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9 t h I s l a m i c C o n f e r e n c e o f C u l t u r e M i n i s t e r s 9 è m e C o n f é r e n c e is l a m i q u e d e s M i n is t r e s d e l a C u l t u r e Mascate Muharram 1437H 2-4 novembre 2015 ﻣﺴﻘﻂ1437 ﻣﺤﺮﻡ2015 ﻧﻮﻓﻤﺒﺮ4-2 ﻟﻮﺯﺭﺍﺀ ﺍﻟﺜﻘﺎﻓﺔ ﺍﳌﺆﲤﺮ ﺍﻹﺳﻼﻣﻲ ﺍﻟﺘﺎﺳﻊ9 ème Conférence islamique des Ministres de la Culture «Pour une culture du juste-milieu favorisant le développement des sociétés islamiques» Sultanat d’Oman Ministère du Patrimoine et de la Culture Mascate, Sultanat d’Oman : muharram 1437H/2-4 novembre 2015 Étude sur les contenus des médias occidentaux sur l’Islam au regard du droit international CIMC-9/2015/3.2

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9ème Conférence islamique des Ministre

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MascateMuharram 1437H2-4 novembre 2015

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2-4 نوفمبر 2015م

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9ème Conférence islamique des Ministres de la Culture«Pour une culture du juste-milieu favorisant le développement des sociétés islamiques»

Sultanat d’OmanMinistère du Patrimoine et de la Culture

Mascate, Sultanat d’Oman : muharram 1437H/2-4 novembre 2015

Étude sur les contenus des médias occidentaux surl’Islam au regard du droit international

CIMC-9/2015/3.2

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Sommaire

Introduction..................................................................................................................................................................... 7

Chapitre 1- La référence juridique de la protection de la liberté religieuse et ses instruments: Exemple de l’atteinte à l’Islam............................................................................................................. 11

Section I : Eléments d’évolution du cadre juridique normatif de la liberté religieuse..................... 11

Premièrement : Contexte de violation par les médias occidentaux des règles du droit international et son évolution juridique..................................................................

11

Deuxièment : la liberté religieuse à travers les déclarations des droits de l’homme des révolutions bourgeoises..........................................................................................................

16

1) La déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen ............................................... 162) La déclaration de Viginie en date du 26 juin 1776 ........................................................................ 173) La liberté religieuse sous la Société des Nations............................................................................ 18

Troisièment : L’intérêt accordé par les règles du droit international à la religion après la création des Nations Unies....................................................................................................... 19

1) La liberté religieuse dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme........................... 192) La liberté religieuse dans le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques .. 203) La déclaration de la foi et son expression ....................................................................................... 21

Section II : Le droit international et les instruments de la protection religieuse.......................... 22

Premièrement : la protection juridique de la religion et la liberté religieuse à travers les règles du droit international............................................................................................ 22

Le contournement de la protection des minorités .................................................................................................................. 23

Deuxièment : la protection de la liberté religieuse dans le système européen ......................... 24

Troisièment : La protection internationale de la liberté religieuse et ses instruments................... 26Quatrièment : Les instruments de protection parajudiciaire ..................................................... 27

1) La Commission de Droits de l’Homme .............................................................................................. 282) La Commission des droits économiques, sociaux et et culturels ............................................ 293) La Commission des droits de l’Enfant ............................................................................................... 29

Cinquièment : Autres mécanismes ................................................................................................................ 30

1) L’UNESCO ..................................................................................................................................................... 302) Le Rapporteur spécial pour la liberté la religion et de conscience ......................................... 30

Chapitre 2 : La liberté d’opinion et d’expression entre le principe de tolérance, le respect des religions et des droits des minorités musulmanes...................................................................... 33

Section I : La place de la liberté d’opinion et d’expression dans le droit international et son lien avec le principe de tolérance ................................................................................. 33

Premièrement : La liberté d’expression à travers les documents de la légalité internationale 34

Deuxièment : Les principes de tolérance religieuse et de lutte contre la haine dans le droit international ................................................................................................................................ 38

Troisièment : La liberté de l’Information et la violation du respect des religions : Formes de violation ........................................................................................................................................ 40

Section II : L’évocation de la liberté d’expression dans l’offense à l’islam et aux minorités musulmanes en Europe ............................................................................................................... 45

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Premièrement : les réactions et les contres réactions ....................................................................... 461) La crise de l’identité et les tracasseries de l’extrême droite ................................................ 462) Deux images reciproques de l’extrêmisme : Bouibry et Fildrz ........................................ 47

Deuxièment : Pour une véritable intégration qui respecte les particularités .................................. 49Troisièment : La domiciliation de l’islam dans les pays occidentaux ........................................ 49Quatrièment : La violation des droits religieux des minorités musulmanes dans les pays

occidentaux est une violation des règles du droit international........................... 50

Cinquièment : Autres documents en rapport avec le sujet .............................................................. 51Sixièment : La possibilité de qualification juridique de phénomènes d’offense aux minorités

musulmanes devant la justice .................................................................................................... 521) Les affaires d’offense à l’islam et aux minorités musulmanes devant la justice ................. 522) Les procédures d’intenter des actions afin de respecter les droits des minorités et

interdire la discrimination ...................................................................................................................... 53Chapitre 3 : Les discours racistes entre la liberté religieuse et la liberté d’expression : vers une loi

interdisant l’offense aux religions......................................................................................................... 55

Section I : Comparaison entre l’expression raciste et l’offense à l’islam en Occident .................................... 55

Premièrement : L’expression chargée de la haine, de l’hostilité et des discours racistes 55Deuxièment : L’applicabilité de la notion du « danger clair et imminent » sur les discours

racistes à l’égard de l’islam et des musulmans ............................................................ 57Troisièment : Les limites à la liberté d’opinion pour le respect des religions est une norme

impérative des règles du droit international dans le domaine des droits de l’homme ........................................................................................................................................ 58

Quatrièment : Le compromis entre la liberté d’expression et les discours racistes en Europe...................................................................................................................... 60

Cinquièment : La Contradiction entre les positions de la justice occidentale vis-à-vis de l’Holocauste et de l’offense à l’islam ......................................................................... 61

Sixièment : L’attitude des Etats Unis d’Amérique et de la France vis-à-vis de la lutte contre le racisme et son lien avec l’offense à l’islam ....................................................................... 62

Septièment : La contrainte de la liberté d’opinion et d’expression et les prémices d’une loi de protection des religions ...................................................................................................... 63

Section II : La place de la religion dans les relations internationales, le droit international et l’interdiction de l’offense des relations ........................................................................................ 66

Premièrement : La présence religieuse dans les relations internationales ................................. 66Deuxièment : La place grandissante de la religion durant le troisième millénaire et le rôle du

dispositif des Nations Unies .............................................................................................. 69Troisièment : La religion dans les textes des Nations Unies ....................................................... 69Quatrièment : La notion du mépris des religions aux Nations Unies ....................................... 70Cinquièment : Pour une loi d’interdiction de l’offense des religions ........................................... 72Sixièment : L’offense des religions et la disparité des attitudes internationales........... 74Septièment : La disparité des positions des pays occidentaux et des pays islamiques sur le sujet

de l’offense des religions .......................................................................................................... 74Huitièment : La résolution de lutte contre la déformation de l’image des religions.............................. 75

Propositions et recommandations .......................................................................................................... 83

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Introduction

Le phénomène qui consiste à dénigrer et à stigmatiser l’Islam et les musulmans, qui a envahi les médias occidentaux, ne date pas d’aujourd’hui. Il s’agit plutôt d’un phénomène enraciné dans les relations entre l’Islam et les musulmans avec l’Occident. Il n’est donc ni objectif, ni scientifiquement correct, de lier ce phénomène aux développements qui ont marqué ces relations depuis les évènements du 11 Septembre 2001, ou à ceux qui les ont précédé. Les racines de ce phénomène sont plutôt à rechercher dans l’histoire lointaine, notamment à la période des croisades où cette haine a été propagée avec violence à travers tous les moyens d’information et de communication dont on disposait à l’époque.

En effet, les outrages et les attaques contre l’Islam et les musulmans sont une constante depuis le moyen-âge. Cette tendance s’est renforcée avec le déclin de la civilisation arabo-islamique et l’essor de la civilisation occidentale, surtout depuis la Renaissance en Europe, qui a été une période marquante dans l’approfondissement de cette haine et la mise en place de ses fondements. C’est ainsi qu’a été mise à contribution, au début, l’écriture romanesque qui a connu un grand essor avec l’usage à grande échelle de l’imprimerie et ce avant l’instrumentalisation du cinéma, de la radio et, enfin, de la télévision. Chacun de ces outils a joué un grand rôle dans la propagation des attaques contre l’Islam et les musulmans à travers ce qu’il publie ou diffuse.

Aussi, la recherche dans le domaine de la violation du droit international à travers les productions des médias occidentaux hostiles à l’Islam et aux musulmans’’ nécessite-t-elle une étude approfondie des différents aspects de la protection de la liberté religieuse, telle qu’elle est inscrite dans les textes des accords internationaux et dans les déclarations et résolutions internationales, ainsi que dans les jugements prononcés par les juridictions internationales, la jurisprudence, les avis des juristes spécialisés et dans les traditions.

L’étude du contenu de ces références ne relève point d’un luxe intellectuel ou d’un simple exercice juridique, ni d’un désir de faire étalage de l’arsenal juridique dont regorgent les sources du droit international, d’une manière générale, et les textes relatifs aux droits de l’homme ainsi que ceux relatifs à la liberté de l’information, en particulier. Ce n’est pas là l’objectif des différents thèmes dont traite la présente étude dont l’ambition est d’aller bien plus loin.

Il s’agit, en effet, de savoir, en premier lieu, si la liberté d’opinion et d’expression est une liberté absolue, sans frontières ni limites et permet, de ce fait, à celui qui s’en prévaut, de bafouer la liberté religieuse, de piétiner les principes sacrés des religions, de les insulter et d’en dénigrer les symboles. Ou alors, s’agit-il d’une liberté codifiée et soumise à un certains nombres de limites, de règles et de lois.

Il s’agit, également, de savoir si la liberté religieuse et, d’une manière générale, les religions, bénéficient de la même protection dont bénéficie la liberté d’opinion et d’expression de la part du droit international. Il s’agit donc de savoir si ces deux libertés – religieuse et d’expression - sont égales, si ces deux droits – à la liberté d’expression et à la liberté religieuse – sont équivalents.

Chercher à évaluer la protection internationale de la liberté de religion et le respect des religions suppose, d’abord, que l’on puisse démontrer qu’il y a une conception internationale reconnue de cette liberté. L’importance d’une telle démonstration prend toute son importance eu égard au fait que les études et les recherches académiques et scientifiques relatives à la liberté et au

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respect des religions sont en augmentation constante. Cependant, l’objectif de cette étude n’est-il point de reprendre les analyses faites par ces études ni de rappeler les conclusions, du reste remarquables, auxquelles elles ont abouti. Son objectif est, plutôt, d’étudier les différents aspects de cette liberté, dans ses manifestations actuelles, et de démontrer que les attaques faites par les médias occidentaux contre les religions et, en particulier contre l’Islam, constituent une entorse à toutes les règles du droit international. Il s’agit d’un phénomène grave qui s’amplifie de jour en jour et se répand, comme un feu dans la paille, d’un pays à l’autre, en contradiction flagrante avec les injonctions du droit aux plans international, continental et national. Sachant que ces injonctions dictent le respect des religions, prônent la tolérance et interdisent toute forme de discrimination qu’elle soit ethnique, raciale ou religieuse. C’est ce même droit international qui se lève contre l’exploitation des moyens d’information audiovisuels, écrits ou électroniques pour de telles atteintes, surtout que des livres ont été édités et des films réalisés dans le but d’attaquer les symboles de l’Islam, suivis par des caricatures, des articles de presse et des commentaires qui bafouent de manière flagrante les principes de tolérance et s’en prennent à l’Islam sous le couvert de la liberté d’information et la liberté d’opinion et d’expression garanties par le droit international relatif aux droits de l’homme. Ceux qui s’adonnent à ces actes n’invoquent que l’aspect du droit international qui garantit leur liberté d’accomplir leurs forfaits et couvre leur haine contre tout ce qui est en rapport avec les arabes, l’Islam, les musulmans, les immigrés et les minorités qui résident en Occident d’une manière générale. Ils taisent volontairement, avec perfidie, la partie du droit international qui les condamne.

Ce qui précède montre les difficultés inhérentes à la recherche dans ce domaine ; ce qui impose au chercheur d’être suffisamment armé des connaissances qui lui permettent de l’appréhender : comment cette question est-elle apparue dans les relations internationales depuis 1648 à la fin des guerres de religion et même avant, depuis les croisades ? Comment est-t-elle réapparue à nouveau à travers le droit international au XIXème siècle et lors de la première guerre mondiale ? Comment a-t-elle été codifiée dans le droit international relatif aux droits de l’homme ? Comment est-elle revenue à nouveau après la révolution iranienne, l’avènement du nouvel ordre mondial, l’apparition des idées de Fukuyama et Huntington, puis les évènements du 11 Septembre 2001 et les développements qui en ont découlé ?

A travers cette longue marche du temps, s’est formé le cadre juridique de la liberté d’opinion et d’expression et, avec elle, la liberté de religion ; tout comme ont été bafouées toutes les règles juridiques qui protègent le caractère sacré des religions sous le couvert de la liberté d’information et de la liberté d’opinion et d’expression.

Partant de cela, et en vue de détailler le phénomène consistant à bafouer le droit international en s’attaquant à l’islam et aux musulmans à travers ces moyens d’information, nous serons tenus d’aborder avec précision les sources et les instruments internationaux qui garantissent cette liberté et interdisent l’offense aux religions parce qu’elle constitue une entorse aux instruments juridiques internationaux qui garantissent la liberté religieuse et le respect des religions.

Pour ce faire, nous aurons recours à l’invocation des tenants et aboutissants des textes juridiques et à la lecture de leurs différentes exégèses découlant de la jurisprudence et des différents mécanismes de la protection des droits de l’homme.

Cette invocation vise à démontrer l’inexactitude des assertions contenues dans la plupart des études qui ont abordé la question et qui prétendent que les règles du droit international n’ont pas pris en compte ou ne se sont pas intéressées aux insultes, injures et outrages contre les religions au moment où elles ont mis l’accent sur l’interdiction de toutes les formes de

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discrimination sur la base de la race, de la couleur, du sexe ou de la religion. D’où la question que beaucoup se posent à savoir : les règles du droit international relatives à la protection des droits de l’homme s’appliquent-elles ou non aux attaques contre les religions ?

De prime abord, la réponse à cette question serait négative, car aucun des trois termes ‘’insulte’’, ‘’injure’’ et ‘’outrage’’ à la religion n’a été mentionné expressément dans les textes du droit international relatif aux droits de l’homme, ni dans les conventions régionales. Cependant, certains estiment que, si l’outrage et le dénigrement de la religion en tant que principes étaient méconnus par le droit international, ils ont commencé à apparaitre ces dernières années au sein-même des Nations Unies.

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Chapitre 1

La référence juridique de la protection de la liberté religieuseet ses instruments : Exemple de l’atteinte à l’Islam

Aborder la question de violation par les médias occidentaux des règles du droit international, à travers la publication des productions visant à nuire à l’image de l’Islam, impose au chercheur d’en remonter les racines afin d’élucider comment les règles du droit international relatif aux droits de l’homme et à l’information abordent cette problématique. En effet, si ces règles sont récentes et liées à l’avènement du système des Nations Unies établi depuis 1945, la protection de la religion par les règles du droit international est, quant à elle, bien plus ancienne. De là, nous pensons que l’examen des racines du phénomène impose au chercheur d’être armé d’un arsenal scientifique en rapport avec plusieurs champs de connaissances englobant les domaines de l’histoire, de la pensée politique et des relations internationales.

Le lien entre la liberté religieuse et la liberté d’expression, d’une part, et l’atteinte aux valeurs des religions, d’autre part, est inséparable de la Renaissance européenne. Il est également en rapport avec la ‘’philosophie des lumières’’ et son apport en matière de tolérance, ainsi que son impact sur la classe bourgeoise.

Cette réalité impose à celui qui veut aborder la question de rappeler le contexte de la violation par les médias occidentaux des règles du droit international, et les attaques continues qu’il mène contre l’Islam et les musulmans violation, notamment depuis les années quatre-vingt dix. C’est, en effet, dans ce contexte que résident certains des facteurs et des mobiles cette violation.

Section I : Eléments d’évolution du cadre juridique normatif de la liberté religieuse

Premièrement : Contexte de violation par les médias occidentaux des règles du droit international et son évolution juridique

Le phénomène d’animosité systématique et d’offense à l’égard des musulmans à travers les médias occidentaux, tous supports confondus, et qui constitue une violation du droit international relatif à l’information et aux droits de l’homme, n’est pas nouveau. Il trouve ses racines profondes dans l’histoire des relations entre l’islam et les musulmans avec l’Occident. Ces relations ont toujours été émaillées de conflits sanguinaires et de tensions aigues depuis des siècles jusqu’à nos jours. Il n’est donc, ni objectif, ni sage, de lier ce phénomène à ce qui se passe depuis les évènements du 11 septembre 2001 et même à ce qui s’est passé, à titre d’exemple, depuis les deux dernières décennies du XXème siècle.

D’une manière générale, ce phénomène de l’islamophobie date de la période des croisades. A cette époque, des campagnes de dénigrement à travers les mécanismes disponibles du moment ont été menées à l’encontre de l’islam et des musulmans. Aussi, l’on peut dire haut et fort, que cette campagne à l’encontre de l’islam n’a jamais cessé depuis le Moyen-âge. Elle s’est même amplifiée et pris de nouvelles dimensions après le déclin de la civilisation arabo-islamique et le développement spectaculaire de la civilisation occidentale après la Renaissance européenne, appuyée intellectuellement par la « philosophie des lumières » et scientifiquement par les découvertes dans le domaine des sciences. Cette étape a été décisive dans l’approfondissement de cette tendance anti-islamique. C’est ainsi que des

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productions littéraires appuyées par l’apparition de l’imprimerie ont permis la vulgarisation de ces idées de manière sans équivalent par le passé.

Le phénomène du blasphème, en rapport avec le droit international, est lié, dans une large mesure, à l’avènement du système mondial établi après la fin des guerres de religions qui a été couronnée par le Traité de Westphalie de 1648 et par la parution de l’Etat-Nation en Europe(1). Si ce traité avait mis fin aux guerres de religion et fondé l’ordre international basé sur la nécessité de respecter la diversité religieuse, il n’en demeure pas moins que certaines manifestations de l’intolérance religieuse ont persisté du fait du non-respect des religions des minorités dans les pays où la majorité adopte une religion différente.

La communauté internationale, qui était alors fondamentalement européenne, a pris conscience de ce phénomène, surtout que ses résidus ont persisté çà et là du fait des luttes causées par les séquelles de l’intolérance entre les chiismes et le non-respect mutuel entre eux. Cette situation a eu pour conséquence l’intervention des pays catholiques dans les pays protestants pour protéger les minorités catholiques qui s’y trouvent et l’intervention des pays protestants dans les pays catholiques pour protéger les minorités protestantes qui s’y trouvent.

Face à cette réalité et sous l’effet de ces luttes incessantes et intermittentes qui menacent les fondements du nouvel ordre mondial né au milieu du XVIIème siècle, il a été formulé un principe connu dans le droit international traditionnel sous le titre du ‘’principe de l’ingérence pour la défense de l’humanité’’. Il s’agit d’un principe célèbre dans le droit et les relations internationaux, et qui a continué jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale(2). Il est à noter que ce principe a été développé par la diplomatie française au début de la dernière décennie du siècle passé, à l’orée du nouvel ordre mondial, pour se muer, dans l’atmosphère qui a accompagné l’écroulement du bloc soviétique, en ‘’droit d’ingérence humanitaire’’(3), surtout après le retour en force de l’élément religieux en tant que facteur actif et influent dans les relations internationale sous l’ordre mondial nouveau.

Le respect des religions a été, une seconde fois, lié à la nouvelle réalité des minorités et à l’impératif de leur respect qui une résultante de la première guerre mondiale qui a induit des changements profonds sur la carte démographique et géopolitique du Continent européen. La carte religieuse du continent a été aussi changée en conséquence. C’est ainsi que des états entiers ont disparu de la carte et leurs populations ont été intégrées à d’autres. Des régions qui appartenaient à des états ont été rattachées à d’autres états ; ce qui a eu pour résultats l’explosion du problème des minorités ethniques et religieuses(4).

Cette situation a imposé la recherche de solutions juridiques en vue de protéger les droits de minorités. C’est ainsi qu’est intervenu le droit international pour assurer cette protection grâce aux conventions qui sont venues ordonner la situation en Europe après la première guerre mondiale(5).

La préoccupation quant aux droits religieux était à ce moment consacrée exclusivement aux droits des minorités réparties entre les schismes du christianisme en Europe, en plus des droits des communautés musulmanes de certains pays d’Europe de l’Est. Les problèmes des droits

(1) Louna Said Varahat, La liberté religieuse et son organisation juridique : Etude Comparative, dar Chourough, Beyrouth, première édition 2010.

(2) Alain Roger : l’Intervention humanitaire R.G.D.I., P : 1910. Voir aussi Wehid Refet : Droit international et Droits de l’Homme, Revue Egyptienne du Droit International Public, année 1977, Tome 33.

(3) Maurice Torelli : « L’ingérence humanitaire et le nouvel ordre mondial, ed Eddif 1993, p : 87 à 131.Voir aussi Ali Krimi : Droits de l’Homme : évolution et référence ; Maison d’Edition Maroc 1999

(4) Boutros Ghali : les minorités et les Droits de l’Homme dans le droit international, Politique Internationale, numéro 39, janvier 1975, p.10-19.

(1) Ces conventions sont : la Convention de Saint-Germain-en-Laye, 1919, la Convention de Lousan, la Convention Sifer

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des minorités musulmanes qui ont émigré en Europe comme main d’oeuvre n’étaient posés ni religieusement ni linguistiquement.

Après la seconde guerre mondiale et la mise en place du système des Nations unies en 1945, il a été affirmé le caractère universel des principes qui le fondent et qui, de ce fait, n’étaient plus restreints à la protection des droits des seules minorités religieuses et ethnique, mais sont devenus, plutôt, partie de l’édifice des Droits de l’homme. Dans ce cadre, les principes de tolérance religieuse et de lutte contre la haine ont été renforcés. Mais est ce que les nations unies ont pu limiter le blasphème et le dénigrement des religions qui se sont propagés à travers les différents médias : cinéma, presse écrite, télévision, radio et sites électroniques(1) ?

Le blasphème a pris de nouvelles formes qui constituent une violation des règles du droit international normatives des Droits de l’Homme et de l’Information. Ses moyens et ses mécanismes se sont développés en conséquence. Ils sont passés de propos consignés dans des livres, dans une encyclopédie ou dans étude d’orientaliste à des films, des programmes de radio et de télévision et à l’internet. Ces nouveaux moyens ont augmenté, amplifié ces violations juridiques et dénigré l’image des musulmans et de l’islam auprès des milieux des élites européennes et à travers le monde y compris chez les milieux académiques et intellectuels. Ces publications ont été une violation manifeste et délibérée des règles du droit international affirmant la liberté de l’information et la liberté d’expression(2) et une atteinte grave au contenu des documents de la légalité internationale limitant ces droits quand il s’agit de blasphème, d’incitation à la haine, au racisme, à la discrimination ou à l’intolérance religieuse.

Les nations unies ont perçu l’importance de la tolérance religieuse et ont attiré l’attention sur son rôle dans le maintien des principes de paix et de sécurité internationales en insistant sur le respect de la liberté de pensée et de conscience, la liberté religieuse quelle que soit la croyance. En effet, elles ont déclaré que le blasphème peut être une cause directe ou indirecte dans l’enveniment des guerres dont l’humanité a souffert gravement, du fait des interventions étrangères dans les affaires des autres pays qui en résultent. Cette perception était également nourrie par le passé lointain et douloureux des guerres de religions et celui, plus proche, que la Société des nations n’a pas pu éviter malgré l’arsenal juridique mis en place pour la protection des droits religieux des minorités, et qui a été marqué par de graves atteintes au droit international et aux droits de l’homme.

Depuis l’avènement des nations unies, le champ de l’intérêt pour les libertés et les droits de l’homme, dont ses droits religieux, s’est élargi. C’est ainsi que, autant les discussions autour de l’élaboration des textes du droit international relatifs aux droits de l’homme avaient insisté sur la liberté d’opinion et d’expression, autant elles avaient insisté sur la liberté de religion. La Charte des Nations Unies a, elle-même, insisté sur cette question, tant dans son préambule que dans certains de ses articles.

Il est incontestable que la guerre froide au niveau international a affecté et paralysé le processus de développement des règles du droit international en matière de Droits de l’homme, y compris la liberté religieuse et la liberté d’expression, ainsi que les discussions autour de ces questions. Et même lorsqu’il y a eu la formulation des documents internationaux à caractère contraignant concernant ces deux champs, elle en a paralysé la mise en œuvre. Cela s’applique aux Conventions internationales des droits civils et politiques et des droits économiques et

(2) Mirfet Terbichi & Meha Terbichi: Traitement de la question du terrorisme international par le discours religieux dans la presse égyptienne dans le contexte de nouveaux changements internationaux, Revue Egyptienne de Recherches en Communication, Faculté des Sciences de l’information, Université du Caire, Septembre 2003.

(3) Boulegue Jean : le blasphème en procès 1984-2009 l’église et la mosquée contre les libertés Paris- Nova : 2010.

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sociaux, que les nations unies avaient promulguées depuis 1966 et qui n’ont pu être mises en vigueur qu’en 1976 à la suite des changements internationaux importants, qui ont eu leur impact sur le devenir des droits de l’homme, et dans un contexte international nouveau différent de celui de la bipolarité qui caractérisait la guerre froide.

Durant la période qui s’est écoulée entre la moitié des années quarante du siècle passé et la moitié des années soixante dix, plusieurs déclarations, conventions et résolutions ont été adoptées et plusieurs conférences ont été tenues. Toutes ont attiré l’attention sur la nécessité d’interdire toute discrimination à base religieuse, ethnique ou à cause des croyances. Elles ont toutes affirmé la liberté d’opinion et d’expression en tant que libertés non absolues dont on ne peut user pour porter atteinte aux autres droits. Nous trouvons confirmation de cela au niveau de la Convention relative aux droits civils et politiques, au niveau de la convention contre la discrimination raciale adoptés respectivement en 1966 et en 1965 ainsi qu’au niveau de la déclaration de la première conférence des Nations unies sur les droits de l’homme tenue à Téhéran en 1968(1).

Après l’adoption de ces documents, es changements importants et déterminants sont intervenus au cours de la moitié des années soixante-dix du siècle passé, avec la Conférence de Helsinki en 1975, les transformations démocratiques dans la péninsule ibérique, l’entrée en vigueur des pactes internationaux des droits civils, politiques, économiques et sociaux de 1966 et l’arrivée, la même année, des Démocrates au pouvoir aux Etats-Unis d’Amérique(2).

C’est ainsi qu’avec le début des années quatre vingt du siècle dernier, sont apparus de nouveaux facteurs dont certains ont poussé vers l’élargissement du champ des droits de l’homme, au centre desquels la liberté d’opinion et d’expression, et l’affirmation de la nécessité du respect des religions et de la non-discrimination à leur égard. Des documents internationaux ont consacré juridiquement cela, mais une régression dangereuse a eu lieu au niveau pratique à cause de facteurs dont notamment :

- Le retour de l’élément religieux et ethnique dans les relations internationales ; avec ce que cela comporte comme contraintes, blasphème, violence, haine, discrimination et instrumentalisation, à cet effet, des moyens de communication sous le couvert de la liberté d’opinion et d’expression, sans aucun respect pour le caractère sacré des religions(3). Cette étape doit être lue politiquement à plusieurs niveaux en raison de l’imbrication d’un ensemble de facteurs influents dans les relations internationales, y compris la position sensible de l’islam et des musulmans dans le nouvel ordre mondial.

- L’expansion de l’éveil islamique, le déclenchement de la révolution en Iran contre le régime du Shah, l’échec de l’invasion Soviétique contre l’Afghanistan en 1981, en plus de l’apparition d’une pensée politique conservatrice dans nombre de pays occidentaux : le reaganisme et le tatcherisme dans les années quatre vingt, la montée des partis de droite, le déclin des forces démocratiques et progressistes dans les différentes démocraties occidentales et le début du développement de la xénophobie dans ces différents pays.

- Dans ce climat, et afin d’affronter cette agression acharnée dans laquelle ont été utilisés les moyens d’information écrits et audiovisuels ainsi que le cinéma, les Nations Unies ont adopté en 1981 la ‘’Déclaration pour l’élimination de toutes les formes de discrimination

(1) Ces documents peuvent être consultés au niveau « des pactes internationaux autour des droits de l’homme », Publications de l’ONU, 1989

(2) Voir Ali KRIMI : Droits de l’homme au Maro entre réalité juridique et contraintes politiques, publications REMALD, 2001. (3) Eleni Polymenopoulou : «La liberté de l’art : Face à la protection des croyances religieuses, état d’un conflit de valeurs au

prisme du droit international», Thèse de doctorat : Université de Grenoble, 2006.

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et de racisme fondées sur la religion ou la conviction(1).’’(Nous y reviendrons).

- Durant la période 1979-1989, les moyens de communication occidentaux ont mobilisé toute leur intelligence et mis à contribution tous leurs moyens contre l’islam, les musulmans, les arabes et les immigrés, en justifiant leur action par la liberté d’opinion et d’expression. Ils ont exploité les transformations en cours dans le bloc de l’Est avec la « perestroika et la glasnost » au début et après le déclin de l’empire soviétique et la chute du mur de Berlin, ainsi que la transformation des champs de conflits Orient- Occident vers un champ de conflit Nord-Sud, ce Sud où la communauté arabo-musulmane joue un rôle important à cause de sa dimension civilisationnelle et religieuse en plus de sa position stratégique.

Parallèlement à ces développements, apparait une nouvelle pensée qui justifie cet état de fait théorisé par Fukuyama et Huntigton à travers « la Fin de l’histoire » et « le Conflit des civilisations ». Cette situation a renforcé le racisme religieux et ethnique, surtout avec la deuxième guerre du golfe, la dislocation de la Yougoslavie et les évenements qui s’ensuivirent en Bosnie, Herzégovine et au Monténégro(2), en Irak, au Rwanda et en Somali, etc. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a été mis à profit dans la propagation de la haine et de l’intolérance religieuses, tantôt sous le couvert de la liberté de l’information, tantôt pour la recherche du sensationnel, dans un monde devenu un village planétaire, que la réduction des distances a rendu propice à la diffusion des incitations à la haine raciale et religieuse et à la xénophobie.

Nous pouvons considérer que le moment le plus dramatique de cette exploitation abusive des moyens de communication, sous le couvert de la liberté de l’information, a été celui de l’après 11 septembre 2001. Ce moment avait coincidé avec la clôture des travaux de la conférence mondiale pour la lutte contre l’apartheid et la discrimination raciale à Durban en Afrique du Sud, qui avait juste terminé ses travaux trois jours avant le 11 septembre 2001. Cette conférence avait failli échouer à cause des positions des Etats Unies, de la Grande Bretagne et le reste des pays occidentaux vis-à-vis de la définition des concepts de racisme et de haine ainsi que de leurs différentes manifestations.

Cette conférence a été tenue en application d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies votée en 1997, lorsque celle-ci a constaté l’ampleur du racisme et du terrorisme à l’égard des étrangers(3), le retour des idées nazies et fascistes, et leur intrusion dans les programmes des partis politiques, y compris les partis démocratiques. Le début du troisième millénaire, notamment sa première décennie, a été un moment crucial de la croisade contre l’islam et les minorités musulmanes dans les pays de l’Europe occidentale et aux Etats Unis d’Amérique. Les nouvelles technologies de l’information, appuyées par les moyens traditionnels de communication, ont contribué à l’approfondissement du phénomène(4) et vulgarisé des stéréotypes contre l’islam et les musulmans. Mais il faut reconnaitre, en parallèle, que les groupes islamistes extrémistes ont joué, à leur tour, un rôle décisif dans cette campagne de dénigrement et de désinformation en montant des opérations terroristes qui ont associé à l’islam une image de violence, car ces groupes recourent à des explosions suicidaires parfois

(1) Amnesty International a publié une lecture de cette déclaration : voir Université Menissouta : bibliothèque des Droits de l’homme : Guide d’étude pour la liberté de la religion et des croyances, sans date.

(2) Ben Achour Yadh : le rôle des civilisations dans le système international, Bruxelles, Bruyant 2003.(3) Amelie Robetaille, Froidure : La liberté d’expression face au racisme : Etude de droit comparé franco-américain L’harmattan ; 2011.(4) Cherif Dirwich Leban : Intervention dans les moyens d’information alternative et la publication électronique, Dar El Alem El

Arabi, 1ère édition, 2011.

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en visant les tenants de ces blasphèmes et leurs symboles. Cela s’est produit en Hollande contre le réalisateur du film « Fitna » Fan Jokh et dans d’autres pays. En face de cet extrémisme islamiste, des pratiques terroristes dans des pays occidentaux contre les musulmans ont abouti à des liquidations physiques, comme c’est le cas pour la citoyenne égyptienne qui a été assassinée par l’un des membres de l’extrême droite allemande(1).

Les médias ont joué un grand rôle dans l’exacerbation de ces évenements à travers les stéréotypes qu’ils publient contre les musulmans, les arabes et l’islam qu’ils qualifient de religion de terrorisme. De ce fait, des appels ont été lancés au niveau de l’Assemblée générale et du Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies afin de mettre en place une législation internationale contraignante pour endiguer et arrêter l’ampleur du phénomène.

Cette législation doit être conforme à l’esprit de respect des religions et en cohérence avec les principes de tolérance énoncés depuis l’ère des lumières, les principes consignés dans les déclarations révolutionnaires des révolutions bourgeoises et qui ont se sont perpétuées jusqu’à la création de la Société des nations puis de l’Organisation des nations unies.

Deuxièment : la liberté religieuse à travers les déclarations des droits de l’homme des révolutions bourgeoises

Pour parler des déclarations révolutionnaires, en ce qui concerne la liberté religieuse, nous nous intéresserons, seulement, à la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen adoptée à l’issue de la révolution française de 1789, à la Déclaration de Virginie de juin 1776 et à la Charte de Virginie de 1786. Ces documents ont eu leur importance dans l’élaboration du concept de la liberté religieuse. Malgré leur caractère essentiellement politique, ils se sont mués, au fil du temps, en règles juridiques générales lors de la rédaction des constitutions, puis en règles juridiques intérieures normales. Ces documents ont largement influençé la situation de la liberté religieuse dans ces pays depuis ces dates jusqu’à nos jours, comme ils ont influencé les attitudes de ces pays vis-à-vis de la religion et de la liberté religieuse. C’est pourquoi, il n’était pas surprenant que ces pays se soient opposés à la sanction des medias qui ont tenu des propos ou publié des œuvres blasphématoires à l’encontre de l’Islam, en invoquant la liberté d’expression que les déclarations consacrent de manière absolue. Leur attitude vis-à-vis des déclarations consacrant la liberté religieuse et le respect des religions est assujettie au contenu de ces documents et notamment le contenu de la Déclaration française.

1) La déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen

Bien que cette déclaration ne mentionne pas de manière explicite la liberté religieuse et de conscience ni celle de la pratique des rites religieux, elle exprime dans ses articles, de manière implicite, un sens qui donne le même résultat, à savoir que l’individu a droit à adopter la croyance dont il est convaincu. Son article 7 stupile que personne ne peut être persécuté à cause de ses idées même si elles sont relatives à la religion, tant que leur déclaration ne perturbe pas l’ordre public fixé par la loi (2) : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits (…)» Mais, l’Eglise catholique s’est opposée farouchement à ce texte durant tout le 19ème siècle malgré l’importance de la déclaration française au niveau national et même international(3).

(1) Marwa Cherbini a été assassinée dans un parc public en Allemagne par l’un des extremistes racistes allemands.

(2) P. Bernard : « La notion de l’ordre public », L.G.D.J 1962 Paris.(3) El jemii Jelal : un monde sans frontières : les droits de l’homme de la période pharaonique jusqu’à la révolution française,

centre d’études et d’informations juridiques pour les droits de l’homme, le Caire, Décembre 1995, p.90.

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Cette position a normé l’attitude de la France vis-à-vis de la liberté religieuse comme c’est le cas aux Etats Unis d’Amérique. L’engagement français pour la laicité a eu pour conséquences une attitude particulière traduite au niveau des lois dans différents domaines, notamment dans le domaine des droits de l’homme et des libertés. Cette attitude à l’égard de la religion et de la liberté religieuse va influencer la position de la France vis-à-vis des blasphèmes publiés dans les médias à l’encontre de l’islam et des symboles religieux de manière générale.

Cette attitude est dictée par une orientation fondée sur le fait que si les médias ou des extremistes de droite publient des dénigrements, des déformations d’image, des blasphèmes à l’encontre de l’islam et des musulmans, quelle que soit leur violence et leur origine, ils ne peuvent être sanctionnés car ils agissent sous le titre de la liberté d’expression et d’opinion. Pour affirmer cette orientation, des lois ont été votées pour interdire les symboles religieux distinctifs dans les places publiques entre 1989 et 2004, par exemple le port du voile dans les écoles, les facultés et du niqab dans les places publiques, sous peine de sanction par des amendes en cas de flagrant délit(1) ; bien que cela est contraire aux règles du droit international dans le domaine des Droits de l’Homme.

2) La déclaration de Virginie en date du 26 juin 1776

Cette déclaration traite de la liberté religieuse dans sa section 16 ainsi qu’il suit qui dit que ‘’la religion, ou le culte que nous devons à notre créateur, et la manière de le rendre, ne peuvent être déterminés que par la raison et la conviction, et non par la force ou la violence ; et qu’en conséquence, tous les hommes ont également droit au libre exercice de la religion, selon ce que leur dicte leur conscience.’’

Le projet du texte de la Déclaration a été proposé par Thomas Madison en 1777 au même moment où une proposition de loi soutenant l’enseignement chrétien dans les écoles a été introduite. Bien que le texte proposé garantisse la liberté de conscience, il comporte un appui au christianisme. Ce qui a eu pour conséquence l’opposition de Madison qui estime qu’il il fonde une religion officielle pour l’Etat. En conséquence le texte a été retiré et Madison a proposé la copie de Jefferson qui comporte les élements suivants(2) : « aucune personne ne sera contraint à fréquenter ou soutenir un culte, lieu ou ministère d’une quelconque religion, ni ne sera soumise à des contraintes, restrictions, persécutions ou charges, dans son corps ou ses biens, ni n’aura à souffrir autrement de ses opinions ou convictions religieuses. Par contre, chacun sera libre de professer et de soutenir par l’argumentation ses opinions en matière de religion, sans que cela ait, en aucune manière, pour effet de limiter, d’étendre ou d’affecter ses capacités en matière civile. »(3).

Nous pouvons déduire de ce paragraphe qu’il fonde depuis cette date ce que les Etats Unis veulent imposer en ce qui concerne la liberté d’expression par opposition à la liberté religieuse ; ce qui ouvre le champ pour la critique des religions qui peut aller jusqu’au blasphème.

Cette position va ouvrir le champ à l’introduction du premier amendement de la constitution américaine concernant la sacralisation de la liberté d’expression en 1791, tout en abordant de manière timide la liberté religieuse quand il affirme que le Congrès n’adoptera aucune loi pour soutenir une religion ou supprimer la liberté de sa pratique(4).

(1) Renetx Uitz : la liberté de religion, Ed : de conseil de l’Europe, 2008.(2) Elisabeth Zoller : « la liberté d’expression aux états unis et en Europe(3) Louna Verahat Said : La Liberté religieuse et son organisation juridique : Etude comparative, Dar El Machrek, Beyrouth, 2010,

p.126-127.(4) Elisabeth Zoller : « Liberté d’expression en France et aux états Unies ». Edition Dalloz, 2008.

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Cette orientation a déterminé l’attitude des Etats Unis jusqu’à nos jours en ce qui concerne la prééminence de la liberté d’expression, même dans le cas où cette liberté viole d’autres libertés, comme c’est le cas de la liberté religieuse. Les Etats Unis ont, maintes fois, justifié cette attitude, face à tous ceux qui veulent limiter la liberté d’expression, par le premier amendement de la Constitution, même si les médias violent d’autres droits humains. Nous allons traiter plusieurs exemples pour illustrer ces propos : les films les plus significatifs dans ce sens sont « l’innocence des musulmans », « fitna » et la « soumission » en plus d’autres écrits littéraires et de presse et des déclarations publiques…etc.

En France comme aux Etats Unis, on met, souvent, en avant, la liberté d’opinion et d’expression face à la religion et à la liberté religieuse. Leurs attitudes à cet égard sont claires(1), tant lors de la rédaction des premières constitutions après la révolution française et l’indépendance américaine, que lors des discussions des documents internationaux des droits de l’homme ou du droit international de l’information.

Leurs positions sont également connues concernant certaines décisions internationales relatives à la religion et à la liberté religieuse, notamment en ce qui concerne le blasphème à l’encontre de l’islam et la violation par les médias, dans ces pays, des règles du droit international en la matière, surtout quand ils offensent, non seulement la religion islamique, mais toutes les religions, en invoquant la liberté d’expression. (Nous allons approfondir cette question dans le corps de cette étude).

3) La liberté religieuse sous la Société des Nations

La Société des Nations fut créée après la fin de la première guerre mondiale. Cependant, le pacte qui la fonde ne comporte aucun texte sur la liberté religieuse, car l’objectif fondamental de la Société des Nations était la normalisation des relations entre les pays et l’interdiction de l’agression armée entre les Etats, et ce malgré les tentatives d’introduction d’un texte sur la liberté religieuse qui avaient été menées par le Président américain Wilson, qui avait proposé le texte suivant : « Reconnaissant que la persécution et l’intolérance religieuses constituent des sources essentielles des guerres, les forces signataires de ce pacte s’accordent sur ce qui suit : la Société des nations demande, à tous les Etats parties ou qui veulent être parties de ce pacte, de s’engager à ne pas adopter des lois interdisant l’intervention dans le domaine des pratiques des religions, etc(2) ».

Mais, les tentatives d’inclure ce texte ou d’autres qui ressemble ont échoué et ont été remplacées par des traités bilatéraux pour la protection des minorités. Le premier est celui signé avec la Pologne en 1919 et qui sera un exemple pour les traités bilatéraux qui l’ont suivi durant la période 1919 et 1920, entre les pays alliés et la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. L’un des objectifs de ces traités est la protection de la liberté des minorités religieuses(3).

Le traité avec la Pologne a stupilé dans son article 2 que « les résidents en Pologne ont le droit de pratiquer n’importe quelle religion et d’y croire en toute liberté à condition que leur pratique religieuse ne s’oppose pas à l’ordre et à la moralité publics ».

(1) Elisabeth Zoller : « Liberté d’expression en France et aux états Unies » Edition Dalloz, 2008.

(2) Louna Verahat Said : La Liberté religieuse et son organisation juridique : Etude comparative, Dar El Machrek, Beyrouth, 2010, p.134.(3) Laszlo Trcsanyi et Laureline Congnard : statut de La protection des minorités exemple en Europe

occidentale, et centrale, ainsi que dans les pays Méditerranéens Bruylant, Bruxelles : 2009.

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Troisièment : L’intérêt accordé par les règles du droit international à la religion après la création des Nations Unies

La Charte des Nations Unies a balisé le terrain pour accorder un grand intérêt à la religion au niveau des règles du droit international en affirmant le devoir de respecter la religion et d’interdire toute discrimination en raison de la race, de la religion ou de l’appartenance ethnique. Mais, la Charte ne s’est pas préoccupée de détails dans ce domaine et s’est limitée à des indications sommaires laissant les détails pour d’autres documents internationaux contraignants ou non contraignants, qui seront adoptés ultérieurement.

1) La liberté religieuse dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

L’insistance sur la liberté religieuse à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme, malgré la controverse sur le caractère non contraignant de celle-ci, a constitué une introduction essentielle, qui va s’imposer aux autres documents juridiques internationaux, contraignants ou non, qui vont suivre. Egalement, Les mêmes tensions et polémiques autour de la religion et de la liberté religieuse vont se repéter, avec la même acuité, lors des discussions autour de la Convention internationale contre la discrimination raciale en 1965, des pactes internationaux relatifs aux droits civils, politiques, économiques et sociaux en 1966 et des autres documents en rapport avec la religion et la liberté religieuse.

C’est ainsi que, en revenant sur les discussions lors de la mise en place de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, nous constatons que le texte de l’article 18 du projet de déclaration ne comportait pas le terme religion de manière explicite mais le remplace par des termes comme liberté de pensée et de conscience. Or, ces termes expriment de manière implicite la liberté religieuse surtout que l’alinéa 2 de cet article affirme que l’un des moyens d’exprimer cette liberté est la pratique du culte. Aussi, pouvons-nous en déduire que le texte recouvre, implicitement, le terme de religion. Cependant, il aurait fallu mentionner le mot ‘’religion’’ de manière explicite étant donné que l’objectif premier de l’article est la garantie de la liberté religieuse(1).

Cela d’autant plus que le projet dans lequel figurait la liberté religieuse affirme que cette liberté est absolue et sacrée. Ce qui prête à confusion et pose la question de savoir ce que veut le législateur à travers le projet de déclaration: S’agit-il, en utilisant le mot sacré, des croyances religieuses uniquement ou s’agit-il plutôt de toutes les croyances qu’elles soient religieuses ou non ?

Après des discussions laborieuses et passionnées, le paragraphe relatif à la liberté religieuse de l’article 18 a été adopté en stipulant que « le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, d’adoption ou de changement de conviction est un droit sacré et absolu ».

Ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seul ou en groupe, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Une discussion laborieuse a été également engagée lorsque le Représentant du Royaume d’Arabie Saoudite a demandé d’ajouter le terme «religion » au texte du paragraphe pour qu’il devienne : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion », et lorsqu’il a demandé d’annuler le paragraphe relatif au changement de religion(2). La plupart des représentants des Etats ont considéré que le changement de religion constitue un élement essentiel de la liberté religieuse, ce qui a été intégré dans le texte de l’article 18. A cet effet, les pays islamiques alors membres des Nations Unies avaient émis des réserves sur cet article.

(1) El Hadj Youssouf : Les Droits de l’Homme sont au dessus de tout ; Fondation Rony Mouawad, Frederich Touman, Beyrouth

1999, p.161.(2) Ces pays sont : l’Egypte, l’Arabie Saoudite, le Yemen, le Liban, la Syrie, le Pakistan

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C’est ainsi que, selon le concept international de liberté religieuse, inscrit dans la Déclaration, il est du droit de l’individu de changer de religion, de quitter une religion pour une autre comme, par exemple d’aller du judaisme vers le christianisme ou vers l’islam et vice versa. A l’instar des pays arabes et islamiques qui ont émis des reserves sur cet aspect de la Déclaration, l’Eglise catholique Romaine a émis, elle aussi, des réserves à son égard.

La Déclaration Universelle des Droits de l’homme a été adoptée le 10 décembre 1948 malgré les discussions tendues lors la determination du contenu de la liberté religieuse et les désaccords sur ce qu’elle recouvre ou ne couvre pas. Cette question ne s’est pas limitée à la Déclaration car elle n’a comporté que les principes généraux sur la liberté religieuse, mais elle a continué à se poser avec acuité, chaque fois qu’on a discuté d’un nouveau document des Droits de l’Homme. C’est pourquoi, la question de la liberté religieuse a besoin d’être détaillée et précisée. C’est ainsi que la question a été posée de nouveau lors de la mise en place du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques, qui a introduit la liberté religieuse dans son article 18 comme ce fut le cas dans la Déclaration.

2) La liberté religieuse dans le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques(1)

Dès l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le 10 décembre 1948, l’Assemblée Générale a demandé à la Commission des Droits de l’Homme (remplacée par le Conseil des Droits de l’Homme en 2006) de préparer un projet de pacte.

L’objectif était d’élaborer un texte juridiquement contraignant venant compléter et renforcer la Déclaration qui n’avait qu’une simple valeur déclarative. Ce texte devait consacrer l’ensemble des droits de l’homme (économiques, civils, politiques, sociaux et culturels), ainsi que l’égalité des femmes et des hommes quant à la jouissance de l’ensemble de ces droits.

L’élaboration de ce projet sera marquée par de profonds désaccords entre les États, reflétant les débats idéologiques de l’époque. Alors que les États capitalistes mettaient en avant les droits libertés, les États communistes insistaient sur les droits économiques, sociaux et culturels. Cette scission entre les États contraint l’Assemblée Générale à demander, en 1951, la rédaction de deux pactes distincts. La Commission va alors élaborer un pacte sur les droits civils et politiques, et un second sur les droits économiques, sociaux et culturels. Malgré la persistance de profonds désaccords entre les États, les deux pactes sont adoptés le 16 décembre 1966.

En plus du fait que les principes édictés par la Déclaration sont des principes généraux qui ne sont pas contraignants et afin de préciser leur contour, étant donné qu’ils ont besoin d’avoir un statut contraignant - et en vue de donner une dimension juridique à la liberté religieuse et la rendre contraignante au lieu de se limiter à l’obligation morale - il était nécessaire de repenser la question de liberté religieuse. C’est ainsi que le projet de l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques a comporté un paragraphe relatif au changement de conviction et non de religion, et ce sur la base d’une proposition présentée par la France qui considère que les deux termes sont équivalents. Mais, la commission de rédaction est vite revenue sur cette formulation et a adopté le texte initial de la Déclaration. C’est ainsi que la controverse a, alors, repris, comme avant, lors de la discussion de la Déclaration de 1948.

Par la suite, la commission a parvenu à un consensus en supprimant l’expression : « le droit de la personne de changer sa religion » qui a été remplacée par « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique sa liberté d’adhérer ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix ». Cet accord visait à répondre à la

(1) Rawi Jaber Ibrahim : Droits de l’Hommes et ses libertés fondamentales dans le Droit international et la Chariaa islamique, p.100.

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volonté internationale, afin que tous les Etats adoptent, sans reserves, cet article garantissant la liberté religieuse.

De manière générale, des divergences, au niveau de la Commission, ont eu lieu sur la définition des concepts et termes utilisés : religion, conscience et pensée. Certains ont considéré que le terme ‘conscience’ englobe la religion et la pensée alors que d’autres états estiment que ces termes sont différents les uns des autres.

Quoi qu’il en soit, le commentaire n°22 de la Commission des droits de l’Homme a précisé certains aspects liés à l’article 18, notamment en ce qui concerne les termes objet de la controverse et qui ont provoqué une grande fracture lors de ces discussions. La Commission a estimé que l’article 18 «protège les convictions monothéistes ou athées, tout comme il protège la non croyance ».

Mais, une question importante, liée à la liberté religieuse concerne la déclaration et l’expression des convictions demeure posée.

3) La déclaration de la foi et son expression

Cette question fait partie des problématiques qui se posent, de nos jours, avec acuité, chaque fois, que les pays occidentaux ou leurs médias violent les règles du droit international, notamment à l’égard de l’islam et des musulmans, en interdisant le port du voile puis du nikab, la construction des mosquées ou de leurs minarets en tant que lieux de culte.

La réponse pertinente à cette interdiction et ces pratiques contraires aux règles du droit international que la plus part de ces pays occidentaux ont adoptées, réside dans les discussions tendues et passionnée qui ont eu lieu au sein de la commission chargée de la rédaction du pacte international des droits civils et politiques.

En effet, cette commission a affirmé que le concept de la liberté de manifester sa religion ou sa conviction englobe un nombres considérable d’actes(1) dont le culte, la pratique de rites à travers lesquels la personne exprime directement sa conviction ou l’objet de son adoration, les différentes pratiques comme partie intégrante de ces cultes et rites, telles que la construction de mosquées en tant que lieux de culte, la commémoration des fêtes et congés. Il englobe aussi d’autres traditions comme la pratique de règles et de rites alimentaires, l’habillement, le fait de couvrir sa tête, ce qui pose le problème du port du voile et du nikab (on peut comparer cela avec ce qui se passe dans la plus part des pays européens qui ont promulgué des lois interdisant le port du voile, et dont nous traitons dans une autre partie de cette étude).

La commission a estimé que le port d’habits spécifiques peut exprimer une conviction religieuse qu’il faut respecter, car il constitue une partie intégrante de la liberté religieuse. Mais, ce qui se passe aujourd’hui dans ce domaine dans certains pays occidentaux, comme la France où on viole cette liberté en interdisant le port d’un certain nombre d’habits supposés contraires au régime laique de l’Etat, représente une attitude contraire aux propositions de la commission qui a mis en place le pacte international relatif aux droits civils et politiques, surtout dans sa définition du concept de rites religieux et le droit de manifester ses convictions religieuses(2).

(1) Jean Bernard Marie : « liberté de conscience dans les instruments internationaux des droits de l’homme reconnaissance et interprétation », In Guide pour la protection des droits de l’homme en Europe, p : 18 à 31.

(2) Abou Bendek Wail, Les minorités et les droits de l’homme, Maison des editions universitaires, Alexandrie, 2005, p 34.

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Section II : Le droit international et les instruments de la protection religieuse

Premièrement : la protection juridique de la religion et la liberté religieuse à travers les règles du droit international

Le droit international n’a pas ignoré la liberté religieuse et ne l’a pas traitée avec désinvolture comme le pense beaucoup de gens. Bien au contraire, il s’y est intéressé comme principe directeur dans tout l’arsenal juridique relatif aux droits de l’homme et au droit de l’information. Elle a été abordée dans tous les documents de la légalité internationale et dans les différentes déclarations et résolutions à caractère régional ou international. Le fait d’insister sur cette question a pour objet de réfuter, totalement et en bloc, les idées défendues par une partie de la jurisprudence internationale qui prétend que cette protection n’est pas directe et qu’elle n’est pas explicite dans certaines dispositions juridiques internationales. Certes, l’objectif inavoué derrière cette orientation jurisprudentielle est de prouver que la religion ne dispose pas de la protection dont dispose la liberté d’opinion et d’expression, et par conséquent, que l’on peut s’attaquer aux religions et à la liberté religieuse en les critiquant sous des formes qui peuvent prendre, parfois, des aspects de diffamation, de dénigrement et de dérision sous le couvert de la liberté de l’information qui est l’un des fondements des droits de l’homme. En tout état de chose, cette prétention reste dénuée de tout fondement d’un point de vue juridique et est contraire aux textes des conventions internationales, aux contenus des déclarations internationales qui contiennent des dispositions claires et directes dans ce sens. La religion tout comme la langue ou l’ethnie constitue, selon les règles du droit international, un des attributs caractéristiques de la minorité et de ses droits.

Nous entendons par liberté de religion ou de conviction, dans le cadre du dispositif des droits de l’homme, la liberté de la personne d’adopter les idées, religieuses ou non, qu’il choisit. La Commission des Droits de l’Homme aux Nations Unies a précisé en 1993 que la religion ou la conviction désigne « tout ce qui se rapporte à la croyance en l’existence d’un dieu ou non et à des croyances athées, en plus du droit à la pratique de n’importe quelle religion ou conviction ». Il est établi que le XXème siècle a connu un certain progrès dans la reconnaissance de principes communs relatifs à la liberté religieuse et de conviction et en même temps que la protection de cette liberté.

Les Nations Unies ont reconnu l’importance de la liberté religieuse dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme (cf. article 18). Plusieurs tentatives ont suivi l’adoption de cette déclaration pour mettre en place une convention spécifique à la liberté religieuse et de conviction mais elles ont, toutes, échoué(1). C’est ce que nous indiquent plusieurs textes du droit international qui insistent sur la non-discrimination entre les hommes pour des raisons d’appartenance ethnique, linguistique ou religieuse. C’est ainsi que l’évocation de l’article 27 du pacte relatif aux droits civils et politiques nous trouvons qu’il donne une place particulière à la liberté religieuse et insiste, à l’instar de nombreuses dispositions juridiques dans les autres documents et déclarations internationales, sur le fait que, « dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ….. » et ce sans obstacles limitant ces pratiques.

Si l’article 27 du pacte international relatif aux droits civils et politiques insiste sur le fait que cela concerne le droit des minorités, le concept de minorité reste non défini avec imprécision.

(1) Bibliothèque des Droits de l’homme : Guide d’étude, la liberté de religion ou de conviction, Université Minisouta, sans date.

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D’ailleurs, la définition de ce concept n’a pas fait l’objet d’une discussion approfondie lors des négociations en vue de la rédaction du pacte international relatif aux droits civiques et politiques. Or, il est connu que la religion constitue, aux cotés de la langue et de l’appartenance ethnique, l’un des facteurs décisifs de la définition d’une minorité donnée. Le professeur Capotort, dans sa définition de la minorité a insisté sur le rôle important de la religion dans cette définition. Il en est de même de la définition proposée par la sous-commission des Nations Unies chargée des minorités et qui était la seule sous commission qui s’occupait alors de cette question.

Il faut constater que depuis la mise en place des Nations Unies, l’intérêt pour les questions des minorités a régressé (du moins les questions religieuses qui les concernent) et aucune institutionnalisation de leur protection dans ses différentes dimensions, y compris celle de la religion, n’a été mise en place. C’est pourquoi, au lieu du principe de la protection des minorités, apparait le principe de la protection des droits individuels et collectifs qui s’est répandu dans les documents internationaux spécifiques aux droits de l’homme, y compris les droits relatifs à la dimension religieuse(1). Au lendemain de la seconde guerre mondiale, des pays occupés ont levé le slogan du devoir de respecter les droits religieux des minorités, de la nécessité de leur protection en insistant sur l’intégration de cet aspect dans le système des Nations Unies(2).

Durant ces années, une convention internationale a été préparée par l’un des experts des droits des minorités, le professeur Hongrois Merno-Flachbarth, qui a introduit les aspects relatifs aux droits religieux des minorités. Ce projet a été présenté devant la conférence de Paris qui l’a rejeté. Cependant, depuis la création des Nations unies en 1945, on constate que sa Charte insiste sur la non-discrimination à cause de l’appartenance religieuse, linguistique ou ethnique comme cela a été affirmé au niveau de la Déclaration Universelle de 1948. Il apparait que depuis leur création, les Nations Unies ont posé avec acuité la question des droits religieux des minorités. En plus de cela, des revendications ont continué pour la mise en place d’une convention de protection de tous les droits des minorités y compris leurs droits religieux en tant que droits contraignants de dimension internationale. Mais, au lieu de la mise en place de cette convention, le principe de la protection des droits des individus de ces minorités a été intégré au pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966 dans son article 27. La protection juridique à caractère contraignant des droits des minorités a été ainsi contournée au lieu d’être l’objet d’une convention spécifique. De ce fait, l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques reste le plus important texte consacrant la liberté religieuse à travers ses quatre alinéas(3), et peut, de ce fait, tenir lieu de convention pour la protection des droits des minorités.

Le contournement de la protection des minorités

Des revendications ont eu lieu pour la mise en place d’une convention internationale contraignante qui précise et détaille le contenu de l’article 18 susmentionné. Mais, des considérations politiques et la complexité du sujet ont fait que ces efforts n’ont pas pu aboutir. Après vingt ans de ces discussions et la présentation de rapports sur le sujet et à l’issue de nombreux efforts laborieux, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté, sans vote, en 1981, une déclaration, composée de huit articles, concernant l’élimination de toutes les formes de discrimination fondées sur la

(1) La Hongrie a proposé cette demande malgré que sa souveraineté soit limitée par la présence du comité de contrôle des Alliés dominé par l’URSS.

(2) Ramu Sébastien : le statut des minorités au regard du pacte international relatif aux droits politiques et civils RTDH 2002, p : 517-628.

(3) Cf. Article 18 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques

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religion ou la conviction(1). Ce document international, même s’il ne revêt pas un caractère contraignant, et ne prévoit pas un mécanisme pour sa mise en œuvre, reste la plus importante législation contemporaine de la liberté religieuse. Son importance réside dans son refus de l’intolérance fondée sur la religion ou la foi.

Même si la déclaration de 1981 n’est pas contraignante et ne comporte aucun mécanisme de sa mise en œuvre, la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme a tenté de combler ces lacunes en désignant un rapporteur spécial qui est un expert indépendant afin de superviser la mise en œuvre de cette déclaration. Ce rapporteur spécial présente annuellement un rapport à la commission sur la situation de la liberté de religion et de la conviction dans le monde.

L’Assemblée Générale des Nations Unies a suivi la même démarche quand elle a adopté, en 1992, la convention relative aux droits des personnes appartenant à des minorités religieuses, linguistiques ou ethniques(2). Les Nations Unies ont considéré, à travers les articles de cette déclaration, que la religion fait partie des facteurs permettant de qualifier un groupe donné de minorité.

Mais, il est connu, par ailleurs, que la protection des droits religieux des minorités et la question de l’existence d’une convention contraignante pour la protection de ces droits restent des sujets à la fois anciens et nouveaux au sein du le système des Nations Unies depuis sa création en 1945 jusqu’à nos jours, et sous le système régional européen.

Deuxièment : la protection de la liberté religieuse dans le système européen

En Europe, l’idée d’un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme a été posée(3). Ce protocole devrait comporter des articles garantissant aux minorités nationales certains droits comprenant, bien sûr, les droits religieux. Cette thèse a été accueillie avec beaucoup de réserves, de précaution et même de désinvolture durant toute la période allant des années cinquante aux années quatre-vingt-dix du siècle passé.

L’ampleur prise par les droits religieux et linguistiques des minorités à cause de la démographie de la main d’œuvre immigrée des pays musulmans en Europe, de l’écroulement de l’Union Soviétique et la dislocation de la Yougoslavie, de la situation qui a prévalu en Europe en général et notamment en Europe centrale et de l’Est, et des conflits liés à la liberté religieuse et aux droits à dimension religieuse, a forcé le parlement européen, dans ce climat tendu, après la chute du mur de Berlin en 1989, à adopter la recommandation n°1201 le 1/3/1993 demandant la mise en place d’un protocole additionnel à la convention européenne de droits de l’homme, relatif à la protection des droits des minorités nationales(4), y compris la protection de leurs droits religieux.

Les bouleversements intervenus en l’Europe de l’Est ne sont pas les seuls qui ont poussé le système européen à s’intéresser à la mise en place d’une convention ou d’un protocole pour la protection des droits des minorités. En effet, la Commission européenne a commencé à s’intéresser à la question des minorités en même temps que la deuxième guerre du golfe et l’avènement du nouvel ordre mondial. En 1991, la Commission a constaté que les efforts de la conférence de

(1) Cf. le texte de la déclaration, dans la bibliothèque des droits de l’homme, guide d’étude, liberté de la religion et de la conviction, Université Menisouta

(2) Résolution n°47/135 en date du 18 décembre 1992, elle était le seul document adopté à ce moment par les Nations Unies spécialement pour les questions des minorités religieuses, ethniques ou linguistiques.

(3) Inos : Problèmes des droits de l’homme et de l’unification Européenne, Paris, Pedon 1968, p :193.(4) Klebes « H » la convention cadre du conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales ». Revue trimestrielle des

droits de l’homme n° 30, 1997 p :205.

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la sécurité et de la coopération européenne n’ont pas abouti dans ce domaine. Aussi, a-t-elle chargé une commission administrative de mettre en place des critères et des règles précises afin de protéger les minorités religieuses et ethniques et d’examiner la mise en place d’un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme.

Cette situation a donné naissance à deux courants(1) : le premier courant insiste sur la nécessité de mettre en place une convention pour la protection des minorités, tandis que le deuxième courant était pour la mise en place d’un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme afin d’apporter de meilleures garanties pour ces droits.

Le premier courant l’a emporté lorsque les Chefs des Etat et de Gouvernement, dans leur sommet tenu à Vienne en 1993, ont refusé la question du protocole additionnel pour la protection des minorités et une recommandation a été adoptée insistant sur la mise en place d’une convention, à condition qu’elle ne soit pas contraignante pour les Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est ainsi que les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont demandé au Conseil des ministres de l’Union de préparer une convention spécifique aux droits des minorités nationales conformément à la déclaration de Vienne le 9/10/1993. Le 10/11/1994, le Conseil des ministres de l’Union a adopté une convention cadre pour la protection des minorités nationales qui a été soumise à la signature des Etats, qu’ils soient membres ou non, du Conseil de l’Europe le 1/2/1995.

Cette convention a voulu ne pas imposer aux Etats parties des engagements et s’est limitée à fixer des dispositions-programmes, c’est-à-dire à tracer des objectifs à atteindre, sans caractère contraignant. Ainsi donc, les Etats parties ne sont obligés d’appliquer les dispositions de cette convention que dans les limites de leurs possibilités et quand les conditions leur permettent prendre des mesures adéquates. La formulation des droits contenus dans cette convention était négative, c’est-à-dire qu’elle n’oblige pas les Etats parties à des engagements proportionnels à la faculté accordée aux membres des minorités nationales pour pratiquer ces droits et ces libertés. C’est ainsi que, par exemple, les personnes appartenant à des minorités nationales ne jouissent pratiquement pas de la liberté religieuse. C’est là une question fondamentale et cruciale qui explique ce qui se passe actuellement en Europe comme intolérance, stigmatisation et d’atteinte aux valeurs de l’Islam et des musulmans à travers les médias écrits, audiovisuels et électroniques, etc.

Cette convention a donné aux Etats parties la liberté de reconnaitre ou non le droit de ces personnes à la pratique de leurs religions ou convictions. Son article 8 stupile : « Les Etats Parties s’engagent à reconnaître à toute personne appartenant à une minorité nationale le droit de manifester sa religion ou sa conviction, ainsi que le droit de créer des institutions religieuses, organisations et associations ». La différence est nette entre l’octroi d’un droit et l’engagement à protéger ce droit de telle sorte que les ayant droit peuvent demander aux Etats de l’appliquer et de l’inscrire au niveau des lois intérieures nationales(2).

Cette thèse est réfutée par le fait que la question est liée à l’engagement des Etats parties de la convention à conformer cet engagement international avec la constitution et l’harmonisation des lois intérieures avec les deux. De là, on ne peut se justifier par la liberté d’expression, elle- même, limitée notamment quand il s’agit d’un droit des autres même s’ils ne forment qu’une minorité dans l’Etat.

(1) Klebes «H » Projet de protocole additionnel de la CE DH sur les droits des minorités adopté par l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe : R. Universelle des droits de l’homme Vol : 5 n° 5-6 septembre 1993, p : 184.

(2) Benoit Brohemer : La question minoritaire en Europe, vers un système cohérent de protection des minorités, Institut international de la démocratie conseil de l’Europe 1996, p:73.

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Troisièment : La protection internationale de la liberté religieuse et ses instruments

Pour cerner les aspects relatifs à la protection internationale de la liberté religieuse, nous allons essayer d’interroger certains documents relatifs aux droits de l’Homme afin de mesurer la portée de cette protection et voir comment elle a été traitée dans les documents qui codifient la légalité internationale dans le domaine des droits de l’homme. Ainsi, la lecture attentive de ces documents nous permet de voir que la liberté religieuse a été traitée tel qu’il suit :

1) La Déclaration Universelle des Droits de l’homme, à titre d’exemple, a prévu deux dispositions importantes en ce qui concerne la protection de la liberté religieuse qui sont, selon Evan, une tentative de la communauté internationale de lier la définition de la liberté religieuse avec la liberté de conviction. Cependant, cette définition est restée ambigue et confuse dans la mesure où la première disposition contenue dans l’article 18 affirme que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conviction et de religion(1) ». Quant à la deuxième disposition contenue dans l’article 26, notamment dans son alinéa 2, elle insiste sur la nécessité de la tolérance religieuse en stupilant que : « L’éducation doit viser le plein épanouissement de la personnalité humaine et le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et toutes les communautés ethniques et religieuses, ainsi que la promotion des actions des Nations Unies en faveur de la paix ».

2) Quant au pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966, il contient une définition encore plus confuse que celle de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : «au lieu de la liberté de changer de religion », il a introduit « la liberté d’adopter une autre religion ».

3) Si la Déclaration Universelle a affirmé le droit des parents et des tuteurs de choisir l’enseignement religieux de leurs enfants, le pacte souligne, lui aussi, ce droit et cette liberté dans son article 18 alinéa 4 « Les Etats parties du présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ».

Sous un autre angle, on peut aborder la liberté religieuse à travers les droits des minorités comme à travers les droits des peuples autochtones. Dans ce sens, l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est d’une grande signification. Il insiste sur les droits des personnes appartenant à des Etats où existent des minorités religieuses « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue » sous quelque motif qu’il soit. La déclaration des droits des peuples autochtones abonde, à peu près, dans le même sens en affirmant le droit à l’enseignement de leurs religions, à l’accès de leurs lieux de cultes et leur droit de préserver leurs traditions, leurs cultes et espaces religieux…etc. Son article 12 stipule : « 1) Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains. 2) Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur

(1) Boev Ivan : Introduction au droit Européen des minorités, Larmathan Paris, 2008.

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possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés. »

Alors, on peut légitimement se poser un certain nombre de questions : Est ce que les droits religieux des minorités musulmanes sont respectés en France, en Allemagne, en Hollande, en Belgique, au Danemark, en Italie ou en Suisse(1)… ? Est-ce que ces Etats sont parties prenantes à ces documents internationaux relatifs aux droits de l’homme ? N’est-il pas logique que ces minorités musulmanes jouissent du contenu de ces documents internationaux des droits de l’homme ?

D’autres conventions internationales relatives aux droits de l’homme s’intéressent à la liberté religieuse et concernent des catégories données comme la Convention internationale pour l’Elimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF ou CEDAW) et la Convention des Droits des Enfants (CDE).

La CEDAW, qui interdit toute forme de discrimination à l’égard des femmes, affirme l’existence de certains aspects d’inégalité dus aux principes et enseignements de certaines religions et considère, par conséquent, qu’ils sont dégradants et violent les droits de l’homme. Quant à la CDE, il est connu qu’elle joue un rôle important dans la traduction de la liberté religieuse dans les faits, comme on peut le déduire de son article 14. Le contenu de cet article ressemble à celui de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, même s’il n’est pas tout à fait identique à son texte, et se trouve moins précis et moins détaillé que le contenu de celui-ci.

Cet article engage les Parties de la convention à respecter les droits de l’enfant, y compris sa liberté de pensée, de conscience et de religion, et cela sans préciser les limites de sa liberté vis-à-vis de ses parents(2).

Il est connu que lors des travaux préparatoires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a été affirmé le droit des parents dans l’éducation de leurs enfants, conformément à leurs convictions religieuses. Dans certains pays, les enfants suivent la religion de leurs parents en conformité avec la nature des hommes, et il n’est pas concevable qu’un enfant puisse suivre une religion qui n’est pas celle de ses parents ; car c’est une question liée à l’éducation qui relève de la responsabilité des parents.

Si on revient à l’article 30 de la CDE, nous trouvons que cet article protège les enfants appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, ou à des minorités de peuples autochtones. Tout enfant appartenant à l’une de ces minorités ne peut être privé du droit de jouir de sa culture propre, d’apprendre et d’étudier la religion propre du groupe auquel il appartient. La commission de la CDE a précisé ce principe dans son observation générale n°11, dans laquelle elle a insisté sur le fait que les enfants appartenant à des minorités de peuples autochtones ont le droit de pratiquer leur religion propre de la manière dont ils jugent adéquate.

La protection internationale de la liberté religieuse se trouve éparpillée dans plusieurs instruments, elle est organisée en vertu de plusieurs conventions internationales de droits de l’homme et à travers plusieurs canaux et dispositifs dont certains à caractère parajudiciaire, et d’autres à caractère non judiciaire, comme on l’indique ci-dessous :

Quatrièment : Les instruments de protection parajudiciaire

Les instruments de protection parajudiciaire existent dans le cadre des conventions internationales des droits de l’homme. Ils sont divers et multiples, et l’on peut en citer notamment

(1) Cf : EUMC : les musulmans au sein l’Union Européenne discrimination et Islamophobie, Autriche 2006. (2) Maher Jemil Abou Khewatt : La protection internationale des droits de l’enfant, maison de la Renaissance Arabe, 2005, le Caire.

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la Commission des droits de l’homme, la Commission des droits économiques, sociaux et culturels, la Commission des droits de l’enfant. Ces commissions travaillent de façon permanente sur les questions liées à la liberté religieuse.

1) La Commission de Droits de l’Homme

Cette commission joue un rôle actif et primordial dans la clarification de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à travers ses commentaires et son interprétation de l’article, ainsi que son examen des rapports périodiques des pays, ou lors des interventions individuelles. Dans son observation générale n°22, elle a souligné, entre autres questions, le caractère fondamental de la liberté religieuse dans la protection des convictions, qu’elles soient des croyantes en un Dieu ou athées. Elle a défendu le droit de croire ou non à une religion et insisté sur le principe de l’égalité. La Commission a également précisé que le terme « adopter », utilisé dans le pacte, désigne le choix de la religion ou de la conviction, le renoncement à une religion ou à une conviction, le fait de changer de religion ou même de choisir l’athéisme ou adopter une foi religieuse.

La commission a examiné et étudié plusieurs interventions individuelles dans lesquelles des personnes prétendent que l’article 18 a été violé par des Etats parties de la convention et que leurs droits ont été violés et qu’il y a eu atteintes à leurs libertés notamment religieuse.

La commission estime que le droit à la liberté religieuse englobe, également, le droit de l’un des parents athée à dispenser son enfant des enseignements religieux comme le fait, pour personne athée, par exemple, de refuser de prêter serment devant des autorités publiques(1).

En ce qui concerne le droit de manifester sa religion, la commission a tranché un certain nombre de cas qui lui ont été soumis(2), dont nous présentons ici les ceux qui ont suscité le plus de débat au sein de la Commission. Il s’agit, notamment, de la question du port du voile (Hijab) dans les Universités. La commission juge que l’interdiction du port du voile islamique dans les Universités est contraire au contenu de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et estime que cette interdiction viole cet article. Ainsi donc, la commission a mis fin à la polémique qui a agité et agite encore les médias occidentaux autour du port du voile par les étudiantes musulmanes dans les Universités et le fait de les priver de continuer leurs études si elles persévèrent à le porter. L’autre décision concerne le problème de Hudoy Berganevia contre l’Ouzbékistan(3) et le degré d’adéquation de la législation de l’Ouzbékistan, qui interdit les habits provocateurs, avec la convention. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l’intéressée appartienne à un parti extrémiste.

Concernant les observations définitives sur les trois rapports du Danemark entre 2002 et 2006, la Commission a jugé que ce pays est responsable de la montée du harcèlement visant particulièrement les populations d’origine arabe et musulmane, après les évenements du 11 septembre 2001 et l’augmentation des délits et crimes pour des raisons racistes, en même temps qu’augmentent les plaintes relatives à la haine religieuse, notamment à cause des discours et des déclarations de certains leaders politiques danois. La Commission a aussi examiné la plainte du Pakistanais naturalisé danoise, qui lui a été soumise, en 2005, par le Centre de documentation et de conseil dans le domaine de la discrimination raciale(4).

(1) La commission estime que le droit de s’opposer à une conviction peut être déduit de l’article 18, cf. Résolution adoptée par la commission en 2006.

(2) On cite parmi ces cas : Sœur Imanaculte Josèphe et 80 sœurs enseignantes de la sainte croix du troisième ordre de sainte François contre Srilanqua 18/11/2005.CCPR/C/ 84/D/1249/2004.

(3) Hudoy Berganevia contre Gzbekistan communication n° 931/2000 CCPR/ C/ 82/ D/ 931/2000 18 Janvier 2005. (4) Sur une autre plainte du Danemark, la Commission s’est déclarée incompétente, il s’agit d’une plainte déposée par un

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Nous présentons ici trois plaines - et non une seule - déposées conformément au chapitre 266 bis du code pénal danois, contre Madame Frevert du Parti Populaire Danois et membre du Parlement, qui a fait, à plusieurs occasions, des déclarations de nature provocatrice et contre les immigrés musulmans au Danemark(1). Ces déclarations ont été publiées sur trois supports :

üLa première plainte concerne un article publié sur le site de la députée, intitulé « des articles qu’on ne peut pas publier». Il contient des propos tels que « (...) car ils pensent que nous devons être soumis à l’islam (…) comme ils croient qu’il est de leur droit de violer le Danemark et de tuer ses citoyens (…) ».

üLa deuxième plainte est relative à un livre publié par la même députée et portant le titre « un seul mot : une déclaration politique ». Ce livre contient des propos injurieux à l’encontre de l’islam et des musulmans.

üLa troisième plainte concerne une interview avec un journal dans laquelle la députée a répondu à une question relative au Coran « Vous dites que le Coran autorise le viol des filles danoises ?», la députée a répondu « Je dis que le Coran exploite les femmes (…) ».

Madame Frevert n’a pas été poursuivie, car le procureur général régional de Copenhagues a promulgué un arrêt rejetant les trois plaintes pour les trois raisons suivantes :(2)

1. La parlementaire Frevert a avancé la preuve qu’elle n’était pas au courant que les articles, objet de plainte, ont été publiés sur le site électronique ;

2. La publication du livre rentre dans le cadre du débat public ;

3. Elle considère que l’interview ne contient pas des propos blasphématoires ou dégradant pour la dignité humaine.

Il faut rappeler que le procureur général n’a pas suivi les procédures dans cette question, et qu’il a fait de même en ce qui concerne la question des caricatures du prophète (PSL), considérant que c’est une affaire de liberté d’expression.

2) La Commission des droits économiques, sociaux et culturels

Cette commission étudie et examine les rapports et les plaintes relatives à la violation des dispositions du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, particulièrement en ce qui concerne la liberté religieuse. Elle s’occupe aussi de l’examen des plaintes relatives à l’intolérance ou à la discrimination fondée sur la religion. L’article 2 de ce pacte affirme que les Etats Parties s’engagent à garantir tous les droits contenus dans ce pacte, et que ces droits doivent être garantis sans discrimination de race, d’ethnie, de couleur, de langue ou de religion. Son article 13 affirme que l’éducation doit viser le plein épanouissement de la personnalité humaine et le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il doit également favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes religieux et ethnique, et promouvoir les activités des Nations Unies pour la préservation de la paix et de la sécurité».

3) La Commission des droits de l’Enfant

Cette commission joue un rôle efficace et déterminant dans la garantie de la liberté religieuse des enfants à travers les dispositions de son article 43. Il est établi qu’il n’existe pas de mécanismes

musulman danois qui s’oppose à la loi danoise interdisant aux parents la sanction de leurs enfants.(1) CERDL jurisprudence) A. W. R. A.P.contre Danemark communication n° 37/2006, 8 Aout, 2007.(2) CERDL ; Jurisprudence, A.W.R.A.P contre Danemark- communication n°37/2006, 8

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qui organisent les plaintes individuelles relatives à la violation de cette convention. Mais, la tradition a fait que la commission s’intéresse, dans ses rapports, aux enfants utilisés dans les guerres et à la traite des enfants. Elle s’intéresse aussi à la liberté religieuse des enfants et de leurs parents, aux questions de l’enseignement religieux des enfants, non seulement lors de l’examen des rapports des Etats parties, mais aussi dans ses observations finales(1). Tout comme elle nous rappelle, à chaque fois, l’importance de la pratique libre de la religion, la nécessité de respecter la liberté religieuse et de conviction des enfants et le devoir de respecter leur droit à apprendre leur religion.

Les mécanismes de protection religieuse ne se limitent pas aux mécanismes parajudiciaires que nous venons d’évoquer. D’’autres mécanismes non judiciaires contribuent à la protection de la liberté religieuse.

Cinquièment : Autres mécanismes

Ces mécanismes de nature non judiciaire contribuent, entre autres, à la protection et au respect de la liberté religieuse. Parmi ces mécanismes, on peut citer :

1) L’UNESCO

L’UNESCO s’intéresse à la liberté religieuse à travers la promotion de la tolérance et la promotion des valeurs qui s’y attachent. A cette fin, elle a publié un certain nombre de documents(2) visant, entre autres, la lutte contre la discrimination raciale, à la condamner, à l’interdire et la fustiger. On peut citer, à titre d’exemple et non de façon exhaustive, le rôle de cette organisation dans la mise en place des grandes lignes de la Convention internationale contre la discrimination raciale dans le domaine de l’Education. Nous pouvons aussi évoquer l’appel du directeur général de l’Unesco, fin 1994, invitant le monde entier à la tolérance. A l’issue d’une résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU, l’UNESCO a adopté, en 1995, une déclaration de principes relative à la tolérance, à la paix et à la solidarité entre les pays(3).

A coté de la protection sur laquelle veille l’UNESCO, il y a le rôle du Rapporteur spécial pour la liberté de religion et de conscience, qui est d’une grande importance dans ce domaine.

2) Le Rapporteur spécial pour la liberté la religion et de conscience

Le Rapporteur spécial pour la liberté de religion et de conscience est un expert indépendant dont les activités se consacrent principalement à la protection des droits des personnes liés à la liberté religieuse et à la liberté de conscience. Le premier mandat, émanant de l’ex-commission des droits de l’homme, a été attribué à l’expert portugais Angelo d’Almeida Ribeiro qui a occupé ce poste de 1986 à 1993. Il a été remplacé par le Tunisien Abdel Vettah Ammour de 1993 à 2004, suivi la Pakistanaise Asma Jehanjir en 2004 dont la succession a été prise par l’actuel Rapporteur spécial, Monsieur Heiner Beilfeld. Bien que les différents rapporteurs ont eu, chacun durant son mandat, des approches différentes dans le traitement des questions qui leurs sont soumises, ils ont tous affirmé l’importance de la Déclaration internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, de 1981. Ils ont insisté sur l’importance de cette déclaration malgré sa nature non contraignante. C’est pourquoi, elle est, souvent, évoquée comme référence fondamentale pour les questions de protection des libertés relatives à la religion et à la conscience.

(1) Brahim El anani : La protection juridique de l’enfant au niveau international, Revue des Sciences Juridiques et Economiques, Faculté de Droit, Ain Chems, 1er Numéro, 1997, p.11.

(2) Singh Kishore : « le rôle de l’UNESCO » R.Q.D.I : vol 1 n° 12, 1999.(3) Résolution 1986/20 de commission DH.

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A côté de ces mécanismes de protection internationale de la liberté de religion, il y une forte protection de cette liberté dans le système régional européen.

Sixièment : la protection régionale européenne de la liberté religieuse

Cette protection est consacrée par l’article 9 de la Convention Européenne des droits de l’homme de 1950. La protection de la liberté de conscience, d’adopter ou de ne pas adopter de religion ou toute autre conviction est aussi garantie par l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à cette Convention qui stipule : ‘’Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…) La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’’.

On évoque souvent le jugement de la cour européenne des droits de l’homme relatif à la l’affaire de Kokkinakis contre la Grèce en 1993(1). L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme est, lui aussi, souvent évoqué quand se pose un problème relatif à la religion à la conviction ou à leur protection. Depuis ce jugement, les magistrats de la Cour européenne se posent un certain nombre de questions qui interpellent leur jurisprudence autour la liberté religieuse :

1) Quelles sont les conditions pour l’autorisation de la construction de lieux de culte ?

2) Si on interdit le voile dans l’espace scolaire et universitaire, peut-on le conserver dans d’autres espaces ?

3) Quelle réponse donnée à un Etat quand il radie un musulman de son armée, de sa police ou de sa Gendarmerie ?

4) Peut-on sanctionner une personne à cause de ses liens avec un parti communiste ?

5) Quelle est la limite de l’autorité parentale dans le domaine des activités religieuses et la méthode d’éducation ?

6) Quelles sont les convictions que l’on considère comme étant des convictions religieuses ?

D’autres questions peuvent être posées dans le même sens, comme celles liées à l’interprétation de l’article 9 de la Convention européenne, par exemple.

Les mécanismes de protection de la liberté religieuse en Europe ne se limitent pas à la Convention et à la Cour européenne des droits de l’homme ; d’autres instruments juridiques existent pour la protection de cette liberté religieuse. Nous pouvons en citer « la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne protégeant la liberté religieuse » qui implique le droit de la personne de changer sa religion ou sa conviction, sa liberté de manifester sa pratique, en privé ou en commun avec son groupe, en public, tant à travers le culte, l’enseignement qu’à travers la pratique des rites.

Pour être bref sur la protection de la liberté religieuse en Europe et ses mécanismes normatifs, il y a lieu de souligner le rôle de l’Organisation de la Sécurité et de la Coopération Européenne « OCDE » qui dispose d’un conseil d’experts dans le domaine de la liberté religieuse et de la liberté de conscience.

Malgré l’existence de ce système de mécanismes et d’instruments de contrôle et de protection de la liberté religieuse, il ne faut pas oublier que ce système est limité et soumis totalement au

(1) Kokkinakis contre Grèce du 25 Mai 1993 série A, N° 260, A 427.

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Conseil de l’Europe en tout ce qui concerne les droits de l’Homme. De ce fait, le mécanisme le plus important pour la protection des droits de l’homme en Europe reste entre les mains de ce Conseil à travers la Convention européenne et la Charte sociale européenne.

Les actions blasphématoires menées par les médias occidentaux contre l’islam et les musulmans constituent des violations des principes fondamentaux qui sont l’essence même des droits de l’homme. Il s’agit des principes de la liberté d’opinion, d’expression et de la tolérance sur lesquels est fondée la philosophie des lumières qui les a vulgarisés et propagés. Cette pensée vise, à travers ces principes, à trouver un équilibre entre, d’une part, le respect des religions, la protection des minorités et, d’autre part, le respect de la liberté d’expression, et du principe de la tolérance.

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Chapitre 2

La liberté d’opinion et d’expression entre le principede tolérance, le respect des religions et des droits

des minorités musulmanes

La liberté d’expression est considérée comme étant parmi les droits de l’homme les plus sensibles et les plus présents dans les différents rapports réalisés par les centres de recherche sur les droits de l’homme ou publiés par les organismes de droits nationaux ou internationaux, formulés selon les principes de Paris 1989.

Les rapports de ces institutions traitent de la nécessité du respect de ce droit, considéré comme l’un des indicateurs significatifs pour le classement des Etats et leur qualification démocratique ou non. Vu cette importance, les Etats ont oeuvré à inscrire ce droit dans les constitutions et les lois ordinaires de leurs pays, comme ils ont déterminé les normes nécessaires à son application. Simultanément à cela, le droit international lui a accordé une grande importance dans la mesure où les différents pactes, traités et conventions relatifs aux droits de l’homme insistent sur cette question. Il est considéré, par tous ces documents, comme partie intégrante des droits fondamentaux et essentiels de l’homme qu’il ne faut, ni nier, ni méconnaitre.

L’importance, l’influence, l’impact et l’hégémonie grandissants du quatrième pouvoir se renforcent jour après jour, avec l’apparition d’un cinquième pouvoir dû à la nouvelle révolution en matière de communication et au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), rendant ainsi le monde un seul village planétaire. Eu égard à ce rôle crucial des moyens de communication et d’information dans la formation et le développement de l’opinion publique, l’organisation de ces deux pouvoirs a été au centre des préoccupations du législateur, tant au niveau national qu’international.

Cette organisation a insisté sur la liberté de ces moyens et le fait de ne pas imposer de limites à cette liberté que celles que dictent la préservation de l’ordre et de la moralité publics, l’atteinte aux libertés et aux droits d’autrui, l’incitation à la haine, à la discrimination raciale, religieuse, l’incitation à la guerre, l’apologie du terrorisme, l’intolérance religieuse et la xénophobie. C’est ce que nous allons traiter dans la section qui suit à travers la mise en évidence de l’instrumentalisation qui a été faite de la liberté d’information, d’opinion et d’expression pour promouvoir la xénophobie contre les étrangers, les immigrés, et les minorités musulmanes dans les pays occidentaux sans exception. Cette situation a été aggravée après les événements du 11 septembre 2001, qui ont été un alibi pour les médias occidentaux afin de mener des campagnes systématiques contre l’islam et inciter à la revanche, sans considération aucune pour les conséquences de ces campagnes sur le plan juridique, humain et politique.

Section I : La place de la liberté d’opinion et d’expression dans le droit international et son lien avec le principe de tolérance

Nombreuses sont les affaires dont le traitement a été l’occasion pour les médias de mener des campagnes contre l’islam et les musulmans dans les pays occidentaux, durant les dernières années, voire les dernières décennies, campagnes dans lesquelles l’information a joué un rôle important. Nous allons essayer d’en donner des exemples en insistant sur l’affaire des caricatures

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du prophète (PSL) et sur ce que leur publication par un journal danois – qui a justifié cet acte par la liberté d’opinion, d’expression et d’information - a causé comme offense à l’islam. Nous allons comparer cela avec des questions telles que l’holocauste contre les juifs, et les manières violentes et répressives avec lesquelles sont traitées les personnes qui en doutent, même avec des arguments à l’appui(1).

Avant d’aborder en détails ces questions d’offense à l’islam et aux musulmans en Europe, à travers les différentes générations des médias et de la part de l’extrême droite, nous allons essayer de voir ce que disent les textes du droit international sur la liberté d’opinion et d’expression d’une part et de lire les principes de tolérance religieuse et de lutte contre la haine à partir des textes de ce même droit, , d’autre part, afin d’apprécier leur importance et l’intérêt qui leur est accordé.

Nous essayerons, au début, de démontrer que la liberté d’opinion et d’expression a été mise en avant par la plupart des journaux, des médias et des gouvernements, afin de défendre le journal danois « Jilandre Boston » quand il a publié les caricatures blasphématoires contre le prophète Mohamed (PSL) et, à travers cet acte, il a dénigré l’islam et ses symboles de manière provocatrice et dégoutante. C’est le même argument évoqué par le Premier Ministre danois Adrew Voge Rasmos quand il a refusé, au début de la crise, de recevoir les ambassadeurs du monde musulman qui voulaient lui exprimer leur condamnation du contenu de ces caricatures(2).

Appréhender le contenu de cette liberté d’opinion et d’expression, servant d’alibi pour les offenses contre l’islam et ses symboles, nécessite, de notre part, dans cette partie de l’étude, d’élucider la position des règles du droit international relatives aux droits de l’homme et au droit de l’information. A cet égard, nous devons faire la lumière sur les normes organisant cette liberté, à partir d’une revue des documents des Nations Unies, depuis leur création jusqu’à nos jours, en en retraçant le processus afin de cerner les limites de cette liberté, désormais instrumentalisée pour démanteler les fondements de l’islam, appeler à le détruire, et en déformer l’image.

Premièrement : la liberté d’expression à travers les documents de la légalité internationale

La liberté de l’information, tout comme la liberté d’opinion et d’expression, fait partie des libertés essentielles et des droits qu’aucun document des droits de l’homme - Chartes, Pactes, Conventions ou Déclaration internationales - ne peut ignorer. Le dispositif des organismes internationaux et des chartes régionales consacre ce droit. Des agences des Nations Unies, et notamment l’UNESCO, lui accordent une importance primordiale. Ainsi donc, la liberté d’expression est un des fondements des droits et des libertés démocratiques. Lors de sa première session en 1946, avant l’adoption de toute déclaration ou de tout traité relatifs aux droits de l’homme, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la résolution 59 en date du 14 décembre, selon laquelle « la liberté d’information est un droit humain fondamental et constitue la base de toutes les libertés auxquelles les Nations Unies sont vouées ». Elle est le critère qui mesure toutes les libertés auxquelles les Nations Unies consacrent ses efforts. La liberté de l’information signifie le droit de collecter, transférer et diffuser des informations à n’importe quel lieu et sans contrainte ».

Cette résolution a été appuyée par la Conférence des Nations Unies sur la liberté de l’information, tenue à Genève du 23 mars au 31 avril 1948(3). A partir de cette conférence, les Nations Unies

(1) Traduction en justice de Roger Garody quand il a douté du nombre de juifs victimes de l’holocauste en vertu de la loi Guissot de 1990.

(2) Dr. Abdel Kader Cheikh : La liberté d’opinion et d’expression du point de vue de l’information : Etude comparée (3) Jean Bernard Marie : « les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme confirment- ils l’inspiration de la déclaration des

droits de l’homme ? ». R.D.H 1970 , p397.

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ont demandé au Conseil Economique et Social de discuter le sujet et d’examiner la possibilité de la mise en place d’une convention internationale qui organise la liberté de l’information. La session de l’Assemblée Générale a adopté, le 10 décembre 1948, la résolution 217 en vertu de laquelle la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a été proclamée. L’article 19 de cette déclaration stipule que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, ainsi que celui de chercher, de recevoir et de diffuser, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

Cependant, la définition de la liberté d’opinion et d’expression dans cet article de la Déclaration Universelle reste confuse et imprécise(1). La raison en est que la déclaration vise essentiellement à tracer les grandes lignes et la mise en place de principes directeurs, que d’autres documents interprèteront, préciseront et détailleront. La déclaration est la base des documents de la légalité internationale dans le domaine des droits de l’homme et des libertés, ce qui en fait le fondement de l’édifice des droits humains. C’est pourquoi, la déclaration a affirmé le droit à la liberté d’opinion et d’expression sans fixer les normes de son application. Le cas, ici, est semblable à ce qu’on trouve au niveau des lois intérieures d’un pays : la constitution énonce les principes directeurs y compris la liberté d’information, la liberté d’expression et d’opinion, alors que les détails de l’application de ces droits et libertés sont du ressort des lois ordinaires, notamment les lois relatives à l’information et à la communication. C’est en conformité avec ce processus, que l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la résolution n°200, en date du 16 décembre 1966, proclamant le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui comporte les détails de l’application du droit à l’information et à la liberté d’opinion et d’expression.

Le pacte est entré en vigueur le 23 mars en 1976 dans une situation internationale caractérisée par l’ouverture politique dans la péninsule ibérique, après les changements qu’a connus l’Espagne et le Portugal en 1975, l’arrivée des démocrates au pouvoir aux Etats Unis d’Amérique avec Jimmy Carter, dont la politique étrangère a insisté sur la nécessité du respect des Droits de l’homme, mais également juste après la première Conférence de Helinski en 1975 sur la paix et la coopération européenne qui a affirmé la nécessité du respect des droits de l’homme dans les pays du bloc de l’Est et dans les pays du tiers monde(2). Le pacte était plus précis sur la liberté d’opinion et d’expression et sur la liberté de l’information que l’article 19 traite en ces termes :

1. « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. « L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut, en conséquence, être soumis à certaines restrictions qui doivent, toutefois, être expressément fixées par la loi, et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;

b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. »

(1) De Lamy.B : la liberté d’opinion et le droit pénal. Thèse de doctorat, Toulouse I, 1996.(2) Ali Krimi : Les Droits de l’Homme et les Libertés publiques au Maroc, Edition REMALD 2002

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Si l’article 19 fixe un certain nombre de limites à la liberté d’opinion et d’expression, dont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la moralité publique, il ne faut rappeler que la sauvegarde de l’ordre public englobe le respect de la religion, car l’offense à la religion perturbe la paix sociale. L’atteinte aux fondements religieux est interdite à toute personne. La précision de ces limites a été clarifiée par l’article 20 du même pacte qui stupile que « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi ». Ainsi donc, cet article condamne la propagande pour les idées et théories appelant à la supériorité ethnique, raciale ou religieuse de tout groupe, justifiant ou appuyant n’importe quelle forme de discrimination raciale(1).

Les articles 4 et 9 de la déclaration des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination de 1965 ont abondé dans le même sens.

La déclaration des principes de coopération culturelle internationale(2) stipule dans son article 7 :

1. « 1. Une large diffusion des idées et des connaissances, fondée sur l’échange et la confrontation les plus libres, est essentielle à l’activité créatrice, à la recherche de la vérité et à l’épanouissement de la personne humaine.

2. La coopération culturelle mettra en relief les idées et les valeurs qui sont de nature à créer un climat d’amitié et de paix. Elle exclura toute marque d’hostilité dans les attitudes et dans l’expression des opinions. Elle s’efforcera d’assurer à la diffusion et à la présentation des informations un caractère d’authenticité ».

On peut ajouter, à ce qui précède, la Conférence des Nations Unies sur la liberté de l’information qui s’est tenue suite à la résolution n°59 prise lors de la première session que nous avons citée plus haut. Trois projets de déclarations ont été proposés dans cette Conférence : la collecte et la recherche de l’information, la garantie du droit international de rectification, et la liberté de l’information. La convention internationale sur le droit de rectification, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 630 lors de sa septième session, le 16 décembre 1952, s’inscrit bien dans ce cadre. Elle est entrée en vigueur le 24 Aout 1963. Elle englobe l’obligation de l’écoute de l’autre opinion, en donnant, à chaque Etat partie, le droit de riposter comme le stupile la convention dans son article 2 « Les Etats contractants sont convenus que, dans le cas où un Etat contractant prétendrait fausse ou déformée une dépêche d’information susceptible de nuire à ses relations avec d’autres Etats, à son prestige ou à sa dignité nationale, transmise d’un pays à un autre par des correspondants, ou des entreprises d’information d’un Etat, contractant ou non, et publiée ou diffusée à l’étranger, il pourra soumettre sa version des faits (désignée ci-après sous le nom de «communiqué») aux Etats contractants sur le territoire desquels cette dépêche a été publiée ou diffusée. Un exemplaire du communiqué sera envoyé en même temps à l’entreprise d’information ou au correspondant intéressé pour mettre ce correspondant ou cette entreprise d’information en mesure de rectifier la dépêche d’information en question ».

Il faut citer, en plus, le projet de déclaration sur la liberté de l’information(3) qui a été discuté lors de la 27ème et de la 28ème session du Conseil Economique et Social en 1959 et adopté par une résolution du conseil dans la 39ème session qui l’a transmis à l’Assemblée Générale. Ce

(1) Renucci. J.F. ; l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme et la liberté de pensée de conscience et de religion, Ed, de Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2004.

(2) Cf. Droits de l’Homme : Traités internationaux, publication de l’ONU, New york 1988.(3) Roger Pinto: liberté d’information et d’opinion en droit international public: ed economica, Paris 1984.

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projet contenait un certain nombre de principes dont notamment le principe quatre qui nous concerne ici : «Ceux qui diffusent les informations doivent travailler doivent faire preuve de bonne foi pour garantir la précision des informations communiquées et respecter les droits des Etats, des groupes et des individus, sans discrimination raciale, religieuse ou de nationalité ».

Tous ces textes affirment et insistent sur la liberté de l’information, et sur la liberté d’opinion et d’expression de différentes manières. Mais, cette liberté n’est pas absolue et ne veut pas dire qu’il est permis aux médias et à ceux qui les dirigent d’écrire, de publier ou de diffuser tout ce qu’ils veulent et quand ils veulent, sans contrainte religieuse, morale, sociale ou politique.

La liberté d’expression n’est pas absolue, elle est soumise à des limites. Ces limites sont fixées par la loi. Les différentes Chartes et Conventions Internationales insistent sur cet aspect impérieux. Nous rencontrons ces limites, à titre d’exemple, dans l’article 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention internationale des Droits de l’Enfant (notamment à l’article 13 de cette convention(1)), dans l’article 13 de la convention internationale pour la protection des droits des travailleurs immigrés et les membres de leurs familles, qui affirme leur droit d’expression tout en soumettant ce droit aux contraintes précisées dans le paragraphe 3 comme suit(2) : « - respect du droit des autres et de leur réputation, - protection de la sécurité nationale des Etats concernés, de l’ordre, de la santé et de la moralité publics, -interdiction de toute propagande pour la guerre, interdiction de tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence(3) ».

Tous comptes faits, les instruments internationaux, et en dépit de leur affirmation de la liberté d’opinion et d’expression, ont fixé des normes et des limites à cette liberté qui ne peut être considérée comme une liberté débridée ou un droit absolu. Il est cependant évident que, parmi ces limites, figurent le respect des droits des autres et de leur réputation, le fait de ne pas inciter à la haine nationale, raciale ou religieuse. C’est pourquoi, cette campagne contre l’islam, les musulmans et les arabes en particulier, en Europe, avant et après les évènements du 11 septembre 2001, constitue une entorse à ces droits et libertés. La publication des caricatures blasphématoires contre le prophète Mohamed (PSL) par le journal danois « Jilandez Bostoon » constitue, elle aussi, une incitation manifeste à la haine contre les musulmans et ne peut, en aucun cas, être conforme à la liberté d’expression telle que définie par les normes internationales.

Cependant, la haine contre les musulmans, l’offense contre l’Islam et la xénophobie contre les étrangers arabes et musulmans, restent profondément enracinées dans certains pays occidentaux et ne cessent de s’accroitre de jour en jour ; à commencer par l’interdiction du voile, passant par l’interdiction des minarets des mosquées, l’incitation à l’hostilité et à la haine contre les musulmans et les arabes (nous détaillons ces aspects dans le chapitre 3 de cette étude). Autant de phénomènes qui poussent le chercheur à réfléchir à la manière dont le droit international traite ces attitudes. Nous avons précisé que la liberté d’opinion et d’expression est soumise aux contraintes que nous avons citées. Une question légitime se pose alors: l’incitation à la haine, au fanatisme, au racisme religieux et ethnique, pratiquée aujourd’hui dans des pays européens (Danemark, Belgique, Hollande, Italie et même en France, en Grande

(2) Ces limitations sont l’objet des paragraphes 2 et 3 qui stipulent : « …il est permis de soumettre la pratique de ce droit à des limites à condition qu’elles soient énoncées dans la loi et nécessaires pour garantir ce qui suit:

(i) le respect des droits d’autrui et sa reputation,(ii) la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publics.

(2) Cf. article 13 de la Convention internationale de protection des droits des travailleurs immigrés et des membres de leurs familles adoptée le 18 décembre 1990.

(3) Peche. L : liberté d’expression et sa limitation : expérience Américaine et Européenne. Thèse de doctorat Aix Marseille III, 2001.

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Bretagne et en Suisse), sous l’impulsion de l’extrême droite, est-elle interdite ou non par les normes du droit international ?

Deuxièment : les principes de tolérance religieuse et de lutte contre la haine dans le droit international(1)

La tolérance est l’une des valeurs fondatrices des relations internationales au sein de la communauté internationale contemporaine. La nécessité de ce principe a été renforcée avec le nouvel ordre mondial globalisé, où les frontières entre les pays et les nations se sont effondrées, les distances ont été réduites, les intérêts des Etats devenus interdépendants, les civilisations et les cultures se sont embrassées, les interactions entre les différents groupes et communautés se sont intensifiées. En dépit de tout cela, des barrières, des désaccords et des divergences subsistent et continuent à exister, ce qui démontre la nécessite de promouvoir davantage les valeurs de la tolérance.

Les principes et les fondements de la philosophie de la tolérance ont été fixés, depuis longtemps, au niveau intellectuel et philosophique. Ils se sont transformés au fil du temps en règles juridiques contraignantes, intégrées dans les conventions internationales, les constitutions et les lois ordinaires. C’est ainsi que, depuis l’avènement du système des Nations Unies en 1945, l’idée de la tolérance religieuse, de la non-discrimination raciale et du rejet de la haine et de la violence a été à la base des Chartes, Conventions et Traités que cette institution a initiés. C’est ainsi que la Charte des Nations Unies, en tant que référence fondamentale dans le domaine de la défense des droits de l’homme, a affirmé les principes de tolérance. Dans le paragraphe 3 de son premier article, on peut lire : «Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion».

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a jeté les premiers jalons du principe de la tolérance et de la non-discrimination raciale, religieuse ou linguistique. D’autres conventions et déclarations ont renforcé et affirmé ces principes ; à commencer par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention interdisant le génocide, la convention pour la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale, et celles relatives à l’élimination de l’esclavage, à la traite des personnes et à l’interdiction de l’exploitation.

En plus de ces traités et conventions, une série de déclarations internationales affirment l’interdiction de la discrimination sous toutes ses formes, l’appel à la haine, à la violence et à l’intolérance(2), etc.

L’article 18 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme est on ne peut plus claire à cet égard : «toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». Ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement ».

L’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, quant à lui, insiste, également, sur la liberté religieuse et la tolérance religieuse en affirmant :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter la religion ou la conviction de son choix, ainsi que la liberté

(1) Renata Uitz: la liberté de religion: dans les jurisprudences constitutionnelles et conventionnelles internationales. Ed, du conseil de l’Europe : 2008.

(2) DREYER. « E » : « Provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence », Jurislasseur Pénal, code Article R.625-720.

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de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.

2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publics, de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.

4. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »

A coté de ces textes contraignants sur la liberté et la tolérance religieuses, des déclarations ont été adoptées affirmant le principe de tolérance et le rejet de l’intolérance(1).

En 1981, une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en date du 25 novembre 1981, a été votée en vertu de laquelle la « Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discriminations fondées sur la religion ou la conviction » a été adoptée. Cette déclaration de 8 articles constitue une affirmation, parfois même, une reprise de l’article 18 du pacte de droits civils et politiques. Ce qui apparait de manière claire quand on compare le texte du premier article de cette déclaration avec l’article 18 du pacte. Quant à l’article 2, dans son deuxième paragraphe, il précise la portée des mots « intolérance et discriminations fondées sur la religion ou la conviction(2) ». Il y a aussi une autre « Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » adoptée le 18/12/1992, qui affirme ces mêmes principes.

L’intérêt porté aux questions de l’intolérance religieuse, enfantée par la philosophie avant de se transformer, avec le temps, en règles juridiques, ne s’est pas limité à des déclarations internationales. Ces déclarations, dont certains jurisconsultes mettent en cause le caractère contraignant, y compris la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, sont, pour le courant majoritaire de la jurisprudence internationale, contraignantes. Les conventions internationales ont insisté sur ce caractère contraignant et même l’obligation des états à le respecter. C’est ce qu’affirment la Convention Internationale sur l’Elimination de toutes les formes de discrimination raciale en date du 21/2/1965 et celle relative au crime de l’apartheid et sa répression en date du 30/11/1973(3).

Nous avons été témoins, depuis les années quatre-vingt du siècle passé, d’un regain d’intérêt pour les questions relatives à l’intolérance religieuse, notamment après la résolution du Comité des Droits de l’Homme en 1986 visant la nomination d’un rapporteur spécial sur cette question et le suivi des mesures gouvernementales pour son élimination(4). Dans le même sens, une décision de l’Assemblée Générale des Nations Unies en date du 20/12/1993, a déclaré l’année 1995 ‘’année internationale de la Tolérance’’.

(1) Med El Majdoub : Principe de la tolérance religieuse et la lutte contre la violence dans les conventions internationales http/ thawabitarabiya.com. Questions et opinions, Mercredi 21 Avril 2010.

(2) Cf texte de la Déclaration des Nations Unies sur l’Elimination de toutes les formes d’intolérance et de discriminations fondées sur la religion ou la conviction, adoptée par l’Assemblée Générale en vertu de la résolution 36/55 en date du 25/111981. In Droits de l’Homme : Traités internationaux, Nations Unies, NewYork 1988, p.116.

(3) Cette convention a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies qui l’a soumise à la signature par sa résolution n°2106 A 30ème session en date du 31 décembre 1965.

(4) Carbonbonnier Jean: la religion comme fondement du droit Archive de philosophie de droit: Tome 38, Paris 1993

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Pourquoi ce grand intérêt pour la tolérance dans toutes ses formes à ce moment précis ? Quel rapport avec le retour du libéralisme sauvage avec le reaganisme et le tatcherisme ? N’y a –t-il pas de rapport avec l’écroulement du bloc socialiste en 1985 ? N’y a-t-il pas de rapport avec le retour de l’élément ethnique dans les relations internationales, comme c’était le cas aux 18ème et 19ème siècles ? N’y a-t-il pas de rapport avec la dislocation des Etats de l’Europe de l’Est, tels que la Yougoslavie ? Beaucoup de questions se posent !

L’importance de ces interrogations vient du fait que la question de la tolérance et de la non-discrimination a été l’objet, non seulement de déclarations et conventions, mais elle a été également présente au niveau des conférences internationales et des activités des organismes régionaux et internationaux.

Nous mentionnons ici, à titre d’exemples, certaines de ces actions :

- La Conférence des nations Unies pour les droits de l’homme à Vienne en 1993 qui a appelé les gouvernements à prendre les dispositions appropriées pour lutter contre toutes les formes de racisme et d’intolérance ;

- La troisième Conférence Mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes d’intolérance, tenue à Durban en Afrique du Sud, du 31 Aout au 8 septembre 2001.

Les organismes internationaux se sont préoccupés de ce sujet, en particulier après l’avènement du nouvel ordre mondial et l’apparition, ici et là, de conflits à caractère ethnique ou religieux.

En Aout 1992, l’Organisation de l’Unité africaine a pris une résolution dans laquelle elle a souligné le danger de l’utilisation de la religion à des fins de discrimination ethnique. Cette organisation a adopté, dans sa réunion à Tunis en 1994, un Code de règles de conduite dans lequel elle appelle à la lutte contre le terrorisme.² La Conférence Islamique est allée dans le même sens dans son sommet de 1991, et le mouvement des non-alignés dans son sommet tenu à Jakarta en 1992. Le Conseil de l’Europe, quant à lui, a insisté sur le principe, en février 1993, à travers une recommandation appelant à affirmer les valeurs morales de tolérance et de liberté de conscience.

Il y a lieu de constater que la préoccupation internationale pour la lutte contre la discrimination raciale a accompagné l’apparition du nouvel ordre économique mondial, au début des années soixante-dix du siècle passé, et qu’elle s’est renforcée avec sa mise en place durant les années quatre-vingt- dix(1), avant d’atteindre son apogée avec le début du troisième millénaire. L’ONU a considéré les trois décennies de 1973 à 2003 comme des décennies de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Troisièment : La liberté de l’Information et la violation du caractère sacré des religions : les formes de violation

Nous avons précisé, au niveau du chapitre précédent de cette étude, comment les règles du droit international relatif aux droits de l’homme et au droit de l’information ont traité des phénomènes de racisme religieux, ethnique et de la xénophobie. Nous avons souligné que ce traitement était lié à l’évolution qu’ont connu les relations internationales, notamment après l’avènement du nouvel ordre mondial et même peu de temps avant son apparition. Cependant, le racisme contre les musulmans en Europe occidentale a, quant à lui, progressé, de manière grave, juste après la déroute de l’Union Soviétique en Afghanistan en 1981, la montée du reaganisme et du tatcherisme, le retour du libéralisme dans sa forme traditionnelle

(1) Michel Mathieu: Evolution de l’économie libérale et liberté d’expression. Bruylant, Bruxelles: 2007.

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sauvage, la chute de l’Union Soviétique en tant que superpuissance, l’apparition du nouvel ordre mondial, la fin de la guerre froide et les conséquences destructrices de la guerre d’Irak.

C’est dans ce climat que l’islam apparait comme élément nouveau dans les relations et les conflits internationaux. Il est devenu le danger à affronter après le refoulement du danger communiste. C’est ainsi que des accrochages apparaissent, de temps à autre, depuis que la nouvelle renaissance islamique et la révolution islamique en Iran ont vu le jour.

Cependant, ces accrochages n’étaient pas assez importants et restaient dans les limites de l’expression médiatique ou des questions de détail. Mais les agressions du 11 septembre 2001 et ce qui s’en est suivi, ici et là, ont généralisé le concept d’islamophobie(1) et l’ont répandu de manière globale en Occident. C’est ainsi que les musulmans sont désormais indexés d’être l’antipode de l’occident, la menace de ses valeurs, de sa sécurité, de sa paix et de celle de ses citoyens. Ainsi donc, le terme Islamophobie est une image parmi d’autres images racistes qualifiant les musulmans d’être portés sur l’intolérance religieuse, d’être tentés par la violence et le refus de tout ce qui est différent de l’islam. Les phénomènes de la crainte et de la peur de l’islam et des musulmans, la discrimination religieuse et ethnique, l’intolérance et la xénophobie sont devenus si présents que le droit, qu’il soit national ou international, ne peut plus les ignorer.

C’est pour cette raison que nous trouvons au niveau des constitutions et des lois ordinaires l’interdiction et la sanction de l’appel à la discrimination raciale ou religieuse, à la xénophobie et à l’intolérance. Mais, comment des intellectuels occidentaux comme Francis Fukuyama et Samuel Huntingcton ont-ils pu élaborer des théories dans le but d’enflammer ces phénomènes, notamment après la chute de l’ordre mondial d’avant la seconde guerre mondiale, la deuxième guerre du golfe et la dislocation de l’Union Soviétique ? Comment ces penseurs, particulièrement Huntington ont-ils pu pousser indirectement à vulgariser l’intolérance, la xénophobie et l’encouragement des politiques de rejet de l’immigration ? Comment leurs idées ont-elles influencé l’extrême droite en Europe et, par conséquent, infléchir les politiques des gouvernements jusqu’à l’appel à une guerre religieuse contre l’islam et les étrangers, en tant que nouvel ennemi ?

Bien que ces idées et ces attitudes aient commencé en Europe au début des années quatre vingt du siècle passé, elles ont trouvé appui dans la pensée de Francis Fukuyama et de Samuel Huntington ; elles ont accéléré le mouvement hostile à l’immigration dans la plupart des Etats européens. L’intolérance à l’égard des immigrés musulmans, le développement de stéréotypes qui les stigmatisent, sont des conséquences manifestes de la propagation de ces idées. Cette situation est, sans nul doute, en rapport avec la montée du reaganisme et du tatcherisme, avec la crise économique que les Etats Européens ont connue et le chomage qui en découle. Les médias et les intellectuels ont joué un rôle important dans la légitimation de la culture de l’intolérance entre l’Islam et l’Occident qui a été nourrie par la théorie du « conflit des civilisations et leur confrontation inéluctable ». De l’autre bord, et comme réaction à ces tendances, est apparue la montée de la « christianophobie(2) » et de l’intolérance qui se basent sur le même principe, à savoir « l’exclusion ».

(1) Le terme Islamophobie est entré dans le lexique de la politique européenne ; il a une signification précise qui la peur de l’islam, pour traiter ce phénomène plusieurs conférences politiques ont été tenues, des colloques et des cercles d’étude ont été organisés sur les différentes dimensions de ce phénomène.

(2) Viser Juste: leçons de la “crise des caricatures” Rapport annuel de Euromesco, n° 5-2006 , Mai 2007. Cf. aussi Dr. Mahjoub Bensid, ibid.

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Le développement de la xénophobie, de l’intolérance religieuse et de l’incitation à la haine raciale est un phénomène lié à la montée de l’extrême droite et de ses partis, ici et là, dans les Etats européens qui accueillent la main d’œuvre immigrée. Le plus connu de ces partis de droite est le « Parti Populaire Danois » qui a joué un grand rôle dans la campagne contre l’Islam et les musulmans. Il est également connu pour ses positions extrémistes contre les étrangers et son hostilité à l’égard des immigrés. Ce parti soutient le gouvernement au niveau du parlement et, de ce fait, influe sur les politiques d’intégration des immigrés notamment, les immigrés de la deuxième génération qu’on désigne par « les nouveaux danois ». Il joue aussi un rôle important dans l’enracinement de l’idée selon laquelle le Danemark ”doit être un Etat-Nation unifié culturellement et spirituellement.

Le discours xénophobe s’est aussi développé en Italie par l’intermédiaire d’une organisation extrêmiste de droite « la Ligue du Nord » qui affirme que l’islam est en guerre totale contre le christianisme et l’Occident et fonde sa propagande sur ce thème(1).

La droite a levé le slogan de l’interdiction de l’immigration ou de sa réduction pour tous. Mais, en ce qui concerne les musulmans, elle n’a pas fait de différence entre les islamistes modérés et les islamistes radicaux. Elle a surtout axé sur l’idée du conflit et de la confrontation entre l’islam et le christianisme développée par Huntington. La xénophobie a produit la même réaction en Belgique et en Hollande, qui sont considérées comme le berceau du premier mouvement politique présentant l’islam et les immigrés musulmans comme un danger pour la civilisation européenne.

Il découle de ce qui précède qu’on assiste à un retour du nazisme, du fascisme et des idéologies nationalistes pronant un discours raciste et nationaliste, qui a même percé les programmes politiques des partis démocratiques, sans parler des partis d’extrême droite(2). Ce discours s’est généralisé et a eu pour conséquences des actes racistes et xénophobes légitimés et justifiés par ce même discours. Ainsi donc, le racisme et la xénophobie constituent-ils, actuellement, la plus grande menace à la démocratie(3) . C’est ainsi que l’on voit des partis politiques démocratiques dans certains pays d’Europe vulgariser les mêmes thématiques développées par l’extrême droite.

De nouvelles questions sont, chaque jour, soulevées comme raisons ou alibis pour mener cette campagne contre l’islam et les musulmans. Si, hier, c’était le problème du voile (hijab) et non le nikab – une différence existe entre les deux - aujourd’hui c’est le problème des minarets dont on interdit la construction. Avant ces deux questions, a été posée l’idée de supprimer du Coran les versets qui contiennent le mot jihad. Toutes ces attitudes insistent sur la nécessité de mener une lutte continue contre l’islam. Dans ces nouvelles campagnes, c’est la nature même de l’islam est visée beaucoup plus que les minarets. Cette vague a touché tout l’espace européen et fut adoptée par des pôles importants de l’extrême droite. En Suisse, le chef du parti d’extrême droite Oskar Frayzinger a soulevé le saint coran dans l’une de ses sorties à la télévision en annonçant le danger de la croissance démographique islamique et en considérant cette croissance comme une menace pour le christianisme dans le monde et, en particulier, en Europe(4). Il a, par ailleurs, condamné la diffusion des idées des Frères Musulmans au sein

(1) EUMC : Les musulmans au sein de l’union Européenne, discrimination et Islamophobie.. Autriche : 2006.(2) Cette réalité peut être vérifiée dans la recommandation du parti vert Allemand sur la liberté d’expression et le respect de la

foi religieuse, présentée au Parlement Européen : Proposition de résolution des verts/ Allemands sur le droit à la liberté de l’expression et le respect de la foi religieuse publication des caricatures du prophète Mohamed, le parlement européen- Strasbourg- 14-02-2006.

(3) Les dimensions du racisme dans la littérature internationale : Papier présenté lors de la réunion préparatoire de la Revue de Durben, le Caire 28-29 mars 2009.

(4) Bien que cela n’est pas fondé, le monde musulman connait une regression dans sa croissance démographique ; à titre d’exemple au Pakistan nous constatons cette regression comme c’est le cas en Afrique au Sud du Sahara. Nouvel observateur : n° 2552 de 349/2009 p 47.

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des partis politiques des pays islamiques et considéré le développement des minarets et des mosquées comme une manifestation de la nouvelle conquête de l’islam. Si on revient aux minarets, quatre minarets existent en Suisse dont le premier a été construit en 1967 avec une hauteur de 18 m, alors que le dernier a été construit en 2009 avec une hauteur ne dépassant guère les 6 mètres(1).

C’est ainsi qu’après la Hollande, la Belgique et le Danemark vient le tour de la Suisse puis celui de la France. En France, la question du voile (hijab) a été posée depuis longtemps, et se pose aujourd’hui la question du nikab. La Suisse a adopté une loi interdisant les minarets, la France a promulgué une loi interdisant le nikab, ce qui démontre qu’il existe un malentendu et un refus de la cohabitation avec les musulmans en Europe. Des réactions à ces actes ont été enregistrées à des degrés divers. Concernant les minarets, la Conseillère Allemande Angela Merkel, tout en déclarant accepter la cohabitation avec les musulmans, a affirmé son acceptation des minarets à condition que leurs hauteurs ne dépassent pas celles des Eglises en Allemagne, alors que l’orientation majoritaire en Suisse est la nécessité de mettre fin à la présence islamique dans le pays.

Cette vague de xénophobie contre l’islam et les musulmans est reprise par les différents médias, écrits, audiovisuels et électroniques. La question des caricatures du prophète qui dénigrent l’islam en la personne du messager de Dieu (PSL), publiées par le journal « GilenderBoston » est la plus grand sujet qui a suscité le plus de désaccord et de tensions entre l’Islam et l’Occident. Elle a allumé des feux de colère contre l’Occident qui a soutenu la publication de ces caricatures en évoquant la liberté d’information, d’opinion et d’expression(2).

Sur ce point, nous souhaitons revenir, de nouveau, à ce que nous avions dit au début de ce chapitre concernant le cadre juridique international normatif de la liberté d’information, de la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que des limites de cette liberté, afin de discuter son degré d’adéquation de ces libertés avec la tolérance, et la non incitation à la haine, au racisme et au mépris des religions.

Les documents internationaux n’ont pas conféré à la liberté d’opinion et au droit d’expression un caractère absolu et sans limites. Ils les ont plutôt encadrés par l’exigence du respect des autres et de leurs droits, et l’obligation de ne pas inciter au racisme, à la haine sous quelque forme que ce soit. En effet, les caricatures publiées dans ce journal danois constituent une incitation explicite à la haine contre l’islam et les musulmans, et ne peut être, en aucune manière, conforme à la liberté d’expression. Elle s’inscrit plutôt dans le cadre des actes que le droit pénal incrimine, comme cela a été confirmé par un jugement de la Cour Européenne des droits de l’homme le 21 octobre 1999(3).

Il y a lieu de signaler que la loi pénale danoise comporte un article qui prévoit des sanctions contre toute personne qui stigmatise publiquement une religion reconnue par l’Etat, l’Islam étant justement l’une des religions reconnues par le Danemark. Il est donc paradoxal que le procureur général au Danemark ait rejeté une plainte présentée par des associations représentant les musulmans contre le journal, en évoquant la liberté d’opinion et d’expression comme motif du rejet de cette plainte.

Plusieurs milieux politiques et médiatiques en Europe ont soutenu la position du Danemark en s’appuyant sur le même argument. Or, cet argument ne tient pas eu égard aux règles juridiques

(1) Nouvel observateur : n° 2552 (2) Des jurisprudences Européennes nient l’existence de liberté absolue, l’Australie ne publiera des caricatures du prophète :

condamnation de la défiguration des caricatures de Gifara et la reine anglaise, journal Message de l’Oumma Lundi 13 février 2006.(3) Jean François Flauss : « la cours européenne de droit de l’homme et la liberté d’expression », in liberté d’expression aux états

unis et en Europe. Dalloz 2008, p : 97-136.

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internationales que nous avons détaillées tout au long du premier chapitre de cette étude. Le fait de prendre la liberté d’expression comme prétexte pour justifier la publication par le journal danois des caricatures blasphématoires montre clairement la duplicité des critères et la politique de deux poids deux mesures que l’occident n’a cessé d’adopter dans cette affaire(1).

Dans le même contexte de la liberté d’opinion et d’expression, il faut voir comment est traitée la question de l’holocauste ou des fours crématoires dont étaient victimes les juifs durant la deuxième guerre mondiale de la part de l’Allemagne nazie : le seul fait de douter de cet évènement dans les médias est interdit et expose son auteur à être traduit en justice. Les cas suivants illustrent cet état des choses(2) :

- Le 18/11/2005, les autorités autrichiennes ont arrêté le célèbre historien britannique David Ervin en l’accusant d’antisémitisme, quand il a nié l’existence des fours crématoires et l’holocauste perpétré par les nazis contre les juifs. Le principe de la liberté d’opinion et d’expression ne l’a pas sauvé de l’incarcération. Le penseur français Roger Garaudy(3) a été, lui aussi, inculpé par la justice française qui l’a accusé d’antisémitisme quand il a publié un livre dans lequel il réfute, avec des arguments scientifiques, la plupart des thèses juives sur lesquelles le sionisme s’est appuyé pour l’établissement de l’Etat d’Israel. Parmi ces allégations, le nombre exagéré des victimes de l’holocauste qui atteint selon eux 6 millions. Il a prouvé que ce chiffre a été largement gonflé. La justice française l’a condamné à payer des amendes et à des sanctions pénitentiaires.

- Cette politique de deux poids deux mesures a touché les libertés académiques au sein des universités. Dans les années quatre-vingt du siècle passé, l’une des universités française a pris une décision, sans précédent, en retirant le dipôle de doctorat de l’un des chercheurs, arguant qu’il a douté du nombre des victimes de l’holocauste nazi lors de la deuxième guerre mondiale. Malgré le fait que l’objet de la thèse fût une recherche scientifique académique dans le domaine de l’histoire, et malgré le fait que l’auteur a obtenu le titre de docteur conformément aux procédures académiques en vigueur, la forte pression sioniste a obligé l’université à sacrifier la liberté d’opinion et d’expression et à dépouiller le chercheur de son grade scientifique qu’il a obtenu dignement(4) et avec mérite.

Partant de ce qui précède, il est légitime que le chercheur se pose un certain nombre de questions : quel sens a la liberté d’opinion et d’expression affirmée par les lois nationales et internationales, quand elle est appliquée à certains et non reconnue pour d’autres? Les documents internationaux n’affirment–ils pas l’existence de limites à la liberté d’opinion et d’expression, et les lois nationales ne font-elles pas de même ? A partir de là, pourquoi ces limites ne sont-elles pas considérées quand il s’agit de déformer les valeurs et violer les sacralités religieuses de l’islam par les médias occidentaux ? Ces limites ne sont évoquées et mises en avant que lorsque les valeurs occidentales sont touchées ou lorsqu’on émet un doute sur l’holocauste. N’y a-t –il pas dans cette attitude deux poids et deux mesures qui déforme les réalités et renverse les vérités ?

(1) Pour plus de détails sur « l’affaire du blasphème contre le Prophète Mohamed (PSL) à travers la presse nationale » : voir le livret journalistique : où le Ministère de la Communication Marocaine a regroupé tous ses détails, Ministère de la Communication Marocaine, Service de Documentation.

(2) Khalid Ahmed Outhman : La liberté d’expression entre le droit international et la duplicité des critères, le Journal Economique Saoudien : Dimanche 27 moharram 1427.

(3) EUMC : Choudhury Tufal : « Perceptions de la discrimination et de la xénophobie, point de vue des membres de la communauté musulmane dans l’union Européenne ». Vienne 2006.

(4) Khalid Ahmed Outhman : La liberté d’expression entre le droit international et la duplicité des critères, le Journal Economique Saoudien : Dimanche 27 moharram 1427. ibid

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Le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Koffi Annan a déclaré, lors du déclenchement de la crise entre les musulmans et l’Occident, que la liberté de la presse doit s’exercer dans le respect des religions. Cette déclaration représente un appel à la nécessité de respecter les principes du droit international. Il est clair que les libertés d’information, d’opinion et d’expression ont besoin, aujourd’hui, d’être précisées davantage dans le cadre du droit international relatif aux droits de l’homme. Ce qui exige la mise en place d’une convention internationale qui interdit la stigmatisation et les attaques contre les religions ainsi que leurs adeptes qui forment, parfois, des minorités dans les pays où on offense leur religion. Cette situation s’applique aux minorités musulmanes dans les pays occidentaux où, durant les deux dernières décennies, la montée de l’extrême droite et son occupation d’espaces importants de la carte politique, a encouragé les médias à instrumentaliser l’offense à l’islam et aux minorités musulmanes.

Cette réalité demande beaucoup d’efforts pour convaincre les Etats occidentaux au sein des Nations Unies que la préservation de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que la protection des droits de l’homme, exigent de désamorcer la tension qui monte depuis le 11 septembre 2001. Cette situation de crise, exploitée comme tremplin par l’extrême droite en Occident, rend impérieuse la nécessité de la mise en place d’une convention internationale interdisant l’offense aux religions à travers les médias.

La section II : L’évocation de la liberté d’expression dans l’offense à l’islam et aux minorités musulmanes en Europe

Les politiciens appartenant à la droite extrémiste ont joué un grand rôle dans l’offense et les pressions contre les minorités musulmanes et arabes en Europe, sous prétexte de la liberté d’opinion et d’expression garantie par la loi. Nous avons constaté le développement de ce phénomène en Allemagne, au Danemark, en Belgique, en Suisse, en France et en Hollande. Au début, le phénomène se limitait aux groupes intolérants et aux partis extrémistes de droite, mais il s‘est accéléré très vite pour atteindre des partis libéraux et progressistes, ce qui s’est manifesté clairement à la suite de la publication des caricatures blasphématoires contre le prophète (PSL).

La position de la droite et même celle de certaines fractions de la gauche n’étaient pas l’effet du moment ; elle était liée au déclenchement de ces hostilités contre l’islam et ses symboles, notamment depuis la décennie quatre-vingt du siècle passé, avec la publication du livre « Versets Sataniques » de Salman Rushdy et des écrits de Taslima Nesrine. L’un uns et l’autre ayant évoqué, à chaque fois, la défense de la liberté d’opinion et d’expression.

Les mêmes propos se repètent encore aujourd’hui avec le film « la soumission »(1) du réalisateur Hollandais Tiffany Josh qu’il a réalisé avec Iyan Hirchi Ali d’origine somalienne. D’autres films blasphématoires contre le prophète (PSL) ont été réalisés dans le même contexte : « fitna » et « l’innocence des musulmans ». Les évenements et les faits de ce genre sont difficiles à recenser et visent tous à stigmatiser l’islam et à offenser les sentiments des minorités musulmanes en Occident et ceux des musulmans en général.

Ces évènements et ces faits ont suscité des réactions de la part des minorités musulmanes et de tous les musulmans, réactions qui ont pris, parfois, des formes violentes : c’est le cas notamment pour Salman Rushdie avec des fatwa appelant à son exécution, pour Tyofan Jokh

(1) le film a été présenté à la télévision en 2004 pendant une durée de 10 mn y apparaissent quatre femmes demi nues qui portent le nikab avec des textes du coran prétendant que ces textes parlent des sanctions corporelles contre les femmes en abandon du lit conjugal.

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qui a été assassiné, pour les responsables des sites publiant ces films qui ont été menacés, particulièrement le site britannique laflique qui a entrepris la publication du film « fitna ». Le film « innocence des musulmans » projeté aux Etats Unis d’Amérique, a suscité les réactions les plus violentes, et a soulevé une très grande vague de protestations qui a couté la vie à l’ambassadeur des Etats Unis en Libye.

Il y a lieu de remarquer que des musulmans renégats ont pris part à la plupart de ces productions blasphématoires : les cas de Salman Rushdie, de Teslima Nesrine et d’Iyan Hyrchy Ali en sont des témoins. Les films, les caricatures et les autres types de production ont entrainé de fortes réactions incontrôlées de la part des minorités musulmanes en Europe et de la part de certains musulmans extrêmistes ailleurs. Ces réactions ont parfois dépassé la menace pour passer au stade de l’exécution.

Premièrement : les réactions et les contres réactions

L’assassinat de Tyofan Jokh, réalisateur du film « la Soumission », par Mohamed Bouibry a fait exploser une vague de colère et de haine contre les minorités musulmanes en Europe. Les responsables politiques, tant en Hollande que dans les autres pays de l’Europe voient que le recours à un tel type de liquidation physique des personnes critiquant la religion islamique montre, clairement, que la communauté musulmane, vivant en Occident, méconnait encore la philosophie de la société hollandaise, en particulier, et des sociétés occidentales en général, lesquelles refusent le fanatisme et accordent une grande importance à la liberté d’expression. Ils pensent aussi que Tyofan Jokh est un homme de gauche qui critique toutes les religions en Hollande et que son assassinat par un extremiste musulman est un crime politique abominable.

Ainsi, les condamnations des d’attentats contre le réalisateur hollandais et l’ambassadeur américain en Libye, par les pays arabo-islamiques et les minorités musulmanes, n’ont pas épargné à cette communauté les actes racistes commis à son égard par des extrêmistes occidentaux en France, en Espagne, et tout dernièrement, en Allemagne avec l’assassinat de l’égyptienne Marwa Cherbini.

La nature provocatrice des films cités plus haut a suscité une vague de racisme et de haine contre l’islam et la minorité musulmane(1), qui a fait l’objet de condamnation de la part de trois rapporteurs de l’ONU qui ont relevé l’aspect provocateur du film « fitna », comme ils ont affirmé que la liberté d’opinion et d’expression est contraire à l’incitation à la haine, à l’hostilité et au racisme religieux, lesquels constituent des violations des droits de l’homme.

De tels agissements ont soulevé avec force le problème de la crise identitaire chez les minorités musulmanes, surtout avec la multiplication des tracasseries et le rôle grandissant de la droite extrêmiste et son impact sur les droits de ces minorités en Europe.

1) La crise de l’identité et les tracasseries causées par l’extrême droite

La crise d’identité est apparue chez les deuxième et troisième générations de descendants des immigrés en Europe et, particulièrement, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne et aux Pays Scandinaves. Diverses questions se posent quant aux raisons qui poussent les jeunes musulmans à l’extrêmisme. Plusieurs études ont été menées sur ce sujet, dont certaines

(1) Plusieurs études ont analysé le sujet du blasphème contre l’islam, les musulmans et la minorité musulmane à travers des productions cinématographiques et des médias électroniques. Nous citons l’étude d’Emin Sossi Alaoui portant sur les films en cartons destinés aux enfants. Cette étude a été publiée par l’ISESCO en 2011 et porte le titre « caractéristiques des images et stéréotypes sur l’islam et les musulmans dans l’ndustrie cinématographique en Europe : les films de carton comme exemple », publications ISESCO 2011.

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évoquent, comme raison, le sentiment d’isolement, la faible appartenance à la patrie. Certaines de ces études mentionnent que la deuxième génération des immigrés marocains ne se sent pas liée à la mère-patrie, comme c’était le cas pour la première génération, et qu’elle a donc remplacé l’appartenance nationale par l’identité religieuse.

Les jeunes sont fiers de l’appartenance à l’islam et à la société islamique mondiale. Les groupes islamiques ont réussi à enraciner chez eux ces convictions.

Des études, relativement plus anciennes, indiquent la faiblesse de la pratique religieuse chez les jeunes musulmans instruits, notamment ceux qui disposent de postes permanents, alors que dans les nouveaux rapports et études, on constate que la jeunesse musulmane de haute formation scientifique et technique ressent une frustration grandissante, surtout qu’elle ne dispose pas des mêmes opportunités que les jeunes d’origine française au niveau du marché de travail, ce qui la pousse à l’extrêmisme comme expression de sa colère et de son désespoir(1).

On peut conclure que ces études indiquent que les minorités musulmanes en Europe sentent une certaine discrimination qui se dresse comme obstacle à leur intégration dans les sociétés européennes, surtout que l’intégration réelle demande un certain équilibre entre l’identité religieuse et les exigences de la citoyenneté(2).

La crise d’identité et les difficultés de l’intégration des minorités musulmanes se sont compliquées avec la montée de l’extrême droite populiste d’orientation fasciste ; ce qui a contribué au développement de la xénophobie, du fanatisme religieux et de l’incitation à la haine raciale. Tout cela étant lié à la montée de l’extrême droite hostile aux minorités musulmanes dans les pays européens accueillant la main d’œuvre immigrée.

Les partis de l’extrême droite les plus connus sont le Parti Populaire Danois, célèbre par sa xénophobie et son rejet des immigrés, le Front National en France sous la direction de Le Pen, la Ligue du Nord en Italie, ainsi que des partis et organisations similaires.

Ces organisations ont une présence influente dans les parlements de leurs pays comme au parlement européen. Elles exercent, à travers ces institutions, une pression en vue de l’adoption de mesures contre la minorité musulmane en Europe(3). Elles prétextent continuellement, quand elles publient des positions contre l’islam et les musulmans à travers les différents médias (écrits, audiovisuels), que leurs agissements respectent le principe de la liberté d’opinion et d’expression, et usent de toute la démagogie politique et juridique pour montrer que cela n’a aucun rapport avec la discrimination raciale et l’incitation à la haine.

2) Deux images de l’extrêmisme réciproque: Bouibry et Filderz :

Parmi les manifestations les plus monstrueuses de l’intolérance vis à vis des minorités musulmanes en Europe l’exploitation de la conduite insensée de Mohamed Bouibry quand il a assassiné le réalisateur du film « la soumission » Tyofan Jokh, d’une part, et la conduite extravagante d’un homme de premier plan, Kheir Fildz, politicien fanatique, contre les minorités musulmanes en Hollande, qui a instrumentalisé l’assassinat de Tyofan Jokh pour booster sa popularité et la popularité de son parti « Pour la liberté de la Hollande ». Le plus célèbre de ses travaux est la réalisation du film « fintna », en 2008, qui représente la plus grande offense

(1) Boulegue Jean : le blasphème en procès 1984-2009, l’église et la mosquée contre les libertés, Paris, Nova, 2010.(2) Série perspectives européennes, la présence musulmane en Europe : Préoccupations de la nouvelle formation, publication de

l’Union des organisations Islamiques en Europe 2011.(3) Pour en savoir plus sur la persécution de la minorité musulmane en Europe cf. le rapport réalisé par l’observatoire européen

des phénomènes du racisme et de la xénophobie.

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à l’islam en établissant un lien entre le Coran et les actions terroristes commises au nom de la religion islamique. En réaction à ce film, la Jordanie a intenté une action contre lui et el-Qaida a déclaré que sa mise à mort un devoir religieux. Afin de promouvoir son film, il a entrepris une série de présentations, qu’il a intitulées « un tour du monde pour combattre le jihad », auprès des responsables gouvernementaux et des organisations influentes à travers le monde en commençant par Rome. Il a présenté le film devant le Congrès Américain sur invitation du Sénateur John Kill. Quand il a voulu le projeter en Grande Bretagne, il y a été interdit d’entrée, comme il a été interdit d’entrée au Danemark. Monsieur Fildz est le produit des idées de Huntington, il est fasciné par les idées de Tatcher et de Reagan ; il est, par conséquent, l’un des adeptes du libéralisme sauvage. Il est également connu pour ses idées hostiles à l’Islam, aux musulmans et aux arabes immigrés. Dans l’expression de ses positions, il utilise des mots bien choisis pour ne pas tomber sous la coupe de la loi. A titre d’exemple, il utilise cette expression équivoque : « je ne déteste pas les musulmans, je déteste l’islam ». Il est conscient de l’ambiguité juridique de ce propos. Il refuse ce qu’on appelle l’islam modéré, invitant les musulmans vivant en Hollande à laisser de coté la moitié du Coran en le déchirant. Il a réclamé, en 2009, d’imposer une amende de 1000 euros pour le port du voile (Hijab).

Dans ses commentaires sur la minorité musulmane en Hollande, il affirme ce qui suit : « Là où tu circules dans la rue, tu vas te rendre compte que tu ne vis plus dans ta patrie ; pour cela nous devons nous défendre, sinon le nombre de mosquées va dépasser le nombre d’Eglises ». Il a affirmé, une autre fois, au parlement que « …l’islam est le cheval de Troie en Europe, si on n’arrête pas l’islamisation maintenant, l’Europe arabe et la Hollande arabe ne seront qu’une question de temps. Nous sommes en route pour la fin de la civilisation européenne. Il faut arrêter le hijab et le nikab, mettre fin au rite consistant à égorger les sacrifices, aux crimes d’honneur, aux appels des muezzins, à la restauration de la virginité, aux examens de la chariaa, aux finances islamiques et aux épiceries de la viande halal(1).

Il existe donc une inquiétude dans les milieux européens, aiguisée par des appels de personnalités influentes dans les sociétés où existent des minorités musulmanes. Nous pouvons en citer, à titre d’exemples, les politiciens hollandais appartenant aux partis extrêmistes de droite, tels que Pim Fortuny qui dirigeait sont parti avant son assassinat et Kheir Fildz patron du Parti de droite.

Face à cette campagne contre les minorités musulmans depuis les évenements du 11 septembre 2001 et même avant, il y a eu des réactions violentes de la part des musulmans. Parmi ces réactions on peut citer : les attentats du métro de Madrid, du métro de Londres, de l’aéroport de Glasgow, et d’autres. Ces évènements ont poussé les gouvernements à s’intéresser davantage à leurs affaires intérieures et à s’interroger sur leurs relations avec les populations appartenant aux minorités musulmanes. C’est ainsi que ces gouvernements ont pris des mesures visant les musulmans, en tant que minorité religieuse, afin de les intégrer dans l’ingénierie de l’Etat moderne(2). Parmi ces mesures, le Danemark a exigé des immigrés de signer, à leur entrée, une déclaration en vertu de laquelle ils s’engagent à respecter les libertés individuelles, l’égalité entre les sexes, l’interdiction du port du voile (hijab) et du nikab(3)….etc. Le même phénomène s’est produit en France, entre 1989 et 199O, avec la loi Guissot(4), ainsi qu’en 2004, avec la loi généralisant à tout le monde l’interdiction des signes religieux dans l’école publique. Les autres

(1) Hila Hemed El Mekimi, les minorités musulmanes en Hollande et les problèmes d’intégration : politique internationale.(2) pour plus de détails, cf. EUMC : les musulman au sein de l’union Européen in Discrimination et Islamophobie Autriche : 2006(3) Eléni Poliminopoulou : la liberté de l’art face à la protection des croyances religieuses thèse de doctorat, université de

Gronoble 2011.(4) Beignier.B. : La langue perfide délivre – moi, Réflexions sur la loi Gayssots, in pouvoir et liberté étude offertes à J. Morgeon,

Bruxelles Bruyant, 1998, p 497 à 533.

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pays comme la Grande Bretagne, la Suède, la Belgique et la Hollande ont laissé aux écoles la liberté d’appliquer les politiques vestimentaires qu’elles jugent nécessaires, de leurs points de vue, pour assurer un enseignement de qualité.

Mais, est-il possible d’assurer l’intégration de la minorité musulmane dans la société européenne par la contrainte, en méconnaissant ses particularités religieuses et culturelles.

Deuxièment : Pour une véritable intégration qui respecte les particularités

Il est impossible d’intégrer les minorités musulmanes en Europe sans respecter leurs particularités religieuses, culturelles et morales, et sans préserver les composantes de leur identité. Pour cette raison, des pays ont commencé à encourager les conseils représentatifs et les organisations qu’ils créent à jouer un rôle facilitateur dans l’intégration des minorités musulmanes.

Ces conseils existent en Autriche, en Belgique, en Grande Bretagne, en Italie et en Suède, etc. Ils jouent un rôle fondamental dans l’aide à la résolution des problèmes relatifs aux pratiques religieuses, comme le statut des imams, les espaces dédiés à la prière, les lieux de bienfaisance, les mosquées, l’alimentation Halal ; ces missions qui ressemblent, au moins du point de vue de la hiérarchie, à la structure de l’Eglise. Mais, la partie la plus importante des missions de ces conseils est de barrer le chemin aux extrémistes islamistes qui peuvent monopoliser cet espace. Cependant, ces conseils sont souvent taxés de jouer un rôle de renseignements au service de l’état, comme ce fut le cas du conseil en Allemagne.

Troisièment : La ‘’domiciliation’’ de l’islam dans les pays occidentaux

L’intégration des minorités musulmanes en Occident exige d’appuyer, matériellement et moralement, les organisations représentatives afin de promouvoir et d’encourager un islam ouvert, capable d’endiguer l’influence des groupes islamistes extrémistes et de combattre les interventions des gouvernements étrangers par la promotion d’un islam modéré qui s’adapte aux lois et règlements relatifs aux droits des minorités musulmanes dans divers domaines. Il faut aussi former localement les imams, au lieu de les importer des pays d’origine des minorités, car cela évite de transformer les mosquées en « mini-états » dans l’Etat ; ce qui constitue un obstacle à l’intégration.

Les imams importés des pays d’origine ne peuvent pas conseiller les jeunes musulmans de manière utile, car ils ne possèdent pas une connaissance approfondie, ni l’environnement des adeptes qu’ils sont sensés orienter, ni la langue du pays dans laquelle ils sont appelés à communiquer. Etant donné que la mission des imams est la persuasion et le conseil, ceux-ci ne peuvent s’acquitter de cette mission de manière convenable s’ils ne possèdent pas une vaste culture du pays d’accueil, et une connaissance réelle de l’environnement occidental que seul les fils du pays peuvent maitriser. Or, le rôle de l’imam est déterminant dans l’intégration de la deuxième et de la troisième génération.

En effet, sa fonction ne se limite pas à diriger les prières, mais il joue également le rôle de conseiller dans les affaires du mariage et de l’héritage, ainsi que dans d’autres domaines relevant de la vie de la communauté. Une étude(1) réalisée par l’Institut Américain des Etudes Allemandes Contemporaines indique qu’un grand pourcentage de jeunes appartenant à la deuxième et à la troisième génération d’immigrés recourent aux groupes extrémistes afin d’avoir des informations religieuses, ou s’orientent vers les sites électroniques. La conscience

(1) EUMC : les musulmans au sein de l’union Européenne : discrimination et Islamophobie Autriche-2006.

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des pays occidentaux du danger de ce recours a poussé ces pays à aider à la formation des imams et à appuyer la formation universitaire dans le domaine des études islamiques.

A coté des problèmes de formation des imams, se pose le problème des lieux destinés à la prière qui, dans la plupart des cas en Occident, ne respectent pas les caractéristiques qui sont celles des mosquées. Il s’agit plutôt des mosquées secrètes constituant des niches pour les groupes extrêmistes des pays islamiques. Ces espaces destinés au culte sont, souvent, pléthoriques et non appropriés pour la prière. Ils développent un sentiment de marginalisation chez les musulmans, notamment quand on les compare aux Eglises somptueuses, tant dans les pays d’origine qu’en Occident.

Certains pays occidentaux ont commencé, ces derniers temps, à s’intéresser à la construction de mosquées et à accorder des subventions financières à cette fin. Pour éviter de violer leurs lois laiques, ces pays offrent ces appuis sous forme d’aide à la réalisation de parking pour les véhicules des croyants ou d’appui aux centres culturels, au lieu de déclarer que c’est pour la construction de mosquées.

L’encouragement d’un islam national dans les pays occidentaux est une question primordiale comme prélude véritable à une intégration des minorités musulmanes dans ces pays. Cette approche va renforcer l’intégration de l’immigré de la deuxième et troisième génération et lui faire sentir qu’il est à la fois musulman et français ou Allemand, etc.

Mais, cela peut-il se faire avec l’interdiction de la construction des mosquées et des minarets, la non jouissance des congés pour les fêtes religieuses, le fait de ne pas consacrer un temps et un espace pour la prière dans les lieux de travail et le refus d’autoriser les musulmans à s’acquitter de la prière du vendredi ; cela, en plus du non-respect des religions et de la xénophobie ? Ce sont là des obstacles majeurs auxquelles on oppose des idées extrêmes de l’autre bord : la « Guerre sainte (Jihad) contre les mécréants » et « l’établissement d’émirats islamiques dans les pays de la mécréance (Kufr) ».

Ainsi, et dans le même contexte, se pose, au niveau juridique, la question de savoir s’il y a une possibilité offerte pour les minorités musulmanes et les états islamiques de poursuivre en justice les états occidentaux qui, quand il s’agit d’offense à la religion islamique à travers les médias occidentaux, se défendent en invoquant la liberté d’opinion et d’expression. Peuvent–ils intenter des actions devant les juridictions compétentes quand il s’agit des violations des normes du droit international, notamment quand on prive les minorités musulmanes de la pratique de leurs rites religieux ?

Quatrièment : la violation des droits religieux des minorités musulmanes dans les pays occidentaux est une violation des règles du droit international

En dépit de toutes les normes internationales contenues dans les pactes, les déclarations et les résolutions émanant des organismes internationaux, l’offense des minorités musulmanes et la violation de leurs droits, tant à travers les médias que dans la rue, relève de la responsabilité de l’état où ces actes ont été commis . Par conséquent, il ne peut s’en défaire en évoquant la liberté d’opinion et d’expression(1), ou en prétextant que cette liberté est garantie en vertu de sa constitution. L’objectif visé à travers l’exposition de cette problématique est de refuter la « non responsabilité » de ces états en ce qui concerne les films, les reportages, les émissions, les débats televisuels et la publication dans la presse écrite et électronique de produits contenant des idées racistes contre les minorités musulmanes et arabes dans les pays européens.

(1) Amelie Robitaille – Froidure : « la liberté d’expression, face au racisme, Etude de droit comparé, franco- Américain L’harmatan. 2011.

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La responsabilité de ces états est engagée et ils ne peuvent pas s’en débarrasser sous quelque raison que ce soit. C’est pourquoi il est du devoir de ces états d’interdire la circulation de ces idées et de sanctionner leurs auteurs qui appellent à la haine, au racisme et incitent à la violation des droits d’autrui et à la discrimination raciale, ethnique ou sur la base de couleur(1). C’est ce qu’exigent tous les pactes et lois internationaux qui stipulent que tous les états sont responsables de toute publication violant les droits des minorités musulmanes ou arabes immigrées, ou offensant la religion islamique et ses symboles. Il a lieu de rappeler à cet égard que :

1) La Charte des Nations Unies affirme dans son article 2 que l’un des objectifs des nations unies est ‘’…la protection des droits et des libertés de toutes les personnes sans distinction de race, de langue ou de religion’’.

2) La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, qui constitue la base juridique des déclarations et des résolutions afférentes, condamne la discrimination raciale sous toutes ses formes, la propagande ainsi que les organisations fondées sur les idées et les théories pronant la supériorité d’une race ou d’un groupe. Son article 5 affirme « le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion »(2).

Ce qui se passe aujourd’hui, tant en Hollande, en Belgique, en Allemagne, en France, au Danemark qu’aux Etats Unis, est un racisme contre la minorité musulmane prenant comme alibi la liberté d’opinion, d’expression et la liberté d’information.

Cinquièment : Autres documents en rapport avec le sujet

En plus des documents internationaux précités, les Nations Unies et ses différents organismes ont adopté un certain nombre de documents affirmant le droit et la liberté des personnes dans le domaine de la religion et de la conscience, en insistant sur la non-discrimination. Ces documents invitent les peuples et les états à adopter une politique de tolérance qui exige le rejet de l’offense contre les religions et interdit la violation des sacralités religieuses. Parmi les documents les plus importants dans le domaine, nous povons citer la déclaration de 1981 adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de fanatisme religieux. Le préambule de cette déclaration affirme que la discrimination entre les hommes, fondée sur la religion ou la conviction, constitue une offense à la dignité humaine et une négation des principes de la Charte des Nations Unies.

Le paragraphe 7 du préambule affirme, également, la nécessité pour les états de prendre les décisions qu’il faut pour affronter le fanatisme et la violence qui en découle, y compris la profanation des sites religieux. L’article 5 de cette déclaration, quant à lui, insiste sur la nécessité de prendre toutes les dispositions pour lutter contre la haine et le fanatisme et encourager la compréhension mutuelle, la tolérance et le respect des questions liées à la liberté de la religion et de la conviction.

Afin de couronner les principes qui existent au niveau des chartes et pactes précédemment cités, le système des Ntions Unies a promulgué des documents essentiels et importants,

(1) Massias. F : la liberté d’expression et le discours Raciste ou révisionniste ; R.T.D.H 1993 n° 13 P : 183 à 210.(2) Flauss Jean François : la protection internationale de la liberté religieuse. Bruxelles Bruyant 2002.

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qui rentrent dans le cadre de ce que l’on peut appeler le ‘’soft-law, concernant la question du respect des religions et de conviction des minorités. Nous en citons, à titre d’exemples, la résolution que la Commission des Droits de l’Homme a adoptée le 12 avril 2005, portant sur la lutte contre l’offense des religions et leur mépris(1). Cette résolution a été adoptée sur proposition du Pakistan représentant l’Organisation de la Conférence islamique (OCI).

Sixièment : la possibilité de qualification juridique de phénomènes d’offense aux minorités musulmanes devant la justice

Les campagnes contre les minorités musulmanes en Occident se sont développées, nourries intellectuellement par les théories de Fukuyama et Huntington et politiquement par les orientations inspirées du reaganisme et du tatcherisme. Ces idées se sont renforcées au début du troisième millénaire. La nouvelle droite conservatrice les a instrumentalisées. Dans ce climat, une forte campagne s’est développée contre la minorité musulmane et contre l’islam en Occident, et une régression des valeurs et du respect des droits religieux de l’homme a été constatée dans des pays qui, pourtant, étaient pionniers dans ce domaine.

Cela ne constitue-t-il pas l’une des causes du développement de l’extrémisme au sein des minorités musulmanes qui trouvent que les lois adoptées sous l’influence des partis extrémistes de droite et leurs alliés sont injustes et incitent à l’hostilité, à la haine et à la discrimination contre la minorité musulmane(2) ?

Les lois sur l’intediction du voile et la proposition d’une amende pour motif de son port, le référendum constitutionnel sur la construction des mosquées et minarets, l’interdiction d’égorger les sacrifices, ne sont-ils pas autant de lois et de mesures qui incitent à la discorde ? Ces comportements à caractère politique, appuyés par des règles juridiques, ne donnent-ils pas, à certains rancuniers et malades des deux parties, le droit de commettre des crimes odieux pour réprimer l’islam et la minorité musulmane, d’une part, et pour protéger l’islam et les musulmans sur les terres de la mécréance « dar el kufr », d’autre part ? L’assassinat de Tyofan Jokh par un extremiste fanatique marocain et celui de Marwa Cherbini à cause de son port du voile par un fanatique allemand ne sont-ils pas des illustrations de cet état de chose ? Ces évenements vont se repéter, tant que les questions d’intégration de la minorité musulmanes ne sont pas traitées, non seulement à travers des lois discriminatoires comme celle sur le hijab ou celles qui peuvent être adoptées ultérieurement pour interdire la prière, le jeûne du ramadan ou le port du coran et sa lecture.

Toutes ces lois, quelle qu’en soit la source, sont contraires à deux libertés : la liberté individuelle et la liberté religieuse. Ces deux libertés font partie des libertés et des droits garantis par toutes les chartes, toutes les lois, toutes les coutumes et toutes les religions. Elles ont été consacrées par les chartes internationales et les constitutions nationales.

1) Les affaires de l’offense contre l’islam et les minorités musulmanes devant la justice

Parmi les choix qu’on peut exploiter quand on se sent victime d’une discrimination raciale ou religieuse ou en cas d’offense contre l’islam et les musulmans, figure le recours à la justice. Il s’agit d’ailleurs d’une démarche appréciée dans les pays occidentaux où de tels actes sont assez présents.

(1) Amnesty International : le crime d’offense des religions, in les chartes internationales, sans date ainsi que : Elenni Polymenopoulou : Liberté de l’art face et la protection des croyances religieuses, op cit.

(2) Viser – juste : « leçons de la crise caricature » Rapport annuel de l’Euromesco, N° 5, Mai 2007.-Voir aussi : Patrice Meyer-Bisch Jean Bernard Marie: La liberté de conscience dans le champ de la religion document de travail de L’IIEDH, n°4.

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Il est connu qu’un certain nombre d’affaires ont été portées devant la justice dans ces pays, affaires qui concernent la pratique de la discrimination raciale ou religieuse contre les minorités musulmanes en Europe commises, par la droite et les néo-nazis. En voici des exemples :

- En 2008, une organisation dénommée « la Hollande montre ses couleurs » a intenté une action contre Filderz en vertu de la loi relative à la lutte contre le discours de la haine. Cependant, elle n’a pas réussi à obtenir sa condamnation surtout que la déclaration émise par le procureur général a estimé que les offenses de constituent une partie du débat public autour de l’islam dans la société hollandaise « …les expressions de Filderz sont blessantes et agressives, mais ne peuvent pas être objet de sanction, car la liberté d’expression joue un rôle fondamental dans le débat public dans une société démocratique ». Ce qui veut dire que les déclarations blasphématoires peuvent être une partie du débat politique.

- En janvier 2009, trois magistrats ont tenté de demander au ministère public de juger Filderz en l’accusant d’incitation à la haine et à la discrimination. Mais, il est apparu, même avant de trancher, que le procès va être perdu. En effet, le magistrat Borma Yabou, professeur de droit et magistrat à la Cour d’Amsterdam, a affirmé que le scénario de 2008 risque fort de se répéter et que Mr Filderz serait acquitté, car il veille, dans ses discours, à ne pas attaquer la minorité musulmane ou les musulmans, mais il concentre plutôt ses critiques sur l’islam, ce qui n’est pas contraire aux lois hollandaises(1).

2) Les procédures d’intenter des actions afin de respecter les droits des minorités et interdire la discrimination

Les documents internationaux de droits de l’homme contiennent beaucoup de dispositions particulières permettant aux pays musulmans et arabes de recourir à la justice internationale pour réprimer les offenseurs de l’islam et de la minorité musulmane, notamment dans les pays occidentaux. Ces dispositions constituent, en elles-mêmes, une réponse aux tenants au caractère absolu de la liberté d’opinion et d’expression. Si cette liberté est contenue dans les lois et constitutions de ces pays, comme c’est le cas dans tous les pays de la planète, il est nécessaire, voire même obligatoire, que ces lois soient conformes aux engagements internationaux de ces pays, comme les chartes des droits de l’homme auxquelles ils ont souscrit. Sinon, ces lois seraient illégales et contraires à la notion de l’ordre mondial, car le respect et la protection des droits des autres, tant religieux qu’ethniques, font partie des obligations de cet ordre.

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, a détaillé ces procédures, défini les instances compétentes et organisé le circuit des plaintes dans ses articles de 8 à 16. Son article 22 stipule que dans le cas de désaccord entre deux états parties ou plus, relatif à l’interprétation ou à l’application des dispositions de la convention, le conflit peut être soumis à la Cour Internationale de Justice. Bien plus, chaque partie peut, conformément aux dispositions de l’article 36 du statut de la Cour Internationale de Justice, recourir directement à la cour pour trancher les conflits juridiques relatifs à l’interprétation de toute convention ou toute autre question du droit international.

C’est ainsi que le cadre juridique, organisant l’intégration des minorités musulmanes et leur protection, permet de recourir à la justice internationale dans le cas où une forme de discrimination religieuse ou raciale est commise, quel qu’en soit le motif. Cette possibilité est, malheureusement, non exploitée par les pays islamiques, pour protéger les minorités appartenant à ces pays en Occident, dont les droits sont violés sous prétexte de la liberté

(1) Bouhbid Lazhar : Les minorités musulmanes en Occident : le problème des libertés individuelle et religieuse.

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d’opinion et d’expression. C’est l’instrumentalisation de cette liberté qui a permis les excès contre l’islam et son prophète Mohamed (PSL) ainsi que contre tous les musulmans, notamment les minorités vivant en Occident.

Le conflit entre la protection de la religion et le principe de la liberté d’expression et la manière de les faire cohabiter constituent l’une des questions les plus délicates, surtout que la religion occupe de plus en plus une grande place en raison de son retour comme élément influent dans les relations internationales.

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Chapitre 3

Les discours racistes entre la liberté religieuse et la liberté d’expression : vers une loi interdisant

l’offense aux religions

On est souvent choqué par la violence des discours racistes publiés par sur différents supports des medias. Ces discours tentent de déformer l’image des religions et de les offenser. Quand il y a protestation contre ces pratiques à caractère raciste, à travers les canaux politiques disponibles ou à travers la justice, la réponse est toujours qu’il s’agit d’une affaire qui rentre dans le domaine de la liberté d’expression et ne concerne nullement la discrimination raciale.

Beaucoup de cas ont été exposés devant la justice, tant en Europe Occidentale qu’aux Etats Unis d’Amérique, mais les décisions affirmaient toujours qu’il ne s’agit pas des discours racistes et que ces discours entrent dans le cadre de la liberté d’expression et d’opinion garantie par le droit international et les lois internes de ces pays, à commencer par les constitutions et les lois relatives aux droits de l’information. Ainsi donc, ces pays affirment qu’il n’est pas interdit d’offenser la religion et qu’aucune disposition dans leurs législations pénales, n’incrimine de tels actes. En insistant sur cet aspect, ces pays arguent que les discours incriminés sont ceux contenant des appels à la haine et au racisme qui menacent l’ordre public(1) ou ceux proférés à l’endroit d’une personne en particulier. Quand il s’agit d’offense, de mépris ou de déformation de l’image de la religion islamique ou toute autre religion révélée, l’affaire est classée comme couverte par la liberté d’opinion et d’expression.

La section I : Comparaison entre l’expression raciste et l’offense à l’islam en Occident

Premièrement : l’expression chargée de haine, d’hostilité et de discours racistes

Les discours racistes, tant ceux orientés contre la religion islamique, les musulmans en général ou les arabes en particulier que ceux orientés contre les autres religions, sont interdits du point de vue des règles du droit international, car ils rentrent dans le cadre de la notion « d’expression appelant à la haine et à l’hostilité ». Comme, il n’existe pas de définition consensuelle de cette notion, ni en Europe, ni aux Etats Unis d’Amérique(2) où les actions d’offense à l’islam à travers les médias se succèdent, l’organisation Human Riths Watch a tenté de donner une définition globale et générale à cette notion, en y intégrant toutes les formes d’expression et de discours chargés de diffamation et d’insulte à l’égard des groupes religieux ou ethniques ou à l’égard de groupes similaires.

Il est connu que les discours à connotation raciste ou haineuse sont adressés, souvent, à des minorités isolées, ce qui s’applique à la minorité musulmane en Europe ou en Occident de manière générale. Le recours à de tels discours est, souvent, justifié par la liberté d’opinion et d’expression afin de les faire passer et d’en protéger les auteurs. Ainsi donc, il apparait que l’expression raciste est quasiment protégée, sauf si elle constitue une menace, comme c’est le cas aux Etats Unis d’Amérique, par exemple. Quant aux Etats Européens, ils essayent de limiter les discours racistes, mais sans résultats. En consultant les lois pénales des différents Etats Européens, de la grande Bretagne à la France, et de l’Allemagne à la Suède, nous trouvons

(1) Schrameck.O : « Droit public et lutte contre le racisme », L. P .A 1996, n° 126 p : 4 et 5. (2) Batsele.D, Hanotian.O : « La lutte contre le racisme et la xénophobie » Bruxelles Bruyant, 1992.

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que, dans l’ensemble de ces lois, nous pouvons distinguer celles qui affirment la protection de l’ordre public et celles qui protègent la dignité humaine(1).

Les discours racistes qui ciblent un groupe ou une minorité peuvent être considérés comme une menace à l’ordre public et, par conséquent, leur danger est, au moins, équivalent à celui de l’insulte ou de la diffamation d’une personne donnée. En dépit de tout cela, ces lois ne protègent pas souvent les droits des minorités elles-mêmes. D’ailleurs, selon Sondra Colivie, ces lois ne sont pas appliquées de manière efficace. En effet, il ne suffit pas d’avoir des textes juridiques interdisant les discours racistes et l’appel à l’hostilité et à la haine, comme ceux dirigés contre l’islam et les musulmans dans les différents pays occidentaux, encore faut-il que ces textes soient appliqués.

Un exemple de non application de ces lois existe en Irlande, où une loi est adoptée depuis 1992 et, jusqu’à aujourd’hui, une seule poursuite concernant l’incitation à la haine et au racisme religieux a eu lieu. Des lois du même type existent en Allemagne, au Danemark, en Hollande et en Belgique. Ces lois sont assez proches ou même semblables et englobent des sanctions civiles et pénales. Toutes affirment la protection de la dignité humaine et certaines insistent sur la protection de l’ordre public(2), à coté de la dignité humaine. En France, au Danemark, en Allemagne et en Belgique, les discours racistes, fondés sur la haine, sont interdits, même sans qu’il y ait une intention d’incitation à la haine et même s’ils ne perturbent pas l’ordre public.

Mais, et là se trouve le nœud du problème, pourquoi fermer les yeux sur les discours racistes, incitant à la haine, dénigrant et insultant l’islam et les musulmans ? Cette attitude n’est–elle pas contradictoire avec le contenu des lois de ces pays ? N’est–elle pas contradictoire avec les règles du droit international adoptées par ces pays ?

En se référant aux règles du droit international, il est clair que l’appel au racisme et l’incitation à la haine sont des choses interdites, comme l’affirment les différents documents juridiques internationaux, à caractère contraignant ou non, tant régionaux qu’internationaux. Nous trouvons cela détaillé dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965(3) (article 4), dans la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que dans d’autres déclarations, conventions et résolutions internationales.

L’approche appelant à la nécessité d’interdire la sanction de toutes les formes d’appels au racisme se recoupe avec les écrits des penseurs américains adeptes de « la théorie critique de l’ethnie », théorie fondée sur les idées des écrivains de gauche qui refusent l’influence du pouvoir ethnique et raciste sur la culture juridique américaine et qui visent la réalisation de deux objectifs essentiels qui sont :

- La destruction des liens qui existent, jusqu’à maintenant, entre la loi et le pouvoir raciste dans la société américaine ;

- Savoir comment, un régime fondé sur la supériorité des blancs et réprimant les personnes d’autres couleurs, peut continuer en Amérique.

Les écrits de ces théoriciens ont eu un certain impact, même s’il est encore limité, sur l’établissement d’un équilibre entre la non-discrimination et la liberté d’expression. Ils appellent à mettre des limites à la liberté d’expression quand elle provoque le racisme, la haine et, par conséquent, ils s’opposent à la théorie qui prône la liberté totale de la circulation des idées.

(1) Foulon Piganiol. J : Nouvelle réflexion sur la diffamation 1970- Chron : pp 163-166. (2) Korman.C : « Délit de presse raciste et délit de propagande » L.P, 1993, n° 103 pp 90-97. (3) De Goutté R : le rôle du comité des nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale. RTDH 2001 n° 46 PP : 567-584.

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Les adeptes de la théorie critique du racisme pensent que si les gens sont libres d’échanger les idées, cette liberté doit être soumise à des limites quand il s’agit de discours ou d’expressions racistes. Sinon, il n’y a aucun sens à cet échange, car cette liberté sera synonyme d’anarchie. Cela s’applique au racisme religieux comme au racisme ethnique, y compris ce que subissent l’islam et les musulmans en Amérique et en Occident en général : offense, dénigrement, mépris justifiés par la liberté d’expression, considérée comme liberté sacrée. Ce qui nous oblige à poser la question suivante : l’offense à l’islam et aux musulmans n’est-elle pas un appel au racisme religieux ?

A vrai dire, on ne peut prendre comme prétexte la liberté d’expression, qui est, elle-même, limitée en vertu des règles du droit international, pour appeler au racisme, à l’hostilité et la haine.

Partant de ce qui précède, il faut insister sur le fait que la violation des règles du droit international par les médias occidentaux est très claire et manifeste à ce niveau ; ce qui nécessite la mise en place d’une loi rigoureuse en Amérique et dans les autres pays occidentaux interdisant et criminalisant les discours et appels racistes, car les résultats de la circulation des idées racistes extrémistes sont contraires à ce que prônent les idées démocratiques dans une société démocratique. On peut constater que certains rapports sur le sujet du racisme vont dans le même sens et appellent à fixer des limites à la liberté d’expression afin d’interdire les discours racistes. A titre d’exemple, c’est la proposition faite par le rapport de Loreta Ross qui a établi un lien entre les discours racistes et les crimes racistes. Elle y adopte la théorie(1) de la «pente glissante », largement appliquée aux Etats Unis d’Amérique. Il est connu que cette théorie peut être modérée par celle du « danger clair et imminent ». Ces deux théories ont été appliquées par la jurisprudence américaine.

Deuxièment : l’applicabilité de la notion du « danger clair et imminent » sur les discours racistes à l’égard de l’islam et des musulmans

La notion du « danger clair et imminent » est une création de la jurisprudence américaine qui a été développée par la suite avec beaucoup de patience et de précautions par les deux magistrats Holmes et Brandeis. Elle insiste sur la possibilité de fixer des limites à la liberté d’expression quand elle provoque un « danger clair et imminent ». Les deux magistrats ont précisé que les Etats Unis doivent œuvrer pour sanctionner les discours qui visent à produire « un danger clair et imminent » et qui peuvent causer, de manière rapide, des souffrances non prévues pour leurs victimes(2). D’autres jurisprudences concernant la notion du « danger clair et imminent » ont essayé de fixer des limites à la liberté d’expression s’il existe des raisons pertinentes et réelles ou des craintes que la liberté d’expression, telle qu’énoncée dans le premier amendement constitutionnel américain de 1791, peut causer des dégats réels. Cependant, il faut que ces raisons soient claires, que le danger à éviter soit imminent et qu’il y ait appel à la violence.

On peut s’interroger ici les offenses et les attaques auxquelles s’exposent l’islam et les musulmans aux Etats Unis d’Amérique, afin de voir si la notion de « danger clair et imminent » s’y applique ou non. Le film « Innocence des musulmans » n’a-t-il pas provoqué des évènements dangereux dont notamment l’assassinat de l’Ambassadeur Américain en Libye ? Ne faut-il pas fixer des limites à la liberté d’expression afin d’éviter de tels évènements ? Cet évènement ne comporte-t-il pas un « danger clair et imminent » ?

(1) La théorie de la « pente glissante » critique sevèrement les exceptions qui concernent la limitation de la liberté d’expression, elle appelle à laisser cette liberté sans limites et quelque soient les conditions.

(2) Batsele.D, Hanotian.O : « La lutte contre le racisme et la xénophobie » Bruxelles Bruyant, 1992.

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La jurisprudence américaine a défini les discours et expressions de nature à inciter à la violence Les offenses publiées dans la presse des Etats Unis à l’égard de l’islam et des musulmans, notamment après les évènements de septembre 2001, s’inscrivent bien dans ce cadre. Il faut rappeler que deux types de discours sont en rapport avec la provocation du racisme religieux. Ces deux discours ont vu le jour au début du troisième millénaire, tant en Europe qu’aux Etats Unis : le premier vise, intentionnellement ou par méconnaissance, à inciter ceux auxquels il s’adresse à commettre des actes violents. Le deuxième vise à offenser les minorités religieuses ou ethniques en incitant à des réactions dont les dangers sont incalculables, à travers l’usage de la violence contre une personne ou un groupe religieux ou ethnique. Cela s’applique également à la provocation de sentiments de colère chez les minorités musulmanes quand les médias occidentaux offensent la religion musulmane et ses symboles.

Il faut insister sur le fait que l’interdiction des discours racistes contre les musulmans et les arabes afin de provoquer une réaction violente de leur part n’a jamais été soumise à la justice américaine, bien que des indicateurs multiples prouvent que si l’affaire était exposée devant la Cour Suprême Américaine, elle aurait sans doute émis un jugement conforme à l’amendement constitutionnel américain relatif à la liberté d’expression.

A quel degré se confond l’interdiction des discours racistes contre une minorité religieuse ou ethnique en vue de susciter des réactions violentes de sa part avec l’incitation à la haine, à travers les médias, contre les musulmans et les arabes en tant que minorités dans les pays occidentaux ? Durant l’année 2003, il a été demandé à la Cour Suprême Américaine de se prononcer sur la question du discours raciste adressé contre une minorité religieuse et ethnique en vue de provoquer sa réaction violente sur un évènement tel que le fait de « bruler la croix ». La Cour a considéré que la loi qui sanctionne « l’acte de bruler la croix », en tant symbole religieux, n’est pas conforme au premier amendement de la constitution. Par la suite, la Cour Suprême a critiqué l’Etat de virginie car il n’a pas fait la distinction entre le fait de bruler la croix, acte destiné à provoquer la colère des gens, d’une part, et la menace, l’humiliation et l’exercice de la terreur contre la victime, d’autre part.

On peut en déduire que, si le fait de bruler la croix peut entrainer une réaction violente de la part de la personne à qui s’adressait cet acte, la Cour estime que l’affaire est conforme au premier amendement de la constitution. Monsieur Haaroche G. précise que le magistrat américain préfère que le lien entre le discours, l’acte et la réaction soit immédiat. Dans cas, si l’interdiction du discours qui peut provoquer une réaction violente de la part de la minorité ethnique à qui le discours est adressé est conforme à l’amendement constitutionnel, on peut en déduire que l’incitation à la haine et à l’hostilité religieuse est, elle aussi, contraire à la constitution. Cette approche a influencé l’évolution de la liberté d’expression en Europe, conformément à la conception américaine sur le compromis entre la liberté d’expression et le droit de protection contre le racisme sous toutes ses formes, religieuses ou ethniques, etc(1).

Troisièment : les limites à la liberté d’opinion pour le respect des religions est une norme impérative des règles du droit international dans le domaine des droits de l’homme

Le climat politique international que nous avons exposé dans le premier chapitre de cette étude a été accompagné par les règles du droit international dans le domaine des droits de l’homme et du droit de l’information. Ces règles et normes démontrent et affirment la nécessité de fixer des limites aux moyens de communication et aux médias pour ne pas dépasser les

(1) Amélie Robitaille. Froidure : Liberté d’expression face au racisme. Etude de droit comparé franco- Américain P : 73-80. L’Harmathan - 2011.

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frontières imposées à la liberté d’opinion et d’expression telle qu’elle a été définie, en premier lieu, dans les règles du droit interne, puis dans les règles des conventions internationales.

Il est à noter que l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et l’Union Européenne (UE) ont constaté l’importance du dispositif conventionnel des droits de l’homme dans la limitation de la liberté d’opinion et d’expression quand elle continue à violer la vie privée des individus, à porter atteinte à la sécurité des états, à perturber l’ordre public dans ses différentes composantes sociale et économique ou quand elle incite à la haine, encourage le racisme et la xénophobie.

On trouve que toutes ces questions se répètent dans une série de rapports internationaux traitant des références juridiques internationales en lien avec la liberté de l’information et la liberté d’opinion et d’expression. Ces rapports insistent de manière consensuelle sur l’importance et le rôle de l’information dans la lutte contre le discours appelant à l’hostilité, à la haine et à la discrimination religieuse et ethnique sous toutes ses formes.

Pour détailler ces aspects, nous sommes contraints de chercher ses limites dans les dispositions normatives des documents de la légalité internationale en matière de droits de l’homme ou à travers certaines déclarations internationales, notamment la déclaration de 1981, et certaines résolutions, par exemple, la résolution interdisant l’offense aux religions adoptée en 2011 par l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Il est tout aussi impératif de poser l’idée d’une convention internationale à cette fin ou d’un protocole international annexe à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination.

Ces limites, que nous trouvons dans les différentes lois intérieures relatives à l’information et qui illustrent les règles du droit international, sont devenues des règles obligatoires. Il est connu que l’appel à la haine religieuse lié à la diffamation, l’insulte et l’offense de l’islam et des musulmans, à travers les médias, s’inscrit bien dans ce cadre ; il touche en profondeur la liberté religieuse et s’oppose à la non-discrimination religieuse et à la non-hostilité envers autrui.

Si, depuis un moment, on enregistre des offenses contre l’islam, perpétrées par certains auteurs occidentaux et même par certains musulmans, comme Salman Rushdie, la Bengalaise Teslima Nesrin et la Somalienne Iyan Hirchy Ali et d’autres, à travers des films et des romans ainsi qu’à travers différentes autres créations artistiques et culturelles, il n’en demeure pas moins que les messages qui envahissent, aujourd’hui, les médias occidentaux - presse écrite, audiovisuelle et électronique – demeurent les plus virulents et les plus offensifs à l’égard de l’islam,(1). Ces médias s’enfoncent dans l’offense à l’islam, aux musulmans et aux arabes, sous prétexte de la liberté d’expression garantie juridiquement, alors que les règles du droit international et la jurisprudence internationale crédible dans la plupart des tribunaux internationaux traitant des questions en lien avec la liberté d’expression, la protection des droits religieux des personnes appartenant à minorités religieuses ou à l’offense contre les religions, démentent cette prétention et estiment qu’elle est en contradiction totale avec le contenu des règles du droit international en matière des droits de l’homme et du droit de l’information.

Les limites à la liberté d’expression et de l’information sont édictées dans les documents internationaux relatifs aux droits de l’homme avec les mêmes termes. On dirait qu’il s’agit d’une répétition des mêmes termes contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces mêmes limites sont contenues dans les documents du droit régional relatif aux droits de l’homme. Ainsi donc, on ne peut se dérober de ces dispositions en évoquant

(1) Cherif Dirwich Leban : Interventions dans l’information alternative et la publication électronique sur Internet, Dar El Alem Arabi, le Caire 2010.

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des particularités ou des spécificités quelconques, car ce sont là des principes et des règles obligatoires du droit international relatif aux droits de l’homme. Par conséquent, il n’est ni permis, ni possible – il est même interdit et inconcevable - de s’opposer à ces règles.

Si, ces limites imposées à la liberté d’opinion et d’expression n’étaient pas effectivement des règles obligatoires, il aurait été possible pour ceux qui évoquent aujourd’hui la liberté d’opinion et d’expression pour justifier l’offense des religions et l’irrespect de leurs symboles, de faire des réserves lors de l’adoption des conventions et pactes contenant ces limites. C’est pourquoi, il n’est pas possible, aujourd’hui, de prétendre que la liberté d’opinion et d’expression est absolue ou qu’elle est contradictoire avec les lois intérieures de certains états, y compris la constitution. Cela est également valable pour les Etats Unis où l’on évoque souvent, comme argument justificatif, le premier amendement de la constitution consacré essentiellement à cette liberté, car un tel argument contredit le principe de la hiérarchie des lois.

Quatrièment : le compromis entre la liberté d’expression et les discours racistes en Europe

Pour le magistrat européen, la liberté d’expression, considérée comme la pierre angulaire dans l’édifice de la démocratie et des droits de l’homme, est protégée en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme. La corrélation entre la liberté d’expression et la démocratie, enracinée dans la pensée des pères fondateurs américains, a influencé la pensée politique européenne et les déclarations révolutionnaires émises suite aux révolutions bourgeoises en Europe, ainsi que toutes les constitutions européennes. Si tel est le cas, la juste européenne apparait, aujourd’hui et plus que jamais, influencée par la conception américaine de la liberté d’expression, particulièrement en ce qui concerne la question des limites à cette liberté, surtout quand il s’agit de discours ou d’expression racistes. La jurisprudence américaine est assez présente dans certaines décisions de la Cour Européenne. Cependant, cette adoption se fait à condition que la jurisprudence américaine soit suffisamment étayée et fondée de manière à aider à l’interprétation des clauses de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il y en a qui sont allés jusqu’à suggérer la reformulation de l’article 10 de la Convention européenne afin qu’elle soit à l’image de la constitution des Etats Unis, notamment son premier amendement. Si cela ne s’applique pas à tous les domaines relatifs à la liberté d’expression(1), il n’en est pas de même en ce qui concerne l’interdiction des discours racistes, où il y une certaine incohérence. La Cour Européenne donne la priorité à la liberté d’expression plus que la Cour Américaine. Le magistrat américain considère que le discours de nature à inciter à la violence ethnique ou religieuse peut être incriminé et interdit. Quant à la Cour Européenne, elle parait plus tolérante à l’égard de l’expression raciste. Mais malgré cela, nous ne sentons pas une évolution en ce qui concerne l’offense à l’islam et aux arabes, surtout après les évènements du 11 septembre, date à partir de laquelle les discours racistes ainsi que le dénigrement de l’islam et des musulmans se sont multipliés.

Pour comprendre l’attitude de la justice européenne par rapport à l’interdiction des discours racistes au niveau européen, il faut se rappeler comment il y a eu, pour la première fois, une tentative de faire un compromis entre la liberté d’expression et le droit à la protection contre le racisme dans l’affaire de Jersild. Il s’agit d’une condamnation d’un journaliste de la part de la justice Danoise parce qu’il a réalisé un reportage qui a été diffusé par la télévision sur un groupe nommé « les blousons verts ». La justice Danoise lui a reproché le fait d’avoir conservé, lors de la réalisation du reportage filmé, les discours les plus provoquants, sans aucun commentaire qui précise son désaccord avec au discours raciste. Le reportage a été diffusé sur la chaine

(1) Le Elerc.H : les principes de la liberté d’expression et la cour européenne des droits de l’homme », L.P : 1999.n° 167, PP : 271à 275.

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nationale à un moment de grande écoute, de telle sorte qu’une frange de l’opinion publique a trouvé un motif pour alimenter et encourager ces prétentions racistes.

Si le magistrat européen a considéré que le discours véhiculé par le reportage comporte des insultes et des diffamations à l’égard des groupes cibles qui ne bénéficient pas de la protection prévue par l’article 10 de la convention européenne(1), il a conclu que la sanction du journaliste en raison du fait qu’il a aidé à la publication et à la diffusion de propos d’une tierce partie dans une interview journalistique , constitue une entrave à la liberté de l’information, et limite le débat sur les questions d’intérêt général. Ce qui veut dire que le magistrat européen applique aux médias audiovisuels les principes qui s’appliquent à la presse écrite.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a suivi la voie de la Cour Suprême Américaine en ce qui concerne la liberté d’expression. Cette affaire a eu un grand retentissement et a suscité un large débat jurisprudentiel dans les milieux des juristes européens qui ont été très divisé à son sujet. C’est ainsi que la décision relative à l’affaire de Jelsid qui a été critiquée par nombre de juristes, qui ont estimé qu’il s’agit d’un jugement trop rigide et conservateur plus qu’il le faut en matière de la liberté d’expression.

Cinquièment : la Contradiction entre les positions de la justice occidentale vis-à-vis de l’Holocauste et de l’offense à l’islam

Il existe une autre problématique liée à la liberté d’expression et aux discours racistes, à savoir la négation de l’holocauste. Le magistrat européen refuse d’élargir la protection de la liberté d’expression pour englober les discours négationnistes de la shoah. Il considère que l’holocauste rentre dans le cadre des évènements historiques incontestables, alors que la Cour Européenne estime que « la recherche de la vérité historique fait partie intégrante de la liberté d’expression », mais insiste, à côté de cela, sur le fait que l’holocauste est un évènement qui s’est produit effectivement et s’élève au rang de crime de génocide à l’endroit des juifs en Europe (2).

Il apparait qu’il existe une harmonie entre l’attitude de la justice européenne et celle de son homologue américain sur la question de l’holocauste. Même si on ne recourt pas à la Cour Suprême Américaine pour trancher cette affaire, il y a de multiples indicateurs qui considèrent les discours négationnistes comme des discours contraires au premier amendement constitutionnel américain. Les Cours Américaine et Européenne sont d’accord, pour considérer que l’holocauste et le débat le concernant sont contraires à la liberté d’expression. Elles ont affirmé qu’il faut distinguer les évènements et les jugements de valeur : l’évènement est facile à prouver alors que le jugement de valeur touche la liberté d’expression et d’opinion(3) de la personne concernée.

Il est clair, d’après ce qui précède, que la Cour Européenne et la Cour Suprême Américaine considèrent que les propos racistes et les discours négationnistes de l’holocauste sont contraires à la liberté d’expression. Pour cela, elles ne doivent pas faire deux poids et deux mesures. Elles doivent considérer que l’offense à l’islam et aux musulmans, la déformation de l’image de l’islam et l’atteinte à ses symboles, à travers les médias, sont contraires, elles aussi, à la liberté d’expression et couvertes par l’article 10 de la convention européenne et par le premier amendement de la constitution américaine.

(1) La cour EDH : 23 septembre 1994, Jelsid contre le Danemark, requête n° 15890/89. (2) Haarscher G : le blasphémateur et le raciste RTDH 1995, n° 23. Page : 417 à 422. (3) Cohen Jonathan G : « Négationnisme et droit de l’homme », RTDH, 1997 n° 23.p :571.

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Sixièment : L’attitude des Etats Unis d’Amérique et de la France vis-à-vis de la lutte contre le racisme et son lien avec l’offense à l’islam

Il faut insister sur le fait qu’une série de conventions internationales interdisent les discours racistes, que la Cour Suprême Américaine et la Cour Européenne des droits de l’homme ont prononcé des jugements qui laissent croire à leur accord sur l’interdiction du racisme quand il menace l’ordre public à cause du danger imminent qu’il comporte.

Si la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le pacte international relatif aux droits civils et politiques ont, tous les deux, abordé l’interdiction du racisme, le pacte a interdit tout appel à la haine nationale, religieuse ou ethnique en le considérant comme une incitation au racisme, à l’hostilité et à la violence, alors que la convention de 1965 a insisté sur l’engagement des Etats à sanctionner toute incitation à la discrimination ethnique, à la violence contre des personnes appartenant à un groupe religieux ou ethnique, etc. Il est, par conséquent, clair que les deux documents n’interdisent pas, à première vue, les discours négationnistes de la shoah, ni l’offense aux religions, ni même la négation de l’existence de Dieu.

La jurisprudence américaine estime que ces propos et ces discours sont couverts par la protection garantie par le premier amendement de la constitution américaine(1). En effet, les Etats Unis ont émis des réserves sur la Convention de 1965, notamment sur les dispositions interdisant les discours racistes. Ils ont fait de même pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’Amérique pense que l’interdiction des discours racistes est soumise à la volonté des états et que, par conséquent, elle s’arrime au principe dominant dans les relations internationales qui affirme que les règles du droit international liant les états sont le produit de leurs volontés. Sur cette base, la délégation américaine, lors de l’adoption de la convention interdisant les discours racistes, était partagée entre une liberté d’expression absolue, une restriction à cette liberté à cause des discours racistes et la contrainte du premier amendement de la constitution. La délégation était donc obligée d’émettre des réserves sur les dispositions relatives au discours raciste, contenues dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans la convention de 1965. La même attitude a été adoptée par la France.

La délégation Française n’a pas jugé nécessaire d’émettre des réserves lors de l’adoption et de la signature du pacte. Quant aux Etats Unis, qui ont émis des réserves sur l’article 20 paragraphe 2, leur délégation a précisé que cette disposition ne peut pas lui imposer la mise en place de lois et de mesures de nature à restreindre la liberté d’expression et de formation des associations, car il s’agit d’un droit protégé par la constitution et les lois des Etats Unis. Cette réserve peut être expliquée par le fait que seuls les discours racistes, pouvant inciter à la violence religieuse ou ethnique, sont susceptibles d’être interdits, alors que le pacte spécifie et désigne l’appel ou l’incitation à l’hostilité et au racisme.

L’attitude des Etats Unis d’Amérique réside dans leur volonté absolue de ne pas restreindre la liberté d’expression, même sous le titre de la lutte contre le racisme sous toutes ses formes ethnique, religieuse, etc. C’est pourquoi elles ont émis des réserves sur l’article 4 de la convention de 1965. La France a fait de même.

Si la réserve de la France visait à gagner du temps afin de prendre les mesures juridiques nécessaires, la réserve américaine a vidé les dispositions de l’article 4 de son contenu. En effet, lors de la signature de la convention, le délégué américain a précisé que la constitution de son

(1) Bird K : l’impossible réglementation des propos à caractère raciste aux états unies, R.F.D.C 2001 n° 46 P 265-287.

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pays comporte des dispositions relatives aux droits des individus, tels que le droit à la liberté d’expression, et qu’il n’y a aucune raison pour que les Etats Unis s’engagent sur un texte ou mesure de quelque nature que ce soit, qui soient contraires au texte de leur constitution. Lors de l’adoption de la convention, la délégation américaine ne s’est pas limitée à émettre des réserves, mais elle les a fait suivre d’une déclaration explicative dans laquelle elle a rappelé l’importance que les USA accordent à la liberté d’expression(1).

Septièment : la contrainte de la liberté d’opinion et d’expression et les prémices d’une loi de protection des religions

Si les cas d’offense aux religions et à leurs symboles, notamment la religion islamique, continuent de se produire comme nous l’avons exposé auparavant, sous le prétexte de la liberté d’expression, il faut s’attendre à des réactions plus violentes et plus aveugles que ce qui se produit maintenant. Partant de cette hypothèse, il parait nécessaire de fixer des limites aux excès visant l’atteinte aux symboles religieux eu égard à leur sensibilité, et par voie de conséquence, de mettre en place des lois de nature à contribuer à la réalisation de cet objectif au plan national et international, sans toutefois toucher à la liberté d’opinion et d’expression, et sans lui fixer des limites contraires aux règles du droit international. Il faut, aussi, revoir des lois en vigueur qui ne sanctionnent pas des pratiques de nature à perturber la sécurité intérieure des Etats et la sécurité internationale, afin d’adopter une loi internationale consensuelle interdisant l’offense aux religions et qui soit en conformité avec la liberté d’opinion et d’expression.

L’offense aux religions a été un sujet présent dans les différentes législations des démocraties européennes, durant une bonne partie du vingtième siècle. Si les législations pénales de ces pays criminalisent l’offense aux religions - insulte, diffamation - il a été constaté que, depuis l’apparition du nouvel ordre mondial, la publication de « Versets Sataniques » de Salman Rushdie et les évènements qui en ont découlé, ces pays ont commencé à réviser leurs lois en rapport avec le sujet, sous prétexte de protéger la liberté d’opinion et d’expression.

Le débat sur les lois a été, de nouveau, suscité par une série d’évènements douloureux et tragiques, dont l’assassinat de personnes innocentes et d’autres extravagances de la part d’individus fanatiques. Dans ce climat, il y a eu un retour à la promulgation de loi interdisant l’offense aux religions, parfois sous le slogan de la protection de la liberté religieuse, du respect de l’essence divine, de la protection des symboles religieux ou de la limitation des excès de la liberté d’expression.

Les médias, tous supports confondus, ont contribué à faire exploser et à enflammer le feu de la discorde religieuse après et avant les évènements du 11 septembre 2001. La publication des caricatures sur le prophète Mohamed (PSL) dans le journal Danois « Jilendre Boston » en 2005 a été un moment fort de cette discorde, qui s‘est développée avec la réalisation de films tels « Fitna », « innocence des musulmans » et bien d’autres, la publication de nombreux écrits et déclarations(2), diffusés à travers les différents supports médiatiques, et qui vise un seul objectif : stigmatiser l’Islam et déformer son image.

Les offenses successives à l’islam, à travers les médias, bien que violant les règles du droit international et les lois nationales internes, se fondent sur une fausse logique selon tous les critères politiques, juridiques et moraux. L’hypothèse sur laquelle se base cette attitude est que les déclarations incitant à l’hostilité, au racisme religieux et la critique des religions, sont considérées comme tolérables, même si elles offensent les religions et leurs adeptes.

(1) Amelie Robetail. Froidure : liberté d’expression face au Racisme P 176-177-178-180. (2) L’objectif de cette étude n’est pas de recenser ces films, déclarations et écrits, etc. Ils sont recensés dans d’autres études et

dans des rapports d’observatoires s’intéressant l’islamophobie.

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Les tenants de cette logique considèrent que ces propos font partie du débat public, garanti pour les médias en vertu de la liberté d’opinion et d’expression ; il s’agit donc d’une pratique permise et d’un droit légitime. Souvent, on compare la critique de la religion à la critique de n’importe quelle doctrine intellectuelle ou philosophique, et là se trouve l’erreur qui peut entrainer la répétition des évènements violents, chaque fois qu’on offense les sentiments religieux d’un Etat ou d’une partie de sa population, comme c’est le cas des musulmans dans les pays occidentaux.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a tenté, depuis 1976, de répondre, en partie, à cette problématique à travers l’affaire « Handyside » contre le Royaume Uni. Elle a insisté sur ce qui suit(1) : « La liberté d’expression constitue l’un des fondements nécessaires à toute société démocratique, à son progrès et à son ouverture, en émettant toutefois une réserve sur le contenu de l’article 10 paragraphe 2 de la convention européenne des droits de l’homme. S’inscrivent dans ce cadre, non seulement, les informations, les idées comportant de l’insulte ou de la diffamation, mais aussi celles qui inquiètent l’Etat ou offensent une partie de sa population. C’est ce qu’exigent la diversité, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquelles on ne peut parler de société démocratique ».

Il faut insister, dans ce sens, sur le fait que la législation visant la protection des religions contre les offenses ne vise point à limiter la liberté d’expression, sauf en ce qui concerne la religion ou l’appel à l’hostilité ou à la discrimination religieuse. Le fait de proscrire la critique des religions et de l’essence divine exige de fixer des limites à la liberté d’expression en vue de protéger la liberté de culte et les sentiments religieux des autres(2). La protection de la liberté religieuse exige d’exercer des pressions sur les gouvernements afin de mettre en place des législations qui protègent les pratiques religieuses et interdisent de faire obstacle à cette pratique de quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit. Et comme la contradiction entre la liberté d’opinion et d’expression et la liberté religieuse est assez manifeste et forte, plusieurs états européens ont eu recours, de manière continue, à proscrire le blasphème sous toutes ses formes.

Le professeur Robert Poste a affirmé que le blasphème contre l’essence divine ou la religion est considéré, par la loi britannique, comme une atteinte à l’ordre public social. Cette vision a été accompagnée par des jurisprudences qui estiment que, pour qu’un évènement donné soit considéré comme une insulte ou une diffamation de la religion ou de l’essence divine, il faut qu’il blesse le sentiment du plus grand nombre de personnes vivant dans la société en question. On peut déduire des propos de Monsieur Poste que les dispositions relatives à l’insulte des religions doivent être considérées comme des instruments visant à protéger la paix sociale. Cependant, il estime qu’il faut faire attention aux déclarations de nature à provoquer les sentiments religieux des croyants qui forment un pourcentage important de l’ensemble de la population de l’Etat. Monsieur Post affirme qu’il n’est pas d’accord avec ceux qui considèrent qu’il n’est pas utile de promulguer une loi relative à l’insulte et à la diffamation des religions et tentent de minimiser sa portée pour la rendre sans intérêt, ce qui affaiblit la protection effective des sentiments religieux contre les insultes et les diffamations.

Certains changements à l’égard de l’interdiction de l’insulte des religions et leur diffamation commencent à apparaitre, de nouveau, comme cela a été le cas depuis plus de deux décennies. En effet, au cours des dernières années, de nouvelles lois comportant l’interdiction de l’insulte des religions ont été adoptées au Danemark, en Suisse, en France, aux Etats Unis, en Hollande et en Allemagne.

(1) Roger Pinto : liberté d’opinion et d’expression dans le droit international, Ed, Economica : 1984.(2) Fridom Haws : L’impact des lois violant les saintetés sur les droits de l’homme, rapport spécial de la fondation Fridom Haws,

sans date.

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L’affaire des caricatures offensant la personne du prophète (PSL), les films « Soumission », « Fitna », « innocence des musulmans » et bien d’autres, ont été la cause directe qui a poussé à réfléchir, de manière sérieuse, à poser des normes interdisant l’offense des religions, notamment la religion islamique. L’objectif visé à travers cette législation est la protection de la paix sociale, menacée par les productions blasphématoires contre la religion sous le prétexte de la liberté d’expression.

La Grande Bretagne a promulgué, en 2006, une loi interdisant l’appel à la haine et à l’hostilité religieuse qui est entrée en vigueur en la même année(1). Cette loi vise l’interdiction de tous les comportements de nature à propager des discours à connotation raciale ou prônant l’hostilité, ainsi que leur publication à travers des médias écrits, audiovisuels, ou électronique. La sanction de tels actes est aggravée si l’objectif de son auteur est de susciter la haine et l’hostilité religieuses à travers des menaces destinées à un groupe connu pour sa référence religieuse ou par son absence de foi religieuse(2).

Certaines jurisprudences modernes ont commencé à accompagner les nouvelles lois refusant l’insulte et l’offense des religions. Ces jurisprudences s’éloignent, de plus en plus, de l’attitude classique à l’égard des questions de la liberté d’expression. On peut même y sentir des relents religieux. A titre d’exemple, la Cour Européenne des Droits de l’Homme estime qu’il est nécessaire de respecter les sentiments et les sensibilités des croyants et auxquelles elle donne, parfois, la priorité sur la liberté d’expression. Cependant, cette même Cour, et bien qu’elle invite les tribunaux nationaux à suivre son exemple, n’a pas tranché si « des propos tenus dans un roman comportant des insultes et des diffamations pour le prophète de l’islam (PSL) » entrent dans cette classification. Elle a argumenté que ce discours ambigu n’est pas couvert par la Convention Européenne des droits de l’homme en vertu de son article 10(3). Il est donc clair qu’il y a, concernant cette question, une attitude de deux poids et deux mesures.

Il y a lieu de souligner que des dispositions, limitant les producteurs de toutes les formes de discours contenant des insultes ou des diffamations de la religion, existent au niveau des législations pénales, des codes des civils et dans les lois organisant l’information. L’application quotidienne de ces dispositions et procédures incombe aux tribunaux nationaux qui n’examinent pas profondément les arguments constitutionnels, ni même, parfois, les lois normatives en ce qui concerne l’insulte et la diffamation.

A titre d’exemple, on peut se rappeler l’affaire du journal français Libération quand il a publié une caricature montrant Jésus (PSL), couverte par un préservatif, avec comme commentaire que « lui, aussi, a besoin d’un préservatif »(4). L’une des associations a intenté une action contre le journal en vertu des dispositions de la loi française de l’information de 1881, se basant sur le texte de l’article 29 paragraphe 2. Il est établi que cette même loi prévoit de fortes sanctions quand l’insulte ou la diffamation est commise par une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance ou non à une religion donnée (article 33 : paragraphe 3). Le tribunal de première instance a prononcé son jugement dans l’affaire qui a été confirmé par la cour d’appel de Paris en 2006. Sa décision a affirmé que la caricature, objet de la plainte, visait à attirer l’attention du lecteur sur la nécessité de se protéger du Sida et d’éviter sa propagation, notamment en Afrique.

(1) Fridom Haws : L’impact des lois violant les saintetés sur les droits de l’homme, rapport spécial de la fondation Fridom Haws, sans date. Op.cit

(2) La terminologie utilisée, ci – dessous reprend textuellement la formule des dispositions de la loi qui distingue clairement, la haine raciale de la haine religieuse.

(3) Renata Uitz : la liberté de religion. Ed : conseil de l’Europe 2008, p : 168-170. (4) Ibid, Op.cit p.172

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Plusieurs transgressions ont eu lieu à cause de l’usage abusif de la liberté d’expression : il s’agit notamment des offenses aux religions qui dépassent le seuil des critiques admises. Ces offenses ont notamment touché le christianisme et l’islam; les symboles de ces deux religions ayant eu la part du lion de ces offenses et diffamations. Cela impose de s’interroger : Est-ce que la liberté d’expression autorise à dire n’importe quoi sans frein ni limite ? La liberté d’expression doit-elle servir le bien et la justice ou provoquer le mal et allumer le feu de la discorde, de la haine et de l’hostilité ? Ce sont là des raisons qui poussent à demander la promulgation de lois nationales obligeant les médias à respecter les religions, à éviter de les offenser, d’une part et à renforcer l’appel des Nations Unies à adopter une loi internationale interdisant l’offense des religions monothéistes, d’autre part.

La section II : la place de la religion dans les relations internationales, le droit international et l’interdiction de l’offenser

Premièrement : La présence religieuse dans les relations internationales

La religion a joué et joue encore un rôle historique important et influent dans les relations internationales. Si son influence a été tempérée durant une certaine période, elle est revenue avec force pour occuper la place qu’elle avait depuis la création de l’ordre mondial moderne d’après le traité de Westphalie de 1648. Aujourd’hui, et depuis un certain temps, des voix s’élèvent pour insister sur le rôle que la religion jouera dans les relations internationales et le droit international, comme elle l’a joué auparavant. Les traits de ce rôle éminent ont commencé à se préciser depuis la fin des années soixante-dix du siècle passé, après la victoire de la révolution Iranienne de 1979, la déroute de l’Union Soviétique en Afghanistan en 1981 et l’adoption de la Déclaration internationale sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination, fondées sur la religion ou la conviction de 1981.

Si les deux professeurs David Bedarman et Illias Bentakas ont montré l’impact des religions sur les règles du droit international avant et durant le moyen âge(1), la religion n’a commencé, effectivement, à former la base de l’application des règles normatives dans les différentes régions du monde qu’au moyen âge, sous l’influence de l’Eglise. Or, le droit international moderne n’a commencé qu’avec le traité de Westphalie de 1648, et porte certaines influences des religions juive, islamique et chrétienne. Le professeur Mohamed Hamidullah pense que le droit international est resté, jusqu’au 19ème siècle, un droit européen entre nations chrétiennes, et aucun état non chrétien n’en a fait partie jusqu’en 1856, quand l’Etat Ottoman a signé la convention de Paris.

On peut constater que le rôle de la religion a régressé, voire même disparu, dans le droit international depuis le début du vingtième siècle. Quand Oppenheim a rédigé son traité classique sur le droit international, la religion ne jouait plus, à ce moment, un rôle important dans les relations internationales, comme c’était le cas par le passé. La raison fondamentale de cette régression est la faiblesse de la deuxième partie de l’équation internationale et le repli de son rôle dans les relations internationales : l’Etat Othman a perdu son rôle efficace dans les relations internationales en tant qu’empire qui pèse sur la scène internationale, et est devenu plutôt « un malade » dont les membres se sont ont été détachés et le rôle réduit.

Mais, la religion était–elle devenue absente des règles du droit international depuis cette date jusqu’aux deux dernières décennies du vingtième siècle ? Cette thèse comporte une bonne dose d’exagération car, des signes importants, bien que timides, indiquent la présence de

(1) Eleni Polymenopoulou : liberté de l’art face a la protection des croyances religieuses, op cit, p :284.

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la religion dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Parmi les juristes qui adoptent ce point de vue figure le professeur Baderin Mashod, dans son livre « la religion et le droit international »(1).

Quoi qu’il en soit, l’influence du facteur religieux au plan international, tant au niveau des relations internationales qu’au niveau du droit international, n’a pas disparu et ne disparaitra jamais. La place de la religion dans le droit international est préservée, comme le précisent, clairement, les documents internationaux des droits de l’homme, tels que les conventions relatives à la protection des minorités adoptés après la première guerre mondiale, la Charte des Nations Unies du milieu des années quarante et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Son retour avec force dans le droit international est clair à travers les réserves que des Etats chrétiens et islamiques ont émises sur des conventions internationales des droits de l’homme

Il faut rappeler à cet égard comment des Etats islamiques et arabes ont émis des réserves concernant des questions relatives à la liberté religieuse, à l’égalité - notamment dans l’héritage - et à la liberté du mariage, etc(2). Les mêmes réserves ont été émises sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, sur le pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que sur d’autres documents.

Le fait que les réserves sont émises, à la fois, par des états islamiques et chrétiens est un indicateur de la forte présence de la religion dans le droit et les relations internationaux.

Cette importance s’est élargie dans les relations et le droit internationaux, notamment après les années 1979 et 1980, en raison de la victoire de la révolution islamique, la chute du Shah et l’établissement d’un régime à référence religieuse. L’importance de la religion dans le droit et les relations internationaux s’est également accrue avec l’éclatement de la Yougoslavie et le retour avec force de l‘élément religieux, de manière presque semblable à celle qui a été connue au 19ème siècle. Un nouveau principe est apparu à cause du développement du facteur religieux : il s’agit du « principe du droit d’ingérence humanitaire »(3) qui n’est que le développement d’un ancien principe dans le droit international, celui du « droit d’ingérence pour défendre l’humanité ». En vertu de ce principe, né dans la réalité mondiale d’après la fin des guerres des religions, les états protestants peuvent intervenir dans les états catholiques pour protéger les minorités protestantes, les états catholiques peuvent intervenir pour protéger les minorités catholiques dans les états protestants.

L’évocation du statut de la religion dans la politique et, notamment, dans la politique internationale, a coincidé avec la prolifération des offenses contre l’islam et les musulmans dans les médias occidentaux. La présence de la religion a été également évoquée, avec force, lors des négociations et des concertations sur la constitution européenne et de la préparation de la convention sur l’avenir de l’Europe, notamment après la propagation de l’islamophobie et le début de l’occupation par l’islam d’importants espaces en Europe. Le statut des valeurs spirituelles héritées du passé a été, lui aussi, évoqué lors de la préparation de la constitution européenne, ce qui a posé la question de savoir : est-ce que l’islam a un statut dans cette constitution ? Ce qui a soulevé un désaccord est apparu, dès le début, sur le préambule de la Charte des Droits Fondamentaux. Les valeurs auxquelles se réfère la charte sont le résultat d’un compromis entre le Vatican, les parties chrétiennes européennes et ceux qui ont soutenu le modèle laique. La Pologne et l’Espagne avaient demandé, explicitement,

(1) Eleni Polymenopoulou : liberté de l’art face à la protection des croyances religieuses, op cit, p :285. (2) La CEDAW a été la convention sur laquelle beaucoup de reserves ont été émises par les Etats Arabes et Islamiques

(3) Mario Betati : « un droit de l’ingérence R.G.D.I.P, Toma 95-1991, p : 639-670. Voir aussi : Philipe Breton : l’ingérence humanitaire et souveraineté R.F.E.C.P., N° 67, 1993, P : 59-70.

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que la Charte de l’Union Européenne se réfère à la chrétienté, alors que la position de la France a été exprimée par son Président qui avait affirmé qu’il représente un état laique et qu’à cet effet, il s’oppose à toute référence à la religion.

En Amérique, la présence de la religion en politique a commencé sous l’influence du rôle grandissant de l’islam et de sa force en tant qu’élément actif dans les relations internationales. C’est pourquoi, on constate comment la politique des nouveaux conservateurs au sein du gouvernement Georges Bush a introduit dans l’agenda de la maison blanche un grand intérêt pour les enseignements du christianisme. Le président Obama n’a pas dérogé à cette règle ; il n’a cessé d’affirmer, publiquement, sa foi en Dieu, comme il ressort de son discours d’investiture où il affirme : « Que Dieu vous garde ou vous protège, que Dieu protège les Etats Unis d’Amérique ». Obama a répété la même chose, en 2010, dans son discours à l’Université du Caire quand il a parlé avec des termes religieux à un large public arabe, mais aussi islamique. Il a insisté sur la coopération souhaitée entre les Etats Unis et tous les musulmans.

Monsieur Obama a donné, dans ce discours, un grand rôle politique aux religions, en affirmant la volonté des Etats Unis d’ouvrir les domaines de coopération entre les religions et, notamment, entre l’Islam et le Christianisme(1).

Cet intérêt pour la religion et pour la relation entre l’Occident et l’Islam a coincidé avec la montée en force de l’islamophobie, des violations graves par les médias occidentaux des règles du droit international, quand ils provoquent la haine, le racisme et incitent à l’hostilité contre les musulmans, sous prétexte de la liberté d’opinion et d’expression.

Au début de ce phénomène, des voix crédibles se sont élevées en soutenant et en appuyant l’idée du rôle important qu’a joué et que jouera la religion dans le débat sur les droits de l’homme. Cette thèse s’est développée après l’apparition de l’islam comme facteur influent dans les relations internationales, notamment lorsque le conflit mondial Est-Ouest a cédé la place au conflit Nord-Sud où l’islam entre comme partie prenante. Dans cette atmosphère, des rencontres et cercles de discussion ont visé à préciser et à définir l’influence que doit avoir la religion sur le droit international, ses principes et ses règles.

A ce titre, nous pouvons citer à titre d’exemples :

- la rencontre internationale qui s’est tenue à l’Université Paris II, en 1992, et qui a traité de l’harmonisation entre la religion et les droits de l’homme. Les participants, français et étrangers, étaient tous unanimes sur la question du lien et du compromis nécessaire entre les droits de l’homme, en tant que normes juridiques, et la religion.

- En 2007, et après près de 15 ans de la rencontre de l’Université de Paris, une autre rencontre s’est tenue à Emory, en Atlanta aux Etats Unis, sur le thème « Relation entre la Loi, la Religion et les Droits de l’Homme ». Il a été constaté, lors de cette rencontre, qu’un nombre important de professeurs participants pensent que les valeurs spirituelles peuvent jouer un rôle central dans le discours juridique à travers les règles du droit international des droits de l’homme(2).

Le professeur Berman est allé dans le même sens en affirmant l’influence des valeurs spirituelles sur les règles du droit international relatif aux droits de l’homme, surtout aujourd’hui, dans un monde globalisé, englobant des sociétés multiculturelles et multi-religieuses, où il faut respecter la dignité humaine en vertu de normes juridiques à caractère universel.

(1) Eleni Polymenopoulou : liberté de l’art face à la protection des croyances religieuses, op cit, p :284. (2) Cette rencontre était intitulée « 25 ans de droit et de religion » et s’est le 24-26 Octobre 2010

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Deuxièment : la place grandissante de la religion durant le troisième millénaire et le rôle du dispositif des Nations Unies

L’intérêt pour les questions religieuses a commencé à se manifester durant ces dernières années, au sein des Nations Unies, notamment au sein de l’Assemblée Générale et du Conseil des Droits de l’Homme Les questions relatives à la religion islamique étaient parmi les sujets les plus débattus dans ces deux institutions. Cela est peut être dû au rôle actif et influent du Pakistan, de l’Iran et du Royaume d’Arabie Saoudite. Sous l’influence active de ces pays, la religion islamique, et la religion en général, ont eu une présence concrète aux Nations Unies, et même à la Cour Internationale de Justice, ces deux instances étant parmi celles qui reflètent le plus la diversité civilisationnelle et religieuse de ce monde globalisé.

Nous pouvons relever trois conceptions théoriques relatives à l’importance et du statut de la religion dans le droit international relatif aux droits de l’homme et au sein des organismes des Nations Unies préoccupés par le sujet(1) :

- Il y a ceux qui pensent que la religion ne doit avoir aucun rôle normatif dans le droit international. Cette orientation est adoptée et défendue par la plupart des jurisconsultes occidentaux dont la conception consiste à conserver au droit international sa neutralité ;

- Il y a la tendance réticente qui reconnait le rôle effectif et fondamental du facteur religieux dans le droit international, sans toutefois revendiquer un rôle important pour la religion dans le domaine public. Cette tendance estime que la religion joue un rôle incontestable dans l’évolution du droit international et la préservation de la paix et de la sécurité internationales.

- La troisième tendance estime que la religion doit jouer un rôle central dans le droit international, non seulement en tant que source, mais également en tant qu’instrument normatif. Cette tendance, encline au compromis, est soutenue par de nombreux jurisconsultes qui considèrent que la religion est importante et fondamentale dans la vie internationale ; la majorité de ces juristes, dont notamment Taslim Olawal Ilias, Najandra Sind et d’autres, appartenant au monde arabe et islamique, à l’Afrique et à l’Asie. Ils donnent une priorité et un grand rôle aux civilisations, aux idées philosophiques non occidentales, ainsi qu’à la pensée politique occidentale, dans l’évolution du droit international, sans nier l’universalité des droits de l’homme dans leurs thèses.

Troisièment : L’apparition de la religion dans les textes des Nations Unies

Il est à noter que la troisième tendance précitée domine au niveau des Nations Unies. En effet, cette organisation prend en compte, de façon permanente, la volonté des religions à acquérir un poids politique. C’est pour cette raison que les organismes des Nations Unies tentent de prendre des positions équilibrées, comme l’a fait, par exemple, le Comité des Droits de l’Homme (Conseil des Droits de l’Homme depuis 2001) qui a exprimé, dans ses rapports annuels, un intérêt remarquable pour les religions(2), et notamment la religion islamique.

Le Comité des Droits de l’Homme était, avant de se transformer en Conseil des Droits de l’Homme, un organisme formé d’experts représentant les Etats membres, qui a réussi à conserver les équilibres concernant la religion. Il en est de même de l’Assemblée Générale des Nations

(1) Favret Saad- Jean : Jeux d’ombre sur la scène de l’ONU : droit humains et laïcité Paris, Edition de l’olivier 2010, p :7. (2) Cf. Les rapports du Comité des droits de l’homme in Eleni Polymenopoulou : liberté de l’art face à la protection des croyances

religieuses, thèse de doctorat Grenoble 2011, p : 280.

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Unies où un intérêt particulier est accordé à la question religieuse. Les deux institutions se sont préoccupées des offenses et insultes dirigées contre la religion islamique, surtout depuis 1999, comme elles se sont préoccupées des autres religions. Cet intérêt a coincidé avec un moment où le rôle des religions s’est renforcé dans les relations internationales, notamment au sein des Nations Unies, du fait qu’elles englobent les états adeptes des différentes religions qui existent de par le monde, et notamment les états appartenant à l’Organisation de la Conférence Islamique (devenue l’Organisation de la Coopération Islamique) dont le rôle s’est élargi, selon Burher et Levendon, depuis qu’elle a évoqué les questions du racisme à Genève en 1978 et 1983, y compris le racisme fondé sur la religion, surtout depuis que le sionisme a été considéré comme une forme de racisme, ce qui a entrainé le boycott de cette conférence par les Etats Unis.

La Conférence de Durban sur le racisme en Afrique du Sud, en 2001, avait, elle aussi, insisté sur la dimension religieuse du racisme en particulier. Ses travaux ont été clôturés dans un climat dominé par la confusion sur cette question.

Dans ce contexte international, marqué par un intérêt croissant pour le racisme et sa dimension religieuse, on sent l’influence et la présence efficace de l’OCI par rapport à cette question, tant au sein du Conseil des Droits de l’Homme qu’au niveau de l’Assemblée Générale des Nations Unies, notamment après le discours du président iranien Khatemi sur « l’Alliance des civilisations ».

Quatrièment : La notion du mépris des religions aux Nations Unies

Il apparait que le Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme et les deux rapporteurs spéciaux ont pris une position qui soutient relativement l’incrimination du mépris et de la stigmatisation des religions et de leurs symboles. Les documents internationaux font une différence entre l’insulte et la diffamation des religions, d’une part, et l’appel et l’incitation à la haine religieuse, d’autre part, même si, au niveau du Conseil des Droits de l’Homme, on ne fait pas de distinction claire entre ces deux notions. C’est pourquoi, on se demande, souvent, comment a été introduite la notion de diffamation et d’insulte des religions au sein des instances des Nations Unies et dans leur lexique ?

Il est connu que cette notion a été introduite par le Pakistan au Conseil des Droits de l’Homme en 1999, à travers un projet de recommandation relative au racisme, à la discrimination raciale et ethnique, à la xénophobie et à toutes les formes de discrimination(1). Depuis cette date, on constate que, pratiquement, chaque année, l’Assemblée Générale et, parfois, le Conseil des Droits de l’Homme adoptent des recommandations appelant les états à faire jouir leurs citoyens « d’une protection contre toute violation des droits de l’homme à travers la diffamation et de l’insulte des religions ». A titre d’exemple, la résolution du Conseil de 2007 affirme que « les Etats ont l’obligation d’œuvrer, dans le cadre leur système juridique et constitutionnel, à garantir la protection appropriée contre les actes discriminatoires, la haine, l’humiliation, et la répression à travers l’insulte des religions(2).

En réalité, ces recommandations traduisent les préoccupations de l’OCI et sa volonté politique de lutter contre tout évènement de nature à offenser l’islam. Selon le chercheur M. Flauss, ce n’est pas par hasard que la notion de « lutte contre le mépris des religions » a remplacé la notion « lutte contre l’insulte et le mépris » en tant que renaissance des droits de l’homme et comme indicateur de l’harmonie culturelle et de la diversité culturelle et religieuse(3).

(1) NU : Doc .E/ CN.4/1999/1.40 (20 Avril 1999) Résolution de la commission 1999/82 du 30 Avril 1999. (2) Résolution 7/19/du 27 Mars 2007 du conseil droits de l’homme résolution 2001/4 du CDH(3) Flauss – Jean – François : la diffamation religieuse, P : 298.

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On ne sent pas, à travers la position des deux rapporteurs sur la liberté religieuse et la xénophobie, une opposition aux lois relatives aux insultes et au mépris des religions. Le rapporteur spécial précédent sur la liberté religieuse, Asma Jahangir, a surtout insisté sur l’excès dans le recours et l’utilisation de ces lois, sans insister sur leur annulation. Le rapporteur Diène a également adopté la même position en ce qui concerne les formes contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance concomitantes. Il a seulement insisté sur la condamnation de l’utilisation de ces expressions et leur exploitation arbitraire de façon contraire aux objectifs de la Charte des Nations Unis et aux autres documents onusiens en rapport avec cette question(1).

Cela se passe en évoquant de manière permanente les évènements de l’islamophobie, qui sont devenus nombreux, multiples et divers depuis la moitié des années quatre-vingt-dix du siècle passé, et même avant cette date, et qui se sont développés de manière remarquable après les évènements du 11 septembre 2001 et ont continué avec davantage de violences durant les deux premières décennies du troisième millénaire.

Quelques mois après la publication des caricatures par le journal danois « Jilendre Boston », les deux rapporteurs ont publié un rapport commun, dans lequel ils affirment qu’il n’existe pas de contradiction profonde entre la liberté d’expression et la liberté religieuse en tant que deux indicateurs fondamentaux, au niveau des Nations Unies, depuis 2008.

Ainsi, des juristes ont pu déceler un changement dans l’orientation vis-à-vis de l’insulte et de la diffamation de la religion. L’expert international de la liberté d’expression, Toby Mendel, qui est un juriste rattaché à l’organisation de l’article 19, a affirmé l’avènement de ce changement en y insistant de façon claire et rigoureuse.

Le rapport commun de deux rapporteurs, publié en 2006, et la recommandation du Conseil des Droits de l’Homme de 2008 ont également affirmé l’importance de la liberté d’expression, tout en appelant au dialogue et à la compréhension entre les civilisations(2).

Ces données forment, sans aucun doute, une série d’indicateurs pour un nouveau changement autour de cette question. Ce qui se confirme d’ailleurs de façon plus claire à la lecture du rapport commun présenté lors de la deuxième conférence de Durban, où les trois rapporteurs des Nations Unies sur le racisme, la liberté religieuse et la liberté d’expression, respectivement Guithu Muigai, Asma Jahangir et Frank Lari, ont affirmé qu’une définition précise de la notion d’insulte et de diffamation reste ouverte à toutes les possibilités d’arbitraire et de dépassements.

Il est utile de souligner, ici aussi, que le projet d’observation générale relative à l’article 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été voté en juillet 2011 lors de la 102ème session, a affirmé que les Etats Parties doivent revoir leurs lois pénales afin d’ajuster certaines dispositions relatives au mépris et à l’insulte des religions, aux aspects de non-respect à l’égard d’une religion ou à un système de croyances, quand ces dispositions ne rentrent pas dans le domaine spécifique de l’article 20(3).

Cependant, rien ne garantit que le mouvement opposé à l’insulte et à la diffamation des religions ne s’arrêtera pas s’arrêter dans un futur proche. Dans la conférence de Durban de 2008 sur le racisme, la xénophobie et la lutte contre la discrimination, les pays islamiques avaient exprimé leur crainte que l’insulte et la diffamation des religions et leur non-respect soient l’une des causes de la discorde sociale et de l’instabilité aux plans national et international. Ce qui

(1) Résolution 63/181 du CDH, adoptée en février 2000.(2) Résolution 7/19 adopté le 17 Mars 2008 lors de la 40ème session du C.D.H (3) Projet d’observation n° 34 article 19 du ( P I D C P) du 25 Novembre 2010.

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conduit à la violation des droits de l’homme. Par conséquent, ces pays estiment qu’il y a une corrélation entre ces risques, d’une part, et le racisme, l’insulte et la diffamation des religions, d’autre part.

Le nouveau projet de l’observation n°34 ne s’oppose pas directement aux lois relatives à l’insulte et à la diffamation des religions. Il insiste plutôt, seulement, sur l’obligation de leur application en harmonie et en conformité avec les normes internationales, notamment avec le paragraphe 3 de l’article 19 et les autres dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques, surtout ses articles 2, 5, 18 et 26.

Il est connu que le délégué du Pakistan au Conseil des Droits de l’Homme, parlant au nom de la communauté islamique, a joué un rôle concret au sujet du changement de l’attitude de certains états soutenant l’idée selon laquelle l’insulte et la diffamation des religions, et notamment la religion islamique, est conforme aux principes de la liberté d’expression(1). Il a également exercé des pressions sur le nouveau rapporteur sur la question du racisme et de la xénophobie, en insistant sur la distinction entre l’insulte des religions et leur diffamation, d’une part, et la liberté d’opinion et d’expression, d’autre part. Cependant, le rapport de l’année 2009, basé sur les informations de l’observatoire de l’islamophobie rattaché à l’OCI et sur celles de l’Agence de l’Union Européenne pour les droits de l’homme, insiste sur les manifestations de l’islamophobie, et souligne que les autres religions ont été, elles aussi, ciblées(2). Le même rapport a présenté un projet de recommandation proposé par les Etats Unis et l’Egypte devant le Conseil des Droits de l’homme, rappelant toutes les résolutions précédentes qui spécifie de façon explicite la diffamation et l’insulte des religions. La recommandation qui a provoqué le plus de polémique et de débats et qui était d’une grande importance, aura été celle présentée par le Pakistan et adoptée par le Conseil des Droits de l’Homme en 2010(3).

Cinquièment : Pour une loi d’interdiction de l’offense des religions

Le fait de laisser la liberté d’opinion et d’expression sans limites a été l’objet de discussions aigues et de critiques violentes visant à proscrire le mépris et l’insulte des religions, ce qui a conduit à former de puissants groupes de pression qui prônent la nécessité de la mise en place de législations nationales(4) et l’apparition d’une législation internationale interdisant la stigmatisation des religions, leur offense et leur mépris. Ces initiatives trouvent leur légitimité dans les efforts constants visant à réduire les crimes causés par la haine, l’hostilité raciale et religieuse. L’objectif visé à travers ces législations n’est pas la restriction de l’exercice des droits de l’homme ou la limitation de ceux-ci, mais plutôt de prendre des mesures en vue de réduire l’extrémisme des agressions qu’une partie commet à l’encontre de l’autre. En effet, il n’est pas du tout rationnel de prendre comme prétexte la peur apparue ces dernières années en Occident pour débrider les médias occidentaux et leur donner la liberté d’insulter, d’humilier et de diffamer la religion islamique et ses adeptes, en évoquant la liberté d’opinion. Il était clair que cette politique a provoqué des vagues de colère et de mécontentements, qui appellent à la maitrise du phénomène de la haine contre l’islam, les musulmans et toutes les religions, et ce à travers l’adoption d’une loi internationale, et l’harmonisation des lois existantes, en vue de proscrire l’offense des religions sous le couvert de la liberté d’expression.

(1) Projet de résolution relatif à la lutte contre la diffamation des religions, présentée par la Pakistan au nom de l’organisation de la conférence Islamique, sur le racisme, la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée : application de la déclaration et du programme d’action du Duraban A/ HRC/7 l 15,20 Mars 2008.

(2) Déclaration de M. Guithu Muigai après le CDH le 30 septembre 2009.(3) A/HRC /12/L.14/ Rev.1 du 30 septembre 2009. (4) Cette recommandation a été adoptée par le Conseil des Droits de l’homme ainsi qu’il suit : 20 voix pour, 17 voix contre et 8

voix se sont abstenues.

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Il a été constaté, durant ces dernières années, que certains gouvernements occidentaux ont commencé à adopter des lois limitant les discours critiques à l’égard des religions et de leurs adeptes, et à se pencher sur leurs lois interdisant l’appel au racisme et à la haine religieuse. Ces actions ont été entreprises sous l’effet des revendications grandissantes de la société civile concernant cette question. L’expression de ces revendications et le souci de leur apporter une réponse ont commencé en Europe du Nord et en Grande Bretagne, notamment après l’assassinat du réalisateur Tyofan Jokh, qui avait qualifié les musulmans de « Baiseurs de chèvres », et les a traités de proxénètes pour le prophète Mohamed (PSL). Ces humiliations, ces insultes et diffamations ne sont-elles pas de nature à provoquer les sentiments des musulmans, plus que ne l’ont fait les caricatures publiées par le journal danois « Jilendre Boston » et qui ont été republiées par le Journal français « le Point » ? Il s’agit là d’une véritable agression et d’une humiliation pour l’islam et les musulmans sous prétexte de la liberté d’opinion et d’expression des médias.

Le compromis entre les droits de l’homme et la liberté d’opinion et d’expression, notamment la liberté religieuse, est une affaire difficile et même inconcevable, si on ne met pas en place une loi qui protège cette liberté et la met à l’abri de l’hégémonisme des médias. Sans cette loi, la liberté religieuse sera violée de manière anarchique à cause de l’hégémonie de la liberté d’opinion et d’expression et de la liberté des médias qui continuent à insulter et offenser l’Islam et les musulmans.

Le rédacteur en chef de la section culturelle du journal « Jilendre Boston » avait déclaré : « …j’ai demandé la production de ces caricatures en raison de plusieurs faits et évènements concernant l’autocensure en Europe, causée par la peur grandissante qui s’empare des personnes qui tentent de parler des questions de l’islam (…) en réponse à cette demande, les caricaturistes ont traité ces caricatures offensant le prophète de la même manière avec laquelle ils ont traité des sujets relatifs au christianisme, au Christ, au Hindouisme, au Bouddhisme et aux autres religions. Alors, pourquoi pas l’islam ? »(1).

Les tensions aigues causées par la publication des caricatures offensant le prophète ont suscité, de nouveau, un débat animé au niveau international, notamment au sein des milieux intéressés par les droits de l’homme et leur défense. La préoccupation fondamentale à l’origine de ce débat était la mise en place de lois interdisant l’insulte, la diffamation et le mépris des religions en Europe, ainsi que la nécessité du respect par les médias des croyances religieuses en tant que devoir moral. Toutes ces actions sont les suites de la publication des caricatures qui a provoqué des perturbations et des vagues de violence dans tous les pays musulmans, causant plusieurs morts ainsi que des complications diplomatiques ont eu pour conséquences des appels au boycott des produits danois dans la plupart des pays islamiques. Un certain nombre de dirigeants musulmans ont demandé la traduction en justice des journaux qui ont publié ces caricatures et ceux qui les ont reproduites.

Ainsi, il apparait clairement que cet évènement a, de nouveau, remis sur le tapis les poursuites pénales dans le domaine de la diffamation, de l’insulte et du mépris des religions, et ce après l’abandon pendant un certain temps de ces que ces poursuites. Cependant, il faut rappeler que l’un des tribunaux danois a rejeté la plainte contre le journal « Jilendre Boston » qui a republié les caricatures(2).

Les grandes manifestations qu’ont connues les différents pays musulmans, et qui ont été organisées devant les ambassades du Danemark, ont condamné ce pays, le journal qui a publié pour la première fois les caricatures ainsi que les journaux qui les ont reprises. Ces évènements

(1) Boulegue Jean : le blasphème en procès l’église et la mosquée-1984-2009 contre les libertés Paris, Nova 2010.(2) Renata : la liberté de religion Ed. conseil de l’Europe 2008, p : 175-177.

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ont eu pour conséquences le fait d’envisager le renforcement des lois relatives à l’interdiction de l’insulte des religions dans les différents pays(1).

Sixièment : L’offense des religions et la disparité des attitudes internationales

Le Conseil des Droits de l’Homme a connu, en 2008, un débat animé entre ses membres autour de la notion d’offense aux religions et son lien avec la liberté d’expression, lors de la discussion d’un rapport sur la question, préparé par le rapporteur spécial sur toutes les formes de discrimination raciale dans lequel il propose de remplacer la notion d’offense aux religions par la notion d’« incitation à la haine ». Des divergences sont apparues au sein des membres du conseil, entre ceux qui estiment qu’il est nécessaire de mettre en place une loi pour la protection des religions et ceux qui la refusent, arguant que cela conduirait à restreindre la liberté d’expression.

La discussion relative au phénomène de la montée des offenses à certaines religions, et notamment la religion islamique, n’est pas encore mure et reste à ses débuts au sein des organismes des Nations Unies. Il est apparu, lors de la discussion du rapport du rapporteur spécial chargé de la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale, préparé par Doudou Diène et présenté par Guithou Miguai, que ce rapport a été rédigé spécialement pour traiter des manifestations des offenses contre les religions et notamment celles visant l’islam.

La discussion a montré qu’il y a une grande divergence dans les points de vue de deux groupes : d’une part les pays arabes et islamiques à coté des pays africains et asiatiques, qui estiment qu’il est nécessaire d’adopter une résolution visant la mise en place d’une loi internationale protégeant les religions contre toute atteinte ou offense et, d’autre part, le groupe des états occidentaux qui estiment que le contenu des conventions et déclarations internationales en vigueur est suffisant pour la protection des religions contre les offenses, comme ils estiment que toute nouvelle législation sera de nature à restreindre la liberté d’opinion et d’expression(2).

Le rapport qui a été rédigé sur demande du Conseil des Droits de l’Homme et présenté en mars 2008, a insisté sur le fait que certains partis racistes ont commencé à faire revêtir aux idées racistes et xénophobes un caractère légal. Il a aussi traité des formes de discrimination contre les religions, surtout celles dirigées contre les musulmans et l’islam. Le rapporteur spécial a précisé que l’hostilité à l’islam s’est développée après les évènements du 11 septembre 2011, tant au niveau des lois nationales visant les minorités musulmanes qu’au niveau des comportements individuels agressifs. Le rapport conclut que « l’islam est devenu corrélé à la violence, au terrorisme et à la fatalité de la confrontation entre les civilisations et les religions ».

Monsieur Doudou Diène a suggéré dans son rapport la nécessité de de transformer le traitement de « la notion d’offense aux religions » en « notion de lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons racistes, religieuses ou de nationalité ». Il pense que la première notion est d’ordre social alors que la deuxième notion est d’ordre juridique et se fonde sur des clauses claires et précises dans les documents internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Septièment : la disparité des positions des pays occidentaux et des pays islamiques sur le sujet de l’offense des religions

En se référant aux discussions sur le sujet de l’offense des religions menées par le Conseil des Droits de l’Homme, nous pouvons identifier deux tendances différentes et divergentes :

(1) La communauté musulmane au Danemark est la deuxième communauté religieuse selon les nouvelles statistiques avec près de 210 000 musulmans soit 3,7% de la population du Danemark.

(2) Rapport spécial de la fondation Fridon Haws portant le titre : L’impact des lois de violation des sacralités sur les droits de l’homme, supervisé par Jean Prodhome.

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- La première tendance est exprimée par les délégations des pays islamiques de l’OCI, dont le porte-parole était la représente du Pakistan, qui a précisé, de façon claire et rigoureuse, que les musulmans sont l’objet de regards négatifs dans les pays occidentaux et que la tendance dans ces pays est de faire porter à l’islam, aux musulmans et aux arabes, la responsabilité de tous les problèmes. Elle a espéré que la discussion en cours aboutisse, au niveau du Commissariat des Droits de l’Homme et du rapporteur spécial chargé de la lutte contre toutes les formes de discrimination, à renforcer le sentiment de la nécessité de fixer des normes internationales pour la lutte contre la discrimination contre les religions(1). En effet, la cible des offenses contre les religions n’est pas la religion elle-même, mais plutôt ceux qui l’adoptent. Il est regrettable de se protéger derrière la liberté d’expression pour allumer le feu de la discorde entre les groupes, comme le font ceux qui déforment les lois relatives à la liberté d’expression et les interprètent de façon contraire à leur esprit et à leur lettre. Chaque liberté a des limites qui limitent son usage abusif. Parmi les manifestations de ces abus, on trouve souvent l’invocation de la liberté d’expression quand il s’agit d’offenser l’islam. Ainsi donc, des divergences importantes existent au niveau de l’usage de la liberté d’expression qui, en aucun cas, ne peut être absolue. Ceci exige la discussion et la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour la protection des religions contre les offenses et pour la lutte contre toutes les manifestations d’intolérance violant les droits de l’homme.

- La deuxième tendance est défendue par les états membres de l’Union Européenne qui affirment traiter le sujet en passant de « la notion d’offense aux religions » à « la notion de lutte contre l’incitation à la haine », car, pour eux, l’incitation à la haine religieuse est la seule qui doit être interdite, alors que la diversité religieuse impose de respecter le droit de chaque individu à débattre, à critiquer et à s’opposer aux autres valeurs et convictions. Cette tendance estime que les lois des états occidentaux, notamment européens, sont suffisantes pour lutter contre l’incitation à la haine. Dans le cas d’interférence entre la liberté d’expression et l’offense aux religions, l’affaire peut être portée devant la justice, car la justice est la seule habilitée à limiter les libertés. Généralement, cette tendance s’oppose à la possibilité d’introduire la notion d’offense aux religions dans les normes des droits de l’homme, car l’objectif des droits de l’homme est la protection des individus et non des religions. De ce fait, cette tendance estime que la tolérance et la diversité imposent la discussion et la critique des questions liées à la religion.

De façon générale, les deux tendances sont d’accord sur la nécessité de lutter contre l’incitation à la haine, mais la première tient à la nécessité de la protection des religions - même si cela demande de restreindre la liberté d’opinion et d’expression -, alors que la deuxième tendance s’attache à la liberté d’expression, même si elle doit entrainer la critique et l’offense des religions. Cette divergence a été traduite lors de la discussion de la résolution de l’Assemblée Générale, en 2011, au sujet de la lutte contre la déformation de l’image des religions.

Huitièment : La résolution de lutte contre la déformation de l’image des religions

Les Nations Unies ont adopté cette résolution juste après l’agression contre la religion islamique et ses symboles et la propagation de ces déformations par les médias occidentaux, tous supports confondus, de manière sans précédent dans l’histoire. La résolution a rappelé

(1) Eleni Polymenopoulou, op cit.

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les différents efforts entrepris dans ce cadre par les Nations Unies jusqu’à l’adoption de la résolution, les différentes conventions, déclarations et résolutions en rapport avec le sujet de la discrimination dans toutes ses formes, notamment la discrimination religieuse et la haine, d’abord contre l’islam et les musulmans, puis contre le judaisme et le christianisme.

Les formes de haine contre l’islam se sont développées avec la montée en force des partis de la droite dans certains pays européens. Elles ont même influencé les programmes de certains partis à vocation progressiste, démocratique ou de gauche. L’instrumentalisation des évènements du 11 septembre 2001 et des opérations terroristes commises par des courants islamistes extrémistes n’est pas étrangère à ces développements. Ainsi, des lois ont été adoptées et des mesures et des procédures discriminatoires ont été prises dans les différents pays européens contre les musulmans et les arabes.

Dans ce contexte, les médias se devaient d’encourager l’entente entre les cultures, les civilisations et les religions, parallèlement aux efforts des organisations intergouvernementales, des organisations de la société civile et des organismes religieux. Ils se devaient, aussi, de renforcer la tolérance, de respecter la liberté de religion et de conviction, de condamner la violation des espaces religieux, de respecter les livres et les sites sacrés ainsi que les symboles de toutes les religions.

La résolution a insisté, dans son paragraphe 9, sur le ressentiment de l’Assemblée Générale par rapport à l’exploitation des médias écrits, audiovisuels et même électroniques pour l’incitation à des actes de violence, à la xénophobie, au fanatisme, à la discrimination contre toutes les religions et au ciblage des livres sacrés, des lieux de culte, des symboles religieux de toutes les religions et leur violation.

La résolution a également rappelé la recommandation générale n°15, adoptée par le comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui proscrit la publication des idées fondées sur la supériorité d’une race par rapport aux autres et contre la haine raciale, tout en insistant sur l’harmonie entre la liberté d’opinion et d’expression, d’une part, et le refus de l’incitation à la haine religieuse, d’autre part. La résolution a réitéré l’appel de l’Assemblée Générale des Nations Unies à tous les Etats concernant le caractère obligatoire de l’application des dispositions de la déclaration sur l’élimination de toutes les formes de fanatisme et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. Elle a incité, en même temps, les Etats membres à œuvrer, dans le cadre leurs systèmes juridiques et constitutionnels, pour offrir une protection suffisante contre tous les actes de haine, de discrimination, d’intimidation et de contrainte visant à la dépréciation des religions et de leur statut(1).

En effet, comme il a été mentionné, les Etats parties ont franchi des pas dans le sens de la protection de la liberté religieuse, du respect des religions, de la mise en place de lois interdisant l’offense des religions et de la proscription de la diffusion de stéréotypes négatifs concernant les musulmans ou les adeptes des autres religions.

Cependant, ces stéréotypes continuent à être publiés dans certains pays occidentaux, sous prétexte de la liberté d’opinion, d’expression et d’information. Ces mêmes Etats sont encore réfractaires à l’adoption de législations nationales qui soient conformes à leur engagement au niveau des règles internationales des droits de l’homme, pour sanctionner ceux qui violent l’intégrité des religions, même si les auteurs évoquent la liberté d’opinion et d’expression qui est contraire à toute forme de discrimination et de haine religieuse.

(1) Cf. Les archives officielles de l’Assemblée Générale, la 42ème session, A/48/18, Chapitre deux, Partie B

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Il est établi que le Conseil des Droits de l’Homme est l’organe qui doit attirer l’attention sur le devoir de condamner et de proscrire les cas de fanatisme, de discrimination et de haine contre les adeptes de n’importe quelle religion. Il est du devoir des Nations Unies et de toutes les organisations régionales et internationales d’œuvrer à renforcer les efforts internationaux de lutte contre l’impunité dans le domaine de l’offense contre les religions. Le Conseil des Droits de l’Homme a, dans le cadre de ses efforts pour la réalisation de cet objectif, et en harmonie avec son ambition, publié un communiqué le 30 septembre 2010 dans lequel il condamne toutes les manifestations du fanatisme religieux qui se propagent à travers le monde, y compris les Etats dits démocratiques qui prétendent respecter les droits de l’homme. Ce communiqué a été précédé par un cercle d’étude organisé par le Commissariat des Nations Unies les 2 et 3 octobre 2008 autour la liberté d’opinion et d’expression, et l’incitation à la haine religieuse qui constitue une apologie de la discrimination.

Quiconque veut aujourd’hui s’intéresser à la question de l’offense contre les religions, surtout après la demande adressée par l’Assemblée Générale des Nations Unies au Secrétaire Général de présenter un rapport sur le degré d’application de la résolution contre la stigmatisation des religions et son impact sur les législations des Etats Parties, doit se poser un certain nombres de questions : Ces efforts peuvent-ils contribuer à proscrire l’offense contre les religions ? Les effets de ces législations sont-elles perceptibles ? Y’a-t-il ou non une évolution dans cette question?

C’est ainsi qu’apparait, aujourd’hui plus que jamais, la nécessité de la mise en place des fondements d’une convention internationale contraignante, en vertu de laquelle on respecte les religions, on interdit le blasphème et on fait une distinction nette entre la liberté d’opinion et d’expression et le droit d’offenser les religions, en considérant que cette offense est une violation des droits de l’homme.

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Conclusion

Il apparait à travers les différents thèmes de cette étude que les offenses faites à l’Islam, à travers les moyens d’information occidentaux, portent en elles de nombreuses atteintes à l’essence-même des règles du droit international. Ces atteintes se manifestent à travers les productions médiatiques dans les Etats occidentaux, qui s’en prennent à l’Islam et aux musulmans et s’évertuent à dénaturer leur image en usant de tous les moyens à leur portée, de toutes les compétences dont elles disposent, de toute la duplicité dont elles sont capables et de tout l’art de la rhétorique intellectuelle, philosophique et juridique qu’elles possèdent.

C’est ainsi que ces moyens d’information n’hésitent pas, à travers ces productions, à tordre le coup aux règles de droit reconnues internationalement, en donnant au contenu réel de ces règles des interprétations erronées et contraires à la volonté du législateur qui les a instituées. Ils justifient souvent cette position par le recours à une certaine lecture des interventions de représentants de certains pays concernant des questions spécifiques, en mettant en avant, par exemple, une contradiction entre une partie du texte avec leurs législations nationales, en émettant une réserve le concernant ou en en faisant une interprétation erronées.

Nous avions précisé au cours de l’analyse des différents thèmes de cette étude qu’il ne s’agit pas ici d’un luxe intellectuel ou juridique qui vise à faire étalage du dispositif juridique ou de la jurisprudence dont regorgent les ouvrages du droit international relatifs aux droits de l’homme et à l’information. Cette étude vise, plutôt, à savoir si la liberté d’expression est une liberté débridée et absolue et s’il y a une autre liberté qui peut la limiter, à savoir la liberté religieuse.

C’est ainsi qu’il est apparu, à travers l’exposition d’un ensemble de règles juridiques contenues dans les conventions, les déclarations et les résolutions internationales, mais aussi dans certaines jurisprudences et avis juridiques, que la liberté d’expression est limitée par la liberté religieuse. C’est pourquoi l’on ne peut se prévaloir de la liberté d’opinion et d’expression pour s’attaquer aux religions, dénaturer leur image, et insulter leurs symboles.

Il a été expliqué démontré, tout au long de cette étude, que le droit à la liberté de religion constitue une règle contraignante du droit international, en ce sens que l’on ne peut convenir de ce qui s’y oppose. Tout comme la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de religion ne peut être limitée que par la loi et dans des conditions exceptionnelles. Ce qui veut dire que la liberté d’opinion et d’expression ne peut empiéter sur la liberté de religion et que la liberté de religion ne peut empiéter sur liberté d’opinion et d’expression. Cependant, la discussion de cette problématique a fait apparaitre certaines divergences entre une partie des exégèses du droit international occidental et les exégèses du droit international islamique, au moment où chacune des deux approches exprime son attachement au respect des droits de l’homme et aux deux libertés d’expression et de religion ; ce qui a, d’ailleurs, été relaté dans le corps de cette étude.

L’étude a également démontré que la liberté de religion trouve ses racines profondes dans le droit international et qu’une attention accrue lui a été accordée au cours des dernières années au sein des instances des Nations Unies. Elle a expliqué le lien entre le retour de la dimension religieuse dans les relations internationales et le regain de l’intérêt pour la question de l’offense aux religions qui s’est manifesté à travers la consécration de leur respect à travers

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les déclarations de 1981 et 1992. Cet intérêt s’est d’ailleurs accru au sein des Nations Unies et de ses différentes instances, telles que l’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, juste avant les évènements du 11 Septembre 2001 et après ces évènements.

Toutes ces institutions ont été unanimes sur l’interdiction des injures et outrages aux religions et aux divinités et insisté sur le fait que les Nations Unies ont assimilé les attaques contre les religions et le fait de les tourner en dérision à l’incitation à la haine raciale et religieuse. Elles ont tenté, à travers nombre de leurs déclarations, de clarifier et d’affirmer cette position qui a été concomitante avec celle posée par le Pakistan au nom des pays islamique au sein du Conseil des droits de l’homme en 1999.

Après cela, nous constaterons que l’Assemblée générale et, parfois, le Conseil des droits de l’homme et le Haut-commissariat aux droits de l’homme, appellent chaque année tous les états, depuis 2000, à offrir la protection adéquate contre les atteintes aux religions. L’acte le plus significatif à cet égard demeure incontestablement la résolution prise par l’Assemblée générale en Avril 2011.

Il est à remarquer que, malgré les efforts continus que déploient les pays islamiques et qui trouvent un appui dans la jurisprudence et les avis des juristes internationaux objectifs, on constate que les attaques que mènent les moyens d’information occidentaux contre les religions, toutes les religions, ne font que s’amplifier, ce qui doit pousser à réfléchir pour trouver une solution afin de mettre fin à ce phénomène qui s’amplifie de jour en jour.

Comment y parvenir ? Est-ce en imposant des limites à la liberté d’information et, par conséquent, à la liberté d’opinion et d’expression ? Est-ce en laissant cette liberté sans limites, en dehors de toute forme de contrôle et de règles ? Ou est-ce en mettant le droit à la liberté de religion et son respect sur un pied d’égalité avec le droit à la liberté d’expression, étant donné que l’hégémonie de l’un de ces droits sur l’autre peut mener au déni de l’un ou de l’autre de ces principes, enracinés dans le droit international des droites de l’homme, qui représentent une équation complexe dont on ne peut sacrifier l’un des termes au profit de l’autre ?

Malgré cela, des efforts importants sont déployés à la fois au sein des Nations Unies et de la part du Groupe des pays islamiques qui compte 57 états affiliés à l’Organisation de la Coopération islamique et de son organisme culturel et de communication, l’ISESCO, en vue de pousser avec enthousiasme et témérité à réconcilier les deux aspects de cette question délicate et ses deux termes de l’équation. Ce groupe est devenu plus que jamais enthousiaste pour présenter une loi internationale pour la protection des religions sans porter atteinte à la liberté d’expression, conformément à l’appel lancé par le Serviteur des lieux saints de l’Islam.

Il s’agit donc d’instituer une convention internationale qui interdit et criminalise l’atteinte aux religions, toutes les religions célestes, en spécifiant qu’une telle offense de la part des moyens d’information constitue un élément limitatif de leur liberté.

Cette interdiction trouve son fondement dans l’article 19 de la Convention internationale pour les droits civiques et politique, notamment en son alinéa 2, ainsi que dans l’article 20 de la même Convention. Elle trouve également ses fondements dans d’autres déclarations et conventions dont notamment la Convention internationale pour l’éradication des crimes raciaux et leur répression de 1973, les différents textes du droit international relatif aux droits de l’homme et la déclaration de 1981 relative à l’éradication de toutes les formes de discrimination basée sur la religion ou la foi.

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Telles sont les bases pour une convention internationale pour la protection des religions contre les outrages et les insultes. D’ailleurs, certains pays ont commencé à être influencés par la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2011 et entamé, certes timidement, une adaptation de leur législation interne à cette résolution, surtout après la demande faite par l’Assemblée général au Secrétaire général de présenter un bilan de l’impact de cette résolution sur les législations des pays membres.

L’instauration d’une loi internationale contraignante pour imposer le respect des religions et l’interdiction des blasphèmes est une nécessité urgente dans le contexte mondial actuel, marqué par la profusion des moyens d’information et leur utilisation pour propager la haine religieuse et raciale. A cet égard, cette loi doit faire une distinction entre la liberté d’opinion et d’expression, d’une part, et les attaques contre les religions en tant qu’entorse aux droits de l’homme, d’autre part.

Cependant, que faut-il faire si des obstacles sont placés devant une telle loi, ce qui est fort probable ? Les états membres de l’OCI et notamment leur opérateur dans le domaine de la culturel et de la communication, l’ISESCO, ne pourront-il pas recourir à l’institution d’une loi islamique internationale sous forme de convention qui engage tous ses membres et qui impose à leurs moyens d’information le respect des religions sur la base de la déclaration de 1981 relative à l’éradication de toutes les formes de discrimination sur la base de la religion et de la foi ? Les états islamiques auront ainsi suivi l’exemple de l’Europe qui, devant l’impossibilité d’obtenir un accord international contraignant en la matière, avait recouru à l’adoption une Convention européenne pour la protection des droits de l’homme en 1950.

L’adoption d’une telle démarche de la part de 57 états ne manquera pas d’ouvrir la voie, au sein des Nations Unies, à l’adoption d’une convention internationale contraignante et inclusive pour le respect des religions.

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Propositions et recommandations

Au terme de cette étude nous présentons certaines recommandations qui peuvent aider à faire face à l’extrémisme dans les attaques contre les religions et les tensions qui en résultent entre ceux qui s’attachent à la supériorité de la liberté d’opinion et d’expression en tant que règle contraignante du droit international relatif aux droit de l’homme, d’une part, et ceux qui insistent sur l’obligation de respecter les religions qui a été consacrée par les différents textes juridiques relatifs aux droits de l’homme et en tant que règle contraignante du droit international. En effet, la logique veut que l’on ne sacrifie aucune de ces principes au profit de l’autre, car chacune constitue une règle contraignante que l’on se doit de respecter.

Dans le même ordre d’idées, si nous revenons aux textes du droit international relatif aux droits de l’homme et à toutes les conventions qui s’y attachent, nous trouverons que ces deux principes sont inséparables. La liberté d’opinion et d’expression, bien que quasiment absolue, trouve sa limite dans l’exigence du respect de la religion et dans l’interdiction de l’appel à la discrimination et à la haine religieuses. C’est ce que consacrent la Convention pour l’éradication de toutes les formes de discrimination (1965), la Charte internationale pour les droits civiques et politiques en ses articles 19 et 20, la Convention des droits de l’enfant (1989), la Convention sur les droits des travailleurs immigrés et leurs familles, la Convention des peuples originels, la Convention sur la discrimination contre la femme, etc.

L’arsenal juridique susmentionné prouve l’existence d’un noyau de droit international qui vise à limiter les attaques et les outrages contre les religions quelles qu’en soit la justification, y compris la liberté d’opinion et d’expression, car cela peut provoquer la haine et les dissensions. Cette tendance trouve un appui dans des résolutions et des déclarations internationales qui interdisent le blasphème contre les religions et la nécessité de leur respect, conformément aux principes de la Charte des nations Unies. Citons, dans ce cadre, la résolution 127 (d.4) adoptée par l’Assemblée générale en 1947, résolution qui engage les pays membres à combattre la diffusion d’informations erronées, tronquées ou qui peuvent porter atteinte aux bonnes relations entre les pays. Citons également la résolution 59, notamment en son article 10, adoptée par l’Assemblée générale en 1946, et qui stipule que le facteur principal de la liberté d’information réside dans le fait qu’elle ne soit pas utilisée de manière abusive et que l’une de ses règles principales réside dans le respect moral de la recherche des faits et la diffusion des information sans nuire aux autres.

Il faut rappeler que les organisations et les agences affiliées aux Nations Unies ont interdit aux moyens d’information de publier tout ce qui est de nature à exacerber ou susciter la discrimination et la haine entre les peuples sur des bases religieuses. C’est dans ce cadre qu’est intervenue la Déclaration émanant de l’UNESCO à l’automne 1978 concernant les principes fondamentaux relatifs à la contribution des moyens d’information à la consolidation de la paix et la lutte contre le racisme. Cette déclaration comporte un rappel des finalités que recouvrent les principes des Nations Unies et insiste sur le contenu de la Déclaration universelle des droits de l’homme, notamment son article 10 qui interdit l’incitation à la haine religieuse ainsi que toute autre forme d’animosité et de violence.

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Etant donné que l’une des raisons fondamentales de la création de l’Organisation des Nations Unies réside dans la préservation de la paix et de la sécurité internationales, et étant donné que les attaques contre les religions et l’incitation constitue l’une des plus grandes menaces à cette paix et à cette sécurité, il faut considérer toute incitation à la haine religieuse et toute atteinte aux religions, de la part de quelque moyen d’information que ce soit, une ligne rouge que l’on ne peut et doit franchir.

Dans ce cadre, nous faisons les propositions et recommandations suivantes :

1. Appeler tous les pays à établir un équilibre entre la liberté d’opinion et le respect du caractère sacré des religions. Si certains pays confèrent un caractère sacré à la liberté d’expression, il incombe à tous les pays de respecter cette liberté car elle constitue un principe du droit universel qu’il faut défendre et respecter, en même temps qu’il faut établir un équilibre entre cette liberté et le devoir de respecter les religions. En effet, la rupture de l’équilibre entre ces deux principes peut mener à l’explosion, çà et là, de conflits qui menacent la paix et la sécurité internationales.

2. Insister sur le fait que l’interdiction des attaques contre les religions, dont la religion islamique, à travers les moyens d’information, ne vise point à limiter la liberté de la presse et de l’information ou la liberté d’opinion et d’expression mais, plutôt, à s’élever contre l’usage abusif de cette liberté.

3. Déployer tous les efforts pour inciter les organisations gouvernementales internationales et les organisations de la société civile à agir efficacement pour la mise en œuvre de toutes les conventions, chartes, accords, résolutions, lois internationales et nationales qui définissent les lignes qui séparent la liberté d’opinion et d’expression, d’une part, et les différentes entorses et abus contre les religions commis par les moyens d’information sous le couvert de la liberté d’opinion et d’expression, d’autre part.

4. Appeler à établir un lien entre liberté d’expression et responsabilité et inciter les institutions de production médiatiques à diffuser des messages qui prennent en compte la richesse du patrimoine culturel de l’humanité et respectent le devoir de respecter les religions, notamment l’Islam, ainsi que la culture des minorités musulmanes en Occident dans le cadre de la tolérance, tout en s’attachant aux principes de l’éthique professionnelle, à savoir : faire preuve de responsabilité, de précision, d’équilibre et d’objectivité et s’abstenir de d’inciter à toute forme de racisme, de violence, d’intolérance et de haine raciale ou religieuse.

5. Appeler les organisations internationales à activer les conventions et les lois qui fixe les limites entre la liberté d’information, d’une part, et l’usage abusif de cette liberté pour s’attaquer aux religions, d’autre part, en insistant sur le fait que l’offense contre les religions ne rentre point dans le cadre de la liberté d’opinion, d’expression ou d’information et constitue, plutôt, une atteinte aux droits de l’homme, sans parler du fait qu’elle peut provoquer des troubles et des désordres et constitue une contradiction avec les principes des Nations Unies.

6. Œuvrer pour l’établissement d’une convention contraignante pour interdire les attaques contre toutes les religions, notamment les religions célestes, qui sanctionnent ceux qui s’en prennent aux religions, aux prophètes et aux dieux. Cette convention doit préciser ce concept dans son préambule et de manière restrictive, afin de fermer la porte devant toute interprétation de la part des acteurs politiques, administratifs et même juridiques fussent-ils honnêtes et de bonne foi. En effet, laisser libre court aux interprétations

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peut mener aux atteintes à la liberté d’opinion, d’expression et de l’information ou à la caution des attaques contre les religions.

7. Appeler les pays membres de l’OCI à adopter une convention islamique ainsi que des constitutions et des lois qui interdisent et criminalisent les offenses aux religions célestes, en particulier l’Islam, en raison du fait que ces offenses sont contraires à la liberté d’opinion et d’expression et conformément aux règles du droit international des droits de l’homme.

8. Promulguer une loi qui interdit l’offense aux religions dans chaque pays islamique à part, dont les dispositions s’appliquent aux citoyens de ce pays ainsi qu’à tous ceux, parmi les citoyens des autres pays non membres de l’OCI, qui se trouvent sur son territoire en raison du fait qu’ils incitent au racisme et à la haine et à la discrimination religieuse.

9. Accélérer la promulgation de la loi arabe d’orientation qui interdit l’outrage des religions. Cette loi doit insister sur le fait que la liberté d’expression ne veut pas dire la liberté de s’attaquer aux religions célestes ou aux symboles religieux. Elle doit également insister sur le caractère impérieux de défendre la liberté d’expression en tant que pilier fondamental pour ancrer les fondements de la démocratie et des droits de l’homme. Cependant, cette liberté doit être conditionnée par le respect des religions et des symboles religieux. En effet, il est inconcevable, ni d’un point de vue du droit, ni d’un point de vue de la religion, que l’on bafoue le droit des individus au respect de leur religion sous le couvert de la liberté d’expression. Tout comme il est inconcevable d’interpréter abusivement l’exigence du respect des religions pour réprimer ou baillonner la liberté d’expression.

10. Inviter les pays membres de l’ONU à mettre en œuvre les résolutions émanant du Conseil des droits de l’homme, du Haut-commissariat des Nations Unis pour la protection des droits de l’homme, de l’Assemblée générale des Nations Unies, relatives à l’interdiction de l’outrage contre les religions, notamment la résolutions de l’Assemblée générale adoptée en 2011.

11. Appeler les citoyens musulmans des pays occidentaux, dont les moyens d’information s’attaquent à l’Islam et aux musulmans, à recourir à la justice de ces pays pour ester contre ces moyens d’information pour cause d’appel à la haine religieuse sur la base des lois nationales et du droit international.

12. Appeler les états islamiques et arabes à recourir à la justice internationale en cas d’offense contre l’Islam de la part des pays occidentaux ou de leurs moyens d’information, sur la base de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la déclaration des Nations Unies pour l’éradication de toutes les formes d’intolérance et de discrimination sur la base de la religion ou de la foi. Les pays islamiques ont le droit à recourir à la Cour internationale de justice, sur la base du chapitre 36 de son statut, quand les pays occidentaux invoquent la liberté d’expression (dont le contenu est d’ailleurs controversé) pour justifier leur passiveté devant les attaques de leurs moyens d’information contre l’Islam, et en cas de divergence sur les concepts de la liberté religieuse et de l’incitation à la haine religieuse dans leur relation avec la liberté d’expression, et ce en application des articles 8 à 16 et de l’article 22 de la Convention pour l’éradication de toutes les formes de discrimination raciale de 1965.

13. Appeler l’ISESCO à appuyer les communautés et minorités musulmanes en Occident afin de faire connaitre le vrai visage de l’Islam et à assurer la formation des porte-

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parole, les imams et les hommes de communication musulmans afin de mener à bien cette mission. L’ISESCO doit également, à travers des études, ateliers et colloques, faire savoir que le contenu des textes internationaux en matière de droits de l’homme et de liberté de l’information est conforme aux enseignements de l’Islam dans ces mêmes domaines, et qu’ils prônent les mêmes idéaux de rejet de discrimination religieuse et raciale, d’appel à la haine et au terrorisme et de respect des religions, etc.

14. L’ISESCO doit, en collaboration avec l’UNESCO, présenter un peojet de convention internationale interdisant les outrages aux religions. Cette convention, qui doit être présentée à l’ONU pour son adoption et sa soumission à la signature aux pays membres, doit insister, en même temps, sur le respect de la liberté d’expression et des religions.