, qui rapporte également des formes de restriction de participation à la vie sociale, d’isolement, de repli sur soi et de frustration. « Les loisirs sociaux, les activités de groupe et les sorties sont évités au profit de loisirs individuels ou nécessitant peu de capacités de communication verbale » (Mazaux & al., 2014)11. Il convient de rappeler que l’aphasie est également souvent associée à une hémiplégie (paralysie d’une partie du corps).
Une solution de mise en accessibilité du téléphone sous forme de centre relais se doit ainsi de prendre en considération cette diversité de profils et de moyens de communication afin de ne pas exclure à nouveau une partie de la population et son entourage. L’attention a donc été portée sur les situations de communication plutôt que sur une définition médicale et étiologique de ces panélistes, afin de préciser leurs besoins et habitudes, les usages à rendre possibles et donc les fonctionnalités et développements techniques à réaliser ainsi que les modalités d’accompagnement à prévoir.
1.2 Les services de Centre Relais Téléphonique
Le centre relais téléphonique est un dispositif qui mobilise les technologies internet et des professionnels de la médiation linguistique. Il permet de rendre accessibles des échanges téléphoniques entre des personnes sourdes, sourdaveugles, aphasiques ou ayant des difficultés de communication, et leurs interlocuteurs.
Concrètement, les personnes ne pouvant téléphoner utilisent un logiciel de visiophonie (permettant d’utiliser la vidéo, le son et le texte en temps réel, modalités désormais désignées par « conversion totale ») depuis leur ordinateur, une tablette ou un téléphone portable androïd. Ce dispositif leur permet d’entrer en contact avec un opérateur sur une plateforme téléphonique, qui fera le relais vers leur interlocuteur. Ils voient donc l’opérateur et sont également en interaction écrite avec lui. L’opérateur sera ensuite aussi en relation téléphonique avec l’interlocuteur. Il fera la médiation entre les deux, de manière simultanée.
8 Gonzalez I., Marchetti S., Petit H., Munier N. et Joseph P.-‐A., 2014, « Pour contourner les troubles aphasiques sévères : les classeurs de communication, de l’incapacité à la réparation », In Mazaux J.-‐M., De Boissezon X., Pradat-‐Diehl P. et Brun V., eds. Communiquer malgré l’aphasie, Montpellier : Sauramps Medical, 138-‐143. 9 Teasell R. W., McRae M. P & Finestone H. M., 2000, “Social Issues in the Rehabilitation of Younger Stroke Patients”, Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, Vol.81, 205-‐ 209. 10 Benaim C., Lorain C., Pélissier J. et Desnuelle C., 2007, « Dépression, qualité de vie et aphasie », In Mazaux J-‐M., Pradat-‐Diehl P. et Brun V., eds. Aphasies et aphasiques, Issy-‐les-‐Moulineaux : Elsevier Masson, 283-‐289. 11 Mazaux J.-‐M., Dacharry P., Lagadec T., Glize B., Dana-‐Gordon C., Prouteau A., Koleck M., Cugy E., Darrigrand B. et Dehail P., 2014, « Limitations d’activités de communication et participation des personnes aphasiques », In Mazaux J.-‐M., De Boissezon X., Pradat-‐Diehl P. et Brun V., eds. Communiquer malgré l’aphasie, Montpellier : Sauramps Medical, 75-‐85.
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Plusieurs médiations linguistiques sont proposées, selon les besoins et compétences des usagers : -‐ interprètes entre la Langue des Signes Française (LSF) et la langue française, -‐ codeurs en langue française parlée complétée (LPC), -‐ transcripteurs entre le français parlé et écrit, -‐ intermédiateurs (ici en français) : reformulation et explicitation pour des personnes ayant du
mal à s’exprimer ou à comprendre ce qui se dit (cette médiation se fait ici dans la même langue et recoure à la multimodalité : voix, gestes, écrits, pictos).
Le routage vers l’opérateur-‐relais approprié se fait via l’étape de log in dans l’application. Selon les interfaces de centre relais téléphonique, et selon le service de médiation utilisé, il est possible, si l’usager le souhaite, de couper la vidéo (service texte) ou le son (service LSF).
Schéma de présentation d’un centre relais téléphonique
Ce type de service de Centre Relais Téléphonique (parfois noté CRT) est aujourd’hui déployé dans de nombreux pays, pour certains avec un statut expérimental et pour d’autres en tant que service public pérenne depuis maintenant plusieurs années. On pourra se reporter utilement aux documents de l’ETSI et de l’OFCOM12, mais aussi au rapport de l’ARCEP (2010), pour un aperçu des services existants. En raison de ce déploiement, ces services et dispositifs sociotechniques disposent désormais de normes internationales :
• Recommandation F.703 Services conversationnels multimédias (Total Conversation), UIT-‐T, 11/2000 : https://www.itu.int/rec/T-‐REC-‐F.703-‐200011-‐I/fr.
• Le Texte Temps Réel (Real Time Text, RTT), une sous fonction de la Total Conversation, est normalisée par l'ITU-‐T sous la référence T140.
• Requirements for Relay Services, ETSI, 09/2015, Réf. ETSI ES 202 975 : http://www.etsi.org/deliver/etsi_es/202900_202999/202975/02.01.01_60/ es_202975v020101p.pdf
Sur le plan des conditions de travail de médiation, il est commun de distinguer deux services à distance qui sont, dans le cas du centre relais téléphonique, deux cas d’usages du même dispositif sociotechnique :
12 CSMG, 2012, «International deployments of video relay services», rapport préparé pour Ofcom, Londres ETSI, 2009, TR 102 974-‐2009 Human factors (HF); Telecommunications relay services v1.1.1, http://www.etsi.org/deliver/etsi_tr/102900_102999/102974/01.01.01_60/tr_102974v010101p.pdf
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-‐ VRS : Vidéo Remote Service, qui est le service précédemment décrit, où l’ensemble des interlocuteurs, opérateur compris, sont à distance. Ceci constitue donc une accessibilité linguistique d’échanges par téléphone.
-‐ VRI : Vidéo Remote Interprétation, où l’interprète est le seul à se trouver à distance, pour traduire les échanges entre deux interlocuteurs qui sont eux en co-‐présence. Ce type de service est notamment utilisé entre langues orales dans certains cas de consultations médicales, de procès ou d’entrevues avec la police13.
Des personnes sourdes et devenues sourdes françaises ont eu l’occasion d’expérimenter des appels via centre relais téléphonique depuis le début des années 2000 dans le cadre de différentes expérimentations et services professionnels émergents.
Les accueils de centres CAF (VRI) ont notamment utilisé ce dispositif, pour la médiation entre le français et la LSF, dans le sud de la France dès 2004. D’autres accueils administratifs ont fait ensuite de même sur le territoire métropolitain. Le dispositif a également commencé à être utilisé dans le cadre d’adaptation de poste de salariés sourds.
Une expérimentation d’utilisation du centre relais téléphonique à domicile a été proposée à une centaine de locuteurs de LSF en 2008 par Websourd (VRS), des personnes sourdes qui ont ainsi découvert le monde des communications téléphoniques qui leur était inconnu14.
Parallèlement, les associations représentatives de personnes sourdes, malentendantes et devenues sourdes (le réseau national de la FNSF15 et la diversité des publics représentés dans l’UNISDA) militent pour le déploiement pérenne des services de centre relais téléphonique en France, dans un cadre professionnel comme domestique, et interpellent les pouvoirs publics sur la question de l’accessibilité des appels d’urgence. Soulignons que leurs critères et exigences restent particulièrement stables dans le temps, et sont les mêmes au niveau français et européen.
Ce sont ensuite 500 foyers de personnes sourdes françaises de tous modes de communication qui ont participé en 2009-‐2012 au projet européen REACH11216 dédié aux urgences mais incluant l’expérimentation domestique d’appels relayés via centre relais téléphonique (VRS) et « de poste à poste » (sans médiation, entre usagers partageant le même mode de communication). Ce dernier projet a aussi posé la question des standards utilisés et expérimentés des appels transnationaux.
13 Braun S., Taylor J. L., 2011, « Video-‐mediated interpreting : an overview of current practice and research », in Braun S. & Taylor J. L. (éds.), Videoconference and remote interpreting in criminal proceedings, Guildford : University of Surrey, 27-‐57. 14 Dalle-‐Nazébi S., 2010, L’appropriation des services de centre relais par des sourds, Dossiers d’étude de la CNAF n°129, http://www.cis-‐npdc.fr/IMG/pdf/L_appropriation_des_services_de_centres_relais_par_les_sourds.pdf 15 FNSF : Fédération Nationale des Sourds de France (www.fnsf.org); UNISDA : Union Nationale pour l’Insertion des Déficients Auditifs, incluant des associations telles que le BUDODES : Bureau de COrdination des associations de Devenus Sourds, AFIDEO : Association Française pour l’Information et la Défense des sourds s’Exprimant Oralement, etc. (www.unisda.org). 16 REACH112 Experiment-‐ Responding to All Citizens Needing Help -‐ Description of users, Analysis of feebacks and practices in emergency, https://www.researchgate.net/publication/292964208_REACH112_Experiment-‐Responding_to_all_Citizens_Needing_Help_Description_of_users_analysis_of_feedbacks_and_practices
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Parallèlement, plusieurs entreprises ont créé une offre de services de centre relais téléphonique au sein des organisations professionnelles sur tout le territoire métropolitain17, pour un service de médiation entre le français parlé et écrit, ainsi qu’entre la LSF et le français (VRS et VRI). L’AGEFIPH a d’ailleurs mené une expérimentation d’utilisation de ces services de centre relais en milieu professionnel avec trois de ces opérateurs de fin 2008 à fin 201018.
En 2010, l’ARCEP, l’AGEFIPH et le FIPHFP rendent publique une étude qu’ils ont commandée à Advention Business Partner sur l’Évaluation des besoins des personnes sourdes ou malentendantes en matière d’accessibilité des services téléphoniques.
Ces expérimentations et travaux français restent focalisés sur les personnes sourdes et devenues sourdes, utilisant les services de médiation entre le français et la LSF puis dans un second temps entre le français parlé et écrit. Elles restent par ailleurs confinées au territoire métropolitain.
1.3 Le cadre législatif en faveur des services de centre relais téléphonique en France
Au regard de la nature des technologies mobilisées et des objectifs qu’il sert, le centre relais téléphonique s’inscrit dans une politique européenne d’inclusion par le numérique, ou « e-‐inclusion ». Il s’inscrit aussi dans une transformation internationale de la conception du handicap, prenant davantage en compte les effets de l’environnement social et culturel dans la production de situations handicapantes. Les leviers de transformation du quotidien et des capacités des personnes ayant des déficiences ou étant différentes de la majorité de leurs concitoyens, ne résident donc pas uniquement ni nécessairement dans une démarche médicale ou de réadaptation, mais aussi dans la prise en compte de leurs pratiques et repères au cours des interactions ordinaires ainsi que dans la conception des outils et services de notre quotidien. « La question qui compte » conclue Daniel Kaplan19, coordinateur en 2005 d’un groupe de travail européen sur l’e-‐inclusion, « est celle des capacités dont disposent les individus pour exprimer leur potentiel, vivre leur vie, participer à la vie sociale -‐ ce que les anglophones expriment par le mot empowerment ».
Pourtant, le constat européen établi au milieu des années 2000 est que ceux qui se trouvent exclus de la société de l’information, seraient paradoxalement ceux qui pourraient en tirer le plus profit : « En ce moment, environ 30% de la population européenne ne participent pas activement à la Société de l’Information. Parmi eux se trouvent les personnes les plus vulnérables, ce qui est une grande honte si l’on a en tête le pouvoir potentiel des nouvelles technologies pour améliorer leurs conditions de vie » (UE-‐ Information Society, 2005,) 20 . La politique en faveur des TIC (technologies de l’information et de la communication) s’est alors transformée : il ne s’agit plus seulement de
17 Dalle-‐Nazébi S., 2008, « Technologies Visuelles et e-‐inclusion. Initiatives de sourds », Innovation: The European Journal of Social Science Research, Vol. 21, No. 4, 353-‐369. 18 AGEFIPH, 2010, Evaluation des services mis en place dans les entreprises et proposés par les opérateurs de la plateforme déficience auditive, Document de restitution des résultats généraux de l’enquête. 19 Kaplan D. (co-‐ordinateur) (2005a), e-‐Inclusion: New challenges and Policy Recommendations, Report July 2005, eEurope Advisory Group, 44p. Kaplan, D. (2005b), « Cible mouvante : La fracture numérique ne se résorbera pas avec les remèdes actuels », Technology Review N°0, citation p.2. 20 EU -‐ Information Society, 2005, « Research for e-‐Inclusion », http://ec.europa.eu/ information_society/activities/einclusion/research/index_en.htm [consulté en octobre 2008], citation p.1
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permettre l’accès de tous à ces technologies, de résoudre la fameuse « fracture numérique », mais aussi d’inciter à l’utilisation de ces outils pour résoudre d’autres problèmes. Mais pour ne pas aggraver le fossé et les situations d’exclusion, une conception plus dynamique de l’intégration s’impose, valorisant la participation des personnes concernées dans la définition de leurs besoins, et reconnaissant d’une manière plus générale la diversité des acteurs et des moyens qui peuvent être mobilisés. L’accès au téléphone, ainsi qu’aux appels d’urgences (112), ont été posés comme des chantiers prioritaires, par les représentations de sourds au niveau européen et français.
Au regard de la législation française, l’accessibilité du téléphone s’inscrit dans les grandes orientations de la loi n°2005-‐102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle stipule notamment dans son article L. 114-‐1 que « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L’Etat est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d’actions ». Par ailleurs, l’article 78 précise que pour ce qui concerne les relations avec les services publics, « qu’ils soient gérés par l’Etat, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant selon des modalités et un délai fixés par voie réglementaire. Le dispositif de communication adapté peut notamment prévoir la transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété ».
Pour autant, l’accessibilité des communications téléphoniques n’est pas explicitement mentionnée dans cette loi. C’est une ambiguïté qui est levée par le président de la République française, Nicolas Sarkozy, à l’occasion de son discours lors de la conférence nationale du handicap le 10 juin 2008 : « Pour que les personnes sourdes et malentendantes aient accès au téléphone, vont être créés des centres relais qui permettront d’assurer en simultané la traduction des conversations. Il s’agit d’une innovation qui est essentielle »21. Ce n’est cependant qu’en 2010 que Xavier Darcos, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et la ville, a annoncé les conditions de la mise en œuvre de ces services de centre relais téléphonique, via la mesure 47 du plan gouvernemental en faveur des personnes sourdes ou malentendantes sur 2010-‐201222. Il est ainsi rappelé que « le téléphone représente par ailleurs l'un des obstacles les plus importants pour les personnes sourdes ou malentendantes dans leur vie personnelle, sociale et professionnelle. Des solutions techniques existent, tel que le recours à des centres relais qui offrent, via une connexion Internet, des services d’interprétation, de codage ou de transcription à distance. Le plan prévoit la mise en place fin 2010 d’un centre relais pilote pour les appels généralistes avec comme objectif la généralisation à partir de 2012 (mesure 47) ». Ce centre relais téléphonique ne prend pas en charge les appels d’urgences. Ce plan annonce en effet aussi la mise en place en 2011 du centre national de traitement et de d’orientation des appels d’urgence pour les personnes sourdes et malentendantes suite au décret n°2008-‐346 du 14 avril 2008. Enfin, il prévoit également le développement des
21 http://www.unisda.org/IMG/pdf/Discours_president_de_la_Republique_-‐_10_juin_2008_-‐_Conference_nationale_du_handicap.pdf citation p.11 22 http://unisda.org/IMG/pdf/Plan_2010-‐2012.pdf
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métiers de l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes. Ce plan n’a cependant pas pu être mis en place dans les délais annoncés.
Les scènes internationale et européenne soutiennent pourtant ces orientations. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées est, d’après la Commission européenne, « le premier instrument international juridiquement contraignant qui établit des normes minimales en ce qui concerne les droits des personnes handicapées »23. Signée en 2009 par la France, cette convention est adoptée par le Conseil de l’Europe fin 2009, et entre en vigueur dans l’Union Européenne fin janvier 2011.
Cette convention24 définie tout d’abord, dans son article 2, la discrimination fondée sur le handicap comme étant « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres ».
Concernant l’accessibilité, elle stipule dans son article 9 qu’« afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, les États Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales. Ces mesures (…) s’appliquent, entre autres : (…) b) aux services d’information, de communication et autres services, y compris les services électroniques et les services d’urgence ».
En termes de stratégie européenne sur les 10 années à venir, la commission européenne pose l’accessibilité comme le premier domaine d’action en faveur des personnes en situation de handicap. Elle est définie comme « la possibilité donnée aux personnes handicapées d’avoir accès, au même titre que les autres, à l’environnement matériel, aux transports, aux technologies et aux systèmes d’information et de communication ainsi qu’à d’autres installations et services » (Commission européenne, 2010)25.
Enfin, il est important de rappeler que le paragraphe 3 de l’article 4 de cette Convention des Nations Unies pose comme principe la participation des personnes concernées dans la mise en œuvre de ces politiques d’accessibilité : « Dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application de la présente Convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives aux personnes handicapées, les Etats parties consultent étroitement et font activement participer ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent ».
Pour l’European Disability Forum, les évolutions du Cadre réglementaire européen pour les réseaux et services de communications électroniques26, que l’on appelle plus communément le « Paquet Télécom », représentent aussi une « opportunité à ne pas manquer en vue d’assurer 23 http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1138&langId=fr 24 http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413 25 Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, 2010, Stratégie européenne 2010-‐2020 en faveur des personnes handicapées : un engagement renouvelé pour une Europe sans entraves, citation p.6. 26 http://eur-‐lex.europa.eu/legal-‐content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Al24216a
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l’égalité d’accès aux moyens de communications électroniques pour les personnes en situation de handicap » (EDF, 2010, p.1).
La « Directive cadre » (ou Directive 2002/21/CE)27 statuait déjà dans sa version de 2002 que « les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment: a) en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité »28.
Les modifications de 2009 de la Directive « Service Universel », via la Directive 2009/136/CE29 ou « Droits des citoyens », renforcent les incitations à l’accessibilité numérique pour les personnes en situation de handicap.
ü Elles concernent tout d’abord l’article 7 portant sur les « Mesures en faveur des utilisateurs finals handicapés ».
Cet article prévoyait déjà en 2002 que les États membres « prennent des mesures particulières en faveur des utilisateurs finals handicapés afin d'assurer, d'une part, un accès aux services téléphoniques accessibles au public, y compris aux services d'urgence, aux services de renseignements téléphoniques et aux annuaires, qui soit équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs finals et, d'autre part, le caractère abordable de ces services ». Il invitait également les États membres à « faire en sorte que les utilisateurs finals handicapés puissent eux aussi profiter du choix d’entreprises et de fournisseurs de services dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals ». La version de 2009 précise que « les États membres peuvent obliger les autorités réglementaires nationales à évaluer le besoin général et les exigences spécifiques de ce type de mesures particulières en faveur des utilisateurs finals handicapés, y compris leur portée et leur forme concrète », et doivent « encourager le respect des normes ou spécifications pertinentes ».
ü Elles insèrent un nouvel article, le 23bis, visant à « Assurer un accès et un choix d’un niveau équivalent pour les utilisateurs finals handicapés ».
« 1-‐ Les États membres font en sorte que les autorités nationales compétentes soient en mesure de fixer, le cas échéant, les obligations que doivent remplir les entreprises fournissant des services de communications électroniques accessibles au public afin que les utilisateurs finals handicapés:
a) aient un accès à des services de communications électroniques équivalent à celui dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals; et
b) profitent du choix d’entreprises et de services dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals »
2. Afin de pouvoir prendre et mettre en œuvre des dispositions spécifiques pour les utilisateurs finals handicapés, les États membres encouragent la mise à disposition d’équipements terminaux offrant les services et les fonctions nécessaires ». 27 DIRECTIVE 2002/21/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques : http://eur-‐lex.europa.eu/legal-‐content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32002L0021&from=FR 28 Les modifications de 2009 y incluent désormais aussi « les personnes âgées et les personnes ayant des besoins sociaux spécifiques ». 29 http://eur-‐lex.europa.eu/legal-‐content/FR/TXT/?uri=celex:32009L0136
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Les considérations préléminaires apportent également certaines précisions importantes :
• « Les États membres devraient mettre en place des mesures destinées à promouvoir la création d’un marché des produits et des services de grande diffusion qui intègrent des fonctionnalités pour les utilisateurs finals handicapés. Cela peut se faire, notamment, en se référant aux normes européennes, en introduisant des exigences en matière d’accessibilité électronique (e-‐accessibilité) dans les procédures de marchés publics et les appels d’offres liés aux prestations de services, et en mettant en œuvre la législation protégeant les droits des personnes handicapées ». (Considérant 9)
• « Il convient de garantir l’équivalence entre le niveau d’accès des utilisateurs finals handicapés aux services et le niveau offert aux autres utilisateurs finals. Pour ce faire, l’accès devrait être équivalent sur le plan fonctionnel, de sorte que les utilisateurs finals handicapés bénéficient de la même facilité d’utilisation des services que les autres utilisateurs finals, mais par des moyens différents ». (Considérant 12)
• « Les services téléphoniques accessibles au public comprennent également les moyens de communication spécifiquement destinés aux utilisateurs finals handicapés utilisant des services de relais textuel ou de conversation totale ». (Considérant 13)
• « Pour faire en sorte que les utilisateurs finals handicapés profitent de la concurrence et du choix de fournisseurs de services dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals, les autorités nationales compétentes devraient établir, le cas échéant et en fonction des situations nationales, des exigences de protection des consommateurs auxquelles doivent satisfaire les entreprises fournissant des services de communications électroniques accessibles au public. Les entreprises peuvent notamment être tenues de veiller à ce que les utilisateurs finals handicapés puissent utiliser leurs services dans des conditions équivalentes, y compris en matière de prix et de tarifs, à celles offertes aux autres utilisateurs finals, quels que soient les coûts supplémentaires qu’elles supportent. D’autres exigences peuvent porter sur les accords de gros conclus entre entreprises ». (Considérant 36)
Cette dernière citation laisse entrevoir les résistances possibles des entreprises en question. Cependant les Directives européennes, contrairement aux réglements, ne sont pas d’application immédiate dans les législations nationales. En effet, « une Directive établit le cadre et formule les objectifs, mais laisse aux Etats membres le soin de définir les moyens de la mettre en application » (EDF, 2010, p.9). Entrées en vigueur fin 2009, ces directives doivent donc être intégrées dans les législations nationales par « transposition ».
L’ordonnance n°2011-‐101230 relative aux communications électroniques, publiée le 24 août 2011, organise cette transposition du nouveau cadre européen des communications électroniques dans le droit français, en modifiant le Code des postes et des communications électroniques31 de ce pays.
ü Signalons au préalable que la question du droit à l’accessibilité des communications électroniques pour les personnes en situation de handicap était déjà traitée dans ce Code des postes et des communications électroniques bien avant les années 2000 dans son
30 http://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/textes/communautaires/joe_20110826_0049.pdf 31 La version actuelle de ce Code des postes et des communications électroniques peut être consultée ici : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070987
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chapitre 3 sur les obligations de service publique, qui « sont assurées dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité ».
Son Article L35-‐1 présente une rédaction stable à ce jour depuis 2004, hormis la suppression du paragraphe 3 sur les cabines publiques, et statue que : « Le service universel des communications électroniques fournit à tous :
1° Un raccordement à un réseau fixe ouvert au public et un service téléphonique de qualité à un prix abordable (…)
2° Un service de renseignements et un annuaire d'abonnés, sous formes imprimée ou électronique, conformément aux dispositions de l'article L. 35-‐4 ; (…)
4° Des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés afin d'assurer, d'une part, un accès aux services mentionnés aux 1° et 2° qui soit équivalent à l'accès dont bénéficient les autres utilisateurs finaux et, d'autre part, le caractère abordable de ces services.
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les modalités d'application du présent article et le contenu de chacune des composantes du service universel ».
Néanmoins, les conditions d’applications de cet article n’avaient pas été précisées. La transposition du nouveau cadre européen des communications électroniques dans le droit français ouvre de ce point de vue de nouvelles perspectives.
ü Cette ordonnance (via son article 5) introduit dans la partie législative de ce Code une nouvelle disposition en faveur des personnes en situation de handicap, exposée dans une section sur les réseaux et services.
L’article L. 33-‐1 précise que « l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur : (…) o) Un accès des utilisateurs finals handicapés à des services de communications électroniques à un tarif abordable et aux services d'urgence, équivalent à celui dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals ».
ü Le Décret 2012-‐436 du 30 mars 2012 (art.11) fixe les conditions d’application de ces différentes dispositions, dans une section sur « Le service universel et les modalités de désignation des opérateurs chargés du service universel ».
La partie réglementaire de ce Code, dédiée aux décrets en Conseil d’État, précise désormais dans son article R20-‐30-‐4 qu’: « En application du 4° de l'article L. 35-‐1, les opérateurs chargés, en application de l'article L. 35-‐2, de fournir la composante du service universel mentionnée au 3° de l'article L. 35-‐1 ou les composantes ou un des éléments des composantes décrites aux 1° et 2° du même article assurent aux utilisateurs handicapés l'accès à ce service, dans la limite des technologies disponibles pouvant être mises en œuvre à un coût raisonnable ».
ü Enfin, le Décret n°2012-‐488 du 13 avril 2012 (art.8) modifie les obligations des opérateurs de communications électroniques conformément au nouveau cadre réglementaire européen32.
La partie réglementaire de ce Code, dédiée aux décrets simples, précise dans son article D98-‐13 que 32https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025688775&categorieLien=id
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« L'opérateur prend les mesures nécessaires pour fournir aux utilisateurs finals handicapés, à un tarif abordable, des produits et des services adaptés leur permettant de bénéficier d'un accès à tout ou partie des services de communications électroniques qu'il fournit équivalent à celui dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals.
L'opérateur rend accessible ses services dédiés à la clientèle aux utilisateurs finals handicapés par tout moyen adapté à leur handicap.
Les contrats, les factures et la documentation relative aux produits et services visés au premier alinéa du présent article ou, à défaut, les informations qu'ils comportent sont mises à disposition des utilisateurs finals handicapés par des moyens ou sur des supports adaptés à leur handicap. L'opérateur met également en place une signalétique destinée à ses clients indiquant les terminaux et services les mieux adaptés à chaque catégorie de handicap, évalués sur la base de critères objectifs et transparents.
Lorsque des offres de l'opérateur prévoient la fourniture d'un équipement terminal, celui-‐ci met à la disposition des utilisateurs finals handicapés des terminaux adaptés à leur handicap disponibles sur le marché. L'opérateur tient également compte des besoins spécifiques des personnes handicapées dans la conception des équipements associés à ses offres d'accès à internet fixe.
L'opérateur publie tous les ans avant le 30 juin un rapport de l'avancement des actions qu'il a engagées pour l'adaptation et l'amélioration de l'accessibilité de ses offres de communications électroniques aux personnes handicapées en matière de terminaux et de services, et ce pour les différentes catégories de handicaps. Le rapport peut être intégré au rapport d'activité annuel de l'opérateur et fait notamment un point sur l'avancement des nouvelles technologies disponibles et leur mise en œuvre par l'opérateur. Ce rapport est transmis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».
Nous pouvons donc faire le constat qu’un cadre légal en faveur de dispositifs sociotechniques d’accessibilité des communications téléphoniques existe en France, et qu’il est également favorable à une démarche d’expérimentation. La redondance des textes conforte cette avancée. Elle montre aussi la difficulté à préciser à ce stade la notion de coût abordable, et de manière associée les besoins et critères en termes d’ajustement technique et de qualité de service. Cet état de fait est sans conteste à l’origine de l’expérimentation de services de centre relais téléphonique exposée ici. Il renforce également l’obligation d’associer les personnes concernées dans ce processus de mise en œuvre de ces orientations politiques.
Concernant la représentation des personnes concernées sur ce sujet de l’accessibilité des communications téléphoniques, signalons que celle-‐ci s’est précisée et déclinée, parallèlement à ces travaux législatifs, avec une prise en compte nouvelle des personnes aphasiques d’une part, et des personnes en situation de handicap rare, et notamment sourdaveugles, d’autre part.
Lors du congrès de la Fédération nationale des aphasiques de France (FNAF), la secrétaire d’Etat à la famille et à la solidarité, Nadine Morano, annonce ainsi en 2010 le lancement d’un plan national d’un an sur l’aphasie, très mal connue en France. Associé à la FNAF et soutenu par la CNSA, il vise à :
• « Sensibiliser les personnes aphasiques et leur entourage aux répercussions du handicap de communication, qu’elles soient psychosociales, cognitives où psychologiques.
• Approfondir les problématiques spécifiques des personnes aphasiques tant en termes de handicap de communication partagé et d’impact sur la qualité de vie, que sur les répercussions
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psychologiques. Ces approfondissements sont prévus pour les aidants naturels et professionnels »33.
Parallèlement, la Secrétaire d’État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, engage la structuration du champ jusque là peu identifié des « handicaps rares », dont fait partie la surdicécité. Un premier Schéma national pour les handicaps rares est lancé de 2009 à 2013, avec pour « objectifs d’une part d’accroître les expertises les plus pointues et de faciliter leur accessibilité -‐ pour améliorer le diagnostic fonctionnel et définir un accompagnement spécifique adapté à la complexité de chaque situation, en associant les personnes et leur famille et en favorisant un travail en réseau -‐, et d’autre part de développer l’offre en établissements et services »34. Le second Schéma national pour les handicaps rares, sur 2014-‐2018, « vise à renforcer la reconnaissance de situations de handicap peu nombreuses (rareté des publics), très spécifiques (rareté des combinaisons de déficiences), particulièrement complexes et difficiles à repérer, évaluer et prendre en charge (rareté et complexité des techniques d’accompagnement) »35.
Cette nouvelle visibilité des problématiques de ces publics et de leur représentation permet aujourd’hui de prendre en compte leurs besoins dans cette réflexion sur l’accessibilité des communications téléphoniques pour les personnes en situation de handicap, un sujet que les textes législatifs n’ont jamais réduits aux seules personnes sourdes.
2 Description de l’expérimentation
2.1 Objectifs
Cette expérimentation, qui s’est déroulé de début juin 2014 à début juin 2015, avait pour objectif de tirer les enseignements nécessaires quant aux pratiques, modes d’usage et types d’appels des bénéficiaires d’un centre relais téléphonique.
Elle visait un panel de 500 usagers, constitué par les associations, et incluant des personnes sourdes, devenues sourdes, sourdes malvoyantes, sourdaveugles et aphasiques.
Elle devait permettre, de manière gratuite pour les panélistes :
- la réception de leurs appels par la plateforme de centre relais téléphonique, et l’authentification de l’appelant sur le territoire métropolitain,
- le traitement de leurs demandes de mise en relation, en recourant aux moyens de communication appropriés (LSF, LPC, écrit, voix, pictogrammes),
- la possibilité d’appeler oud d’être appelés via ce service, sur le même forfait d’appels, 33 https://www.aphasie.fr/plan-‐aphasie.htm 34 http://www.cnsa.fr/parcours-‐de-‐vie/plans-‐de-‐sante-‐publique/schema-‐national-‐pour-‐les-‐handicaps-‐rares-‐2009-‐2013 35 http://www.cnsa.fr/parcours-‐de-‐vie/plans-‐de-‐sante-‐publique/schema-‐national-‐pour-‐les-‐handicaps-‐rares-‐2014-‐2018
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- l’utilisation des équipements suivants : ordinateur Mac et PC, équipé d’une webcam selon le service souhaité, téléphone et tablette androïd.
Cette expérimentation ne concernait pas: - les communications à caractère professionnel, excepté les démarches de recherche
d’emploi ou de stages ; - les appels qui relèvent de l’urgence ; - les appels qui ne sont pas en provenance ou à destination du territoire métropolitain.
Elle a été conduite par un comité de pilotage qui associait les administrations publiques concernées, les opérateurs téléphoniques intéressés, une représentation du prestataire, des opérateurs impliqués et des chercheurs associés, ainsi que celle des associations de personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques. Il s’est réuni au moins 5 fois pendant la durée de l’expérimentation. Un comité technique, composé de représentants des acteurs opérationnels de ce dispositif, se réunissait tous les mois.
Compte tenu de la diversité des publics à prendre en compte et des expériences différentes concernant les besoins d’accessibilité, deux volets doivent être dissociés dans cette expérimentation.
ü Le premier concerne les usagers des services d’interprétation entre le français et la LSF, de transcription/lecture entre le français parlé et écrit, et celui de codage de la parole en LPC.
Le dispositif sociotechnique expérimenté était déjà connu. Des expérimentations ou des prestations commerciales de ces services de centre relais téléphonique avaient déjà été proposées en France.
En raison de ce contexte, l’expérimentation de ces panélistes pouvait être mise en place rapidement. Elle a été prévue sur une période de 12 mois, à raison d’une heure de forfait par mois.
L’objectif de ce premier volet de l’expérimentation était d’identifier les volumes et thèmes d’appels ainsi que les stratégies de panélistes disposant d’une heure d’appels par mois. Cette expérimentation devait permettre d’alimenter une réflexion sur les conditions de déploiement d’un centre relais téléphonique en France et sur les modèles économiques possibles, une réflexion idéalement portée par un entité indépendante.
ü Le second concerne les « nouveaux » panélistes, à savoir les personnes aphasiques, sourdes malvoyantes et sourdaveugles.
Les besoins d’accessibilité et les développements techniques associés n’étaient que partiellement connus. Une étape d’analyse et de développement était nécessaire. Il en était de même concernant les actions de formation des opérateurs à prévoir.
Une période de 6 mois était dédiée à ce travail, avant de proposer sur les 6 mois suivants l’expérimentation de la participation de ces nouveaux publics, à raison de deux heures de forfait par mois. Du point de vue des conditions d’appropriation et des usages, les conditions d’expérimentation n’étaient pas strictement identiques aux autres panélistes. Des ajustements en cours d’expérimentations étaient également possibles.
L’objectif de cette expérimentation, pour ces nouveaux usagers, était quelque peu différent, même si elle contribuait aussi aux estimations des conditions de déploiement du service. Il s’agissait avant tout, dans ce second volet, de vérifier la faisabilité de cette accessibilité pour ces publics, d’en préciser les exigences techniques mais aussi professionnelles (posture et compétences des
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opérateurs), et communicationnelles. La mise en place et la validation/redéfinition de la participation de ces publics ainsi que leur utilisation inédite de ce type de service, passaient par une expérimentation d’appels par de petits panels. Elle avait aussi pour objectif d’identifier, éventuellement en fin d’expérimentation, les besoins et modalités d’accompagnement.
Les dispositifs d’analyse dans ces deux volets d’expérimentations sont les mêmes, afin de permettre des rapprochements entre les panélistes. Ceci ne doit cependant pas faire oublier les différences d’objectifs et de conditions de participation (notamment au regard de la formation en présentiel des panélistes eux-‐mêmes, absente pour ces nouveaux publics, ou de la stabilité/transformation en cours du dispositif testé).
2.2 Acteurs et partenaires
Le comité de pilotage a associé le CIH (Comité Interministériel du Handicap), la DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale), la Fédération française des télécoms, l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), les opérateurs téléphoniques intéressés, Orange Consulting, les acteurs de l’expérimentation (présentés plus loin), ainsi que les associations représentant la diversité les usagers en situation de handicap concernés par ces services de centre relais téléphonique.
Les associations d’usagers représentées dans ce comité sont : - AFIDEO : Association Française pour l’Information et la Défense des Sourds s’Exprimant
Oralement - AFS (qui n’existe plus aujourd’hui) : Association Française de Surdicécité - ALPC : Association pour la promotion et le développement du Langage Parlé Complété - ANPEDA : Association Nationale des Parents d’Enfants Déficients Auditifs - ANPSA : Association Nationale pour les Personnes Sourdaveugles - BUCODES – SURDIFRANCE : BUreau de COordination des associations des Devenus-‐Sourds
et malentendants - FNAF : Fédération Nationale des Aphasiques de France - FNSF : Fédération Nationale des Sourds de France - MDSF : Mouvement Des Sourds de France - UNISDA : Union Nationale pour l’Insertion des Déficients Auditifs
Websourd, Société coopérative d’Intérêt Collectif basée à Toulouse, a porté la mise en place du service expérimenté et contribué, dans une démarche de R&D et de qualité de service, à la production de données sur les usages expérimentés. Elle a présenté mensuellement des données de suivi au sein du comité technique. Elle a présenté au comité de pilotage une analyse trimestrielle des données d’appels et des analyses plus qualitatives, et pris en compte dans la poursuite de son travail de gestion de l’expérimentation ou de recherche, les recommandations ou les questionnements issus des représentations d’opérateurs, d’usagers et de l’administration publique.
Pôle Elision : A supervisé l’ensemble des activités de la plateforme de centre relais, réalisé suivi opérationnel des intervenants techniques, géré la relation avec les usagers, l’assistance technique de
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niveau 1, produit des indicateurs statistiques, coordonné les équipes et le projet d’expérimentation du centre relais téléphonique.
Pôles Communication et Qualité : A mis en place des outils de communication vers les panélistes, géré l’information sur l’expérimentation et contrôlé le procès qualité dans son déroulement.
Pôle Formation : A organisé des formations en présentiel dans les grandes villes pour présenter l’utilisation de l’interface et ses fonctionnalités, et le fonctionnement du service.
Equipe R&D : A analysé les besoins, assuré la conception et la coordination des développements visant l’accessibilité du service, défini et mis en œuvre les actions de formation nécessaires ; A pris en charge la conception et la mise en œuvre du dispositif de recherche associé à cette expérimentation, les sondages et entretiens, puis l’analyse des usages et l’analyse statistique.
IVèS : Entreprise de technologies de visioconférence, basée à Grenoble. A fourni et géré la plateforme technique, assuré les développements et/ou implémentations de nouvelles fonctions demandées par Websourd, et géré le support technique niveau 2.
Les opérateurs qui sont intervenus dans le service expérimenté sont listés ci-‐après :
• Interprètes LSF diplômés, d’un réseau de coopératives et associations d’interprètes, coordonnées par Trait d’Union, qui a représenté ces opérateurs dans le comité de pilotage :
o ARMILS, Nice o ASIP (7), Marseille o Cinésourds (2), Reims o EX AEQUO (2), Lyon o Institut Marie Rivier (2), Le Puy en Velay o Interpretis, Toulouse o 2LPE, Poitiers o Des’L (3), Castelnau Le Lez o Signe (3), Bordeaux o Tandem (6), Paris o Via (4), Roubaix
• Transcripteurs – vélotypistes, représentés dans le comité de pilotage o Système RISP (9), Caen
• Codeurs LPC, représentés dans le comité de pilotage o Isos Accessibilité (7), Paris & Caen
• Opérateurs sollicités et formés pour les services dédiés aux sourdaveugles et aphasiques o Le Messageur (4 transcripteurs), Rennes, représentés dans le comité de pilotage o Isos Accessibilité (3 opérateurs), Paris, représentés dans le comité de pilotage
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2.3 Organisation de l’expérimentation
2.3.1 Recrutement des usagers participant à l’expérimentation
Le recrutement des panélistes a été délégué aux associations, sous la coordination de l’UNISDA. Les volontaires devaient répondre à un questionnaire en ligne, en français et en LSF, avant de recevoir une confirmation (ou non) selon les quotas définis par le comité de pilotage. Ce recrutement a été complété par la FNAF et l’ANPSA, le questionnaire n’étant pas suffisamment accessible pour tous ces publics. Les participants ont été informés des conditions d’expérimentation via un formulaire de consentement envoyé par le comité de pilotage et rappelant les principes de confidentialité des données collectées dans le cadre des analyses statistiques des appels et des 5 journées d’enregistrements d’appels. Ce dispositif a fait l’objet d’une démarche auprès de la CNIL et ces journées ont été annoncées par Websourd aux usagers en amont, tandis que la situation d’enregistrement a été rappelée par les opérateurs aux interlocuteurs les jours concernés.
La composition du panel participant à l’expérimentation (500 panélistes), validée par le comité de pilotage, est la suivante :
• Personnes sourdaveugles, sourdes malvoyantes, personnes aphasiques qui ne communiquent que par pictogrammes : 6%, soit 30 panélistes
• Personnes aphasiques qui peuvent parler ou écrire : 6%, soit 30 panélistes • Personnes communiquant en LSF : 50%, soit 250 panélistes • Personnes communiquant en LPC : 10% soit 50 panélistes • Personnes communiquant oralement : sourds ou malentendants oralistes communiquant
principalement à l’oral en transmission et à l’écrit en réception : 22% soit 110 panélistes
Il était également prévu d’inclure 6% de personnes entendantes (soit 30 panélistes), mais les conditions d’expérimentation étaient trop contraignantes pour favoriser un réel usage : les interlocuteurs sourds devaient avoir accès au logiciel de centre relais pour pouvoir être contactés ; aucun annuaire de panélistes n’a été rendu public ; Il a finalement été proposés à chaque panéliste entendant de choisir une seule personne sourde, dans son entourage et n’étant pas déjà panéliste, afin qu’elle puisse être équipée du dispositif et devenir son (unique) interlocuteur via centre relais. Ce dispositif s’éloignait trop des conditions réelles de communication à distance pour pouvoir être collectivement investi.
2.3.2 Formations des usagers des services LSF, TEXTE et LPC
Des formations ont été proposées dans plusieurs grandes villes de la métropole. Elles étaient destinées aux usagers des services de centre relais téléphonique immédiatement opérationnels (LSF, LPC, Texte), donc aux panélistes entrant dans l’expérimentation dès juin 2014. Pour chaque formation, il a été fait appel à 2 interprètes diplômés en présentiel et 1 transcripteur de la société Le Messageur intervenant à distance. Le formateur de ces sessions était un intervenant sourd expérimenté dans la formation aux dispositifs de communication à distance et de centre relais téléphonique. Ces formations duraient 3 heures et étaient extrêmement interactives. 158 panélistes ont effectivement suivi cette formation.
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Présence des panélistes aux formations organisées par Websourd
Nombre de panélistes inscrits
Nombre de panélistes
LPC présents
Nombre de panélistes Texte
présents
Nombre de panélistes LSF présents
Nombre de panélistes entendants présents
Nombre total de panélistes présents
06/06/2014 à Bordeaux 15 0 2 10 0 12
20/06/2014 à Nancy 9 0 1 3 0 4 27/06/2014 à Toulouse 35 1 2 26 0 29
05/09/2014 à Lyon 36 0 5 22 2 29 06/09/2014 à Montpellier 23 0 2 16 0 18
11au13/09/2014 à Paris 89 5 8 27 3 43
19/09/2014 à Rennes 30 0 6 10 1 17
20/09/2014 à Poitiers 12 0 1 5 0 6
Total 249 6 27 119 6 158
2.3.3 Site internet d’information et didacticiels
À partir de juin 2014, un espace web dédié à l’expérimentation a été mis en ligne, comprenant :
Un espace public expliquant le contexte, les objectifs et les partenaires de l’expérimentation. Un espace privé dédié aux seuls panélistes, accessible par identifiant et mot de passe (uniques par panéliste), contenant les rubriques suivantes :
• Actualités de l’expérimentation • Didacticiels • Engagements du panéliste • Questionnaires (sondages en ligne) • FAQ • Présentation et contacts de l’équipe.
18 didacticiels y ont été déposés sous forme de diapositives et portant sur divers thèmes du fonctionnement du service (téléchargeables dans l’espace privé) :
S’identifier Passer un appel en TTR Passer un appel en LSF ou LPC Paramétrage du compte, de l’interface et de l’annuaire Messagerie Horaires et support technique Guide pour les panélistes entendants Guide des bonnes pratiques Champs thématiques Décompte du forfait Guide d’utilisation sur tablette et smartphone Android Guide d’utilisation sur Tablette et smartphone IOS Installation du plugin LiveVideoPlugin Vider le cache du navigateur
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Recevoir un appel Appel entrant Régler le son Gestion des appels avec l’interface texte
Des versions accessibles de ces didacticiels ont été proposées pour les personnes sourdes malvoyantes, sourdaveugles et aphasiques. Afin de faciliter leur accès, elles ont été également envoyées par email selon les besoins.
2.3.4 Contraintes liées à l’expérimentation
Les conditions mêmes d’expérimentation apportent un certain nombre de contraintes, associées à son financement, à la durée limitée de l’expérimentation et à la production d’indicateurs, qu’il est important d’avoir à l’esprit et de prendre en compte dans l’analyse des usages des panélistes. C’est aussi en quelque sorte un type de dispositif commercial, celui du forfait bridé, qui a été expérimenté, et qui peut en l’état convenir ou pas aux utilisateurs.
Le forfait expérimenté
Chaque paneliste a donc disposé d’un forfait limité à 1 heure de contact du centre relais téléphonique par mois sur 12 mois, ou de 2 heures par mois sur 6 mois dans le cas des panélistes sourds malvoyants, sourdaveugles et aphasiques.
Le forfait est décompté à partir de la mise en contact avec la plateforme. Ce décompte inclut donc le temps de préparation avec l’opérateur-‐relais, l’éventuelle attente d’un décroché ou toute messagerie automatique. Il n’inclut pas le temps d’attente pour être mis en relation avec la plateforme de centre relais téléphonique.
Le forfait permet d’appeler ou d’être appelé. Lorsqu’un panéliste est appelé, en direct ou sur son répondeur, le temps de son propre forfait est décompté.
Lorsque le forfait est épuisé, la communication est coupée, y compris au cours d’une conversation. Il n’existe aucun moyen de recharger son forfait dans le cadre de cette expérimentation.
La durée non utilisée sur un mois est reportée sur le mois suivant, dans le strict respect de la durée de l’expérimentation qui est limitée à 12 mois pour les uns, 6 mois pour les autres. Le report qui ne sera pas utilisé sur le mois suivant la fin de l’expérimentation est perdu.
Le service expérimenté
Les plages horaires sont du lundi au vendredi de 8h30 à 19h en continu, hors jours fériés. Le service dédié aux sourdaveugles comporte une pause à midi. Celui dédié aux aphasiques se termine à 16h en raison des ressources humaines disponibles.
La prestation de relais est entièrement gratuite pour les panelistes hors coût de communication.
L’accès au service se fait par la saisie d’un identifiant et d’un mot de passe sur l’interface de centre relais téléphonique, quelque soit le terminal utilisé.
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Les panélistes choisissent un service de centre relais et ne peuvent en changer à leur guise selon leurs appels. Un changement de catégorie est possible au cours de l’expérimentation mais ce changement est exceptionnel et durable.
Le cadre expérimental
Le dispositif d’analyse ne se voulait pas intrusif, et veillait à respecter la confidentialité des échanges. De fait, seules les 5 journées annoncées d’enregistrement ont permis aux chercheurs d’observer les conditions de communications relayées. Ceux-‐ci étaient eux-‐mêmes engagés au respect de la confidentialité de ces données.
Cependant, une partie du dispositif d’analyse a apporté ses propres contraintes.
Ainsi, à chaque lancement d’un appel vers la plateforme de relais, les panélistes étaient invités à cocher le thème de leur appel au sein d’une liste proposée par le comité de pilotage.
De même, ils étaient invités à répondre à divers sondages et questionnaires en ligne.
2.4 Services et dispositifs techniques expérimentés
2.4.1 Orientations techniques et critères de services demandées par le comité de pilotage
Nous rappelons ici les exigences techniques et professionnelles du comité de pilotage concernant les services de centre relais téléphonique expérimentés.
Exigences techniques
Toutes les communications doivent être traitées en temps réel, suivant les spécifications indiquées dans la norme internationale Total Conversation ITU-‐T Recommendation F.703. La solution doit respecter la norme internationale ITU-‐T T.140 avec RFC 4103 pour la transcription écrite.
Il est essentiel d’envisager au titre de l’accessibilité des personnes ayant des déficiences visuelles, motrices ou cognitives, la possibilité de bénéficier de profils d’interaction (bulles d’aide, interaction simplifiée, pictogrammes, réglages d’agrandissement, réglages des couleurs et de la luminance, choix des polices et de leurs tailles, …) permettant d’accéder au service de centre relais.
L’interface logicielle dédiée aux personnes sourdaveugles doit respecter les minimas d’accessibilité issus des recommandations du W3C (WAI) soit les WCAG2.0 level AAA.
è Nous décrivons plus loin le contexte technique de cette expérimentation et le détail des caractéristiques techniques du service expérimenté.
Exigences humaines
Il est attendu que la prestation de traduction/transcription soit d’une grande qualité professionnelle nécessitant clarté et précision, compte tenu de la diversité des appels et de leurs enjeux (par exemple : une communication avec un notaire, un avocat). Aussi, pour s’assurer de la qualification professionnelle des opérateurs relais, ceux-‐ci doivent être titulaires d’une attestation de
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capacité professionnelle pour les vélotypistes et des diplômes et qualifications propres à leur métier de médiation linguistique pour les agents qui utilisent la LSF et le LPC.
è Les opérateurs relais impliqués dans le service expérimenté répondent tous à ces critères de diplômes et de formation. Ils ont aussi tous une expérience de plusieurs années de pratique de leur métier sur le terrain. Tous n’avaient cependant pas l’habitude de travailler via visioconférence. Ce point sera analysé dans les pratiques des opérateurs-‐relais. Compte-‐tenu des enjeux associés à ces qualification, nous reprenons ci-‐dessous les critères retenus par le comité de pilotage.
a) Pour l’interprétariat en Langue des Signes Française :
Diplômes d’Etat d’interprètes LSF/français :
-‐ Maîtrise de sciences et techniques d’interprétation français-‐LSF (ESIT-‐Paris III) -‐ diplôme d’études supérieures spécialisées d’interprétation LSF-‐français (Lille III) -‐ Master d’interprétation français-‐LSF (ESIT-‐Paris III ; Lille III ; Paris VIII ; Rouen) -‐ Master 2-‐ traduction et interprétation (CETIM/ex IUP Toulouse-‐Mirail) Diplômes d’Université d’interprètes LSF/français :
-‐ DPCU-‐IDA, diplôme de premier cycle universitaire d’interprète pour Déficients Auditifs (université Paris VIII) -‐ DFSSU, Diplôme de Formation Supérieure Spécialisée Universitaire d’interprète polyvalent (Conférence, Liaison, Traduction) en LSF (SERAC ; Paris VIII) -‐ Certificat universitaire d’interprète français/LSF (Ecole de Traduction et d’Interprétation (ETI) de l’université de Genève Autres diplômes : -‐ Diplôme d’interprète français-‐LSF (SERAC-‐AFILS) Autres qualifications : -‐ CC2 : Capacité Communicationnelle 2ème degré (délivrée par l’ANFIDA, ancienne dénomination de l’AFILS) -‐ Carte professionnelle, niveaux 1 et 2 (délivrée par l’AFILS) b) Pour le codage en langage Parlé Complété :
-‐ Licence professionnelle de codeur –université Paris VI et université Lyon 1 -‐ Certificat de codeur ALPC obtenu de 1987 à 2005 + pratique professionnelle sans interruption depuis son obtention c) Pour la transcription écrite simultanée
La transcription écrite simultanée doit impérativement permettre les performances minimales suivantes (en condition d’écoute optimale) :
- vitesse de frappe minimale : 500 caractères par minute (83 mots/minute) - affichage continu (l’interlocuteur sourd doit pouvoir au minimum bénéficier d’un affichage
mot à mot, indépendamment des contraintes logicielles) - décalage maximal de 5 secondes
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- fidélité de signification dans la restitution des propos des orateurs : absence de faute de sens et phrases construites ne permettant pas les ambigüités de sens
- fautes d’orthographe ou de grammaire : maximum 2 fautes par minute
Le prestataire de centre relais téléphonique, les opérateurs relais et les chercheurs impliqués sont tenu au respect de la confidentialité et de la neutralité des conversations et messages reçus et échangés. Le secret professionnel doit être garanti.
2.4.2 Contexte technique de l’expérimentation de relais en LSF, TEXTE et LPC
Comme cela a déjà été évoqué, cette expérimentation s’inscrit dans un mouvement international de développement de centres relais texte et vidéo recourant à une grande diversité de technologies. Avant de présenter les partis pris techniques retenus ici, nous dressons un bref état des lieux des technologies disponibles et utilisées par les centres relais des différents pays. Nous présentons également les évolutions récentes. Il ne s’agit pas en revanche d’un recensement exhaustif des centres relais existants. Nous invitons le lecteur désireux d’en savoir plus sur le sujet à consulter [OFCOM12]36.
Relais texte
Les premiers services de relais texte pour les personnes sourdes et malentendantes utilisaient naturellement le canal téléphonique pour transmettre le texte. Ainsi dès 1974, il existait au Connecticut un centre relais texte, utilisant un télescripteur branché sur le téléphone, permettant de recevoir et d’émettre du texte. Depuis, des téléphones spécialisés permettent d’afficher directement les transcriptions des appels sur une interface intégrée au téléphone comme ceux commercialisés par [CapTel]37. Avec l’avènement d’internet, on note que les téléphones font place à des applications sur ordinateurs et plus récemment sur tablettes et Smartphones qui utilisent désormais la connexion internet pour transmettre le texte.
Pour des raisons historiques et commerciales [ETSI09]38, il n’existe pas actuellement de protocole unifié pour les centres relais textes. Certains utilisent les protocoles V18, V21 et V23 pour transmettre le texte via le téléphone, d’autres recourent à des protocoles liés à différentes applications de chat, d’autres encore utilisent des protocoles de texte en temps réel comme le T140. Plus récemment des passerelles HTML to SIP permettent de communiquer en Texte Temps Réel (TTR) à partir d’un simple navigateur internet. Cette solution, pour l’instant utilisée de manière marginale, tend à se diffuser.
Lorsque le téléphone n’est pas utilisé comme support principal du service, deux stratégies différentes sont utilisées. La première consiste à utiliser des logiciels grand public comme Skype [SKYPE16]39 et ooVoo [OOVOO16]40 pour la communication entre l’opérateur et la personne sourde. Cela présente 36 [OFCOM12] CSMG, «International deployments of video relay services», rapport préparé pour Ofcom, Londres 37 [CapTel16] http://www.captel.com/captel 38 [ETSI09] ETSI TR 102 974-‐2009 Human factors (hf) ; Telecommunications relay services v1.1.1, Technical report, http://www.etsi.org/deliver/etsi_tr/102900_102999/102974/01.01.01_60/tr_102974v010101p.pdf 39 [SKYPE16] http://www.skype.com/fr/ 40 [OOVOO16] http://www.oovoo.com
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cependant l’inconvénient que les interfaces des logiciels ne sont pas forcément adaptées au relais des appels et qu’un certain nombre de fonctionnalités ne sont pas aisées à intégrer au service (gestion des files d’appels, Voice Carry Over41, répondeur par exemple). La seconde stratégie consiste à utiliser des logiciels ou services sur le web, nécessitant ou non l’installation de plugins sur le navigateur, dédiés au relais texte d’appels téléphoniques.
En ce qui concerne les solutions de transcription, plusieurs méthodes sont adoptées par les différents centres relais. Certains recourent à des opérateurs qui utilisent des claviers conventionnels pour transcrire les échanges. D’autres utilisent des claviers permettant de transcrire plus rapidement la parole à l’instar des vélotypes [RISP16]42. Plus récemment, les transcripteurs recourent à des logiciels de reconnaissance vocale pour accélérer le processus de retranscription.
Relais vidéos
Les centres relais vidéo permettant une interprétation des discussions en temps réel en Langue des Signes (LS) ou bien un codage en Langage Parlé Complété ont connu un essor lié à l’avènement d’Internet. C’est en 1997 que le premier centre relais vidéo est opérationnel en Suède. Si le début de ces centres relais s’est appuyé sur l’utilisation de périphériques spécialement adaptés aux communications en LS, la démocratisation des Webcams, désormais intégrées à la quasi majorité des ordinateurs portables, permet d’utiliser l’ordinateur comme support privilégié pour les services d’interprétation vidéo. Plus récemment les tablettes et les Smartphones ont permis d’utiliser ces services en mobilité. Cependant cette pratique est encore peu répandue en raison des débits de connexion aux réseaux mobiles parfois insuffisants pour une transmission d’une vidéo de qualité suffisante pour communiquer en Langue des Signes et d’une taille d’écran réduite compliquant les échanges.
Les protocoles utilisés dépendent là aussi des solutions logicielles retenues. Il peut s’agir de protocoles propriétaires dans le cas d’utilisation de logiciels grand public comme skype ou bien d’autres protocoles permettant les échanges vidéo comme H320, H321, H323, H324 et plus récemment H324m pour transmettre les vidéos en 3G sur les réseaux mobiles. Là aussi, pour des raisons historiques et commerciales, l’interopérabilité entre les différentes solutions de visio-‐interprétation est compliquée par la multiplicité des protocoles employés [ETSI09, op. cit.].
Les utilisateurs recourent la plupart du temps à un ordinateur pour accéder au service, même si l’utilisation des périphériques mobiles commence à se démocratiser. Des logiciels comme ooVoo et Skype sont utilisés dans certains pays pour accéder au service avec les avantages et les inconvénients déjà cités plus haut. Cependant, la solution la plus courante est l’utilisation de sites dédiés à la visio-‐interprétation sur lequel l’utilisateur peut se connecter moyennant l’installation d’un plugin permettant de gérer les échanges de vidéo avec le protocole SIP qui est pour l’instant la solution la plus courante dans la communication multimédia sur internet. Cependant, cette solution nécessite de développer des plugins adaptés aux différents systèmes d’exploitation et aux différents navigateurs, et de fournir des mises à jour fréquentes des plugins suivant l’évolution de ces derniers. Pour cette raison, on observe actuellement que les différents centres relais commencent à utiliser
41 La fonction Voice Carry Over (VCO) permet à un usager de se faire rappeler sur un téléphone fixe dans lequel il pourra oraliser pendant l’appel relayé. 42 [RISP16] http://www.velotype.fr/velotype.html
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des protocoles comme le WebRTC qui permettent aux navigateurs de gérer directement la communication en vidéo sans recourir aux plugins. Les technologies utilisées du côté des interprètes sont sensiblement identiques à celles utilisées par les usagers.
Diversité des terminaux et innovations techniques
Que ce soit pour le relais texte ou bien pour le relais vidéo des appels, on observe un certain nombre de tendances :
-‐ Les périphériques spécifiques dédiés aux appels relayés sont supplantés par les ordinateurs portables, les tablettes et les Smartphones.
-‐ Avec l’augmentation des débits de communication mobile (le 4G est déjà déployé dans certaines grandes villes de France), les différents fournisseurs de centres relais étoffent leurs offres avec des interfaces permettant d’utiliser les services de visio-‐interprétation en mobilité.
-‐ Les problèmes de compatibilité entre protocoles dont nous avons fait mention plus haut sont partiellement résolus par l’utilisation de plateforme comme celles développées par MMX [MMX16] 43 ou IVES [IVES16] 44 qui permettent de gérer différents formats d’échanges multimédia.
Certains opérateurs comme Rogers Voice [RV16]45 se lancent dans des solutions de centres relais textes totalement automatiques basés sur des logiciels de reconnaissance vocale. Nous les citons dans un but d’exhaustivité de recensement des solutions techniques. Malheureusement, lorsque l’on sort de conditions de transcription optimale de conversation où un dixième des mots n’est pas correctement transcrit [Saon15]46, les performances des logiciels de reconnaissance vocale sont fortement dégradées et ne permettent pas à l’appel de se dérouler normalement. Il y a à cela plusieurs raisons :
-‐ Dans le cas de conversations utilisant des noms de lieu ou de personnes (c’est le cas de la plupart de conversations téléphoniques), les transcriptions automatiques deviennent souvent incohérentes autour des noms propres comme dans [Lange14]47.
-‐ Les performances de la dictée automatique se dégradent fortement dès que l’environnement n’est plus absolument silencieux [Alam15]48.
-‐ Le français écrit et le français oral sont deux langues différentes. A l’oral, les répétitions, hésitations et erreurs de prononciations sont extrêmement nombreuses, et la transcription
43 [MMX16] http://www.nwise.se 44 [IVES16] http://www.ives.fr/index.php/plateforme-‐ives 45 [RV16] http://www.rogervoice.com 46 [Saon15] George Saon G., Hong-‐Kwang Jeff Kuo, Steven J. Rennie, Michael Picheny, 2015, The IBM 2015 English Conversational Telephone Speech Recognition System. 47 [Lange14] Lange P. & Suendermann-‐Oeft D., 2014, “Tuning Sphinx to Outperform Google's Speech Recognition”, API. In Proc. of the ESSV, Conference on Electronic Speech Signal Processing, Dresden, Germany, March 2014 48 [Alam15] Md Alam, Vishwa Gupta, Patrick Kenny, Pierre Dumouchel, 2015, “Speech recognition in reverberant and noisy environments employing multiple feature extractors and i-‐vector speaker adaptation”, EURASIP Journal on Advances in Signal Processing, 2015:50.
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d’une conversation n’est acceptable que si une opération de traduction est effectuée pour passer dans un écrit correct.
Le futur intègrera-‐t-‐il également la technologie de signeurs virtuels dans les centres relais vidéo pour automatiser une partie des tâches ? Il se pourrait que cette solution [TT16] 49 se répande prochainement pour automatiser la traduction en Langue des Signes de messages simples comme ceux équivalents à ce que l’on trouve sur les serveurs vocaux. Par contre, une traduction automatique en LSF par le moyen de signeurs virtuels est pour le moment hors de portée. D’ailleurs, aucun opérateur de centre relais ne s’y est encore risqué à notre connaissance.
2.4.3 Caractéristiques techniques de cette expérimentation
Cette expérimentation utilise la plateforme développée par IVES. Elle offre aux utilisateurs les services suivants :
-‐ Possibilité de communiquer simultanément en texte (en temps réel), vidéo et son. Nous sommes ainsi conformes au standard de conversation totale décrit dans [UIT01]50
-‐ Composition directe du numéro du correspondant dans l’interface.
-‐ Conversation traduite simultanément en texte (vélotypie ou reconnaissance vocale utilisée par un opérateur pour faciliter la transcription du texte), LSF ou LPC.
-‐ Gestion des files d’attente avec affichage de la position de l’appelant dans la file d’attente.
-‐ Possibilité d’enregistrer un message d’absence sur un répondeur et de recevoir des messages qui peuvent ensuite être envoyés par mail.
-‐ Gestion des temps d’appel avec un forfait d’une heure par mois attribué à chaque panéliste.
-‐ Possibilité d’utiliser le service avec un périphérique dédié, un ordinateur, une tablette ou un Smartphone.
-‐ Possibilité d’être rappelé sur une ligne téléphonique en VCO pour les usagers souhaitant oraliser.
-‐ Possibilité d’appeler directement d’autres utilisateurs du service sans passer par l’opérateur relais.
La plateforme utilisée permet de gérer une grande diversité de protocoles et d’assurer leur interopérabilité (Skype, H263, SIP, WebRTC, H324m pour n’en citer que quelques uns) [IVES16, op. cit.]. De plus, l’utilisation du logiciel queuemetrics pour la gestion des files d’attente et le développement d’un module d’enregistrement des CDR (Call Data Record) permet d’avoir une vision détaillée de l’utilisation du service par les personnes qui y ont recouru durant l’expérimentation. La plateforme permet également l’enregistrement des appels à des fins d’amélioration du service à condition que les usagers aient été préalablement informés et aient donné leur accord (procédure CNIL associée au contexte expérimental). L’analyse des CDR et des appels enregistrés a été utilisée
49 [TT16] http://bellen.klikvoorteletolk.nl/?hash=0d3af6a6a515bde194e80679be65527f 50 [UIT01] Union Internationale des Communication, 2001, Services conversationnels et multimédia, Recommandation UIT-‐T F.703.
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conjointement aux observations sur le terrain et aux entretiens, avec les usagers du service et les interprètes, pour aboutir aux résultats que nous présentons dans la suite du rapport.
2.4.4 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes sourdes malvoyantes
Les services de centre relais téléphonique dans le monde ne mentionnent pas spécifiquement leur accessibilité pour des personnes sourdes malvoyantes. Il est considéré que l’essentiel des adaptations sont à faire du côté du poste de l’usager, et que celui-‐ci maîtrise généralement les fonctionnalités utiles pour lui. Ce principe semble pertinent pour des personnes malvoyantes depuis longtemps, qui devront malgré tout à un moment donné découvrir et apprendre à utiliser ces fonctionnalités. Il ne correspond cependant pas à la réalité des pratiques des personnes sourdes devenant malvoyantes avec l’âge ou des personnes sourdes concernées par l’évolution des pathologies associées au syndrome d’Usher. La particularité de ces deux populations tient au caractère évolutif de leur situation. Leurs pratiques sont très dépendantes de leur maîtrise antérieure des nouvelles technologies. Il peut donc être utile de faciliter l’accès aux fonctionnalités apportant un confort de lecture, via des tutoriels ou des boutons, ou de chercher à optimiser les interfaces de centre relais, en termes d’affichage du côté de l’utilisateur.
Technologies utilisées
Il existe plusieurs possibilités pour améliorer l’accessibilité d’une application pour des personnes malvoyantes, depuis leur propre poste :
-‐ Utilisation d’un écran plus grand d’ordinateur
-‐ Paramétrage du système d’exploitation en termes de résolution, taille d’affichage des menus, texte, des icones, pointeur de souris …
-‐ Utilisation de la fonction loupe du système d’exploitation (Windows, Mac)
-‐ Changement de la taille d’affichage avec le navigateur (50%, 75%, 100% …)
-‐ Mode « accessibilité » dans les pages internet
-‐ Mode « accessibilité », lorsqu’elle est prévue dans l’application, permettant de changer de mise en page avec grossissement des caractères, simplification des textes, adaptation des illustrations …
-‐ Installation de plugins dans les navigateurs internet pour changer les polices et contrastes
-‐ Installation de plugins accessibilité dans la page internet
Éléments de cahier des charges pour que ce soit utilisable et utilisé
Selon l’origine des troubles visuels, les critères de confort visuels peuvent être quelques peu différents. Ainsi, le champ de vision peut être réduit, comme c’est le cas pour de nombreuses personnes concernées par le syndrome d’Usher, et exiger une concentration spatiale de l’information. À l’inverse, lorsque l’acuité visuelle est réduite mais que le champ visuel ne l’est pas, il peut être utile d’agrandir le texte et les images et d’utiliser le maximum de place disponible dans
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l’écran. Par ailleurs, les personnes malvoyantes tirent profit de l’accentuation des contrastes, mais la sensibilité aux couleurs peut être différente.
Compte-‐tenu de la grande diversité des situations de personnes malvoyantes et de leurs besoins, il semble incontournable de pouvoir adapter l’interface à la vue de chaque personne même s’il est possible de recourir à quelques standards. Ainsi, si l’on connaît les couples de couleur offrant un bon contraste, il serait utile d’en proposer plusieurs afin que chaque utilisateur puisse choisir ce qui lui convient le mieux.
Par ailleurs, ces conditions d’affichages est susceptible d’impacter la gestion des interactions, car il n’est pas toujours possible d’avoir une vision globale de l’interface lorsque le champ visuel est réduit ou que le mode de lecture se fait avec une fonction loupe ou un zoom de l’écran. Dans cette même logique, il semble important de soigner particulièrement l’équilibre entre zone de texte et zone vidéo d’une interface de centre relais téléphonique, lorsque l’usager sourd malvoyant recoure à la médiation linguistique entre français et LSF.
Position adoptée dans cette expérimentation
La démarche adoptée concernant les panélistes sourds malvoyants dans cette expérimentation d’un centre relais téléphonique a consisté à prendre pour base l’interface existante et d’en améliorer l’accessibilité pour ce public. Concrètement, ceci a impliqué de :
-‐ tester les fonctionnalités précitées, puis informer les panélistes sur les fonctionnalités disponibles (fonction loupe, inversion de contraste, grossissement du texte) ;
-‐ optimiser les conditions de visibilité et de contraste du côté du poste des opérateurs (éclairage des postes, fond derrière les opérateurs, tenue de ceux-‐ci) ;
-‐ interpeller les opérateurs assurant la médiation entre français et LSF sur les manières appropriées de signer ;
-‐ organiser des tests utilisateurs, avec les panélistes volontaires, pour identifier les points ergonomiques à prendre en compte.
2.4.5 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes sourdaveugles
Il est fréquent que des personnes sourdes malvoyantes soient désignées comme étant des personnes sourdaveugles. Nous réduisons ici cette dénomination aux personnes ne voyant pas assez pour tirer profit d’une communication vidéo, ou ne pouvant lire sans inversion de contraste et grossissement de caractère ou sans recours à un lecteur braille.
Aucun des services français de centre relais téléphonique, pérennes ou expérimentaux, n’ont été jusqu’ici accessible à ce public. Quelques services de centre relais téléphonique dans le monde évoquent cette population dans la présentation de leur service relais texte. Il n’est cependant donné que peu de détails techniques sur les conditions le permettant et aucune information sur la gestion particulière des interactions avec ce public.
Par ailleurs, seule l’entreprise Omnitor, en Suède, propose des interfaces de conversation totale
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permettant à des locuteurs de langue des signes devenus aveugles de s’exprimer gestuellement devant une caméra et de recevoir les propos écrits de leur interlocuteur à partir d’un lecteur braille. Ceci prouve néanmoins qu’un tel dispositif est possible. Ce cas de figure d’interaction est par ailleurs la plus complexe à traiter. Aucune précision n’est cependant donnée quant aux modalités pratiques de gestion de ces interactions.
Technologies utilisées
Lecteur d’écran : Logiciel qui permet de transformer les informations à l’écran en texte lu / écrit en ajoutant les informations de mises en forme (titre, lien…). Il permet aussi de naviguer plus facilement dans les applications sans utiliser la souris. Les plus populaires sont Jaws (payant) et NVDA (libre).
Plage braille : Appareil permettant de transformer le texte écrit en braille. Une plage braille permet d’afficher les caractères en les découpant en lignes de caractères, en général de 12 à 80. En outre, la plage permet de connaître la position courante du curseur et de passer de ligne en ligne.
Extension du HTML : Code Aria qui permet d’ajouter du texte exclusivement pour les personnes aveugles. Il n’est que partiellement intégré par les navigateurs. En pratique, il est possible d’utiliser uniquement le HTML en mettant du texte alternatif aux images.
Éléments de cahier des charges pour que ce soit utilisable
Il convient d’observer un strict respect strict des normes W3C pour les sites Web, en particulier :
-‐ Texte alternatif pour les images
-‐ Structuration correcte des documents HTML
-‐ Possibilité de naviguer uniquement à l’aide du clavier
-‐ Guidage pour la navigation à l’intérieur du document
-‐ Absence de popups
-‐ Absence d’installation de plugin pour que le site fonctionne
-‐ Affichage synthétique des informations
-‐ Pas de rechargement automatique de la page
Pour les applications :
-‐ Possibilité d’utiliser l’application à partir des menus
-‐ Possibilité d’envoyer les messages d’états de l’application sur la plage braille
-‐ Alternative aux images
-‐ Navigation au clavier
Éléments de cahier des charges pour que ce soit utilisé
Le coût d’un apprentissage est susceptible d’être très lourd pour des personnes sourdaveugles, celles-‐ci devant mémoriser la logique de chaque application, ainsi que les touches de raccourci, l’ordre des menus et l’ordre des icones. Une nouvelle application ne sera donc utilisée que si celle-‐ci donne un nouveau service réellement utile, si elle est simple et si elle ne remet pas en cause les apprentissages antérieurs
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Ceci a des implications fortes en termes de technique et d’usages :
-‐ Le processus d’installation d’une application ou d’un plugin sur un ordinateur est une procédure très compliquée, qui est par ailleurs susceptible de changer l’ordre des icones. Ceci conduit bien souvent au refus de ces utilisateurs de s’y engager.
-‐ Les applications doivent donc être basées sur le navigateur utilisé par l’utilisateur (celui-‐ci ne pouvant pas facilement en installer d’autres pour tester).
-‐ Il est nécessaire de prévoir des guides synthétiques et clairs, et d’avoir une stabilité de comportement de l’application au fil des versions proposées.
-‐ La procédure d’utilisation doit être simple et si possible le plus proche possible de ce qui est déjà connu pour permettre la réutilisation des apprentissages antérieurs.
Le temps de lecture est un critère décisif à prendre en compte car le texte est lu ligne par ligne et caractère par caractère. La lecture est donc lente.
Ces conditions de lecture ont aussi des implications sur le plan des interactions puisqu’il convient d’éviter de modifier un texte en cours de lecture dans le cas de communication écrite en temps réel ; de faire des textes les plus courts possibles ; et de permettre à l’utilisateur de discriminer rapidement quel texte il doit lire (guides / pages internet bien structurés avec titres explicites).
Par ailleurs, il n’est pas possible d’avoir une vision de ce qui se passe (de lire) et d’écrire en même temps, car l’utilisateur est à un endroit précis de la page à chaque instant dans le lecteur de l’écran (en quelque sorte « il voit du bout du doigt). Il est nécessaire de concevoir les applications dans cette logique. La gestion des tours de parole et des interactions dans un service de centre relais téléphonique doit aussi se faire avec ces principes en tête.
Position adoptée dans cette expérimentation
Les besoins très spécifiques des personnes sourdaveugles apportent un haut niveau d’exigence en termes d’interface. La mise en place d’un service accessible en braille, permettant aussi bien une expression en LSF via la vidéo qu’une expression en texte, dépasse les moyens et temps impartis pour organiser la participation de panélistes sourdaveugles. L’expérimentation de leur accessibilité s’est donc focalisée ici sur le cas d’un relais texte. La meilleure option était ici de créer une interface spécifique, prenant en compte d’emblé les exigences techniques et les principes de navigation et d’interaction précités. L’interface expérimentée consiste en un site dédié de connexion, d’appel et d’interaction via centre relais texte, créé en HTML5, compatible avec les lecteurs braille.
La documentation a été conçue selon les critères précités, avec une version mémo pour éviter les efforts de mémorisation.
Par ailleurs les modalités spécifiques de gestion des interactions et du travail des opérateurs texte ont été testées et analysées, avec le concours des panélistes et des opérateurs impliqués. De fait, ce dispositif répond également aux exigences de certains sourds malvoyants utilisant le texte pour communiquer.
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2.4.6 Contexte et orientations techniques pour l’accessibilité du service pour les personnes aphasiques
Il n’existe aucun service de centre relais téléphonique dédié aux personnes aphasiques dans le monde. Néanmoins, des centres relais téléphoniques proposent des services de « speech to speech » pour des personnes qui entendent mais qui ont des difficultés à s’exprimer. Le travail des opérateurs consiste alors à répéter ce qui est dit par l’usager. Ce service peut être associé, comme en Nouvelle-‐Zélande, à une communication vidéo entre l’usager en difficulté et l’opérateur, afin que celui-‐ci puisse utiliser des repères visuels durant la conversation afin d’améliorer la compréhension de l’échange entre l’usager et son interlocuteur. Ce service ne fournit cependant pas plus de détails sur la gestion de ces appels, ni sur les repères visuels utilisés. Notre exploration des orientations techniques et de services possibles pour des personnes aphasiques dépasse donc le champ des centres relais téléphoniques, sans être pour autant un revue exhaustif de la littérature.
Ressources et technologies utilisées
Il est tout d’abord rappelé dans la littérature que les personnes aphasiques, de part leur âge souvent avancé, peuvent être peu à l’aise avec les technologies internet. La fracture numérique se superpose donc à l’aphasie51 . Ceci plaide pour une assistance technique proactive et pour la recherche de principes les plus simples possibles de navigation et d’utilisation.
Ces questions sont d’autant plus importantes que ces mêmes technologies semblent tout particulièrement investies pour proposer diverses modalités de communication, en présentiel et à distance, avec et entre des personnes aphasiques.
Les applications utilisant des pictogrammes pour faciliter la navigation ou pour équiper les interactions entre une personne aphasique et son entourage sont en essor. Elles s’inscrivent dans une démarche déjà évoquée d’investissement de pratiques de communication alternative et de constitution de « carnets de communication ». Les applications proposent donc une version numérique et interactive de ces outils, qui sont aussi des versions plus facilement personnalisables52. Il est également à noter l’investissement tout particulier des tablettes tactiles.
Interaction par texte, augmentée d’images : Plusieurs expériences explorent les modalités d’interaction par écrit, à distance, permettant d’utiliser des émoticones et de différencier par la couleur les interlocuteurs impliqués. Elles peuvent investir un média traditionnel, connu des utilisateurs aphasiques, comme les emails, tout en développant un environnement facilitant l’identification des interlocuteurs et l’expression dans un registre visuel de ce qui relève de la
51 Elman R., 2001, « The Internet and aphasia: Crossing the digital divide », Aphasiology 15, 10, 895–899. 52 À titre d’exemples, se reporter à la page dédiée de la FNAF : https://www.aphasie.fr/Applications%202.htm, au projet http://santebd.org, au carnet en ligne www.le-‐ccom.fr, et de manière associée à Charteau C. & Régnier P., 2011, Mise en place d’un classeur de communication C.COM auprès de patients présentant une aphasie altérant sévèrement la communication et de leur conjoint, Mémoire d’orthophonie, Université de Lyon 1 ; Lange, L., 2015, Une communication alternative sur tablette tactile pour les patients aphasiques non fluents : étude et faisabilité, mémoire d’orthophonie, Université de Tours ; M. Allen, J. McGrenere, and B. Purves, 2008, « The field evaluation of a mobile digital image communication application designed for people with aphasia », ACM Transactions on Accessible Computing 1, 1, 1–26.
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communication non verbale 53 . Ces expériences peuvent également essayer de recréer une communauté d’usagers, communiquant par texte dans un environnement accessible54.
Interaction vidéo, avec texte et émoticones. Enfin, intégrant l’ensemble des dimensions précitées, les dispositifs de visioconférence grand public permettant également des échanges textuels avec mobilisation de smiley semblent tout particulièrement investis par et pour les personnes aphasiques pour des interactions à distance.
Éléments de cahier des charges pour que ce soit utilisable et utilisé
L’interface idéale de communication pour des personnes aphasiques serait ainsi une application facile d’utilisation, simple et sans fioritures, et permettant une communication multimodale. Elle permettrait aux interlocuteurs de se voir, de s’entendre et de s’écrire via du texte et / ou des pictos iconiques. Idéalement elle est personnalisable, en permettant d’importer des images de l’utilisateur. L’application doit pouvoir également être facile d’accès, via un raccourcis ou un picto sur l’écran.
Prises en compte des difficultés associées.
Par ailleurs, dans le choix ou la conception de l’interface du centre relais téléphonique, il faudrait tenir compte d’une restriction possible du champ visuel droit des utilisateurs. Les personnes aphasiques peuvent en effet avoir une héminégligence ou une hémianopsie visuelle du côté droit.
Elles ont aussi parfois une hémiplégie, entravant donc la mobilité d’une partie du corps, qui peut être celle habituée à manipuler la souris. Une compensation est possible par des réglages de l’ordinateur, mais ce contexte doit inciter à réduire le nombre de clics pour naviguer dans l’interface ou sélectionner des pictos par exemple.
Enfin, la population aphasique est une population plutôt âgée, qui peut donc être concernée par une baisse de la vision et/ ou de l’audition, et ne maîtriser que récemment l’informatique. Ceci invite à prévoir des fonctionnalités de grossissement de texte ou d’images, et à faciliter l’identification visuelle des boutons associés.
L’assistance doit probablement être proactive, dans un contexte où l’aphasie et les difficultés de communication quotidiennes constituent déjà des épreuves et contribuent, davantage ici, à redouter les situations d’échec. La complexité de l’interface pourrait ainsi décourager les utilisateurs.
Position adoptée dans cette expérimentation
L’objectif visé est donc une interface de conversation totale (voix, vidéo, texte) « augmentée » d’une banque de pictogrammes pouvant être insérées dans le texte. L’interface du centre relais téléphonique peut ainsi servir de base aux développements spécifiques consistant essentiellement à l’épurer d’une part, à rendre plus visible certains boutons d’autre part, et à intégrer enfin une banque de pictos (à constituer dans le cadre de cette expérimentation). Il apparaît évident par ailleurs que l’essentiel de cette accessibilité réside dans le travail des opérateurs dont le métier et les compétences et les modalités de relais sont à préciser. 53 Al Mahmud A. and J.-‐B. Martens, 2013, « Amail: Design and evaluation of an accessible email tool for persons with aphasia », Interacting with Computers 25, 351–74. 54 Spaniol M., Klamma R., Springer L. & Jarke M., 2006, « Aphasic Communities of Learning on the Web », International Journal of Distance Education Technologies (IJDET), Volume 4, Issue 1.
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3 Données d’analyse
3.1 Données quantitatives sur tous les appels relayés
L’analyse quantitative des données d’appels s’appuie sur les Comptes Rendus d’Appels. Ceux-‐ci sont générés au moment du lancement d’un appel et sont mis à jour durant l’appel téléphonique.
Un CRA correspondant à une seule liaison téléphonique depuis un point vers un point, l’appel relayé regroupe donc deux appels : le premier correspond à l’appel entre l’appelant et l’opérateur-‐relais, le second correspond à un appel entre l’opérateur-‐relais et le destinataire final. Nous agrégeons donc les CRA afin de faire une présentation plus claire : l’appel a abouti ou non au destinataire final.
3.1.1 Déroulement d’un appel téléphonique passant par le CRT
Lorsqu’un panéliste passe un appel en passant par le Centre de Relais Téléphonique, il compose le numéro de téléphone qu’il souhaite joindre sur son interface d’appel.
Dans un premier temps, il est placé sur une file d’attente correspondant au mode de communication souhaité.
Lorsque son tour arrive, l’opérateur-‐relais prend en compte son appel, échange avec lui pour comprendre le contexte de l’appel et lance l’appel vers le destinataire final.
Si le destinataire final décroche, l’opérateur relais traduit les échanges entre l’appelant et le destinataire final.
Phases d’un appel téléphonique relayé
Appel téléphonique
L’appelant lance un appel et entre en file d’attente
L’opérateur-‐relais prend en compte l’appel
Préparation de l’appel
Conversation téléphonique
Clôture de l’appel
Temps d’attente
L’opérateur-‐relais lance un appel vers le destinataire final
Fin de la communication avec le destinataire final
Fin de la communication avec l’opérateur-‐relais
Lancement d’un appel
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3.1.2 Données enregistrées dans les Comptes Rendus d’Appels
Ainsi, les données brutes sur les appels contiennent les informations suivantes :
N° appelant N° appelé Cause de fin d’appel Marqueur du service Timestamp de présentation de l’appel à la plateforme Timestamp de début de l’appel (prise en compte de l’appel par l’opérateur-‐relais) Timestamp de début de la conversation Timestamp de fin de la conversation Timestamp de fin de l’appel N° UID N° Client Offre Nom de la file d’attente Terminal appelant Champ thématique
À partir de ces informations, nous calculons (à travers plusieurs programmations informatiques) les éléments suivants qui nous permettent de faciliter nos statistiques :
Durée d’attente Durée de préparation Durée de conversation Durée de clôture Durée totale de la session Direction de l’appel (entrant/sortant) Type de l’appel (abouti et traité, abouti et non traité, non abouti, répondeur, …) Le mode de communication de l’appel Le créneau horaire pendant lequel est passé l’appel
3.2 Retour des usagers LSF, TEXTE, LPC au cours de l’expérimentation via un sondage en ligne
3.2.1 Objectifs et caractéristiques du sondage en ligne
Un sondage en ligne, destiné à permettre des retours au fil de l’eau par les panélistes, a été ouvert le 6 juin 2014 et fermé le 28 avril 2015, date à laquelle un sondage bilan a été proposé à la place, pour une durée d’un mois (voir ci-‐dessous).
Ce premier sondage en ligne a permis aux panélistes qui le souhaitaient de faire un ou plusieurs retours sur un appel en particulier, sur l’impossibilité d’en passer ou sur une série d’appels. Un même panéliste pouvait donc témoigner à plusieurs reprises au cours de l’expérimentation.
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Ce sondage était proposé dans une version bilingue français-‐LSF, avec pictos, et dans une version accessible aux malvoyants. Il était également proposé en texte seul, accessible en braille.
Les panélistes s’exprimant sur ce sondage étaient invités à préciser les situations d’appels sur lesquelles portaient leur témoignage (appel réussi/ impossible, un ou plusieurs appels, entrants/ sortants, à domicile/ en mobilité), à indiquer les thèmes pour lesquels ils avaient appelés et les thèmes qui leur paraissaient de manière générale tout particulièrement importants, et à évaluer la qualité des conditions d’appels sur les aspects techniques, de la relation avec l’opérateur et des interactions avec l’interlocuteur. Ces retours visaient d’une part à repérer d’éventuelles difficultés collectives et à ajuster le service et d’autre part à alimenter l’analyse présentée dans la section « appropriation du centre relais par les panélistes ».
La particularité de ce sondage tient par ailleurs à l’importance des questions ouvertes, leur permettant de préciser et contextualiser leurs remarques et propositions, et de témoigner sur ce que l’usage du centre relais change dans leur vie ou encore sur les contraintes associées aux conditions d’expérimentation (forfait, horaires, matériel, etc.). Ces contributions libres pouvaient se faire en voix, texte et vidéo.
3.2.2 Nombre et profils des répondants au sondage en ligne, situation d’appels concernées
Ce sondage au fil de l’eau aura permis au total l’expression de 132 témoignages, issus de 101 panélistes, sur une période de 11 mois. Ces témoignages portent massivement sur des appels entrants. Ils abordent la question des usages en mobilité. La plupart des panélistes se sont saisis des opportunités d’expression dans les questions ouvertes.
Les témoignages recueillis sont dans 3 cas sur 5 celui d’une femme et toujours dans 3 cas sur 5 celui d’un panéliste utilisant le service LSF. Au total, seulement 2 entendants y ont laissé leurs témoignages. Les panélistes utilisant le service texte, impliqués en début d’expérimentation dans la production de retours se sont désinvestis de manière durable dès le second trimestre, tandis que la contribution des panélistes utilisant le service LPC sur ce site de sondage est restée faible sur toute l’expérimentation, même si on remarque une implication à partir du 3ème trimestre. Les témoignages durant le 3ème trimestre sont pour 2 cas sur 3 le fait de panélistes ne s’étant jusque-‐là jamais exprimés. Ces nouveaux contributeurs représentent un peu plus de la moitié des réponses lors des derniers mois.
Profils des répondants au sondage en ligne et nombre de réponses
Périodes Nbre pers.
Hommes Femmes Non précisé
LSF Texte LPC Son (E) Nbre réponses
Trim. 1 28 11 15 2 16 10 2 0 35 Trim. 2 25 12 13 0 21 4 0 0 45 Trim. 3 19 5 12 2 6 5 7 1 19 Trim. 4 29 7 20 2 22 2 4 1 33 Total 101 35 60 6 65 21 13 2 132
Situations d’appels concernées par les réponses au sondage en ligne
Période Série appels
Un seul
Non réussi
NP Sortant Entrant Les 2
NP Maison Mobilité Les 2
NP Tot.
Trim. 1 16 12 4 3 29 1 0 5 9 2 0 24 35
38
Trim. 2 25 10 0 10 31 1 0 13 7 3 3 32 45 Trim. 3 15 3 1 0 17 0 1 1 4 0 3 12 19 Trim. 4 20 8 4 1 30 1 2 0 15 2 1 15 33 Total 76 33 9 14 107 3 3 19 35 7 7 83 132
Bien que ce sondage ait été ouvert (et accessible) les usagers nouvellement entrés dans l’expérimentation au 1er décembre n’y ont pas répondu, probablement plus habitués à nous contacter directement pour exprimer leurs retours ou leurs difficultés. Par ailleurs, l’accès à ce sondage via consultation du site d’information, validation de son identifiant et mot de passe et consultation de la rubrique appropriée, a sans doute complexifié la démarche. La seconde version du sondage en ligne, destinée à faire le bilan des usages du centre relais, a ainsi aussi été adressée par email à ces panélistes.
Par ailleurs, pour les panélistes sourdaveugles et aphasiques, nous disposons des descriptions par les opérateurs des conditions d’appels ou des pratiques de communication ou d’utilisation du centre relais par ces appelants, ainsi que de leurs retours spontanés lors des phases de tests et au fil de l’expérimentation. Une présentation du service au Congrès national des personnes aphasiques début juin à Dunkerque a également permis le recueil d’avis et informations complémentaires. Les personnes sourdes malvoyantes ont quant à elles été contactées pour des entretiens lors du dernier trimestre.
3.3 Entretiens avec des usagers LSF, TEXTE, LPC
La réalisation de 20 entretiens avec des panélistes de profils de communication différents avait pour objectif de comprendre les conditions d’appropriation du centre relais téléphonique par la diversité des usagers, de préciser ce qui est en jeu dans la découverte de ce service et quels sont les impacts sociaux de son utilisation quotidienne. Il s’agit d’entretiens thématiques réalisés à distance via les outils du centre relais (sans médiation, en P2P) ou par tout autre moyen suggéré par les personnes contactées, dans la langue de leur choix.
Un peu plus de la moitié de ces entretiens ont été réalisés lors du premier trimestre d’utilisation du centre relais avec des panélistes d’âge, de région et de mode de communication différents. L’objectif était de préciser les conditions d’appropriation et les usages du centre relais par des panélistes rapidement investis dans l’utilisation ou tentatives d’utilisation du service. Bien que réalisés durant la période estivale, cette première campagne d’entretiens a reçu un très bon accueil.
Une seconde campagne d’entretien, menée au second trimestre, avait pour premier objectif complémentaire d’analyser les raisons des non usages. Malgré l’invitation et les relances auprès de 11 panélistes n’utilisant pas le service ou, pour l’un d’entre eux, ayant cessé de l’utiliser après une première période d’appel, seulement 2 panélistes ont répondu et un seul a accepté un entretien. Cette démarche n’ayant pas donné de résultats, une analyse du profil de l’ensemble des panélistes « non usagers » a été engagée à partir des données statistiques, complétées par quelques questions diffusées par email.
Cette campagne d’entretiens avait par ailleurs pour second objectif de comprendre de manière plus fine la diversité des pratiques de communication pour un même service et les logiques de
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changement de langue testé ou souhaité par des panélistes. Elle visait à approfondir l’un des thèmes abordés par plusieurs personnes interrogées lors de la précédente campagne d’entretiens, à savoir le souhait de pouvoir utiliser indifféremment le service texte, LSF ou LPC.
Les derniers entretiens ont été réalisés lors du tout dernier trimestre. Ils visaient à recueillir les avis et expériences des panélistes sourds malvoyants, entrés dans l’expérimentation au 1er décembre 2014. En effet, parmi les nouveaux panélistes, ce sont ceux qui ont été le moins accompagnés dans le processus d’appropriation du service. Ils disposaient cependant comme les autres panélistes du service d’assistance et de manuels adaptés.
L’analyse thématique de ces entretiens a été réalisée avec des outils d’annotation adaptés aux différents supports d’enregistrements (audio, vidéo ou écrit) et comprend la traduction (depuis la LSF) et la transcription (depuis la parole) de citations. Elle est présentée dans la section « appropriation du centre relais par les panélistes ».
Profils des personnes interrogées et modalités d’entretien
Relais Sexe Âge Lieu Usage antérieur
Modalité d’entretien Date
1 LSF F 48 Dépt 59 Déjà Skype en LSF 10/07/14 2 LSF H 52 Dépt 65 Déjà CRT-‐Oplink P2P en LSF 04/08/14 3 LSF F 27 Dépt 92 Jamais Skype puis CRT-‐Oplink
P2P en LSF 04/08/14
4 LSF Couple 28 Dépt 1 Jamais Skype en LSF 13/08/14 5 Texte F 63 Dépt 49 Jamais CRT P2P en texte 15/07/14 6 Texte F 24 Dépt 95 Jamais CRT P2P en texte 16/07/14 7 Texte H 29 Dépt 28 Jamais Skype en texte 21/07/14 8 Texte F 51 Dépt 35 Jamais Skype voix-‐texte + vidéo 21/07/14 9 LPC F 33 Dépt 79 Jamais Skype en voix-‐texte 19/08/14 10 LPC F 32 Dépt 73 Jamais Skype en voix-‐texte avec
vidéo 19/08/14
11 E : Son F 34 Dépt 75 Jamais Tel 16/07/14 12 E : Son F 27 Dépt 38 Jamais Tel 24/07/14 13 Texte
(LSF) F 36 Dépt 34 Déjà CRT P2P en LSF
21/10/14
14 Texte =>LSF
F 38 Dépt 34 Déjà Skype en LSF
27/10/14 06/11/14
15 LSF + voix
H 40 Dépt 92 Déjà Skype en LSF
29/10/14
16 LSF =>Voix-‐texte
F 27 Dépt 53 Déjà en LSF CRT P2P en LSF
31/10/14
17 Texte (non usage)
F 72 Dépt 76 Jamais Tel portable
27/11/14
18 LSF –SMV*
H & F couple
52 et 66
Dépt 83 Jamais Skype en LSF 09/05/15
19 LSF –SMV
H 25 Dépt 30 Déjà en LSF Skype en LSF 13/05/15
20 LSF –SMV
F 43 Dépt 86 Jamais Skype en LSF 28/05/15
*SMV : sourd malvoyant
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3.4 Données qualitatives sur les panélistes sourds malvoyants, sourdaveugles et aphasiques
Afin de garantir la participation au 1er décembre 2014 des panélistes sourdaveugles, sourds malvoyants et aphasiques, un travail expérimental de mise en accessibilité du centre relais téléphonique a été organisé en amont. Les détails de ce travail sont présentés en annexe de ce rapport. Rappelons cependant que ce travail de conception, centré sur ces usagers, de mise en accessibilité du service a impliqué des échanges et expérimentations et enrichi les données disponibles. Ainsi, nous disposons également pour analyser les pratiques de ces panélistes des :
-‐ archives des échanges écrits d’accompagnement à l’utilisation du service de panélistes sourdaveugles ;
-‐ captures d’écran de communications de sourdaveugles, relayées en texte ou voix-‐texte ;
-‐ archives des échanges écrits avec ces panélistes sur ces appels et leurs avis ;
-‐ document de suivi des opérateurs texte traitant ces appels (consignant date, heure, appelant et remarques sur les conditions de relais ou sur les problèmes techniques rencontrés)
-‐ notes et enregistrements vidéos d’expérimentations d’appels de personnes aphasiques, invitées dans nos bureaux pour cela ;
-‐ document de suivi des installations à distance des panélistes aphasiques (tenu par l’informaticien concerné) ;
-‐ document de suivi des opératrices traitant ces appels (consignant date, heure, appelant et remarques sur les stratégies de communication observées ou testées, les conditions de relais ou sur les problèmes techniques rencontrés) ;
-‐ archives des emails et notes des échanges avec des panélistes sourds malvoyants dans le travail d’identification des critères d’accessibilité ou les retours de tests des interfaces proposées.
3.5 Entretiens avec des opérateurs de tous modes de communication
Des entretiens formels et informels ont été réalisés à l’occasion des séances d’observation in situ et d’enregistrement des appels (voir section suivante). Ces échanges avec les opérateurs, enregistrés ou donnant lieu à des prises de notes, ont été centrés sur la question de l’appropriation professionnelle du dispositif de centre relais et sur ce que ce travail à distance, dans des relations téléphoniques, changeait dans leur pratique. Les échanges ont également abordé les manières de rendre compte des informations portées par le ton, le débit ou les émotions transmises par la voix de l’interlocuteur ou l’expression de l’appelant. Les opérateurs ont de la même manière évoqué leurs modalités d’intervention dans l’échange en cas de dysfonctionnement ou de mauvaise compréhension de leur part, sans qu’il n’y ait pour autant de confusion sur l’identité de la personne qui s’exprime.
-‐ Deux opérateurs LSF de TANDEM le 30 juillet 2014 à Paris -‐ Six opératrices d’INTERPRETIS le 23 octobre 2014 et les 24 mars et 11 mai 2015, à Toulouse -‐ Trois opératrices LPC et APHA d’ISOS le 23 octobre 2014 et 11 mai 2015 à Paris -‐ Une opératrice LPC d’ISOS le 24 mars 2015 à Caen -‐ Trois opérateurs TEXTE de SYSTEME RISP le 24 mars 2015 à Caen
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-‐ Une opératrice TEXTE-‐SA le 11 mai 2015 à Toulouse
La question des modalités de gestion des appels de panélistes sourds malvoyants a été plus particulièrement abordée avec deux interprètes français–LSF lors du dernier enregistrement. Par ailleurs, des réunions ont eu lieu tous les deux mois à partir de décembre 2014 avec les opérateurs Texte prenant les appels des panélistes sourdaveugles d’une part et avec les opératrices prenant les appels des panélistes aphasiques d’autre part. Les retours exprimés et les analyses collectives réalisées à l’occasion de ces réunions complètent ainsi nos données sur ces appels.
3.6 Enregistrements d’appels relayés
3.6.1 Description de la procédure
La captation de l’ensemble des appels relayés (tous les modes de communication), a été réalisée par IVèS et transmise via codes de sécurité à l’équipe R&D de Websourd. Elle permet de visionner dans deux fenêtres distinctes la vidéo et/ou zone de texte du panéliste et de l’opérateur et d’entendre les échanges oraux. Les enregistrements des appels passés via le centre relais téléphonique expérimenté ont été réalisés les jours suivants :
• le 30 juillet 2014 • le 23 octobre 2014 • le 12 décembre 2014 • le 24 mars 2015 • le 11 mai 2015
Ces enregistrements ont été annoncés à l’avance aux panélistes et rappelées aux interlocuteurs les jours concernés. Ils ont fait l’objet d’une déclaration à la CNIL.
Parallèlement, afin d’appréhender le travail des opérateurs dans leur contexte et temporalité, des observations ont été menées sur place auprès de quelques opérateurs, lors de ces mêmes journées d’enregistrement. Elles ont été possibles pour chacune de ces journées dans le cas d’interprètes français – LSF, à Paris et surtout à Toulouse. La dernière journée a donné l’occasion d’observer le traitement d’appels de panélistes sourds malvoyants. Concernant les codeurs LPC, plusieurs observations, à Caen et Paris, se sont révélées infructueuses, aucun appel n’ayant eu lieu lors des temps de présence. La dernière journée d’enregistrement nous a cependant permis d’assister à la prise d’appels par des codeuses LPC à Paris ainsi qu’à la prise d’appels par ces mêmes opératrices de personnes aphasiques. De même, concernant le travail de transcripteurs, aucun appel n’a eu lieu lors de la période de présence à Caen. Concernant les appels texte de panélistes sourdaveugles, un dispositif d’enregistrement des postes de travail in situ a été organisé par les opérateurs et transmis à l’équipe de recherche pour analyse. L’ensemble de ces déplacements a donné lieu à des échanges avec les opérateurs sur leurs pratiques professionnelles.
42
3.6.2 Description des données disponibles
Description des données concernant la 1ere journée
84 appels vers la plateforme par 41 panélistes, pour un total de 127 appels sortants relayés (dans un contexte de réception de 181 appels au total vers les plateformes Elision). Parmi les 41 Panélistes qui ont appelé ce jour-‐là, il y avait 19 hommes et 22 femmes, 35 locuteurs de LSF, 4 utilisateurs du LPC et 2 du texte. Les différentes catégories d’âge sont représentées même si l’on remarque une moindre représentation des 30-‐39 ans et seulement deux panélistes de 60-‐69 ans appelant ce jour-‐là.
Cet enregistrement ayant été annoncé aux panélistes, nous pouvions craindre une baisse des appels, en période estivale de surcroît. Les appels sont restés conséquents, ce qui permet de bonnes conditions d’observation et d’analyse des appels relayés en situation.
Voici le détail des services appelés, du matériel utilisé par les panélistes et des conditions d’appels :
LSF LPC Texte
71 9 4
Pris Répondeur Abouti non traité Non abouti Pb technique 64 2 7 4 7 PC MAC ipad Tablette Smarthphone iphone 37 28 11 1 7 0
Description des données concernant la 2er journée
113 appels ont été passés vers la plateforme par 42 panélistes. Parmi les 42 panélistes qui ont appelé ce jour-‐là, il y avait 16 hommes, 26 femmes, 32 locuteurs de LSF, 1 utilisateur du LPC, 9 du texte. La catégorie des 30-‐39 ans est davantage représentée que lors du premier enregistrement.
Voici le détail des services appelés, du matériel utilisé par les panélistes et des conditions d’appels :
LSF LPC Texte
89 4 20
Pris Répondeur Abouti non traité Non abouti Pb technique 80 0 21 7 5
PC MAC iPad Tablette Smarthphone iPhone 59 27 7 0 15 5
Lors de cette journée, nous remarquons que la totalité des appels sur iPad et l’essentiel des appels sur smarthphones et iPhone sont le fait de panélistes utilisant le service LSF. Ce sont aussi les matériels qui concentrent les difficultés techniques ou d’aboutissement des appels. Ainsi, aucun des appels passés depuis un iPhone ou un iPad ce jour-‐là n’a été pris (« aboutis non traité »), ce qui empêche toute analyse d’appels depuis ces mobiles. Par contre, la moitié des appels passés depuis un smarthphone a été réussie (l’autre moitié est concernée par des problèmes techniques).
43
Description des données concernant la 3er journée
145 appels ont été passés vers la plateforme par 61 panélistes. Parmi les 61 panélistes qui ont appelé ce jour-‐là, il y avait 27 hommes, 30 femmes, 45 locuteurs de LSF, 7 utilisateurs du Texte, 2 du LPC, 2 personnes sourdaveugles et 2 personnes aphasiques. Aucun panéliste sourd malvoyant n’a appelé ce jour-‐là.
Enfin, les différentes classes d’âge sont relativement bien représentées dans cet enregistrement, y compris parmi les usagers du service texte, pourtant peu nombreux ce jour-‐là, ce qui autorise des analyses éventuelles portant sur ce facteur. On dispose également de l’enregistrement des appels de deux personnes aphasiques et de deux personnes sourdaveugles.
Voici le détail des services appelés, du matériel utilisé par les panélistes et des conditions d’appels :
LSF LPC Texte SMV SA APHA 117 9 14 0 3 2
Pris Abouti non traité Non abouti Pb technique 103 28 13 1
PC MAC IPad Tablette Smarthphone iPhone Tel fixe Non identifié 48 60 14 0 8 9 4 3
L’écrasante majorité de ces appels sont des appels sortants. Cependant, 4 appels entrants ont été réalisés lors de cette journée d’enregistrement, dont 3 aboutis non traités et un appel pris.
On remarque moins de difficultés techniques que lors des précédents enregistrements, ce qui permet une analyse des appels en mobilité. En particulier, ces données présentent des appels LSF et LPC depuis un iPad, des appels Texte et LSF depuis un iPhone et des appels Texte et LPC depuis un smarthphone Android.
Description des données concernant la 4ème journée
113 appels sortants ont été passés vers la plateforme par 41 panélistes. Parmi les panélistes qui ont appelé ce jour-‐là, il y avait 14 hommes, 27 femmes, 35 locuteurs de LSF, dont 1 sourd malvoyant, 4 utilisateurs du Texte, dont 1 sourdaveugle, 1 utilisateur du LPC, 1 personne aphasique. La représentation des différentes classes d’âge s’apparente à celle du panel dans son ensemble.
Voici le détail des services appelés, du matériel utilisé par les panélistes et des conditions d’appels :
LSF LPC Texte SMV SA APHA 103 1 5 1 1 2
Pris Abouti non traité Non abouti Pb technique 94 16 2 1
PC MAC IPad Tablette Smarthphone iPhone Tel fixe Non identifié
58 43 3 0 3 5 0 1
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Description des données concernant la 5ème journée
139 appels sortants et 1 appel entrant ont été passés vers la plateforme par 52 panélistes. Parmi les panélistes qui ont appelé ce jour-‐là, il y avait 23 hommes, 29 femmes, 38 locuteurs de LSF, dont 1 sourd malvoyant, 8 utilisateurs du Texte, 3 du LPC et 3 personnes aphasiques. Aucun panéliste sourdaveugle n’a appelé ce jour-‐là. La représentation des classes d’âge est déséquilibrée, les 30-‐39 ans représentant à eux seuls 54% des appelants ce jour-‐là et les 40-‐49 ans, 23%.
Voici le détail des services appelés, du matériel utilisé par les panélistes et des conditions d’appels :
LSF LPC Texte SMV SA APHA 107 4 16 9 0 4
Pris Abouti non traité Non abouti Pb technique 107 20 6 7
PC MAC iPad Tablette Smarthphone iPhone Tel fixe Non identifié
49 66 3 0 8 13 1 0
3.7 Réponses au sondage-‐bilan en ligne
3.7.1 Objectifs et caractéristiques du sondage-‐bilan
Ce dernier sondage en ligne avait pour objectif de permettre aux panélistes en fin d’expérimentation de partager leur bilan du centre relais téléphonique et de décrire certaines de leurs pratiques. Une seule réponse par panéliste était attendue.
Ce sondage présentait les mêmes caractéristiques que le sondage précédent en terme d’accessibilité et d’importance donnée aux questions ouvertes. Son ergonomie a cependant été améliorée sur les fonctions vidéos afin de rendre plus faciles les réponses dans cette modalité. Les espaces texte et vidéo dédiés à ces réponses ont également été augmentés.
Ce sondage visait à préciser les situations sociale et professionnelle des panélistes, certaines pratiques associées au centre relais ainsi que les lieux et objectifs d’appels. Il s’appuyait en cela sur les retours d’entretiens, du sondage en ligne et des observations d’appels.
Il a été mis en ligne le 28 avril et fermé le 31 mai et était destiné aux panélistes utilisant les services LSF, LPC et TEXTE, incluant les panélistes malvoyants.
Une autre version a été adressée aux panélistes sourdaveugles et aphasiques afin d’en adapter les questions et d’y intégrer des renseignements sur la spécificité de leur situation et manque d’accessibilité. Il a été diffusé exclusivement par email aux personnes sourdaveugles, et par email et en ligne dans les mêmes conditions que les autres panélistes pour les personnes aphasiques. Il a été proposé du 14 mai jusqu’au 15 juin 2015.
Les réponses étant nominatives, certaines informations n’ont pas été redemandées aux panélistes (âge, sexe mais aussi fréquence des appels, thèmes des appels), pour être mobilisées par ailleurs. L’analyse de ces données repose donc en partie sur un croisement de différentes sources d’informations, en particulier la description du panel et les statistiques d’appels.
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3.7.2 Nombre et profils des répondants au sondage-‐bilan su les appels LSF, TEXTE, LPC
Concernant la version du sondage proposée aux panélistes LSF, Texte et LPC, malvoyants inclus, 161 panélistes ont répondu. On ne compte qu’un seul répondant sourd malvoyant. 55% des répondants sont des femmes et 45% sont des hommes. La représentation des différentes classes d’âge correspond à la structure même du panel, avec une surreprésentation des 30-‐50 ans. Cependant, les personnes représentant les classes d’âge les moins présentes dans le panel sont alors particulièrement réduites parmi les répondants à ce sondage. Ainsi, nous ne comptons qu’un seul répondant de moins de 20 ans et 3 répondants de plus de 70 ans. Ceci limite donc les analyses portant sur ces catégories et explique aussi la mobilisation de deux classes d’âge plus larges (10-‐29 ans, et 60-‐89 ans) dans l’analyse.
Répartition des panélistes et des répondants LSF/LPC/Texte par classe d’âge
De même, la répartition géographique des répondants suit une logique similaire à celle observée pour l’ensemble du panel. Nous y retrouvons les mêmes déséquilibres et phénomènes de concentration dans les départements de grandes villes françaises, comme le montre la carte ci-‐dessous, indiquant (par des points) la localisation des panélistes qui ont répondu au sondage-‐bilan.
Origine géographique des répondants LSF/LPC/Texte au sondage bilan
0
20
40
60
80
100
120
140
10 à 19 20 à 29 30 à 39 40 à 49 50 à 59 60 à 69 70 à 79 80 à 89
Nb répondants
Nb panélistes
46
La participation à ce sondage des usagers du service LSF, Texte et LPC est déséquilibrée. Bien que plus représentés dans le panel initial, les locuteurs de LSF ont aussi plus répondu à ce sondage avec 46% de ce sous panel (117 personnes), tandis que 32% des panélistes Texte (soit 33 personnes) et 20% des panélistes LPC (soit 10 personnes) ont contribué. Une seule personne entendante a participé. Cette différence de représentation est prise en compte dans l’analyse.
3.7.3 Nombre et profils des répondants aphasiques et sourdaveugles au sondage-‐bilan
4 des 6 panélistes sourdaveugles ont répondu au sondage-‐bilan, ce qui permet d’avoir un retour de personnes âgées entre 40 et 60 ans résidant dans différentes régions de France et s’étant différemment investies dans l’expérimentation. Parmi les répondants, nous retrouvons les deux panélistes les plus actifs (un homme et une femme), mais aussi une panéliste investie dans la phase de test et n’ayant pas utilisé le service ensuite, ainsi qu’une personne ayant rejoint l’expérimentation après le mois de décembre et n’ayant jamais osé l’utiliser (ce sont ses termes). Cette représentation de ce petit panel devrait donc bien permettre d’analyser les motivations, découvertes et difficultés de cette population.
13 des 33 panélistes aphasiques (si nous excluons les 9 désistements en début d’expérimentation) ont répondu au sondage-‐bilan, soit en ligne soit par email. 9 d’entre eux se sont fait aider pour cela par un proche. 5 panélistes aphasiques, soit presque la moitié de ces répondants, vivent seuls. À l’inverse des réponses fournies à l’enquête d’Orange Consulting, tous les répondants à ce sondage concernent des panélistes qui ont effectivement utilisé ou découvert le service. Ce sont dans une écrasante majorité des hommes qui ont entre 48 et 67 ans, pour ceux dont nous connaissons l’âge et résidant dans différentes régions françaises, dont la Guadeloupe. Aphasiques depuis plus de 5 ans et pour certains depuis très longtemps (7 depuis plus de 10 ans, dont 2 depuis plus de 20 ans), ils sont tous retraités ou vivent d’une pension d’invalidité. Bien que l’aphasie dite de Broca prédomine, ces panélistes présentent des difficultés et des stratégies de communication variées, ce qui devrait permettre d’analyser la diversité des motivations, facteurs d’usage et points d’améliorations.
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4 Comprendre les statistiques d’appels – une première entrée dans les stratégies des usagers
4.1 Questionnement et données utilisées
Les données d’enregistrements et d’observation des appels ont fait l’objet d’analyses ciblées à la demande des membres du comité de pilotage afin d’apporter des éclairages sur certaines pratiques observées ou à l’inverse non détaillées dans les statistiques d’appels.
Nous présentons ainsi ici trois explorations de ces données. La première concerne la gestion des appels par les panélistes et notamment le phénomène consistant à passer plusieurs appels avec un même opérateur sans raccrocher ni basculer dans la file d’attente. La seconde porte sur la nature et le contexte des appels courts, voire très courts, dont la fréquence a été mise en évidence dans les statistiques d’appels. Enfin, la dernière exploration vise à rendre visible le détail des temps d’attente dans le processus de lancement de l’appel et de mise en contact avec l’interlocuteur recherché.
4.2 Appels et série d’appels par les panélistes
Du point de vue des usages et d’un point de vue statistique, les appels relayés par un opérateur sont à distinguer des appels seulement parvenus à la plateforme de centre relais téléphonique. En effet, un panéliste peut contacter la plateforme, être mis en relation avec un opérateur, puis abandonner l’appel ou ne pas réussir à contacter son interlocuteur (erreur de numéro, par exemple). Il n’y a dans ce cas aucun appel relayé, c’est-‐à-‐dire d’appel durant lequel le panéliste et son interlocuteur échangent via la médiation d’un opérateur. À l’inverse, un panéliste peut se connecter à la plateforme, être mis en relation avec un opérateur, puis passer plusieurs appels, relayés, avec plusieurs interlocuteurs tour à tour, tout en conservant le même opérateur sans raccrocher avec celui-‐ci et sans se déconnecter de la plateforme.
Ceci permet à un usager de rappeler immédiatement un correspondant qui aurait un problème de son ou qui sonnerait occupé. Cela autorise également une série d’appels sur un même thème avec différents interlocuteurs. C’est cette pratique qui consiste à passer plusieurs appels relayés avec un même opérateur qui est analysée ici. Initialement non encadrée dans cette expérimentation, cette pratique sera ensuite régulée en demandant aux panélistes de raccrocher et de rappeler le centre relais téléphonique si la série de leurs appels ne portent pas sur le même thème.
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L’analyse présentée ici porte sur les données de la première journée d’enregistrement des appels. Le 30 juillet 2014, 84 appels ont été passés vers la plateforme par 41 panélistes. Au total, 127 appels ont été relayés.
La moitié des panélistes ont appelé plusieurs fois dans la journée (entre 2 et 6 appels).
1 quart des appels vers la plateforme donne lieu à plusieurs appels relayés (entre 2 et 6). Ils représentent un peu plus de la moitié de l’ensemble des communications.
L’analyse statistique de ces données montre que cette dernière pratique est plus souvent associée à un temps d’attente important, sans que cette variable ne détermine ce comportement. Ces mêmes personnes peuvent appeler plusieurs fois par jour (c’est le cas de plus de la moitié d’entre elles).
Cette stratégie qui consiste à passer plusieurs appels avec un même opérateur ne dépend pas de l’âge des usagers. Sur cette journée, elle n’est pas associée à des mentions de coupures techniques dans les données de suivi des appels ou à des appels pris non aboutis, ce qui est davantage le cas des répétitions d’appel dans la journée. Cependant, l’examen attentif de ces séries d’appels, alimenté dans les observations et enregistrements, permet d’apporter quelques indications. Il renvoie en effet aussi bien à :
des difficultés de communication avec l’interlocuteur pour des raisons techniques n’occasionnant pas de coupure automatique, mais amenant l’un des interlocuteurs à couper l’échange (mauvais son ou mauvaise qualité vidéo) et le panéliste à rappeler;
des problèmes de numéro d’appel, associés à plusieurs essais ;
l’absence ou l’indisponibilité de l’interlocuteur (voir section suivante sur les appels courts) ;
une série d’appels sur un même thème, permettant de mettre à profit le temps de préparation pour plusieurs appels.
Passer plusieurs appels avec un même opérateur permet de contacter plusieurs interlocuteurs pour clore un sujet (trouver une salle de location, prendre l’ensemble des rendez-‐vous dans le cadre d’un suivi de santé etc.). Cela permet de réduire l’utilisation du forfait, car il n’est pas utile de réexpliquer à l’opérateur-‐relais la nature et le contexte de l’appel. Cela évite ensuite de se retrouver à nouveau au début d’une file d’attente. Un refus de la part d’un opérateur-‐relais peut ainsi être très mal vécu, comme l’illustre cet extrait d’entretien avec une panéliste de 28 ans utilisant le service LSF :
« Ça a coupé. Ah bon ? Ça veut dire que je dois refaire la queue pour avoir un interprète ! Ça m’a étonné ! Normalement, lorsque ça ne marche pas avec un correspondant, il faudrait attendre un peu et rappeler. Là non ! [l’interprète ne veut rien savoir] ! Il faut recommencer à zéro ! J’ai cliqué sur le bouton et je suis tombée sur un autre interprète ! Pfff… Imaginez la perte de temps. Ça m’a étonnée ! Ça m’est arrivé trois fois ! Pffff… C’est pénible. »
La possibilité de passer plusieurs appels relayés dépend des opérateurs. Lorsqu’ils l’acceptent, ils contrôlent la durée du premier appel, mais aussi le temps de forfait restant. Lors de cette journée d’observation, ces appels n’ont pas dépassé 7 mn. Les situations de clôture pour mauvaises conditions de communication semblent la plupart du temps occasionner des rappels autorisés par les opérateurs-‐relais.
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4.3 Fenêtre sur les appels courts
Certains appels sont extrêmement courts. Ce phénomène interroge sur la nature de ces appels ou sur leurs conditions techniques. L’analyse présentée ici explore cette question sur les données du 30 juillet 2014.
Sur cette journée, 17 appels ont un temps de communication de 0 à 5 secondes.
Il s’agit de problèmes techniques, d’appels non aboutis, mais aussi des cas de consultation de leurs propres répondeurs, sans message, ainsi que des appels aboutis mais non traités par l’interlocuteur. Après examen, ces derniers appels concernaient des appels occupés, des numéros introuvables ou non trouvés dans les délais. Ce sont donc des appels coupés dès la mise en contact avec l’opérateur ou avec l’interlocuteur et pour lesquels peu ou pas de préparation a été faite avec l’opérateur.
Une coupure technique lors du relais de l’appel ou une communication mauvaise avec l’interlocuteur amène en effet les panélistes à relancer l’appel ou à rappeler la plateforme et, s’ils sont mis en relation avec le même opérateur, à poursuivre leur démarche sans autre explication. Lors de nos observations, le contact d’un secrétariat a ainsi occasionné plusieurs appels car l’interlocuteur n’avait pas de son et raccrochait après avoir dit, la première fois : « Allô, allô, je n’entends rien ». Ces situations expliquent que les appels courts ou très courts soient insérés dans une série d’appels par les panélistes, qu’ils soient relayés par le même opérateur ou pas.
Voici deux exemples de séries d’appels, passées par un panéliste s’exprimant en LSF et par un autre en LPC. Ils donnent un aperçu de ces appels non aboutis de 0 seconde, insérés dans leur écologie d’appels :
Panéliste LSF
Temps attente
Durée contact
Numéro d’appel
Durée du relais
Statut de l’appel
23 s 0 s n°1 0 Abouti non traité : introuvable 43 s 0 s id 0 Pb tech : non trouvé dans délais 278 s 0 s id 0 Abouti non traité : introuvable 19 s 70 s n°2 19 Pris
Panéliste LPC
Temps attente
Durée contact
Numéro d’appel
Durée du relais
Statut de l’appel
80 s 1 n°1 1 Non abouti 0 0 0 Répondeur 167 s 113 id 0 Pris 22 s 3mn
41s id 0 Pris
34 s 5mn 25s
id 3mn 49s Pris
0 0 0 Répondeur
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D’autres appels courts et ayant été pris durent entre 14 secondes et 3 minutes. Comme nous l’avons évoqué, des problèmes d’ordre technique peuvent les expliquer, notamment l’impossibilité d’afficher l’image vidéo ou des problèmes de son, occasionnant la coupure par l’un des interlocuteurs. Mais d’autres raisons peuvent également être apportées :
L’appel est pris, mais un message automatique signale que l’interlocuteur est indisponible ou que le service est fermé. Il n’y a pas de possibilité de laisser un message (« Veuillez rappeler s’il vous plaît »). La communication est ensuite automatiquement coupée. La durée de la conversation est celle de l’échange avec l’opérateur. L’appel est semble-‐t-‐il fréquemment retenté.
Le correspondant répond, mais l’interlocuteur recherché est absent. L’appel est donc clos rapidement.
Le correspondant répond. La demande de l’appelant est courte et n’a pas nécessité de préparation conséquente : adresse d’envoi d’un courrier ; signalement d’un email et demande de réponse par écrit ; rendez-‐vous ; etc.
Lorsque les panélistes effectuent des appels portant sur un même thème (dans la même journée ou de manière régulière), les opérateurs peuvent entamer l’appel sans discussion préalable puisqu’ils sont déjà informés du contexte. De plus, il peut s’agir d’appels déjà courts (confirmation de rendez-‐vous, suivi d’un dossier etc.). Par exemple, deux prises des rendez-‐vous médicaux par un panéliste ont pris chacun moins de 3 minutes.
Le correspondant ne répond pas, mais il y a un répondeur. Les panélistes laissent un message. La durée de la conversation est celle de l’échange avec l’opérateur et de l’enregistrement du message. Par exemple, l’appel d’un plombier pour un rendez-‐vous urgent a duré 1 minute et demi, dont 30 secondes de préparation.
Le correspondant ne répond pas. Il y a un répondeur, mais les panélistes ne laissent pas de message et terminent l’appel. La durée de la conversation est celle de l’échange avec l’opérateur. Les panélistes apportent différentes explications à ce choix :
1. Certains panélistes ont peu d’expérience du téléphone. Le répondeur est donc un outil auquel ils sont peu habitués, ce qui freine son utilisation, comme en témoigne cette panéliste de 48 ans utilisant le service en LSF :
« Je laisse tomber. Si ce sont des choses simples à dire, je laisse un message sur le répondeur. Si c’est difficile à expliquer, je ne le fais pas. Je n’ai pas l’habitude de contacter quelqu’un d’absent. Ça m’est arrivé très rarement. Si je tombe sur un répondeur, je rappelle le lendemain ou 2 jours après, patiemment. Si c’est toujours le cas, alors ma fille rappelle selon les horaires. »
2. La situation n’a pas été anticipée. Surpris, ne sachant quoi dire, certains panélistes coupent l’appel avant de demander à l’opérateur-‐relais de le relancer pour laisser un message. Ils peuvent aussi rappeler plus tard pour laisser un message.
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3. Lors des entretiens, des panélistes ont aussi indiqué ne pas laisser de message parce qu’ils ne pourront pas être recontactés. Ils ne savent donc pas que le service de centre relais téléphonique permet de recevoir des appels entrants :
« Pas cette fois-‐ci, j’avais préféré ne pas laisser de message et rappeler une autre fois. Parce que de toute façon, même avec un message, la personne ne peut pas me rappeler sur [le centre relais]. Généralement, je ne laisse pas de message. Sauf si c’est pour faire passer une information et qu’il n’y a pas besoin de me rappeler. Mais normalement, si je téléphone c’est que j’ai besoin d’une réponse. » (Femme de 33 ans, appel en LPC)
« Lorsque je suis tombée sur des répondeurs, j’ai dit très souvent : “On raccroche tout de suite”. Je ne veux pas laisser mon message. Parce que, dans ce cas, comment on m’appellera ? Donc, je n’ai jamais laissé de message. » (Femme de 27 ans, LSF)
La méconnaissance de cette possibilité, ou le poids des habitudes, explique que le recours aux appels entrants ne soit pas envisagé, ce qui crée des situations curieuses d’interaction comme cet extrait de prise de rendez-‐vous, relayé en LSF, en témoigne :
-‐ « Quel est votre numéro de téléphone s’il vous plait ? -‐ Je n’ai pas de numéro de téléphone. Je suis sourde, dit Madame. Donc vous pouvez m’envoyer un SMS ? -‐ D’accord. -‐ Je peux vous donner mon numéro heu… de portable. -‐ Oui. -‐ C’est le 06 …. »
Et lorsque cette même panéliste, lors de la même série d’appels, tente un message sur un répondeur, elle dira ceci :
« Bonjour, je suis Mme xx. Je suis une patiente sourde. Et… j’appelais pour prendre rendez-‐vous, mais… il vous sera difficile de me recontacter puisque… ce serait peut-‐être mieux si vous pouviez m’appeler par heu… [l’interprète ne comprend pas : facebook ? ou… ] parce que je passe par un intermédiaire, je ne vous appelle pas directement, donc ce sera difficile pour vous de m’appeler en retour. Donc heu… j’espère vous avoir tout à l’heure. … Vous pouvez essayer de me contacter par SMS, ce serait un rendez-‐vous avant le 6 août. Et mon numéro est le 06 …. [Je raccroche ?] Merci, au revoir ».
4. Une des raisons qui motivent l’utilisation et l’appropriation du centre relais par les panélistes est le besoin de communications interactives. Or, le répondeur empêche cette interactivité et rappelle les communications asynchrones auxquelles ils sont habitués – les SMS ou les emails – et qu’ils cherchent précisément à remplacer par des échanges synchrones :
« C’est selon le thème. En fait, je n’aime pas trop laisser un message, je ne l’ai jamais fait. Je préfère avoir une interactivité, j’ai besoin des réponses. Je n’ai jamais laissé de message sur un répondeur. » (Femme de 28 ans, LSF)
Enfin, les panélistes sont amenés à effectuer des appels alors qu’il ne leur reste plus que très peu de temps de forfait, parfois moins de 5 minutes. Le temps d’échange avec l’opérateur est alors raccourci
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à la demande des panélistes et leurs demandes sont généralement simples. Certains appels sont coupés en cours de conversation lorsque le forfait est épuisé.
D’une manière générale, il semble que les panélistes veillent à passer des appels courts, en raison de leur temps de forfait. Ceci est explicite dans les entretiens réalisés. Les panélistes interrogés estiment que leurs appels durent généralement moins de 10 minutes (en comptant le temps de préparation avec l’opérateur). Ils disent sélectionner leurs appels en tenant compte de leur durée éventuelle et privilégient ceux qui n’entameront pas trop leur forfait mensuel que la plupart des panélistes juge restreint :
« Non, c’est à propos du forfait de 1 h. Je ne veux pas bavarder avec eux par centre relais. J’utilise le centre relais pour les rendez-‐vous, leur motif… Avec les amis entendants, ce n’est pas la peine. Je m’arrange. » (Femme de 48 ans, LSF)
Les panélistes interrogés utilisent donc principalement le centre relais pour prendre des rendez-‐vous, tandis que les appels longs sont effectués par le biais d’autres solutions, notamment en sollicitant une personne entendante, comme l’explique cette même panéliste :
« S’il me reste peu de temps de forfait, je viens chez une amie. Si je dois avoir une conversation longue, par exemple avec la CAF ou l’urgence, je viens lui demander. S’il me reste 6 minutes, il m’est impossible d’appeler la CAF car cette conversation sera longue. 1 h [de forfait] ce n’est pas assez. La conversation avec la CAF est longue, elle pourrait durer 20 ou 30 minutes. Ce n’est pas assez 1 h, donc la Caf, non. »
Les enregistrements d’appels de la journée du 30 juillet confirment cette orientation sur des appels de type prise de rendez-‐vous, appel de taxi, recherche d’information, confirmation ou demande de précision suite à un courrier, changement de billet ou information suite à une grève, recherche d’une salle de location, etc.
4.4 Analyse du temps et des pratiques de mise en relation avec l’interlocuteur
Les statistiques d’appels permettent de connaître le temps de mise en relation entre un panéliste et la plateforme d’appel, ainsi que le temps de communication avec un interlocuteur. Elles ne permettent cependant pas d’isoler de manière plus fine les temps de préparation ou de clôture de l’appel entre le panéliste et l’opérateur, ni le temps nécessaire à la mise en relation avec l’interlocuteur (sonnerie, musique d’attente, présentation du service par l’opérateur).
Étant donné les enjeux de gestion du forfait alloué (se reporter à la section 2.3.4, présentant les contraintes de l’expérimentation), les usagers représentés au sein du comité de pilotage ont souhaité que soit précisé l’ordre de grandeur de ces durées, à partir de l’observation des enregistrements d’appels. 10 vidéos d’appels pour chaque mode de communication, soit 30 appels en tout, ont ainsi été analysées. Dans un premier temps, nous présentons en synthèse, les activités observées dans une démarche qualitative entre les panélistes et les opérateurs durant les périodes de préparation, de relais et de clôture de l’appel. Dans un second temps, nous rapportons le détail des différentes étapes des 30 appels, en termes de durées. Nous donnons, en synthèse, la durée moyenne des
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temps de sonnerie et celle de mise en relation avec l’interlocuteur (serveur vocal, musique d’attente, présentation du service, relais éventuel vers le bon interlocuteur).
4.4.1 Présentation des données
Le choix des enregistrements d’appels a été fait de manière à diversifier les situations que ce soit du point de vue des profils de panélistes, de l’identité de l’opérateur ou du thème de l’appel. Néanmoins, nous ne disposions pas d’un matériau équivalent selon les modes de communication. Ceci explique une moindre diversité en termes de profils de panélistes parmi les utilisateurs du service LPC en particulier, le nombre d’enregistrements exploitables ne nous laissant que peu de choix. Pour cette même raison, nous avons dû utiliser les données issues de 3 journées d’enregistrements, à savoir celles du 30 juillet, du 23 octobre et du 12 décembre 2014.
Les appels en LPC concernent 5 panélistes différents (4 femmes et 1 homme, tous entre 20 et 39 ans, d’une diversité de départements). Les appels sont pris par 4 opératrices différentes, sur les 2 sites de travail. Les enregistrements concernent des usages oral-‐LPC (7) et Texte-‐LPC (3). Ils sont issus des trois journées (3, le 30 juillet, 1, le 23 octobre et 6, le 12 décembre 2014).
Les appels en LSF concernent 10 panélistes différents (7 femmes et 3 hommes, d’âge différents mais plus représentés dans la classe des 20-‐49 ans, et localisés dans différents départements). Les appels sont pris par 6 sites d’interprétation différents. Les enregistrements sont issus des deux premières journées (6, le 30 juillet et 4, le 23 octobre 2014).
Les appels en TEXTE concernent 9 panélistes différents (4 femmes, 5 hommes, d’âge proche des locuteurs LSF, mais avec la présence de personnes plus âgées, localisées dans des départements différents, mais pour la moitié en région parisienne). Les enregistrements concernent des usages Voix-‐Texte (6) et Texte-‐Texte (4). Ils sont issus des trois journées (1, le 30 juillet, 6, le 23 octobre et 3, le 12 décembre 2014).
Seulement trois de ces enregistrements portent sur des appels en mobilité (2 en texte et 1 en LPC). Tous sont des appels réussis, aboutissant à minima sur un répondeur ou une messagerie (c’est le cas de 5 d’entre eux). Deux appels sont concernés par une coupure en cours de communication avec l’interlocuteur, donnant lieu à un rappel. Les thèmes sont variés : agence immobilière pour signature de vente, appels médicaux (rendez-‐vous, constitution de dossier), demande d’information auprès d’une caisse de retraite, appels commerciaux en lien avec des sites internet, rendez-‐vous pour visite d’appartement, appels personnels (amis, famille), appels d’association, confirmation de demande de taxi pour des enfants, assurance, cours de dessin, information sur l’accessibilité d’une école d’art, contact d’une société HLM concernant l’entretien des parties communes, rendez-‐vous chez un coiffeur, rendez-‐vous chez un notaire pour une affaire de succession, comparaison de prix…
4.4.2 Présentation synthétique des activités entourant un appel
Les temps de préparation et de clôture d’un appel sont des étapes repérées, sur lesquelles les formateurs ont eu l’occasion d’insister auprès des panélistes. Les enregistrements montrent
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cependant que les temps de préparation sont eux-‐mêmes marqués par différentes étapes que nous pouvons énumérer ainsi :
-‐ Salutations
-‐ Contrôle de la qualité de la mise en relation (LPC, LSF)
-‐ Demande de l’opérateur pour améliorer les conditions de communication sonores et visuelles (LSF : couper le son dans le cas d’environnement bruyant : enfants, télévision ; LSF, LPC : se repositionner face à la caméra)
-‐ Demande de précision par l’opérateur sur la modalité de communication pour cet appel : oral ou texte (LPC, TEXTE)
-‐ Rappel et contrôle du son dans le cas d’un appel voix-‐texte par l’opérateur
-‐ Demande de présentation proprement dite du thème de l’appel par l’opérateur
L’analyse de trois enregistrements d’appels éloignés dans le temps (juillet, octobre, décembre) montre une évolution certaine des pratiques et savoir-‐faire des usagers. Ils sont nombreux, en juillet, à être mal positionnés face à la caméra ou à appeler dans des contextes de son ou de lumière inadaptés, sans compter les difficultés de débit. Lors de la première journée enregistrée, certains opérateurs (LSF) se montrent eux-‐aussi un peu hésitants en posant beaucoup de questions de préparation ou à l’inverse (LPC) en n’imposant pas toujours de préparation ni de présentation de l’appel. De telles pratiques ne s’observent plus dans les deux enregistrements suivants. Ceux-‐ci montrent une réduction importante de l’ensemble de ces tâtonnements, qu’ils soient (le plus souvent) du côté des panélistes ou (ponctuellement) du côté des opérateurs. Ils donnent aussi à voir des pratiques d’anticipation des panélistes des questions posées par les opérateurs. Certains usagers du service texte ont ainsi déjà préparé leur phrase annonçant le mode de communication choisi. Les panélistes sont aussi nombreux à indiquer rapidement à l’opérateur l’identité de leur interlocuteur et le thème de leur appel, tandis que celui-‐ci contrôle encore la qualité de l’image, du son ou du texte. C’est précisément cet enchevêtrement de différentes tâches que donnent à voir à la fois l’analyse fine des enregistrements et la comparaison entre les 3 journées ou entre les opérateurs plus ou moins aguerris.
Certains éléments cités comme appartenant à la phase de préparation sont ainsi décalés dans les étapes suivantes, dans un souci à la fois de réduction des temps intermédiaires et d’exploitation des périodes (même très courtes) d’attente pour préciser certains éléments ou conditions de l’appel.
Ainsi, pendant la sonnerie, certains opérateurs poursuivent le travail de préparation ou de coordination avec le panéliste et alors même qu’ils l’informent parallèlement de manière régulière sur la présence d’une tonalité. Les opérateurs LPC en profitent notamment pour demander la marche à suivre dans le cas où il s’agirait d’un répondeur. Les opérateurs TEXTE rappellent plus souvent la gestion du décroché : « Je présente le dispositif et je vous mets en relation ensuite ». Les opérateurs LSF peuvent quant à eux réaliser une diversité d’ajustements :
-‐ demande de dernières mises au point techniques (positionnement caméra, contre-‐jour)
-‐ demande de coupure du son côté panéliste
-‐ réglage du casque opérateur
-‐ information sur le caractère enregistré de l’appel
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-‐ demande de précisions : sur l’emploi du vouvoiement ou du tutoiement avec l’interlocuteur, s’ils se connaissent ou s’ils se sont déjà parlé via centre relais
-‐ accord sur la présentation par l’opérateur (plutôt que par le panéliste)
-‐ ajout d’information de contexte par le panéliste ou demande supplémentaire par l’opérateur
Cette dernière pratique concerne aussi les temps d’attente pendant une discussion (lorsque l’interlocuteur recherche une information, va chercher un papier ou transfère un appel).
Cette multi-‐activité, souvent mise en place par les opérateurs eux-‐mêmes dans un souci d’efficacité, peut cependant poser problème lorsqu’elle est à l’initiative du panéliste. Celui-‐ci n’a pas accès à l’ensemble des informations relatives à l’appel et notamment aux informations sonores et ne peut donc pas toujours savoir quand il est possible de mener ce type d’aparté. Ainsi, un panéliste peut s’adresser à l’opérateur alors que celui-‐ci écoute le menu d’un serveur vocal afin de le lui transmettre. Il perturbe de la sorte l’écoute du message, obligeant à relancer l’appel.
Il apparaît ainsi décisif que les opérateurs aient la maîtrise non pas de la discussion et de la décision de poursuivre ou de clore un appel, qui appartiennent aux panélistes, mais de la gestion de l’interaction. Ce travail qui passe inaperçu lorsque tout se passe bien, est rendu visible lorsque les conditions d’écoute (au sens large) ne sont pas réunies, obligeant les opérateurs à dire leur travail ou à rendre explicite leurs prises d’information (« excusez-‐moi, c’est l’interprète qui parle, je n’ai plus le regard de votre interlocuteur »). C’est aussi le cas lorsque les panélistes ne maîtrisent pas encore la relation téléphonique, ou certains de ses aspects (comme la gestion des répondeurs), et sont ainsi amenés à verbaliser des pratiques routinières (se présenter avant de laisser un message) ou à créer les conditions pour que ce message soit possible (« je vous laisserai le dire et je vous dirai quand vous pouvez laisser votre message » pour un appel en voix-‐texte d’un panéliste de 60 ans ; ou « Si vous voulez, vous pouvez préparer un petit texte pour que je laisse un message et on rappelle ? » pour un appel texte-‐texte d’une panéliste de 28 ans).
Enfin, nous observons une superposition manifeste d’activités de gestion de l’interaction ou d’organisation des conditions de communication d’une part, et de relais de ce qui est dit d’autre part, dans les temps de présentation de l’appel. Sur ces temps, très courts, les opérateurs utilisent simultanément deux langues (français et LSF) ou deux activités (expression orale et codage) pour rendre accessible au panéliste la totalité ou les éléments clés de ce qu’ils disent eux-‐mêmes à l’interlocuteur. Ils apportent aussi dès cet instant des informations sur l’interlocuteur : « Bonjour Madame », ou [en LSF : « c’est une voix de femme »] « Bonjour Madame, une personne sourde cherche à vous joindre (…) ». Cette superposition peut aussi consister, notamment dans les interactions en texte, à écrire au moment du décroché de l’interlocuteur : « Merci de bien vouloir patienter le temps que j’explique le fonctionnement de la plateforme à votre correspondant ». Les opérateurs peuvent aussi anticiper le délai de prise de parole et inviter le panéliste à prendre la parole (par écrit ou en LSF) alors qu’ils sont encore en train de présenter l’appel auprès de l’interlocuteur.
Enfin, en contraste, les clôtures d’appel entre opérateurs et panélistes sont très courtes. Les salutations sont cependant souvent plus longues, et plus répétées, avec l’opérateur qu’avec l’interlocuteur. Quelques panélistes s’informent sur la longueur de la file d’attente avant de raccrocher ou donnent des indications sur la suite qu’ils vont donner à leur appel (rappeler, tenter ailleurs…) et dans le cas d’appels en LPC sur le thème de leur prochain appel dans la journée. De
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manière occasionnelle, cette clôture est aussi le moment de debrief sur les conditions techniques de l’appel (en particulier sur des problèmes de son durant l’appel) ou sur les modalités d’interaction via le centre relais, comme l’illustre cette conclusion d’un panéliste de plus de 60 ans, en voix-‐texte : « Souvent, je réponds un peu vite parce que comme vous c'est terminé, je pense que vous avez un petit décalage puis moi je me dis comme ça , ça y'est c'est fini ! Bon, paf !, j'y vais alors qu'en fait, je crois que souvent je suis trop en avance. Je coupe la parole ».
4.4.3 Durées des étapes de sonnerie et mise en relation avec un interlocuteur
L’analyse fine de 30 enregistrements d’appels permet de définir les temps de préparation et de clôture entre l’appelant et l’opérateur, dont les activités associées ont été précédemment décrites, ainsi que le temps de discussion proprement dite entre l’appelant et son interlocuteur. Mais elle permet aussi d’isoler la durée d’attente correspondant à la sonnerie et se terminant par un décroché : ce peut être un répondeur, un message automatique, un secrétariat ou un premier interlocuteur. Elle permet ensuite d’isoler l’attente de l’appelant pour être mis en relation avec l’interlocuteur visé et commencer à lui parler : ce délai correspond au choix d’un numéro thématique d’un serveur vocal interactif, à la musique d’attente, au temps passé à demander quelqu’un d’autre au téléphone que la personne qui a décroché ainsi qu’au temps de présentation du service de centre relais téléphonique par l’opérateur.
Déroulement détaillé d’un appel relayé
Nous présentons ci-‐dessous le détail des analyses des 30 appels en LSF, TEXTE et LPC. Seuls les appels ayant aboutis ont été retenus (les panélistes peuvent laisser sonner 1mn avant de raccrocher lorsque l’interlocuteur est absent et sans répondeur), y compris les cas de messages automatiques indiquant les horaires d’ouverture d’un service. Ce dernier cas est considéré ici comme un décroché et engagement de la discussion avec l’interlocuteur (à ce titre traduit ou transcrit par l’opérateur). La
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distinction entre un décroché 1 et un décroché 2 permet de rendre compte de certaines étapes comme une mise en attente automatique avec musique (décroché 1) avant que quelqu’un ne prenne l’appel (décroché 2). Une fois la présentation du service réalisée, le panéliste pourra commencer son échange (début de discussion). La durée de sonnerie s’arrête au premier décroché. La durée de mise en relation est calculée à partir de ce premier décroché jusqu’au début de la discussion entre le panéliste et l’interlocuteur.
Déroulement chronologique des appels observés
LSF 1 LSF 2 LSF 3 LSF 4 LSF 5 LSF 6 LSF 7a LSF 7b LSF 8 LSF 9 LSF 10
Timing
Appel plateforme 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:01:20 00:00:00 00:00:00 00:00:00
Lancement du relais 00:01:49 00:00:49 00:01:25 00:00:33 00:01:19 00:00:08 00:00:12 00:01:22 00:01:13 00:01:23 00:00:27
Décroché 1 00:02:00 00:00:55 00:01:45 00:00:44 00:01:31 00:00:30 00:00:33 00:01:30 00:01:36 00:01:34 00:00:42
Décroché 2 00:00:46 00:01:44 00:02:06
Discussion avec l'interlocuteur
00:02:13 00:01:03 00:01:52 00:00:56 00:01:31 00:01:36 00:00:37 00:08:53 00:01:50 00:02:39 00:00:50
Raccroché avec l'interlocuteur
00:04:03 00:03:27 00:04:52 00:04:48 00:01:42 00:02:05 00:01:00 00:20:42 00:06:39 00:03:25 00:08:37
Raccroché avec l'interprète
00:04:09 00:03:39 00:05:04 00:04:49 00:01:53 00:02:13 00:01:20 00:20:48 00:06:48 00:03:39 00:08:39
Durée
Durée sonnerie 00:00:11 00:00:06 00:00:20 00:00:11 00:00:12 00:00:22 00:00:21 00:00:08 00:00:23 00:00:11 00:00:15
Durée de mise en relation
00:00:13 00:00:08 00:00:07 00:00:12 00:00:00 00:01:06 00:00:04 00:07:23 00:00:14 00:01:05 00:00:08
Discussion 00:01:50 00:02:24 00:03:00 00:03:52 00:00:11 00:00:29 00:00:23 00:11:49 00:04:49 00:00:46 00:07:47
Thème Taxi école
Assurance Perso (famille)
RV notaire success°
HLM -‐ ménage
RV coiffeur
Caisse retraite, info
id Visite appart (PàP)
Ecole art info
accessib
Cours de dessin -‐ loisirs
TXT 1 TXT 2 TXT 3 TXT3a TXT3b TXT 4 TXT 5 TXT 6 TXT 7 TXT 8 TXT 9 TXT10
Timing
Appel plateforme 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:01:36 00:03:42 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00
Lancement du relais 00:00:27 00:01:40 00:00:35 00:02:33 00:04:02 00:00:22 00:00:36 00:00:30 00:00:27 00:00:26 00:02:16 00:06:55
Décroché 1 00:01:58
Décroché 2 00:00:43 00:02:21 00:01:08 00:03:01 00:04:49 00:00:40 00:01:03 00:00:32 00:00:48 00:01:01 00:02:48 00:07:02
Discussion avec l'interlocuteur
00:01:07 00:02:32 00:05:01 00:00:40 00:01:13 00:01:18 00:00:48 00:01:01 00:02:48 00:07:43
Raccroché avec l'interlocuteur
00:05:40 00:05:52 00:01:36 00:03:42 00:05:08 00:01:02 00:16:52 00:01:32 00:01:16 00:01:43 00:04:23 00:12:11
Raccroché avec l'interprète
00:06:45 00:06:06 00:01:36 00:03:42 00:06:04 00:01:23 00:16:52 00:01:56 00:01:16 00:01:43 00:04:23 00:13:38
Durée
Durée de sonnerie 00:00:16 00:00:41 00:00:33 00:00:28 00:00:47 00:00:18 00:00:27 00:00:02 00:00:21 00:00:35 00:00:32 00:00:07
Durée de mise en relation
00:00:24 00:00:11 00:00:12 00:00:00 00:00:10 00:00:46 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:41
Discussion 00:04:33 00:03:20 00:00:07 00:00:22 00:15:39 00:00:14 00:00:28 00:00:42 00:01:35 00:04:28
Thème Agence, signature vente
Hopital dossier
Perso (ami)
id. id. Vente en ligne info
Perso (famille)
Perso (famille)
Garage, réparat°
Garage, réparat°
Garage, réparat°
Asso
Mode de communication
Voix-‐Texte (mobile)
Voix-‐Texte
Voix-‐Texte
id. id. Texte-‐Texte
Texte-‐Texte
Texte-‐Texte
Voix-‐Texte (mobile)
id. id. Voix-‐Texte
LPC 1 LPC 2 LPC 3 LPC 4 LPC 5 LPC 6 LPC 7 LPC 8 LPC 9 LPC 10
Timing Appel plateforme 00:00:00 00:00:00 00:03:55 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00 00:00:00
Lancement du relais 00:00:24 00:01:52 00:06:00 00:08:55 00:01:30 00:00:26 00:00:13 00:02:40 00:03:03 00:01:15
58
Décroché 1 00:00:50 00:02:01 00:06:49 00:09:16 00:01:40 00:00:40 00:00:30 00:03:16 00:03:27 00:01:54
Décroché 2 00:02:05 00:04:28
Discussion avec l'interlocuteur
00:01:21 00:02:40 00:06:59 00:09:17 00:02:20 00:00:41 00:04:42 00:03:56 00:03:40 00:02:01
Raccroché avec l'interlocuteur
00:04:34 00:03:48 00:08:28 00:16:57 00:10:13 00:02:31 00:07:34 00:11:04 00:04:45 00:02:46
Raccroché avec l'interprète
00:05:22 00:03:54 00:08:29 00:17:15 00:10:40 00:03:33 00:07:34 00:14:44 00:05:23 00:03:21
Durée
Durée de sonnerie 00:00:26 00:00:09 00:00:49 00:00:21 00:00:10 00:00:14 00:00:17 00:00:36 00:00:24 00:00:39
Durée de mise en relation
00:00:31 00:00:39 00:00:10 00:00:01 00:00:40 00:00:01 00:04:12 00:00:40 00:00:13 00:00:07
Discussion 00:03:13 00:01:08 00:01:29 00:07:40 00:07:53 00:01:50 00:02:52 00:07:08 00:01:05 00:00:45
Thème Perso RV santé RV santé Perso Info prix Info livraison
RV santé Perso Info prix Perso
Mode de communication
oral-‐LPC écrit-‐LPC écrit-‐LPC oral-‐LPC écrit-‐LPC oral-‐LPC oral-‐LPC oral-‐LPC oral-‐LPC oral-‐LPC
4.4.4 Synthèse sur les temps d’attente pendant la sonnerie
En synthèse, il ressort que la durée de sonnerie ne dépend ni du mode de communication (ce qui est logique) ni du thème des appels. On observe en effet les mêmes thèmes d’appel pour les durées maximales et minimales d’attente. La durée moyenne d’attente est de 22 secondes, avec un maximum observé de 49 secondes (pour un appel de santé) et un minimum de 2 secondes (pour un appel personnel).
Durée moyenne : 22 secondes (25 secondes, LPC ; 26 secondes, Texte ; 16 secondes, LSF) Durée maximale observée : 49 secondes (LPC, santé) ; 47 secondes (Texte, perso), 23 secondes (LSF, visite appartement) Durée minimale observée : 2 secondes (Texte, perso), 6 secondes (LSF, assurance), 9 secondes (LPC, santé)
4.4.5 Synthèse sur les temps de mise en relation avec l’interlocuteur visé
Le délai de mise en relation avec l’interlocuteur correspond aux messages de répondeur, aux messages automatiques ou aux serveurs vocaux interactifs, à des musiques d’attente ainsi qu’au temps de présentation du service par l’opérateur. Il dépend donc en partie des modalités de cette présentation (plus souvent absente en texte et LPC dans les enregistrements analysés) et de l’anticipation des opérateurs (invitant ou non le panéliste à commencer sa prise de parole pendant la fin de la présentation). Ce délai d’attente dépend aussi pour partie des conditions extérieures de l’appel, elles-‐mêmes liées au type d’interlocuteur : les musiques d’attente, SVI et messages automatiques sont davantage le fait d’administrations et d’entreprises de services.
Si les temps d’attente liés à cette mise en relation sont plus souvent courts (entre 15 et 50 secondes, 41 secondes en moyenne), les temps maximaux observés peuvent être importante. On note ainsi une attente de 7min et 23 secondes dans le cas d’un serveur vocal suivi d’une musique d’attente pour une recherche d’information auprès d’une caisse de retraite et 4min et 12 secondes pour un autre cas de musique d’attente. La recherche du bon interlocuteur (lorsque la personne qui décroche n’est pas l’interlocuteur souhaité) peut prendre un peu plus d’une minute. Il n’en reste pas moins que la
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majorité des appels montrent des temps de mise en relation courts, en particulier pour les appels en LSF. Pour cette raison, nous indiquons ci-‐dessous les durées moyennes de mise en relation ainsi que des indications sur le temps d’attente le plus fréquemment observé dans le mode de communication concerné, suivi des temps maximaux et minimaux.
Durée moyenne : 41 secondes -‐ LPC : 43 secondes -‐ Texte : 14 secondes -‐ LSF : 1 minute et 4 secondes
Mais - LPC: massivement moins de 50 secondes - Texte: massivement moins de 46 secondes - LSF: massivement moins de 15 secondes
Durée maximale observée : -‐ LPC : 4 minutes et 12 secondes (musique d’attente) -‐ Texte : 46 secondes (répondeur : transcription du message) -‐ LSF : 7 minutes et 23 secondes (serveur vocal puis musique d’attente)
Durée minimale observée : -‐ LPC : 1 seconde -‐ Texte : 0 seconde -‐ LSF : 4 secondes
Les durées de mise en relation minimales correspondent aux cas de figure où le panéliste a annoncé à l’opérateur qu’il souhaitait raccrocher s’il tombait sur un répondeur. Si c’est le cas, l’opérateur ne traduit/transcrit pas le message et raccroche aussitôt. Ce peut aussi être des cas où l’opérateur n’avait pas encore le réflexe de présenter l’appel ou bien des cas où le panéliste ne souhaite pas de présentation de l’appel (interlocuteur familier avec le service ou rappel d’une même personne), tandis que l’interlocuteur souhaité décroche directement sans musique d’attente ni autre intermédiaire. Enfin, d’autres temps courts correspondent à des raccrochés à la fin ou pendant l’écoute d’un serveur vocal interactif un peu trop rapide ou écouté en parallèle d’un échange entre l’opérateur et le panéliste, occasionnant un rappel pour seconde écoute et poursuite du processus.
Répartition du temps d’appel déduit des observations
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5 Deux rapports, deux volets d’expérimentation
Les différentes données de cette expérimentation ont été analysées pour répondre à des objectifs ciblés de suivi des usagers ou des opérateurs (dans une logique d’amélioration du service) et pour répondre à des objectifs de connaissances (comprendre les logiques d’usages, les ajustements dans les pratiques professionnelles, les principes d’interactions selon les modes de communication et selon les limitations, les apports du centre relais téléphonique dans la vie quotidienne, les freins et difficultés rencontrées, etc.). Ces données ont été croisées entre elles lorsque cela contribuait à la compréhension des enjeux et des usages. Elles ont notamment été croisées aux statistiques des appels. Elles ont fait ici l’objet d’un traitement orienté sur les usages, contribuant à définir différents profils d’utilisation (entrée rapide/ tardive dans l’expérimentation, usage continu ou non sur le temps, épuisement ou non du forfait, thèmes des appels…).
L’analyse de cette expérimentation est présentée dans deux autres volumes. Les rapports correspondant reprennent tous les deux les principaux enseignements tirés de cette expérimentation en articulant l’exploitation de données quantitatives issues majoritairement des statistiques sur les appels de panélistes avec des données plus qualitatives provenant de retours spontanés de panélistes, de réponses à des sondages en ligne, d’observations d’appels réels ou d’entretiens avec les panélistes et les opérateurs.
Le volume 2 porte sur l’analyse des usages d’un service de centre relais déjà en stade de production, pour un service en LSF, Texte ou voix-‐texte, et LPC. Il vise à tester ces appels via un dispositif de forfait et sur des horaires de travail. Ces données et leur analyse doivent permettre d’examiner, par un acteur indépendant, les conditions de déploiement d’un tel service à l’échelle nationale et d’anticiper les ressources nécessaires et les modalités de financement.
Le volume 3 porte sur le travail de mise en accessibilité des interfaces et du service de centre relais pour les publics aphasiques, sourds malvoyants et sourdaveugles. Il analyse leurs repères et besoins, décrit les développements ergonomiques nécessaires et les aménagements testés. Il aborde également le processus d’appropriation de ce nouveau service par ces panélistes aphasiques, sourds malvoyants et sourdaveugles ainsi que les moyens pour le soutenir.
Ces analyses se terminent chacune par une synthèse des grandes tendances, des principales difficultés rencontrées au cours de cette expérimentation et des facteurs clés qui conditionnent la bonne appropriation du centre relais téléphonique, aboutissant à quelques recommandations pour un déploiement à plus grande échelle.
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6 Glossaire
Acronymes utilisés dans ce rapport :
« Voix » : Panélistes entendants « LPC » : Panélistes LPC « LSF » : Panélistes LSF « Texte » : Panélistes Texte « APHA » : Panélistes aphasiques « SA » : Panélistes sourdaveugles « SMV LSF » : Panélistes sourds malvoyants pratiquant la LSF « SMV LPC » : Panélistes sourds malvoyants pratiquant le LPC « CRT » : Centre de Relais Téléphonique
Abandon (du service) : Fin d’utilisation du service après une première période d’utilisation. Ne sont pas considérés en abandon les panélistes qui n’utilisent pas le service le tout dernier mois, puisque des petites périodes creuses sont possibles dans les cas de maintiens (s’oppose à maintien).
Abandon (de l’appel) : certains panélistes abandonnent l’appel au bout de quelques secondes d’attente. En effet, lorsque les panélistes arrivent en file d’attente, le message d’information indique le nombre de personnes déjà en attente ; lorsque ce nombre dépasse 3, les panélistes interrompent généralement l’appel.
Appel relayé : lancement par l’opérateur d’un appel vers un interlocuteur, dont la communication sera ensuite traduite s’il décroche. Un appel relayé peut donc être un appel traité ou un appel abouti non traité (pas de décroché de l’interlocuteur, contact d’un répondeur sans laisser de message… ).
Appel vers la plateforme : mise en contact d’un panéliste avec un opérateur.
Appelant : Personne qui lance un appel. Celui-‐ci peut être soit un panéliste soit un interlocuteur externe.
Appelé : Personne qui reçoit l’appel. Celui-‐ci peut être soit un panéliste soit un interlocuteur externe.
Appels aboutis et non traités : appels pris en charge par l’opérateur-‐relais mais le destinataire final de l’appel n’a pas réussi à être joint
Appels aboutis et traités : appels décrochés par le destinataire final de l’appel (l’appel peut être décroché par une personne, un répondeur ou encore un serveur vocal)
Appels ayant rencontré un problème technique : Les problèmes techniques peuvent provenir de sources différentes :
Service indisponible Adresse incomplète (erreur dans le numéro) Coupure au bout d’une heure d’attente Utilisateur non authentifié
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Appels hors plage horaire : appels émis vers le CRT en dehors des plages horaires ou le samedi, le dimanche ou un jour férié.
Appels entrants : ce sont tous les appels qui sont reçus par les panélistes.
Appels non aboutis : appels abandonnés par l’appelant (entrant ou sortant).
Appels sortants : ce sont tous les appels qui sont lancés par les panélistes.
Appels refusés : il s’agit généralement de panélistes qui tentent d’utiliser le service alors que leur forfait mensuel est épuisé.
Consultation messagerie : appels correspondant à la consultation de la messagerie par un panéliste (numéro appelé = 9999 ou 99991 ou 99992).
Coupure automatique après 1h d’attente : elles sont dues à un paramétrage technique qui permet une déconnexion automatique de la plateforme après 1h d’attente. En effet, certains panélistes en attente ont tendance à quitter leur poste et à oublier de reprendre la main sur le combiné.
Entrée précoce : Utilisation du centre relais avant le 4ème mois d’expérimentation (s’oppose à entrée tardive).
Entrée tardive : Utilisation du centre relais à partir du 4ème mois d’expérimentation ou plus tard (s’oppose à entrée précoce).
Glouton : Panéliste utilisant entièrement le forfait mensuel, au moins une fois (s’oppose à gourmet).
Gourmet : Panéliste utilisant systématiquement partiellement du forfait mensuel (s’oppose à glouton).
Maintien : Utilisation du service sur la période considérée, avec ou sans période creuse (s’oppose à abandon).
Non usages : Nous appelons ici « non usages » les situations où les panélistes, bien qu’inscrits dès le début de l’expérimentation, n’ont jamais passé un seul appel via le centre relais téléphonique.
Numéros inexistants : erreurs dans la saisie du numéro ou destinataire non enregistré.
Opérateur-‐relais : Personne professionnelle qui prend en compte l’appel en provenance de l’appelant et qui relaie son appel vers un destinataire final. Cet appel peut soit provenir d’un panéliste soit d’un interlocuteur externe qui cherche à joindre le panéliste. Le relais est assuré grâce à une transcription en texte ou une traduction orale en LPC ou LSF, ou encore via une intermédiation avec des pictogrammes, des échanges entre les deux interlocuteurs de manière neutre et fidèle au contenu.
Période d’utilisation / usager actif : Prise en compte de la période définie par le premier et le dernier appel de chaque panéliste (premier et dernier mois compris).
Sortie précoce : Abandon après une durée d’utilisation inférieure à 5 mois (s’oppose à sortie tardive).
Sortie tardive : Abandon après une durée de 5 mois ou plus d’utilisation (s’oppose à sortie précoce).
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Temps de demande dépassé : cette catégorie regroupe les appels qui n’ont pu être pris en compte soit par le serveur soit par l’interface opérateur. Ceci vient généralement du fait que des paquets réseau peuvent mettre du temps pour parvenir à la destination prévue et nous ne pouvons pas contrôler le chemin pris par chaque paquet (ces incidents sont comparables aux SMS qui aboutissent plusieurs jours après avoir été envoyés). Ces temps de parcours excessifs n’étant pas adaptés à un dispositif de centre relais, ces appels sont alors coupés.
Usage continu : Utilisation régulière du service sans aucune interruption mensuelle (s’oppose à usage ponctuel).
Usage ponctuel : Utilisation irrégulière du service avec une absence d’appels pendant au moins un mois (s’oppose à usage continu).