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Choix et préjugés – uN résumé La discrimination à L’égard des musuLmans en europe

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Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l'éducation et de l'emploi.

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Choix etpréjugés –uN résuméLa discrimination à L’égard des musuLmans en europe

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En Europe, les musulmans ne constituentpas un groupe homogène. Dans certainspays, ils sont présents depuis des siècles,comme dans la Fédération de Russie, enMacédoine ou en Bosnie-Herzégovine.Ailleurs, les musulmans sont essentiellementdes immigrés. En France, en Belgique etaux Pays-Bas, nombreux sont ceux qui ont été naturalisés, alors qu’en Suisse, la plupart sont des ressortissants étrangers.

Les immigrés de confession musulmanesont d’origines diverses. En France, parexemple, ils viennent essentiellementd’Algérie, du Maroc, de Tunisie et del’Afrique subsaharienne, alors qu’enBelgique et aux Pays-Bas, ils sont le plus souvent originaires du Maroc ou deTurquie. Au Royaume-Uni, les musulmansoriginaires du Maghreb ne représententqu’une fraction des musulmans installésdans le pays, qui viennent en général duBangladesh, du Pakistan ou d’Inde.

En Europe, l’observance des préceptes etles pratiques religieuses des musulmanssont aussi très variées. Des pratiquessusceptibles d’être perçues commereligieuses peuvent être, pour lesmusulmans qui les respectent, l’expressionde coutumes culturelles ou traditionnelles.Par exemple, d’après une enquête réalisée

en Suisse, la moitié des personnesd’origine musulmane affirmant être nonpratiquantes disaient respecter quandmême les prescriptions alimentaires, alors que 25 % des personnes quiaffirmaient être très pratiquantes ne lesrespectaient pas.

Au cours des dix dernières années,certains partis politiques européens ontdonné une image négative des musulmanset de leurs pratiques religieuses etculturelles. Dans une démocratie, il estessentiel d’avoir la possibilité de critiquerles pratiques religieuses et culturelles.Cette critique est l’une des formes du droità la liberté d’expression. Néanmoins, il esttout aussi important de reconnaître lesdroits humains des personnes qui seréclament d’une religion en particulier.

Ce résumé fait le point sur les différentesformes de discrimination dont sont victimesles musulmans en Europe en raison de leurreligion ou leurs convictions. Il s’appuie surle rapport Choice and Prejudice:

Discrimination against Muslims in Europe

(Index : EUR 01/001/2012, non traduit),qui présente la recherche menée sur leterrain en Belgique, en Espagne, enFrance, aux Pays-Bas et en Suisse. Grâceaux exemples que nous y avons puisés,nous espérons pouvoir donner un aperçu

des conséquences négatives de ladiscrimination que subissent lesmusulmans qui vivent en Europe.

Les stéréotypes liés aux pratiquesreligieuses et culturelles musulmanes ontentraîné l’apparition de discriminations surle marché du travail et dans les écoles àl’égard des personnes portant des signes oudes tenues couramment associés à l’islam.

Amnesty international Avril 2012 index : eur 01/002/2012

« Il n’y a pas longtemps, j’ai croisé un homme qui m’a crié

d’enlever le drap que j’avais sur la tête. J’ai grandi en Suisse et

j’ai le sentiment d'y être chez moi. Je ne comprends pas que des

gens s’arrogent le droit de me traiter ainsi. »

p., résidente suisse.

Ci-dessus : Des passants, sur un pont deGenève (Suisse), en août 2007. À droite : Laura Rodriguez Quiroga, présidentede l’Union des musulmanes d’Espagne (2011).En couverture : Février 2012 : Musulmans enprière sur une place de Badalona, en Catalogne(Espagne). Les musulmans sont souventcontraints de prier en plein air en raison del'exiguïté des salles où ils se réunissenthabituellement. © Amnesty International

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Le droit de porter, ou non, des signes et desvêtements religieux et culturels fait partie dela liberté d’expression et de la liberté dereligion ou de conviction. Le droit à la libertéde religion comporte deux dimensions : l’uneest positive – une personne a par exemple ledroit d’afficher sa religion ou ses convictionsen portant des signes ou tenues spécifiques – et l’autre est négative – toute personne a ledroit de ne pas être soumise à des pressionsvisant à lui faire porter lesdits signes outenues. chaque individu doit être libre dedécider s’il souhaite ou non porter

des signes ou des vêtements particuliers dufait de ses convictions religieuses, de sescoutumes culturelles ou pour tout autre motif.Les interdictions de porter certaines tenuesou certains signes religieux ou culturels enpublic comportent le risque de violer le droit àla liberté d’expression et le droit demanifester sa religion ou ses convictions — si les restrictions mises en place nereposent pas sur un objectif légitime et sielles ne sont pas nécessaires et proportionnéesà la réalisation dudit objectif. La légitimité detoute restriction de ce type, tout comme touteautre restriction du droit à la libertéd’expression ou du droit de manifester sareligion ou ses convictions, doit faire l’objetd’un examen au cas par cas.

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tenues vestimentairesparticuLières

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Des employées de BKM, un restaurant de labanlieue parisienne de Clichy-sous-Bois(France), en août 2005.

DisCrimiNAtioN DANsle DomAiNe De l’emploiDans de nombreux pays européens, les taux d’emploi des musulmans sontinférieurs à ceux des non-musulmans. La différence est particulièrement flagrantedans le cas des femmes musulmanes. AuxPays-Bas, en 2006, par exemple, le tauxd’emploi des femmes originaires de Turquieet du Maroc était de 31 % et de 27 %respectivement, alors que le taux d’emploides Néerlandaises de souche était de 56 %.

Ces chiffres sont dus à de nombreuxfacteurs, notamment un niveau d’étudespeu élevé et l’existence d’une barrièrelinguistique. Mais la discrimination entreégalement en jeu. Dans des pays comme la Belgique, la France, les Pays-Bas et laSuisse, les musulmans – et les femmesmusulmanes en particulier – sont victimesde discrimination sur le marché du travail,uniquement parce qu’ils ou elles portent unsigne ou une tenue affichant leur religion ouleurs convictions.

Interdire le port de signes ou de vêtementsreligieux ou culturels n’est pas un actediscriminatoire si cette restriction estjustifiée par des raisons objectives, commela sécurité ou la santé publiques, maisl’interdiction doit être proportionnée au but

recherché. Le Comité des droits del'homme des Nations unies a par exempleexaminé une plainte relative à la règle quiexige dans certains cas de porter uncasque sur le lieu de travail. Selon lesplaignants, cette règle constituaitindirectement une forme de discriminationà l’égard des sikhs, car leur religion leurimpose de porter un turban. Dans cetteaffaire, le Comité a conclu que l’obligationde garantir la sécurité des employés étaitun motif objectif et raisonnable et que cettemesure n’était donc pas contraire auprincipe de non-discrimination.

Dans le domaine de l’emploi, le droitinterne de pays comme la Belgique, laFrance et les Pays-Bas interdit d’ores etdéjà la discrimination fondée sur la religionou les convictions. Ces lois sont conformesà la directive de l’Union européennerelative à l’égalité de traitement en matièred’emploi. Selon le cadre général établi parcette directive, le fait de traiter quelqu’undifféremment à cause de sa religion ou de ses convictions constitue unediscrimination, sauf si cela correspond àune exigence essentielle et nécessaire dudéroulement de l’activité professionnelle.Néanmoins, ces exigences doivent êtrelimitées et étroitement liées à la naturemême du métier et des tâches concernées.

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L’histoire de r. (anvers, BeLgique)

à l’issue de sa formation dans le domainedu tourisme, r. a cherché un stage dans uneagence de voyage. au téléphone, ellerecevait des retours positifs de la part desresponsables, mais quand ils larencontraient en chair et en os, ils luidemandaient presque systématiquement sielle accepterait d’enlever son voile (parfoisappelé hijab). « on ne peut pas vousembaucher à un poste où vous serez encontact avec le public, nous ne voulons pasperdre de clients, » s’entendait-elle dire. onlui expliquait parfois que certains employésn’étaient pas à l’aise avec les femmes qui portent le voile. r. a contacté plus de 40 agences de voyage. souvent, on lui disaitouvertement que le voile n’était pas accepté.L’office flamand de l’emploi et de laformation professionnelle (vdaB) lui aconseillé de postuler à des offres d’emploisadministratifs n'impliquant pas de contactdirect avec des clients.

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Amnesty International s’inquiète du fait queles lois relatives à l’égalité de traitement en matière d’emploi n’aient pas étévéritablement mises en œuvre en Belgique,en France et aux Pays-Bas. Des femmesportant des signes et vêtements religieux etculturels se sont notamment vu refuser desemplois car leur apparence aurait « dépluaux clients », « nui à l’image de l’entreprise »ou n’aurait pas « respecté le principe deneutralité ». Ces motifs ne peuvent êtreconsidérés comme des exigencesessentielles au bon déroulement de l’activitéprofessionnelle, dont parle la directive surl’égalité de traitement en matière d’emploi :ils sont en effet trop vagues et applicables à toutes sortes de postes.

Le contexte est différent en Suisse. Commeil n’y a pas de législation spécifique enmatière de lutte contre la discrimination, nide véritable définition de la discrimination(directe et indirecte), ni de mécanismesefficaces de prévention, les victimes dediscrimination ont très peu de chancesd’obtenir des réparations.

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L’histoire d’ameL (paris, France)

amel est assistante sociale. elle exerce cemétier depuis plusieurs années déjà. il y adeux ans, elle a décidé de porter le voile.depuis, elle a du mal à trouver un emploi.elle a postulé à plusieurs offres dans desorganisations à but non lucratif, mais lors des entretiens, on lui posaitsystématiquement des questions liées à sespratiques religieuses. à l’issue du processusde recrutement avec une organisation desoutien aux femmes victimes de violencesconjugales, on lui a ouvertement expliquéque son profil convenait, mais qu’elle nepouvait pas porter de voile. Lorsqu’elle ademandé des explications supplémentaires,on lui a répondu : « nous devons êtreneutres. comment pouvez-vous convaincreune femme musulmane victime de violencesconjugales d’enlever son voile afin detrouver un travail et d’être financièrementindépendante ? »

Le Licenciement d’ahmed(suisse)

ahmed est citoyen suisse, originaired’afrique du nord. il a travaillé pendant 15 ans pour la même institution. « Je suismusulman et je pratique ma religiondiscrètement. Je n’ai jamais demandé decongé à l’occasion des fêtes musulmanes ;je n’ai jamais prié sur mon lieu de travail. il m’est arrivé de décliner les invitations decollègues qui organisaient des soirées dansdes bars servant de l’alcool. J’ai fini parremarquer que mes collègues étaientdevenus soupçonneux et distants. Lasituation a empiré lorsqu’une femme arejoint notre équipe car elle étaitouvertement raciste envers les arabes et lesmusulmans. » Lorsqu’ahmed a un peulaissé pousser sa barbe, des collègues luiont fait des remarques hostiles, comme « tufais peur » ou « tu ressembles à Ben Laden ».

en 2010, il a été licencié sans motif. son patron lui a dit qu’il lui remettrait, sinécessaire, une lettre de recommandationpour un autre emploi. quelques mois plustard, ahmed a effectivement reçu une lettreaffirmant qu’il s’entendait bien avec sescollègues. il avait obtenu une augmentationindividuelle de salaire l’année précédant sonlicenciement — augmentation qui venaits’ajouter à une prime exceptionnelle touchéequelques mois plus tôt. selon ahmed, il aété licencié en raison de son appartenanceethnique et de sa religion.

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C’est l’heure de la pause pour ces jeunesmusulmans d’une école de Melilla, enclaveespagnole située en Afrique du Nord (février 2008).

DisCrimiNAtioN DANs leDomAiNe De l’éDuCAtioNAu cours des dix dernières années, dans denombreux pays dont l’Espagne, la France,la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et laTurquie, il a été interdit aux élèves de porterle voile ou d’autres vêtements religieux ettraditionnels à l’école. Les pratiques varientd’un État à l’autre : en France, les élèves nesont pas autorisés à porter des signes religieuxostentatoires dans les écoles publiquesalors qu’aux Pays-Bas et en Espagne, cesmêmes restrictions ne sont appliquées quedans les écoles qui le souhaitent.

La règle générale devrait être celle de laprésomption du droit des élèves de porterdes signes religieux à l’école. Touterestriction serait ensuite examinée au caspar cas. Toute interdiction doit avoir unobjectif légitime – comme la sécuritépublique, l’ordre, la santé ou la moralité, ouencore les libertés et droits fondamentauxd’autrui – et être à la fois proportionnée etnécessaire audit objectif.

Il incombe aux États de justifier touterestriction de la liberté des personnesd’arborer des signes manifestant leurreligion ou leurs convictions. L’interdictiond’afficher des signes religieux quand elle sefonde sur des spéculations ou des

présupposés plutôt que sur des faitsdémontrables, constitue une violation de laliberté de religion des individus.

S’agissant de la liberté des enfantsd’arborer des signes manifestes de leurreligion ou leurs convictions, la Conventiondes Nations unies relative aux droits del’enfant dispose que l’intérêt supérieur del’enfant doit être une considérationprimordiale dans toutes les actionsconcernant les enfants. Afin de garantir quece principe soit respecté, les restrictionsconcernant les signes et vêtements religieuxet culturels ne doivent être adoptéesqu'après avoir organisé une véritableconsultation incluant parents et élèves. Il est également nécessaire d’envisager desmesures alternatives qui permettraient deparvenir au même résultat.

Les interdictions totaLes et LeursJustiFications

La Flandre est une région de Belgique oùtous les signes religieux, politiques etphilosophiques sont interdits dans les écolespubliques depuis septembre 2009. Certainsélèves concernés par cette interdiction ontintroduit un recours auprès du Conseild’État, qui n’avait pas encore rendu de

décision en février 2012. En France, uneinterdiction totale des signes religieuxostentatoires est en vigueur dans les écolespubliques depuis 2004. Ces interdictionsconstituent des discriminations à l’égarddes élèves musulmans, qui ne peuventexercer leurs droits à la liberté d’expressionet à la liberté de religion ou de conviction.

Les interdictions totales dans ces deuxpays ont été adoptées à la suite depolémiques autour de jeunes musulmanesqui étaient prises à partie parce qu’ellesportaient le voile. En France, selon unrapport de 2005 sur la mise en œuvre del’interdiction, celle-ci touchait de façondisproportionnée les élèves musulmans,bien qu’elle concernât également lesélèves sikhs portant le turban. En Flandre,il n’existe pas de chiffres ou de statistiquespermettant d’analyser l’impact potentield’une telle interdiction sur les enfantsappartenant à des minorités religieuses.

Selon leurs partisans, ces interdictions sontfondées sur la nécessité de contrecarrer lapression exercée par les parents ou lesactes d’intimidation sexistes subis par lesfilles qui ne portent pas le voile. Même sides parents forçaient leurs filles à porter levoile, une interdiction, à elle seule, nepermet pas de résoudre le problème si

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d’autres dispositions ne sont pas prisespour mettre fin à la pression et à lacoercition exercées sur les enfants endehors de l’école. Et en tout état de cause,une interdiction totale porte égalementatteinte aux droits des élèves qui, sans yêtre forcées, souhaitent porter ce vêtement.La restriction concernant le port de tenueset de signes religieux et culturels danscertaines écoles peut s’avérer légitime sielle permet de lutter contre les actesd’intimidation sexistes à l’égard des fillesqui ne portent pas le voile, là où lephénomène est observé. Toutefois, il estpeu probable qu’une interdiction totale soitune mesure proportionnée, surtout si elleconduit des filles à abandonner toutescolarisation.

Les autorités françaises mentionnentégalement la nécessité de faire respecter leprincipe de laïcité dans les écoles. AmnestyInternational maintient que la laïcité n’estpas, selon le droit relatif aux droits humains,un motif légitime de restreindre la libertéd’expression et la liberté de religion ou deconviction.

Certaines écoles espagnoles et néerlandaisesont restreint le port de signes et vêtementsreligieux et culturels. La nécessité et laproportionnalité de ces restrictions, ainsi

que le respect de l’intérêt supérieur del’enfant, ont parfois été mis en doute.

En Espagne, par exemple, une adolescentemusulmane de 16 ans s’est vue interdired’assister aux cours du lycée public dePozuelo de Alarcon, en banlieue de Madrid,parce qu’elle portait le voile. Aux Pays-Bas,une école catholique de la ville de Volendama interdit le port du voile, mesure qui aempêché du même coup une élèvemusulmane d’assister aux cours. Selonl’école, cette restriction avait pour objectifde préserver ses principes catholiques.Amnesty International craint que cetteinterdiction ne soit ni nécessaire niproportionnée à cet objectif. Dans les deuxcas, les élèves exclues ont été contraintesde se réinscrire ailleurs, dans des écolesqui autorisaient le port du voile.

Il est parfois possible de justifier certainesrestrictions en fonction de l’âge et de lamaturité des enfants concernés, ducontexte social et scolaire, de la nécessitéde protéger les enfants contre les pressionset les actes de coercition dans le cadre del’école et en dehors, et en fonction dessolutions alternatives leur permettant derester scolarisés. En revanche, il est plusdifficile de justifier ces mêmes restrictionsdans le cas d’étudiants adultes.

des étudiants aduLtes etdes parents conFrontés à L’interdiction d’arBorerdes signes reLigieux

La haute école Francisco Ferrer est unétablissement d’enseignement supérieur dela ville de Bruxelles (Belgique). Le règlementintérieur interdit aux étudiants de seprésenter en portant des insignes, des bijouxou des vêtements qui reflètent une opinionou une appartenance politique, philosophiqueou religieuse. a. a partagé avec amnestyinternational son expérience del’interprétation stricte du règlement : « Je savais que les étudiants n’étaient pasautorisés à porter des signes religieux. unjour, je suis entrée dans l’école avec uneamie qui étudiait là-bas et qui voulaitconsulter ses résultats aux examens. J’aiexpliqué aux membres du personnel quim’ont interrogée que je n'étudiais pas là, etils m’ont demandé de quitter les locauxparce que je portais le voile et que c’étaitinterdit par le règlement. »

en juin 2011, une institutrice à demandé à F., la mère d’un de ses élèves, qui vit enFrance, si elle avait l’intention de retirer sonvoile lors de la sortie de fin d’année. LorsqueF. a refusé, l’institutrice lui a fait savoirqu’elle ne pourrait pas participer à la sortie.F. a alors contacté une association de luttecontre le racisme, qui a à son tour contactéla direction de l’école. néanmoins, lelendemain, l’institutrice a annoncé à F.qu’elle ne pourrait pas participer à la sortieparce qu’il n’y avait plus de place.L’institutrice a fini par demander à F.pourquoi elle portait le voile et lui fait savoirque, selon elle, le voile était un symbole del’inégalité entre hommes et femmes.

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obstACles à l’implANtAtioNDe lieux De Culte musulmANsLe droit d’établir des lieux de culte participedu droit à la liberté de religion. Il arrive quecertains partis politiques et certainestranches de l’opinion publique formulent à propos des mosquées des déclarationsfondées sur des préjugés ou reproduisantdes stéréotypes, notamment lors demanifestations contre l’ouverture denouveaux lieux de prière musulmans.

Depuis le référendum du 29 novembre2009, l’interdiction de construire desminarets est inscrite dans la Constitutionsuisse. Cette interdiction avait étéapprouvée par 57,5 % des votants. Cesont les partis de l’Union démocratique ducentre et de l’Union démocratique fédéralequi sont à l’origine de l’initiative populairequi a conduit à ce vote.

Selon la Coordination des organisationsislamiques de Suisse, il existe environ 300 associations musulmanes et 200 centresislamiques au sein du pays. La plupart deces organisations sont installées dans deslocaux de petite taille qu’elles louent. Danstout le pays, il n’y a que deux véritablesmosquées (à Genève et à Zurich) et quatreminarets (à Genève, Zurich, Winterthur etWangen bei Olten). Pourtant, les partisans

de l’initiative ont soutenu que l’interdictionétait nécessaire pour « mettre un terme àl’islamisation » du pays.

Le gouvernement suisse a reconnu avant latenue du référendum que l’interdiction deconstruire des minarets était susceptible devioler les dispositions du droit internationalrelatif aux droits humains qui condamnentla discrimination. Le parlement suisse arecommandé de voter contre l’interdiction,mais ne pouvait pas déclarer l’initiativepopulaire irrecevable. Il n’aurait pu le faireque si l’initiative avait été contraire auxrègles impératives du droit international(droit coutumier), ce qui n’était pas le cas.Début 2012, un débat sur une éventuelleréforme du système des initiativespopulaires était en cours.

En Catalogne (Espagne), il y a très peu delieux de culte officiels pour les musulmanset aucune véritable mosquée. En mars2010, il y avait environ 195 lieux de cultemusulmans en Catalogne : la plupart étaientde petites salles de prière modestes,souvent situées au rez-de-chausséed’anciens locaux commerciaux loués à desassociations musulmanes.

Dans des villes catalanes commeBarcelone, Badalona et Lleida, entre autres,

les musulmans doivent prier dehors carles salles de prière existantes sont troppetites pour accueillir tous les fidèles.Selon certains partis politiques, la demandeformulée par plusieurs organisationsmusulmanes d’ouvrir une nouvellemosquée est incompatible avec le respectde la culture et des traditions catalanes.

En Catalogne, de 1990 à 2008, au moins40 différends ont éclaté entre desassociations musulmanes, des riverains etdes municipalités concernant la création denouveaux lieux de culte musulmans ou lesimple fait d'essayer d’en établir. Parfois,des partis politiques ayant un discoursopposé à l’islam, comme Plataforma perCatalunya (PxC), soutiennent cesmanifestations. Suite à ces protestations, lesautorités municipales ont parfois refuséd’autoriser de nouvelles salles de prièremusulmanes.

Les États doivent veiller à ce que lesgroupes religieux aient véritablement lapossibilité de construire des lieux de culte.Si ce n’est pas possible dans l’immédiat,les États doivent prendre des mesurespour éviter les polémiques et les tensionsentre les groupes religieux et les autresgroupes de la société. Lorsque lesautorités gouvernementales élaborent ou

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Ci-contre : En Catalogne (Espagne), unebanderole dénonce le projet d’implantationd’une salle de prière musulmane dans cetimmeuble d’habitation. Page de droite, en haut : Affiche de l’Uniondémocratique du Centre (UDC) lors de la « votation » de 2010. À la suite de ce scrutin,la construction de tout nouveau minaret a été interdite en Suisse. Selon l'UDC, lamultiplication de nouveaux minarets en Suisse(qui en compte quatre à ce jour) ne pourraitqu’exacerber l’extrémisme et serait le fer delance de l’« islamisation rampante » du pays.Page de droite, en bas : Une zone industriellede Lleida, en Catalogne (Espagne) en 2011.Les autorités municipales ont décidé deréserver une partie de ce site à la constructiond’une mosquée. En 2012, l’organisationmusulmane Al Umma a manifesté son intentionde construire une mosquée sur cetemplacement.

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révisent les plans locaux d’urbanisme,elles doivent engager une véritableconsultation avec les groupes religieux etles autres associations locales afind’évaluer leurs besoins. Dans le cadre de l’élaboration de ces plans, les autorités doivent garantir que desdispositions prévoient des espacespouvant être dédiés, si nécessaire, à laconstruction de nouveaux lieux de culte,tout comme des dispositions prévoient desespaces pour les autres équipementsnécessaires aux habitants.

Les autorités peuvent exiger des lieux deculte qu’ils respectent des règlestechniques propres à garantir la sécuritépublique ; ces règles doivent êtreproportionnées et nécessaires. Si un projetde lieu de culte musulman respecte tous lescritères obligatoires, les autorités ne doiventpas s’y opposer uniquement parce quecertains riverains ne veulent pas demosquée dans leur quartier.

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quartier de sants,à BarceLone (espagne)

La ville compte 17 petites salles de prièremusulmanes situées dans différentssecteurs. dans les quartiers de st. marti, du raval et de sants, les salles de prièremusulmanes sont systématiquementbondées. Le service municipal chargé desaffaires religieuses a expliqué à amnestyinternational que l’opposition populaire à lacréation ou à l’agrandissement de lieux deculte musulmans repose souvent sur desidées préconçues et des stéréotypes.

La salle de prière de sants est l’une desplus anciennes de Barcelone. Le vendredi,de 600 à 1 000 fidèles s’y rassemblent,dans un local qui fait entre 70 et 75 m². parconséquent, nombreux sont ceux qui doiventprier dehors, dans la rue attenante à lamosquée. un représentant du centre culturelislamique de sants, qui loue cet espace, adit à amnesty international qu’un dialogues’est ouvert avec la municipalité afind’obtenir de plus grands locaux. aucunesolution n’a cependant été trouvée à ce jour.

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lois iNterDisANtle port Du voile iNtégrAlCes dernières années, l’interdiction du portdu voile intégral a fait l’objet d’un débatdans plusieurs pays européens, dontl’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, le Danemark, l’Espagne, laFrance, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse. Des interdictions totalesont été adoptées en France et en Belgique ;elles s’appliquent à tous les espacespublics, à quelques rares exceptions près.En février 2012, le gouvernementnéerlandais a remis au parlement un projetde loi qui augure d’une interdiction similaire.

Concernant le port du voile intégral,quelques restrictions précisément définiessont légitimes : il est par exemple impératifde montrer son visage dans certains lieuxqui comportent des dangers importants etavérés, ou lors de contrôles d’identitéobligatoires. Dans des pays comme laBelgique, l’Espagne, la France et les Pays-Bas, le droit interne autorise d’ores et déjàles agents chargés du maintien de l’ordre àprocéder à un contrôle d’identité lorsqu’ilexiste un motif légitime de croire qu’unindividu représente une menace pourl’ordre public. Toutefois, en l’absence detout lien tangible entre menace à l’ordrepublic et port du voile intégral, une interdictionde celui-ci risque de constituer une violation

du droit à la liberté d’expression, et du droit àla liberté de religion ou de conviction.

Certaines personnes plaident en faveur de l’interdiction totale du voile intégral ensoutenant que cette mesure est nécessairepour garantir l’égalité entre hommes etfemmes, et pour protéger les femmes contretout risque d’être contraintes de porter cetype de voile ou de subir des pressionsdans ce sens. En effet, les États sont dansl’obligation de défendre l’égalité entrehommes et femmes et de veiller à ce quetoutes et tous soient aptes à exercer sansentrave leur droit à la liberté d’expression etd’autres droits humains, comme les droitsau travail et à l’éducation ainsi que le droitde circuler librement. Les États doiventdonc prendre des mesures pour protégerles femmes face à toute tentative de lescontraindre à porter le voile intégral contreleur gré ou d’exercer des pressions sur ellesdans ce sens. En cas de recours à laviolence ou à des menaces pour forcer lesfemmes à se vêtir d’une certaine façon, ilincombe à l’État d’intervenir dans chaquecas individuel, en vertu du droit de lafamille ou du droit pénal. Les États doiventlutter contre toutes les formes de violencefaites à l’égard des femmes en adoptant des lois complètes et détaillées, enencourageant les initiatives permettantd’informer les femmes de leurs droits et en

mettant en place des mécanismes leurpermettant d’obtenir des réparations.

Néanmoins, les autorités belges,espagnoles, néerlandaises et suissescontactées par Amnesty International nedisposaient d’aucun chiffre concernant lenombre de femmes portant le voile intégraldans leur pays, région ou ville, et ont étéincapables de déterminer dans quellemesure les femmes étaient contraintes à porter le voile intégral.

Les femmes appartenant à des minoritésethniques et religieuses sont confrontées à différentes formes d’inégalités en Europe. Il est nécessaire de lutter contre toutes cesinégalités. Amnesty International craint queces dernières années, les États se soientfocalisés exclusivement sur le port du voile intégral, comme si cette pratiquereprésentait l’inégalité la plus répandue et la plus manifeste que les femmes doiventaffronter en Europe.

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Ci-dessus : Photo soumise au jury du concoursorganisé par Amnesty International en février2011 sur le thème de la lutte contre ladiscrimination en Europe. En Belgique, une loi interdit de se masquer le visage en public. Elle interdit de ce fait le port du voile intégral.

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CoNClusioNAmnesty International craint que les loiscensées faire reculer la discrimination nesoient pas appliquées efficacement. Lesmusulmans sont victimes de discriminationsur le marché du travail, même dans lespays où la discrimination fondée sur lareligion ou les convictions est illégale. On refuse aux femmes musulmanes desemplois uniquement parce qu’ellesmanifestent leur appartenance à unereligion, une culture ou des coutumes enportant des tenues couramment associées à l’islam. Dans le domaine scolaire, lesrestrictions du port de tenues et de signesreligieux et culturels ont entraîné l’exclusiond’élèves de confession musulmane. Lesmusulmans sont parfois critiqués et ne sontpas autorisés à ouvrir de nouveaux lieux deculte uniquement parce que les habitantsdu quartier s’y opposent.

Amnesty International appelle lesinstitutions et les gouvernements européensà prendre, dans les plus brefs délais, desmesures afin de lutter contre ladiscrimination dont sont victimes lesmusulmans. Cela concerne en particulierl’élaboration et la mise en application deslois et des politiques nationales et autresmesures.

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En haut : Manifestation dans les rues de Genk (Belgique), en mars 2011. Environ 300 néerlandophones de confessionmusulmane ont protesté ce jour-là contre lelicenciement d’une employée d’un magasin de la chaîne allemande HEMA, renvoyée parcequ’elle portait un foulard.

Ci-dessus : Photo soumise au jury du concoursorganisée par Amnesty International sur lethème de la lutte contre la discrimination enEurope. On y voit des jeunes de l’EscolaSuperior de Educação e Ciências Sociais doInstituto Politécnico de Leiria (Portugal), en 2011.

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Page 12: Europe - les musulmans victiment de discrimination

Choix et préjugés – résuméLa discrimination à l’égard des musulmans en europe

12

Afin de mettre fin à la discrimination quesubissent les musulmans sur le marché dutravail, Amnesty International fait lesrecommandations suivantes :

Les gouvernements doivent garantir que

les entreprises du secteur privé n’interdisent

pas le port de tenues et de signes religieux

et culturels uniquement pour se conformer

au principe de neutralité, ou pour

promouvoir une certaine image d’elles-

mêmes ou pour plaire à leurs clients.

La Commission européenne doit veiller à

ce que la directive-cadre en faveur de

l'égalité de traitement en matière d'emploi

soit mise en œuvre conformément aux

normes internationales de lutte contre la

discrimination. La notion d’« exigence

essentielle pour le déroulement de l’activité

professionnelle » doit notamment faire

l’objet d’une interprétation stricte.

La Commission européenne doit surveiller

l’impact de la discrimination en matière

d’emploi à l’égard des femmes appartenant

à des minorités ethniques et religieuses, et

faire des propositions afin de lutter contre

les multiples formes de discrimination dont

ces femmes sont victimes.

Afin de veiller à ce que les élèves et lesétudiants puissent exercer leurs droits à laliberté d’expression et de religion sans subirde discriminations, Amnesty Internationalfait les recommandations suivantes :

Les gouvernements doivent éviter de

mettre en place des interdictions totales du

port de tenues et de signes religieux et

culturels dans le cadre scolaire.

Les gouvernements doivent veiller à ce

que les écoles qui adoptent une restriction

concernant le port de tenues et de signes

religieux et culturels ne le fassent que pour

des motifs conformes aux principes du droit

international relatif aux droits humains et

seulement lorsque ladite restriction est

nécessaire et proportionnée à la réalisation

de ces objectifs.

Le Conseil de l’Union européenne doit

adopter le projet de nouvelle directive en

matière d’égalité, qui permettrait de lutter

dans toute l’UE contre la discrimination

fondée sur des motifs d’appartenance à une

religion ou de convictions religieuses dans

plusieurs domaines, dont l’éducation.

Afin de garantir le droit des musulmans de disposer de lieux de culte adéquats,Amnesty International fait lesrecommandations suivantes :

Les autorités gouvernementales doivent

engager une véritable consultation des

groupes religieux et des autres associations

locales afin d’évaluer leurs besoins

lorsqu’elles élaborent ou révisent les plans

locaux d’urbanisme. Des dispositions doivent

prévoir des espaces réservés, le cas échéant,

à la construction de nouveaux lieux de culte.

Les autorités ne doivent pas refuser la

création d’un nouveau lieu de culte

uniquement au motif que certains habitants

du quartier concerné s’y opposent.

Les autorités doivent faire comprendre que

la création de lieux de culte est un composant

essentiel du droit à la liberté de religion ou de

conviction, et elles doivent lutter contre les

stéréotypes relatifs aux mosquées.

S’agissant du voile intégral, AmnestyInternational fait la recommandation suivante :

Les gouvernements doivent s’abstenir

d’adopter des interdictions totales et veiller

à ce que toute restriction soit nécessaire et

proportionnée à la réalisation d’un objectif

reconnu par le droit international relatif aux

droits humains.

12

Amnesty international est un mouvement mondial regroupant plus de 3 millions desympathisants, membres et militants, qui se mobilisent dans plus de 150 pays etterritoires pour mettre un terme aux violations des droits humains.

La vision d'amnesty international est celle d'un monde où chacun peut se prévaloir detous les droits énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme et dansd'autres textes internationaux.

essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers, amnestyinternational est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique, detoute puissance économique et de tout groupement religieux.

index : eur 01/002/2012French

avril 2012

amnesty internationalinternational secretariatpeter Benenson house1 easton streetLondon Wc1x 0dWroyume-uni

amnesty.org

Voir aussi le rapport

complet en anglais :

Choice and prejudice:

discrimination against

Muslims in Europe

(Index:

EUR 01/001/2012)

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Ces jeunes filles se détendent en jouant au

basketball lors du Festival de la jeunesse du

Qatar, en décembre 2011.

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