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REPUBLIQUE DU NIGER DANIDA MINISTERE DE L’INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION BUREAU DE COOPERATION DANOISE - NIGER DIRECTION GENERALE DES AFFAIRES POLITIQUES ET JURIDIQUES DIRECTION DES AFFAIRES COUTUMIERES ET RELIGIEUSES ETUDE SUR ETUDE SUR LES PRATIQUES LES PRATIQUES DE L DE L ISLAM ISLAM AU NIGER AU NIGER RAPPORT PROVISOIRE Avril 2006 Mr Moulaye HASSANE – Consultant Principal Mme Marthe DOKA – Consultante Mr Oumarou MAKAMA BAWA - Consultant

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RREEPPUUBBLLIIQQUUEE DDUU NNIIGGEERR DDAANNIIDDAA

MMIINNIISSTTEERREE DDEE LL’’IINNTTEERRIIEEUURR EETT DDEE LLAA DDEECCEENNTTRRAALLIISSAATTIIOONN BBUURREEAAUU DDEE CCOOOOPPEERRAATTIIOONN DDAANNOOIISSEE -- NNIIGGEERR

DDIIRREECCTTIIOONN GGEENNEERRAALLEE DDEESS AAFFFFAAIIRREESS PPOOLLIITTIIQQUUEESS EETT JJUURRIIDDIIQQUUEESS

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ETUDE SUR ETUDE SUR LES PRATIQUES LES PRATIQUES

DE LDE L’’ISLAM ISLAM AU NIGERAU NIGER

RAPPORT PROVISOIRE Avril 2006

Mr Moulaye HASSANE – Consultant Principal

Mme Marthe DOKA – Consultante

Mr Oumarou MAKAMA BAWA - Consultant

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Etude sur les pratiques de l’Islam au Niger / Rapport provisoire

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SIGLES ET ABREVIATIONS

ACIN Association Culturelle islamique du Niger ACOI Association pour la Culture et l’Orientation Islamique ADRIS Association pour la Diffusion des Règles Islamiques AEDPI/ALbirou watakawa Association pour l’Entraide la Dévotion et la Pitié

AIN Association Islamique du Niger AINB AL IHSAN Association Islamique Nigérienne de Bienfaisance AIMES Al Kitab Association Islamique pour la Lecture et la Mémorisation du Coran AJM Association des Jeunes Musulmanes (Jam Iyat Fatayatou) AFN Association des Femmes du Niger Al Mouhamadiya Association Jamat Islam AMA Agence des Musulmans d’Afrique ANAF Association Al Falah ANASI Association Nigérienne pour l’Appel et la Solidarité Islamique

ANAUSI Association Nigérienne pour l’Appel à l’Unité et la Solidarité Islamique

ANEMFZ Association Nigérienne des Femmes Musulmanes Fatimatou Zaharaou

ANFI Association Nigérienne pour la Fraternité Islamique ARCI Association pour le Rayonnement de la Culture Islamique ARFI Association pour le Rassemblement et la Foi Islamique ASNJI BWIS Association des Sunnites du Niger ATI Association pour la Tolérance Islamique UMI Union de tous les Monothéistes de l’Islam AUPI Association pour l’Union et le Progrès Islamique BUTIN Bureau de Traduction des ouvrages Islamique du Niger CASIN Collectif des Associations Islamiques du Niger CMS Conseil Militaire Suprême DA AWA ONG lybienne FAOUZIZZA Association pour l’enseignement l’arabe et l’éducation islamique” FIBN Fondation Islamique de Bienfaisance du Niger (ONG)

GAIPDS Groupement des Associations Islamiques en matière de Planning familial et Développement Social

HAYATOUL ISLAM Association Nigérienne pour la reconnaissance de l’islam CIN Conseil Islamique du Niger HHLS Sécurité des Conditions de vie des Ménages IKS AL Islam Kitab Wassounna JAMIOUL KHAIRI Association Nigérienne pour les œuvres Islamiques et sociales ASEN Association Sabil El Najah LUSAA Ligue pour l’Unité et la Solidarité Arabo-Africaine OCI Organisation de la Conférence islamique

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ONG Organisation Non gouvernementale RN Ressources Naturelles PPNRDA Partit Progressiste pour le Rassemblement Démocratique Africain UFMN Union des Femmes Musulmanes du Niger

AFMBD Association des Femmes Musulmanes pour les Œuvres de Bienfaisance et de Développement

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LISTE DES TERMES ARABES PARUS DANS LE TEXTE Al-Bahr al-ahmar : de l’arabe Mer Rouge

Al-fatiha : de l’arabe ouverture, d’où l’idée de commencer toute action par cette sourate qui inaugure le Coran.

Al-ifriqiyya : nom donné à la Tunisie actuelle par les conquérants arabes

Ajami : de l’arabe étranger : terme désignant les caractères arabes adaptés pour écrire les langues non arabes (haoussa, fulfulde etc.)

Al-Maghrib al-Aqsa : nom donné par les conquérants à la partie du Maghreb où se trouve le Maroc actuel (Maghreb extrême). Ar-risala : de l’arabe message

Chariyya : terme coranique utilisé pour désigner la voie tracée par Dieu à travers les lois coraniques

El-Mujaddid : de l’arabe jadid : nouveau, d’où l’utilisation du concept pour designer celui qui innove. En islam, il désigne un théologien innovateur.

Fustat : ancien nom donne à l’Egypte actuel

Imam : de l’arabe guide, celui qui prend la direction d’une prière

Hadd : de l’arabe, limite à ne pas approcher

Hadith : de l’arabe, parole rapportée du Prophète qui constitue source loi en islam après le Coran.

Hijab : de l’arabe, tout ce qui peut couvrir, d’où l’idée de voile

Ijaza ; de l’arabe, autorisation délivrée par un savant à son disciple lui permettant d’enseigner sa méthode spécifique Jama’at at-tabligh : Groupement de religieux qui s’est donné pour mission de propager l’Islam partout où c’est possible.

Jihad : de l’arabe (juhd) effort que le croyant musulman doit faire sur lui-même. Par extension, le terme désigne la guerre que le musulman doit mener pour défendre l’islam menacé

Katib : Livre par excellence, nom donné au Coran

Khutba: sermon prononcé par un Imam à la prière du vendredi ou aux deux Fêtes : Ramadan et Tabaski. Les thèmes sont fonction des préoccupations du moment. Au Niger, jusqu’à une époque récente, le serment était prononcé en arabe, langue incomprise de presque tous les croyants à l’exception de ceux qui ont étudiés le texte dans leur cursus. Qadi : de l’arabe, celui qui tranche en cas litige (conciliation)

Mahdi :(Messie) de l’arabe celui qui est bien guidé, d’où l’idée d’un saint qui viendra a la fin des temps pour instaurer la vraie religion, débarrassée des mauvaises interprétations. Mallam: de l’arabe, mu’allim, celui qui a la mission de transmettre le savoir (ilm)

Masjid : de l’arabe lieu de prosternation et de prières Matla : de l’arabe, point de départ ou étape

Salat: de l’arabe prières exécutes cinq fois ou plus par les musulmans.

Shafa’a : de l’arabe intercession d’un saint à la faveur d’un tiers pour une réussite quelconque.

Silsila : de l’arabe, chaîne de transmission de message d’initiation qui garantit ou certifie la provenance (dudit message) dans le cadre de la formation d’un adepte d’une confrérie musulmane.

Suf : de l’arabe laine

Sufi : de l’arabe, celui qui s’habille avec de la laine. En mystique musulmane, celui qui s’habille en laine par détachement du monde matériel

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Tarabulus al-Gharb : de l’arabe, Tripoli du couchant (capital de la Libye actuelle).Il ya aussi : Tripoli du levant (tarabulus as-Sharq ) au Liban

Tariqa : terme arabe désignant une voie à suivre ; les confréries l’utilisent pour designer leur méthode de méditation

Tassawwuf : de l’arabe, philosophie qui prend comme point de départ le détachement de la matière

Umma : terme coranique utilisé pour désigner la communauté musulmane

Umra:pèlerinage mineur souvent effectué par les commerçants qui en profitent pour faire leurs affaires. Wali : de l’arabe ami de Dieu Wazifa : séance de prières collectives des adeptes de la tijaniyya

Zakat : de l’arabe dîme, donnée par le musulman à la fin de chaque année.

Zuhd : de l’arabe, ascétisme Tarbiyya : éducation dont l’objectif est de suivre l’évolution du jeune croyant jusqu'à l’âge de la maturité qui varie selon ses propres capacités intellectuelles. En islam l’éducation occupe une place importante car on croit comprendre que la conduite de l’adulte est intimement liée à la façon dont il avait été suivit dès le bas âge. Cette mission d’importance est confiée à l’enseignant de l’école coranique mais aussi à la communauté

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COURANTS THEOLOGIQUES ET CONFRERIES MENTIONNES DANS LE TEXTE RENOVATEURS

Izalatu-l-bid’a wa iqamatu-s-sunna (communément appelé izala) : doctrine théologique qui prône la suppression de l’innovation et qui est pour la restauration de la tradition prophétique à l’exclusion de toute autre pratique ancestrale. Ce courant serait d’origine saoudienne et introduit au Niger à partir de deux sources : le Nigeria et ceux qui vont en Arabie Saoudite dans le cadre du hajj et la umra (pèlerinages)

CONSERVATEURS

Malikisme : école théologique sunnite de jurisprudence musulmane très répandue dans toute l’Afrique de l’Ouest ; le Hanbalisme, le Shafi’isme et le Hanafisme qui sont les autres écoles sunnites n’ont pas encore une présence significative en Afrique au sud du Sahara. Le concept malikite est relatif au nom du fondateur, Malik ibn Anas. La caractéristique principale de son dogme est la place réservée à l’effort de compréhension et d’adaptation de certaines dispositions écrites du rite au contexte africain.

Sanoussiyya : confrérie musulmane qui tire son mon du fondateur Muhammad As-Sanoussi, originaire du Maghreb, qui l’aurait créée en Arabie avant de retourner dans son pays pour la diffuser. Son évolution a particulièrement marquée l’histoire de la zone Air, le Lac Tchad et le Fezzan à partir du dix-neuvième siècle. Elle s’était farouchement opposée à la pénétration européenne (française et italienne).

Al-Khalwatiyya : de l’arabe khuluwu, se réfugier dans un endroit secret, dans une retraite pour la méditation et l’invocation. Cette confrérie reste encore confinée dans la zone de Tabelot et le Massif de l’Air. Qadiriyya : nom tiré de son fondateur Abdu-l-qadir al-jilani.(treizième siècle) est la plus ancienne confrérie d’importance connue en Afrique au sud du Sahara. Elle est depuis la fin du vingtième siècle en régression au profit de la tijaniyya. Elle prône une vision austère et un détachement par rapport aux biens matériels terrestre, au point où certains la qualifient de confrérie des pauvres. Ces adhérents s’étaient opposés à l’entreprise coloniale.

Tijaniyya : nom relatif au Cheikh Ahmad ibn Muhammad al-Mukhtar al-Tijani (dix-huitième siècle), fondateur de cette confrérie qui connaît aujourd’hui un développement remarquable dans toute l’Afrique et même en Orient. Elle est considérée comme une confrérie bien organisée et plus réaliste avec le contexte mondial ; elle laisse une grande place à la socialisation à l’organisation économique et donc au développement.

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TABLE DES MATIERES LISTE DES TERMES ARABES PARUS DANS LE TEXTE ..................................................... 4 INTRODUCTION...................................................................................................................................... 8 1. CARACTERISTIQUES GENERALES............................................................................................... 9

1.1 CONTEXTE SOCIAL ............................................................................................................................. 9 1.2 CONTEXTE RELIGIEUX ...................................................................................................................... 12

2. JUSTIFICATION DE L’ETUDE ....................................................................................................... 13 3. METHODOLOGIE ............................................................................................................................. 14

3.1 OBJECTIFS DE L’ETUDE..................................................................................................................... 14 3.2 ECHANTILLONNAGE ET COLLECTE.................................................................................................... 15

4. SOCIETES ET ISLAM AU NIGER................................................................................................... 17 4. 1. UNE PENETRATION EN PLUSIEURS PHASES...................................................................................... 17 4.2 UNE PENETRATION GEOGRAPHIQUE PAR ETAPE ................................................................................ 21

4.2.1 REGION DE DIFFA ................................................................................................................. 21 4.2.2 REGION D’AGADEZ................................................................................................................ 22 4.2.3 REGION DE TAHOUA.............................................................................................................. 23 4.2.4 REGION DE ZINDER ............................................................................................................... 27 4.2.5 REGION DE MARADI .............................................................................................................. 28 4.2.6 REGION DE LA VALLEE DU FLEUVE (TILLABERI ET NIAMEY).............................................. 29 4.2.7 REGION DE DOSSO ................................................................................................................ 30

4.3 POLITIQUE DE L’ETAT FACE A L’ISLAM ............................................................................................ 32 4.3.1 POLITIQUE DE L’ETAT INDEPENDANT FACE A L’ISLAM...................................................... 32 4.3.2 ETAT NIGERIEN ET ORGANISATIONS ISLAMIQUES ................................................................ 33

5. ANALYSE DE LA DYNAMIQUE DE L’ISLAM AU NIGER ........................................................ 36 5.1 LA TYPOLOGIE DES MARABOUTS NIGERIENS..................................................................................... 37 5.2 STRATEGIES ET NOUVELLES CONFIGURATIONS................................................................................ 39

5.2.1 GRANDE MULTIPLICITE D’ASSOCIATIONS ET FAIBLE DIVERSITE DOCTRINALE ................. 41 5. 2.2 ASSOCIATIONS ISLAMIQUES, LEUR CREATION ET LEUR FONCTIONNEMENT ..................... 43 5. 2.3 RESSOURCES DES ASSOCIATIONS ......................................................................................... 47 5. 2.4 PERSPECTIVES EN MATIERE DES RESSOURCES ................................................................... 49 5. 2.5 PERFORMANCE DES ASSOCIATIONS...................................................................................... 49 5. 2.6 MAPPING DES COURANTS RELIGIEUX.................................................................................. 51

6. ACTIVITES DES ASSOCIATIONS ........................................................................................... 51 6.1 ACTIVITES RELIGIEUSES DES ASSOCIATIONS..................................................................................... 53

6.1.1 PRECHES ................................................................................................................................ 53 6.1.2 ENSEIGNEMENT CORANIQUE ................................................................................................ 56

6.2 ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT ....................................................................................................... 59 6.2.1 ASSISTANCE SOCIALE............................................................................................................. 59 6.2.2 LES ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT.................................................................................... 60 6.2.3 ACTIVITES DE PREVENTION ET GESTION DES CONFLITS ..................................................... 62 6.2.4 OPINIONS DES PRATIQUANTS NON MEMBRES DES ASSOCIATIONS ISLAMIQUES ................ 66

7. PARTENARIAT ET PERSPECTIVES ...................................................................................... 68 8. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS................................................................................... 69 9. BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................... 72 ANNEXE................................................................................................................................................... 74

CARTES DES COURANTS RELIGIEUX ........................................................................................... 75

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INTRODUCTION

La nouvelle stratégie « Principles Governing Danish Development Assistance for the Fight against the New Terrorism » adoptée par le Danemark dans le cadre de l’aide au développement en corrélation avec la lutte contre le terrorisme identifie le Niger comme l’un des deux pays d’Afrique devant bénéficier d’un appui financier de DKK 5 millions par an durant la période 2004-2006.

C’est dans ce cadre qu’une mission d’identification de Danida a visité le Niger afin de proposer les axes d’intervention de la coopération danoise, en rapport avec la stratégie de lutte contre le terrorisme et la nouvelle orientation de l’aide au développement de Danida. Le rapport de cette mission fait ressortir un axe général d’intervention afin de « renforcer la démocratie et prévenir les conflits au Niger en créant des actions communes de développement engageant l’Etat et la société civile, y compris les associations religieuses ».

Suite aux recommandations de ladite mission, le Bureau de Coopération Danoise de Niamey a commandité deux études : l’une portant sur les besoins et aspirations des jeunes dans les régions de Zinder et de Maradi et la seconde sur les pratiques de l’islam au Niger qui correspond à la présente étude.

Cette étude se veut exhaustive sur les questions des pratiques islamiques au Niger. Il est entendu que l’expression « Pratiques de l’Islam » désigne, dans le cadre de cette étude, non pas « comment les musulmans pratiquent la religion musulmane » en terme de conformité avec les textes religieux, mais plutôt par « ce que font les nigériens au nom de l’Islam ». D’autant plus que ce sont les rapports aux faits religieux qui sont ici pertinents et non pas leur véridicité conformément à l’idée de Evans-Pritchard : « Que les idées religieuses soient vraies ou fausses ne concerne pas l’anthropologue ! (…) Il ne s’occupe que des rapports qu’ont ces faits entre eux ou avec d’autres faits sociaux.»

L’organisation de plus en plus accrue de la sphère musulmane, à travers les associations islamiques et les (et /ou leurs) écoles coraniques, impose une démarche basée sur les pratiques de ces acteurs en priorité. En effet, une place importante leur est accordée depuis l’avènement de la démocratisation au même titre que les autres associations de la société civile, marquant ainsi leur séparation du pouvoir étatique et leur plus grande implication dans les affaires de la cité. Elles ne semblent pas encore drainer un maximum de pratiquants, mais leurs capacités de mobilisation sont sans contexte.

Ce travail devra permettre une meilleure compréhension de l’évolution des pratiques islamiques du Niger, leurs tendances au sein de zones dites d’influence, et leurs interrelations avec le développement et la prévention / gestion des conflits.

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1. CARACTERISTIQUES GENERALES

1.1 CONTEXTE SOCIAL La République du Niger est un vaste pays du Sahel enclavé en Afrique occidentale avec le port le plus proche situé à 1.000 km (Cotonou au Bénin) ; il couvre une superficie de 1.267.000 km² dont les trois quarts sont quasi désertiques ou désertiques. La population nigérienne estimée à 10.790.3521, avec une densité moyenne de 8,5 habitants / km2 est concentrée au sud du pays, le long de la frontière avec le Nigeria dans la bande agricole. Elle est composée de neuf principaux groupes ethniques : les haoussa, les peul, les zarma, les touareg, les kanouri, les toubou, les arabes, les gourmantché. La répartition spatiale est plus dense au sud : 116 habitants / km2 à Magaria, 114 habitants à Madarounfa ; la zone désertique du nord-est est peu peuplée : 0,5 habitants / km2pour la région d’Agadez et 2 habitants / km2pour Diffa.

Le Niger est limité par des états arabo

berbères musulmans

au nord et nord-est (Algérie,

Libye) et par une Afrique noire au sud,

représentée par le

Nigeria, majoritairem

ent chrétien avec dans sa partie nord des états

haoussa musulmans

qui partagent une même

culture que les populations du sud nigérien ; ce qui a pour conséquence des interrelations culturelles, religieuses et économiques très intenses. Les autres pays comme le Burkina Faso, Le Mali, le Bénin et le Tchad influent peu sur la vie sociale nigérienne du fait des faibles rapports sociaux entretenus. La religion musulmane introduite très tôt dans l’espace nigérien semble aujourd’hui constituer un facteur important d’unité nationale. Le taux annuel de croissance démographique (3,2 %) est le plus élevé au monde, alors que le taux moyen de croissance économique se situe autour de 2,5 % ces dernières années. A ce rythme, on estime que la population du Niger sera de 22,5 millions d'ici 2025 ; ce doublement de la population pourra avoir des effets dévastateurs sur l'écologie déjà très fragile du pays et réduira la superficie de terres arables par habitant à un niveau critique, avec tous les risques de conflits de divers ordres (accès aux Ressources Naturelles, accès au foncier ou conflits sociaux…). Cet aspect démographique a été un des domaines du développement qui a le premier sollicité l’appui des associations islamiques, après diverses confrontations avec le pouvoir politique et les agences de développement. La limitation des naissances a été convertie en espacement des naissances pour

1 Source : Recensement Général de la Population et de l’Habitat 2001

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un rapprochement des deux positions. Malgré cela, le taux d’accroissement reste toujours élevé, les populations rurales n’ayant toujours pas perçu l’utilité du planning familial pour les uns et n’ayant pas accès aux informations et méthodes contraceptives pour les autres.

Les musulmans nigériens constituent 95% de la population totale (RGPH, 2001) ; mais de l’avis de certains milieux associatifs islamiques, cette proportion serait bien plus élevée et avoisinerait plutôt 99% « car, il est pratiquement impossible de dénombrer cinq chrétiens ou / et animistes sur cent nigériens pris au hasard ». Et les plus radicaux excluent les syncrétistes porteurs d’amulettes (ceux qui pratiquent l’Islam et l’Animisme) de la proportion musulmane ; ce qui rabaisserait le taux à 90%.

La population nigérienne est rurale à 84 % et se caractérise par sa jeunesse avec une frange de 60% des moins de 15 ans. Si les jeunes constituent une main d’œuvre potentielle, ils représentent également dans la majorité des ménages pauvres des sources de dépenses importantes (alimentation adéquate, scolarisation, santé, etc.). Le choix est simple pour ces ménages; ils optent en fonction de leurs possibilités économiques en accord avec les valeurs traditionnelles acquises. La présence de l’Islam dans les contrées villageoises à travers ses marabouts offre des services sociaux de base en matière de santé, d’éducation.

Après l’automédication qui fait appel à la pharmacopée et à la « pharmacie par terre », les marabouts, les guérisseurs, les féticheurs, constituent le second recours pour le nigérien à revenu moyen ; leur rôle est primordial en matière de protection sanitaire et spirituelle. Avec l’appauvrissement et la montée de l’islamisation, les marabouts et les guérisseurs sont en voie de supplanter les féticheurs dans ce domaine.

«Les enfants (filles et garçons) sont inscrits à l’école coranique à bas âge (aux environs de 4 ans) pour leur assurer le salut et acquérir une conduite sociale normative. Beaucoup d’enfants inscrits à l’école publique ont fréquenté ou fréquentent encore l’école coranique.

Les enseignements coraniques dispensés surtout le soir sont suivis par les garçons et les hommes mariés qui désirent approfondir leur savoir. Le nombre des apprenants du soir est en baisse…les écoles de jour se multipliant avec un effet de concurrence aux écoles publiques. Or, il est admis que l'école coranique ne favorise pas l'alphabétisation comme moyen de communication en arabe, mais donne des rudiments pour la pratique courante de l’islam. L’alphabétisation en arabe n’est pas, par ailleurs, l’objectif recherché des parents, l’éducation coranique est le second devoir des

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parents à l’endroit de leur enfant après son baptême (la cérémonie du nom). La circoncision étant le troisième droit pour le garçon et la célébration du premier mariage pour la fille…

Plusieurs confréries et courants théologiques (tijaniyya, qadiriyya, izala…) musulmans coexistent aujourd’hui, alors qu’en 1990, seule la tendance soufie était active à travers l’Association Islamique du Niger; l'apparition récente de ce phénomène ne permet pas d'observer un changement radical dans les programmes d’enseignement au niveau des écoles coraniques. Mais en pratique des nuances et certaines innovations sont observées notamment dans les nouveaux centres d'enseignement comme c’est le cas pour les mosquées » (Marthe Doka, 2001).

Actuellement dans les centres urbains fortement islamisés, comme Say dans la région de Tillabéri, les medersas sont préférées par les parents lors de l’inscription des enfants à l’école primaire. L’enseignement en français n’est une alternative que lorsque l’enseignement franco-arabe est saturé.

En effet, la majorité des ménages nigériens évoluent dans un contexte de grande vulnérabilité avec une couverture alimentaire de plus en plus insuffisante (3 à 5 mois sur les 12) ; même les ménages peu vulnérables arrivent avec peine à couvrir leurs besoins alimentaires ; les études SCVM (Sécurité des Conditions de Vie des Ménages), mentionnent que la vulnérabilité des ménages s’explique entre autres par :

- Une plus grande difficulté d’accès aux ressources productives telle que la terre ; - Une discrimination sociale par rapport à l’exercice de certaines activités rentables ; - Une insuffisance de la main d’œuvre familiale ; - Une difficulté d’accès au crédit.

Tableau 1 : Répartition des ménages enquêtés selon la vulnérabilité et le sexe

Source : Etude nationale sur les Institutions Locales, Décentralisation et Réduction de la Pauvreté (Care International, 2002).

Par contre la comparaison de cet échantillon avec ceux des études précédentes (SCVM) révèle une certaine similitude en terme de répartition des ménages selon leur degré de vulnérabilité; l’importance des ménages des catégories C et D avoisine toujours les 65% de la population enquêtée.

Le Gouvernement du Niger a ainsi donné une priorité absolue aux mesures tendant à relever les revenus agricoles des populations par une stratégie de restauration des ressources agro-sylvo-pastorales. Ces mesures sont nécessairement au centre de la lutte contre la pauvreté, la vulnérabilité et l'insécurité alimentaire.

Le pays se trouve dans une situation "d'extrême" pauvreté et d'insécurité alimentaire. La pauvreté touche les deux tiers de la population, essentiellement rurale. La vulnérabilité chronique des populations rurales est accrue par les phénomènes de désertification et les sécheresses cycliques. L'insécurité alimentaire liée aux pénuries généralisées et aiguës dues aux phénomènes naturels comme la sécheresse, et aux pénuries saisonnières, est aujourd'hui la préoccupation majeure du pays.

Sexe Vulnéra bilité

Ménages dirigés par les femmes (%)

Ménages dirigés par les hommes (%) Total (%)

Ménages peu vulnérables (A) 9 13,3 12,7

Ménages vulnérables (B) 20,6 26,2 25,4

Ménages très vulnérables (C) 41,8 32,6 38,4

Ménages extrêmes ment vulnérables (D) 28,5 22,7 23,5

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La stratégie de lutte contre la pauvreté donne la priorité à deux axes d'intervention : la réduction du taux de croissance de la population et la gestion rationnelle du capital productif et de l’environnement.

L’argument religieux véhiculé par les croyances populaires pour expliquer cette situation de dénuement est un destin accordé par Dieu à certains croyants pour éprouver leur foi. Selon cette version, seuls les égarés ne patientent pas et usent de stratégies malveillantes (ruses, vols, corruptions…) pour défier leur sort. Un verset coranique dit bien « après les temps durs, les bons moments ». Les phénomènes naturels tels que les sécheresses et les famines et aussi les endémies telles que le SIDA sont interprétés comme une sanction divine en réponse au port, par les filles, des jupes et pantalons. Selon cette compréhension, Dieu sanctionne ainsi les déviants. Par exemple, le retard des pluies en 1993 est une sanction divine en réponse à la mode vestimentaire du port des jupes et pantalons par les jeunes filles. Suivant cette explication, plusieurs marches et manifestations violentes ont eu lieu dans les grandes villes du pays. A Zinder, le siège de l’Association des Femmes du Niger2 avait été incendié au nom de l’Islam. Ces actes de vandalisme ont été effectués pour « montrer à Dieu » qu’il existe de « vrais » croyants mécontents de la déviance de leurs concitoyens et qui tentent de redresser, ou mieux, de purifier rapidement la situation.

1.2 CONTEXTE RELIGIEUX

En ce début du XXI ième siècle de l’ère chrétienne, correspondant au quatorzième siècle de l’ère musulmane, les statistiques officielles les plus récentes estiment à 94 % les musulmans nigériens, soit une population de 10.142.931 individus3. Les associations islamiques quant à elles notent, avec insistance, un taux de quatre-vingt-dix-neuf pour-cent, ce qui placerait le Niger « en seconde position des pays africains musulmans au sud du Sahara, après la Mauritanie »4 (Triaut, 1982)

Le Niger semble s’inscrire dans une dynamique religieuse de plus en plus prononcée dans les comportements sociaux. L’Islam, la religion majoritaire, sous-tend la philosophie de la soumission totale au Dieu Unique Allah, vise à régler au quotidien tous les aspects de la vie des musulmans. Ce phénomène englobant fait sa particularité et prône une forme de socialisation des adeptes au sein d’un grand rassemblement de croyants solidaires (Umma), ayant une même législation (chariyya), sous la direction divine inscrite dans le Livre Saint Coran (al-Qur'an) (Oumarou Makama, 2003).

Par conséquent, l’Islam est plus qu’une « simple » religion, sa doctrine prône tout un mode de vie organisé suivant le précepte du Coran et le modèle de conduite et de comportement du prophète (S), la Sunna. « Pour les musulmans, il n’y a point de divinité que Dieu, le Créateur, Maître du Jour du Jugement, qui s’est manifesté aux hommes par ses prophètes et envoyés. C’est au Dieu personnel, dont Abraham fut l’ami, qui parla à Moise dans le Buisson et sur la Montagne, qui par son Commandement créa Jésus son verbe dans le sein de Marie, c’est à ce Dieu-là que veulent aller en Islam les âmes assoiffées de Lui »(Anawati et L.Gardet, 1968)

Pour ces croyants, l’islam est une suite logique, sans rupture avec des révélations et prophéties antérieures. Sa doctrine se singularise en tant que religion du « juste milieu », à cheval entre « l’angélisme » de la religion chrétienne et le « matérialisme » de la religion juive. Le Coran dit à ce sujet : « Nous avons fait de vous (croyants), une communauté éloignée des extrêmes» (CORAN, sourate 2, ayats 137)

L’Islam pratiqué au Niger (en majorité) est du rite malikite (du nom du fondateur Imam Malik Ibn Anas). Deux grandes familles confrériques (tariqa) se partagent les adeptes de l’Islam.

2 Cette association est taxée par les radicaux musulmans de collaboration ou de complaisance avec les dirigeants. 3 Le débat est en cours entre les sources officielles et les Associations Islamiques même si les résultats du dernier recensement général de la population effectué en 2002 par le Bureau Central du Recensement confirment les indications officielles. 4 En effet ce pays est le seul en Afrique à prétendre à une homogénéité religieuse d’où la dénomination : République Islamique de Mauritanie.

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- La voie qâdirite, fondée par l’irakien Cheikh Abdu-l-Qâdir al-Jilani, est la plus ancienne de ces deux voies. La qâdiriyya est une voie mystique qui prône la charité pieuse. Ses adeptes sont considérés comme des conservateurs par leurs adversaires et pratiquent un rite de possession particulière (djizbou). Cette confrérie s’est consolidée pendant et après le djihad de Ousman Dan Fodio, le Rénovateur (el Mujaddid.) Elle était la voie majoritaire et est implantée dans tout l’espace nigérien, jusqu’au milieu du vingtième siècle.

- Quant à la voie tijanite, elle est aujourd’hui la plus importante en terme d’adeptes. Au début de son enracinement, la cohabitation entre les deux confréries n’a pas été aisée ; en effet, la « guérilla » urbaine de Mai Tatsiné (leader religieux nigérian) au nord Nigeria et les conflits liés à l’implantation de Qabaru au Niger dans les années 1970 en sont une preuve.

A ces « congrégations mères » s’ajoutent des groupes dissidents réunis en associations religieuses, particulièrement en vogue depuis l'année 1992, date de l’avènement de la démocratie pluraliste au Niger. En effet à l’occasion de l’ouverture démocratique suite à la Conférence Nationale Souveraine en 1991, la liberté d’association a été reconnue par l’Etat. C’est ainsi que plusieurs associations religieuses sont nées en marge de la première, Association Islamique du Niger (AIN) ; d’autres structures religieuses opposées se sont créées dont la plus connue est Jama’at izalat al-bid’a wa Iqamat as-Sunna, issue du mouvement izala qui clame la suppression de l’innovation et la restauration de la sunna,pour un retour à la religion originelle

Les voies tariqa (confréries), se réclamant du mouvement mystique musulman « le soufisme » (mot qui vient de « sûf » ou « laine », donné aux musulmans qui s’habillaient avec de la laine en signe de détachement). « Selon Anawati et L.Gardet, le soufisme est une méthode systématique de communion et expérimentale avec Dieu. Le soufi peut aussi désigner, selon ces mêmes auteurs « une personne pieuse détachée des honneurs et des biens matériels ; ils précisent que la mystique musulmane (soufi) se distingue de l’ascétisme (zuhd), qui est une forme de discipline spirituelle individuelle destinée à purifier l’âme. Ces deux états peuvent se cumuler au niveau d’une seule personne (un cheikh) et les deux doctrines (le zuhd, l’ascétisme et le tasawwuf, la mystique) sont souvent enseignées au niveau d’une même école, par un même maître.» (Makama Oumarou, 2003).

Toutefois, même si le mouvement soufi est né pratiquement avec l’Islam, le terme tasawwuf (enseignement qui s’attache au soufisme) n'est apparu que trois siècles après la mort du prophète. Un groupe de disciples chi'ites aurait été le premier désigné sous le nom de « soufi ». Il donne une nouvelle interprétation du texte coranique, « se basant sur la parole du Prophète selon laquelle chaque parole du Coran comporterait plusieurs sens et sur le fait que chaque lettre a son sens (Hadd) et que chaque définition implique un lieu d'ascension (Matla’).

Même si l’Islam se présente comme une religion universaliste et monolithique, ce qui se vérifie de manière globale sur certains aspects tels que l’uniformité du dogme et de certains rites » (Hampathé Ba, 1973), il faut néanmoins souligner les particularités dans les pratiques religieuses d’une région à une autre. Ces particularités dans la compréhension et dans l’interprétation des textes alimentent quelques rivalités entre les différentes voies mystiques.

2. JUSTIFICATION DE L’ETUDE La présente étude commanditée par la Coopération Danoise en collaboration avec les autorités nigériennes s’inscrit dans le cadre de l’orientation politique nigérienne en matière de stratégie de prévention de conflits. Le pays est engagé depuis 2001 dans une politique de prévention de conflits avec la tenue du forum d’Agadez qui a abouti à la formulation d’une stratégie de prévention des conflits qui est encore en voie de finalisation.

Ce document, non encore finalisé, propose des stratégies et plans d’actions visant à prévenir les conflits liés à la gestion des ressources naturelles, les conflits politiques, économiques et sociaux. Rien de concret n’est proposé pour prévenir éventuellement des conflits religieux qui pourraient constituer aussi des sources d’instabilité ponctuelle au Niger.

Une meilleure connaissance des milieux religieux et une estimation de leur contribution en matière de prévention/gestion des divers conflits constitueraient une composante importante de cette

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stratégie nationale de prévention des conflits. Aussi, tous les acteurs (Etat, société civile et bailleurs) manifestent un grand intérêt pour la question de la place des organisations religieuses dans la prévention des conflits et d’une façon générale dans les activités de développement. C’est un domaine où les uns et les autres ont apparemment peu d’expériences et manquent de connaissances. Cette situation est exclusive et peut devenir à son tour une source de conflits. La présente étude devra fournir des éléments d’une meilleure connaissance des pratiques des associations islamiques en matière de prévention /gestion des conflits et de développement.

Cependant des actions, encore timides, d’implication des acteurs religieux sont initiées aussi bien par l’Etat nigérien (avec la constitution d’un Conseil Islamique du Niger par arrêté n°033/M/D/DGAPJ/DAC-R du 03 février 2006) que par la société civile à travers l’implication des religieux dans :

- les réflexions pour la consolidation de la démocratie et de la citoyenneté (atelier sur le dialogue religieux de l’ONG SOS Civisme et l’émission télévisée « Dialogue Franc » du Centre Africa Obota..)

- les campagnes ponctuelles de plaidoyer (dans la lutte contre le SIDA, les campagnes de vaccination, etc.)

- la promotion de l’équité sociale des personnes vulnérables (femmes et enfants) de la société, etc..

De leur côté, la grande majorité des acteurs religieux souhaitent le dialogue et leur participation aux débats de société et aux activités de développement. Ils estiment en effet qu’ils ont un rôle à jouer dans ce domaine puisqu’ils sont en contact avec la masse des populations pauvres et analphabètes. En même temps, ces acteurs religieux sont conscients du manque de capacités de leurs associations pour planifier et mettre en œuvre des actions de développement.

Ces éléments d’analyse établissent la nécessité et la faisabilité de l’implication des acteurs religieux dans la prévention des conflits et l’œuvre de développement dans le contexte nigérien. Une telle approche est en outre efficiente en ce sens qu’elle implique les acteurs les plus proches et les plus écoutés par les populations de par leur autorité morale. Toutefois, afin de favoriser sa réussite, le choix des acteurs et des actions à entreprendre requiert une connaissance plus large des milieux religieux, des acteurs ou groupes d’acteurs (associations, groupement d’associations, leaders d’opinion). Ainsi l’objet de la présente « étude sur les milieux religieux et les activités de prévention des conflits et de développement au Niger»5 est de comprendre leur perception du développement, leur rôle joué dans les actions en cours, et leurs besoins en renforcement de capacités pour la formulation et la mise en œuvre des activités de prévention de conflits et de développement.

3. METHODOLOGIE 3.1 OBJECTIFS DE L’ETUDE

Les termes de référence mentionnent que « la présente étude se situe dans la démarche pour la définition et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’action pour la prévention des conflits religieux qui s’inscrit harmonieusement dans la politique nationale de prévention des conflits et de dialogue social initié à partir du forum d’Agadez de 2001, qui elle-même fait partie intégrante de la stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté adoptée par le gouvernement nigérien ».

Dans cette perspective, les objectifs de l’étude sont : - Etablir une description détaillée exhaustive (date de création, type, nombre d’adhérents,

membres, ressources, fonctionnement et gouvernance, lien avec l’extérieur et autres organisations nigériennes…). Les organisations religieuses toutes tendances confondues, permettent de mieux appréhender la réalité des milieux religieux et leur évolution au Niger à partir de 1998 notamment, date de la dernière étude de ces milieux (Garçon, 1998) ;

- Identifier, parmi ces organisations, celles qui mettent en œuvre des activités de développement et de prévention de conflits et celles qui sont désireuses de s’y investir ;

5 Termes de référence de la présente étude

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- Fournir une description des activités de développement et de prévention de conflits mises en œuvre ou envisagées par ces organisations en précisant leurs partenaires techniques et financiers actuels, et la nature des différents appuis qu’ils leur apportent ou envisagent de leur apporter ;

- Analyser les capacités des organisations qui interviennent déjà dans les activités de développement et de prévention de conflits et celles qui souhaitent s’y investir, et, leurs besoins en matières de renforcement de capacités ;

- Proposer un programme cohérent de renforcement des capacités des organisations religieuses et des autres organisations laïques de la société ;

- Fournir les éléments (activités et plan d’actions) à inclure éventuellement dans le cahier de charges du Conseil National Islamique. »

- Mapping des associations religieuses.

3.2 ECHANTILLONNAGE ET COLLECTE Le caractère national de l’étude impose une approche régionale. Ainsi toutes les régions du pays ont été concernées par l’enquête : Niamey, Agadez, Dosso, Diffa, Maradi, Tahoua, Tillabéri et Zinder.

Niamey, la capitale avec cinq communes est perçue comme étant le pôle d’attraction de toutes les associations, courants et ONG islamiques ; elle a été, de ce fait, choisie comme une zone test pour produire un modèle méthodologique adaptable aux autres régions du pays. Trois zones ont été composées avec chacune une équipe constituée d’un responsable et d’une enquêtrice et de deux enquêteurs.

- Maradi et une portion de Zinder - Diffa, Dosso et une portion de Zinder - Tillabéri, Tahoua et Agadez.

Après la pré-enquête de Niamey, les différents questionnaires ont été repris et adaptés aux réalités du terrain et aux modalités de la saisie.

Tableau 2 : Echantillon de l’enquête

L’échantillonnage a englobé la totalité des associations Islamiques, qu’elles soient reconnues ou pas.

Pour les autres groupes cibles le nombre de cent éléments par région a été retenu et analysé.

La collecte et l’analyse des données ont été faites sur la base d’une démarche qualitative renforcée par des données quantitatives. De ce fait, l’analyse des documents a pris une place importante dans la recherche afin de permettre une capitalisation des informations existantes ; la collecte et

l’analyse des données documentaires ont constitué la première étape du travail favorisant ainsi la construction d’une méthodologie appropriée au contexte :

- La connaissance des données historiques sur l’introduction de l’Islam au Niger, a guidé l’organisation des équipes de la recherche afin de permettre une analyse approfondie et focalisée sur une entité plus ou moins homogène sur le plan historique. Ainsi trois groupes : Maradi et une portion de Zinder, puis l’autre portion de Zinder, Diffa et Dosso et enfin Agadez, Tahoua et Tillabéri ont été constitués ;

Effectif prévu Effectif réalisé Population Cible 1 2 3 4 1 2 3 4 Agadez N 100 100 100 18 100 100 100Diffa N 100 100 100 10 100 100 100Dosso N 100 100 100 18 100 100 100Maradi N 100 100 100 7 100 100 100Niamey N 100 100 100 45 100 100 100Tahoua N 100 100 100 35 100 100 100Tillabéri N 100 100 100 16 100 100 100Zinder N 100 100 100 18 100 100 100Total TN 800 800 800 167 800 800 8001 = Associations et antennes ; 2 =adhérents ; 3 = individuel ; 4 = maîtres d’écoles coraniques

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- Les autres données non disponibles sur le plan de la documentation, ont été particulièrement ciblées pour constituer les éléments à rechercher lors des entretiens auprès de personnes ressources : leaders religieux, ONG, associations islamiques, adhérents… afin de permettre une réponse appropriée aux termes de référence.

Cinq guides6 d’entretien s’adressent respectivement aux :

- leaders des associations religieuses ;

- les membres des bureaux ;

- les adhérents des associations non membres des bureaux ;

- les individus non membres des associations ;

- et les maîtres des écoles coraniques.

L’entretien avec les dirigeants des associations a permis de définir les principales caractéristiques des associations islamiques en terme de visibilité, d’appartenance doctrinale et de pratiques en matière de développement, de prévention et gestion des conflits. Leur fonctionnement et leurs activités sont mieux connus et donnent une meilleure appréhension de leur capacité d’action, de mobilisation, d’organisation et de leurs perspectives. Diverses difficultés organisationnelles et matérielles limitent certes leur opérationnalité, mais le caractère particulier des principales activités leur permet de s’adapter et d’exercer quotidiennement. D’autres informations collectées auprès des leaders complètent et confirment les visions de la question du développement et des conflits selon les différentes doctrines ; l’implantation de l’Islam par région a été aussi discutée selon les opportunités offertes avec les leaders religieux.

Les adhérents choisis parmi les membres autres que les dirigeants des associations, ont été désignés en fonction des rapports entretenus avec les associations en terme de participation effective aux activités, de leur vision de l’organisation (respect des textes, perspectives…). Tous ces éléments devront permettre d’apprécier l’assise sociale des associations, leur capacité de mobilisation et d’influence.

Les autres musulmans non membres des associations (entretien individuel) apportent à ce travail des éléments d’information permettant de comprendre, de façon globale, leur vision de l’islam, des associations et leurs pratiques quotidiennes.

Les discussions avec les maîtres des écoles coraniques ont certes éclairé sur le fonctionnement des écoles, mais aussi sur leur appartenance et/ou relations avec les associations religieuses en terme de renforcement de l’assise sociale, de mobilisation et du rayonnement doctrinal de ces associations.

Dans le souci d’une triangulation des informations, des entretiens complémentaires ont été effectués au niveau des autorités administratives (Secrétaires Généraux de Préfecture et Maires), des dirigeants chrétiens et des responsables des radios privées. Ces entretiens ont permis de comprendre la nature des rapports qui existent entre ces acteurs et les associations, et éventuellement les perspectives futures.

La collecte a été basée sur une démarche analytique qui suppose des échanges et discussions inter et intra équipe. Des rapports intermédiaires sont rédigés pour chaque zone7.

Pour le dépouillement des questions ouvertes, un listing de toutes les idées a été fait, puis dans un second temps, ces idées ont été regroupées par thématique. La saisie des données a été effectuée de façon simultanée avec la collecte pour permettre les correctifs nécessaires à temps.

Chaque guide d’entretien a bénéficié d’une base de données. Le questionnaire sur les associations religieuses a été scindé en trois à cause de sa grande taille. En définitive six (6) bases de données avaient été créées. Ces données ont été saisies à l’aide du logiciel EPI INFO 6.0. Mais certaines analyses avaient nécessité le transfert des bases de données en SPSS pour faciliter leur croisement. 6 Outils de collecte en annexe 1 7 Rapports des régions en annexe 2

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La réalisation de ce travail a été confrontée à de nombreuses difficultés liées à : - La lourdeur administrative elle-même soumise à une lenteur dans le processus de prise de

décisions ;

- L’autorisation du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation devant faciliter le travail lors des enquêtes de terrain n’a pas été effective. La Direction des Affaires Coutumières et Religieuses a cependant adressé un message radio aux différentes régions afin de faciliter le contact des administrations avec les enquêteurs. Ces messages ont été partiellement reçus ;

- La réticence des leaders de certaines associations qui n’ont pas l’habitude d’être sollicités pour ce genre d’enquête ;

- Le refus des associations d’obédience izala de Zinder, Association des Femmes Musulmanes du Niger à Niamey, Associations des Jeunes Musulmans de Niamey, Cercle El Kanemi….

- Certains dirigeants des associations assimilent le travail d’enquête à un espionnage commandité par le nord et les Etats-Unis en particulier ;

- La localisation des associations qui n’a pas été aisée. Certaines associations « existent » seulement de nom et la plupart ne possèdent pas de siège social ni de local.

L’installation récente du Conseil Islamique du Niger (CIN) a lourdement pesé sur la disponibilité des uns et des autres. Mais au fur et à mesure des contacts, le climat s’est détendu et les travaux de collecte ont pu être menés dans de bonnes conditions.

4. SOCIETES ET ISLAM AU NIGER 4. 1. UNE PENETRATION EN PLUSIEURS PHASES

Au niveau de l’espace nigérien8, la religion musulmane aurait été introduite par l’égyptien Busr Ben Abi Artah entre les années 666-667 (avant même la pénétration de l’islam au Maroc) « plus précisément dans les oasis du Kawar, dont Bilma est la plus grande » (Zakari Maikorema, 1998). La religion musulmane a certes très tôt été importée dans le continent Africain, car elle a atteint les villes du Caire actuel, du vivant même du prophète Mohammed. Et en l’an 641, les grandes cités égyptiennes ont été islamisées par les conquérants venus d’Arabie de manière plutôt pacifique.

Du fait de sa position géographique médiane et de ses relations prolongées avec l’Afrique du Nord à travers les transactions du commerce transsaharien des produits divers (esclaves, sel, natron, or…), l’espace nigérien, compris entre le fleuve Niger et le lac Tchad, a été et demeure encore, un lieu de contact entre les coutumes ancestrales, base de la culture africaine et la religion musulmane venue du Maghreb en empruntant diverses directions : par le Kawar à l’est, par le Soudan central à l’ouest et longtemps plus tard par le Nigeria au sud. « L’Islam a été depuis lors adopté et réadapté par les populations locales » (Guy Nicolas, 1986). Cette islamisation s’est effectuée en quatre phases :

- Première phase : du VIIieme au XIVieme siècle vit l’introduction de l’Islam par les marchands et autres voyageurs venus du Nord ; les premiers convertis seraient des citadins en contact avec ces derniers, puis les souverains musulmans ;

- Deuxième phase : du XVieme au XVIIIieme siècle ; au cours de cette phase, les classes dirigeantes, les centres urbains et la plupart des zones rurales deviennent musulmans. Les écrivains locaux prennent le relais des écrivains venus du monde arabe. C’est une période de rupture d’équilibre en faveur de l’Islam, annonciatrice des affrontements du XIXieme siècle ;

8 Les régions du Sahel comprises entre le fleuve Niger et le lac Tchad sont communément appelées Espace nigérien.

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- Troisième phase du XIXieme au XXieme siècle : est celle qui voit les rebellions armées des Uléma contre les dirigeants politiques et l’établissement d’un pouvoir colonial tantôt hostile, tantôt tolérant à l’Islam.

La période du VIIieme au XIVieme siècle

« L’expédition victorieuse de ‘Uqba Ibin Nàfi’ al-Fihri en 666 dans le Fezzan (Libye) puis dans le Kawar marque le premier contact militaire de l’Islam avec l’Afrique noire (bilâd as-sûdân ). » (ISESCO, avril 1984). Et dès l’an 682, une expédition partie de Marrakech (Maroc) atteignait le sud du Sahara dans la région de la Mauritanie actuelle. Toutefois, les échos de la nouvelle religion seraient probablement parvenus aux populations bien avant ces événements historiques inauguraux.

L’Islam prend contact avec l’Afrique à travers le Sahara après avoir franchi la Mer Rouge (al bahr al-Ahmar), puis la Nubie (Ethiopie), al-Fustàt (ancien nom de l’Egypte) en l’an 641, il poursuit sa progression vers la Cyrénaïque (tarabulus al-garb ou Tripoli de Libye), l’Ifriqiya (al-ifriqiyya ou Tunisie actuelle) et le Maghreb extrême (al-magrib al-aqsà ou Maroc actuel). Les relations commerciales et sociales très anciennes et intenses entre le Nord et le Sud du Sahara ont tout naturellement permis à l’Islam d’emprunter les pistes caravanières préexistantes reliant différents centres commerciaux du Nord à ceux du Sud, de l’Est et de l’Ouest de l’Afrique. D’après des sources historiques (Sa’adi traduit par Houdas,1964 ), cette islamisation progressive de l’Afrique subsaharienne a été d’abord pacifique, adoptée initialement par des commerçants arabes puis berbères qui l’avaient embrassée après la conquête du Maghreb par les armées musulmanes venues de la Péninsule arabique.(Abdellah Laroui, 1970)

Ensuite, fut le tour des savants d’origines diverses qui avaient pris le relais, à partir des cités religieuses du nord, (Qayrawan en Tunisie et Tarâbulus en Libye), de l’ouest (Wallâta ou actuel Algérie, Sinqît et Tafilâlit en Mauritanie) et de l’Est (Fustât ou Egypte actuelle et Gadâmis en Libye) avec le soutien des classes dirigeantes. Ces lettrés se déplaçaient de cité en cité à travers le désert et la savane, convertissant les populations et servant de conseillers et / ou de secrétaires à certains empereurs, rois et chefs de villages (Cuoq JP, 1975). Durant cette première phase d’implantation de l’islam, les arabes et les berbères ont souvent été cités pour avoir joué un rôle important dans le processus (Abdellah Laroui, 1970). Mais, la diversité de leurs mœurs, elle-même liée à la pluralité de ces groupes ethniques laisse penser que les rythmes et les voies de l’islamisation furent différents, en fonction de l’histoire politique, économique et sociale des groupes ethniques en présence.

Cette pénétration progressive de l’islam s’est effectuée durant plusieurs siècles en s’appuyant sur deux fondements de la construction du croyant :

- L’instruction à partir du Coran dont la connaissance, fut-elle partielle, est indispensable à tout musulman devant accomplir les cinq prières quotidiennes qui constituent un des cinq piliers de l’islam ;

- L’éducation inséparable de l’instruction en islam, dans la mesure où elles entretiennent des relations de complémentarité : la première offre la lecture, l’écriture et la compréhension du message (al-risàla) et des sciences annexes ; la seconde prend en charge la socialisation du jeune croyant sur la base de l’apprentissage de valeurs morales et de la formation technique indispensables pour la formation de sa personnalité et son insertion sociale dans la communauté des croyants (Umma).

La mosquée (masjid) qui servait de lieux de prières, de débats, touchant la vie de la communauté a aussi, initialement, servi de lieu affecté à cette tâche fondamentale de formation. Certaines sont devenues progressivement de hauts lieux de savoir dans différentes disciplines au-delà des sciences religieuses (Mohamed El-Fâsi, XXXX)9. Les centres ont formé des érudits et des savants itinérants qui, par la suite, ont diffusé la culture et le savoir islamiques en Afrique sub-saharienne.

9 Ainsi, de nombreux africains du Sud du Sahara ont été formés dans les célèbres Mosquées universitaires : Al-Qarawiyyin à Fas, à la Zaïtuna de Tunis, à Kayrawan et à al-Azhaz as-Sharif du Caire.

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La période du XV ieme au XVIII ieme siècle Les efforts consentis durant les siècles précédents par les savants, les étudiants, l’encouragement de certaines corporations comme les commerçants et les grands souverains, vont être les catalyseurs d’une renaissance politique et économique se traduisant par l’émergence d’une nouvelle classe de lettrés locaux qui prendra le relais des savants venus du Nord.

Ainsi, après la disparition des grands foyers urbains et commerciaux, notamment Aoudaghost, Koumbi Saleh et Walata, d’autres grands centres prestigieux comme Niani, Djenné, Tombouctou, Gao, Tigidda et Agadez prennent tour à tour le rôle de pôles importants et très vigoureux sur le plan culturel et religieux. Des érudits formés à Fès au Maroc, dispensaient leur enseignement dans différentes mosquées subsahariennes devenues de véritables universités. Les imams (imâm ou guides de prières), les cadis (qadi ou juges religieux) et les secrétaires (Kàtib) étaient en majorité originaires des Empires du Ghana et du Mali à l’Ouest et de l’Empire du Kanem Bornou à l’Est ; l’Islam devenait une religion africaine à part entière et l’école coranique complètement intégrée aux structures sociales et adaptée aux besoins (Hamani Djibo, 1988).

La période du XIX ieme au XX ieme Siècle

Cette période se caractérise par la redynamisation de l’islam due en grande partie à l’enseignement des confréries musulmanes mystiques at-turuq as-sufiyya (déjà citées dans l’introduction): la qadiriyya, la tijaniyya, la sanoussiyya, la khalwatiyya et leurs ramifications.

La plus ancienne de celles-ci fut la qadiriyya, fondée par Abdu-l-Qadir al-Jilani. Elle s’est structurée d’abord en Algérie, avant d’être diffusée en Afrique sub-saharienne à Tombouctou, puis plus au Sud et à l’Est par les Touareg grâce à la forte implication des Maures Kounta de la branche des Bakkayi dont la personnalité religieuse la plus connue serait al-Mukhtâr al-Kunti (De la fosse, 1912). Cette confrérie était à l’origine de plusieurs guerres (jihâd) dont le motif (affiché) était toujours la purification et la régénération de l’islam entaché, selon les religieux réformateurs, par les pratiques ancestrales10. Ces combats ont abouti à la création de quelques Etats dits théocratiques en Afrique subsaharienne : la Dîna sous l’impulsion de Cheikhou Amadou, dont la capitale était Hamdallaye au Mali actuel et plus tard Sokoto sous l’instigation de Ousman Dan Fodio, dont la capitale du même nom est située au nord Nigeria actuel (Ousman Dan Fodio, Manuscrit IRSH).

La tariqa tijaniyya fondée par l’algérien Cheikh Ahmad At-Tijâni (1737-1815), s'étendit au début du XIXe siècle en Afrique de l’Ouest et dans le Maghreb. Elle s’est rapidement répandue en Afrique de l’Ouest, notamment grâce aux conquêtes d’Al-hajj Oumar Tall, nommé calife du Soudan lors de son pèlerinage à La Mecque11. L’œuvre d'Al-hajj Oumar Tall est poursuivie par d'autres adeptes à l'exemple du sénégalais Cheikh Ibrahim Niasse. La tijaniyya s'est alors étendue vers les autres pays d’Afrique noire à partir du Sénégal pour atteindre le Niger et le Nigeria au milieu du XIXe siècle (Sourdel D, 1999).

La sannoussiyya, troisième voie soufie, vient de la Libye. Jadis, fortement implantée en milieu touareg ; elle existe encore aujourd’hui au nord du pays. Elle avait été étouffée par l’administration coloniale à la suite d’un soulèvement de ses adeptes en 1917 à Agadez. Après la répression par l’administration coloniale, la majorité de ses adeptes, s’est convertie à la tijaniyya, considérée comme proche des dirigeants coloniaux.

Cette prédominance de l’islam est attestée par des faits historiques marquants conservés qui constituent de sérieux indices laissant penser qu’à l’époque de l’installation coloniale, l’islam occupait une place importante dans la vie des peuples des territoires et régions constituant le territoire militaire et plus tard la République du Niger.

Plusieurs résistances ont été menées au nom de l’Islam des lettrés :

- Alfa Cheybou se révolta à Kobtitanda dans le Dallol.

- Tagama et Kawsan Wantigidda dans l’Ayar ; 11 Pendant ce pèlerinage, el hadj Omar de passage en Egypte avait contexte l’écriteau de l’ Université de El AZHAR « Mislouka alph »

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- Les Uléma de Cintaghoda à Agadez

- un alim (savant), des chefs politiques Kel Gress dans l’Adar à Libatan, à Galma et Jangebe ;

D’autres soulèvement de marabouts sous forme de guerres saintes ou de résistances ont été mentionnés : guerres peul (Jihâd) au niveau des deux Fouta (Guinée et Sénégal) et celles de Al-hadj Omar, ensuite les conflits de Samory, de Amadou Bamba et Ousman Dan Fodio. (Christian Coulon, 1983).

La culture musulmane était ainsi implantée dans tous les grands centres urbains de l’Afrique sub-saharienne à la veille de la pénétration anglo-française des territoires susnommés. Les sciences islamiques et les lettres arabes étaient appréciables mais inégalement diffusées dans l’espace, du fait de l’existence de centre d’apprentissage du Coran et des sciences islamiques dans des cités importantes.

L’Islam fut donc une préoccupation pour la conquête coloniale au point où on a cru deviner une politique spécifique musulmane de l’administration française.

La période coloniale Pendant toute la période coloniale l’administration a souvent fait face aux agitations qui secouaient régulièrement les régions, sous l’impulsion des lettrés musulmans. Le constat est que la majorité des groupes sociaux, de Bilma à Say, de Magaria à Iférouane, adhéraient à l’Islam en fonction de l’importance des échanges et des contacts géographiques avec les foyers religieux du Kanem à l’Est, de l’Empire théocratique de Sokoto au Sud, du Maghreb au Nord et du Soudan occidental à l’ouest. Certes des poches de pratiques animistes12 plus ou moins importantes, existaient par endroit, mais dans toutes ces régions, l’islam servait de ciment pour l’unité des groupes sociaux et linguistiques qui sont d’autant plus différents que les intérêts étaient souvent divergents entre éleveurs pasteurs et agriculteurs sédentaires.

Aussi, faut-il rappeler que près de 95% de la population vivaient dans des communautés villageoises en grande partie dirigées, par des familles de lettrés, ou des chefferies qui s’appuient elles-mêmes sur des lettrés pour l’exercice de leur pouvoir. Le statut personnel (naissance, éducation religieuse, mariage, divorce, héritage, transaction, conflits champêtres, décès etc.…) des membres de ces communautés est régi par la jurisprudence musulmane et par certaines dispositions de la coutume qui ne s’opposent pas ouvertement au Coran et aux traditions prophétiques. Seules les dispositions pénales par rapport à leur sensibilité, notamment les crimes de sang sont soumis progressivement à l’appréciation de l’administration coloniale.

Stratégies coloniales face à l’Islam La prépondérance de cette religion musulmane n’a d’ailleurs pas laissé indifférente la nouvelle administration coloniale qui a évolué sur un terrain déjà investi par l’action des savants musulmans depuis plusieurs siècles. Pour mieux mener sa politique et concrétiser ses ambitions d’occupant, elle a du s’employer à déstabiliser les foyers de diffusion du savoir religieux qu’elle considérait comme centres de formation de récalcitrants hostiles à sa présence.

L’administration coloniale n’avait pas hésité à faire recours à des stratégies diverses, notamment une étude systématique des structures communautaires pour mieux contrôler le développement de l’islam. Par ailleurs des sources écrites mentionnent que les attitudes des administrateurs variaient selon leur tempérament mais leur objectif était le même a savoir saper les bases de cette culture religieuse en s’attaquant aux « écoles » coraniques traditionnelles, en marginalisant l’arabe langue du savoir de l’époque pour installer son propre modèle avec une série de lois et de décisions qui l’accompagnent :

- Contrôler systématiquement ceux qui sont considérés comme indifférents à leur égard, en l’occurrence, les marabouts socialement bien représentatifs, qualifiés de charlatans et vagabonds ; ou encore réprimander et déporter les plus hostiles et résistants ;

12 Animisme : religion antérieure à l’Islam pratiquée par les sociétés de l’Afrique noire ; la croyance est fondée sur l’idée qu’en tout objet (arbre, pierre…) existe une âme qui peut faire du bien et/ou de mal aux êtres humains.

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- Associer les marabouts plus « compréhensifs », à l’œuvre coloniale à travers la gestion des communautés villageoises ; ces marabouts légiféraient en s’appuyant sur le droit coutumier, lui-même, fortement influencé par la jurisprudence musulmane (as-Saria) ; seuls les crimes de sang étaient jugés par les administrateurs coloniaux.

Cette pratique de contrôle et de répression et de pacification communément appelée « la paix coloniale », n’a pas entaché la dynamique de l’islam ; elle a paradoxalement réactivé le processus, après l’avoir perturbé. Notamment à travers les effets multiples de sécurisation des voies de communication et leur développement, etc. Cette politique a eu pour conséquence de faciliter le déplacement aux hommes, y compris aux prédicateurs itinérants qui en ont profité, pour porter le message de l’Islam dans des contrées jusqu’alors méconnues (Alioune Traoré, 1983). Certes, le niveau d’instruction a fortement régressé pour des raisons d’ailleurs plus liées à sa propre dynamique et aux conditions de vie des populations qu’au succès des stratégies adoptées par la politique coloniale. Ainsi, durant ce siècle de colonisation, le constat est que l’Islam s’est propagé horizontalement, mais il s’est intellectuellement appauvri avec le relâchement de l’aspect confrérique.

4.2 UNE PENETRATION GEOGRAPHIQUE PAR ETAPE

4.2.1 REGION DE DIFFA Deux origines de la pénétration de l’Islam dans la région de Diffa peuvent être décelées : La plus ancienne vient du contact avec le monde arabo-berbère depuis l’installation de l’empire du Bornou et la plus récente avec l’arrivée de groupes nomades peuls d’origines diverses.

L’actuelle région de Diffa était restée sous la domination de l’empire du Kânem Bornou. Les populations qui y vivaient furent islamisées par les arabo-berbères depuis les débuts de l’islamisation. « Le premier établissement de l’Islam au soudan central date du Xieme siècle avec la conversion du Maï, chef en Kanouri (D. Lange, 1978), de Kânem. Le premier pays du Soudan où pénétra l’Islam aurait été le pays Bornu. Cette pénétration se réalisa par l’intermédiaire de Muhammad Ibn Mânî, qui avait vécu cinq ans à Bornu au temps du roi Bulu et quatorze ans au temps du roi Umme (Hummay). Alors il rallia Bornu à l’islam par la grâce du roi Umme. Maï Umme et Muhammad ibn Mânî propagèrent l’islam au-dehors. Le fils et successeur de Hummay, Dûnama (1097-1150) fit deux pèlerinages à la Mecque ».

Au XVIième siècle, la position de l’Islam se trouva encore consolidée par la politique d’Askia Muhammad de Songhay ainsi que par le départ du Maî du Kânem pour l’empire du Bornu et le long règne d’Idriss Alaôma. On suppose que l’intervention de ce chef à Mandara ouvrit la voie à l’introduction de l’Islam dans ce pays, et c’est peut être à cette époque que les Tubu adoptèrent l’Islam.

Cependant selon Maikoréma « même si Ibn Batuta s’évertue à présenter le Burnu d’Idriss Alaoma comme un ‘’Etat islamique exemplaire’’, force nous est de constater, à l’évidence, qu’une telle présentation ne reflète pas tout à fait la réalité. Certes, la pratique de l’Islam au Bornou du XVI ième siècle, au moins au niveau des dirigeants, ne peut être rejetée sans appel, la conversion du premier souverain Sefouwa à l’islam remonte au X ieme. Mais il n’en demeure pas moins vrai, que considérer les Mai Sefouwa comme de vrais Khalifes relève avant tout de l’exagération, d’une présentation intéressée des faits ».

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Selon une source récemment transcrite (Tarik masjid madinat Agadez), Cheikh Zakarya serait venu de l’Ouest accompagné d’un groupe d’étudiants. Il serait le premier à introduire la qadiriyya dans la ville (aujourd’hui confrérie dominante)

Sidi Mohamed El Bagdadi, serait venu de l’orient, il installa l’islam dans le massif de l’ayar. Très vite son rayonnement s’étendit sur tout les kel ayar de l’est. Le souffle qu’il insufla à la religion continue à imprimer sa marque. Les partisans actuels de la khalwatiyya (courant religieux mystique, relié à la qadiriyya) majoritaires dans cette zone lui attribuent l’introduction de cette tariqa dans la montagne

Les populations peules revenues de la conquête de l’Adamaoua (les Bornan-Koobé), et certains groupes venus de l’Est (Sokoto, région du Damagaram) ont renforcé l’islamisation de la région de Diffa. Les chefferies de Fulatari et de Ngel Beyli sont nées de ces groupes d’éleveurs musulmans installés dans la région alors fertile, peu peuplée (la ville actuelle de Diffa n’existait pas il y a un siècle) et riche en pâturage. Aujourd’hui, l’enquête révèle la prédominance des associations izala (6) et malikite (4) sur les dix enquêtées

4.2.2 REGION D’AGADEZ

En raison de sa proximité géographique avec le Maghreb et le Kawar, cette partie du Niger aurait connu, dès le VII ieme siècle, l'arrivée de grands érudits religieux. « Les premiers indices de la pénétration de l’islam dans l’Aïr sont des sépultures datant de vers 640 - 880 après J.C dans le kori de Mamanet. Commencée dès le 7ème siècle, l’islamisation de l’Aïr a été lente mais progressive au point qu’aujourd’hui, dans leur majorité, les Touareg de l’Aïr se disent musulmans ».

Mais ce n’est qu’au XVIe siècle qu’Agadez devient un véritable foyer spirituel, il y avait déjà environ 70 lieux saints

dans la capitale de l’Aïr. Elle doit son rayonnement spirituel à des grands personnages religieux au rang desquels :

- Zakarya, bâtisseur de plusieurs mosquées dont le célèbre minaret qui domine toute la ville et tient lieu de place de prière le Vendredi.

- Sidi Mohamed El Bagdadi est arrivé vers 1512 à Agadez. Certains marabouts virent en lui une sainte personnalité religieuse (mahdi) qui reviendrait à la fin des temps pour l’instauration de la religion originelle. Il fut à l’origine de la formation d’un certain nombre de maîtres très célèbres dans la région. Les mosquées et les tombes de ses disciples sont aujourd’hui considérées comme des lieux saints qui sont périodiquement visitées (tahajara : visites ou pèlerinage).

L’Islam de l’Aïr est issu de l’école théologique Malikite et de plusieurs voies confrériques (qadiriyya, tijaniyya, sanoussiyya.... Les malikites sont les plus nombreux avec une influence du soufisme ou pas ; toujours est-il que l’Islam de l’Aïr se singularise par les grands rassemblements religieux organisés chaque année dans certaines mosquées. Plusieurs centaines de fidèles se retrouvent ainsi pour des retraites spirituelles qui durent jusqu’à 40 jours autour des tombeaux des « cheikhs » ou de certains lieux sacrés.

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Ces rassemblements sont l’occasion de grandes prières, d’échanges intellectuels entre oulémas, de formation spirituelle pour certains fidèles ou de règlement de certains litiges : problèmes successoraux, mariages, cas de jurisprudence ».

Assaleck Ibrahim mentionne que « dans la pratique, l’Islam de l’Aïr est très tolérant, voire laxiste. A part les personnes d’un certain âge, la majorité des croyants ne sont pas très pratiquants par rapport à l’observance des rites. Certains aspects de l’Islam considérés comme contrai-gnants ou incommodants (ablutions avant les prières, port du voile pour les femmes) sont souvent négligés. En réalité les populations ont adopté une voie médiane entre les exigences de l’Islam et la culture originelle des touaregs qui laisse aux hommes et aux femmes une très grande

liberté ». De nos jours, trois courants se partagent le terrain au coté de la majorité non confrérique : qadiriyya anciennement implantée, puis la tijaniyya en forte progression et la izala récemment introduite et fortement dynamique ; cette dernière est néanmoins considérée par les autochtones touareg comme une conception religieuse haoussa encore étrangère à leur contexte culturel. La cohabitation des courants religieux est parfois emmaillée de soubresauts conflictuels.

Trois autres courants spécifiques à la région : sanoussiyya, khalwatiyya et saziliyya et demeurent de faible influence. Selon André Salifou, (1973) :

- La sanoussiyya est une confrérie créée en 1837 par Mohamed Ben Ali As-Sanoussi. Cette confrérie s’est développé dans le nord (Maghreb) avant de se diffuser dans l’Air et dans le Damergou pour s’étendre jusqu’au Nigeria (Kano) en passant par le Damagaram. Cette confrérie puritaine tente de ramener la religion à sa pureté première et à renforcer l’unité du groupe

- La khalwatiyya, fondée par Jamal Adin Al Khalwati au XVième siècle. Les premiers se sont répandus de l’Egypte vers l’Air en passant par le Soudan ; En 1946, première date où cette confrérie a été mentionnée par l’administration coloniale avec son leader Mallam Moussa Abatoul installé près de Tabelot qui construisit une mosquée et une école coranique (il est aussi leader de la qadiriyya, et de la saziliyya). Cette confrérie est aujourd’hui présente dans plusieurs oasis. Elle tire sa philosophie de khalwa qui signifie retraite, réclusion (40 jours dans un lieu obscure).

- Une dernière confrérie saziliyya, proche du sufisme, dont les données historiques manquent, existe faiblement dans cette région.

Mais aujourd’hui la tijaniyya (avec 10 associations) et izala (avec 8) semblent occuper l’essentiel de l’arène politique de la région.

4.2.3 REGION DE TAHOUA

L’islamisation de cet espace, à l’instar de tout le soudan central, a été un long processus mais permanent. Dès le VIIieme Siècle, le processus serait pris en charge par des agents tels que les nomades Dagaminawa, les Bitirawa commerçants originaires du Damergu qui s’installèrent progressivement dans la région principalement autour de Mogar et de Sokoto. Ces groupes

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Mallam Jibril serait un grand savant qui connaissait la Vérité. Sa grandeur réside dans le fait qu’il fut celui qui porta le drapeau du savoir parmi sa génération ; Il était le premier à attaquer les coutumes du Soudan. Il était persévérant dans le service de Dieu, patient et éloquent ; il riait toujours avec les gens si bien que vous auriez pensé que tous les hommes sont ses amis. Il ranima la religion dans ce pays : « il dispersa les ténèbres du mal de notre pays, il devient comme une lampe dans l’obscurité. C’est l’instrument de Dieu pour aider la religion ; il était comme le soleil qui venait de l’Est et son éclat se répand vers l’Ouest ” (Mahamadou Bello, dans In Fakul Maisur)

auraient fait la promotion de l’Islam avant les Abzinawa, arrivés massivement de l’Aïr fin XVIIieme début XVIIIieme Siècle. A partir de cette époque une branche de la dynastie d’Agadez qui devint Sarkin Adar inaugurée par Agabba13 se serait installée à Birnin Adar.

En Adar comme dans la plupart des régions de l’espace nigérien pré colonial, les souverains firent, dans un premier temps, de l’Islam un instrument de domination. Ils accueillirent et maintinrent dans leurs entourages immédiats des marabouts, conscients que ces derniers ont une influence certaine sur leurs administrés. En particulier dans les cités où l’action de certaines tribus venues d’Aïr en compagnie d’Agabba avait porté des fruits.

Mais le syncrétisme religieux manifesté par une imbrication des pratiques et des coutumes païennes et islamiques, les oppressions, la corruption dans le milieu sociopolitique, les expériences historiques, notamment le mouvement de réforme de Muhammad Abdu-l-al Wahbab qui voulait purifier l’Islam des innovations (bida’a) dont la plus manifeste était le culte des saints, emmenèrent des érudits comme Mallam Jibril Dan Oumarou issu de la tribu de Watsakkawa, (l’une des douze tribus maraboutiques qui vinrent en compagnie d’Agabba occuper l’Adar depuis l’Aïr) a tenté une réforme religieuse en zone haoussa et touareg ; ils incitèrent la population à se soulever contre les gouvernants et leurs marabouts accusés d’innovation blâmable et d’ignorance caractérisée. Cette entreprise de Mallam Jibril Dan Oumarou ne connaîtra pas le succès

attendu d’après les traditions orales, car les forces sociales n’étaient pas suffisamment préparées pour abandonner les pratiques séculières dénoncées.

Après ce constat d’échec, il effectua en Arabie un second pèlerinage qui coïncida avec l’implantation définitive du Wahhabisme. Et cette expérience directe d’un réformateur victorieux a certainement été rapportée par Mallam Jibril à ses disciples, ce qui a contribué à encourager le processus des réformes de l’Islam en pays haoussa.

En effet, dès le début du XIXieme siècle, le gigantesque mouvement de réforme islamique déclenché par Cheikh Ousman Dan Fodio et ses alliés, va marquer profondément le monde haoussa et au-delà tout le Soudan central dont l’objectif affiché était invariable : débarrasser l’Islam de ces pratiques ancestrales et éradiquer les injustices qui souillent toute substance religieuse. Les grands problèmes qui préoccupaient Ousman Dan Fodio à l’époque étaient les mêmes que ceux de son Maître Mallam Jibril Dan Oumarou et sont de trois ordres :

- La rigidité des Uléma (érudits religieux) dans d’interprétation des textes régissant les pratiques islamiques ;

- L’apparition d’une classe de charlatans marabouts ;

- Le manque d’éducation religieuse au niveau du peuple.

Mais cette activité est devenue de plus en plus menaçante pour les souverains et certains de leurs marabouts accusèrent Dan Fodio d’hypocrisie, de rébellion et même d’hérésie ; ils affirmèrent qu’il était en train d’égarer le peuple, ce qui provoqua la rupture entre Ousman Dan Fodio et les chefs coutumiers. C’est dans ce contexte sociopolitique et religieux confus que Ousman Dan Fodio et ses partisans déclarèrent la guerre sainte (Jihad) de 1804 à 1808. Les combats engagés ont tourné en faveur des religieux réformateurs; ainsi Ousman Dan Fodio réussit là où son Maître avait manqué ;

13 Fils du Sultan d’Istanbul, commandeur de tous les croyants à l’époque

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Mohamed Al Jilani naquit vers 1777. Il était devenu le plus grand érudit de l’Azawagh. Il appartient au groupe des Attawari. L’action de M. al-Jilani pour la conversion des Iwillemmeden avait commencé plus tôt et lui avait apporté une certaine notoriété. Sa prise du pouvoir en Ayr marque l’apparition d’un nouveau type de pouvoir, celui de chef religieux.

Exploitant son avantage, M. Al Jilani attaqua les Kel Ataram jusque dans le pays à reprises et saccager Menaka. Il semblait en voie de constituer, au profit des Ibarkoreyan et de l’islam, une puissance théocratique militaire.

la principale conséquence de cette victoire était l’établissement d’un Etat théocratique islamique appliquant la chariyya, s’étendant de :

- Dori à l’Ouest, à Adamawa à l’Est ;

- de Birnin Konni au Nord, à la Bénoué au Sud dont l’influence atteignait

- de l’Aïr au Nord-est, au Gourma à l’ouest et au Songhay au nord ouest.

Les centres religieux majeurs sont Sokoto la capitale et Gwandou (cité voisine de Sokoto où s’installa Abdoulaye Dan Fodio). Cette action avait eu plus d’impact et d’ampleur avec des effets dans la conduite des souverains musulmans qui se sont succédés en Afrique de l’Ouest. A l’époque où Ousman Dan Fodio prêchait pour la réforme dans les Etats Haoussa, la situation religieuse chez les Touareg voisins ne semble pas meilleure qu’en Adar car les Imajeghen (guerriers), des maîtres tout-puissants régnaient seuls en marginalisant les castes maraboutiques.

Toutefois, à l’Ouest, la présence des groupes islamisés anciennement installés dans la région semble avoir favorisé l’acceptation des pratiques religieuses locales ; de même les campagnes des réformes islamiques entreprises par certains marabouts au XVIIe siècle n’ont pas véritablement entraîné un processus de purification des pratiques islamiques en Adar. Il fallut attendre la fin des hostilités de la jihad pour voir l’Islam reformé se répandre progressivement et rapidement dans la région sud de l’Adar.

Poursuivant l’exemple de Ousman Dan Fodio, entre 1809 et 1816, un autre érudit du nom de Mohammed al Jilani de la confédération touarègue des Oullimenden de l’Azawagh entreprit la conquête de la partie nord de l’Adar, et tenta de répandre par force la religion musulmane au sein des groupes fixés dans la région.

Il procéda par un appel de l’aristocratie touarègue à l’Islam et connut quelques succès. La violente opposition des réfractaires à son action aboutit à une rupture avec l’aristocratie en 1809 ; ces évènements prirent la forme d’un conflit armé entre lettrés et aristocratie.

Une série de guerres s’ensuivit, marquée par la victoire complète d’Al Jilani. Celui-ci s’empara ensuite de l’Adar haoussa en

1818. Le pouvoir qu’il installa dans ces deux régions fut marqué par l’application des règles de l’Islam avec une rigueur qui détacha Al-Jilani de beaucoup de groupes à peine sortis de l’animisme.

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A cela il faut ajouter l’influence des Kel Gress, qui remettaient une dîme aux marabouts musulmans, entraînant du coup la conversion de certaines populations, surtout les plus pauvres, sur lesquelles ils avaient établi leur domination tels les Manbawa ; une faible partie de la population était islamisée avant 1900. Par la suite diverses entreprises de conversion qui se sont opérées dans le milieu de la chefferie vont marquer le XXe siècle, au fur et à mesure que grandissait le prestige de Sokoto.

L’apparition de la

tijaniyya de la

branche de

Ibrahim Nias

dans la vallée de

Kaoura Abdou

vers les années

1920 accéléra

le processu

s d’islamis

ation dans cette

zone ; introduite et développée par des marabouts venus de Kano qui avaient auparavant complété leur formation à Kaoulak, la tijaniyya se poursuit actuellement et est favorisée par la multiplication des medersas officielles généralement tenues par des jeunes formés à Sokoto qui demeure encore de nos jours le centre de

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Malam Souleymane Ibrahim Gado, petit fils de Bawa Jangorzo, reçut sa formation coranique et de science religieuse durant trente ans auprès d’un marabout qui serait originaire de la mecque. Il séjourna neuf ans dans le katsina, Kano où il laissa sa famille avant de se diriger à Agadez où il approfondit ses connaissances. Il mourut en 1899 quelques années avant l’occupation française.

référence de la tijaniyya.

A Tahoua le processus de l’islamisation actuelle est marqué par un Islam traditionnel qadirite au nord et un Islam réformiste au sud représenté par la tijaniyya et une remontée izaliste récente. Entre ces deux groupes du sud, évoluent des jeunes formés dans les universités maghrébines et orientales, souvent attentifs aux discours des groupuscules radicaux basés au Maghreb voisin et au Nord Mali qui développent une vision salafiste de l’Islam.

Dans l’ensemble, l’enquête a concerné : 26 tijaniyya et 9 izala.

4.2.4 REGION DE ZINDER

Autrefois ville étape du commerce transsaharien, la ville de Zinder est connue des historiens du fait de sa situation géographique et du rôle important de son marché. L’Islam très tôt introduit par les commerçants arabes et berbères est embrassé par la cour avant que celle-ci passe sous protectorat bornouan.

La pénétration de l’Islam dans la région du Damagaram s’est faite de manière pacifique, en ce sens qu’aucune guerre d’islamisation n’a eu lieu.

A partir de Gouré, il y a trois tendances :

- Les kanouri par Bornou et Koukawa…

- Les haoussas, avec Malam Souleymane Ibrahim Gado de la famille de Bawa Jangorzo qui, sur son chemin de retour en direction de Kano, transita par Zinder où le souverain Tanimoune, connaissant bien son savoir, lui demanda de se joindre à sa cour. Il y passa trente cinq ans comme conseiller principal en matière de religion auprès de souverain. Durant cette période la chariyya islamique fut appliquée sur toute l’étendue du Damagaram.

- Les peuls, descendant des troupes de El hadj Ousman Dan Fodio, revenus de adamawa et dispersés dans la région sous forme de villages religieux (les jamaré) ; certaines sources orales attestent que ce groupe est le plus ancien de la région de Gouré (les descendants de ces groupes se retrouvent à Jabéram et dans les koublé de Mallam Ida, prés du village de Wodo, au sud du département de Gouré)

Le Damagaram est aujourd’hui peuplé par les haoussa venant du Nord Nigeria, les Tsotsé Baki (Mirriah), les kanouri et Dagra (Tanout et Gouré) et plusieurs groupements de peuls et de touaregs. La particularité de la pratique dans cette région est la présence des « jamaré », villages religieux sous la responsabilité de chefs spirituels et vivant souvent en marge des grands centres.

Les populations de ces villages sont essentiellement des peuls affiliés à la confrérie Qadiriyya. Ils pratiquent le Kubli14. Selon les responsables rencontrés pendant les enquêtes, en Islam, une femme mariée reste à la maison et ne doit sortir hors de la concession qu’en cas de nécessité et avec l’autorisation du mari. Aussi pour respecter cette interprétation de l’Islam, les hommes s’occupent de toutes les tâches ménagères nécessitant des déplacements hors de la concession : rechercher de l’eau, du bois…

14 Pratique islamique qui consiste à interdire aux femmes mariées de sortir hors de la concession conjugale, de parler aux hommes (qui ne sont pas membres de la famille)…

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Ousmane Dan Fodio naquit le 15 décembre 1754 à Marata au Gobir près de Galmi. Ousman, appartient à une famille originaire de Fouta Toro (Sénégal) d’où le nom de Torenkawa (ceux de Toro) que portent les membres de cette famille. Musa Jakollo fut l’ancêtre qui mena le groupe dans la région actuelle de Birnin Kwanni aux environs de 1450 et ces hommes étaient semble t-il depuis des siècles spécialisés dans l’étude du Coran. Usman Dan Fodio entreprit la guerre sainte (jihad) de 1804 à 1808 dont la principale conséquence fut la création d’un vaste Etat théocratique avec Sokoto comme capitale politique et religieuse dirigée par une figure très prestigieuse dont l’action eut le plus d’impact, d’ampleur et de prolongation parmi tous les souverains musulmans qui se sont succédés en Afrique de l’Ouest.

La tijaniyya est la confrérie dominante avec l’apparition d’une tendance izaliste venue récemment du Nigeria voisin. La montée izaliste connaît une régression en terme d’adeptes ; en effet il y a une seule association izala et 8 tijaniyya et 7 malikites et 1 qadriyya.

4.2.5 REGION DE MARADI

Le processus d’islamisation de la zone de Maradi est difficilement reconstructible en raison des vagues d’immigration en provenance du nord (Maghreb) et de l’est (Bornou), foyers d’islamisation ancienne. Mais, l’étape la mieux connue serait celle relative au Jihad déclenché en 1804 par Ousmane Dan Fodio (Cheikh de la qadiriyya) et la constitution du califat de Sokoto. Les états de Katsina et Gobir, actuel Maradi ont été touché par le phénomène à partir de 1808, avec la capitulation du Gobir suite à l’exécution du roi Yunfa.

L’islamisation de cette région avait déjà été amorcée, car selon les propos de Malam Almou, Imam de la grande Mosquée et président des associations Islamiques de Maradi : « nos grands parents (Katsinawa et Gobirawa) partaient en étude coranique à Sokoto avant même le jihad d’Ousman Dan Fodio ». Après leurs études, ils faisaient de prêches périodiques dans les états hausa nigériens qui connaissaient à l’époque une forte empreinte animiste. Pendant le jihad de Dan Fodio dans les états du Gobir et Katsina, ces marabouts déjà en contact avec l’Islam, ont joué un rôle important d’accompagnateur de Dan Fodio qui a plutôt été porteur de réforme suite à ses études au Soudan. Dan Fodio les installait au niveau des Etats conquis pour assister les chefs de provinces et les sultans car ils devenaient désormais des marabouts alliés

de la QADIRIYYAH dont le but est de propager l’Islam réformiste, réfutant ainsi le développement de la doctrine ibadite (tendance théologique d’origine chiite qui a joué un rôle très important dans l’islamisation à partir de l’Algérie à travers le commerce transsaharien) et malikite dans ces Etats».

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Alpha Mahamane Djobbo, fils de Saliha, serait un peul Gorgabé originaire de Bamba (actuel Mali). Il aurait appris le coran auprès de son père avant de fréquenter plusieurs marabouts dont le plus connu est Alpha Bandjagouri. Devenu grand marabout, il entreprit des prédications dans les zones songhaï de kokorou, de Gourouol, autour des villages de Bangoutara, Larba, Sinder où il rencontre le marabout connu sous le nom de Issoufou Sinder. Empruntant la voie du fleuve, il fit un séjour à Goudel puis se fixa pour une dizaine d’années dans l’île de Néni prés de Niamey.

Actuellement on décompte 3

associations malikites, 2 izala, 1 tijaniyya et toutes sortes de courants.

4.2.6 REGION DE LA VALLEE DU FLEUVE (TILLABERI ET NIAMEY)

L’histoire de l’islamisation de la vallée du fleuve Niger a connu un phénomène de va et vient et, est de ce fait difficile à reconstruire de façon chronologique, en ce sens qu'elle s’est étalée sur plusieurs siècles. Cependant les Tarikh notamment as-Soudan et al Fatach donnent des éléments d’informations qui font penser que l’Islam s’est infiltré dans la zone de Gao (au Nord) au Dendi (sud ouest) à partir du règne de Askia Mohamed. Cependant il n’est pas exclu que des marabouts ou des lettrés itinérants (ou installés) aient déjà prêché dans la région.

L’Islam, dans les régions du nord comme au sud fut épaulé par l’aristocratie régnante puisque Tarikh as-Soudan mentionne que Askia Mohamed couvrait les marabouts ou les lettrés de présents : Nourriture, terre, bétail et protection. Il semblerait que la méthode des agents religieux de l’époque s’articulait autour de deux stratégies à savoir l’organisation de « beytu », une sorte d’auditoire regroupant hommes et femmes en un lieu, en vue de les convertir en s’appuyant sur la langue locale pour expliquer les préceptes de l’Islam en rapport à la vie quotidienne des gens. Une autre stratégie consistait à s’approcher de l’aristocratie régnante afin de la convertir. Cette méthodologie a été développée plusieurs siècles. D’après les sources de Gao rapporté par Tarikh as-Soudan, dès son installation, Askia Mohamed donna l’ordre aux gouverneurs de province de se convertir à l’Islam ou à défaut de se démettre. Certains compagnons de Soni Ali ber furent torturés et même exécutés (par le gouverneur de Gao de l’époque). Cet ordre nous amène à comprendre que jusqu’à cette époque l’Islam était un phénomène marginal.

L’effondrement de l’empire songhaï marque un tournant dans le processus de l’islamisation. En effet, l’éclatement de l’Etat central a donné naissance à plusieurs chefferies, communautés villageoises, principautés politiquement, militairement et économiquement impuissantes, face à l’anarchie qui s’en est suivie. L’occasion est donnée aux groupes sociaux sous pression depuis plusieurs siècles de se libérer. Ainsi, les agents religieux en ont profité pour investir les villages, accompagnés de leurs

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talibés. L’Islam connut jusqu’au XIX siècle un mouvement de flux et de reflux en fonction des évolutions socioéconomiques et politiques des régions s’étendant de Gao à Dendi. Il semblerait qu’au cours du Jihad de Ousman Dan Fodio, l’armée de Sokoto ait entrepris plusieurs traversées du fleuve en direction du Gourma, zone jusqu’alors peu touchée par l’Islam. Ce fut peu après que, Alpha Mahaman Djobbo le fondateur de la cité théocratique de Say descendit le fleuve, après un séjour de 9 ans à Neni Goungou. Ce séjour à Néni lui permit d’accroître son prestige surtout sur le plan politique et de nouer des relations avec quelques autorités religieuses.

La vallée du fleuve étant une zone de

contact entre

plusieurs groupes

ethniques, notamment

les zones haoussa et gourma déjà soumises à des vagues

de migrations

depuis le 14è siècle.

Ce qui serait à l’origine de la cohabitation pacifique entre l’Islam et les croyances ancestrales aussi bien au niveau de la croyance qu’au niveau des individus. Le syncrétisme étant de nos jours très vivace.

Niamey se réclame de la confrérie malikite avec 18 associations et seulement quatre associations enquêtées à Niamey se reconnaissent d’obédience tijane. Le mouvement izala semble ici aussi en progression avec 16 associations.

4.2.7 REGION DE DOSSO

La question de l’historique de l’islamisation récente dans la région de Dosso est indissociable de celle des conflits guerriers qui ont sévi dans la région au cours des siècles passés. Ces conflits ont façonné les rapports entre les différents groupes ethniques qui se partagent la région aujourd’hui. Les zarma majoritaires et premiers habitants de la région ont longtemps résisté à la pénétration de l’Islam.

Ils sont avec les maouri de la région de Dogondoutchi adeptes des croyances africaines ancestrales jusqu’à l’avènement de l’empire peul de sokoto.

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Le Ckeikh Assimi Aboubacar issu d’une famille d’agriculteurs est né vers les années 1920. Il se distingua dès son jeune âge par ses qualités de goyteri (grand travailleur), notamment pendant les travaux agricoles. Il était capable, dit-on, de distancer ses compagnons d’âge pendant les travaux communautaires boogou (sarclage collectif dans le champ d’un aîné effectué par les jeunes du village). Mais son véritable exploit a été incontestablement son premier pèlerinage à la Mecque, à pied, dans les années trente. Lors de son départ, le (futur) cheikh était âgé de dix huit ans. Ce voyage à travers les zones d’insécurité au Tchad et les champs de bataille de la crise italo-éthiopienne a duré plus de deux ans (30 mois). À son retour, ce fut une véritable consécration. De retour de ce périlleux voyage, celui-ci acquit le titre prestigieux1 d’« El hadj ». Son titre de cheikh de la voie tijane a été acquis à Dakar, auprès du grand cheikh Niass.

Cet Islam guerrier est d’obédience soufie affilié à la qadiriyya. La région du Boboye a subi l’influence de la même confrérie à travers les prêches du chef religieux Mahaman Djobo de Say. Il y eu l’influence du marabout peul Boubacar Loudouji allié des peuls de Sokoto. Des sources orales attestent que ce grand marabout, de retour de Fez où il apprit la voie tijane, serait le premier maître de cette confrérie dans le Boboye. Il fut chassé par la coalition des kabe et des zarma de cette ville qui porte encore son nom et s’installa à l’emplacement actuel de Say.

De ce point de vue l’Islam dans le Boboye est intimement lié à la chefferie coutumière des différents groupes ethniques majoritaires (Peul et Zarma) et des guerres qui les ont marqué. Le nord de la région frontalière de Fillingué a été touché par le courant tijanistes des chefs de guerre de la troupe d’El Hajj Omar Tall, en déroute depuis les falaises de Bandiagara, au Mali.

Ces événements récents ont longtemps été les grilles de lecture des groupes religieux dans la région. L’installation du régime colonial et la progression de la confrérie tijaniste niassienne ont renversé la tendance. L’avènement de la zawiya de Kiota et l’obédience croissante de son chef

spirituel (et de sa descendance) fait de la tijaniyya la principale organisation religieuse de la région. La vie religieuse de la région de Dosso et (même au-delà de ces frontières) est cristallisée au niveau de l’aura de la ville de Kiota et de ses chefs religieux. Le partage se fait entre les « adeptes » de la tijaniyya niassienne (de Kiota) et les « non-adeptes), qui sont les membres du Mouvement izala, souvent composés d’anciens étudiants des universités arabes.

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Dans la région de Dosso, 10 sur les 18 associations se réclament du courant izaliste, 4 se disent tijanes et seulement 3 se réclament malikites. Certes les associations à base confrérique sont de loin les plus nombreuses, cependant il est important de mentionner l’évolution rapide du nombre d’associations se réclamant du mouvement izala.

4.3 POLITIQUE DE L’ETAT FACE A L’ISLAM

4.3.1 POLITIQUE DE L’ETAT INDEPENDANT FACE A L’ISLAM Les régimes qui se sont succédés, civils et militaires, avaient adopté des stratégies identiques vis-à-vis de l’islam et des lettrés. Cette stratégie s’articule autour des points suivants :

- Edifier un Etat laïc conformément aux traditions et enseignement français ;

- Prendre en compte l’importance numérique de la population musulmane tout en évitant l’avènement d’un Etat islamique ;

- Privilégier les relations avec les pays arabes, en particulier, les plus riches pour les aides indispensables au développement économique et social du pays ;

- S’atteler à raffermir aussi les relations avec les arabes orientaux pétroliers et avec des pays où l’islam y est prépondérant, disposant des moyens financiers susceptibles de financer des projets de développement dont la jeune république naissante avait tant besoin, ou encore pour concrétiser des réalisations à caractère religieux,

- Assurer la relève dans le domaine de l’encadrement en misant sur la formation des ressources humaines.

En effet, le Niger saisit l’opportunité de la reprise progressive des contacts avec certains Etats arabes et institutions islamiques pour négocier des bourses d’études destinées aux jeunes diplômés sortis des Medersa15. Ainsi au fur et à mesure que l’Association Islamique du Niger (AIN) se structure, un nombre important d’étudiants va être envoyé en direction du Maghreb, en Egypte et au Moyen orient ; l’association entendait ainsi renouer avec une pratique millénaire.

Sous la première république, de 1960 à 1974, tout en continuant dans le cadre tracé par l’administration coloniale, un effort fut réalisé dans le domaine de la promotion de l’enseignement de l’arabe à travers la multiplication des medersas, des mosquées et les échanges avec des pays comme la Libye, l’Arabie Saoudite, l’Algérie et l’Egypte.

Le régime militaire, issu du coup d’Etat de 1974, organise quelques mois après l’installation d’une association islamique (Association Islamique du Niger). Officiellement, sa mission était de promouvoir l’enseignement des sciences islamiques. Elle sera chargée de délivrer des licences de prêche aux marabouts « méritants » à travers le pays. Son rôle, non avoué était sans doute d’éviter le foisonnement des centres de décisions en matière de religion. Cette association a permis au régime militaire de marginaliser certains marabouts devenus très influents et accusés de zèle, évitant ainsi tout recours à une répression ouverte.

Avec l’avènement du processus démocratique en 1990, certains partis politiques, nouvellement créés, auraient favorisé la multiplication des associations islamiques, espérant ainsi les instrumentaliser en leur faveur.

De 1990 à nos jours Avec l’avènement de la démocratie en 1990-1991, des dizaines de partis politiques, d’associations et d’organisations non gouvernementales furent crées ; l’unique Association Islamique du Niger de l’époque fut débordée et accusée de connivence avec le régime d’exception que les organisations sociopolitiques venaient de renverser.

15 D’après le statut de l’Association. p 4

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Le bureau mis en place était dirigé dans un premier temps par Monsieur Sambo Hama puis par Amadou Soumaila, Garba Marou, Malam Toulou et Alpha Idé, parmi eux il y avait qui avaient eu une formation religieuse dans les écoles coraniques traditionnelles, donc un savoir peu étendu mais suffisant pour s’occuper du quotidien des citoyens en particulier.

Sous l’impulsion de grands marabouts longtemps condamnés au silence et à la discrétion, le milieu religieux s’est scindé en associations qui deviennent depuis lors, de plus en plus, indépendantes de toute autorité politique.

Cependant, les partis politiques considèrent les associations corporatistes, les syndicats et toutes les organisations sociales comme des entités qu’ils doivent courtiser pour accroître leur capacité de mobilisation ; les leaders16 des associations islamiques, ne sont-ils pas parfois approchés dans ce sens ? En plus des confréries (at-turuq as-sufiya)17 traditionnellement connues qui constituent des structures d’enseignement spirituel, environ douze (12) associations islamiques étaient dénombrées en 1996 ; et entre 2003 et 2005 le nombre est passé de trente six (36) à une cinquante (50). Aujourd’hui encore de nombreux dossiers de demande de reconnaissance attendent d’être agrées au Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation.

Officiellement toutes ces associations oeuvrent pour une meilleure connaissance de la religion islamique et la promotion de la solidarité entre membres de la communauté. Certaines associations n’hésitent pas à affirmer le caractère globalisant de l’islam, en ce sens qu’il couvre tous les aspects de la vie sans dissociation entre religion et politique. Ainsi, elles ont encouragé leurs membres à combattre le code de la famille, le planning familial, l’utilisation du préservatif contre le Sida. Elles se sont enfin levées contre l’inscription du terme « laïc » au moment de l’élaboration de l’actuelle constitution nigérienne.

4.3.2 ETAT NIGERIEN ET ORGANISATIONS ISLAMIQUES La vie associative musulmane était intimement liée à l’action politique car les deux premières associations qui se sont succédées avaient crées respectivement par le régime du Parti Unique de Djori Hammani (1960 à 1974) et le régime militaire de Kountché (1974 à 1988). La multiplication intervenue, plus tard, est liée au processus démocratique suite à la conférence nationale souveraine (Jean LouisTriaut, 1982)

L’Association Culturelle Islamique du Niger C’est la première association islamique, créée après l’indépendance politique du pays. Le premier gouvernement, constatant l’audience des marabouts auprès des populations et conscient du rôle social et politique de l’Islam, a senti la nécessité de créer une structure qui encadrerait, et canaliserait l’aspiration religieuse des populations musulmanes.

Ainsi l’association était peu structurée mais reposait en priorité sur des cellules composées de notables et de religieux, tous membres du parti unique PPN-RDA.

Le bureau était hiérarchisé de la même façon que le parti, tout était coordonné par le sommet à Niamey et était transmis aux populations à l’intérieur du pays par le canal des structures régionales et locales18 .

A ses débuts, l’association n’a pas introduit de modification significative sur le plan de l’organisation religieuse préexistante des populations, le sunnisme malikite étant prédominant.19 Elle avait tout au plus confirmé et renforcé le pouvoir des notables et religieux locaux de l’époque : chefs traditionnels, cadis (conciliateur religieux) imams 16 C’est dans l’espoir d’attirer les faveurs du milieu religieux que le Présidant Barré Mainassara (1996 – 1999) fit bitumer la piste reliant Birnin Gaouré à Kiota, haut lieu de la tijaniyya du Niger.

17 Il existe au Niger de nombreuses confréries soufis représentées par la tijaniyya, la sanoussiyya, la qadiriyya, la khalwatiyya ; et tardivement izalatu-l-bid’a wa iqâmatu-s-sunna et ses ramifications qui prétendent s’inscrire dans le réformisme,. 18« Nous nous referons rarement au sommet car nos problèmes trouvent souvent leurs solutions localement » (propos tenu en Mars 2002 par Mallam Samba Kouraychiyou, membre influent de l’Association à Say). 19 Le malikisme aurait été introduit dans le Sahara puis au Sahel par Abdu-l-Lah b. Yasin qui aurait étudié à Kairawân avant de séjourner à la Mecque où il étudia auprès des savants de cette Ecole juridique et théologique. Cf Laouali Malam Moussa, Janvier 1997.

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(ceux qui dirigent la prière), muezzins (les chargés d’appeler les fidèles à la prière) et d’autres marabouts influents, tous membres de fait du parti unique, car ceux qui ne l’étaient pas étaient démis d’office.20

Les objectifs affichés dans le statut de cette association se résument à :

- Créer un cadre approprié pour coordonner les différentes actions des structures religieuses existantes ;

- Se donner les moyens nécessaires pour asseoir les bases d’une communauté solidaire à partir des traditions musulmanes, orientée vers l’unité, l’entraide, l’échange culturel avec les pays musulmans et plus particulièrement avec les pays arabes maghrébins avec lesquels l’espace nigérien partage le même destin depuis les temps immémoriaux ;

- s’atteler à raffermir aussi les relations avec les Arabes orientaux pétroliers et avec des pays où l’islam y est prépondérant, disposant des moyens financiers susceptibles de financer des projets de développement dont la jeune république naissante avait tant besoin, ou encore pour concrétiser des réalisations à caractère religieux,

- Assurer la relève dans le domaine de l’encadrement en misant sur la formation des ressources humaines.

L’A.C.I.N avait ainsi saisi l’opportunité de la prise progressive de contacts avec certains pays arabes et institutions islamiques pour négocier des bourses d’études destinées aux jeunes diplômés sortis des medersas21 . Au fur et à mesure de sa structuration, un nombre important d’étudiants va être envoyé en direction du Maghreb, de l’Egypte et du Moyen Orient ; l’association entendait ainsi renouer avec une pratique millénaire.

D’après El Hadj Garba Moussa, membre influent de l’association, les premières préoccupations de leur association furent la recherche de terrains appropriés et des moyens pour bâtir des lieux de prière afin de sécuriser les croyants ; dès 1960, l’association avait négocié des terrains auprès de l’administration afin d’édifier des mosquées en matériaux définitifs dans toutes les régions du pays et dans les cités reconnues pour leur ferveur religieuse22.

Par ailleurs, toutes les démarches administratives concernant le pèlerinage (départ, séjour et retour) des pèlerins en terre sainte étaient sous le contrôle de l’A.C.I.N.23. Il semble que le projet de construction de medersas avait été décidé au cours de cette même période.

Bien qu’elle s’affiche apolitique, l’association avait fonctionné :

- en parallèle avec la politique quant il s’agit de la gestion des problèmes sociaux locaux dans les villes, villages et campagnes, et

- en complémentarité avec le parti pour la gestion d’un problème à l’échelle nationale qu’il ait un caractère religieux ou pas (négociation avec les pays arabes sur une question donnée…)

Le coup d’Etat militaire de 1974 mit fin à cette association, composé d’anciens membres du parti incriminé. Les jeunes militaires au pouvoir se rendent vite compte de la nécessité de structurer les religieux, ils créent sur les cendres de l’A.C.I.N. une nouvelle structure : l’Association Islamique du Niger.

Association Islamique du Niger Ainsi une associative islamique, A.I.N. a été rapidement mise en place24avec une équipe totalement renouvelée.

20 Devant le non à l’independance “association avec la France” du parti SAWABA, accusé de connivence avec le milieu religieux conservateur islamiste; ce qui donne une idée de l’appréciation de l’administration coloniale vis à vis de l’Islam à l’époque . cf : JL.Triaud 1982 21 D’après le statut de l’Association. p 4 22 La Première Grande Mosquée construite sur fonds saoudien de Niamey fut inaugurée en 1965 en présence de S.E Habib Bourguiba, président de la République de Tunisie d’alors, et de S.E Diori Hamani, Président de la République du Niger.. La deuxième qui fut construite sur fonds libyen sert actuellement de lieu de Grandes Prières et abrite aussi le siège de l’Association Islamique du Niger. 23 Le Président Diori a accompli le pèlerinage en 1962

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Elle est présidée depuis lors par Elhaj Alfa Oumarou Ismaël, un érudit apprécié comme apolitique ayant eu une double formation ; classique traditionnelle à Say (l’un des plus importants foyer religieux de la boucle du fleuve Niger, depuis le début du XIXè siècle), puis académique en langue arabe et en Islamologie en Irak. Il était secondé par feu Elhaj Oumarou Mallé, formé à la prestigieuse Université al-Azhar du Caire en Egypte. Le Secrétaire Général était Qâsim al-Bayhaqi (actuellement décédé) cadre d’enseignement arabe formé au Caire puis en France ; un conseiller aux affaires Islamiques à la Présidence du Conseil Militaire Suprême fut nommé en la personne de Monsieur Boubacar Bello, formé en Egypte puis en France (lui aussi à la retraite).

Sur le plan de la structure, les nouvelles autorités avaient certes changé l’instance de décision, mais les modifications introduites au niveau régional et local furent mineures. Quant à son rôle politique, de par le niveau d’instruction appréciable de ses cadres, cette association avait joué et joue encore un rôle très important dans la gestion des affaires de l’Etat puisqu’elle était régulièrement consultée avant la prise de décisions importantes touchant le domaine religieux et, dans certains cas le domaine diplomatique concernant les pays arabes25. C’est ainsi qu’en 1978, le Niger accueillit le sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) qui, à l’époque fut considérée comme un immense succès diplomatique et économique pour le pays. Quelques années après M. Hamid Algabit, ancien Premier ministre du Niger a été porté par l’Assemblée Générale à la présidence de L’O.C.I. Il brigua exceptionnellement deux mandats de quatre ans (de 1988 à 1995). La décision prise à Lahore au Pakistan en 1974 de bâtir au Niger l’une des deux universités islamiques africaines fut mise en exécution par l’OCI26 .

Sur le plan administratif et judiciaire, les membres de l’A.I.N, jouent encore le rôle d’auxiliaires de justice (assesseurs), comme par exemple au Tribunal de Première Instance ou de conciliateurs au siège de l’Association. Ce système a survécu à la colonisation et se pratique encore dans toutes les régions et tous les assesseurs des tribunaux locaux se disent membres de l’A.I.N27.

Ces tribunaux, s’appuyant sur un code appelé assariya28, servent de soupapes aux tribunaux dits modernes car ils démêlent de nombreux conflits sociaux opposant les individus issus des couches sociales traditionnelles qui exigent plutôt une solution en adéquation avec les valeurs traditionnelles et coutumières (dû à certains éléments de la jurisprudence musulmane).

Cette Association a servi, entre autres, conformément à la précédente et comme toute institution officielle de son envergure dans un régime d’exception, à quadriller les activités religieuses sur le plan national, à circonscrire les tentatives d’utilisation de la religion à des fins politiques, à dénoncer tout marabout qui tenterait de s’éloigner du cadre tracé par l’autorité religieuse désignée29. Et par mesure de précaution, tout marabout désireux d’exercer le prêche doit d’abord passer un test à la suite duquel une attestation provisoire pourrait lui être délivrée après une enquête de moralité rigoureusement menée ; mais, elle peut lui être retirée au moindre manquement. En cas de désobéissance d’un marabout influent, plusieurs mesures coercitives sont pratiquées au niveau de l’administration locale, régionale et pour les cas extrêmes à la capitale30.

24 Ainsi fut mis en place une structure d’encadrement pour les femmes dénommée Association des Femmes du Niger (AFN), la samariya qui était autrefois une structure traditionnelle d’expression des jeunes au village est réhabilitée et devient une structure National d’encadrement à partir du 7 Septembre 1974 et le Conseil Economique et Social existe encore comme projet. 25 Certains membres influents ont souvent été sollicités pour renforcer les délégations nigériennes aux rencontres et au sommet dans les pays arabes. S.E Monsieur Boubacar Bello, cité plus haut, fut ambassadeur du Niger au Koweït pendant plusieurs années. 26 Pause de la première pierre et l’Université en 1987. 27 C’est une concession faite par l’administration coloniale en attendant la formation de juge de type occidental, mission confiée à l’Etat post-colonial et celle-ci suit lentement son cours.

28 Ce terme est utilisé pour désigner la loi Islamique appliquée localement. Son adaptation au contexte social lui permis de s’enraciner jusqu’à nos jours dans les Contrés.

29 Tout hébergement d’un marabout de passage dans une localité doit être signalé au bureau local de l’association. 30 Le transfert de personnalité religieuse étant délicate, il se fait toujours discrètement et ceux qui s’en chargeaient venait de Niamey nuitamment.

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Sur le plan de la formation des cadres religieux, l’administration étant réorganisée et mieux structurée, le Ministère de l’Education Nationale a récupéré la gestion des medersas qui ont connu depuis lors un développement tant au niveau du primaire que du secondaire dans les centres urbains et ruraux. Les bourses d’études offertes par les pays arabes ou par des institutions islamiques spécialisées sont devenues des domaines du Ministère de l’Enseignement Supérieur.31

5. ANALYSE DE LA DYNAMIQUE DE L’ISLAM AU NIGER La polémique entre culture et religion ne date pas d’aujourd’hui, et elle continue à alimenter les débats dès lors qu’il s’agit de distinguer les préceptes islamiques et les valeurs intrinsèques à la culture arabe.

Pour les spécialistes de la sociologie des religions, tel que M. Singleton, « hors culture, il n’y a rien32 ». De ce point de vue, le domaine religieux n’est qu’un élément culturel. L’évènement religieux étant un fait historique, comment peut-on concevoir la naissance d’une quelconque idée religieuse qui fasse abstraction des repères historiques et de l’environnement culturel de sa naissance ? D’ailleurs les préceptes islamiques sont imbibés d’éléments de la culture des peuples bédouin du VIieme siècle ; d’aucuns parlent de 50% des préceptes de l’Islam qui existeraient avant l’avènement de cette religion. L’histoire de la période mentionne bien un débat culturel et une multitude de croyances, notamment autour de la Kaaba. Il faut également noter la richesse des échanges commerciaux à travers la péninsule arabique. Lors du colloque sur l’islam africain à Abidjan en avril 1961, Monteil souligne à ce propos : « Quel peuple en embrassant une foi nouvelle avait répudié ses herbes et ses feux de la Saint-Jean33 ? » (V. Monteil, xxxx)

Ainsi les marques indélébiles de la langue et de la culture arabe sur les populations islamisées ne peuvent être effacées, puisque l’arabisme des « nouveaux convertis» d’Afrique noire (et des autres régions du monde) est l’aspect le plus marquant de la culture islamique malgré son aspect universaliste :

• Le Livre et les hadîts : Le message coranique est très explicite à ce sujet, et souligne qu’un prophète arabe est venu avec un Livre en « langue arabe claire ». En effet, il est écrit dans le Coran : « En vérité voici la Révélation du Seigneur des mondes en langue arabe claire : l’Esprit fidèle l’a descendue sur ton cœur, pour que tu sois d’entre les hommes qui avertissent (Coran, Sourat 26, ayats 192-195). » Aussi les écrits canoniques de l’Islam sont-ils en langue arabe.

• La langue de la prière est la langue arabe. Le musulman, lors de ses « entretiens avec Allah », parle en arabe. Toutes les communications en islam, les kutba, les salats, les fatiha, … sont en langue arabe, aussi peut-on se demander si « le Dieu de l’islam » ne comprend-il que la langue arabe ?

• Les éléments de la culture arabe sont très présents dans les faits et gestes des musulmans. De l’habillement à la nourriture en passant par la gestion de la famille, tous les repères du musulman sont empreints de la culture arabe.

Cependant cet arabisme ne constitue pas un frein à l’expression des diversités culturelles et des tendances théoriques diverses au sein des grandes écoles musulmanes. Puisqu’il faut confesser, avec Hampathé que : «Le culte des ancêtres (…) se confond parfois avec la commémoration des saints de l’islam. » Pour ce qui est de l’Afrique, il est communément accepté que l’islam africain ne se résume pas à une simple transplantation des coutumes arabes comme le dit Ki-Zerbo au sujet du christianisme : « Le Christianisme, en Afrique, était une transplantation pure et simple de l’Occident- je dirai même, avec plus de précision - du Saint-Sulpice » (V. Monteil, XXX). Bien au contraire, l’implantation de l’Islam en Afrique noire s’est fait suivant ce que l’on peut appeler « un mariage culturel » profond entre le modèle apporté et la culture ancestrale (Oumarou Makama, 2003). 31 Des Institutions Islamiques Spécialisées dans le domaine de l’enseignement ont continué , après test de présélection , d’octroyer des bouses d’études aux jeunes nigériens admis , à travers les services culturels des Ambassades comme celle de la Jamahiriya libyenne, d’Iran et de l’Egypte sans passer par les services compétents nationaux.

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On remarque qu’avec l’Islam il n’y a pas eu de conversion profonde au sens d’un total bouleversement de croyances ; les convertis purent garder une partie de leurs croyances ancestrales et leurs fétiches. Le cas des convertis de Koulkinka (Laurent, 2000) est édifiant à ce sujet. Certains adeptes préfèrent se convertir à l’islam plutôt qu’au Christianisme, puisque musulmans, ils peuvent garder leurs anciens gris-gris à la mosquée » (J P Laurent, 1998).

Bref, pour le cas des confréries soufies africaines, il s’agit bien d’un islam spécifique notamment celui pratiqué par les adeptes de la confrérie tijâne. La principale spécificité étant l’attachement partisan aux différents chefs religieux (inspirés). Conformément à l’idée du gouverneur colonial Brevié : « D’une manière générale, les Noirs s’attachent plus aux personnes qu’aux idées »

Pourtant, il est bien connu qu’en Islam, comparativement au christianisme, il n’y a pas de clergé, puisque tous les fidèles (des deux sexes) peuvent s’adresser directement au Seigneur, qui reste justement très proche. Le Coran le souligne clairement en plusieurs passages : « Dieu est plus proche de l’homme que sa veine jugulaire.» (Coran, sourate 50 ayat 16) Et qu’il reste bien mentionné dans ce Livre que : « Vous n’avez en dehors de Lui (Dieu), ni maître ni intercesseur ! » (Coran, sourate 32 ayat 4). Il y est encore écrit plus loin : « La médiation des intercesseurs lui sera inutile » (Coran sourate 74 ayat 48 et autres sourates 26 ayat 100-1002).Comment alors interpréter et comprendre le phénomène des marabouts en Afrique ? Est-ce que le marabout serait un « courtier en spiritualité » inventé par les Africains ? Est-ce un sorcier traditionnel lettré ou un savant médiateur ?

5.1 LA TYPOLOGIE DES MARABOUTS NIGERIENS Au Niger le mot « marabout » est un concept chargé de sens et d’histoires. Il est utilisé comme une mauvaise traduction française des vocables mallam (de l’arabe «mu’allim» qui veut dire celui qui transmet le savoir ou la science), alfa (de l’arabe « al-faqih » qui veut dire celui qui détient un savoir approfondi dans un domaine du savoir), modibbo (de l’arabe « mu’addib » qui veut dire celui qui transmet la sagesse)…des langues nationales. Ces expressions sont utilisées pour désigner « les personnes lettrées. » Comme le souligne Monteil pour le cas du Nigeria voisin : « Quant au terme hausa mallam, déformation de l’arabe mu’allim (l’enseignant), il désignait les lettrés en arabe, ou tout simplement ceux qui savaient lire et écrire le hausa en caractères arabes adaptés (graphie Ajami ). C’est devenu un titre banal de politesse» (V. Monteil, xxx)

Afin de mieux comprendre ces personnages, les résultats des enquêtes de terrain permettent de classer les marabouts (mallam) du Niger, en cinq catégories: Les « petits » marabouts, les marabouts « tout court », les « grands » marabouts, les cheikhs et les marabouts « modernes ».

• La notion de « petits» marabouts » regroupe ceux qui ont fréquenté, pendant leur jeune âge, une école coranique, quelques années et qui ont eu une connaissance éparse de quelques versets. Ce sont plutôt des « vendeurs d’illusions », à cheval entre les tradi-praticiens, les charlatans et les marabouts (tout court). N’ayant généralement pas de grande obédience dans leurs propres villages, les « petits » marabouts sont des voyageurs solitaires34. Ils ne s’installent jamais longtemps dans le même lieu, mais changent souvent de quartiers dans la même ville. Cette pratique reste une forme d’exode rurale vivace qui touche essentiellement des personnes âgées se déplaçant des villages vers les villes du pays et les régions de la côte où l’islamisation n’est pas encore effective (Cote d’ivoire, Ghana..). Certains « petits » marabouts réussissent à gravir les échelons pour correspondre « idéal-typiquement » à l’image du malien Babani (B. Kassibo, 2000).

• Les marabouts « tout court » sont plutôt des gens du commun, souvent issus de la classe moyenne, vivant de leur travail (agriculture, élevage…), de la charité et de la « vente » de leur savoir religieux limité à quelques versets. C’est le cas des Marabouts-quêteurs fustigés par Hampathé Ba. On les rencontre dans tous les villages du Niger dirigeant les cinq prières canoniques (as-salawât) et dispensant un enseignement coranique approximatif aux jeunes

34 Le proverbe dit bien « nul n’est prophète chez soi ».

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talibés qui mendient leur pitance ; ils célèbrent également les rites socioreligieux à l’occasion des mariages, baptêmes et décès. Ces marabouts représentent les religieux du terroir, garants de la pratique religieuse locale et sont les représentants de quelques grands marabouts. Ils sont entre autres, des conseillers attitrés de chefs de villages, et à ce titre, ils exercent une influence importante sur la communauté ; mais, ce leadership se limite au niveau villageois. Cependant, quelques-uns arrivent à sortir du lot et entrent dans la catégorie des « grands marabouts ».

• Si le rôle des « grands » marabouts est reconnu et valorisé par les populations, c’est certainement pour leur utilité sociale (arbitre, logeur..), leur charisme et leur leadership. Une présentation de ce type de personnage est faite par Cheick Hamidou Kane dans son ouvrage intitulé « l’aventure ambiguë » de la manière suivante : « Les (Grands) marabouts sont des pacificateurs, médiateurs et arbitres dans les querelles entre tribus et à l’intérieur des tribus ; protecteurs des opprimés et des persécutés ; pionniers de la sédentarisation et du défrichement en zone désertique ; agents du développement du commerce et des échanges, pour l’amélioration de la sécurité ; fournisseurs d’aide et d’asile, aux pauvres et aux vieillards ; promoteurs de la coopération et de la solidarité entre membres des confréries, éducateurs et agents culturels35. » « Les grands » marabouts doivent, pour agrandir leur aura se hisser au rang de cheikh (titre religieux acquis de par le niveau de spiritualité, l’expérience sociale, la sagesse et l’âge) acquérir une baraka (bénédiction divine) qui leur confère une mission sociale et religieuse.

• Les cheikhs ne sont ni plus ni moins qu’un clergé qui ne dit pas son nom. Puisqu’il leur est « facile » d’invoquer (pour des besoins spéciaux) directement le prophète Mohammed ou le Cheikh fondateur de la confrérie, alors que les autres adeptes passent par des détours (selon la doctrine de la tijaniyya). Ils débutent comme mystiques « soufis » et « acquièrent » leur mission, souvent en rêve ou à l’état de veille (cas du Cheikh Ahmad Tijani). Voilà ce qu’en dit Monteil dans son livre sur « l’Islam noir » :« Un mystique débute comme ermite, et sa baraka le rend célèbre. Il devient alors indispensable à la population : il a la charge d’assurer par ses invocations une bonne campagne agricole (pluie, travaux, moissons) et la santé. Il gère les conflits, protége les faibles et les opprimés par sa crédibilité, enseigne aux enfants les rudiments de la Voie. Il se marie dans une famille dirigeante et devient cheikh ou mouqaddam (avancé dans la spiritualité confrérique). On lui fonde alors une zawiya (un cercle religieux confrérique)» (V. Monteil, xxx)

• Les marabouts « modernes » sont ceux qui ont fréquenté les écoles franco-arabes au Niger ou les medersas au niveau des pays arabes. Il y en a qui combinent les deux : l’école coranique traditionnelle et l’école medersa, d’autres fréquentent l’école française et l’école coranique. Ce sont généralement des jeunes lettrés qui se positionnent en rénovateurs de l’Islam traditionnel. Coulon les appelle « les arabisants », car certains marabouts traditionnels ne comprennent pas bien la langue arabe.

Il n’y a évidemment pas de mode d’ascension clair d’un palier à un autre et les frontières ne sont ni nettes ni étanches. Il y a cependant plusieurs styles de marabouts et de cheikhs (et plusieurs niveaux) et dans tous les cas, ils sont liés les uns aux autres par une sorte de toile tissée suivant la chaîne de transmission qui les lie (entre élèves, anciens élèves, maîtres et familles des maîtres). Les cheikhs sont souvent, selon leur aura personnelle, des acteurs sociaux et politiques incontournables, au niveau local, régional, voire national. Leur audience prend en compte plusieurs facteurs, notamment le nombre des adeptes qui fréquentent leur école (zawiya) et la qualité des personnalités qui leur rendent visite.

A ce schéma traditionnel se greffe, peu à peu une structuration moderne à travers les associations religieuses. Comment comprendre la création et l’évolution des associations islamiques ? Est-ce une recherche de canalisation des activités islamiques, un « courtage spirituel » ou encore un « courtage en développement » ? Peut-être les trois à la fois ?

35 SLIMAR, cite par MONTEIL, V., op, cit.,

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« Nous contestons le système d’association en Islam, car nulle part dans le Coran il n’est demandé aux musulmans de s’organiser en associations pour régler leurs affaires religieuses.

Le bienfait en Islam doit être un acte individuel, tout comme le péché qui conduit son seul auteur en enfer ».

5.2 STRATEGIES ET NOUVELLES CONFIGURATIONS

L’Islam rayonne aujourd’hui, sur le territoire, à travers des centaines d’associations islamiques (antennes, y compris) et de nombreuses écoles coraniques qui sont en pleine mutation dans leur structure et leurs objectifs. L’étude a concerné 167 associations qui peuvent être classées en trois groupes (voir cartes des courants religieux en annexe) :

• Les associations d’obédience confrérique : tidjaniyya et qadriyya qui prônent, dans leur pratique de l’islam, la modération et le respect des autorités (politiques et coutumières). Elles sont numériquement plus importantes et sont toutes des associations formelles du fait de leur caractère modéré. Les structures de cette obédience sont : l’Association Islamique du Niger, Nouril Islam, ADRIS, Albirou Watakawa, et A.P.D.I.

• Les associations izala : « Jama’at izalatil Bidia wa Iquamatu’l Sunna » ou mouvement contre les innovations et pour le retour à l’orthodoxie sont nombreuses ; les jeunes musulmans en situation de chômage et les petits commerçants constituent les principales catégories sociales qui adhèrent à ce mouvement.

La plupart des associations rencontrées à l’intérieur du pays sont des antennes dont les centres de décision sont basés à Niamey.(les sièges et les leaders religieux qui composent le bureau). Cette situation entache quelque peu leur autonomie et elles « attendent tout de Niamey » selon les propos de Mallam Mady Younoussa, ANASSI : le « tout » comprend essentiellement les moyens de fonctionnement de ces structures…

Mais, quelques une d’entre elles ont leur siège à l’intérieur du pays comme l’Association pour la Promotion et le Développement de l’islam (A.P.D.I.) à Koussa (Zinder) avec son « père fondateur », le Cheick Abdel Razak résidant dans la même localité ;

Le dernier groupe celui des minorités plus radicales comporte une diversité de regroupements :

• Les associations « kalla kato » qui ont fait leur apparition dans les grands centres urbains (Niamey, Maradi, Zinder) et ne sont toujours pas reconnues officiellement. Ce groupe religieux reconnaît le Coran mais pas la sunna du prophète, d’où l’appellation Qur’aniyyun c’est-à-dire ceux qui

ne prennent en compte que le strict contenu du Livre.

• Les nouvelles sectes apparues dans la zone proche du Nigeria, à Birnin Konni notamment où la Goungouniyya, qui prône l’application stricte de la chariyya, originaire du Nigeria avec son guide spirituel le Cheik Ousman Dan Goungou….

• Les « musilim brothers » qui sont des chiites avec leur guide spirituel Mano Ibrahim ; les entretiens avec les leaders des deux derniers regroupements n’ont pas eu lieu malgré de nombreuses tentatives des membres de l’équipe.

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Des collectifs formés par un certain nombre d’associations qui partagent les mêmes opinions sur certaines questions (espacement des naissances,…) qui ne font pas l’unanimité au sein de la communauté musulmane et qui divisent les associations :

- GAIPFI (Groupement des associations Islamiques pour les activités en matière de planning familial et promotion de la femme en Islam au Niger) mis en place en 1987 par le FNUP. 13 associations à l’époque

- CASIN,

- « MAJALISAL MALUMAÏ » a été mis en place par le sultan de Zinder en 2002, qui regroupe les leaders religieux de la communauté urbaine. Il a pour rôle de prévenir les conflits, de prodiguer des conseils au sultan dans la gestion de sa communauté et d’organiser des prières collectives en cas de calamités naturelles…

Le Gouvernement du Niger avait proposé depuis 1999 la mise en place d’un conseil Islamique National, mais son décret d’application n’a été effectif que le 14 novembre 2003 (décret n2003-313/PRN/MID) et son installation effective n’a eu lieu qu’en 2006. Le retard observé entre la loi, le décret et l’installation, pourrait être expliqué par l’instabilité politique (passage d’un régime d’exception (CRN) à un régime démocratique) et au choix des acteurs. Les Associations islamiques n’ont pas très bien apprécié la précipitation avec laquelle le Gouvernement a traité ce dossier ; alors que tout semble avoir très bien démarré avec la participation des associations (réunions, dépôt des CV…) la liste des membres de la structure a été annoncée à la grande surprise des associations qui n’ont pas été conviées pour la sélection. Elles s’interrogent aujourd’hui encore sur la validité des critères de sélection qui ont mis en avant l’ancienneté des leaders. Les associations semblent dire que la charge est trop lourde pour ces personnes âgées qui ont par ailleurs d’autres

La mission du Conseil Islamique du Niger Art 8 : Le conseil islamique du Niger est chargée, conforment au Coran et a la sunna de : -donner des avis et faire des propositions sur des questions concernant l’islam ; -instaurer le dialogue intra et inter religieux ; -œuvrer pour la culture de la paix, de la tolérance et de la quiétude sociale ; -encadrer et suivre les activités islamiques au Niger Amener les musulmans du Niger a participer au développement économique, social et culturel »

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La loi n°91-006 du 20 mai 1991 modifiant et complétant l’ordonnance n°84-06 du 1er mars portant régime des associations « toute association doit avant d’entreprendre ses activités être déclarée et autorisée.( article 2, alinéa6).

Il est important de souligner que la première association islamique du Niger a été créée avant la loi sus mentionnée, puisqu’elle exerce depuis 1974 par un décret n°64-034 du 09/11/1974.

Quant aux agences de pèlerinage, elles sont régies par un décret n°2001-029/PRN/MI/D du 02 février 2001, fixant les conditions d’organisation du Hadj et de la Oumra au lieu Saint de l’Islam, modifié et complété par le décret n°2003-288/PRN/MI/D du 17 octobre 2003.

responsabilités associatives, et qu’il aurait fallut désigner une équipe de jeunes plus dynamiques pour épauler ceux ont capitalisé les expériences en particulier dans le domaine de la gestion des conflits. Elles ont aussi dénoncé des nominations politiques de 10 personnes choisies à cause de leur coloration politique pour des postes exclusivement religieux. Une inquiétude plane concernant le rôle que jouera cette institution dans le développement (captation des fonds, rapports avec les ONG et associations qui s’investissent déjà dans le développement…) Les associations ont enfin dénoncé les propos du Premier Ministre au sujet de la conception de « l’islam inspiré de l’extérieur », qui semble être une des raisons qui sous tend la création du CIN, afin d’exercer un contrôle pour un « islam plus proche de notre culture ». un Leader de Maradi avait avant la constitution du conseil déclaré : « L’Etat de son côté veut mettre en place le Conseil National Islamique, mais à mon avis, cette structure prend déjà la forme d ‘un instrument de l’Etat qui aura pour principales tâches de contrôler les structures religieuses . Sinon comment comprendre que les candidats potentiels aux postes de cet organe (les leaders religieux des régions) ignorent encore les textes qui régiront l’organisation ? Ne s’agit-il pas d’une stratégie d’Etat qui vise à informer « ses » candidats uniquement et donc n’avoir de candidats que ceux de l’Etat ? » 5.2.1 GRANDE MULTIPLICITE D’ASSOCIATIONS ET FAIBLE DIVERSITE DOCTRINALE La libéralisation de la vie associative au Niger a favorisé l’émergence des associations intervenant dans tous les secteurs de la vie socio économique du pays. Le milieu religieux a saisi cette opportunité pour mettre en place plusieurs associations ; d’une association islamique autorisée à exercer jusqu’en 1990, en l’occurrence l’A.I.N, leur nombre passe en 2005 à 44 associations mères et 132 (y compris les antennes) associations religieuses dont 122 reconnues par l’Etat.

En effet, le paysage associatif a connu une évolution rapide ces dernières années dans l’ensemble des régions du Niger ; cela s’explique par la prolifération des associations islamiques due à une concurrence entre les associations. Chacune cherchant à imposer sa suprématie.

Malgré tout, l’A.I.N qui est la plus ancienne conserve son prestige et sa crédibilité auprès des populations. Cette association avait été créée en 1974 dans le but de contrôler les activités des marabouts qui sont consacrés aux prêches et à l’enseignement coranique. L’A.I.N. est implantée partout au Niger même dans les villages lointains. La distribution des associations islamiques selon leurs dates de création place l’AIN en tête dans toutes les régions concernées. Cette situation fait que l’AIN est impliquée dans les activités de développement et constitue de ce fait le partenaire principal de l’Etat aux affaires religieuses.

L’AIN a une particularité, liée aux conditions de sa mise en place initiale qui occupait toute la sphère islamique (toutes doctrines confondues) autour des

leaders les plus représentatifs : aujourd’hui encore elle englobe toute cette diversité idéologique à travers ses antennes de différentes doctrines ; l’A.I.N semble se construire autour des leaders sans tenir compte de leur sensibilité doctrinale.

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Quant aux autres associations, la plupart sont nées après l’éclatement de l’Association Islamique du Niger à la suite de la conférence nationale souveraine de 1991. L’émergence de ces autres associations a donc démarré en 1991 avec l’ANASI pour se poursuivre jusqu’en 2002 pour Agadez avec CASIN et IYA’ U SUNNA. Cette période correspond à la démocratisation de la vie publique qui a favorisé la création des structures associatives : 17 associations se sont ainsi ajoutées à l’AIN. Le tissu associatif semble être saturé car depuis 2002, aucune autre association n’est venue s’ajouter aux 17 déjà existantes. La situation est identique à

Tahoua et Tillabéri. Par contre à Niamey, le nombre d’associations est passé de trente six (36) à cinquante (50) entre 2003 et 2005.

D’autres dossiers de candidature attendent d’être agrées par le Ministère de l’Intérieur. La dynamique observée à Niamey s’expliquerait par le fait que la quasi-totalité des associations y ont leur siège. Sur les 44 :16 associations sont tijanistes, 11 malikites, 11 izala et 6 autres issues des courants minoritaires ( Mohamadia, Goungounia ; Chia, Muslim brothers)

Les différentes associations enquêtées peuvent être classées en trois grands groupes : tijaniyya, izala et malikite.

Elles se réclament majoritairement d’une confrérie : sur les 163 associations et antennes qui ont répondu 55 sont tijanistes, 42 malikites, 58 izala. 6 se réclament de toutes les confréries ;

L’évolution rapide du nombre des structures izalistes tient au fait que leur création ne se fait pas autour d’un grand leader charismatique comme c’est le cas des associations d’obédience confrérique. Aussi, tout celui qui se réclame du mouvement izala peut dans sa contrée, la plus petite soit-elle, créer son association sans pour autant qu’il ait de compte à rendre à un niveau supérieur comme c’est le cas chez les tijanes.

Parmi ces nombreuses associations, Il existe plusieurs types ; nous pouvons les classer de la façon suivante :

• Celles qui sont autonomes, sans coloration idéologique : c’est le cas de structures animées par les intellectuels francophones, les jeunes étudiants (ANASI, AL KANEMI…); elles ne sont animées que par le seul attachement à l’Islam et non à une vie confrérique.

• Celles qui sont créées et dirigées par des chefs religieux affiliés à des confréries ; de ce fait leurs missions s’inscrivent en compléments d’activités des confréries. C’est ce qui explique la création des associations islamiques de jeunes et de femmes. (AIN, ARCI…)

Certaines ont une envergure locale et ne disposent donc pas de relais (à l’intérieur du pays ou dans la capitale) elles mènent alors des activités peu importantes. D’autres en revanche sont représentées dans les différentes régions du pays, voire dans les pays voisins36 et mobilisent beaucoup d’adhérents.

Plusieurs ont une moindre envergure et ne regroupent en réalité que les personnalités qui les ont créées et quelques individus ponctuellement cooptés selon les circonstances. Cet état de fait ne limite pas pour autant leur capacité de mobilisation.

36 Cette implantation concerne principalement les villes situées dans l’Est du Pays : Maradi, Zinder, Tahoua et Agadez.

Malikite

Izala

Tijaniyya

Tous courants

Al Mohamadiyya

Qadiriyya

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5. 2.2 ASSOCIATIONS ISLAMIQUES, LEUR CREATION ET LEUR FONCTIONNEMENT La première association islamique (ACIN) a vu le jour dans les années 1960 et la seconde (AIN) dans les années de 1970. Ces associations coexistaient avec d’autres structures internationales :

• Une ONG ADDAWA libyenne qui correspondrait au rapprochement entre le gouvernement de l’époque et le guide de la révolution libyenne qui a entrepris un déplacement au Niger dans les années 1970. c’est aussi l’année de la création de nouvelles écoles medersas dans plusieurs régions du pays.

• Une association dénommée JAM IYYAT NASRAT DINE crée par l’épouse du Cheikh Hassimi (chef religieux de Kiota), fille du Cheikh Niass. La création de cette association féminine visait la formation et l’émancipation des femmes sous l’égide de Sayyida Oummoul Kairou qui a déjà une bonne culture générale et une ouverture d’esprit.

La principale structuration de l’Islam nigérien a démarré en septembre 1974 avec la création de l’Association Islamique du Niger (A.I.N). Le chef de l’Etat de l’époque, le lieutenant Colonel Seyni Kountché, présidant les premières assises de l’organisation disait à propos qu’ « avant le 15 Avril, la religion était désorganisée dans notre pays parce que, tout simplement, les structures en place étaient vétustes et tarées. Elles ne reflètent ni le visage islamique de notre pays ni les aspirations de nos populations soumises à près de 100 % à l’Islam »37.

A partir de cette date, entre l’année 1974 et 1976, une vingtaine d’antennes de l’Association Islamique du Niger (A.I.N.) a été crée dans les différentes régions du pays, notamment à Loga, Téra, Nguigmi, Agadez, Tchirozerine, Arlit,… Ces antennes sont tenues généralement par les imams importants, jouant le rôle de cadi, assesseurs à la justice. Le régime militaire, en créant l’A.I.N., 4 mois seulement après sa prise de pouvoir, cherchait à disposer d’un instrument de gestion des différentes sensibilités Islamiques du pays. L’objectif non avoué de l’A.I.N. était de contrôler entre autre, de stopper tout islamisme militant.

Tableau 3 : Evolution numérique des associations Sur les ONG

et associations

religieuses nationales enquêtées

certains leaders n’ont pu donner de date de création de

leurs structures ;

soit parce qu’ils

l’ignorent soit parce qu’ils

fonctionnent sous couvert

d’autres leaders religieux qui détiennent ces données Les années 1980 ont vu l’avènement progressif de certaines antennes de l’A.I.N. dans les régions reculées du pays (Iférouane par exemple) et de quelques ONG internationales islamiques telles que l’Agence des Musulmans d’Afrique (A.M.A). Cette agence d’origine Koweïtienne est 37 Le Sahel, 16 septembre 1974

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certainement le fruit de la coopération du Niger avec les pays du golf arabo-persique. Les années 80 ont également vu l’avènement de l’association Izalatoul Bid’a wa ikamatoul Sunna implantée dans les régions frontalières du Nigeria et dans la région d’Agadez. Ce mouvement réformiste né au Nigeria prendra de l’ampleur dans plusieurs grandes villes du pays dans les années 90 notamment à l’occasion de l’ouverture du pays à la démocratie multipartite. Après les changements intervenus lors de la Conférence Nationale Souveraine, la liberté d’association a été consacrée. Cela a permis l’émergence de plusieurs associations au Niger, notamment dans le domaine religieux. Selon la volonté et le leadership des marabouts et suivant les différences confessionnelles, on remarque diverses motivations :

• Avec l’influence de nouvelles doctrines telles que le mouvement izala venu du Nigeria voisin mais également suite à la revivification des confréries traditionnelles (tijaniyya, Qadiriyya), de nouvelles associations affiliées sont nées.

• Certains groupes de marabouts avaient la volonté de participer avec l’A.I.N. à la gestion des fidèles, cette dernière était la seule association officiellement reconnue par l’Etat.

• D’autres groupes de marabouts, en créant leurs associations, ont visé l’accès aux

subventions de l’Etat jusqu’alors réservées à la seule association officielle A.I.N.

• Une autre catégorie d’association a été créée sous l’impulsion des nouveaux partis politiques née de l’ouverture démocratique qui avait des motivations plutôt électoralistes.

Durant toute la décennie 1990, les associations se sont créées et se sont consolidées dans la capitale ; elles ont également profité du contexte favorable pour mieux s’implanter dans le paysage associatif national et aussi dans les différentes régions du pays. Ainsi, sur les 132 associations Islamiques enquêtées, 49 sont nées dans les années 1990. Cette période correspond aux différents changements intervenus dans le nord Nigeria : c’est la période au cours de laquelle plusieurs Etats fédérés du Nord ont adopté la charia Islamique. Au niveau du Niger, il y a eu plusieurs changements de régime (élections, coups d’état, assassinat, changement de la majorité politique.) Ces remous ont été particulièrement favorables à la multiplication des associations religieuses38.

Par conséquent, à la fin de la décennie 1990, le milieu religieux nigérien s’est bien structuré : certaines associations sont confrériques : ARCI, ANAUCI, IHYA SOUNNA. Le regroupement s’est fait autour des chefs de culte ou des leaders des confréries. D’autres associations, telles que l’A.I.N, regroupent des adeptes de tendances idéologiques diverses; dans ce cas particulier, le regroupement s’effectué progressivement suivant des enjeux de partage de l’espace religieux (et du pouvoir local) dans les différentes régions du pays.

Des associations féminines ont fait leur apparition un peu plus tard à partir de 1999 et oeuvrent pour l’approfondissement de l’Islam en milieu féminin. Elles sont pour la plupart des associations liées à la tijaniyya :

• Association de jeunes musulmanes : Jam Iyat Fatayatou mise en place par une fille du Cheick tijane de Tchiota ;

• Association nigérienne des femmes musulmanes ANEMFZ, créée en 2001 ;

• Union des femmes musulmanes en 2000

• Association des femmes musulmanes pour les œuvres de bienfaisance et de développement en 2002

• Jamiyat Nassaratoul Dine en 2004 à Zinder

• Rayouwa mata, à Maradi.

I 38 De l’avis même des marabouts, les périodes de changement et de troubles politiques leur sont favorables…

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l n’existe pas encore de collectif des associations féminines, l’union des femmes musulmanes sus mentionnée étant aussi une association de femmes autour de l’Islam.

La multiplication des radios privées dans les grands centres urbains a favorisé l’accès aux médias aux associations islamiques ; des plages horaires sont achetées par les leaders religieux des associations, afin de prêcher suivant leur doctrine et par rapport à des thèmes précis. Des orateurs des pays voisins (Nigeria, Mali, Burkina, Côte-d’Ivoire) sont invités par des associations de diverses obédiences afin de renforcer la conviction des adeptes. Il y a eu plusieurs débats contradictoires, souvent houleux, et des actions de protestation des associations religieuses notamment à Maradi (contre les bars et les maisons des prostituées), Niamey (Miss-Niger, éditions du FIMA, décisions du gouvernement) et Agadez (contre la fête traditionnelle du bianou). La question des rapports hommes/femmes en Islam est largement et couramment débattue et occupe en particulier les plages horaires accordées aux associations islamiques féminines.

Les thèmes des prêches ne se limitaient plus à l’exégèse des textes religieux ni à la pratique de la religion. Les domaines de la gestion de la société et du pouvoir sont abordés aussi par les marabouts. Des débats sont organisés sur des thèmes tels que la corruption, la gestion de l’Etat, la démocratie, les élections, la scolarité …

Lors de la deuxième édition du FIMA (Festival International de la Mode Africaine), plusieurs associations religieuses ont appelé leurs membres à prendre part à une marche pacifique de protestation contre le défilé de mode qui selon eux ferait la promotion de la nudité féminine, condamnée par la morale Islamique. Cette marche n’étant pas autorisée par le préfet de la communauté urbaine de Niamey, les marabouts organisateurs ont été arrêtés et incarcérés. Les associations ayant pris part à la manifestation ont été dissoutes.

En 2002, toutes les associations suspendues lors de la manifestation contre le F.I.M.A, se sont réorganisées sous de nouveaux noms. Plus de 15 nouvelles associations religieuses sont nées en 2002, certaines dirigées par les leaders des associations dissoutes. Parmi celles qui étaient interdites d’exercer pour fait de manifestations violentes en 2001 contre la tenue du festival international de la mode africaine (F.I.M.A.), il en ait qui ne manifestent aucune présence dans la capitale Par contre a l’intérieur du Pays, pour des raisons de cohésion sociale, elles sont tolérées et même associées à certaines consultations

Textes régissant la vie des associations 87,1% des associations enquêtées sont officiellement reconnues par l’Etat. Cela montre la volonté des leaders religieux de respecter les règles de jeux démocratiques et aussi de sortir de la clandestinité et de l’anonymat. La reconnaissance officielle permet également aux membres des associations de prétendre aux subventions de l’Etat et aux aides des ambassades des pays arabes afin de pouvoir réaliser leurs activités dans la légalité : Diriger des prêches au niveau des médias d’Etat et privés, monter et négocier des financements avec l’extérieur.

Cependant plusieurs associations (17) enquêtées ne trouvent pas nécessaire de se doter de récépissé de reconnaissance officielle. Les responsables rencontrés lors des enquêtes de terrain sont unanimes : étant une association de musulmans, le Coran et les Hadiths constituent les Textes de références irremplaçables. Pour ces adeptes, inventer de nouveaux textes de lois est une aberration. C’est les cas de certains milieux izalistes et des Kala kato. Dans ces cas précis, rester dans l’informel constitue un choix religieux qui donne prééminence à la reconnaissance divine. Elles n’échappent pas pour autant au contrôle étatique lorsqu’elles organisent une manifestation quelconque (prêche ou acte de charité).

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Tableau 4 : Mode de choix des membres des organes Le mode électif semble constituer une pratique assez courante dans le choix des membres à l’intérieur des organisations au niveau national. Toutefois une disparité s’observe au niveau régional ; les élections sont utilisées à 28% à Agadez, 34% à Tahoua, 65% à Zinder et 71% à Tillabéri et 20% à Niamey. Par contre à Maradi, Dosso et Diffa le mode électif qui est pourtant inscrit dans la quasi-totalité des textes qui régissent

les associations islamiques est relativement peu respecté dans ces régions, où le consensus prime (Maradi 50%; Dosso 62,5% et Diffa 75%). Les membres des organes sont désignés en raison de leur connaissance islamique, leur sagesse, leur intégrité morale. Cependant cette situation ne relève pas d’un manque de respect des règles démocratiques mais plutôt d’une conformité à la culture locale et islamique qui privilégie la légitimation sociale au détriment de la légalité. Ils mettent en avant la recommandation de l’islam qui exige la nécessité du travail pour la diffusion de l’islam dans le volontariat. On n’élit un volontaire parmi d’autres sans tenir compte de leurs capacités ; il est plus juste de choisir les personnes les plus aptes pour servir Dieu. Pour les partisans du mode électif, la transparence, le contexte démocratique et l’égalité des chances sont les arguments mis en avant.

Tableau 5 : Mode d’adhésion aux associations

D’après ce tableau, l’appartenance à la religion musulmane est la principale condition pour devenir membre d’une association : Agadez (44%), Tahoua (56,5%), Tillabéri (44,4%), Niamey (36,2%), Diffa (57,14%), Dosso (39,3%), Maradi (43,39%) et Zinder (42,9%). D’autres critères sont également évoqués notamment l’intégrité morale et physique des candidats et le respect des textes.

Par contre au niveau de certaines régions, les valeurs telles que le respect des textes

régissant les structures, l’achat des cartes de membres ne semblent pas être prioritaires pour accéder aux organisations islamiques : par exemple à Niamey (1,4%), Agadez (4%), Tillabéri (5,6%), des associations enquêtées exigent l’acquisition d’une carte de membre, et 4% autres exigent la conformité au règlement intérieur. En ce qui concerne les catégories des membres, les données de l’enquête font ressortir que les principaux animateurs des associations islamiques sont issus de plusieurs catégories socio professionnelles. On constate également qu’elles recrutent indifféremment dans toutes les couches sociales : 64% à Tillabéri, 62% à Agadez, 58% à Tahoua et 42% à Niamey et Maradi 30% à Dosso, 87,5% à Diffa et Zinder choisissent leurs membres dans toutes les couches sociales, sans discrimination aucune.

Le recrutement des nouveaux membres, s’opère à travers les activités que mènent les associations sur le terrain et leur capacité de mobilisation des fidèles.

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De manière générale, les prêches constituent le principal moyen de recrutement des nouveaux adhérents dans les régions concernées par l’étude. 47,30% des associations utilisent ce moyen au niveau national. A ce niveau, c’est le charisme du marabout prêcheur, ses connaissances en Islam ou sa pédagogie qui attirent les fidèles. C’est donc l’appartenance du marabout à la structure qui attire plus que les textes de l’association. D’autres méthodes sont également utilisées par les associations pour recruter de nouveaux membres. Ce sont la méthode bouche à oreille et les réunions.

5. 2.3 RESSOURCES DES ASSOCIATIONS Ressources humaines La question des ressources humaines demeure prépondérante dans la vie de toute structure associative, en ce sens qu’elle détermine sa capacité de fonctionnement et d’opérationnalisation. 50% des associations enquêtées affirment avoir des compétences suffisantes pour mener leurs activités. Cela s’explique par le fait que contrairement aux autres organisations d’autres secteurs (ONG par exemple), où c’est la contrepartie matérielle qui attire souvent les adhérents, les animateurs des associations islamiques mettent en avant d’autres valeurs religieuses : les bénédictions divines.

Tableau 6 : Répartition des travailleurs selon leurs statuts L’écrasante majorité du personnel des associations Islamiques travaillent comme volontaire ou bénévole. Cela démontre une fois encore le désintéressement des adhérents et la grande valorisation d’une récompense divine. C’est aussi l’expression et le reflet de la précarité dans laquelle vivent les associations islamiques qui n’ont pas les moyens de recruter un personnel qualifié pour exécuter des activités courantes : assurer la permanence par exemple.

En ce qui concerne le profil de ces personnes, leur particularité est qu’ils sont

tous instruits et ont fréquenté des écoles formelles ou des écoles coraniques. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les activités exécutées dans le cadre de ces associations sont généralement administratives, donc exigeant un minimum d’instruction : procès verbal des réunions, tenue des documents, lettres administratives.

Concernant le statut de ces travailleurs par rapport à l’organisation, ils sont en majorité membres des associations pour lesquelles ils travaillent. Ce sont généralement les membres du bureau notamment le président, le secrétaire et certains membres sollicités pour leur compétence.

Ressources matérielles Tableau 7 : Nature des ressources matérielles 78% des associations islamiques affirment disposer de ressources matérielles contre 22%. Le tableau suivant décrit la nature des ressources.

Les associations mêmes dotées de matériels ne sont pas à l’abri de besoins matériels car le patrimoine évoqué est souvent dérisoire et se limite à l’acquisition des documents ou de matériel de sonorisation des mosquées. Ces matériels ne sont d’ailleurs pas toujours la propriété de

Statuts /profil Fréquence Pourcentage Statuts Salariés 17 42% Bénévoles/volontaires 19 46% Stagiaires 4 10 Autres 1 2% Total 41 100% Profil Maîtres écoles coraniques 22 39% Cadres moyens 5 9% Cadres supérieurs 23 40% Axillaires 3 5% Autres 4 7% Total 57 100% Nature des ressources Fréquence Taux Matériel de bureau 112 48,485 Matériel de prêche et de sonorisation 27 11,68%Siège 27 11,68%Infrastructures 31 13,41%Logistiques 30 12,98%Autres 2 0,9% Total 231 100%

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l’association mais d’un dirigeant ou provenant d’une location. C’est le cas des haut-parleurs, des chaises ou même du local.

Concernant la nature de ces ressources, plusieurs types de ressources sont observées :

• Le matériel de bureau constitué de micro-ordinateurs, de bancs, de chaises, de tables et de tableaux

• Le matériel de prêche composé de haut-parleurs, de groupes électrogènes, de bancs, de nattes et de certains documents (coran, hadith)

• les sièges qui abritent les organisations : 11% des associations ont leurs propres locaux. Les autres se servent des domiciles de certains membres, des édifices publics ou de mosquées pour tenir leurs réunions.

• Les infrastructures notamment les écoles, les medersas, les mosquées, les centres de santé, les moyens logistiques notamment les véhicules et les motos

Les ressources matérielles des associations viennent principalement de leurs fonds propres et des dons et legs.

Ressources financières En ce qui concerne l’existence des ressources financières, il faut souligner que la majorité (57,6%) de ces associations en disposent même si elles ne sont pas colossales. Le tableau suivant donne le montant et la source de provenance. Les ressources alimentant les associations Islamiques proviennent essentiellement de :

• Fonds propres : il s’agit d’une mobilisation des ressources par les membres de l’association, initiée par le bureau exécutif ou prévu par les textes.

• Dons : ces dons sont généralement l’œuvre de certains membres ou sympathisants des associations. La majorité du matériel sont acquis par des donations. Une des conséquences de cette dépendance serait l’appropriation de ces structures par les généreux donateurs

• Appuis extérieurs : il s’agit des subventions provenant de l’Etat et d’autres partenaires.

Tableau 8 : Ressources financières des associations Ces ressources proviennent essentiellement des dons et de la vente des cartes et des cotisations et servent à financer quelques activités ponctuelles. Le constat est que les associations refusent de dévoiler leurs sources de financement, elles se cantonnent toujours aux cotisations des membres et quelques dons à l’exception de Filingué, Abalak et Tchirozérine où les associations rencontrées nous ont donné la provenance de leurs ressources financières. Par exemple ANASI Tchirozérine qui bénéficie de l’appui des travailleurs de la SONICHAR a dévoilé clairement les sources de son financement et le montant disponible dans la caisse était de 177.750F cfa. Les activités plus importantes sont financées par des personnes fortunées et ONG extérieures ; et les associations méconnaissent souvent le montant du fonds investi dans ces réalisations (mosquées, centres

d’éducation, puits centres de santé …)

Ressources financières

Fréquence Pourcentage

Montant en FCFA 12 000 – 50 000 8 33,33% 60 000 – 100 000 2 8,33% 143 000 – 200 000 5 20,83% 925 000 – 2 000 000

6 28,57%

Plus de 2 000 000 3 14,28% Total 24 100%

Source de provenance Cotisation 47 29,19% Dons et zakat 58 36,02% Subvention /Etat 25 15,52% Vente des cartes 20 12,42% Autres 11 6,83% Total 161 100%

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L’insuffisance des ressources financières semble être le point commun des associations Islamiques. On constate que les ressources financières dont disposent les associations sont précaires et ne peuvent pas financer des activités de grande envergure. C’est ce qui explique le faible niveau d’activités au sein de ces associations

Le mode de gestion des ressources financières obéit, pour la quasi-totalité des associations, aux dispositions des textes qui les régissent. Deux principaux modes de gestion sont constatés :

→ Gestion par un membre Ce mode de gestion est le plus pratiqué à Agadez avec 78,6%, à Zinder (75%), à Tahoua avec 70,6%, à Dosso (67%), à Tillabéri et Diffa avec 57% et à Maradi (50%). Les activités financées le plus souvent par l’extérieur (cas des associations izalistes), sont gérées par la personne « intermédiaire » qui reçoit directement les fonds au nom de l’association. Cette personne rend rarement compte des dépenses effectuées à l’association bénéficiaire de l’activité. Elle est par contre, supposée restituer la nature et coûts des activités entreprises aux donateurs sans implication d’une quelconque association.

→ Gestion par un groupe Par contre à Niamey ce mode de gestion vient en seconde position (42%) gestion par un groupe : les associations de Niamey dans leur grande majorité (50%) confient la gestion des fonds à un groupe. Seule une minorité des associations au niveau régional ont adopté ce mode de gestion. Cette catégorie d’association constitue respectivement 21% (Agadez) 23% (Tahoua), 29% (Tillabéri), 50% (Maradi), 33% (Dosso), 29% (Diffa) et 25% (Zinder).

Dans tous les cas, les personnes ayant en charge la trésorerie de l’association (trésorier et son adjoint) n’ont jamais disposé d’un fonds aussi important ; c’est ce qui explique le fait que cet argent collecté serve plutôt à financer des activités simples et ponctuelles (prêches, sorties)

5. 2.4 PERSPECTIVES EN MATIERE DES RESSOURCES La quasi-totalité des associations rencontrées vivent dans la précarité mais, nourrissent l’ambition d’améliorer leur intervention :

1. la recherche des compétence en matière des ressources humaines : plus de 30% d’associations ambitionnent de recruter des secrétaires permanents, des comptables et des agents compétents, capables de monter des dossiers de projet ,

2. la recherche de fonds est également évoquée par 20% des associations

3. la recherche d’équipement notamment la construction du siège, des classes et des mosquées,

4. la recherche d’appui institutionnel, c'est-à-dire la reconnaissance juridique, la reconnaissance officielle des écoles coraniques

5. le rayonnement de l’Islam

Pour résoudre les difficultés de trésorerie rencontrées, les associations Islamiques rencontrées comptent développer les stratégies suivantes :

rechercher des partenaires susceptibles de financer leurs activités et permettre ainsi un bon fonctionnement de leurs organisations

Disposer d’un compte bancaire : près de 10% des associations envisagent cette procédure. Mais la possibilité d’avoir un compte en banque suppose des entrées régulières de fonds, ce qui n’est pas le cas de la majorité des associations, puisque la gestion des financements leur échappe.

5. 2.5 PERFORMANCE DES ASSOCIATIONS La performance peut être apprécié à partir d’un certain nombre de critères :

- l’existence de ressources importantes (humaines, matérielles et financières)

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- l’existence de méthodes de fonctionnement et de gestion formelles,

- la capacité de mobilisation interne de compétences de l’organisation.

- visibilité (siège)

- compte bancaire

- capacité d’élaboration et d’exécution d’un plan d’action

- existence de dossier de projet déjà élaboré

- implantation régionale

L’écrasante majorité ne répond pas à ces critères exception faite de ANASI, AL IHSAN, NASSIRAT DINE, Union des femmes musulmanes. Toutes les autres font des activités classiques (prêche, éducation coranique ; visites des malades ; l’aumônerie, transmission du savoir (toutes les formes). Cette situation ne reflète pas une situation de précarité, les associations islamiques en réalité visent des objectifs autres que ceux de développement : c’est notamment l’approfondissement et le rayonnement de la culture islamique, l’assistance sociale. Cependant elles sont capables d’adaptation c'est-à-dire faire des actions de développement. Pour le moment elles sont au stade de prestation des services (sensibilisation sur le SIDA, poliomyélite, malnutrition, paludisme). Faut-il laisser les associations dans cette logique de prestation de service ou les amener à entreprendre des actions de développement ?

La question de performance peut être appréhendée sous l’angle des activités que mènent les associations sur le terrain.

Dans le domaine de la prévention et la gestion de conflit, les associations qui semblent être performantes sont principalement :

AIN, ANASI, ALBIROU WATAKAWA, NOURIL ISLAM, APDI, KITTAB WA SOUNNA, IYA'U SOUNNA

Ces associations ont des atouts qui les prédisposent à intervenir significativement dans le domaine la prévention et gestion des conflits du fait de la confiance dont elles jouissent auprès des populations qui s’accroît avec la méfiance affichées vis-à-vis des autres organisations. Cependant l’AIN est la plus performante dans ce domaine du fait de son implantation au niveau national, de ses affinités avec l’administration et son enracinement social et religieux.

Dans le domaine du développement, les associations qui semblent être performantes sont principalement : ANAUSI, AIN, ANASI, AL IHSAN, NASSIRAT DINE, KITTAB WA SOUNNA, IYA'U SOUNNA. Ces activités consistent :

- à la création et à la modernisation des écoles coraniques

- à la construction des dispensaires, des puits, de mosquée

- à la plantation d’arbre

- à la sensibilisation sur les question de la santé de la reproduction, sur les maladies (sida ; polio ; paludisme)

- formation professionnelle

Les associations qui interviennent dans le développement sont souvent appuyées par des partenaires extérieurs difficilement identifiables.

On constate que les associations dites traditionalistes sont plus performantes dans le cadre de prévention et de gestion de conflit. Par contre les associations réformistes le sont plus dans les actions de développement.

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5. 2.6 MAPPING DES COURANTS RELIGIEUX Relations d’alliance autour du courant tijania et apparentés : AIN –ADRIS-Nouril islam- APD I- Al birouwatawa - Union des femmes musulmanes – ATI- ANAUSI – AUMI – Nassirat Dine - AINB AL IHSANE - Relations d’alliance autour du courant izala : KITTAB WA SOUNNA, IYA'U SOUNNA,

Relations d’alliance autour de l’application stricte du coran : kala kato, Goungounia, muslim brothers

Relations de conflit :

- opposition entre les associations izalistes et celles qui prônent l’application stricte du coran

- opposition entre les associations izalistes et les associations tijanistes

ADRIS

Nouril islam

APDI

Al birouwat

awaUFM

AIN

AUMI

ATI ANAUSI

Nassirat Dine

AINB AL IHSANE

IYA'U SOUNNA

KITTAB WA SOUNNA

kala kato

muslim brothersGoungounia

Tidjaniyya et apparentés

Izala

Application stricte du coran

6. ACTIVITES DES ASSOCIATIONS Les associations islamiques interviennent dans divers secteurs de la vie socioéconomique et religieuse au niveau local, régional, et national.

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Tableau 9 : Domaines d’activités

Les activités de prêche sont les plus récurrentes, parce que peu coûteuses et ne nécessitant que la disponibilité des prêcheurs.

Elles mobilisent les populations en quête de connaissance ou d’approfondissement de leurs religions. Les prêches sont généralement organisés, le soir et plus fréquemment les jeudis et vendredis.

Les croyants optent pour les prêches de leurs doctrines ou des lieux les moins distants de leur domicile.

Les associations interviennent également dans les domaines de l’éducation et de l’assistance sociale. Les activités de développement et de gestion/prévention sont les moins pratiquées, même si les arbitrages en matière de gestion des conflits mobilisent les marabouts. L’AIN Niamey gère en moyenne 15 conflits matrimoniaux par jour (dimanche y compris). L’absence d’un code régissant les affaires familiales incite parfois les juges à référer les plaignants vers cette juridiction. En matière d’éducation et d’instruction, l’utilisation des medias devient une pratique courante des associations. Elle est financée par certains commerçants (zakat, dons…) dont la majorité est d’obédience izaliste : Bon Ferey (radio izala) organise aussi des débats sur des thèmes touchant le quotidien des croyants (débat politique en rapport avec la religion, les questions brûlantes comme les caricatures sur le prophète, sur la position américaine par rapport au monde musulman, la démocratie nigérienne…)

Les « waazin kassa39» nécessitent des moyens financiers et humains importants pour une organisation conséquente. Les bailleurs de fonds de ce type d’activité sont les adhérents ordinaires, des commerçants fortunés, des membres de l’association ou des associations organisatrices, des organisations non gouvernementales islamiques ou encore la solidarité de personnalités ou d’associations non concernées directement. La participation est discrète et libre, elle peut être en nature mais, elle

est plus souvent en espèces. Les fonds propres de l’association constitués des cotisations, de la vente des cartes, des dons des commerçants sont les principales sources de financement de cette activité. Certains organismes et projets (UNICEF, FNUAP, Projet Initiatives Jeunes, etc.) financement également les prêches pour informer les musulmans à travers les prêches sur la planification familiale, le sida ou la polio qui sont des thématiques controversées. D’autres institutions islamiques, comme l’Agence des Musulmans d’Afrique, l’Appel islamique Mondial, Islamic Relief…financent directement la construction de mosquées, de centres de santé, d’ateliers équipés pour des formations pratiques de jeunes (couture, menuiserie..), des écoles coraniques (avec éventuellement la prise en charge des enseignants). Elles apportent aussi des appuis à certains leaders des associations (loyer, eau, électricité…)

D’après les sources de la Direction des Affaires Coutumières et Religieuses du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, la subvention de l’Etat aux associations de la société civile s’élève à 60.000.000 FCFA chaque année. Les associations islamiques bénéficient d’une part de cette somme dans le cadre des activités de développement et d’autre part l’Etat intervient aussi pour les soutenir à l’occasion des grands événements (ramadan, Tabaski, Mouloud).

39 Prêches organisées à l’échelle de la sous région africaine, voir plus loin.

Domaines Fréquence Taux Assistance sociale 94 15,1%Autres activités 21 3,4% Autres formations 42 6,8% Conflits 105 16,9%Développement 66 10,6%Education 114 18,4%Formation 57 9,2% Prêche 122 19,6%Total 621 100%

Répartition des sources de financement

89

610

Fonds propresSubventions EtatPartenaires exterieurs

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La subvention de l’Etat est relativement faible car elle ne représente que 4,5% des ressources financières des associations et est inégalement répartie ; seule A.I.N. affirme en la percevoir régulièrement.

Les domaines d’intervention sont limités en raison de la faible mobilisation des ressources indispensables pour aller au delà des activités actuelles.

6.1 ACTIVITES RELIGIEUSES DES ASSOCIATIONS Les activités entrant dans le cadre de la diffusion des valeurs islamiques sont prédominées par les prêches, l’enseignement coranique et les rencontres ponctuelles. 6.1.1 PRECHES Les prêches sont réalisés en milieu urbain comme en milieu rural. Les thèmes développés au cours des prêches diffèrent selon la zone de résidence : problèmes sociaux relatifs à l’héritage, au divorce, aux droits et devoirs des conjoints. En ville la majorité des prêches porte sur des sujets d’actualité comme le Ramadan, la zakat, la santé, l’éducation et la recherche de la connaissance. Les thèmes sur la prière, la discipline, l’amour du prochain, les rapports familiaux sont développés aux ruraux et aux urbains

Les prêches sont des activités les plus pratiquées par les associations religieuses au niveau national (92%). Dans certaines régions, ce taux est largement dépassé C’est notamment le cas de Tahoua (97%) et Tillabéri (100%). Les prêches sont généralement organisés par les leaders des associations ou des personnalités membres des associations ; ils sont destinés à 71% à toutes les couches sociales. Des prêches confrériques ne concernent que les membres de la confrérie.

La forme de prêche la plus récente et la plus importante qui draine beaucoup de personnes est le waazin kassa. Ce genre de prêche est organisé ponctuellement à l’occasion d’événements religieux majeurs par une seule association ou par un groupe d’associations, affiliés ou non à une confrérie. Les thèmes traités sont souvent précisés à l’avance ; mais, les interventions de l’auditoire peuvent réorienter le programme sur d’autres sujets d’actualité. Les thèmes les plus développés sont relatifs à la vie sociale et religieuse. D’autres thèmes relevant des domaines de la santé et de la démocratie sont également traités. Le choix des thèmes est fonction des préoccupations des populations et des questions d’actualité.

Les animateurs (de la sous région : Ghana, Nigeria, Togo…) sont pour la plupart des spécialistes bénévoles qui viennent dispenser à leurs coreligionnaires des cours d’approfondissement de grande importance. Le public est composé de nombreuses personnalités religieuses et d’une foule nombreuse venant de l’intérieur du pays, des pays voisins de la sous région et même de pays lointains. Plusieurs séances sont organisées dans la journée jusqu’à tard dans la nuit. Le wazzin kassa se tient sur plusieurs jours (deux ou trois).

Quant aux prêches ordinaires, ils sont effectués pour :

rappeler les éléments essentiels pour une meilleure connaissance des pratiques et se déroulent dans les mosquées, généralement après la prière du soir ;

recruter de nouveaux militants afin d’assurer la promotion de leurs courants dans les villages environnants. Ces prêches se font également dans des mosquées en dehors des heures de prières. EIles sont organisées par des groupes itinérants récemment apparus sur le terrain religieux nigérien : les Jamaatou Tabligh issus du courant religieux originaire du Pakistan, utilisant les mêmes méthodes que les izalistes, mais dont le contenu du discours idéologique diffère par sa modération.

Les prêcheurs sont des personnes formées selon l’enseignement coranique traditionnel (au Niger, Nigeria, Mali, Mauritanie, Sénégal), soit dans les medersas ou encore au Maghreb et en orient. Ces prêcheurs utilisent de ce fait des méthodes différentes :

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- Les premiers se contentent de transmettre des connaissances rudimentaires (connaissances coraniques et de la tradition prophétique) en s’appuyant sur la culture locale ; ils sont numériquement les plus nombreux.

- Les seconds qui sont formés dans la sous région, ont une formation plus approfondie en ce sens que la connaissance de la langue arabe leur permet d’avoir un accès plus élargi aux ouvrages de théologie musulmane et sont plus à l’aise dans les débats que les premiers ;

- Les derniers, sont deux catégories :

• ceux qui partent avec une base acquise (enseignement traditionnel) au Niger ou dans la sous région pour parfaire leurs connaissances sont apparentées à la seconde catégorie en ce sens qu’ils sont plus opérationnels en terme de stratégie de discours qui est beaucoup plus acceptée par les croyants locaux ;

• et ceux qui ont fréquenté les medersas sans enseignement traditionnel, tentent de transmettre une religion islamique culturellement arabe, qui refuse toute teinte africaine ; ce sont généralement les recrus des tendances izalistes et qui constituent une troisième catégorie dans le discours.

Effets et impacts des prêches Les résultats des prêches sont jugés positifs par 65% des associations enquêtées et s’observent à travers le comportement religieux, social et vestimentaire des auditeurs (prières, mariage, barbe, tenue vestimentaire, voile et la zakat)

Le port de la barbe : il était resté, jusqu’à l’apparition du courant religieux izala un signe distinctif de religiosité. Le croyant ordinaire s’en préoccupait peu et ceux qui la conservent, la gardait très rase. De nos jours, en ville comme en campagne, les prêches mettent l’accent sur cet aspect ; ainsi, la barbe bien ou peu fournie , longue et taillée en pointe, constitue le signe de démarcation extérieure entre le croyant ordinaire et le croyant engagé

La tenue vestimentaire masculine : La jallabiyya, le petit bonnet blanc et le foulard pour homme (keffieh), sont intégrés au modèle nigérien d’habillement et cela depuis très longtemps ; mais leur port conjoint pour constituer une tenue est une adoption récente qui exprime un degré élevé d’attachement à l’islam.

Le (janfa) en deux pièces de dimensions presque égales, (en forme de court jabba et pantalon court), les « deux pièces » dont la supérieure descend jusqu’aux pieds, le boubou ample composé de trois pièces en plusieurs types de tissus sont considérés comme étant plus décents que la chemise, le pantalon et la contre veste d’origine occidentale qui étaient les habits des jeunes cadres des centres urbains.

Quant aux modèles rapportés par les pèlerins venant des lieux saints, le burnous raffiné (longue cape) et son bonnet makawiya, ils sont rarement portés et restent limités aux fêtes religieuses, aux prières de vendredi ; ce sont aussi les tenues des marabouts distingués.

Pour ce qui de la femme, le débat sur le port du voile ou hijab n’est pas encore d’actualité au Niger. Cela est dû au fait que la perception que le nigérien a de la femme est fonction des traditions ancestrales qui varient d’un groupe ethnique à un autre, d’une zone à une autre. Cette perception varie également selon que la femme soit âgée ou jeune, mariée ou divorcée, qu’elle vit en ville ou en campagne ou dans les zones est et nord du Pays, voisines du Maghreb et du nord du Nigeria.

Le port du voile et le kubli (ou interdictions des sorties aux femmes) sont intégrés dans les traditions sociales et religieuses de toutes les communautés en particulier dans centres urbains dans les centre-est est du pays. A l’ouest, en dehors du centre des centres urbains, les femmes s’habillent sans encombrement et se couvrent la tête avec une pièce de tissu connue sous nom de kallibi et une autre plus grande qui couvre les épaules, appelée bongoum chez les songhay-zarma et, mayahi chez les haussa. Chez la jeune fille, en raison certainement des traditions ancestrales, couvrir les cheveux avec une grande pièce n’est encore pas une exigence vestimentaire, excepté en prière.

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Dans les villes en général, l’influence née des échanges avec l’extérieur, le port du foulard se répand dans toutes les couches sociales, même chez certaines jeunes lycéennes qui, par moment, pour raison de jeunesse, s’adonnent au port de la mini jupe ou du pantalon à l’occasion de festivités nocturnes ; un accoutrement décrié par certains radicaux, parce qu’ils le jugent contraire aux idéaux prônés par l’Islam. Ce qui dans certaines villes (Zinder, Maradi Niamey) a engendré une réaction populaire en raison de la raréfaction des pluies qui est, soit disant, causée par l’habillement indécent des filles.

Quant au voile style oriental, hijab plusieurs modèles existent : le simple en une pièce, qui couvre de la tête aux pieds, les bras jusqu’aux poignées. Son utilisation est observée en milieu des femmes instruites cadres de l’administration des villes et est très vulgarisés au centre-est du pays (villes Maradi et Zinder). Dans ces milieux, les modèles traditionnels de mayahi tendent à disparaître.

De façon générale, certaines femmes portent le voile parce que les maris l’exigent, mais d’autres par conviction religieuse ; la majorité des époux avouent apprécier leurs femmes, lorsqu’elles sortent amplement habillées et sans excès.

Le mariage : le mariage dans sa forme actuelle garde intacte les cérémonies religieuses qui sont l’une de ses deux facettes les plus importantes. Les innovations, si l’on peut ainsi les désigner, tiennent à quelques réajustements :

la question de la dot, malgré les innombrables rappels du Coran et de la Sunna à l’humilité dans les « transactions », force est de constater que rares sont les musulmans nigériens qui se retiennent face à la tentation de monnayer chèrement leur progéniture, ou encore d’éviter un mariage ostentatoire dans un environnement où l’extrême pauvreté côtoie quotidiennement une apparente richesse. Ce constat est valable en zones urbaines comme en campagne.

L’invocation, al-fâtiha qui consacre la légitimé islamique du mariage est approximativement exécuté de la même façon, au même moment, en usant des mêmes références. Sauf chez les partisans de izala, minoritaires mais dynamiques, qui se particularisent par l’organisation modeste des cérémonies qui se déroulent à la mosquée, sitôt après la prière de l’aube salâtu-s-subhi. Ainsi, toutes les réjouissances profanes qui impliqueraient les croyants de deux sexes sont d’office évitées et les dépenses conséquemment limitées. Enfin, ils gardent les mêmes symboliques, mais réduisent les coûts financiers au strict minimum (griots, rémunération des marabouts, cola, repas… Ces pratiques qui sont plus adaptées au contexte socioéconomique les rendent plus crédibles aux yeux d’une population largement prise en tenailles par une misère profonde et enracinée. Ce qui pourrait expliquer la relative progression du mouvement dans toutes les régions du pays, notamment, Maradi, Tillabéri.

La prière : la prière est avec le jeun, en apparence les deux piliers de l’Islam les plus visiblement pratiqués par les nigériens.

Pour la prière (as-salat), la régularité dans sa pratique varie selon les tranches d’âge et le milieu social : zones rurales ou centres urbains.

Une grande assiduité s’observe chez les personnes âgées (50 ans et plus) ; si la tranche de 35-45 ans est assidu dans les prières, rares sont les jeunes de 25 à 30 ans qui fréquentent régulièrement les mosquées en zones urbaines. Dans les zones rurales, la situation évolue plus lentement et le transfert des valeurs religieuses est garanti à travers la solidarité entre générations et les mœurs et traditions sont par conséquent plus conservées.

Mais, au cours de ces dernières années, l’évolution de la pratique de la prière démontre un changement profond des comportements en zones urbaines. Les éléments concrets de cette mutation sont entre autres l’accroissement du nombre des pratiquants d’où la démultiplication des mosquées, des espaces réservés à la prières qui sont aménagés à même les trottoirs des centres urbains, à proximité de lieux publics (marché, gares, grande place…), dans les services publics et privés, dans les écoles ; l’Université de Niamey dispose d’une mosquée de vendredi. La jeunesse des pratiquants, l’engouement grandissant pour la prière en groupe et la généralisation de l’emploi de chapelet à toutes les générations sont une innovation. « Personne à l’heure actuelle ne peut dire

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combien de mosquées possèdent le Niger. La variété de leur taille (de la simple délimitation avec des pierres ou du bois, à la grande mosquée de Niamey, en passant par la mosquée en banco d’Agadez) et le développement de la construction des petites mosquées privées, sont un obstacle au recensement » (Loïc Garçon, 1998). Cependant la Direction des Affaires Coutumières et Religieuses a effectué un recensement des mosquées de prières du vendredi en 2004. Tableau 10 : Mosquées par régions Régions Agadez Diffa Dosso Maradi Tahoua Tillabéri Zinder Niamey

Nombre de Mosquées

Source : Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation

L’impôt obligatoire ou (zakat) est donné par le plus grand nombre de croyants disposant de fortunes ou de récoltes suffisantes. Il est prélevé de deux façons essentielles :

La première respecte la tradition et le texte et consiste à rassembler et à évaluer la récolte – quant il s’agit d’un cultivateur – ou les biens lorsqu’il s’agit d’un opérateur économique et ce, en présence d’un imam et d’autres marabouts qui font autorité. Le prélèvement est fait suivant les textes de la jurisprudence musulmane et les marabouts sont chargés de la répartition aux ayants droits définis par le texte. Il semble que les règles étaient respectées jusqu’en 1962, date à laquelle un arrêté ministériel a interdit aux chefs coutumiers, toute implication dans la collecte de la zakat, transférant ainsi la charge aux seuls marabouts. Cet arrêté a de facto transformé le système de la collecte qui est régi aujourd’hui par de nouvelles règles, beaucoup plus flexibles, nées de la souplesse relative du système prescrit.

La seconde qui est la conséquence de l’arrêté en question, laisse la liberté aux riches de s’adresser au marabout de leur choix pour les orienter. Certaines personnes prélèvent leur zakat sans se référer à une autorité religieuse, soit parce qu’elles s’estiment suffisamment instruites pour le faire, soit parce qu’elles préfèrent garder le secret quant à l’importance de leur richesse. D’autres se conforment peu aux règles prescrites d’octroi ; si certaines les observent, nombreuses sont celles qui les utilisent à d’autres fins comme la recherche de prestige à travers la générosité envers les plus démunis que soi (parents, beaux parents, amis…)

En terme des perspectives, les associations islamiques souhaitent avoir un appui financier suffisant qui leur permet de prendre en charge l’organisation matérielle des activités de prêches. De ces ressources dépendront l’augmentation des séances de prêche, et la diversification des thèmes développés.

6.1.2 ENSEIGNEMENT CORANIQUE « L’école coranique est un mode de scolarisation et d’alphabétisation en arabe et en Ajami40. Elle peut être considérée comme une alternative de substitution de l’école publique dans les régions fortement islamisées, notamment lorsque l’Etat ne possède pas des moyens humains et financiers suffisants pour une scolarisation et une alphabétisation de masse » (Olivier Meunier, les écoles coraniques de Maradi)

Au Niger, le développement des écoles coraniques s’est effectué géographiquement en fonction des contacts et de la proximité avec les anciennes zones d’islamisation (Maghreb, Mali, Kanem Bornou et Nord Nigeria) ; ainsi les premières écoles se sont installées à Agadez, Tahoua… Son unique objectif est instruire le jeune croyant en le formant doublement, c’est-à-dire lui donner sur le plan du savoir religieux qui lui permet d’acquérir des éléments nécessaires à l’accomplissement de ses devoirs religieux et sur le plan de la socialisation.

Les activités éducatives constituent la seconde activité des associations islamiques après les prêches et consistent à l’enseignement dans les écoles coraniques qui évoluent plus ou moins

40 Ecriture d’une langue locale en caractères arabes,

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dans l’informel parce que leur création et leur gestion ne relèvent pas du Ministère de l’Education. Elles sont néanmoins fréquentées par la majorité des enfants nigériens. Selon le Programme d’Appui à l’Education bilingue Franco arabe au Niger41, le nombre des écoles coraniques traditionnelles s’élève à environ 50.000 dans tout le pays. Ces écoles sont tenues par des enseignants de tout niveau et toute tendance confrérique. Actuellement, la création des écoles coraniques ne nécessite aucune procédure administrative ; elle répond à la volonté du maître et des parents des apprenants.

Le recrutement des apprenants est ouvert à toute la population de tout âge et tout sexe. Cependant en milieu urbain, les enfants et les femmes fréquentent plus les écoles coraniques tandis que les hommes adultes consultent le maîtres individuellement pour la mémorisation de certains versets et pour l’amélioration de leur pratique de l’Islam.

Fonctionnement et gestion des écoles Tableau 11 : Ecoles / Associations

La majorité des écoles coraniques sont gérées par des maîtres qui n’appartiennent à aucune association soit 33,36% ; l’appartenance à une association n’est donc pas déterminante pour tenir une école.

Mais certains courants religieux se basent sur la création des écoles pour s’implanter. C’est le cas des associations izalistes qui connaissent une montée en puissance (IKS et IYA’U SOUNNA) et dont 17% des maîtres enquêtés sont membres ; de même, APDI, association en

voie d’être reconnue dépasse les associations comme ANASI qui ont une dizaine d’année d’exercice.

Les maîtres qui appartiennent à l’AIN tiennent environ 14% des écoles coraniques au niveau national. Ce pourcentage parait faible compte tenu du fait que l’AIN est présente sur toute l’étendue du pays. Sa faible implication dans l’enseignement pourrait se justifier par son rayonnement proche du pouvoir.

Contenu de l’enseignement des écoles coraniques

41 Financé par la Banque Islamique de Développement

Associations d’appartenance des maîtres

Fréquence Taux

AIN 83 13,82%ANASI 8 1,34%ANAUSI 16 2,68%APDI 39 6.53%ARCI 9 1,59%Iya’u sounna 34 5,69%IKS 56 9,38%Aucune association 201 33,66%NR 80 13,04%Total 597 100%

De la quête de la nourriture à la mendicité En débattant des problèmes de l’école coranique traditionnelle, deux point négatifs sont évoqués : la mendicité et châtiment corporel. Par le passé, la quête de la nourriture est partie intégrante de la formation de la personnalité du talibé, en sens celui-ci doit aller à la recherche de sa nourriture quotidienne même si les parents résident dans la localité. En terminant sa course, le Talibé doit présenter sa calebasse à son enseignant pour recevoir la bénédiction de ce dernier qui y prend une bouchée et vérifie si le Talibé a bien visité plusieurs concessions à travers la multiplicité des sauces. C’est seulement après cette vérification que le Talibé disposera de sa moisson. C’est dans ce sens que cette pratique est perçue comme une culture de l’endurance et de la perspicacité. Aujourd’hui, avec la crise économique et relâchement des valeurs morales les enseignants n’hésitent pas a envoyer leurs Talibé a la recherche, non pas de la nourriture mais de l’argent, de quoi lui permettre de solutionner ses problèmes, sans se soucier de la façon dont les Talibés se procurent l’argent

Le programme éducatif des écoles comporte l’enseignement du coran et des hadiths prioritairement.

A coté de ces matières fondamentales, il est enseigné la morale religieuse, la langue arabe et autres matières d’approfondissement de la foi.

Le contenu de ce programme ne change pas en fonction des régions enquêtées, et reste peu perméable à une quelconque innovation. Cependant quelques mutations s’observent au niveau du cadre éducatif : utilisation des salles de cours en matériaux définitifs équipées des bancs, tableaux noirs et des manuels pédagogiques modernes.

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« Il y a une nette amélioration dans l’enseignement islamique. A notre époque, seules les personnes âgées faisaient des études coraniques approfondies ; Aujourd’hui grâce à la volonté d’Allah, des petits enfants mémorisent le Coran, un peu partout dans le pays. Il y a fort taux de participation dans les études islamiques ; on compte plus de 150 élèves formés par école au cours des cinq dernières années » Un responsable d’école coranique à Maradi.

Les écoles coraniques ont la liberté de choisir leurs programmes cependant la récitation orale du coran et le commentaire semblent être la base de l’enseignement dispensé. Elles ne semblent pas s’ouvrir à un enseignement pratique et technique du fait de la non maîtrise de ces domaines par les enseignants exerçant sur le terrain ; néanmoins une expérience financée par la Banque Islamique de Développement est en cours à Maradi qui consiste à introduire la formation professionnelle dans le cursus traditionnel.

La fin des études est sanctionnée par une (Ijaza) générale qui autorisait le disciple à enseigner et à transmettre non seulement les œuvres du maître, mais aussi tous les ouvrages sur lesquels avait porté son enseignement. Le disciple a un rôle à jouer dans la transmission des œuvres du maître, ce qui montre que l’influence de ce dernier est dotée d’une certaine baraka (grâce divine). Cela implique des relations de soumission totale entre le disciple et le maître. Ce disciple est souvent tenu de travailler pour le maître, en somme de dépendre complètement de lui, ce qui introduit la notion de tarbiya, éducation mais dans son sens large de morale, culture et socialisation. La quête de la nourriture s’inscrit dans ce cadre pour aiguiser l’endurance chez l’enfant, en ce sens qu’il apprend, très jeune à se prendre en charge par le biais de la communauté dans laquelle il évolue. Mais la pratique actuelle des maîtres pris en tenailles par la crise économique et la crise morale, contraint les jeunes apprenants à faire chaque jour davantage dans leur effort de mobilisation des ressources financières. Ce qui incite les enfants à user de pratiques contraires à l’esprit de la religion.

Occupations principales des maîtres La majorité des maîtres des écoles coraniques n’ont pas d’autres occupations en dehors de l’enseignement. Ceux qui pratiquent d’autres activités se repartissent dans l’agriculture, l’élevage et la pêche.

Les enseignants des écoles coraniques pour la plupart exercent ce métier de formateur par nécessité, sans aucune expérience initiale. Leur grand nombre explique la multiplication des écoles ; l’enseignement plus approfondi est assuré par des maîtres qualifiés auxquels ils réfèrent les jeunes apprenants. Ce système est très proche de celui des volontaires dans les écoles publiques ; est un passage obligé dans un enseignement de masse dans des pays dépourvus de politique adaptée en matière d’éducation.

Le financement de ces activités repose essentiellement sur les frais d’inscription des élèves qui varient de 500 à 1000 Fcfa par élève et les versements hebdomadaires par élève (50 à 100 Fcfa). Les dons des fondateurs (association par exemple) sont collectés et servent à gratifier le maîtres et à entretenir les écoles.

Effets et impacts des écoles coraniques Les résultats d’enseignement dans les écoles coraniques sont jugés globalement satisfaisant par les populations bien que ce programme ne soit pas pris en compte dans les statistiques officielles du Ministère de l’Education de Base. Les écoles coraniques couvrent tout le pays et la grande majorité des enfants ruraux y apprennent la lecture du Coran et d’autres ouvrages religieux.

Les problèmes liés aux écoles coraniques sont presque les mêmes : le manque de matériels didactiques, d’appui aux enseignants, de programme d’enseignement, de local, de perspectives professionnelles…

C’est pourquoi les promoteurs de ces écoles sollicitent l’appui de l’état pour construire des salles de cours, pour améliorer la qualité de l’enseignement et pour revoir le programme

Répartition des maîtres par activité

Enseignement

coranique77%

Autre9%

Agriculure et

elevage 14%

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L’Université islamique du Niger compte plus de 800 étudiants d’une vingtaine de nationalités ; elle est composée de deux facultés (une fac de littérature et langue, et une fac de sciences islamiques) ; la possibilité est offerte aux femmes depuis l’an 2000 de poursuivre leurs études à partir de Niamey. Un institut pédagogique y est pour la formation des enseignants complète la formation des jeunes enseignants sortants. Elle ambitionne mettre à la disposition de la société nigérienne une élite instruite capable d’éclairer les populations sur les questions religieuses afin de promouvoir le « vrai Islam».

afin qu’ils prennent en compte l’enseignement du français et la formation professionnelle qui va permettre à l’élève d’apprendre un métier au bout de sa formation.

La réforme de l’école coranique est indispensable, d’une part pour le rehaussement du taux de scolarisation et d’autre part pour la lutte contre la pauvreté par l’introduction de la formation professionnelle. Cette réforme se justifie par le fait que l’école coranique actuellement n’initie pas l’enfant à la production en l’orientant progressivement vers les tâches en fonction de sa capacité et en tenant compte de l’environnement économique dans lequel l’enfant aura à évoluer plus tard. Elle devra porter des solutions pour résoudre le problème de mendicité et juguler la délinquance juvénile en milieu urbain.

Le développement de l’enseignement franco-arabe, constitue-t-il une alternative intermédiaire ? La première medersa fut créée en 1957 à Say et plus tard à Zinder et à Agadez. Et depuis le Niger s’est engagé dans cette voie ; actuellement il existe :

524 medersas dont 88 sont privées42 ;

- 32 CEG franco arabes (dont 9 privés) ;

- un lycée public

- et une université à Say.

Certains enseignants pensent que l’Etat nigérien doit prendre en charge leur fonctionnement (le payement des salaires des enseignants et le financement des équipements nécessaires) au même titre que l’école publique. Selon eux le Niger doit créer un cadre de concertation fonctionnel afin de formaliser leurs activités et de permettre le suivi des programmes des écoles coraniques par un ministère. De ce fait, la reforme du programme et de la pédagogie de l’enseignement traditionnel devrait suivre afin de l’adapter au contexte actuel en insérant par exemple la notion de production et de lutte contre la pauvreté dans l’enseignement des écoles coraniques traditionnelles.

6.2 ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT 6.2.1 ASSISTANCE SOCIALE L’assistance sociale est le troisième domaine d’intervention après les prêches et l’éducation. Elle est pratiquée par la majorité des associations (71%) et consiste à venir en aide aux populations nécessiteuses dans le domaines de la santé (distribution de médicaments) de l’éducation (bourses d’études…) et de l’alimentation (distribution des vivres).

Tableau 12 : Types d’assistance

42 Source : Annuaire 2003-2004 des statistiques scolaires franco arabe, Ministère de l’Education de Base 1 et de l’Alphabétisation.

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L’assistance sociale est pratiquée par les associations islamiques internationales fortunées car, elle est une recommandation de l’islam. En effet plusieurs versets du Coran et Hadiths appellent le musulman à aider son prochain notamment les plus démunis : « le musulman est le frère du musulman……celui qui œuvre à satisfaire le besoin de son frère, Allah est là pour satisfaire le sien. Celui qui dissipe une situation affligeante à un musulman, Allah lui dissipera une, le jour de la résurrection.’ »

Au nombre de ces associations, il y a l’Association Mondiale pour l’Appel Islamique,

une organisation de bienfaisance de la Jamahiriya Arabe Libyenne mondialement connue pour ses interventions diverses à travers le monde. Au Niger, elle appui financièrement l’enseignement arabe formel et informel en recrutant au profit des Ministères de l’Education de Base et celui des Enseignements Secondaire, Supérieur de la Recherche et de la Technologie, des enseignants nationaux et étrangers. Elle participe également à la formation des cadres religieux des associations islamiques locales en organisant des séminaires et des sessions de formation au Niger et en Libye. Elle octroie des bourses d’études aux étudiants qui désirent une spécialisation dans le domaine de la littérature arabe et en théologie musulmane

L’assistance sociale non formalisée est financée à travers des cotisations et des dons offerts par certaines personnes nanties et par les organisations internationales intervenant dans le domaine religieux. Ces ressources ont été mobilisées grâce à l’appel à la solidarité lancée en permanence au cours des prêches et d’autres manifestations religieuses.

Les actions des associations islamiques dans le domaine de l’assistance sociale sont certes modestes mais bénéficient d’un capital confiance auprès des populations. C’est pourquoi elles acquièrent la capacité de mobiliser des moyens matériels, financiers et humains qui leur permettent d’agir, c'est-à-dire de contribuer à alléger les souffrances des populations en cas de calamité naturelle (incendie, aide aux orphelins, etc.). Cette contribution qu’apportent les associations islamiques n’est pas que directe. Elle prend aussi la forme d’une sensibilisation de la communauté islamique à la solidarité et à l’entraide.

Les organisations et associations islamiques envisagent toutes de développer l’assistance sociale à travers la diversification des activités (santé, éducation, formation professionnelle) et l’élargissement de leurs champs d’actions.

6.2.2 LES ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT Les activités de développement ne semblent pas être la préoccupation des associations Islamiques ; mais, au niveau national, 50% des structures rencontrées ont au moins une activité de développement ; ce taux est majoré par l’existence des ONG au sein de ces structures. En effet, pour la majorité des associations, le développement est une partie moindre de leurs occupations. Seulement 10% des associations à Maradi, 12% à Zinder et Diffa et 9% à Dosso affirment intervenir dans le domaine du développement.

Par contre Tillabéri et Tahoua sont des régions dans lesquelles les associations islamiques déclarent effectuer le plus d’activités de développement (selon les taux respectifs de 62% et 54%). Ces activités de développement ne sont pas initiées par les associations qui jouent plutôt un rôle d’agence d’exécution. C’est le cas de l’ANAUSI qui exécute un programme de santé de la reproduction, financé par l’UNFPA (Initiatives Jeunes).

Tableau 13 : Activités de développement

DOMAINE D'INTERVENTION: ASSISTANCE SOCIALERécupération enfants

abandonnés3,52% Réinsertion des filles

mères1,41%

Aide financière10,56%

Aide en médicament22,54%

Aide alimentaire46,48%

Autres 15,49%

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« D’après une tradition prophétique : Quand le fils d’Adam meurt, toutes ses œuvres sont suspendues sauf trois : i) une aumône courante (mosquée, puits,….) ; ii) une connaissance utile à l’humanité ; iii) un enfant bon et pieux

Cette situation proviendrait du fait que les associations islamiques n’ont pas les moyens financiers et les compétences nécessaires pour initier les actions de développement qui nécessitent un suivi régulier ; aussi exécutent-elles plutôt des activités ponctuelles (construction diverses, plantation d’arbres...) ; par ailleurs, ces pratiques semblent conformes aux préceptes islamiques.

L’animation sur les questions sensibles (sida, polio) est un domaine privilégié des associations islamiques pour lesquels les bailleurs de fonds font recours à leur appui pour atteindre les populations.

En effet, l'éradication de la

polio tarde au Niger à

cause d'un

certain nombre

de comportements

dont le refus de certains leaders

religieux musulm

ans locaux

de caution-

ner le vaccin pour des soupçons de stérilité.

C'est pour briser cette résistance que l’OMS a organisé un séminaire sur « L’appui des associations Islamiques du Niger à la vaccination contre la poliomyélite et la malnutrition au Niger’ ». Cette rencontre, qui s'est déroulée à Niamey du 13 au 15 octobre 2005, a réuni 350 oulémas venus de tout le pays, ainsi que des associations féminines et estudiantines. L'objectif était d'intensifier les activités de vaccination afin d'atteindre tous les enfants de moins de cinq ans durant les JNV qui se sont déroulées en novembre et décembre 2005. A la fin du séminaire, l'assemblée, consciente de l'importance de l'enjeu, s'est engagée à soutenir et à promouvoir les campagnes de vaccination, et les oulémas ont promis d'expliquer l'importance de la vaccination durant les services religieux. Il y avait un consensus national sur l'importance de l'appui des oulémas dans les campagnes de vaccination.

La participation des leaders religieux a amené les populations à adhérer aux programmes de vaccination contre la polio.

Les associations Islamiques interviennent également dans la construction de classes, de mosquées, d’orphelinats et dans le fonçage de puits. Aussi envisagent-elles de créer des

Type d’activités Fréquence Taux Construction mosquée 15 14%Construction classes 34 32%Construction dispensaire 6 6%Construction puits 13 12%Formation professionnelle aux filles 14 13%Plantation d’arbres 6 6%Embouche bovine 2 2 %Autres 16 15%Total 106 100%

Quelques avis après l’Atelier sur la Journées de Nationale de Vaccination

Cette rencontre a permis aux ulémas d'échanger avec des experts en santé qui ont apporté les éclaircissements nécessaires sur le vaccin, son caractère inoffensif..

'Il a été demandé aux marabouts (musulmans sages et respectés), qui n'ont pas été convaincus par l'éclairage des experts, d'apporter les preuves matérielles, dont ils disposent, que le vaccin empêche la procréation. En fait, ils n'avaient aucune preuve; et on s'est finalement compris'', affirme Dr Sambo de l’ANASI, imputant cette résistance à l'ignorance et à un déficit d'information.

Mallam Alio, un marabout de l’ANAUSI rencontré à Niamey, se confesse : ''J'avais pendant longtemps cru, avec la limitation des naissances que les blancs cherchent à nous imposer, que la vaccination des enfants poursuivait cette politique. Mais Dieu merci, cette réunion de Niamey m'a ouvert les yeux''.

''Je vais désormais faire vacciner mes enfants et encourager mon entourage à en faire autant lors des prochaines campagnes'', promet Alio, reconnaissant avoir été victime de l'influence des ulémas du Nigeria, où il a reçu sa formation coranique.

Le président de l'ANASI, Elhadj Samaïla Mahamadou, affirme que les olémas réfractaires au vaccin ont pris l'engagement de ne plus s'opposer à la vaccination des enfants. ''Nous avons même fait une recommandation importante, demandant au gouvernement d'éditer un guide Islamique sur les maladies liées à une vaccination et de multiplier les séminaires de formation au profit des olémas''.

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centres de formations en vue de parvenir à une insertion des jeunes sortis des écoles coraniques qui sont jusque là dépourvus de structures d’accueil à la fin de leurs études.

Le financement de ces activités vient exclusivement des dons, de la zakat, des appuis extérieurs (ONG et associations Islamiques internationales), des subventions de l’Etat et de certains partenaires extérieurs notamment l’UNICEF, l’UNFPA et l’ambassade des USA.

6.2.3 ACTIVITES DE PREVENTION ET GESTION DES CONFLITS La majorité des associations islamiques du Niger (79%) interviennent dans la prévention et/ou la gestion de conflits. Au niveau des régions, 80% des structures à Tahoua, 67% à Agadez, 81% à Tillabéri, 75% à Niamey interviennent dans ce domaine. C’est un domaine qui relève de la compétence des autorités administratives certes, mais l’influence des associations, leur connaissance du droit islamique et des valeurs coutumières, conjuguée au poids de l’Islam dans la société nigérienne fait qu’on assiste à une implication de ces structures dans la gestion ou la prévention des conflits. Il n’est pas rare de voir la justice référer des cas aux associations islamiques.

Mais le recours à ces structures est moindre à 20% à Dosso, 17% à Maradi et 16 à Zinder et Diffa où la chefferie traditionnelle joue le même rôle et concurrence de fait ces associations.

Une des activités initiées par les associations islamiques afin de prévenir et de gérer les conflits est la mise en place d’un collectif qui a réuni plusieurs associations de différentes tendances (AIN, IKS, ADRIS, ARCI ANASI, ADIN ISLAM, ANAUSI) dont les principales missions sont :

Le regroupement de toutes les sensibilités afin d’avoir un cadre de concertation et éviter les malentendus entre leaders religieux. Cette disposition a vite permis de réduire les tensions et a permis de trouver un consensus sur le calendrier des fêtes musulmanes qui faisaient l’objet de tension dans les milieux religieux.

Exécution des activités allant dans le sens de la restauration de la quiétude sociale (lutte conte la vie chère, organisation des prières collectives, etc.,)

Contrôle des thèmes développés par le prêcheur venant de l’extérieur. Il a été constaté en effet que les tensions à caractère religieux éclatent toujours après le passage d’un prêcheur inconnu. C’est pourquoi il a été exigé des prêcheurs venant d’ailleurs d’obtenir au préalable l’autorisation d’un marabout de la région

En ce qui concerne les activités de prévention, le canal le plus utilisé est la sensibilisation à travers les prêches (waazii). Au niveau national 63,8% des associations font cette activité. Au niveau régional, la prévention constitue respectivement 66%, 75%, 57,6%, 76,9% à Agadez, Tahoua, Niamey et Tillabéri. Le tableau suivant décrit les types de conflits. Tableau 14 : Types de conflits

Quant à la gestion

de conflits,

la médiatio

n est le moyen le

plus utilisé par

les associati

ons (47,11%).

Type de conflit Fré-quence

%tage

Conflits agriculteurs / éleveurs 34 24%

Conflits conjugaux/familiaux 28 20%

Conflits entre tendances islamiques

40 29%

Conflit inter religieux 11 8%

FIMA 5 3%

Autres 24 17%

Total 142 100%

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Les principaux conflits gérés par ces associations sont :

Conflits intra religieux :

Les conflits liés au niveau d’instruction et à la confrérie dont les plus récurrents sont ceux qui opposent les rénovateurs (Izala) aux adeptes de la tariqa (Tijaniyyia). Au niveau national ils constituent 28,61% :

- A Maradi, en 1994 un conflit a opposé les izalistes et les adeptes de la tijaniyya. Ce conflit s’est manifesté quand les izalistes, trouvant que les tombes des musulmans ne doivent pas être ornées ou faites du ciment, ont détruit la couche cimentée des tombes des tijanistes.

- A Maradi, l’affaire Malam Sani, un marabout venu de Niamey (études en Egypte) qui a prêché à la radio régionale de Maradi en faveur du code de la famille tel que proposé par l’Etat. Cela a entraîné un soulèvement organisé les izalistes et qui a engendré des dégâts matériels énormes (destruction du mur de la radio). Malgré l’intervention des forces de l’ordre, ce conflit n’a été désamorcé qu’avec les médiations entreprises par l’AIN.

- dans le département de Dakoro un marabout nommé Yahaya (nigérien installé au Nigeria depuis des années) s’est érigé en prophète et a voulu modifier un pilier de l’Islam qui souligne l’unicité d’Allah et qui fait de Mohamed son prophète. Son auto proclamation en prophète s’est accompagnée d’une incantation choc qui a suscité des tensions dans tous les milieux religieux islamiques rénovateurs et conformistes « achahadu ana al-Laha la Illa illa al-Lahu wa achhada an yahaya (au lieu de muohammadou) rassoullou l-Llah… et que Yahaya est son prophète.

- La région de Tillabéri a connu quelques problèmes religieux : à Téra une situation conflictuelle perdure à cause des attitudes adoptées lors des prières collectives qui oppose l’Association Islamique du Niger (AIN) à Ihya’us-Sunna. Ces adhérents de cette dernière association reprochent aux autres la fatiha effectuée après la prière. Un conflit avait occasionné des dégâts matériels importants en 2005 et les membres de izala ont été expulsés de la ville et leurs femmes torturées ; malgré l’intervention des autorités politiques et les élus locaux cette situation n’a toujours pas de dénouement heureux ;

- A Agadez lors de waazin Kassa organisé en 2005, certains marabouts izalistes ont proféré des attaques verbales à l’endroit des populations (à l’origine adhérents de la qadiriyya) qui organisent annuellement, à l’occasion de la naissance de Mohamed, une fête (bianou ) réunissant hommes et femmes. Ces festivités (essentiellement des danses) sont jugées anti islamiques parce qu’elles peuvent occasionner des dérives immorales (adultères, débauches…)

Quelques points de divergence entre les izalites et les voies tariqa

Généralement ce n’est pas sur le fond des pratiques de l’Islam que les deux tendances s’opposent. C’est plutôt sur un certain nombre de rites ou de pratiques religieuses.

La croyance à un intercesseur (shafa’a) en la personne d’un cheikh ou Wali : pour les tijanistes, c’est le Cheick qui intercèdera auprès de Dieu pour que ses adeptes entrent au paradis, parce que c’est lui que Dieu a choisi pour ce rôle ; les izalistes rejettent catégoriquement cette croyance parce qu’ils considèrent comme une pratique de mécréants, fut-il un ami de Dieu ; car pour les izalistes le rapport entre Dieu et le croyant est direct et sans intermédiaire autre que prophète. Les autres points de divergence sont relatifs à :

• La sourate Alfatiha : d’après les Tijanites, après la mort du grand Check Tijani, un des ses disciples dit avoir vu le Prophète Mohamed en rêve qui lui demanda de faire cette prière et lui recommanda de l’enseigner aux autres parce que cette prière peut conduire une personne au Paradis. Les Izalistes réfutent cette idée parce qu’elle se ne se trouve dans aucun hadith.

• Le Wazifa est une pratique qui consiste à se regrouper autour d’un morceau de tissu blanc étalé pour louer Dieu. A ce niveau, les izalistes considèrent que cela est une innovation et rejettent cette pratique qu’ils jugent anti-islamique.

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• Le Mouloud ou l’anniversaire de la naissance du prophète, les tijanistes considèrent que fêter l’anniversaire du prophète n’est pas quelque chose de mauvais en Islam et que ceux qui fêtent cet anniversaire auront une grande récompense auprès de leur Seigneur. Par contre les izalistes disent que le mouloud n’est qu’une innovation introduite il y a de cela 14 siècles après la mort du Prophète, ce qui veut dire que le Prophète lui-même, de son vivant, n’a jamais fêté son anniversaire et n’a ordonné à personne de le faire même après sa mort.

• Le port de talisman et le fait de boire l’écriture magique sont non coraniques (adu’a) : d’après les izalistes, ces pratiques sont illicites (haram).

• Réunir les marabouts lors des cérémonies de mariage, de baptême ou des décès : les izalistes considèrent cette pratique comme une innovation qui n’a rien avoir avec l’Islam.

Conflits inter-religieux Les conflits inter religieux sont peu fréquents au niveau national (8%). A Niamey, l’attitude de certaines églises réformistes installées dans les quartiers populaires comme Boukoki qui essaient de recruter des adeptes parmi les enfants, ont provoqué parfois de conflits entre les musulmans et les chrétiens.

A Maradi, une tension a opposé la communauté chrétienne aux adeptes du wahabisme. Cette tension a éclaté suite à une prédication d’un pasteur qui aurait diffamé le prophète Mohamed. Les izalistes avaient rapidement réagit en s’attaquant aux chrétiens et à leurs biens.

Conflits avec l’administration Il s’agit, ici, des conflits auxquels les associations islamiques participent soit dans le cadre de la tentative de médiation, soit en tant que partie prenante. Les conflits les plus évoqués par les associations religieuses sont ceux qui opposent :

- les militants des différents partis politiques : l’opposition qui suscite des manifestations pour accuser la majorité généralement à la veille des élections ;

- les syndicats à l’Etat, dans leur lutte pour la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres. Il consiste à arrêter momentanément le travail ou organiser des marches pacifiques et des meetings scandant des slogans hostiles au gouvernement.

- les manifestations des élèves et étudiants conduisent fréquemment à des actes violents, des dégâts matériels énormes sur le patrimoine de l’Etat ou symbole de l’Etat. Aussi, avec l’accroissement rapide des établissements secondaires privés (et des Instituts Universitaires de Technologie au niveau des régions) favoriserait le développement de ce type de conflit. Les associations interviennent au niveau des syndicats scolaires pour calmer ces tensions

- A Niamey et à Maradi, certains marabouts se sont opposés violemment en organisant un meeting à la place de la concertation contre l’organisation du FIMA 2001 (voir détails dans la partie FIMA). L’Etat avait réagit en procédant à des arrestations de leaders.

Un leader mentionne « Nous évitons toujours d’avoir de problèmes avec l’administration ; nous ne collaborons avec elle que quand elle a besoin de nous. Mais si la situation se présente, comme ce fut le cas pour le code de la famille, nous manifestons notre mécontentement : certains ont organisé des violentes manifestations, d’autres se sont limités à l’organisation des prières ou encore à des prêches pour souligner les conséquences d’une telle mesure du point de vue religieux ».

De telles crises qui opposent les citoyens musulmans aux autorités peuvent encore ressurgir en absence d’un cadre de prévention de conflit. Mais l’avènement du Conseil Islamique National remplirait –il cette fonction ? Conflits entre producteurs L’implication des associations islamiques dans la gestion de conflits sociaux a été toujours déterminante en ce qu’elles apportent une solution perçue conforme aux prescriptions de l’Islam.

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Leur capacité de prévention/gestion des conflits est très grande dans la mesure où les grands leaders sont socialement très écoutés ; ce qui les confortent dans le rôle de conciliateur des conflits sociaux et familiaux.

Le Niger, du fait de sa situation économique, de ses systèmes de production encore primaires, connaît des conflits basés sur les facteurs de productions communs aux deux systèmes dominants agriculture et élevage. Conflits entre agriculteurs sont respectivement liés à :

- La délimitation des champs entre exploitants individuels.

- L’exclusion des femmes lors du partage des terres héritées

- La gestion du patrimoine foncier par les héritiers mineurs qui tendent de jouir de leur patrimoine.

Conflits entre éleveurs surviennent surtout lors du partage de l’héritage :

- refus de restituer leurs biens aux orphelins devenus majeurs,

- tentative d’expropriation des biens de la femme par l’épouse …

Conflits entre agriculteurs- éleveurs qui représentent 24% des conflits gérés par les associations. Ils sont violents (le drame de Toda dans la région de Maradi, qui a engendré la mort de 104 individus en 1992). Les principales causes de ces conflits entre agriculteurs et éleveurs se rapportent essentiellement à :

- la divagation des animaux dans les champs de culture

- la contestation de la délimitation des couloirs de pâturage et le non respect de ces couloirs.

- L’exploitation des aires de pâturage à des fins agricoles

- La corruption des autorités coutumières par une des parties en conflits, d’où la contestation des jugements rendus.

- L’accroissement rapide de la population et le retranchement des champs de culture qu’il engendre et la descente progressive des éleveurs vers le sud … sont des facteurs aggravants de ce type de conflit.

Conflits familiaux

C’est notamment les conflits matrimoniaux relatifs aux tensions entre conjoints 20% qui occupent une grande place. Les autorités coutumières font souvent recours aux associations islamiques pour apaiser les tensions.

Les plus évoqués par les associations islamiques et les maîtres des écoles coraniques enquêtés se rapportent aux tensions conjugales et familiales nées de la méconnaissance des droits et devoirs selon les enquêtés (nombreuses plaintes des femmes devant les comportements irresponsables des chefs de ménages, nombreuses sorties des femmes…). Les questions relatives au partage de l’héritage, le sort des enfants en cas de divorce et de décès de l’un des parents sont des aspects pour lesquels les textes islamiques demeurent un recours.

Autres type de confits sociaux - A Zinder et Maradi il y a eu l’opération «boujé » ou jupe qui s’est déclenchée après un prêche sur les causes de l’insuffisance pluviométrique et les solutions proposées par l’Islam. Au cours de ce prêche, des thèmes relatifs aux comportements vestimentaires des jeunes filles et aux problèmes vécus par la communauté Islamique ont été abordés. Suite à ce prêche, des extrémistes s’en prennent aux jeunes filles qui, à leurs yeux symbolisent l’indécence vestimentaire. Ils leurs arrachent les jupes, les dénudant ainsi, leur font subir des violences physiques et morales. Ce mouvement s’étend vite et gagne d’autres couches sociales notamment les prostituées et les gérants des bars qui ont été aussi violentés

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6.2.4 OPINIONS DES PRATIQUANTS NON MEMBRES DES ASSOCIATIONS ISLAMIQUES Perception de l’évolution de l’Islam au Niger et dans le monde Les personnes enquêtées pensent que l’islam progresse bien au Niger et partout dans le monde. Le tableau suivant donne la situation

Tableau 15 : Avis sur l’évolution de l’islam La majorité des pratiquants non membres des associations pensent que l’islam connaît une évolution fulgurante au Niger. Cette évolution inquiète certains partenaires du Niger car on observe une radicalisation du discours religieux dans certains milieux religieux. Alors que l’islam

officiel, dirigé par l’AIN, a toujours été un partenaire loyal de l'État, on voit naître à ses côtés, un Islam plus dur, généreusement financé par les capitaux de certains pays musulmans, et qui refusent de respecter la laïcité de l’État. Tout en décriant au quotidien la politique extérieure américaine, particulièrement en Palestine, en Irak et en Afghanistan, 69% des enquêtés déplorent les événements du 11 septembre parce que c’est contre les fondements de l’islam qui prône la tolérance à l’endroit des innocents. Les 22% qui approuvent sont plutôt des jeunes.

Depuis les événements du 11 septembre 2001, les USA sont particulièrement attentifs à l’évolution de la situation religieuse au Niger avec ses voisins du sud appliquant la charia, du nord foyers des salafistes. Même si Niamey, sa capitale, abrite des foyers islamistes dont les leaders s'étaient déclarés favorables à Ben Laden, c'est au sud du pays, à Maradi, que le pouvoir a le plus à craindre de la poussée Islamiste. La troisième ville du pays se situe, à quelques kilomètres de deux États nigérians de, Zamfara et de Katsina où des agitations d’origine religieuse se déroulent ponctuellement et où Ben Laden est un héros, les commerçants y vendent des portraits du chef d'Al Qaïda. En 2001, à Maradi, des églises, des bars, des maisons de prostitution et des bâtiments publics ont été saccagés par des intégristes, pour protester contre un festival de mode qui se tenait au même moment, à Niamey. Rappelons enfin, que les responsables du rallye automobile Paris-Dakar avaient été contraints, en janvier 2001, d'annuler l'étape nigérienne, suite à des menaces d'attentats terroristes.

Malgré cela, il serait erroné de conclure à une radicalisation prochaine de l’Islam du Niger. Dans la majeure partie du pays, l’Islam ne constitue qu'une référence identitaire parmi d'autres, au côté de la race, de l'ethnie, de la langue ou de la nationalité. De plus, l’État nigérien assure plus ou moins efficacement la stabilité du territoire. Mais ce processus semble comporter une faille dans le contrôle de la grande frontière du sud (1.500 kilomètres en partage avec le Nigeria). Ainsi, la ville de Maradi, vit totalement à l'heure nigériane avec son électricité, son carburant – introduits en contrebande – des quantités d'autres produits, légaux ou non, et surtout des échanges sur le plan culturel et religieux qui sont moins visibles ; ces derniers ont conduits à la mise en place, au nom d'une « nécessaire moralisation des mœurs », de « comités de vigilance » qui veilleraient à la conformité des comportements aux principes islamiques, si d'aventure, Maradi se laissait séduire par un tel projet de société.

Opinions sur l’évolution de l’islam

Fréquence Pourcentage

Progresse 499 95% Ne progresse pas 12 2 % Autres 17 3 % Total 528 100%

Avis sur les évènements du 11 septembre

DefavorablesFavorablesSans opinion

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Perception du FIMA (Festival International de la Mode Africaine) 2001 L’organisation d’un défilé de mode (FIMA), en 2001, par un couturier nigérien a suscité des manifestations dans certains milieux religieux.

Cet événement a engendré l’arrestation de plusieurs leaders religieux et la dissolution des associations islamiques impliquées dans l’organisation de la manifestation.

Le FIMA a instauré un débat au sein des populations nigériennes. D’une part les partisans qui soutiennent que c’est un facteur de développement économique et culturel du pays .Et d’autre part,ceux qui pensent que c’est une « chose » néfaste parce qu’elle sape les fondements de l’islam. D’après les résultats de l’enquête, 64% des interrogés condamnent le FIMA parce qu’il est fait la promotion de la nudité proscrite par l’islam. Mais dans les faits, l’opposition à l’organisation du FIMA, n’a pas abouti à un mouvement structuré qui soulèverait la population ou une partie de celle-ci sous la conduite d’un leader contre l’autorité de l’Etat. Il a pris la forme d’une émeute rapidement maîtrisée par les forces de l’ordre. Cela relèverait-il d’un manque d’engagement des acteurs ou d’une conformité aux règles de l’islam qui déterminent le comportement d’un musulman face aux abus du pouvoir : « combattre avec la parole, combattre du fond de son cœur ou frapper avec la main quand il s’agit des membres de sa famille » Opinion sur la laïcité de l’Etat

La majorité des personnes enquêtées non-membres des associations, pensent que la laïcité est une bonne chose. Cependant l’attitude de l’Etat reste toujours ambiguë malgré que le Niger ait inscrit dans sa constitution «une République laïque» ou «non confessionnelle», cela n’a jamais rien changé à la réalité de tous les jours. Qu’il s’agisse de ceux qui sont

sensés garantir le respect de ladite Constitution ou même du citoyen ordinaire, l’attitude face à l’islam a toujours été ambiguë.

Le citoyen ordinaire déjà lui-même traditionnellement lié à la culture islamique, en tout cas pour la majeure partie de la population, malgré des signes d’évolution évidente, n’arrive toujours pas à se départir d’un réflexe acquis. Il faut dire que le nigérien musulman est en quelque sorte musulman par tradition.

De ce fait, avec le contexte démocratique actuel, il se retrouve tiraillé entre une culture fortement influencée par l’Islam qui exige l’application de son dogme et une culture démocratique occidentale qui offre une panoplie de choix dont certains jurent avec les principes islamiques. Et par crainte de modifier sa tradition religieuse avec tout ce que cela suppose comme menace sociale, le nigérien est toujours demeuré, sans être le «parfait musulman» ambiguë face à la question de l’Islam. Cette position le confine dans une inertie face à certaines pratiques, mêmes s’il les juge inopportunes, dès lors qu’elles revêtent une connotation religieuse. Là dessus, aussi bien les doctrinaires que les organisations de la société civile hésitent à se prononcer quand ils n’excellent pas dans la fuite en avant.

Les données historiques sus mentionnées attestent clairement que le syncrétisme, la corruption, la déshumanisation de la société, sont des facteurs récurrents qui avaient été utilisés pour justifier les tentatives de conquêtes politiques et religieuses ; mais l’application de loi religieuse a toujours été objet d’une réticence au niveau des populations qui ne sont prêtes à abandonner leurs traditions ancestrales...Toujours la recherche de la purification suivie de la non adhésion à l’heure de l’application ….Telle, est encore la cadence des courants radicaux.

Opinions Fréquence Pourcentage Bonne chose 479 59,87% Mauvaise chose 200 25% Autres 96 12% DM 25 3,12% Total 800 100%

Avis/FIMA

0

100

200

300

400

500

600

Contre Islam Bonne chose Autres

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7. PARTENARIAT ET PERSPECTIVES Les différentes associations tissent des liens de collaboration en fonction de leurs objectifs communs et de leur appartenance à un même courant religieux. C’est le cas par exemple du collectif des associations islamiques de Maradi qui regroupe des associations comme l’AIN association mère), l’ANASSI, Albirou Watakawa, Nouril Islam. Au début toutes ces associations se trouvaient au sein de l’AIN. Avec l’avènement de la démocratie, certains membres de l’AIN se sont détachés pour fonder leur propre association. Cependant elles sont toutes tidjanistes et sont modérées en ce sens qu’elles acceptent les autres courants, même les izalistes qui sont les plus radicaux.

Par contre certaines associations comme Kitab Wa-sounna, Ihya’ou sunna sont en opposition avec les premières et ne peuvent collaborer qu’entre elles. En dehors de la divergence doctrinale et de pratique de l’islam, toutes les associations, prônent la promotion et l’épanouissement de l’islam.

En effet, l’ignorance est à la base de l’hostilité qui existe entre les associations. Aujourd’hui avec le partenariat avec l’ONG Karkara, les différentes associations ont bénéficié d’une formation qui leur a permis de vivre en symbiose, et de travailler ensemble la main dans la main. Ceci se justifie par les propos d’un membre d’une association qui affirme : « grâce à l’ONG Karkara, nous avons eu une ouverture d’esprit. Et l’avantage tiré des différentes types de collaborations : c’est d’abord, la stabilité dans les rapports qui nous unissent, ensuite le partage de l’information, l’ouverture des perspectives, les visites et surtout l’entraide ».

La majorité (55%) des associations religieuses à des partenaires qui sont nationaux à 19%, internationaux à 41% ; et enfin 39% ont des partenaires aussi bien nationaux qu’internationaux. Les critères de choix du partenaire sont multiples.

Partenaires locaux Le choix des partenaires n’est jamais fortuit. Il tient compte de certains critères dont les plus évoqués sont : - L’appartenance à un même courant donne aux associations l’opportunité de nouer des

relations de partenariat

- la similitude des objectifs visés et les plans d’actions favorisent le partenariat entre les associations

- la recherche d’intérêt matériel : Certaines associations, en contractant les alliances, cherchent les appuis matériels et le renforcement des capacités.

Certains partenaires interviennent dans le processus de réseautage

des associations dans les régions. D’autres ne font aucune offensive pour chercher des partenaires, elles attendent que les partenaires qui sont dans le besoin fassent le premier pas en leur direction ; dans ce cas, le niveau d’instruction du leader est assez limité pour adopter une stratégie de recherche de partenaires.

Partenaires extérieurs Il s’agit des associations Islamiques internationales et des coopérations, des projets et ONG. Ce type de partenariat prend deux formes : - la première forme c’est la prestation de service qui relie les associations aux projets et

programmes de développement. C’est le cas des programmes sida, polio, ou elles sont sollicitées pour mener des actions de sensibilisation auprès des populations ; ce partenariat basé sur les prestations de services cible le plus souvent un leader (qui a une bonne écoute) plutôt qu’une association.

- la deuxième forme constitue les appuis matériel, financier et en renforcement des capacités reçus par ces associations ; les donateurs sont souvent des ONG nationales et internationales (surtout arabes)

Ce partenariat porte également sur divers aspects notamment l’amélioration de l’enseignement coranique par la construction de hangar tenant lieu de classe pour les élèves, la formation des maîtres coraniques en technique d’enseignement et de prêche, les appuis en intrant agricoles, la

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réalisation d’activités d’intérêt collectif et social comme la construction de mosquées, le fonçage de puits, la réalisations des sensibilisations sur des thèmes sensibles d’actualité...

Avantages tirés du partenariat Au niveau national (89%) les associations apprécient le système de partenariat et estiment que c’est bénéfique pour elles. Les associations dénoncent tout de même le fait que très souvent le partenaire choisit son domaine de partenariat sans tenir compte de leurs priorités

La majorité des associations affirment avoir tiré des avantages du partenariat développé : 93% des associations à Tahoua, 70% à Agadez, 86% à Niamey et 87% sont dans ce cas.

Les avantages les plus évoqués sont relatifs aux échanges : les associations partenaires se partagent les informations, les expériences nécessaires au rayonnement de leurs structures..

Les principales contraintes évoquées par ces associations s’articulent autour de l’irrégularité du financement des activités programmées ou le retard toujours accusé pour l’obtenir

En terme de perspectives, les associations envisagent de s’impliquer davantage dans le domaine du développement qui ne semble pas être leur priorité jusqu’ici. Elles projettent pour ce faire de diversifier les partenaires afin d’accéder au financement extérieur qui s’offre aujourd’hui comme une possibilité du fait de la mise en œuvre projet exécuté par Karkara.

8. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS L’univers associatif islamique se compose de 44 associations reconnues ayant des antennes au niveau des régions et 10 non reconnues. Le nombre total des structures enquêtées (y compris les antennes) s’élève à 167. Elles se caractérisent par leur précarité notamment le manque de moyens financiers et matériels comme la majorité des organisations de la société civile nigérienne.

En effet, rares sont celles qui disposent d’un siège ou de matériels de travail suffisants. Certes 78% de ces associations affirment disposer de ces ressources, mais elles sont dérisoires et se limitent à l’acquisition des nattes ou de bancs …et rarement d’outils de travail adéquat. Cependant les associations islamiques se distinguent des autres par leur capacité de mobilisation humaine du fait de l’enracinement social des leaders religieux qui les dirigent et de la compétence des membres du bureau qui sont dans la plus part des cas instruits et la propension des musulmans à accepter les actions à caractère religieux.

Dans le domaine de la prévention et de la gestion des conflits, les associations islamiques mènent des activités tout aussi ponctuelles et limitées qui consistent au règlement des conflits sociaux, politiques et familiaux liés au partage de l’héritage ; elles sont souvent sollicitées pour les règlement de conflits soit en leur qualité d’assesseurs de justice, soit en tant que ressource compétente socialement reconnue.

Les associations islamiques du Niger ont des atouts qui les prédisposent à intervenir significativement dans le domaine la prévention et gestion des conflits du fait de la confiance dont elles jouissent auprès des populations qui s’accroît avec la méfiance affichées vis-à-vis des autres organisations (partis politiques, ONG) ; leurs interventions assurent une certaine quiétude sociale. Elles agissent sur :

• les conflits qui opposent les militants des différents partis politiques, qui sont plus fréquents lors des campagnes électorales. Ils se manifestent par des expressions verbales et souvent physiques.

• Les conflits entre les différentes confréries religieuses : le cas le plus récurrent est celui qui oppose les innovateurs notamment les izalistes à la Tariqa. Le dernier en date est la tentative des izalistes à organiser des manifestations de soutien aux activités de Al Ka-ida (Zinder). « nous nous sommes opposés et avons, à travers des prêches, démontré aux populations que les évènements tragiques rapportés chaque jour par les médias , malgré leur apparence religieuse, ne sont que du terrorisme ».

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• Les conflits entre l’Etat et les syndicats : il s’agit là des grèves des travailleurs et des scolaires qui aboutissent souvent à des manifestations. Nous faisons à ce niveau plus de la prévention des conflits. C’est ainsi que nous avons calmé les agents de la santé et de l’éducation qui étaient déterminés à aller en grève.

Aussi, les différentes associations et courants religieux, ont besoin d’être soutenus pour pouvoir participer pleinement dans la recherche des pistes des solutions idoines pour la prévention et la gestion des conflits.

Dans l’ensemble, elles interviennent spécifiquement dans les domaines religieux prêches construction des mosquées éducation islamique. Elles tentent des actions timides dans le domaine de développement qui se limitent à des activités ponctuelles couture tricotage assistance sociale visite aux malades. Peu d’associations envisagent le développement sous l’angle qui susciterait des changements durables

L’enracinement de ces associations sur toute l’étendue du territoire national offre un dispositif de proximité, qui s’il est bien structuré peut constituer un partenaire potentiel dans plusieurs domaines (lutte contre la pauvreté, promotion de la paix, changement de comportement ou même de mentalité dans des domaines aussi divers que l’hygiène, la citoyenneté, l’environnement…).

La conformité des questions du développement avec les préceptes de l’Islam. Plusieurs versets du Coran et hadiths prônent le développement. Seulement l’implication des associations dans ces domaines est confrontée au manque de financement des activités liées à la méfiance instaurée entre deux acteurs d’une part les bailleurs de fonds potentiels au développement qui ne croient pas à la capacité des « religieux à faire le développement » et d’autre part les religieux qui ne font rien pour attirer des partenaires financiers occidentaux.

Cependant les activités initiées prouvent que les associations islamiques sont disposées à rompre avec cette attitude, pour s’impliquer davantage dans des activités de développement, de prévention et de gestion de conflit, conformément aux écritures qui mentionnent que les travailleurs producteurs seront mieux reçus auprès de leur Seigneur qu’un invocateur de Dieu infatigable mais nourri par une tierce… Et qu’une personne utile à la communauté est celle qui cultive le bien et s’éloigne de la tentation de provoquer le trouble car le trouble est pire qu’un assassinat, en ce sens que nul ne sait les limites d’un trouble qui débute.

Un verset du coran stipule « Allez y profitez des richesses de la terre ». L’Islam prône aussi la plantation et l’entretien des arbres. « Une feuille d’un arbre arrachée qui ne le soit pas à une fin utile est un péché pour le contrevenant ». Les domaines de l’éducation, de l’hydraulique, la santé, et environnement semblent être privilégiés du fait de leur caractère social très fort.

Les besoins en appuis mentionnés par les associations sont d’abord des besoins en matière de renforcement des capacités.

Au niveau de l’éducation, l’amélioration de l’enseignement coranique suppose :

- Associer l’étude islamique à l’apprentissage des activités professionnels afin d’éviter aux talibés la situation de délinquance, d’errance ….

- Utiliser dans les écoles coraniques des matériels modernes comme ceux utilisés dans les établissements publics : tableaux noirs, tables bancs…..

Certains leaders pensent que « nous pouvons faire mieux dans le domaine du développement en contribuant à changer les mentalités des populations sur certaines questions relatives à la santé publique : la malnutrition des enfants qui est d’actualité ; mais pour mener à bien ce travail, nous avons besoin d’une formation de base sur les principales maladies et les remèdes selon la médecine moderne. Nous pouvons aussi sillonner les villages et amener les paysans à « ouvrir leurs greniers » afin de nourrir convenablement leurs familles (ce qui n’est pas le cas en tradition encore vivace en milieu rural le père de famille attend la saison pluvieuse pour affecter la récolte précédente à la consommation familiale).

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Un autre ajoute « Nous pouvons aussi contribuer à alléger les souffrances de la femme rurale. L’islam a suffisamment développé ces questions et il suffit de nous inspirer du droit islamique (droit de la femme, de l’enfant …. Devoir des parents) pour changer le comportement des citoyens.

Toutes ces activités supposent un appui de l’Etat ou de ses partenaires au développement afin de pouvoir entrer en contact avec les bénéficiaires.

Les activités en matière de développement définies avec les associations sont les suivantes :

- formation des leaders religieux pour la prévention et la gestion des conflits.

- Création de cadre pour un dialogue entre les religions (islam et christianisme) pour la tolérance et l’acceptation d’autrui,

- Création d’un cadre de concertation entre les différents courants islamiques afin de mieux conjuguer leurs efforts pour prévenir et gérer les conflits.

- Création de cellules de concertation permanente avec statuts et moyens au niveau des régions, à l’échelon local et au niveau national permettant de prévenir toute situation qui impliquerait le milieu religieux ;

- Appuyer le nouveau Conseil Islamique National pour une meilleure coordination des activités en matière de prévention et de gestion des conflits, le développement devant être pris en charge par les autres associations islamiques, chacune dans son domaine d’expérience.

Beaucoup de projets de développement peuvent être conduits par les associations islamiques :

- création d’établissements privés franco-arabe pour le dialogue entre les cultures ;

- sensibilisation des populations sur la prévention des conflits à travers les prêches radiophoniques et télévisés ou sous forme d’IEC (Information Education communication) ou CCC (Communication pour un changement de comportement).

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ANNEXE

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CARTES DES COURANTS RELIGIEUX

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