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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 59 EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1985 à 1998) DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ (Suite)(*) PAR JACQUES VAN CoMPERNOLLE, PROFESSEUR ORDINAIRE À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN, ASSESSEUR AU ÜONSEIL D'ETAT ET GILBERTE CLOS SET-MARCHAL' PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN TABLE DES MATIÈRES DE LA DEUXIÈME PARTIE LA COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION (COMPÉTENCES PARTICULIÈRES) CHAPITRE PREMIER. - Tribunal de première instance PLAN DU CHAPITRE . SECTION !' 0 - COMPÉTENCE ORDINAIRE § 1°•. - Principe. § 2. - Limites § 3. - Exceptions . n°s 200 à 202 . n°s 203 à 206 . n°s 207 à 209 . n°s 210 à 213 (*) Voyez la chronique précédente, cette Revue, 1997, p. 495 et suiv. R.O.J.B. - ier trim. 1999

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 59

EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1985 à 1998)

DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

(Suite)(*)

PAR

JACQUES VAN CoMPERNOLLE,

PROFESSEUR ORDINAIRE À LA FACULTÉ DE DROIT

DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN,

ASSESSEUR AU ÜONSEIL D'ETAT

ET

GILBERTE CLOS SET-MARCHAL'

PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROIT

DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

TABLE DES MATIÈRES DE LA DEUXIÈME PARTIE

LA COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION (COMPÉTENCES PARTICULIÈRES)

CHAPITRE PREMIER. - Tribunal de première instance

PLAN DU CHAPITRE .

SECTION !'0• - COMPÉTENCE ORDINAIRE

§ 1°•. - Principe.

§ 2. - Limites

§ 3. - Exceptions

. n°s 200 à 202

. n°s 203 à 206

. n°s 207 à 209

. n°s 210 à 213

(*) Voyez la chronique précédente, cette Revue, 1997, p. 495 et suiv.

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60 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

SECTION II. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§1er. - Contentieux de l'état des personnes 1. l\1ariàge . 2. Divorce pour cause déterminée. 3. Divorce par consentement mutuel 4. Filiation

§ 2. - Contentieux de la protection de la jeunesse 1. Autonomie du tribunal de la jeunesse 2. Compétences du tribunal de la jeunesse

§ 3. - Contentieux de l'exécution 1. Exécution des jugements et arrêts . 2. Exequatur des jugements rendus à l'étranger

SECTION III. - COMPÉTENCE D'APPEL

CHAPITRE II. - Juge de paix

PLAN DU CHAPITRE .

SECTION Ire. - COMPÉTENCE GÉNÉRALE

§1er. - Principe.

§ 2. - Dérogations

SECTION II. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ ier. - Contentieux locatif.

§ 2. - Contentieux des droits et devoirs des époux 1. Article 221 du Code civil . 2. Article 223 du Code civil .

. n°" 215 à 217

. n°" 218 à 221

. n°" 222 à 224

.n °" 225 et 226

. n°" 227 à 229

. n°" 230 à 232

. n°" 233 à 241

. n°" 242 à 246

. n°" 247 à 249

. n°" 250 à 252

. n°" 253 à 260

n° 261

. n°" 262 à 265

. n°" 266 à 271

. n°" 272 à 280

§ 3. - Protection de la personne des malades mentaux et des biens des incapables

1. Loi du 26 juin 1990 . n°" 281 à 287 2. Loi du 18 juillet 1991 . . n°" 288 à 292

§ 4. - Contentieux des pensions alimentaires

§ 5. - Crédit à la consommation et facilités de paiement 1. Contrats de crédit 2. Octroi de facilités de paiement .

CHAPITRE III. - Tribunal de commerce

PLAN DU CHAPITRE .

SECTION r 0• - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ 1er. - Compétences liées à la qualité des parties

§ 2. - Compétences liées à l'objet de la demande

. n°" 293 à 298

. n°" 299 à 303

. n°" 304 à 308

. n°" 309 à 311

. n°" 312 à 315

. n°" 316 à 319

SECTION II. - COMPÉTENCE EXCLUSIVE : FAILLITES ET

CONCORDATS

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 61

§1er. - Nature de la compétence

§ 2. - Etendue de la compétence

SECTION III. - COMPÉTENCE D'APPEL

CHAPITRE IV. - Tribunal du travail

PLAN DU CHAPITRE .

SECTION re. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ 1er. - Contentieux des relations du travail

.n°" 320 et 321

. n°" 322 à 325

n° 326

n° 327

. n°" 328 à 331

§ 2. - Contentieux de l'organisation du travail au sein de l'entreprise .n °" 332 et 333

§ 3. - Contentieux des infractions à la législation sociale . n°" 334 à 336

SECTION Il. - COMPÉTENCE EXCLUSIVE : SÉCURITÉ SOCIALE

§ 1er. - Nature de la compétence

§ 2. - Etendue de la compétence

CHAPITRE V. - Tribunal de police

INTRODUCTION .

SECTION re. - NATURE DE LA COMPÉTENCE

SECTION Il. - ETENDUE DE LA COMPÉTENCE

CHAPITRE VI. - Compétence présidentielle au provi­soire : le référé

INTRODUCTION ET PLAN DU CHAPITRE

SECTION Fe. - URGENCE

SECTION Il. - PROVISOIRE.

.n°" 337 et 338

. n°" 339 à 345

. n°" 346 à 348

.Il OB 349 et 350

.n°" 351 et 352

n° 353

. n°" 354 à 359

. n°" 360 à 366

SECTION III. - PARTICULARITÉS DE COMPÉTENCE ET AUTO-

NOMIE DU RÉFÉRÉ . n°" 367 à 371

SECTION IV. - APERÇU DES MESURES D'APPLICATION DU

RÉFÉRÉ

§1er. - Mesures d'instruction .

§ 2. - Mesures conservatoires .

§ 3. - Injonctions de faire ou de ne pas faire

§ 4. - Référé provision

§ 5. - Référé en matière administrative

§ 6. - Référé et conflits collectifs du travail

§ 7. - Référé en matière pénale .

. n°" 372 à 374

.n°" 375 et 376

. n°" 377 à 380

. n°" 381 à 383

. n°" 384 à 388

. n°" 389 à 392

.fi OB 393 et 394

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62 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

CHAPITRE PRE:M:IER. - TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

PLAN DU CHAPITRE

200. L'article 568 du Code judiciaire consacre la compé­tence ordinaire du tribunal de première instance, c'est-à-dire sa vocation à connaître de toutes les demandes relevant des attributions civiles du pouvoir judiciaire (Section 1, § ier). Cette compétence ordinaire connaît cependant des limites (§ 2) et des exceptions ( § 3).

201. A côté de la compétence ordinaire, des compétences spéciales reviennent au tribunal de première instance (sec­tion Il). Elles lui appartiennent exclusivement en ce qu'aucun autre tribunal ne peut les exercer. Formées devant une juridic­tion d'exception, les demandes portant sur les compétences spéciales, que l'on peut qualifier d'exclusives, du tribunal de première instance, donnent lieu à déclinatoire de compétence d'ordre public.

Ces compétences spéciales sont nombreuses. La lecture des articles 569 et 570 du Code judiciaire suffit pour s'en rendre compte. Les contentieux de l'état des personnes (§ 1er), de la protection de la jeunesse (§ 2) et de l'exécution (§ 3) sont les plus significatifs.

202. Le tribunal de première instance a, enfin, une compé­tence d'appel pour les décisions rendues par le juge de paix en matière civile. En outre, depuis la loi du 11 juillet 1994 confé­rant des compétences civiles au tribunal de police, le tribunal de première instance est devenu aussi le juge d'appel des déci­sions rendues en matière de réparation des dommages résul­tant d'un accident de la circulation (section III).

SECTION r 0• - COMPÉTENCE ORDINAIRE

§ 1er. - Principe

203. L'article 568, alinéa ier, du Code judiciaire établit le principe de la compétence ordinaire du tribunal de première instance. Celui-ci peut connaître, en principe et sauf excep-

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tions, de toutes demandes relevant des attributions civiles du pouvoir judiciaire.

Plutôt que de la qualifier de compétence ordinaire, la doc­trine a souvent préféré parler de plénitude de juridiction, de prorogation de compétence ou encore de compétence générale du tribunal de première instance. Ces expressions nous parais­sent impropres. Plénitude de juridiction signifie que le juge a non seulement le pouvoir de trancher la contestation mais aussi celui de faire exécuter sa décision. Etant donné le prin­cipe de la séparation des pouvoirs, plus aucune juridiction n'a ce dernier pouvoir. Prorogation de compétence signifie exten­sion de la compétence au-delà de ses limites normales. Or, ici, le tribunal de première instance se voit attribuer par le Code judiciaire le pouvoir de connaître de toutes demandes. La compétence est donc attribuée et non prorogée. Enfin, une éventuelle compétence générale du tribunal de première ins­tance devrait se définir par rapport à la compétence générale du juge de paix contenue dans l'article 590 du Code judiciaire. Il s'agirait alors du pouvoir de connaître de toutes demandes non expressément attribuées à une juridiction d'exception et dont le montant dépasse 75.000 francs. Or la compétence ordi­naire revenant au tribunal de première instance non seulement englobe cette notion de compétence générale mais encore couvre un domaine d'application beaucoup plus vaste.

204. Il doit, d'abord, s'agir de demandes relevant des attri­butions du pouvoir judiciaire sinon il y aurait lieu à déclina­toire de juridiction (voy. notamment civ. Bruxelles, 3 mars 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1387 ; Liège, 16 juin 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1396 ; voy. aussi Liège, 5 septembre 1988, Bull. contr., 1990, p. 2928 pour la compétence du directeur des contribu­tions en matière de litiges relatifs aux impôts sur les revenus ; civ. Namur, 9 décembre 1994, Bull. contr., 1996, p. 448 pour une demande de termes et délais en matière fiscale).

Il doit, aussi, s'agir de demandes relevant des attributions civiles au sens large du pouvoir judiciaire. Le tribunal de pre­mière instance n'a évidemment aucune compétence ordinaire en ce qui concerne les compétences revenant aux juridictions répressives (ainsi notamment pour les questions de détention provisoire : Liège, 14 octobre 1993, R.R.D., 1994, p. 84).

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205. Relèvent dès l'abord de la compétence ordinaire du tribunal, les litiges non expressément attribués par la loi à une juridiction d'exception, pour autant que soit dépassée la com­pétence ratione summae du juge de paix.

Ainsi en va-t-il notamment pour l'action en responsabilité contre les administrateurs d'une société faillie (Comm. Liège, 7 décembre 1988, T.R. V., 1989, p. 441, note 1\1. WYCKAERT;

Trib. arrond. Gent, 11 juin 1990, T.G.R., 1990, p. 99; Comm. Hasselt, 5 février 1993, R. W., 1992-1993, col. 1245 ; Trib. arrond. Gent, 15 mars 1993, T.G.R., 1993, p. 110), pour l'ac­tion en recouvrement du C.P.A.S. contre un débiteur d'ali­ments (Trib. arrond. Liège, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1004), pour l'action d'un agent statutaire en paiement d'une rémunération (Trib. trav. Liège, réf., 8 juillet 1992, O.D.S., 1992, p. 474, note J.J.), pour une action relative à un abus de confiance commis par un employé (Trib. arrond. Gent, 13 avril 1992, R.D.S., 1993, p. 36), pour l'action en réparation du dom­mage causé aux titulaires d'un bail à ferme par un tiers au contrat (Trib. arrond. Liège, 10 février 1994, J. J.P., 1994, p. 359), pour l'action en réparation du préjudice causé par un acte de concurrence déloyale (Prés. Comm. Namur, 21 sep­tembre 1994, Prat. comm., 1994, p. 6) ou encore pour les contestations en matière de contrat de gérance (Trib. arrond. Bruxelles, 3 avril 1995, J. T., 1995, p. 522).

Le tribunal de première instance doit être préféré chaque fois que la lecture de la loi laisse subsister un véritable doute sur l'existence d'une attribution de compétence à un juge d'exception (Trib. arrond. Liège, 3 mars 1994, J.L.M.B., 1994, p. 934).

206. Font aussi et surtout partie de la compétence ordi­naire du tribunal de première instance les litiges relevant de la compétence spéciale d'une juridiction d'exception, sous réserve du déclinatoire de compétence soulevé par le défendeur in limine litis. Le tribunal de première instance ne peut soulever d'office son incompétence (Trib. arrond. Bruxelles, 1er juin 1992, J. T., 1992, p. 578).

En l'absence de déclinatoire du défendeur soulevé dans ses premières conclusions, le tribunal de première instance peut ainsi connaître d'une action en matière de pension alimentaire

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REVUE CRITIQUE .DE JURISPRUDENCE BELGE 65

(civ. Namur, 17 janvier 1990, J.T., 1990, p. 259), d'une demande en matière locative (Trib. arrond. Arlon, 30 mai 1989, R. G.D. O., 1990, p. 88 ; Trib. arrond. Bruxelles, 1er juin 1992, J. T., 1992, p. 578) ou encore d'une demande relative à un contrat de crédit (civ. Mechelen, 16 décembre 1991, R.G.D.O.; 1992, p. 530; Trib. arrond. Antwerpen, 11 février 1992, R. W., 1991-1992, col. 1436). Toutes ces demandes sont spécialement attribuées au juge de paix (voy. aussi civ. Ver­viers, 27 novembre 1995, R.G.D.O., 1996, p. 240).

§ 2. - Limites

207. La compétence ordinaire du tribunal de première ins­tance ne s'étend qu'aux demandes. Elle ne s'étend pas à la compétence de ce tribunal pour connaître de l'appel des juge­ments rendus par le juge de paix (à ce sujet, voy. infra, sec­tion III).

208. La compétence ordinaire ne s'étend pas aux demandes directement dévolues à la Cour d'appel et à la Cour de cassa­tion. En effet, les cours ne connaissent pas seulement de recours ; le Code judiciaire leur attribue parfois directement certaines contestations dont elles connaissent alors à titre de demandes. Ces demandes sont, pour la Cour d'appel, énumé­rées aux articles 604 à 606 du Code judiciaire, pour la Cour de cassation, aux articles 610 à 615 du même Code.

209. La compétence ordinaire s'applique pleinement aux chambres constituant la section civile du tribunal. Qu'en est-il du président siégeant en référé, du tribunal de la jeunesse, du juge des saisies 1

a) La nature des compétences exercées par le président sta­tuant en référé élargit ses attributions bien au-delà de la com­pétence ordinaire au fond prévue par l'article 568, alinéa 1er du Code judiciaire. L'article 584 du Code judiciaire confère en effet au président du .tribunal de première instance compé­tence au provisoire en toutes matières (voy. infra, Chapi­tre VI ; P. MARCHAL, Les référés, Bruxelles, Larcier, 1992, n°8 44 et 45, p. 75 et 76).

b) Depuis l'arrêt d~ principe de la Cour de cassation du 11 mai 1984 (Pas., 1984, I, 1110; R. W., 1984-1985, col. 125,

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note J. LAENENS), on reconnaissait au tribunal de la jeunesse compétence ordinaire pour ce qui concerne les litiges relatifs à la situation et à la garde des enfants mineurs ( voy. également cass., 18 février 1993, J.T., 1993, p. 423; J.L.M.B., 1993, p. 1453, note Ch. PANIER). S'agissant, en l'espèce, d'une demande relative au droit de visite des grands-parents, la Cour avait considéré qu'elle relevait de la compétence du tribunal de la jeunesse bien qu'elle ne soit pas spécialement visée par la loi du 15 avril 1965 et donc pas attribuée expressément au tribunal de la jeunesse. Cette position semblait conforme aux objectifs poursuivis par la création du tribunal de la jeunesse ( comp. en sens contraire C. ÜAMBIER, t. Il, La compétence, Bruxelles, Larcier, 1981, p. 266 et suiv.).

Depuis la loi du 13 avril 1995, s'agissant de l'exercice de l'autorité parentale, les articles 374 et 387bis du Code civil confèrent expressément compétence au tribunal de la jeunesse pour «ordonner ou modifier, dans l'intérêt de l'enfant, toute disposition relative à l'autorité parentale» (pour un commen­taire de la loi du 13 avril 1995, voy. J.L. RENCHON, «La nou­velle réforme législative de l'autorité parentale », Rev. trim. dr. civ., 1995, p. 403 et suiv. ; sur l'article 387bis du Code civil, voy. J.E. BEERNAERT et 1\1. BLITZ, «La nouvelle répartition des compétences relatives aux relations parentales», Rev. dr. de l'U.L.B., 1996, p. 13 et suiv.).

Mais il ne peut être question de confier au tribunal de la jeu­nesse toute la compétence ordinaire prévue à l'article 568, ali­néa 1er du Code judiciaire et revenant aux chambres civiles du tribunal de première instance ( voy. aussi sur cette question, J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak, De bevoegdheid (1979-1992) », Tijds. voor privaatrecht, 1993, n° 65, p. 1521 et 1522).

Les incidents de répartition entre le juge de la jeunesse et les chambres civiles du tribunal de première instance sont réglés par l'article 88, § 2, du Code judiciaire. Si l'incident n'est pas soulevé in limine litis, le juge saisi le demeure.

c) La question de savoir si le juge des saisies bénéficie de la compétence ordinaire prévue à l'article 568, alinéa 1er du Code judiciaire est vivement controversée (J. van CoMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 399; J.L. LE-

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DOUX, «Chronique de jurisprudence, Les saisies », J. T., 1989, p. 615, n° 7; J. LAENENS, (<Chronique de droit judiciaire», R. W., 1982-1983, col. 1432, n° 22 ; Liège, 2 décembre 1988, Pas., 1989, II, 133 ; voy. cependant J.L. LEDOUX, «Les sai­sies, Chronique de jurisprudence 1989-1996 », Les Dossiers du J. T. , n ° 15, 1997, n ° 1, p. 16 qui adopte une position plus nuancée). S'agissant d'un juge spécialisé et compte tenu de la procédure rapide et simplifiée qui peut être suivie devant le juge des saisies, il serait peut-être plus prudent de lui recon­naître une compétence ordinaire mais limitée aux litiges qui présentent un lien avec l'exécution (voy. dans ce sens : R.P.D.B., v 0 Saisies-Généralités, n° 162).

De toute manière, les incidents de répartition pouvant sur­venir entre le juge des saisies et les chambres civiles du tribu­nal de première instance sont réglés par l'article 88, § 2, du Code judiciaire. A défaut d'avoir soulevé l'incident in limine litis, le juge des saisies demeure saisi de l'affaire.

§ 3. - Exceptions

210. Une première exception au principe de la compétence ordinaire du tribunal de première instance est formulée dans l'article 568, alinéa 2 du Code judiciaire. Si une demande rele­vant de la compétence spéciale d'une juridiction d'exception est portée devant le tribunal de première instance, le défen­deur peut, dans ses premières conclusions, soulever le déclina­toire de compétence. Application doit alors être faite de l' ar­ticle 639 du Code judiciaire : le choix appartient au deman­deur de requérir le renvoi de la cause devant le tribunal d' ar­rondissement ou de laisser le tribunal de première instance sta­tuer sur sa compétence. 1\fais le juge ne peut d'office soulever son incompétence (Trib. arrond. Bruxelles, 1er juin 1992, J. T., 1992, p. 578).

211. Demeure très controversée la question de savoir si, en cas de défaut du défendeur, le tribunal de première instance, saisi d'un litige relevant de la compétence spéciale d'une juri­diction d'exception, doit soulever d'office le déclinatoire de compétence (Ch; PANIER, «La vérification de sa compétence par le juge statuant par défaut», J.L.M.B., 1988, p. 1372 ;

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J.F. van DROOGHENBROECK, «Les pouvoirs du juge statuant en l'absence du défendeur ou les contradictions du défaut», Ann. dr. Louvain, 1995, p. 432 à 434).

Une partie de la jurisprudence applique les principes retenus par la Cour de cassation en cas de défaut du défendeur et de violation par le demandeur des règles de compétence territo­riale supplétives (cass., 13 juin 1985, Pas., 1985, I, 1315; voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, n° 170, p. 610 et 611). Il conviendrait que le tribunal de première instance sou­lève d'office son incompétence et renvoie la cause au tribunal d'arrondissement ( civ. Bruxelles, 11 juin 1992, Pas., 1992, III, 84, notes F.B.; Trib. arrond. Bruxelles, 7 juin 1993, J.T., 1993, p. 670).

D'autres, au contraire, considèrent qu'il ne revient pas au tribunal de première instance de soulever d'office son incompé­tence puisqu'il est compétent sur base de l'article 568, ali­néa ier, du Code judiciaire (Trib. arrond. Liège, 4 juin 1992, Act. du droit, 1993, p. 127; Trib. arrond. Verviers, 18 mars 1994, J.L.M.B., 1994, p. 936).

L'insécurité juridique règne en maître dans cette matière et certains préconisent une intervention législative pour y mettre fin (J. LAENENS, «De vrederechter in de kou », J.J.P., 1993, p. 178 et 179, n° 19).

212. Si l'affaire portée devant le tribunal de première ins­tance relève de la compétence exclusive, au sens fort, d'une juridiction d'exception, il revient au tribunal de soulever d' of­fice son incompétence et, en vertu de l'article 640 du Code judiciaire, de renvoyer l'affaire au tribunal d'arrondissement. En l'absence de pareille réaction d'office du tribunal, chacune des parties peut, à tout moment, soulever le déclinatoire; il y a alors lieu à application de l'article 639 du Code judiciaire, le choix revenant au demandeur de requérir le renvoi au tribunal d'arrondissement ou de laisser le tribunal de première instance statuer sur sa compétence.

Ainsi en irait-il d'une. demande en matière de faillite, de sécurité sociale, d'action en cessation d'un acte de concurrence déloyale ou encore de réparation d'un dommage né d'un acci­dent de la circulation (Trib. arrond. Gent, 22 mai 1995, Dr.

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circ., 1995, p. 240 ; Trib. arrond. Brugge, 22 mai 1995, J.L.M.B., 1996, p. 55, notes A. DEBRULE et J. MATAGNE; sur la compétence exclusive du tribunal de police,. voy. infra, n° 350).

213. La compétence ordinaire du tribunal de première ins­tance ne s'étend pas à la compétence de ce tribunal pour connaître de l'appel des jugements rendus, en matière civile, par le juge de paix et, depuis la loi du 11 juillet 1994, des juge­ments rendus par le tribunal de police en matière de répara­tion des dommages causés par un accident de la circulation (contra : A. FETTWEIS, La compétence, n ° 79 ; J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak, De bevoegdheid (1979-1982) », Tijds. voor privaatrecht, 1993, n ° 64 et les références).

Cette compétence d'appel est d'ordre public et si le tribunal de première instance est saisi à tort, il lui revient de soulever d'office son incompétence et de renvoyer la cause au tribunal d'arrondissement (civ. Bruxelles, 3 juin 1993, Pas., 1993, III, 28, note). L'intimé ou toute partie présente en degré d'appel pourrait aussi soulever le déclinatoire à tout moment et l' ap­pelant aurait alors le choix prévu à l'article 639, alinéa 1er du Code judiciaire (article 639, alinéa 4 du Code judiciaire).

SECTION II. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

214. Parmi les compétences spécialement attribuées au tri­bunal de première instance, figurent en premier lieu les demandes relatives à l'état des personnes (article 569, 1° du Code judiciaire). Le contentieux de l'état des personnes com­prend principalement celui des actes de l'état civil (voy. Ant­werpen, 29 juin 1988, Pas., 1989, Il, 12, notes A.K. pour une action en réclamation d'état et accessoirement une action en rectification d'un acte de l'état civil), du mariage et du divorce, de la filiation, des incapacités et de la nationalité (voy. civ. Gent, 24 novembre 1994, R. W., 1995-1996, col. 25 et Bruxelles, 27 avril 1995, R.D.E., 1995, p. 308, note, pour des actions visant à obtenir le statut d'apatride). Dans ce conten..: tieux, le mariage, le divorce et la filiation retiendront plus par­ticulièrement notre attention (§ ier).

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La loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse et cer­taines dispositions du Code civil confient des compétences spé­cifiques au tribunal de la jeunesse (§ 2).

L'article 569 du Code judiciaire contient l'énumération d'autres compétences revenant en propre au tribunal de pre­mière instance parmi lesquelles celle de connaître du conten­tieux de l'exécution des jugements et arrêts (article 569, 5 °) ; par ailleurs, l'article 570 du Code judiciaire attribue au tribu­nal de première instance le pouvoir de statuer sur l'exequatur des décisions rendues à l'étranger ( § 3).

§ 1er. - Contentieux de l'état des personnes

1. Mariage

215. Sous réserve des compétences spécialement attribuées au juge de paix par les articles 221 et 223 du Code civil (voyez infra, Chapitre II, section II, § 2), le contentieux du mariage au sens large relève de la compétence exclusive du tribunal de première instance.

Dans cette matière, il convient de distinguer, d'une part, les litiges ayant trait à la célébration, à la formation et à la vali­dité du mariage et, d'autre part, ceux relatifs aux effets du mariage.

216. La célébration même du mariage peut donner lieu à conflits, ainsi particulièrement lorsque l'officier de l'état civil, estimant qu'une condition de fond ou de forme n'est pas rem­plie, refuse de célébrer un mariage. Ce refus est soumis à contrôle judiciaire du tribunal de première instance. En cas d'urgence, on pourrait aussi rencontrer la compétence du pré­sident, sur base de l'article 584 du Code judiciaire (civ. Bruxelles, réf., 1er mars 1994, R. T.D.F., 1995, p. 41).

En l'absence de consentement de l'une des parties ou en cas de vice de consentement, la nullité du mariage peut être pour­suivie devant le tribunal de première instance. L'absence de consentement d'une partie peut procéder de ce que celle-ci n'avait aucun projet de vie commune (Anvers, 31 octobre 1990, R.G.D.O., 1992, p. 358, note J. RooDHOOFT; civ. Turn­hout, 14 mars 1991, Turnh. Rechtsl., 1992, p. 159 ; civ. Liège,

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12 mars 1992, R. T.D.F., 1992, p. 271). Le vice de consente­ment peut être une erreur, un dol, voire une violence morale (l\Ions, 27 juin 1989, R. T.D.F., 1992, p. 263 ; Bruxelles, 9 mars 1995, A.J. T., 1994-1995, p. 566, note K. WAUTERS-LAMBEIN et W. WAUTERS).

Le tribunal de première instance est, de même, exclusive­ment compétent pour se prononcer en matière de mariage putatif ou pour prononcer la nullité d'un mariage simulé. En ce qui concerne le mariage putatif, le tribunal de première ins­tance apprécie souverainement l'existence de la bonne foi, consistant dans l'ignorance de la cause qui faisait obstacle à la validité du mariage (Liège, 16 novembre 1993, R. G.D. O., 1994, p. 503 et note L. BARNICH). Quant au mariage simulé, le tribu­nal doit apprécier l'existence ou non, dans le chef de chacun des deux époux, de la volonté réelle de contracter mariage et d'en assumer les effets. Ainsi, le mariage est fictif s'il n'est contracté que dans le but d'empêcher une expulsion du terri­toire (cass., 19 mars 1992, R. W., 1992-1993, col. 158; Liège, 30 juin 1992, R. T.D.F., 1992, p. 278 ; Liège, 26 avril 1993, J.T., 1994, p. 536; Bruxelles, 7 juin 1994, R.G.D.O., 1995, p. 377 et note J. RooDHOOFT ; Liège, 13 décembre 1994, R. T.D.F., 1996, p. 45 ; civ. Bruxelles, 8 mars 1995, R. T.D.F., 1996, p. 60; sur l'ensemble de cette problématique, voy. J.P. MASSON, «L'annulation du mariage», in Démariage et coparentalité, Story Scientia, 1997, p. 165 et suiv. ; P. FRANCE, « La pratique judiciaire à Bruxelles en matière de mariages simulés», même ouvrage, p. 191 et suiv.).

217. Les effets du mariage et les conflits que ceux-ci entraî­nent sont, sauf exceptions relevant de la compétence du juge de paix, également de la compétence exclusive du tribunal de première instance.

Les devoirs d'habiter ensemble, de fidélité, de secours et d'assistance (article 213 du Code civil) sont, quand ils donnent lieu à conflits, généralement de la compétence du juge de paix, non seulement sur base des articles 221 et 223 du Code civil (voyez infra, chapitre II, section II, § 2), mais encore en vertu de l'article 214 du Code civil qui prévoit expressément l'inter­vention du juge de paix en cas de désaccord entre époux quant à la fixation de la résidence conjugale et de l'article 215, § 2,

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du même Code qui reconnaît compétence au juge de paix pour trancher les contestations relatives au droit au bail de l'im­meuble affecté au logement principal de la famille (voy. notamment cass., 22 mars 1991, Pas., 1991, I, 693; civ. Mechelen, 5 octobre 1992, T.R. V., 1994, p. 462, note X).

Par contre, les articles 215, § 1er, 216, § 1er et § 2 et 220, § 1er et § 2 du Code civil attribuent des compétences spécifiques au tribunal de première instance. Celui-ci est ainsi compétent pour autoriser le conjoint, n'ayant pas reçu l'accord de l'autre, à passer l'un des actes prévus à l'article 215, § ier du Code civil ; pour statuer en matière d'exercice de la profession et de port du nom du conjoint (Liège, ier décembre 1992, R. T.D.F., 1994, p. 716) ; pour autoriser l'époux dont le conjoint est dans l'impossibilité de manifester sa volonté, à passer seul les actes visés à l'article 215, § ier du Code civil (civ. Audenarde, 30 octobre 1990, R. W., 1991-1992, col. 1264).

2. Divorce pour cause déterminée

218. Le tribunal de première instance, chambres civiles, est exclusivement compétent pour prononcer le divorce, tant pour cause déterminée que par consentement mutuel.

En cours de procédure, particulièrement celle du divorce pour cause déterminée, le président du tribunal de première instance est appelé à jouer un rôle important.

A la lumière de la législation, en tenant compte des modifi­cations apportées successivement par les lois du 30 juin 1994 et du 20 mai 1997, et de la jurisprudence, nous tenterons de départager les compétences revenant au tribunal et à son pré­sident.

219. La citation introductive d'instance peut être soit à double détente et à double date, soit à double détente sans double date (voy. sur ces questions J.L. RENCHON, «La loi du 20 mai 1997 réparatrice de la réforme des procédures en divorce», J. T., 1997, p. 738 et 739 ; S. DEMARS, «Les procé­dures en divorce», Dossiers du J. T., 1997, p. 18 à 21 ; la juris­prudence antérieure à la loi du 20 mai 1997 était divisée quant à l'admissibilité de la citation à double détente et à double date; pour l'admissibilité : civ. Nivelles, réf., 21 février 1995,

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J.L.M.B., 1995, p. 1049 ; contre l'admissibilité : civ. Bruxelles, réf., 2 novembre 1994, E.J., 1995, p. 91 et note P. SENAEVE; civ. l\Ions, réf., 18 novembre 1994, J.L.M.B., 1995, p. 1046, obs. Ch. PANIER; civ. Bruxelles, réf., 24 mai 1995, R.T.D.F., 1996, p. 74). Dans le premier cas, le tribunal et le président sont saisis mais rien n'empêche le tribunal d'entériner un accord intervenu entretemps entre les parties, sur les mesures provisoires. Dans le second cas, le défendeur n'est cité à com­paraître qu'à l'audience d'introduction du tribunal. Si un accord est présenté à cette audience, le tribunal l'entérine. Si aucun accord n'est intervenu, soit le tribunal remet la cause à une audience ultérieure; soit, à la demande d'une partie, ren­voi est fait au président.

Il est toujours possible pour le demandeur de lancer des citations distinctes au fond et en règlement des mesures provi­soires. Après citation en divorce au fond et si aucun accord n'intervient entre parties, citation ultérieure peut toujours être faite pour l'obtention de mesures provisoires.

220. Dans l'article 1280 du Code judiciaire, le législateur consacre la compétence du président pour, en l'absence d' ac­cord entre parties, statuer sur les mesures provisoires relatives à la personne, aux aliments et aux biens, tant des parties que des enfants. L'urgence est présumée, la saisine du président est permanente et la cause peut être ramenée devant lui par simple dépôt de conclusions.

Depuis la loi du 20 mai 1997, le président demeure saisi jus­qu'à la dissolution du mariage c'est-à-dire jusqu'à ce que la décision prononçant le divorce soit coulée en force de chose jugée. Le législateur rejette ainsi clairement la position juris­prudentielle antérieure qui consistait à maintenir la compé­tence présidentielle aussi longtemps qu'une demande recon­ventionnelle était encore pendante (voy. notamment cass., 25 mai 1984, J.T., 1985, p. 77; contra : civ. Namur, prés., 29 septembre 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1546, obs. G. DE LEVAL).

221. a) Après la dissolution du mariage, les juges compé­tents ratione materiae retrouvent leur compétence. Ainsi, notamment, le tribunal de la jeunesse redevient compétent

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pour les conflits en matière d'autorité parentale (voy. infra, n° 232 c) et le juge de paix pour ceux relatifs aux pensions ali­mentaires ( voy. infra, n ° 295).

Ce principe doit cependant être nuancé. En vertu de la règle selon laquelle la compétence s'apprécie au jour de l'introduc­tion de la demande, le président, saisi sur base de l'article 1280 du Code judiciaire, avant la dissolution du mariage, demeure compétent pour se prononcer sur les mesures provisoires rela­tives à la personne et aux biens des époux et de leurs enfants, même après dissolution du mariage (cass., 9 septembre 1988, Pas., 1989, I, 94; cass., 10 février 1993, Pas., 1993, 1, 196 ; contra : civ. Nivelles, réf., 3 octobre 1995, Div. Act., 1996/4, p. 60 et note J.E. BEERNAERT). Ce faisant, le président doit prendre en compte l'évolution de la situation des parties, en ce compris les éléments survenus depuis la dissolution du mariage (Mons, 24 février 1985, Ann. dr. Liège, 1986, p. 45 et note C. MALMENDIER).

· Si ces règles de compétence ne sont pas respectées, il y a lieu à application de l'article 88, § 2 du Code judiciaire s'il s'agit d'un incident de répartition au sein du tribunal de première instance ; des articles 639 ou 640 du Code judiciaire s'il s'agit d'un conflit de compétences entre juridictions organiquement distinctes.

b) Après la dissolution du mariage, le président du tribunal pourrait également être saisi d'une demande en matière d'au­torité parentale ou de pension alimentaire. Il le serait alors sur base de l'article 584 du Code judiciaire, au provisoire et vu l'urgence, celle-ci devant être prouvée (civ. Verviers, 23 octobre 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1715).

3. Divorce par consentement mutuel

222. Le tribunal de première instance appreme les condi­tions d'âge et de durée du mariage, au jour de l'introduction de la requête visée à l'article 1288bis du Code judiciaire (articles 275 et 276 du Code civil modifiés par la loi du 20 mai 1997 ; civ. Antwerpen, 9 octobre 1995, Div. Act., 1996, p. 122 et note P. SENAEVE).

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223. Le tribunal de première instance prononce le divorce par consentement mutuel après contrôle sur les conventions préalables relatives aux enfants mineurs.

Le contrôle du juge se concrétise, d'abord, par un pouvoir d'injonction lors des comparutions personnelles (article 1290 du Code judiciaire), ce pouvoir revenant au président ou au juge qui en exerce les fonctions (J.L. RENCHON, op. cit., n°s 59 à 67). Si les époux ne se soumettent pas à pareilles injonctions, il revient au tribunal de première instance lui-même, au terme des comparutions, de se prononcer sur l'incident et ses consé­quences, non sans avoir préalablement entendu les parties.

Le contrôle du juge se manifeste, ensuite, par le pouvoir d'homologation des conventions relatives aux enfants mineurs (article 1298 du Code judiciaire), ce pouvoir revenant au tribu­nal de première instance au moment de prendre sa décision sur le divorce. L'étendue du pouvoir d'appréciation du tribunal est ici controversée : y a-t-il ou non, à ce stade, pouvoir sup­plémentaire de contrôle 1 (J.L. RENCHON, op. cit., n°s 70 et 71 ; S. DEMARS, op. cit., p. 76 et suiv.).

224. L'homologation des conventions relatives aux enfants mineurs a pour effet essentiel de conférer à ces conventions, autorité de chose jugée et force exécutoire, au jour de la disso­lution du mariage.

Cependant, compte tenu de la spécificité de la matière, l'au­torité de chose jugée ne vaut que rebus sic stantibus, ce qui signifie que des modifications aux conventions préalables peu­vent intervenir si les circonstances viennent à changer et si l'intérêt de l'enfant le requiert. Deux sortes de modifications peuvent se présenter. Il peut, d'abord, s'agir de modifications conventionnelles qui, à leur tour, devront faire l'objet d'une homologation (1\1.-Th. MEULDERS-KLEIN et S. DEMARS, «La réforme de la réforme du divorce : protection ou incohé­rences», J.T., 1996, p. 673 et suiv.; contra : J.L. RENCHON, op. cit., n°s 75 et suiv. qui cite deux arrêts de cassation mais antérieurs à la réforme de 1997 : cass., 8 mai 1992, Pas., 1992, 1, 784 et cass., 16 janvier 1997, R.W., 1997-1998, col. 117 et note J. GERLO). Il peut, aussi, s'agir de modifications judi­ciaires décidées par les juges compétents (tribunal de la jeu­nesse ou juge de paix) «lorsque des circonstances nouvelles et

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indépendantes de la volonté des parties modifient sensible­ment leur situation ou celle des enfants» (article 1288, alinéa 2 du Code judiciaire). Il convient de ne pas prendre ce dernier texte à la lettre et d'admettre les modifications quand il y a circonstances nouvelles et qu'il y va de l'intérêt de l'enfant, en ayant toujours à l'esprit, en matière alimentaire, la propor­tionnalité entre les ressources respectives des parents et les besoins de l'enfant.

4. Filiation

225. L'article 331, § pr du Code civil contient à la fois une règle de compétence matérielle et une règle de compétence ter­ritoriale (pour la compétence territoriale, voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 615, n° 178) qui auraient dû logiquement figurer dans le Code judiciaire.

Le tribunal de première instance est donc exclusivement compétent pour connaître des actions de filiation ( J. v AN CoM­PERNOLLE, «Aspects judiciaires des actions relatives à la filia­tion», Ann. dr. Louvain, 1987, p. 320 et suiv.; J. MELLAERTS, « Procesrechtelijke problemen in het nieuwe afstammings­recht », in Vijf jaar toepassing van het nieuwe afstammingsrecht, Acco, Leuven, 1993, p. 125 et suiv.).

Sont considérées comme des actions relatives à la filiation, revenant donc, sous réserve de quelques règles particulières, au tribunal de première instance (pour un commentaire des règles de droit matériel, voy. M.-Th. MEULDERS-KLEIN, « L'établissement et les effets personnels de la filiation selon la loi belge du 31 mars 1987 », Ann. dr. Louvain, 1987, p. 213 et suiv. ; E. VIEUJEAN, «Le nouveau droit de la filiation», Ann. dr. Liège, 1987, p. 99 et suiv. ; V. PouLEAU, «Propos sur les modes de preuve retenus en matière d'établissement et de contestation de la filiation en droit belge», R. T.D.F., 1995, p. 613 et suiv.) : l'action en contestation de la filiation mater­nelle établie par l'acte de naissance (article 312 du Code civil); l'action en constatation judiciaire de maternité (article 314); l'action en contestation de la paternité du mari établie en vertu de la présomption de paternité (article 318; Mons, 3 mai 1994, J.L.M.B., 1995, p. 185) ; les actions en autorisation et en annulation de reconnaissance de paternité (articles 319 et

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320; C.A., 8 octobre 1992, J.T., 1993, p. 306, note B. RE­

NAULD ; C.A., 14 juillet 1994, J.L.M.B., 1995, p. 164, note D. PIRE), sous réserve de l'action en autorisation de reconnais­sance visée à l'article 319, § 3, qui doit être introduite par requête devant le juge de paix lequel ne renvoie au tribunal de première instance que s'il ne peut recevoir les consente­ments nécessaires (J.P. ROULERS, 24 octobre 1995, J.J.P., 1996, p. 286); l'action en homologation de l'acte de reconnais­sance {article 319bis ; civ. Liège, 17 mai 1991, J.L.M.B., 1993, p. 920, note D. PIRE); l'action en constatation judiciaire de paternité (articles 322 et suiv. ; civ. l\lons, 26 septembre 1990, J.L.M.B., 1992, p. 552, note J. SossoN ; civ. Liège, 17 mai 1991, R. G.D.O., 1992, p. 77; civ. Arlon, 19 avril 1991, R.T.D.F., 1991, p. 388) et l'action en contestation de recon­naissance de paternité ou de maternité (article 330; l\fons, 4 février 1992, J. T., 1992, p. 313 ; civ. Liège, 31 janvier 1994, J.L.M.B., 1995, p. 193; cass., 11septembre1995, Bull., 1995, p. 792).

Ne fait pas partie des actions relatives à la filiation, l'action en réclamation d'aliments à celui qui a eu des relations avec la mère pendant la période légale de conception (article 336 du Code civil). La requête est adressée au président du tribunal de première instance qui ne renvoie la cause au tribunal qu' « à défaut d'entente entre les parties ou si elles ne comparaissent pas » (article 338).

226. Le deuxième paragraphe de l'article 331 du Code civil précise que «chaque fois qu'il existe une contestation relative à la filiation, les tribunaux répressifs comme toutes les autres juridictions, ne peuvent statuer qu'après que la décision du tribunal de première instance sur la question d'état est passée en force de chose jugée».

Ce texte, particulièrement important, appelle diverses obser­vations {voy. à ce sujet, J. VAN ÜOMPERNOLLE, «Aspects judi­ciaires des actions relatives à la filiation», op. cit., p. 323 et suiv.).

a) L'article 331, § 2 du Code civil consacre expressément une question préjudicielle au profit du tribunal de première instance. Il n'y a question préjudicielle qu'en présence d'un texte exprès prévoyant que le juge saisi de la demande ne peut

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connaître de telle question nécessaire à la solution du litige et doit la renvoyer à une autre autorité pour qu'elle soit préala­blement tranchée (C. CAMBIER, «Droit judiciaire civil», t. II, La compétence, Bruxelles, Larcier, 1981, p. 22 et suiv.).

b) Le renvoi préjudiciel ne vaut que pour les questions de filiation. On ne peut l'étendre à toutes les questions d'.état qui, pour le surplus, demeurent de simples questions préalables, à trancher par le juge saisi de la demande principale lui-même, fût-il un juge d'exception.

c) Dans un arrêt du 21 mai 1987 (Pas., 1987, I, 1161), la Cour de cassation décide qu'en statuant à titre incident sur une question de filiation, le président du tribunal, saisi sur base de l'article 1280 du Code judiciaire, « a empiété sur les attributions du tribunal de première instance seul compétent en vertu de l'article 569, 1° du Code judiciaire pour connaître des contestations relatives à l'état des personnes ». Cet arrêt décide donc que le juge des référés ne peut connaître, à titre incident, de contestations relatives à l'état des personnes. Faut-il, au contraire, considérer comme certains le pensent, que le juge des référés, amené à vérifier s'il existe des appa­rences de droit suffisantes pour justifier une mesure provisoire, peut connaître, à titre incident, de pareilles contestations, y compris celles relatives à la filiation, son ordonnance n'ayant de toute manière pas autorité de chose jugée ( voy. la note sous l'arrêt précité, Pas., 1987, I, 1162) ? Faut-il, s'inspirant de la jurisprudence ·de la Cour de justice des Communautés euro­péennes en matière de renvoi préjudiciel par le juge du provi­soire, permettre au président de connaître à titre incident et provisoire d'une question de filiation mais à charge de poser la question préjudicielle (comp. C.J.C.E., 21 février 1991, Zü­ckerfabrik, Gaz. Pal., 1992, 1, 186; C.J.C.E., 9 novembre 1995, Atlanta, Rev. trim. dr. eur., 1996, 121) ? Cette dernière solu­tion, plus nuancée, nous paraît être plus conforme aux prin­cipes.

d) La loi ne dit rien quant à la procédure à suivre pour le renvoi de la question préjudicielle au tribunal de première ins­tance. Il faut considérer que ce renvoi se fait par le juge saisi de la demande principale lui-même, sans intervention du tri­bunal d'arrondissement, ce dernier n'étant appelé à connaître

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que des demandes et non des questions (J.P. Liège, 29 avril 1988, J.L.M.B., 1989, p. 136).

§ 2. - Contentieux de la protection de la jeunesse

1. Autonomie du tribunal de la jeunesse

227. L'autonomie du tribunal de la jeunesse pose, en réa­lité, deux questions : celle de l'étendue de la compétence et celle de la nature des compétences exercées par cette juridic­tion.

228. a) La question de l'étendue de la compétence revenant au tribunal de la jeunesse a déjà fait l'objet d'un développe­ment à l'occasion de l'étude de la compétence ordinaire du tri­bunal de première instance ( voy. supra, n ° 209 b).

b) En ce qui concerne la prorogation de compétence sur demande reconventionnelle, l'on renvoie aux développements antérieurs (voyez cette chronique, cette Revue, 1997, p. 596 et 597, n° 150). Le tribunal de la jeunesse ne pourrait selon nous bénéficier de la prorogation générale de compétence sur demande reconventionnelle telle qu'elle est établie dans l'ali­néa 1er de l'article 563 du Code judiciaire ; il devrait en revanche pouvoir connaître de toutes demandes reconvention­nelles ayant trait aux enfants mineurs (voy. notamment Gent, 29 novembre 1993, R. W., 1994-1995, col. 166).

c) Par l'effet de la connexité, enfin, le tribunal de la jeu­nesse peut connaître de litiges relevant, en principe, de la com­pétence d'autres juridictions, notamment du juge de paix. Ainsi, saisi d'une demande relative au droit de garde, le tribu­nal de la jeunesse peut connaître, par connexité, d'une demande en matière de pension alimentaire ( voy. cette chroni­que, cette Revue, 1997, p. 604, n° 162; Trib. jeun. Bruxelles, 9 avril 1991, R. T.D.F., 1991, p. 425; Trib. jeun. Gent, 28 mars 1994, T. G.R., 1994, p. 160).

229. La nature des compétences exercées par le tribunal de la jeunesse a également fait l'objet de nombreuses contro­verses : ces compétences sont-elles spéciales ou exclusives (sur cette controverse, voy. C. CAMBIER, t. II, La compétence, op. cit., p. 267 et suiv.) 1

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Le degré de spécialisation de la juridiction et les objectifs poursuivis par l'auteur de la loi du 8 avril 1965 amènent plu­tôt à considérer qu'il s'agit de compétences exclusives dont aucune autre juridiction, pas même les chambres civiles du tri­bunal de première· instance, ne pourrait connaître.

Dans les faits, la distinction est, à première vue, sans impor­tance. Qu'il s'agisse de compétences spéciales ou exclusives, une fois portées devant une juridiction d'exception, elles don­nent lieu à déclinatoire d'ordre public réglé par les articles 639 ou 640 du Code judiciaire. Portées devant une chambre civile du tribunal de première instance, elles donnent lieu au règle­ment prévu à l'article 88, § 2 du Code judiciaire pour les inci­dents de répartition au sein de la juridiction ordinaire.

Cependant, dans l'hypothèse où une demande relevant de la compétence du tribunal de la jeunesse est portée à titre inci­dent devant une autre juridiction, le choix quant à la nature des compétences exercées par le tribunal de la jeunesse est capital. Si ces compétences sont simplement spéciales, les mécanismes de prorogation de compétence des articles 563 et 564 du Code judiciaire peuvent jouer. Si ces compétences sont tenues pour exclusives, la prorogation de compétence est, en principe, tenue en échec (J.P. Saint-Josse-ten-Noode, 6 novembre 1990, J.J.P., 1992, p. 196, note : le juge de paix est incompétent pour se prononcer sur une demande reconven­tionnelle quant au droit de visite, cette demande étant de la compétence exclusive du tribunal de la jeunesse). Rappelons cependant que, dans un arrêt du 23 décembre 1988, la Cour de cassation semble avoir remis en cause cet enseignement en décidant que, pour cause de connexité, le tribunal de première instance peut connaître d'une demande relative à la gestion du curateur d'une faillite (cass., 23 décembre 1988, Pas., 1988, I, 469; voy. à ce sujet, notre précédente chronique, cette Revue, 1997, p. 608, n° 167).

2. Compétences du tribunal de la jeunesse

230. Les compétences revenant au tribunal de la jeunesse lui sont expressément attribuées par la loi, spécialement le Code civil et la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeu­nesse.

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231. Une série de dispositions légales viennent ainsi confé­rer des compétences spécifiques au tribunal de la jeunesse. Dans le Code civil, on relèvera plus particulièrement les articles 145 et 148 en matière d'autorisation à mariage ; l' ar­ticle 350 pour l'homologation de l'adoption; les articles 371 et suivants pour ce qui est des conflits relatifs à l'autorité paren­tale et à l'administration des biens des mineurs ; l' arti­cle 370bis en ce qui concerne l'abandon d'un mineur; l'ar­ticle 4 77 en matière d'émancipation. En matière civile, la loi du 8 avril 1965 confie principalement au tribunal de la jeu­nesse la compétence en matière de déchéance de l'autorité parentale.

232. La plupart de ces dispositions ne soulèvent aucune question particulière de compétence. Les conflits relatifs à l'autorité parentale cependant, font exception à la règle en ce sens qu'ils peuvent engendrer de délicats problèmes de fron­tière· entre compétences de différentes juridictions. Nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer lors de l'étude de la procédure de divorce pour cause déterminée (voyez supra, n°8 220 et 221).

a) Pendant le mariage, hors le cas de l'article 223 du Code civil qui réserve compétence au juge de paix pour prendre, en cas d'entente sérieusement perturbée, toutes mesures provi­soires relatives à la personne ou aux biens des époux ou des enfants, le tribunal de la jeunesse est exclusivement compétent pour trancher, au fond, les conflits relatifs à l'autorité paren­tale.

Il en va de même pour connaître d'une demande introduite par un concubin pour obtenir la garde de l'enfant commun mineur (Trib. arrond. Gent, 8 avril 1991, R. W., 1992-1993, col. 1033 et note B. PoELEMANS).

b) Dès l'introduction de la demande en divorce, la compé­tence revient au tribunal de première instance au fond, à son président pour les mesures provisoires. Deux précisions ici s'imposent. La première est que la compétence s'apprécie au moment de l'introduction de la demande et, par conséquent, que le juge valablement saisi avant la demande en divorce, le demeure, peut trancher et sa décision vaut jusqu'à la décision du tribunal de première instance ou de son président ( cass.,

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22 octobre 1981, R. T.D.F., 1981, p. 398). La deuxième préci­sion concerne la compétence ratione temporis du président, saisi sur base de l'article 1280 du Code judiciaire. En cas de demande reconventionnelle en divorce encore pendante, la Cour de cassation avait consacré une prorogation de compé­tence au profit du président (cass., 5 janvier 1978, R.T.D.F., 1978, p. 28 ; cass., 25 mai 1984, Pas., 1984, I, 1165; cass., 29 juin 1995, Div. Act., 1996, p. 9 et note E. DE WILDE d'EsT­MAEL). A l'heure actuelle, compte tenu des termes de la loi du 20 mai 1997 dans l'article 1280 du Code judiciaire, le président ne conserve sa compétence que jusqu'à la dissolution du mariage (J.L. RENCHON, «La loi du 20 mai 1997 réparatrice de la réforme des procédures en divorce», J. T., 1997, p. 744 et suiv., n°8 27 et suiv. ; voy. également supra, n° 220).

c) Après la dissolution du mariage, le tribunal de la jeunesse retrouve sa compétence pour trancher les conflits sur l'autorité parentale (Trib. jeun. Liège, 24 janvier 1990, Ann. dr. Liège, 1990, p. 397 et note J.L. RENCHON ; civ. Nivelles, 29 avril 1994, J.L.M.B., 1994, p. 909, notes), même si une demande reconventionnelle est encore pendante (article 1280 nouveau du Code judiciaire; voy. déjà : Trib. arrond. Namur, 1er mars 1993, R. T.D.F., 1994, p. 722 ; civ. Nivelles, réf., 10 juin 1994, R.T.D.F., 1994, p. 736; civ. Namur, prés., 29 septembre 1995, J. T., 1996, p. 65). Par l'effet de la connexité, et bien qu'il s'agisse d'une compétence revenant au juge de paix, le tribu­nal de la jeunesse peut connaître d'une demande de contribu­tion alimentaire (Gent, 26 septembre 1988, Pas., 1989, II, 52; Trib. jeun. Gent, 22 mai 1989, T. G.R., 1990, p. 59 ; Bruxelles, 3 avril 1990, J.L.M.B., 1991, p. 140 ; Gent, 16 mars 1992, T.G.R., 1992, p. 96), l'existence de pareille connexité relevant de l'appréciation souveraine du tribunal (Bruxelles, 9 avril 1991, R. T.D.F., 1991, p. 425).

§ 3. - Contentieux de l'exécution

1. Exécution des jugements et arrêts

233. L'article 565, 5° du Code judiciaire confie au tribunal de première instance compétence pour connaître « des contes­tations élevées sur l'exécution des jugements et arrêts».

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L'article 1395 du Code judiciaire confie au juge des saisies le jugement de «toutes demandes qui ont trait aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution ».

234. Il n'y a pas identité entre les deux compétences. La compétence revenant au tribunal de première instance est plus étendue en ce qu'elle englobe toutes les contestations relatives à l'exécution ( J. v AN CoMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 398). Ainsi, le tribunal de première ins­tance, et non le juge des saisies, peut connaître des mesures d'exécution relatives aux personnes et des conflits en matière d'exécutions directes ou en nature (voy. R.P.D.B., v 0 Saisies­Généralités, n° 167). Le juge des saisies connaît du contentieux de l'exécution sur les biens prenant la forme des saisies conser­vatoires et des voies d'exécution (G. DE LEVAL, Traité des sai­sies, Liège, 1988, p. 28, n° 15). En cas d'incident de répartition au sein du tribunal de première instance entre chambres civiles et juge des saisies, l'article 88, § 2 du Code judiciaire est applicable. A défaut d'avoir soulevé l'incident de répartition in limine litis, la saisine du juge des saisies est définitivement acquise (voy. à ce sujet, R.P.D.B., V 0 Saisies-Généralités, n° 164 et les références citées).

235. Autre est la question de savoir si le juge des saisies bénéficie, au même titre que les chambres civiles du tribunal de première instance, de la compétence ordinaire prévue à l' ar­ticle 568 du Code judiciaire.

Le problème a déjà été évoqué lors de l'étude de la compé­tence ordinaire revenant au tribunal de première instance (voy. supra, n° 209 c).

236. Conformément aux règles générales de la compétence, le juge des saisies peut connaître, par prorogation de compé­tence, des demandes incidentes (J. VAN CoMPERNOLLE, Exa­men de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 403, n° 4 C; D. CHABOT-LEONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécution, Bruxelles, 1979, p. 61 et 62 ; J.L. LEDOUX, «Les saisies, Chro­nique de jurisprudence, 1989-1996 », Dossiers du J.T., 1997, p. 24 et 25, n° 9; contra : C. CAMBIER, «Droit judiciaire civil», t. II, La compétence, op. cit., p. 97 et 98).

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237. La nature de la compétence exercée, dans le cadre de l'article 1395 du Code judiciaire, est également controversée.

Il est, d'abord, certain que les juridictions d'exception sont incompétentes pour connaître des demandes relatives aux sai­sies conservatoires et aux voies d'exécution, même formées à l'occasion de l'exécution de leurs propres décisions ( G. DE LEVAL, Traité des saisies, 1988, n° 10, p. 22; Trib. trav. Namur, 10 décembre 1975, Pas., 1976, III, 16). Pareilles demandes s'exposeraient à un déclinatoire de compétence d'ordre public.

La question de la nature de la compétence exercée par le juge des saisies est clairement posée lorsqu'il s'agit de savoir si celle-ci tient ou non en échec la compétence ordinaire des chambres civiles et les mécanismes de prorogation de compé­tence, notamment sur demandes incidentes. La spécialisation du juge des saisies et la procédure particulière suivie devant lui plaident en faveur de la nature exclusive des compétences exercées (R.P.D.B., v 0 Saisies-Généralités, n° 159 ; J.L. LE­DOUX, «Les saisies, Chronique de jurisprudence, 1989-1996 », Dossiers du J.T., 1997, p. 15). Ni les chambres civiles du tribu­nal de première instance, en vertu de la compétence ordinaire, ni les juridictions d'exception, sur prorogation de compétence, ne peuvent en connaître.

238. En revanche, les compétences conférées au juge des saisies n'excluent pas la compétence du président du tribunal de première instance, en vertu de l'article 584 du Code judi­ciaire (J. VAN CoMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 404, n° 5; G. DE LEVAL, Traité des saisies, 1988, p. 23, n° 12; civ. Huy, 8 août 1988, R.G.D.C., 1990, p. 158, note J. MICHAELIS). Les termes généraux de cette dis­position autorisent, en effet, le président à intervenir au provi­soire en toutes matières rentrant dans les attributions du pou­voir judiciaire, pour autant que soient prouvées l'urgence ou l'absolue nécessité.

239. La compétence du juge des saisies est très étendue. Elle peut s'exercer quel que soit l'acte servant de base aux poursuites et, s'agissant d'une décision de justice, quelle que soit la juridiction dont émane la décision à exécuter ( J. v AN

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CoMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 399 ; J.L. LEDOUX, «Chronique de jurisprudence», J. T., 1983, p. 480, n° 5 ; du même auteur, «Les saisies», op. cit., Dossiers du J. T., 1997, p. 18 ; R.P.D.B., v 0 Saisies-Généra­lités, n° 174).

Le titre exécutoire peut consister en un jugement, qu'il s'agisse d'un jugement définitif (civ. Namur, sais., 21 février 1986, R. G.E.N., 1987, p. 327) ou d'une ordonnance ( civ. Bruxelles, sais., 4 déc. 1986, R. T.D.F., 1988, p. 345 ; civ. Bruxelles, sais., 29 janvier 1987, R. T.D.F., 1988, p. 361}. Il peut aussi être un acte notarié, lequel est revêtu de la formule exécutoire (G. DE LEVAL, Traité des saisies, 1988, n° 233, p. 461 ; voy. cass., 23 mai 1991, J. T., 1991, p. 613 à propos du caractère exécutoire des obligations de faire ou de ne pas faire contenues dans un acte notarié).

De la même manière, le juge des saisies peut intervenir, en matière fiscale, pour trancher les contestations relatives à l'exécution ( J. v AN CoMPERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 400, n° 3; cass., 9 janvier 1981, J.T., 1982, p. 279) mais non pour statuer sur la débition des impôts enrôlés (civ. Bruxelles, sais., 23 juin 1988, Ann. dr. Liège, 1989, p. 423 et note B. JACQUET ; Gent, 20 septembre 1988, Bull. contr., 1991, p. 2586 ; Gent, 18 avril 1989, Bull. contr., 1991, p. 2843; civ. Charleroi, sais., 9 octobre 1990, Bull. contr., 1991, p. 2611 ; l\fons, 2 juin 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1396).

240. Dans l'exercice de ses compétences, le juge des saisies est lié par la chose jugée au fond. Ainsi jugé qu' « il n' appar­tient pas au juge des saisies de se substituer au juge compétent pour modifier indirectement le montant ou les modalités d'une condamnation reposant sur un titre qui est, jusqu'à éventuelle réformation, modification ou rétractation par le juge du fond compétent, revêtu de l'autorité de la chose jugée» (civ. Bruxelles, sais., 6 mars 1989, J.L.M.B., 1989, p. 664) ou encore que le juge des saisies, saisi d'une demande de rétracta­tion en raison de la survenance de circonstances nouvelles suite au prononcé de la décision au fond, est évidemment lié par l'appréciation faite par le juge du fond dont la décision ne peut être remise en cause que par l'exercice régulier des voies

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de recours (civ. Bruxelles, sais., 25 juin 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1004).

Dans le domaine particulier des obligations alimentaires, les décisions judiciaires doivent être strictement respectées en la forme, dans les délais et suivant les montants fixés. Le juge des saisies ne peut opérer des déductions ou des compensa­tions, ni tenir compte de la modification éventuelle des cir­constances de fait (J.L. RENCHON, «Obligations alimentaires et saisies», R.T.D.F., 1988, p. 276, n° 10; G. DE LEVAL, Traité des saisies, 1988, p. 433, n° 224; Bruxelles, 22 septembre 1985, R.T.D.F., 1988, p. 278; civ. Liège, sais., 25 septembre 1989, Ann. dr. Liège, 1990, p. 170 et note Ch. BIQUET-MATHIEU; civ. Liège, sais., 30 janvier 1989, J.L.M.B., 1989, p. 490; civ. Liège, sais., 19 février 1990, J.L.M.B., 1990, p. 851).

De la même manière, le juge des saisies n'est pas compétent pour. interpréter ou rectifier une décision de justice ( civ. Bruxelles, sais., 21 septembre 1992, J. T. T., 1994, p. 51).

241. Le juge des saisies ne peut accorder des délais de grâce au débiteur si le créancier possède un jugement exécutoire. L'article 1333, alinéa 2 du Code judiciaire précise, en effet, qu' « aucun délai ne peut être accordé pour l'exécution des jugements et arrêts après leur prononciation» (J. VAN CoM­PERNOLLE, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, p. 460, n° 52; G. DE LEVAL, Traité des saisies, 1988, n° 19, p. 33 ; J.L. LEDOUX, « Chronique de jurisprudence », J. T., 1989, p. 616, n° 12). Seules les hypothèses d'un abus de droit du saisissant ou de l'octroi volontaire de termes et délais par celui-ci permettraient au juge des saisies de s'écarter de la rigueur de la loi (civ. Bruxelles, sais., 12 janvier 1987, J.T., 1987, p. 290; civ. Namur, sais., 16 juin 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1291).

L'article 1334 du Code judiciaire permet au juge des saisies d'octroyer des délais lorsque l'exécution a lieu en vertu d'un acte authentique autre qu'un jugement (voy. R.P.D.B., v 0 Saisies-Généralités, n° 196 et jurispr. citée notamment en matière d'acte notarié; J.L. LEDOUX, «Les saisies, Chronique de jurisprudence, 1989-1996 », Dossiers du J. T. , 1997, p. 26 et 27, n° 11).

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Controversée paraît la jurisprudence en ce qui concerne l' oc­troi, par le juge des saisies, de termes et délais en matière fis­cale. Si certains considèrent que seul le receveur des contribu­tions est compétent pour octroyer d'éventuelles facilités de paiement (civ. Bruxelles, sais., 12 janvier 1987, J.L.M.B., 1987, p. 288; civ. Bruxelles, sais., 31 juillet 1991, R.R.D., 1992, p. 116), d'autres penchent pour une compétence du juge des saisies (G. DE LEVAL, «Saisies conservatoires et voies d'exécution», J.L., 1978-1979, p. 354, n° 38; civ. Tongeren, sais., 17 mars 1983, Bull. contr., 1985, p. 284).

2. Exequatur des jugements rendus à l'étranger

242. L'article 570, alinéa ier, du Code judiciaire prévoit que «le tribunal de première instance statue, quelle que soit la valeur du litige, sur la demande d'exequatur des décisions ren­dues par les juges étrangers, en matière civile».

Il s'agit là d'une compétence revenant aux chambres civiles du tribunal de première instance et non au juge des saisies. Celui-ci peut tout au plus constater qu'en l'absence d'exequa­tur, une décision ne peut être mise à exécution en Belgique (civ. Bruxelles, sais., 31 mai 1990, J.L.M.B., 1991, p. 105).

243. Rappelons d'abord que les jugements rendus par un tribunal étranger, relativement à l'état de personnes, produi­sent leurs effets en Belgique, indépendamment de toute déci­sion d'exequatur, sauf si l'on s'en prévaut pour des actes de coercition sur les personnes ou d'exécution sur les biens ( cass., 29 mars 1973, cette Revue, 1973, p. 539 et note P. GoTHOT ; civ. Bruxelles, 15 mars 1988, R. T.D.F., 1990, p. 376 : l'action dirigée contre l'officier de l'état civil, en vue de la transcrip­tion du divorce, n'est pas un acte de coercition sur les per­sonnes exigeant l'exequatur préalable du jugement), tels que l'exécution d'une condamnation à une pension alimentaire ou la mise en œuvre de mesures relatives à la garde des enfants (civ. Bruxelles, 3 avril 1990, J.L.M.B., 1992, p. 550; civ. Bruxelles, 3 mars 1992, R.G.D.O., 1993, p. 411).

Si les décisions, régulièrement rendues par un tribunal étranger, relatives à l'état des personnes, produisent leurs effets en Belgique, indépendamment de toute décision d' exe-

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quatur, tel n'est cependant pas le cas lorsqu'il apparaît des cir­constances de la cause que la décision étrangère est contraire à l'ordre public belge (Bruxelles, 18 janvier 1991, Pas., 1991, II, 102 ; civ. Bruxelles, 12 avril 1995, R.D.E., 1995, p. 346).

244. S'agissant de l'exequatur et de ses conditions, une dis­tinction doit être opérée selon qu'existe ou non une convention sur l'exécution des décisions de justice, entre la Belgique et le pays dans lequel le jugement a été rendu.

En l'absence de pareille convention, le tribunal de première instance doit vérifier s'il a été satisfait à toutes les conditions requises par l'article 570, alinéa 2 du Code judiciaire, notam­ment si les droits de la défense, tels qu'ils sont conçus en droit belge, ont été respectés devant la juridiction étrangère ( cass., 5 janvier 1995, J.L.M.B., 1995, p. 564, note A.K. ; Antwer­pen, 20 mars 1991, R.G.D.O., 1992, p. 409, note 1\1. LIÉNARD­LIGNY ; Bruxelles, 2 février 1995, J. T., 1995, p. 769). Une autre condition fort importante imposée par l'article 570 est que la décision étrangère ne contienne rien de contraire hi aux principes d'ordre public, ni aux règles du droit public belge ( civ. Bruxelles, 24 mai 1988, R. T.D.F., 1990, p. 382 ; civ. Nivelles, 25 juin 1991, R. T.D.F., 1991, p. 378 et note 1\1. FAL­LON : « Un acte de répudiation unilatérale ne doit pas ipso facto être écarté comme contraire à l'ordre public internatio­nal ; c'est dans les effets éventuels de la décision que l'on pour­rait trouver matière à invoquer l'ordre public international » ; voy. également cass., 10 mai 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1006 et l'arrêt incriminé : Mons, 16 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 321).

245. Les articles 31 et suivants de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions rendues en matière civile et commerciale, précisent les conditions auxquelles les déci­sions rendues dans un Etat contractant et qui y sont exécu­toires, peuvent être mises à exécution dans un autre Etat contractant.

Cette matière donne lieu à une jurisprudence et à une doc­trine très spécialisées ne pouvant faire l'objet de la présente chronique.

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246. D'autres conventions internationales, en matière d'exécution, peuvent exister, contenant chacune leurs condi­tions d'exequatur propres (voy. notamment civ. Bruxelles, 28 mars 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1098 en ce qui concerne la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959 et l'application de l'article 1er de cette Convention selon lequel le juge de l' exe­quatur doit vérifier si la reconnaissance heurte ou non l'ordre public; civ. Bruxelles, 16 mai 1989, R.D.E., 1991, p. 52 en ce qui concerne la Convention de Luxembourg du 20 mai 1980 sur l'exécution des décisions en matière de garde d'enfants et l'application des articles 9 et 13 de cette Convention qui pré­voient qu'en cas de décision rendue par défaut, la demande doit être accompagnée de tout document de nature à établir que l'acte introductif d'instance a été régulièrement communi­qué au défendeur, sauf si celui-ci a volontairement dissimulé l'endroit où il se trouve; Liège, 25 mai 1993, J.T., 1994, p. 88 en ce qui concerne la Convention belgo-britannique du 2 mai 1934 et l'application de l'article 3 de cette Convention qui pré­voit des objections à l'exécution du jugement notamment si, en cas de jugement par défaut, la partie condamnée prouve qu'elle n'a pas eu effectivement connaissance de la procédure en temps raisonnablement utile pour y répondre).

SECTION III. - COMPÉTENCE D'APPEL

247. L'article 577 du Code judiciaire confie au tribunal de première instance « l'appel des jugements rendus en premier ressort par le juge de paix et, dans les cas prévus à l' arti­cle 60lbis, par le tribunal de police». Il réserve néanmoins au tribunal de commerce l'appel des décisions rendues en premier ressort par le juge de paix sur les contestations entre commer­çants et relatives aux actes réputés commerciaux par la loi et sur les contestations relatives aux lettres de change (pour un commentaire de cette dernière disposition, voy. infra, n° 326).

248. L'on sait que les règles de compétence énoncées à l' ar­ticle 577 du Code judiciaire sont d'ordre public et que la com­pétence ordinaire du tribunal de première instance, consacrée dans l'article 568 du Code judiciaire, ne s'étend pas à la com­pétence d'appel de ce tribunal (voyez supra, n° 213 qui fait cependant état d'une controverse à ce sujet).

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249. Depuis la loi du 11 juillet 1994, le tribunal de première instance connaît de l'appel des décisions rendues par le tribu­nal de police en matière de réparation des dommages causés par un accident de la circulation (civ. Bruxelles, 8 novembre 1995, Dr. circ., 1995, p. 312).

CHAPITRE II. - JUGE DE PAIX

PLAN DU CHAPITRE

250. Outre sa compétence générale - actuellement portée à 75.000 francs (Loi du 3 avril 1992) - le juge de paix connaît de nombreux litiges quel qu'en soit le montant. Certaines com­pétences spéciales lui sont acquises d'ancienneté, tel le conten­tieux locatif ou encore celui des pensions alimentaires. 1\Iais ces dernières années, le mouvement s'est accentué tenant à conférer au juge de paix des fonctions de plus en plus impor­tantes et diversifiées. La lecture de l'article 591 du Code judi­ciaire est, à cet égard, significative. On peut notamment citer, parmi les législations les plus importantes, la loi du 14 juillet 1976 en matière de droits et devoirs respectifs des époux et les compétences confiées au juge de paix par les articles 221 et 223 du Code civil ; la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation et les compétences du juge de paix pour les contestations en matière de contrats de crédit (article 591, 21° du Code judiciaire) et d'octroi de facilités de paiement (articles 1337bis à 1337octies du Code judiciaire) ; ainsi que les lois du 26 juin 1990 et 18 juillet 1991 confiant au juge de paix compétence dans les matières de la protection de la personne des malades mentaux et de la protection des biens de certains incapables physiques et mentaux.

251. Les compétences spéciales du juge de paix ne devien­nent-elles point excessives 1 L'on a pu écrire à ce sujet que «le législateur ne possède ces derniers temps apparemment aucun sens de la mesure en ce qui concerne la compétence spéciale du juge de paix. .. . Le nombre de compétences spéciales de ce magistrat augmente à vue d'œil » (J. LAENENS, «La compé­tence ratione summae, le ressort et le règlement des incidents de compétence», in Le droit judiciaire rénové, Bruxelles, Klu-

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wer, 1992, p. 70; voy. aussi les annexes de l'ouvrage Compé­tences des Juges de paix et des Juges de police 1892-1992, La Charte, 1992, p. 419 et suiv. qui recensent septante-neuf com­pétences).

252. Faut-il dire que dans pareil contexte le présent cha­pitre ne saurait prétendre être exhaustif. Force est de se limi­ter. Une première section sera réservée à la compétence géné­rale du juge de paix; la seconde section sera consacrée à l'étude des compétences spéciales les plus marquantes.

SECTION Fe. - COMPÉTENCE GÉNÉRALE

§ 1er. - Principe

253. Le juge de paix est le juge des petits procès. La règle est inscrite dans l'article 590 du Code judiciaire qui précise que « le juge de paix connaît de toutes demandes dont le montant n'excède pas septante-cinq mille francs, hormis celles qui sont soustraites par la loi à sa juridiction ... ».

Cette règle appelle diverses précisions : de quelles demandes s'agit-il 1 Comment détermine-t-on la valeur du litige 1 Quelles règles faut-il appliquer en cas de pluralité de demandes 1 Que se passe-t-il lorsque la valeur de la demande est indéterminée 1 (voy. sur toutes ces questions, M. VLIES, «La compétence générale ratione summae du juge de paix», in Compétences des juges de paix et des juges de police, 1892-1992, Bruges, La Charte, 1992, p. 41 et suiv.).

254. Les demandes dont il s'agit à l'article 590 du Code judiciaire doivent être de celles qui relèvent des attributions du pouvoir judiciaire et ne peuvent pas faire l'objet d'une convention d'arbitrage valable. Il y aurait lieu à déclinatoire de juridiction, dans le premier cas d'ordre public, dans le second, d'ordre privé (C. CAMBIER, t. II, La compétence, op. cit., p. 395).

En outre, il ne peut s'agir de demandes qui, quel que soit le montant, reviennent à d'autres juridictions. L'article 590, alinéa 1er, in fine, en fait l'énumération (voy. infra, n° 261).

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255. Rentrent ainsi dans la compétence générale du juge de paix, pour autant que la valeur du litige n'excède pas 75.000 francs, les contestations entre commerçants relatives aux actes réputés commerciaux par la loi (article 573, 1° du Code judiciaire) et les litiges concernant des matières non expressément attribuées à une autre juridiction. Au-delà de 75.000 francs, la première catégorie de litiges revient au tribu­nal de commerce ( voy. infra, nos 316 à 319), la seconde au tri­bunal de première instance ( voy. supra, n ° 205).

Relèvent, selon leur montant, de la compétence du juge de paix ou du tribunal de première instance, l'action en recouvre­ment du C.P.A.S. contre un débiteur d'aliments (Trib. arrond. Liège, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1004); l'action en répétition d'une retenue effectuée sur une subvention traite­ment (Trib. arrond. Bruxelles, 23 mai 1991, J.L.M.B., 1992, p. 87 et note J.l\L DERMAGNE); une demande de dommages et intérêts fondée sur la faute professionnelle d'un notaire (J.P. l\Ienen, 25 avril 1990, J.J.P., 1992, p. 83) ; les litiges relatifs à des servitudes conventionnelles ou, de manière géné­rale, ceux qui concernent les obligations qu'une convention impose aux propriétaires de fonds contigus (Trib. arrond. Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, III, 94, note); la répara­tion du dommage causé aux locataires titulaires d'un bail à ferme, par un tiers à ce contrat (Trib. arrond. Liège, 10 février 1994, J.J.P., 1994, p. 359); la demande de dommages et inté­rêts faisant suite à une action en cessation dans le cadre de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce (Trib. arrond. Namur, 12 septembre 1994, J.T., 1995, p. 85); l'action en récupération, à charge du bénéficiaire, de factures d'hospi­talisation en dehors de tout contexte d'aide sociale (Trib. arrond. Antwerpen, 11 mars 1994, C.D.S., 1995, p. 95); le remboursement d'une somme avancée par l'employeur au tra­vailleur en dehors de toute obligation légale (Trib. arrond. Kortrijk, 20 septembre 1994, T.G.R., 1995, p. 19) ou encore une contestation en matière de contrat de gérance (Trib. arrond. Bruxelles, 3 avril 1995, J.J.P., 1995, p. 228).

256. La valeur de la demande se détermine par application des articles 557 et suivants du Code judiciaire. Ainsi, le mon­tant s'entend du montant réclamé dans l'acte introductif

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d'instance (voy. notre chronique précédente, cette Revue, 1997, p. 595, n°s 145 et suiv.). Cette règle ne s'applique toute­fois pas lorsque la somme réclamée a été artificiellement réduite ou augmentée dans le seul but d'éluder la compétence d'une juridiction (J.P. Rochefort, 15 février 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1291 ; J.P. Fosses-la-Ville, 23 octobre 1991, R.R.D., 1992, p. 91).

257. Le montant de la compétence ratione summae a été, à plusieurs reprises, modifié. Il est, aujourd'hui, de 75.000 francs depuis la loi du 3 août 1992 et on peut légitimement prévoir que d'autres adaptations interviendront. L'application dans le temps de pareilles lois doit donc être envisagée. En l'absence de dispositions transitoires expresses, l'article 3 du Code judi­ciaire est applicable qui veut que les lois nouvelles de compé­tence s'appliquent immédiatement aux procès en cours sans dessaisissement cependant de la juridiction qui avait été vala­blement saisie, à son degré (voy. pour l'application dans le temps de l'article 7 de la loi du 3 août 1992, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 506, n° 16; G. CLOSSET-MARCHAL, ((Le droit transitoire», in Le droit judiciaire rénové, Bruxelles, Klu­wer, 1992, p. 37 et 38, n°s 8 à 11 ; J.P. Visé, 28 décembre 1992, J.J.P., 1993, p. 341, note; Trib. arrond. Liège, 11 février 1993, J.J.P., 1993, p. 342, note).

258. Si le montant s'entend du montant réclamé dans l'acte introductif d'instance, il faut en déduire que le montant réclamé dans les dernières conclusions est sans importance (Trib. arrond. Bruxelles, 1er mars 1976, J.C.B., 1977, I, p. 407); que tout événement postérieur à l'introduction de la demande, notamment une expertise révélant un montant net­tement supérieur (J.P. Rochefort, 15 février 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1291) ou, à l'inverse une réduction des prétentions du demandeur (Trib. arrond. Liège, 30 octobre 1980, J.L., 1980-1981, p. 35 et note G. DE LEV AL) est sans incidence sur la corn -pétence.

L'article 557 du Code judiciaire prévoit que ne peuvent être pris en compte les intérêts judiciaires, les dépens et les astreintes. Par contre, pour apprécier la valeur de la demande, il faut ajouter à la somme réclamée à titre principal, les acces-

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soires déjà dus au jour de l'introduction de la demande, notamment les intérêts moratoires ( cass., 26 juin 1981, Pas., 1981, I, 1252 ; sur la question de savoir si ces accessoires doi­vent absolument être chiffrés dans l'acte introductif, voy. J\1. VLIES, «La compétence générale ratione summae du juge de paix», op. cit., p. 45 et la note 13).

La pluralité de chefs dans une même demande ou la plura­lité de demandes entraînent cumul pour la détermination de la compétence (articles 558 et 560 du Code judiciaire). Les hypo­thèses entraînant cumul peuvent être multiples. Ainsi, l' ar­ticle 558 du Code judiciaire doit être appliqué chaque fois que le demandeur postule plusieurs prétentions, quel que soit le mode introductif d'instance (Trib. arrond. Nivelles, 2 octobre 1990, R.G.D.O., 1991, p. 89). Quant à l'article 560, il peut cou­vrir quatre cas : un seul demandeur introduit à l'égard d'un seul défendeur plusieurs demandes distinctes ; plusieurs demandeurs sollicitent des condamnations distinctes à l'égard d'un seul défendeur ; un demandeur unique sollicite des condamnations distinctes à l'égard de plusieurs défendeurs ou encore plusieurs demandeurs postulent la condamnation de plusieurs défendeurs (J\1. VLIES, «La compétence générale ratione summae du juge de paix», op. cit., p. 45).

259. Le montant mentionné dans l'acte introductif d'ins­tance ne détermine plus la compétence lorsque la somme récla­mée fait partie d'une créance plus forte qui est contestée. Dans cette hypothèse, le montant repris au titre détermine la com­pétence d'attribution (article 559 du Code judiciaire).

Ce principe, appelé théorie de l'enjeu véritable, ne vaut qu'appliqué à la demande principale : celle-ci, bien que postu­lant un montant déterminé, remet plus fondamentalement en cause une créance plus forte. L'article 559 ne s'applique donc pas au cas où c'est par le biais d'une demande incidente, notamment reconventionnelle, qu'est contestée une créance plus forte. Dans cette dernière hypothèse, la détermination du juge compétent pour connaître de la demande principale se fait par rapport au montant réclamé dans l'acte introductif d'instance et l'appréciation d'une éventuelle prorogation de compétence au profit de ce juge pour connaître de la demande reconventionnelle se fait par application des principes énoncés

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à l'article 563 du Code judiciaire. L'on ne peut donc que condamner une certaine jurisprudence qui applique l' ar­ticle 559 du Code judiciaire au cas où la société d'assurances réclame, à titre principal, le paiement de primes échues et l'as­suré défendeur demande, par reconvention, la disparition du contrat (Trib. arrond. Charleroi, 2 juin 1987, J.L.M.B., 1987, 1003). C'est là confondre la théorie de l'enjeu véritable et les techniques de prorogation de compétence sur demandes inci­dentes.

260. En cas de valeur indéterminée, application doit être faite de l'article 592 du Code judiciaire. Pour autant que la contestation ne relève pas de la compétence spéciale ou exclu­sive d'une juridiction, le principe est celui du choix du deman­deur avec possibilité, pour le défendeur, de soulever le déclina­toire in limine litis (J.P. Fexhe-Slins, 22 avril 1991, J.J.P., 1992, p. 142). Le juge de paix, saisi de pareil déclinatoire, apprécie la valeur du litige et renvoie la cause, s'il y a lieu, au tribunal de première instance ou de commerce, et vice versa (civ. Namur, 8 décembre 1995, Journ. proc., 1995, p. 27, note B. MICHAUX).

En cas de pluralité de chefs de demande ou de demandes dont l'un ou l'une est de valeur indéterminée, il y a lieu de concilier les articles 558 ou 560 et 592 du Code judiciaire. Pareille conciliation aboutit, en réalité, à appliquer l' ar­ticle 592 (J.P. Zele, 8 mars 1989, J.J.P., 1992, p. 80; J.P. Borgerhout, 30 janvier 1992, J.J.P., 1992, p. 90).

§ 2. - Dérogations

261. La compétence générale du juge de paix connaît des dérogations : il s'agit des compétences des autres juridictions, énumérées à l'article 590 du Code judiciaire.

Cette énumération appelle deux observations.

La première est que n'y figure pas l'article 573 du Code judiciaire. Par conséquent - et le principe est rappelé dans l'article 573 -, la compétence générale du juge de paix trouve à s'exercer pour les contestations entre commerçants relatives aux actes réputés commerciaux par la loi et pour les contesta-

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tions relatives aux lettres de change et aux billets à ordre (sur ces notions voy. infra, n°8 312 et suiv.).

La deuxième observation porte sur ce qui nous paraît être un oubli du législateur : l'article 590, in fine, ne mentionne pas l'article 60lbis du Code judiciaire. Or, la compétence conférée au tribunal de police par cette dernière disposition est exclu­sive (voy. infra, n° 350). Le juge de paix ne peut donc en connaître en vertu de sa compétence générale (contra, mais à tort, Trib. arrond. Eupen, 27 juin 1995, J.L.M.B., 1996, p. 55, note A. DEBRULE et note J. MATAGNE).

SECTION II. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ 1er. - Contentieux locatif

262. Quelle que soit la nature du bail et quel que soit le montant de la demande, toutes les contestations relatives aux louages d'immeubles sont de la compétence du juge de paix (article 591-1° du Code judiciaire; Trib. arrond. Liège, 10 février 1994, J.J.P., 1994, p. 359).

La compétence énumérée à l'article 591-1° du Code judi­ciaire est spéciale mais non exclusive, de telle sorte que le tri­bunal de première instance, juridiction ordinaire, peut en connaître sauf déclinatoire soulevé in limine litis par le défen­deur (Trib. arrond. Bruxelles, 1er juin 1992, J. T., 1992, p. 578).

263. En matière de louage d'immeubles, la compétence spé­ciale du juge de paix est très étendue.

a) Tout louage d'immeubles est visé par l'article 591-1° du Code judiciaire qu'il s'agisse d'un bail à loyer, d'un bail com­mercial ou d'un bail à ferme (voy. à ce sujet J. VANKERCK­HOVE, «Compétence spéciale du juge de paix dans le louage d'immeubles», in Compétences des juges de paix et des juges de police 1892-1992, Bruges, La Charte, 1992, p. 137 et suiv. ; Liège, 16 janvier 1998, J.L.M.B., 1998, p. 589 : si le bail est l'accessoire d'un contrat de franchise, le tribunal de commerce doit être préféré au juge de paix).

Il importe peu que les lieux loués soient meublés ou non, l'accessoire suivant le principal. Par contre, le louage de

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meubles, exclusif de toute location d'immeubles, échappe à la compétence spéciale du juge de paix et ne pourrait éventuelle­ment lui revenir qu'en vertu de sa compétence générale (Y. MERCHIERS, «Le bail en général», in Rép. not., n° 654).

Ne sont, en revanche, pas assimilables à un louage d'im­meubles, le bail de chasse (Trib. arrond. Arlon, 13 juin 1989, J.L.M.B., 1991, p. 168, note V. RENIER ; J.P. Gembloux, 21 février 1995, J.J.P., 1996, p. 78, note H. DE RADZITZKY); un contrat de gérance (Trib. arrond. Bruxelles, 3 avril 1995, J.J.P., 1995, p. 228) ou encore le contrat «sui generis» par lequel une institution s'engage à fournir le logement, la nourri­ture et les soins courants contre paiement d'un prix de pension (civ. Tournai, 20 février 1991, R.G.D.C., 1991, p. 662; Trib. arrond. Leuven, 28 février 1996, R. W., 1996-1997, col. 306). Toutes contestations portant sur ces conventions échappent à la compétence spéciale du juge de paix mais pourraient lui revenir en vertu de sa compétence générale.

En vertu de l'enseignement jurisprudentiel selon lequel le juge doit apprécier sa compétence en fonction de la demande telle qu'elle est formulée par le demandeur (voy. à ce sujet, notre précédente chronique, cette Revue, 1997, p. 593 à 595, n°8 142 à 144), la compétence du juge de paix se détermine sur base du libellé de la demande (J.P. l\folenbeek-St-Jean, ier dé­cembre 1992, J.J.P., 1993, p. 344, note B. HUBEAU).

b) La compétence spéciale du juge de paix ne trouve à s'exercer que pour autant qu'il y ait contrat de bail. Ainsi, relève de la compétence du tribunal du travail ou de son prési­dent, la contestation portant sur l'occupation d'un apparte­ment par un concierge, occupation accordée au titre d' avan­tage en nature faisant partie intégrante de la rémunération (Cour trav. Antwerpen, 2 mai 1991, R.D.S., 1993, p. 105) ou encore relève de la compétence du tribunal de commerce, le litige portant sur la résiliation d'une convention de location­vente d'un fonds de commerce dès lors que le preneur détient les lieux sans bail, en vertu d'un simple droit d'occupation, élément constitutif du fonds de commerce (J.P. l\folenbeek-St­Jean, 15 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 191, note M. V ANDER­MERSCH).

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c) La compétence spéciale du juge de paix s'étend à toutes espèces de contestations relatives à un louage d'immeubles. Il peut s'agir d'une contestation relative à l'existence ou à la validité du bail (Y. MERCHIERS, «Le bail en général», in Rép. not., n° 649); à son exécution c'est-à-dire à l'application des dispositions légales ou contractuelles régissant les rapports entre le bailleur et le locataire (voy. notamment J.P. Berchem, 2 mars 1982, R. W., 1983-1984, col. 2325, obs.); à sa résiliation ou à son interprétation. Aussi jugé qu'entre dans la compé­tence spéciale du juge de paix, l'action du bailleur, dirigée contre le curateur, en paiement d'arriérés de loyers et de dégâts locatifs relatifs à des locaux commerciaux loués par le failli (cass., 26 février 1981, Pas., 1981, I, 706), l'admission de cette dette au passif de la faillite relevant alors de la compé­tence du tribunal de commerce (J.P. Borgerhout, 19 sep­tembre 1985, J.J.P., 1987, p. 142, note 1\1. BosMANS; sur èette question, voy. infra, nos 322 à 325).

Par contre, ne relèvent pas de la compétence spéciale du juge de paix l'action directe, en cas d'incendie, intentée par l'assureur du propriétaire, subrogé dans les droits de ce der­nier, contre l'assureur de la responsabilité du locataire (Trib. arrond. Bruxelles, 7 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 383, note D. DE MAESENEIRE) ; la demande de vérification des comptes d'exploitation (cass., 21 mai 1992, R. W., 1992-1993, col. 1412) ou encore la demande par laquelle un concubin réclame à charge de l'autre concubin sa part de loyer du loge­ment loué ensemble (J.P. Lennik, 17 mars 1997, J.J.P., 1997, p. 481).

264. Entre le juge de paix et d'autres juridictions, peuvent jouer les mécanismes habituels de la connexité. Ainsi, nonobs­tant la règle énoncée à l'article 591-1° du Code judiciaire, le tribunal du travail· est compétent pour connaître de la demande de résiliation d'un contrat de bail lorsque celle-ci est connexe à une demande de résiliation d'un contrat de louage de services de concierge (Trib. arrond. Gent, 21 octobre 1991, J.J.P., 1992, p. 23 et note G. DuBRULLE).

Le juge de paix peut, de même, bénéficier des mécanismes de prorogation de compétence sur demande incidente. Ainsi, en vertu de l'article 563, alinéa 2 du Code judiciaire, le juge de

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paix est compétent pour connaître, sur demande reconvention­nelle, de la demande d'indemnisation du préjudice subi par une locataire du chef d'intoxication au monoxyde de carbone, dès lors qu'il s'agit d'une inexécution par le bailleur de l'une de ses obligations légales (J.P. Jumet, 20 décembre 1995, J.J.P., 1996, p. 82).

265. L'article 591-1° du Code judiciaire confère au juge de paix une extension de compétence pour les demandes en paie­ment d'indemnités d'occupation, et en expulsion de lieux occupés sans droit, qu'elles soient ou non la suite d'une convention (voy. notamment J.P. Ath, 30 novembre 1989, J.J.P., 1990, p. 129, note). Ce texte a été largement explOité pour l'expulsion d'usines occupées par des grévistes (voy. à ce sujet infra, n° 391 ; sur l'expulsion des lieux occupés sans droit et le conflit collectif, voy. J. LAENENS, « Overzicht van recht­spraak », op. cit., Tijds. voor privaatrecht, 1993, n° 42 et les références).

§ 2. - Contentieux des droits et devoirs des époux

1. Article 221 du Code civil

266. L'article 221 du Code civil, après rappel du principe selon lequel chaque époux doit contribuer aux charges du mariage selon ses facultés, règle la délégation de sommes. Depuis son introduction en droit belge en 1932, la délégation de sommes a suscité d'importantes controverses doctrinales et jurisprudentielles tant en ce qui concerne sa nature juridique propre que la nature de la décision du juge ordonnant pareille délégation (sur toutes ces questions voy. notamment 1\1.­Th. MEULDERS-KLEIN, « Les vicissitudes de la délégation de sommes à la lumière de la loi du 31 mars 1987 », R.G.D.C., 1988, p. 7 et suiv. et les nombreuses réf. citées, particulière­ment dans la note 3). Dans cette chronique, nous limiterons le propos aux seules questions que pose la délégation de sommes en termes de compétence.

267. L'article 221 du Code civil consacre au profit du juge de paix une compétence exclusive, au sens fort (voy. à ce sujet

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G. CLOSSET-MARCHAL, «Le conflit familial et ses juges en droit belge», R.G.D.C., 1995, p. 169, n°s 17 et 18; voy. également C. PANIER, «Problèmes d'application des articles 221 et 223 du Code civil», in Le contentieux conjugal, éd. Jeune Barreau de Liège, 1984, p. 21 ; J.P. Boom, 3 juillet 1990, R. T.D.F., 1991, p. 408). Cette compétence tient en échec, même d'office, la compétence ordinaire du tribunal de première instance. La reconnaissance d'une compétence exclusive tient le plus sou­vent à l'existence de garanties procédurales propres à la juri­diction désignée légalement pour en connaître. Tel nous semble être le cas des alinéas 3 à 6 de l'article 221 du Code civil, ainsi que de l'article 1253quinquies du Code judiciaire, applicable en l'espèce.

268. La compétence du juge de paix est particulièrement étendue. La délégation de sommes n'est plus en effet exclusi­vement destinée à garantir l'exécution du devoir de contribu­tion aux charges du mariage entre époux ; elle s'étend aussi, depuis la loi du 31 mars 1987, aux obligations alimentaires visées à l'article 203ter du Code civil (voy. M.-Th. MEULDERS­KLEIN, «Les vicissitudes de la délégation de sommes», op. cit., p. 11 et suiv. ; G. DE LEVAL, «L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale», in L'évolution du droit judiciaire au travers des contentieux économique, social et familial, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 881 et suiv.).

269. La délégation de sommes, réclamée sur base de l'ar­ticle 221 du Code civil, suppose la preuve que le défendeur manque à la contribution aux charges du mariage (E. Vrnu­JEAN, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1988, p. 589, n° 98). Elle peut être octroyée à la demande d'une partie, jamais d'office par le juge (cass., 24 mars 1994, Bull., 1994, p. 303, note).

270. L'octroi d'une délégation de sommes présuppose une décision sur la question de !'imputabilité du manquement et fait l'objet d'un jugement définitif au sens de l'article 19 du Code judiciaire (C. CAMBIER, t. II, «La compétence», op. cit., p. 405). Cependant, comme tout jugement prononcé sur une contestation dont les données varient dans le temps, la déci­sion octroyant une délégation de sommes peut être modifiée

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ou rétractée, l'autorité de chose jugée ne valant que si les cir­constances de fait ne se modifient pas (J.P. Visé, 14 novembre 1991, J. T. , 1992, p. 253). Pareille modification ou. rétractation ne peut évidemment intervenir qu'à la demande d'une partie.

271. Conformément au principe général ( voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 591 à 593, n°s 139 à 141), la compétence du juge de paix s'apprécie au moment de l'intro­duction de la demande.

Une fois introduite la demande en divorce, le juge de paix perd sa compétence au profit du président du tribunal de pre­mière instance qui peut octroyer la même mesure en vertu de l'article 1280 du Code judiciaire.

Si le juge de paix a statué avant l'introduction de la demande en divorce, sa décision vaut jusqu'à ce qu'inter­vienne une décision du président du tribunal de première ins­tance sur la même question. Si le juge de paix est valablement saisi mais n'a pas encore statué avant l'introduction de la demande en divorce, il peut statuer après cette introduction et, de la même manière, sa décision vaudra jusqu'à décision du président (article 221, alinéa 6 du Code civil; la même solution a été adoptée en ce qui concerne l'effet dans le temps des mesures prises dans le cadre de l'article 223 du Code civil : voy. infra, n° 280; cass., 22 octobre 1981, J.T., 1982, p. 295 ; Mons, 3 novembre 1988, Pas., 1989, II, 96 ; civ. Liège, 29 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 562).

2. Article 223 du Code civil

272. L'article 223 du Code civil confie au juge de paix le pouvoir de prendre des mesures urgentes et provisoires tant en ce qui concerne la personne ou les biens des époux que des enfants, soit en cas de manquement grave de l'un des époux à ses devoirs, soit encore en cas d'entente conjugale sérieuse­ment perturbée. Suivent, à titre exemplatif, une série de mesures qui peuvent être prises dans ce cadre.

La compétence ainsi attribuée au juge de paix nous paraît exclusive, au sens fort, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées à propos de la compétence du juge de paix sur base de l'article 221 du Code civil (voy. supra, n° 267).

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Il convient cependant de préciser que cette compétence du juge de paix ne tient pas en échec la plénitude de compétence attribuée au président du tribunal de première instance en vertu de l'article 584 du Code judiciaire, lequel peut, vu l'ur­gence et au provisoire, trancher toutes les contestations ren­trant dans les attributions du pouvoir judiciaire (G. CLOSSET­MARCHAL, «Le conflit familial et ses juges en droit belge», R.G.D.O., 1995, p. 169, n° 18 et réf. citées; voy. cependant civ. Bruxelles, réf., 28 août 1990, R. T.D.F., 1991, p. 405 qui considère que le juge des référés n'est pas compétent pour rendre une ordonnance, sur base de l'urgence, sur une demande relative à l'exercice d'un droit de visite, lorsque la même demande aurait pu utilement être soumise au juge de paix, sur base de l'article 223 du Code civil; civ. Arlon, réf., 22 novembre 1991, R.G.D.O., 1992, p. 270 qui considère que le juge des référés ne peut être saisi de pareille matière que s'il est démontré par le demandeur que la procédure contradic­toire devant le juge de paix ne pourrait suffire ou que la nature de la mesure sollicitée impose le recours à une procé­dure unilatérale; civ. Liège, réf., 14 mai 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1188 qui considère aussi qu'il ne peut être dérogé à la com­pétence du magistrat cantonal puisque celui-ci peut rendre une ordonnance tout aussi rapidement que le président).

273. Comme l'article 221, l'article 223 du Code civil a fait l'objet de nombreuses controverses doctrinales et jurispruden­tielles relatives notamment au sens des termes «urgentes» et « provisoires » ainsi qu'à la nature et à l'autorité de la décision prise par le magistrat cantonal (voy. notamment 1\1.F. LAMPE, «L'article 223 du Code civil et les limites du contentieux fami­lial urgent et provisoire», R. T.D.F., 1983, p. 337 et suiv. ; du même auteur, «Les pouvoirs du juge de paix en cas de man­quement grave ou de perturbation sérieuse de l'entente conju­gale», note sous cass., 28 novembre 1986, cette Revue, 1989, p. 311 et 312; Ch. PANIER, «L'article 223 du Code civil -Organisation et compétence», J. T., 1980, p. 325 et suiv. ; du même auteur,« L'article 223 du Code civil - Conditions d'ap­plication, mesures ordonnées, règles de procédure», J. T., 1983, p. 625 et suiv. et p. 641 et suiv. ; du même auteur, «Problèmes d'application des articles 221 et 223 du Code civil», in Le

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contentieux conjugal, Ed. Jeune Barreau de Liège, 1984, p. 13 et suiv. ; V. PouLEAU, «Le juge de paix et l'article 223 du Code civil - Questions actuelles et points saillants», in Com­pétences des juges de paix et des juges de police - 1892-1992, Bruges, La Charte, 1992, p. 83 et suiv.}.

27 4. Les conditions requises pour l'application de l' ar­ticle 223 du Code civil sont le manquement grave de l'un des époux ou la mésentente conjugale sérieuse. Ces notions ne sont pas définies par le législateur et sont donc laissées à l'entière appréciation du juge de paix.

a) Le manquement grave de l'un des époux consiste en une transgression grave des devoirs entre époux (fidélité, cohabita­tion, contribution aux charges, autorité parentale ... ). Il est rarement invoqué à l'appui d'une demande basée sur l' ar­ticle 223 du Code civil (1\1.F. LAMPE, note sous cass., . 28 novembre 1986, op. cit., p. 307).

b) La mésentente conjugale sérieuse est une notion plus floue et plus diffuse. Il faut que la crise existe, en tout cas à l'état larvaire, et risque d'avoir des conséquences graves. Par ailleurs, il ne peut s'agir d'une simple perturbation dans le couple, ni d'une simple incompatibilité d'humeur. On le voit, tout est question de preuve des éléments matériels constitutifs de la mésentente grave (V. PouLEAU, «Le juge de paix et l'ar­ticle 223 du Code civil - Questions actuelles et points sail­lants», in Compétences des juges de paix et des juges de police, op. cit., p. 86, n° 7). Ainsi jugé que l'on se trouve dans le champ d'application de l'article 223 du Code civil tant qu'un époux refuse toute conciliation, sans cependant exclure la pos­sibilité de celle-ci (J.P. Sint-Niklaas, 31 janvier 1989, J.J.P., 1989, p. 307 et 322} ou encore quand il s'agit de restaurer l'unité entre les époux, de leur permettre de se ressaisir et de penser l'ensemble des données de leur situation (l\Ions, 3 novembre 1988, Pas., 1989, II, 96, notes).

275. L'éventail des mesures que le juge peut ordonner, est très large, l'énumération légale de celles-ci n'étant donnée qu'à titre exemplatif. Le juge peut prendre toutes mesures, rela­tives à la personne et aux biens des époux et des enfants, propres à pallier les effets de la crise ( voy. notamment J .P.

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Saint-Josse-ten-Noode, 21 novembre 1989, R.T.D.F., 1991, p. 260 ordonnant au mari de délivrer à une tierce personne, à désigner par son épouse, l'autorisation légale de ramener les enfants du couple du Maroc en Belgique).

Depuis l'arrêt de cassation du 28 novembre 1986 (cette Revue, 1989, p. 287 et note l\f.F. LAMPE), il est définitivement acquis que le juge qui suspend temporairement, en application de l'alinéa 2 de l'article 223 du Code civil, le devoir de cohabi­tation des époux peut allouer, pour la durée de cette sépara­tion de fait, une pension alimentaire ou une délégation de sommes en tant que mesure urgente et provisoire accompa­gnant cette séparation. Le même arrêt précise que les mesures visées par l'article 223 du Code civil ne peuvent conduire à organiser une séparation de fait permanente des époux.

Par ailleurs « la tendance prévaut de considérer que la partie qui saisit le juge de paix de la situation litigieuse lui reconnaît implicitement le pouvoir d'ordonner toutes mesures que ce magistrat estimerait propres à pallier les conséquences néfastes du manquement ou de la perturbation constatés, que ces mesures aient ou non été demandées... Il faut être conscient de ce phénomène qui, insensiblement, écarte... le principe dispositif au profit d'un interventionnisme accru du juge» (J. VAN CoMPERNOLLE, «Rapport général de synthèse des xies Journées Jean Dabin », in L'évolution du droit judi­ciaire au travers des contentieux économique, social et familial, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 996 et 997, n° 24; voy. J.P. Wavre, 29 avril 1991, R.T.D.F., 1991, p. 559 considérant que le juge de paix doit rechercher les solutions les plus appro­priées de nature à permettre le retour de la cohésion conjugale et familiale). Cette tendance ne peut être approuvée. l\fême dans cette matière, le principe dispositif qui constitue l'un des postulats de la procédure civile, doit, à notre sens, être res­pecté. Seul un texte formel pourrait y déroger.

276. Controversée, aussi, a été la question de savoir si le juge de paix devait s'interroger sur !'imputabilité de la sépara­tion.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a répondu par l'affirmative (cass., 12 janvier 1979, Pas., 1979, 1, 544; cass.,

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10 octobre 1980, R. T.D.F., 1981, p. 387 et note critique J.L. RENCHON ; cass., 21 février 1986, Pas., 1986, I, 797).

Par contre, à l'heure actuelle, depuis l'arrêt de cassation du 28 novembre 1986 dont il a déjà été question (cette Revue, 1989, p. 287 et note :M:.F. LAMPE), il est unanimement admis que le juge de paix, organisant la situation personnelle ou patrimoniale des époux ou des enfants, n'a pas à se prononcer sur la faute de l'un des époux ou sur !'imputabilité de la sépa­ration de fait (civ. Bruxelles, 17 novembre 1987, R.T.D.F., 1989, p. 15 ; cass., 2 juin 1988, Pas., 1988, I, 1187 ; J.P. l\folenbeek-Saint-Jean, 21 juin 1988, R.T.D.F., 1989, p. 23 ; J.P. l\Iolenbeek-Saint-Jean, 13 juin 1989, J.J.P., 1990, p. 31).

La décision prononcée par le juge de paix n'a, dès lors, pas autorité de chose jugée sur la question de savoir si la sépara­tion de fait entre époux ou sa continuation sont imputables à la faute d'un des époux (cass., 3 janvier 1992, R. T.D.F., 1993, p. 474).

277. Les mesures prises par le juge de paix, sur base de l' ar­ticle 223 du Code civil, doivent être urgentes.

L'urgence visée par l'article 223 du Code civil est une qua­lité qui s'attache aux mesures à prendre et non à la situation conflictuelle qui, elle, peut avoir une origine plus ancienne (J.P. l\Iolenbeek-Saint-Jean, 28 février 1995, J.J.P., 1995, p. 246). Il y a urgence à partir du moment où il y a lieu de craindre ou de prévoir que la mésentente conjugale persiste ou s'amplifie si les mesures sollicitées ne sont pas prises (voy. J.P. MASSON, «Chronique de jurisprudence, Les personnes, 1979-1981 », J.T., 1982, p. 463, n° 73). L'urgence« suppose un intérêt légitime, menacé ou violé, dont la protection ne saurait être différée sans dommage, ce qui est le caractère de la plu­part des désaccords conjugaux» (J.P. Saint-Gilles, 25 juillet 1983, R. T.D.F., 1983, p. 378). Par contre, il n'appartient pas au juge de paix de «confirmer une situation déjà existante créée par les parties en l'absence de tout élément justifiant une quelconque urgence des mesures» (J.P. Forest, 21février1990, inédit, cité par V. PouLEAU, «Le juge de paix et l'article 223 du Code ci vil - Questions actuelles et points saillants », in Compétences des juges de paix et des juges de police, op. cit., p. 89, notes 16, 17 et 18).

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L'urgence doit être prouvée et n'est donc jamais présumée (V. PoULEAU, «Le juge de paix et l'article 223 du Code civil -Questions actuelles et points saillants», in Compétences des juges de paix et des juges de police, op. cit., p. 86, n° 8).

278. Les mesures prises par le juge de paix sont provisoires. Quel sens convient-il de donner à ce qualificatif 1

Une première précision s'impose. Les mesures provisoires «ne peuvent conduire à organiser une séparation de fait per­manente des époux» (cass., 28 novembre 1986, cette Revue, 1989, p. 287 et note l\1.F. LAMPE). Le magistrat cantonal intervient, en principe~ dans une crise temporaire ou, en tout cas, estimée comme telle au moment de la saisine du juge de paix.

Sous réserve de cette précision, le terme «provisoire» peut, dans l'absolu, revêtir plusieurs sens (voy. les notes de Ch. PA­NIER et J.L. RENCHON sous l'arrêt de cassation du 28 novembre 1986 ; la première publiée in J.L.M.B., 1987, p. 209; la seconde publiée in R.T.D.F., 1987, p. 318). « Mesures provisoires » pourrait, d'abord, signifier « mesures temporaires» ou «mesures à durée limitée» (voy. à ce sujet E. VrnuJEAN, «Examen de jurisprudence - 1976-1983 », op. cit., n° 106 et réf. citées ; civ. Namur, 9 mars 1982, R. T.D.F., 1983, p. 380 qui voit dans le délai octroyé une autre vertu : permettre aux conjoints de faire le point avant d'envisager d'éventuelles mesures extrêmes telles que le divorce). On peut voir, dans cette conception, plusieurs avantages : recherche de la sécurité juridique, connaissance exacte de l'application dans le temps de l'ordonnance du juge de paix ou encore moindre risque d'organiser une séparation de fait permanente.

Le qualificatif« provisoire » pourrait, aussi, s'attacher plutôt à l'ordonnance du juge de paix en ce sens que celle-ci peut tou­jours être modifiée et revue, à la demande d'une partie, lors­que les éléments de fait ont changé (article l253quater e) du Code judiciaire ; J.P. Visé, 14 novembre 1991, J. T., 1992, p. 253).

Tout en s'attachant à l'ordonnance rendue par le juge de paix, le mot «provisoire » pourrait, enfin, signifier que celle-ci est rendue au provisoire c'est-à-dire, comme les ordonnances

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présidentielles, sans autorité de chose jugée (à ce sujet, voy. infra, n° 279).

A ce stade de la réflexion, on peut conclure sur deux certi­tudes. La première est que, le texte de l'article 223 du Code civil n'imposant pas expressément une durée limitée pour les mesures, celles-ci peuvent être ordonnées, selon leur nature, soit pour une durée limitée, soit pour une durée indéterminée. Pour des raisons de sécurité juridique, il est toutefois préfé­rable que les mesures ordonnées par le juge de paix soient limi­tées dans le temps. La seconde certitude concerne l'ordon­nance du juge de paix : celle-ci peut être rétractée ou modifiée, à la demande d'une partie, si les circonstances viennent à changer.

279. Tout aussi controversée est la question de la nature de l'ordonnance du juge de paix : statue-t-il au fond ou au provi­soire 1

On sait que l'ordonnance peut être rétractée ou modifiée, si les données de fait viennent à changer (article 1253quater e) du Code judiciaire). Cette particularité ne peut aider à résoudre la question originaire : c'est là un effet qui s'attache aussi bien à une décision rendue au provisoire qu'à une décision rendue au fond prononcée sur une contestation dont les données sont mouvantes (C. CAMBIER, t. II, «La compétence», op. cit., p. 405).

Dans un arrêt du 3 janvier 1992, la Cour de cassation décide que l'ordonnance du juge de paix n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de la décision du tribunal de première instance en vertu de l'article 306 du Code civil, relativement à la ques­tion concernant la faute (Pas., 1992, 1, 384). Il serait peut-être rapide de considérer qu'à lui seul cet arrêt consacre la thèse du référé familial. Celle-ci, à propos de l'article 223 du Code civil, présente pourtant une double vertu : d'une part, elle permet au juge de paix de se sentir plus libre dans sa motivation et dans le choix des mesures à ordonner ; d'autre part, elle per­met l'intervention ultérieure d'autres juges et la liberté de leur appréciation (V. PouLEAU, «Le juge de paix et l'article 223 du Code civil - Questions actuelles et points saillants», in Com­pétences des juges de paix et des juges de police, op. cit., p. 95 à 98).

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280. Intimement liée à la question précédente se pose celle de l'application dans le temps de l'ordonnance rendue par le juge de paix, spécialement lorsque le tribunal de première ins­tance est saisi ultérieurement d'une action en divorce ou en séparation.

L'article 221 du Code civil règle la question pour la décision qui ordonne une délégation de salaires ou de sommes en préci­sant que l'autorisation demeure exécutoire nonobstant l'intro­duction d'une demande en divorce ou en séparation de corps, jusqu'à la décision du tribunal ou de son président.

Dans le souci d'éviter le vide juridique et les demandes dila­toires en divorce, la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 octobre 1981, a adopté la même règle en ce qui concerne l'application dans le temps des décisions rendues sur l' ar­ticle 223 du Code civil. Celles-ci demeurent exécutoires jusqu'à ce qu'intervienne une décision du tribunal ou du président sur les mêmes points (cass., 22 octobre 1981, Pas., 1982, I, 282).

Cette règle appelle, cependant, quelques précisions. En vertu du principe général selon lequel la compétence s'apprécie au moment de l'introduction de la demande, le juge de paix, saisi avant l'introduction d'une demande en divorce ou sépara­tion de corps, peut statuer, que sa décision intervienne avant ou après pareille introduction (l\fons, 3 novembre 1988, Pas., 1989, II, 96; J.P. Sint-Niklaas, 3 avril 1990, J.J.P., 1990, p. 371 ; civ. Liège, réf., 29 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 562 ; 1\fons, 19 novembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 968 ; l\fons, 7 avril 1992, Pas., 1992, II, 56). La décision du juge de paix vaut jusqu'à décision du tribunal ou du président, laquelle se substitue, mais sans effet rétroactif, à la décision du juge de paix (1\fons, 19 novembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 968, notes). Par contre, une fois la demande en divorce ou en séparation de corps introduite, une action basée sur l' ar­ticle 223 du Code civil doit être déclarée irrecevable (Mons, 3 novembre 1988, Pas., 1989, II, 96, notes). Enfin, si aucune décision du tribunal ou du président n'intervient à propos des mesures prises par le juge de paix, une certaine jurisprudence considère que ces mesures, ordonnées dans le cadre de l'ar­ticle 223 du Code civil, demeurent exécutoires même après la transcription du divorce (J.P. Diest, 7 septembre 1987, J.J.P.,

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1988, p. 221; Liège, 12 octobre 1987, J.L.M.B., 1989, p. 352; civ. Namur, 18 janvier 1989, J.L.M.B., 1989, p. 354; en ce sens également G. DE LEVAL, «La procédure du divorce pour cause déterminée», in Le divorce en Belgique, controverses et perspectives, Story Scientia, 1991, p. 123 ; contra : J.P. MAs­SON, Examen de jurisprudence - Les personnes, cette Revue, 1992, p. 490, n° 80; 1\1.-Th. MEULDERS-KLEIN, «Le divorce en Belgique : bilan, réformes et perspectives», J. T., 1990, p. 719). La Cour de cassation considère cependant que l'ordonnance par laquelle le juge de paix condamne l'un des époux à contri­buer aux charges du mariage cesse de produire ses effets dès la dissolution du lien matrimonial, le juge des saisies étant compétent pour décider que la mesure prise par le juge de paix dont l'époux demande l'exécution, est devenue caduque par suite de cette dissolution (cass., 3 novembre 1994, Pas., 1994, I, 909). Ce qui paraît logique puisqu'il n'y a plus de contribu­tion aux charges du mariage après dissolution de celui-ci.

§ 3. - Protection de la personne des malades mentaux et des biens des incapables

1. Loi du 26 juin 1990

281. La loi du 26 juin 1990 sur la protection de la personne des malades mentaux confie au juge de paix une compétence spéciale, voire exclusive dans la mesure où le législateur a mis sur pied une procédure exceptionnelle répondant à des règles spécifiques, lesquelles sont plus particulièrement liées à la proximité du magistrat cantonal.

Pareille compétence, même tenue pour exclusive, ne peut pas tenir en échec la compétence, vu l'urgence et au provi­soire, du président du tribunal de première instance qui, en vertu de l'article 584 du Code judiciaire, peut connaître de toutes demandes rentrant dans les attributions du pouvoir judiciaire.

282. Dans un premier temps, il revient au juge de paix de vérifier si les conditions d'application de la loi sont réunies. Celles-ci sont au nombre de trois : il faut être en présence d'un malade mental; celui-ci doit mettre en péril sa santé et sa sécurité ou constituer une menace grave pour la vie ou l'inté-

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grité d'autrui ; enfin, la mesure ne peut être envisagée que si aucun autre traitement approprié n'a pu aboutir à une solu­tion satisfaisante (voy. à ce sujet : G. BENOIT, «Commentaires relatifs à la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux», J.J.P., 1991, p. 260; A. KoHL, «La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux», in Protection des malades mentaux et incapacité des majeurs - Le droit belge après les réformes, Kluwer, 1996, p. 31 à 36).

Le juge de paix doit se montrer particulièrement circonspect et ne recourir à une mesure de protection qu'à titre exception­nel (J.P. Fosses-la-Ville, 13 décembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 738 et note C. DAUBANTON ; J.P. Anderlecht, 31 janvier 1992, J.J.P., 1992, p. 76 ; J.P. Anderlecht, 12 mars 1992, J.J.P., 1992, p. 78 : Ni la sénilité, ni l'irritabilité ne justifient l'application de la loi du 26 juin 1990). En cas d'hésitation du juge de paix, celui-ci peut décider une mesure de courte durée (J.P. Ixelles, 15 novembre 1991, R.G.D.O., 1992, p. 236 et note E. VrnuJEAN).

283. Le législateur a opté pour un système d'introduction de la demande par requête à laquelle est obligatoirement joint, sous peine d'irrecevabilité de la requête, un rapport médical circonstancié (J.P. Herne, 9 octobre 1991, J.J.P., 1994, p. 89, note; civ. Namur, 27 avril 1995, J.L.M.B., 1997, p. 984, note G. DE LEVAL). Certains considèrent qu'il s'agit d'une requête contradictoire qui serait donc soumise aux articles 1034bis à 1034sexies du Code judiciaire (A. KOHL, op. cit., p. 4 7 ; G. DE LEVAL, obs. sub J.P. Soignies, 2 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 733). D'autres, au contraire, optent pour la requête unilaté­rale, mais suivie d'une procédure « sui generis » au cours de laquelle le malade est obligatoirement rencontré et interrogé ( G. BENOIT, op. cit., p. 262). Il est intéressant de remarquer que la compétence est confiée au juge de paix par l'article 594-150 du Code judiciaire, or l'article 594 ne vise que des cas dans lesquels le magistrat cantonal est saisi par voie de requête uni­latérale. Il faut aussi souligner que les mentions exigées, à peine de nullité, pour cette requête sont les mêmes que celles énumérées dans l'article 1026 du Code judiciaire à propos de la requête unilatérale.

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284. Le juge de paix territorialement compétent est celui que désigne l'article 627, 6° du Code judiciaire, tel que modifié par la loi du 6 août 1993 pour mettre un terme aux contro­verses doctrinales et jurisprudentielles antérieures (voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 614, n° 177). Est com­pétent le juge du lieu où le malade est soigné ou a été placé ou, à défaut, le juge du lieu où le malade se trouve (sur ce que l'article 627, 6° du Code judiciaire ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, voy. C.A., 16 juin 1994, Rec. arr. C.A., 1994, p. 623).

En cas d'incompétence territoriale évidente du juge de paix saisi, ce dernier renvoie, dans les vingt-quatre heures du dépôt de la requête, la demande devant le juge de paix compétent (voy. notamment J.P. Visé, 24 août 1993, J.L.M.B., 1994, p. 496, note A. DEBRULE). Le législateur met en place une pro­cédure rapide et simplifiée de règlement des incidents de com­pétence afin d'éviter tout retard dans le jugement de l'affaire, qui pourrait notamment résulter de la saisine du tribunal d' ar­rondissement. Contre cette décision sur la compétence prise par le juge de paix lui-même, un recours n'est ouvert que dans les conditions prévues à l'article 1050, alinéa 2 du Code judi­ciaire.

285. Dans les vingt-quatre heures du dépôt de la requête, et par une seule décision, le juge de paix fixe la date de sa visite au malade et celle de l'audience ( civ. Verviers, 14 décembre 1994, R.G.D.C., 1996, p. 63 : les articles 48 à 57 du Code judiciaire sont applicables à tous les délais prévus par la loi de 1990).

Le juge de paix est, en effet, tenu de visiter et d'entendre le malade mental ( civ. Bruxelles, 25 novembre 1992, R. G.D. O., 1993, p. 486), ainsi que d'entendre toutes les autres personnes dont il estime l'audition utile. Le juge entend le malade et toutes autres personnes susceptibles de lui procurer tous ren­seignements utiles d'ordre médical ou social, obligatoirement en présence de l'avocat du malade. Cette obligation touche au droit inviolable de défense et constitue le corollaire des prin­cipes établis par la Convention européenne des droits de l'homme (J.P. Liège, 6 décembre 1991, J.J.P., 1994, p. 99). Par contre, la loi de 1990 ne consacre pas le droit pour la par-

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tie requérante, fût-elle le ministère public - d'assister à cette audition, considérant que le principe du contradictoire peut souffrir dérogation lorsqu'il s'agit d'intérêts qui requièrent une protection particulière (civ. Namur, 16 septembre 1996, J.T., 1997, p. 48 ; voy. également, dans le même sens, l'article 931 du Code judiciaire qui prévoit l'audition du mineur, hors la présence des parties, par le juge seul). Il est permis de s'inter­roger sur cette limitation du principe du contradictoire (J.L. RENCHON, La réforme du divorce, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 19).

286. La loi du 26 juin 1990 établit une passerelle entre la protection de la personne du malade mental et la protection de ses biens. En effet, saisi d'une requête de mise en observa­tion, le juge de paix peut d'office désigner un administrateur provisoire chargé de la gestion des biens de la personne ( voy. infra, n° 290 à propos de la loi du 18 juillet 1991).

Cette passerelle appelle quatre observations. D'abord, il s'agit pour le juge de paix d'une simple faculté et jamais d'une obligation (Rapport HERMAN-MICHIELSEN, Sén., 30 mai 1991, n° 1102-3, p. 29). Ensuite, le juge de paix peut désigner d'of­fice un administrateur provisoire, qu'il ordonne ou refuse la mise en observation (A. KOHL, op. cit., p. 63 ; J.P. Fosses-la­Ville, 13 décembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 738, note C. DAu­BANTON; contra E. VIEUJEAN, «Protection du majeur physi­quement ou mentalement inapte à gérer ses biens», R. G.D. O., 1993, p. 22). En outre, il n'y a pas vraiment connexité, au sens de l'article 30 du Code judiciaire, entre les deux procédures, chacune étant de nature différente et se déroulant séparément (contra : J.P. Jumet, 14 novembre 1994, J.L.M.B., 1995, p. 1059 estimant qu'une demande de désignation d'un admi­nistrateur provisoire peut être instruite et jugée en même temps qu'une demande de mise en observation). Enfin, la pas­serelle ne peut pas jouer en sens inverse : la loi du 18 juillet 1991 ne prévoit pas la possibilité pour le juge de paix, saisi d'une requête en désignation d'un administrateur provisoire, de se saisir d'office de la protection de la personne.

287. En cas d'urgence médicalement justifiée (J.P. Ixelles, 18 juin 1993, J.J.P., 1994, p. 102), la mise en observation peut

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être décidée par le procureur du Roi, soit d'office, soit à la demande écrite d'une personne intéressée (J.P. Deinze, 17 jan­vier 1992, J.J.P., 1992, p. 73 : compétence territoriale est attribuée au procureur du Roi du lieu où le malade se trouve). Lorsque le ministère public forme une pareille demande, il n'agit pas au titre d'un intérêt qui lui serait personnel mais au titre de l'intérêt de la protection à apporter à une personne présumée faible et à la société tout entière. Le procureur du Roi trouve le fondement de son pouvoir d'ester en justice dans la loi de 1990 et non dans l'article 138, alinéa 2, du Code judi­ciaire (civ. Namur, 25 novembre 1994, J.J.P., 1994, p. 86).

Dans les vingt-quatre heures de sa décision, le procureur du Roi en avise le juge de paix (civ. Anvers, 3 mars 1992, R. G.D. O., 1993, p. 388) du lieu de l'établissement choisi par le procureur du Roi pour mettre le malade en observation (voy. l'article 627, 6° et C.A. 16 juin 1994, Rec. arr. O. A., 1994, p. 623). La même procédure est alors applicable devant le juge de paix.

Autre est la situation où le ministère public interjette appel d'une décision ordinaire de mise en observation. Pareil droit du ministère public ne peut s'exercer que « lorsque l'ordre public exige son intervention» (article 138, alinéa 2 du Code judiciaire; civ. Charleroi, 8 octobre 1996, J.L.M.B., 1997, p. 992, note).

2. Loi du 18 juillet 1991

288. En matière d'administration provisoire, la compétence matérielle est confiée au juge de paix (article 594, 16° du Code judiciaire).

Il s'agit là d'une compétence spéciale, voire exclusive dans la mesure où des règles de procédure spéèifiques sont particu­lièrement adaptées à la juridiction cantonale. Si l'on opte pour la compétence exclusive, elle tient alors en échec la compé­tence ordinaire du tribunal de première instance et tous les mécanismes de prorogation de compétence.

Rien ne s'oppose, si une mesure urgente s'avère nécessaire, de recourir à l'intervention du président en référé ou sur requête unilatérale. L'article 584 du Code judiciaire confie, en

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effet, au président du tribunal, vu l'urgence et au provisoire, «toutes matières sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire» (voy. cependant civ. Liège, réf., 3 juin 1992, J.L.M.B., 1994, p. 418 considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à une procédure en référé, la procédure devant le juge de paix pouvant se dérouler aussi rapidement ; civ. Liège, réf., 4 mars 1994, J.L.M.B., 1994, p. 681 : l'intervention du prési­dent, saisi par voie de requête unilatérale, est possible lorsque, une procédure de désignation d'un administrateur provisoire étant pendante devant le juge de paix, il y a lieu de prendre des mesures immédiates de conservation du patrimoine de la personne à protéger).

289. La compétence territoriale est réglée par l'article 628, 3° du Code judiciaire (à ce sujet, voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 615, n° 177).

A cet égard, deux précisions s'imposent. D'abord, la compé­tence est établie selon un ordre de préférence voulu par le législateur : est compétent le juge du lieu de la résidence ou, à défaut, du domicile de la personne à protéger. La notion de résidence doit être entendue comme le lieu où la personne se trouve habituellement et de manière prolongée ( civ. Liège, 1er avril 1993, J.L.M.B., 1993, p. 328 ; J.P. Liège, 24 février 1993, J.J.P., 1993, p. 327 ; Trib. arrond. Liège, 1er avril 1993, R.G.D.O., 1994, p. 69; Trib. arrond. Liège, 24 juin 1993, J.L.M.B., 1994, p. 422 ; J.P. l\farchienne-au-Pont, 17 novembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 425; Trib. arrond. Charleroi, 7 décembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 425). Ensuite, si le juge de paix saisi est incompétent territorialement, l'inci­dent de compétence se règle par application des articles 639 et 640 du Code judiciaire, le régime dérogatoire au droit commun établi par la loi du 26 juin 1990 ne pouvant trouver à s' appli­quer ici par assimilation (J.P. Liège, 24 février 1993, J.J.P., 1993, p. 327 ; Trib. arrond. Bruxelles, 2 mai 1994, J.L.M.B., 1995, p. 1162 et note G. DE LEVAL).

Le principe de l'unicité du for tutélaire doit s'appliquer en matière d'administration provisoire. En d'autres termes, c'est le juge de paix qui a organisé toute l'administration provisoire et désigné l'administrateur provisoire qui doit connaître des différentes demandes qui lui sont faites par cet administrateur

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dans le courant de l'administration et jusqu'à sa clôture (Trib. arrond. Liège, 27 juin 1996, J.L.M.B., 1997, p. 987, note G. DE LEVAL; Trib. arrond. Nivelles, 4 février 1997, J.L.M.B., 1997, p. 997 et note G. DE LEVAL).

290. La demande peut être introduite par le malade lui­même, par toute personne intéressée et par le procureur du Roi (article 488bis, b, §1er, du Code civil). Controversée est la question de savoir si des personnes morales telles que C.P.A.S. ou associations ayant pour objet la protection des malades physiques ou mentaux peuvent introduire la demande (sur cette controverse, voy. G. CLOSSET-MARCHAL, «La protection des biens des malades mentaux», in Protection des malades mentaux et incapacités des majeurs : Le droit belge après les réformes, Kluwer, 1996, p. 343 et les réf. citées). On semble faire une distinction entre la notion d'intérêt au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire et celle d'intéressé au sens de la loi du 18 juillet 1991.

Rappelons que la procédure peut être enclenchée d'office par le juge de paix lorsque celui-ci est saisi d'une demande de mesure de protection de la personne, qu'il l'accorde ou la refuse (voy. supra, n° 286; J.P. Fosses-la-Ville, 13 décembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 738 et note C. DAUBANTON).

291. La demande s'introduit par une requête qui, sous peine d'irrecevabilité et sauf en cas d'urgence, doit être accom­pagnée d'un certificat médical circonstancié (voy. J.P. Ixelles, 30 octobre 1991, J.J.P., 1992, p. 69 qui rappelle fort opportu­nément que la loi du 18 juillet 1991 ne peut servir de base à une mise sous tutelle systématique des personnes âgées qui ont des biens et dont le comportement déplaît à leur entourage ou à l'autorité publique).

La procédure est essentiellement unilatérale et les articles 1027 à 1034 du Code judiciaire lui sont applicables (article 488bis, b, § 4 du Code civil; civ. Leuven, 2 mars 1994, R.G.D.O., 1995, p. 140). La personne protégée n'est pas à la cause (contra : J.P. Soignies, 2 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 731 et obs. critiques de G. DE LEVAL) mais doit être enten­due ou son conjoint, éventuellement en présence de son avo­cat. A cet égard, le juge de paix dispose de toute liberté : il

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peut rendre visite au malade, entendre· toute personne qu'il estime apte à le renseigner utilement ou encore désigner un médecin-expert dans les cas difficiles.

292. La compétence du juge de paix ne s'arrête pas à la désignation de l'administrateur provisoire et à l'organisation de l'administration provisoire. En effet, l'article 488bis, f, § 3 du Code civil énumère certains actes qui, parce que considérés comme importants ou dangereux pour l'incapable, nécessitent une autorisation spéciale du juge de paix.

Parmi ces actes, figure l'aliénation des biens meubles et immeubles. L'autorisation d'aliéner est confiée au juge qui, matériellement et territorialement, est compétent pour ordon­ner la mise sous administration provisoire et est accordée selon la même procédure que celle prévue pour la mise sous adminis­tration provisoire (voy. sur toutes ces questions, J. VAN CoM­PERNOLLE, «Considérations sur la vente des biens des inca­pables majeurs pourvus d'un administrateur provisoire», in Liber Amicorum Léon RAUOENT, Bruylant, Presses univ. de Louvain, 1993, p. 445 et suiv.; G. DE LEVAL, «Vente d'im­meubles appartenant en tout ou en partie à une personne pourvue d'un administrateur provisoire - Loi du 18 juillet 1991 - Purge de l'immeuble», J.L.M.B., 1992, p. 753 et suiv. ; G. V AN ÜOSTERWYCK, Voorlopig bewind en verkoop uit de hand van een onverdeeld onroerend goed, note sous civ. Hasselt, 27 juin 1994, N.F.M., 1995, p. 24 ; G. CLOSSET-MAR­CHAL, «La protection des biens des malades mentaux : aspects de droit judiciaire», in Protection des malades mentaux et inca­pacités des majeurs : Le droit belge après les réformes, Kluwer, 1996, p. 347 et suiv.).

§ 4. - Contentieux des pensions alimentaires

293. L'article 591-7° du Code judiciaire confie au juge de paix une compétence spéciale, quel que soit le montant,. pour toutes contestations relatives aux pensions alimentaires. L'étendue de la compétence est considérable : toutes pensions alimentaires, sauf les deux exceptions établies par le texte et toutes contestations, qu'il s'agisse de demandes d'octroi, de modification ou de suppression de la pension alimentaire.

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Il doit s'agir d'une contestation en matière de pension ali­mentaire proprement dite. Ainsi ne relèvent pas de l' ar­ticle 591-7° du Code judiciaire l'action de l'époux délégataire contre le tiers débiteur lorsque le juge de paix a accordé à un époux une pension alimentaire avec délégation de sommes (Trib. arrond. Bruxelles, 4 septembre 1989, Pas., 1990, III, 24, notes F.B.) ni l'action en recouvrement d'un C.P.A.S. dirigée contre un débiteur d'aliments (Trib. arrond. Liège, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1004).

294. L'article 591-7° du Code judiciaire contient une pre­mière exception qui vise les contestations fondées sur l' ar­ticle 336 du Code civil. Seul le tribunal de première instance est compétent pour trancher sur la pension alimentaire récla­mée par un enfant dont la filiation paternelle n'est pas établie, à celui qui a eu des relations avec la mère pendant la période légale de conception (Trib. arrond. Brugge, 11 octobre 1991, R. W., 1991-1992, col. 1127, note P. SENAEVE).

295. L'article 591-7° du Code judiciaire contient une seconde exception : le juge de paix ne peut connaître des pen­sions alimentaires « se rattachant à une action en divorce ou en séparation de corps sur laquelle il n'a pas été définitive­ment statué par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée». Ces pensions sont, en effet, de la compétence du tribunal de première instance ou de son président.

Dès que la décision prononçant le divorce est passée en force de chose jugée, le juge de paix recouvre sa compétence (J.P. Zele, 14 septembre 1988, J.J.P., 1992, p. 130; J.P. Rhode­Saint-Genèse, 18 septembre 1989, R.G.D.O., 1991, p. 152, note C. JUSTE : l'article 591-7° du Code judiciaire est applicable dès l'instant où la décision autorisant le divorce rendue par une juridiction étrangère est coulée en force de chose jugée d'après la loi étrangère applicable) mais si le jugement prononçant le divorce n'a pas pareille force parce qu'un mois ne s'est pas écoulé depuis son prononcé, la cause doit être renvoyée devant le tribunal de première instance (Trib. arrond. Liège, 23 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1621). Par contre, le juge de paix est matériellement compétent pour connaître d'une action en modification de la pension alimentaire due aux enfants si le

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divorce étant prononcé et transcrit, la juridiction de première instance a réservé à statuer sur le renversement de la présomp­tion prévu à l'article 306 in fine du Code civil (Trib. arrond. Liège, 23 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1619).

Depuis la loi du 20 mai 1997, le juge de paix recouvre sa compétence même si une action reconventionnelle en divorce est encore pendante devant le tribunal (voy. à ce sujet, supra, n° 220; voy. Trib. arrond. Liège, 28 octobre 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1717 qui résoud adéquatement une question de droit transitoire : lorsque le juge de paix a été saisi avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 mai 1997 modifiant l'article 1280 du Code judiciaire, d'une demande tendant au paiement d'une pension alimentaire à l'ex-épouse, le mariage étant dissous mais une demande reconventionnelle en divorce demeurant pendante devant le tribunal de première instance, la cause doit être renvoyée au président sur base de l'article 1280 ancien du Code judiciaire).

Statuant après divorce, une décision sur ce point étant pas­sée en force de chose jugée, le juge de paix peut autoriser la décharge ou la réduction de la pension alimentaire accordée à l'enfant en cours d'instance par le président du tribunal de première instance, et ce aussi avec effet rétroactif, en ce com­pris pour la période de la procédure en divorce (cass., 14 mai 1990, cette Revue, 1992, p. 39 et note J.P. MASSON).

296. Le juge de paix, saisi d'une action alimentaire sur base de l'article 591-7° du Code judiciaire, peut connaître d'une demande reconventionnelle pour autant qu'elle ait le même fondement que la demande originaire (article 563, alinéa 2 du Code judiciaire). Ainsi, le juge de paix peut connaître de la demande reconventionnelle de la femme divorcée tendant à pouvoir porter le nom de son ex-époux après leur divorce, la demande reconventionnelle comme la demande originaire en pension alimentaire dérivant de la dissolution du mariage (cass., 16 juin 1994, R.T.D.F., 1994, p. 505, note 1\1. FALLON).

297. Saisi d'une action alimentaire, le juge de paix peut, comme tout autre juge d'exception, statuer sur des questions préalables, notamment d'état, à l'exception des questions de

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filiation (article 331, § 2 du Code civil; J.P. Saint-Gilles, 5 avril 1990, J. T., 1990, p. 662).

298. Le juge de paix peut perdre sa compétence, en matière alimentaire, au profit du tribunal de la jeunesse.

D'abord, la connexité jouera, en principe, en faveur du tri­bunal de la jeunesse en cas de demande alimentaire pour les enfants pendante devant le juge de paix et de demande rela­tive au droit de garde ou de visite pendante devant le tribunal de la jeunesse (Trib. jeun. Gent, 22 mai 1989, T. G.R., 1990, p. 59; Gent, 16 mars 1992, T.G.R., 1992, p. 96).

Ensuite, le tribunal de la jeunesse peut connaître, à titre reconventionnel, d'une demande en matière alimentaire rele­vant normalement de la compétence du juge de paix (sur l'étendue de la prorogation de compétence revenant au tribu­nal de la jeunesse, voy. supra, cette chronique, n° 228; Gent, 26 septembre 1988, Pas., 1989, II, 52 ; Gent, 29 novembre 1993, R. W., 1994-1995, col. 166).

§ 5. - Crédit à la consommation et facilités de paiement

1. Contrats de crédit

299. La loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation confère au juge de paix deux compétences distinctes : la connaissance de toutes les contestations en matière de contrats de crédit (article 591-21° du Code judiciaire) et l'octroi de faci­lités de paiement (articles 1337bis à 1337octies du Code judi­ciaire) (voy. notamment sur toutes ces questions, C. DAUBAN­TON, «Le crédit à la consommation - Aspects de la procédure nouvelle en justice de paix», J.J.P., 1993, p. 78 et suiv. ; F. EVERS, «De rechter en de wet op het Consumentenkrediet », J.J.P., 1993, p. 66 et suiv. ; T. RuTTENS, «De bevoegdheid van de vrederechter in P.e wet van 12 juni 1991 op het consu­mentenkrediet », in Compétences des juges de paix et des juges de police, 1892-1992, Bruges, La Charte, 1992, p. 283 et suiv. ; Y. KEVERS, «La nouvelle compétence du juge de paix en matière de crédit à la consommation», J.L.M.B., 1992, p. 314

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et suiv.; numéro spécial du J.J.P., 1997, consacré au crédit à la consommation, p. 343 et suiv.).

La loi du 12 juin 1991, entrée en vigueur le 22 octobre 1991, est applicable immédiatement aux contrats en cours (Trib. arrond. Liège, 13 février 1992, Act. dr., 1993, p. 123 ; Trib. arrond. Liège, 4 juin 1992, Act. dr., 1993, p. 127).

300. L'article 591-21° du Code judiciaire confie au juge de paix une compétence, quel que soit le montant, pour toutes contestations concernant un contrat de crédit (J.P. Termonde, 3 novembre 1992, R. W., 1993-1994, col. 133; Trib. arrond. Verviers, 24 janvier 1992, J.L.M.B., 1992, p. 313 et note Y. KEVERS ; Trib. arrond. Charleroi, 18 février 1992, J. T., 1992, p. 349 ; Trib. arrond. Bruxelles, 2 mars 1992, J. T., 1992, p. 580).

301. Très controversée est la question de savoir si la facilité de caisse accordée au consommateur titulaire d'un compte bancaire peut s'assimiler à un contrat de crédit et, par consé­quent, si le juge de paix est compétent, quel que soit le mon­tant, pour connaître d'un litige relatif au solde débiteur d'un compte bancaire (dans un sens affirmatif voy. Trib. arrond. Arlon, 2 juin 1992, R.G.D.O., 1992, p. 453; civ. Bruxelles, 11 juin 1992, Pas., 1992, III, 84 ; Trib. arrond. Liège, 1er juin 1995, J.L.M.B., 1996, p. 33, note C. B-:M:. ; dans un sens néga­tif voy. Trib. arrond. Bruxelles, 25 mai 1992, Act. dr., 1993, p. 135 et note C. BIQUET-MATHIEU ; J.P. Saint-Gilles, 24 sep­tembre 1992, J.J.P., 1993, p. 127 et note A. MAHY­

LECLERCQ).

302. Le contrat de crédit visé par la loi du 12 juin 1991 est celui conclu par le consommateur pour ses besoins particuliers. Tel n'est pas le cas lorsque l'affectation du crédit est exclusi­vement professionnelle (Trib. arrond. Liège, 3 mars 1994, J.L.M.B., 1994, p. 934 : il y a lieu de renvoyer au tribunal de première instance lorsque l'examen du contrat de prêt person­nel à tempérament en cause révèle qu'au moment de sa signa­ture, le défendeur exerçait déjà l'activité professionnelle indé­pendante et que l'affectation du crédit est exclusivement pro­fessionnelle).

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303. La compétence, confiée au juge de paix par l' ar­ticle 591-21° du Code judiciaire, est spéciale et non exclusive. Elle ne tient donc pas en échec la compétence ordinaire du tri­bunal de première instance ( civ. Arlon, 6 mars 1992, J. T. , 1992, p. 579; Trib. arrond. Verviers, 18 mars 1994, J.L.M.B., 1994, p. 936).

2. Octroi de facilités de paiement

304. Les articles 1337bis à 1337octies du Code judiciaire confient au juge de paix une compétence particulière en matière d'octroi de facilités de paiement dans le domaine du crédit à la consommation.

Compte tenu des particularités de procédure et du caractère nécessairement expéditif de l'institution, il nous paraît qu'il s'agit là d'une compétence exclusive du juge de paix.

305. La procédure est soumise à des conditions de forme qui sont aussi des conditions de recevabilité.

« Cette procédure ne peut être introduite qu'après le refus du créancier d'accorder au débiteur les facilités de paiement que celui-ci lui aura demandées, par lettre recommandée à la poste, mentionnant les motifs de la demande. Après l'expira­tion d'un délai d'un mois, prenant cours à la date du dépôt de la lettre recommandée ... , le silence du créancier est réputé constituer une décision de refus» (article 1337bis, alinéas 2 et 3 du Code judiciaire). Jugé, à cet égard, que le critère de rece­vabilité est le refus du prêteur d'accorder les facilités de paie­ment sollicitées (J.P. Borgerhout, 27 janvier 1994, J.J.P., 1996, p. ll8), peu importe que la demande d'obtention de pareilles facilités ait été faite par pli recommandé ou par pli ordinaire ; mais il est certain que l'envoi d'un pli ordinaire ne peut pas faire courir le délai d'un mois prévu à l' arti­cle 1337bis, alinéa 3 du Code judiciaire (J.P. Seraing, 9 octobre 1992, J.J.P.' 1993, p. 15, note 1\1. DAMBRE).

Relevons encore parmi les conditions de recevabilité de la demande, d'une part, l'interdiction pour le juge du fond d'être déjà saisi d'une contestation sur le contrat de crédit (arti­cle 1337bis, alinéa 1er, in fine du Code judiciaire; J.P. Arlon, 26 mai 1995, J.J.P., 1996, p. 150; J.P. Kontich, 6 janvier

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1995, J.J.P., 1996, p. 133 : une action au fond ne peut pas déjà être entamée concernant le même contrat de crédit, ce qui n'empêche pas l'introduction de pareille action pour d'autres contrats de crédit, les principes de la connexité pou­vant alors être appliqués) et, d'autre part, l'obligation de joindre à la requête en obtention de facilités de paiement une copie du contrat de crédit litigieux (article 1337quater du Code judiciaire; J.P. Borgerhout, 27 janvier 1994, J.J.P., 1996, p. ll8).

306. La procédure des articles 1337bis et suivants du Code judiciaire est également soumise à des conditions de fond.

L'article 38 de la loi du 12 juin 1991 autorise le juge de paix à accorder des facilités de paiement au débiteur dont la situa­tion financière s'est aggravée. Selon les travaux préparatoires de la loi, il doit s'agir de la survenance d'une circonstance étrangère qui s'impose au consommateur indépendamment de sa volonté (perte d'emploi, accident, ... ) et qui engendre l' ag­gravation de sa situation financière; la preuve de cette surve­nance incombe au débiteur demandeur (J.P. Bastogne, 23 avril 1993, J.J.P., 1993, p. 313, note 1\:1. DAMBRE; C. BI­QUET-MATHIEU, « Commentaire sommaire de la loi relative au crédit à la consommation», Act. dr., 1993, p. 106, n° 96).

Certains estiment que le débiteur devrait, en outre, être malheureux et de bonne foi (J. LAENENS, « Bescherming van de consument met betalingsmoeilijkheden », in La nouvelle loi sur le crédit à la consommation, Editions Créadif, 1992, p. 171, n° 26; J.P. Herstal, 12 mars 1993, D.C.C.R., 1993-1994, p. 536, note F. DoMONT-NAERT ; J.P. Nivelles, 24 décembre 1997, J.T., 1998, p. 365; contra : J.P. Auderghem, 12 février 1993, J.J.P., 1996, p. 107; J.P. Soignies, 29 mai 1997, J.L.M.B., 1998, p. 276 et note Ch. BIQUET-MATHIEU), ce qui n'est pas le cas lorsque, au moment de la conclusion de nou­veaux contrats de crédit, il tait l'existence de contrats déjà en cours (J.P. Seraing, 9 octobre 1992, J.J.P., 1993, p. 15, note 1\:1. DAMBRE).

307. L'octroi de facilités de paiement peut être modulé et notamment limité dans le temps, le juge de paix se proposant de réexaminer la situation au terme de cette durée (J.P. Liège,

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14 janvier 1994, J.J.P., 1996, p. 115 et note V. VAN DEN HASELKAMP-HANSENNE).

308. Une fois introduite une requête en octroi de facilités de paiement, des demandes incidentes peuvent venir se greffer sur elle et notamment ·une demande reconventionnelle éma­nant du dispensateur de crédit (J.P. Molenbeek-Saint-Jean, 6 avril 1993, J.J.P.' 1994, p. 57; voy. aussi C. DAUBANTON, «Le crédit à la consommation - Aspects de la procédure nou­velle en justice de paix», J.J.P., 1993, p. 96). Une demande incidente de validation de la cession de rémunération peut aussi être introduite et examinée (J.P. Namur, 7 janvier 1994, J.L.M.B., 1994, p. 321, note; J.P. Fexhe-Slins, 14 juin 1993, J.J.P., 1994, p. 63).

Par contre, l'inverse ne semble pas possible. Au cours d'une procédure au fond relative à un contrat de crédit, il ne semble pas admis de pouvoir demander des facilités de paiement par demande reconventionnelle mais le juge de paix pourrait allouer à l'emprunteur des termes et délais aux conditions de l'article 1244, alinéa 2 du Code civil (J.P. Châtelet, 27 juin 1996, J.J.P., 1996, p. 397, note).

CHAPITRE III. - TRIBUNAL DE COMMERCE

PLAN DU CHAPITRE

309. Le tribunal de commerce est, au même titre que le juge de paix et le tribunal du travail, une juridiction d' excep­tion c'est-à-dire une juridiction qui n'a de compétences que celles qui lui sont expressément et limitativement attribuées par la loi. Contrairement au tribunal de première instance, il ne jouit donc d'aucune compétence que l'on pourrait qualifier d'ordinaire.

310. Parmi les compétences qui lui sont expressément attri­buées, il y a lieu de distinguer les compétences spéciales liées soit à la qualité des parties, soit à l'objet de la demande (sec­tion I) et la compétence exclusive en matière de faillites et concordats (section II). Le tribunal de commerce bénéficie, en

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outre, d'une compétence d'appel pour les décisions du juge de paix rendues en matière commerciale (section III).

311. D'une manière générale, depuis l'entrée en vigueur du Code judiciaire, l'on assiste à une vision subjective du conten­tieux confié au tribunal de commerce dans le sens où, sous réserve de quelques dérogations, la compétence est étroite­ment liée à la qualité de commerçant (voy. à ce sujet C. ÜAM­BIER, t. II, «La compétence», op. cit., p. 464 et suiv.).

SECTION re. - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ 1er. - Compétences liées à la qualité des parties

312. L'article 573, 1° du Code judiciaire prévoit que le tri­bunal de commerce connaît en premier ressort des contesta­tions entre commerçants, relatives aux actes réputés commer­ciaux par la loi et qui ne sont pas de la compétence générale des juges de paix.

La qualité de commerçant est donc ici déterminante de la compétence. L'article 1er du Code de commerce définit le com­merçant comme étant celui qui réalise des actes qualifiés com­merciaux par la loi et qui en fait sa profession habituelle soit à titre principal, soit à titre d'appoint. La jurisprudence témoigne cependant de la difficulté à cerner la notion plus par­ticulièrement lorsqu'il s'agit de sociétés dont on ne sait si elles sont plutôt civiles ou plutôt commerciales. Ainsi, le tribunal de commerce est compétent pour connaître de contestations entre assureurs (Trib. arrond. Bruxelles, 7 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 383 et note D. DE MAESENEIRE : recours intro­duit par l'assureur du propriétaire contre l'assureur du loca­taire, du chef d'incendie) ou encore de litiges relatifs à une activité consistant à offrir, à titre indépendant, dans un but de lucre, ses services à des entreprises pour les aider à placer leur personnel (Bruxelles, 22 décembre 1987, R.D.O., 1990, p. 396). Par contre, ne tombent pas sous la juridiction du tri­bunal de commerce les sociétés, même à forme commerciale, qui ont pour objet social l'exercice de la profession d'expert­comptable (Comm. Bruxelles, 20 février 1990, T.R. V., 1990, p. 267, note) ou encore les industries extractives qui sont tra­ditionnellement exclues du champ de la commercialité (Comm.

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Charleroi, 14 mars 1995, J.L.M.B., 1996, p. 877 : lorsque l'ac­tivité d'extraction s'accompagne d'une activité de fabrication et de vente à partir des produits de l'extraction, celle-ci doit être considérée comme accessoire de la première). De même, lorsqu'une société commerciale intente une action tendant au paiement de factures contre les liquidateurs d'une autre société commerciale, le litige échappe au tribunal de com­merce, les liquidateurs n'étant pas des commerçants (Trib. arrond. Bruxelles, 27 décembre 1989, Pas., 1990, III, 74).

313. Sous réserve de la faculté ouverte au demandeur non­commerçant par l'article 573, dernier alinéa, du Code judi­ciaire (voy. cass., 18 mai 1984, J. T., 1984, p. 678 sur le sens de « quoique le demandeur n'ait pas la qualité de commer­çant» dans l'article 573 in fine du Code judiciaire), il faut encore s'assurer que toutes les parties sont commerçantes, demanderesses et défenderesses. Ainsi, relève de la compétence du juge de paix ou du tribunal de première instance, selon le montant, l'action tendant au remboursement d'~ne somme d'argent prêtée lorsque cette action est dirigée à la fois contre le débiteur commerçant et contre la caution non-commerçante (Trib. arrond. Bruxelles, 2 mai 1988, Pas., 1988, III, 120, note ; voy. également Trib. arrond. Gent, 15 mars 1993, T. G.R., 1993, p. llO).

314. Se pose aussi la question de savoir à quel moment il faut être commerçant. Selon la Cour de cassation, pour être justiciable du tribunal de commerce, il faut être commerçant au moment où l'acte litigieux est accompli, même si cette qua­lité est ensuite perdue (cass., 18 mai 1984, J.T., 1984, p. 678; sur cet arrêt, voy. J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak -De bevoegdheid », T.P.R., 1993, p. 1487, n° 10 et les réf.).

l\Iais il est, d'autre part, jugé qu'est sans incidence le fait que la partie ne soit pas inscrite au registre de commerce dès lors que, au moment de l'organisation ou de l'installation de l'entreprise commerciale, la volonté d'exploiter cette entre­prise à titre de profession s'est extériorisée par des actes non équivoques (Trib. arrond. Bruxelles, 3 avril 1995, J. T., 1995, p. 522).

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315. Dans l'article 573, 1° du Code judiciaire, l'exigence de la qualité de commerçant va de pair avec celle de la nature commerciale du litige. Ainsi, le tribunal de commerce n'est compétent pour connaître d'un litige relatif à un crédit à la consommation concédé à un commerçant que s'il n'est pas éta­bli que ledit crédit a été octroyé à des fins privées (Trib. arrond. Gent, 25 octobre 1993, J.J.P., 1996, p. 106).

§ 2. - Compétences liées à l'objet de la demande

316. Les compétences liées à l'objet de la demande sont principalement de deux sortes : d'une part, l'article 573, 2° du Code judiciaire prévoit que le tribunal de commerce connaît en premier ressort des contestations relatives aux lettres de change et aux billets à ordre lorsque le montant de la demande dépasse 75.000 francs et, d'autre part, l'article 574, 1 ° du même Code donne compétence au tribunal de commerce pour connaître des contestations pour raison de société.

Pour le reste, l'article 574, 3° à 9° du Code judiciaire énu­mère d'autres compétences spéciales, également liées à l'objet de la demande.

31 7. La compétence en matière de lettres de change et de billets à ordre s'établit donc par référence au seul objet de la demande, quelle que soit la qualité du signataire et sous réserve de la compétence générale du juge de paix (voy. cepen­dant Comm. Gent, 28 janvier 1993, T.G.R., 1993, p. 61 qui estime que le fait de contracter une lettre de change avec en vue le paiement d'une obligation civile n'a pas pour effet de transformer celle-ci en obligation commerciale et que, par conséquent, le litige échappe à la juridiction commerciale).

318. Les contestations pour raison de société sont tous les litiges portant sur la création, la gestion ou la liquidation des sociétés de commerce, à l'exclusion par conséquent des sociétés civiles et des sociétés de droit public.

Ainsi, le tribunal de commerce est spécialement compétent pour connaître des actions relatives aux droits des action­naires, plus particulièrement aux droits des actionnaires mino­ritaires en cas d'O.P.A. (Bruxelles, 6 août 1992, D.A.O.R., 1992, p. 63 ; Comm. Bruxelles, 10 septembre 1992, T.R. V.,

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1992, p. 437, note B. SERVAES; voy. aussi cass., 10 mars 1994, J.T., 1994, p. 419 et R.D.O., 1995, p. 15, note F. GLANS­DORFF).

Par contre, la demande en paiement de parts cédées d'une société coopérative ne relève pas de la compétence spéciale du tribunal de commerce ( civ. Brugge, 3 mars 1988, R. W., 1989-1990, col. 22).

319. Parmi les autres compétences spéciales confiées au tri­bunal de commerce par l'article 574 du Code judiciaire, rele­vons plus particulièrement les litiges en matière de marques et d'appellations d'origine (article 574, 3°; Comm. Bruxelles, 12 juillet 1991, lng. Cons., 1991, p. 436; Comm. Termonde, 5 septembre 1991, lng. Cons., 1991, p. 443) et les contestations en matières maritime et fluviale (article 574, 7°; civ. Antwer­pen, 21 décembre 1989, R. W., 1990-91, col. 373 ; civ. Brugge, 12 décembre 1994, Dr. eur. transp., 1995, p. 355; pour des litiges jugés sortir de la matière maritime et fluviale, voy. Trib. arrond. Antwerpen, 9 octobre 1990, R.G.D.O., 1991, p. 661 et Antwerpen, 8 septembre 1993, J.P.A., 1995, p. 400, note).

SECTION II. - COMPÉTENCE EXCLUSIVE FAILLITES ET CONCORDATS

§ 1er. - Nature de la compétence

320. La compétence que le tribunal de commerce assume en matière de faillites et concordats est exclusive (C. CAMBIER, t. II, «La compétence», op. cit., p. 498 et 499). Le caractère exclusif se justifie par les moyens particuliers d'information et d'action dont cette juridiction dispose (sur la réforme apportée par les lois du 17 juillet 1997 et du 8 août 1997, voy. notam­ment Y. DuMON, « La faillite et le concordat judiciaire - La réforme de 1997 », J.T., 1997, p. 785 et suiv.).

321. Comme les autres compétences tenues pour exclusives par la doctrine et la jurisprudence, cette compétence exclusive tient d'office en échec la compétence ordinaire du tribunal de première instance et les prorogations de compétence sur demandes incidentes.

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Rappelons que dans son arrêt du 23 décembre 1988, la Cour de cassation a cependant considéré qu'une demande subsi­diaire relative à la gestion du curateur de faillite pouvait, pour raison de connexité, être jointe, devant le tribunal de première instance, à une demande principale relevant de la compétence de ce dernier ( cass., 23 décembre 1988, Pas., 1989, I, 469 ; cette chronique, cette Revue, 1997, p. 608, n° 167).

§ 2. - Etendue de la compétence

322. Depuis la loi du 24 mars 1975, le tribunal de commerce est compétent pour autant que deux conditions soient réunies. Il faut que la contestation découle directement de la faillite et trouve sa solution dans le droit particulier des faillites (voy. notamment cass., 12 mars 1992, R. W., 1992-1993, col. 164).

En ce qui concerne la deuxième condition, il ne s'agit pas exclusivement des dispositions du livre III du Code de com­merce (Bruxelles, 14 juin 1989, R. W., 1990-1991, col. 227) et il ne faut pas davantage que tous les éléments du litige résident dans ce droit particulier de la faillite (Mons, 24 novembre 1992, J.L.M.B., 1993, p. 1000).

323. Relèvent ainsi de la compétence exclusive du tribunal de commerce les actions mettant en cause la responsabilité du curateur pour des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission (cass., 24 février 1984, Pas., 1984, I, 732; cass., 10 février 1995, R.D.O., 1995, p. 205); les demandes en annu­lation, sur base de l'article 448 de la loi sur les faillites, de la constitution par le failli d'une sûreté en garantie du paiement d'une dette de ses associés envers un tiers (cass., 11 janvier 1988, Pas., 1988, 1, 558 ; l\fons, 23 avril 1990, J.L.M.B., 1991, p. 499) ou encore les contestations nées de l'autorisation de vendre des immeubles sur la base des articles 1190 et suivants du Code judiciaire (Comm. Charleroi, 19 novembre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 608).

324. Ne relèvent pas de la compétence exclusive du tribu­nal de commerce, parce que ne répondant pas à l'une des deux conditions prévues dans l'article 574, 2° du Code judiciaire, la demande tendant à l'exécution d'une clause de préemption, insérée dans un bail, même si le litige concerne la vente de gré

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à gré d'un immeuble appartenant au failli (cass., 23 décembre 1988, Pas., 1989, 1, 469) et, d'une manière générale, les litiges entre curateur et bailleur ( civ. Hasselt, 7 mars 1995, R. G.D. O., 1995, p. 511) ; les demandes pour constater l'existence et le montant de la créance d'un travailleur du failli (Trib. trav. Bruxelles, 27 mai 1991, Jur. dr. soc., Bruxelles-Louvain­Nivelles, 1991, p. 375; Liège, 14 mars 1991, R.R.D., 1991, p. 470); l'action menée par un créancier contre les cautions (civ. Bruxelles, 30 décembre 1992, J.L.M.B., 1993, p. 979 et note J. ENGLEBERT) ; l'action du curateur pour recouvrer les soldes non encore libérés d'une augmentation de capital de la société faillie (Trib. arrond. Bruxelles, 1er février 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1110) ou encore toutes les actions concer­nant une simple récupération de créance (Trib. arrond. Bruxelles, 6 décembre 1993, R. G.D. O., 1994, p. 427).

Les actions en responsabilité mues par le curateur au nom de la masse contre les administrateurs posent un réel problème de compétence. Il semblerait que, basées sur les articles 63ter et 133bis des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, elles soient de la compétence exclusive du tribunal de com­merce (Trib. arrond. Charleroi, 21 mars 1989, R.R.D., 1989, p. 333; Trib. arrond. Bruxelles, 27 avril 1987, R.D.C., 1990, p. 448 et note Cl. PARMENTIER; voy. aussi cass., 7 mars 1986, R.D.C., 1986, p. 364) mais, fondées sur l'article 1382 du Code civil, elles reviennent au tribunal de première instance (Comm. Liège, 7 décembre 1988, T.R. V., 1989, p. 441 et note 1\1. WYCKAERT ; Trib. arrond. Gent, 11 juin 1990, T. G.R., 1990, p. 99).

325. Une fois les créances reconnues et établies par les juri­dictions compétentes matériellement, leur admission au passif de la faillite revient exclusivement au tribunal de commerce (cass., 25 juin 1982, Pas., 1982, 1, 1268; cass., 19 mars 1987, Pas., 1987, 1, 863 ; Cour Trav. Bruxelles, 13 septembre 1989, J. T. T., 1990, p. 361 ; Bruxelles, 19 octobre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 17 ; Trib. arrond. Bruxelles, 2 mars 1992, J. T., 1992, p. 580), ainsi que la détermination du caractère de masse ou dans la masse des dettes corrélatives à ces créances (cass., 8 décembre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 864).

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SECTION III. - COMPÉTENCE D'APPEL

326. L'article 577 du Code judiciaire réserve au tribunal de commerce l'appel des décisions rendues en premier ressort par le juge de paix sur les contestations entre commerçants et rela­tives aux actes réputés commerciaux par la loi et sur les contestations relatives aux lettres de change.

Ce texte peut faire l'objet de deux interprétations.

Une première interprétation, restrictive, conduit à considé­rer que la compétence d'appel du tribunal de commerce se limite aux décisions rendues par le juge de paix en raison de sa compétence générale basée sur l'article 590 du Code judi­ciaire, à savoir les décisions sur des contestations entre com­merçants relatives aux actes réputés commerciaux par la loi, dont le montant n'excède pas 75.000 francs. Dans cette pers­pective, les contestations dont le juge de paix peut connaître, quel que soit le montant de la demande, par application de l'article 591 du Code judiciaire, relèvent en appel de la compé­tence du tribunal de première instance (Trib. arrond. Bruxelles, 2 avril 1990, R.R.D., 1991, p. 174).

Une deuxième interprétation, extensive, consiste à admettre la compétence d'appel du tribunal de commerce pour les déci­sions rendues sur les demandes qui, quel que soit le montant, relèvent de la compétence du juge de paix, pour autant que l'acte soit commercial et que les parties soient commerçantes. Ainsi, une contestation en matière de bail commercial, prévue à l'article 591, 1 ° du Code judiciaire, relève de la compétence d'appel du tribunal de commerce lorsque les parties sont des commerçants (Comm. Bruxelles, 20 juillet 1989, J.L.M.B., 1990, p. 368). M:ais lorsque l'une des parties n'est pas commer­çante, le tribunal de première instance recouvre sa compétence en tant que juge d'appel (Trib. arrond. Mechelen, 20 sep­tembre 1989, Pas., 1990, III, 32, note F.B.; cass., 5 avril 1993, Pas., 1993, I, 355, note et cass., 7 novembre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 576 : une contestation entre un curateur de faillite - non commerçant - et des commerçants, à propos d'un bail commercial, relève de la compétence d'appel du tri­bunal de première instance).

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CHAPITRE IV. - TRIBUNAL DU TRAVAIL

PLAN DU CHAPITRE

327. Ce chapitre, consacré aux compétences du tribunal du travail, comporte deux parties. La première est consacrée au contentieux du travail au sens large et comporte le conten­tieux des relations du travail, le contentieux de l'organisation du travail au sein de l'entreprise et le contentieux des infrac­tions à la législation sociale, qui sont des compétences spé­ciales du tribunal du travail (section F 0

). La deuxième partie traite du contentieux de la sécurité sociale et de sa nature par­ticulière de compétence exclusive (section II).

SECTION r 0• - COMPÉTENCES SPÉCIALES

§ 1er. - Contentieux des relations du travail

328. Il convient d'abord de rappeler que c'est principale­ment dans la matière des relations du travail que la thèse développée par la Cour de cassation en ce qui concerne la qua­lification de la demande trouve à s'appliquer (voy. supra, cette chronique, cette Revue, 1997, p. 594, n° 144).

Les tribunaux du travail, saisis d'une demande qualifiée par le demandeur comme relevant d'un contrat de travail, doivent tenir cette allégation pour vraie et ne peuvent en juger en termes de compétence. Selon la Cour de cassation, la compé­tence d'attribution s'apprécie au regard de l'objet tel que for­mulé par le demandeur et l'incident ne peut se régler qu'en termes de fondement de la demande ( cass., 8 septembre 1978, Pas., 1979, I, 29; R. W., 1978-1979, col. 960, note J. LAE­NENS ; Cour Trav. Bruxelles, 18 octobre 1988, O.D.S., 1989, p. 305, note J.J. ; Cour Trav. Bruxelles, 9 février 1990, O.D.S., 1990, p. 302, note J. JACQMAIN ; Liège, 14 mars 1991, R.R.D., 1991, p. 470).

Inversement, est incompétent un tribunal du travail saisi d'une demande visant, selon le demandeur, à la réparation d'un préjudice né de la soustraction frauduleuse de marchan-

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dises par un travailleur au détriment de l'employeur (Cour Trav. Mons, 24 décembre 1992, J.T.T., 1994, p. 292).

329. L'article 578, 1° du Code judiciaire dispose que« le tri­bunal du travail connaît des contestations relatives aux contrats de louage de travail. .. ». Au vu de la portée générale de cette disposition, le tribunal du travail est compétent pour toutes les contestations concernant la conclusion, la validité, l'interprétation, l'exécution, la suspension ou l'extinction de tout contrat de travail (Cour Trav. Bruxelles, 10 juillet 1990, O.D.S., 1991, p. 30, note).

a) Ainsi, le tribunal du travail est compétent pour apprécier si l'attitude du travailleur constitue une faute grave (Trib. Trav. Nivelles, 23 juin 1989, R.D.S., 1990, p. 465), même si le comportement litigieux a eu lieu à l'occasion d'une grève (Cour trav. Bruxelles, 1er décembre 1989, J. T. T., 1990, p. 80, note et cass., 28 janvier 1991, J.T.T., 1991, p. 228, note; voy. également Bruxelles, 14 janvier 1994, R. W., 1993-1994, col. 1056 et note 1\1. RIGAUX); pour examiner s'il existe un titre justifiant des retenues sur salaire (Trib. arrond. Gent, 12 novembre 1990, R.D.S., 1991, p. 55) ; pour trancher une contestation entre un employé et son employeur relative au droit au pécule de vacances (cass., 25 avril 1988, Pas., 1988, I, 1009, notes : pareille contestation est relative aux contrats de travail et non à la sécurité sociale) ; pour se prononcer sur la validité d'une clause de non-concurrence (Prés. Comm. Bruxelles, 9 janvier 1995, Prat. comm., 1995, p. 19).

b) Le tribunal du travail est également compétent pour connaître des actions qui sont la conséquence de l'existence d'un contrat de travail. Ainsi jugé que relèvent de la compé­tence du tribunal du travail l'action relative à un prêt octroyé par l'employeur à son représentant de commerce pour l'achat d'une voiture (Cour Trav. Gent, 15 novembre 1989, R.D.S., 1990, p. 42 ; Trib. arrond. Nivelles, 4 février 1992, J. T. T., 1992, p. 300) ou encore l'action relative à la mise à disposition d'un logement par les copropriétaires au concierge (Cour Trav. Bruxelles, 10 juillet 1990, O.D.S., 1991, p. 30, note).

c) Le tribunal du travail demeure compétent pour les litiges relatifs aux contrats de travail même si l'employeur est une société en liquidation (Cour Trav. Liège, 8 novembre 1990,

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J.L.M.B., 1991, p. 724 et note J. ÜAEYMAEX concernant une indemnité de congé) ou même si le litige naît dans le cadre d'une faillite (Liège, 14 mars 1991, R.R.D., 1991, p. 470; Trib. trav. Bruxelles, 27 mai 1991, Jur. dr. soc. Bruxelles-Louvain­Nivelles, 1991, p. 375; voy. supra, cette chronique, n° 324).

Il en va de même de la compétence du tribunal du travail même si, au moment du litige portant sur le contrat de tra­vail, le travailleur est pensionné (Trib. trav. Antwerpen, 17 mai 1990, R. W., 1990-1991, col. 758 : action d'un pensionné contre son ancien employeur en vue de l'augmentation d'une pension supplémentaire extra-légale) ou n'est plus en fonction (Trib. arrond. Liège, 9 mars 1995, O.D.S., 1995, p. 506 : action formée par l'employeur, contre un ancien travailleur, en rem­boursement de sommes détournées dans l'exécution du contrat de travail).

d) Le tribunal du travail est compétent pour connaître de certains litiges naissant après l'exécution du contrat de travail mais ayant trait aux obligations relevant de celui-ci. Ainsi est­il compétent pour connaître de litiges nés de la violation de secrets de fabrication (Trib. trav. Gent, 8 février 1991, R.D.S., 1991, p. 449) ou encore d'actes de concurrence déloyale (Trib. trav. Gent, 24 juin 1994, T.G.R., 1994, p. 147) intervenus ou accomplis après la cessation du contrat de travail.

330. L'article 578, 3° du Code judiciaire dispose que le tri­bunal du travail connaît « des contestations d'ordre individuel relatives à l'application des conventions collectives de tra­vail».

Cette disposition constitue l'argument textuel qui fonde la thèse selon laquelle ni le tribunal du travail, ni n'importe quel autre organe du pouvoir judiciaire ne pourrait connaître de litiges en rapport avec les conflits collectifs du travail. Cette thèse est, à l'heure actuelle, largement dépassée. Si le pouvoir judiciaire n'a aucune compétence pour décider qu'une grève est ou non légitime ou régulière, il semble admis qu'il puisse intervenir pour régler des litiges périphériques au conflit col­lectif lorsqu'il y a atteinte à des droits subjectifs (sur cette question importante, voy. infra, Chapitre VI, Section 4, § 6, n° 391 ; ::M:. RIGAUX, «De interventie van de burgerlijke rech­ter in collectieve arbeidsconflicten », R. W., 1993-1994,

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col. 1058 et 1059 ; F. KEFER, « Conflits collectifs et recours judiciaires», J. T., 1994, p. 425 et suiv. ; V. V ANNES, «La com­pétence des tribunaux en matière de conflit collectif», D.A., 1994, liv. 32, p. 9 et suiv. ; V. VANNES, «Le juge et l'exercice anormal de la grève», J.T.T., 1994, p. 37 et suiv.; sur l'en­semble de la problématique, voy. également «Les conflits col­lectifs en droit du travail : solutions négociées ou interventions judiciaires», ouvrage collectif sous la direction de J. GILLAR­DIN et P. V AN DER VORST, Publications des F. U. S. L. Bruxelles, 1989).

En vertu de l'article 578, 3° du Code judiciaire, le tribunal du travail est compétent pour connaître de litiges individuels relatifs à l'application de clauses comportant les obligations de l'employeur en cas de licenciement et contenues dans des conventions collectives de travail (Trib. trav. Antwerpen, 16 novembre 1994, J. T. T., 1995, p. 274). Ainsi les juridictions du travail sont compétentes pour examiner si l'employeur pouvait prendre sa décision en ce qui concerne la compétence professionnelle du travailleur sur base des critères fixés par une convention collective de travail (cass., 15 avril 1996, J.T.T., 1996, p. 368, note).

Le fait que plusieurs travailleurs saisissent ensemble le tri­bunal du travail de contestations qui leur sont personnelles et qu'ils tirent de la non-application, selon eux, des conventions collectives de travail, ne confère pas au litige une connotation collective qui le ferait échapper à la compétence des juridic­tions du travail (Cour trav. l\Ions, 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1204).

331. L'article 578, 1° à 3° du Code judiciaire n'est pas applicable au personnel sous statut, lequel relève de la compé­tence du tribunal de première instance. Par conséquent, les juridictions du travail sont incompétentes pour connaître de litiges portant sur des relations de travail régies par un statut (Cour trav. l\Ions, 8 mai 1992, R.D.S., 1992, p. 303 ; Cour trav. Liège, 24 février 1993, O.D.S., 1995, p. 138, note J. JACQ­MAIN).

Sont notamment sous statut le personnel de l'Etat (Trib. arrond. Gent, 4 décembre 1989, J. T. T., 1990, p. 183, note) et

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des entités fédérées ; celui des associations intercommunales (Cour trav. Bruxelles, 9 février 1990, C.D.S., 1990, p. 302 et note J. JACQMAIN qui prévoit, par ailleurs, que celui qui se prévaut d'un contrat de travail a la charge d'en établir la réa­lité, en renversant la présomption simple selon laquelle il est agent statutaire) ; le personnel provincial et le personnel com­munal (Cour trav. Mons, 8 mai 1992, C.D.S., 1992, p. 459, note J. JACQMAIN).

Par contre, il est désormais acquis que le contrat conclu entre un enseignant dans l'enseignement subventionné et son employeur, est un contrat de travail (cass., 30 septembre 1991, Pas., 1992, I, 89, note; cass., 18 décembre 1997, T.O.R.B., 1997-1998, p. 129, notes J. BAERT et W. RAuws ; R. VERSTE­GEN, «De arbeidsverhoudingen in het vrij gesubsidieerd onder­wijs zijn (nog altijd) contractueel van aard », R. W., 1998, p. 65 et suiv.; voy. aussi civ. Namur, 28 mai 1996, J.T., 1996, p. 760 ; Journ. proc., 1996, liv. 307, p. 28, note G. DEMEZ : « La compétence du tribunal du travail en matière de retenue sur subventions - traitements d'enseignants»; sur ce que le personnel des universités libres est engagé dans les liens d'un contrat d'emploi avec cette conséquence que les tribunaux du travail sont seuls compétents pour connaître des litiges que suscitent l'exécution ou la rupture de ce contrat, voy. C.E., n° 43.707, 5 juillet 1993, Adm. publ., 1993, p. 280 et aussi note J. JACQMAIN, sous cass., 6 octobre 1997, Chr. dr. soc., 1998, p. 63); jugé également qu'il résulte du décret flamand du 27 mars 1991 sur le statut du personnel de l'enseignement sub­sidié que les membres de ce personnel ne sont pas régis par un statut mais par un contrat de travail (cass., 4 octobre 1993, R.D.S., 1993, p. 410 ; voy. aussi Trib. arrond. Gent, 11 octobre 1993, R. W., 1993-1994, col. 1036; Cour trav. Gent, 16 février 1994, R. W., 1994-1995, col. 408); qu'en vertu de la loi du 23 juillet 1926 créant la SNCB, celle-ci est soumise aux juridic­tions du travail même en ce qui concerne son personnel défini­tif (Cour trav. Liège, 23 janvier 1991, C.D.S., 1991, p. 315, note; Trib. trav. Gent, 16 novembre 1994, R. W., 1995-1996, col. 1242) ou encore que le personnel de la Caisse nationale de crédit professionnel est sous contrat de travail ( cass.,

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17 novembre 1994, J. T., 1995, p. 164, note ; J.L.M.B., 1995, p. 47 et note P. HANIQUE).

§ 2. - Contentieux de l'organisation du travail au sein de l'entreprise

332. L'article 582, 3° et 4° du Code judiciaire donne au tri­bunal du travail compétence pour connaître du contentieux de l'institution et du fonctionnement des conseils d'entreprise et des comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux du travail.

Les textes doivent être interprétés largement et notamment inclure le contentieux du licenciement des travailleurs protégés (Cour trav. l\fons, 2 avril 1990, C.D.S., 1990, p. 306, note J. JACQMAIN).

333. Le tribunal du travail compétent pour toutes ces matières, à savoir celui du lieu du travail (cass., 27 novembre 1995, Bull., 1995, 1076, note), n'a pas l'obligation de concilier au préalable les parties. Il ne peut que contrôler si l'employeur n'a pas manifestement méconnu les textes légaux (Trib. trav. Bruxelles, 22 février 1995, J. T. T., 1996, p. 485).

§ 3. - Contentieux des infractions à la législation sociale

334. L'article 578, 7° du Code judiciaire donne au tribunal du travail une compétence en ce qui concerne les contestations civiles résultant d'une infraction à la législation relative à la réglementation du travail et aux matières qui relèvent de la compétence du tribunal du travail.

Selon la Cour de cassation, est une contestation civile résul­tant d'une infraction au sens de l'article 578, 7° du Code judi­ciaire, toute demande qui révèle une infraction à la législation relative à la réglementation du travail et aux matières rele­vant de la compétence du tribunal du travail, même si la demande n'est pas expressément fondée sur cette infraction (cass., 12 décembre 1984, Pas., 1985, I, 463; cass., 17 décembre 1984, Pas., 1985, I, 471); Il n'est donc pas néces-

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saire que des dommages et intérêts soient dus à la suite d'une infraction pour que l'article 578, 7° soit applicable (pour des cas d'application, voy. J.1\1. DERMAGNE, note sous Trib. arrond. Bruxelles, 23 mai 1991, J.L.M.B., 1992, p. 89).

335. Jugé que le tribunal du travail n'est pas compétent pour connaître d'un litige entre un service médical interentre­prises et un employeur, relatif aux obligations prescrites par le règlement général sur la protection du travail (cass., 29 sep­tembre 1989, R. W., 1989-1990, p. 745, note J.P. ; cet arrêt semble mettre fin à une controverse; comp. : Trib. arrond. Brugge, 23 septembre 1988, R. W., 1988-1989, col. 821 ; Trib. arrond. Gent, 2 mai 1983, R. W., 1983-1984, col. 2625).

336. L'article 578, 7° du Code judiciaire est applicable au personnel sous statut, plus particulièrement lorsqu'il y a viola­tion de la loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération, loi applicable à toutes les catégories de travail­leurs. Bien que par sa nature juridique, la rémunération d'un agent statutaire apparaisse comme un élément de la situation réglementaire dans laquelle cet agent se trouve placé, le fonc­tionnaire a un droit subjectif au traitement et à son paiement, droit relevant de la juridiction des tribunaux judiciaires et plus particulièrement de la compétence du tribunal du travail sur base de l'article 578-7° du Code judiciaire (voy. notam­ment Cour trav. Bruxelles, 18 octobre 1988, C.D.S., 1989, p. 305, note J.J. ; Trib. trav. Nivelles, 22 janvier 1992, Jur. dr. soc. Bruxelles-Louvain-Nivelles, 1992, p. 266; Trib. trav. Nivelles, 26 juin 1992, C.D.S., 1992, p. 4 72 et note J. JACQ­MAIN en ce qui concerne des retenues opérées sur le traitement d'agents statutaires communaux; Cour trav. Gent, 24 novembre 1993, J. T. T., 1994, p. 235, note, pour un diffé­rend relatif à l'octroi de chèques repas au personnel commu­nal}. On ne peut donc approuver les décisions qui déclarent incompétent le tribunal du travail pour connaître d'un pro­blème de rémunération d'un agent statutaire (Trib. arrond. Bruxelles, 23 mai 1991, J.L.M.B., 1992, p. 87 et note J.1\1. DERMAGNE ; Cour trav. Mons, 8 mai 1992, C.D.S., 1992, p. 459 et note J. JACQMAIN ; Trib. trav. Liège, 8 juillet 1992, C.D.S., 1992, p. 474 et note J.J.).

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SECTION II. - COMPÉTENCE EXCLUSIVE SÉCURITÉ SOCIALE

§ 1er. - Nature de la compétence

337. La sécurité sociale est un service assuré par divers organismes et administrations publiques qui peuvent prendre d'autorité, à l'encontre des particuliers, des décisions ayant immédiatement force exécutoire (voy. CAMBIER, t. II, «La compétence», op. cit., p. 621 et suiv.).

Il appartient au tribunal du travail, saisi par un particulier s'estimant lésé dans ses droits subjectifs, de censurer ces déci­sions et d'y substituer la sienne (T. WERQUIN, «Etendue et limites des pouvoirs du juge dans le contentieux de la sécurité sociale», J. T. T., 1993, p. 337 et suiv. ; Trib. trav. l\lons, 28 juin 1989, J.L.M.B., 1990, p. 1177 ; Trib. trav. l\lons, 18 octobre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 1187 : en matière de pres­tations de sécurité sociale, le juge judiciaire est compétent non seulement pour censurer les décisions administratives mais également pour remédier à la carence de l' Administration et réparer les conséquences du mauvais fonctionnement du ser­vice public). Le procès est donc fait à un acte de l'autorité administrative. Plus fondamentalement encore, il revient aux tribunaux du travail de connaître d'une contestation entre un travailleur et l'ONSS afin que cet organisme lui reconnaisse son état de salarié et, partant, son droit subjectif à la sécurité sociale des travailleurs salariés (cass., 5 novembre 1990, Bull., 1991, p. 237, notes).

338. La compétence ainsi exercée par le tribunal du travail est qualifiée d'exclusive en ce sens qu'elle tient d'office en échec la compétence ordinaire du tribunal de première ins­tance ainsi que les mécanismes de prorogation de compétence et de jonction.

La nature de compétence exclusive s'explique parce que seu­lement auprès du tribunal du travail, existe un auditorat du travail avec son pouvoir d'instruction, c'est-à-dire son pouvoir de recueillir des renseignements auprès des administrations concernées (voy. cette chronique, cette Revue, 1997, p. 573, n°8 103 à 105).

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Cette compétence exclusive ne tient cependant pas en échec la compétence du juge des référés, sur base de l'article 584 du Code judiciaire (voy. notamment cass., 13 mai 1991, Bull., 1991, p. 797, note A.T.).

§ 2. - Etendue de la compétence

339. Le contentieux de la sécurité sociale comporte tradi­tionnellement deux catégories de matières : d'une part, les contestations relatives à la réparation des dommages causés par les accidents du travail, les accidents survenus sur le che­min du travail et les maladies professionnelles (article 579 du Code judiciaire) et, d'autre part, les contestations de sécurité sociale proprement dite (articles 580 à 582 du Code judiciaire : allocations familiales, chômage, assurance maladie-invalidité, pensions de retraite et de survie, vacances annuelles).

Par contestations de sécurité sociale, il faut entendre tous litiges relatifs aux droits et devoirs des travailleurs dépendants en matière de sécurité sociale mais également les litiges entre institutions chargées du fonctionnement de l'assurance sociale (Trib. arrond. Charleroi, 7 mars 1989, R.D.S., 1990, p. 53).

340. L'article 579, 1° du Code judiciaire donne au tribunal du travail compétence en ce qui concerne la réparation des dommages causés notamment par les accidents du travail ou les accidents survenus sur le chemin du travail.

a) La notion même d'accidents du travail ou d'accidents survenus sur le chemin du travail pose problème. Ainsi jugé que constitue un accident survenu sur le chemin du travail l'accident survenu à une personne qui suivait une formation professionnelle dans une entreprise (Trib. trav. Hasselt, 26 février 1991, Limb. Rechtsl., 1991, p. 212, note T.). Par contre, les juridictions du travail ne sont pas compétentes pour connaître d'un accident du travail survenu à des volon­taires des services communaux des pompiers dès lors que ceux­ci sont couverts par une police de droit commun (cass., 19 décembre 1988, Pas., 1989, I, 436, note).

b) Les juridictions du travail sont seulement compétentes pour trancher de l'octroi d'indemnités dues en vertu de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Elles sont notam-

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ment incompétentes pour connaître d'une demande de dom­mages et intérêts du chef d'une faute commise par le Fonds des accidents du travail dans l'instruction d'un litige (Cour trav. Antwerpen, 9 mars 1993, O.D.S., 1994, p. 302, avis H. NELISSEN). Par contre, l'action en remboursement du capi­tal versé par erreur à la victime d'un accident du travail par l'assureur-loi est, sur base de l'article 69 de la loi sur les acci­dents du travail, de la compétence du tribunal du travail (Cour trav. Bruxelles, 9 janvier 1989, Pas., 1989, II, 167). De même, sont de la compétence des tribunaux du travail les contestations relatives à la procédure en révision du taux d'in­capacité suite à un accident du travail dans le secteur public (Trib. trav. Nivelles, 2 octobre 1991, Jur. dr. soc., Bruxelles­Louvain, Nivelles, 1992, p. 84).

c) Devant le tribunal du travail, la victime d'un accident du travail ne peut directement mettre en cause le tiers respon­sable et son assureur de responsabilité civile ; l'assureur-loi peut néanmoins, en vue d'un recours futur éventuel, faire appeler le tiers en déclaration de jugement commun (Cour trav. Liège, 15 juin 1990, R.D.S., 1991, p. 385).

d) Le travailleur qui, dans le cadre de la procédure en indemnisation de l'accident du travail dont il a été victime, s'abstient de fournir le moindre élément pour faciliter le débat et éclairer le juge quant à ses prétentions, a une attitude qui doit être qualifiée de vexatoire et qui justifie sa condamnation aux dépens (Cour trav. Bruxelles, 8 janvier 1990, Bull. Ass., 1991, p. 288, note P. MICHEL).

e) Pour l'application de la loi sur les accidents du travail, il n'y a pas autorité de chose jugée du pénal sur le civil, les cri­tères d'évaluation du dommage étant différents en droit com­mun et en accident de travail. Le tribunal du travail n'est donc pas lié par la décision pénale concluant à l'absence d'in­validité permanente (Cour trav. Bruxelles, 17 juin 1991, Jur. dr. soc., Bruxelles-Louvain-Nivelles, 1992, p. 29).

341. En matière de maladies professionnelles, l'article 52 des lois coordonnées du 3 juin 1970 prévoit que le Fonds des maladies professionnelles statue sur toutes demandes de répa­ration, ainsi que sur toutes demandes de révision des indem­nités acquises, tandis que l'article 53 des mêmes lois précise

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que les contestations concernant les décisions du Fonds des maladies professionnelles sont de la compétence du tribunal du travail.

A la lecture de ces dispositions, il semble bien que la procé­dure administrative préalable soit obligatoire (Trib. trav. Gent, 26 février 1988, O.D.S., 1990, p. 388, note : l'épouse d'une personne décédée d'une maladie professionnelle ne peut, dans le cadre d'une reprise d'instance, solliciter, pour la pre­mière fois devant le tribunal, une indemnisation en vertu d'un droit qui lui serait reconnu par l'article 52 des lois coordonnées sur les maladies professionnelles, dans la mesure où celui-ci prescrit au préalable l'introduction d'une telle demande auprès du Fonds des maladies professionnelles). Il a cependant été jugé que l'absence de cette formalité n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'action intentée devant le tribunal du travail (Cour trav. Liège, 26 avril 1990, J.T.T., 1991, p. 145, note) ou encore qu'aucune disposition légale n'exclut le recours immédiat à l'autorité judiciaire aussi longtemps que la procédure administrative n'est pas terminée (Trib. trav. Char­leroi, 13 septembre 1990, O.D.S., 1991, p. 76).

Pour sa part, la Cour de cassation a considéré que l' ar­ticle 52 des lois coordonnées n'impose pas que toute demande nouvelle formée devant la juridiction du travail, saisie d'une contestation sur le droit à l'indemnisation, soit soumise à une procédure administrative préalable ( cass., 8 décembre 1980, Pas., 1981, I, 399; voy. aussi Cour trav. Liège, 6 décembre 1990, J.T.T., 1991, p. 139, note; compar. infra, n° 342, d).

342. L'article 580 du Code judiciaire confie aux tribunaux du travail, sans aucune distinction, tout le contentieux des droits et obligations des travailleurs salariés prévus par la législation en matière de chômage (Trib. trav. Verviers, 15 novembre 1993, J. T. T., 1994, p. 95, note ; Trib. trav. Marche-en-Famenne, 28 octobre 1993, J. T. T., 1994, p. 96, note).

a) Quelle que soit la décision prise par l'autorité administra­tive, le tribunal du travail a le pouvoir d'en contrôler la léga­lité et de se prononcer sur le droit de l'allocataire social ( voy. Cour trav. Antwerpen, 14 décembre 1988, O.D.S., 1990, p. 16 en ce qui concerne une décision de révision des allocations de

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chômage ; Cour trav. l\fons, 4 mai 1990, J. T. T., 1990, p. 318, note, pour une décision de non-admission au bénéfice desdites allocations ; Cour trav. Liège, 28 septembre 1993, J. T. T., 1994, p. 466, note, pour une décision de retenues sur les alloca­tions; Trib. arrond. Liège, 23 octobre 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1713 pour une demande visant à obtenir la seule condamna­tion aux intérêts moratoires sur des allocations de chômage payées tardivement - voy. sous cette décision la note de Ch. B.-l\L sur cette question controversée). Pour ce faire, les juri­dictions du travail appliquent aux faits régulièrement soumis à leur appréciation, les règles de droit concernées, en respec­tant les droits de la défense et sans pouvoir modifier ni l'objet, ni la cause de la demande (cass., 15 janvier 1996, R. W., 1995-1996, col. 1234). Elles peuvent aussi confronter la décision attaquée à des principes généraux du droit tels que l'équité (Cour trav. Antwerpen, 8 septembre 1995, O.D.S., 1996, p. 391).

b) La compétence des juridictions du travail est cependant limitée. Ainsi, il ne leur appartient pas de se substituer à l'au­torité administrative en fixant elles-mêmes des critères d'in­demnisation différents de ceux déterminés par l'organe légale­ment habilité pour le faire (Cour trav. Liège, pr mars 1991, J.T.T., 1992, p. 71, note).

c) Si le juge du travail dispose des pleins pouvoirs pour trancher des différends en matière de sécurité sociale, la ques­tion se pose néanmoins de savoir s'il peut toucher aux sanc­tions prononcées (sur cette question, voy. notamment PALS­TERMAN, « Le contrôle du juge sur les sanctions administra­tives en matière de chômage», Ohron. dr. soc., 1985, p. 33 et suiv. et 70 et suiv. ; voy. aussi C.A., 18 novembre 1992, R. W., 1992-1993, col. 673). Ainsi jugé que revient au tribunal du travail le pouvoir de réduire ces sanctions (Cour trav. Ant­werpen, 2 septembre 1994, O.D.S., 1994, p. 458, note; Cour trav. Antwerpen, 25 janvier 1996, Limb. Rechtsl., 1996, p. 119) mais qu'il ne lui appartient pas en revanche de substituer de nouvelles sanctions à celles qu'il annulerait (Cour trav. M:ons, 7 novembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 8).

d) Controversée était la question de savoir si l'action pou­vait être intentée devant le tribunal du travail sans que les

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recours administratifs prévus par la loi aient été préalable­ment épuisés (voy. en sens contraire Trib. trav. Tournai, 13 décembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 425 et Trib. trav. Liège, 21 octobre 1993, O.D.S., 1994, p. 464).

Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation considère qu'est recevable le recours introduit devant le tribunal du tra­vail contre une décision administrative contre laquelle aucun recours administratif n'a été formé, dès lors que la réglementa­tion n'assortit d'aucune sanction le défaut de pareil recours administratif (cass., 12 décembre 1994, O.D.S., 1995, p. 131 ; cass., 13 mai 1996, R. W., 1996-1997, col. 957, note).

e) Il faut souligner, enfin, que rentrent également dans la compétence des tribunaux du travail les demandes relatives à la responsabilité des organismes de paiement des allocations de chômage (article 180, § 2, 2° de l' A.R. du 20 décembre 1963; Trib. trav. Nivelles, 15 septembre 1992, Jur. dr. soc., Bruxelles-Louvain-Nivelles, 1992, p. 455).

343. a) En matière d'assurance maladie-invalidité, le tribu­nal du travail a le pouvoir de contrôler la légalité de la déci­sion administrative (L. VERBRUGGEN, « Etendue de la saisine des juridictions du travail dans le cadre de l'assurance mala­die-invalidité», B.1. - 1.N.A.M.I., 1995, p. 370 et suiv.; Trib. trav. Gent, 18 février 1993, R. W., 1992-1993, col. 1450 : le tribunal du travail peut ainsi contrôler la motivation de l'acte administratif; l'obligation de motivation est une forma­lité substantielle dont la violation entraîne l'illégalité de l'acte) et de se substituer à l'autorité administrative pour statuer non seulement sur le droit aux prestations de santé mais également sur le montant des prestations dues (Trib. trav. l\Ions, 12 jan­vier 1990, O.D.S., 1991, p. 106).

b) La compétence des juridictions du travail en matière d'assurance maladie-invalidité s'étend aussi aux demandes de dommages et intérêts qui sont l'accessoire d'une demande se fondant sur les dispositions instituant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité (Trib. arrond. Bruxelles, 8 janvier 1990, J. J.B., 1990, p. 169) ; aux contesta­tions entre les organismes chargés de l'application des disposi­tions en matière d'assurance maladie-invalidité (C.E., 13 mars 1991, A.P.M., 1991, p. 49) ; aux contestations portant sur les

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conventions conclues entre les maisons de repos et les assurés ou les organismes assureurs (Trib. trav. Charleroi, réf., 31 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1241) ou encore aux contestations entre les sociétés mutualistes et leurs affiliés relatives à une assurance maladie-invalidité libre (cass., 15 février 1993, Bull., 1993, p. 171, notes).

c) Par contre, relèvent de la compétence de la juridiction ordinaire et non de celle du tribunal du travail, les actions en répétition de l'indu (Trib. arrond. Bruxelles, 5 décembre 1988, Pas., 1989, III, 56).

344. a) En matière de pensions de retraite et de survie, les juridictions du travail ont également le pouvoir de contrôler la légalité de l'acte querellé et éventuellement de lui substituer leur propre décision (voy. notamment cass., 13 novembre 1989, Pas., 1990, I, 303 et concl. J.F. LECLERCQ).

b) Le tribunal du travail est cependant sans compétence en ce qui concerne les contestations relatives à une pension due à un mandataire public (voy. cass., 17 octobre 1988, Pas., 1989, I, 156 pour une pension réclamée par un ancien député; Trib. arrond. Gent, 5 décembre 1994, Pas., 1994, III, 44 pour la pension attribuée par un C.P.A.S. au président de ce centre).

345. a) En matière de minimum de moyens d'existence, il revient au tribunal du travail, en vertu de l'article 580, 8° du Code judiciaire, de connaître des contestations relatives à l' oc­troi, à la révision, au refus ou au remboursement du minimum de moyens d'existence ainsi qu'à l'application des sanctions administratives prévues en la matière (Trib. arrond. Liège, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1004).

La négligence par un C.P.A.S. de prendre, dans le délai légal, une décision sur la demande d'octroi du minimum de moyens d'existence équivaut à une décision de refus et le tri­bunal du travail peut en connaître en vertu de l'article 580, 8° du Code judiciaire (Cour trav. Antwerpen, 16 septembre 1993, R. W., 1993-1994, col. 1236).

b) Comme pour les autres matières de sécurité sociale, le tri­bunal du travail peut non seulement censurer la décision administrative mais encore remédier à sa carence en y substi-

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tuant sa propre décision quant au fond (Trib. trav. Mons, 27 septembre 1989, J. T. T., 1990, p. ll8, note; Trib. trav. Mons, 18 octobre 1989, O.D.S., 1990, p. 368).

Jugé cependant que lorsque le tribunal du travail annule la décision du C.P.A.S. pour vice de forme, tel que la violation des droits de la défense, il ne peut légalement prononcer lui­même une décision de substitution (Cour trav. Bruxelles, 28 février 1991, Pas., 1991, II, 122, note A.T., Trib. trav. Mons, ll mars 1992, J.L.M.B., 1993, p. ll85, notes). L'acte administratif doit demeurer sans effet (voy. cass., 24 mars 1986, J.T.T., 1986, p. 474 en ce qui concerne la nullité d'un acte rendu au mépris des droits de la défense).

c) La compétence des juridictions du travail s'étend aux litiges entre les C.P.A.S. quant à leur compétence respective pour statuer sur une demande en matière de minimum de moyens d'existence (C.E., 18 janvier 1990, R.A.O.E., 1990, p. 1).

d) Par contre, les juridictions du travail ne sont compé­tentes ni pour statuer sur les actions du C.P.A.S. en recouvre­ment contre un débiteur d'aliments (Trib. arrond. Liège, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1004; Trib. trav. Tonge­ren, 5 septembre 1996, J.T.T., 1997, p. 71), ni pour connaître des décisions du Conseiller du Service d'aide à la jeunesse en matière d'octroi de l'aide individuelle (Trib. trav. Huy, 24 juil­let 1996, J.D.J., 1996, p. 426). Les premières relèvent, selon le montant, de la compétence du juge de paix ou du tribunal de première instance; les secondes sont de la compétence du tri­bunal de la jeunesse.

CHAPITRE V. - TRIBUNAL DE POLICE

INTRODUCTION

346. La loi du 11 juillet 1994 introduit, dans le Code judi­ciaire, un article 60lbis qui précise que «quel qu'en soit le montant, le tribunal de police connaît de toute demande rela­tive à la réparation d'un dommage résultant d'un accident de la circulation même si celui-ci est survenu dans un lieu qui n'est pas accessible au public» (voy. sur l'historique du projet,

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C. PEPIN, «De l'extension des compétences des tribunaux de police», in Compétences des Juges de paix et des Juges de police, 1892-1992, La Charte, 1992, p. 391 et suiv.).

Par le fait de cette compétence spécialement attribuée par la loi, le tribunal de police devient, avec le juge de paix, le tri­bunal de commerce et le tribunal du travail, une juridiction civile d'exception.

34 7. La nouvelle législation qui contient à la fois des règles d'organisation judiciaire, de compétence et de procédure, n'est applicable qu'aux causes inscrites au rôle du tribunal de police après son entrée en vigueur, soit le pr janvier 1995 (article 69 de la loi du 11 juillet 1994). La disposition transitoire déroge ainsi aux règles de l'article 3 du Code judiciaire (sur cette question, voy. A. DEBRULE, «La loi du 11 juillet 1994 relative aux tribunaux de police et le droit transitoire», J.J.P., 1995, p. 37 et suiv.). En outre, contrairement au droit commun, c'est la date d'inscription au rôle et non celle de la citation ou de la signification qui est prise en considération (Trib. arrond. Liège, 6 avril 1995, Dr. circ., 1995, p. 202; Pol. Namur, 10 avril 1995, J.L.M.B., 1996, p. 44, note A.D.).

Pour ce qui est des voies de recours contre une décision ren­due avant le 1er janvier 1995, l'article 69 de la loi du 11 juillet 1994 semble consacrer la survie de la loi ancienne. Par consé­quent, l'opposition introduite après le 1er janvier 1995 contre un jugement rendu par défaut avant l'entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1994 doit relever de la compétence du juge qui a rendu ledit jugement (contra : Trib. arrond. Charleroi, 14 mars 1995, J.L.M.B., 1996, p. 45).

348. Lorsque le tribunal de police statue dans le cadre de ses compétences civiles, c'est le tribunal de première instance qui est sa juridiction d'appel (civ. Bruxelles, 8 novembre 1995, Dr. circ., 1995, p. 312 ; Corr. Liège, 16 janvier 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1299). L'article 577, premier alinéa, du Code judiciaire est d'ailleurs complété dans ce sens (J. LAENENS, « Wet van 11 juli 1994 betreffende de politierechtbanken », J.J.P., 1995, p. 9, n° 9).

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SECTION P 0• - NATURE DE LA COMPÉTENCE

349. La compétence est attribuée au tribunal qe police quel que soit le montant de la demande. Il n'est donc pas question que le juge de paix puisse connaître des demandes relatives à la réparation d'un dommage résultant d'un accident de la cir­culation inférieures à 75.000 francs (contra mais à tort : Trib. arrond. Eupen, 27 juin 1995, J.L.M.B., 1996, p. 55 et notes A. DEBRULE et J. MATAGNE). L'article 590 du Code judiciaire doit céder en présence d'une compétence attribuée, quel que soit le montant, à une autre juridiction que le juge de paix.

350. La nature de la compétence attribuée au tribunal de police par l'article 60 Ibis du Code judiciaire a été vivement controversée. Certains la tenaient pour spéciale (G. CLOSSET­MARCHAL, « Les compétences civiles des tribunaux de police : questions de compétence et de procédure», J.J.P., 1995, p. 208 et 209; O. KLEES, «La loi du 11 juillet 1994 relative aux tribunaux de police», J. T., 1994, p. 785; Pol. Sint­Niklaas, 17 mars 1995, Dr. circ., 1995, p. 201 ; Trib. arrond. Nivelles, 13 juin 1995, Dr. circ., 1996, p. 122 ; Trib. arrond. Nivelles, 10 septembre 1996, J.T., 1997, p. 61, note); d'autres la considéraient comme exclusive, donc tenant en échec d' of­fice la compétence ordinaire du tribunal de première instance (J. LAENENS, « Wet van 11 juli 1994, betreffende de politie­rechtbanken », J.J.P., 1995, p. 8; Trib. arrond. Gent, 22 mai 1995, Dr. circ., 1995, p. 240; Trib. arrond. Brugge, 22 mai 1995, J.L.M.B., 1996, p. 55 et note A. DEBRULE ; Pol. Gent, 11 septembre 1995, Dr. circ., 1996, p. 90; civ. Hasselt, 24 avril 1995, R.G.D.O., 1996, p. 74; civ. Verviers, 3 septembre 1996, R.G.D.O., 1996, p. 357).

En considérant que viole l'article 60Ibis du Code judiciaire le tribunal d'arrondissement qui décide que le tribunal de pre­mière instance reste compétent sur la base de l'article 568 du même Code, la Cour de cassation consacre la seconde thèse (cass., 27 février 1997, J.T., 1997, p. 434, note). La nature de compétence exclusive nous paraît cependant difficilement conciliable avec l'article 565, 4°bis du Code judiciaire, inséré par la loi du 11 juillet 1994, qui prévoit qu'en cas de litispen­dance, le juge de paix est préféré au tribunal de police (pour

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une application de ce texte, voy. Pol. Sint-Niklaas, 17 mars 1995, Dr. circ., 1995, p. 201).

SECTION II. - ETENDUE DE LA COMPÉTENCE

351. La notion d'accident de la circulation n'est pas définie par la loi et l'on s'accorde pour dire qu'elle doit être entendue largement (voy. notamment J. LAENENS, « Wet van 11 juli 1994 betreffende de politierechtbanken », J.J.P., 1995, p. 8, n° 6; Th. MALGAUD, «Le nouveau tribunal de police», J.T., 1995, p. 45 qui fait très justement remarquer que, lors des tra­vaux préparatoires, l'expression «accident de roulage» a été remplacée par «accident de la circulation» ce qui pourrait, à la rigueur, inclure des accidents maritimes, aériens ou ferro­viaires ; Trib. arrond. Bruxelles, 16 octobre 1995, Dr. circ., 1996, p. 76 et note E. BREWAEYS).

Dans un premier temps, la jurisprudence semblait s'en tenir aux accidents terrestres et exiger le déplacement d'un véhicule (Pol. Charleroi, 19 septembre 1996, Dr. circ., 1997, p. 21 : il ri' y a pas accident de la circulation lorsque le sinistre n'a pas été causé par un véhicule en circulation), quel qu'il soit (Trib. arrond. Kortrijk, 7 mai 1996, T.G.R., 1996, p. 195 s'agissant d'une machine agricole en déplacement), que le dommage soit causé ·à un autre véhicule ou à un piéton (Trib. arrond. Bruxelles, 7 octobre 1996, Dr. circ., 1997, p. 22).

On rencontre cependant des décisions plus audacieuses qui considèrent notamment comme accidents de la circulation la chute d'un piéton sur un chien qui fait un écart alors qu'il est tenu en laisse par un autre piéton (Trib. arrond. Antwerpen, 12 mars 1996, Dr. circ., 1997, p. 188) ; la perte de contrôle d'un jetski sur un canal (Trib. arrond. Antwerpen, 15 mai 1997, Dr. circ., 1997, p. 277 et note E. BREWAEYS); le glisse­ment d'une planche des mains d'un camionneur sur une voi­ture en marche (Trib. arrond. Antwerpen, 24 juin 1997, Dr. circ., 1997, p. 309) ; les dommages causés à une voiture par une porte de garage automatique (Trib. arrond. Tongeren, 12 juin 1996, Limb. Rechtsl., 1997, p. 154 et note A. VANDEUR­ZEN) ou encore la collision entre une brouette et une voiture à l'arrêt (Trib. arrond. Tongeren, 23 avril 1997, Limb. Rechtsl., 1997, p. 157, note).

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l\Iais il a été jugé que ne rentre pas dans la notion d'accident de la circulation l'accident survenu en gare à la descente d'un train (Pol. Dinant, 10 juin 1996, J.J.P., 1996; p. 392). Demeure très controversée la question de savoir si l'on peut faire rentrer dans l'article 60lbis du Code judiciaire, le dom­mage causé à un véhicule par l'état de la chaussée (pavés des­cellés, revêtement en mauvais état, pierrailles, ... ; voy. notam­ment en sens contraire : Pol. Halle, 20 avril 1995, Dr. circ., 1996, p. 74 et J.P. Zelzate, 20 juin 1996, Dr. circ., 1996, p. 290, note).

352. Le tribunal de police est-il compétent pour connaître, en matière civile, de l'action récursoire introduite par l' assu­reur contre son assuré 1 Cette question est restée longtemps sans réponse et divisait profondément la jurisprudence.

Les uns, considérant que l'action récursoire trouvait son ori­gine dans la relation contractuelle existant entre l'assureur et l'assuré, estimaient qu'elle ne tombait pas sous l'application de l'article 60lbis du Code judiciaire (Pol. Halle, 23 février 1995, Dr. circ., 1995, p. 200 ; Trib. arrond. Bruxelles, 12 juin 1995, J.L.M.B., 1996, p. 47; Trib. arrond. Bruxelles, 4 sep­tembre 1995, Dr. circ., 1995, p. 297 ; Trib. arrond. Bruxelles, 16 octobre 1995, Dr. circ., 1995, p. 310 ; Trib. arrond. Namur, 9 octobre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 48 et notes A. DEBRULE et J. MATAGNE ; Trib. arrond. Liège, 26 octobre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 49 et mêmes notes). Les autres, estimant que l'action récursoire trouvait sa cause dans l'accident de circulation, optaient pour la compétence du tribunal de police (Trib. arrond. Gent, 22 mai 1995, T.G.R., 1995, p. 140; Trib. arrond. Brugge, 5 mai 1995, Dr. circ., 1995, p. 203; Trib. arrond. Den­dermonde, 10 mai 1995, T. G.R., 1995, p. 178, note ; Trib. arrond. Charleroi, 17 octobre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 51 et notes A. DEBRULE et J. MATAGNE).

Dans un arrêt du 5 janvier 1996, la Cour de cassation met fin à la controverse en décidant qu'il résulte du texte de l'arti­cle 60lbis du Code judiciaire que l'intervention du législateur a été d'attribuer compétence au tribunal de police pour toute demande qui a un rapport avec la réparation d'un dommage résultant d'un accident de la circulation et notamment pour l'action récursoire exercée contre son assuré par l'assurance

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qui a indemnisé la victime (cass., 5 janvier 1996, cette Revue, 1996, p. 387, et note F. RIGAUX; J.L.M.B., 1996, p. 119 et note J\1.-B. B.).

CHAPITRE VI. - COMPÉTENCE PRÉSIDENTIELLE AU PROVISOIRE

LE RÉFÉRÉ

INTRODUCTION ET PLAN DU CHAPITRE

353. L'essor et l'évolution du référé ont suscité et conti­nuent de susciter une littérature importante (citons, ainsi, en s'en tenant à l'essentiel et dans l'ordre alphabétique : CLos­SET-MARCHAL G., «Le référé aujourd'hui», Ann. dr. Liège, 1986, p. 312; DE LEVAL G. et VAN CoMPERNOLLE J., « L'évolu­tion du référé : mutation ou renouveau 1 », J. T., 1985, p. 517 à 525; DE LEVAL G., «Le référé en droit judiciaire privé», Act. dr., 1992, p. 855 et suiv. ; du même auteur, «Le référé», in Formation permanente des huissiers de justice, 1998, p. 1 à 37; DIEUX X., « La formation, l'exécution et la dissolution des contrats devant le juge des référés», R.C.J.B., 1987, p. 250 à 270; FERON B. et ScHOLASSE M., «Actualités du référé com­mercial à travers les conditions d'intervention du président du tribunal de commerce », Ann. dr., 1985, p. 259 et suiv. ; KRINGS E., « Het kort geding naar Belgisch recht », T.P.R., 1991, p. 1067; du même auteur, «La jurisprudence récente de la Cour de cassation de Belgique en matière de référé», in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l'honneur de R. PERROT, Dalloz, 1996, p. 205 et suiv. ; J. LAENENS, « Over­zicht van rechtspraak - De bevoegdheid », T.P.R., 1993, n°8 20 et suiv.; LINDEMANS D., Kort geding, Anvers, 1985; J. LINSMEAU, «Le référé : fragments d'un discours critique», Rev. de droit de l'U.L.B., 1993, p. 7 et suiv., LEWALLE P., «Le référé administratif», Liège, 1993; MARCHAL P.,« Les référés», Répertoire notarial, Tome XV, Larcier, 1992; STORME M. et TAELMAN P., « Het kort geding : ontwikkelingen en perspectie­ven »,in Procederen in nieuw België en komend Europa, Anvers, Kluwer, 1991, p. 5 et suiv.; TAELMAN P., « Het kort geding », Proces en bewijs, 1997, p. 203 et suiv.; STRANART A.-M., «Les référés commerciaux et le rôle préventif du tribunal de corn-

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merce », in L'évolution du droit judiciaire au travers des conten­tieux économique, social et familial, Bruxelles, Bruylant, 1984; VAN ÜOMPERNOLLE J., «Actualité du référé», Ann. dr. Lou­vain, 1989, p. 152 et suiv. ; du même auteur, «Les mesures provisoires en droit belge», in Les mesures provisoires en procé­dure civile, 1\Iilan, Giuffrè, 1985, p. 205 et suiv. ; pour une étude de droit comparé, voy. également J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA, «Les mesures provisoires en droit belge, français et italien, Etude de droit comparé», Bruylant, 1998).

La jurisprudence n'est pas moins fournie. C'est l'abondance et même la surabondance qui la caractérise. Il ne faut point s'en étonner tant il est vrai que l'encombrement des rôles des juridictions ordinaires conduit à placer, de plus en plus sou­vent, le justiciable dans la situation d'avoir à souffrir de façon particulièrement grave des lenteurs de la justice. Le recours à la juridiction des référés ne cesse dès lors de se multiplier, à telle enseigne que l'on est en droit de se demander si cette juri­diction - autrefois jugée exceptionnelle - n'est pas en train de supplanter la juridiction ordinaire.

Faut-il dire que dans pareil contexte et dans le cadre res­treint de la présente chronique, l'on se bornera à mettre en relief les lignes directrices. Seront successivement examinées les notions d'urgence (section re) et de provisoire (section II), ainsi que certaines questions liées à l'autonomie du référé (sec­tion III). Un aperçu typologique des mesures d'application du référé clôturera le chapitre (section IV).

Comme l'indique son intitulé, ce chapitre se limite à l' exa­men des compétences du président statuant au provisoire. Les attributions présidentielles exercées « comme en référé » - qui conduisent au prononcé de décisions définitives revêtues de l'autorité de la chose jugée - ne seront pas évoquées. L'on renvoie sur ce point aux ouvrages et études spécialisées (sur l'ensemble de la problématique, voy. J. VAN ÜOMPERNOLLE et 1\1. ST ORME, Le développement des procédures comme en référé, Kluwer-Bruylant, 1994; sur les questions de compétence et de procédure que soulève l'action en cessation dans le conten­tieux des pratiques du commerce, voy. l'analyse récente de V. n'HuART et A.F. HoNHON, in «Pratiques du commerce», Formation permanente O. U.P., vol. XVI, 1997, p. 53 et suiv.;

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adde J.F. VAN DROOGHENBROECK, «La nature de la compé­tence exercée comme en référé : l'exemple de l'action en dom­mages et intérêts», J. T., 1996, p. 554 et suiv.).

SECTION pe, - L'URGENCE

354. A la différence du droit français qui distingue, dans le domaine du· référé, les mesures présidentielles subordonnées à la constatation de l'urgence d'autres mesures provisoires qui ne le sont pas (comp. les articles 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile; pour un commentaire général, voy. J. VINCENT et S. GuINCHARD, Procédure civile, 24e édition, Dalloz, 1996, n°8 241 et suiv., et les réf.), l'urgence constitue, conformément à l'article 584 du Code judiciaire, une condition générale de mise en œuvre du référé. Cette exigence est d'ordre public et ne peut être écartée, fût-ce de l'accord des parties (jurisprudence constante; à titre d'exemples, voy. civ. Liège, réf., 25 février 1992, Act. dr., 1992, p. 1137 ; civ. Nivelles réf., 17 mars 1992, J. T., 1993, p. 109).

Il est admis qu'il y a urgence dès que la crainte d'un préju­dice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable (cass., 21mars1985, Pas., 1985, I, p. 908 et suiv., et conclusions de l'avocat général J. VELU). Selon la formule devenue classique et empruntée au rapport sur la réforme judiciaire, on recourra au référé « lors­que la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le dif­férend en temps voulu, ce qui laisse au juge des référés un large pouvoir d'appréciation et, dans une juste mesure, la plus grande liberté» (Rapport sur la réforme judiciaire, M.B., 1964, p. 218; cass., 21mai1987, Pas., 1987, 1160; R. W., 1987-1988, 1425 ; cass., 13 septembre 1990, Pas., 1991, I, 41 ; pour une étude d'ensemble de la notion d'urgence et un relevé de la jurisprudence, voy. G. CLOSSET-MARCHAL, «L'urgence», in Les mesures provisoires en droit belge, français et italien - Etude de droit comparé, Bruylant, 1998, p. 19 et suiv.).

355. L'analyse de la jurisprudence montre que les pres1-dents ont le souci d'appliquer l'urgence avec rigueur. L'on refusera ainsi d'admettre l'urgence lorsque le référé tend à mettre fin à une situation que l'inertie du demandeur a elle-

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même créée, à moins que le retard ne puisse être justifié par un motif légitime ou que des faits nouveaux n'aient aggravé le préjudice. Le juge des référés «peut dénier l'urgence lorsque le dommage ou les inconvénients résultent des actes, licites ou non, du demandeur» {cass., 17 mars 1995, Pas., 1995, I, 330; R. W., 1996-1997, col. 99 ; sur l'urgence et l'inertie procédurale du demandeur, voy. J. ENGLEBERT, « Inédits de droit judi­ciaire», J.L.M.B., 1993, p. 1125 et les réf. ; sur ce que le retard du demandeur à saisir le juge des référés peut être justifié, voy. Liège, 19 mai 1994, R.G.A.R., 1996, n° 12763 et note J.F. VAN DROOGHENBROECK; sur l'ensemble de la question, P. MARCHAL, «Les référés», op. cit., p. 50, n° 16 et les réfé­rences).

356. L'on déniera, de même, l'urgence justifiant la saisine du président en référé si un autre juge, normalement compé­tent, peut intervenir avec la même efficacité. Ainsi, si le juge des référés constate que le demandeur aurait pu obtenir en temps utile la mesure sollicitée par l'application notamment des articles 19, 735 et 708 du Code judiciaire, il rejettera la demande à défaut d'urgence (voy. civ. Liège, réf., 24 janvier 1994, R.G.A.R., 1995, 12437; civ. Liège, 12 septembre 1995, Pas., 1995, III, 31 ; civ. Liège, réf., 9 décembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 669 et observations G. DE LEVAL ainsi que les références citées et commentées par cet auteur ; sur la pos­sibilité d'obtenir une provision ou toute autre mesure provi­soire du juge du fond dans un délai comparable au délai de référé, voy. J.F. VAN DROOGHENBROECK, ((Aspects actuels du référé-provision », in Les procédures en référé, Collection de la Formation permanente C.U.P., Vol. XXV, septembre 1998, p. 28 et les références citées, spécialement aux notes 52 à 55).

Jugé ainsi qu'il n'y a point urgence pour une demande ten­dant à obtenir la modification d'une ordonnance rendue par le juge de paix en matière de droits et devoirs respectifs des époux sur base del' article 221 du Code civil, pareille modifica­tion pouvant être obtenue dans des délais rapides devant la juridiction cantonale ( civ. Bruxelles, 28 août 1990, J. T., 1991, p. 405 ; civ. Liège, 14 mai 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1188) ; pour une demande qui pourrait être portée au fond, devant le juge de l'action en cessation, lequel tranche aussi rapidement

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que le juge des référés (Gent, 4 décembre 1992, Prat. comm., 1993, p. 20) ; pour un recours contre une décision prise par un C.P.A.S., les procédures étant suffisamment rapides devant le tribunal du travail (civ. Liège, 19 mai 1993, J.L.M.B., 1993, p. 963; contra cependant civ. Nivelles, 17 janvier 1995, Rev. dr. étr., 1995, p. 638 en ce qui concerne l'octroi d'un minimex) ou encore pour un litige relatif à une servitude entre proprié­taires de fonds contigus, la procédure étant tout aussi rapide devant le juge de paix ( civ. Liège, 15 juin 1993, J.L.M.B., 1993, p. 959; sur l'incidence - notamment au regard de l'ur­gence - de la protection possessoire organisée par l' ar­ticle 1370 du Code judiciaire, voy. l'excellente contribution de P. LECOCQ, «Actions possessoires et référé», in Les procédures en référé, Collection de la Formation permanente C.U.P., vol. XXV, précité, p. 143 et suiv.).

Ces principes sont importants, notamment dans le droit des saisies. Conformément à l'article 1395 du Code judiciaire, les demandes formées devant le juge des saisies sont, normale­ment, introduites et instruites dans les formes du référé. L'on en déduira que, sauf exceptionnelle urgence (ainsi par exemple en cas de voie de fait), l'intervention présidentielle, dans le domaine des saisies, est, en règle, tenue en échec (en ce sens, P. MARCHAL, op. cit, n° 45; G. DE LEVAL,(< Traité des saisies», Liège, 1988, p. 23, n° 12 ; adde R.P.D.B., complément T. VIII, V 0 Saisies-généralités, n° 169). S'agissant du juge de paix, le même raisonnement peut être tenu en ce qui concerne diverses procédures accélérées relevant de sa compétence spéciale ; ainsi par exemple en matière d'apposition des scellés et d'in­ventaire (articles 1155 et 1184 du Code judiciaire ; P. MAR­CHAL, ibid., n°8 127 et 128).

357. L'on s'accorde à reconnaître que l'urgence est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine du juge du fond. Il s'ensuit que cette appréciation échappe, en règle, au contrôle de la Cour de cassation, sauf si le juge des référés déduit de ses constatations des conséquences qui ne peuvent légalement y correspondre (J. VAN CoMPERNOLLE, «Actualités du référé», op. cit., p. 145 et les références ; P. KRINGS, op. cit., T.P.R., 1991, p. 1067, n° 18; P. MARCHAL, op. cit., n° 21; G. DE LEVAL, «Le référé en droit judiciaire privé», Actualités

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du droit, 1992, p. 876, n° 32 et les références). Le juge qui rejette la demande pour défaut d'urgence n'est pas tenu de répondre de manière plus précise aux moyens du demandeur devenus sans objet (cass., 17 mars 1995, Pas., 1995, 1, 330).

358. L'urgence ne se confond point avec l'absolue nécessité, laquelle permet la saisine du président par requête unilatérale. L'article 584, alinéa 3 du Code judiciaire ne définit pas ce qu'il faut entendre par « absolue nécessité ». Le rapport sur la réforme judiciaire envisage « l'extrême urgence » déduite « du péril qui résulterait de l'emploi d'une autre voie et, aussi, le cas échéant, de la nature même de la mesure sollicitée lorsque celle-ci nécessite l'utilisation d'une procédure unilatérale» (Rapport Van Reepinghen, M.B., 1964, p. 222). Bien que la question demeure délicate et qu'il subsiste, en la matière, des opinions divergentes, l'absolue nécessité visée à l'article 584, alinéa 3 du Code judiciaire paraît bien recouvrir, au vu de la jurisprudence, trois hypothèses distinctes qu'il convient de ne point confondre (en doctrine, voy. notamment G. DE LEVAL, «Le référé en droit judiciaire privé», op. cit., Act. dr., 1992, p. 873 et suiv.; P. TAELMAN, « Het kort geding », Proces en Bewijs, R.D.J.P., 1997, 210; 1\1. STORME et P. TAELMAN, op. cit., ci-dessus n° 353, n° 19; J. LINSMEAU, «Le référé : frag­ments d'un discours critique », Rev. dr. U.L.B., 1993, p. 17 et suiv.).

La première hypothèse correspond à une situation d'urgence extrême dans laquelle l'introduction de la demande par cita­tion, même à délai abrégé, serait de toute évidence impuis­sante à régler la situation en temps utile. Ainsi en va-t-il par exemple de l'introduction d'une procédure contre un créancier qui, au mépris du principe d'égalité entre les créanciers, entre­prend une voie d'exécution individuelle contre un débiteur qui a déposé une requête en concordat (Comm. Liège, 10 sep­tembre 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1214) ou encore d'une procé­dure unilatérale justifiée par « l'absolue nécessité résultant de l'extrême urgence à disposer des fonds nécessaires au redémar­rage de l'entreprise » et ce compte tenu d'une échéance fixée, en l'occurrence, par les curateurs à la faillite (Bruxelles, 10 février 1997, J.L.M.B., 1997, p. 300).

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La deuxième hypothèse qui demeure controversée en doc­trine (voy. ainsi la conception très restrictive de M. KRINGS,

op. cit., T.P.R., 1991, p. 1073, n° 31) est celle dans laquelle il est recouru à la procédure unilatérale par cela qu'une applica­tion immédiate et soudaine de la mesure sollicitée est seule de nature à garantir sa pleine efficacité. Un effet de surprise est recherché. L'absolue nécessité se confond ici avec la nécessité de prescrire la mesure qui risquerait d'être inopérante si elle n'était pas ordonnée de manière unilatérale. Ainsi en va-t-il, notamment, d'une demande de mesure d'instruction lorsqu'il apparaît que celui chez lequel la mesure doit être effectuée pourrait faire disparaître des éléments de preuve s'il était averti par citation (trib. trav. Dinant, 13 février 1986, R.R.D., 1986, p. 184; pour d'autres exemples, voy. civ. Charleroi, 30 mars 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1340 ; Bruxelles, 28 mars 1991, J. T., 1991, p. 523; Liège, 3 avril 1990, J. T., 1990, 659; civ. Liège, 14 décembre 1995, R.R.D., 1996, p. 272).

La troisième hypothèse associe l'absolue nécessité à Fimpos­sibilité procédurale d'établir le débat contradictoire : il s'agit soit du cas dans lequel la demande ne comporte pas d' adver­saire (ainsi comm. Liège, 16 août 1991, R.P.S., 1992, p. 135 : désignation d'un administrateur provisoire), soit du cas dans lequel il n'est pas possible d'identifier les personnes à charge desquelles la mesure devrait être exécutée. Ainsi en est-il, par exemple, en cas de conflit collectif du travail, lorsque la mesure sollicitée est dirigée contre les membres non identifiés d'un piquet de grève entravant le libre accès au siège de la demanderesse (civ. Liège, 14 décembre 1989, J.T., 1990, p. 405; Cahiers de droit judiciaire n° 7, 1992, p. 15 et obs. V. VANNES; pour d'autres exemples, voy. Bruxelles, 4 février 1994, J.L.M.B., 1994, p. 657 ; civ. Liège, 3 janvier 1996, J.L.M.B., 1996, p. 311; civ. Liège, 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 802).

Pour le surplus, il convient de rappeler qu'une procédure unilatérale est, par définition, dérogatoire au principe général du droit de la défense et de la contradiction. C'est dire qu'en règle, la substitution d'une requête unilatérale à la citation en référé et la suppression corrélative de la garantie du débat contradictoire sont pl;'ohibés, dès qu'une procédure contradic-

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toire pourrait être mise en œuvre efficacement (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, n° 447; voy. par ex., appliquant ces principes, J\.fons, 4 juin 1992, J.L.M.B, 1992, 1165 ; Bruxelles, 15 mai 1996, R.D.O., 1996, p. 998; Bruxelles, 10 février 1997, J.L.M.B., 1997, p. 300 précité qui contient -p. 308 - une excellente synthèse des principes applicables).

359. La question de savoir si l'urgence doit être traitée comme une condition de compétence ou une condition de rece­vabilité a, durant longtemps, divisé la doctrine et la jurispru­dence (pour un exposé d'ensemble de cette controverse, voy. J. VAN CoMPERNOLLE, «Actualités du référé», Ann. dr. Lou­vain, 1989, p. 143 et 144 et les réf.). La discussion procède essentiellement de ce que, contrairement aux autres critères de compétence d'attribution visés à l'article 9 du Code judiciaire, l'urgence ne s'apprécie pas seulement au moment de l'intro­duction de la demande mais aussi au moment où le juge sta­tue, fût-ce en degré d'appel (P. MARCHAL, «Les référés», op. cit., p. 48 et les réf. ; le principe est énoncé par cass., 4 novembre 1976, Pas., 1977, I, 260; voy. également C. CAM­BIER, Précis de droit judiciaire civil, Tome II, La compétence, p. 44).

Dans deux arrêts prononcés le 11 mai 1990, la Cour de cas­sation a clairement tranché la controverse. Elle décide que l'urgence est tout à la fois une condition de la compétence d'attribution du juge des référés et un élément constitutif du fondement de la demande portée devant lui (cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, I, 1045; cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, I, 1050; sur ces arrêts voy. G. DE LEVAL, «Le référé en droit judiciaire privé», Actualité du droit, 1992, p. 869, n° 23 ; J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak », T.P.R., 1993, p. 1496, spéc. n° 23).

Dans le premier arrêt, la Cour décide que lorsque le juge des référés est saisi d'une demande dont le caractère urgent n'est pas allégué, il ne peut, sans méconnaître l'article 9 du Code judiciaire, déclarer cette demande irrecevable en raison de l'absence d'urgence. Il doit se déclarer incompétent. Pareille décision peut conduire soit à l'application des articles 639 et 640 du Code judiciaire, soit encore, le cas échéant, à l' applica­tion de l'article 88, § 2 (incident de répartition).

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Dans le second arrêt, la Cour déclare que si le demandeur allègue l'urgence, fût-ce implicitement, le juge des référés est nécessairement compétent. En revanche, s'il décide que l'ur­gence alléguée fait défaut ou a cessé d'exister, le juge des référés (ou le juge d'appel) doit rejeter la demande comme non fondée. N'étant pas saisi du fond, le président a épuisé sa juri­diction. En ce cas, il rejettera la demande sans être tenu à une obligation de renvoi.

Ce n'est donc que si la demande est soumise au juge des référés sans urgence alléguée - même de manière implicite -par le demandeur qu'il peut y avoir matière à règlement d'in­cident de compétence ou de répartition. Comme l'écrit judi­cieusement notre collègue G. DE LEVAL, pour logique que soit la distinction, on peut se demander si elle n'est point de nature à engendrer des complications excessives et s'il ne serait pas préférable de dégager une seule solution applicable à toutes les hypothèses (op. cit., Actualités du droit, 1992, p. 871). On relève que, dans les espèces tranchées par la Cour, le ministère public avait, de manière beaucoup plus générale, conclu que « lorsqu'il déclare la demande en référé non fondée en raison de l'absence d'urgence, le juge d'appel épuise entièrement sa juri­diction et qu'il ne doit ni renvoyer la cause devant le juge compétent ni évoquer celle-ci aux fins de statuer lui-même sur le fond de la cause dont le président statuant en référé n'a évi­demment pas été saisi», (Pas., 1990, I, 1047, note 1; voy. éga­lement la première partie de notre chronique, cette Revue, 1997, p. 624, n° 198 et les réf.).

SECTION II. - PROVISOIRE

360. La règle inscrite à l'article 584 du Code judiciaire, sui­vant laquelle le président statue au provisoire, doit être rap­prochée de celle qu'énonce l'article 1039' alinéa 1er' du même Code, qui dispose que les ordonnances de référé ne portent pas préjudice au principal.

Anciennement, ces deux règles étaient considérées comme se situant sur des plans distincts : la première, de compétence, faisant interdiction au juge des référés d'aborder le fond du litige en préjugeant de la solution à lui donner; la seconde, de procédure, limitant l'effet de la décision du juge des référés en

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excluant qu'elle puisse avoir autorité de chose jugée à l'égard du juge du fond. Dans pareille conception, l'incompétence du juge des référés pour aborder le fond du litige est absolue ; il lui est interdit de s'immiscer dans l'appréciation du fond du droit (cette conception se retrouve encore fermement affirmée dans un arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1972, Pas., 1972, I, 469).

361. Depuis 1983, une profonde évolution de la jurispru­dence a conduit à l'abandon de cette définition restrictive du provisoire. Dans une série importante d'arrêts, la Cour de cas­sation a, en effet, décidé que ni la défense de statuer autre­ment qu'au provisoire ni la défense faite aux ordonnances de référé de porter préjudice au principal n'interdisent au juge des référés d'examiner la situation juridique des parties à l' ef­fet d'ordonner les mesures conservatoires que justifient les apparences de droit suffisantes. En d'autres termes, le juge des référés peut, pour justifier sa décision, s'appuyer sur le droit d'une des parties lorsque l'évidence de ce droit, ou à tout le moins l'apparence de son existence, crée les conditions d'une absence de contestation sérieuse. Dès lors que le dispositif de l'ordonnance n'est ni déclaratif ni constitutif de droit, le prési­dent peut ordonner toutes mesures appropriées en fonction des apparences juridiques. Ces mesures sont néanmoins provi­soires, en ce sens que la décision rendue n'aura aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge du fond : l'ordonnance s'ex­prime sans préjudice au principal et tous droits saufs (cass., 29 septembre 1983, Pas., 1984, I, 330, qui décide que «la défense faite par l'article 1039 du Code judiciaire aux ordon­nances sur référé de porter préjudice au principal, n'interdit pas de prendre une mesure conservatoire s'il y a des appa­rences de droit suffisantes pour justifier une décision » ; cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, 908 et les importantes conclusions de l'avocat général VELU, qui décide que le juge des référés est compétent pour ordonner des mesures conservatoires lors­qu'un acte administratif implique une atteinte paraissant fau­tivement portée à des droits subjectifs ; cass., 22 février 1991, Pas., 1991, I, 607, qui décide que lorsque le juge des référés examine s'il existe une apparence de droit suffisante pour justi­fier une mesure conservatoire, il ne se prononce pas sur le fond

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du droit; dans le même sens, cass., 27 novembre 1992, Pas., 1992, I, 758 ; cass., 4 juin 1993, Pas., 1993, I, 542 ; cass., 23 décembre 1994, Pas., 1994, I, 1141 ; cass., 16 novembre 1995, Pas., 1995, I, 1049 ; sur cette évolution de la jurispru­dence de la Cour de cassation, voy. l'étude approfondie de E. KRINGS, «La jurisprudence récente de la Cour de cassation de Belgique en matière de référé», in «Nouveaux juges, nou­veaux pouvoirs», Mélanges en l'honneur de R. PERROT, Dalloz, 1996, p. 208 et spécialement p. 216 et 217 dans laquelle l'au­teur souligne que si la Cour de cassation « se garde bien de per­mettre au juge des référés d'affirmer que la partie peut se pré­valoir d'un droit dont ce juge constaterait l'existence », elle admet en revanche que le juge des référés puisse se fonder sur «la constatation de l'apparence d'un droit» pour ordonner les mesures conservatoires susceptibles d'en assurer la protection).

362. La doctrine a mis en relief l'importance capitale de cette évolution jurisprudentielle (voy. notamment J. VAN CoM­PERNOLLE, «Actualités du référé», Ann. dr. Louvain, 1989, p. 147 et suiv. et les références; G. DE LEVAL, «Le référé en droit judiciaire privé», Actualités du droit, 1992, p. 876 et suiv. et les références ; M:. STORME et P. T AELMAN, « Het kort geding : ontwikkelingen en perspectieven », in Procederen in nieuw België en komend Europa, Kluwer, 1991, p. 71, n° 65). Ainsi que le souligne P. MARCHAL, «la règle de l'article 1039 du Code judiciaire n'est pas une défense faite au juge des référés mais un avertissement à l'adresse du juge du fond. Elle est étrangère aux pouvoirs du juge des référés fixés par l' ar­ticle 584 du Code judiciaire qui dit que ce juge statue au pro­visoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence. Le juge des référés obvie à la menace ou lève l'obstacle, éléments constitu­tifs de l'urgence, en ordonnant, dans les limites de la demande dont il est saisi, c'est-à-dire au provisoire, ce qu'exigent les cir­constances. A cet effet, il peut examiner les droits des parties et préjuger du fond sans se prononcer sur le droit. Sa décision n'a d'autorité qu'au provisoire. Elle n'en a pas au principal, le juge du fond étant libre de juger autrement » ( « Les référés », op. cit., n° 29).

363. L'opinion du juge des référés sur le degré d'évidence ou de vraisemblance des prétentions des parties, sur l' exis-

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tence ou la non-existence apparente de leurs droits respectifs, laisse évidemment au président une marge d'appréciation rela­tivement importante. Aussi bien, l'examen de la jurisprudence révèle-t-il une extrême variété dans l'objet et le contenu des ordonnances présidentielles (voy. infra, section IV). L'on peut néanmoins, suivant un enseignement devenu classique, opérer la distinction entre, d'une part, les mesures conservatoires que le juge des référés peut prendre pour aménager les situations d'attente qui sauvegardent les intérêts en conflit et, d'autre part, les mesures assurant, à titre d'anticipation, le respect de droits non sérieusement contestables. Cette distinction a le mérite de faire apparaître clairement le double pôle d' attrac­tion du référé : le premier, qui met l'accent sur l'existence d'une contestation sérieuse et se fonde précisément sur cette contestation pour justifier que le président puisse ordonner des mesures conservatoires d'attente ou d'instruction ; le second qui met l'accent sur l'apparence d'un droit dont l'existence n'est pas sérieusement contestable et se fonde sur cette appa­rence pour autoriser la protection du droit non douteux (sur cette distinction, voy. G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, « L'évolution du référé : mutation ou renouveau ? », J. T., 1985, p. 520; G. DE LEVAL, op. cit., Actualités du droit, 1992, p. 878 et suiv. ; J. VAN COMPERNOLLE, «Actualités du référé», Ann. dr. Louvain, 1989, p. 150 et 151 ; P. MARCHAL, op. cit., n° 26/1, p. 57). La décision du juge des référés sera nécessaire­ment influencée par le sérieux de la contestation, car à une apparence relativement faible correspondra une protection affaiblie. L'existence d'une contestation sérieuse incitera le président à la plus extrême prudence si la mesure postulée tend à l'octroi de l'objet de la demande au principal ; il substi­tuera, au besoin, à la mesure sollicitée, des dispositions moins radicales et plus respectueuses d'une correcte mise en balance des intérêts en conflit.

364. Dès lors qu'il est acquis que le président peut fonder les mesures provisoires qu'il ordonne sur les droits apparents des parties, la question se pose du contrôle par la Cour de cas­sation de l'application de la règle de droit par le juge des référés, particulièrement lorsque cette règle se présente comme l'élément nécessaire pour étayer sa décision.

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L'étendue du contrôle de la Cour de cassation en matière de référé a donné lieu déjà à plusieurs études doctrinales ( voy. P. LEMMENS, « Het onderzoek van de ogenschijnlijke rechten van de partijen voor de rechter in kort geding en het toezicht door het Hof van Cassatie », note sous cass., 22 février 1991, R.D.O., 1991, p. 675 et suiv.; S. RAES, «De toepassing van het recht door rechter in kort geding », note sous cass., 4 juin 1993, Rec. arr. Oassatie, 1993, p. 167 et suiv. ; voy. également H.R., «Le juge des référés : en toute liberté 1 »,note sous cass., 4 juin 1993, R.D.0.' 1993, p. 930 et 931 ; J.F. VAN DROOGHEN­BROECK, «Aspects actuels du référé provisoire», in Les procé­dures en référé, Collection Formation permanente C.U.P., vol. XXV, 1998, p. 18 et suiv. et les réf. ; en droit français, voy. notamment A. PERDRIAU, «Le contrôle de la Cour de cas­sation en matière de référé», J.O.P., 1988, Sem. jur., I, doc­trine, n° 3365).

Dans une formule que l'on retrouve dans de nombreux arrêts récents, la Cour de cassation énonce que «le juge des référés qui peut ordonner des mesures conservatoires de droit, s'il existe une apparence de droit justifiant pareille décision, n'excède pas ses pouvoirs pour autant qu'il se borne à exami­ner les droits apparents des parties et n'invoque aucune règle de droit ne pouvant raisonnablement fonder les mesures qu'il a prises ; dès lors qu'elle ne statue pas au fond sur les droits des parties, cette décision n'implique aucune violation du droit matériel que le juge prend en considération lors de son appré­ciation» (cass., 16 décembre 1995, Pas., 1995, I, 1049; voy. aussi cass., 4 juin 1993, Pas., 1993, I, 542; cass., 23 décembre 1994, Pas., 1994, I, 1141 ; cass., 25 avril 1996, Pas., 1996, I, 377 ; cass., 31 janvier 1997, R.D. O., 1997, p. 367). En d'autres termes, le juge des référés peut légalement vérifier et examiner les droits apparents des parties. Ce faisant, il ne se prononce pas au fond sur ces droits et ne viole pas, par conséquent, le droit matériel qu'il met en œuvre dans son appréciation. Encore faut-il, pour que cette appréciation demeure régulière, que le juge des référés «n'applique aucune règle de droit qui ne puisse raisonnablement fonder les mesures provisoires qu'il ordonne».

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La Cour de cassation se reconnaît de la sorte le pouvoir d'exercer en quelque manière un contrôle marginal sur l'appli­cation du droit par le juge des référés. Si la règle mise en œuvre par le président est manifestement erronée, il y aura matière à contrôle de la Cour, non point sur le visa de la viola­tion du droit matériel appliqué dans l'ordonnance, mais sur le moyen pris de la méconnaissance des règles fixant la compé­tence du juge des référés. Le demandeur en cassation qui entend inviter la Cour à exercer ce contrôle marginal, doit dès lors invoquer, dans son pourvoi, la violation de l'article 584 du Code judiciaire et démontrer que l'appréciation par le juge des référés des droits apparents des parties procède d'une applica­tion manifestement déraisonnable du droit matériel dont l'or­donnance entend faire application. Est dès lors irrecevable, lorsqu'il n'invoque pas la violation de l'article 584 du Code judiciaire, le moyen dirigé contre l'appréciation provisoire faite par le juge des référés des droits apparents des parties (cass., 16 novembre 1995, Pas., 1995, 1, 1049; cass., 4 juin 1993, précité, R.D.O., 1993, p. 925 et obs. H.R. ; sur cet arrêt, voy. également la note de S. RAES, précitée).

365. L'arrêt de la Cour de cassation du 22 février 1991 pro­longe cet enseignement par l'affirmation d'une atténuation corrélative de l'obligation du juge des référés de répondre aux conclusions des parties relatives au fond du droit ( cass., 22 février 1991, Pas., 1991, 1, 607 ; R.D. O., 1991, p. 672 et note P. LEMMENS; adde cass., 9 mai 1994, Pas., 1994, 1, 454). Après avoir relevé qu'une décision qui se limite à examiner dans quelle mesure les droits apparents du demandeur en référé justifient qu'une mesure conservatoire soit prise «ne se prononce pas quant au fond sur les droits des parties et ne viole pas le droit matériel dont elle fait application dans son appréciation», la Cour en déduit qu'en l'espèce «la cour d'ap­pel n'était pas tenue de répondre plus avant aux conclusions des demandeurs ».

Cet enseignement ne peut être que partiellement approuvé. Avec notre collègue G. DE LEVAL, nous considérons que « si le juge des référés constate l'existence d'un différend avant d'aménager une situation d'attente, il ne peut être tenu de répondre à des moyens relatifs au fond du droit, devenus sans

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pertinence en raison de cette contestation. Par contre, il est tenu de répondre, ne fût-ce que sommairement, aux moyens qui concernent le fond du droit sur lequel repose sa décision » ( G. DE LEV AL, « Le référé en droit judiciaire privé », op. cit., p. 881, n° 43; en ce sens également P. LEMMENS, note préci­tée, R.D.C.' 1991, p. 679 et 680; adde J.F. VAN DROOGHEN­BROECK «Aspects actuels du référé provision», in Les procé­dures en référé, Formation permanente C.U.P., vol. XXV, sep­tembre 1998, p. 20).

366. Quel est le sort de la demande dont le contenu excède les limites du provisoire 1 Le président doit-il se déclarer incompétent 1 Ce n'est point dans ce sens qu'est fixée la juris­prudence de la Cour de cassation. Dans son arrêt du 14 juin 1991, la Cour précise que le juge des référés épuise sa juridic­tion lorsqu'il décide qu'il ne peut faire droit à la demande dans la mesure où il en est saisi, par le motif qu'elle excède les limites du provisoire. «Il s'ensuit que, dans un tel cas, le prési­dent ne peut être tenu ni de renvoyer encore un quelconque litige devant un autre juge, ni de statuer sur le fond ; il s'en­suit qu'il ne peut être question d'appliquer l'article 88, § 2 du Code judiciaire, ni d'obliger le juge d'appel à connaître du fond de la cause» (cass., 14 juin 1991, R.D.C., 1992, p. 257 et obs. A.S. MAERTENS). En l'occurrence, l'arrêt décide qu'est légalement justifiée la décision du juge des référés rejetant la demande d'enlèvement d'un réservoir de gaz au motif que ce déplacement était de nature à porter gravement préjudice à la situation juridique de la partie défenderesse (compar. cass., 9 septembre 1982, Pas., 1983, I, 48 qui énonce que la défense faite par l'article 1039 du Code judiciaire aux ordonnances sur référé de porter préjudice au fond n'interdit pas au juge d' exa­miner les droits des parties, «sous réserve de ne point ordon­ner des mesures qui porteraient à celles-ci un préjudice défini­tif et irréparable »).

SECTION III. - p ARTICULARITÉS DE COMPÉTENCE ET AUTONOMIE DU RÉFÉRÉ

367. La compétence du juge des référés en présence d'une convention d'arbitrage a suscité une littérature abondante (voy. notamment, durant la période sous revue, J. LINSMEAU,

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«L'arbitrage volontaire en droit privé belge», R.P.D.B., com­plément Tome VII, n° 98 et suiv.; H. VAN HouTTE «De rol van de rechter tijdens de arbitrale proceduur », ·R. W., 1992-1993, col. 522 et suiv. ; G. DE LEVAL, «Les mesures provisoires et conservatoires en matière d'arbitrage », in L'arbitrage, Tra­vaux offerts à Albert FETTWEIS, Story-Scientia, 1989, p. 120; du même auteur, «Le juge et l'arbitre : les mesures provi­soires», R.I.D.O., 1993, p. 7 et suiv.; G. KEUTGEN, «Le Centre belge pour l'étude et la pratique de l'arbitrage national et international : une approche de l'arbitrage institutionnel en Belgique», R.I.D. O., 1991, p. 322, n° 8; M. STORME et P. TAELMAN, op. cit., p. 67 et suiv. ; G. HoRSMANS, «Actualité et évolution du droit belge de l'arbitrage», Revùe de l'arbitrage, 1992, p. 22 et suiv.; J.F. VAN DROOGHENBROECK, «Le référé­provision entre parties liées par une convention d'arbitrage », note sub 1\fons, 10 avril 1996, R.G.A.R., 1998, n° 12.952).

En vertu de l'article 1679.2 du Code judiciaire, «une demande en justice tendant à des mesures conservatoires ou provisoires n'est pas incompatible avec la convention d'arbi­trage et n'implique pas renonciation à celle-ci ». L'on sait que si, à l'origine, les premiers commentateurs de la loi avaient, en général, estimé que le juge des référés ne pouvait plus interve­nir une fois le tribunal arbitral mis en place (sur cette doc­trine, voy. les références citées par M. Huvs et G. KEUTGEN, L'arbitrage en droit belge et international, Bruylant, 1981, n° 387), l'évolution de la jurisprudence a conduit à admettre la saisine du juge des référés, même après la constitution du tribunal arbitral. La doctrine récente s'accorde à considérer que « si les arbitres sont à même de statuer sur les mesures à prendre en urgence et au provisoire, la saisine de la juridiction arbitrale met fin à la compétence du juge des référés ; mais si, vu les circonstances, la procédure arbitrale est impuissante à régler provisoirement et efficacement la situation des parties, une demande urgente peut encore être soumise au juge des référés» (J. LINSMEAU, op. cit., n° 101; G. DE LEVAL, op. cit., in Travaux offerts au Professeur A. FETTWEIS, p. 120; du même auteur, «Le référé en droit judiciaire privé», op. cit., Actualités du droit, 1992, p. 859 et les références).

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Cet enseignement est, de manière générale, correctement appliqué en jurisprudence. Ni l'existence d'une convention d'arbitrage, ni la constitution du tribunal arbitral, n'exclut, vu l'urgence, la saisine du président, aux fins d'obtenir une mesure conservatoire ou provisoire. Il en est ainsi, par exemple, d'une demande d'expertise (comm. Bruges, réf., 16 février 1994, R. W., 1993-1994, col. 1306), de l'allocation d'une provision (comm. Gand, réf., 16 juin 1993, T.G.R., 1994, p. 10) ou encore d'une mesure de suspension des droits de vote attachés à des titres frappés d'opposition ( comm. Bruxelles, réf., 14 juin 1995, J.T., 1995, p. 613). Une ordonnance du Pré­sident du tribunal de 1 re instance de Bruxelles rappelle néan­moins, opportunément, que la compétence présidentielle doit se limiter à l'octroi de mesures conservatoires ou provisoires sans que pour autant il soit autorisé à intervenir dans le déroulement de la procédure arbitrale ; par voie de consé­quence, et à juste titre, le Président se déclare sans juridiction pour connaître d'une demande de suspension des effets d'une ordonnance arbitrale réglant le déroulement ultérieur de la procédure d'arbitrage (civ. Bruxelles, réf., 30 avril 1993, J.L.M.B., 1994, p. 240).

368. La problématique de la compétence du juge des référés dans le cadre d'un arbitrage prend, avec la loi du 19 mai 1998, une actualité nouvelle. Cette loi ajoute en effet à l'article 1696 du Code judiciaire, un nouvel alinéa rédigé comme suit : « Sans préjudice de l'application de l'article 1679.2, le tribunal arbi­tral peut ordonner des mesures provisoires et conservatoires à la demande d'une partie, à l'exception d'une saisie conserva­toire ». Ce texte consacre légalement la validité des procédures dites de «référé arbitral)) permettant aux arbitres d'ordonner, à la demande d'une des parties, les mesures provisoires ou conservatoires adéquates (voy. ainsi l'article 19.5 du Règle­ment du CEP ANI qui dispose que« sans préjudice de l'appli­cation de l'article 1679.2 du Code judiciaire, les parties peu­vent demander à l'arbitre, dès sa désignation, d'ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, y compris la constitu­tion de garanties ou l'allocation d'une provision » ; voy. égale­ment l'article 23 du Règlement d'arbitrage de la C.C.I.). La disposition nouvelle réserve toutefois la compétence du prési-

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dent du tribunal qui peut toujours être saisi dès lors que le référé arbitral s'avérerait inadapté pour régler, avec la célérité requise, les mesures provisoires qui s'imposent. Ce texte pour­rait néanmoins être à l'origine de nouvelles difficultés (pour une étude d'ensemble ~t actuelle de la question, voy. G. DE LEV AL, « Le juge et l'arbitre : les mesures provisoires », in Les mesures provisoires en droit belge, français et italien, sous la direction de J. VAN CoMPERNOLLE et G. TARZIA, Bruylant, 1998, p. 423 et suiv.).

369. La compétence du président du tribunal siégeant en référé n'est point nécessairement exclue par cela que le litige porte sur des droits politiques dont la connaissance, au fond, reviendrait à une juridiction administrative. A moins que le législateur n'ait prévu un mode accéléré de règlement au pro­visoire de ce type de contestation, le juge des référés peut être saisi. Tel est, par exemple, le cas en matière d'impôts sur les revenus ( civ. Charleroi, réf., 17 janvier 1990, J. T., 1990, p. 362; en ce sens également, G. DE LEVAL,« Le référé en droit judiciaire privé», Actualités du droit, 1992, p. 860 et 861, et les références).

370. S'agissant de la compétence territoriale, le principe est que la demande en référé doit être introduite devant le prési­dent dont le tribunal est territorialement compétent pour connaître du fond (A. FETTWEIS, «Précis de droit judiciaire», Tome II, La compétence, Bruxelles, Larcier, 1971, n° 600 ; P. LINDEMANS, « Kort geding », Anvers, 1985, n° 130 ; P. MAR­CHAL, «Les référés», op. cit.' n° 48).

Conformément à un enseignement constant, l'urgence peut néanmoins justifier qu'il soit dérogé à cette règle et que, compte tenu des circonstances, la demande puisse être intro­duite devant le juge du lieu où est né l'incident ou dans le res­sort duquel les mesures urgentes doivent être exécutées ( cass., 22 décembre 1989, Pas., 1990, I, 504; R. W., 1989-1990, col. 1089 et conclusions E. KRINGS ; J. T., 1990, p. 556). Les applications de cette règle sont fréquentes ( voy. ainsi, à titre illustratif, Liège, 19 octobre 1995, J. T., 1996, p. 190 ; civ. Namur, réf., 20 mai 1996, J.T., 1996, p. 617; civ. Namur, réf., 2 mai 1997, J.L.M.B., 1997, p. 851).

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371. Ce qui vaut dans l'ordre interne vaut également au plan de la compétence internationale. Il importe que, dans les cas urgents, l'on puisse s'adresser au juge du lieu où la mesure doit être exécutée. L'article 24 de la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des déci­sions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968, dispose, à cet égard, que les mesures provi­soires ou conservatoires prévues par la loi d'un Etat contrac­tant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de la Convention, une juridiction d'un autre Etat contractant est compétente pour connaître du fond. Sur cette importante problématique - que le cadre limité de la présente chronique ne permet pas d'aborder -l'on ne peut que renvoyer aux ouvrages et articles spécialisés (voy. notamment 1\1. FALLON, «Le référé international en matière civile et commerciale», in Rev. dr. U.L.B., 1993, p. 43 et suiv. ; voy. aussi l'étude récente de J.F. VAN DROOGHEN­BROECK «Les mesures provisoires et le litige européen», in Les mesures provisoires en droit belge, français et italien, Bruylant, 1998, p. 475 et suiv. ; cons. également 1\1. PERTEGAS-SENDER, « l\fesures provisoires extra-territoriales et compétence interna­tionale du juge belge», note sous Comm. Hasselt, 20 sep­tembre 1996, R.D.O., 1997, p. 323 et suiv.).

SECTION IV. - APERÇU DES MESURES D'APPLICATION DU RÉFÉRÉ

§1er. - Mesures d'instruction

372. Le juge des référés peut, vu l'urgence, ordonner toutes mesures d'instruction, spécialement en cas de risque de dépé­rissement des preuves. L'article 584, alinéa 4, 2° et 4 ° du Code judiciaire en fournit deux illustrations : le juge des référés peut prescrire, à toutes fins, des constats ou des expertises en y comprenant même l'estimation du dommage et la recherche de ses causes ; le juge des référés peut ordonner l'audition de témoins si les circonstances font craindre que le témoignage ne puisse plus, opportunément, être recueilli en temps utile.

L'expertise en référé a pris un essor considérable, notam­ment dans le contentieux du droit de la construction et dans

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celui de la responsabilité civile, contractuelle et extra-contrac­tuelle. La matière donne lieu à une jurisprudence fournie et est abondamment commentée en doctrine (sur l'expertise en référé, voy. notamment A. FETTWEIS, l\Ianuel, n° 516; P. LURQUIN, ((Traité de l'expertise», Tome 1, n° 75 et suiv. ; G. DE LEVAL, «L'instruction sans obstructions», in La preuve, Faculté de droit de I'U.C.L., 1987, p. 9 et 10·; du même auteur, «Le référé en droit judiciaire privé», Actualités du droit, 1992, p. 885; E. KRINGS, « Het kortgeding naar Belgisch recht », T.P.R., 1991, p. 1076; J. ENGLEBERT, «Inédits de droit judiciaire», Référés, J.L.M.B., 1992, p. 518 et suiv. ; J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak : de bevoegdheid », 1979-1992, T.P.R., 1993, p. 1538 ; P. MARCHAL, «Les référés», op. cit., n°8 86 et suiv. ; J.F. VAN DROOGHENBROECK, «La dési­gnation de l'expert par le juge des référés. Réflexions sur l'ur­gence et le provisoire», note sous Liège, 19 mai 1994, R.G.A.R., 1996, n° 12.673).

373. La demande d'expertise en référé nécessite évidem­ment qu'il y ait urgence à ce que la mesure d'instruction soit ordonnée. Il n'y a point urgence s'il apparaît que la mesure sollicitée pourrait être ordonnée, avec une célérité suffisante, par le juge du fond statuant avant dire droit ( civ. Bruxelles, 21 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 355; civ. Nivelles, 17 mars 1992, J. T.' 1993, p. 109 ; J. ENGLEBERT' op. cit., J.L.M.B., 1992, p. 523 ; J. LAENENS, op. cit., T.P.R., 1993, p. 1538, n° 78; voy. également supra n° 356). L'existence d'une procédure mue en degré d'appel, ne fait pas nécessaire­ment obstacle à la compétence du juge des référés; mais l'ur­gence requiert en ce cas une décision qui ne pourrait être utile­ment obtenue en suivant la voie ordinaire (voy. C. PANIER, «L'effet dévolutif de l'appel en situation d'urgence», note sub J.P. Wavre, 30 janvier 1993, J.L.M.B., 1993, p. 308 et les réf.).

374. La question de savoir si la citation en référé tendant à la désignation d'un expert est interruptive de prescription est résolue par la négative. L'enseignement dominant est, en effet, fixé en ce sens que seul l'intentement d'une action au fond ou d'une action en référé tendant à l'obtention d'une mesure anticipatoire sur le fond (ainsi un référé provision) est

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de nature à interrompre valablement la prescription (J. LINS­MEAU, «Le référé : fragments d'un discours critique», Rev. dr. U.L.B., 1993, p. 8 et suiv.; G. DE LEVAL,« Le référé», Actua­lités du droit, Liège, 1992, p. 863, n° 10 et les références; cass., 17 février 1989, Pas., 1989, I, 621 ; R. W., 1988-1989, col. 1267 et note G. BAERT).

§ 2. - Mesures conservatoires

375. L'on vise dès l'abord, sous cet intitulé, les nombreuses ordonnances qui, en matière civile, procèdent à la désignation de séquestres (article 584, alinéa 4, 1° du Code judiciaire) ou d'administrateurs provisoires (article 584, alinéa 4, 3°).

La jurisprudence, ici aussi, est abondante. Les juges des référés sont en effet souvent amenés, notamment à la requête de notaires, à désigner des administrateurs provisoires à des patrimoines abandonnés ou laissés sans gestion, spécialement des successions ou indivisions, ou pour régler certaines situa­tions administratives, hypothécaires ou fiscales (P. MARCHAL, «Les référés», op. cit., n°8 94 et 95 et les nombreuses réfé­rences, l'auteur évoquant, à titre exemplatif, la désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter des héritiers inconnus ou absents à la liquidation d'une succession, la dési­gnation d'un curateur ad hoc pour assister un mineur éman­cipé, la désignation d'un administrateur provisoire pour pré­server les droits des héritiers et légataires particuliers, la dési­gnation d'un administrateur provisoire pour représenter l'époux survivant qui n'est pas en mesure de gérer ses affaires, la désignation d'un notaire comme administrateur provisoire à une succession dont le légataire universel est décédé ... ).

376. L'intervention du juge des référés, par voie de mesures conservatoires, d'attente ou de stabilisation n'est pas moins importante dans le droit des sociétés. Il en est notamment ainsi lorsqu'il est demandé au juge des référés d'intervenir en vue de pallier le fonctionnement défectueux, l'action abusive ou la carence des organes d'une société commerciale. L'inter­vention présidentielle assure, en ces cas, de manière positive, la sauvegarde des intérêts en jeu. Ce sera notamment par la désignation d'administrateurs provisoires ayant pouvoir de

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gérer tout ou partie des affaires sociales, l'interdiction de transfert d'actions, l'injonction de production de documents sociaux, la suspension d'un droit de vote ou de l'exécution des délibérations d'un conseil ou d'une assemblée (pour un com­mentaire détaillé de la jurisprudence particulièrement riche en la matière, voy. A.-1\1. STRANART, «Les référés commerciaux et le rôle préventif du tribunal de commerce», in L'évolution du droit judiciaire au travers des contentieux économique, social et familial, Bruylant, 1984, p. 561 et suiv., spécialement n°8 25 et suiv.; G. HORSMANS, «Le rôle du juge dans la vie des sociétés », in Les sociétés commerciales, 1985, p. 389 ; S. RAES, « Het kort geding in venootschappen zaken », T.R. V., 1988, p. 327 et suiv.; J. VAN CoMPERNOLLE, «Actualités du référé», Ann. dr. Louvain, 1989, p. 141; P.A. FoRIERS, «Les situations de blocage dans les sociétés anonymes», R. T. O., 1992, p. 466; pour une analyse et un commentaire très complet de la juris­prudence, voy. également P. VAN ÜMMESLAGHE et X. Drnux, «Examen de jurisprudence», Les sociétés commerciales, cette Revue, 1994, p. 805 et suiv.).

L'intervention du juge des référés dans le droit des sociétés doit cependant demeurer contenue. «A juste titre, celui-ci (le juge des référés) demeure attentif à ne pas substituer sa propre appréciation de l'intérêt social à celle des organes sociaux. Il n'accepte d'intervenir que si des indices suffisamment sérieux d'une méconnaissance manifeste de l'intérêt social lui sont pré­sentés ... Cette exigence est plus essentielle que jamais, eu égard à la témérité de nombreux recours, souvent dictés par une volonté de susciter des difficultés à la majorité en place ou alimentés par une défiance injustifiée à l'égard du principe majoritaire, qui demeure la règle première de fonctionnement de la plupart des sociétés commerciales » (P. v AN ÜMMESLAGHE et X. Drnux, op. cit., p. 809, n° 203, qui soulignent que plu­sieurs décisions rappellent, opportunément, en termes circons­tanciés, la nécessité pour le président de faire référence, en la matière, à la théorie de l'appréciation marginale).

§ 3. - 1 njonctions de faire ou de ne pas faire

377. Constitutives, le plus souvent, de mesures d'anticipa­tion, les injonctions de faire ou de ne pas faire sont particuliè-

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rement fréquentes dans les litiges contractuels. Dans une excellente étude, notre collègue X. Drnux a analysé, de manière particulièrement précise, l'intervention du juge des référés dans la formation, l'exécution et la dissolution des contrats ( « La formation, l'exécution et la dissolution des contrats devant le juge des référés», note sub civ. Liège, 2 février 1984, cette Revue, 1987, p. 245 et suiv.). D'autres études ont été consacrées au même sujet, auxquelles il convient, de manière générale, de renvoyer (voy. ainsi A.­M. STRANART, « Les référés commerciaux et le rôle préventif du tribunal de commerce», in L'évolution du droit judiciaire, op. cit., p. 576; S. STIJNS, «De gerechtelijke en de buitenge­rechtelijke ontbinding van overeenkomsten », l\faklu, 1994, p. 639 et suiv. ; P. MARCHAL, (<Les référés», op. cit.' n°8 135 et suiv.; voy. également la récente étude de L. DU CASTILLON, «Aspects actuels du référé en matière contractuelle», in Les procédures en référé, O. U.P., Vol. XXV, septembre 1998, p. 39 et suiv. et les nombreuses références).

L'intervention du juge des référés dans le domaine contrac­tuel est unanimement approuvée en doctrine. Comme on a pu l'écrire, cette intervention contribue efficacement à affermir, en la matière, le principe de l'exécution en nature «en empê­chant qu'une partie puisse se faire justice à elle-même par la suspension pure et simple de l'exécution de ses obligations, sans droit, et en spéculant à la fois sur les lenteurs de la justice et sur la relative modicité des condamnations à des dommages et intérêts dans la pratique judiciaire de nos pays» (P. VAN ÛMMESLAGHE, « Examen de jurisprudence », Les obligations, cette Revue, 1986, p. 199, n° 95). D'une manière générale, le juge des référés apparaît comme le protecteur de la relation contractuelle dès lors que les droits du demandeur paraissent incontestables ou à tout le moins sérieusement établis.

378. Les exemples abondent. Ainsi - s'agissant de l'exécu­tion des contrats - le président enjoindra-t-il la poursuite de prestations conventionnelles unilatéralement et abusivement suspendues {voy. ainsi, en ce qui concerne la livraison de barres d'acier, civ. Liège, 2 février 1984, cette Revue., 1987, p. 245, qui fait précisément l'objet de l'annotation de X. Drnux; civ. Bruxelles, réf., 23 janvier 1998, J. T., 1998,

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p. 227 qui ordonne la réintégration provisoire d'un médecin lié par une convention d'indépendant à la clinique privée dans laquelle il officiait et dont la révocation pour motif grave était, tant en ce qui concerne la forme que le fond, entachée d'illégalités apparentes ; Bruxelles, 24 avril 1990, J.L.M.B., 1991, p. 98 condamnant une partie à l'exécution forcée en nature de ses obligations, en l'espèce la passation d'un acte authentique). A l'inverse, le juge des référés peut interdire l'exécution d'un engagement eu égard à une situation de fraude. S'autorisant d'un enseignement doctrinal fermement établi, le juge des référés peut ainsi interdire à un banquier de réserver suite à l'appel fait par le concédant à une garantie bancaire à première demande, dès lors qu'il apparaît que l' ap­pel à cette garantie revêt un caractère manifestement abusif (voy. ainsi comm. Gand, réf., 23 mars 1983, R.D.O., 1986, p. 298 ; comm. Bruxelles, réf., 15 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 966 et obs. ; comm. Bruxelles, réf., 24 janvier 1995, inédit et comm. Bruxelles, réf., 24 janvier 1995, D.A.O.R., n° 35, p. 65, cités par P. HoLLANDER et P. KILESTE, «Examen de jurisprudence - La loi du 27 juillet 1961 (1992-1997) », R.D.O., 1998, p. 22; sur la problématique de l'appel abusif aux garanties à première demande, voy. F. t'KINT, «Sûretés», Larcier, 26 édition, 1997, p. 420 et suiv. et les références ; voy. également F. t'KINT et W. DERIJCKE, «La garantie indépen­dante à l'ombre des apparences», Hommage à Jacques HEE­

NEN, n°8 25 et suiv., p. 448). L'intervention du juge des référés peut, de même, être sollicitée à titre de contrôle de l'usage fait par une partie de l' exceptio non adimpleti contractus ou des conditions d'exercice du droit de rétention (voy. ainsi, par exemple, civ. Bruxelles, réf., 2 avril 1992, J. T., 1992, p. 459 à propos d'une espèce dans laquelle le propriétaire d'un rez-de­chaussée commercial, prenant prétexte d'un retard dans le paiement des loyers dus par le locataire, avait changé les ser­rures de l'entrée principale des lieux loués et interdit l'accès des lieux au préposé du locataire; voy. également comm. Huy, réf., 28 août 1996, D.A.O.R., 1996, n° 42, p. 69 à propos des conséquences, jugées disproportionnées, que peut entraîner un refus de livraison justifié par un retard de paiement de fac­tures; voy. aussi comm. Charleroi, réf., 17 mars 1995, J.L.M.B., 1996, p. 117, à propos de l'aménagement d'un droit

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de rétention; dans le même sens, Bruxelles, 29 novembre 1994, Pas., 1994, II, 1). De même encore, le président peut intervenir pour ordonner, après la dissolution du contrat, les mesures permettant d'assurer le respect d'obligations contrac­tuelles dont l'objet est précisément de déterminer les droits et obligations des parties à la fin du contrat (voy. ainsi Liège, 28 mai 1991, J.L.M.B., 1991, p. 885 et suiv., à propos des mesures permettant de sauvegarder les droits d'un joueur pro­fessionnel à l'échéance de son contrat; civ. Dendermonde, réf., 8 janvier 1997, D.A.O.R., 1996-1997, p. 87 à propos de la resti­tution . par un franchisé de ce qui a été mis à sa disposition pendant la durée du contrat; comm. Huy, réf., 10 octobre 1996, D.A.O.R., 1996-1997, p. 72 à propos de l'obligation pour un concessionnaire, après la résiliation du contrat, de restituer les véhicules en sa possession).

379. Prenant la forme d'une exécution directe des engage­ments contractuels, l'anticipation que réalise l'ordonnance présidentielle doit néanmoins demeurer contenue dans les limites de ce qui, au fond, pourrait être accordé au deman­deur. En d'autres termes, il est unanimement enseigné que le référé ne peut accorder à une partie, même à titre provisoire, le bénéfice d'une mesure qu'elle ne pourrait obtenir devant le juge du fond (sur ce principe, voy. notamment X. Drnux, op. cit., p. 262 ; P. VAN ÛMMESLAGHE, op. cit., p. 200, n° 96 ; P. MARCHAL, op. cit., p. 132, n° 135; J. LINSMEAU, «Le référé en droit judiciaire ... », Rev. dr. U.L.B., 1993, p. 36 et suiv. ; G. DE LEVAL, «Les référés», Actualités du droit, 1992, p. 864; J. VAN ÜOMPERNOLLE, «Actualité du référé», Ann. dr. Lou­vain, 1989, p. 158 et 159 et les références).

L'on ne saurait ainsi admettre qu'en référé le président ordonne la poursuite d'une relation contractuelle alors qu'il doit être acquis, en l'espèce, que la convention a été irrévoca­blement résiliée par la volonté unilatérale d'une partie, cette volonté fût-elle constitutive de faute pouvant donner lieu à indemnisation. Sont dès lors contestables les décisions qui ordonnent que soient suspendus jusqu'à décision du fond, les effets d'une résiliation d'un contrat de concession exclusive à durée indéterminée, alors que la résiliation est, en principe, un acte irrévocable et définitif (voy. ainsi par exemple, Bruxelles,

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14 janvier 1993, J. T., 1993, p. 425 ; Anvers, 19 août 1987, R. W., 1988-1989, col. 749 et note STRUBBE ; adde Bruxelles, 9 janvier 1990, R.D.C., 1990, p. 689 et note critique de P. KI­LESTE). L'on ne peut, en revanche, qu'approuver les décisions, qui tout au contraire, analysent correctement la situation sur le plan juridique en considérant que le juge des référés ne peut suspendre les effets d'une rupture d'un accord de concession dans la mesure où l'article 2 de la loi du 27 juin 1961 exclut, implicitement mais de manière certaine, l'exécution en nature du préavis (voy. ainsi, par exemple, l\Ions, 2 février 1988, R.D. O., 1989, p. 198 ; Anvers, 4 octobre 1990, Limb. Rechtsl., 1991, p. 186). Il demeure que la question est controversée (sur l'ensemble de cette question, voy. le recensement critique très complet de la jurisprudence fait par P. HoLLANDER et P. KI­LESTE, «Examen de jurisprudence - La loi du 27 juillet 1961 (1992 à 1997) », R.D.C., 1998, p. 3 et suiv. ; voy. également J.P. FIERENS et A. MoTTET-HAUGAARD «Chronique de juris­prudence - La loi du 27 juillet 1961 (1987-1996) », J.T., 1998, p. 105 et suiv. ; 1\1. WILLEMART, «Le maintien des concessions de vente en référé», in Droit de la distribution (1987-1992), G. BoGAERT et P. MAEYAERT, 1994, p. 155 et suiv.; J. LINS­MEAU, op. cit., p. 37 et suiv.; L. DU CASTILLON, op. cit., C.U.P., vol. XXV, p. 53 et suiv.). L'interdiction faite au président de suspendre les effets d'une résiliation unilatérale ne l'empêche pas cependant d'ordonner, dans le respect des conditions du référé-provision (voy. infra), une indemnité provisionnelle (J. LINSMEAU, «Le référé ... », op. cit.' p. 50; L. DU CASTILLON, op. cit., p. 56) ou d'autres mesures protectrices des droits du concessionnaire (voy. ainsi, par exemple, Bruxelles, 27 mai 1994, R.D.C., 1995, p. 496 et obs. P. KILESTE).

380. Une problématique du même ordre se pose en cas de dénonciation par le banquier d'une ouverture de crédit, là où il est demandé au juge des référés de supprimer les effets de cette dénonciation intervenue dans des conditions jugées irré­gulières ou abusives (sur cette problématique, voy. l'étude d'ensemble de S. STIJNS, «De beëindiging van de kredietove­reenkomst : macht en onmacht van de (kort geding) rechter », R.D.C., 1996/2, p. 100 à 167; voy. également J.-P. BUYLE,

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«La dénonciation du crédit», Rev. Banq., 1988, p. 43 et suiv. et les nombreuses références).

§ 4. - Référé provision

381. Il est désormais fermement acquis que le juge des référés peut, en cas d'urgence, allouer une provision en raison du caractère non sérieusement contestable d'une obligation. La controverse qui a, en son temps, divisé les auteurs sur cette question est aujourd'hui dépassée (sur l'historique et la controverse, voy. J. VAN CoMPERNOLLE, «Actualités du référé», Ann. dr. Louvain, 1989, p. 159 et suiv. ; sur la doc­trine récente en matière de référé-provision, voy. G. DE LEVAL, «Le référé en droit judiciaire», Actualités du droit, 1992, p. 887 ; X. Drnux, «La formation, l'exécution et la dis­solution des contrats devant le juge des référés», cette Revue, 1987, p. 245 et suiv. ; P. MARCHAL, op. cit., n°8 133 et suiv. et les réf.; pour une synthèse récente, J.F. VAN DROOGHEN­BROECK, «Aspects actuels du référé-provision», in Les procé­dures en référé, Collection Formation permanente C.U.P., vol. XXV, sept. 1998, p. 7 et suiv.).

382. L'admissibilité du référé-provision est, dès l'abord, tri­butaire de la condition d'urgence. Imposée par l'article 584 du Code judiciaire (compar., en droit français, l'article 809 du nouveau Code de procédure civile qui autorise le juge des référés à accorder une provision dès lors que l'obligation n'est pas sérieusement contestable, sans plus requérir une situation d'urgence), l'exigence est, en la matière, appréciée avec rigueur. A une situation d'impécuniosité du demandeur doit, en effet, s'ajouter la démonstration qu'en aucune manière la procédure ordinaire ne permettrait de lui donner satisfaction en temps utile. Comme le relève une ordonnance du 27 juin 1997, « au niveau du référé-provision, l'urgence résulte surtout du manque de revenus suffisants pour faire face, dans des conditions normales, à la situation subie par la partie deman­deresse ... ; des éléments complémentaires à l'urgence normale, propres à l'espèce, doivent faire apparaître, in concreto, que la situation financière difficile, l'absence de moyens financiers suffisants, placent le demandeur dans une situation critique à laquelle il n'est pas possible de remédier dans un délai relative-

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ment bref» (civ. Bruxelles, réf., 27 juin 1997, R.G.A.R., 1998, p. 12922 ; Bruxelles, 10 mars 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1134 ; civ. Liège, réf., 6 août 1992, Pas., 1992, III, 96.; civ. Liège, réf., 9 décembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 669 et note G. DE LEVAL; civ. Bruxelles, 19 décembre 1997, R.G.A.R., 1998, p. 12913). L'on refusera, dès lors, d'admettre l'urgence lorsque le référé tend à mettre fin à une situation que l'inertie du demandeur a elle-même créée. Il en ira, de la sorte, s'il appa­raît, sur la base de données concrètes, que la mesure sollicitée en référé aurait pu et, a fortiori, pourrait encore être accordée en temps utile par le juge du fond (voy. ainsi les nombreuses décisions commentées par G. DE LEVAL, obs. sub civ. Liège, réf., 9 déc. 1993, J.L.M.B.,. 1994, p. 674 et 675 ; voy. égale­ment sur cet aspect, J.F. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., in Les procédures en référé, Formation permanente C.U.P., vol. V, sept. 1998, spéc. p. 29 et suiv., qui commente diverses déci­sions inédites appliquant ces principes ; sur ces principes, voy. aussi supra, n ° 356).

383. Pour qu'il soit fait droit à la demande de référé-provi­sion, il importe, par ailleurs, que le demandeur puisse établir que la créance dont il se prévaut n'est pas sérieusement contestable. Cette exigence d'incontestabilité est doublement appréciée : le demandeur doit prouver non seulement l'incon­testabilité de la créance dont il se prévaut mais également l'in­contestabilité de la dette corrélative ou de l'obligation généra­trice de son droit. Si les principes sont clairement affirmés, leur application peut s'avérer délicate. Que décider ainsi dans une situation de cumul d'assurances lorsque la responsabilité de l'assuré paraît incontestable mais qu'il existe une incerti­tude quant à l'identification de l'assureur qui devra indemni­ser la victime ? La matière donne lieu à des décisions et à des solutions divergentes (voy. ainsi, par ex., civ. Charleroi, réf., 23 mars 1987, R.G.D.C., 1988, p. 500; comp. civ. Bruxelles, réf., 19 novembre 1997, R.G.A.R., 1998, p. 12913). Que déci­der, de même, lorsqu'il n'est point contestable que la victime d'un accident de voiture n'encourt aucune responsabilité mais qu'est, en revanche, discutée la mesure dans laquelle chacun des autres conducteurs a contribué à la survenance du dom­mage ? Ici également les solutions retenues ne font point l'una-

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nimité (voy. ainsi, par ex., civ. Liège, réf., 24 mai 1994, R.G.A.R., 1995, p. 12453, critiquée par J.F. VAN DROOGHEN­BROECK, op. cit.' p. 15 et 16).

D'une manière générale, force est de constater que l'exi­gence d'incontestabilité est appréciée de manière très rigou­reuse. « Le caractère non sérieusement contestable de la dette - exigé par l'efficacité immédiate d'une ordonnance exécutoire par provision - implique qu'il n'existe aucun doute raisonnable sur le droit allégué : on ne peut contraindre un débiteur à débourser une somme parfois élevée sans être certain de l'existence de sa dette, sous peine de l'exposer à une plus grande injustice en cas de débouté au fond et d'insolvabi­lité du demandeur en référé ; le juge des référés ne peut accueillir une demande de provision lorsqu'il existe une crainte raisonnable d'être contredit par la juridiction du fond » ( civ. Liège, réf., 9 décembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 669 et suiv. et note G. DE LEVAL; voy. égal. civ. Liège, réf., 13 novembre 1996, J.L.M.B., 1996, p. 1623 et suiv., Bruxelles, 19 mars 1996, Proces en bewijs, 1996, p. 223; civ. Bruxelles réf., 25 sep­tembre 1996, R.G.D.O., 1997, p. 227).

§ 5. - Référé en matière administrative

384. Depuis les arrêts de principe de ·la Cour de cassation des 21 octobre 1982 et 21 mars 1985, il est acquis que« le juge des référés ne s'immisce pas dans les attributions du pouvoir exécutif lorsque, statuant au provisoire dans des cas dont il reconnaît l'urgence, il prescrit à l'autorité administrative des mesures et notamment des défenses nécessaires aux fins de prévenir ou de faire cesser une atteinte paraissant portée fauti­vement par cette autorité à des droits subjectifs dont la sauve­garde relève des Cours et tribunaux» (cass., 21 octobre 1982, Pas., 1983, I, 251 ; cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, 908 et concl. de l'avocat général VELU). Cet enseignement arme désormais efficacement les juges des référés pour prendre, à l'égard de l'autorité administrative, les mesures d'injonction ou de défense nécessaires à la protection des droits compromis par une décision apparemment illégale. Ces injonctions - sou­vent qualifiées d'injonctions «négatives» - prennent le plus souvent la forme de mesures de sursis à exécution.

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Il ne saurait être question, dans le cadre de cette chronique, de dresser· un panorama, fût-il succinct, de l'abondante juris­prudence qui, depuis le prononcé de ces arrêts de principe, s'est développée et intensifiée. D'excellentes études existent à ce sujet auxquelles il convient de renvoyer (citons notamment la remarquable synthèse faite par P. LEWALLE, «Le référé administratif», Coll. scient. de la Faculté de droit de Liège, 1993 ; sur l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassa­tion, voy. P. MARCHAL, «Les référés», op. cit., p. 112 et suiv. qui analyse les principales matières dans lesquelles le juge des référés censure l'action administrative : urbanisme, établisse­ments dangereux, incommodes ou insalubres, enseignement, conditions de détention, expropriation, droit des étrangers).

385. Inséré dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par la loi du 19 juillet 1991, l'article 17, § pr, alinéa pr de ces lois dispose que le Conseil d'Etat est seul compétent pour ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif susceptible d'être annulé. Dès l'origine, il a été relevé que la question de savoir comment concilier pareille disposition avec les articles 144 et 145 de la Constitution ne manquerait pas de susciter des difficultés (J. VAN CoMPERNOLLE et G. DE LEVAL, «Le référé administratif: une institution en sursis ~ »,in L'Ad­ministration face à ses juges, éd. Jeune Barreau de Liège, 1987, p. 204 et suiv.). Dans son arrêt du 15 octobre 1993, la Cour de cassation tranche la question sur la base de la distinction opé­rée entre contentieux objectif et subjectif. Elle admet la concurrence de compétence des deux ordres juridictionnels, le Conseil d'Etat pouvant seul suspendre erga omnes l'exécution d'un acte administratif dans la mesure où il peut l'annuler, le juge judiciaire des référés demeurant compétent pour ordonner la protection provisoire d'une atteinte paraissant fautivement portée par l'acte litigieux à un droit subjectif ou prescrire l'aménagement d'une situation d'attente destinée à prévenir cette lésion (cass., ch. réunies, 15 octobre 1993, R.W., 1993-1994, col. 711 et suiv. et concl. du ministère public).

Pareil enseignement s'inscrit dans le prolongement de la théorie dite de «l'objet véritable du recours », selon laquelle la compétence du Conseil d'Etat est exclue si l'objet de la demande (petitum) consiste dans le refus d'une autorité admi-

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nistrative d'exécuter une obligation correspondant à un droit dont le requérant se prétend titulaire et si le ou les moyens invoqués (causa petendi) sont déduits de la disposition qui l'institue (J. VELU, «Le partage des attributions entre le pou­voir judiciaire et le Conseil d'Etat», concl. avant cass., ch. réu­nies, 10 avril 1987, A.P. T., 1987, p. 301 et suiv.).

386. La démarcation tracée entre les compétences des juges judiciaire et administratif a-t-elle été remise en cause par l' ar­rêt de la Cour de cassation du 17 novembre 1994 ( cass., ch. réunies, 17 novembre 1994, J. T., 1995, p. 316 et suiv. et obs. B. HAUBERT; voy. également F. TuLKENS, «Les arrêts du 17 novembre 1994 de la Cour de cassation ou les difficultés des articles 144 et 145 de la Constitution», Journ. procès, 1995, p. 28 et suiv.) 1 L'on peut en douter. Dans cette espèce, la Cour casse une décision du Conseil d'Etat par laquelle la Haute juridiction administrative avait suspendu le refus de la commune de Schaerbeek d'inscrire un étranger sur le registre de la population alors qu'il s'agissait d'un réfugié politique, détenteur d'un titre de séjour l'autorisant à s'établir en Bel­gique. La Cour relève que le recours a «pour objet l'examen de l'attitude de la commune... quant à l'application de la loi du 15 décembre 1980 ... qui dispose, dans son article 17, que l'étranger autorisé à s'établir dans le Royaume est inscrit au registre de la population de la commune de sa résidence». L'arrêt considère que cette formalité était, en l'occurrence, constitutive d'un droit dans le chef de l'intéressé. Cette affir­mation peut, sans doute, donner lieu à discussion. 1\Iais si l'on admet qu'il y a droit subjectif, la position de la Cour est logi­que et s'inscrit dans la ligne classique de sa jurisprudence (en ce sens, P. GILLIAUX, «Les mesures provisoires et conserva­toires dans le contentieux administratif», in Le contentieux interdisciplinaire, Kluwer, 1996, p. 350).

387. Il est néanmoins certain que l'articulation des deux référés - le référé judiciaire et le référé administratif - conti­nuera de susciter de délicates questions de frontières. La théo­rie de l'objet véritable destinée à tracer les limites de la com­pétence du Conseil d'Etat, demeure sujet à interprétations divergentes. Aussi bien, les compétences du pouvoir judiciaire ne sont-elles exclusives que si la contestation - qu'elle soit

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soumise au juge du fond ou au juge du provisoire - porte sur l'existence, l'étendue ou la protection d'un droit subjectif. Or, tout autant que la théorie de l'objet véritable, la notion même de droit subjectif prête à controverses.

Il ne faut point s'étonner que, dans pareil contexte, la Cour de cassation soit régulièrement amenée à préciser son enseigne­ment. Ainsi dans un arrêt du 26 janvier 1995, elle décide que la compétence attribuée au Conseil d'Etat d'ordonner la sus­pension d'un acte d'une autorité administrative ne déroge pas à la compétence du juge des référés d'ordonner la suspension d'un tel acte, lorsque le litige porte directement sur la mécon­naissance par l'administration de l'existence d'un droit subjec­tif ou sur la réparation du préjudice qui résulterait de sa viola­tion {cass., 26 janvier 1995, Pas., 1995, 1, 77; J.L.M.B., 1995, p. 945). Dans cette espèce, cassant un arrêt de la cour d'appel de Liège du 10 novembre 1992, la Cour relève que le litige sou­mis aux tribunaux ne portait pas en l'espèce sur la reconnais­sance d'un droit subjectif mais uniquement sur la question de savoir si l'autorité administrative était compétente pour accomplir l'acte critiqué (en l'espèce le retrait d'une agréa­tion). Comme on a pu l'écrire, la théorie classique de l'objet véritable joue ici, en faveur de la juridiction administrative (P. GILLIAUX, op. cit., p. 351).

En revanche, si la contestation porte sur un droit subjectif, la compétence du juge des référés ne peut être tenue en échec. Dans un arrêt du 25 avril 1996, la Cour décide ainsi que le juge des référés qui constate que la demande est relative à des droits civils subjectifs et que, par l'usage qu'il a fait du permis de bâtir qui paraît lui avoir été irrégulièrement accordé, le titulaire du permis a porté atteinte à ces droits, est compétent pour prendre des mesures ordonnant la cessation de cet usage (cass., 25 avril 1966, R.D.J.P., 1996, p. 202; R. W., 1996, 297, col. 432 ; Pas., 1996, 1, 387 ; voy. également, Bruxelles, 15 janvier 1998, J.L.M.B., 1998, p. 268, concernant la compé­tence du juge des référés pour connaître d'une action par laquelle les riverains d'un aéroport sollicitent des mesures propres à sauvegarder leur droit à un repos nocturne paisible).

388. Ce rapide survol de la jurisprudence de la Cour de cas­sation révèle la faiblesse du critère déduit de «l'objet véri-

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table» du recours. Selon l'angle d'approche, la plupart des litiges mettant en cause la régularité d'un acte administratif peuvent en effet se prêter à une «double lecture juridique» (F. TULKENS, «Les arrêts du 19 novembre 1994 de la Cour de cassation ou les difficultés des articles 144 et 145 de la Consti­tution», in Journal des procès, 1995, p. 28). La distinction entre contentieux objectif et subjectif n'en devient-elle point « largement artificielle » (F. ÜST, « Les référés en matière d'ur­banisme et d'environnement : carrefour ou labyrinthe 1 », in Amén., n° spécial, 1993, p. 45) 1 L'on ne peut, en tout cas, que constater que la ligne de démarcation entre les attributions du Conseil d'Etat et celles du juge judiciaire devient à ce point incertaine qu'elle mène à l'insécurité juridique, tout dépen­dant, en fin de compte, de la manière dont le recours est libellé (pour une critique des incertitudes auxquelles conduit la juris­prudence de la Cour de cassation, voy. la récente étude de E. LEMMENS et J. MAERTENS in Le droit de l'enseignement, For­mation permanente C. U.P., vol. XXVI, octobre 1998, spéciale­ment p. 75 et suiv.).

§ 6. - Référé et conflits collectifs du travail

389. Une abondante littérature a été consacrée à l'interven­tion des présidents dans les conflits collectifs du travail, en ce qui concerne spécialement la question de savoir si le pouvoir judiciaire est compétent dans la matière (sans prétendre être exhaustif, voy. notamment F. KEFER, « Conflits collectifs et recours judiciaires», J. T., 1994, p. 425 et suiv. ; V. VANNES, « Les limites apportées à l'exercice de la grève par les tribu­naux», Cahiers de droit judiciaire, 1992/7, p. 7 et suiv. ; H. FuNCK, «Réflexions sur les interventions du pouvoir judi­ciaire dans les conflits collectifs du travail», Chronique de droit social, 1988, p. 184 et suiv.; P. DE TEMMERMAN, « Kort geding in sociaalrechterlijke zaken », in Sociaal procesrecht, Maklu uit­gevers, p. 164 et suiv.; F. LAGASSE et C. WILLEMS, «Les conflits collectifs du travail : grève, occupation d'entreprise, lock-out», Dossier social, CED Samson, 1993; J. LAENENS, « De rechter in kort geding : laatste bolwerk inzake collectieve verschillen », in Actuele problemen van ardbeidsrecht, Antwer-

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pen, 1990, p. 298; P. HUMBLET, « Kort geding en collectief conflict : diabolische proceduur of laatste rechtsmiddel tegen syndicaal hooliganisme 1 », in «De norm achter de regel », Hommage à Marcel STORME, Story-Scientia, 1995, p. 138, et suiv. ; G. DEMEZ, «Les conflits collectifs du travail à l'épreuve du pouvoir judiciaire », in Les conflits collectifs en droit du travail, Publications des facultés universitaires Saint­Louis, Bruxelles, 1989, p. 39 et suiv. ; du même auteur, « Aspects actuels du référé social », in Les procédures en référé, Formation permanente C. U.P., vol. XXV, 1998, p. 65 et suiv.).

390. L'opinion selon laquelle les Cours et tribunaux n'au­raient pas le pouvoir d'intervenir dans un conflit collectif du travail n'est plus guère défendue dans l'état actuel de la juris­prudence, même si l'on peut douter que la compétence des tri­bunaux en la matière ait été confirmée par l'arrêt de la Cour de cassation du 31 juillet 1997. Rejetant le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui, se pronon­çant sur la demande de cessation des voies de fait constituées par des actions et des piquets de grève à l'entrée des centres de distribution de Delhaize, avait rejeté cette demande en esti­mant que l'apparence de droit dans le chef de la demanderesse n'était pas suffisamment établie, cet arrêt ne se prononce en effet que très indirectement sur la question au travers d'une exception d'irrecevabilité de moyen (cass., 31 janvier 1997, R.D. C.B., 1997, 367, Chroniques de droit social, 1998, 23 et obs. de T. HuMBLET; R. W., 1997-1998, 605 et p. 598, note J. LAE­NENS et 1\1. RIGAUX).

Certes, « le juge des référés n'est pas compétent pour appré­cier la légitimité d'une revendication mais si, à l'occasion d'un mouvement de grève, il se produit des atteintes à des droits subjectifs qui sont des incidents détachables du mouvement de grève, on reconnaît au juge des référés la possibilité d'interve­nir pour prononcer les injonctions nécessaires» (G. DE LEVAL, «Le référé», in Formation permanente des huissiers de justice, septembre 1998, p. 27 qui considère que l'arrêt de cassation du 31 janvier 1997 précité a implicitement admis la compétence des tribunaux judiciaires en matière de conflits collectifs).

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391. La compétence du juge des référés doit, de la sorte, être soigneusement circonscrite. Si le président se reconnaît compétent c'est en prenant soin de constater «que l'enjeu du différend n'est pas le conflit social en lui-même mais le règle­ment de droits subjectifs menacés par des comportements qua­lifiés de voies de fait qui se produisent à l'occasion du conflit : ce sont ces incidents périphériques, détachables en quelque sorte du mouvement de grève, que le juge appréhende » (F. ÜST, «Les conflits collectifs en droit du travail : solution négociée ou intervention judiciaire~», Rapport général de syn­thèse, in Les conflits collectifs en droit du travail, Publications des Facultés universitaires St-Louis, Bruxelles, 1989, p. 115). Seront ainsi, par exemple, prises en considération les entraves à la libre circulation des produits d'une entreprise étrangère au conflit social (ainsi, par ex., à propos de l'affaire Oarlam, civ. Charleroi, réf., 28 novembre 1986, et 1\fons, 9 décembre 1986, Jurispr. Lg, 1987, p. 310 ; J. T. T., 1987, p. 134), la protection du droit de propriété menacée par une occupation constitutive d'une «voie de fait» (ainsi dans l'affaire Stenuick, civ. Charle­roi, réf., 24 août 1987, et 23 décembre 1987, R.D.S., 1987, 475, 4 78 et 481 ; Mons, 2 mars 1988, Ohron. dr. soc., 1988, p. 160) ou encore la protection de tiers liés par contrat avec la société paralysée par la grève ( voy. ainsi la célèbre affaire Cuivre et zinc, civ. Liège, réf., 29 octobre 1986, Jurispr. Lg, 1986, 610 et Liège, 12 novembre 1986, Jurispr. Lg, 1986, 705 ainsi que Liège, 19 novembre 1986, Jurispr. Lg, 1986, 710 ; voy. égale­ment l'affaire Oarkoke, civ. Bruxelles, réf., 3 novembre 1987 et Bruxelles, 3 décembre 1987, Ohron. dr. soc., 1988, p. 170 et suiv.).

En d'autres termes, le juge des référés asseoit sa compétence non pour apprécier le bien-fondé des revendications ou pour s'ingérer dans la pesée des intérêts socio-économiques en conflit, mais pour protéger, dans le cadre strict d'un contrôle de légalité, certains droits subjectifs menacés ou méconnus, tels le droit de propriété, le droit de circulation, le droit de libre accès, le droit au travail (P. MARCHAL, «Les référés», cit., n° 156 et les réf. ; pour des exemples récents, voy. notamment Bruxelles, 4 février 1994, J.L.M.B., 1994, p. 657 ; civ. Liège, réf., 3 janvier 1996, J.L.M.B., 1996, p. 311 ; civ. Nivelles, réf.,

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23 avril 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1256 ; civ. Liège, réf., 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 802).

392. L'intervention du juge des référés dans les conflits col­lectifs du travail suscite de multiples questions qui débordent le seul aspect de la compétence du pouvoir judiciaire. Ainsi qu'en est-il, en cette matière, du recours à la requête unilaté­rale, généralement justifié ( voy. supra, n ° 358) par cela qu'on ne peut identifier les personnes à l'encontre desquelles la mesure est sollicitée ? Le juge peut-il, pour assurer l'effectivité de sa décision, comminer une astreinte ? Ces questions sont délicates. On y reviendra ultérieurement dans l'examen de jurisprudence consacré à la procédure et aux voies d'exécu­tion.

§ 7. - Référé en matière pénale

393. La question de savoir si le juge des référés peut inter­venir en matière pénale a donné lieu à une jurisprudence contrastée. Dans son arrêt du 21 mars 1985 (Pas., 1985, I, p. 908 et concl. avocat général VELU), la Cour de cassation admet que, sous réserve du cas où l'i:r:.itervention du juge des référés serait incompatible avec les lois et les principes régis­sant la compétence des juridictions pénales, la circonstance que l'acte dépend d'une action pénale ne saurait constituer un obstacle à ·cette intervention, cet acte fût-il accompli en exécu­tion d'une décision d'un magistrat du ministère public. Cette solution - très favorable à la compétence du juge des référés - a été profondément corrigée par l'arrêt du 27 juin 1986 (Pas., 1986, I, 1131) dans lequel la Cour décide que le président du tribunal siégeant en référé ne peut intervenir en matière répressive que pour autant que les règles régissant l'action publique ne s'y opposent pas. Prolongeant cette juris­prudence restrictive, l'arrêt du 2 novembre 1995 décide que «le juge des référés ne peut se substituer au Procureur du Roi aux fins de décider, dans l'intérêt de l'action publique, si les choses saisies et scellées sur place au cours d'une information ont servi à commettre une infraction, ont été destinées à la commettre ou si elles ont été produites par l'infraction ou peu­vent servir à la manifestation de la vérité, l'apposition des

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scellés ne concernant pas une voie de fait» (cass., 2 novembre 1995, Pas., 1995, I, 988).

394. En présence des nombreuses lacunes du Code d'ins­truction criminelle en ce qui concerne notamment la protec­tion des droits des particuliers à l'égard des actes du juge d'instruction ou du ministère public, cette jurisprudence avait suscité des commentaires relativement critiques (sur l'en­semble de la question, voy. spécialement F. KEFER et 1\1. FRANCHIMONT, « Référé en matière pénale », Actualités du droit, 1992, 1025 et suiv.; J. DE CoDT, «L'autonomie du droit pénal et la juridiction des référés », Rev. dr. pén., 1991, p. 225).

Ces controverses sont désormais, pour une bonne part, deve­nues sans objet. Les nouvelles dispositions de la loi du 12 mars 1998 relatives à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction instituent en effet ( arti­cles 28sexies et 6lquater nouveaux du Code d'instruction crimi­nelle) ce qu'il est convenu d'appeler le «référé pénal». Désor­mais, toute personne lésée par un acte d'information ou d'ins­truction relatif à ses biens, peut en demander la cessation au Procureur du Roi ou au juge d'instruction, avec possibilité de recours devant la Chambre des mises en accusation en cas de refus ou d'absence de réponse. Dans la mesure où ces nouvelles dispositions confèrent expressément compétence aux juridic­tions répressives pour statuer sur ces contestations, celles-ci échappent désormais à la juridiction des référés (D. V ANDER­MEERSCH et 0. KLEES, « La réforme Franchimont », J. T. , 1998, p. 435 et suiv.). Il en est de même des demandes d'accès au dossier émanant de l'inculpé non détenu ou de la partie civile, l'article 6Iter nouveau du Code d'instruction criminelle ouvrant désormais un droit de recours contre les décisions du juge d'instruction devant la Chambre des mises en accusation (D. VANDERMEERSCH et O. KLEES, ibid.' p. 431 et suiv.).

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Le Comité de direction de la Revue critique fut présidé depuis 1989 par l\fonsieur Jean Van Ryn qui avait vécu la fon­dation de la Revue. Ce fut pour elle un privilège inestimable. La démission qu'il nous a présentée, à notre regret, nous prive du concours d'un des plus grands juristes belges.

Ce n'est ni le moment ni le lieu de rappeler l'abondante pro­duction scientifique de cet éminent auteur qui domina le droit commercial et dont la renommée à l'étranger consacrait toute l'influence. Les « Principes » écrits avec la collaboration et ensuite la co-rédaction de Jacques Heenen, ouvrage de base s'il en est, nourri de consultations et de décisions judiciaires, ont dès leur publication et à chaque réédition, éclairé le droit des affaires et conduit son évolution.

l\:lonsieur Van Ryn a écrit dans de nombreuses revues belges et étrangères. Nous nous bornerons à rappeler ce qu'il a donné à notre Revue. Plusieurs de ses études, toujours écrites en un style lumineux et concis, ont marqué les étapes majeures du droit commercial et du droit des obligations : le dommage né du décès du concubin (1947, première année de la Revue criti­que}, la modification des droits de certaines catégories d'ac­tions (1948), le tiers complice de la violation d'un contrat (1951, avec J. Limpens}, le concours de la responsabilité contractuelle et délictuelle (1957), le rachat par une société de ses propres actions (1960), le droit propre de la victime contre l'assureur du conducteur (1963}, le transfert du siège social (1966}, l'esprit de lucre et le droit commercial (1974).

l\fonsieur Van Ryn a assumé la responsabilité d'examens de jurisprudence dont la publication était particulièrement atten­due tant leurs effets sur la jurisprudence et sur la pratique étaient certains : examens sur les sociétés commerciales en 1951, 1954, 1958 (avec P. Van Ommeslaghe désormais), 1962, 1967, 1973, 1981; sur les opérations de crédit et de bourse avec R. Henrion en 1951 et 1954, avec J. Heenen, en 1962 et 1972; sur le droit maritime en 1958 avec J. Heenen, comme en 1967.

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Lorsqu'il présidait le comité de direction, l'autorité de 1\fon­sieur Van Ryn était aussi cordiale que ferme. Il n'acceptait ni les discussions qui se prolongeaient ni celles qui s'égaraient de l'ordre du jour. «Nous avons terminé sur ce point» était davan­tage qu'une simple indication. Il était particulièrement attaché à ce qui avait été écrit, non seulement dans les statuts de l' Asbl ou dans le règlement du Prix, mais également quant aux dates convenues avec les auteurs des chroniques et des notes d'observations, la ponctualité trimestrielle à laquelle veillait M. Heenen y trouvait un appui considérable. Durant les délibérations du comité, ses membres ont toujours apprécié la sérénité et la grande ouverture d'esprit de celui qui condui­sait les débats.

Aux heures capitales de la vie de notre Revue, Monsieur Van Ryn eut l'occasion de donner le meilleur de lui-même. Par deux fois et dans des conditions peu prévisibles, il fut celui qui rechercha et proposa un nouveau rédacteur en chef dont le choix était déterminant pour que la Revue se maintienne au niveau de qualité qui est sa tradition et qui reste son ambi­tion. Le choix de Monsieur Jacques Heenen en 1980, se révéla essentiel; tous admirèrent l'inlassable dévouement avec lequel Monsieur Heenen remplit cette tâche de 1980 à 1996.

Nous manquerions au devoir de mémoire si nous omettions l'importante initiative dont Monsieur V an Ryn fut le principal promoteur : la création en 1990 d'un Prix quinquennal doté d'un montant significatif. Ce prix, dès sa fondation, provoqua un intérêt très considérable dans tout le pays. Il s'agissait non seulement de récompenser ceux qui, souvent dans des condi­tions ingrates, s'investissent dans la rédaction d'ouvrages diffi­ciles mais aussi de prouver, avec quelque solennité, que la Revue entend comme association sans but lucratif participer très concrètement à l'enrichissement de la doctrine belge.

L'influence de 1\fonsieur Van Ryn aura, dès sa fondation, marqué la Revue critique. Elle restera très vive. Qu'il veuille recevoir l'assurance de notre immense gratitude.

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Prix de la « Revue critique de jurisprudence belge »

La Revue critique a institué un prix quinquennal destiné à récompenser l'auteur ou les auteurs d'un ouvrage scientifique de grand mérite et constituant, dans les matières qui sont habituellement traitées à la Revue critique, une contribution substantielle au déve­loppement de la science juridique. Son but est particu­lièrement d'encourager les jeunes auteurs de talent.

L'ouvrage doit porter principalement mais non exclusivement, sur le droit belge. Il doit être rédigé en langue française ou en langue néerlandaise.

Ne seront retenus ni les articles, ni les études n'ayant pas une ampleur plus grande que celle d'un article.

Il sera décerné une troisième fois en 2000, son mon­tant étant de 15.000 euros.

Le jury ne pourra retenir que les ouvrages publiés moins de cinq ans avant le 15 janvier 2000. Sept exem­plaires devront être remis avant cette date à l'inten­tion des membres du jury et envoyés à l'adresse du professeur Pierre Coppens, avenue Louise, 81, à 1050 Bruxelles.

Page 132: EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1985 à 1998)Article 221 du Code civil . 2. Article 223 du Code civil . . n " 215 à 217 . n " 218 à 221 . n " 222 à 224 .n " 225 et 226 . n " 227 à 229

Prijs van de «Revue critique de jurisprudence belge»

De Revue critique heeft een vijfjaarlijkse prijs inge­steld ter beloning van de auteur of auteurs van een hoogstaand wetenschappelijk werk dat een wezenlijke bij drage levert tot de ontwikkeling van de rechts­wetenscha p in één van de materies die gewoonlijk in de Revue critique worden behandeld. De bij zondere bedoeling is het aanmoedigen van jonge auteurs met talent.

Het werk moet hoofdzakelijk, doch niet uitsluitend, betrekking hebben op het Belgisch recht. De bijdrage moet in het Frans of het N ederlands zijn opgesteld.

Bijdragen of scripties die geen grotere draagwijdte hebben dan een artikel, komen niet in aanmerking.

De prijs zal voor de derde maal worden toegekend in 2000. Hij bedraagt 15.000 euros.

De jury zal enkel rekening houden met werken die werden gepubliceerd in en periode van vijf j aar v66r 15 januari 2000. Het werk moet v66r deze datum in zeven exemplaren ter attentie van de juryleden wor­den overgemaakt door verzending aan het adres van Professor Pierre Coppens, Louizalaan, 81, 1050 Brus­sel.