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13-4-18 Imprimir: Références de Freud et de Lacan sur l'usage de drogues www.fcl-b.be/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=194 1/6 Forum psychanalytique de Bruxelles http://www.fcl-b.be/spip.php?article194 Références de Freud et de Lacan sur l’usage de drogues Evelyne CHAMBEAU (Bruxelles) TEXTES DE FREUD De la coca (1884) (R. Byck, 1976,pp.75-98) Freud décrit l’effet de la cocaïne comme un effet général de bien-être. Il reconnaît néanmoins que le type d’action qu’elle exerce connaît des différences individuelles. Il différencie les conséquences de l’intoxication à la cocaïne de celles dues à l’usage d’alcool. Pour lui, l’enjouement et l’euphorie provoquées par la consommation de cocaïne ne se distingue en rien de l’euphorie normale, il n’y aurait lors de la consommation de cocaïne ni le sentiment d’altération ni la poussée vers une action immédiate qui accompagne l’état de gaieté dû à l’alcool. Notre auteur sépare l’action de la coca sur les personnes en bonne santé d’un possible usage thérapeutique de celui-ci et propose l’utilisation thérapeutique de cette substance dans les cas de désintoxication à la morphine. Freud insiste ici sur l’inexistence d’accoutumance à la coca et sur le fait que la désintoxication d’un morphinomane au moyen de la coca ne conduit pas à le transformer en cocaïnomane. Addenda à la coca (février 1885) (R. Byck, 1976, pp.122-124) Freud insiste en tout premier lieu sur la diversité des réactions individuelles à la coca. Il dégage cependant un effet constant : une plus grande capacité à travailler et une réduction de la faim et de la fatigue. A propos de l’action générale de la cocaïne (mars 1885) (R. Byck, 1976, pp.125-130) Freud insiste à nouveau sur le fait que l’état d’euphorie dû à la consommation de cocaïne se distingue de celui qui apparaît après consommation d’alcool et ne diffère absolument pas de l’état dans lequel on se sent habituellement. L’auteur insiste à nouveau sur les dispositions individuelles dans l’efficacité de cette substance et sur la variation - selon les personnes - des symptômes subjectifs liés à la coca. D’autre part, au niveau thérapeutique, il constate deux effets possibles de la cocaïne sur les morphinomanes : -une atténuation des symptômes observés chez les personnes en désintoxication. -une disparition possible de l’appétence à la morphine. Freud avance également ne pas avoir observé d’accoutumance à la coca mais plutôt du dégoût. Il conclut donc en conseillant - sans hésiter (ce sont ses mots) - l’administration de cocaïne en injections sous-cutanées dans ce type de désintoxication. Freud réclame également dans ce texte l’expérimentation de la cocaïne à faible dose dans les affections psychiatriques. Pour lui en effet, l’efficacité de ce produit dans ces cas reste encore à démontrer. Cocaïnomanie et cocaïnophobie (juillet 1887) (R. Byck, 1976, pp.169-174) Freud constate que des morphinomanes sont devenu cocaïnomanes en abusant de la cocaïne qui leur était proposée comme traitement. Il pense néanmoins que cette dépendance à la cocaïne -si elle est bien existante - ne peut

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Forum psychanalytique de Bruxelles http://www.fcl-b.be/spip.php?article194

Références de Freud et de Lacansur l’usage de drogues

Evelyne CHAMBEAU (Bruxelles)

TEXTES DE FREUD

De la coca (1884) (R. Byck, 1976,pp.75-98)

Freud décrit l’effet de la cocaïne comme un effet général de bien-être. Il reconnaît néanmoinsque le type d’action qu’elle exerce connaît des différences individuelles.

Il différencie les conséquences de l’intoxication à la cocaïne de celles dues à l’usage d’alcool.Pour lui, l’enjouement et l’euphorie provoquées par la consommation de cocaïne ne sedistingue en rien de l’euphorie normale, il n’y aurait lors de la consommation de cocaïne ni lesentiment d’altération ni la poussée vers une action immédiate qui accompagne l’état degaieté dû à l’alcool.

Notre auteur sépare l’action de la coca sur les personnes en bonne santé d’un possible usagethérapeutique de celui-ci et propose l’utilisation thérapeutique de cette substance dans lescas de désintoxication à la morphine. Freud insiste ici sur l’inexistence d’accoutumance à lacoca et sur le fait que la désintoxication d’un morphinomane au moyen de la coca ne conduitpas à le transformer en cocaïnomane.

Addenda à la coca (février 1885) (R. Byck, 1976, pp.122-124)

Freud insiste en tout premier lieu sur la diversité des réactions individuelles à la coca. Ildégage cependant un effet constant : une plus grande capacité à travailler et une réductionde la faim et de la fatigue.

A propos de l’action générale de la cocaïne (mars 1885) (R. Byck, 1976, pp.125-130)

Freud insiste à nouveau sur le fait que l’état d’euphorie dû à la consommation de cocaïne sedistingue de celui qui apparaît après consommation d’alcool et ne diffère absolument pas del’état dans lequel on se sent habituellement.

L’auteur insiste à nouveau sur les d ispositions individuelles dans l’efficacité de cette substanceet sur la variation - selon les personnes - des symptômes subjectifs liés à la coca.

D’autre part, au niveau thérapeutique, il constate deux effets possibles de la cocaïne sur lesmorphinomanes :

-une atténuation des symptômes observés chez les personnes en désintoxication.

-une disparition possible de l’appétence à la morphine.

Freud avance également ne pas avoir observé d’accoutumance à la coca mais plutôt dudégoût. Il conclut donc en conseillant - sans hésiter (ce sont ses mots) - l’administration decocaïne en injections sous-cutanées dans ce type de désintoxication.

Freud réclame également dans ce texte l’expérimentation de la cocaïne à faible dose dans lesaffections psychiatriques. Pour lui en effet, l’efficacité de ce produit dans ces cas reste encoreà démontrer.

Cocaïnomanie et cocaïnophobie (juillet 1887) (R. Byck, 1976, pp.169-174)

Freud constate que des morphinomanes sont devenu cocaïnomanes en abusant de la cocaïnequi leur était proposée comme traitement.

Il pense néanmoins que cette dépendance à la cocaïne -si elle est bien existante - ne peut

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l’être que chez les morphinomanes qui auraient des caractéristiques bien particulières etdifférentes de l’homme sain. Voilà ce qu’il en dit :

"Toutes les observations sur la cocaïnomanie et sur la détérioration causée par la cocaïne serapportent à des morphinomanes, c’est-à-dire à des personnes qui étaient déjà tombées sousles griffes du démon. La faiblesse de leur volonté et leur besoin d’excitants étaient à l’originede l’abus qu’elles commettaient de tous les stimulants qu’on leur proposait." (p.170)

Nous constatons ici que Freud défend une position catégorielle : les morphinomanes (versusles normaux ) : personnes ayant des caractéristiques bien particulières. Ce n’est pas sur cechemin que nous suivrons Freud.

Poursuivons le texte.

Freud avance à nouveau le caractère grandement idiosyncrasique de la sensibilité despersonnes à la cocaïne. Il conclut dès lors sur l’impossibilité de prévoir les effets de la cocaïne.Ainsi, son article se termine sur une décision de sa part qui contredit ce qu’il avait avancéjusque là :

"Étant donné qu’en général on ne connaît pas le degré de cette sensibilité, qu’on a guèreaccordé beaucoup d’importance à ce facteur de disposition individuelle, je pense qu’il convientde cesser le plus vite possible de soigner les maladies internes et nerveuses par desinjections sous-cutanées de cocaïne." (p.173)

La sexualité dans l’étiologie des névroses (1896)

Dans ce texte, Freud avance que les narcotiques sont destinés à jouer le rôle de substituts -directement ou par voie détournée - de la jouissance sexuelle manquante. Là où ne peut pluss’instaurer une vie sexuelle normale, on peut dès lors s’attendre avec certitude à la rechute dudésintoxiqué.

Naissance de la psychanalyse (1897)

En 1897, dans une lettre à Fliess, Freud définit le besoin d’alcool, de morphine, de

tabac, comme des substituts, comme des produits de remplacement de la "seule grandehabitude de l’être humain, la masturbation" (p.211).

L’intoxication chronique n’est pas pour Freud équivalente à la masturbation mais toutes deuxseraient motivées par une insatisfaction et consisteraient en une recherche substitutive desatisfaction sexuelle. En effet, le rapport sexuel n’arrive jamais à égaler la trace que laissechez le sujet le passé de la jouissance. C’est ici que la position de Freud prend une dimensionpolitique. A cet endroit, le monde social fait offre d’un produit que les connaissancesscientifiques présentent comme pouvant pallier ce que la jouissance rate.

Les lacaniens utilisent ce concept freudien de substitution afin de défendre la conception selonlaquelle la pratique de consommation de produits n’est pas la vraie dépendance de l’êtrehumain et que sa vraie dépendance, c’est la jouissance masturbatoire dans la mesure où ellereprésente le mieux une jouissance une, une jouissance narcissique.

La substitution freudienne rend ainsi la jouissance et non pas l’objet de substitutionresponsable de l’opération de substitution.

Le cas Dora. Conclusions.(1905)

"Une théorie de la sexualité ne pourra, je le suppose, se dispenser d’admettre l’actionexcitante de substances sexuelles déterminées. Ce sont les inoxications et les phénomènesdus à l’abstinence de certains toxiques, chez les toxicomanes qui, parmi tous les tableauxcliniques que nous offre l’observation, se rapprochent le plus des vraies psychonévroses." (p.85. Les cinq psychanalyses. PUF. 1954)

La vie sexuelle : Chapitre IV : Contributions à la psychologie de la vie amoureuse (1910)

Freud parle de mariage heureux entre le buveur et son vin. Pour lui, le vin apporte toujours aubuveur la même satisfaction toxique (la même ? Le buveur ne doit-il pas toujours augmentersa consommation pour obtenir satisfaction ?). L’objet : l’alcool reste le même. Ainsi donc, larelation entre le buveur et son objet montrerait que la satisfaction d’une pulsion par un objetn’entraîne pas forcément un abaissement de la valeur psychique de celui-ci. Il semble en effetque le buveur ne soit pas contraint de changer sans cesse d’objet afin de stimuler unesatisfaction qui baisserait mais qu’au contraire l’accoutumance resserrerait toujours davantagele lien qui existe entre l’homme et le vin qu’il boit. Pour Freud, la relation qui existe entre lesgrands alcooliques et leur vin, évoquent l’harmonie la plus pure et le modèle d’un mariage

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heureux.

Notre auteur se demande alors pourquoi la relation de l’amant à son objet est si différente.

Selon lui, il y aurait quelque chose dans la nature même de la pulsion sexuelle qui ne seraitpas favorable à la réalisation de sa pleine satisfaction .

En effet, l’objet sexuel premier, la mère le représente et il est interdit, perdu à jamais. Ainsi,l’objet final de la pulsion n’est plus l’objet originaire, il en est un substitut.

"lorsque l’objet originaire d’une motion de désir, s’est perdu à la suite d’un refoulement, il estfréquemment représenté par une série infinie d’objets substitutifs, dont aucun ne suffitpleinement. " (p.64)

Voilà qui explique, selon Freud, l’inconsistance dans le choix d’objet qui caractérise la vieamoureuse.

Les objets d’amour n’étant que des substituts de l’objet originaire du désir, chacun d’eux nepeut que faire regretter l’absence de la satisfaction vers laquelle on tend. Il ne peut dés lorsqu’avoir sériassions ce qui contredit directement la condition de fidélité. (p.51)

Pour Freud, cela explique la grande différence que l’on constate entre le mariage heureux dubuveur et la relation de l’amant à son objet.

Les lacaniens vont reprendre ce constat à leur compte en étudiant la relation de l’amant et del’alcoolique à leur objet à partir des deux concepts fondamentaux de la métonymie et de lamétaphore. Pour l’amant, il y a métonymisation des objets, mise en série marquée d’un traitd’infinitisation. Pour le buveur par contre, son vin est unique, il met fin à la chaînemétonymique, il la clôt, la limite à du même.

Lettre de Freud à Ferenczi (1916)

Dans cette remarque, Freud explique pourquoi selon lui, les consommateurs avérés de drogueet d’alcool sont inaptes à la cure psychanalytique. Ils y sont inaptes parce que dès que lapremière difficulté se présente à eux dans le traitement, ils ont recours à leur réponsehabituelle : la drogue ou l’alcool.

Malaise dans la civilisation (1929)

Pour Freud, telle qu’elle nous est imposée, notre vie est trop lourde, elle nous inflige trop depeines, de déceptions, de tâches insolubles et nécessite donc pour être supportable que nousemployons des sédatifs. L’auteur nous dit que ceux-ci peuvent être de trois ordres : les fortesdiversions, qui permettent de considérer notre misère comme peu de chose (exemple : letravail scientifique) ; les satisfactions substitutives, qui amoindrissent notre misère (exemple :l’art) et enfin les stupéfiants qui y rendent insensibles. Pour Freud, l’un ou l’autre de cesmoyens nous est indispensable.(pp.18-19)

Ainsi donc, si l’homme aspire au bonheur, une telle tendance peut prendre deux faces : soitl’évitement des douleurs et des privations, soit la recherche de forte jouissance. Or selonFreud, les méthodes de protection contre la souffrance les plus intéressantes sont celles quivisent à influencer notre propre organisme et parmi ces méthodes destinées à exercer pareilleinfluence corporelle, la plus brutale mais aussi la plus efficace est la méthode chimique :l’intoxication.

Pour notre auteur, certaines substances étrangères à notre corps nous procurent nonseulement des sensations agréables immédiates mais aussi des modifications des conditionsde notre sensibilité au point de nous rendre inapte à toute sensation désagréable. Pour luid’ailleurs, ces deux effets sont simultanés et étroitement liés (p.22).

Notre auteur répartit les effets de l’intoxication en trois parties :

premièrement, celle-ci amène une jouissance immédiate ; deuxièmement, ce que Freud appelleaussi les "briseurs de soucis" permettent un degré d’indépendance ardemment souhaité àl’égard du monde extérieur car ils permettent de se réfugier dans un monde à soi qui réservede meilleures conditions à la sensibilité et qui permettent donc de se soustraire du fardeau dela réalité. Troisièmement, dans certaines circonstances, ils sont responsables du gaspillage degrandes sommes d’énergie qui pourraient s’employer à l’amélioration du sort des humains.

Ainsi donc pour Freud, il y a un danger et une nocivité à l’utilisation des stupéfiants et cedanger provient justement des propriétés qui sont les leurs et que nous avons citées plushaut.(p.23)

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Dans cet ouvrage, Freud nous parle aussi de l’intoxication dans une perspective pluspsychopathologique et ce après qu’il ait fait le point sur l’ensemble des voies que l’on peutprendre afin d’approcher la réalisation (irréalisable) du principe de plaisir : être heureux .

Pour Freud, la dernière technique vitale qui s’offre à l’homme et qui promet au moins dessatisfactions substitutives est la fuite dans la maladie nerveuse. Cette fuite, pour Freud, est lasolution qui est généralement choisie dès un jeune âge, quand l’homme voit ses efforts vers lebonheur frustrés. L’intoxication chronique par contre tout comme la psychose, sont d’après luides choix qui se feraient dans un âge plus avancé. (pp.29-31)

Lors de ces conclusions, Freud nous dit que nous ne saurions réaliser tout ce que noussouhaitons par aucune de ces voies et que réfléchir à la possibilité d’un "bonheur relatif" estun problème d’économie libidinale. Selon lui, aucun conseil ne peut être valable pour tous,chacun doit chercher par lui-même la façon dont il peut devenir heureux. Ainsi, toute décisionextrême comporte une sanction en faisant courir au sujet les dangers inhérents à l’insuffisancede toute technique vitale exclusive. (pp.29-30)

Dans "Malaise dans la civilisation", Freud ne tient pas un discours sur la toxicomanie mais undiscours sur la fonction des produits.

Conclusions

Nous voyons un double passage se produire dans l’évolution des conceptions de Freud sur lesdrogues.

Premièrement, il y a passage du choix pour le principe de plaisir et le bien être à l’apparition deson au-delà, de la pulsion de mort au travers de la répétition.

Deuxièmement, il y a passage du choix de la drogue comme thérapeutique vers l’ouvertured’une position clinique où la fonction de la drogue pour un sujet est vue comme la solution laplus rapide et la plus efficace au problème du malaise dans la civilisation.

Nous voyons cependant chez lui dès le départ, la constatation prégnante de l’impact desdifférences individuelles sur les effets de la consommation de produits toxiques.

TEXTES DE LACAN

Propos sur la causalité psychique. (28-9-1946)

Dans ce texte, Lacan compare les drogues à l’Oedipe. Voilà ce qu’il dit à propos de la criseoedipienne : "Je n’hésite pas à dire qu’on peut démontrer que cette crise à des résonancesphysiologiques, - et que, toute purement psychologique qu’elle soit dans son ressort, unecertaine "dose d’Oedipe" peut être considérée comme ayant l’efficacité humorale del’absorption d’un médicament désensibilisateur". (les écrits, pp.182-183)

Fonctions de la psychanalyse en criminologie. (29-5-1950)

Dans cet article, Lacan développe les raisons pour lesquelles le psychanalyste n’utilisera pasles procédés de narcose pour dépasser la dénégation des criminels. Dans ce cas comme dansles autres d’ailleurs, la vérité ne peut apparaître, ne peut être saisie que dans une dialectiqueen marche et certes pas dans son inertie : c’est moins le contenu de la révélation del’inconscient refoulé que le ressort de sa reconquête, qui fait l’efficace du traitement.

"Ne cherchons point la réalité du crime pas plus que celle du criminel par le moyen de lanarcose (...) la réalité, qu’il s’agisse de la motivation du sujet ou parfois de son action elle-même, ne peut apparaître que par le progrès d’un dialogue que le crépuscule narcotique nesaurait rendre qu’inconsistant."

"La narcose comme la torture a ses limites : elle ne peut faire avouer au sujet ce qu’il ne saitpas." (p.144)

Conférence du 16 février 1966 "psychanalyse et médecine"

Lors de cette conférence, Lacan développe ce que nous appellerons sa conception politique duproblème des drogues. Selon lui, le monde scientifique déverse entre les mains du médecin lenombre infini de ce qu’il peut produire comme agents thérapeutiques nouveaux, chimiques oubiologiques et lui demande - comme à un agent distributeur - de les mettre à l’épreuve dans lepublic. (Lacan, psychanalyse et médecine, p.39)

Pour Lacan, les drogues sont une forme de matérialisation de certains effets du discours de lascience et illustre exemplairement le rapport que la science entretient avec les effets de sondiscours. La science en effet n’a aucun savoir sur les effets qu’elle produit et ce parce que les

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effets sont distribués dans un monde où la dimension même de la jouissance est incluse alorsque la science exclut cette dimension (cette exclusion se voit particulièrement bien dans leseffets que les progrès de la science a sur la relation de la médecine avec le corps. Dans cetterelation l’exclusion de la jouissance réduit le corps à la dimension de l’étendue et oublie tout àfait que le corps est quelque chose qui avant tout est fait pour jouir, pour jouir de soi-même(p.42)). La toxicomanie à donc deux faces : une face, effet du discours de la science, une face :jouissance1. La drogue, est le point de rencontre entre l’effet de discours de la science et ladimension de la jouissance en tant qu’elle est exclue de ce discours.

Or, l’expérience analytique nous révèle que la dimension de la jouissance est toujoursprésente et qu’elle fait toujours retour quand on l’exclut. C’est à partir de ce postulatthéorique là que Lacan dit qu’ici, la jouissance fait retour à l’intérieur même des effets dudiscours de la science qui l’exclut et met ainsi en échec le discours du maître. En effet, lajouissance est ce qui rend compte du débordement constaté au regard d’une utilisationnormée de ces produits, c’est ce qui amène une dimension d’imprévu qui s’oppose à la maîtrisedes effets du discours et c’est donc ce qui met en échec le discours de la science.

Cela a des conséquence sur la manière dont on va appréhender la toxicomanie car l’exclusionde la jouissance ne permet d’appréhender l’usage des produits - quand celui-ci dépasse dansses conséquences les normes pour lesquels il avait été pensé - , qu’à partir d’un jugementdiscriminatoire. En effet, face à cette perte de maîtrise, face à l’ouverture de sa faille, lascience qui a une volonté de maîtrise, de complétude ne peut que répréhender les usages quidépassent les normes prévues.

Ainsi, sans une éthique incluant la dimension de la jouissance, il n’y a aucune raison d’espérerune critique autre que celle ségrégative et policière de l’usage de ces produits.

On peut se demander si cette réflexion doit être limitée au discours de la science ou si elleconcerne tout discours de maîtrise et donc la société (définie comme véhiculant les discours)en tant que traversée et contaminée par le discours scientifique.

Discours de clôture aux journées des cartels 1975

L’auteur lie dans ce texte l’utilisation de la drogue et la castration.

Pour Lacan, la castration est une jouissance puisqu’elle nous délivre de l’angoisse, angoissequi apparaît au moment où le petit bonhomme ou la petite bonne femme s’aperçoit qu’il estmarié avec sa "queue", avec son "petit-pipi". Ainsi, la petite fille est plus heureuse nonseulement parce que pour elle, ça s’étale plus puisqu’elle mettra un certain temps às’apercevoir que le petit pipi elle n’en a pas mais aussi parce que si ça lui fout de l’angoisse, cemariage, c’est uniquement par référence à celui qui en est affligé.

Pour Lacan donc, tout ce qui permet d’échapper à ce mariage est bien venu et c’est cela quiexplique toujours selon lui le succès de la drogue . C’est à ce moment que Lacan donne unedéfinition de la drogue, définition qu’il estime être la seule : "la drogue, c’est ce qui permet derompre le mariage avec le petit pipi."(p.268)

Remarquons que directement cette définition met en rapport la castration et la drogue , toutesdeux ayant pour fonction de réduire l’angoisse. D’un autre côté, il y a opposition entre rupture(établie par la drogue) et castration (établie par le symbolique). Il serait intéressant d’étudierplus en détail ces oppositions et ces rapprochements.

J.-L. Aucremanne a étudié ce point lors d’un séminaire consacré aux problèmes de latoxicomanie et de l’alcoolisme à l’Ecole de la Cause freudienne. Ainsi pour lui, dans lacastration, il ne s’agirait pas de rompre ou d’échapper à un mariage mais bien plutôt desymboliser le mariage, d’y introduire un contrat, il s’agirait de faire avec un élément séparé (lajouissance) une symbolisation de la séparation permettant de rentrer dans une fonctiond’échange. La rupture serait elle plutôt le type de réponse présent dans le discours de lascience (nous y reviendrons dans la dernière partie).

Conclusions

Nous voyons que d’emblée Lacan refuse d’utiliser la drogue à des fins thérapeutiques et prendcelle-ci dans une dimension clinique. Cela ne l’empêche pas, que du contraire, de noter quedans l’économie personnelle d’une personne, la drogue peut prendre la place d’un traitement,d’une solution et que cette place est même la seule fonction que la drogue puisse avoir.

Néanmoins, par choix éthique mais aussi parce qu’il fait le choix de la clinique, il refuse lui del’utiliser à cette fin. En effet, lorsque l’on choisi de travailler dans la dimension clinique, il fautse rendre à l’évidence selon lui que la drogue en tant que technique ne peut être d’aucunsecours celle-ci ne permettant en aucun cas de faire avouer au sujet ce qu’il ne sait pas.

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On peut se demander lorsque l’on lit "Fonction de la psychanalyse en criminologie" si laposition de Lacan irait jusqu’à avancer qu’il est impossible de travailler avec des gens quiconsomment et donc qu’il est nécessaire avant tout travail d’établir un sevrage. Une telleposition prendrait le risque de soutenir l’idéal d’abstinence défendu dans nos sociétés. S’ilfallait soutenir une telle position, notre lien avec le consensus sociétal s’en trouverait d’autantplus établi et notre difficulté de s’en dissocier d’autant accrue.

Association de Forums du Champ lacanien-Bruxelles.asbl214, rue du Trùne

1050 Bruxelles