examen du certificat daptitude aux fonctions de … · 2017-07-03 · 1 introduction «...
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ACADEMIE DE GRENOBLE
EXAMEN DU CERTIFICAT D’APTITUDE AUX FONCTIONS DE FORMATEUR ACADEMIQUE
(C.A.F.F.A.)
SESSION 2017
MEMOIRE PROFESSIONNEL FOURNI PAR LE CANDIDAT EN VUE DE L’EPREUVE D’ADMISSION
PAGE DE GARDE A UTILISER OBLIGATOIREMENT
INFORMATIONS PERSONNELLES : Nom de famille : Cornu
Prénoms : Guillaume, Yves, Philippe
Date de naissance : I15I I12I I I1792I
Grade : Certifié, classe normale
Discipline : Physique - chimie
Etablissement d’affectation : Collège Charles Münch
Adresse de l’établissement : 11, rue Paul Doumer, 38 000 Grenoble
Le mémoire professionnel, comprenant 20 à 30 pages hors annexes, rédigé en Arial 11
interligne simple, doit être adressé en 6 exemplaires recto/verso agrafé non relié, obligatoirement par voie postale, en recommandé simple, au plus tard le 31 mars
2017, le cachet de la poste faisant foi.
ADRESSE D’EXPEDITION Rectorat de Grenoble
Direction des examens et concours
Bureau DEC 3 B211 / CAFFA
7 place Bir-Hakeim
CS 81065
38021 Grenoble Cedex 1
L’INCLUSION DES ELEVES ALLOPHONES
Se convaincre et partager cette conviction qu’il est possible de réussir l’inclusion est
une étape incontournable. Mais comment orienter ensuite la démarche de formation
afin d’allier la réflexion, la création et l’expérimentation pour rendre effective et
efficace l’inclusion de tous les élèves allophones ?
Présenté par Guillaume Cornu - 2017
Mes remerciements pour leurs précieux conseils et relectures,
A Marion Avrillier, Enseignante UPE2A et formatrice CASNAV.
A Stéphanie Galligani, Maître de conférences, Département Sciences du langage et
Français langue étrangère, Laboratoire LIDILEM, Université Grenoble Alpes.
A Francois Plazy, formateur ESPE (Histoire-Géographie).
Ainsi qu’à mes proches pour leur soutien et relectures. Merci.
SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
Partie 1. S’informer et informer .......................................................................................... 3
1. La stratégie et la planification d’une formation ............................................................ 3
2. « Intégration » ou « inclusion » ................................................................................... 5
3. Cadre légal : les circulaires ......................................................................................... 5
3.1 Les élèves allophones arrivants (EAA) ................................................................ 5
3.2. Les dispositifs ...................................................................................................... 6
3.3. L’accueil des familles ........................................................................................... 7
3.4. Le positionnement à l’arrivée ............................................................................... 7
4. L’évaluation comme bilan de parcours ........................................................................ 8
4.1. Le Diplôme d’étude en langue française (DELF) .................................................. 8
4.2. Circulaire sur l’évaluation et orientation post 3ème................................................. 8
5. Le Casnav et le plan de formation............................................................................... 9
Partie 2. Constater, questionner les représentations et rassurer… ...............................10
1. Les enseignants face à l’inclusion : un besoin de formation .......................................11
2. EAA en inclusion : quelles difficultés ? .......................................................................12
2.1. Les compétences transversales, les implicites scolaires .....................................12
2.2. La langue, les langues ........................................................................................12
2.3. Les compétences disciplinaires ..........................................................................13
2.4. Les consignes .....................................................................................................14
3. Les profils des élèves et les objectifs d’inclusion ........................................................14
4. Les disciplines et la langue française .........................................................................15
4.1. La démarche disciplinaire et les compétences langagières, l’exemple ................15
4.2. La vulgarisation : niveaux de formulation et catégorisation .................................16
5. Rassurer : les effets tangibles de l’inclusion ...............................................................17
6. L’évaluation formative ................................................................................................18
Partie 3. Partager, créer, expérimenter et accompagner dans la durée .........................20
1. La création en ateliers : quelle stratégie pour la formation ? ......................................20
2. Une expérimentation : la semaine d’inclusion totale ...................................................20
3. La concertation entre enseignants .............................................................................22
4. Le travail autour des consignes .................................................................................22
5. La mise en activité sur un document ..........................................................................24
6. Adapter une activité : la question des fondamentaux disciplinaires ............................25
7. La place du numérique comme outil d’inclusion .........................................................25
8. Accompagner dans la durée : la formation hybride ....................................................26
Partie 4. La question des indicateurs ...............................................................................28
1. Les indicateurs relatifs à la stratégie de formation .....................................................28
2. Les indicateurs relatifs à la réussite des élèves .........................................................29
BILAN ET PERSPECTIVES .................................................................................................30
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE ..................................................................................31
SIGLES ET ABREVIATIONS ...............................................................................................33
TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................34
TABLE DES ANNEXES .......................................................................................................35
1
INTRODUCTION
« L’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction »1 est un principe
de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école (Loi n°2013-595,
juillet 2013). Avec pour enjeu « la lutte contre les inégalités sociales et territoriales en
matière de réussite scolaire éducative »2, ce principe s’applique à tous les enfants quels que
soient leurs spécificités et leurs besoins. Si cet enjeu est majeur, son application nécessite
néanmoins des dispositifs adaptés aux besoins de chaque élève afin que le principe
d’inclusion soit un réel levier de réussite et qu’il permette que l’école soit un espace de
mixité, source de richesses et d’épanouissement et où le « vivre ensemble » prendrait tout
son sens.
L’enfant qui arrive en France et qui parle une autre langue (enfant allophone) doit se
sentir élève comme les autres. L’inclusion doit donc se traduire par son appartenance à une
communauté scolaire, à la fois à l’échelle de l’établissement – en ayant accès au même
réseau pédagogique que tous les élèves (enseignants, vie scolaire, infirmerie, foyers…) –
mais également à l’échelle de la classe. Pour cela, un véritable accueil doit être organisé
dans l’établissement afin d’en présenter le fonctionnement.
Les enseignants font souvent part de leurs difficultés lorsqu’un élève allophone arrive
dans leur classe, que ce soit au sujet de la connaissance de ce public ou afin
d’accompagner au mieux ces élèves en classe, ils expriment leur besoin d’être formés. Je
proposerai dans ce mémoire comment, lors d’une formation, engager les enseignants dans
la réflexion, particulièrement sur les problématiques de l’accueil au sein de la classe et de
l’accès aux activités. Cela pour montrer que les compétences disciplinaires et les
compétences langagières d’un élève peuvent se travailler conjointement et que l’inclusion
dans un grand nombre de disciplines est également un levier pour l’acquisition de
compétences transversales.
En suivant et en interrogeant le plan que je propose pour les actions de formation
relatives à l’inclusion des élèves allophones (que j’appellerai par la suite, formation
« inclusion EAA »)3, je commencerai par présenter le cadre légal et les modalités de prise en
charge possibles pour l’inclusion d’élèves allophones. Il est essentiel, avant toute proposition
concrète de mise en place ou de mise en activité des élèves, de témoigner de la conviction
qu’un formateur porte à l’objet de la formation qu’il anime. C’est pourquoi, dans un deuxième
temps, en commençant par une analyse des difficultés que peuvent rencontrer les élèves
allophones en inclusion, je montrerai des pistes de réflexions à soulever afin qu’à terme, les
différents interlocuteurs pédagogiques puissent se convaincre que l’inclusion dans un
maximum de disciplines, quel que soit le niveau d’acquisition des compétences d’un élève
est utile et efficace. En effet, il nous faut déconstruire cette idée que pour « suivre » une
discipline (terme qui fait référence à un propos récurrent : « il ne peut pas suivre »), il faudrait
un « niveau minimum » en langue française. Quel serait ce « niveau minimum » ? Qui
pourrait le définir et sur quels critères ? Pourquoi ce niveau serait-il le même pour toutes les
1 Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, article 2, (n°2013-595 du 8/07/2013), https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id [vérifié le 8 mars 2017]. 2 Ibid. 3 Formation relative à l’inclusion des élèves allophones arrivants. Désormais, formation « inclusion EAA ».
2
disciplines alors que les compétences travaillées ici où là sont très différentes ? Qui de
mieux placé que l’enseignant de la discipline lui-même pour savoir ce qui est réaliste pour un
élève malgré ses difficultés en langue ? Et qu’est-ce que « suivre » une discipline ?
Ne devrait-on pas parler de « construire » plutôt que de « suivre » une discipline ?
Les réponses à ces questions ne peuvent être que personnalisées, en fonction des
compétences déjà acquises par l’élève, de celles qu’il a à consolider et de celles qu’il lui
reste à construire. Parfois ces réponses doivent être envisagées pour une discipline que
l’élève n’a jamais fréquentée auparavant.
Toutes ces interrogations que la scolarisation d’un élève allophone fait émerger
montrent, d’une part : l’importance de l’implicite lié au fonctionnement de l’école en France,
l’importance des compétences transversales et particulièrement des compétences
langagières dans les disciplines enseignées au collège ; mais elles questionnent aussi sur la
nature même des compétences que l’on qualifie de « disciplinaires ».
L’enjeu de la formation est donc double : il faut expliquer et montrer à chaque
enseignant comment il est possible de faire progresser tous les élèves, dans le champ des
compétences disciplinaires comme dans le champ de compétences langagières. Et ce, quel
que soit le niveau d’acquisition des compétences de l’élève dans l’un ou l’autre de ces
champs. Et il est nécessaire ensuite, afin de concrétiser, de présenter des pratiques, des
outils qui, testés ici où là, issus des travaux d’ateliers proposés en formation ou d’initiatives
individuelles, ont fait leur preuve dans le sens d’une inclusion efficace et réussie. Ceci pourra
encourager chacun à poursuivre dans sa recherche de pratiques innovantes.
C’est pourquoi, dans un troisième temps, je proposerai des outils et des façons de
construire des activités disciplinaires en insistant davantage sur les finalités que sur les outils
eux-mêmes, car si les outils proposent des idées, ils sont aussi faits pour évoluer avec les
besoins des élèves et selon les choix pédagogiques des enseignants.
Outre l’aspect informatif et théorique que l’on peut apporter en formation, les
échanges et les analyses de pratiques sont un versant essentiel qui fait qu’une formation est
efficace. Je témoigne ici de la chance d’avoir découvert, par la diversité des formations que
j’ai animées, des pratiques très variées et d’avoir ainsi enrichi le champ des possibles dans
ce que je propose à la fois à mes élèves en tant qu’enseignant mais aussi aux stagiaires lors
des formations.
3
Partie 1. S’informer et informer
Afin de répondre aux attentes des stagiaires, le formateur doit maîtriser le cadre
juridique et le contenu théorique liés à la thématique qu’il propose. Il doit pouvoir apporter
des informations, des éclairages et être en mesure d’apporter des éléments de réponses aux
questions posées. Que ce soit au sujet de la réglementation (lois, circulaires…) mais aussi
des informations relatives à des résultats d’enquêtes, de recherches ou d’expérimentations
diverses. La maîtrise de son sujet impose au formateur de s’informer en amont et de se tenir
au courant des évolutions.
Être formateur nécessite donc des connaissances mais aussi des compétences. Des
compétences, car le formateur doit pouvoir faire des liens entre les apports théoriques qu’il
présente et les besoins des stagiaires. Il lui appartient aussi de s’informer sur le contexte lié
à l’action de formation (établissement, élèves, organisation, contexte politique…) et il doit
connaître ce que les stagiaires ont déjà mis en place, ce qu’ils ont expérimenté. Le formateur
pourra ainsi s’appuyer sur les réussites et cibler les points sur lesquels le temps de formation
devra être efficace. La présentation en amont des circulaires permet aussi, le cas échéant,
de recadrer, réorganiser ou, en tout cas, de rappeler ce qui n’est pas négociable.
Dans cette partie je commencerai par présenter ce dont il faut tenir compte pour
définir une stratégie de mise en place d’une action de formation. Je présenterai ensuite les
points essentiels de quelques textes relatifs à l’accueil et à l’inclusion des élèves allophones
dans un établissement scolaire. Il est également nécessaire de montrer aux enseignants,
lors d’une formation « inclusion EAA », à quels processus et à quels parcours les élèves
allophones ont été confrontés avant de se retrouver dans une classe.
Enfin, après avoir présenté des propositions relatives à l’évaluation des élèves
allophones dans le cadre de l’orientation post 3ème particulièrement, j’illustrerai l’étendue des
problématiques soulevées par la scolarisation de ces élèves par la diversité de l’offre de
formation proposée par le Casnav4 de Grenoble.
1. La stratégie et la planification d’une formation
Penser une action de formation implique aussi de réfléchir au descriptif à faire figurer
sur l’offre académique. Ce descriptif doit-être clair et explicite car il doit permettre à des
établissements ou des stagiaires individuels de répondre à cette offre, il doit montrer
clairement à quels besoins la formation répond et quels sont ses objectifs, mais il doit aussi
être suffisamment ouvert pour pouvoir adapter ensuite la proposition en fonction des besoins
des stagiaires.
Dès lors que des enseignants ou des établissements (lorsqu’il s’agit de « stages
établissement »5) ont répondu favorablement à une offre ou émis une demande, il convient
d’établir, en concertation avec ceux-ci, le contenu qui sera le plus adapté à leurs besoins.
Ceci permet ensuite de planifier et de définir le format de l’action en fonction des différents
objectifs.
4 Casnav : Centre Académique pour la Scolarisation des enfants allophones Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs. 5 Stage établissement : stage proposé à l’ensemble de l’équipe d’un même établissement sur demande formulée par le chef d’établissement.
4
Dans le cadre des formations « inclusion EAA », je me base sur un document6
générique qui me permet de proposer, en amont, les points susceptibles d’être abordés et de
faire une sélection de ce qui est envoyé en avance et du contenu possible des ateliers. Une
publication de l’IFé7, « Une formation continue des enseignants aujourd’hui »8 présente
« cinq grands ensembles de moyens et de buts pour la formation continue ». C’est en
fonction de ces étapes et de leur application que l’on peut choisir la planification d’une
formation :
• Lire ensemble le réel : prévoir un temps d’analyse de pratiques, de
productions.
• Faire connaitre le prescrit : proposer un temps de cadrage afin de
dépasser les idées préconçues.
• Partager les références : confronter nos observations avec les apports de
la recherche ou d’autres approches pédagogiques.
• Oser les outils : montrer ce qui est essayé ici ou là, les expérimentations
mises en place.
• Accompagner dans la durée : laisser du temps d’appropriation et
d’expérimentation tout en prévoyant un accompagnement ou un feedback
sur ce temps.
C’est en combinant ces différents points que j’envisage une progression qui
correspond aux attentes, aux besoins des stagiaires et aux incontournables de la formation.
Cette analyse permet de se poser quelques questions essentielles : quelle(s) partie(s) de
l’action de formation peuvent se faire à distance, à quel(s) moment(s) ? Comment envisager
les regroupements « en présence » ? Faut-il les répartir en plusieurs journées, en demi-
journées ? Les réponses à ces questions dépendent bien évidemment du contenu de la
formation, du contexte mais aussi de l’importance et de la complexité des apports théoriques
et informatifs qui peuvent être proposés en amont d’une réunion.
Cependant, si pour les stages à inscriptions individuelles, les stagiaires s’appuient
volontiers sur les documents envoyés en amont, dans le cadre de stage établissement, il faut
envisager que certains stagiaires ne les lisent pas. Il est alors important de revenir sur les
points incontournables lors de la rencontre afin qu’aucun enseignant ne soit mis de côté. En
effet, si un enseignant a le devoir de chercher à faire progresser tous les élèves, il en est de
même pour un formateur vis-à-vis des stagiaires même lorsqu’une partie de ceux-ci ne
semble pas convaincue par les objectifs de la formation.
Je termine ce paragraphe en citant à nouveau la publication de l’IFé « Une formation
continue des enseignants aujourd’hui »9 car elle formule clairement ce qui doit-être à mon
sens l’une des compétences essentielle d’un formateur :
« Un des défis de la formation est (…) de "ramener l'ordinaire de la classe", pour
pouvoir le décrire, le comprendre (notamment du point de vue des professionnels
eux-mêmes), en cherchant "les bonnes raisons que les gens ont de faire ce qu'ils
font", avant de chercher à quelles conditions ils pourraient faire autrement.... C'est
6 Cf. Annexe 1 (p37), Tableau du contenu à proposer en amont d’une action de formation. 7 IFé : Institut Français de l’Education. 8 http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/nouvelles-professionnalites/formateurs/une-formation-continue-des-enseignants-aujourdhui [vérifié le 11/02/2017] 9 Ibid.
5
toujours, on le verra, un défi pour le formateur qui est alors contraint d'entrer dans
d'autres "points de vue" que les siens... »10.
En effet, comment un formateur peut-il être efficace, comment peut-il faire évoluer les
pratiques sans comprendre d’autres points de vue ? Il est indispensable, pour un formateur,
d’être capable de se « mettre à la place » des stagiaires pour être accessible et entendu.
2. « Intégration » ou « inclusion »
Que ce soit pour les élèves en situation de handicap, les élèves allophones, ou
d’autres, le choix du terme qui définit l’école comme « inclusive » n’est pas anodin. Il peut
exister parfois une confusion entre les notions d’intégration et d’inclusion d’un élève. Il
semble important d’expliquer les différences avant de développer les modalités et les
pratiques d’inclusion.
Le terme « inclusion » centre davantage la problématique sur la pédagogie et incite à
la différenciation ou à la diversification. Chevallier-Rodrigues, Courtinat-Camps & De
Léonardis expliquent que, dans un cadre scolaire, « l’intégration est (…) pensée comme une
assimilation où le sujet intégré s’adapte et perd certaines de ses caractéristiques pour
correspondre à celles du milieu intégrateur (Tap, Anton, 2013). »11. Ils ajoutent, en référence
à la notion d’inclusion, que les élèves en situation de handicap « ne sont plus des élèves qui
doivent s’adapter au système scolaire mais des élèves engagés dans leur scolarité, au
même titre que les autres élèves, auxquels l’école doit s’adapter pour favoriser l’égalité des
chances ». Si leurs propos ciblent particulièrement les élèves en situation de handicap, cette
approche est transférable au principe d’inclusion des élèves allophones. Car si l’allophonie
n’est pas un handicap, il s’agit de prendre en compte la diversité des publics dans nos
approches pédagogiques. Nous avons bien là un déplacement de curseur : il est d’abord
demandé à l’école de s’adapter.
3. Cadre légal : les circulaires
3.1 Les élèves allophones arrivants (EAA)
La circulaire ministérielle (n° 2012-141)12 relative à l’organisation de la scolarité des
élèves allophones nouvellement arrivés présente différents cas d’élèves arrivants et précise
les conditions d’inclusion de ces élèves dans les établissements scolaires. Le choix du terme
« allophone » rappelle avant tout qu’il s’agit d’élèves qui possèdent des compétences dans
une langue, mais dans une autre langue.
Cette circulaire rappelle que « la scolarisation des élèves allophones relève du droit
commun et de l'obligation scolaire. Assurer les meilleures conditions de l'intégration des
élèves allophones arrivant en France est un devoir de la République et de son École » et elle
10 Ibid. 11 Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A., De léonardis, M., Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? (Carrefour de l’éducation n°42 / Novembre 2016) 12 Circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012, Organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés.
6
précise que « l’école doit être vécue comme un lieu de sécurité par les enfants et leur
famille. ».
D’un point de vue pédagogique, il est bien indiqué que la prise en charge de ces
élèves concerne l’ensemble des équipes éducatives et qu’il est du devoir de celles-ci de tenir
compte des compétences déjà acquises par ces élèves.
Ce texte précise que, si la question de l’obligation scolaire est évidente pour les
élèves de moins de 16 ans, les élèves de plus de 16 ans doivent bénéficier, tant que
possible des structures d’accueil existantes, que ce soit des classes d’accueil dans les
lycées ou des MGIEN13 (aujourd’hui appelées MLDS14). Tous les élèves doivent être inscrits
de préférence dans une classe qui correspond à leur classe d’âge, en faisant en sorte de ne
pas dépasser deux ans d’écart.
Les élèves allophones arrivants ont tous droit à une année d’accompagnement dans
une UPE2A15 mais il convient de prendre en compte la scolarisation antérieure des élèves.
Ainsi, il est possible de prolonger d’une année les modalités de prise en charge pour un
élève dit « NSA » (non scolarisé antérieurement), ou, en tout cas ayant eu un parcours
scolaire ayant connus parfois de longues ruptures.
La circulaire académique du 15 janvier 201316 précise les conditions de la mise en
place de l’accompagnement et elle apporte des précisions sur la prise en charge des élèves
ayant des besoins en alphabétisation.
3.2. Les dispositifs
Si la circulaire ministérielle (n°2012-141) mentionnée dans le paragraphe précédent
précise qu’il ne peut exister de modèle unique de fonctionnement d’une UPE2A, elle en
présente tout de même les contours essentiels :
- « Au cours de la première année de prise en charge pédagogique par l'UPE2A un
enseignement intensif du français d'une durée hebdomadaire de 9 heures
minimum dans le premier degré et de 12 heures minimum dans le second
degré est organisée avec des temps de fréquentation de la classe ordinaire où
l'élève est inscrit » ;
- « l'enseignement de deux disciplines autres que le français (les mathématiques et
une langue vivante étrangère de préférence) » ;
La circulaire académique (15 janvier 2013) reprend ce cadre et définit des modalités
d’organisation propre à l’académie de Grenoble pour les UPE2A. Elle présente une logique
de répartition des élèves au sein des UPE2A et soulève le cas d’élèves scolarisés dans des
zones géographiques éloignés d’une UPE2A. Il peut alors être proposé des regroupements
d’élèves de plusieurs établissements sur des heures spécifiques, ou, la possibilité de mettre
des moyens à disposition d’un établissement qui accueille.
13 MGIEN : Mission Générale d’Insertion de l’Éducation Nationale. 14 MLDS : Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire. 15 UPE2A : Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants. 16 Circulaire élèves allophones nouvellement arrivés, circulaire académique, Grenoble (15 janvier 2013)
7
3.3. L’accueil des familles
Il est fondamental d’établir une relation de confiance entre les familles et les différents
acteurs pédagogiques de l’établissement d’accueil. Le premier rendez-vous avec l’élève et
sa famille doit être organisé et préparé. Il faut prendre le temps d’expliquer aux familles les
spécificités du système scolaire français, les droits et les devoirs des élèves, et tout ce qui
pourra avoir un impact sur le déroulement de la scolarité de l’élève. Le ministère de
l’éducation nationale propose, en ligne, aux établissements et aux familles, des livrets
bilingues17 qui présentent les grandes lignes de la scolarité en France. Ces livrets existent en
plusieurs langues, dont le romani18, l’arabe, le chinois, le tamoul et d’autres. Certaines
versions existent également en version audio.
Plus récemment, l’ONISEP19 a mis en ligne des vidéos20 qui expliquent l’école aux
parents. Ces vidéos sont disponibles en plusieurs langues (Bambara, arabe littéraire, tamoul,
chinois…).
Tout en suivant les préconisations des circulaires ministérielles et académiques, le
Casnav de Grenoble a rédigé un protocole d’accueil21 sur lequel les établissements peuvent
s’appuyer. Ce protocole précise les rôles de chacun dans un établissement et rappelle que
l’inclusion est l’affaire de tous les personnels. Un protocole d’accueil établi permet de faire
face à des situations d’urgence souvent dues aux arrivées d’élèves en cours d’année
scolaire. La visite de l’établissement, la présentation des différentes composantes
pédagogiques d’un établissement (infirmerie, C.D.I…) sont quelques des points essentiels. Il
est également souligné l’importance de rassurer les familles, sur les questions de transport,
de matériel ou de cantine, lorsque ces aspects pourraient être un obstacle à la scolarisation.
Une mise en relation avec l’assistante sociale est souvent nécessaire dès le premier jour.
L’accueil doit aussi prendre en compte le cas de jeunes arrivants isolés de leur
famille et engager le partenariat avec les structures qui les accompagnent.
Il est relativement fréquent, lors d’une action de formation, que l’équipe d’un
établissement décide de retravailler le protocole d’accueil pour se l’approprier.
3.4. Le positionnement à l’arrivée
Dès son arrivée, afin d’organiser une prise en charge qui lui soit adaptée, un élève
allophone se voit proposer un entretien de positionnement. La circulaire académique précise
que cet entretien se fait directement dans l’école, si l’élève a vocation à être scolarisé dans
le premier degré, ou bien au CIO22 s’il est scolarisé dans le second degré.
17 Ressources pour l’accueil et la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés.
http://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-pour-les-eana.html [vérifié le 25 février 2017] 18 Cf. Annexe 2 (p38), Extrait du livret d’accueil en langue Romani. Ibid 19 ONISEP : Office National d’Information Sur les Enseignements et les Professions. 20 http://www.onisep.fr/Parents/L-Ecole-expliquee-aux-parents-en-video/La-mission-de-l-Ecole [vérifié le 25/02/2017]. 21 Cf. Annexe 3 (p39), Pour le premier accueil d’élèves allophones arrivant dans un établissement du second
degré, Casnav de Grenoble, (septembre 2013). 22 CIO : Centre d’Information et d’Orientation.
8
Lors de cet entretien, il faut évaluer les compétences de l’élève en langue française,
à l’oral ou à l’écrit, mesurer ses aptitudes à lire et à écrire en tenant compte du fait que
parfois, les élèves ont acquis des compétences relatives à un autre alphabet (cyrillique,
arabe…). Ce positionnement peut faire émerger un besoin d’accompagnement en
alphabétisation.
Il faut également mesurer, pour un élève qui arrive, l’acquisition de compétences
disciplinaires, en mathématiques, sciences, histoire-géographie ou autre, afin d’établir des
objectifs lorsque l’élève se trouvera en inclusion dans les disciplines23. Pour les
mathématiques, les sciences expérimentales ou la compréhension écrite d’un texte, il existe
des tests24, traduits en différentes langues, ou des manuels (RAFONI, 2000, pour les
mathématiques)25, qui proposent des activités relatives aux différents cycles de la scolarité
en France.
Dans le second degré, suite à ce positionnement, le CIO fournit un bilan de cet
entretien. Ce bilan est envoyé aux établissements avec la notification d’affectation d’un
élève.
4. L’évaluation comme bilan de parcours
4.1. Le Diplôme d’étude en langue française (DELF)
Sous certaines conditions précisées dans la circulaire académique, les
établissements peuvent inscrire leurs élèves au DELF. Le DELF, élaboré par le CIEP26,
permet de valider un niveau en langue française en suivant les degrés du CECRL27 (A1, A2,
B1, B2, C1 et C2). Une moyenne est calculée suite à différentes épreuves de productions et
compréhensions orales et écrites. Ce diplôme est souvent bien accueilli par les élèves
allophones et leur famille car il est souvent le premier diplôme institutionnel, reconnu, qui leur
est délivré en France.
4.2. Circulaire sur l’évaluation et orientation post 3ème
Sur proposition du Casnav, le rectorat de l’académie de Grenoble a publié une
circulaire (2 avril 2014)28 qui décrit une progressivité de l’évaluation des compétences des
élèves arrivants. Si cette circulaire autorise dans un premier temps à ne pas évaluer les
23 Cf . Partie 2, point 3 « les profils des élèves et les objectifs d’inclusion » (p. 14) 24 Tests multilingues : https://www.ac-strasbourg.fr/pedagogie/casnav/enfants-allophones-nouvellement-arrives/ressources-premier-degre/outils-de-positionnement/ [vérifié le 10/02/2017] http://galileo.crdp-aix-marseille.fr/mathsenaf/ |vérifié le 10/02/2017] 25 Rafoni, J.-C.,(2000). Maths sans paroles. CRDP Versailles. 26 CIEP : Centre International d’Études Pédagogiques. 27 CECRL : Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. 28 Evaluation des élèves allophones nouvellement arrivés, en vue de la préparation de l’orientation, et de l’affectation. Circulaire académique (2 avril 2014).
9
productions, elle incite cependant, en suivant une progressivité adaptée à chaque élève, à
évaluer les productions de ces élèves et de tendre vers une évaluation semblable à celle des
autres élèves.
Afin de faciliter l’orientation des élèves allophones en fin de 3ème, cette circulaire
propose un cadre qui permet d’adapter les notes pour renseigner AFFELNET29. Ainsi,
suivant une évaluation cohérente, de nombreux élèves allophones ont vu leur projet
professionnel aboutir, car ils ont pu intégrer la filière professionnelle qu’ils souhaitaient.
L’un des aspects notables de l’adaptation des notes sur AFFELNET est le fait qu’il est
possible de faire référence à une langue de scolarisation ou langue maternelle pour ces
élèves pour fixer une note de langue vivante. Leurs compétences dans une autre langue est
alors reconnue même s’il ne s’agit pas d’une langue enseignée en France.
Tout en soulignant qu’avec l’arrivée du LSUN (Livret Scolaire Unique Numérique) les
procédures devraient changer, il est intéressant de présenter ces possibilités d’adaptations
aux stagiaires afin qu’ils puissent les mettre en œuvre s’ils ont des élèves concernés ou
qu’ils puissent comprendre les raisons de l’arrivée importante d’élèves allophones issus de
collèges s’ils sont enseignants en lycée professionnel.
5. Le Casnav et le plan de formation
La circulaire n° 2012-143 du 2-10-2012 relative à l’organisation des Casnav rappelle
que les Casnav sont des pôles d’expertise. Elle précise que « Le Casnav intervient dans la
formation continue, dans le cadre du plan académique de formation et des plans
départementaux. Il est un partenaire privilégié de la formation initiale des enseignants. »30 et
elle ajoute que le Casnav met à disposition des ressources.
En effet, le Casnav de l’académie de Grenoble contribue à l’offre de formation
continue sur le plan individuel comme à l’échelle d’un établissement. Pour construire ce plan
de formation, le Casnav réunit régulièrement une équipe de formateurs dont les
compétences et les expériences relatives à la scolarisation des élèves allophones sont
diverses. Ainsi chaque formateur bénéficie de l’expertise des autres pour enrichir ses
connaissances, ses pratiques et élargir le contenu des formations qu’il propose. La
construction concertée du plan de formation permet à la fois de proposer une offre cohérente
dans son ensemble mais permet aussi de faire émerger les points transversaux à toutes les
formations et de partager et construire des outils de formation. La diversité des
problématiques mises en évidence par la scolarisation des élèves allophones est illustrée
par l’offre de formation proposée par le Casnav31.
29 AFFELNET : Affectation des élèves par le Net 30 Circulaire n°2012-143 (2 octobre 2012), Scolarisation des élèves, organisation des Casnav. http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=61527 [vérifié le 25 février 2017] 31 Cf. Annexe 4 (p43)
10
Partie 2. Constater, questionner les représentations…
Les enseignants attendent d’une formation qu’elle leur montre des outils ou des
pratiques qui correspondent à leurs besoins.
Il est cependant nécessaire de présenter, au moyen d’une mise en situation, ou en
faisant part de constats ou de travaux de recherches quelles sont les difficultés que
rencontrent les élèves allophones lorsqu’ils sont en inclusion. Un élève arrivant est confronté
à de nombreuses sources de difficultés. En effet, s’approprier le fonctionnement d’un
système scolaire nouveau, demande avant tout de comprendre le fonctionnement implicite
de ce système, c’est-à-dire, tout ce qui n’est pas expliqué mais supposé acquis par
l’expérience de la scolarité antérieure. Un élève allophone n’a pas cette expérience de
l’école française. D’autres difficultés s’ajoutent encore : ce peut-être des difficultés liées à
des compétences transversales, c’est-à-dire des compétences que l’élève aura à pratiquer
dans toutes les disciplines, comme la langue française, mais les difficultés peuvent aussi
être liées à des compétences disciplinaires. Une fois que les difficultés sont clairement
identifiées, et afin d’amorcer la réflexion qui pourra conduire à l’appropriation ou la création
d’outils, il est efficace d’expliquer aux enseignants que toutes les disciplines ont leur place
dans le processus d’apprentissage de la langue française pour un élève allophone.
La diversité des démarches disciplinaires permet de relayer, d’exploiter et d’étendre
ce qui est étudié en cours de français langue étrangère (désormais, FLE). En outre, le cadre
disciplinaire est le seul lieu ou la pratique permet d’acquérir le langage de la discipline.
Par ailleurs, pour permettre, à terme, l’acquisition de compétences dans une
discipline qu’un élève n’a jamais fréquentée, il est efficace que l’élève soit en contact sans
attendre avec les activités que propose cette discipline afin qu’il puisse s’en faire une
première représentation. Je présenterai des productions d’élèves qui montrent que l’inclusion
est efficace quel que soit le niveau de ceux-ci.
…et rassurer
S’il est nécessaire de bien expliquer les difficultés auxquelles les élèves allophones
peuvent-être confrontés et de montrer que l’inclusion peut être efficace, il est tout aussi
important de faire confiance aux aptitudes des enseignants à faire face à ces difficultés et de
le leur signifier. Un enseignant convaincu sera d’autant plus efficace s’il est aussi convaincu
que les actions à engager afin d’aider les élèves lui sont accessibles. « Rassurer » est un
terme à toujours avoir en tête lorsque l’on anime une formation.
Enfin, il est toujours utile d’insister, lors d’une formation, sur le fait que les difficultés
que peuvent rencontrer les élèves allophones sont aussi les difficultés d’élèves
francophones de nos classes. Ainsi, les réflexions et les pistes qui pourront être développées
seront utiles aux enseignants même s’ils ne sont pas confrontés à l’inclusion d’élève
allophone dans leurs classes. L’intérêt porté à la formation sera d’autant plus grand.
11
1. Les enseignants face à l’inclusion : un besoin de formation
Nous constatons une augmentation du nombre de demandes de formation qui
émanent des établissements accueillant des élèves allophones. Que ce soit en collège, en
lycée général ou en lycée professionnel, les enseignants se sentent démunis face à
l’inclusion d’élèves allophones dans leurs classes. Lorsque, en amont d’une formation
« inclusion EAA » je les questionne sur leurs besoins, leurs questionnements ou leurs
représentations, les mots qui viennent souvent sont les suivants : « évaluation »,
« adaptation », « connaissance des élèves », « différenciation », « niveau en langue » ou
encore « accompagnement ». Pour répondre à ces attentes, il est nécessaire de commencer
par présenter quelques-unes des difficultés rencontrées par les élèves en inclusion afin
ensuite de savoir sur quels axes peut se faire la différenciation.
Il est intéressant également de se faire une idée des représentations des enseignants
sur l’intérêt et les modalités de l’inclusion. Pour cela, lorsque je demande aux enseignants
s’ils pensent que pour être inclus dans une discipline il est indispensable qu’un élève arrivant
ait acquis d’abord un certain niveau en langue française, la réponse ultra majoritaire est
« oui ». Ceci met en évidence un premier obstacle à lever lors d’une formation afin de
permettre aux enseignants de trouver des pistes de diversification ou de différenciation afin
de permettre à un élève de commencer à acquérir certains repères disciplinaires même s’il
débute en français.
Enfin, commencer la formation par une mise en situation permet immédiatement de
soulever les bonnes questions. Proposons par exemple le document suivant :
Figure 1 : Exercices de physique proposés dans un manuel scolaire32 en Serbie
Confrontés à ce document, les réactions des enseignants sont immédiates et les
questions sont pertinentes : un enseignant de physique que ne lit pas le serbe n’est pas en
mesure de réaliser l’activité. La question de son évaluation se pose autant que celle de
l’accès à l’activité. Accepterais-je, moi-même, enseignant de physique, qu’une évaluation de
mon travail relativement à cet énoncé m’affirme que je n’ai pas de compétences en sciences
sans expliciter mes difficultés en serbe ? Il est intéressant également de réfléchir aux indices
que je suis en mesure de trouver sur le document et qui pourraient néanmoins me permettre
de produire un travail.
32 Physica 8 (2010), éditions LOGOS, Belgrade. http://logos-edu.rs/ [vérifié le 20 février 2017]
12
2. EAA en inclusion : quelles difficultés ?
2.1. Les compétences transversales, les implicites scolaires
La langue française est l’un des principaux domaines qui comporte des compétences
transversales indispensables à l’inclusion scolaire en France, le paragraphe suivant me
permettra de développer cela. Il ne faut cependant pas négliger d’autres champs de
compétences, souvent implicites, c’est-à-dire supposées acquises ou dont les exigences
seraient connues des élèves. Il est nécessaire d’en proposer quelques exemples lors d’une
formation, afin de faire prendre conscience que, pour les élèves allophones comme pour
d’autres élèves, les compétences attendues et non explicitées peuvent constituer des freins
aux apprentissages.
Parmi les implicites scolaires nous pouvons distinguer trois domaines de
compétences :
- Des compétences liées au fonctionnement d’un établissement comme par
exemple la gestion d’un emploi du temps, les relations entre un élève et le
personnel, la communication lors d’absences et d’autres compétences encore.
- Des compétences liées au fonctionnement d’une classe en général. Par exemple
les compétences liées à la gestion et à la prise de parole en classe, les
compétences liées aux déplacements dans une salle mais aussi les compétences
liées à la gestion du matériel : la gestion d’un classeur est souvent une difficulté
mise en avant lors d’échanges avec des enseignants de lycée professionnel.
- Des compétences liées plus directement aux activités ou aux consignes données.
Chomentowski (2009) 33 explique, à travers un exemple d’exercice proposé à une
classe d’école primaire, quelles peuvent-être les difficultés des élèves liées à
l’implicite présent dans un document. Dans cet exercice, les élèves devaient
étudier un document proposant des plats afin constituer un menu. Les prérequis
sur la notion de menu constituaient déjà un obstacle par rapport aux
représentations de chacun. Que ce soit par rapport au contenu du menu ou au
concept même de menu en fonction des représentations culturelles des élèves.
2.2. La langue, les langues
À l’école, en France, les élèves apprennent des langues vivantes étrangères. En
anglais, certains élèves arrivent en fin de scolarité avec des compétences qui leur
permettent de communiquer sans trop de difficulté lors d’un séjour touristique en Angleterre
par exemple. En revanche, ces mêmes élèves pourraient être en difficulté s’ils avaient à
poursuivre leur scolarité en langue anglaise. Nous pointons ici les différences qu’il peut y
avoir entre une langue de communication et une langue de scolarisation et, avec ce
découpage nous mettons en évidence l’une des principales difficultés linguistiques des
élèves allophones en inclusion.
33 Chomentowski, M. (2009), L’échec scolaire des enfants de migrants , L’Harmattan, p. 49-52.
13
L’étude didactique d’une langue propose, en fonction de contextes, différents
acronymes. Cherqui, Peutot
(2014)34 présentent un tableau récapitulatif des acronymes utilisés en didactique des
langues. Ces différentes appellations correspondent à des objectifs sociolinguistiques précis.
Le « français langue maternelle », (FLM), le « français langue étrangère », (FLE), le
« français langue seconde » (FLS), le « français langue de scolarisation », (FLSco), ou
encore les « français à objectifs spécifiques », (FOS), correspondent chacun à un contexte
d’apprentissage et donc à des objectifs. Expliquer cela lors d’une formation permet aux
enseignants de porter un autre regard sur la complexité d’une langue et peut aider ensuite à
fixer les objectifs d’apprentissages relatifs au langage pour les élèves.
La question de l’acquisition du lexique spécifique aux disciplines se pose en fonction
du parcours et des objectifs de chaque élève. J’ai expliqué, dans un article de la revue « Lire
au Lycée professionnel » (« L’apprentissage conjoint du français et des concepts
disciplinaires »)35 que si, pour un élève de collège, un enseignant pouvait s’autoriser à fixer
les objectifs lexicaux en s’appuyant davantage sur le lexique d’une langue de communication
que sur des objectifs spécifiques aux disciplines, pour un élève qui prépare un CAP, la
réponse n’est pas la même car le lexique spécifique au métier qu’il se prépare à exercer
devra être acquis rapidement. Cette particularité doit être prise en compte lorsque les
stagiaires sont des enseignants de lycée professionnel.
2.3. Les compétences disciplinaires
Il est important de s’appuyer sur le parcours scolaire antérieur d’un élève arrivant afin
de connaitre les compétences qu’il a acquises ou, en tout cas, travaillées. En effet, nous
constatons qu’un élève qui a déjà pratiqué une discipline lors de sa scolarité dans un autre
pays, arrive mieux à comprendre les exigences de la discipline en France même s’il débute
totalement en langue française quand bien même les connaissances sur lesquelles se sont
construites les compétences ne sont pas les mêmes. Le niveau en français est loin d’être le
seul paramètre à prendre en compte pour envisager les modalités de l’inclusion d’un élève.
Il est indispensable de ne pas créer de rupture dans les pratiques des élèves. Un
élève qui a déjà pratiqué une discipline doit, sans attendre, être inclus dans cette discipline
afin de poursuivre l’acquisition des compétences qui y sont liées, ou, en tout cas, de
commencer à faire des transferts de langue sur ces compétences. Les progrès en français
seront favorisés par le fait de travailler sur des démarches qu’il connait. Cependant, il faut
aussi prendre en compte que les représentations et les approches disciplinaires ne sont
peut-être pas les mêmes dans tous les pays. Ainsi, il faut encourager chaque enseignant à
se questionner sur la démarche de sa discipline, la réflexivité et donc, les compétences
pratiquées.
Pour les élèves qui n’ont pas encore de repères propres à une discipline, il convient
d’envisager l’inclusion en termes de « découverte disciplinaire » ou l’élève qui arrive doit
pouvoir commencer à percevoir la démarche d’une discipline.
34Cherqui, G., Peutot, F., Inclure : Français de scolarisation et élèves allophones (2014), Hachette FLE, p. 114. 35Cornu, G. (2014), L’apprentissage conjoint du français et des concepts disciplinaires, Lire au lycée professionnel n°74, (06/ 2014)
14
2.4. Les consignes
Les enseignants sont conscients des difficultés que peuvent rencontrer les élèves
allophones face à la diversité des consignes. Il est néanmoins utile, lors d’une formation
« inclusion EAA » de proposer une analyse succincte de ces difficultés pour montrer la
complexité du lexique.
Outre l’étendue et la diversité du lexique des consignes, la polysémie de certains
termes peut engendrer des difficultés. Par exemple, « montrer » en mathématiques n’a pas
la même signification que lorsque l’on demande à un élève de montrer un objet. Par ailleurs,
certaines consignes correspondent à un niveau de langue relativement élevé et qui ne
correspond pas au langage que l’élève fréquente dans la cour ou à la maison. Par exemple,
dans la consigne « que vous évoque le texte », le verbe « évoquer » n’est pas un terme
fréquemment utilisé par les élèves hors contexte scolaire. De plus, cette consigne fait
implicitement appel à la commande de produire une réponse écrite ou orale. Si nous
pouvons proposer d’expliciter davantage les consignes et de reformuler, il faut aussi laisser
l’élève face à ce lexique pour qu’à terme, il puisse l’acquérir. Nous verrons en troisième
partie qu’il est utile de questionner les tâches associées aux consignes.
3. Les profils des élèves et les objectifs d’inclusion
Pour ne pas déconnecter le contenu de la formation des besoins des enseignants, il
faut illustrer chacun des points abordés par des cas concrets, et donc s’appuyer sur leurs
élèves. Assez tôt dans le déroulement de la formation nous déterminons un profil pour
chacun des élèves, nominativement, avec l’aide du professeur de FLE afin d’une part, de
faire émerger la grande hétérogénéité présente au sein d’un groupe d’élèves allophones
mais aussi pour pouvoir fixer des objectifs d’inclusion pour chaque élève.
Bien entendu, les enseignants doivent savoir ce que l’élève est en mesure de
comprendre et de produire en français que ce soit à l’écrit ou à l’oral. Mais il est important
également de s’appuyer sur le parcours scolaire antérieur d’un élève et sur ce que le
positionnement initial a pu montrer pour déterminer s’il est réaliste que les objectifs
disciplinaires de l’élève en inclusion sont les mêmes que ceux des autres élèves qui visent
les attendus liés au cycle. Un tableau36 que je présente lors des formations « inclusion EAA »
fait état de plusieurs profils d’élève et propose de décliner les objectifs disciplinaires en
fonction de ceux-ci. Nous distinguons alors les élèves dont les compétences disciplinaires
sont très éloignées des attendus du cycle d’inclusion et ceux pour lesquels, à terme, et
malgré les difficultés en langue, l’acquisition des compétences avec le niveau de maîtrise
attendu est envisageable. Dans le premier cas, nous parlerons d’objectifs de « découverte
disciplinaire » et je proposerai de réfléchir à des adaptations qui permettraient à l’élève de
travailler des compétences disciplinaires relativement aux attendus d’un cycle inférieur. Un
élève serait par exemple inclus en cycle 4 en histoire-géographie pour travailler des
compétences de cycle 2 ou 3. Dans le deuxième cas, l’élève possède des acquis
disciplinaires et il lui faudra effectuer des transferts de langues : ce qu’il connait et ce qu’il
sait faire, il devra le connaître, savoir le faire et le communiquer en langue française.
36 Cf. Annexe 5 (p44), (Cornu, G. 2015)
15
Le cas des élèves en situation d’alphabétisation est aussi à expliquer car ils sont
aussi en mesure de bénéficier pleinement d’une inclusion disciplinaire lorsque les activités
s’y prêtent. Ils peuvent manipuler, expérimenter, participer oralement et produire des
dessins. Le dessin est l’occasion de travailler à l’écrit.
4. Les disciplines et la langue française
4.1. La démarche disciplinaire et les compétences langagières,
l’exemple en physique-chimie
Comme précisé en introduction, les disciplines ont un rôle important à jouer dans
l’apprentissage ou, en tout cas la pratique de la langue française. Chaque discipline possède
une démarche propre qui, par la diversité de ses étapes, permet de pratiquer des activités
langagières variées. Ma collègue, Marion Avrillier et moi-même développons dans « Inclure :
français de scolarisation et élèves allophones » (Cherqui, Peutot, 2014)37 la démarche
scientifique présente à chaque étape des spécificités qui peuvent permettre de travailler la
langue française. Que ce soit sur les temps de conjugaison, la notion d’hypothèse ou encore
les phrases logiques, la démarche d’investigation est terrain qui permet de relayer et
d’appliquer les techniques que l’élève allophone apprend avec son professeur de FLE. Cet
aspect-là est à souligner lors d’une formation car cela permet aux enseignants d’être rassuré
sur ce que peut faire un élève inclus dans sa discipline. En effet, même si les notions
disciplinaires sont parfois très éloignées de ce que peut retenir un élève allophone, il peut au
moins profiter de l’inclusion pour pratiquer la langue française sur un contenu disciplinaire
adapté. Par ailleurs, l’une des étapes de la démarche d’investigation consiste à observer une
transformation ou un phénomène et il est parfois demandé aux élèves de dessiner ou
schématiser ce qu’ils observent. Cette phase-là présente un intérêt particulier pour les
élèves allophones car elle permet de travailler les verbes de transformation, les descriptions
et leur permet d’acquérir un nouveau lexique au moyen de schémas légendés. Les élèves en
cours d’alphabétisation peuvent tout à fait bénéficier d’une inclusion sur ce type de travaux.
Pour permettre aux enseignants de comprendre certaines erreurs de syntaxe
commises par des élèves allophones, et donc, d’anticiper sur une remédiation, j’explique
parfois les différences qu’il peut y avoir entre les différentes langues du point de vue de la
structure ou de la syntaxe d’une phrase. Ainsi, comme l’explique Cuq (2013)38, en
s’appuyant sur des erreurs commises par des élèves marocains à propos de la formulation
d’hypothèses, « comment exprimer une hypothèse est un fait de raisonnement avant d’être
un fait linguistique, c’est-à-dire comment les difficultés du dire en langue étrangère sont
soumises à la difficulté du changement d’habitudes mentales créées par l’habitude du dire
en langue première ». Il explique par une comparaison des systèmes verbaux arabes,
berbères et français que les formulations d’hypothèses ne se construisent pas de la même
façon.
37 Avrillier, M. Cornu, G., (2014). Entrer dans la langue par les disciplines non linguistiques : l’exemple des
sciences, dans Inclure : français langue de scolarisation et élèves allophones (p. 143 et156), Hachette FLE 38 Cuq, J-.P., Une introduction à la didactique de la grammaire en français langue étrangère (2013). Didactique du français, Didier. p. 52.
16
Si les démarches disciplinaires permettent de pratiquer la langue française, il
convient d’insister aussi sur le fait que de travailler les compétences de langue permet aussi
de consolider des compétences disciplinaires. J’explique dans un article39 (Cahiers
pédagogiques – décembre 2016) que travailler autour de la communication ou de la
formulation d’un raisonnement permet de travailler le raisonnement lui-même. La
compétence « Raisonner » se travaille donc avec les compétences langagières. Les élèves
allophones peuvent être capables de produire des raisonnements pertinents mais avec des
difficultés à les communiquer. Lors des formations « inclusion », je m’appuie sur l’exemple
d’une activité40 que je propose aux élèves pour illustrer une façon de travailler la langue et le
raisonnement. Dans un cadre plus général, lorsqu’un élève arrive à expliquer une démarche
alors, dans le même temps, les compétences liées à cette démarche se consolident. On peut
ainsi expliquer aux enseignants que par la collaboration entre élèves, le fait de demander à
un élève francophone de reformuler un concept pour un élève allophone, est bénéfique pour
les deux élèves.
4.2. La vulgarisation : niveaux de formulation et catégorisation
En s’appuyant sur la progressivité des notions sur « la reproduction » du CM2 à la
3ème, Vigner explique que le langage évolue en fonction du degré d’abstraction et de
conceptualisation auquel on se situe à chacun des niveaux de l’enseignement41. Lorsque les
élèves parlent de l’accouplement en CM2, les élèves de 3ème parlent du brassage de
l’information génétique. Il détaille cette progressivité niveau par niveau dans un tableau et
propose l’analyse suivante :
Les implications linguistiques de ces choix sont grosso modo de trois ordres :
- au plan lexical, par une démultiplication des termes du lexique qui permettent de
représenter à des degrés plus grands de précision (…) ;
- au plan lexico-syntaxique par le recours à la nominalisation ;
- au plan de la construction des phrases (…) » (de plus en plus complexes) (2006 :
101)
Afin d’aborder cela lors d’une formation, pour expliquer que le fait d’agir sur les
niveaux de formulation est une piste pour différencier les objectifs, je propose un exercice de
mise en situation : une liste de 10 mots est proposée aux stagiaires ; chacun de ces mots est
spécifique à une discipline enseignée (monarchie, bissectrice, erlenmeyer…). En quelques
minutes chacun des stagiaires doit formuler par écrit une phrase qui pourrait correspondre à
une définition de chacun des termes. Il est intéressant d’analyser les réponses proposées
par les stagiaires. Par exemple, pour le terme « bissectrice », si quelques enseignants ont
proposé la définition exacte, d’autres propositions ont été « c’est des maths » ou encore
« c’est une droite ».
Le schéma proposé page suivante (figure 2) classe les niveaux de formulation utilisés
par les enseignants lorsque je leur demande ce qu’est une bissectrice.
39 Cornu, G., (2016). Raisonner, une affaire de langue ? Les Cahiers pédagogiques : créer et expérimenter en
sciences et technologie (N°533, Décembre 2016). p51-52 40 Cf. Annexe 6 (p45), Activité, travailler le raisonnement et la langue, (Cornu 2016) 41 Vigner, G. (2006). Enseigner le français comme langue seconde. CLE international. P101..
17
Figure 2 : Niveaux de formulation, exemple de la bissectrice
Il est intéressant de constater que les enseignants font des propositions pour chacun
des termes. En effet ils agissent sur les niveaux de formulation pour répondre alors que
globalement les élèves n’osent pas répondre lorsqu’ils pensent qu’ils ne connaissent pas la
réponse du « bout de la chaine », c’est-à-dire la réponse exacte. Un enseignant préfère
s’arrêter au niveau de formulation qui correspond à ce dont il est sûr, alors qu’un élève
préfèrera proposer une formulation qui lui semble être la réponse exacte, ou préfèrera ne
pas répondre.
En conclusion de cet exercice nous convenons qu’il faut encourager tous les élèves à
oser faire des propositions et à les formuler même si le niveau de formulation semble ne pas
être, selon eux, celui attendu par l’enseignant. Cette démarche, semblable à celle du « droit
à l’erreur », même s’il ne s’agit pas là d’erreurs, mais de simplifications, favoriserait
l’acquisition de notions disciplinaires car elle ferait sans cesse référence à la progressivité
des apprentissages. De plus, il serait intéressant de savoir, dans le cas d’un élève allophone,
à quelle catégorie ou à quel terme générique il rattache un mot. Enfin, cette démarche
correspondrait à une logique d’objectifs disciplinaires personnalisés pour les élèves
allophones en inclusion.
5. Rassurer : les effets tangibles de l’inclusion
Tout en expliquant les différentes sources de difficultés rencontrées par les élèves en
inclusion et les réflexions que cela peut soulever, il faut rassurer les enseignants qui se
sentent parfois inefficaces. Josiane Gabry, lorsqu’elle était formatrice au Casnav de
l’académie de Créteil, témoignait par l’intermédiaire d’une vidéo42 des capacités des élèves à
« prendre » des choses lorsqu’ils sont immergés dans une discipline. Elle souligne
l’importance des « compétences passives » et ajoute que ces compétences passives
agissent avant les compétences actives des élèves. C’est-à-dire que les élèves bénéficient
de l’inclusion dans une discipline avant de pouvoir produire un travail qui y serait lié.
Pour illustrer cela je présente aux enseignants, lors d’une formation « inclusion
EAA », un travail proposé aux élèves allophones en début d’année et proposé à nouveau
après un mois d’inclusion. Ils doivent associer des images à des disciplines.
42 http://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-pour-les-eana.html, [vérifié le 20/02/2017]
18
L’élève qui a produit en octobre le travail présenté ci-dessous n’avait pas su le faire début
septembre :
Figure 3. La représentation des disciplines
Il est possible de varier ce type d’activités43, en remplaçant par exemple les images par des
mots ou en demandant un peu plus d’explications.
6. L’évaluation formative
« Comment évaluer ? », cette question apparait presque systématiquement lorsque
l’on sonde les enseignants sur leurs besoins en amont d’une formation. Cette demande est
légitime mais il ne faut pas la dissocier des autres points présentés en amont car l’évaluation
des élèves allophones doit être adaptée à chaque élève en fonction de ses objectifs.
Il est évident qu’une évaluation par compétences est à recommander. Cependant,
pour ne pas ajouter une contrainte supplémentaire aux enseignants qui ne seraient pas
encore familiers avec ces pratiques, j’insiste sur la nécessité d’expliciter. Lorsqu’un élève
propose un travail, il doit savoir ce qui est réussi et ce qui ne l’est pas. Un élève allophone
doit pouvoir se positionner de façon distincte sur ses compétences liées à la langue
française et ses compétences disciplinaires.
La polysémie du verbe « évaluer » implique d’en préciser le sens lors des échanges.
Ce qui concerne l’évaluation sommative (évaluation qui « valide ») a été déjà abordé lorsque
j’ai présenté la circulaire évaluation (2 avril 2014)44 relative à l’orientation post 3ème. Il faut
cependant aborder la notion « d’équité », car l’équité interroge les enseignants lorsque l’on
parle d’évaluation adaptée ou différenciée. Pour l’évaluation formative (pour faire progresser)
comme pour l’évaluation sommative, il faut être clair sur la, ou les compétences évaluées, et
identifier ce qui peut être source de difficultés pour les élèves.
43 Cf. Annexe 7 (p46), La représentation des disciplines (Cornu, 2014) 44 Evaluation des élèves allophones nouvellement arrivés, en vue de la préparation de l’orientation, et de l’affectation. Circulaire académique (2 avril 2014).
19
Lorsque des aides ou des adaptations sont mises en place, la question à se poser ensuite
est de savoir si l’aide proposée à l’élève à une implication directe sur la maîtrise de la
compétence visée. Pour illustrer cela, je prends l’exemple suivant :
« Si nous cherchons à évaluer les compétences des élèves en escalade, il nous faut
leur proposer une voie d’escalade. Si cette voie se trouve au bord de l’eau et que pour y
accéder les élèves doivent nager, ceux qui ne savent pas nager se voient pénalisés par des
difficultés liées à des compétences indépendantes des compétences en escalade. Il faut
alors leur proposer des aides pour accéder à la voie (par exemple une barque). Ensuite, il
n’y a aucune raison que l’évaluation des compétences en escalade soient modifiée ou
« amputée » du fait de l’aide apportée, car l’aide n’a pas portée sur les compétences cibles.
En revanche, si nous avons aidé un élève à grimper (par l’ajout de prises supplémentaires
par exemple), alors la question du niveau de maîtrise se pose. »
Le parallèle est simple, un grand nombre des compétences que l’on évalue à l’école
n’ont pas de lien avec la langue française, « l’équité » est donc de faire en sorte que les
élèves puissent avoir accès à l’activité comme les autres. Dans beaucoup de cas une
traduction peut être utile et se justifier, mais il ne faut pas perdre de vue les objectifs des
élèves allophones : l’apprentissage de la langue française.
Pour les élèves dont les objectifs d’inclusion ne sont pas les mêmes que ceux des
autres élèves de la classe, on peut proposer une évaluation qui fait référence à ces objectifs.
Par exemple, si un élève est inclus en 3ème en histoire-géo pour travailler des compétences
et acquérir des connaissances de cycle 2 ou 3, l’évaluation de son travail et de sa
progression peut se faire sur des attendus de ces cycles, à condition que cela soit cohérent
avec son projet et que cela soit source de motivation pour lui. Il faut alors lui expliquer
clairement en quoi l’évaluation de son travail est différente de celles des autres élèves afin
qu’il soit lucide sur son parcours. Pour cela, les enseignants peuvent s’appuyer sur les outils
d’aide à l’évaluation du socle commun proposés par le ministère de l’éducation nationale
(« documents d’accompagnement pour l’évaluation des acquis du socle commun »)45. Ces
outils précisent les niveaux de maîtrise attendus pour chacun des cycles 2, 3 et 4. Bien
entendu, les objectifs peuvent évoluer pendant l’année.
Dans le cas général, il faut réfléchir à une progressivité du mode d’évaluation. La
circulaire académique (2 avril 2014)46 propose différentes pistes de progressivité sur
l’évaluation des élèves allophones, comme par exemple de n’évaluer dans un premier temps
qu’une partie des exercices proposés.
Il peut arriver de trouver des bulletins scolaires d’élèves allophones sur lesquels nous
pouvons lire à presque toutes les lignes : « non-évalué ». Ceci peut apparaître pour les
familles et les élèves comme un manque de considération et ne pas inscrire les élèves dans
une dynamique de progression. Il est important d’être en mesure de fournir aux élèves
allophones des bilans de parcours (bulletins…) semblables dans leur forme à ceux des
autres élèves.
45 http://eduscol.education.fr/cid103803/evaluer-la-maitrise-du-socle-commun-du-cycle-2-au-cycle-4.html#lien2 [vérifié le 22/02/2017] 46 Evaluation des élèves allophones nouvellement arrivés, en vue de la préparation de l’orientation, et de l’affectation. Circulaire académique (2 avril 2014).
20
Partie 3. Partager, créer, expérimenter et accompagner dans la durée
Cette partie est sans doute la partie la plus attendue des stagiaires lors d’une
formation « inclusion EAA » car elle leur permet d’être confrontés à des propositions
concrètes de mise en activité ou de pratiques adaptées aux besoins des élèves allophones.
S’il est évidemment inconcevable de ne pas montrer à l’aide d’outils que des pistes sont
possibles pour réussir l’inclusion d’un élève, il serait inefficace de proposer ces outils sans
avoir auparavant expliqué les enjeux de l’inclusion et sans avoir analysé les difficultés des
élèves. L’art du formateur est de faire interagir harmonieusement la théorie et la pratique, la
réflexion et les outils.
Les différentes pistes de réflexion ou outils présentés ici ont été testés dans différents
établissements mais avec des résultats variables. En effet, certains outils peuvent
fonctionner avec un type d’élève mais pas avec d’autres, l’appropriation que se fait
l’enseignant de l’outil est aussi un facteur qui va déterminer l’efficacité de l’outil. C’est
pourquoi il est toujours important de présenter avec une relative modestie les outils et surtout
d’expliquer quels ont été les objectifs recherchés lorsque l’outil a été imaginé.
1. La création en ateliers : quelle stratégie pour la formation ?
Le temps de création et de partage d’outils est un moment clé de la formation car il
fait le lien entre les pistes de réflexion et les pratiques des enseignants, il est le moment où il
leur est donné l’occasion d’imaginer faire évoluer leurs pratiques après les avoir
questionnées. Je privilégie souvent, à cette occasion, le travail en petits groupes
pluridisciplinaires même lorsque l’objet est disciplinaire. En effet la collaboration entre les
disciplines ouvre de nouvelles perspectives et permet de faire émerger de façon évidente,
lorsqu’il s’agit de préparer une activité, ce qui fera appel aux compétences transversales des
élèves et donc d’en évaluer les difficultés. Le recul que peuvent avoir les collègues d’une
autre discipline est toujours bénéfique car il incite souvent à expliciter davantage les
attendus mais il permet aussi de questionner l’importance et le poids du lexique spécifique
disciplinaire présent dans l’activité.
Ce temps doit-être suivi par l’expérimentation en classe de ce qui a été créé. Tant
que possible le formateur doit proposer de mutualiser et d’organiser un suivi et un retour sur
les expérimentations. Ceci pour encourager les enseignants à effectivement expérimenter,
c’est-à-dire appliquer ce qu’ils ont imaginé mais aussi pour partager ce qui a fonctionné.
2. Une expérimentation : la semaine d’inclusion totale
Dès son arrivée, un élève doit découvrir le fonctionnement de l’établissement qui
l’accueille. Il doit découvrir à quoi ressemble la journée d’un élève en France. En outre, pour
éviter qu’il ne confonde son « groupe classe » avec ses camarades du cours de FLE, nous
proposons à chaque élève allophone, dès son arrivée, de suivre pendant une semaine
l’emploi du temps de sa classe d’inclusion avant même de lui proposer un emploi du temps
personnalisé.
21
Cette première semaine d’inclusion permet à l’élève qui arrive de faire connaissance
avec l’ensemble des élèves et des professeurs de sa classe. Il se crée ainsi le même réseau
éducatif que tous les élèves. Il découvre les différentes salles et les différentes disciplines
proposées dans l’établissement. Ceci pourra faciliter par la suite, l’appropriation de son
emploi du temps et les déplacements qui y sont associés.
Pour que son inclusion soit réussie, il doit se sentir « élève » comme les autres, c’est-
à-dire avec la même variété de l’offre éducative et le même statut que les autres. De plus,
l’apprentissage de la langue française sera plus facile pour l’élève allophone s’il parvient à se
créer des amis francophones dans sa classe d’inclusion. Le français doit vite devenir une
langue de communication incontournable dans la classe, à la cantine ou dans la cour. En
effet, s’il est évident que les élèves allophones sont rassurés lorsqu’ils se retrouvent dans le
groupe FLE avec d’autres élèves locuteurs de la même langue maternelle, il faut néanmoins
faire en sorte que chaque élève puisse pratiquer la langue française en dehors de la classe.
Cette semaine d’inclusion permet aussi aux autres élèves de la classe et à tous les
enseignants de faire connaissance avec l’élève qui arrive. Même si plus tard, ils auront peut-
être moins l’occasion de le fréquenter en classe du fait de son emploi du temps adapté. Au
moins, chacun saura qui est cet élève, quelles sont ses difficultés, ses besoins, et chacun
pourra participer à son accueil et à son accompagnement. Les enseignants pourront plus
facilement contribuer à l’élaboration de l’emploi du temps adapté de l’élève, ils pourront
chacun apporter leur regard en tant qu’expert disciplinaire pour fixer les modalités d’inclusion
les plus efficaces pour chaque élève. La semaine d’inclusion peut aussi permettre à un élève
de mettre en avant des compétences acquises, ou, en tout cas, de montrer son envie et ses
capacités de poursuivre dans l’une ou l’autre des disciplines.
Il est essentiel que cette semaine d’inclusion donne envie à l’élève de poursuivre et
d’apprendre. Elle doit être une semaine d’accueil, de découverte mais aussi de réconfort. Il
ne faut pas prendre le risque que cette inclusion totale puisse impressionner l’élève au point
qu’il n’ait pas envie de revenir la semaine suivante. Il convient alors de préparer cette
semaine avec l’ensemble des professeurs et des élèves de la classe qui accueille, en
demandant à chacun d’être vigilant et de faire en sorte que l’élève ni ne s’ennuie, ni ne se
décourage. C’est pourquoi, il est nécessaire d’expliquer à l’élève allophone que les objectifs
de cette première semaine ne sont que des objectifs de découvertes et de le rassurer sur le
fait qu’il est possible qu’il ne comprenne pas ce qui est attendu dans les disciplines. Un suivi
est nécessaire tout au long de cette première semaine, particulièrement par le professeur de
FLE qui doit organiser des temps d’échanges quotidiens avec chacun des élèves allophones
afin de s’assurer que cette semaine remplisse bien les objectifs attendus.
Lorsque je présente ce fonctionnement lors d’une action de formation « inclusion
EAA », je souligne que globalement, les objectifs sont atteints, et que les élèves
s’approprient mieux l’établissement même si cela reste difficile dans certains cas. J’ajoute
ensuite, que lorsque l’on construit l’emploi du temps adapté, il est plus facile pour chaque
enseignant de discuter d’une éventuelle dispense d’inclusion dans une discipline en se
basant sur des critères objectifs que d’envisager un fonctionnement inverse, c’est-à-dire un
fonctionnement dans lequel l’enseignant de FLE serait le seul à fréquenter l’élève la
première semaine, et que seul ensuite, il choisisse l’inclusion dans quelques disciplines. Les
critères ne seraient peut-être pas cohérents du point de vue de la discipline d’inclusion,
l’enseignant de FLE se basant essentiellement sur les compétences langagières.
22
3. La concertation entre enseignants
Si j’ai expliqué que toutes les disciplines offraient un terrain de pratique de la langue
française, le cours de FLE est le lieu privilégié pour la travailler. Il fournit aux élèves des
techniques, des outils et des situations qui permettent cela. Bien sûr, en cours de FLE, il est
aussi proposé aux élèves de pratiquer la langue au travers de projets, mais c’est bien hors
de ce cadre qu’un élève va ou non, réinvestir ce qu’il a appris en cours de FLE.
Il est fondamental, dans le cadre de la formation, d’insister sur le fait que les
disciplines sont un terrain de pratique de langue afin de relayer ce qui est travaillé en cours
de FLE. Mais, pour que ce « relais » soit effectif, il convient de s’entendre en équipe sur les
exigences liées à la langue qui seront fixées pour chaque élève allophone. Ceci pour éviter
qu’un élève se cache derrière une posture de « débutant en français » lorsqu’il est en
inclusion alors qu’en cours de FLE, ce même élève travaille parfois sur des niveaux plus
avancés. J’ai été confronté à cette situation en tant que professeur de sciences-physiques le
jour où j’ai fièrement fait lire à ma collègue enseignante de FLE la production d’un élève qui
écrivait « glaçon fondre » à la suite d’une expérience sur la fusion de l’eau. Ma collègue m’a
alors précisé que cet élève travaillait, en FLE, sur des notions de passé-composé et de
phrases plus complexes. C’est suite à cette anecdote que, lors d’une formation, je propose
aux enseignants, si cela leur apparait pertinent, de travailler sur le « profil linguistique » de
chacun des élèves allophones de leurs classes. Cela pour qu’ils puissent s’entendre sur ce
que chaque élève est en mesure de produire ou de comprendre, du point de vue de la
langue française. Pour cela, les enseignants peuvent s’appuyer sur le document (« fiche
exigences »47) et l’adapter à leurs besoins. Ce travail permet aussi de mesurer la grande
hétérogénéité d’un groupe d’élèves allophones sur leurs compétences en langue française.
Ce travail sur les attendus liés à la langue française doit aussi se faire pour
l’ensemble des autres domaines de compétences afin que les objectifs de l’inclusion soient
partagés entre les enseignants. On peut préciser pour chaque domaine, qu’un élève peut
viser une acquisition de compétences qui correspond aux attendus d’un cycle inférieur à son
cycle d’inclusion.
Par exemple, il est possible de proposer pour un élève, que ses objectifs
disciplinaires correspondent à des objectifs de cycle 2 alors que l’élève est inclus dans une
classe du cycle 4. D’établir cela en collectif, lors d’une journée de formation « inclusion
EAA » par exemple, permet à chaque enseignant de se rassurer sur le fait que l’élève n’a
pas à tout comprendre de ce qui est proposé à la classe, mais que l’élève allophone est bien
là pour d’autres objectifs.
4. Le travail autour des consignes
Pour accéder à une activité, l’élève doit en comprendre la consigne. Bien souvent la
consigne est un obstacle majeur pour un élève allophone qui pourtant pourrait être en
mesure de mener à bien l’activité. Lors d’une formation, sans esquiver cette problématique
de la consigne, je commence à expliquer aux enseignants l’intérêt de proposer aux élèves
des tâches complexes.
47 Cf. Annexe 8 (p47), Fiche de transmission « exigences » (Avrillier, Cornu, 2014)
23
En effet, cela permet, outre l’intérêt de travailler à l’échelle des compétences, de donner plus
de liberté aux élèves dans ce qu’ils vont pouvoir produire. Une problématique bien posée
peut déclencher l’activité des élèves avec peu de consignes écrites alors qu’une fiche qui
présente 15 questions peut correspondre à autant de difficultés auxquelles sera confronté
l’élève allophone.
S’il est nécessaire de se pencher sur l’étendue et la variété du lexique lié aux
consignes, il faut aussi admettre qu’il peut être vain d’imaginer pouvoir faire acquérir en peu
de temps à un élève allophone autant de vocabulaire qui lui permettrait d’accéder à
l’ensemble des activités qui lui sont proposées. Dans le cadre d’un groupe de travail
pluridisciplinaire48 qui regroupe des enseignants de FLE ainsi que des enseignants d’autres
disciplines, nous nous sommes questionnés sur la variété des tâches qu’étaient amenés à
accomplir les élèves dans quelques disciplines pour ensuite essayer de voir s’il était simple
de positionner les consignes sur les tâches qui correspondent.
Le schéma suivant présente une synthèse de ce que nous avons obtenu pour
plusieurs disciplines :
Figure 4. Liens entre tâches et consignes
48 Groupe de travail pluridisciplinaire (Casnav de Grenoble) piloté par Debras, E. & Cornu, G. (2011/2012, 2012/2013), Dejean, Ch.& Galligani, S. (2015/2016), Dejean, Ch., Galligani, S.& Cornu, G. (2016/2017)
24
Nous avons ensuite exploité ce schéma en le présentant en classe sous la forme
d’une grande affiche. Après s’être assuré que tous les élèves comprenaient chacun des
termes employés, nous avons constaté que la plupart des consignes que l’on rencontrait
pouvaient se décliner en fonction des termes présentés sur cette affiche. En effet, plusieurs
formulations de consignes signifient à l’élève par exemple de dessiner ce qu’il voit, ou
d’écrire ce qu’il sait. Ainsi, lorsqu’un élève est en difficulté face à une consigne, nous lui
indiquons par un simple geste, en lui montrant les termes de l’affiche qui correspondent, ce
qu’il doit effectuer comme tâche. Et ceci, sans nécessairement avoir à parler.
De présenter ce travail lors d’une formation permet de montrer qu’il est possible
d’envisager d’autres pistes que la traduction ou l’acquisition systématique d’un nouveau
lexique afin de faire face aux difficultés liées aux consignes. Même si, à terme, l’acquisition
du lexique reste un objectif.
Ce travail a été fait pour d’autres disciplines : histoire-géographie49, mathématiques50
ainsi que français51. Ces productions peuvent être consultées en ligne sur le site du
CASNAV de l’académie de Grenoble52.
5. La mise en activité sur un document
Afin de permettre à un élève allophone de s’approprier progressivement un document
de travail distribué en classe dans le but qu’il puisse en percevoir ensuite un intérêt
disciplinaire, le groupe de travail pluridisciplinaire53 du Casnav de Grenoble a imaginé une
fiche54 de mise en activité sur un document. Cette fiche a été conçue pour être utile quelle
que soit la discipline et quel que soit le type de document (texte, image, graphique…). Pour
remplir cette fiche générique, l’élève doit d’abord repérer des objets, des signes, les
expliciter et ensuite sélectionner ce qui lui semble important. Il lui est ensuite proposé de
raconter le document en s’appuyant sur ce qu’il a sélectionné.
Présenter ce document lors d’une formation « inclusion EAA » permet de donner des
pistes aux enseignants pour adapter des activités. Mais il est également rassurant de
constater que l’on peut travailler avec les élèves allophones afin de leur donner des
automatismes et qu’ils peuvent ainsi être autonomes sur un document de travail. Très vite,
des enseignants s’emparent et se réapproprient cette fiche pour la transformer afin de cibler
plus efficacement des notions de leur discipline.
J’explique néanmoins que si les retours d’enseignants qui ont testé cette fiche ont été
souvent positifs, il a fallu en amont que les élèves s’entrainent plusieurs fois et en s’appuyant
sur différents types de documents d’étude avec l’aide de l‘enseignant de FLE. C’est
uniquement après un travail répétitif que des élèves allophones ont pu travailler en
autonomie avec ce support lorsqu’ils étaient inclus dans une discipline.
49 Cf. Annexe 9 (p48), Consignes en histoire-géographie (Groupe pluridisciplinaire, Casnav de Grenoble, 2013) 50 Cf. Annexe 10 (p49), Consignes en mathématiques (Groupe pluridisciplinaire, Casnav de Grenoble, 2013) 51 Cf. Annexe 11 (p50), Consignes en français (Groupe pluridisciplinaire, Casnav de Grenoble, 2013) 52 http://www.ac-grenoble.fr/casnav/accueil/enseigner-FLE-FLS/index.php?post/2014/09/04/Travailler-les-consignes-avec-les-%C3%A9l%C3%A8ves-allophones-nouvellement-arriv%C3%A9s [vérifié le 10/02/2017] 53 Groupe pluridisciplinaire piloté par Cornu, G. (2014). 54 Cf. Annexe 12 (p51), fiche de mise en activité sur un document (Groupe pluridisciplinaire, Casnav de Grenoble, 2014).
25
6. Adapter une activité : la question des fondamentaux disciplinaires
Définir, pour un élève allophone, un profil d’inclusion, revient à lui fixer des objectifs
discipline par discipline. La question des « fondamentaux » disciplinaires se pose pour les
élèves dont les objectifs sont éloignés de ceux des autres élèves de la classe. Ceci peut être
le cas pour des élèves qui n’ont jamais fréquenté une discipline auparavant.
Il faut se poser la question de ce que l’élève aura à retenir ou à apprendre de son
inclusion dans cette discipline. Si le thème étudié est abordé dans l’un des cycles inférieurs,
alors l’enseignant peut s’appuyer sur le contenu des programmes de ces cycles afin de
pouvoir positionner l’élève sur des bases disciplinaires, il pourra ainsi agir sur les niveaux de
formulation. Lorsque le thème étudié n’est en revanche pas abordé dans les programmes
des autres cycles, deux approches sont possibles : l’enseignant peut imaginer ce qu’il
pourrait demander à des élèves du cycle inférieur sur ce thème mais il peut aussi
questionner des adultes sortis depuis longtemps du système scolaire pour savoir ce qu’ils
ont retenu du thème en question. L’adaptation consistera alors à installer une « culture
disciplinaire » à l’élève.
Le groupe de travail pluridisciplinaire55 a choisi cette année de produire des fiches56
qui mettent en parallèle les attendus de chaque cycle relativement aux thèmes étudiés dans
chaque discipline. Cet outil permettra d’aider les enseignants à adapter les activités en
fonction d’objectifs de cycle.
Lors des ateliers de formation, les enseignants apportent des activités qu’ils
proposent à leurs élèves. Nous réfléchissons à des adaptations possibles afin de répondre
aux besoins des élèves en inclusion. L’objectif de ces ateliers est bien sûr de produire des
activités différenciées mais surtout de donner des méthodes aux enseignants afin qu’ils
puissent faire ce travail systématiquement. Lorsque l’enseignant cherche à adapter une
activité, les questions qu’il doit se poser sont les suivantes : que pourra comprendre l’élève
et que pourra t’il produire à partir de ce document du point de vue de la langue française ?
Comment pourra-t-il exploiter le contenu de ce document ? Quels seront les objectifs
disciplinaires associés à cette activité ? En parallèle, l’enseignant fixe les critères qui lui
permettront d’évaluer le travail de l’élève.
7. La place du numérique comme outil d’inclusion
Les outils numériques sont de plus en plus présents dans le paysage scolaire. Que
ce soit pour l’utilisation de logiciels de programmation, de simulation ou pour des outils de
traitement de texte. Il faut être vigilant lorsqu’un tel outil est proposé à un élève allophone
car, si l’outil numérique peut permettre de mettre en activité des élèves en autonomie, il peut
aussi créer des difficultés supplémentaires.
J’ai abordé les difficultés liées à l’implicite scolaire dans un paragraphe précédent.
Parmi les compétences implicites, quelques-unes sont liées aux outils numériques. En effet,
55 Piloté par Ch. Dejean, S. Galligani, G. Cornu (2016/2017). 56 N.D.A : Fiches non encore disponibles.
26
les enseignants supposent, souvent à juste titre, que les élèves, du fait des habitudes liées à
l’utilisation d’un téléphone portable ou de leur fréquentation à des réseaux sociaux maîtrisent
l’univers numérique. Parmi les élèves allophones arrivants, certains n’ont jamais utilisé un
ordinateur avant leur arrivée en France.
Les compétences liées à l’utilisation d’outils numériques font partie des compétences
du socle commun, il faut donc prévoir de les expliquer à des élèves qui n’ont jamais pratiqué
dans ce domaine. Allumer un ordinateur, renseigner un mot de passe ou encore ouvrir un
logiciel de traitement de texte relève de compétences qui ne vont pas « de soi » pour tous
les élèves.
Dès lors que les élèves connaissent l’environnement numérique, dès lors que les
élèves sont autonomes sur l’accès aux outils numériques, alors il est pertinent de se saisir
des nombreux avantages que peuvent présenter de tels outils. Je ne vais pas dresser ici une
liste exhaustive des activités faisant appel au numérique mais on peut souligner que la
pratique de l’oral est un point fondamental de l’apprentissage d’une langue. Les outils
numériques offrent des possibilités aux élèves pour travailler l’oral en autonomie, tant sur la
compréhension que la production, par exemple, en s’enregistrant et en exploitant les
enregistrements. Par ailleurs, il existe de nombreux sites qui proposent des activités de tous
niveaux en ligne, allant du CP au cycle 4 en mathématiques ou en français. Quant aux
ressources dans d’autres disciplines, outre les possibilités de traductions instantanées, les
élèves peuvent par exemple visionner une vidéo liée au thème étudié ou utiliser des logiciels
de simulation.
Pour conclure, lorsque l’on propose un travail qui fait appel au numérique, il faut ne
pas perdre de vue les objectifs d’apprentissage. C’est-à-dire faire la différence entre
l’utilisation du numérique comme outil, et la pratique du numérique pour l’acquisition de
compétences dans ce domaine.
8. Accompagner dans la durée : la formation hybride
La publication de l’IFé citée dans la première partie de ce mémoire précise que les
enseignants ont besoin d’un temps d’appropriation du contenu d’une formation mais aussi
que le temps d’expérimentation doit-être encadré.
« Quelle que soit la formation, il ne suffit pas d’expliquer pour transformer. Il faut donc
penser des modalités de formation hybrides, au sens propre, qui alternent des temps
différents : recueillir des données, apporter des informations, faire des expériences et
des essais, revenir sur ce qu’on a fait… Ces différents temps sont nécessaires pour
gagner la confiance entre formés et formateurs, faire culture commune, discuter les
manières de faire...(…) »
Une simple journée « d’explications » ou de « démonstrations » ne saurait suffire à
transformer les pratiques d’un enseignant. L’enseignant doit d’abord questionner ses
pratiques, se convaincre de l’efficacité qu’il aurait à « faire autrement » et enfin passer à
l’acte. Ce temps de passage à l’acte est parfois long, vient ensuite le temps pendant lequel
l’enseignant expérimente, il « tâtonne ». Le formateur peut profiter de la dynamique
enclenchée lors de la rencontre en présentiel pour diminuer ce temps de « passage à
l’acte », il peut imposer un calendrier d’expérimentations aux stagiaires en offrant la garantie
de faire un retour sur ces expérimentations. Le formateur ou les stagiaires entre eux pourront
27
partager et commenter ce qui est expérimenté. Des outils numériques peuvent permettre de
faire cela. Il existe des plateformes d’échanges, de dépôt et de partage de documents
(Vi@éduc57 ou autres), mais la plupart de ces plateformes n’imposent pas un calendrier. Les
parcours M@gistère58 permettent à la fois de partager des documents, d’échanger par le
biais de forums, mais aussi ils permettent aux formateurs de proposer un calendrier et de
fixer des échéances pour les activités à réaliser. Ainsi l’accompagnement et le suivi
deviennent réels, prévus et encadrés.
J’ai cette année, avec d’autres formateurs et coordonateur du CASNAV de Grenoble,
contribué à la conception d’un parcours hybride M@gistère relatif à l’inclusion des élèves
allophones (Maître-T1-AccompElève-J’ai un élève allophone dans ma classe)59. Ce parcours
est destiné aux enseignants stagiaires dans le cadre de leur formation à l’ESPE60. Il prévoit,
après avoir travaillé sur une première approche de ce qu’est un élève allophone, deux
rencontres espacées pour permettre un temps d’observation et d’expérimentation en classe.
Dans les années à venir, la question d’un parcours M@gistère se posera également comme
support d’accompagnement des équipes dans le cadre de stages établissement.
57 Viaéduc : Réseau social professionnel des enseignants. Plateforme collaborative, créée, entre autres par le réseau canopé. 58 M@gistère: Plateforme qui propose aux enseignants des parcours de formation. 59 https://magistere.education.fr/ac-grenoble/course/view.php?id=4940 [vérifié le 25/02/2017] 60 ESPE : Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education.
28
Partie 4 : La question des indicateurs
Outre les enjeux, dans le cadre général, de la formation continue des enseignants en
termes de questionnement ou d’évolution des pratiques, les formations « inclusion » que
j’anime ont pour objectif la réussite des élèves allophones. Comment mesurer l’efficacité de
ces formations ? quels pourraient être les indicateurs ? Les réponses se trouvent suivant
deux axes : Quels peuvent être effectivement les signes d’une inclusion réussie pour un
élève ? et quels peuvent-être les indicateurs qui valideraient le choix de la stratégie de mise
en œuvre de la formation ? Il faut donc analyser des indicateurs qui consistent à observer les
élèves eux-mêmes et ce qu’ils produisent mais aussi d’autres indicateurs relatifs aux
pratiques ou questionnements des enseignants qui ont suivi la formation.
1. Les indicateurs relatifs à la stratégie de formation
Il existe plusieurs formes de questionnaires que l’on peut proposer aux enseignants à
l’issue d’une formation. Les enseignants précisent alors si la formation a répondu à leurs
attentes ou encore si l’animation leur est apparue pertinente. Si ces indicateurs sont
évidemment révélateurs de la qualité de la formation, il faut pouvoir aussi mesurer l’efficacité
de la formation, c’est-à-dire l’impact à moyen terme sur les pratiques des enseignants. Le
formateur peut se faire une première idée de l’efficacité de la formation qu’il a animé en
observant l’implication des enseignants lors de travaux de création d’outils ou après collecte
de ces productions. Tout cela peut-être un signe de l’efficacité de la formation mais il faut
cependant être conscient que des enseignants sont parfois « bousculés » par les échanges
qui ont eu lieu et ont besoin d’un temps de « digestion » ou d’appropriation. Pour ceux-là, la
création quasi immédiate d’outil n’est pas toujours révélatrice des réels changements de
pratiques qu’ils pourront mettre en place plus tard. Pour d’autres, la création efficace d’outils
« sur commande » lors d’ateliers n’est pas toujours suivie d’une évolution des pratiques.
Il faut donc penser à lire chacun de ces indicateurs mais il faut s’assurer de leur
diversité, les analyser avec recul et en connaissance du contexte de la formation pour
pouvoir en tirer des conclusions. Le cas échéant, le formateur peut être amené à repenser la
stratégie de la formation en question.
En ce qui concerne les formations inclusion et ses indicateurs, j’attache
particulièrement de l’importance à l’évolution de la représentation des enseignants quant à la
temporalité de l’inclusion ; la question suivante est posée61 :
« Pensez-vous qu’un élève allophone doit suivre des cours de français intensif afin qu’il
puisse acquérir certaines compétences en français avant d’être inclus dans votre
discipline ? »
En début de formation, la réponse généralement majoritaire est « oui ». Lorsque je
repose la même question à la fin d’une formation et que les réponses évoluent, c’est-à-dire
lorsque les enseignants comprennent que les élèves allophones bénéficient d’une inclusion
immédiate dans la plupart des disciplines indépendamment de leur niveau en français, j’ai le
sentiment que la formation a été efficace et que les pratiques pourront évoluer.
61 Cf. Annexe 13 (p53), Questionnaire stage EAA, (questionnaire distribué en amont d’une formation)
29
2. Les indicateurs relatifs à la réussite des élèves
Il est difficile de prétendre, en quelques lignes, pouvoir définir ce qu’est la réussite
d’un élève. Je vais donc limiter cette notion de « réussite » et la faire correspondre au cadre
des formations auxquelles j’ai fait référence dans les parties précédentes : Quels pourraient
donc être les indicateurs d’une inclusion réussie pour un élève allophone ?
Tout d’abord, pour être conforme aux points sur lesquels j’insiste lors des formations,
il faut observer ce qu’est le réseau de l’élève après quelques mois. L’élève en question est-il
capable de s’adresser au bon interlocuteur (infirmière, COP, vie-scolaire…) lorsqu’il en a
besoin ou passe-t-il toujours par le professeur de FLE comme intermédiaire ? quels élèves
fréquente-t-il dans la cour ou à la cantine, des camarades de sa classe d’inclusion ou des
camarades du groupe de FLE ? l’élève suit-il des activités proposées (UNSS…) ?
L’assiduité de l’élève est aussi un indicateur de l’efficience de l’inclusion.
Particulièrement si l’on compare son assiduité au cours de FLE et son assiduité dans les
disciplines d’inclusion. En effet, quelques élèves ne sont quasiment jamais absents en cours
de FLE mais ne fréquentent que très peu les disciplines d’inclusion bien qu’inscrites dans
son emploi du temps.
Si l’on s’intéresse maintenant aux bénéfices de l’inclusion relativement à l’acquisition
de compétences disciplinaires, les résultats des évaluations des élèves sont évidemment
des indicateurs pertinents pour les élèves qui ont été scolarisés antérieurement et dont les
objectifs sont semblables à ceux des autres élèves.
Pour les élèves inclus avec des objectifs de découverte disciplinaire (Cf. p 14), il est
pertinent de proposer des exercices liés à l’identification des disciplines, par exemple,
associer des images à des disciplines62. J’espère pouvoir développer ce type d’activité pour
percevoir ce qu’ont compris les élèves des différentes démarches disciplinaires en ciblant
davantage la réflexivité que les connaissances. Cela en m’inspirant des exercices présentés
par Lanoë, Lubin, Rossi dans leur article « Découvrir son cerveau pour mieux apprendre »63.
Dans ces activités, ils demandent à des élèves de primaire si, pour résoudre tel ou tel
problème, ils ont besoin de leurs mains, de leur cerveau, de leur imagination, de leurs yeux
ou d’autres choses. Nous pourrions imaginer de demander aux élèves allophones de faire
correspondre des images aux étapes des différentes démarches disciplinaires.
Enfin, l’amorce, l’avancement ou la réussite du projet d’orientation d’un élève
allophone est un indicateur essentiel de l’efficacité des modalités d’inclusion qui lui ont été
proposées. C’est pourquoi le suivi de cohorte est un outil important pour permettre de
questionner l’organisation de la prise en charge des élèves allophones.
62 Cf. Annexe 7 (p46), La représentation des disciplines 63 Lanoë, C., Lubin, A., Rossi, S. (2016). Découvrir son cerveau pour mieux apprendre.
Les Cahiers pédagogiques : Neurosciences et pédagogie (N°527, Février 2016). p39-40
30
BILAN ET PERSPECTIVES
Être formateur implique de s’investir à la fois sur la problématique de la formation
continue des enseignants mais aussi sur celle en faveur de la réussite de tous les élèves. En
effet le formateur doit mener une réflexion alliant ces deux aspects.
Pour permettre à un élève de s’épanouir à l’école et de progresser dans l’acquisition
de compétences, il faut faire en sorte qu’il soit acteur en classe et donc lui fixer des objectifs
réalistes. Ceci impose d’abord de se questionner sur ce qu’il sait faire, ses acquis, mais
aussi sur ses difficultés. Nous avons vu que les difficultés que peut rencontrer un élève
allophone sont à la fois liées à des compétences transversales mais parfois aussi à des
compétences qui apparaissent plus disciplinaires. Nous avons vu que si un certain niveau en
langue française, plus spécifiquement en français langue scolaire, facilite évidemment
l’accès aux activités disciplinaires, un élève allophone peut néanmoins profiter d’une
inclusion dans un maximum de disciplines. Et ce, même s’il découvre totalement une
discipline ou s’il débute en langue française.
Lors des formations sur l’inclusion des élèves allophones, la réussite de ceux-ci est
l’objectif principal. Mais ne constate-t-on pas au quotidien que les élèves en difficulté, qu’ils
soient allophones ou francophones, le sont principalement par leur manque de maîtrise des
compétences transversales telles que la langue ? J’ai expérimenté et constaté que des
pratiques conçues à l’origine pour répondre aux besoins des élèves allophones pouvaient
être bénéfiques à l’ensemble des élèves d’une classe ordinaire.
Les réflexions ou les formations qui ouvrent des pistes répondant à des besoins
spécifiques ont en réalité une visée plus large. En effet, les publics tels que les élèves
allophones, les élèves en situation de handicap ou autres, permettent de pointer et
d’analyser des difficultés que rencontrent, dans une moindre mesure sans doute, la plupart
des élèves de nos classes. Partager les expériences enrichit les pratiques quotidiennes de
tous les enseignants au service de tous les élèves. Les enseignants pourront ainsi mettre en
place des activités diversifiées, différenciées et adaptées aux besoins de chacun des élèves.
Le nouveau cadre que propose la réforme du collège est aussi un moyen d’appliquer cela.
Enfin, si j’ai expliqué dans ce mémoire les enjeux d’une action de formation liée à
l’inclusion des élèves allophones, il n’est pas envisageable de limiter la formation des
enseignants à une, voire quelques actions de formations sans continuité, et sans liens entre
elles. Une action de formation doit s’envisager dans un cadre global qui commence avec la
formation initiale et qui s’inscrit dans ce que l’on appelle aujourd’hui la formation tout au long
de la vie (FTLV). Tant que possible, une action de formation doit faire écho à d’autres
domaines de formations, que ce soit sur le numérique, sur l’approche par compétences ou
autres. La formation continue est principalement là pour nous rappeler, à nous, formateurs et
enseignants, qu’il faut en permanence questionner nos pratiques, sans hésiter à élargir le
cadre de nos problématiques, pour rester au plus près des besoins de nos collègues
stagiaires, de nos élèves et de leurs évolutions.
« Tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » 64, à nous,
enseignants et formateurs de nous saisir de cette réalité.
Le chemin est long, mais passionnant…
64 Code de l’éducation, article L111-1, modifié par LOI n°2013-595 du 8 juillet 2013 - art. 2
31
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
Avrillier, M. & Cornu, G. (2014). Entrer dans la langue par les disciplines non linguistiques :
l’exemple des sciences. Cherqui, G. & Peutot, F., Inclure : français langue de scolarisation et
élèves allophones. Paris : Hachette FLE, pp.143-156.
Cherqui, G. & Peutot, F. (2014). Inclure : français de scolarisation et élèves allophones.
Paris : Hachette FLE.
Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A. & De Léonardis, M. (2016). Dix années de
politique inclusive à l’école : quel bilan ?Carrefours de l’éducationn°42, novembre 2016), pp.
215-239.
Chomentowski, M. (2009). L’échec scolaire des enfants de migrants. Paris : L’Harmattan
Cornu, G. (2014). L’apprentissage conjoint du français et des concepts disciplinaires. Lire au
lycée professionnel n°74, juin 2014). Repéré à l’adresse :
http://www.educ-revues.fr/LLP/ListeResultats.aspx?idAuteur=32357
Cornu, G. (2016). Raisonner, une affaire de langue ? Les Cahiers pédagogiques : créer et
expérimenter en sciences et technologie n°°533, Décembre 2016, Pp.51-52.
Cuq, J.-P., (2013). Une introduction à la didactique de la grammaire en français langue
étrangère. Paris : Didier.
Lanoë, C., Lubin, A., Rossi, S. (2016). Découvrir son cerveau pour mieux apprendre.
Les Cahiers pédagogiques : Neurosciences et pédagogie n°527, Février 2016,pp.39-40.
Rafoni, J.-C.(2000). Maths sans paroles. Paris : CRDP Versailles.
Vigner, G. (2006). Enseigner le français comme langue seconde. Paris : CLE International
Centre Alain Savary, IFé. Une formation continue des enseignants aujourd’hui.
Repéré à l’adresse :
http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/nouvelles-professionnalites/formateurs/une-
formation-continue-des-enseignants-aujourdhui
32
Circulaire (n° 2012-141 du 2-10-2012). Organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés.Repérée à l’adresse : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=61536
Circulaire académique élèves allophones nouvellement arrivés, (15-01-2013).Repérée à
l’adresse :
http://www.ac-grenoble.fr/casnav/accueil/public/Circ_CASNAV15-01-13_annexes.pdf
Eduscol. Evaluer la maîtrise du socle commun aux cycles 2, 3 et 4.
Documents d’accompagnement pour l’évaluation (cycle 2, 3 et 4).
Repéré à l’adresse :
http://eduscol.education.fr/cid103803/evaluer-la-maitrise-du-socle-commun-du-cycle-2-au-
cycle-4.html
Eduscol. Ressources pour l’accueil et la scolarisation des élèves allophones nouvellement
arrivés.
Témoignages vidéo et livrets d’accueil bilingues.
Repéré à l’adresse :
http://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-pour-les-eana.html
33
SIGLES ET ABREVIATIONS
EAA : Elèves Allophones Arrivants
CASNAV : Centre Académique pour la Scolarisation des enfants allophones
Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs
IFE : Institut Français de l’Education
MGIEN : Mission Générale d’Insertion de l’Education Nationale
MLDS : Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire
UPE2A : Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants
NSA (élève NSA) : Non Scolarisé Antérieurement
ONISEP : Office National d’Information Sur les Enseignements et les Professions
CIO : Centre d’Information et d’Orientation
AFFELNET : Affectation des Elèves par le Net
LSUN : Livret Scolaire Unique Numérique
FLE : Français Langue Etrangère
FLS : Français Langue Seconde
FLSco : Français Langue de Scolarisation
FOS : Français sur Objectifs Spécifiques
ESPE : Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education
34
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Exercices de physique proposés dans un manuel scolaire en Serbie ............... p. 11
Figure 2 : Niveaux de formulation, exemple de la bissectrice ........................................... p. 17
Figure 3 : La représentation des disciplines ...................................................................... p. 18
Figure 4 : Liens entre tâches et consignes ....................................................................... p. 23
35
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1. Tableau du contenu à proposer en amont d’une action de formation p. 37
Annexe 2. Extrait du livret d’accueil en langue Romani p. 38
Annexe 3 : Protocole pour le premier accueil d’élèves allophones en établissement p. 39
Annexe 4 : Intitulés des formations pilotées par le Casnav p. 43
Annexe 5 : Tableau des profils et des objectifs d’inclusion p. 44
Annexe 6 : Activité, travailler le raisonnement et la langue p. 45
Annexe 7 : La représentation des disciplines p. 46
Annexe 8 : Fiche de transmission « exigences » p. 47
Annexe 9 : Consignes en histoire-géographie p. 48
Annexe 10 : Consignes en mathématiques p. 49
Annexe 11 : Consignes en français p. 50
Annexe 12 : Fiche de mise en activité sur un document p. 51
Annexe 13 : Questionnaire stage EAA p. 53
36
37
ANNEXE 1
Tableau du contenu à proposer en amont d’une action de formation
Points à proposer en stage établissement et propositions d’ateliers :
Thème Supports Ateliers possibles
De l’arrivée en France à
l’affectation
Le bilan CIO
et le positionnement
Bilan CIO exemple
Les UPE2A dans l’agglo
12h + 3h + 3h
Les droits 1 année ou 1+1 année
Circulaire académique / ministérielle
De l’affectation à la classe
d’inclusion
L’accueil en établissement :
Importance de J0 et de l’implication des
divers personnels (PP/AS/Infirmerie…)
Matériel, cantine, bus
Protocole d’accueil
Les livrets bilingues
La traduction ADATE/Ressources
établissements
Adapter le protocole, le penser aussi pour les
arrivées en cours d’année.
Une expérimentation :
La semaine d’inclusion
Profils des élèves et conception de
l’edt.
http://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-
pour-les-eana.html
Les choix d’edt et des disciplines
spécifiques
Le profil des élèves Liste des élèves UPE2A ou +1 de l’étab Fixer des exigences de langue et de cycle
pour chacun des élèves (différenciation)
En cours de FLE/FLS Le cours de FLE/FLS Par l’enseignant de FLE der l’étab.
Doc Lien palier-CECRL
Le CECRL et le DELF DELF et descripteurs
Les difficultés des élèves
Et pistes de différenciation
Objectifs partagés
Et harmonisation des
exigences en langue
Difficultés de langue
Diaporama,
Documents et activités liées :
- Fiche exigence/cycle
- Fiche présenter un doc
- Affiche consignes
- Projet gr pluri
Adaptation de l’un des outils :
- Fiche exigence
- S’approprier un doc
- Affiche ou travail sur les consignes
Difficultés disciplinaires Adapter une séance en fonction des profils et
l’évaluer. Différenciation
Evaluation formative
L’évaluation sommative et
l’orientation
CFG, DBN Pro Grilles CFG
Dossiers SEGPA, GevaSco Dossiers
38
ANNEXE 2
Extrait du livret d’accueil en langue romani
http://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-pour-les-eana.html
39
ANNEXE 3
Pour le premier accueil d’élèves allophones arrivant
dans un établissement du 2nd degré
40
41
42
43
ANNEXE 4
Intitulés des formations proposées par le CASNAV
(Stages à inscriptions individuelles ou à public désigné)
ACTION PUBLIC VISE
PRISE EN CHARGE DES ALLOPHONES EN LP Intercatégoriel
POSITIONNEMENT ET ORIENTATION
ALLOPHONES
CIO
CONSTRUIRE UNE SEQUENCE EN
ALPABETISATION
Enseignants FLS ou de classe ordinaire
ENSEIGNER EN PETITS MODULES Enseignants FLS
LA GRAMMAIRE EN QUESTION Enseignants FLS ou de classe ordinaire
CONSTRUIRE UN SCENARIO EN FLS Enseignants FLS
FAIRE PROGRESSER LES EANA EN
FRANÇAIS ECRIT
Enseignants FLS ou de classe ordinaire
PARCOURS SCOLAIRES POUR LES ELEVES
ALLOPHONES
COP, enseignants FLS ou PP
GROUPE DE TRAVAIL PLURIDISCIPLINAIRE Enseignants et formateurs
GROUPE DE TRAVAIL EFIV Intercatégoriel
GROUPE DE TRAVAIL ECOLE ET PRECARITE Intercatégoriel
PRISE EN CHARGE DE LA PRECARITE
SOCIALE
Intercatégoriel
FORMATION CONSEILLERS PEDAGOGIQUES CP 1er de gré
ACCUEILLIR DES ELEVES ITINERANTS ET
VOYAGEURS
Enseignants 1er degré
TRAVAIL EN EQUIPE EN ECOLE Enseignants 1er degré
OMAPPROCHE PLURILINGUE POUR
APPRENDRE
Tous publics
DEMARCHE DE PROJET POUR INCLURE LES
ELEVES ALLOPHONES
Enseignants FLS ou classe ordinaire
DIFFERENCIER DANS UNE ECOLE
INCLUSIVE
Intercatégoriel
MISSION MEDIATION SCOLAIRE Tous publics
REUNION DE FORMATEURS FLS Formateurs
Nous pouvons ajouter à cette liste les formations demandées par des établissements.
J’ai animé, en 2016-2017, des formations « inclusion EAA » dans les établissements
suivants :
- Cité scolaire Roumanille Barjavel (Nyons-26)
- Collège Fantin-Latour (Grenoble – 38)
- Collège Fernand Léger (Grenoble – 38)
- Collège Lucie Aubrac (Grenoble- 38)
44
ANNEXE 5
Tableau des profils et des objectifs d’inclusion
45
ANNEXE 6
Activité, travailler le raisonnement et la langue
Parmi les 4 propositions suivantes choisissez celle qui correspond à ce que peut dire le personnage
de l’image n°1 et celle qui correspond à ce que peut dire le personnage de l’image n°2 :
a. Il fait froid donc la neige fond.
b. Il fait chaud donc la neige fond.
c. La neige fond donc il fait chaud.
d. La neige fond donc il fait froid.
Image 1
Image 2
46
ANNEXE 7
La représentation des disciplines
47
ANNEXE 8
Fiche de transmission « exigences »
Nom :……………………………………. Prénom :…………………………………
Prise de note Sous la dictée Ne peut pas
écrire du tout
sous la dictée
Peut écrire un
mot sous la
dictée (en
phonétique)
Peut écrire une phrase simple si elle
est dictée lentement et clairement
(en phonétique, ou fortement
influencé par langue d’origine)
Peut écrire une phrase simple lue
normalement mais répétée (en
respectant les règles simples de
grammaire Cf. Prod écrite)
Ce que l’on peut
exiger
Ce qui est au tableau Ne peut pas
écrire
Ne peut recopier que
les titres et a besoin
de temps.
Recopie les titres et
quelques mots avec du
temps.
Recopie les titres,
quelques mots et un
bilan simplifié ou
court avec du temps
A besoin de temps
pour recopier tout
ce qui est au
tableau
Arrive à gérer ce qui doit être
recopié, en s’appuyant
éventuellement sur le voisin
Ce que l’on peut
exiger
Participation
orale
Lecture d’une
consigne à voix haute
Ne sait pas lire. Déchiffre très
lentement avec de
l’aide.
Déchiffre sans fluidité. Peut lire lentement une
consigne à voix haute.
Peut lire une
consigne à voix
haute.
Ce que l’on peut
exiger
Réponse à une
question orale
Est débutant
complet en
français
Peut répondre à des
questions simples le
concernant (nom,
prénom…)
Peut répondre à une question
simple du cours si le vocabulaire
est courant et que des réponses
sont proposées.
Ce que l’on peut
exiger
Production
écrite
N'est pas
scripteur.
Peut écrire quelques
mots en phonétique
Peut écrire des phrases
simples au présent.
Connait le principe
des accords nom/adj.
Peut écrire des phrases simples
en essayant de conjuguer dans
différents temps..
Ce que l’on peut
exiger
Document collège Münch, M. Avrillier, G. Cornu (2014)
48
ANNEXE 9
Consignes en histoire-géographie
Document du groupe de travail pluridisciplinaire (CASNAV de Grenoble 2015)
49
ANNEXE 10
Consignes en mathématiques
Document du groupe de travail pluridisciplinaire (CASNAV de Grenoble 2015)
50
ANNEXE 11
Consignes en français
Document du groupe de travail pluridisciplinaire (CASNAV de Grenoble 2015)
51
ANNEXE 12
Fiche de mise en activité sur un document
Description du document
Que vois-tu ?
Oui ? Non ? Quoi ? Lesquels ?
Je vois des dates.
Je vois des noms propres.
Je vois des couleurs.
Je vois des flèches.
Je vois des paysages.
Je vois des personnages.
Je vois des chiffres ou des
nombres.
Je vois des formes géométriques.
Je vois des dessins.
Je vois d’autres choses.
Surligne ce qui est important.
52
Quelle est la nature du document ?
□Texte □Photo □Graphique □Carte □Schéma □Dessin □tableau de données □Affiche □Couverture
(livre, revue)
Quel est le titre du document ?
D’où vient le document (source) ?
Qui est l’auteur ?
De quand date le document ?
Où peut-on trouver ce document ?
Document du groupe de travail pluridisciplinaire (CASNAV de Grenoble 2014)
Demande au professeur la boite à mots :
Range les mots de la boite dans le tableau
Utilise les mots de la boite pour expliquer le document :
De quoi parle le document (sujet) ?
53
ANNEXE 13
Questionnaire stage EAA
Questionnaire – Stage « inclusion des élèves allophones »
Discipline enseignée.
Une question, une attente liée au stage.
De manière générale, connaissez-vous la
langue maternelle de vos élèves
allophones ?
Comment avez-vous les informations qui
concernent vos élèves allophones ?
(Langues, parcours scolaire, lieu de vie…)
Un mot du lexique spécifique à votre
discipline.
Proposez 2 ou 3 termes « génériques »
qui pourraient correspondre au mot
spécifique que vous avez choisi.
-
-
-
Selon vous, un élève qui ne parle pas du
tout français doit-il être inclus dans votre
discipline dès son arrivée ?
Oui, dès le premier jour.
Il doit d’abord acquérir un minimum de bases en français.
Il est préférable qu’il suive d’abord des cours intensifs de
français afin de pouvoir comprendre ce que l’on fait.