etude pharmacologique de la voie de signalisation...
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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
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CHAPITRE I
I-LE DIABETE SUCRE ET SES COMPLICATIONS
Connu dès l’Antiquité égyptienne et gréco-romaine, le diabète doit son nom à la perte
urinaire excessive qui le caractérise sur le plan clinique, celle-ci étant accompagnée d’une soif
intense. Le diabète sucré est caractérisé par une élévation permanente de la glycémie et la
présence de sucre dans les urines. La classification internationale du diabète sucré et des
anomalies de la tolérance au glucose se fonde sur des caractéristiques cliniques,
correspondant à deux mécanismes pathogéniques différents. Le diabète sucré est ainsi
subdivisé en diabète insulino-dépendant (dit de type I) ou non insulino-dépendant (dit de type
II), selon la nécessité vitale de recours à l’apport d’insuline, présente dans le premier type,
absente dans le second. L’insuline, hormone hypoglycémiante, est sécrétée par les cellules β
des îlots de Langerhans du pancréas. Elle stimule l’absorption du glucose sanguin par les
tissus dits insulino-dépendants (le foie, le muscle squelettique et le tissu adipeux) et son
stockage sous forme de glycogène (glycogenèse). Dans le foie, l’insuline inhibe également les
voies métaboliques de la production de glucose (la néoglucogénèse et la glycogénolyse).
1-Le diabète insulino-dépendant (type I ou DID)
Atteignant dans la plupart des cas l’enfant et l’adulte jeune, le diabète sucré de type I
(également nommé diabète juvénile) est lié au développement d’une auto-immunité la
(présence d’anticorps plasmatiques dirigés contre les cellules d’îlots) responsable de la
destruction des cellules β insulino-sécrétrices des îlots de Langerhans pancréatiques. Il
entraîne donc une carence absolue et définitive en insuline. Il représente environ 10% des cas
de diabète sucré dans les pays occidentaux.
Le rôle de facteurs environnementaux dans la pathogenèse du diabète de type I a été
suggéré depuis longtemps. Les principaux facteurs incriminés, identifiés à partir
d’observations épidémiologiques, seraient des composants alimentaires, tels que des
composés riches en nitrosamines (Dahlquist, 1998) et une alimentation lactée (lait de vache)
(Knip et Akerblom, 1999) ou des infections virales (virus du groupe des entérovirus, comme
coxsakie B) (Viskari et al., 2000).
LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
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Le traitement thérapeutique du diabète de type I consiste en des injections journalières
d'insuline, associées à un régime alimentaire finement contrôlé en glucose et en amidon.
2-Le diabète sucré non insulino-dépendant (type II ou DNID)
Cette forme clinique du diabète sucré est de loin la plus fréquente dans les pays
développés (plus de 80% des diabétiques) et atteindrait plus de 2 % de la population
mondiale. L’installation du diabète de type II est généralement insidieuse. Le DNID survient
majoritairement après 40 ans chez les sujets obèses et sa prévalence augmente avec l’âge. De
ce fait, il porte également le nom de «diabète gras» ou «diabète mature». Si les processus
physiopathologiques impliqués dans la maladie sont de mieux en mieux connus, ses causes
initiales restent mal définies. Deux grands mécanismes participent à l’hyperglycémie :
1-Une résistance du foie, des tissus musculaires et adipeux à l’action de l’insuline
(l’insulinorésistance) : le défaut de la sensibilité à l’insuline fait intervenir d'une part une
réduction du nombre des récepteurs à l’insuline associée à une altération des mécanismes
cellulaires en aval du récepteur et d'autre part une réduction du nombre des transporteurs
membranaires, dépendants de l’insuline, permettant l’entrée cellulaire du glucose et des corps
gras. Il en résulte une diminution du métabolisme du glucose par le foie, le muscle et le tissu
adipeux et une augmentation des niveaux lipidiques circulants (triglycérides, acides gras
libres). Le diabète sucré de type II est souvent associé à l’excès de poids. La surcharge en
masse grasse de l’organisme majore la résistance à l’action de l’insuline et favorise ainsi
l’éclosion du diabète sucré. Le surpoids apparaît cependant plus comme un facteur précipitant
la révélation du diabète qu’un facteur étiologique direct.
2-Une anomalie de la sécrétion d’insuline (a) en valeur absolue ou (b) relative aux
besoins: les phases précoces du diabète de type II sont en effet caractérisées par une
hyperinsulinémie et une hyperglycémie mais la sécrétion est inadéquate et insuffisante en
regard des besoins accrus en insuline générés par l'insulinorésistance périphérique. Au cours
de l’évolution de la maladie, une baisse progressive de la phase sécrétoire est observée,
résultant d'une baisse de la sensibilité des cellules β au stimulus glucosé associée à une perte
en masse de ces cellules par apoptose, induite par l’hyperglycémie (Kaneto et al., 1996) et
l’hyperlipidémie (Shimabukuro et al., 1998a). On parle ainsi aujourd’hui de glucotoxicité et
lipotoxicité. Le patient atteint de DNID présente alors une hyperglycémie à jeun.
Cette maladie est généralement traitée par une réduction de la charge pondérale (régime
alimentaire et exercice physique), associée ou non à la prise d’anti-diabétiques oraux, comme
les biguanides et des thiazolidinediones qui sensibilisent à l’action de l’insuline, améliorant
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l'insulinorésistance, et/ou des sulfonylnurées et des glinides qui stimulent la sécrétion
d'insuline.
3- Les complications chroniques du diabète sucré
Si les complications aiguës métaboliques (comme l’hypoglycémie) se raréfient grâce à
la meilleure prise en charge, à l’éducation et à l’auto-surveillance des diabétiques, les
complications chroniques demeurent le lourd tribut du diabète sucré au long cours. La
normalisation insuffisante et inconstante de la glycémie par les traitements médicamenteux en
constitue la cause principale. De plus, le caractère quasi asymptomatique de l’hyperglycémie
modérée au long cours favorise sa négligence et expose largement à la survenue des
complications. Les complications dégénératives du diabète sucré sont classiquement divisées
en deux groupes principaux: la macroangiopathie (maladie des gros vaisseaux), la
microangiopathie (maladie des petits vaisseaux).
La macroangiopathie désigne, d’une manière générale, l’ensemble des lésions
artérielles allant de l’altération discrète de l’intima à l’obstruction complète de certains
vaisseaux, entraînant une ischémie du territoire périphérique correspondant. Chez le sujet
diabétique, elle se traduit principalement par une athérosclérose accélérée.
La microangiopathie consiste en des lésions des petits vaisseaux de l’organisme
(artérioles, veinules et capillaires) de diamètre inférieur à trente microns. Elle se caractérise
par des anomalies structurales, telles qu’un épaississement de la membrane basale des
microvaisseaux, et des anomalies fonctionnelles comme une augmentation de la perméabilité
qui s’accompagne d’une fuite de protéines plasmatiques. Ces lésions microvasculaires sont
retrouvées, à des degrés variables, au niveau de divers tissus et organes mais leur expression
clinique est seulement manifeste au niveau rénal (néphropathie), neuronal (neuropathie) et
rétinien (rétinopathie)
II-LA PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
La rétinopathie diabétique, localisation oculaire de la microangiopathie diabétique,
constitue la première cause de cécité acquise dans les populations en âge de travailler (20-70
ans), la dégénérescence maculaire étant la première cause chez les personnes âgées (> à 70
ans).
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1-Structure et fonction des microvaisseaux rétiniens
Localisée à l’intérieur du globe oculaire, postérieure à la cornée, entre l’endothélium
pigmentaire et l'humeur vitrée, la rétine neuronale comporte (Figure 1):
- un étage de réception formé par les cellules photoréceptrices: cônes et bâtonnets
- un étage de transmission représenté par les cellules bipolaires et ganglionnaires
La partie neuronale de la rétine est séparée du lit vasculaire choroïdien par l'épithélium
pigmentaire, et du vitré par une membrane nommée limitante interne. Deux étages de cellules
impliquées dans la transmission des signaux nerveux sont visibles: les cellules de la nucléaire
externe qui transmettent le signal juste après la photoréception, et les cellules bipolaires
situées entre les cellules de la nucléaire externe et les cellules ganglionnaires qui envoient le
signal au niveau du nerf optique.
Figure 1: représentation schématique d’une coupe transverse de la rétine humaine
L'apport de substrats métaboliques et d'oxygène par le sang dans la rétine est assuré
par la présence d'un lit microvasculaire inégalement réparti dans deux régions,
majoritairement à la surface de la rétine mais également enfouis dans la couche de cellules
bipolaires (Figure 1). Les microvaisseaux rétiniens sont constitués de deux types cellulaires,
les cellules endothéliales formant une monocouche sur la membrane basale du coté luminal
du microvaisseau, et les péricytes enfouis dans la membrane basale (Figure 2). La rétine est le
Lit vasculaire choroïdien
Epithélium pigmentaire
Photorécepteurs
Limitante externe
Limitante interne
Cellules ganglionnaires
Plexiforme interne
Nucléaire interne(cellules bipolaires)
Plexiforme externe
Nucléaire externe
Étage de transmission
Étage de réception
Lit microvasculaire rétinien:
veinuleartèriole
capillaires
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tissu où le rapport entre les cellules endothéliales et les péricytes est le plus élevé (1:1) chez
l’Homme (Speiser et al., 1968).
Figure 2: Coupe transversale d'un capillaire rétinien
Les cellules endothéliales participent à la formation et à la fonction de la barrière
hémato-rétinienne (BHR), également constituée des péricytes et des cellules neuronales
(cellules de Müller). La BHR, rendue étanche par l’existence de jonctions serrées entourant
les cellules de l’endothélium et par le contact avec les cellules de Müller et les péricytes,
contrôle les échanges entre le sang et les espaces extra-vasculaires par voie transcellulaire
sélective active. Les cellules endothéliales participent également à la régulation de
phénomènes physiologiques. Elles jouent en effet un rôle important dans la régulation du
tonus vasculaire en sécrétant des agents vaso-dilatateurs comme la prostaglandine PGI2
(Moncada et al., 1976) et le monoxyde d’azote (NO) (Furchgott, 1966), ainsi que des vaso-
constricteurs tels que les endothélines (endothéline-1, -2,-3) (Yanagisawa et al., 1988) et les
prostaglandines PGH2 et TxA2 (Moncada et Vane, 1978). Les cellules endothéliales
interviennent également dans la régulation de la fibrinolyse en produisant l’activateur du
plasminogène tissulaire (tPA) et l'inhibiteur-1 de l'activateur de plasminogène (PAI-1) (Grant
et Guay, 1991). Enfin, elles constituent le lieu de synthèse de facteurs de croissance (Brooks
et al., 1991) ou de constituants protéiques de la membrane basale, tels que la fibronectine, le
collagène IV ou la laminine (Mandarino et al., 1993).
Les péricytes, nommés également cellules murales, par leur localisation, semblent jouer
un rôle dans l’intégrité et la fonction de la paroi capillaire. Les péricytes pourraient avoir une
activité contractile et moduler le tonus microvasculaire (Kelley et al., 1987), de façon
similaire aux cellules musculaires lisses dont ils dériveraient. Comme les cellules
Cellulesendothéliales
Péricyte Membrane basale
.
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endothéliales, ils synthétisent des constituants de la membrane basale (Mandarino et al.,
1993), ils participent à la régulation du tonus vasculaire en produisant par exemple des
prostacyclines, vasodilatatrices, (Hudes et al., 1988) et interviennent également dans le
contrôle de l'hémostase en sécrétant la trombospondine, molécule d'adhésion des plaquettes à
l'endothélium, et le PAI-1 (Canfield et al., 1989). Malgré leur localisation à l'intérieur de la
membrane basale, les péricytes émettent des prolongements cytoplasmiques permettant des
contacts directs avec les cellules endothéliales par des jonctions gap, des molécules
d'adhésion ou la sécrétion de facteurs solubles, mais ils interagissent probablement aussi avec
les cellules de la rétine neuronale (Ruggiero et al., 1997). Ils joueraient ainsi un rôle
important dans la régulation du métabolisme des cellules endothéliales. Il a été montré in
vitro que les péricytes réduisent la croissance des cellules endothéliales (Orlidge et D’amore,
1987), stimulent leur synthèse de prostaglandines (PGI2) ou les protègent contre le stress
oxydant (Yamagishi et al., 1993), et contrôleraient également leur prolifération en activant le
TGF-� (Transforming Growth Factor-�) (Antonelli-Orlidge et al., 1989).
2-Altérations de la structure et de la fonction des microvaisseaux
rétiniens
L’atteinte micro-circulatoire survenant au cours de la rétinopathie diabétique est
probablement multifactorielle. Plusieurs mécanismes intriqués, résultant de facteurs généraux
et locaux jouent un rôle dans la genèse et l’évolution de la microangiopathie rétinienne.
2-1-Les phases cliniques de la rétinopathie diabétique
Bien que l’expression clinique de la rétinopathie diabétique varie temporellement d’un
malade à l’autre, trois phases d’atteinte distinctes ont pu être définies (Figure 3):
La phase non-proliférante, préclinique : Les premières modifications structurales des
microvaisseaux rétiniens, observées au cours du diabète, sont un épaississement de la
membrane basale (Ashton, 1974), une disparition sélective (parce que seule visible ?) des
péricytes (Cogan et al., 1961) et une altération des cellules endothéliales, comme leur
prolifération (Engerman et al., 1967). Certains microvaisseaux voient même la disparition des
péricytes et des cellules endothéliales par apoptose entraînant l’apparition de capillaires
acellulaires (Engerman, 1989; Mizutani et al., 1996). Il en résulte une baisse de la résistance
mécanique de la paroi vasculaire favorisant la formation de microanévrismes, qui peuvent
générer des microhémorragies. Ces lésions structurales induisent d’autre part un défaut de la
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barrière hémato-rétinienne (BHR), qui se caractérise par une hyper-perméabilité. Il en résulte
une transsudation des liquides intravasculaires (oedèmes) et d’exsudats lipidiques.
L’augmentation du flux sanguin et de la pression vasculaire, associés aux défauts
structuraux de la paroi, contribuent largement à la formation des microanévrismes et à
l’apparition de petites hémorragies et accentuent également l'hyper-perméabilité au niveau de
la BHR. La viscosité des constituants sanguins (hyperagrégabilité des plaquettes, baisse de la
fibrinolyse) se trouve également augmentée favorisant la formation de microthrombi,
probablement au niveau des capillaires acellulaires. Ces phénomènes contribuent ainsi à
l'occlusion des capillaires et la non-perfusion de territoires rétiniens (Lorenzi et Gerhardinger,
2001).
Figure 3: Les phases cliniques du développement de la rétinopathie diabétique
Épaississement de la membrane basale
Disparition des péricytes
Altération des cellules endothéliales
Atteintes de l’hémodynamique rétinienne:
- flux sanguin
- pression vasculaire
ANOMALIES STRUCTURALES ANOMALIES FONCTIONNELLES
Hyperglycémie
- viscosité-agrégation plaquettaire
Hypoxie
Libération de facteurs de croissanceNéovascularisation
Cécité
Capillaires acellulaires
Défauts de la barrière hémato-rétinienne
Formation de microanévrismes
Hémorragies en pointExsudats lipidiques
OedèmeOcclusion des capillaires
Phase non-proliférante
Phase préproliférante
Phase proliférante
Atteintes de l’hémostase:
Microvaisseaux rétiniens
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La phase pré-proliférante: Les altérations structurales et fonctionnelles conduisent à
l’occlusion des capillaires rétiniens et/ou la formation d’exsudats menant à l’œdème rétinien.
L’ensemble de ces modifications coopèrent pour induire une non-perfusion des capillaires
avec une ischémie.
La phase proliférante: L’ischémie résultante stimule l’extravasation et la prolifération
des cellules endothéliales par la production locale de facteurs de croissance dans les régions
ischémiées, en particulier le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) (Aiello et al.,
1994), aboutissant à la formation de néovaisseaux intrarétiniens. Le développement d’une
néovascularisation proliférante avec des néovaisseaux fragiles entraîne les conséquences les
plus graves pour la vision par des décollements de la rétine, des hémorragies dans le vitré, qui
peuvent mener à la cécité (Frank et al., 1995).
2-2-Les modifications structurales et fonctionnelles au cours de la
rétinopathie diabétique.
La composition cellulaire, la structure et la fonction des microvaisseaux rétiniens sont
fortement altérés au cours de la rétinopathie diabétique.
2-2-1-La membrane basale
La première manifestation histologique visible de la rétinopathie consiste en un
épaississement de la membrane basale (Ashton et al., 1974), résultant de l’augmentation de la
synthèse de ses composants protéiques. En effet, en comparaison avec des sujets sains, des
diabétiques montrent une augmentation des niveaux des transcrits du collagène IV (Roy et al.,
1994), composant structural essentiel de la membrane basale, et de la fibronectine (Roy et al.,
1996), composé protéique localisé tout particulièrement au niveau des zones de contacts entre
les deux types cellulaires. L’augmentation de l’expression de ces protéines pourrait être
induite par l’hyperglycémie (Cagliero et al., 1991b). Mais l’épaississement de la membrane
basale résulterait également de la formation et de l’accumulation d’AGE, qui lui confèrent
une résistance aux protéases (Mott et al., 1997) et limitent ainsi la protéolyse.
2-2-2-Les péricytes
Une des altérations caractéristiques de la rétinopathie, concomitante à l’épaississement
de la membrane basale, est la disparition précoce des péricytes, abaissant le rapport
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numérique péricytes/cellules endothéliales de 1 à 0,3 et même à 0,1 pour les stades ultimes de
la maladie chez l’Homme (Cogan et al., 1961). Des travaux récents réalisés à partir de rétines
humaines prélevées post-mortem chez des patients diabétiques de longue durée ont permis de
proposer que les péricytes mourraient par apoptose, également nommée mort cellulaire
programmée. La détection des péricytes apoptotiques a été effectuée in situ sur les rétines
entières par la méthode TUNEL (terminal UDP nick end labelling), qui consiste à marquer les
fragments d’ADN résultant d’un clivage internucléosomal (Mizutani et al., 1996). Une autre
équipe, après purification des péricytes de rétines de patients diabétiques, a montré par la
technique de la RT-PCR une augmentation de l’expression du gène d’une protéase impliquée
dans l’apoptose, la caspase-3 ou CCP32 (Cystéine Proteases Protein 32 kDa) (Li W et al.,
1999). Venant à l’appui de ces données, une étude récente sur des péricytes rétiniens de
diabétiques décrit la surproduction de la protéine Bax, une protéine pro-apoptotique
appartenant à la famille des Bcl-2 (Podesta et al., 2000).
2-2-3-Les modifications morpho-fonctionnelles de la barrière hémato-
rétinienne et de l’endothélium rétinien
Au cours du diabète, les propriétés de la barrière hémato-rétinienne, constituée des trois
types cellulaires (cellules endothéliales, péricytes et cellules de Müller), est affectée. Le
passage trans-cellulaire de solutés et de protéines plasmatiques serait en effet augmenté par
un accroissement de l’endocytose des cellules endothéliales (Gardiner et al., 1995) et de la
transcytose de constituants plasmatiques (Stitt et al., 2000a et b). L’augmentation du transport
trans-endothélial semble impliquer les cavéoles, microdomaines membranaires capables de
s’invaginer et de former des vacuoles intracellulaires (Stitt et al., 2000a). Ce processus
d’internalisation a été décrit comme stimulé par le facteur de perméabilité VPF (vascular
permeability factor)/VEGF (Feng et al., 1999), augmenté dans la rétine de patients
diabétiques au cours de la phase précoce de la maladie (Mathews et al., 1997). D’autre part,
le passage para-cellulaire de solutés serait également modifié, du fait d’une altération de la
morphologie et de la perméabilité des jonctions serrées. Parmi les différents composants
protéiques, l’occludine et ZO-1 et ZO-2 représentent des protéines essentielles dans la
fonction de la BHR L’occludine est une protéine transmembranaire reliée aux plaques
protéiques cytosoliques de ZO-1 et ZO-2 (Zonula Occluden), elles-mêmes connectées aux
filaments d’actine (Fanning et al., 1999). Le rôle des cellules neuronales dans la perméabilité
de la BHR a été montré. Elles participent notamment à la synthèse des protéines des jonctions
serrées, telles que la ZO-1 (Gardner et al., 1997). La diminution de l’expression de
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l’occludine, observée dans la rétine des rats diabétiques (Antonetti et al., 1998), pourrait être
liée à la disparition par apoptose des cellules neuronales (Barber et al., 1998).
L’endothélium microvasculaire rétinien présente également des dysfonctions au cours
du diabète, favorisant l’occlusion des microvaisseaux et l’hypoxie des tissus. La production et
la sécrétion de différents facteurs sont en effet modifiés, favorisant alors des troubles de
l’hémostase. Par exemple, une diminution de l’activité fibrinolytique est observée dans les
microvaisseaux rétiniens de diabétiques de type II (Walmsley et al., 1991), liée à une baisse
de l’expression de tPA (Lutty et al., 1991) et d’une hausse de celle de PAI-1 (Cagliero et al.,
1991a et 1991b), et résulte en l’accumulation de fibrine. D’autre part, une augmentation de
l’agrégation plaquettaire est également observée dans les capillaires de rétines de rats
diabétiques (Ishibashi et al., 1981). La modification de la charge électrostatique de surface
des cellules endothéliales, consistant en une baisse de la charge nette négative (Raz et al.,
1988), favoriserait l’adhésion des cellules circulantes et l’occlusion des microvaisseaux.
Enfin, l’expression de ligands pour les molécules d’adhésion est augmentée. Il a été ainsi
montré que des molécules d’adhésion des cellules endothéliales (ICAM-1, molécule-1
d’adhésion intercellulaire des leucocytes et P-sélectine) (McLeod et al., 1995) et des
neutrophiles (intégrines) (Barouch et al., 2000) sont surexprimées dans la rétine de patients
diabétiques.
L’ensemble de ces phénomènes coopère pour la formation de microthrombi (fibrine-
plaquettes, entourées de leucocytes et d’érythrocytes), dont la prévalence augmente avec la
durée du diabète (Boeri et al., 2001). Ces auteurs ont également montré la colocalisation des
microthrombi et de cellules endothéliales apoptotiques. Ils suggèrent une coopération
mutuelle entre les phénomènes de thrombose et d’apoptose. Alors que l’agrégation
plaquettaire peut induire des dommages à l’endothélium par des phénomènes
d’ischémie/reperfusion, les cellules endothéliales apoptotiques peuvent devenir pro-
coagulantes (Bombeli et al, 1997), hyper-adhésives (Hébert et al, 1998) et contribuer ainsi à
la formation des microthrombi. L’administration d’aspirine, anti-agrégant et anti-
inflammatoire, à des chiens diabétiques a permis de réduire les microhémorragies et la
formation des capillaires acellulaires, suggérant une relation causale de la formation de
microthrombi pour les dysfonctionnements vasculaires (Kern et Engerman, 2001).
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III- LA PATHOGENESE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
Il est aujourd’hui admis que l’hyperglycémie est le facteur initial essentiel menant aux
complications microvasculaires liées au diabète. Le rôle du contrôle de l’hyperglycémie dans
l’apparition et le développement des complications microvasculaires du diabète, notamment
au niveau rétinien, a en effet été clairement établi par des études épidémiologiques menées
aux USA (DCCT, 1993) et en Europe (UKPDS, 1998).
Les mécanismes de la toxicité du glucose au niveau des tissus cibles des complications
du diabète sont multiples. Différents mécanismes pathogéniques ont pu être proposés pour
expliquer les altérations de la fonction et de la structure des microvaisseaux rétiniens au cours
du diabète. Un des mécanismes, appelé hypothèse hémodynamique, est lié à la physiologie de
la microcirculation et au flux sanguin. Cinq hypothèses biochimiques distinctes ont également
été proposées pour expliquer les effets toxiques du glucose sur la paroi vasculaire. Trois
concernent des modifications aiguës et répétées de flux métaboliques (l’activation de la voie
des polyols, de la protéine kinase C et des hexosamines) alors que les deux autres concernent
des changements cumulatifs et chroniques (augmentation de la glycosylation non
enzymatique et l’apparition d'un stress oxydant).
1-L’hypothèse hémodynamique
Plusieurs auteurs suggèrent que les modifications structurales microvasculaires
observées très tôt au cours du diabète ont pour origine des perturbations hémodynamiques.
L’hyperglycémie induirait en effet une perte de l’autorégulation rétinienne du flux sanguin
associée à une hyper-perméabilité de la paroi microvasculaire (Porta, 1996).
Au cours du développement de la rétinopathie diabétique, la perte de la régulation du
tonus vasculaire a été mise en évidence, se caractérisant par l’augmentation de la pression et
du flux sanguin et la vasodilatation chronique des microvaisseaux. Ce stress hémodynamique
engendrerait une réponse adaptative de la paroi vasculaire et progressivement un
épaississement de la membrane basale. L’hyperperfusion des microvaisseaux provoque en
effet une augmentation de la pression hydrostatique au niveau de l’endothélium avec pour
conséquence une surproduction des protéines de la matrice. Riser (Riser et al., 1992) a pu
montrer, in vitro, l’induction de l’expression des ARNm des protéines de la matrice
extracellulaire lors d’une distension des capillaires.
L’épaississement de la membrane basale, associé à l’hypertension, induirait l’altération
de la BHR associée à une hyperperméabilité des microvaisseaux (Dosso et al., 1999). Celle-ci
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se caractérise par un passage à travers l’endothélium de macromolécules circulantes,
induisant l’apparition d‘exudats, un des principaux signes cliniques de la rétinopathie
diabétique (Porta, 1996).
2- Les hypothèses biochimiques
2-1-La voie des polyols
Dans les tissus non insulino-indépendants, tels que le cerveau ou la rétine, l’absorption
du glucose est directement proportionnelle à la concentration sanguine en glucose et est donc
plus élevée au cours du diabète. Les voies de métabolisme du glucose (la glycolyse et la voie
des pentoses phosphates) ne suffisent pas à réduire la concentration intracellulaire accrue en
glucose. Le métabolisme du glucose excédentaire est alors pris en charge par la voie des
polyols, qui fait intervenir séquentiellement l’aldose réductase et la sorbitol déshydrogénase.
L’aldose réductase, activée uniquement en présence de fortes concentrations de glucose (Km:
70 mM), réduit le glucose en sorbitol, le donneur d’hydrogène étant le NADPH. La sorbitol
déshydrogénase oxyde par la suite une partie du sorbitol formé en fructose en utilisant le
NAD+ comme cofacteur (Figure 4).
Figure 4: la voie des polyols
Les conséquences biochimiques de l’activation de cette voie de métabolisme sont une
accumulation de sorbitol et de fructose ainsi qu’une modification des rapports
NADPH/NADP+ et NAD+/NADH.
1)- Le sorbitol ne diffuse pas à travers la membrane. Son accumulation induit ainsi un
stress osmotique. L’hyperosmolarité provoque la baisse de l’entrée dans les cellules
d'osmolytes physiologiques dont le myo-inositol. Le défaut en myo-inositol entrave le
métabolisme des phosphoinositides, la production de diacylglycérol (DAG), formé à partir de
ces phosphoinositides, et d’inositol triphosphate (Li et al., 1990). La baisse des DAG induit
alors un défaut d’activation de la PKC et de la Na-K ATPase (Greene et al., 1987).
Glucose Sorbitol Fructose Aldose réductase Sorbitol déshydrogénase
NADPH NADP+ NAD+ NADH
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2)- L’augmentation de la production de fructose pourrait pour sa part, avoir une
conséquence néfaste sur la glycation non-enzymatique de protéines intracellulaires. Le
fructose présente en effet un pouvoir glyquant supérieur au glucose, du fait d’une proportion
de la forme linéaire ouverte plus grande (Suarez et al., 1988).
3)- L’activation de la voie des polyols induit également une altération du potentiel
redox des cellules. La formation de sorbitol s’accompagne d’une baisse des ressources en
NADPH au détriment d’autres réactions qui nécessitent également ce cofacteur. Par exemple,
la glutathion réductase requiert des niveaux élevés de NADPH pour réduire le glutathion
oxydé (GSSG) et restaurer ainsi les niveaux endogènes de glutathion réduit (GSH). La
diminution en NADPH entrave le cycle redox de régénération de GSH et aboutit ainsi à la
génération d’un stress oxydant (Bravi et al., 1997). D’autre part, la baisse en NADPH peut
également limiter d’autres réactions enzymatiques, comme la formation de NO par la NO
synthase (Cameron and Cotter, 1992), conduisant ainsi à une déficience de la production de
NO, observée chez le patient diabétique (Calver et al., 1992).
4)- L’épuisement en NAD+, résultant de l’oxydation du sorbitol en fructose, peut d’autre
part réduire l'activité d'enzymes dépendants de NAD+. Par exemple, l'altération de la
glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GAPDHase) induirait une accumulation du
glycéraldéhyde-3-phosphate et une orientation de son métabolisme vers la synthèse de novo
des diacylglycérols (Figure 5) (Wolf et al., 1991). L’activation de la voie des polyols en
réponse à une hyperglycémie pourrait en fait induire deux effets opposés sur l’activation de la
PKC. La diminution en myo-inositol entraîne en effet une baisse en phosphoinositides et par
conséquent une baisse des DAG, alors que la biosynthèse de novo des DAG peut être
stimulée en conséquence de l’altération du rapport NADH/NAD+.
La présence de l’aldose réductase a été mise en évidence dans de nombreux tissus, tels
que les nerfs, le cristallin, le glomérule rénal et la rétine. Au niveau rétinien, cet enzyme est
présente aussi bien dans les péricytes que les cellules endothéliales, bien que son expression
semble mineure dans les cellules endothéliales (Kennedy et al., 1983). Dans le contexte du
diabète, une augmentation de la production des polyols au niveau rétinien a été montré aussi
bien chez des patients diabétiques (Bravi et al., 1997) que chez des rats diabétiques
(Tomlinson, 1993). Les inhibiteurs de l’aldose réductase (comme le sorbinil, le tolrestat,
l’épalrestat ou le polnarestat) ont été développés dans l’hypothèse que le métabolisme du
glucose par cette voie induirait une baisse des complications vasculaires. Toutefois, alors que
les traitements d’animaux diabétiques avec ces inhibiteurs préviennent certaines
complications microvasculaires (Suarez et al., 1988), les rares études cliniques menées chez
44
l’Homme ont présenté des résultats controversés (Hotta et al., 1990; Sorbinil Retinopathy
Trial Research Group, 1990).
2-2-L’activation de protéines kinases C (PKC)
Un second mécanisme pathogénique proposé dans le développement des complications
microvasculaires du diabète est l’activation de protéines kinases C (PKC), résultant de la
modification des taux de diacylglycérol (DAG) (Idris et al., 2001). Parmi les douze isoformes
décrites de PKC, seules trois semblent être activées par les DAG dans la rétine, les PKC-α, ε
et βII (Koya et King, 1998), cette dernière serait plus particulièrement impliquée lors du
diabète (Inoguchi et al., 1992). L’augmentation des DAG, observée dans divers tissus,
notamment la rétine (Inoguchi et al., 1992; Shiba et al., 1993) résulte majoritairement de la
stimulation de la voie de biosynthèse de novo à partir des trioses phosphates. L’accumulation
de ces intermédiaires provient en effet de l’activation de la voie de la glycolyse, pouvant être
associée à une diminution de leur métabolisme vers le pyruvate du fait d’une altération de
l’activité GAPDHase, dépendante du cofacteur NAD+ (Figure 5).
Figure 5: L’activation des PKC
Les conséquences de cette activation dans les complications microvasculaires
rétiniennes sont multiples. La phospholipase A2 (PLA2) est activée et libère de l’acide
arachidonique (AA) et de la prostaglandine E2 (PGE2), ayant pour conséquence l’inhibition de
la pompe Na/K ATPase (Kowluru et al., 1998). L’AA libéré pourrait également agir en
synergie avec les DAG pour l’activation de PKC (Lu et al., 2000). La phosphorylation de
protéines de structure, comme l’actine et la vinculine (Schliwa et al., 1984), et de protéines
DAG PKC
Biosynthèsede novo
PA
DAG: diacylglycérolDHAP: dihydroxyacétone phosphateGAP: glycéraldéhyde-3-phosphateGADPHase: GAP déshydrogénaseG3P:glycérol-3-phosphatePA: phosphatidate
triose-phosphate
Glycolyse
Glucose
NADH/NAD+
Pyruvate
(GAP)G3PDHAP
(+) Transduction d’un signal
GADPHase
45
des jonctions serrées, comme l’occludine et ZO-1 (Antonetti et al., 1999), causerait une
réorganisation du cytosquelette, associée à un désassemblage des jonctions intercellulaires
aboutissant à une hyper-perméabilité vasculaire des microvaisseaux rétiniens. La voie de la
PKC participerait également aux dysfonctionnements de l’endothélium rétinien. Une
augmentation de l’expression de l’endothéline-1, vasoconstrictrice, (Park et al., 2000) ainsi
qu’une inhibition constitutive de la NO synthase (Chakravarthy et al., 1998) ont en effet été
associées à l’activation de PKC.
L’implication de la voie de l’activation de la PKC dans le développement des
complications diabétiques, notamment la rétinopathie, est suggérée par les travaux de l’équipe
de King où l’administration à des rats diabétiques d’un inhibiteur spécifique de la PKC-βII
(LY 3333531) normalise les dysfonctionnements vasculaires rétiniens (Ishii et al., 1996).
D’autre part, l’utilisation de vitamine E, prévenant l’accumulation de DAG par l’activation de
la DAG-kinase (Lee et al., 1999), améliore également le flux sanguin microvasculaire rétinien
et la perfusion rétinienne (Bursell et al., 1999).
2-3-La voie des hexosamines
Une nouvelle hypothèse biochimique est formulée pour rendre compte de la
glucotoxicité vasculaire dans le développement des complications liées au diabète.
L’hyperglycémie génèrerait une augmentation du flux du glucose dans la voie des
hexosamines, qui consiste en la conversion du glucose en UDP-N-acétylglucosamine.
L’augmentation de la concentration intracellulaire en glucose induit la formation accrue de
fructose-6P qui est alors métabolisé en glucosamine-6P en présence de glutamine, par
l’enzyme glucosamine:fructose amidotransférase (GFAT) puis transformé finalement en
UDP-N-acétylglucosamine (UDP-GlcNac) (Figure 6) (pour revue: Schleicher et Weigert,
2000). L’accumulation de l’intermédiaire métabolique, le fructose-6P, résulterait d’une
altération de l’activité GAPDHase, par une production mitochondriale de ROS (Du X.L. et
al., 2000) et/ou d’une baisse du rapport NAD+/NADH par la voie des polyols (Chapitre III-2-
1-). La GFAT, enzyme dont l’activité est limitante dans la voie des hexosamines, est présente
dans une variété de types cellulaires, tels que les cellules endothéliales microvasculaires (Wu
et al., 2001), les adipocytes, les cellules musculaires squelettiques, les cellules mésangiales et
glomérulaires (Nerlich et al., 1998).
46
Figure 6: La voie des hexosamines et conséquences
L’activation de la voie des hexosamines a été impliquée dans diverses altérations
biochimiques. La formation de UDP-GlcNac aurait comme conséquence l’activation du
facteur de transcription Sp-1 (Du X.L. et al., 2000), en augmentant sa O-glycosylation et
réduisant sa phosphorylation (Kadonaga et al., 1988; Haltiwanger et al., 1998). Dans des
cellules endothéliales d’aorte de bœuf, il a été décrit que l’activation de Sp-1 induit
l’expression des cytokines TGF-β1 et PAI-1 (Du X.L. et al., 2000). Une étude menée dans
des cellules mésangiales indiquent que la surproduction de TGF- β1 et de composants de la
matrice résulterait de l’activation de la voie des hexosamines. Les effets de fortes
concentrations de glucose sont en effet mimés avec la D-glucosamine et bloqués lorsque la
GFAT est inhibée (Kolm-Litty et al., 1998).
Mais la voie des hexosamines serait également responsables des dysfonctionnements
cellulaires qui mènent à l’insulino-résistance. L’augmentation du flux de glucose dans cette
voie métabolique altérerait en effet l’activité et la translocation du transporteur du glucose
Glut-4 à la membrane, dans des cellules musculaires (Cooksey et al., 1999) ou des adipocytes
(Chen et al., 1997), probablement par l’activation de PKC (Filipis et al., 1997).
Glucose
Glucose-6P
Fructose-6P Glucosamine-6P N-acétyl-glucosamine-6P
N-acétyl-glucosamine-1P
UDP- N-acétyl-glucosamine(UDP-GlcNac)
GFAT
Glutamine Glutamate
GFAT: Glucosamine-fructose-amidotransférase
Signalisationintracellulaire
O-glycosylation de facteur de transcription (Sp1)
Expression de gènes(TGF-β, PAI-1)
Translocation de protéines(PKC, Glut-4)
47
Les cibles potentielles intracellulaires de l’UDP-GlcNac sont nombreuses. Diverses
protéines cytoplasmiques et nucléaires peuvent effectivement être O-glycosylées. L’activation
de la voie des hexosamines pourrait ainsi induire diverses modifications biochimiques,
comme l’expression de gènes et la fonctions de protéines, impliquées dans la pathogenèse des
complications diabétiques.
2-4-La glycosylation non enzymatique
Un des mécanismes pathogéniques proposé pour expliquer la toxicité vasculaire du
glucose, est la formation accrue de produits avancés de glycation, également nommés AGE
(Advanced Glycation End-Products) formés par la glycosylation non-enzymatique de
protéines (Baynes et al., 1989), d’ADN (Lee et Cerami, 1990) et de lipides (Bucala et al.,
1993). La formation et l’accumulation des AGE sont en effet accélérées au cours du diabète
(Guthrow et al., 1979; Hammes et al., 1999) et reliées sur le plan clinique aux complications
vasculaires (Brownlee, 1995). Par exemple, la sévérité des complications microvasculaires
observée chez les patients diabétiques atteints de rétinopathie a été corrélée avec les quantités
d’AGE contenues dans le collagène de la peau (Beisswenger et al., 1995) et dans le sérum
(Ono et al., 1998).
2-4-1-La formation des produits avancés de glycation
La glycosylation non-enzymatique a été découverte in vitro par Louis-Camille Maillard
en 1912, en observant l’apparition d’une couleur jaune-brun lors du chauffage de sucres
réducteurs (glucose) avec des acides aminés (glycine). Il montra que cette réaction peut se
produire à 37 °C, température corporelle, caractéristique primordiale pour la physiopathologie
humaine. Cette réaction a été redécouverte 50 ans plus tard lors des processus
d’industrialisation de la nourriture où elle intervient dans l’altération et la cuisson des
aliments.
Nommée aujourd’hui réaction de Maillard, la glycosylation non-enzymatique est la
réaction par laquelle les sucres réducteurs (ou des dicarbonyles) se lient de façon covalente
aux groupes amines libres de protéines, d’ADN et de lipides pour former des intermédiaires
métaboliques instables, pouvant se réarranger de façon diverse au cours d’un processus long
et complexe et donner naissance à de multiples produits avancés de glycation (Figure 7).
48
Figure 7: La réaction de Maillard
Un sucre réducteur, sous sa forme linéaire, réagit par son groupe aldéhyde libre avec le
groupe amine libre d’acides aminés basiques contenus dans certaines protéines (lysine,
hydroxylysine, arginine, histidine), de phospholipides (phosphatidyléthanolamine) ou d’ADN
(guanine) pour former une glycosylamine (ou base de Schiff). La base de Schiff générée peut
se réarranger de façon plus stable sous la forme d’une céto-amine, appelée produit
d’Amadori ou produit de glycation précoce. Ces phases précoces de la réaction de Maillard
sont rapides et réversibles et la formation de ces intermédiaires instables dépendant de la
concentration en substrats (protéines et sucre réducteur) et de leur temps d’exposition l’un à
l’autre. Un produit d’Amadori bien connu est l’hémoglobine glyquée (HbA1c), découverte
par S. Rahbar (1968), utilisé chez le diabétique comme indice du contrôle métabolique du
glucose sur 100 jours (durée de vie du globule rouge) (Koenig et al., 1976).
Les produits d’Amadori subissent une série de réarrangements intramoléculaires. Ils
peuvent subir une fragmentation oxydative, consistant en une oxydation en présence
d’oxygène et d’ions métalliques pour libérer l’anion superoxyde (O2-.) et des produits de
glycoxydation comme la carboxyméthyllysine (CML) ou la pentosidine. Une fragmentation
non-oxydative (transferts d'hydrogène par exemple) peut également avoir lieu et conduire à
la formation d’αααα-dicarbonyles (ou α-oxoaldéhydes) comme le 1-, 3- et 4-désoxyglucosone,
CH2OH
RNCH
(CHOH)n
CH2OH(CHOH)n-1
RNHCH2
C O
H2O
+CHO
(CHOH)n
CH2OH
RNH2
Sucre réducteur Base de Schiff(glycosamine)
Produit d'Amadori(céto-amine)
RNHCH2
COOH
Carboxyméthyllysine
HC OCCH2
(CHOH)2
CH2OH
O
3-désoxyglucosone
HC OCCH3
O
Méthylglyoxal
AGE
RNH2
Mn+
O2 O2-.
H2O
Protéine
- R-NH 2
αααα-dicarbonyles
49
et probablement le méthylglyoxal ou le glyoxal, à partir de fructosamine, comme cela a été
décrit récemment in vitro (Thornalley et al., 1999). Ces dicarbonyles, extrêmement réactifs
vis à vis des groupes amines, vont à leur tour réagir avec des protéines, pour donner
naissance aux AGE (ou produits de Maillard), composés chimiquement stables. Les
dicarbonyles propagent ainsi la réaction de Maillard en formant des ponts intra et
intermoléculaires dans certaines protéines. Mais les AGE peuvent également se former à
partir de la réaction d’un dicarbonyle avec un produit d’Amadori (Cerami et al., 1988). Ces
phases intermédiaires ou finales de la réaction de Maillard sont lentes et irréversibles. Ainsi
les produits finaux de glycation, dont le facteur limitant principal de formation est la vitesse
de renouvellement des protéines, caractérise surtout des protéines structurales de durée de vie
prolongée, comme le collagène ou les composants de la membrane basale.
La voie de Maillard décrit ainsi les modifications des amines par des sucres réducteurs
mais également, dans un sens plus large, par des dicarbonyles, pouvant être issus de diverses
voies métaboliques et conduire à la formation d’AGE. Par exemple, le méthylglyoxal (MGX)
peut se former à partir de la fragmentation des trioses phosphates (Phillips et Thornalley,
1993) et lors de l’oxydation de l’acétone au cours du métabolisme des corps cétoniques dans
le foie (Koop et Casazza, 1985). Lors de l’hyperglycémie, la vitesse de formation du MGX
chez les diabétiques dépasse les capacités de détoxification de ce produit dans les cellules, par
les systèmes enzymatiques de glyoxalase, qui convertit le MGX en un intermédiaire, le
lactoylglutathion (par la glyoxalase I), lui-même converti en D-lactate (par la glyoxalase II)
(Thornalley, 1993). La dégradation de MGX en D-lactate dépendrait surtout de la glyoxalase-
I (Shinohara et al., 1998). La concentration sanguine de MGX est fortement augmentée chez
le diabétique (Beisswenger et al., 1995) et cette augmentation est corrélée avec la sévérité des
complications vasculaires (McLellan et al., 1994). De plus, les AGE de protéines formés
après réaction avec ce dicarbonyle (la carboxylethyllysine (CEL) et les sels d’imidazolium
comme MOLD (methylglyoxal-lysine dimer) sont décrits comme des produits majeurs
observés lors du diabète (Degenhardt et al., 1998).
Les sucres réducteurs peuvent également induire des modifications de protéines par un
mécanisme indépendant de la voie de Maillard. L’auto-oxydation des sucres réducteurs
(Figure 8), catalysée par les ions métalliques, produit en effet des dicarbonyles et des AGE
(Wolff et Dean, 1987). Le glucose dans sa forme ouverte subit une énolisation et réduit les
ions métalliques. Le radical ènediol généré peut être oxydé en dicarbonyle de type
désoxyglucosone. La réaction du dicarbonyle avec les protéines mène à la formation d’AGE.
50
Ces réactions génèrent des anions superoxydes et du peroxyde d’hydrogène (réaction de
Fenton) à partir duquel peuvent se former des radicaux hydroxyles (réaction d’Haber-Weiss).
Toutefois, cette voie a été décrite in vitro et les conditions de réactions (fortes concentrations
en métaux) ne sont pas représentatives de celles observées in vivo, où les concentrations de
métaux libres sont finement régulées.
Figure 8: L'autooxydation des sucres réducteurs
2-4-2-Les produits avancés de glycation
La réaction des protéines avec des dicarbonyles, issus du métabolisme des cellules lors
du diabète, est un processus multiple et complexe, qui aboutit à la formation d’une grande
diversité de structures chimiques d’AGE, tant par la variété des dicarbonyles générés que les
acides aminés avec lesquels ils réagissent. Ainsi, le terme AGE regroupe un ensemble
hétérogène de molécules. Les modifications structurales induites au cours de la glycation sont
diverses. Les protéines peuvent subir des pontages intra ou intermoléculaires et/ou présenter
une fluorescence du fait de la formation de cycles intramoléculaires.
Bien que différentes techniques d’identification des AGE soient exploitées, (mesures de
fluorescence, dosages immunologiques, analyses par chromatographie haute pression ou en
phase gazeuse…), elles présentent certains biais et ne permettent pas de rendre compte de
l’hétérogénéité des AGE in vivo. Par exemple, alors que la pentosidine présente une
fluorescence caractéristique (325-390 nm) (Mac Cance et al., 1993), la majorité des autres
AGE fluorescents absorbent à 370 nm et émettent à une longueur d’onde de 440 nm. De plus,
cette méthode de détection exclue les AGE non fluorescents, comme la CML ou la pyrraline,
qui semblent être majoritaires (Makita et al., 1992). D’autre part, les dosages
immunologiques, employés dans la détection ou la quantification des AGE, sont réalisés à
partir d’anticorps polyclonaux dirigés contre des AGE de structures diverses et parfois mal
Sucre réducteur
Ènediol
Radical ènediolM(n-1)+
Mn+
O2
Carbonyle AGER-NH2
OH .
H2O2
O 2-.O 2-.
Attaques radicalaires
51
définies, obtenus par des modifications in vitro d’albumine (généralement) par un sucre
(Makita et al., 1992). Il semblerait que l’antigène majoritairement reconnu par ces anticorps
soit la CML (Reddy et al., 1995), qui est non fluorescent.
Des structures isolées in vitro ont toutefois pu être identifiées dans les tissus de
diabétiques, comme la pyrraline résultant de la réaction de résidus lysine avec la 3-
désoxyglucosone et suivie de réactions intramoléculaires (déshydratation et cyclisation)
(Hayase et al., 1989), la pentosidine formée par la réaction entre un pentose et des résidus
arginine et lysine (Sell et Monnier, 1989), des imidazolones produits de la réaction entre la 3-
désoxyglucosone et un résidu arginine (Niwa et al., 1997), la CML formée par la réaction
d’un résidu lysine avec le glyoxal ou l’ascorbate (Dunn et al., 1990) ou encore par la
dégradation oxydative d’un produit d’Amadori (fructosamine) (Fu et al., 1996). La CEL, le
GOLD (glyoxal-lysine dimer) et le MOLD seraient directement issus de la réaction du
méthylglyoxal (CEL et MOLD) et du glyoxal (GOLD) avec les lysines des protéines (Wells-
Knecht et al., 1996). GOLD et MOLD appartiennent à une famille d’AGE, les «crosslines»,
qui établissent des ponts intermoléculaires.
2-4-3-Les conséquences pathologiques de la glycation
La formation des AGE est accélérée au cours du diabète et leur accumulation a été
corrélée positivement au développement des complications microvasculaires (Brownlee,
1995). Trois grands mécanismes généraux sont proposés pour expliquer les changements
pathologiques causés par les AGE.
2-4-3-1-La glycation de la matrice extracellulaire
Les protéines de la matrice extracellulaire comme le collagène ou la laminine sont des
cibles privilégiées de la glycation de part leur faible taux de renouvellement. La glycation des
composants de la matrice modifie leur structure et donc leurs propriétés physico-chimiques,
comme une baisse de leur solubilité et de leur flexibilité (Schnider et Kohn, 1982) et une
résistance aux protéases (Mott et al., 1997) qui conduit à une accumulation progressive au
cours du diabète. Les AGE de la matrice pourraient contribuer à l’augmentation de la
perméabilité vasculaire en altérant l’adhérence des cellules endothéliales et compromettant
leur réplication normale (Podesta et al., 1997), affectant ainsi les propriétés de la barrière
hémato-rétinienne.
52
2-4-3-2- La glycation des protéines circulantes et intracellulaires
La glycation des protéines circulantes, directement en contact avec le glucose sanguin,
est également observée. Par exemple, la glycation de l’hémoglobine, formant le produit
d’Amadori HbA1c (hémoglobine glyquée), induit une augmentation de sa viscosité à
l’intérieur des globules rouges (Brownlee et al., 1984). La glycation des immunoglobulines,
décrite au niveau des fragments Fc et Fab, affecte les propriétés d’agglutination du
complément (Hammer et al., 1990) et les activités des IgG et des IgM (Cheta et al., 1991). De
par leur faible taux de modification par la glycation, ces protéines sont considérées comme
des marqueurs de glycation, au même titre que l’HbA1c.
La formation d’AGE sur des protéines intracellulaires a également été décrite. En effet,
l’hyperglycémie peut induire, dans des tissus non insulino-dépendants, une augmentation
intracellulaire de sucres comme le glucose-6-phosphate, le fructose et les trioses phosphates
ou de dicarbonyles comme le méthylglyoxal. Ces composés, plus réactifs que le glucose,
induisent une formation des AGE à partir de protéines cytosoliques, altérant ainsi leur
fonction. Par exemple, la glycation du bFGF (basic Fibroblast Growth Factor) dans les
cellules endothéliales affecte son activité mitogénique (Giardino et al., 1994).
2-4-3-3-L’interaction des AGE avec leurs récepteurs
En plus de leur formation à partir de protéines fonctionnelles, les AGE extracellulaires
participent au développement des anomalies de la (macro et de la) microangiopathie
diabétique par l’intermédiaire de récepteurs membranaires spécifiques, capables d’internaliser
les AGE par endocytose et de les dégrader dans les lysosomes et/ou d’induire la transduction
d’un signal intracellulaire. Ces différents récepteurs ont été identifiés sur une variété de types
cellulaires comme les macrophages, les monocytes, les cellules endothéliales, les cellules
musculaires lisses, les fibroblastes, les cellules mésangiales ou les neurones (moteurs et
périphériques) (Brett et al., 1993; Li YM et al., 1996).
MSR-I et –II : Parmi les différents types de récepteurs isolés, les premiers identifiés ont
été les récepteurs scavengers de la classe A (MSR-A ou Macrophage Scavenger Receptor) de
type I (220 kDa) et II (170 kDa) des macrophages (Radoff et al., 1988). Cette famille de
récepteurs constitue le système majeur de dégradation des AGE. Les macrophages captent et
internalisent les AGE de protéines et de LDL par endocytose puis les dégradent dans les
lysosomes (Araki et al., 1995). Ces récepteurs semblent impliqués dans la macroangiopathie
53
diabétique en internalisant les LDL-modifiés et en formant les cellules spumeuses dans les
plaques athéromateuses (Sakata et al., 2001).
AGE-R : Par la suite, un complexe trimérique récepteur des AGE (AGE-R) a été
identifié. Il est constitué d’une protéine nommée p60 de 48 kDa (ou AGE-R1), d’une seconde
nommée p90 de 80 kDa (ou AGE-R2) (Yang et al., 1991) et d’une lectine liant le galactose,
la galectine-3 de 32 kDa (ou AGE-R3) (Vlassara et al., 1995). La détermination des
séquences N-terminales des protéines p60 et p90, purifiées à partir de foie de rat, a permis de
déterminer que p60 et p90 présentent une homologie de séquence élevée avec les séquences
N-terminales respectivement de l’oligosaccharyltransferase humaine de 48 kDa (OST-48,
95% d’homologie) et de la phosphoprotéine de 80K-H humaine (73% d’homologie) (Li Y.M.
et al., 1996). Par ailleurs, la séquence N-terminale de la protéine p90 d’origine humaine est
identique à celle de la 80K-H humaine (Goh et al., 1996). Les protéines p60 et p90 seraient
en fait les protéines préalablement identifiées OST-48 et 80K-H (Li Y.M. et al., 1996; Stitt et
al., 1999). Initialement localisée dans le réticulum endoplamique rugueux, OST-48 est une
protéine transmembranaire également exprimée à la surface de la membrane plasmique (Li
Y.M. et al., 1996). Elle présente un fragment N-terminal extracellulaire long, un seul passage
transmembranaire et un fragment C-terminal cytosolique court (9 résidus aminés) (Silberstein
et al., 1992; Li Y.M. et al., 1996). Alors que la protéine p60/OST-48 présente une activité de
liaison des AGE (Li Y.M. et al., 1996), p90/80K-H est une protéine soluble sous-
membranaire et ne lie pas les AGE (Li Y.M. et al., 1996). Décrite initialement comme un
substrat de PKC (Hirai et Shimizu, 1990), p90/80K-H a également été identifiée comme une
protéine phosphorylée sur la tyrosine lors de l’activation du récepteur au FGF dans des
fibroblastes, alors capable de fixer la protéine adaptatrice GRB-2 (Goh et al., 1996). De façon
intéressante, la phosphorylation de p90/80K-H est également stimulée lors de la liaison
d’AGE au complexe AGE-R mais semble être PKC-dépendante (Stitt et al., 1999).
Le troisième composant du complexe AGE-R est la galectine-3. Malgré l’absence de
signal d’adressage à la membrane plasmique et de domaine transmembranaire, la galectine-3
est transloquée du cytoplasme à la surface externe de la membrane en réponse au stimulus
AGE (Vlassara et al., 1995). Son niveau d’expression est également stimulé en présence
d’AGE (Stitt et al., 1999) ou au cours du diabète (Pugliese et al., 2000). La galectine-3 est
capable de lier les AGE. Le domaine de liaison aux AGE est contenu dans le peptide C-
terminal de 18 kDa mais diffère de celui de liaison aux carbohydrates. La fixation des AGE à
la galectine-3 induit la formation d’un complexe protéique de haut poids moléculaire où les
deux constituants sont liés par covalence (Vlassara et al., 1995). Le rôle exact de la galectine-
54
3 joué dans la structure et la fonction du complexe AGE-R reste indéterminé. Il a été proposé
qu’elle intervienne dans la formation et dans la stabilisation de la structure du complexe, ainsi
que dans la fixation d’un large spectre d’AGE malgré une affinité de liaison modérée du fait
de liaisons covalentes avec les AGE.
Récemment, il a été montré in vitro dans des cellules endothéliales microvasculaires
rétiniennes, que le complexe AGE-R, constitué de p60, p90 et galectine-3, est localisé dans
les domaines membranaires riches en cavéoline (cavéoles). Les AGE, se liant à p60 et la
galectine-3, sont internalisés et orientés vers les endosomes et les lysosomes (Stitt et al.,
2000b). Cette étude montre que AGE-R est impliqué dans la capture, l’internalisation et la
dégradation des AGE. Les cavéoles sont des microdomaines enrichis en glycosphingolipides,
de cholestérol, de cavéoline et d’autres structures impliquées dans la transduction de signaux
comme les sphingomyélines, ou des protéines de signalisation telles que la famille des src-
tyrosine kinases (Brown et London, 2000). L’enrichissement de ces structures en AGE-R
suggère l’implication de ce récepteur dans la transduction de signaux intracellulaires. Le
complexe AGE-R a en effet été impliqué dans des réponses cellulaires variées comme la
prolifération (Chibber et al., 1997) ou l’expression de gènes comme les facteurs de croissance
PDGF (platelet-derived growth factor) (Doi et al., 1992) ou IGF-I (insulin-like growth factor-
I) (Pugliese et al., 1997). Une première ébauche de la voie de signalisation sous-jacente à la
liaison des AGE à ce complexe se présente aujourd’hui. La phosphorylation de la protéine
p90 en réponse aux AGE (Stitt et al., 1999) suggère son implication dans l’initiation d’une
cascade de signalisation. Des travaux préliminaires plus récents menés sur les mêmes cellules
(cellules endothéliales) suggèrent la phosphorylation de p90 lors de la liaison des AGE avec
le complexe AGE-R, induisant l’activation des MAP kinases Erk1/Erk2 (Cai et al., 2001).
RAGE : Le récepteur aux AGE le mieux caractérisé à l’heure actuelle est RAGE
(Receptor for AGE) (Schmidt et al., 1992; Neeper et al., 1992). RAGE apparaît de plus en
plus être un récepteur impliqué dans l’induction d’un signal intracellulaire plutôt que dans la
capture et l’élimination des AGE.
Il s’agit d’une glycoprotéine de 35 kDa (Neeper et al., 1992; Srikrishna et al., 2002)
complexée à une protéine extracellulaire analogue de la lactoferrine (LF-L pour lactoferrin-
like) (Schmidt et al., 1992), également pourvue d’une activité de liaison des AGE, mais dont
la fonction reste à ce jour indéterminée. Le récepteur RAGE est relié structurellement à la
famille des immunoglobulines, possédant une séquence N-terminale extracellulaire
comprenant un domaine de type V et deux de type C (Neeper et al., 1992), un domaine
transmembranaire et un fragment peptidique C-terminal court (43 résidus aminés) du coté
55
cytosolique, riche en résidus glutamates et présentant une similarité de séquence avec le
fragment cytosolique de l’antigène de surface CD20 (Neeper et al., 1992). Le domaine
cytoplasmique est décrit comme nécessaire dans la signalisation intracellulaire (Huttunen et
al., 1999). En comparaison au complexe AGE-R, la cascade des événements intracellulaires
couplés au récepteur RAGE a été plus largement étudiée (Figure 9). Dans les cellules
endothéliales de veine de cordon ombilical humain, l’interaction des AGE avec RAGE induit
un stress oxydant intracellulaire (Yan et al., 1994; Bierhaus et al., 1997) qui entraîne
l’activation de signaux faisant intervenir une cascade de kinases, p21ras, dont l’activation est
redox dépendante (Lander et al., 1995), la phosphatidylinositol-3-kinase, la protéine kinase
Akt, une MAP kinase et finalement l’activation d’un facteur de transcription NF-κB (Yan et
al., 1994; Lander et al., 1997; Deora et al., 1998). L’activation de NF-κB dans ces cellules
peut être inhibée par divers antioxydants comme l’acide lipoïque (Bierhaus et al., 1997) ou
les enzymes antioxydantes (Yan et al., 1994), suggérant qu’au cours de la voie de
transduction, certains dérivés actifs de l’oxygène sont produits. Un dérivé de l’oxygène,
produit lors de la liaison d’AGE au récepteur RAGE, vient d’être identifié. Il s’agit de l’anion
superoxyde, produit par une NADPH oxydase (Wautier et al., 2001). Cependant, le
mécanisme de couplage de RAGE à l’induction d’un stress oxydant reste à ce jour
indéterminé. L’activation de NF-κB pourrait modifier l’expression de différents gènes, selon
le type cellulaire (Figure 9).
RAGE est un récepteur qui présente des affinités de liaison avec des ligands très divers.
Parmi les différents AGE connus, au moins deux structures ont été décrites comme des
ligands de RAGE : la carboxyméthyllysine et les imidazolones (Kislinger et al., 1999). Le
récepteur RAGE semble être impliqué dans la maladie d’Alzheimer ou dans les maladies avec
atteintes de neurones ou de cellules gliales, dans lesquelles un dépôt amyloïde est observé.
RAGE lie le peptide β amyloïde et sa liaison induit la surexpression de RAGE (Yan et al.,
1996). Dans un contexte non pathologique, RAGE lie également l’amphotérine, une protéine
abondante dans le système nerveux central en développement, participant à la croissance et la
différentiation des cellules nerveuses (Brett et al., 1993). Il est intéressant de noter que
RAGE, par liaison à l’amphotérine, peut initier dans des cellules neuronales deux voies de
signalisation intracellulaire indépendantes, l’une concernant la voie décrite précédemment, la
seconde impliquant l’activation de la protéine rac (Huttunen et al., 1999). Les interactions
RAGE-amphotérine pourraient jouer aussi un rôle pathologique dans le pouvoir invasif
(formation de métastases) des cellules cancéreuses d’une tumeur (Tagushi et al., 2000).
56
Figure 9: Liaison des AGE à RAGE et conséquences selon le type cellulaire
2-4-4- AGE et rétinopathie
Diverses études suggèrent l'implication des AGE dans le développement de la
rétinopathie diabétique. La présence et l’accumulation progressive de produits d’Amadori
(Schalkwijk et al., 1999) et d’AGE (Stitt et al., 1997) a été mise en évidence sur les protéines
de la membrane basale des microvaisseaux rétiniens. Différents récepteurs aux AGE ont été
localisés dans le lit capillaire rétinien: les composants p60 et p90 du complexe AGE-R ont été
identifiés sur les deux types cellulaires rétiniens (Stitt et al., 1997; Chibber et al., 1997),
RAGE est également présent dans les cellules microvasculaires rétiniennes, les cellules
endothéliales (Yan et al., 1994) et les péricytes (Yamagishi et al., 1995). Dans les
microvaisseaux rétiniens, la colocalisation des AGE avec leurs récepteurs (p60, p90 et
RAGE) (Stitt et al., 1997; Soulis et al., 1997), suggère que les AGE puissent être impliqués
Vasoconstricteurs: endothéline-1 (Bierhaus et al., 1998)Pro-coagulants: thrombomoduline (Bierhaus et al., 1998) PAI-1 (Yamagishi et al., 1998)Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 1997)
RAGEAGE
Stress oxydant
P21ras/MAP kinase
NF-κB
Expression de gènes
Cytokines pro-inflamatoires: TNF-α, IL-1 (Vlassara et al., 1988)
MACROPHAGES :(macroangiopathie)
CELLULES ENDOTHELIALES :(microangiopathie dont la rétinopathie)
CELLULES MESANGIALES :(néphropathie)
Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 2002b)
X ?
57
dans le dysfonctionnement vasculaire rétinien. Deux travaux récents, menés chez des
animaux, soutiennent l’hypothèse d’un rôle direct des AGE dans le développement des
complications microvasculaires rétiniennes. Lors de la perfusion de rats normo-glycémiques
avec de l’albumine glyquée (AGE), ce produit s’accumule dans les microvaisseaux rétiniens
et dans les péricytes, colocalise avec les récepteurs aux AGE et induit l’épaississement de la
membrane basale (Stitt et al., 1997) ainsi que l’altération de la perméabilité de la BHR,
associée à la surexpression dans la rétine du facteur de perméabilité VEGF (Stitt et al.,
2000a). Par ailleurs, une aggravation de la néphropathie (Yamamoto et al., 2001) et de la
rétinopathie (communication personnelle) a été montrée dans des souris diabétiques de type I
et transgéniques pour le récepteur RAGE.
Différentes études in vitro montrent que les AGE altèrent la prolifération des deux types
cellulaires. Ils inhibent en effet la croissance des péricytes rétiniens (Yamagishi et al., 1995;
Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997) alors qu’ils favorisent la multiplication
des cellules endothéliales (Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997). Les AGE sont
également capables d’induire l’apoptose des péricytes rétiniens et de stimuler leur sécrétion
de VEGF (Yamagishi et al., 2002a). Ces différents effets semblent résulter de la liaison des
AGE avec leurs récepteurs RAGE (Yamagishi et al., 1995 et 2000) ou avec le complexe
AGE-R (Chibber et al., 1997).
Par ailleurs, dans ces cellules microvasculaires rétiniennes, les AGE peuvent aussi
induire des altérations de la glycosylation enzymatique affectant le métabolisme des
glycoconjugués. Par exemple, des altérations spécifiques des sucres des glycoprotéines
induites par les AGE ont été mises en évidences dans les cellules endothéliales des
microvaisseaux rétiniens (Rellier et al., 1997). Celles-ci semblent résulter d’une augmentation
de différentes activités glycosidases (enzymes du catabolisme) associée à une diminution des
activités glycosyltransférases (enzymes de synthèse) (Rellier et al., 1999). Les AGE affectent
également le métabolisme des glycosphingolipides des cellules microvasculaires rétiniennes.
Alors qu’ils augmentent la quantité de toutes les espèces moléculaires dans les deux types
cellulaires, ils diminuent spécifiquement un ganglioside particulier, le GD3, dans les péricytes
rétiniens (Natalizio et al., 2001); cette diminution serait la conséquence d’une baisse de
l’activité de la GD3-synthase (Natalizio, 2002). Les glycoconjugués, formant le glycocalix,
sont impliqués dans les processus d’interactions cellule-cellule et cellule-matrice permettant
la reconnaissance, la communication et l’adhésion cellulaire. Une altération de leur
composition, notamment dans les cellules microvasculaires rétiniennes, pourrait avoir des
conséquences diverses dans le développement de la rétinopathie diabétique, comme par
58
exemple une adhésion accrue des cellules circulantes à l’endothélium (Chibber et al., 2000),
pouvant ainsi participer à l’occlusion des capillaires dans la rétine.
Le rôle critique des AGE dans le développement des complications microvasculaires de
la rétine a été établi par l’utilisation d’inhibiteurs de la glycation, comme l’aminoguanidine.
L’aminoguanidine, administrée à des rats diabétiques, dès le début de la maladie (Hammes et
al., 1991 et 1994) ou seulement après 6 mois de diabète (Hammes et al., 1995), ralentit en
effet le développement de la rétinopathie en prévenant la disparition des péricytes, la
formation de microanévrismes et la néovascularisation (Hammes et al., 1991), en limitant la
formation de capillaires acellulaires et en abolissant la formation de microthrombi (Hammes
et al., 1994), phénomènes associés à une diminution de la formation d’AGE fluorescents au
niveau de la rétine (Hammes et al., 1995). Mais les effets protecteurs de l’aminoguanidine
uniquement par son action anti-glycante sont aujourd’hui controversés. Le traitement de rats
(Kern et al., 2000) et de chiens diabétiques (Kern et Engerman, 2001) avec l’aminoguanidine
n’a pas diminué les taux d’AGE circulants (hémoglobine-AGE) et d’AGE de collagène de la
queue (pentosidine), bien que certaines lésions rétiniennes aient été abolies (microanévrismes,
capillaires acellulaires, disparition des péricytes). L’aminoguanidine pourrait également
protéger de certaines complications microvasculaires en agissant comme un antioxydant
(Giardino et al., 1998; Kowluru et al., 2000) ou en réduisant la formation de NO par la NO
synthase inductible (iNOS) (Corbett et al., 1992; Kowluru et al., 2000; Carmo et al., 2000b),
enzyme dont l’activité est augmentée dans la rétine de rats diabétiques (Carmo et al., 2000b)
et dont l’activation pourrait être corrélée à une augmentation de la perméabilité de la barrière
hémato-rétinienne (Carmo et al., 2000a).
2-5-Le stress oxydant
Le stress oxydant résulte d'un déséquilibre entre la production de radicaux libres dérivés
de l’oxygéne (ROS) et leur destruction par des systèmes de défenses antioxydantes. Lorsqu'ils
ne sont pas détoxifiés, les radicaux libres non détoxifiés peuvent engendrer des dommages de
la structure et du métabolisme cellulaire en attaquant de nombreuses cibles, comme les
protéines, l'ADN et les lipides.
2-5-1-Le stress oxydant dans le diabète: cause ou conséquence?
Bien que le stress oxydant soit un phénomène non-spécifique d’altérations cellulaires, il
est évoqué dans le cadre des complications vasculaires du diabète. En effet, diverses études
59
cliniques ont mis en évidence une augmentation du stress oxydant en mesurant notamment
des marqueurs de la peroxydation lipidique. Par exemple, les niveaux plasmatiques de
TBARS (Thiobarbituric acid reactive substances) (Altomare et al., 1992) ou d’isoprostanes
(8-épi-PGF2α) (Gopaul et al., 1995), sont significativement augmentés chez les diabétiques
de type II, dont la glycémie est mal contrôlée par rapport à des patients bien suivis ou des
sujets contrôles. Nourooz-Zadeh et al., (1997) ont par ailleurs montré une baisse de vitamine
E (standardisée par rapport au taux de cholestérol) et une augmentation d’isoprostanes dans le
plasma. La plupart de ces études ont ainsi permis d’établir une corrélation directe entre le
contrôle glycémique et l’apparition du stress oxydant. Il a notamment été montré que le taux
urinaire sécrété de la 8-épi-PGF2α est réduit lors d’une amélioration du contrôle métabolique
(Davi et al., 1999).
Le rôle du stress oxydant dans le développement des complications vasculaires liées au
diabète, reste toutefois un sujet de controverse. Certains auteurs décrivent le stress oxydant
comme la conséquence des dysfonctionnements vasculaires résultant de l’hyperglycémie. Le
stress oxydant, caractérisé par exemple par l’augmentation des produits de peroxydation
lipidique (Jennings et al., 1987), est en effet plus élevé chez les patients diabétiques
présentant des complications microvasculaires. De plus, l’équipe de J. Baynes a montré que
l’oxydation des acides aminés des protéines de la matrice extracellulaire n’est pas modifiée
chez le diabétique (Wells-Knecht et al., 1997), suggérant qu’il n’y ait pas d’augmentation
généralisée du stress oxydant par le diabète. Le Pr J. Baynes propose plutôt l’hypothèse d’un
stress carbonyle, qui consiste en une augmentation de substrats (glucose et lipides), induisant
une formation accrue de produits de glycoxydation (Baynes et Thorpe, 1999).
2-5-2-La production de radicaux libres
L’hyperglycémie peut induire une production accrue de radicaux libres selon différents
mécanismes, déjà évoqués précédemment: la fragmentation oxydative des produits
d’Amadori (chapitre 2-3-1-1), l’auto-oxydation du glucose (chapitre 2-3-1-2), la liaison des
AGE à leur récepteurs (2-3-3-3), et l’altération du potentiel redox, par la voie des polyols.
Récemment, l’équipe de Brownlee (Nishikawa et al., 2000; Du X.L. et al., 2000) vient
de formuler une hypothèse biochimique reliant directement les ROS produits par la
mitochondrie, plus particulièrement l’anion superoxyde, à la voie des polyols, à l’activation
de la PKC, la formation d’AGE dérivés du méthylglyoxal, la voie des hexosamines et
l’activation de NF-κB (Figure 10). Les auteurs démontrent en effet, dans des cellules
60
endothéliales aortiques bovines, que la normalisation de la production de l’anion superoxyde
mitochondrial (au moyen d’agents bloquant la chaîne respiratoire mitochondriale, de
mimétiques de la SOD ou en surexprimant la SOD mitochondriale) abolit les différentes voies
métaboliques induites par l’hyperglycémie, suggérant que celles-ci soient sous le contrôle de
l’anion superoxyde généré en excès. Ce radical oxygène serait produit par une augmentation
du gradient de proton généré par la chaîne respiratoire mitochondriale, suite à une production
accrue du cofacteur NADH, résultant de l’oxydation de pyruvate issu de la glycolyse.
2-5-3-La modification des défenses antioxydantes
Différentes études ont rapporté une altération de ces systèmes antioxydants au cours du
diabète. Ainsi, une diminution de la capacité anti-oxydante plasmatique totale (intégrant les
antioxydants enzymatiques et non-enzymatiques) a été mise en évidence chez les patients
DNID (Ceriello, 1997). De même, une étude, menée sur de nombreux diabétiques (de type II)
Figure 10: La mitochondrie: le lien unificateur entre les différents mécanismes pathogéniques proposés dans les complications microvasculaires.
TCA
NADH
e-
Mitochondrie
O2-.
GA3PDHase
AGEMéthylglyoxal
Fructose Sorbitol AR
Pyruvate
Pyruvate
GA3P
Glucose
1,3-BPG
G3P: glycérol-3-phosphateGA3P: glycéraldéhyde-3-phosphate1,3-BPG: 1,3 bisphosphate glycéraldéhydeTCA: cycle des acides tricarboxyliques
PKC+G3P DAG
Fructose-6PGFAT
Glucosamine-6P UDP-GlcNac
61
(467), a montré une baisse significative des défenses antioxydantes dans les érythrocytes
(vitamine E, C, A, GSH, SOD, catalase) associée à une augmentation de la peroxydation
lipidique (TBARS) (Sundaram et al., 1996).
La diminution des activités des enzymes antioxydantes pourrait s’expliquer par la
glycation de leur site actif, comme cela a été décrit pour la SOD érythrocytaire (Arai et al.,
1987). Des expériences de glycation in vitro ont également montré une altération des activités
enzymatiques de la catalase (Yan et Harding, 1997) de la GSH réductase (Blakytny et
Harding, 1992) ou de la GPx (Baldwin et al., 1995), suggérant une modification de ces
enzymes au cours du diabète.
Certaines études ont rapporté non pas une diminution mais une augmentation des
défenses antioxydantes enzymatiques, suggérant un mécanisme compensatoire à une
production de ROS. Par exemple, une augmentation des activités GPx et catalase
érythrocytaires a été montrée chez des patients DNID (Rema et al., 1995) et une
augmentation des niveaux d’ARNm de la SOD et de la catalase dans le rein de rats
diabétiques a également été mise en évidence (Sechi et al., 1997).
2-5-4-Le stress oxydant et la rétinopathie diabétique
Certaines études ont montré une corrélation entre la présence d’un stress oxydant dans
l’organisme et la rétinopathie diabétique. Par exemple, l’altération du GSH et de la GPx
érythrocytaires de patients DNID, associée à une augmentation de la peroxydation lipidique,
est d’autant plus manifeste lorsque les malades présentent une rétinopathie (Uzel et al., 1987).
Des patients DNID, ayant développé une rétinopathie, montrent également une altération des
activités des enzymes antioxydantes érythrocytaires (Rema et al., 1995).
Mais l’apparition d’un stress oxydant localisé dans la rétine même a également été
démontrée lors d’un diabète clinique et expérimental, et in vitro dans des cellules rétiniennes.
La rétine de rats diabétiques présente en effet une diminution des défenses enzymatiques
antioxydantes (Crouch et al., 1978; Kowluru et al., 1997) ainsi qu’une diminution de
glutathion (Kowluru et al., 1994; Agardh et al., 1998) et une augmentation de TBARS
(Kowluru et al., 1996). L’implication spécifique d’un stress oxydant dans la dégénération des
péricytes, phénomène précoce dans la rétinopathie diabétique, a été proposée par divers
travaux. Une étude récente menée sur des rétines de patients diabétiques, prélevées post-
mortem, montrent en effet une baisse de l’expression de la GSH réductase et de la SOD et une
augmentation du transcrit du gène de la GPx dans les péricytes rétiniens pré-apoptotiques (Li
62
W et al., 1999). Ces auteurs suggèrent un rôle du stress oxydant dans la mort des péricytes.
Cette hypothèse est soutenue par différents travaux montrant que le traitement de rats
diabétiques avec un antioxydant, le trolox (Ansari et al., 1998) ou la nicanartine (Hammes et
al., 1997), ou encore avec un mélange d’antioxydants (Kowluru et al., 2001) prévient la
disparition des péricytes rétiniens. Des expériences in vitro montrent également une altération
des défenses antioxydantes des péricytes rétiniens, cultivés dans un environnement
diabétique. Les péricytes, soumis à des fortes variations en concentration de glucose,
présentent une baisse de GSH intracellulaire, associée à une augmentation de la synthèse de
GPx (Li W. et al., 1998). En revanche, lorsque les péricytes sont cultivés de façon chronique
avec des AGE une augmentation des activités catalase et SOD a pu être mesurée (Paget et al.,
1998).
63
CHAPITRE II
I- INTRODUCTION
Le concept d’apoptose (provenant d’une locution grecque signifiant «chute des
feuilles») a été introduit en 1972 par Kerr et Wyllie pour désigner une forme de mort
cellulaire totalement différente de la nécrose, seule forme de mort connue et individualisée à
cette époque, aussi bien sous l’angle morphologique que biochimique. Alors que la nécrose
est subie passivement par la cellule suite à une agression extérieure, l’apoptose ou mort
cellulaire génétiquement programmée est un processus actif organisé temporellement au
cours duquel la cellule exprime un ensemble de gènes entraînant des modifications
morphologiques, biochimiques et structurales aboutissant à sa destruction «sans trace» et
complète.
La mort cellulaire programmée fait partie intégrante de la physiologie normale d’un
organisme: ce phénomène de mort cellulaire intervient dans l’élimination des cellules âgées
ou endommagées, dans la dégénérescence des cellules surnuméraires, en particulier lors du
développement embryonnaire ou le fonctionnement et l’homéostasie du système immunitaire.
Il est cependant crucial à la survie de l’organisme que cette mort cellulaire soit étroitement
régulée: une mort inappropriée va être aussi délétère pour l’organisme qu’une prolifération
excessive. Un dérèglement de l’apoptose ou de son contrôle est en effet impliqué dans de
nombreuses pathologies humaines. D’une part, l’inhibition de l’apoptose, aboutissant à la
prolifération incontrôlée d’une population cellulaire, joue un rôle fondamental à différentes
étapes de la carcinogenèse ou dans certains désordres auto-immuns. D’autre part, une
stimulation anormale de l’apoptose, conduisant à une perte cellulaire, est observée dans
certaines maladies neurodégénératives caractérisées par une mort neuronale massive
(Alzheimer, Parkinson), dans des maladies cardiovasculaires (infarctus), ou dans le SIDA
caractérisé par la disparition des lymphocytes T4. Plusieurs études suggèrent que l’apoptose
puisse également être impliquée dans les complications vasculaires du diabète, comme la
rétinopathie. Une apoptose excessive a en effet été montrée notamment dans les cellules
neuronales (Barber et al., 1998) et dans les péricytes rétiniens (Mizutani et al., 1996; Li W. et
al., 1997; Podesta et al., 2000).
L'étude des mécanismes moléculaires de l'apoptose a été fortement investie dans
l'optique de développer des outils pharmacologiques visant à corriger une apoptose exacerbée
ou d'induire l'apoptose dans des cas de cancer, par exemple. Mais cette approche ne semble
L’APOPTOSE
64
pas aussi aisée puisqu’il semble exister un continuum entre la mort cellulaire par apoptose et
celle par nécrose. En effet, quelques études rapportent que des cellules, bien que protégées
contre l’apoptose, notamment par une surexpression de protéines mitochondriales de la
famille des Bcl-2 (Meilhac et al., 1999) ou une déficience en caspases, protéases de
l’apoptose (Kolenko et al., 1999), peuvent mourir par nécrose.
II-LES CARACTERISTIQUES DE L’APOPTOSE
Les premières descriptions de l’apoptose ont attribué beaucoup d’importance aux
aspects morphologiques des modifications que subissent les cellules pendant ce phénomène.
Pendant longtemps, la seule façon d’identifier l’apoptose fut d’observer les bourgeonnements
de la membrane cellulaire, la condensation de la chromatine dans le noyau et l’apparition des
corps apoptotiques (Kerr et al., 1972, Duvall et Wyllie, 1986). Puis vinrent la description
moléculaire spécifique de l’apoptose, telle que la fragmentation internucléosomale de la
chromatine, des changements de la composition membranaire ou l’atteinte mitochondriale.
1- Les stigmates morphologiques
Lorsqu’une cellule entre en apoptose, les premiers événements d’atteintes structurales
observables (1) sont la ségrégation de la chromatine à la périphérie de l’enveloppe nucléaire,
la condensation du cytoplasme malgré une intégrité apparente de la membrane plasmique, et
la formation d’invaginations des membranes plasmiques et nucléaires, donnant un aspect de
bourgeon à la surface membranaire périphérique. L’apparition de ces modifications
morphologiques s’accompagne d’un isolement de la cellule apoptotique des cellules voisines.
L’évolution des invaginations membranaires aboutit (2) à la fragmentation de la cellule en
petits éléments, appelés corps apoptotiques, composés de membrane plasmique qui englobe
du cytoplasme, des organites et parfois des fragments nucléaires. Ce n’est que dans cette
deuxième étape du processus apoptotique qu’une altération morphologique d’organites
cytoplasmiques peut être observée, telle que la dilatation du réticulum endoplasmique ou la
désagrégation des polysomes (Kerr et al., 1972). In vivo, (3) les corps apoptotiques sont
rapidement phagocytés par les macrophages ou les cellules voisines avant l’altération des
membranes, dégradés par les lysosomes et réduits en résidus «non-reconnaissables», évitant
ainsi toute réaction inflammatoire (Figure 11). In vitro, (absence de macrophages), ils peuvent
néanmoins être dégradés suivant un processus de nécrose dite secondaire, caractérisée par une
rupture de la membrane plasmique et une désintégration des organites.
65
Figure 11: Les modifications morphologiques
d’une cellule en apoptose et en nécrose
Contrairement à l’apoptose, la nécrose, considérée comme une mort cellulaire non
coordonnée, est caractérisée par une modification de la perméabilité membranaire entraînant
une dilatation du cytoplasme et des organites tels que le réticulum endoplasmique et les
mitochondries: la cellule se gorge d’eau (4). La chromatine nucléaire flocule et la synthèse
protéique diminue. La rupture des membranes (5) conduit au relargage dans le milieu
environnant du contenu cytoplasmique, déclenchant une réaction inflammatoire (Allen et al.,
1997).
2- Les stigmates biochimiques
De nombreux changements biochimiques sont observés dans les cellules apoptotiques.
Il s’agit par exemple d’une modification des flux calciques responsables de l’activation de
nombreuses enzymes, dont des nucléases qui induisent la fragmentation de l’ADN (Ucker et
al., 1992; Wu et al., 2000), de l’activation de transglutaminases impliquées dans la
réorganisation des éléments du cytosquelette menant aux invaginations membranaires et à la
formation des corps apoptotiques (Gentile et al., 1992), de l’activation de protéases à
cystéines (les caspases), de la production accrue de céramides ou encore de la génération de
radicaux libres…
(1)
(3)
(2)(4)
(5)
nécrose apoptose
66
2-1- L’externalisation de marqueurs membranaires
Si l’intégrité de la membrane plasmique des cellules apoptotiques est préservée, la
membrane est néanmoins modifiée. Elle perd en effet son asymétrie et expose un
phospholipide particulier, la phosphatidylsérine (PS), sur le feuillet externe de la membrane.
Les mécanismes d’une telle translocation sont encore mal définis, mais pourraient être liés à
l'inhibition d'une translocase (qui transporte les PS et les PE sur le feuillet interne) et à la
stimulation Ca2+-dépendante d’une "scramblase" responsable du phénomène flip-flop des
phospholipides (Bratton et al., 1997). Ce phénomène apparaît tôt dans l’apoptose et semble
indépendant du type cellulaire. Un changement de l’expression de sucres est également
observé à la surface des cellules apoptotiques ou de ces fragments (Duvall et al., 1985). Ces
sucres sont reconnus par les récepteurs de la vitronectine et de la fibronectine des
macrophages (Savill et al., 1990; Fadok et al., 1992).
In vivo, l’expression précoce de ces différents marqueurs membranaires à la surface des
cellules entrant en apoptose permet la reconnaissance des cellules apoptotiques et donc une
élimination précoce afin d’éviter toute réaction inflammatoire.
2-2- La fragmentation de l’ADN
La mort par apoptose est caractérisée par un clivage de la chromatine nucléaire en
fragments double-brins. L’activation de la première endonucléase décrite, une endonucléase
calcium-dépendante, provoque la fragmentation de l’ADN au niveau des régions charnières
entre les oligonucléosomes, sur lesquels s’enroule l’ADN, libérant ainsi des éléments
nucléaires dont la taille est un multiple entier de 180-200 paires de bases et donnant ainsi un
aspect d’échelle sur gel d’agarose (Wyllie, 1980). Cette «échelle d’ADN» a longtemps été
considérée comme une caractéristique de l’apoptose. Cependant, des résultats plus récents ont
montré que l’apoptose pouvait s’accompagner de fragmentation de l’ADN en éléments de
grandes tailles (50-300 kb), visibles uniquement en électrophorèse en champ pulsé (Cohen et
al., 1992). Le clivage de l’ADN semble ainsi procéder par étapes successives: la première
correspond à la fragmentation en éléments de grandes tailles due à l’activation
d’endonucléases calcium-dépendantes, telles que l’ADNaseII (Wu et al., 2000) et une
nucléase de 40kDa (DNAseI-like endonucléase) (Ucker et al., 1992). La seconde étape fait
intervenir des endonucléases magnésium et/ou calcium dépendantes, telles que l’ADNaseI
(Oliveri et al., 2001) ou CAD (caspase activated DNAse) (Enari et al., 1998) aboutissant à la
formation de fragments de petites tailles.
67
Toutefois, bien que le clivage internucléosomal soit décrit dans de nombreux types
cellulaires, ce processus ne semble pas être une condition sine qua non de l’apoptose. Une
absence de fragmentation de l’ADN a en effet été mise en évidence dans des cellules
apoptotiques (Cohen et al., 1992, Collins et al., 1992). En revanche, des fragments de 100-
300 kpb ont également été observés dans des cellules en nécrose (Bicknell et Cohen, 1995).
La fragmentation d’ADN ne peut donc être considérée comme caractéristique de l’apoptose
que lorsqu’elle est associée à une morphologie typique de l’apoptose.
2-3- L’atteinte mitochondriale
Depuis la découverte de Bcl-2, protéine inhibant l’apoptose et située dans la
membrane des mitochondries (Sentman et al., 1991), de nombreux auteurs ont mis en
évidence l’implication des mitochondries au cours du processus apoptotique. Leur
participation dans l’apoptose est associée à une transition de la perméabilité membranaire
(MTP) et un effondrement du potentiel transmembranaire mitochondrial (∆Ψm), résultant de
l’ouverture de mégapores mitochondriaux. Du fait de sa haute concentration en solutés, un
gonflement osmotique progressif de la matrice est parfois observé, dont l’aboutissement
ultime est la rupture physique de la membrane externe. L’ouverture de ces pores est décrite
comme l’étape d’intégration du signal apoptotique et de non-retour de la cellule vers
l’apoptose. La MPT peut en effet être induite directement par de nombreux facteurs
apoptotiques tels que : - le calcium, - les espèces réactives de l’oxygène, - un changement de
pH (Crompton, 1999) et - Bax, protéine pro-apoptotique de la famille des Bcl-2 (Marzo et al.,
1998b), mais également de façon indirecte par : - des caspases, - des céramides, - la protéine
p53 (suppresseur de tumeur), capables de moduler l’activité de protéines de la famille des
Bcl-2 (cf chapitre La famille des Bcl-2).
Les conséquences de l’ouverture des mégapores sont multiples: rupture du
métabolisme énergétique, formation de radicaux libres lors du découplage de la chaîne
respiratoire, libération de facteurs apoptotiques séquestrés dans la matrice, comme le
cytochrome c, des caspases, AIF (Apoptosis Inducing Factor), augmentation de la
concentration de Ca2+ intracellulaire…(Petit et al., 1997; Gross et al., 1999). Cette altération
des mitochondries se produit avant les changements biochimiques de la membrane plasmique
et la fragmentation de l’ADN.
68
III- LES MECANISMES MOLECULAIRES DE L’APOPTOSE
L'apoptose peut être divisée en trois phases séquentielles dans le temps, (1) la phase
d'initiation, (2) la phase d'exécution, toutes deux réversibles et modulables par des facteurs
anti-apoptotiques, et (3) la phase de dégradation protéolytique et nucléaire qui est irréversible
et se traduit par des modifications morphologiques et biochimiques (Figure 12).
Figure 12: Modélisation du processus apoptotique
(1) la phase d’induction: de nombreux signaux très différents, physiologiques comme
pathologiques, intra comme extracellulaires ont été identifiés comme pouvant déclencher
l’apoptose. Ainsi l’apoptose peut être induite par la carence en facteurs de croissance (NGF,
Il-2), par certains récepteurs membranaires (Fas, ΤΝF-R) lorsqu’ils sont stimulés et liés à
leurs ligands, par des dommages intracellulaires causés par radiations ionisantes, des agents
cytotoxiques, chocs osmotiques…
(2) la phase d’exécution: les différents signaux de mort sont alors intégrés par la cellule qui,
en fonction de son phénotype et de son état physiologique, va orienter sa réponse vers la mort
ou la prolifération. Cette intégration fait appel à un certain nombre de médiateurs
intracellulaires anti- ou pro-apoptotiques tels que les caspases, le stress oxydant, les protéines
de la famille de Bcl-2, les céramides...
(3) la phase de dégradation: en dépit de la diversité de ces signaux de mort, toutes les
cellules engagées dans le processus apoptotique montrent des modifications morphologiques
et biochimiques similaires suggérant l’existence d’une phase effectrice commune à tous les
types cellulaires.
Signal Médiateurs intracellulaires
Intégrationdes signaux Effecteurs
Mort cellulaire
(1) phase d’initiation
(2) phased’exécution
(3) phase dedégradation
Phases réversibles et modulables:
* Mitochondrie ?* ...
Phase irréversible:
* dommagescellulaires
* récepteursde mort
* carences enfacteurs decroissance
* radiations* drogues* ...
* caspases initiatrices* famille des Bcl-2* céramides* ROS* p53* kinases/phosphatases* facteurs de transcription* IAP* ...
* caspases effectrices* nucléases
* protéolyse* dégradation de l’ADN
69
1- La phase d’induction: les signaux de mort
La phase d’induction de l’apoptose peut être déclenchée par des stimuli aussi variés que
des radiations ionisantes (Farrell et al., 1998), une carence en facteurs de croissance
(Martinou et al., 1999; Tammariello et al., 2000), des drogues cytotoxiques (Bose et al.,
1995; Boland et al., 1997), du glucose (Kaneto et al., 1996), des acides gras (Paumen et al.,
1997; Shimabukuro et al., 1998a et b) ou des cytokines, notamment celles de la famille des
TNF (TNF-α, Fas-L…) par l'intermédiaire de leurs récepteurs, appelés également «récepteur
de mort». Les membres de la famille du TNF-R possèdent un domaine de mort cytoplasmique
(DD ou Death Domain), essentiel pour l’exécution du programme apoptotique (Itoh et
Nagata, 1993). Parmi les membres de la famille impliqués dans la mort cellulaire, il convient
de citer les récepteurs Fas ou CD95 (Itoh et al., 1991), TNF-R1 ou p55 (Loetscher et al.,
1990), TRAIL-R1 et TRAIL-R2 (TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand) (Chaudhary et
al., 1997). Expérimentalement, l'apoptose peut également être induite par des céramides
exogènes (Obeid et al., 1993) ou des ROS (Goldkorn et al., 1998).
2- De C. elegans aux mammifères
La majeure partie de nos connaissances actuelles sur les mécanismes moléculaires de
la régulation de l’apoptose provient de travaux menés sur le nématode Cænorhabditis elegans
(Hengartner et al., 1994). Ainsi, la sélection par mutagenèse chimique de larves au cours du
développement a permis l’identification de 11 gènes impliqués dans la régulation de la mort
cellulaire programmée chez C. elegans. Parmi ceux-ci trois furent identifiés comme des
régulateurs clés de l’apoptose dans toutes les cellules somatiques. Il s’agit de CED-3, CED-4
et CED-9 (CED pour le gène Cænorhabditis elegans death). CED-3 et CED-4 sont tous deux
requis pour l’apoptose, alors que CED-9 régule négativement ce phénomène.
Le clonage de ces différents gènes a révélé que (Figure 13)
- CED-3 code pour une protéase à cystéine homologue à l’enzyme de conversion de
l’IL-1β: ICE (Interleukin Converting Enzyme) maintenant désignée comme caspase-1 (Yuan
et al., 1993).
- CED-4 code pour une protéine ayant des homologies avec la protéine humaine
APAF-1 (Zou et al., 1997).
- CED-9 code pour une protéine homologue à la protéine anti-apoptotique Bcl-2,
préalablement identifiée chez l’Homme (Hengartner et al., 1994).
70
Figure 13: Conservation des différentes grandes familles de protéines impliquées
dans l’apoptose du nématode aux vertébrés.
3- Les caspases
Certaines protéases ne sont pas simplement des enzymes de dégradation mais des
molécules de signalisation hautement régulées contrôlant des processus biologiques critiques
pour la cellule par le biais de protéolyses limitées et spécifiques. Une famille de protéases, les
caspases, illustre parfaitement ce concept. En effet, de nombreuses études, menées plus
particulièrement au cours de la dernière décennie, ont mis en évidence que ces protéases
jouaient un rôle clef dans la signalisation de l’apoptose. Les caspases, présentes sous la forme
de zymogènes inactifs et activées en réponse à des signaux apoptotiques induisent le
démantèlement et la déstructuration de la cellule en clivant de façon spécifique des protéines
cellulaires clefs.
3-1- La nomenclature et les différentes classifications des caspases
Les caspases ont été impliquées dans l’apoptose avec la découverte du gène ced-3 et
l’identification d’un analogue de son produit (CED-3) chez les mammifères, la protéase à
cystéine ICE (Yuan et al., 1993). Ces travaux précurseurs ont conduit à l’identification d’un
nombre croissant de protéases à cystéine, présentant des homologies de séquences avec CED-
3. Ces protéases présentent une spécificité stricte de clivage de leur substrat après un résidu
acide aspartique. Une nouvelle nomenclature proposée par Alnemri et al. (1996) les regroupe
désormais sous le nom de caspases (cysteine aspartate-specific proteases). L’ICE, qui fut
chronologiquement la première identifiée, a donc été tout naturellement rebaptisée caspase-1.
A ce jour, 14 caspases ont été identifiées.
C. elegans Vertébrés
CED-9
CED-4
CED-3
Bcl-2
APAF-1
Caspases
EGL-1 Bik/BakInhibiteurs des régulateurs
Protéases
AdaptateursRégulateurs
71
Différentes classifications de ces protéases ont été proposées en fonction du critère de
comparaison (Figure 14):
(1) L’analyse phylogénétique des caspases a permis de définir trois sous familles: les
famille de la caspase-1 (les caspases-1, 4, 5, 11), la famille de la caspase-2 (les caspases-2, 9)
et la famille de la caspases-3 (les caspases-3, 6, 7, 8, 10) (Alnemri et al., 1996).
(2) En revanche, sur la base de leur spécificité de substrat, les caspases ont pu être
classées différemment en trois sous groupes: le groupe I dont le substrat préférentiel est
[W/L]EHD, le groupe II et le groupe III (Figure 14). Alors que les protéases du groupe II
exigent un résidu aspartate à la fois en position -1 et en -4 du site de clivage protéolytique
(DXXD), les protéases du groupe III sont plus tolérantes vis à vis du résidu aminoacide en
position –4 (XE[I/T/H/V]D) (Thornberry et al., 1997).
(3) La troisième classification proposée tient compte de la fonction des différentes
caspases. Deux grands groupes ont été ainsi définis: les caspases impliquées dans
l’inflammation, responsables de l’activation de cytokines et les caspases apoptogènes
activées au cours de la transduction d’un signal de mort. Se distinguant par leur temps
d'implication dans la voie de signalisation de l'apoptose, ces dernières ont été classées en
deux sous-groupes: les caspases initiatrices, activées au cours la phase d'initiation de
l'apoptose (caspases-2, 8, 9, 10) et les caspases effectrices, activées en cascade par des
caspases initiatrices et impliquées dans la phase de dégradation de l'apoptose (caspases-3, 6,
7) (Alnemri, 1999).
Figure 14: Les différentes classifications des caspases
45
111
3768
10
92
Caspase Groupe
IIII
IIIIIIIIIIIII
IIIII
Substrat préférentiel
(W/L)EHD-X/YVAD-X(W/L)EHD-X
? WEHD-X
DEVD-XDEVD-X
VEHD-X/VEID-NLETD-X
IEXD-X/LEXD-X
LEHD-XVDVAD-X/DEHD-X
Activation de cytokines
Caspasesinitiatrices
Caspaseseffectrices
Famille de la caspase-1
Famille de la caspase-3
Famille de la caspase-2
72
3-2-Les descriptions structurales
Toutes les caspases sont synthétisées sous forme de pro-enzymes inactives. Elles
présentent une séquence peptidique conservée, comprenant un prodomaine N-terminal de
longueur variable, un domaine qui deviendra après clivage la grande sous-unité (de 17 à 21
kDa), nommée p20, et un domaine C-terminal qui constituera la petite sous-unité (de 10 à 14
kDa), nommée p10 (Figure 15).
Les prodomaines sont variables à la fois dans leur taille et dans leur séquence. Ainsi les
caspases-3, 6, 7 ont un prodomaine court (contenant moins de 29 résidus acides aminés) alors
que les caspases-1, 2, 4, 5, 8, 9, 10, 11 ont un prodomaine long (contenant au moins 103
résidus acides aminés, et jusqu’à 200 résidus pour les caspases-8, 10). Les segments N-
terminaux des caspases-8 et 10 contiennent des domaines effecteurs de mort (DED, death
effector domain), alors que les caspases-1, 2 4 et 9 possèdent un domaine de recrutement des
caspases (ou caspase recruitment domain: CARD). Ces différents domaines (DED et CARD)
sont impliquées dans le processus d’activation des caspases par des interactions protéines-
protéines (Chapitre III-3-3-).
Epissage alternatif des caspases-10 et 2
Pour résumer, le masse moléculaire de chacun des précurseurs dépend essentiellement
de la longueur du prodomaine. Toutefois, plusieurs isoformes de tailles distinctes des
caspases-2 et 10 ont été mises en évidence. Ces isoformes résultent d’un épissage alternatif de
l’ARNm. Ainsi, 4 isoformes ont pu être isolées pour la caspase-10 (nommées 10-a, 10-b, 10-c
et 10-d) (Fernandes-Alnemri et al., 1996; Vincenz et Dixit, 1997; Ng et al., 1999). Les
premières isoformes découvertes, 10-a (53 kDa) et 10-b (59 kDa), diffèrent d’un fragment
peptidique (6 kDa) contenu dans la grande sous-unité et de la composition de leur sous-unité
p10. La caspase-10-c (30 kDa) est une protéine tronquée, constituée essentiellement du
prodomaine. Bien qu’elle ne présente pas d’activité protéolytique in vitro, elle est toutefois
capable d’induire l’apoptose in vivo. Enfin la caspase-10-d (59 kDa) est un hybride des
caspases-10-a et 10-b puisqu’elle comporte la sous-unité p10 de la forme 10-a et la sous-unité
p20 de la forme 10-b. Alors que les 4 isoformes de la caspase-10 sont apoptogènes, la
caspase-2, présente sous deux isoformes 2L (48 kDa) et 2S (34 kDa), est capable de réguler
positivement (2L) et négativement (2S) l’apoptose (Wang L. et al., 1994).
Etant donné l’hétérogénéité et les fonctions variables des caspases, j’ai choisi, pour des
raisons de clarté et d’adéquation à mon travail de recherche, de ne traiter par la suite que les
caspases apoptogènes, les caspases initiatrices et effectrices.
73
3-3-Les mécanismes d’activation des caspases
La conversion de la caspase de l’état de zymogène en un enzyme mature nécessite au
moins deux clivages protéolytiques limités au niveau des résidus acides aspartiques, flanquant
chacun la grande sous-unité. Les éléments protéiques de l’enzyme ainsi libérés vont pouvoir
s’assembler de sorte à former un hétérodimère actif de structure générale (p10/p20)2, dont le
domaine catalytique contient la séquence consensus QACXG (Gln-Ala-Cys-X-Gly) (Walker
et al., 1994) (Figure 15).
Figure 15: Mécanisme général d’activation des caspases par protéolyse
Les caspases, protéolysées sur le versant COOH d’un résidu aspartate, ont la
caractéristique de cliver leur substrat également après un aspartate. Ceci leur confère ainsi la
capacité de s’autoactiver et/ou d’être activée par d’autres caspases. Il peut donc y avoir une
cascade d’activation entre les différentes caspases. Une fois les caspases initiatrices activées
(mécanisme d’autoactivation), elles vont pouvoir cliver d’autres caspases encore à l’état de
zymogène, notamment les caspases effectrices (mécanisme d’hétéroactivation).
3-3-1-L’autoactivation des caspases initiatrices
L'autoactivation des caspases initiatrices implique l’oligomérisation des zymogènes,
sous le contrôle de protéines adaptatrices. Ces molécules adaptatrices couplent les
procaspases aux senseurs apoptotiques, tels que les récepteurs de mort ou la mitochondrie. Il
en résulte une concentration locale élevée en proenzymes permettant la protéolyse inter- et
intra-moléculaire.
Prodomaine p20 p10 Procaspase
Caspase matureet active
domaine catalytique
Clivages protéolytiques
QACXG
QACXG
QACXG
74
L’activation des procaspases-2, 8, 10
L’activation des caspases 2, 8 et 10 résulte de la stimulation de récepteurs
membranaires de mort. En réponse à un ligand, le récepteur se trimérise et recrute des
protéines adaptatrices par son domaine de mort DD (figure 16).
La procaspase-8 (Kischkel et al., 1995) ou la procaspase-10 (Kischkel et al., 2001)
oligomérisent par l'intervention de la protéine adaptatrice FADD (Fas protein with DD) au
niveau de leur domaine DED. FADD, par son domaine DD, peut être directement couplé au
récepteur Fas (Chinnaiyan et al., 1995) ou indirectement au TNF-R1 par l’intermédiaire de
TRADD (TNF-R Associated protein with DD) (Hsu et al., 1995) (Figure 16). Le complexe,
ainsi constitué du récepteur, de FADD et de la procaspase, est nommé DISC (death-inducing
signaling domains DED complex).
Le recrutement de la caspase-2 au récepteur se fait par l’interaction séquentielle de
TRADD, sur le domaine CARD de la caspase (Hsu et al., 1995) avec d’autres protéines, sur
les domaines DD, la sérine/thréonine kinase RIP (Receptor Interacting Protein) (Stanger et
al., 1995) et la protéine RAIDD (RIP-Associated ICH-1/CED-3-homologous protein with
DD) (Duan et dixit, 1997) (Figure 16).
Figure 16: L’autoactivation des caspases initiatrices 2, 8 et 10
DD: domaine de mort DED: domaine effecteur de mortCARD: domaine de recrutement des caspasesDISC: complexe de mort (récepteur, FADD, procaspase-8 ou 10)
procaspase-8 ou -10
Fas
FADD
TNF-R1
TRADDFADD
TNF-R1
DISC
procaspase-2
RAIDD
RIPTRADD
75
L’activation de la procaspase-9
Le mécanisme de maturation de la caspase-9 est comparable à celui des caspases
initiatrices 2, 8 et 10. Son activation dépend de la formation d’un complexe multiprotéique,
nommé apoptosome (Li P. et al., 1997), constitué du cytochrome c libéré de la mitochondrie,
de l’homologue humain de CED-4 (Zou et al., 1997): APAF-1 (Apoptotic Protease-
Activating Factor-1), d’ATP et de la procaspase-9 (Zou et al., 1999) (Figure 17).
Dans ce complexe, APAF-1 joue le rôle de protéine adaptatrice. Il possède en effet une
région de liaison CARD, impliquée directement dans le recrutement de la procaspase-9 (Li P.
et al., 1997). Lorsque les cellules sont quiescentes, APAF-1, est séquestré à la surface de la
mitochondrie (Zou et al., 1997) dans une conformation tridimensionnelle inactive. Dans un
contexte apoptotique, le cytochrome c et l’ATP lient APAF-1, induisant un changement
conformationnel permettent de démasquer alors la région CARD: la procaspase-9 est ainsi
recrutée.
Figure 17: La formation de l’apoptosome et l’activation de la caspase-9
3-3-2-La transactivation des caspases effectrices
Les caspases-3, 6 et 7, regroupées sous le nom de caspases effectrices, ne peuvent être
activées par un mécanisme d’autoactivation. En effet, ces protéases disposent d’un
ATP Remaniement conformationnel
Cytochrome cAPAF-1
Mitochondrie
CARD
CARD
CARDATP
ATP
ATP CARD
ATPCARD
CARDCARDCARD
Procaspase-9
Oligomérisation
76
prodomaine court incapable d’initier leur oligomérisation et leur activation. Ainsi leur clivage
protéolytique est pris en charge par d’autres caspases, généralement des caspases initiatrices.
Des études, menées sur des extraits cellulaires (Srinivasula et al., 1996; Muzio et al., 1997)
ou sur des cellules de levures transfectées (Kang et al., 1999), ont en effet démontré que les
caspases initiatrices sont capables d’activer efficacement les caspases effectrices. Dans ces
systèmes, l’activation protéolytiques des procaspases 3 et 7 par l’action directe des caspases-8
et 10 a été mise en évidence (Nagata, 1997; Stennicke et al., 1998; Kang et al., 1999). De
même, la caspase-9 est capable d’induire l’activation des procaspases-3 et 7 (Li P. et al.,
1997; Srinivasula et al., 1998). Alors que le clivage des procaspases-3 et 7 peut résulter de
l’action directe des caspases-8, 9 et 10, des expériences in vitro montrent que la procaspase-6
est clivée uniquement par les caspases-3 et 7 (Srinivasula et al., 1998; Slee et al., 1999).
Ainsi, les caspases-8, 9, 10 sont décrites comme les protéases gouvernant l’activation
séquentielle des caspases effectrices dans l’apoptose médiée par les récepteurs ou par la
mitochondrie. Ce type d’activation en cascade permettrait la régulation et l’amplification du
signal apoptotique.
Toutefois, des études in vitro démontrent que les caspases effectrices peuvent également
cliver des caspases initiatrices. Par exemple, la caspase-3 est douée d’une activité
protéolytique vis-à-vis de la procaspase-8 (Stennicke et al., 1998) et des procaspases-2 et 9
(Slee et al., 1999). La caspase-6 active est également capable de protéolyser les caspases
initiatrices-8 et 10 (Slee et al l, 1999). Ces différents travaux suggèrent l’existence d’une
boucle de rétrocontrôle in vivo.
3-4-Les mécanismes de contrôle de l’activation des caspases
Etant donné les effets dévastateurs que pourrait avoir une activation inopportune des
caspases, il n’est pas surprenant que ces acteurs moléculaires de l’apoptose soient étroitement
modulés. En effet, leur activation protéolytique et leur activité enzymatique sont finement
régulées. Leur localisation dans certains compartiments subcellulaires représenterait
également un mode de régulation de ces protéases.
3-4-1- La régulation par phosphorylation
De nombreuses études ont rapporté que l’apoptose pouvait être régulée par des protéines
kinases et des protéines phosphatases (Anderson, 1997). Des études in vitro suggèrent que les
caspases sont des phosphoprotéines. Par exemple, un marquage métabolique de cellules au
77
32P, suivi d’un stimulus apoptotique, a révélé que plusieurs caspases étaient radiomarquées et
que leur phosphorylation inhibait leur activité enzymatique (Martins et al., 1998).
Une autre étude indique que la protéine kinase Akt, activée par des facteurs de
croissance, peut phosphoryler spécifiquement la caspase-9, inhibant ainsi son clivage
protéolytique dépendant du cytochrome c et son activité enzymatique (Cardone et al., 1998).
3-4-2-La régulation redox des caspases
La génération de ROS est susceptible d’affecter directement l’activité enzymatique des
caspases, protéases contenant une cystéine dans leur site actif. Ces dernières requièrent en
effet la présence du groupement thiol réduit pour leur fonction protéolytique (Nobel et al.,
1997; Hampton et al., 1998). La régulation négative des caspases par les ROS a été suggérée.
Par exemple, l’activité enzymatique des caspases, mesurée dans les lysats de cellules Jurkat T
traitées avec Fas-L, est inhibée par l’addition directe de peroxyde d’hydrogène (Hampton et
Orrenius, 1997). Par la suite, cette équipe a également montré, dans les neutrophiles activés
par un ester de phorbol, que l’activité enzymatique de caspases n’est détectée que lors d’une
inhibition de la NADPH-oxydase: la baisse de la production de ROS potentialise ainsi
l’activité protéolytique des caspases (Fadeel et al., 1998). Mais les ROS sont décrits comme
des inducteurs de l’apoptose. Des études de cinétiques d’induction de l’apoptose par le
peroxyde d’hydrogène ont montré en réalité que l’activation de caspases est observable
quelques heures après la génération de ROS (Hampton et Orrenius, 1997). Alors que les
espèces radicalaires inhibent directement l’activité des caspases, elles induisent des
altérations de la mitochondrie, dont l’ouverture des pores de transition de perméabilité. Il en
résulte une libération du cytochrome c, l’activation de la caspase-9 et des caspases effectrices
(Kluck et al., 1997; Stridh et al., 1998).
L'activité des caspases semble également être régulée par une S-nitrosylation
réversible du groupement thiol du site actif. Il a été en effet montré in vitro que la fixation du
monoxyde d’azote (NO) abolit aussi bien l’activation protéolytique (Li J. et al., 1999) que
l’activité enzymatique des caspases (Li J. et al., 1997). Ainsi, NO, présentant également un
rôle pro-apoptotique (Kolb, 2001), peut réguler l’apoptose de certains types cellulaires, tels
que les lymphocytes, les neutrophiles ou les hépatocytes, en inhibant directement les
caspases.
78
3-4-3-La localisation subcellulaire des caspases
Longtemps, les procaspases ont été décrites comme des protéines uniquement
cytosoliques. Des études récentes ont montré que certaines caspases sont également présentes
dans la mitochondrie. En effet, les zymogènes des caspases-2 et 9 (Susin et al., 1999a), de la
caspase-3 (Mancini et al., 1998) et de la caspase-8 (Qin et al., 2001) ont pu être localisés dans
l’espace intermembranaire mitochondrial. Ce n’est qu’en présence d’un signal apoptotique
qu’ils sont libérés dans le cytoplasme où ils sont alors clivés en caspases actives. D’autre part,
les caspases semblent également pouvoir migrer du cytoplasme vers le noyau. En effet, la
présence de la caspase-9 active dans le noyau de neurones et de cardiomyocytes (Susin et al.,
1999) a été démontrée. La localisation nucléaire transitoire de la caspase-3 a également été
mise en évidence (Krajewska et al., 1997). Enfin, la découverte d’un signal de localisation
nucléaire dans le prodomaine de la caspase-2 (Colussi et al., 1998) est un autre argument pour
proposer un rôle fonctionnel des caspases au niveau du noyau.
Ainsi, la séquestration des procaspases dans des compartiments cellulaires (la
mitochondrie ou le cytoplasme) semble constituer un mode de régulation de ces protéases, en
limitant leur activation et en les maintenant à distance de leurs substrats dans les cellules en
vie.
3-4-4-Les inhibiteurs de caspases
L’étape de recrutement des caspases initiatrices aux récepteurs de mort peut être régulée
par une protéine nommée FLIP (FLICE (caspase-8) Inhibitory Protein), identifiée initialement
chez le virus de l’herpès et le virus molluscipox. FLIP contient deux domaines effecteurs de
mort (DED) qui lui permet de lier la protéine adaptatrice FADD et/ou les caspases 8 et 10
(Thome et al., 1997), les rendant ainsi inaccessibles lors de la mise en place du complexe
moléculaire apoptotique sous-membranaire (DISC) (Droin et al., 2001).
La grande famille des protéines homologues à Bcl-2 joue un rôle majeur dans la
régulation de l’apoptose en contrôlant la libération du cytochrome c de la mitochondrie et
l’activation séquentielle de la caspase-9 et des caspases effectrices (chapitre III-4). La
libération du cytochrome c n’apparaît pas comme suffisante pour induire l’activation de la
caspase-9 et des caspases effectrices. En effet, des protéines appartenant à la famille des IAPs
(Inhibitor of Apoptosis Proteins) maintiennent la caspase-9 et les caspases effectrices (3, 7)
inactives, selon un mécanisme d’inhibition compétitive (Deveraux et Reed, 1999). Cette
inhibition est levée par une protéine mitochondriale smac, alors libérée dans le cytosol au
cours du processus apoptotique (Du C. et al., 2000).
79
Les caspases peuvent également être inhibées, de façon plus ou moins spécifique, par
des inhibiteurs peptidiques synthétiques (Garcia-Calvo et al., 1998), développés dans
l’optique d’élucider leur rôle au cours du processus apoptotique. Ces peptides, constitués
généralement de 4 résidus d’acides aminés dont l’aspartate en position P1, miment le site de
clivage des substrats naturels des caspases (Figure 14). Ils sont rendus perméables aux
cellules par des groupements chimiques bloquant les fonctions NH2 et COOH terminales,
comme par exemple les groupements benzyloxycarbonyl (z) ou acétyl (Ac) pour la fonction
NH2 et les groupements aldéhyde (CHO) ou fluorométhylcétone (fmk) pour la fonction
COOH. La structure générale des ces inhibiteurs peptidiques peut être ainsi décrite: z/Ac-
XXXD-CHO/fmk (X définissant un résidu d’acide aminé). Les dérivés aldéhydiques sont des
inhibiteurs réversibles (XXXD-CHO), tandis que les composés méthylcétones (XXXD-fmk),
qui réagissent avec la cystéine du site actif des caspases, sont des inhibiteurs irréversibles.
Initialement synthétisés pour des études in vitro, de rares études rapportent l’utilisation
des ces dérivés peptidiques chez l’animal. Par exemple, l’injection intraveineuse de
l’aspartate modifié z-D-fmk (dérivé néanmoins non spécifique d’une caspase) prévient
l’apoptose dans le foie de rats induite par une ischémie/reperfusion (Cursio et al., 1999). Le
challenge actuel est de développer des inhibiteurs non-peptidiques hautement spécifiques
d’une caspase ciblée, en vue d’une possible utilisation à visée thérapeutique. L’identification
récente de dérivés de la nitroisatine, inhibiteurs sélectifs des caspases-3 et-7 (Lee et al.,
2000), ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques.
3-5- Les substrats protéolysés par les caspases
Le rôle fondamental des caspases est d’éteindre les systèmes de protection cellulaire
en inactivant des protéines impliquées dans le maintien de l’intégrité cellulaire ou la
résistance à l’apoptose, et d’activer des protéines qui participent à la destruction cellulaire.
L’action des caspases sur leurs différents substrats induit l’isolement des cellules
apoptotiques des cellules environnantes, des perturbations du cytosquelette, des altérations de
la réplication et de la réparation de l’ADN, la fragmentation nucléaire et enfin la
désintégration générale de la cellule. C’est en ce sens que les caspases, notamment les
caspases effectrices, sont considérées comme les acteurs moléculaires principaux de la phase
de dégradation au cours du processus apoptotique.
Un grand nombre de protéines substrats de protéolyse par des caspases, autres que les
procaspases, ont été identifiées. Les protéines cibles, clivées après un résidu Asp, regroupent
des protéines impliquées dans la dégradation et la réparation de l’ADN ou dans certaines
80
cascades de signalisation, des protéines cytoplasmiques, nucléaires, ou encore des protéines
des membres de la familles du protooncogène Bcl-2. A titre d’exemple, le clivage de la
protéine ICAD, Inhibiteur de CAD (Caspase-Activated Desoxyribonuclease) induit une perte
d’inhibition de la nucléase CAD menant à la fragmentation de l’ADN nucléaire (Enari et al.,
1998). La dégradation de l'ADN est un phénomène associé à une baisse de la réparation de
l'ADN. Par exemple, le clivage de la protéine PARP (poly(ADP-ribose) polymerase) conduit
à une perte de l’activité de cet enzyme à réparer l’ADN (Lazebnik et al., 1994). Les caspases
clivent également les protéines de la lamina nucléaire, telles que la lamine A (Takahashi et
al., 1996), contribuant à la condensation chromatidienne observée lors du phénomène
apoptotique. Des protéines du cytosquelette, telles que l’actine (Mashima et al., 1997) ou des
protéines impliquées dans le remodelage du cytosquelette, comme Gas-2 (Brancolini et al.,
1995), sont également clivées, menant à la déstructuration et au réarrangement du
cytosquelette et au bourgeonnement de la membrane plasmique. Certaines protéines kinases
sont également clivées par les caspases (PKCδ: Emoto et al., 1995; MEKK-1: Cardone et al.,
1997), produisant des formes tronquées constitutivement actives. Il semblerait que ces kinases
activent en cascade la voie SAPK/JNK (Cardone et al., 1997; Lee et al., 1997), menant à la
phosphorylation de facteurs de transcription, comme c-jun, et régulant la transcription de
gènes. Des protéines anti-apoptotiques de la famille des Bcl-2 sont également clivées. Cette
protéolyse permet d’abolir leurs propriétés protectrices et de produire également des
fragments capables d’induire l’apoptose (Bcl-2: Cheng et al., 1997) alors que le clivage de
certains membres pro-apoptotiques potentialise leurs effets (Bid: Li H. et al., 1998)
Il faut noter aussi que certains substrats ne sont pas clivés dans tous les types
cellulaires. L’actine, par exemple, clivée dans les neurones ou les thymocytes (Villa et al.,
1998) ou la lignée cellulaire U937 (Mashima et al., 1997), n’est pas dégradée dans d’autres
types cellulaires, telles que les péricytes (Shojaee et al., 1999), ou de nombreuses lignées
cellulaires tumorales (Rice et al., 1998). Cette hétérogénéité pourrait refléter des variations
dans l’accessibilité du substrat par les caspases.
3-6-L’apoptose caspase-indépendante
L’implication des caspases dans le processus apoptotique est bien établie. Certaines
études, menées notamment au sein du groupe de G. Kroemer, ont montré cependant que
l’apoptose peut être induite sans la participation de caspases. Ce type d’apoptose semble être
contrôlé par un facteur protéique libéré de la mitochondrie: AIF (Apoptosis Inducing Factor)
81
(Susin et al., 1996; Susin et al., 1999b; Daugas et al., 2000). AIF est une protéine homologue
à la ferredoxine bactérienne ou aux NADH-oxydoréductases, mais qui présente également
une activité protéasique (Susin et al., 1996). Au cours du processus apoptotique, AIF, localisé
dans l’espace intermembranaire de la mitochondrie, est relargué dans le cytoplasme puis
transloqué dans le noyau, où il est capable d’induire à lui seul la condensation de la
chromatine nucléaire et générer des fragments d’ADN (Susin et al., 1999b; Daugas et al.,
2000).
4- La famille de Bcl-2
Les protéines de la famille de Bcl-2 sont les principales actrices de la régulation du
processus apoptotique. Bcl-2 a été la première protéine homologue de CED-9 décrite chez les
mammifères (Vaux et al., 1988). La translocation t(14, 18) retrouvée dans les lymphomes
folliculaires de type B a conduit à l’identification du proto-oncogène Bcl-2 (B cell
lymphoma) chez l’Homme (Tsujimoto et al 1984). Depuis sa mise en évidence, Bcl-2 s’est
révélée faire partie d’une famille sans cesse croissante de protéines régulatrices de l’apoptose.
Si on se réfère à leur fonction biologique, les protéines de la famille de Bcl-2 peuvent être
classées en deux sous-familles: des protéines anti-apoptotiques, telles que Bcl-2 (Hockenbery
et al., 1990), Bcl-XL (Boise et al., 1993), Bcl-W (Gibson et al., 1996) et des protéines pro-
apoptotiques, telles que Bax (Oltvai et al., 1993), Bcl-XS (Boise et al., 1993), Bad (Yang et
al., 1995), Bid (Wang et al., 1996).
Tous les membres de la famille de Bcl-2, à l’exception de Bad et Bid, sont des
protéines membranaires, présentes principalement dans la membrane externe mitochondriale
mais également dans le réticulum endoplasmique ou la membrane nucléaire externe (Nguyen
et al., 1993; Akao et al., 1994). A l’inverse, Bad et Bid sont des protéines cytosoliques dont la
translocation vers la mitochondrie et l’insertion dans la membrane mitochondriale s’effectue
au cours du processus apoptotique (Del Peso et al., 1997; Li H. et al., 1998; Wang et al.,
1999).
4-1-Le rôle des protéines de la famille de Bcl-2
Le mécanisme prédominant par lequel les membres de la famille Bcl-2 régulent
l’apoptose semble être le contrôle de la formation de l’apoptosome (cytochrome c/APAF-
1/caspase-9), en modulant la fuite mitochondriale du cytochrome c. En effet, alors que Bcl-2
(Kluck et al., 1997) ou Bcl-XL (Vander Heiden et al., 1997) inhibent l’apoptose en bloquant
82
directement la sortie du cytochrome c, la surexpression ou l’activation de Bax dans des
cellules (Pastorino et al., 1998) conduit à la libération du cytochrome c.
Deux mécanismes de régulation de la libération du cytochrome c par les protéines de
la famille de Bcl-2 ont été proposés. Ces protéines contrôleraient l’ouverture des mégapores
mitochondriaux en se liant avec une protéine constitutive de ce complexe: l’ANT (Adenosine
Nucleotide Translocator) (Marzo et al., 1998a), induisant ainsi la transition de la perméabilité
mitochondriale, l’effondrement de ∆Ψm et menant à la rupture de la membrane externe
mitochondriale (Figure 18). Mais la formation de grands canaux à cytochrome c est
également proposée. L’équipe de Martinou a démontré récemment la capacité de Bax à
polymériser (Antonsson et al., 2000) et à s’insérer dans la membrane mitochondriale pour
former des grands canaux permettant le passage de cytochrome c (Antonsson et al., 2001),
sans gonflement osmotique ni rupture physique de la membrane (Martinou et al., 1999)
(Figure18).
Divers travaux démontrent par ailleurs que les protéines anti-apoptotiques Bcl-2 sont
également impliquées dans le maintien de l’intégrité mitochondriale. En effet Bcl-2, ou ses
Bax (ou bax-like protéine)
ANT (Adenosine Nucleotide Translocator)
VDAC (voltage-dependant anion channel)
cytochrome C
Matrice
Membrane interne
Membraneexterne
Eau/solutésBcl-2/Bcl-XL
A ) Rupture de la membraneexterne mitochondriale
B ) Formation d’un grand canal
Molécules < 1.5 kDa
∆Ψm
Mégapore
Figure 18 : La sortie du cytochrome c mitochondrial: deux mécanismes proposés
Crêtes
83
homologues, est capable de bloquer la génération de ROS (Kane et al.,1993), de stabiliser le
potentiel transmembranaire en régulant le flux de protons (Vander Heiden et al., 1999), ou
encore de moduler l’homéostasie du calcium mitochondrial (Zhu et al., 1999). Le blocage de
la sortie du cytochrome c par les protéines anti-apoptotiques peut être décrit comme la
conséquence indirecte de leurs effets protecteurs sur l’homéostasie mitochondriale. En effet,
Bcl-2 préviendrait la fuite du cytochrome c en compensant le déséquilibre ionique,
probablement à l’origine de la baisse de ∆Ψm, de l’ouverture des mégapores et de la rupture
de la membrane externe mitochondriale. Il semble en fait que les protéines anti-apoptotiques
régulent plus la physiologie mitochondriale que la simple redistribution du cytochrome c.
4-2-La régulation de la fonction des protéines de la famille de Bcl-2
Une des caractéristiques importantes des protéines de la famille de Bcl-2 est de
pouvoir former des homo- ou des hétérodimères. Il semble en fait que l’équilibre entre la vie
ou la mort soit influencé par le type et la proportion de dimères anti ou pro-apoptotiques
(Oltvai et al., 1993). Ainsi, la formation majoritaire de dimères anti-apoptotiques préserve la
vie cellulaire, alors que la présence accrue de dimères pro-apoptotiques conduit vers la mort
cellulaire. La proportion de chaque type de dimères dépend de l'expression de ces protéines,
de leur niveau de phosphorylation ou encore de clivages protéolytiques.
Le niveau d'expression de ces protéines est modulable. Dans certains modèles
cellulaires, les membres pro-apoptotiques, dont la transcription reste silencieuse dans les
cellules saines, sont transcrits en réponse à un signal de mort. Par exemple, la stimulation de
la transcription du gène Bax est sous le contrôle de la protéine p53 (Miyashita et Reed, 1995),
une protéine qui régule le cycle cellulaire lorsque l’ADN est endommagé.
L’exemple le plus caractéristique de la régulation par phosphorylation est celui de la
protéine Bad. Sa localisation subcellulaire et sa translocation du cytosol vers la mitochondrie
sont sous le contrôle d’enzymes de phosphorylation activées en présence de facteurs de
survie, comme les protéines kinases Akt (Del Peso et al., 1997) ou Raf-1 (Wang H.G. et al.,
1994) et d’une phosphatase, la calcineurine (Wang et al., 1999), activée au cours du
processus apoptotique. A l’état phosphorylé, Bad est séquestré dans le cytosol en se liant avec
une protéine soluble nommée 14-3-3, alors que la déphosphorylation de Bad permet sa
translocation vers la mitochondrie et la formation de dimères pro-apoptotiques. Bcl-2 est
également une phosphoprotéine. La phosphorylation de Bcl-2 potentialise sa fonction anti-
apoptotique sans affecter sa localisation subcellulaire (la mitochondrie). Bcl-2 peut être
84
phosphorylée par différents acteurs enzymatiques, comme la PKCα (Ruvolo et al., 1998). Le
taux de phosphorylation de cette protéine est cependant modulé par la protéine phosphatase
2A (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), enzyme activée par les céramides, orientant ainsi la cellule
vers la mort.
Alors que l’adressage mitochondrial de Bad est sous le contrôle de l’état de
phosphorylation, la translocation de Bid du cytosol vers la mitochondrie résulte d’un clivage
protéolytique par la caspase-8 (Li H. et al., 1998). Les membres anti-apoptotiques de la
famille de Bcl-2 peuvent également subir des clivages protéolytiques par des caspases, qui
aboutissent à la génération de fragments C-terminaux pro-apoptotiques (Bcl-2: Cheng et al.,
1997).
5- Le stress oxydant Le stress oxydant, résultant d’un déséquilibre entre la production de radicaux libres
dérivés de l’oxygène (ROS) et leur destruction par les défenses antioxydantes, est décrit
aujourd’hui comme un mécanisme impliqué dans la réponse apoptotique (revues voir:
Chandra et al., 2000; Andrieu-Abadie et al., 2001).
Une faible concentration de H2O2 exogène, une espèce oxydante dérivée des ROS
(Hampton et Orrenius, 1997; Goldkorn et al., 1998) ou des peroxydes lipidiques (Sandstrom
et al., 1994) sont en effet capables de provoquer l’apoptose de cellules en culture. Par ailleurs,
de nombreux inducteurs de l’apoptose, comme le TNF-α (Liu et al., 1998), peuvent altérer les
défenses antioxydantes, par exemple le GSH. D’autres inducteurs, tels que les céramides
exogènes (Quillet-Mary et al., 1997), des drogues cytotoxiques comme la daunorubicine
(Mansat-de Mas et al., 1999) ou encore le glucose (Kaneto et al., 1996) peuvent entraîner la
formation de radicaux libres. De plus, de nombreux antioxydants cellulaires, comme la N-
acétyl-L-cystéine (Liu et al., 1998), et des enzymes antioxydantes, comme la glutathion
peroxydase (Nomura et al., 1999), la catalase (Sandstrom et Buttke, 1993) ou la superoxyde
dismutase (Patel, 1998) sont capables de prévenir l’apoptose.
5-1-La formation des espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) dans
l’apoptose
Les ROS peuvent être produits dans la cellule par différentes voies, la principale source
étant la réduction d’une molécule d’O2 en radical anion superoxyde (O2-.). L’O2
-. peut être
formé dans certains organites cellulaires, comme les mitochondries lors d’un
dysfonctionnement de la chaîne respiratoire (Kane et al., 1993). La rupture de la chaîne
85
respiratoire mitochondriale induit la fuite d’électrons au niveau de deux sites principaux, le
complexe I et le complexe III (Fernandez-Checa et al., 1998). Les électrons libérés sont alors
capables de réduire l’oxygène pour générer l’O2-.. Divers travaux ont montré une production
de ROS au niveau mitochondrial dans les cellules apoptotiques. Par exemple, le traitement de
cellules avec le TNF-α augmente la production de ROS par la mitochondrie (Schulze-Osthoff
et al., 1992), alors que la surexpression de la superoxyde dismutase à manganèse, enzyme
antioxydante mitochondriale, inhibe l’effet toxique du TNF-α (Wong et Goeddel, 1988). Bien
que les mécanismes moléculaires exacts mis en jeu dans le dysfonctionnement du transfert
d’électrons restent mal définis, la formation de ROS pourrait notamment résulter de la
libération du cytochrome c (Ghafourifar et al., 1999), constituant essentiel du complexe III de
la chaîne respiratoire. La perte du cytochrome c du complexe III bloque en effet le transfert
d’électrons, ceux-ci s’échappent et réduisent l’oxygène. La libération mitochondriale de
cytochrome c, observée dans de nombreux modèles apoptotiques en réponse à différents
agents de mort, s’accompagnerait donc d’une production parallèle de ROS. D’ailleurs, la
protéine Bcl-2, protéine capable de bloquer la fuite du cytochrome c, inhibe également la
génération de ROS (Kane et al., 1993; Cai et Jones, 1998).
Bien que la mitochondrie soit considérée comme le producteur essentiel de ROS, la
génération du radical anion superoxyde l’O2-. peut également dépendre de certaines activités
enzymatiques. La réduction de l’oxygène en O2-. semble surtout catalysée par des NAD(P)H
oxydases membranaires, présentes dans certains types cellulaires, dont l’endothélium
microvasculaire rétinien (Ellis et al., 1998). Une fois formé, le radical O2-. peut se dismuter
spontanément ou par l’action de superoxyde dismutase, aboutissant à la formation de
peroxyde d’oxygène (H2O2). La génération de O2-. par des NAD(P)H oxydases, a été
rapportée au cours de l’apoptose. La déprivation en facteurs de croissance (Tammariello et
al., 2000), le ligand de Fas (Khwaja et Tatton, 1999), ou encore diverses drogues
anticancéreuses (Sizimu et al., 1998) induisent en effet une formation accrue de ROS en
activant des NAD(P)H oxydases. Celles-ci semblent être sous le contrôle de caspases (Simizu
et al., 1998; Khwaja et Tatton, 1999). L’inhibition de ces NAD(P)H oxydases prévient la
libération de cytochrome c et l’activation des caspases effectrices, suggérant un effet des ROS
générés sur l’intégrité mitochondriale. Il a d’ailleurs été montré que le peroxyde d’hydrogène
(exogène) est capable d’induire l’activation de la caspase-9 (via le cytochrome c) et des
caspases effectrices (Yamakawa et al., 2000). Mais d’autres enzymes, comme
l’hypoxanthine:xanthine oxydase (Frank et al., 1998), les NO synthases (Binder et al., 1999;
86
Ghafourifar et al., 1999) ou les lipoxygénases (O'Donnell et al., 1995), peuvent également
être responsables de la formation de ROS au cours du processus apoptotique.
5-2-La modification des défenses antioxydantes dans l’apoptose
En plus d’une production de radicaux libres excédant les capacités de défenses
antioxydantes, l’induction d’un stress oxydant peut également résulter d’une baisse des
antioxydants cellulaires. Des études font état, par exemple, d’une diminution de glutathion
(GSH) dans différents modèles apoptotiques soumis à Fas (Van den Dobbelsteen et al.,
1996), au ΤΝF-α (Liu et al., 1998), à des drogues comme la puromycine (Ghibelli et al.,
1998) ou du glucose (Li W. et al., 1998). L’altération des défenses antioxydantes
enzymatiques a également été rapportée au cours de l’apoptose. Par exemple, dans les
cellules-β de pancréas en apoptose après traitement au TGF-β, la formation accrue de ROS
résulte d’une baisse de l’expression et de l’activité des enzymes GPX et SOD (Islam et al.,
1997).
Par contre, quelques études décrivent une augmentation des antioxydants cellulaires en
réponse à des stimuli de mort, suggérant que ces cellules sont capables de s’adapter et de se
défendre. Par exemple, la résistance à l’apoptose de cellules cancéreuses MCF-7 soumises au
TNF-α (Briehl et al., 1997) a été associée à une augmentation de l’expression de la SOD.
6- Les céramides Les céramides, lipides appartenant au groupe des sphingolipides, sont impliqués dans la
régulation de diverses réponses cellulaires, comme la prolifération, la différenciation et
l’apoptose (Perry et Hannun, 1998). Le mode d’action et la régulation de la production des
céramides ont été particulièrement investis au cours des dix dernières années, du fait d’un rôle
émergent des céramides comme effecteur moléculaire de l’apoptose. Plusieurs études ont
montré en effet une production de céramides intracellulaires dans les cellules apoptotiques,
précédant l’apparition des atteintes biochimiques et morphologiques de l’apoptose, suggérant
que les céramides puissent être impliqués dans la transduction du signal menant à la mort
cellulaire (Kolesnick et Krönke, 1998; Mathias et al., 1998).
6-1-Le métabolisme des sphingolipides
Les céramides occupent un rôle central dans le métabolisme des sphingolipides. Le
métabolisme des céramides débute par la biosynthèse de novo (Figure 19) initiée par une
87
réaction de condensation de la sérine avec du palmitoyl-CoA, pour former la 3-
cétosphinganine, alors réduite en dihydrosphingosine. La céramide synthase
(dihydrocéramide synthase ou sphinganine N-acyl-transférase) catalyse l’acylation de la
dihydrosphingosine en dihydrocéramide. Les céramides, formés sous l’action d'une
désaturase (dihydrocéramide réductase), s'accumulent sur la face cytosolique du RE (Merrill
et Wang, 1992; Michel et Van Echten-Deckert, 1997) et servent de précurseur pour la
synthèse de sphingolipides complexes, comme les sphingomyélines et divers
glycosphingolipides (Figure 19), alors orientés dans différents compartiments subcellulaires.
De façon réciproque, le catabolisme de ces différents sphingolipides complexes s’opère
en étapes successives sous l’action de divers enzymes et peut mener à la formation de
céramides. Par exemple, les sphingomyélines peuvent être catabolisées par des
sphingomyélinases (SMases), des phospholipases C spécifiques des sphingomyélines, qui
hydrolysent la liaison phosphodiester pour libérer des céramides et de la phosphorylcholine
(Figure 19). Différentes isoformes de SMases ont été identifiées et se distinguent
essentiellement par leur pH optimum d’activité. Deux formes de sphingomyélinases acides
(A-SMase) (pH optimum est de 4.5-5.5) ont été identifiées: une forme sécrétée Zn2+-
dépendante (Spence et al., 1989; Schissel, et al., 1996) et une forme cellulaire Zn2+-
indépendante (Barnholz et al., 1966; Levade et al., 1986), localisée dans les compartiments
cellulaires acides, tels que les lysosomes ou les endosomes (Kanfer et al., 1966), mais
également dans les cavéoles de la membrane plasmique (microdomaines riches en SM) de
différents types cellulaires, comme les fibroblastes (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al.,
2000). Quatre formes de la sphingomyélinase neutre (N-SMase) (pH optimum d’activité
7.4) ont été identifiées: le premier enzyme décrit est Mg2+-dépendant (Rao et Spence, 1976)
et est associé à la membrane plasmique (Spence et al., 1982), le second est Mg2+-
indépendant et cytosolique (Okazaki et al., 1994), le troisième est Mg2+et DTT-dépendant et
nucléaire (Tamiya-Koizumi et al., 1989) et le quatrième est présent dans la chromatine et
l’enveloppe des noyaux (Alessenko et Chatterjee, 1995). Enfin, la forme alcaline de la
sphingomyélinase (pH optimum de 9) est un enzyme Mg2+ et Zn2+-indépendant, présent
dans la muqueuse intestinale et la bile (Nyberg et al., 1996).
Le catabolisme des céramides implique l’action de céramidases, produisant des acides
gras et de la sphingosine. Trois isoformes pH-dépendantes de céramidases ont été identifiées:
une céramidase acide, localisée dans les lysosomes (Sugita et al., 1972), une céramidase
neutre membranaire (Slife et al., 1989) localisée dans les cavéoles (Romiti et al., 2001) et
une forme neutre-alcaline (El Bawab et al., 1999) localisée dans la mitochondrie (El Bawab
et al., 2000). Dans la plupart des cas, la sphingosine est métabolisée en sphingosine 1-
88
phosphate par une sphingosine kinase (Spiegel et al., 1996) (voie de la sphingosine 1-
phosphate, Figure 19). Les céramidases exercent une fonction importante dans la régulation
des niveaux endogènes de sphingosine et de sphingosine 1-phosphate. En effet, la voie
majoritaire de formation de sphingosine 1-P semble être la dégradation du céramide plutôt
que sa synthèse de novo (Michel et al., 1997).
Figure 19: Métabolisme des sphingolipides et formation des céramides dans l’apoptose.
(d’après Hannun et Luberto, 2000, Cell. Biology)
6-2- Les voies enzymatiques de formation des céramides dans l’apoptose
La formation des céramides au cours du processus apoptotique peut résulter de
l'activation de la biosynthèse de novo ou de l’hydrolyse de sphingomyélines (SM) par
diverses sphingomyélinases. L'activation de ces voies enzymatiques peut être modulée par
des stimuli physiologiques ou environnementaux (Figure 19).
Sérine + Palmitoyl-CoASérine palmitoyl
transferase3-Cétosphinganine
Sphinganine(dihydrosphingosine)
Acide gras-CoA
Dihydrocéramide
Désaturase
Céramide synthase
Céramide
Sphingomyéline
DAG
Sphingosine
Sphingosine 1-phosphate
Glucosylcéramide
GlycolipidesGangliosides (GD3)
Sphingosine 1-Pphosphatase
Sphingosine kinase
PtdCho
SM synthase
Choline-P
SMases
Céramidases
Céramide synthaseGlucosylcéramide synthaseCérébrosidases
biosynthèse de novo
cycle de la sphingomyéline voie des glycosphingolipides
NH
OH
CH2OH
O
CH3 (CH2)n
Stimuli de stress (drogues, radiations…)Acides gras libres
Stimuli physiologiques (TNFα, IL-1β, Fas-L...) +
+
voie de la sphingosine-1-phosphate
Lactosylcéramide
89
L’induction de la synthèse de novo au cours du processus apoptotique a été observée
en réponse à des stimuli de stress, comme des drogues cytotoxiques, la daunorubicine, dans
des lymphocytes (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) ou les radiations ionisantes dans des
cellules de la peau (Farrell et al., 1998). Les acides gras libres, comme le palmitate,
précurseurs métaboliques, sont également capables d'induire l'apoptose de cellules
hématopoïétiques (Paumen et al., 1997) ou des cellules β du pancréas (Shimabukuro et al.,
1998a et b). Normalement dirigés dans la mitochondrie pour entrer dans le cycle de la β-
oxydation, les acides gras libres en excès sont en effet orientés vers la voie de biosynthèse de
novo des céramides, processus impliqué notamment dans la lipotoxicité de la cellule β
observée au cours du diabète (Unger et Orci, 2001).
Diverses études ont montré la participation de la voie des SMases (A-SMase
membranaire et N-SMases membranaires et nucléaires) dans la formation des céramides au
cours du processus apoptotique. L’implication de l'A-SMase dans la transduction du message
apoptotique semble dépendre du type cellulaire. Son rôle a été démontré dans des cellules
dépourvues en cet enzyme, comme des hépatocytes issus de souris dont les deux allèles du
gène sont inactivés (A-SMase-/-) (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001; Kirschnek et al., 2000)
ou des lymphocytes de patients atteints de la maladie de Niemann-Pick (Santana et al., 1996;
Kirschnek et al., 2000), alors que la A-SMase n’interviendrait pas dans les thymocytes ou
des cellules B et T activées (Santana et al., 1996; Lin et al., 2000). L’activation de l’A-
SMase semble également dépendre de la nature du stimulus (Lozano et al., 2001). Des
études ont montré son activation en réponse à Fas-ligand (Brenner et al., 1998; Kirschnek et
al., 2000; Lin et al., 2000) ou à des radiations ionisantes (Santana et al., 1996; Lozano et al.,
2001), mais resterait inactive en réponse à des drogues (Lozano et al., 2001). Toutefois,
certains travaux menés sur des lymphocytes A-SMase-/- avec les mêmes stimuli (anticorps
anti-Fas ou radiations ionisantes) remettent en question le rôle réel de l’A-SMase (Bezombes
et al., 2001).
L’implication de la N-SMase (forme membranaire notamment) dans l’apoptose semble
plus généralement reconnue. Elle a été décrite dans l’apoptose de divers modèles cellulaires,
en réponse à des stimuli aussi variés que des cytokines comme le TNF-α, Fas, l’interleukine-
1, une déprivation en facteurs de croissance (Mathias et al., 1998) ou encore des drogues
cytotoxiques (Bezombes et al., 2001).
90
6-3-Les sites subcellulaires de la production de céramides pro-apoptotiques
Alors que les céramides synthétisés de novo s’accumulent sur la face cytosolique du
réticulum endoplasmique (Michel et Van Echenten-Deckert, 1997), la voie des
sphingomyélinases peut mener à la formation de céramides dans différents compartiments
subcellulaires.
La membrane plasmique
La membrane plasmique contient des microdomaines membranaires, associés à la
cavéoline (les cavéoles) ou non (les radeaux lipidiques). Ces microdomaines sont enrichis en
sphingolipides comme les sphingomyélines et les gangliosides, en cholestérol et en différents
constituants protéiques comme des récepteurs membranaires, tel que TNF-R, des protéines
particulières, comme les protéines à pied d’ancrage glycosyl-phosphatidylinositol (GPI) et
des protéines de signalisation, telle que la famille des src-tyrosine kinases (Brown et London,
2000). Des travaux récents suggèrent que ces structures sont impliquées dans la transduction
du message apoptotique (Ko et al., 1999; Zundel et al., 2000). Des activités
sphingomyélinases acide (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al., 2000) et neutre (Veldman et
al., 2001) ont été décrites au niveau de ces microdomaines et sont associées à une production
cavéolaire de céramides.
La formation des céramides sur le feuillet interne ou externe de la membrane semble
dépendre de la SMase impliquée. Dans ces microdomaines, la N-SMase, active à pH neutre,
fonctionnelle au niveau de la membrane plasmique (Hofmeister et al., 1997) et orientée du
coté cytosolique (Veldman et al., 2001) induit l'accumulation de céramides sur le feuillet
interne. Bien que la localisation membranaire de l'A-SMase et son activation (à pH acide)
restent mal définies à l'heure actuelle, son activation pourrait mener à l'accumulation de
céramides sur le feuillet externe de la membrane plasmique. Au niveau de ces
microdomaines, cet enzyme, actif à pH acide, pourrait être naturellement orienté vers la
lumière des cavéoles (espace extracellulaire) ou transloqué de la face interne vers la face
externe (Grassmé 2001) lors d'un stimulus apoptotique. L'acidification nécessaire, possible
par l'activation d'une ATPase (Mineo et Anderson, 1996), nécessiterait l'isolement transitoire
de la lumière de la cavéole du milieu extracellulaire par un phénomène d'internalisation.
Cette hypothèse est soutenue par des travaux qui montrent que, dans des thymocytes traités
avec le TNF-α ou l’IL-1, seule l’activation de la l’A-SMase requiert l’internalisation du
complexe récepteur-ligand (Hofmeister et al., 1997). Les céramides formés sous l'action
d'une A-SMase extracellulaire peuvent également s'accumuler et se compartimenter sur la
91
surface externe de la membrane formant ainsi des radeaux lipidiques, permettant l'agrégation
de récepteurs membranaires et leur activation (Grassmé et al., 2001).
Les lysosomes
Depuis la découverte d’une activité A-SMase dans les lysosomes (Kanfer et al., 1966),
ces organites ont longtemps été considérés comme le seul site d’activation de l’A-SMase.
Bien que les céramides produits sous l’action de l’A-SMase semblent bien participer à la
transduction du message apoptotique, au moins dans certains types cellulaires comme les
lymphocytes (Santana et al., 1996) ou les hépathocytes (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001),
leur synthèse dans les lysosomes reste discutée. En effet, l’enrichissement des lysosomes en
céramides, qui résulte de l’endocytose de LDL hydrolysées par une SMase, n’affecte pas le
taux d’apoptose des lymphocytes (Ségui et al., 2000), montrant l’incapacité de ces céramides
à transmettre un message apoptotique. D’ailleurs, les céramides naturels à longue chaîne
formés dans les lysosomes de fibroblastes de patients atteints de la maladie de Farber
(déficience en céramidase acide) restent séquestrés dans ces compartiments acides (Chatelut
et al., 1998). Dans ces modèles montrant la participation de l’A-SMase, il serait alors
intéressant d'étudier la localisation subcellulaire de cet enzyme.
Le noyau
Le noyau, riche en sphingomyélines (Spangler et al., 1975) et pourvu d'une activité N-
SMase (Tamiya-Koizumi et al., 1989; Alessenko et Chatterjee, 1995), semble constituer un
nouveau site de formation de céramides dans des cellules apoptotiques. Par exemple,
l'hypoxie dans des hépatocytes de rat induit l'activation de cet enzyme, la production de
céramides nucléaires et l'apoptose (Tsugane et al., 1999). Mais les mécanismes d'action de
ces céramides nucléaires ne sont pas élucidés à ce jour.
La mitochondrie
Des travaux récents menés au sein du groupe de Hannun (Birbes et al., 2001) montrent
que la mitochondrie pourrait être un nouveau site d'accumulation de céramides pro-
apoptotiques. Ces observations ont été confortées par des données montrant que la
mitochondrie contient bien de la sphingomyéline et des enzymes du métabolisme des
sphingolipides, tels que des activités SMase et sphingomyéline synthase (données non
publiées du groupe Hannun) ainsi qu'une céramidase (El Bawab et al., 2000). Ces différents
travaux ouvrent de nouvelles perspectives quant aux mécanismes d'induction et de régulation
de la formation des céramides mitochondriaux.
92
6-4- Les mécanismes de régulation des voies de synthèse des céramides dans l'apoptose : synthèse de novo et sphingomyélinases
6-4-1-La voie de biosynthèse de novo
La formation des céramides, issus de la voie de biosynthèse de novo est associée à
une augmentation soit de l'activité de la sérine-palmitoyl transférase (SPT) (catalysant la
première étape de synthèse) (Paumen et al., 1997; Farrell et al., 1998; Shimabukuro et al.,
1998a), soit celle de la céramide synthase (ou sphinganine acyl transférase) (catalysant
l’avant dernière étape) (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) (Figure 19). La mise en
évidence de l’activation de la céramide synthase dans le contexte apoptotique a été largement
facilitée par la découverte d’une toxine fongique qui inhibe spécifiquement cet enzyme: la
fumonisine B1 (Wang et al., 1991; Merrill et al., 1996). Le mécanisme d'activation de ces
deux enzymes est encore mal défini à l’heure actuelle. L'augmentation de l'activité
enzymatique résulte généralement d'une augmentation de la transcription et de la synthèse
protéique de ces enzymes, suggérant l'implication de facteurs de transcriptions comme p53
(Dbaibo et al., 1998).
6-4-2- La voie des sphingomyélinases
La régulation de l’activation des N-SMase et A-SMase, majoritairement observée
lors de la stimulation d’un récepteur de mort par son ligand, est sous le contrôle de facteurs
variés, qui semblent être spécifiques de la forme enzymatique impliquée.
La régulation par des protéines adaptatrices
Un modèle du récepteur au ΤΝF-α, développé par l’équipe de Krönke, a permis de
définir l’existence de deux domaines localisés dans la partie cytoplasmique du récepteur,
impliqués spécifiquement dans l’activation des SMases (Wiegmann et al., 1994).
L’activation de la A-SMase dépend d’une région C-terminale, nommée DD (death domain)
(Wiegmann et al., 1999). L’activation de la A-SMase dépend de la formation d’un complexe
protéique constitué des protéines adaptatrices FADD et TRADD (Wiegmann et al., 1999),
recrutées au niveau du domaine DD, et de caspase(s) initiatrice(s) (Brenner et al., 1998;
Schwandner et al., 1998), bien que l’implication des caspases initiatrices 8 et 10/b soit
controversée (Schwandner et al., 1998). L'activation de la N-SMase dépend d'une région
peptidique nommée NSD (Neutral Sphingomyelinase activation Domain). Au niveau de ce
domaine NSD est recrutée spécifiquement une protéine adaptatrice, nommée FAN (Factor
93
Associated with N-sphingomyelinase), capable d’activer directement la N-SMase (Adam-
Klages et al., 1996).
La régulation par des lipides
Le diacylglycérol (DAG) a été le premier lipide décrit dans la régulation de la
production de céramides induite par des récepteurs de mort. Ce médiateur lipidique, résultant
de l’hydrolyse de phosphatidylcholines (PC) par une phospholipase C spécifique de PC (PC-
PLC) est en effet capable d’activer l’A-SMase (Kolesnick, 1987; Schütze et al., 1991;
Wiegmann et al., 1994; Liu et Anderson, 1995). L’exploration de la voie d’activation en
cascade de la PC-PLC et de la A-SMase a été facilitée par la découverte d’un dérivé de
xanthate, le D609, décrit comme un inhibiteur de la PC-PLC (Müller-Decker, 1989). Cette
activation séquentielle a été mise en évidence dans des cellules stimulées par Fas-L (Cifone
et al., 1995; Genestier et al., 1998), TNF-α (Schütze et al., 1992) ou l’interleukine-I (Liu et
Anderson, 1995) et semble prendre lieu dans les cavéoles (Liu et Anderson, 1995). Bien que
certains auteurs aient montré que la production de DAG dépend de l’activation de caspases
initiatrices (Genestier et al., 1998), le mécanisme exact de couplage du récepteur à la PC-
PLC n’est pas élucidé.
L’acide arachidonique (AA), libéeé sous l'action de la phospholipase A2 cytosolique
(cPLA2), est également un régulateur de l’hydrolyse des sphingomyélines en activant la N-
SMase (Jayadev et al., 1997). La production d’AA est clairement liée à l’activation des
récepteurs transmembranaires. Toutefois le mécanisme de couplage de la cPLA2 à la N-
SMase reste à élucider.
La régulation par le glutathion
Des études récentes ont mis en évidence l’importance du statut redox de la cellule
dans la régulation de la production de céramides au cours de l’apoptose. La N-SMase semble
être l’enzyme de formation des céramides régulé par le stress oxydant. Des travaux menés au
sein du groupe de Hannun ont montré, in vitro (Liu et Hannun, 1997) et dans un système
cellulaire (Liu et al., 1998), la régulation négative de la N-SMase par le glutathion réduit. La
baisse de glutathion réduit intracellulaire, observée notamment en réponse au TNF-α (Liu et
al., 1998) ou Fas (Van den Dobbelsteen et al., 1996), induit ainsi la formation de céramides
sous l'action de la N-SMase. Cet effet du glutathion est spécifique de la N-SMase et n'est pas
observé pour l'A-SMase (Liu et Hannun, 1997). Cet enzyme semble, de façon plus générale,
sensible à un environnement oxydant. En effet, l’activation de la N-SMase est également
observée lors de l’addition directe de H2O2 (Goldkorn et al., 1998; Singh et al., 1998) ou d'un
94
traitement des cellules avec des agents prooxydants, tels que la daunorubicine (Mansat-de
Mas et al., 1999) ou l’aminotriazole (Singh et al., 1998). De ces différents travaux menés
dans des cellules, il est toutefois difficile de conclure si les ROS activent directement la N-
SMase ou s’ils agissent indirectement en diminuant la réserve de glutathion réduit.
La régulation par les protéines kinase C
Dans certains modèles cellulaires, les PKC semblent réguler négativement la N-
SMase (Chmura et al., 1996 et 1997; Mansat et al., 1997), modulant ainsi la réponse
apoptotique. Le rôle des PKC a été montré par l’utilisation d’esters de phorbol et de
phosphatidylsérine, suggérant plutôt l’implication de PKC classiques (α, β, γ) et/ou
nouvelles (δ, ε, η, θ, µ) que de PKC atypiques (ζ, λ, ι) (Mansat et al., 1997), ces dernières
étant dépourvues en site de liaison pour les DAG ou les esters de phorbol.
6-5-Les cascades de signalisation activées par les céramides et leurs
conséquences sur l’apoptose
D'une manière générale, les céramides peuvent induire l’apoptose selon deux grands
mécanismes indépendants. Ils peuvent propager un signal de mort en régulant la transcription
de produits de gènes, via la cascade des kinases du facteur de transcription c-jun, ou par un
mécanisme qui met en jeu la mitochondrie (Figure 20). Ces voies de signalisations peuvent
être gouvernées par l'activation de cibles enzymatiques directes des céramides, comme la
CAPK (Ceramide Activated Protein Kinase) (Mathias et al., 1991) ou les CAPP (Ceramide
Activated Protein Phosphatase), dont la PP2A (Protein Phosphatase 2A) (Dobrowsky et al.,
1993). Mais les céramides semblent également pouvoir induire l’apoptose en étant
métabolisés en sphingosine (SP) par une céramidase (Figure 19). Ce sphingolipide est en
effet capable d’orienter la cellule vers l’apoptose en activant, par exemple, la voie des JNKs
(c-JUN-Terminal Kinases) nommée aussi SAPKs (Stress-Activated Protein Kinases) ou en
inhibant la voie mitogénique des MAPK (Mitogen Activated-Protein Kinase) (Pyne, 2001).
6-5-1-Les céramides et la voie des c-JUN-terminal kinases (JNKs)
Des travaux ont montré que l’apoptose céramide-dépendante peut être médiée par la
voie des kinases JNKs (Verheij et al., 1996; Xia et al., 1995) (Figure 20). Bien que la
cascade de signalisation apoptotique intégrant la voie SAPKs/JNKs reste à ce jour mal
définie, son implication conduit à l’activation de certains facteurs de transcription, tels que c-
jun (Sawai et al., 1995). C-jun semble également pouvoir être activé par phosphorylation
95
sous l’action directe d’une CAPP, activée par les céramides (Reyes et al, 1996) (Figure 20).
Dans le contexte apoptotique, les cibles de c-jun semblent être diverses, bien qu’encore mal
définies à l’heure actuelle. Par exemple, dans les cellules T, c-jun, activé en réponse à la
génération intracellulaire de céramides, induit la réponse apoptotique par une régulation
transcriptionnelle de l’ARN messager, tels que ceux pour le ligand de Fas ou le TNF-α (Herr
et al., 1997), qui sont alors adressés à la membrane plasmique, interagissent avec leur
récepteur et amplifient la réponse apoptotique.
6-5-2-Les céramides et la mitochondrie
Au cours du processus apoptotique, l'accumulation intracellulaire de céramides est
souvent associée à une altération mitochondriale, caractérisée par une transition de
perméabilité membranaire (MPT), la génération de ROS et la diffusion libre de facteurs
apoptotiques (caspases, cytochrome c, Apoptosis Initiating Factor ou AIF…). En effet,
divers travaux rapportent que Bcl-2, acteur anti-apoptotique mitochondrial, est un inhibiteur
efficace de l’apoptose induite par les céramides, en prévenant la MPT, la libération du
cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Zhang et al., 1996; Dbaibo et al., 1997).
Les céramides accumulés dans un compartiment subcellulaire distinct de la
mitochondrie semblent induire l’apoptose en activant des facteurs intermédiaires
cytoplasmiques. En effet, l’induction de la MPT par le TNF-α dans des cellules entières est
reproduite dans des mitochondries isolées, incubées avec la fraction cytoplasmique de
cellules traitées par les céramides (Castedo et al., 1996). Un des intermédiaires identifié est
la protéine pro-apoptotique Bad. Des travaux ont montré que les céramides, formés dans les
cavéoles, peuvent activer indirectement la protéine Bad, en inactivant la kinase Akt (Zundel
et Giaccia, 1998; Zundel et al., 2000) sous l’action de la phosphatase CAPP (Salinas et al.,
2000) (Figure 20). La protéine Bad déphosphorylée migre vers la mitochondrie.
Des travaux suggèrent que les céramides peuvent également avoir une action directe
sur les mitochondries (Figure 20). En effet, une accumulation de céramides mitochondriaux a
été observée dans des hépatocytes traités avec le TNF-α (Garcia-Ruiz et al., 1997). Par
ailleurs, les céramides, issus de sphingomyélines de la membrane mitochondriale, peuvent
induire le relargage du cytochrome c (Birbes et al., 2001). Les céramides mitochondriaux
pourraient initier le signal de mort en régulant l'activité des protéines de la famille des Bcl-2.
En effet, les céramides inhibent l’effet anti-apoptotique de Bcl-2 en activant une phosphatase
mitochondriale (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), et en inhibant parallèlement la phosphorylation
de Bcl-2 par la PKCα (Lee et al., 1996; Ruvolo et al., 1998). Mais l'accumulation de
96
céramides dans la mitochondrie pourrait également induire un découplage de la chaîne
respiratoire menant à la formation de ROS (Garcia-Ruiz et al., 1997). En effet, les céramides
sont capables d'interagir directement avec des mitochondries isolées et de générer des ROS
(Garcia-Ruiz et al., 1997). Ils semblent agir au niveau du complexe III (Quillet-Mary et al.,
1997) et/ou du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale (Di Paola et al., 2000).
Figure 20: Conséquences de la production des céramides sur l’apoptose
Indépendamment d'un effet direct sur les mitochondries, les céramides, précurseurs de
la synthèse de glycosphingolipides (Figure 19), peuvent également mener à l'accumulation
rapide d’un ganglioside, le GD3 (De Maria et al., 1997), dont le rôle pro-apoptotique a été
défini récemment (De Maria et al., 1997; Garcia-Ruiz et al., 2000; Rippo et al., 2000). Des
études conduites sur des mitochondries isolées ou des cellules entières ont montré en effet
que le GD3, capable de s'accumuler dans la mitochondrie (Rippo et al., 2000), induit, comme
les céramides, la surproduction de ROS par le complexe III de la chaîne respiratoire, la MPT,
le relargage du cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Garcia-Ruiz et al., 2000)
(Figure 20).
6-6- La régulation des niveaux endogènes de céramides: l’équilibre
survie/mort cellulaire
Les niveaux intracellulaires de céramides résultent d’un équilibre dynamique entre leur
formation et leur métabolisme par divers enzymes: les céramidases couplées à la sphingosine
kinase, la glucosylcéramide synthase et la SM synthase. La régulation de ces enzymes a pour
conséquence directe de moduler les niveaux intracellulaires de céramides, mais également de
générer des lipides mitogéniques (Figure 21).
Apoptose
Mitochondrie Caspases effectrices
Cytochrome C
Céramidesmembranes:-plasmiques-mitochondriales- ...
GD3Céramides
Gangliosides (GD3)
ROS
Synthèse des glycosphingolipides
e-
e- Chaîne respiratoire mitochondriale
Famille de Bcl-2
CA
PP /
CA
PK
C-junJNKs
CAPP
97
6-6-1-La voie de la sphingosine-1-phosphate
Les céramides peuvent être catabolisés en sphingosine (par une céramidase) puis en
sphingosine-1-phosphate (par une sphingosine kinase) (Figure 21). L’équilibre entre les taux
intracellulaires de céramides et de sphingosine-1-phosphate joue un rôle de rhéostat dans la
détermination du devenir cellulaire. En effet, la voie de la sphingosine-1-phosphate
représente un modulateur puissant des effets délétères des céramides, en convertissant les
céramides (médiateur apoptotique) en sphingosine-1-phosphate (médiateur mitogénique)
(Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999). La sphingosine-1-phosphate
exerce un effet mitogénique en agissant soit par l’intermédiaire de récepteurs membranaires,
nommés GPCR (G protein coupled receptor) selon un mode autocrine (Pynes, 2001), soit au
niveau intracellulaire en activant notamment la voie de signalisation des MAPK (Coroneos et
al., 1995; Cuvillier et al., 1996; Augé et al., 1998). Mais la sphingosine-1-phosphate contre
également l’effet apoptogène des céramides en inhibant la libération mitochondriale de
cytochrome c et de smac (Cuvillier et Levade, 2001) et l’activation consécutive des caspases
effectrices (Cuvillier et al., 1998).
L’activation de cette voie métabolique a été observée en réponse à des facteurs de
croissance, comme le PDGF (Coreneos, et al., 1995), aux LDL oxydées (Augé et al., 1998 et
1999) ou encore à des cytokines, telles que IL-1 (Franzen et al., 2001) ou le TNF-α (Xia et
Sphingosine Sphingosine-1-phosphateCéramidase SK
Céramide
Sphingomyéline
Glucosylcéramide GCS Lactosylcéramide LCS
DAG: diacylglycérolGCS: glucosylcéramide synthaseLCS: lactosylcéramide synthaseSK: sphingosine kinaseSMases: sphingomyélinases
Sphingomyélinesynthase DAG
Sphingomyéline
Palmitoyl CoA+ sérine
SMases
Synthèsede novo
Prolifération
Apoptose
Figure 21: Modulation des niveaux endogènes des céramides: la balance survie/mort cellulaire
98
al., 1999). L’activation séquentielle de céramidase et de sphingosine kinase est généralement
associée à celle de SMases (Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999;
Franzen et al., 2001) afin de fournir le substrat céramides. Le couplage de ces différentes
activités enzymatiques suggère par ailleurs la colocalisation des enzymes dans un même
compartiment subcellulaire. D’ailleurs, une activité céramidase neutre a été mise en évidence
dans les cavéoles (Romiti et al., 2001), compartiments également pourvus en N-SMase
(Veldman et al., 2001) et la mitochondrie possède une céramidase neutre-alcaline
mitochondriale (El Bawab et al., 2000) et une activité SMase (données non publiées du
groupe Hannun).
La régulation de ces enzymes semble consister essentiellement en des modifications
post-traductionnelles, bien qu’une activation de la synthèse protéique de la céramidase neutre
ait été montrée en réponse à l’IL-1 (Franzen et al., 2001). Les deux enzymes de la voie de la
sphingosine-1-phosphate peuvent être régulées par phosphorylation/déphosphorylation sous
le contrôle d’une PKC (Cuvillier et al., 1996). La sphingosine kinase peut également être
régulée par une interaction directe avec TRAF-2 (TNF receptor-associated factor-2) (Xia et
al., 2002). Une variation de pH intracellulaire, pourrait constituer un mode de régulation des
activités céramidases. Par exemple, la céramidase neutre-alcaline mitochondriale pourrait
être activée en réponse à des facteurs de croissance (induisant une alcalinisation du
cytoplasme). Inversement, il a été montré récemment que cette céramidase possède une
activité céramidase réverse, capable de générer du céramide à partir de la sphingosine (El
Bawab et al., 2001). Cette activité, détectée in vitro à pH acide, pourrait potentiellement être
stimulée au cours de l’apoptose, phénomène au cours duquel une acidification du cytoplasme
est observée, et mener ainsi à l’accumulation de céramides mitochondriaux.
6-6-2-La sphingomyéline synthase
Les céramides peuvent également être reconvertis en sphingomyélines sous l’action
d’une sphingomyéline synthase (Ullman et Radin, 1974). Cette réaction s’accompagne de la
formation de DAG, un puissant agent mitogénique. La sphingomyéline synthase possède la
caractéristique unique de réguler directement les niveaux intracellulaires de deux messagers
lipidiques, les céramides et les DAG, dont les effets sont antagonistes sur le devenir de la
cellule (Luberto et Hannun, 1998). Cet enzyme est vraisemblablement impliqué dans la
régénération de la sphingomyéline après l’activation du cycle sphingomyéline/céramide au
cours du processus apoptotique (Obeid et al., 1993). Cependant, quelques travaux suggèrent
une régulation de l’activité de la sphingomyéline synthase dans la modulation directe des
99
niveaux endogènes des céramides pro-apoptotiques et de leur fonction biologique. Par
exemple, dans une lignée cellulaire cancéreuse Kim-1 traitée avec le TNF-α, l’accumulation
des céramides intracellulaires résulte de l’activation de la N-SMase associée à l’inhibition de
la sphingomyéline synthase (Bourteele et al., 1998). Inversement, l’effet mitogénique du
bFGF (basic fibroblast growth factor) dans des astrocytes a été associé à l’activation de la
sphingomyéline synthase, métabolisant les céramides synthétisés par la voie de novo en
sphingomyélines et en DAG (Riboni et al., 2001). Les mécanismes de régulation de la
sphingomyéline synthase restent à ce jour indéfinis, bien qu’il semble s’agir d’une régulation
post-traductionnelle plutôt que transcriptionnelle (Riboni et al., 2001).
6-6-3-La glucosylcéramide synthase
Les céramides peuvent être glycosylés dans l’appareil de Golgi pour former
séquentiellement les glucosylcéramides (GlcCer) sous l’action de la glucosylcéramide
synthase puis les lactosylcéramides (LacCer) sous l’action de la lactosylcéramide synthase.
Des études récentes ont montré que la voie de conversion des céramides en GlcCer peut être
impliquée dans le contrôle de la réponse cellulaire. En effet, la régulation de la
glucosylcéramide synthase joue un rôle déterminant dans la modulation des niveaux
endogènes de céramides et l’orientation de la cellule vers l’apoptose ou la prolifération. Par
exemple, au cours du processus apoptotique, certaines études ont montré que l’accumulation
des céramides est potentialisée par une baisse parallèle de l’activité de la glucosylcéramide
synthase (Bourteele et al., 1998; Tepper et al., 2000), freinant ainsi sa conversion en GlcCer.
Inversement, l’activation de la glucosylcéramide synthase a été impliquée dans certains
mécanismes de protection contre l’apoptose, notamment dans la résistance aux drogues
cytotoxiques par la réponse MDR (multidrug resistance). En effet, la réponse MDR observée
dans certaines cellules cancéreuses a été associée à une augmentation de l’activité de la
glucosylcéramide synthase (Lucci et al., 1999) induisant la fuite du céramide pro-
apoptotique en GlcCer (Lavie et al., 1996; Lucci et al., 1998). L’implication de cette voie
dans la MDR a été confirmée par des expériences de transfection de l’ARN antisens de la
glucosylcéramide synthase. En effet, l’inhibition de l’expression de la glucosylcéramide
synthase restaure la sensibilité de cellules MCF-7 à l’adriamycine (Liu et al., 2000). Les
mécanismes de régulation de l’activité de la glucosylcéramide synthase dans la MDR, bien
que encore mal définis à l’heure actuelle, pourraient mettre en jeu une régulation
transcriptionnelle de la glucosylcéramide synthase par le céramide lui-même (Komori et al.,
2000).
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Outre la régulation directe du niveau endogène des céramides, cette voie métabolique
mène à la formation des GlcCer, lipide mitogénique. Initialement identifié dans la maladie de
Gaucher, caractérisée par une altération de l’activité glucosylcéramide glucosidase menant à
l’accumulation du GlcCer (Maret et al., 1985), le rôle mitogénique des GlcCer a été montré
depuis par diverses études. L’utilisation d’activateurs pharmacologiques de la
glucosylcéramide synthase, menant à une accumulation du GlcCer, a permit de suggérer que
ce glycolipide induit l’activation conséquente de PKC membranaire(s) et cytosolique(s)
(Shayman et al., 1991). Il a été montré par ailleurs, que le GlcCer, synthétisé en réponse à
des facteurs de croissance, comme IGF-1 (insulin-like growth factor-1), induit la
prolifération en activant des kinases dépendantes de cyclines du cycle cellulaire (Rani et al.,
1995). Le GlcCer pourrait également induire la prolifération cellulaire en servant de
précurseur pour la synthèse de LacCer, glycolipide capable d’activer une cascade de kinases
intégrant les enzymes Ras, Raf, p44MAPK et menant à l’expression de c-fos (Bhunia et al.,
1996).
Cependant, des études ont montré que certains glycosphingolipides, comme le GD3,
peuvent être impliqués dans le processus apoptotique (De Maria et al., 1997), montrant toute
la complexité de la régulation de la réponse apoptotique par la voie des glycosphingolipides
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