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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 639 EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1979 a 1990) LES SOCI:ETES COMMERCIALES (*) (suite) PAR PIERRE vAN 0MMESLAGHE PROFESSEUR ORDINAIRE A L'UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES ET XAVIER DIEUX MAiTRE DE CONFERENCES A L'UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES TABLE DES MATIERES DE LA DEUXIEME PARTIE CHAPITRE V. - LES SOClETES ANONYMES SECTION 1 re. - LE CAPITAL SOCIAL ET LES TITRES EMIS PAR LA SOCIETE § 1 er. -Formation du capital social- Generalites 62. Capital social insuffisant. - Responsabilite des fondateurs. (*) Le premiere partie de cette chronique est parue dans cette Revue, 1992, p. 573 a 705. R.O.J.B. - 4e trim. 1993

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 639

    EXAMEN DE JURISPRUDENCE

    (1979 a 1990)

    LES SOCI:ETES COMMERCIALES (*)

    (suite)

    PAR

    PIERRE vAN 0MMESLAGHE

    PROFESSEUR ORDINAIRE

    A L'UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

    ET

    XAVIER DIEUX

    MAiTRE DE CONFERENCES

    A L'UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

    TABLE DES MATIERES DE LA DEUXIEME PARTIE

    CHAPITRE V. - LES SOClETES ANONYMES

    SECTION 1 re. - LE CAPITAL SOCIAL ET LES TITRES EMIS PAR LA SOCIETE

    § 1 er. -Formation du capital social-Generalites

    62. Capital social insuffisant. - Responsabilite des fondateurs.

    (*) Le premiere partie de cette chronique est parue dans cette Revue, 1992, p. 573 a 705.

    R.O.J.B. - 4e trim. 1993

  • 640 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELG E

    § 2. - Les souscriptions et les apports

    63. Souscriptions de complaisance.- Inapplication de !'article 35 des lois coordonnees.

    64. Apport en nature denue de toute valeur et apport surevalue.- Appli-cation de !'article 35, 2° des lois coordonnees sur les societes commer-ciales.

    65. Annulation d'une souscription du chef de dol ou d'erreur substan-tielle- Opposabilite ala societe et aux tiers.

    66. Controle revisoral des apports en nature et secret professionnel.

    67. Apports en numeraire. - Disposition du compte special prevu par I' article 29bis des lois coord.

    § 3. - L'augmentation du capital social

    68. Determination des elements essentiels de !'augmentation de capital.

    69. Augmentation de capital. -Repartition des competences entre l'as-semblee generale et le conseil d'administration.

    70. Capital autorise. - Apports en nature.

    71. Capital autorise (suite.) -Mobiles du conseil d'administration.

    72. Capital autorise (suite). - Regles de forme.

    73. Droit de souscription preferentielle des actionnaires. - Principe. -Sort des droits non exerces.

    74. Suppression ou limitation· du droit de souscription preferentielle.

    75. Derogation au droit de souscription preferentiel (suite). - Justifica-tion par le conseil d'administration. -Sanctions.

    76. Derogation au droit preferentiel de souscription (suite).- Rapport du commissaire.

    77. Capital autorise et derogation au droit de preference. - Sanctions de la violation des regles de forme. - Regularisation.

    78. Droit de souscription preferentiel (suite). - Mesures complemen-taires. - Solutions de substitution. -.Droit de priorite.

    79. (Suite)- Emission d'actions en faveur du personnel.- Justification du prix de !'emission.

    80. Emission d'actions en faveur du personnel par incorporation de reserves au capital social.

    81. La prime d'emission.

    82. Prescription de !'action en responsabilite fondee sur !'article 35 des lois coord.

    § 4. -La reduction du capital social

    83. Reduction du capital social par apurement des pertes.- Contenu de la convocation de l'assemblee generale.

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 641

    84. Reduction de capital par remboursement aux actionnaires ou par dis-pense de liberation des apports.

    85. (Suite). - Surete requise par un creancier- Creance sub judice.

    86. Reduction de capital et simulation en droit fiscal.

    § 5. - Les participations croisees

    87. Les participations croisees. - Principes.

    88. Participations croisees (suite). -Applications. - Societes unies par un lien de filiation.

    89. Participations croisees. -Applications. - Societes independantes.

    § 6. - Les actions

    A. - Forme des actions

    90. Actions nominatives . - Etablissement de leur propriete.

    91. Actions au porteur non encore imprimees. - Opposabilite aux tiers de leur cession.

    92. Conversion des actions au porteur en actions nominatives.

    B. - Obligations et droits de l'actionnaire

    93. Liberation des actions et compensation apres la faillite de la societe.

    94. Dividende

  • 642 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    104. Exercice de !'agrement. - Motifs. - Prise en consideration de !'inte-ret social. -Article 60.

    105. Mise en reuvre de la clause d'agrement en cas d'OPA.

    3. - Les cessions de controle.

    106. Cession privee de participations de controle.- Portee des recomman-dations de la Commission bancaire sous le regime ancien.

    107. Cession de participations de controle (suite). -Regime nouveau. -Notions de controle et de controle conjoint.

    108. Cession de participations de controle (suite).- Obligations en cas de modification du controle.

    109. Regime nouveau des cessions de controle (suite).- Determination du

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 643

    122. Mesures de defense anti-OPA (suite).- La > et !'interet social.

    123. Les conflits d'interets (article 60).

    124. Abus de majorite au sein du conseil d'administration. -Decision non conforme a !'interet social. - Principes.

    125. Definition de !'interet social. - Principes. - L'interet social defmi comme etant !'interet de l'entreprise.

    126. Suite. - L'interet social defmi comme etant !'interet des action-naires. -La theorie des devoirs fiduciaires envers les actionnaires.

    § 3. -La gestion journaliere

    127. Administration et gestion journaliere. - Distinction.

    § 4. -La responsabilite des administrateurs

    128. Responsabilite des administrateurs. - Articles 62 des lois coord., 1382 et 1383 du Code civil.

    129. Responsabilite des administrateurs en cas de faillite. -Article 63ter des lois coordonnees.

    130. Administrateur de fait.

    131. La decharge.

    132. Exercice de !'action en responsabilite en cas de faillite de la societe.

    SECTION 3.- L'ASSEMBLEE GENERALE

    133. Ordre du jour.

    134. Absence de publication de la convocation dans un organe de presse regional. - Sanction.

    135. Acces a l'assemblee generale.- Depot prealable des titres.- Exclu-sion irreguliere d'un actionnaire. - Sanctions.

    136. Acces a l'assemblee generale. 137. Vote. -Article 200 lois coord.

    138. Absence du rapport du commissaire prealablement a la modification de l'objet social.

    139. Assistance d'un avocat a l'assemblee generale. 140. Lieu de l'assemblee.

    141. Homologation des decisions emportant modification des droits respec-tifs des categories d'actions.

    142. Pactes de votation.

    143. Abus commis par l'actionnaire dans l'exercice de son droit de vote.-Abus de majorite. - Caractere intentionnel de l'abus.

    144. Abus de minorite. - Principes.

    145. Abus de minorite (suite).- Sanction.

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  • 644 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    SECTION 4. - LES COMMISSAIRES

    146. Designation des commissaires.- Consultation du conseil d'entreprise.

    147. Revocation du commissaire. - Justes motifs.

    148. Responsabilite des commissaires.

    149. Duree du mandat. -Droit transitoire.

    SECTION 5. - LES COMPTES SOCIAUX

    150. Rectification d'un bilan approuve par l'assemblee generale.

    151. Approbation du bilan et des comptes.- Effets sur la validite des ope-rations qui y sont constatees.

    CHAPITRE V. - LES SOClETES ANONYMES

    SECTION lre.- LE CAPITAL SOCIAL ET LES TITRES EMIS pAR LA SOCIETE

    § 1 er. -Formation du capital social-Gene ralites

    62. CAPITAL SOCIAL INSUFFISANT. - RESPONSABILITE DES FONDATEURS. - La jurisprudence a precise, en matiere de societes anonymes comme en matiere de societes privees a res-ponsabilite limitee (infra), certaines conditions de la responsa-bilite speciale qui est susceptible de peser sur les fondateurs, lorsque la societe est declaree en faillite dans les trois ans de sa constitution et qu'il apparait que le capital etait, > (P. CoPPENS et Fr. T'KINT, >, cette Revue, 1991, p. 483, n° 87).

    Comme l'enonce expressis verbis, !'article 35, 6° des lois coord., c'est au moment de la constitution de la societe qu'il faut se placer pour apprecier si le capital social presentait un carac-tere manifestement insuffisant et cette appreciation doit por-ter sur tousles parametres pertinents eu egard au contexte de l'epoque et a l'objet que les fondateurs se proposaient d'ex-ploiter. II ne suffit pas de constater a posteriori que les acti-vites ont ete deficitaires, des l'origine ou apres une premiere periode de prosperite, ni que le plan fmancier dresse en appli-

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    cation de !'article 29ter etait sommaire, pour que la mise en reuvre de la responsabilite des fondateurs se justifie (comm. Bruxelles, 8 avril 1986, R.P.S., 1986, p. 166. - 28 janvier 1986, R.P.S., 1986, p. 260).

    Suivant un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 14 fevrier 1983 (R.P.S., 1983, p. 326), une > de faute pese sur les fondateurs lorsque les conditions de l'article 35, 6° sont etablies. Plus exactement a notre avis, le caractere manifestement insuffisant du capital social implique une imprevoyance fautive de la part des fonda-teurs, sans que l'on doive parler de presomption de faute.

    Dans cette mesure, l'article 35, 6° constitue une application du droit commun de la responsabilite civile, etant entendu que, particulierement en matiere economique, toute erreur d'appreciation n'est pas en soi constitutive de faute (VANRYN et DIEUX, , R.P.S., 1989, p. 93, specialement p. 102 et 111. - Infra, nos 128 et suiv.). L'ar-ticle 35, 6° le confirme in terminis, lorsqu'il enonce que l'insuf-fisance du capital n'est reprehensible que si elle est (< mani-feste >>, faisant ainsi implicitement reference a la theorie de !'appreciation marginale, devenue classique dans notre droit depuis une celebre etude du regrette Professeur Ronse ( >, T.P.R., 1977, p. 207. -Examen, 1981, p. 383, no 62).

    Cette disposition n'en demeure pas moins derogatoire au droit commun de la responsabilite civile, du point de vue de la determination du dommage reparable, du lien de causalite qui doit normalement exister entre la faute et le prejudice alle-gue par la victime de celle-ci, ainsi que des modalites de la reparation.

    D'une part, les fondateurs fautifs sont personnellement et >, alors que le droit commun impose la reparation integrale du dommage, en principe sans solidarite entre les coauteurs de la faute, sous reserve de la res-ponsabilite in solidum ou solidaire decoulant de la commission d'une faute commune ou de fautes concurrentes (VAN 0MME-SLAGHE, (< Developpements recents de la responsabilite civile

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  • 646 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    professionnelle en matiere economique >>, in L'evolution recente du droit commercial et economique (1978), p. 7 specialement, n° 10).

    D'autre part, Ia preuve d'une relation causale- au sens de Ia theorie de I' equivalence des conditions telle que Ia Cour supreme continue a l'appliquer - entre l'imprevoyance des fondateurs et Ia situation deficitaire de Ia societe, n'est pas requise (Sur le droit commun en Ia matiere, voy. not. cass., 22 fevrier 1990, Pas., 1990, I, 729 et cass., 8 decembre 1983, R.G.A.R., 1985, no 10862, avec les conclusions de M. le Procu-reur general, alors avocat general Velu).

    De plus, !'action en responsabilite contre les fondateurs n' est possible qu 'en cas de faillite de Ia societe dans les trois ans de sa constitution. Par arret du 7 mars 1986 (Pas., 1986, I, 862), Ia Cour de cassation en a deduit que >, et que , conformement a !'ar-ticle 574, 2° du Code judiciaire (Voy. aussi, en matiere de societes privees a responsabilite limitee : cass., 12 janvier 1988, Pas., 1988, I, 695. - Gand, 23 mars 1990, R.D.C.B., 1991, p.59).

    Appliquant l'enseignement du celebre arret de Ia Cour de cassation du 12 fevrier 1981 concernant Ia competence du curateur pour l'intentement de toute action en reparation(< des dommages causes par la faute de toute personne qui a eu pour effet d 'aggraver le passif de la fa illite ou d 'en diminuer l 'actif >> (cette Revue, 1983, p. 5 et Ia note J. HEENEN), Ia Cour d'appel de Bruxelles a decide que l'action en responsabilite fondee sur !'article 35, 6° appartient au curateur (16 mars 1989, T.R. V., 1990, p. 448). Toutefois, lorsque Ia faillite est cloturee, tout creancier interesse recouvre Ia possibilite d'agir individuelle-ment contre les fondateurs (comm. Bruxelles, 14 fevrier 1983, precite).

    Independamment de Ia responsabilite speciale qu'edicte !'ar-ticle 35, 6°, l'insuffisance manifeste du capital a Ia constitution

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    de la societe, est egalement exclusive de la bonne foi requise pour !'obtention d'un concordat judiciaire (article 2 des lois coord. sur le concordat judiciaire). Cette solution classique (voy. P. CoPPENS,

  • 648 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    les societl~s commerciales au cas ou un apport en nature est denue de toute valeur.

    Il s'agit d'une hypothese distincte de la surevaluation mani-feste de l'apport, visee par l'article 35, 4° depuis la loi du 30 juin 1961. La circonstance que l'apport en nature est depourvu de toute valeur implique que le capital n'est en rea-lite pas integralement souscrit, en sorte que la responsabilite des fondateurs, ou des administrateurs en cas d'augmentation de capital, decoule de l'article 35, 2°.

    C'est ce que la Cour d'appel d' Anvers avait mis en lumiere, dans un arret du 13 septembre 1976 (R.P.S., 1976, p. 131.-Examen, 1981, p. 308, no 49), statuant sur renvoi, apres cassa-tion d'un arret de la Cour de Bruxelles qui avait malencon-treusement confondu les deux situations, pour exempter de toute responsabilite les fondateurs d'une societe a laquelle un apport depourvu de toute valeur avait ete fait, au motif que }'operation avait ete realisee avant l'entree en vigueur de la loi precitee du 30 juin 1961 (4 decembre 1968, Pas., 1969, II, 38. - Cass., 2 octobre 1970, Pas., 1971, I, 92. - Examen, 1973, p. 385, no 33). La Cour supreme a rejete a juste titre le pourvoi dirige contre la decision de la Cour d'Anvers. (Exa-mens precites).

    L'arret rappelle en outre que la figure juridique de la trans-formation n'existait pas comme telle dans notre droit, avant son organisation par la loi du 23 fevrier 1967, en sorte que la pretendue transformation d'une S.P.R.L. en societe anonyme impliquait la dissolution de la premiere et la constitution d'une nouvelle societe, - operation soumise aux articles 34 et 35 des lois coordonnees sur les societes commerciales (Sur la transformation, voy. VAN 0MMESLAGHE, ·

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 649

    souscription a la societe, ou, en cas de faillite de celle-ci, au curateur qui reclame la liberation de !'apport.

    L'article 52 des lois coordonnees sur les societes commer-ciales, selon lequel >, cette Revue, 1980, p. 87, n° 25).

    Nous ne pouvons suivre cet auteur.

    Sans doute !'article 1116 du Code civil se trouve-t-il compris dans le titre du Code civil intitule , mais - comme il resultait d'ailleurs du libelle de la seconde branche du moyen soumis a la Cour de cassation - le dol dans les actes unilateraux trouve pareillement son fondement legal dans cette disposition. Plus generalement, de nombreuses regles regissant les actes unilate-raux trouvent leur origine dans les dispositions du Code civil concernant les contrats, a defaut pour les auteurs de ce Code

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  • 650 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    d'avoir reglemente la matiere de maniere autonome (MARTIN DE LA MouTTE, op. cit., no 210).

    Le moyen n'invitait au demeurant pas la Cour a se pronon-cer sur cette question, car si le dol viciant un engagement par volonte unilaterale peut etre oppose au beneficiaire de !'enga-gement, quoique ce dernier ne soit pas lui-meme l'auteur des manceuvres reprehensibles, il en est a fortiori ainsi lorsque le dol lui est imputable. De plus, l'arret ne se prononce pas sur la seconde branche du moyen comme telle.

    Il ne nous parait done pas permis d'attribuer a l'arret la portee que Mme Wij ckaert lui prete.

    Bien entendu, en cas de dol ou d'erreur substantielle, le souscripteur ne peut demander que la nullite de sa propre souscription et il n'a pas de titre a postuler l'annulation d'une autre souscription, au motif qu'il aurait commis une erreur sur la consistance, - ou a fortiori sur la valeur (26) - de I' apport promis par un autre souscripteur. La Cour d'appel de Bruxelles nous parait avoir perdu de vue cette regle dans un arret du 13 mars 1984 (R.D.C., 1987, p. 330).

    Dans cette espece la nullite de l'apport en nature d'un ter-rain, promis par un fondateur, etait poursuivie au nom de la societe et des autres fondateurs qui pretendaient avoir ete vic-times d'une erreur sur la valeur du terrain en cause(>). L'arret rejette cette demande, mais sur la base de considerations de fait propres a l'espece etablissant que tous les fondateurs etaient conscients du caractere speculatif de la valeur attribuee au terrain apporte, en sorte qu'aucun d'eux ne pouvait pretendre avoir ete abuse.

    On n'aper

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 651

    L'opposabilite aux tiers de l'annulation d'une souscription pour vice de consentement a egalement ete discutee, comme Mme Wijckaert le rappelle (op. cit., no 6). Mais elle ne nous parait pas contestable, des lors que les lois coordonnees sur les societes commerciales ne derogent pas a cet egard au droit commun (VANRYN, t. rr, peed., n° 534).

    66. 00NTROLE REVISORAL DES APPORTS EN NATURE ET SE-CRET PROFESSIONNEL. - Suivant }'article 27 de la loi du 22 juillet 1953 creant l'Institut des reviseurs d'entreprises, les reviseurs d'entreprises sont tenus au secret professionnel pena-lement sanctionne par !'article 458 du Code penal. Cette obli-gation au secret ne s'applique toutefois pas aux renseigne-ments ou aux faits dont ils acquierent la connaissance a !'occa-sion de I' exercice de leurs fonctions, dans les cas > : article 27 precite dans sa redac-tion anterieure ala loi du 21 fevrier 1985 relative ala reforme du revisorat d'entreprises (R.P.D.B., Compl. t. VI, vo Ordres et I nstituts profession nels).

    La Cour de cassation a rappele cette exception, dans une espece ou il avait ete reproche a un reviseur d'entreprises, agissant en qualite d'expert judiciaire charge de l'etablisse-ment d'un rapport dans des procedures de concordat judiciaire et de faillite dont une societe avait fait l'objet, d'avoir fait etat de renseignements recueillis anterieurement par lui a I' oc-casion d'une mission de revision des apports en nature, accom-plie sur la base de !'article 29bis des lois coordonnees sur les societes commerciales (26 janvier 1983, Pas., 1983, I, 620). La publicite du rapport dresse par le reviseur d'entreprises en vertu de cette disposition implique qu'il >.

    Ces principes, que consacre aussi !'article 458 du Code penal, restent d'application aujourd'hui, en depit des modifications que la loi reformant le revisorat d'entreprises a apportees a !'article 27 precite (Sur cette reforme, voy. J. VAN RYN, (>, Ann. Fac. Dr. Liege, 1985, p. 7.- H. OLIVIER, (>, ibid., p. 33).

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  • 652 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    67. APPORTS EN NUMERAIRE. - DISPOSITION DU COMPTE SPECIAL PREVU PAR L'ARTICLE 29BIS DES LOIS COORD.- Selon !'article 29bis des lois coordonnees sur les societes commer-ciales, ceux qui feront ala societe un apport en numeraire doi-vent, prealablement ala constitution de la societe, deposer la somme qu'ils devront liberer dans un compte special ouvert aupres d'un des organismes vises a I' article 1 er de !'arrete royal no 56 du 10 novembre 1967 favorisant l'usage de la monnaie scripturale.

    Ce compte special, ouvert au nom de la societe a constituer et non point au nom du souscripteur debiteur de !'apport, (( doit etre ala disposition exclusive>> de celle-ci et il est, comme tel, independant des autres relations que ces futurs souscrip-teurs entretiennent le cas echeant avec l'organisme deposi-taire. Ce dernier ne peut done pas s'opposer ala liberation des fonds au profit de la societe en invoquant ses droits de crean-cier gagiste sur les actions a emettre en remuneration de !'ap-port, en raison d'un credit octroye a une autre societe avec la garantie personnelle des souscripteurs debiteurs de !'apport en cause.

    C'est ce qu'a decide, a juste titre, le president du tribunal de commerce de Gand siegeant en refere, par une ordonnance du 10 novembre 1982, soigneusement motivee en outre sur la question de l'etendue des pouvoirs du juge des referes relatifs a !'appreciation du fond de la contestation qui est a l'origine de sa saisine (R.D.O., 1984, p. 148).

    § 3. - L 'augmentation du capital social

    68. DETERMINATION DES ELEMENTS ESSENTIELS DE L' AUG-MENTATION DE CAPITAL. - Dans son Rapport pour l'exercice 1981-1982 (p. 63), la Commission bancaire a considere que, si le contexte du marche ne permet pas d'indiquer dans les convocations a l'assemblee generale le prix de souscription des actions nouvelles a emettre dans le cadre d'une augmentation de capital par souscriptions publiques, meme a l'interieur d'une fourchette, ni la proportion dans laquelle les action-naires pourront exercer leur droit de souscription preferentiel, le conseil d'administration doit determiner ses propositions a

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 653

    cet egard quelques jours au moins avant l'assemblee gEmerale, dans un rapport special qui doit etre rendu public.

    II faut - enonce la Commission - que toute incertitude soit levee le plus tot possible pour que le vote des actionnaires soit exprime en pleine connaissance de cause. Mais la formule acceptee alors par la Commission preterait aujourd'hui le flanc a la critique, eu egard a !'article 73, al. 6, nouveau des lois coord., selon lequel >. Tousles elements essentiels de la decision a prendre doi-vent dorenavant figurer dans la convocation.

    Suivant !'ordonnance rendue par le president du tribunal de commerce de Bruxelles le 9 fevrier 1988 (supra, no 71), une augmentation de capital sous le regime du capital autorise est entachee d'irregularite, si le conseil d'administration prend la decision d'augmenter le capital de la societe, a concurrence d'un montant maximum a determiner ulterieurement par un administrateur et par le secretaire general, mandates a cette fin, sur la base des souscriptions recueillies.

    Cette fa

  • 654 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    Le systeme general de la societe anonyme ne l'exige pas davantage, ainsi qu'en temoigne I' article 34, § 5 en matiere de souscription publique. II faut, mais il suffit, que le montant de !'augmentation du capital social soit determine, au plus tard a la date de sa realisation effective, sur la base des criteres objectifs fixes par l'assemblee generale, ou, dans le regime du capital autorise, par le conseil d'administration.

    Quant au nombre des actions a emettre, sa determination definitive peut pareillement etre confiee aux soins de ceux qui sont charges de mettre a execution !'augmentation du capital que decrete l'organe competent, selon des criteres objectifs a fixer par ce dernier. Telle est !'opinion que, sous reserve d'une verification que le bon fonctionnement du marche ne s'en trouve pas perturbe, la Commission bancaire a consacree, a propos d'une augmentation de capital que l'assemblee generale se proposait de decreter en faveur du personnel de la societe, en fixant un plancher assorti d'une garantie de bonne fin dans le cas ou il ne serait pas atteint, et un plafond assorti d'une repartition pour le cas ou il serait depasse (Rapport, 1981-1982, P·. 64).

    69. AUGMENTATION DE CAPITAL. - REPARTITION DES COM-PETENCES ENTRE L'ASSEMBLEE GENERALE ET LE CONSEIL D'AD-MINISTRATION. - Sous reserve de }'application du regime du capital autorise (infra, nos 70 et suiv.), c'est a l'assemblee generale, et a elle seule, qu'il appartient de decider d'augmen-ter le capital social, suivant les conditions de forme et de majorite edictees par !'article 70 des lois coord. Le conseil d'administration, auquel a ete confiee la mise en reuvre d'une augmentation de capital decretee par l'assemblee generale, ne peut des lors se dispenser de donner suite aux decisions de l'as-semblee (Rapport, 1981-1982, p. 73).

    Le droit des societes organise de maniere dispositive la repar-tition des competences entre les organes sociaux (27), en sorte que l'assemblee generale ne pourrait pas davantage deleguer

    (27) Sur le concept de regle dispositive : voy. DE PAGE, t. Ier, 3e ed., n° 175, 0 : il s'agit de lois a propos desquelles l'autonomie de la volonte ne joue aucun role, sans pour autant qu'il soit necessaire de recourir aux notions d'ordre public ou de lois imperatives. Ce concept nous parait particulierement approprie aux regles qui determinent les condi-tions d'attribution de la personnalite morale a des groupements, et les conditions de leur fonctionnement dans l'ordre interne et dans l'ordre externe, lorsque l'on considere -

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    au conseil d'administration le pouvoir d'apprecier s'il convient ou non de donner suite a !'augmentation de capital qu'elle decrete (Rapport, 1981-1982, p. 63). Mais rien n'interdit a l'as-semblee generale de subordonner la mise en amvre d'une aug-mentation de c~pital a une condition suspensive, et de confier au conseil d' administration le soin de constater la realisation ou la defaillance de cette condition (ibid.).

    Dans le premier des deux passages de son Rapport precite, relatif a une augmentation de capital reservee au personnel de la societe emettrice, la Commission bancaire (28) a ajoute qu'une fois decretee par l'assemblee generale, !'augmentation de capital cree des droits en faveur des tiers : droit pour leper-sonnel de pouvoir souscrire des actions; droit pour les creanciers a voir leur gage augmente (Rapport, 1981-1982, p. 73).

    Cette affirmation est, a notre avis, insuffisamment nuancee. Dans les limites du capital deja souscrit, les creanciers dispo-sent· d'une action oblique pour contraindre les actionnaires au versement ala societe des fonds appeles. Ils ont aussi la possi-bilite de faire decreter par justice les versements statutaire-ment exigibles (article 190 des lois coord.). Mais ils n'ont de droit propre ni a l'appel de fonds lui-meme ni au versement de ceux-ci (VAN RYN, t. Ier, 1 re ed., n° 534).

    Ils n' ont pas, a fortiori, de droit propre a la realisatio.n d'une augmentation de capital dont le principe a ete decrete par l'as-semblee generale. D'ailleurs, la recherche de souscriptions par le conseil d'administration n'est pas necessairement couronnee de succes.

    D'autre part, lorsque l'assemblee generale reserve une aug-mentation de capital a des personnes determinees, il ne pour-rait en resulter dans le chef de ces dernieres un droit propre a la realisation de !'augmentation de capital que si l'assemblee .avait effectivement !'intention de stipuler au profit des per-sonnes en cause. Tel n'est pas necessairement le cas, contraire-· ment a ce que nous parait sons-entendre le Rapport precite.

    comme nous le faisons - la personnalite morale comme un attribut derivant du droit Objectif et non pas COmme Une (< reaJiW I) (supra, n°8 23 a 26 et 44 a 45).

    (28) Brevitatis causa, nous utilisonsl'expression

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    70. CAPITAL AUTORISE.- APPORTS EN NATURE. -La loi du 5 decembre 1984 a introduit dans notre droit, !'institution du capital autorise, connue depuis longtemps dans certains droits etrangers (VANRYN et VAN 0MMESLAGHE [avec la colla-boration de B. GLANSDORFF], , in International Encyclopedia of Comparative Law, vol. XIII, Ch. 5, nos 35 et suiv.).

    Dans les limites que fixe 1' article 33bis nouveau des lois coord., amenage par la loi du 18 juillet 1991, le conseil d'admi-nistration peut etre autorise par les statuts ou par une assem-blee generale statuant selon les conditions de forme et de majorite prescrites pour les modifications aux statuts a decre-ter des augmentations du capital social, alors que cette compe-tence etait autrefois reservee a l'assemblee generale.

    Ce regime est complete par !'article 34bis, egalement ame-nage par la loi precitee, selon lequelle conseil d' administration ne peut supprimer ou limiter le droit de souscription preferen-tiel des actionnaires que si les statuts l'y autorisent et pour autant que !'interet social le justifie (29).

    L'augmentation du capital, selon ce systeme, peut avoir lieu aussi bien par des apports en nature que par des apports en especes. Dans un cas ou l'apport devait porter sur une partici-pation detenue par une societe samr (filiale de l'actionnaire dominant d'une societe a portefeuille) dans une autre societe

    (29) Ce regime a fait l'objet de nombreux commentaires. -Surles articles 33bis et 34bis dans leur version de 1984, voy. not. G. HoRSMANS et G. KEUTGEN, , Ann. Fac. Dr. Liege, 1985, p. 113.- M. VANDER HAEGEN et Cl. VERBRAEKEN, « Les societes commerciales-Commentaire legislatif•>, J.T., 1985, p. 52. - M. MAssAGE, L'adaptation du droit des societes anonymes aux deuxieme et quatrieme directives europeennes, no• 25 et suiv. -B. VAN BRUYSTEGEM, De vennootschappenwet '86, p. 54 et suiv.- H. BRAECKMANS,

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 657

    dans laquelle la societe a portefeuille souhaitait >, la Commission bancaire a toute-fois recommande que la procedure du capital autorise ne soit pas utilisee et que !'operation fasse l'objet d'une deliberation de l'assemblee generale (Rapport, 1989-1990, p. 132).

    La Commission a reconnu que sur le plan du droit des societes, rien n'imposait sa reserve a l'encontre de !'utilisation du capital autorise dans ce genre de situation (ibid.). Sa recommandation etait inspiree par une conception large de la situation de dualite d'interets dans laquelle les administra-teurs de la societe a portefeuille se seraient trouves, des lors que l'apport devait etre fait par une filiale de l'actionnaire dominant de celle-ci. C'est dans ce meme esprit que doit se comprendre !'article 33bis, § 2 nouveau des lois coord., interdi-sant !'utilisation du capital autorise

    71. CAPITAL AUTORISE (SUITE.) - MOBILES DU CONSEIL D 'ADMINISTRATION. - Par un important arret du 1 er mars 1988, prononce dans le contentieux retentissant auquel a donne lieu l'OPA lancee en 1988 sur la Societe Generale de Belgique (infra, no 122), la Cour d'appel de Bruxelles statuant en refere, a reforme une ordonnance du president du tribunal de commerce du 9 fevrier 1988, notamment en ce que ceder-nier avait considere que

  • 658 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    La Cour d'appel s'est a juste titre refuse a suivre cette doc-trine que rien ne justifiait a l'epoque ni d'ailleurs ne justifie davantage aujourd'hui.

    Au cours des travaux preparatoires de la loi du 5 decembre 1984, la necessite de doter le conseil d'administration d'un ins-trument lui permettant d'avoir acces rapidement au marche des capitaux a risque a certes ete evoquee, mais precisement lors des discussions suscitees par !'extension de cette proce-dure, nouvelle pour le droit beige, aux augmentations de capi-tal par des apports en nature ou par !'incorporation de reserves (MASSAGE, op. cit., p. 56).

    Il ne s'agissait done nullement de limiter a cette seule fin les utilisations qui pourraient etre faites du capital autorise. Le legislateur a d'ailleurs opte pour cette conception extensive et l'on ne trouve dans la loi aucune restriction liee a des mobiles specifiques dont le conseil devrait etre anime lorsqu'il recourt a cette institution.

    C'est en fonction de !'interet social qu'il lui appartient de prendre a cet egard, comme a propos d'une eventuelle suppres-sion ou limitation du droit de souscription preferentiel, la deci-sion qu'il estime opportune et celle-ci n'est passible d'une cen-sure judiciaire, -en refere ou dans le cadre d'une procedure au fond, - que si, aux termes de !'appreciation marginale a laquelle il doit se limiter, le juge estime que la decision criti-quee est entachee de faute ou d'abus, conformement aux prin-cipes qui gouvernent la responsabilite des administrateurs ou la theorie de l'abus de majorite (infra, n°8 124 et 143).

    L'arret du 1 er mars 1988 le rappelle en termes excellents (Adde Com. Louvain (Ref.), 11 mai 1984, T.R. V., 1991, p. 317 et la note M. WIJCKAERT).

    Telle est aussi !'analyse que la Commission bancaire avait presentee dans son Rapport annuel 1986-87 (p. 60 et suiv.-Adde Rapport, 1987-88, p. 62). Independamment des hesita-tions auxquelles il est ainsi mis fin sur les fins poursuivies par !'utilisation du capital autorise, l'arret se prononce plus gene-ralement sur·la delicate question de la legitimite des initiatives que le conseil d'administration d'une societe visee par une OPA peut prendre en vue de contrecarrer celle-ci. Nous exami-nons cette autre question ci-dessous (infra, no 121).

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 659

    72. CAPITAL AUTORISE (SUITE). - R:EGLES DE FORME. -L'arret precite du 1 er mars 1988 (supra, no 71) se prononce egalement sur les formes qui doivent etre respectees par le conseil d'administration, lorsqu'il decide d'augmenter le capi-tal social sous le regime du capital autorise.

    Dans son ordonnance precitee du 9 fevrier 1988 (supra, no 71), le premier juge avait considere qu'en l'espece, !'aug-mentation de capital etait, prima facie, entachee de nullite, aux motifs que la decision par laquelle le conseil d'administra-tion de la Societe Generale de Belgique avait decrete cette augmentation n'avait pas ete constatee par acte authentique,

    De plus, l'acte authentique destine a la constatation ulte-rieure de la realisation de !'operation avait ete dresse a la requete d'un seul administrateur assiste du secretaire general de la societe, sans que ni l' existence prealable d'une decision reguliere portant sur cette augmentation, ni l'identite des souscripteurs, ni !'engagement de ceux-ci couvrant l'integralite du montant de !'augmentation, pas plus que la liberation de celle-ci, aient ete constates par le notaire.

    11 est vrai que la realisation de !'augmentation de capital, lorsqu'elle n'est pas concomitante de la decision du conseil d'administration, doit etre constatee par un acte authentique, a la requete de celui-ci (( ou des administrateurs specialement delegues a cet effet, sur presentation des documents justificatifs de l'operation )) (art. 34, § 4).

    D'autre part, les formalites prevues par l'article 29 pour la constitution de la societe sont applicables en cas d'augmenta-tion de capital, en ce compris l'exigence

  • 660 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    tiel ou parce qu'il s'agit d'une augmentation par souscriptions publiques (30). La pratique est egalement fixee en ce sens.

    Toutefois, selon I' arret, >. La cour ajoute dans lequel I' augmentation de capital est appelee a se realiser, variable dans chaque cas, nous semble quelque peu arbitraire.

    L'allusion a la condition suspensive dont le conseil d'admi-nistration avait en l'espece assorti sa decision n'est pas davan-tage pertinente, car la condition suspensive retroagit, lors-qu'elle se realise, ala date de l'acte dont elle est une modalite (Sur la retroactivite de la condition suspensive, voy. X. DIEUX,

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 661

    Quant au second grief retenu par le premier juge a l'en-contre de !'augmentation de capital, la Cour le tient egalement pour depourvu de fondement.

    Sans doute, suivant les termes de I' article 34, § 4, la realisa-tion effective de !'augmentation de capital doit-elle etre constatee par un acte authentique dresse a la requete du conseil d'administration ou administrateurs speciale-ment delegues a cette fm, mais on ne peut rationnellement inferer de cette formule, que l'acte etabli a la requete d'un administrateur, ou d'un administrateur et d'une autre per-sonne egalement mandatee, serait irregulier.

    II suffit qu'un administrateur specialement delegue pour ce faire requiere du notaire l'etablissement de l'acte, la volonte du legislateur ayant ete d'imposer un mandat special, par derogation aux clauses generales d'attribution de competence a un ou plusieurs administrateurs agissant seuls ou conjointe-ment, sur la base de I' article 54 des lois coord. (VAN BRUYSTE-GHEM, op. et loc. cit., in fine. - RESTEAU, op. et loc. cit., in fine.- Contra, a tort: MAssAGE, op. cit., no 64 et la note 163).

    L'arret doit etre approuve sur ce point.

    De meme, poursuit la Cour, c'est avec une excessive severite que le premier juge avait apprecie le contenu de l'acte authen-tique etabli en l'espeee en vue de la constatation de la realisa-tion de !'augmentation de capital. II n'appartient pas au notaire de verifier personnellement que les conditions de la realisation de !'augmentation de capital sont realisees ; il lui suffit d'acter les declarations qui lui sont faites en ce sens par les comparants et de prendre acte de la remise des documents justificatifs qui les appuient, pour assurer la regularite en la forme de son acte. L'exigence d'un acte authentique n'est pas formulee par la loi ad solemnitatem (M. WIJCKAERT, op. cit., n°8 18 et 19).

    Certes, pensons-nous, le notaire ne doit pas verifier person-nellement tous les documents ou operations qui lui sont pre., sentes. Mais il n'en demeure pas moins qu'il doit faire les veri-fications qui lui permettent d'acter les constatations que lui impose !'article 29, § 4 des lois coord.

    R.C.J.B. - 4e trim. 1993

  • 662 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    73. DROIT DE SOUSCRIPTION PR]JFERENTIELLE DES ACTION-NAIRES. - PRINCIPE. - SORT DES DROITS NON EXERCES. -La loi du 5 decembre 1984 a introduit dans les lois coordon-nees sur les societes commerciales un article 34bis reconnais-sant aux actionnaires ayant cette qualite au moment ou une augmentation de capital est decretee, un droit de souscription preferentielle, conformement aux recommandations anterieu-rement elaborees en ce sens par la Commission bancaire a l'adresse des societes soumises a sa juridiction (R.P.D.B., Compl. t. V, V 0 Epargne publique (Protection del'), par J. LE BRUN, nos 751 a 759).

    Ce droit ne concerne que les augmentations de capital a souscrire en especes, ainsi que le precise expressement la dispo-sition precitee, par ailleurs amenagee par la loi du 18 juillet 1991 (Voy. sur ces amenagements :VANDER HAEGEN et GoL-LIER, op. cit., nos 12 et 13).

    Il ne s'applique pas a !'augmentation de capital realisee sous la forme de 1' apport par un actionnaire d'une creance detenue par lui a l'encontre de la societe, car il s'agit d'un apport en nature (, 1967, p. 326, no 37bis.- VAN 0MME-SLAGHE, >, in L 'entreprise en difficulte, p. 458).

    Lorsqu'une augmentation de capital doit etre souscrite pour partie en nature et pour une autre partie en especes, le droit de preference ne concerne done que cette derniere partie (Anvers [Ref.], 6 mars 1989, T.R. V., 1989, p. 430).

    On sait que la Commission bancaire a depuis longtemps manifeste de l'hostilite a l'encontre de la souscription preferen-tielle a titre reductible, lors de }'augmentation de capital de societes faisant publiquement appel a l'epargne, lorsque tous les actionnaires n'ont pas exerce leurs droits a }'expiration de la periode fixee a cette fin par l'organe qui decrete }'augmenta-tion de capital. Elle a recommande que les droits de souscrip-tion non exerces soient plutot mis en vente, sous la forme de scripts, au profit des titulaires de ces droits (LE BRUN,

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 663

    qui n'impliquent pas de difference de traitement entre les actionnaires. Dans une espece ou les droits avaient ete vendus publiquement a la Bourse de Bruxelles, a un prix sensiblement superieur au prix fait ala Bourse d'Anvers, la Commission a recommande aux preneurs fermes de se referer a la valeur la plus elevee pour tous les droits de souscription non exerces (Rapport, 1984-1985, p. 74).

    Sur le traitement comptable du droit de souscription et des operations dont il peut faire l'objet, voy. l'avis circonstancie de la Commission des normes comptables, Bulletin, 1984, n° 13, p. 14 a 18.

    74. SUPPRESSION OU LIMITATION DU DROIT DE SOUSCRIPTION PREFERENTIELLE. - L'assemblee generale, statuant dans les conditions de quorum et de majorite prevues pour les modifi-cations aux statuts, peut decider de supprimer ou de res-treindre le droit preferentiel de souscription (art. 34bis, § 4 des lois coord.). Le conseil d'administration, statuant dans les limites du capital autorise, le peut egalement, si les statuts lui ont ouvert cette possibilite.

    Dans tous les cas, la limitation ou la suppression de ce droit doit etre dictee par

  • 664 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    l'opportunite de telles derogations et que son controle

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 665

    so us le regime du capital autorise, au motif que I' assemblee generale n'en sera informee qu'a posteriori et que > a cet egard.

    Toutes les circonstances de la cause envisagees in concreto, en ce compris le degre de competence des personnes interes-sees, doivent etre prises en consideration pour !'appreciation du caractere suffisamment circonstancie du rapport du conseil d'administration statuant dans les limites du capital autorise. C'est ce qui resulte encore de I' arret rendu le 1 er mars 1988 par la Cour d'appel de Bruxelles (supra, no 71).

    En l'espece, le rapport du conseil d'administration, etabli dans les conditions d'extreme urgence que l'on sait, se bornait a enoncer que(< au vu de l'evolution du marche boursier et de cer-tains courants qui se manifestent a travers les transactions en parts de reserves, le conseil d 'administration a estime judicieux d'emettre de nouvelles actions. Ces mouvements lui ont en effet paru de nature a compromettre les efforts de developpement har-monieux de son cercle d'actionnaires >>.

    Suivant la Cour, ce >, c'est-a-dire les admi-nistrateurs appeles a statuer sur !'utilisation du capital auto-rise. Les droits des actionnaires >.

    L'arret n'exclut pas que la responsabilite des administra-teurs puisse etre engagee a la suite de la legerete dont leur rap-port justifiant la derogation au droit de preference serait entache. Le laconisme du rapport, dans la mesure ou l'etablis-sement de ce dernier est destine a contraindre les administra-teurs a une reflexion specifique sur la decision qui leur est pro-posee, ne saurait cependant justifier la nullite de la decision elle-meme : pareille sanction- poursuit l'arret- serait

  • 666 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    L'article 190bis, 5° nouveau des lois coord. (loi du 29 juin 1993 precitee) prevoit maintenant la nullite automatique des decisions (>, alors que la decision visee par cette derniere disposition est une decision du conseil d'administration ... Le texte de la loi nouvelle est done a cet egard tout a fait inintel-ligible!

    76. DEROGATION AU DROIT PRFmERENTIEL DE SOUSCRIPTION (SUITE). - RAPPORT DU COMMISSAIRE. - La derogation au droit preferentiel de souscription requiert, outre une justifica-tion decrite dans un rapport special du conseil d'administra-tion, un rapport du commissaire-reviseur attestant de la fide-lite des informations financieres et comptables contenues dans le rapport du conseil; les deux rapports doivent etre deposes au greffe du tribunal de commerce (art. 34, § 3, al. 3, et § 4).

    Faut-il, lorsque la suppression du droit de souscription pre-ferentiel intervient a !'occasion d'une augmentation de capital sous le regime du capital autorise, que ce rapport soit etabli prealablement a la decision a prendre par le conseil d 'administra-tion?

    A l'appui de !'affirmative, le president du tribunal de com-merce de Bruxelles statuant en refere aux termes de son ordonnance precitee du 9 fevrier 1988, a enonce, en s'ap-puyant sur un passage des travaux preparatoires de la loi du 5 decembre 1984 (Pasin., 1984, p. 2070), que

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELG E 667

    port. Si le rapport effectue posterieurement a la decision et qui etait prevu par la deliberation litigieuse n'avait pas ete fait avant la constatation de ['augmentation de capital, celle-ci n'aurait pas eu lieu>>.

    Oserions-nous dire que le fondement juridique des nuances dont la Cour a de la sorte entoure la formulation de sa doc-trine nous echappe? En tout cas, ces nuances ne concordent guere avec la premisse posee par l'arret, suivant laquelle l'exi-gence d'un rapport du commissaire reviseur' prealable a la decision du conseil, n'est pas une formalite substantielle (infra, ll

    0 77).

    77. CAPITAL AUTORISE ET DEROGATION AU DROIT DE PREFE-RENCE. - SANCTIONS DE LA VIOLATION DES REGLES DE FORME. - REGULARISATION. -Dans son arret deja cite du 1 er mars 1988 (supra, no 71), la Cour d'appel de Bruxelles a esquisse une theorie generale des nullites, susceptibles de sanc-tionner les vices de forme affectant les decisions d'un organe.

    Suivant la Cour, >. Ces termes sont empruntes a une celt~bre etude des professeurs Renard et Vieujean (>, Ann. fac. Dr. Liege, 1962, specialement p. 268).

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  • 668 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    Un inconvenient majeur de la nullite automatique decoulant de la meconnaissance d'une formalite substantielle reside, selon le professeur Heenen, dans l'insecurite dont pareille sanction est generatrice, en raison de son caractere retroactif (L'inobservation des regles de forme prescrites pour les delibe-rations des organes d'une societe ou d'une association, cette Revue, 1977, p. 558, specialement no 9).

    Cette observation est toutefois sans objet lorsque la nullite concerne une modification aux: statuts, et qu'elle resulte de la meconnaissance de formalites auxquelles la loi soumet l'acte constitutif ainsi que les dont il est susceptible de faire l'objet (art. 11bis). Le legislateur beige est en effet aile au dela des exigences de la premiere directive CEE en matiere d'harmonisation du droit des societes : sui-vant !'article 13quater, § 3 des lois coord., de telles nullites sont soumises au meme regime que la nullite de la societe elle-meme : elles sortissent leurs effets sans retroactivite (L. SI-MONT' > (HEENEN, op. cit. - DIEUX,

  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELG E 669

    Une regularisation est d'autre part possible jusqu'a ce que la nullite soit prononcee (RoNSE, De vennootschapswetgeving, 1973, no 272). Tel est un autre enseignement encore que consacre l'arret precite- exceptionnellement riche- rendu le 1 er mars 1988 par la Cour d'appel de Bruxelles.

    78. DROIT DE SOUSCRIPTION PREFERENTIEL {SUITE).- ME-SURES COMPLEMENTAIRES.- SOLUTIONS DE SUBSTITUTION.-DROIT DE PRIORITE. - II arrive que la determination du juste prix (supra, no 18) de !'emission en cas de suppression du droit de souscription preferentielle soit delicate.

    Dans un cas ou des difficultes se presentaient a ce propos, a !'occasion de !'augmentation de capital d'une societe soumise a la surveillance de la Commission bancaire, le souscripteur a pris publiquement !'engagement de retroceder aux action-naires anciens les actions nouvelles souscrites par lui, dans la mesure ou le cours de bourse depasserait pendant un certain temps un niveau determine. Aucune spoliation des action-naires du public ne devait de la sorte etre redoutee, en depit de l'impossibilite dans laquelle ils etaient places de souscrire a !'augmentation de capital (Rapport, 1982-1983, p. 78).

    La Commission bancaire a d'autre part admis un autre regime de substitution qui prend la forme de !'allocation aux anciens actionnaires d'un droit de priorite, dans des cas ou le respect du droit de preference serait purement platonique ou inutilement couteux, compte tenu des conditions de !'emission, particulierement lorsque les actions nouvelles sont emises a un prix egal, voire superieur' a la valeur des actions anciennes, et que des lors la valeur theorique du droit de souscription prefe-rentiel est nulle (Rapport, 1986-1987, p. 109).

    La Commission a precise les modalites de fonctionnement de ce mecanisme original, a I' occasion de I' augmentation a laquelle souhaitait proceder une importante entreprise siderur-gique pour diversifier et > son actionnariat eu egard a !'amelioration de sa situation financiere (Rapport, 1989-1990, p. 107).

    Ala difference du droit de souscription preferentiel, le droit de priorite ne confere pas aux anciens actionnaires un droit exclusif, mais leur offre seulement la possibilite de souscrire

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  • 670 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    par preference aux autres souscripteurs, lorsque les souscrip-tions excedent le nombre de titres dont !'emission est prevue. D'autre part, le droit de priorite ne beneficie pas du regime mis en place pour la sauvegarde des droits de souscription non exerces et il n'a en principe pas de valeur, en sorte qu'il n'est pas susceptible de faire l'objet de negociations en bourse. Si, pendant !'emission, le cours des actions anciennes depasse le prix de souscription des actions nouvelles, rien n'interdit cependant que le droit de priorite fasse l'objet d'une cotation et qu'un marche soit organise (ibid.).

    La loi du 18 juillet 1991, modifiant les lois coord., a consacre cette pratique (art. 34bis § 4, nouveau). Comme l'ob-servent MM. van der Haegen et Gollier, on ne comprend toute-fois pas pourquoi le legislateur a cru devoir fixer imperative-ment a dix jours la periode de la souscription en ce cas (>, J.T., 1992, p. 192, n° 13).

    79. (SUITE).- EMISSION D'ACTIONS EN FAVEUR DU PERSON-NEL.- JusTIFICATION DU PRIX DE L'EMISSION.- La Commis-sion bancaire a ete appelee a se prononcer a nouveau sur des operations dites >, in De dividende kwestie en aandelen, p. 9 et suiv. -T. AFSCHRIFT, >, in L'en-treprise et le choix de la voie la moins imposee (1988), p. 139, specialement nos 32 et suiv.).

    Elle a rappele en particulier qu'il appartient aux organes sociaux d'apprecier l'opportunite d'associer le personnel de l'entreprise au capital social et que, s'il est decide de faire beneficier le personnel d'un prix de souscription avantageux par rapport a la valeur de marche des actions de la societe, tant le principe de cet avantage que son importance doivent

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 671

    etre justifies par l'objectif poursuivi par l'interessement, spe-cialement par !'amelioration escomptee du rendement et de la productivite.

    Dans cette mesure, > (Rapport, 1984-1985, p. 71.- Voy. aussi Rapport 1982-1983, p. 71).

    La Commission n'exclut pas que !'emission a un prix avan-tageux ainsi justifie puisse etre decretee, non seulement au profit des membres du personnel de la societe emettrice, mais egalement au profit du personnel d'autres societes faisant par-tie du groupe (ibid.), - consacrant ainsi de manii~re implicite la notion d'interet de groupe (supra, no 25). Des reserves ont toutefois ete exprimees par la Commission dans un cas ou l' emission devait profiter au personnel d'une societe au controle de laquelle la societe emettrice ne participait qu'a concurrence de 26,6 %, mais elle a reconnu qu'il appartenait en defmitive aux organes sociaux competents de se determiner sur l'opportunite de !'operation (Rapport, 1988-1989, p. 71).

    L'article 52septies nouveau des lois coord. reglemente main-tenant de maniere tres etroite les emissions d'actions en faveur du personnel (31).

    Selon !'expose des motifs, le respect des procedures prevues en matiere de suppression du droit preferentiel de souscription demeure d'application (Doc. Parl., Senat, Session 1990-1991, 1107-1, p. 71). Mais la disposition nouvelle presume la confor-mite a !'interet social de la suppression du droit de souscrip-tion preferentiel en faveur du personnel, dans le cas d'une

    (31) Voy. outre les commentaires generaux precites de la nouvelle loi, K. GEENS, , inN. V. en B. V.B.A. na de Wet van 18 juli 1991, Verslagboek van de Leuvense Vennootschapsdag van 4 oktober 1991, p. 29.- H. SWENNEN,

  • 672 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    emission repondant aux conditions legales. Dans les autres cas, c'est le regime nouveau des augmentations de capital reservees a des personnes determinees qui s'applique (Intervention du Vice-Premier Ministre M. W ATHELET, in Doc. Parl., Chambre, Session 1990-1991, no 1645/2, p. 16 et 17).

    80. EMISSION D'ACTIONS EN FAVEUR DU PERSONNEL PAR INCORPORATION DE RESERVES AU CAPITAL SOCIAL. - Le meme Rapport fait etat d'un cas d'attribution gratuite aux membres du personnel d'actions de bonus, c'est-a-dire d'actions emises a !'occasion d'une augmentation de capital par incorporation de reserves (Rapport 1988-1989, p. 72).

    La Commission, enonce le Rapport,

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    ces actionnaires (Voy. not. VAN RYN et VAN 0MMESLAGHE [avec la collaboration de B. GLANSDORFF], , in International Ency-clopedia of Comparative Law, vol. XIII, Ch. 5, nos 40 et suiv.).

    Le regime a appliquer dans notre pays, en !'absence d'une quelconque reglementation est delicat a determiner.

    L'avoir social, en ce compris les reserves, est certes la pro-priete de la societe anonyme et les actionnaires n'ont pas de droit propre sur les reserves en tant que telles (VAN RYN, t. Ier, 1 re ed., no 834). Mais l'un de leurs droits sociaux est de participer au partage de l'avoir social, soit apres la dissolution de la societe, soit au cours de la vie sociale, en proportion de leur mise (VANRYN, t. Ier, 1 reed., n° 522, 3°). Ainsi se justifie-t-il que le capital et les reserves soient parfois consideres comme un >, d'un point de vue comptable et economique (Comp. J. HEENEN, >, Liber Amicorum E. Krings, p. 163, no 4).

    Le droit a !'attribution des actions de bonus apparait ainsi comme un droit social, au meme titre que le droit au dividende ou le droit de souscription preferentielle. A ce titre, les action-naires en sont en principe titulaires, dans les conditions deter-minees par les statuts. A defaut de reglementation legale cependant, il nous parait qu'il appartient a l'assemblee gene-rale, en respectant les statuts, de se prononcer sur les limita-tions apportees ace droit, des lors qu'il ne s'est pas transforme en droit de creance au profit des actionnaires individuelle-ment. De meme que l'assemblee pourrait decider de ne pas dis-tribuer de dividende ou d'affecter telle partie du benefice a telle ou telle fin, ou qu'elle peut,- actuellement en se confor-mant non seulement aux statuts mais encore ala loi- suppri-mer ou limiter le droit de souscription preferentiel, elle a le pouvoir de decider une incorporation de reserves au capital avec !'attribution des actions de bonus representatives de cette incorporation aux membres du personnel plutot qu'aux actionnaires. Elle pourrait d'ailleurs decider la distribution de cette reserve en especes ou en nature aux membres du person-nel, sous la condition que ceux-ci en fassent apport ala societe

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    hors droit de preference. Le procede utilise par la societe en cause aboutit plus simplement au meme resultat.

    N ous pensons done que la position adoptee par la Commis-sion bancaire peut etre approuvee. Le caractere delicat de cette operation, notamment en raison de son incidence sur la situation patrimoniale des actionnaires, meriterait sans doute que le legislateur s'on occupe et la soumette par exemple a un regime d'information analogue a celui actuellement impose en matiere de derogation au droit de souscription preferentielle.

    81. LA PRIME D'EMISSION. - Le regime juridique de la prime d'emission se construit progressivement grace aux efforts conjugues de la doctrine et de la jurisprudence ( ), 1973, p. 392, n° 8 et la ref. a !'etude de J. KIRKPA-TRICK, sous cass., 3 juin 1969, cette Revue, 1971, p. 368), meme si certains de ses aspects continuent a preter a discus-sions, particulierement en droit fiscal (J. KmKPATRICK, ), cette Revue, 1987, p. 271, no 94 et suiv.).

    Se fondant sur l'arret precite de la Cour de cassation, selon lequel la prime d'emission constitue un apport en societe, et sur un avis de la Commission des normes comptables qui pre-conise une distinction etanche entre la prime et les reserves, dans la mesure ou ces dernieres proviennent des benefices rea-lises par la societe (Bull., no 13, p. 23, no 142), la Commission bancaire a considere que la (( reserve legale ne pouvait pas etre alimentee par un prelevement sur la prime d'emission >). Suivant !'article 77, al. 7, des lois coord., la reserve legale se constitue par des prelevements sur les benefices nets de l'exercice (Rap-port, 1989-1990, p. 138).

    Dans son avis precite, la Commission des normes camp-tables attribue une portee fondamentale a la distinction entre les reserves et la prime d'emission. II est vrai que le schema de bilan annexe a !'arrete royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises prevoit !'inscription de la prime d'emission dans un compte de passif distinct des reserves proprement dites.

    II existait autrefois une conception large des reserves, qui justifiait que les primes d'emission fussent portees a un

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    compte de reserves (Encycl. Dalloz, Societes, vo Reserves, par J. LACOMBE, nos 6 et suiv.- VANRYN, t. Ier, 1 reed., n° 833). Cette pratique n'est plus conforme aujourd'hui au droit comp-table, mais il n'en resulte pas que la prime, qui serait irregulU~rement portee a un compte de reserves, doive etre privee de ce fait du regime fiscal qui tient a sa nature intrinseque ou a son indisponibilite.

    82. PRESCRIPTION DE L'ACTION EN RESPONSABILITE FONDEE SUR L'ARTICLE 35 DES LOIS COORD.- Comme l'a rappele le tri-bunal de premiere instance de Bruges, dans un jugement du 13 fevrier 1984 (R.P.S., 1984, p. 198), la prescription quin-quennale prevue par l'article 194, al. 4 des lois coordonnees sur les societes commerciales est inapplicable aux actions en responsabilite in ten tees contre les fondateurs d'une societe ano-nyme, sur la base de l'article 35 des lois coordonnees sur les societes commerciales. Il en est de meme, a fortiori, si I' action se fonde sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. La solution est classique (VAN RYN, t. Ier, 1 re ed., nos 504 et 636).

    En revanche, les administrateurs peuvent opposer cette pres-cription quinquennale aux actions en responsabilite dont ils sont, eux aussi, susceptibles de faire I' objet, en vertu du meme article 35. Cette doctrine, fondee sur la generalite des termes de l'article 194, al. 4 (VAN RYN, loc. cit.), a ete consacree par un arret de la Cour de cassation du 29 mai 1980 (J.O.B., 1980, p. 562 et la note A-M. STRANART. - R.P.S., 1981, p. 21 et la note J-M. NELISSEN GRADE., cassant un arret de la Cour d'ap-pel de Bruxelles du 6 mars 1979, R.P.S., 1981, p. 32).

    Dans !'hypothese prevue par I' article 35, 2° (capital non valablement souscrit), la prescription de cinq ans court, sui-vant le meme arret, a dater de !'acceptation par l'assemblee generale de la souscription irreguliere (en l 'espece a la suite de manmuvres dolosives deployees par les administrateurs). C'est des ce moment en effet, et non point seulement a la date du jugement d'annulation de la souscription entachee du vice, que se realise le fait generateur de la responsabilite resultant de la souscription non valable (Voy. a cet egard les notes pre-citees de STRANART et de NELISSEN GRADE, qui approuvent l'arret sur ce point egalement).

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    L'article 194, al. 4 prevoit cependant que la prescription ne court qu'a dater de la decouverte des faits justifiant la mise en reuvre de la responsabilite, lorsque ces faits ont ete > Statuant sur renvoi a la suite de l'arret precite, la Cour d'appel de Mons a deduit de ce principe, a propos des manreuvres dolosives imputees aux administrateurs lors de la souscription, (29 avril1981, R.P.S., 1982, p. 195).

    Cette affirmation a, a son tour, ete censuree par la Cour supreme, au motif qu'en s'exprimant de la sorte, la cour de renvoi avait considere >, alors que ni !'article 35, 2°, ni !'article 194, al. 4 n'ex-cluent que

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    leurs souscriptions du chef de dol quelques mois a peine apres la tenue de l'assemblt~e generale. La decouverte du dol se situait des lors, pour la societe elle-meme, au plus tard a ce moment. L'action introduite par les curateurs sur la base de l'article 35, 2°, plus de cinq ans apres, aurait done pu etre legalement declaree prescrite, sur la base de ces constatations.

    § 4. - La reduction du capital social

    83. REDUCTION DU CAPITAL SOCIAL PAR APUREMENT DES PERTES. - CONTENU DE LA CONVOCATION DE L'ASSEMBLEE GENERALE.- La reduction du capital social ne se traduit pas toujours par un remboursement effectif aux actionnaires. Elle peut etre purement formelle et avoir pour objet un apurement des pertes (VAN RYN, t. rer, 1 re ed., n°8 839 et suiv.).

    La loi du 5 decembre 1984 a prevu que dans ce dernier cas, la reduction du capital a un montant inferieur a celui du mini-mum legal > (VAN 0MMESLAGHE, >, Ann. Fac. Dr. Louv., 1985, p. 151, no 13).

    II en est ainsi lorsque le capital social est reduit a zero dans le cadre d'une operation dite de

  • 678 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    lation n'etait pas expressement mentionnee dans l'ordre du jour annexe aux convocations.

    La Cour rappelle a l'appui de sa decision !'article 72, al. 2 des lois coord., selon lequel

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    D'autre part, les titulaires d'actions representatives du capi-tal initial conservent en principe leur droit de souscription pre-ferentiel a }'augmentation de capital; or, ce droit forme une partie integrante des actions selon la jurisprudence de la Cour de cassation, meme s'il est separement negociable (cass., 15 juin 1965, Pas., 1965, I, 1124. - >, 1973, p. 396, no 39.- Comp. J-F. ROMAIN, note sous Mons, 23 mars 1989, R.D.C., 1990, p. 328, no 23, qui justifie erronement la subsis-tance des titres en confondant la reduction du capital social et la reduction de l'actif social a zero). De plus, ces actions peu-vent etre transformees en parts de jouissance non representa-tives du capital social.

    Cela n'empeche evidemment pas que !'interet social et la continuite de l'entreprise puissent le cas echeant commander l'annulation des titres anciens a }'occasion de }'operation de

  • 680 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    cette augmentation, la societe ne se trouve done pas privee d' actionnaires.

    84. REDUCTION DE CAPITAL PAR REMBOURSEMENT AUX ACTIONNAIRES OU PAR DISPENSE DE LIBERATION DES

    APPORTS.- Par un arret du 22 mai 1987, rendu sous l'empire de l'article 72 ancien des lois coord., la Cour de cassation a decide qu'en cas de reduction du capital par remboursement aux actionnaires, ceux-ci >.

    Neanmoins, >. L'article 72bis n'a pas pour effet de soumettre la decision de reduction du capital a une condition suspensive ou a une condition resolutoire. ll a pour seul effet de maintenir provisoirement dans le. patrimoine de la societe les especes qui, en l'absence de cette disposition, seraient attribuees aux associes en remboursement de leur mise ou la creance que la societe a sur ses associes, s'il s'agit d'une dispense de liberation (ibid.).

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    Cette doctrine nous parait exacte. Le regime nouveau a en effet pour consequence que les creanciers ne peuvent plus s'op-poser a la reduction du capital social en tant que telle, comme c'etait le cas autrefois. Seuls les remboursements, ou la traduc-tion dans les comptes de la dispense de liberation des apports, sont tenus en suspens par le reglement eventuel des droits des creanciers et non plus la reduction de capital elle-meme (VAN 0MMESLAGHE, >, Ann. Fac. Dr. Louvain, 1985, p. 151, specialement n° 12).

    85. (SUITE). - SURETE REQUISE PAR UN CREANCIER CREANCE .- Par une decision du 14 novembre 1988 (T.R. V., 1989, p. 140 et la note J. TILLES), confirmee en degre d'appel (Bruxelles, 6 novembre 1991, T.R. V., 1992, p. 88 et la note J. TILLES), le tribunal de commerce de Bruxelles statuant comme en refere a refuse de faire applica-tion de I' article 72bis, § 1 er des lois coord. dans une espece ou, se fondant sur le proces en responsabilite qui 1' opposait au maitre de l'ouvrage et sur l'action qu'il avait dirigee contre une societe sous-traitante responsable a ses yeux des defail-lances d'une construction litigieuse, un entrepreneur reclamait une surete a cette societe a !'occasion d'une reduction effective de son capital social.

    Le juge appele a se prononcer sur la constitution d'une surete par la societe qui procede a une reduction effective de son capital social, doit apprecier au fond, !'existence dans le chef du demandeur d'une creance contre la societe, anterieure a la publication de la decision de reduction, si cette creance est contestee (G. HoRSMANS et G. KEUTGEN, , in Les societes commerciales [1985], p. 150).

    Mais, en l'espece, les pretentions du demandeur de la surete faisaient, sur le fond, l'objet d'une procedure pendante devant une autre juridiction et elles y avaient ete formees a titre recursoire, pour le cas ou le demandeur aurait lui-meme ete condamne, en sa qualite d'entrepreneur principal, vis-a-vis du maitre de l'ouvrage. Cette procedure complexe etant toujours en cours, le demandeur ne pouvait pas se pretendre titulaire d'une creance nee avant la publication de la decision de reduc-

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    tion au Moniteur belge selon les termes de !'article 72bis, § 1 er, precite.

    Le caractere declaratoire du jugement a intervenir sur la question des responsabilites n'empechait pas que le juge devait se placer au moment ou il statuait pour apprecier si le demandeur pouvait se prevaloir d'une creance nee avant la publication de la decision de reduction.

    Mais la portee de ces decisions ne doit pas etre exageree.

    La solution qu'elles consacrent, dans les circonstances de l'espece, ne saurait etre appliquee toutes les fois que la creance invoquee par le demandeur de la surete fait l'objet d'une contestation par la societe devant un autre juge. La circons-tance qu'une procedure oppose a ce propos les deux parties devant une autre juridiction ne justifie pas que le juge appele a statuer sur la base de !'article 72bis des lois coord. s'abs-tienne d'apprecier lui-meme si les conditions d'application de cette disposition sont realisees, specialement du point de vue de !'existence de la creance dont le demandeur se prevaut. En particulier, les regles de la litispendance ne s'appliquent pas, des lors que par defmition, les deux instances n'ont pas en tous points la meme cause (Mons, 12 mai 1980, Pas., 1980, II, 118).

    Dans l'affaire evoquee ci-dessus, le demandeur invoquait d' autre part la jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation en matiere de condition suspensive (cass., 5 juin 1981, cette Revue, 1983 et la note J. HERBOTS. - Adm. Publ. Trim., 1984, p. 144 et la note X. DIEUX). > (Adde cass., 15 mai 1986, cette Revue, 1990, p. 106 et la note Ph. GERARD).

    La Cour d'appel en deduit a juste titre que le benefice du mecanisme de protection, reserve par I' article 72bis, § 1 er aux titulaires de creances nees avant la publication de la decision de reduction du capital social, ne doit pas etre a priori refuse aux creances assorties d'une condition suspensive, contraire-ment a l'opinion professee par certains auteurs (VAN BRUYS-TEGHEM, De vennootschapswet 1986, p. 63. - SLUYTS,

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    kapitaalbehoud bij de naamloze vennootschap >>,in Het nieuwe vennootschappenrecht na de wet van 5 december 1984, p. 50).

    Mais une obligation dont !'existence meme fait l'objet d'une contestation en justice ne peut evidemment pas etre conside-ree comme une obligation subordonnee ala condition suspen-sive de sa reconnaissance par le juge.

    86. REDUCTION DE CAPITAL ET SIMULATION EN DROIT FIS-CAL. - Par arret du 20 fevrier 1986 (Pas., 1986, I, 793. -J.D.F., 1987, p. 5 et la note D. GARABEDIAN), la Cour de cas-sation a maintenu la doctrine deja consacree par elle anterieu-rement (voy. cass., 20 decembre 1973, Pas., 1974, I, 431), selon laquelle le juge peut legalement decider , cette Revue, 1987, p. 270, no 99 et, a propos de l'arret du 20 fevrier 1986, outre la note GARABE-DIAN, precitee, J. KIRKPATRICK, , in L'entreprise et le choix de la voie la moins imposee en droit fiscal belge (1988), p. 9, specialement no 22).

    Ces decisions se comprennent d'autant plus difficilement que, par plusieurs autres arrets recents, la Cour supreme a, a juste titre, rappele et affermi sa traditionnelle condamnation de la theorie dite , au nom de laquelle !'administration tente frequemment de faire valoir que, meme lorsque les conditions d'une simulation au sens du droit commun ne sont pas realisees, illui est loisible de se fon-

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    der sur la (< realite economique )) pour ecarter des operations juridiques conc;ues dans le seul but de beneficier d'avantages fiscaux ou dans le but d'eluder un impot (cass., 22 mars 1990, Pas., 1990, I, 849. - 29 janvier 1988, Pas., 1988, I, 633. -27 fevrier 1987, Pas., 1987, I, 777. - Voy. aussi J. KIRKPA-TRICK, >, cette Revue, 1992, p. 249, nos 22 et suiv.).

    Il n'y a pas de place pour une pareille theorie dans l'etat actuel de notre droit (VAN 0MMESLAGHE, , J.D.F., 1989, p. 5) (34).

    § 5. - Les participations croisees

    87. LEs PARTICIPATIONS CROISEES.- PRINCIPES.- Durant la periode couverte par la presente chronique, la Commission bancaire a developpe encore sa doctrine en matiere de partici-pations reciproques, dans l'attente de !'adoption de leur regie-mentation par la loi du 18 juillet 1991 (art. 52quinquies et 52sexies nouveaux des lois coord.) (35).

    Dans son Rapport relatif a l'exercice 1986-1987 (p. 89 et suiv.), elle a rappele les motifs de sa reticence a l'encontre des participations croisees, particulierement entre societes entre lesquelles il existe un lien de filiation :

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    de traitement de faveur de certains actionnaires ou dirigeants, dif-ficulte de respecter l 'egalite de traitement entre associes) >>.

    Depuis longtemps, ces considerations conduisaient la Com-mission a recommander !'interdiction de toute participation croisee entre une societe mere et ses filiales,- que ce soit par suite d'un achat d'actions representatives du capital de la societe mere par une filiale ou par suite d'une souscription au capital social de la societe mere (V oy. egalement Rapport, 1967, p. 164. - 1966, p. 130. - 1950-1951, p. 67. - 1946-1947' p. 87).

    Plus generalement, les preventions de la Commission ban-caire concernaient aussi les participations croisees entre societes independantes, des lors qu'elles atteignaient une cer-taine importance.

    La jurisprudence de la Commission bancaire avait emporte la conviction des auteurs du projet 387 tendant a une reforme glo bale des lois coordonnees sur les societes commerciales (art. 87' § 6, et 89), a l'instar des reglementations rencontrees en droit compare (VAN RYN et VAN 0MMESLAGHE [avec la col-laboration de B. GLANSDORFF], , in International Encyclopedia of Comparative Law, vol. XIII, Ch. 5, nos 60 et suiv.).

    La Commission a etendu ses critiques a !'acquisition par une filiale d'obligations convertibles emises par sa societe mere, des lors que la conversion des obligations en actions serait generatrice d'une participation reciproque. (Rapport, 1989-1990, p. 136).

    88. pARTICIPATIONS CROISEES. - SUITE. - APPLICA-TIONS. - SOCIETES UNIES PAR UN LIEN DE FILIATION. - A plusieurs reprises, la Commission a neanmoins nuance sa doc-trine, en acceptant dans certaines circonstances que des parti-cipations croisees se constituent meme entre societes unies par un lien de filiation.

    Ainsi, elle n'a oppose d'objection ni a !'acquisition par une filiale beige d'actions representatives du capital de sa societe mere etrangere, considerant (< qu'il s'agissait en l'occurrence d'une question d'auto-controle relevant, au premier chef, du res-pect de la legislation etrangere applicable a la societe mere )) ' ni

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    a une prise de participation par une filiale dans une des deux socieU~s qui la controlaient conjointement, vu !'absence a l'epoque de toute definition legale de la notion de controle conjoint (Rapport, 1988-1989, p. 69) (Sur la notion legale actuelle du controle conjoint : infra, no 107).

    Dans d'autres cas, c'est le caractere essentiellement tempo-raire de la detention par la filiale d'une participation dans le capital de sa societe mere, et la legitimite de l'objectij recherche, qui ont emporte la conviction de la Commission : Rapport, 1986-1987, p. 111, concernant la garantie de bonne fin atta-chee a !'augmentation de capital d'une societe cotee par une filiale bancaire; Rapport, 1986-1987, p. 103 et 1990-1991, p. 78, a propos de deux operations de

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    Parmi les mesures complementaires retenues, on releve l'in-terdiction pour la societe mere de financer les achats par des avances a sa filiale, a l'instar de la prohibition edictee par !'ar-ticle 52ter des lois coord. et !'obligation faite au conseil d'ad-ministration de la societe mere de donner, dans le commen-taire des comptes consolides, des informations equivalentes a celles que prevoit l'article 77, al. 5 de ces memes lois, en cas de rachat par la societe de ses propres actions.

    89. PARTICIPATIONS cRois:Ems. - APPLICATIONS. - So-CIETES INDEPENDANTES.- La Commission a admis la consti-tution de participations croisees n'excedant pas 10 °/o de part et d'autre, entre societes independantes (Rapport, 1988-1989, p. 69). La souplesse dont elle a de la sorte temoigne envers les participations reciproques etrangeres a tout lien de domina~ tion d'une societe par une autre se justifiait, a ses yeux,

  • 688 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

    Comme rappele ci-dessus, les articles 52sexies et 52septies nouveaux des lois coord., completes par !'article 219 portant certaines mesures transitoires, se sont substitues au regime ancien (Sur le nouveau regime des participations croisees, voy. outre les etudes generales sur la nouvelle loi citees ci-dessus note no 34- K. GEENS et B. SERVAES, >, in N. V. en B. V.B.A. na de Wet van 18 juli 1991, Ver-slagboek van de Leuvense Vennootschapsdag van 4 oktober 1991, p. 165).

    § 6. - Les actions

    A.- Forme des actions

    90. AcTIONS NOMINATIVES. - ETABLISSEMENT DE LEUR PROPRIETE. - La Cour de cassation a rappele la regie selon laquelle la propriete d'une action nominative resulte de !'ins-cription dans le registre que la societe doit tenir en vertu des articles 42 et suivants des lois coord.' dans une bien etrange affaire ou des actions, converties en actions au porteur par une personne qui estimait en detenir la propriete a la suite d'une proposition d'achat faite a leur proprietaire initial, avaient ensuite ete cedees par elle a des tiers (cass., 21 avril 1983, Pas., 1983, I, 938, rejetant les pourvois formes contre Bruxelles, 24 juin 1981, R.P.S., 1981, p. 215. - Voy. egale-ment comm. Bruxelles, 15 mars 1979, R.P.S., 1981, p. 231.-Comm. Bruxelles, 17 avril 1980, R.P.S., 1981, p. 236).

    En l'espece, le registre avait disparu, puis avait ete >, sans mentionner le transfert anterieur ala conversion, cependant que le pretendu cessionnaire, par ailleurs president du conseil d'administration et administrateur-delegue de la societe en question, reconnaissait que les actions nominatives avaient effectivement appartenu ala personne qui pretendait en etre toujours proprietaire, - aucun contrat de cession n'etant par ailleurs produit. Cette personne postulait en conse-quence la regularisation du registre par !'inscription de ses titres.

    La Cour d'appellui a reconnu ce droit, refusant a cette fin de considerer la demande comme une action en revendication

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  • REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 689

    qui, selon la societe, aurait du etre formee contre les porteurs actuels des titres convertis au porteur. La propriete du titre nominatif s'etablit en effet par une inscription au registre et cette inscription peut etre postulee par une action dirigee contre la societe, responsable de la tenue du registre. LaCour supreme a confirme la justesse de cette analyse.

    Lorsque la regularisation du registre au profit du proprie-taire initial des titres s'avere impossible, parce que les actions converties au porteur ont ete·vendues a des tiers de bonne foi, la societe est tenue a des dommages et interets envers l'action-naire irregulierement evince, des lors que la tenue du registre lui incombe (meme arret). Bien entendu, cette responsabilite de la societe n'exclut pas celle des administrateurs, sur la base de !'article 62 al. 2 des lois coordonnees sur les societes com-merciales, ni celle du pretendu actionnaire qui s'etait arroge le droit de convertir au porteur des titres nominatifs qui ne lui appartenaient pas en realite.

    LaCour d'appel ajoute, de maniere plus contestable, que

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    d'un titre au porteur (VAN RYN et HEENEN, t. III, 2e ed., nos 112 et 113). Lorsque les actions font partie d'une commu-naute, la societe peut imposer la designation d'un seul des deux epoux comme le proprietaire des titres envers elle (art. 43 des lois coord.). Mais !'inscription des actions au nom d'un seul epoux ne prive pas l'autre de la possibilite de rappor-ter autrement la preuve de sa propriete, notamment a l'egard d' autres actionnaires qui lui contesteraient cette qualite (comm. Namur, 22 fevrier 1990, R.P.S., 1990, p. 125).

    Cette question ne doit pas etre confondue avec celle, beau-coup plus delicate, du statut des parts sociales souscrites par un epoux mais qui doivent entrer dans la communaute, lors-que la societe revet un caractere intuitu personae ou que les parts sont incessibles (Voy. a. ce propos, l'etude classique de J. HEENEN, >, cette Revue, 1959, p. 269. -Ph. DE PAGE, >, Rev. Not. Belge, 1986, p. 566. - Du FAUX, ((Parts sociales souscrites par un epoux durant le regime>>, in Dix annees d'application de la relorme des regimes matrimoniaux, p. 102 et les references;- D. MoUGENOT, note sous cass., 25 avril 1985, R.P.S., 1986, p. 124).

    91. ACTIONS AU PORTEUR NON ENCORE IMPRIMEES.- 0PPO-SABILITE AUX TIERS DE LEUR CESSION. - Par nature, les actions au porteur n'existent comme telles qu'une fois que la societe a fait proceder a leur impression. Le defaut d'impres-sion n'exclut toutefois pas les relations juridiques entre la societe et ses actionnaires. En particulier, ceux-ci sont titu-laires de leurs droits d'associes, meme si ces droits ne sont pas materialises dans les titres qui restent a creer.

    Leur cession est possible, mais l'opposabilite du transfert a la societe et aux tiers implique l' accomplissement des forma-lites prevues par !'article 1690 du Code civil en matiere de ces-sion de creances ou des formalites que la Cour de cassation juge equipollentes, suivant deux jugements du tribunal de commerce de Bruxelles : 21 janvier et 30 juin 1982 (R.P.S., 1984, p. 53 et 59).

    Tel est le regime qui s'applique toutes les fois que les droits d'associes ne sont pas materialises dans un titre negociable

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    (supra, no 61), sauf lorsque la loi organise, comme en matiere de societe privee a responsabilite limitee, un regime deroga-toire au droit civil : article 125 des lois coord. (VAN RYN et HEENEN, t. II, n° 919).

    En depit des critiques justifiees dont il fait l'objet - mais qui sont etrangeres a la question examinee par les. decisions precitees - !'article 43, al. 3 des lois coord. confirme par ail-leurs que les formalites prevues par !'article 1690 du Code civil ne sont pas en soi inconciliables avec la nature des droits dont les associes sont titulaires dans la societe anonyme (VANRYN et HEENEN, t. III, 26 ed., n° 133.- Adde K. GEENS, (< Vooron-derstelt een aanvaardingsclausule in een naamloze vennoot-schap dat de aandelen op naam zijn 1 >>, T.R. V., 1989, p. 414).

    Nous ne comprenons done pas la severite des objections dont ces deux jugements ont fait l' objet. On a oppose a la solution qu'ils consacrent que les droits des actionnaires ne sont pas des droits de creance a proprement parler' mais des droits sociaux sui generis ; leur cession ne pourrait par conse-quent se realiser que sous la condition suspensive tacite de !'impression des titres, ou comme une vente de choses futures (D. DEvos, , Melanges Vander Elst, t. Ier, p. 147, specialement p. 148 a 150).

    Certes, les droits des actionnaires

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    ports avec des mecanismes de garanties >>, in Le droit des suretes (1992), p. 427, specialement p. 439 et suiv.).

    De lege lata, elle ne concorde toutefois pas avec la definition des actes equipollents a la signification de la cession, telle qu' elle resulte de la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci exige en effet une reconnaissance de la cession par le debiteur cede ou plus generalement par le tiers auquella ces-sion doit etre rendue opposable (VAN 0MMESLAGHE, (( Examen de jurisprudence- Les obligations>>, cette Revue, 1988, p. 87, no 184.- Adde cass., 24 mars 1989, J.T., 1990, p. 308). Cette reconnaissance ne resulte pas de la simple reception d'une lettre.

    92. CONVERSION DES ACTIONS AU PORTEUR EN ACTIONS NOMINATIVES. - L'article 46, al. 3 des lois coord. reserve aux proprietaires d'actions au porteur la faculte de demander a tout moment la conversion de leurs titres en actions nomina-tives, quelle que soit la forme que les statuts ont attribuee aux actions (art. 30, 10°). Lorsque ces derniers. disposent que les actions sont au porteur, l'assemblee generale, statuant suivant les conditions de forme et de majorite prescrites pour les modi-fications aux statuts, peut aussi decreter leur transformation en titres nominatifs et supprimer ainsi la faculte de convertir les actions en titres au porteur.

    C'est ce qu'a confirme la Commission bancaire, dans un cas ou l'actionnaire majoritaire d'une societe a portefeuille cotee en bourse, soucieux d'eviter que la structure de l'actionnariat de la societe soit modifiee a son insu, envisageait de soumettre a l'assemblee generale une proposition de modification de la forme des titres (Rapport, 1985-1986, p. 90). Cet objectif n'est pas en soi inacceptable, comme le releve la Commission. Dans le cas precite, cette derniere a neanmoins recommande que le projet soit abandonne.

    Faisant la balance entre l'avantage recherche par l'action-naire majoritaire et !'inconvenient de la transformation de la forme des actions pour les actionnaires du public, contraints de sortir de l'anonymat, la Commission a estime ne pas trou-ver, dans le contexte de l'espece, un equilibre ou une propor-tion suffisante entre les deux interets pour mettre la decision envisagee a l'abri des critiques, notamment sous l'angle de

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    l'abus de majorite et des devoirs fiduciaires envers les action-naires individuellement. Des considerations liees a !'incidence de la transformation sur le cours et sur le volume des transac-tions ont egalement ete avancees a l'appui de cette recomman-dation.

    Bien entendu il ne saurait etre question de faire prevaloir en toutes circonstances !'interet des actionnaires du public a l'anonymat, ainsi pudiquement qualifie par la Commission, sur la stabilite de l'actionnariat que !'interet social peut comman-der (infra, nos 125 et suiv.). Dans le cas present, la Commission ·a pris, il est vrai, la precaution de relever que l'actionnaire majoritaire n'avait pas pu indiquer de maniere suffisamment convaincante que sa proposition etait dans l'interet social. Cet actionnaire s'est d'ailleurs incline, suivant les indications que fournit le Rapport (eod. cit.).

    Quant a !'extension de la theorie des devoirs fiduciaires aux relations entre actionnaires, elle nous parait appeler de serieuses reserves (infra, nos 121 et suiv).

    B. - Obligations et droits de l'actionnaire

    93. LIBERATION DES ACTIONS ET COMPENSATION APRES LA FAILLITE DE LA SOCIETE. - Un jugement du tribunal de com-merce de Mons du 10 novembre 1986 a rappele quelques prin-cipes en matiere de liberation d'apport a un actionnaire qui pretendait compenser sa dette avec une creance dont il etait titulaire, alors que la societe avait ete declaree en faillite (R.P.S., 1987, p. 81).

    La compensation apres faillite est impossible sauf entre une creance et une dette entre lesquelles il existe un lien de connexite etroite (VAN 0MMESLAGHE, (< Les suretes nouvelles issues de la pratique.- Developpements recents >>, in Le droit des suretes (1992), p. 377, nos 17 et 18). Tel n'est pas le cas d'une creance resultant de fournitures livrees a la societe et de !'obligation de l'actionnaire d'effectuer !'apport promis, enonce a juste titre le jugement.

    D'autre part, sauf disposition statutaire contraire, la dette de l'actionnaire ne devient exigible que lorsque l'organe com-

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    petent a decrete l'appel des fonds (VAN RYN, t. Ier, pe ed., n° 527) (36). L'actionnaire ne peut done se prevaloir d'une compensation legale anterieure ala faillite, si l'appel de fonds a ete decrete par le curateur qualitate qua, comme c'etait le cas en l'espece.

    L'actionnaire en cause pretendait neanmoins au benefice de la compensation en faisant valoir qu'il avait en realite libere anticipativement son apport, par la voie d'une compensation annoncee par lui a la societe, bien avant la faillite, alors que ses propres creances contre cette derniere etaient exigibles.

    Il invoquait a cet egard une lettre par laquelle il avait fait savoir a la societe qu'eu egard au montant dont elle lui etait redevable et a celui qu'il lui restait a liberer sur sa souscrip-tion, c'etait la societe qui lui devait une somme d'argent resul-tant de la compensation des deux montants a concurrence du moins eleve. Cette liberation anticipee etait valable - plai-dait-il - des lors que !'obligation de l'actionnaire de liberer son apport est affectee d'un terme stipule en sa faveur, par application de !'article 1187 du Code civil.

    Invoquant l'autorite de Resteau (t. II, no 798), le jugement precite rejette ce soutenement, considerant que le terme dont la dette de l'actionnaire est affectee est aussi stipule en faveur de la societe, qui doit avoir la possibilite d'apprecier quand, et a concurrence de quel montant, son capital social doit etre ali-mente, a moins de dispositions statutaires contraires (En ce sens egalement : EscARRA, Droit commercial, n ° 760).

    En verite, la decision du conseil d'administration d'appeler les fonds ne saurait etre consideree comme un terme au sens des articles 1185 et suivants du Code civil, car l'appel de fonds peut ne jamais avoir lieu et l'actionnaire peut etre libere de