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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

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CHAPITRE I

I-LE DIABETE SUCRE ET SES COMPLICATIONS

Connu dès l’Antiquité égyptienne et gréco-romaine, le diabète doit son nom à la perte

urinaire excessive qui le caractérise sur le plan clinique, celle-ci étant accompagnée d’une soif

intense. Le diabète sucré est caractérisé par une élévation permanente de la glycémie et la

présence de sucre dans les urines. La classification internationale du diabète sucré et des

anomalies de la tolérance au glucose se fonde sur des caractéristiques cliniques,

correspondant à deux mécanismes pathogéniques différents. Le diabète sucré est ainsi

subdivisé en diabète insulino-dépendant (dit de type I) ou non insulino-dépendant (dit de type

II), selon la nécessité vitale de recours à l’apport d’insuline, présente dans le premier type,

absente dans le second. L’insuline, hormone hypoglycémiante, est sécrétée par les cellules β

des îlots de Langerhans du pancréas. Elle stimule l’absorption du glucose sanguin par les

tissus dits insulino-dépendants (le foie, le muscle squelettique et le tissu adipeux) et son

stockage sous forme de glycogène (glycogenèse). Dans le foie, l’insuline inhibe également les

voies métaboliques de la production de glucose (la néoglucogénèse et la glycogénolyse).

1-Le diabète insulino-dépendant (type I ou DID)

Atteignant dans la plupart des cas l’enfant et l’adulte jeune, le diabète sucré de type I

(également nommé diabète juvénile) est lié au développement d’une auto-immunité la

(présence d’anticorps plasmatiques dirigés contre les cellules d’îlots) responsable de la

destruction des cellules β insulino-sécrétrices des îlots de Langerhans pancréatiques. Il

entraîne donc une carence absolue et définitive en insuline. Il représente environ 10% des cas

de diabète sucré dans les pays occidentaux.

Le rôle de facteurs environnementaux dans la pathogenèse du diabète de type I a été

suggéré depuis longtemps. Les principaux facteurs incriminés, identifiés à partir

d’observations épidémiologiques, seraient des composants alimentaires, tels que des

composés riches en nitrosamines (Dahlquist, 1998) et une alimentation lactée (lait de vache)

(Knip et Akerblom, 1999) ou des infections virales (virus du groupe des entérovirus, comme

coxsakie B) (Viskari et al., 2000).

LA RETINOPATHIE DIABETIQUE

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Le traitement thérapeutique du diabète de type I consiste en des injections journalières

d'insuline, associées à un régime alimentaire finement contrôlé en glucose et en amidon.

2-Le diabète sucré non insulino-dépendant (type II ou DNID)

Cette forme clinique du diabète sucré est de loin la plus fréquente dans les pays

développés (plus de 80% des diabétiques) et atteindrait plus de 2 % de la population

mondiale. L’installation du diabète de type II est généralement insidieuse. Le DNID survient

majoritairement après 40 ans chez les sujets obèses et sa prévalence augmente avec l’âge. De

ce fait, il porte également le nom de «diabète gras» ou «diabète mature». Si les processus

physiopathologiques impliqués dans la maladie sont de mieux en mieux connus, ses causes

initiales restent mal définies. Deux grands mécanismes participent à l’hyperglycémie :

1-Une résistance du foie, des tissus musculaires et adipeux à l’action de l’insuline

(l’insulinorésistance) : le défaut de la sensibilité à l’insuline fait intervenir d'une part une

réduction du nombre des récepteurs à l’insuline associée à une altération des mécanismes

cellulaires en aval du récepteur et d'autre part une réduction du nombre des transporteurs

membranaires, dépendants de l’insuline, permettant l’entrée cellulaire du glucose et des corps

gras. Il en résulte une diminution du métabolisme du glucose par le foie, le muscle et le tissu

adipeux et une augmentation des niveaux lipidiques circulants (triglycérides, acides gras

libres). Le diabète sucré de type II est souvent associé à l’excès de poids. La surcharge en

masse grasse de l’organisme majore la résistance à l’action de l’insuline et favorise ainsi

l’éclosion du diabète sucré. Le surpoids apparaît cependant plus comme un facteur précipitant

la révélation du diabète qu’un facteur étiologique direct.

2-Une anomalie de la sécrétion d’insuline (a) en valeur absolue ou (b) relative aux

besoins: les phases précoces du diabète de type II sont en effet caractérisées par une

hyperinsulinémie et une hyperglycémie mais la sécrétion est inadéquate et insuffisante en

regard des besoins accrus en insuline générés par l'insulinorésistance périphérique. Au cours

de l’évolution de la maladie, une baisse progressive de la phase sécrétoire est observée,

résultant d'une baisse de la sensibilité des cellules β au stimulus glucosé associée à une perte

en masse de ces cellules par apoptose, induite par l’hyperglycémie (Kaneto et al., 1996) et

l’hyperlipidémie (Shimabukuro et al., 1998a). On parle ainsi aujourd’hui de glucotoxicité et

lipotoxicité. Le patient atteint de DNID présente alors une hyperglycémie à jeun.

Cette maladie est généralement traitée par une réduction de la charge pondérale (régime

alimentaire et exercice physique), associée ou non à la prise d’anti-diabétiques oraux, comme

les biguanides et des thiazolidinediones qui sensibilisent à l’action de l’insuline, améliorant

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l'insulinorésistance, et/ou des sulfonylnurées et des glinides qui stimulent la sécrétion

d'insuline.

3- Les complications chroniques du diabète sucré

Si les complications aiguës métaboliques (comme l’hypoglycémie) se raréfient grâce à

la meilleure prise en charge, à l’éducation et à l’auto-surveillance des diabétiques, les

complications chroniques demeurent le lourd tribut du diabète sucré au long cours. La

normalisation insuffisante et inconstante de la glycémie par les traitements médicamenteux en

constitue la cause principale. De plus, le caractère quasi asymptomatique de l’hyperglycémie

modérée au long cours favorise sa négligence et expose largement à la survenue des

complications. Les complications dégénératives du diabète sucré sont classiquement divisées

en deux groupes principaux: la macroangiopathie (maladie des gros vaisseaux), la

microangiopathie (maladie des petits vaisseaux).

La macroangiopathie désigne, d’une manière générale, l’ensemble des lésions

artérielles allant de l’altération discrète de l’intima à l’obstruction complète de certains

vaisseaux, entraînant une ischémie du territoire périphérique correspondant. Chez le sujet

diabétique, elle se traduit principalement par une athérosclérose accélérée.

La microangiopathie consiste en des lésions des petits vaisseaux de l’organisme

(artérioles, veinules et capillaires) de diamètre inférieur à trente microns. Elle se caractérise

par des anomalies structurales, telles qu’un épaississement de la membrane basale des

microvaisseaux, et des anomalies fonctionnelles comme une augmentation de la perméabilité

qui s’accompagne d’une fuite de protéines plasmatiques. Ces lésions microvasculaires sont

retrouvées, à des degrés variables, au niveau de divers tissus et organes mais leur expression

clinique est seulement manifeste au niveau rénal (néphropathie), neuronal (neuropathie) et

rétinien (rétinopathie)

II-LA PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE

La rétinopathie diabétique, localisation oculaire de la microangiopathie diabétique,

constitue la première cause de cécité acquise dans les populations en âge de travailler (20-70

ans), la dégénérescence maculaire étant la première cause chez les personnes âgées (> à 70

ans).

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1-Structure et fonction des microvaisseaux rétiniens

Localisée à l’intérieur du globe oculaire, postérieure à la cornée, entre l’endothélium

pigmentaire et l'humeur vitrée, la rétine neuronale comporte (Figure 1):

- un étage de réception formé par les cellules photoréceptrices: cônes et bâtonnets

- un étage de transmission représenté par les cellules bipolaires et ganglionnaires

La partie neuronale de la rétine est séparée du lit vasculaire choroïdien par l'épithélium

pigmentaire, et du vitré par une membrane nommée limitante interne. Deux étages de cellules

impliquées dans la transmission des signaux nerveux sont visibles: les cellules de la nucléaire

externe qui transmettent le signal juste après la photoréception, et les cellules bipolaires

situées entre les cellules de la nucléaire externe et les cellules ganglionnaires qui envoient le

signal au niveau du nerf optique.

Figure 1: représentation schématique d’une coupe transverse de la rétine humaine

L'apport de substrats métaboliques et d'oxygène par le sang dans la rétine est assuré

par la présence d'un lit microvasculaire inégalement réparti dans deux régions,

majoritairement à la surface de la rétine mais également enfouis dans la couche de cellules

bipolaires (Figure 1). Les microvaisseaux rétiniens sont constitués de deux types cellulaires,

les cellules endothéliales formant une monocouche sur la membrane basale du coté luminal

du microvaisseau, et les péricytes enfouis dans la membrane basale (Figure 2). La rétine est le

Lit vasculaire choroïdien

Epithélium pigmentaire

Photorécepteurs

Limitante externe

Limitante interne

Cellules ganglionnaires

Plexiforme interne

Nucléaire interne(cellules bipolaires)

Plexiforme externe

Nucléaire externe

Étage de transmission

Étage de réception

Lit microvasculaire rétinien:

veinuleartèriole

capillaires

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tissu où le rapport entre les cellules endothéliales et les péricytes est le plus élevé (1:1) chez

l’Homme (Speiser et al., 1968).

Figure 2: Coupe transversale d'un capillaire rétinien

Les cellules endothéliales participent à la formation et à la fonction de la barrière

hémato-rétinienne (BHR), également constituée des péricytes et des cellules neuronales

(cellules de Müller). La BHR, rendue étanche par l’existence de jonctions serrées entourant

les cellules de l’endothélium et par le contact avec les cellules de Müller et les péricytes,

contrôle les échanges entre le sang et les espaces extra-vasculaires par voie transcellulaire

sélective active. Les cellules endothéliales participent également à la régulation de

phénomènes physiologiques. Elles jouent en effet un rôle important dans la régulation du

tonus vasculaire en sécrétant des agents vaso-dilatateurs comme la prostaglandine PGI2

(Moncada et al., 1976) et le monoxyde d’azote (NO) (Furchgott, 1966), ainsi que des vaso-

constricteurs tels que les endothélines (endothéline-1, -2,-3) (Yanagisawa et al., 1988) et les

prostaglandines PGH2 et TxA2 (Moncada et Vane, 1978). Les cellules endothéliales

interviennent également dans la régulation de la fibrinolyse en produisant l’activateur du

plasminogène tissulaire (tPA) et l'inhibiteur-1 de l'activateur de plasminogène (PAI-1) (Grant

et Guay, 1991). Enfin, elles constituent le lieu de synthèse de facteurs de croissance (Brooks

et al., 1991) ou de constituants protéiques de la membrane basale, tels que la fibronectine, le

collagène IV ou la laminine (Mandarino et al., 1993).

Les péricytes, nommés également cellules murales, par leur localisation, semblent jouer

un rôle dans l’intégrité et la fonction de la paroi capillaire. Les péricytes pourraient avoir une

activité contractile et moduler le tonus microvasculaire (Kelley et al., 1987), de façon

similaire aux cellules musculaires lisses dont ils dériveraient. Comme les cellules

Cellulesendothéliales

Péricyte Membrane basale

.

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endothéliales, ils synthétisent des constituants de la membrane basale (Mandarino et al.,

1993), ils participent à la régulation du tonus vasculaire en produisant par exemple des

prostacyclines, vasodilatatrices, (Hudes et al., 1988) et interviennent également dans le

contrôle de l'hémostase en sécrétant la trombospondine, molécule d'adhésion des plaquettes à

l'endothélium, et le PAI-1 (Canfield et al., 1989). Malgré leur localisation à l'intérieur de la

membrane basale, les péricytes émettent des prolongements cytoplasmiques permettant des

contacts directs avec les cellules endothéliales par des jonctions gap, des molécules

d'adhésion ou la sécrétion de facteurs solubles, mais ils interagissent probablement aussi avec

les cellules de la rétine neuronale (Ruggiero et al., 1997). Ils joueraient ainsi un rôle

important dans la régulation du métabolisme des cellules endothéliales. Il a été montré in

vitro que les péricytes réduisent la croissance des cellules endothéliales (Orlidge et D’amore,

1987), stimulent leur synthèse de prostaglandines (PGI2) ou les protègent contre le stress

oxydant (Yamagishi et al., 1993), et contrôleraient également leur prolifération en activant le

TGF-� (Transforming Growth Factor-�) (Antonelli-Orlidge et al., 1989).

2-Altérations de la structure et de la fonction des microvaisseaux

rétiniens

L’atteinte micro-circulatoire survenant au cours de la rétinopathie diabétique est

probablement multifactorielle. Plusieurs mécanismes intriqués, résultant de facteurs généraux

et locaux jouent un rôle dans la genèse et l’évolution de la microangiopathie rétinienne.

2-1-Les phases cliniques de la rétinopathie diabétique

Bien que l’expression clinique de la rétinopathie diabétique varie temporellement d’un

malade à l’autre, trois phases d’atteinte distinctes ont pu être définies (Figure 3):

La phase non-proliférante, préclinique : Les premières modifications structurales des

microvaisseaux rétiniens, observées au cours du diabète, sont un épaississement de la

membrane basale (Ashton, 1974), une disparition sélective (parce que seule visible ?) des

péricytes (Cogan et al., 1961) et une altération des cellules endothéliales, comme leur

prolifération (Engerman et al., 1967). Certains microvaisseaux voient même la disparition des

péricytes et des cellules endothéliales par apoptose entraînant l’apparition de capillaires

acellulaires (Engerman, 1989; Mizutani et al., 1996). Il en résulte une baisse de la résistance

mécanique de la paroi vasculaire favorisant la formation de microanévrismes, qui peuvent

générer des microhémorragies. Ces lésions structurales induisent d’autre part un défaut de la

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barrière hémato-rétinienne (BHR), qui se caractérise par une hyper-perméabilité. Il en résulte

une transsudation des liquides intravasculaires (oedèmes) et d’exsudats lipidiques.

L’augmentation du flux sanguin et de la pression vasculaire, associés aux défauts

structuraux de la paroi, contribuent largement à la formation des microanévrismes et à

l’apparition de petites hémorragies et accentuent également l'hyper-perméabilité au niveau de

la BHR. La viscosité des constituants sanguins (hyperagrégabilité des plaquettes, baisse de la

fibrinolyse) se trouve également augmentée favorisant la formation de microthrombi,

probablement au niveau des capillaires acellulaires. Ces phénomènes contribuent ainsi à

l'occlusion des capillaires et la non-perfusion de territoires rétiniens (Lorenzi et Gerhardinger,

2001).

Figure 3: Les phases cliniques du développement de la rétinopathie diabétique

Épaississement de la membrane basale

Disparition des péricytes

Altération des cellules endothéliales

Atteintes de l’hémodynamique rétinienne:

- flux sanguin

- pression vasculaire

ANOMALIES STRUCTURALES ANOMALIES FONCTIONNELLES

Hyperglycémie

- viscosité-agrégation plaquettaire

Hypoxie

Libération de facteurs de croissanceNéovascularisation

Cécité

Capillaires acellulaires

Défauts de la barrière hémato-rétinienne

Formation de microanévrismes

Hémorragies en pointExsudats lipidiques

OedèmeOcclusion des capillaires

Phase non-proliférante

Phase préproliférante

Phase proliférante

Atteintes de l’hémostase:

Microvaisseaux rétiniens

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La phase pré-proliférante: Les altérations structurales et fonctionnelles conduisent à

l’occlusion des capillaires rétiniens et/ou la formation d’exsudats menant à l’œdème rétinien.

L’ensemble de ces modifications coopèrent pour induire une non-perfusion des capillaires

avec une ischémie.

La phase proliférante: L’ischémie résultante stimule l’extravasation et la prolifération

des cellules endothéliales par la production locale de facteurs de croissance dans les régions

ischémiées, en particulier le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) (Aiello et al.,

1994), aboutissant à la formation de néovaisseaux intrarétiniens. Le développement d’une

néovascularisation proliférante avec des néovaisseaux fragiles entraîne les conséquences les

plus graves pour la vision par des décollements de la rétine, des hémorragies dans le vitré, qui

peuvent mener à la cécité (Frank et al., 1995).

2-2-Les modifications structurales et fonctionnelles au cours de la

rétinopathie diabétique.

La composition cellulaire, la structure et la fonction des microvaisseaux rétiniens sont

fortement altérés au cours de la rétinopathie diabétique.

2-2-1-La membrane basale

La première manifestation histologique visible de la rétinopathie consiste en un

épaississement de la membrane basale (Ashton et al., 1974), résultant de l’augmentation de la

synthèse de ses composants protéiques. En effet, en comparaison avec des sujets sains, des

diabétiques montrent une augmentation des niveaux des transcrits du collagène IV (Roy et al.,

1994), composant structural essentiel de la membrane basale, et de la fibronectine (Roy et al.,

1996), composé protéique localisé tout particulièrement au niveau des zones de contacts entre

les deux types cellulaires. L’augmentation de l’expression de ces protéines pourrait être

induite par l’hyperglycémie (Cagliero et al., 1991b). Mais l’épaississement de la membrane

basale résulterait également de la formation et de l’accumulation d’AGE, qui lui confèrent

une résistance aux protéases (Mott et al., 1997) et limitent ainsi la protéolyse.

2-2-2-Les péricytes

Une des altérations caractéristiques de la rétinopathie, concomitante à l’épaississement

de la membrane basale, est la disparition précoce des péricytes, abaissant le rapport

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numérique péricytes/cellules endothéliales de 1 à 0,3 et même à 0,1 pour les stades ultimes de

la maladie chez l’Homme (Cogan et al., 1961). Des travaux récents réalisés à partir de rétines

humaines prélevées post-mortem chez des patients diabétiques de longue durée ont permis de

proposer que les péricytes mourraient par apoptose, également nommée mort cellulaire

programmée. La détection des péricytes apoptotiques a été effectuée in situ sur les rétines

entières par la méthode TUNEL (terminal UDP nick end labelling), qui consiste à marquer les

fragments d’ADN résultant d’un clivage internucléosomal (Mizutani et al., 1996). Une autre

équipe, après purification des péricytes de rétines de patients diabétiques, a montré par la

technique de la RT-PCR une augmentation de l’expression du gène d’une protéase impliquée

dans l’apoptose, la caspase-3 ou CCP32 (Cystéine Proteases Protein 32 kDa) (Li W et al.,

1999). Venant à l’appui de ces données, une étude récente sur des péricytes rétiniens de

diabétiques décrit la surproduction de la protéine Bax, une protéine pro-apoptotique

appartenant à la famille des Bcl-2 (Podesta et al., 2000).

2-2-3-Les modifications morpho-fonctionnelles de la barrière hémato-

rétinienne et de l’endothélium rétinien

Au cours du diabète, les propriétés de la barrière hémato-rétinienne, constituée des trois

types cellulaires (cellules endothéliales, péricytes et cellules de Müller), est affectée. Le

passage trans-cellulaire de solutés et de protéines plasmatiques serait en effet augmenté par

un accroissement de l’endocytose des cellules endothéliales (Gardiner et al., 1995) et de la

transcytose de constituants plasmatiques (Stitt et al., 2000a et b). L’augmentation du transport

trans-endothélial semble impliquer les cavéoles, microdomaines membranaires capables de

s’invaginer et de former des vacuoles intracellulaires (Stitt et al., 2000a). Ce processus

d’internalisation a été décrit comme stimulé par le facteur de perméabilité VPF (vascular

permeability factor)/VEGF (Feng et al., 1999), augmenté dans la rétine de patients

diabétiques au cours de la phase précoce de la maladie (Mathews et al., 1997). D’autre part,

le passage para-cellulaire de solutés serait également modifié, du fait d’une altération de la

morphologie et de la perméabilité des jonctions serrées. Parmi les différents composants

protéiques, l’occludine et ZO-1 et ZO-2 représentent des protéines essentielles dans la

fonction de la BHR L’occludine est une protéine transmembranaire reliée aux plaques

protéiques cytosoliques de ZO-1 et ZO-2 (Zonula Occluden), elles-mêmes connectées aux

filaments d’actine (Fanning et al., 1999). Le rôle des cellules neuronales dans la perméabilité

de la BHR a été montré. Elles participent notamment à la synthèse des protéines des jonctions

serrées, telles que la ZO-1 (Gardner et al., 1997). La diminution de l’expression de

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l’occludine, observée dans la rétine des rats diabétiques (Antonetti et al., 1998), pourrait être

liée à la disparition par apoptose des cellules neuronales (Barber et al., 1998).

L’endothélium microvasculaire rétinien présente également des dysfonctions au cours

du diabète, favorisant l’occlusion des microvaisseaux et l’hypoxie des tissus. La production et

la sécrétion de différents facteurs sont en effet modifiés, favorisant alors des troubles de

l’hémostase. Par exemple, une diminution de l’activité fibrinolytique est observée dans les

microvaisseaux rétiniens de diabétiques de type II (Walmsley et al., 1991), liée à une baisse

de l’expression de tPA (Lutty et al., 1991) et d’une hausse de celle de PAI-1 (Cagliero et al.,

1991a et 1991b), et résulte en l’accumulation de fibrine. D’autre part, une augmentation de

l’agrégation plaquettaire est également observée dans les capillaires de rétines de rats

diabétiques (Ishibashi et al., 1981). La modification de la charge électrostatique de surface

des cellules endothéliales, consistant en une baisse de la charge nette négative (Raz et al.,

1988), favoriserait l’adhésion des cellules circulantes et l’occlusion des microvaisseaux.

Enfin, l’expression de ligands pour les molécules d’adhésion est augmentée. Il a été ainsi

montré que des molécules d’adhésion des cellules endothéliales (ICAM-1, molécule-1

d’adhésion intercellulaire des leucocytes et P-sélectine) (McLeod et al., 1995) et des

neutrophiles (intégrines) (Barouch et al., 2000) sont surexprimées dans la rétine de patients

diabétiques.

L’ensemble de ces phénomènes coopère pour la formation de microthrombi (fibrine-

plaquettes, entourées de leucocytes et d’érythrocytes), dont la prévalence augmente avec la

durée du diabète (Boeri et al., 2001). Ces auteurs ont également montré la colocalisation des

microthrombi et de cellules endothéliales apoptotiques. Ils suggèrent une coopération

mutuelle entre les phénomènes de thrombose et d’apoptose. Alors que l’agrégation

plaquettaire peut induire des dommages à l’endothélium par des phénomènes

d’ischémie/reperfusion, les cellules endothéliales apoptotiques peuvent devenir pro-

coagulantes (Bombeli et al, 1997), hyper-adhésives (Hébert et al, 1998) et contribuer ainsi à

la formation des microthrombi. L’administration d’aspirine, anti-agrégant et anti-

inflammatoire, à des chiens diabétiques a permis de réduire les microhémorragies et la

formation des capillaires acellulaires, suggérant une relation causale de la formation de

microthrombi pour les dysfonctionnements vasculaires (Kern et Engerman, 2001).

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III- LA PATHOGENESE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE

Il est aujourd’hui admis que l’hyperglycémie est le facteur initial essentiel menant aux

complications microvasculaires liées au diabète. Le rôle du contrôle de l’hyperglycémie dans

l’apparition et le développement des complications microvasculaires du diabète, notamment

au niveau rétinien, a en effet été clairement établi par des études épidémiologiques menées

aux USA (DCCT, 1993) et en Europe (UKPDS, 1998).

Les mécanismes de la toxicité du glucose au niveau des tissus cibles des complications

du diabète sont multiples. Différents mécanismes pathogéniques ont pu être proposés pour

expliquer les altérations de la fonction et de la structure des microvaisseaux rétiniens au cours

du diabète. Un des mécanismes, appelé hypothèse hémodynamique, est lié à la physiologie de

la microcirculation et au flux sanguin. Cinq hypothèses biochimiques distinctes ont également

été proposées pour expliquer les effets toxiques du glucose sur la paroi vasculaire. Trois

concernent des modifications aiguës et répétées de flux métaboliques (l’activation de la voie

des polyols, de la protéine kinase C et des hexosamines) alors que les deux autres concernent

des changements cumulatifs et chroniques (augmentation de la glycosylation non

enzymatique et l’apparition d'un stress oxydant).

1-L’hypothèse hémodynamique

Plusieurs auteurs suggèrent que les modifications structurales microvasculaires

observées très tôt au cours du diabète ont pour origine des perturbations hémodynamiques.

L’hyperglycémie induirait en effet une perte de l’autorégulation rétinienne du flux sanguin

associée à une hyper-perméabilité de la paroi microvasculaire (Porta, 1996).

Au cours du développement de la rétinopathie diabétique, la perte de la régulation du

tonus vasculaire a été mise en évidence, se caractérisant par l’augmentation de la pression et

du flux sanguin et la vasodilatation chronique des microvaisseaux. Ce stress hémodynamique

engendrerait une réponse adaptative de la paroi vasculaire et progressivement un

épaississement de la membrane basale. L’hyperperfusion des microvaisseaux provoque en

effet une augmentation de la pression hydrostatique au niveau de l’endothélium avec pour

conséquence une surproduction des protéines de la matrice. Riser (Riser et al., 1992) a pu

montrer, in vitro, l’induction de l’expression des ARNm des protéines de la matrice

extracellulaire lors d’une distension des capillaires.

L’épaississement de la membrane basale, associé à l’hypertension, induirait l’altération

de la BHR associée à une hyperperméabilité des microvaisseaux (Dosso et al., 1999). Celle-ci

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se caractérise par un passage à travers l’endothélium de macromolécules circulantes,

induisant l’apparition d‘exudats, un des principaux signes cliniques de la rétinopathie

diabétique (Porta, 1996).

2- Les hypothèses biochimiques

2-1-La voie des polyols

Dans les tissus non insulino-indépendants, tels que le cerveau ou la rétine, l’absorption

du glucose est directement proportionnelle à la concentration sanguine en glucose et est donc

plus élevée au cours du diabète. Les voies de métabolisme du glucose (la glycolyse et la voie

des pentoses phosphates) ne suffisent pas à réduire la concentration intracellulaire accrue en

glucose. Le métabolisme du glucose excédentaire est alors pris en charge par la voie des

polyols, qui fait intervenir séquentiellement l’aldose réductase et la sorbitol déshydrogénase.

L’aldose réductase, activée uniquement en présence de fortes concentrations de glucose (Km:

70 mM), réduit le glucose en sorbitol, le donneur d’hydrogène étant le NADPH. La sorbitol

déshydrogénase oxyde par la suite une partie du sorbitol formé en fructose en utilisant le

NAD+ comme cofacteur (Figure 4).

Figure 4: la voie des polyols

Les conséquences biochimiques de l’activation de cette voie de métabolisme sont une

accumulation de sorbitol et de fructose ainsi qu’une modification des rapports

NADPH/NADP+ et NAD+/NADH.

1)- Le sorbitol ne diffuse pas à travers la membrane. Son accumulation induit ainsi un

stress osmotique. L’hyperosmolarité provoque la baisse de l’entrée dans les cellules

d'osmolytes physiologiques dont le myo-inositol. Le défaut en myo-inositol entrave le

métabolisme des phosphoinositides, la production de diacylglycérol (DAG), formé à partir de

ces phosphoinositides, et d’inositol triphosphate (Li et al., 1990). La baisse des DAG induit

alors un défaut d’activation de la PKC et de la Na-K ATPase (Greene et al., 1987).

Glucose Sorbitol Fructose Aldose réductase Sorbitol déshydrogénase

NADPH NADP+ NAD+ NADH

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2)- L’augmentation de la production de fructose pourrait pour sa part, avoir une

conséquence néfaste sur la glycation non-enzymatique de protéines intracellulaires. Le

fructose présente en effet un pouvoir glyquant supérieur au glucose, du fait d’une proportion

de la forme linéaire ouverte plus grande (Suarez et al., 1988).

3)- L’activation de la voie des polyols induit également une altération du potentiel

redox des cellules. La formation de sorbitol s’accompagne d’une baisse des ressources en

NADPH au détriment d’autres réactions qui nécessitent également ce cofacteur. Par exemple,

la glutathion réductase requiert des niveaux élevés de NADPH pour réduire le glutathion

oxydé (GSSG) et restaurer ainsi les niveaux endogènes de glutathion réduit (GSH). La

diminution en NADPH entrave le cycle redox de régénération de GSH et aboutit ainsi à la

génération d’un stress oxydant (Bravi et al., 1997). D’autre part, la baisse en NADPH peut

également limiter d’autres réactions enzymatiques, comme la formation de NO par la NO

synthase (Cameron and Cotter, 1992), conduisant ainsi à une déficience de la production de

NO, observée chez le patient diabétique (Calver et al., 1992).

4)- L’épuisement en NAD+, résultant de l’oxydation du sorbitol en fructose, peut d’autre

part réduire l'activité d'enzymes dépendants de NAD+. Par exemple, l'altération de la

glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GAPDHase) induirait une accumulation du

glycéraldéhyde-3-phosphate et une orientation de son métabolisme vers la synthèse de novo

des diacylglycérols (Figure 5) (Wolf et al., 1991). L’activation de la voie des polyols en

réponse à une hyperglycémie pourrait en fait induire deux effets opposés sur l’activation de la

PKC. La diminution en myo-inositol entraîne en effet une baisse en phosphoinositides et par

conséquent une baisse des DAG, alors que la biosynthèse de novo des DAG peut être

stimulée en conséquence de l’altération du rapport NADH/NAD+.

La présence de l’aldose réductase a été mise en évidence dans de nombreux tissus, tels

que les nerfs, le cristallin, le glomérule rénal et la rétine. Au niveau rétinien, cet enzyme est

présente aussi bien dans les péricytes que les cellules endothéliales, bien que son expression

semble mineure dans les cellules endothéliales (Kennedy et al., 1983). Dans le contexte du

diabète, une augmentation de la production des polyols au niveau rétinien a été montré aussi

bien chez des patients diabétiques (Bravi et al., 1997) que chez des rats diabétiques

(Tomlinson, 1993). Les inhibiteurs de l’aldose réductase (comme le sorbinil, le tolrestat,

l’épalrestat ou le polnarestat) ont été développés dans l’hypothèse que le métabolisme du

glucose par cette voie induirait une baisse des complications vasculaires. Toutefois, alors que

les traitements d’animaux diabétiques avec ces inhibiteurs préviennent certaines

complications microvasculaires (Suarez et al., 1988), les rares études cliniques menées chez

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l’Homme ont présenté des résultats controversés (Hotta et al., 1990; Sorbinil Retinopathy

Trial Research Group, 1990).

2-2-L’activation de protéines kinases C (PKC)

Un second mécanisme pathogénique proposé dans le développement des complications

microvasculaires du diabète est l’activation de protéines kinases C (PKC), résultant de la

modification des taux de diacylglycérol (DAG) (Idris et al., 2001). Parmi les douze isoformes

décrites de PKC, seules trois semblent être activées par les DAG dans la rétine, les PKC-α, ε

et βII (Koya et King, 1998), cette dernière serait plus particulièrement impliquée lors du

diabète (Inoguchi et al., 1992). L’augmentation des DAG, observée dans divers tissus,

notamment la rétine (Inoguchi et al., 1992; Shiba et al., 1993) résulte majoritairement de la

stimulation de la voie de biosynthèse de novo à partir des trioses phosphates. L’accumulation

de ces intermédiaires provient en effet de l’activation de la voie de la glycolyse, pouvant être

associée à une diminution de leur métabolisme vers le pyruvate du fait d’une altération de

l’activité GAPDHase, dépendante du cofacteur NAD+ (Figure 5).

Figure 5: L’activation des PKC

Les conséquences de cette activation dans les complications microvasculaires

rétiniennes sont multiples. La phospholipase A2 (PLA2) est activée et libère de l’acide

arachidonique (AA) et de la prostaglandine E2 (PGE2), ayant pour conséquence l’inhibition de

la pompe Na/K ATPase (Kowluru et al., 1998). L’AA libéré pourrait également agir en

synergie avec les DAG pour l’activation de PKC (Lu et al., 2000). La phosphorylation de

protéines de structure, comme l’actine et la vinculine (Schliwa et al., 1984), et de protéines

DAG PKC

Biosynthèsede novo

PA

DAG: diacylglycérolDHAP: dihydroxyacétone phosphateGAP: glycéraldéhyde-3-phosphateGADPHase: GAP déshydrogénaseG3P:glycérol-3-phosphatePA: phosphatidate

triose-phosphate

Glycolyse

Glucose

NADH/NAD+

Pyruvate

(GAP)G3PDHAP

(+) Transduction d’un signal

GADPHase

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des jonctions serrées, comme l’occludine et ZO-1 (Antonetti et al., 1999), causerait une

réorganisation du cytosquelette, associée à un désassemblage des jonctions intercellulaires

aboutissant à une hyper-perméabilité vasculaire des microvaisseaux rétiniens. La voie de la

PKC participerait également aux dysfonctionnements de l’endothélium rétinien. Une

augmentation de l’expression de l’endothéline-1, vasoconstrictrice, (Park et al., 2000) ainsi

qu’une inhibition constitutive de la NO synthase (Chakravarthy et al., 1998) ont en effet été

associées à l’activation de PKC.

L’implication de la voie de l’activation de la PKC dans le développement des

complications diabétiques, notamment la rétinopathie, est suggérée par les travaux de l’équipe

de King où l’administration à des rats diabétiques d’un inhibiteur spécifique de la PKC-βII

(LY 3333531) normalise les dysfonctionnements vasculaires rétiniens (Ishii et al., 1996).

D’autre part, l’utilisation de vitamine E, prévenant l’accumulation de DAG par l’activation de

la DAG-kinase (Lee et al., 1999), améliore également le flux sanguin microvasculaire rétinien

et la perfusion rétinienne (Bursell et al., 1999).

2-3-La voie des hexosamines

Une nouvelle hypothèse biochimique est formulée pour rendre compte de la

glucotoxicité vasculaire dans le développement des complications liées au diabète.

L’hyperglycémie génèrerait une augmentation du flux du glucose dans la voie des

hexosamines, qui consiste en la conversion du glucose en UDP-N-acétylglucosamine.

L’augmentation de la concentration intracellulaire en glucose induit la formation accrue de

fructose-6P qui est alors métabolisé en glucosamine-6P en présence de glutamine, par

l’enzyme glucosamine:fructose amidotransférase (GFAT) puis transformé finalement en

UDP-N-acétylglucosamine (UDP-GlcNac) (Figure 6) (pour revue: Schleicher et Weigert,

2000). L’accumulation de l’intermédiaire métabolique, le fructose-6P, résulterait d’une

altération de l’activité GAPDHase, par une production mitochondriale de ROS (Du X.L. et

al., 2000) et/ou d’une baisse du rapport NAD+/NADH par la voie des polyols (Chapitre III-2-

1-). La GFAT, enzyme dont l’activité est limitante dans la voie des hexosamines, est présente

dans une variété de types cellulaires, tels que les cellules endothéliales microvasculaires (Wu

et al., 2001), les adipocytes, les cellules musculaires squelettiques, les cellules mésangiales et

glomérulaires (Nerlich et al., 1998).

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Figure 6: La voie des hexosamines et conséquences

L’activation de la voie des hexosamines a été impliquée dans diverses altérations

biochimiques. La formation de UDP-GlcNac aurait comme conséquence l’activation du

facteur de transcription Sp-1 (Du X.L. et al., 2000), en augmentant sa O-glycosylation et

réduisant sa phosphorylation (Kadonaga et al., 1988; Haltiwanger et al., 1998). Dans des

cellules endothéliales d’aorte de bœuf, il a été décrit que l’activation de Sp-1 induit

l’expression des cytokines TGF-β1 et PAI-1 (Du X.L. et al., 2000). Une étude menée dans

des cellules mésangiales indiquent que la surproduction de TGF- β1 et de composants de la

matrice résulterait de l’activation de la voie des hexosamines. Les effets de fortes

concentrations de glucose sont en effet mimés avec la D-glucosamine et bloqués lorsque la

GFAT est inhibée (Kolm-Litty et al., 1998).

Mais la voie des hexosamines serait également responsables des dysfonctionnements

cellulaires qui mènent à l’insulino-résistance. L’augmentation du flux de glucose dans cette

voie métabolique altérerait en effet l’activité et la translocation du transporteur du glucose

Glut-4 à la membrane, dans des cellules musculaires (Cooksey et al., 1999) ou des adipocytes

(Chen et al., 1997), probablement par l’activation de PKC (Filipis et al., 1997).

Glucose

Glucose-6P

Fructose-6P Glucosamine-6P N-acétyl-glucosamine-6P

N-acétyl-glucosamine-1P

UDP- N-acétyl-glucosamine(UDP-GlcNac)

GFAT

Glutamine Glutamate

GFAT: Glucosamine-fructose-amidotransférase

Signalisationintracellulaire

O-glycosylation de facteur de transcription (Sp1)

Expression de gènes(TGF-β, PAI-1)

Translocation de protéines(PKC, Glut-4)

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Les cibles potentielles intracellulaires de l’UDP-GlcNac sont nombreuses. Diverses

protéines cytoplasmiques et nucléaires peuvent effectivement être O-glycosylées. L’activation

de la voie des hexosamines pourrait ainsi induire diverses modifications biochimiques,

comme l’expression de gènes et la fonctions de protéines, impliquées dans la pathogenèse des

complications diabétiques.

2-4-La glycosylation non enzymatique

Un des mécanismes pathogéniques proposé pour expliquer la toxicité vasculaire du

glucose, est la formation accrue de produits avancés de glycation, également nommés AGE

(Advanced Glycation End-Products) formés par la glycosylation non-enzymatique de

protéines (Baynes et al., 1989), d’ADN (Lee et Cerami, 1990) et de lipides (Bucala et al.,

1993). La formation et l’accumulation des AGE sont en effet accélérées au cours du diabète

(Guthrow et al., 1979; Hammes et al., 1999) et reliées sur le plan clinique aux complications

vasculaires (Brownlee, 1995). Par exemple, la sévérité des complications microvasculaires

observée chez les patients diabétiques atteints de rétinopathie a été corrélée avec les quantités

d’AGE contenues dans le collagène de la peau (Beisswenger et al., 1995) et dans le sérum

(Ono et al., 1998).

2-4-1-La formation des produits avancés de glycation

La glycosylation non-enzymatique a été découverte in vitro par Louis-Camille Maillard

en 1912, en observant l’apparition d’une couleur jaune-brun lors du chauffage de sucres

réducteurs (glucose) avec des acides aminés (glycine). Il montra que cette réaction peut se

produire à 37 °C, température corporelle, caractéristique primordiale pour la physiopathologie

humaine. Cette réaction a été redécouverte 50 ans plus tard lors des processus

d’industrialisation de la nourriture où elle intervient dans l’altération et la cuisson des

aliments.

Nommée aujourd’hui réaction de Maillard, la glycosylation non-enzymatique est la

réaction par laquelle les sucres réducteurs (ou des dicarbonyles) se lient de façon covalente

aux groupes amines libres de protéines, d’ADN et de lipides pour former des intermédiaires

métaboliques instables, pouvant se réarranger de façon diverse au cours d’un processus long

et complexe et donner naissance à de multiples produits avancés de glycation (Figure 7).

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Figure 7: La réaction de Maillard

Un sucre réducteur, sous sa forme linéaire, réagit par son groupe aldéhyde libre avec le

groupe amine libre d’acides aminés basiques contenus dans certaines protéines (lysine,

hydroxylysine, arginine, histidine), de phospholipides (phosphatidyléthanolamine) ou d’ADN

(guanine) pour former une glycosylamine (ou base de Schiff). La base de Schiff générée peut

se réarranger de façon plus stable sous la forme d’une céto-amine, appelée produit

d’Amadori ou produit de glycation précoce. Ces phases précoces de la réaction de Maillard

sont rapides et réversibles et la formation de ces intermédiaires instables dépendant de la

concentration en substrats (protéines et sucre réducteur) et de leur temps d’exposition l’un à

l’autre. Un produit d’Amadori bien connu est l’hémoglobine glyquée (HbA1c), découverte

par S. Rahbar (1968), utilisé chez le diabétique comme indice du contrôle métabolique du

glucose sur 100 jours (durée de vie du globule rouge) (Koenig et al., 1976).

Les produits d’Amadori subissent une série de réarrangements intramoléculaires. Ils

peuvent subir une fragmentation oxydative, consistant en une oxydation en présence

d’oxygène et d’ions métalliques pour libérer l’anion superoxyde (O2-.) et des produits de

glycoxydation comme la carboxyméthyllysine (CML) ou la pentosidine. Une fragmentation

non-oxydative (transferts d'hydrogène par exemple) peut également avoir lieu et conduire à

la formation d’αααα-dicarbonyles (ou α-oxoaldéhydes) comme le 1-, 3- et 4-désoxyglucosone,

CH2OH

RNCH

(CHOH)n

CH2OH(CHOH)n-1

RNHCH2

C O

H2O

+CHO

(CHOH)n

CH2OH

RNH2

Sucre réducteur Base de Schiff(glycosamine)

Produit d'Amadori(céto-amine)

RNHCH2

COOH

Carboxyméthyllysine

HC OCCH2

(CHOH)2

CH2OH

O

3-désoxyglucosone

HC OCCH3

O

Méthylglyoxal

AGE

RNH2

Mn+

O2 O2-.

H2O

Protéine

- R-NH 2

αααα-dicarbonyles

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et probablement le méthylglyoxal ou le glyoxal, à partir de fructosamine, comme cela a été

décrit récemment in vitro (Thornalley et al., 1999). Ces dicarbonyles, extrêmement réactifs

vis à vis des groupes amines, vont à leur tour réagir avec des protéines, pour donner

naissance aux AGE (ou produits de Maillard), composés chimiquement stables. Les

dicarbonyles propagent ainsi la réaction de Maillard en formant des ponts intra et

intermoléculaires dans certaines protéines. Mais les AGE peuvent également se former à

partir de la réaction d’un dicarbonyle avec un produit d’Amadori (Cerami et al., 1988). Ces

phases intermédiaires ou finales de la réaction de Maillard sont lentes et irréversibles. Ainsi

les produits finaux de glycation, dont le facteur limitant principal de formation est la vitesse

de renouvellement des protéines, caractérise surtout des protéines structurales de durée de vie

prolongée, comme le collagène ou les composants de la membrane basale.

La voie de Maillard décrit ainsi les modifications des amines par des sucres réducteurs

mais également, dans un sens plus large, par des dicarbonyles, pouvant être issus de diverses

voies métaboliques et conduire à la formation d’AGE. Par exemple, le méthylglyoxal (MGX)

peut se former à partir de la fragmentation des trioses phosphates (Phillips et Thornalley,

1993) et lors de l’oxydation de l’acétone au cours du métabolisme des corps cétoniques dans

le foie (Koop et Casazza, 1985). Lors de l’hyperglycémie, la vitesse de formation du MGX

chez les diabétiques dépasse les capacités de détoxification de ce produit dans les cellules, par

les systèmes enzymatiques de glyoxalase, qui convertit le MGX en un intermédiaire, le

lactoylglutathion (par la glyoxalase I), lui-même converti en D-lactate (par la glyoxalase II)

(Thornalley, 1993). La dégradation de MGX en D-lactate dépendrait surtout de la glyoxalase-

I (Shinohara et al., 1998). La concentration sanguine de MGX est fortement augmentée chez

le diabétique (Beisswenger et al., 1995) et cette augmentation est corrélée avec la sévérité des

complications vasculaires (McLellan et al., 1994). De plus, les AGE de protéines formés

après réaction avec ce dicarbonyle (la carboxylethyllysine (CEL) et les sels d’imidazolium

comme MOLD (methylglyoxal-lysine dimer) sont décrits comme des produits majeurs

observés lors du diabète (Degenhardt et al., 1998).

Les sucres réducteurs peuvent également induire des modifications de protéines par un

mécanisme indépendant de la voie de Maillard. L’auto-oxydation des sucres réducteurs

(Figure 8), catalysée par les ions métalliques, produit en effet des dicarbonyles et des AGE

(Wolff et Dean, 1987). Le glucose dans sa forme ouverte subit une énolisation et réduit les

ions métalliques. Le radical ènediol généré peut être oxydé en dicarbonyle de type

désoxyglucosone. La réaction du dicarbonyle avec les protéines mène à la formation d’AGE.

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Ces réactions génèrent des anions superoxydes et du peroxyde d’hydrogène (réaction de

Fenton) à partir duquel peuvent se former des radicaux hydroxyles (réaction d’Haber-Weiss).

Toutefois, cette voie a été décrite in vitro et les conditions de réactions (fortes concentrations

en métaux) ne sont pas représentatives de celles observées in vivo, où les concentrations de

métaux libres sont finement régulées.

Figure 8: L'autooxydation des sucres réducteurs

2-4-2-Les produits avancés de glycation

La réaction des protéines avec des dicarbonyles, issus du métabolisme des cellules lors

du diabète, est un processus multiple et complexe, qui aboutit à la formation d’une grande

diversité de structures chimiques d’AGE, tant par la variété des dicarbonyles générés que les

acides aminés avec lesquels ils réagissent. Ainsi, le terme AGE regroupe un ensemble

hétérogène de molécules. Les modifications structurales induites au cours de la glycation sont

diverses. Les protéines peuvent subir des pontages intra ou intermoléculaires et/ou présenter

une fluorescence du fait de la formation de cycles intramoléculaires.

Bien que différentes techniques d’identification des AGE soient exploitées, (mesures de

fluorescence, dosages immunologiques, analyses par chromatographie haute pression ou en

phase gazeuse…), elles présentent certains biais et ne permettent pas de rendre compte de

l’hétérogénéité des AGE in vivo. Par exemple, alors que la pentosidine présente une

fluorescence caractéristique (325-390 nm) (Mac Cance et al., 1993), la majorité des autres

AGE fluorescents absorbent à 370 nm et émettent à une longueur d’onde de 440 nm. De plus,

cette méthode de détection exclue les AGE non fluorescents, comme la CML ou la pyrraline,

qui semblent être majoritaires (Makita et al., 1992). D’autre part, les dosages

immunologiques, employés dans la détection ou la quantification des AGE, sont réalisés à

partir d’anticorps polyclonaux dirigés contre des AGE de structures diverses et parfois mal

Sucre réducteur

Ènediol

Radical ènediolM(n-1)+

Mn+

O2

Carbonyle AGER-NH2

OH .

H2O2

O 2-.O 2-.

Attaques radicalaires

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définies, obtenus par des modifications in vitro d’albumine (généralement) par un sucre

(Makita et al., 1992). Il semblerait que l’antigène majoritairement reconnu par ces anticorps

soit la CML (Reddy et al., 1995), qui est non fluorescent.

Des structures isolées in vitro ont toutefois pu être identifiées dans les tissus de

diabétiques, comme la pyrraline résultant de la réaction de résidus lysine avec la 3-

désoxyglucosone et suivie de réactions intramoléculaires (déshydratation et cyclisation)

(Hayase et al., 1989), la pentosidine formée par la réaction entre un pentose et des résidus

arginine et lysine (Sell et Monnier, 1989), des imidazolones produits de la réaction entre la 3-

désoxyglucosone et un résidu arginine (Niwa et al., 1997), la CML formée par la réaction

d’un résidu lysine avec le glyoxal ou l’ascorbate (Dunn et al., 1990) ou encore par la

dégradation oxydative d’un produit d’Amadori (fructosamine) (Fu et al., 1996). La CEL, le

GOLD (glyoxal-lysine dimer) et le MOLD seraient directement issus de la réaction du

méthylglyoxal (CEL et MOLD) et du glyoxal (GOLD) avec les lysines des protéines (Wells-

Knecht et al., 1996). GOLD et MOLD appartiennent à une famille d’AGE, les «crosslines»,

qui établissent des ponts intermoléculaires.

2-4-3-Les conséquences pathologiques de la glycation

La formation des AGE est accélérée au cours du diabète et leur accumulation a été

corrélée positivement au développement des complications microvasculaires (Brownlee,

1995). Trois grands mécanismes généraux sont proposés pour expliquer les changements

pathologiques causés par les AGE.

2-4-3-1-La glycation de la matrice extracellulaire

Les protéines de la matrice extracellulaire comme le collagène ou la laminine sont des

cibles privilégiées de la glycation de part leur faible taux de renouvellement. La glycation des

composants de la matrice modifie leur structure et donc leurs propriétés physico-chimiques,

comme une baisse de leur solubilité et de leur flexibilité (Schnider et Kohn, 1982) et une

résistance aux protéases (Mott et al., 1997) qui conduit à une accumulation progressive au

cours du diabète. Les AGE de la matrice pourraient contribuer à l’augmentation de la

perméabilité vasculaire en altérant l’adhérence des cellules endothéliales et compromettant

leur réplication normale (Podesta et al., 1997), affectant ainsi les propriétés de la barrière

hémato-rétinienne.

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2-4-3-2- La glycation des protéines circulantes et intracellulaires

La glycation des protéines circulantes, directement en contact avec le glucose sanguin,

est également observée. Par exemple, la glycation de l’hémoglobine, formant le produit

d’Amadori HbA1c (hémoglobine glyquée), induit une augmentation de sa viscosité à

l’intérieur des globules rouges (Brownlee et al., 1984). La glycation des immunoglobulines,

décrite au niveau des fragments Fc et Fab, affecte les propriétés d’agglutination du

complément (Hammer et al., 1990) et les activités des IgG et des IgM (Cheta et al., 1991). De

par leur faible taux de modification par la glycation, ces protéines sont considérées comme

des marqueurs de glycation, au même titre que l’HbA1c.

La formation d’AGE sur des protéines intracellulaires a également été décrite. En effet,

l’hyperglycémie peut induire, dans des tissus non insulino-dépendants, une augmentation

intracellulaire de sucres comme le glucose-6-phosphate, le fructose et les trioses phosphates

ou de dicarbonyles comme le méthylglyoxal. Ces composés, plus réactifs que le glucose,

induisent une formation des AGE à partir de protéines cytosoliques, altérant ainsi leur

fonction. Par exemple, la glycation du bFGF (basic Fibroblast Growth Factor) dans les

cellules endothéliales affecte son activité mitogénique (Giardino et al., 1994).

2-4-3-3-L’interaction des AGE avec leurs récepteurs

En plus de leur formation à partir de protéines fonctionnelles, les AGE extracellulaires

participent au développement des anomalies de la (macro et de la) microangiopathie

diabétique par l’intermédiaire de récepteurs membranaires spécifiques, capables d’internaliser

les AGE par endocytose et de les dégrader dans les lysosomes et/ou d’induire la transduction

d’un signal intracellulaire. Ces différents récepteurs ont été identifiés sur une variété de types

cellulaires comme les macrophages, les monocytes, les cellules endothéliales, les cellules

musculaires lisses, les fibroblastes, les cellules mésangiales ou les neurones (moteurs et

périphériques) (Brett et al., 1993; Li YM et al., 1996).

MSR-I et –II : Parmi les différents types de récepteurs isolés, les premiers identifiés ont

été les récepteurs scavengers de la classe A (MSR-A ou Macrophage Scavenger Receptor) de

type I (220 kDa) et II (170 kDa) des macrophages (Radoff et al., 1988). Cette famille de

récepteurs constitue le système majeur de dégradation des AGE. Les macrophages captent et

internalisent les AGE de protéines et de LDL par endocytose puis les dégradent dans les

lysosomes (Araki et al., 1995). Ces récepteurs semblent impliqués dans la macroangiopathie

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diabétique en internalisant les LDL-modifiés et en formant les cellules spumeuses dans les

plaques athéromateuses (Sakata et al., 2001).

AGE-R : Par la suite, un complexe trimérique récepteur des AGE (AGE-R) a été

identifié. Il est constitué d’une protéine nommée p60 de 48 kDa (ou AGE-R1), d’une seconde

nommée p90 de 80 kDa (ou AGE-R2) (Yang et al., 1991) et d’une lectine liant le galactose,

la galectine-3 de 32 kDa (ou AGE-R3) (Vlassara et al., 1995). La détermination des

séquences N-terminales des protéines p60 et p90, purifiées à partir de foie de rat, a permis de

déterminer que p60 et p90 présentent une homologie de séquence élevée avec les séquences

N-terminales respectivement de l’oligosaccharyltransferase humaine de 48 kDa (OST-48,

95% d’homologie) et de la phosphoprotéine de 80K-H humaine (73% d’homologie) (Li Y.M.

et al., 1996). Par ailleurs, la séquence N-terminale de la protéine p90 d’origine humaine est

identique à celle de la 80K-H humaine (Goh et al., 1996). Les protéines p60 et p90 seraient

en fait les protéines préalablement identifiées OST-48 et 80K-H (Li Y.M. et al., 1996; Stitt et

al., 1999). Initialement localisée dans le réticulum endoplamique rugueux, OST-48 est une

protéine transmembranaire également exprimée à la surface de la membrane plasmique (Li

Y.M. et al., 1996). Elle présente un fragment N-terminal extracellulaire long, un seul passage

transmembranaire et un fragment C-terminal cytosolique court (9 résidus aminés) (Silberstein

et al., 1992; Li Y.M. et al., 1996). Alors que la protéine p60/OST-48 présente une activité de

liaison des AGE (Li Y.M. et al., 1996), p90/80K-H est une protéine soluble sous-

membranaire et ne lie pas les AGE (Li Y.M. et al., 1996). Décrite initialement comme un

substrat de PKC (Hirai et Shimizu, 1990), p90/80K-H a également été identifiée comme une

protéine phosphorylée sur la tyrosine lors de l’activation du récepteur au FGF dans des

fibroblastes, alors capable de fixer la protéine adaptatrice GRB-2 (Goh et al., 1996). De façon

intéressante, la phosphorylation de p90/80K-H est également stimulée lors de la liaison

d’AGE au complexe AGE-R mais semble être PKC-dépendante (Stitt et al., 1999).

Le troisième composant du complexe AGE-R est la galectine-3. Malgré l’absence de

signal d’adressage à la membrane plasmique et de domaine transmembranaire, la galectine-3

est transloquée du cytoplasme à la surface externe de la membrane en réponse au stimulus

AGE (Vlassara et al., 1995). Son niveau d’expression est également stimulé en présence

d’AGE (Stitt et al., 1999) ou au cours du diabète (Pugliese et al., 2000). La galectine-3 est

capable de lier les AGE. Le domaine de liaison aux AGE est contenu dans le peptide C-

terminal de 18 kDa mais diffère de celui de liaison aux carbohydrates. La fixation des AGE à

la galectine-3 induit la formation d’un complexe protéique de haut poids moléculaire où les

deux constituants sont liés par covalence (Vlassara et al., 1995). Le rôle exact de la galectine-

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3 joué dans la structure et la fonction du complexe AGE-R reste indéterminé. Il a été proposé

qu’elle intervienne dans la formation et dans la stabilisation de la structure du complexe, ainsi

que dans la fixation d’un large spectre d’AGE malgré une affinité de liaison modérée du fait

de liaisons covalentes avec les AGE.

Récemment, il a été montré in vitro dans des cellules endothéliales microvasculaires

rétiniennes, que le complexe AGE-R, constitué de p60, p90 et galectine-3, est localisé dans

les domaines membranaires riches en cavéoline (cavéoles). Les AGE, se liant à p60 et la

galectine-3, sont internalisés et orientés vers les endosomes et les lysosomes (Stitt et al.,

2000b). Cette étude montre que AGE-R est impliqué dans la capture, l’internalisation et la

dégradation des AGE. Les cavéoles sont des microdomaines enrichis en glycosphingolipides,

de cholestérol, de cavéoline et d’autres structures impliquées dans la transduction de signaux

comme les sphingomyélines, ou des protéines de signalisation telles que la famille des src-

tyrosine kinases (Brown et London, 2000). L’enrichissement de ces structures en AGE-R

suggère l’implication de ce récepteur dans la transduction de signaux intracellulaires. Le

complexe AGE-R a en effet été impliqué dans des réponses cellulaires variées comme la

prolifération (Chibber et al., 1997) ou l’expression de gènes comme les facteurs de croissance

PDGF (platelet-derived growth factor) (Doi et al., 1992) ou IGF-I (insulin-like growth factor-

I) (Pugliese et al., 1997). Une première ébauche de la voie de signalisation sous-jacente à la

liaison des AGE à ce complexe se présente aujourd’hui. La phosphorylation de la protéine

p90 en réponse aux AGE (Stitt et al., 1999) suggère son implication dans l’initiation d’une

cascade de signalisation. Des travaux préliminaires plus récents menés sur les mêmes cellules

(cellules endothéliales) suggèrent la phosphorylation de p90 lors de la liaison des AGE avec

le complexe AGE-R, induisant l’activation des MAP kinases Erk1/Erk2 (Cai et al., 2001).

RAGE : Le récepteur aux AGE le mieux caractérisé à l’heure actuelle est RAGE

(Receptor for AGE) (Schmidt et al., 1992; Neeper et al., 1992). RAGE apparaît de plus en

plus être un récepteur impliqué dans l’induction d’un signal intracellulaire plutôt que dans la

capture et l’élimination des AGE.

Il s’agit d’une glycoprotéine de 35 kDa (Neeper et al., 1992; Srikrishna et al., 2002)

complexée à une protéine extracellulaire analogue de la lactoferrine (LF-L pour lactoferrin-

like) (Schmidt et al., 1992), également pourvue d’une activité de liaison des AGE, mais dont

la fonction reste à ce jour indéterminée. Le récepteur RAGE est relié structurellement à la

famille des immunoglobulines, possédant une séquence N-terminale extracellulaire

comprenant un domaine de type V et deux de type C (Neeper et al., 1992), un domaine

transmembranaire et un fragment peptidique C-terminal court (43 résidus aminés) du coté

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cytosolique, riche en résidus glutamates et présentant une similarité de séquence avec le

fragment cytosolique de l’antigène de surface CD20 (Neeper et al., 1992). Le domaine

cytoplasmique est décrit comme nécessaire dans la signalisation intracellulaire (Huttunen et

al., 1999). En comparaison au complexe AGE-R, la cascade des événements intracellulaires

couplés au récepteur RAGE a été plus largement étudiée (Figure 9). Dans les cellules

endothéliales de veine de cordon ombilical humain, l’interaction des AGE avec RAGE induit

un stress oxydant intracellulaire (Yan et al., 1994; Bierhaus et al., 1997) qui entraîne

l’activation de signaux faisant intervenir une cascade de kinases, p21ras, dont l’activation est

redox dépendante (Lander et al., 1995), la phosphatidylinositol-3-kinase, la protéine kinase

Akt, une MAP kinase et finalement l’activation d’un facteur de transcription NF-κB (Yan et

al., 1994; Lander et al., 1997; Deora et al., 1998). L’activation de NF-κB dans ces cellules

peut être inhibée par divers antioxydants comme l’acide lipoïque (Bierhaus et al., 1997) ou

les enzymes antioxydantes (Yan et al., 1994), suggérant qu’au cours de la voie de

transduction, certains dérivés actifs de l’oxygène sont produits. Un dérivé de l’oxygène,

produit lors de la liaison d’AGE au récepteur RAGE, vient d’être identifié. Il s’agit de l’anion

superoxyde, produit par une NADPH oxydase (Wautier et al., 2001). Cependant, le

mécanisme de couplage de RAGE à l’induction d’un stress oxydant reste à ce jour

indéterminé. L’activation de NF-κB pourrait modifier l’expression de différents gènes, selon

le type cellulaire (Figure 9).

RAGE est un récepteur qui présente des affinités de liaison avec des ligands très divers.

Parmi les différents AGE connus, au moins deux structures ont été décrites comme des

ligands de RAGE : la carboxyméthyllysine et les imidazolones (Kislinger et al., 1999). Le

récepteur RAGE semble être impliqué dans la maladie d’Alzheimer ou dans les maladies avec

atteintes de neurones ou de cellules gliales, dans lesquelles un dépôt amyloïde est observé.

RAGE lie le peptide β amyloïde et sa liaison induit la surexpression de RAGE (Yan et al.,

1996). Dans un contexte non pathologique, RAGE lie également l’amphotérine, une protéine

abondante dans le système nerveux central en développement, participant à la croissance et la

différentiation des cellules nerveuses (Brett et al., 1993). Il est intéressant de noter que

RAGE, par liaison à l’amphotérine, peut initier dans des cellules neuronales deux voies de

signalisation intracellulaire indépendantes, l’une concernant la voie décrite précédemment, la

seconde impliquant l’activation de la protéine rac (Huttunen et al., 1999). Les interactions

RAGE-amphotérine pourraient jouer aussi un rôle pathologique dans le pouvoir invasif

(formation de métastases) des cellules cancéreuses d’une tumeur (Tagushi et al., 2000).

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Figure 9: Liaison des AGE à RAGE et conséquences selon le type cellulaire

2-4-4- AGE et rétinopathie

Diverses études suggèrent l'implication des AGE dans le développement de la

rétinopathie diabétique. La présence et l’accumulation progressive de produits d’Amadori

(Schalkwijk et al., 1999) et d’AGE (Stitt et al., 1997) a été mise en évidence sur les protéines

de la membrane basale des microvaisseaux rétiniens. Différents récepteurs aux AGE ont été

localisés dans le lit capillaire rétinien: les composants p60 et p90 du complexe AGE-R ont été

identifiés sur les deux types cellulaires rétiniens (Stitt et al., 1997; Chibber et al., 1997),

RAGE est également présent dans les cellules microvasculaires rétiniennes, les cellules

endothéliales (Yan et al., 1994) et les péricytes (Yamagishi et al., 1995). Dans les

microvaisseaux rétiniens, la colocalisation des AGE avec leurs récepteurs (p60, p90 et

RAGE) (Stitt et al., 1997; Soulis et al., 1997), suggère que les AGE puissent être impliqués

Vasoconstricteurs: endothéline-1 (Bierhaus et al., 1998)Pro-coagulants: thrombomoduline (Bierhaus et al., 1998) PAI-1 (Yamagishi et al., 1998)Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 1997)

RAGEAGE

Stress oxydant

P21ras/MAP kinase

NF-κB

Expression de gènes

Cytokines pro-inflamatoires: TNF-α, IL-1 (Vlassara et al., 1988)

MACROPHAGES :(macroangiopathie)

CELLULES ENDOTHELIALES :(microangiopathie dont la rétinopathie)

CELLULES MESANGIALES :(néphropathie)

Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 2002b)

X ?

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dans le dysfonctionnement vasculaire rétinien. Deux travaux récents, menés chez des

animaux, soutiennent l’hypothèse d’un rôle direct des AGE dans le développement des

complications microvasculaires rétiniennes. Lors de la perfusion de rats normo-glycémiques

avec de l’albumine glyquée (AGE), ce produit s’accumule dans les microvaisseaux rétiniens

et dans les péricytes, colocalise avec les récepteurs aux AGE et induit l’épaississement de la

membrane basale (Stitt et al., 1997) ainsi que l’altération de la perméabilité de la BHR,

associée à la surexpression dans la rétine du facteur de perméabilité VEGF (Stitt et al.,

2000a). Par ailleurs, une aggravation de la néphropathie (Yamamoto et al., 2001) et de la

rétinopathie (communication personnelle) a été montrée dans des souris diabétiques de type I

et transgéniques pour le récepteur RAGE.

Différentes études in vitro montrent que les AGE altèrent la prolifération des deux types

cellulaires. Ils inhibent en effet la croissance des péricytes rétiniens (Yamagishi et al., 1995;

Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997) alors qu’ils favorisent la multiplication

des cellules endothéliales (Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997). Les AGE sont

également capables d’induire l’apoptose des péricytes rétiniens et de stimuler leur sécrétion

de VEGF (Yamagishi et al., 2002a). Ces différents effets semblent résulter de la liaison des

AGE avec leurs récepteurs RAGE (Yamagishi et al., 1995 et 2000) ou avec le complexe

AGE-R (Chibber et al., 1997).

Par ailleurs, dans ces cellules microvasculaires rétiniennes, les AGE peuvent aussi

induire des altérations de la glycosylation enzymatique affectant le métabolisme des

glycoconjugués. Par exemple, des altérations spécifiques des sucres des glycoprotéines

induites par les AGE ont été mises en évidences dans les cellules endothéliales des

microvaisseaux rétiniens (Rellier et al., 1997). Celles-ci semblent résulter d’une augmentation

de différentes activités glycosidases (enzymes du catabolisme) associée à une diminution des

activités glycosyltransférases (enzymes de synthèse) (Rellier et al., 1999). Les AGE affectent

également le métabolisme des glycosphingolipides des cellules microvasculaires rétiniennes.

Alors qu’ils augmentent la quantité de toutes les espèces moléculaires dans les deux types

cellulaires, ils diminuent spécifiquement un ganglioside particulier, le GD3, dans les péricytes

rétiniens (Natalizio et al., 2001); cette diminution serait la conséquence d’une baisse de

l’activité de la GD3-synthase (Natalizio, 2002). Les glycoconjugués, formant le glycocalix,

sont impliqués dans les processus d’interactions cellule-cellule et cellule-matrice permettant

la reconnaissance, la communication et l’adhésion cellulaire. Une altération de leur

composition, notamment dans les cellules microvasculaires rétiniennes, pourrait avoir des

conséquences diverses dans le développement de la rétinopathie diabétique, comme par

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exemple une adhésion accrue des cellules circulantes à l’endothélium (Chibber et al., 2000),

pouvant ainsi participer à l’occlusion des capillaires dans la rétine.

Le rôle critique des AGE dans le développement des complications microvasculaires de

la rétine a été établi par l’utilisation d’inhibiteurs de la glycation, comme l’aminoguanidine.

L’aminoguanidine, administrée à des rats diabétiques, dès le début de la maladie (Hammes et

al., 1991 et 1994) ou seulement après 6 mois de diabète (Hammes et al., 1995), ralentit en

effet le développement de la rétinopathie en prévenant la disparition des péricytes, la

formation de microanévrismes et la néovascularisation (Hammes et al., 1991), en limitant la

formation de capillaires acellulaires et en abolissant la formation de microthrombi (Hammes

et al., 1994), phénomènes associés à une diminution de la formation d’AGE fluorescents au

niveau de la rétine (Hammes et al., 1995). Mais les effets protecteurs de l’aminoguanidine

uniquement par son action anti-glycante sont aujourd’hui controversés. Le traitement de rats

(Kern et al., 2000) et de chiens diabétiques (Kern et Engerman, 2001) avec l’aminoguanidine

n’a pas diminué les taux d’AGE circulants (hémoglobine-AGE) et d’AGE de collagène de la

queue (pentosidine), bien que certaines lésions rétiniennes aient été abolies (microanévrismes,

capillaires acellulaires, disparition des péricytes). L’aminoguanidine pourrait également

protéger de certaines complications microvasculaires en agissant comme un antioxydant

(Giardino et al., 1998; Kowluru et al., 2000) ou en réduisant la formation de NO par la NO

synthase inductible (iNOS) (Corbett et al., 1992; Kowluru et al., 2000; Carmo et al., 2000b),

enzyme dont l’activité est augmentée dans la rétine de rats diabétiques (Carmo et al., 2000b)

et dont l’activation pourrait être corrélée à une augmentation de la perméabilité de la barrière

hémato-rétinienne (Carmo et al., 2000a).

2-5-Le stress oxydant

Le stress oxydant résulte d'un déséquilibre entre la production de radicaux libres dérivés

de l’oxygéne (ROS) et leur destruction par des systèmes de défenses antioxydantes. Lorsqu'ils

ne sont pas détoxifiés, les radicaux libres non détoxifiés peuvent engendrer des dommages de

la structure et du métabolisme cellulaire en attaquant de nombreuses cibles, comme les

protéines, l'ADN et les lipides.

2-5-1-Le stress oxydant dans le diabète: cause ou conséquence?

Bien que le stress oxydant soit un phénomène non-spécifique d’altérations cellulaires, il

est évoqué dans le cadre des complications vasculaires du diabète. En effet, diverses études

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cliniques ont mis en évidence une augmentation du stress oxydant en mesurant notamment

des marqueurs de la peroxydation lipidique. Par exemple, les niveaux plasmatiques de

TBARS (Thiobarbituric acid reactive substances) (Altomare et al., 1992) ou d’isoprostanes

(8-épi-PGF2α) (Gopaul et al., 1995), sont significativement augmentés chez les diabétiques

de type II, dont la glycémie est mal contrôlée par rapport à des patients bien suivis ou des

sujets contrôles. Nourooz-Zadeh et al., (1997) ont par ailleurs montré une baisse de vitamine

E (standardisée par rapport au taux de cholestérol) et une augmentation d’isoprostanes dans le

plasma. La plupart de ces études ont ainsi permis d’établir une corrélation directe entre le

contrôle glycémique et l’apparition du stress oxydant. Il a notamment été montré que le taux

urinaire sécrété de la 8-épi-PGF2α est réduit lors d’une amélioration du contrôle métabolique

(Davi et al., 1999).

Le rôle du stress oxydant dans le développement des complications vasculaires liées au

diabète, reste toutefois un sujet de controverse. Certains auteurs décrivent le stress oxydant

comme la conséquence des dysfonctionnements vasculaires résultant de l’hyperglycémie. Le

stress oxydant, caractérisé par exemple par l’augmentation des produits de peroxydation

lipidique (Jennings et al., 1987), est en effet plus élevé chez les patients diabétiques

présentant des complications microvasculaires. De plus, l’équipe de J. Baynes a montré que

l’oxydation des acides aminés des protéines de la matrice extracellulaire n’est pas modifiée

chez le diabétique (Wells-Knecht et al., 1997), suggérant qu’il n’y ait pas d’augmentation

généralisée du stress oxydant par le diabète. Le Pr J. Baynes propose plutôt l’hypothèse d’un

stress carbonyle, qui consiste en une augmentation de substrats (glucose et lipides), induisant

une formation accrue de produits de glycoxydation (Baynes et Thorpe, 1999).

2-5-2-La production de radicaux libres

L’hyperglycémie peut induire une production accrue de radicaux libres selon différents

mécanismes, déjà évoqués précédemment: la fragmentation oxydative des produits

d’Amadori (chapitre 2-3-1-1), l’auto-oxydation du glucose (chapitre 2-3-1-2), la liaison des

AGE à leur récepteurs (2-3-3-3), et l’altération du potentiel redox, par la voie des polyols.

Récemment, l’équipe de Brownlee (Nishikawa et al., 2000; Du X.L. et al., 2000) vient

de formuler une hypothèse biochimique reliant directement les ROS produits par la

mitochondrie, plus particulièrement l’anion superoxyde, à la voie des polyols, à l’activation

de la PKC, la formation d’AGE dérivés du méthylglyoxal, la voie des hexosamines et

l’activation de NF-κB (Figure 10). Les auteurs démontrent en effet, dans des cellules

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endothéliales aortiques bovines, que la normalisation de la production de l’anion superoxyde

mitochondrial (au moyen d’agents bloquant la chaîne respiratoire mitochondriale, de

mimétiques de la SOD ou en surexprimant la SOD mitochondriale) abolit les différentes voies

métaboliques induites par l’hyperglycémie, suggérant que celles-ci soient sous le contrôle de

l’anion superoxyde généré en excès. Ce radical oxygène serait produit par une augmentation

du gradient de proton généré par la chaîne respiratoire mitochondriale, suite à une production

accrue du cofacteur NADH, résultant de l’oxydation de pyruvate issu de la glycolyse.

2-5-3-La modification des défenses antioxydantes

Différentes études ont rapporté une altération de ces systèmes antioxydants au cours du

diabète. Ainsi, une diminution de la capacité anti-oxydante plasmatique totale (intégrant les

antioxydants enzymatiques et non-enzymatiques) a été mise en évidence chez les patients

DNID (Ceriello, 1997). De même, une étude, menée sur de nombreux diabétiques (de type II)

Figure 10: La mitochondrie: le lien unificateur entre les différents mécanismes pathogéniques proposés dans les complications microvasculaires.

TCA

NADH

e-

Mitochondrie

O2-.

GA3PDHase

AGEMéthylglyoxal

Fructose Sorbitol AR

Pyruvate

Pyruvate

GA3P

Glucose

1,3-BPG

G3P: glycérol-3-phosphateGA3P: glycéraldéhyde-3-phosphate1,3-BPG: 1,3 bisphosphate glycéraldéhydeTCA: cycle des acides tricarboxyliques

PKC+G3P DAG

Fructose-6PGFAT

Glucosamine-6P UDP-GlcNac

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(467), a montré une baisse significative des défenses antioxydantes dans les érythrocytes

(vitamine E, C, A, GSH, SOD, catalase) associée à une augmentation de la peroxydation

lipidique (TBARS) (Sundaram et al., 1996).

La diminution des activités des enzymes antioxydantes pourrait s’expliquer par la

glycation de leur site actif, comme cela a été décrit pour la SOD érythrocytaire (Arai et al.,

1987). Des expériences de glycation in vitro ont également montré une altération des activités

enzymatiques de la catalase (Yan et Harding, 1997) de la GSH réductase (Blakytny et

Harding, 1992) ou de la GPx (Baldwin et al., 1995), suggérant une modification de ces

enzymes au cours du diabète.

Certaines études ont rapporté non pas une diminution mais une augmentation des

défenses antioxydantes enzymatiques, suggérant un mécanisme compensatoire à une

production de ROS. Par exemple, une augmentation des activités GPx et catalase

érythrocytaires a été montrée chez des patients DNID (Rema et al., 1995) et une

augmentation des niveaux d’ARNm de la SOD et de la catalase dans le rein de rats

diabétiques a également été mise en évidence (Sechi et al., 1997).

2-5-4-Le stress oxydant et la rétinopathie diabétique

Certaines études ont montré une corrélation entre la présence d’un stress oxydant dans

l’organisme et la rétinopathie diabétique. Par exemple, l’altération du GSH et de la GPx

érythrocytaires de patients DNID, associée à une augmentation de la peroxydation lipidique,

est d’autant plus manifeste lorsque les malades présentent une rétinopathie (Uzel et al., 1987).

Des patients DNID, ayant développé une rétinopathie, montrent également une altération des

activités des enzymes antioxydantes érythrocytaires (Rema et al., 1995).

Mais l’apparition d’un stress oxydant localisé dans la rétine même a également été

démontrée lors d’un diabète clinique et expérimental, et in vitro dans des cellules rétiniennes.

La rétine de rats diabétiques présente en effet une diminution des défenses enzymatiques

antioxydantes (Crouch et al., 1978; Kowluru et al., 1997) ainsi qu’une diminution de

glutathion (Kowluru et al., 1994; Agardh et al., 1998) et une augmentation de TBARS

(Kowluru et al., 1996). L’implication spécifique d’un stress oxydant dans la dégénération des

péricytes, phénomène précoce dans la rétinopathie diabétique, a été proposée par divers

travaux. Une étude récente menée sur des rétines de patients diabétiques, prélevées post-

mortem, montrent en effet une baisse de l’expression de la GSH réductase et de la SOD et une

augmentation du transcrit du gène de la GPx dans les péricytes rétiniens pré-apoptotiques (Li

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W et al., 1999). Ces auteurs suggèrent un rôle du stress oxydant dans la mort des péricytes.

Cette hypothèse est soutenue par différents travaux montrant que le traitement de rats

diabétiques avec un antioxydant, le trolox (Ansari et al., 1998) ou la nicanartine (Hammes et

al., 1997), ou encore avec un mélange d’antioxydants (Kowluru et al., 2001) prévient la

disparition des péricytes rétiniens. Des expériences in vitro montrent également une altération

des défenses antioxydantes des péricytes rétiniens, cultivés dans un environnement

diabétique. Les péricytes, soumis à des fortes variations en concentration de glucose,

présentent une baisse de GSH intracellulaire, associée à une augmentation de la synthèse de

GPx (Li W. et al., 1998). En revanche, lorsque les péricytes sont cultivés de façon chronique

avec des AGE une augmentation des activités catalase et SOD a pu être mesurée (Paget et al.,

1998).

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63

CHAPITRE II

I- INTRODUCTION

Le concept d’apoptose (provenant d’une locution grecque signifiant «chute des

feuilles») a été introduit en 1972 par Kerr et Wyllie pour désigner une forme de mort

cellulaire totalement différente de la nécrose, seule forme de mort connue et individualisée à

cette époque, aussi bien sous l’angle morphologique que biochimique. Alors que la nécrose

est subie passivement par la cellule suite à une agression extérieure, l’apoptose ou mort

cellulaire génétiquement programmée est un processus actif organisé temporellement au

cours duquel la cellule exprime un ensemble de gènes entraînant des modifications

morphologiques, biochimiques et structurales aboutissant à sa destruction «sans trace» et

complète.

La mort cellulaire programmée fait partie intégrante de la physiologie normale d’un

organisme: ce phénomène de mort cellulaire intervient dans l’élimination des cellules âgées

ou endommagées, dans la dégénérescence des cellules surnuméraires, en particulier lors du

développement embryonnaire ou le fonctionnement et l’homéostasie du système immunitaire.

Il est cependant crucial à la survie de l’organisme que cette mort cellulaire soit étroitement

régulée: une mort inappropriée va être aussi délétère pour l’organisme qu’une prolifération

excessive. Un dérèglement de l’apoptose ou de son contrôle est en effet impliqué dans de

nombreuses pathologies humaines. D’une part, l’inhibition de l’apoptose, aboutissant à la

prolifération incontrôlée d’une population cellulaire, joue un rôle fondamental à différentes

étapes de la carcinogenèse ou dans certains désordres auto-immuns. D’autre part, une

stimulation anormale de l’apoptose, conduisant à une perte cellulaire, est observée dans

certaines maladies neurodégénératives caractérisées par une mort neuronale massive

(Alzheimer, Parkinson), dans des maladies cardiovasculaires (infarctus), ou dans le SIDA

caractérisé par la disparition des lymphocytes T4. Plusieurs études suggèrent que l’apoptose

puisse également être impliquée dans les complications vasculaires du diabète, comme la

rétinopathie. Une apoptose excessive a en effet été montrée notamment dans les cellules

neuronales (Barber et al., 1998) et dans les péricytes rétiniens (Mizutani et al., 1996; Li W. et

al., 1997; Podesta et al., 2000).

L'étude des mécanismes moléculaires de l'apoptose a été fortement investie dans

l'optique de développer des outils pharmacologiques visant à corriger une apoptose exacerbée

ou d'induire l'apoptose dans des cas de cancer, par exemple. Mais cette approche ne semble

L’APOPTOSE

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pas aussi aisée puisqu’il semble exister un continuum entre la mort cellulaire par apoptose et

celle par nécrose. En effet, quelques études rapportent que des cellules, bien que protégées

contre l’apoptose, notamment par une surexpression de protéines mitochondriales de la

famille des Bcl-2 (Meilhac et al., 1999) ou une déficience en caspases, protéases de

l’apoptose (Kolenko et al., 1999), peuvent mourir par nécrose.

II-LES CARACTERISTIQUES DE L’APOPTOSE

Les premières descriptions de l’apoptose ont attribué beaucoup d’importance aux

aspects morphologiques des modifications que subissent les cellules pendant ce phénomène.

Pendant longtemps, la seule façon d’identifier l’apoptose fut d’observer les bourgeonnements

de la membrane cellulaire, la condensation de la chromatine dans le noyau et l’apparition des

corps apoptotiques (Kerr et al., 1972, Duvall et Wyllie, 1986). Puis vinrent la description

moléculaire spécifique de l’apoptose, telle que la fragmentation internucléosomale de la

chromatine, des changements de la composition membranaire ou l’atteinte mitochondriale.

1- Les stigmates morphologiques

Lorsqu’une cellule entre en apoptose, les premiers événements d’atteintes structurales

observables (1) sont la ségrégation de la chromatine à la périphérie de l’enveloppe nucléaire,

la condensation du cytoplasme malgré une intégrité apparente de la membrane plasmique, et

la formation d’invaginations des membranes plasmiques et nucléaires, donnant un aspect de

bourgeon à la surface membranaire périphérique. L’apparition de ces modifications

morphologiques s’accompagne d’un isolement de la cellule apoptotique des cellules voisines.

L’évolution des invaginations membranaires aboutit (2) à la fragmentation de la cellule en

petits éléments, appelés corps apoptotiques, composés de membrane plasmique qui englobe

du cytoplasme, des organites et parfois des fragments nucléaires. Ce n’est que dans cette

deuxième étape du processus apoptotique qu’une altération morphologique d’organites

cytoplasmiques peut être observée, telle que la dilatation du réticulum endoplasmique ou la

désagrégation des polysomes (Kerr et al., 1972). In vivo, (3) les corps apoptotiques sont

rapidement phagocytés par les macrophages ou les cellules voisines avant l’altération des

membranes, dégradés par les lysosomes et réduits en résidus «non-reconnaissables», évitant

ainsi toute réaction inflammatoire (Figure 11). In vitro, (absence de macrophages), ils peuvent

néanmoins être dégradés suivant un processus de nécrose dite secondaire, caractérisée par une

rupture de la membrane plasmique et une désintégration des organites.

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Figure 11: Les modifications morphologiques

d’une cellule en apoptose et en nécrose

Contrairement à l’apoptose, la nécrose, considérée comme une mort cellulaire non

coordonnée, est caractérisée par une modification de la perméabilité membranaire entraînant

une dilatation du cytoplasme et des organites tels que le réticulum endoplasmique et les

mitochondries: la cellule se gorge d’eau (4). La chromatine nucléaire flocule et la synthèse

protéique diminue. La rupture des membranes (5) conduit au relargage dans le milieu

environnant du contenu cytoplasmique, déclenchant une réaction inflammatoire (Allen et al.,

1997).

2- Les stigmates biochimiques

De nombreux changements biochimiques sont observés dans les cellules apoptotiques.

Il s’agit par exemple d’une modification des flux calciques responsables de l’activation de

nombreuses enzymes, dont des nucléases qui induisent la fragmentation de l’ADN (Ucker et

al., 1992; Wu et al., 2000), de l’activation de transglutaminases impliquées dans la

réorganisation des éléments du cytosquelette menant aux invaginations membranaires et à la

formation des corps apoptotiques (Gentile et al., 1992), de l’activation de protéases à

cystéines (les caspases), de la production accrue de céramides ou encore de la génération de

radicaux libres…

(1)

(3)

(2)(4)

(5)

nécrose apoptose

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66

2-1- L’externalisation de marqueurs membranaires

Si l’intégrité de la membrane plasmique des cellules apoptotiques est préservée, la

membrane est néanmoins modifiée. Elle perd en effet son asymétrie et expose un

phospholipide particulier, la phosphatidylsérine (PS), sur le feuillet externe de la membrane.

Les mécanismes d’une telle translocation sont encore mal définis, mais pourraient être liés à

l'inhibition d'une translocase (qui transporte les PS et les PE sur le feuillet interne) et à la

stimulation Ca2+-dépendante d’une "scramblase" responsable du phénomène flip-flop des

phospholipides (Bratton et al., 1997). Ce phénomène apparaît tôt dans l’apoptose et semble

indépendant du type cellulaire. Un changement de l’expression de sucres est également

observé à la surface des cellules apoptotiques ou de ces fragments (Duvall et al., 1985). Ces

sucres sont reconnus par les récepteurs de la vitronectine et de la fibronectine des

macrophages (Savill et al., 1990; Fadok et al., 1992).

In vivo, l’expression précoce de ces différents marqueurs membranaires à la surface des

cellules entrant en apoptose permet la reconnaissance des cellules apoptotiques et donc une

élimination précoce afin d’éviter toute réaction inflammatoire.

2-2- La fragmentation de l’ADN

La mort par apoptose est caractérisée par un clivage de la chromatine nucléaire en

fragments double-brins. L’activation de la première endonucléase décrite, une endonucléase

calcium-dépendante, provoque la fragmentation de l’ADN au niveau des régions charnières

entre les oligonucléosomes, sur lesquels s’enroule l’ADN, libérant ainsi des éléments

nucléaires dont la taille est un multiple entier de 180-200 paires de bases et donnant ainsi un

aspect d’échelle sur gel d’agarose (Wyllie, 1980). Cette «échelle d’ADN» a longtemps été

considérée comme une caractéristique de l’apoptose. Cependant, des résultats plus récents ont

montré que l’apoptose pouvait s’accompagner de fragmentation de l’ADN en éléments de

grandes tailles (50-300 kb), visibles uniquement en électrophorèse en champ pulsé (Cohen et

al., 1992). Le clivage de l’ADN semble ainsi procéder par étapes successives: la première

correspond à la fragmentation en éléments de grandes tailles due à l’activation

d’endonucléases calcium-dépendantes, telles que l’ADNaseII (Wu et al., 2000) et une

nucléase de 40kDa (DNAseI-like endonucléase) (Ucker et al., 1992). La seconde étape fait

intervenir des endonucléases magnésium et/ou calcium dépendantes, telles que l’ADNaseI

(Oliveri et al., 2001) ou CAD (caspase activated DNAse) (Enari et al., 1998) aboutissant à la

formation de fragments de petites tailles.

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Toutefois, bien que le clivage internucléosomal soit décrit dans de nombreux types

cellulaires, ce processus ne semble pas être une condition sine qua non de l’apoptose. Une

absence de fragmentation de l’ADN a en effet été mise en évidence dans des cellules

apoptotiques (Cohen et al., 1992, Collins et al., 1992). En revanche, des fragments de 100-

300 kpb ont également été observés dans des cellules en nécrose (Bicknell et Cohen, 1995).

La fragmentation d’ADN ne peut donc être considérée comme caractéristique de l’apoptose

que lorsqu’elle est associée à une morphologie typique de l’apoptose.

2-3- L’atteinte mitochondriale

Depuis la découverte de Bcl-2, protéine inhibant l’apoptose et située dans la

membrane des mitochondries (Sentman et al., 1991), de nombreux auteurs ont mis en

évidence l’implication des mitochondries au cours du processus apoptotique. Leur

participation dans l’apoptose est associée à une transition de la perméabilité membranaire

(MTP) et un effondrement du potentiel transmembranaire mitochondrial (∆Ψm), résultant de

l’ouverture de mégapores mitochondriaux. Du fait de sa haute concentration en solutés, un

gonflement osmotique progressif de la matrice est parfois observé, dont l’aboutissement

ultime est la rupture physique de la membrane externe. L’ouverture de ces pores est décrite

comme l’étape d’intégration du signal apoptotique et de non-retour de la cellule vers

l’apoptose. La MPT peut en effet être induite directement par de nombreux facteurs

apoptotiques tels que : - le calcium, - les espèces réactives de l’oxygène, - un changement de

pH (Crompton, 1999) et - Bax, protéine pro-apoptotique de la famille des Bcl-2 (Marzo et al.,

1998b), mais également de façon indirecte par : - des caspases, - des céramides, - la protéine

p53 (suppresseur de tumeur), capables de moduler l’activité de protéines de la famille des

Bcl-2 (cf chapitre La famille des Bcl-2).

Les conséquences de l’ouverture des mégapores sont multiples: rupture du

métabolisme énergétique, formation de radicaux libres lors du découplage de la chaîne

respiratoire, libération de facteurs apoptotiques séquestrés dans la matrice, comme le

cytochrome c, des caspases, AIF (Apoptosis Inducing Factor), augmentation de la

concentration de Ca2+ intracellulaire…(Petit et al., 1997; Gross et al., 1999). Cette altération

des mitochondries se produit avant les changements biochimiques de la membrane plasmique

et la fragmentation de l’ADN.

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68

III- LES MECANISMES MOLECULAIRES DE L’APOPTOSE

L'apoptose peut être divisée en trois phases séquentielles dans le temps, (1) la phase

d'initiation, (2) la phase d'exécution, toutes deux réversibles et modulables par des facteurs

anti-apoptotiques, et (3) la phase de dégradation protéolytique et nucléaire qui est irréversible

et se traduit par des modifications morphologiques et biochimiques (Figure 12).

Figure 12: Modélisation du processus apoptotique

(1) la phase d’induction: de nombreux signaux très différents, physiologiques comme

pathologiques, intra comme extracellulaires ont été identifiés comme pouvant déclencher

l’apoptose. Ainsi l’apoptose peut être induite par la carence en facteurs de croissance (NGF,

Il-2), par certains récepteurs membranaires (Fas, ΤΝF-R) lorsqu’ils sont stimulés et liés à

leurs ligands, par des dommages intracellulaires causés par radiations ionisantes, des agents

cytotoxiques, chocs osmotiques…

(2) la phase d’exécution: les différents signaux de mort sont alors intégrés par la cellule qui,

en fonction de son phénotype et de son état physiologique, va orienter sa réponse vers la mort

ou la prolifération. Cette intégration fait appel à un certain nombre de médiateurs

intracellulaires anti- ou pro-apoptotiques tels que les caspases, le stress oxydant, les protéines

de la famille de Bcl-2, les céramides...

(3) la phase de dégradation: en dépit de la diversité de ces signaux de mort, toutes les

cellules engagées dans le processus apoptotique montrent des modifications morphologiques

et biochimiques similaires suggérant l’existence d’une phase effectrice commune à tous les

types cellulaires.

Signal Médiateurs intracellulaires

Intégrationdes signaux Effecteurs

Mort cellulaire

(1) phase d’initiation

(2) phased’exécution

(3) phase dedégradation

Phases réversibles et modulables:

* Mitochondrie ?* ...

Phase irréversible:

* dommagescellulaires

* récepteursde mort

* carences enfacteurs decroissance

* radiations* drogues* ...

* caspases initiatrices* famille des Bcl-2* céramides* ROS* p53* kinases/phosphatases* facteurs de transcription* IAP* ...

* caspases effectrices* nucléases

* protéolyse* dégradation de l’ADN

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1- La phase d’induction: les signaux de mort

La phase d’induction de l’apoptose peut être déclenchée par des stimuli aussi variés que

des radiations ionisantes (Farrell et al., 1998), une carence en facteurs de croissance

(Martinou et al., 1999; Tammariello et al., 2000), des drogues cytotoxiques (Bose et al.,

1995; Boland et al., 1997), du glucose (Kaneto et al., 1996), des acides gras (Paumen et al.,

1997; Shimabukuro et al., 1998a et b) ou des cytokines, notamment celles de la famille des

TNF (TNF-α, Fas-L…) par l'intermédiaire de leurs récepteurs, appelés également «récepteur

de mort». Les membres de la famille du TNF-R possèdent un domaine de mort cytoplasmique

(DD ou Death Domain), essentiel pour l’exécution du programme apoptotique (Itoh et

Nagata, 1993). Parmi les membres de la famille impliqués dans la mort cellulaire, il convient

de citer les récepteurs Fas ou CD95 (Itoh et al., 1991), TNF-R1 ou p55 (Loetscher et al.,

1990), TRAIL-R1 et TRAIL-R2 (TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand) (Chaudhary et

al., 1997). Expérimentalement, l'apoptose peut également être induite par des céramides

exogènes (Obeid et al., 1993) ou des ROS (Goldkorn et al., 1998).

2- De C. elegans aux mammifères

La majeure partie de nos connaissances actuelles sur les mécanismes moléculaires de

la régulation de l’apoptose provient de travaux menés sur le nématode Cænorhabditis elegans

(Hengartner et al., 1994). Ainsi, la sélection par mutagenèse chimique de larves au cours du

développement a permis l’identification de 11 gènes impliqués dans la régulation de la mort

cellulaire programmée chez C. elegans. Parmi ceux-ci trois furent identifiés comme des

régulateurs clés de l’apoptose dans toutes les cellules somatiques. Il s’agit de CED-3, CED-4

et CED-9 (CED pour le gène Cænorhabditis elegans death). CED-3 et CED-4 sont tous deux

requis pour l’apoptose, alors que CED-9 régule négativement ce phénomène.

Le clonage de ces différents gènes a révélé que (Figure 13)

- CED-3 code pour une protéase à cystéine homologue à l’enzyme de conversion de

l’IL-1β: ICE (Interleukin Converting Enzyme) maintenant désignée comme caspase-1 (Yuan

et al., 1993).

- CED-4 code pour une protéine ayant des homologies avec la protéine humaine

APAF-1 (Zou et al., 1997).

- CED-9 code pour une protéine homologue à la protéine anti-apoptotique Bcl-2,

préalablement identifiée chez l’Homme (Hengartner et al., 1994).

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Figure 13: Conservation des différentes grandes familles de protéines impliquées

dans l’apoptose du nématode aux vertébrés.

3- Les caspases

Certaines protéases ne sont pas simplement des enzymes de dégradation mais des

molécules de signalisation hautement régulées contrôlant des processus biologiques critiques

pour la cellule par le biais de protéolyses limitées et spécifiques. Une famille de protéases, les

caspases, illustre parfaitement ce concept. En effet, de nombreuses études, menées plus

particulièrement au cours de la dernière décennie, ont mis en évidence que ces protéases

jouaient un rôle clef dans la signalisation de l’apoptose. Les caspases, présentes sous la forme

de zymogènes inactifs et activées en réponse à des signaux apoptotiques induisent le

démantèlement et la déstructuration de la cellule en clivant de façon spécifique des protéines

cellulaires clefs.

3-1- La nomenclature et les différentes classifications des caspases

Les caspases ont été impliquées dans l’apoptose avec la découverte du gène ced-3 et

l’identification d’un analogue de son produit (CED-3) chez les mammifères, la protéase à

cystéine ICE (Yuan et al., 1993). Ces travaux précurseurs ont conduit à l’identification d’un

nombre croissant de protéases à cystéine, présentant des homologies de séquences avec CED-

3. Ces protéases présentent une spécificité stricte de clivage de leur substrat après un résidu

acide aspartique. Une nouvelle nomenclature proposée par Alnemri et al. (1996) les regroupe

désormais sous le nom de caspases (cysteine aspartate-specific proteases). L’ICE, qui fut

chronologiquement la première identifiée, a donc été tout naturellement rebaptisée caspase-1.

A ce jour, 14 caspases ont été identifiées.

C. elegans Vertébrés

CED-9

CED-4

CED-3

Bcl-2

APAF-1

Caspases

EGL-1 Bik/BakInhibiteurs des régulateurs

Protéases

AdaptateursRégulateurs

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Différentes classifications de ces protéases ont été proposées en fonction du critère de

comparaison (Figure 14):

(1) L’analyse phylogénétique des caspases a permis de définir trois sous familles: les

famille de la caspase-1 (les caspases-1, 4, 5, 11), la famille de la caspase-2 (les caspases-2, 9)

et la famille de la caspases-3 (les caspases-3, 6, 7, 8, 10) (Alnemri et al., 1996).

(2) En revanche, sur la base de leur spécificité de substrat, les caspases ont pu être

classées différemment en trois sous groupes: le groupe I dont le substrat préférentiel est

[W/L]EHD, le groupe II et le groupe III (Figure 14). Alors que les protéases du groupe II

exigent un résidu aspartate à la fois en position -1 et en -4 du site de clivage protéolytique

(DXXD), les protéases du groupe III sont plus tolérantes vis à vis du résidu aminoacide en

position –4 (XE[I/T/H/V]D) (Thornberry et al., 1997).

(3) La troisième classification proposée tient compte de la fonction des différentes

caspases. Deux grands groupes ont été ainsi définis: les caspases impliquées dans

l’inflammation, responsables de l’activation de cytokines et les caspases apoptogènes

activées au cours de la transduction d’un signal de mort. Se distinguant par leur temps

d'implication dans la voie de signalisation de l'apoptose, ces dernières ont été classées en

deux sous-groupes: les caspases initiatrices, activées au cours la phase d'initiation de

l'apoptose (caspases-2, 8, 9, 10) et les caspases effectrices, activées en cascade par des

caspases initiatrices et impliquées dans la phase de dégradation de l'apoptose (caspases-3, 6,

7) (Alnemri, 1999).

Figure 14: Les différentes classifications des caspases

45

111

3768

10

92

Caspase Groupe

IIII

IIIIIIIIIIIII

IIIII

Substrat préférentiel

(W/L)EHD-X/YVAD-X(W/L)EHD-X

? WEHD-X

DEVD-XDEVD-X

VEHD-X/VEID-NLETD-X

IEXD-X/LEXD-X

LEHD-XVDVAD-X/DEHD-X

Activation de cytokines

Caspasesinitiatrices

Caspaseseffectrices

Famille de la caspase-1

Famille de la caspase-3

Famille de la caspase-2

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3-2-Les descriptions structurales

Toutes les caspases sont synthétisées sous forme de pro-enzymes inactives. Elles

présentent une séquence peptidique conservée, comprenant un prodomaine N-terminal de

longueur variable, un domaine qui deviendra après clivage la grande sous-unité (de 17 à 21

kDa), nommée p20, et un domaine C-terminal qui constituera la petite sous-unité (de 10 à 14

kDa), nommée p10 (Figure 15).

Les prodomaines sont variables à la fois dans leur taille et dans leur séquence. Ainsi les

caspases-3, 6, 7 ont un prodomaine court (contenant moins de 29 résidus acides aminés) alors

que les caspases-1, 2, 4, 5, 8, 9, 10, 11 ont un prodomaine long (contenant au moins 103

résidus acides aminés, et jusqu’à 200 résidus pour les caspases-8, 10). Les segments N-

terminaux des caspases-8 et 10 contiennent des domaines effecteurs de mort (DED, death

effector domain), alors que les caspases-1, 2 4 et 9 possèdent un domaine de recrutement des

caspases (ou caspase recruitment domain: CARD). Ces différents domaines (DED et CARD)

sont impliquées dans le processus d’activation des caspases par des interactions protéines-

protéines (Chapitre III-3-3-).

Epissage alternatif des caspases-10 et 2

Pour résumer, le masse moléculaire de chacun des précurseurs dépend essentiellement

de la longueur du prodomaine. Toutefois, plusieurs isoformes de tailles distinctes des

caspases-2 et 10 ont été mises en évidence. Ces isoformes résultent d’un épissage alternatif de

l’ARNm. Ainsi, 4 isoformes ont pu être isolées pour la caspase-10 (nommées 10-a, 10-b, 10-c

et 10-d) (Fernandes-Alnemri et al., 1996; Vincenz et Dixit, 1997; Ng et al., 1999). Les

premières isoformes découvertes, 10-a (53 kDa) et 10-b (59 kDa), diffèrent d’un fragment

peptidique (6 kDa) contenu dans la grande sous-unité et de la composition de leur sous-unité

p10. La caspase-10-c (30 kDa) est une protéine tronquée, constituée essentiellement du

prodomaine. Bien qu’elle ne présente pas d’activité protéolytique in vitro, elle est toutefois

capable d’induire l’apoptose in vivo. Enfin la caspase-10-d (59 kDa) est un hybride des

caspases-10-a et 10-b puisqu’elle comporte la sous-unité p10 de la forme 10-a et la sous-unité

p20 de la forme 10-b. Alors que les 4 isoformes de la caspase-10 sont apoptogènes, la

caspase-2, présente sous deux isoformes 2L (48 kDa) et 2S (34 kDa), est capable de réguler

positivement (2L) et négativement (2S) l’apoptose (Wang L. et al., 1994).

Etant donné l’hétérogénéité et les fonctions variables des caspases, j’ai choisi, pour des

raisons de clarté et d’adéquation à mon travail de recherche, de ne traiter par la suite que les

caspases apoptogènes, les caspases initiatrices et effectrices.

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3-3-Les mécanismes d’activation des caspases

La conversion de la caspase de l’état de zymogène en un enzyme mature nécessite au

moins deux clivages protéolytiques limités au niveau des résidus acides aspartiques, flanquant

chacun la grande sous-unité. Les éléments protéiques de l’enzyme ainsi libérés vont pouvoir

s’assembler de sorte à former un hétérodimère actif de structure générale (p10/p20)2, dont le

domaine catalytique contient la séquence consensus QACXG (Gln-Ala-Cys-X-Gly) (Walker

et al., 1994) (Figure 15).

Figure 15: Mécanisme général d’activation des caspases par protéolyse

Les caspases, protéolysées sur le versant COOH d’un résidu aspartate, ont la

caractéristique de cliver leur substrat également après un aspartate. Ceci leur confère ainsi la

capacité de s’autoactiver et/ou d’être activée par d’autres caspases. Il peut donc y avoir une

cascade d’activation entre les différentes caspases. Une fois les caspases initiatrices activées

(mécanisme d’autoactivation), elles vont pouvoir cliver d’autres caspases encore à l’état de

zymogène, notamment les caspases effectrices (mécanisme d’hétéroactivation).

3-3-1-L’autoactivation des caspases initiatrices

L'autoactivation des caspases initiatrices implique l’oligomérisation des zymogènes,

sous le contrôle de protéines adaptatrices. Ces molécules adaptatrices couplent les

procaspases aux senseurs apoptotiques, tels que les récepteurs de mort ou la mitochondrie. Il

en résulte une concentration locale élevée en proenzymes permettant la protéolyse inter- et

intra-moléculaire.

Prodomaine p20 p10 Procaspase

Caspase matureet active

domaine catalytique

Clivages protéolytiques

QACXG

QACXG

QACXG

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L’activation des procaspases-2, 8, 10

L’activation des caspases 2, 8 et 10 résulte de la stimulation de récepteurs

membranaires de mort. En réponse à un ligand, le récepteur se trimérise et recrute des

protéines adaptatrices par son domaine de mort DD (figure 16).

La procaspase-8 (Kischkel et al., 1995) ou la procaspase-10 (Kischkel et al., 2001)

oligomérisent par l'intervention de la protéine adaptatrice FADD (Fas protein with DD) au

niveau de leur domaine DED. FADD, par son domaine DD, peut être directement couplé au

récepteur Fas (Chinnaiyan et al., 1995) ou indirectement au TNF-R1 par l’intermédiaire de

TRADD (TNF-R Associated protein with DD) (Hsu et al., 1995) (Figure 16). Le complexe,

ainsi constitué du récepteur, de FADD et de la procaspase, est nommé DISC (death-inducing

signaling domains DED complex).

Le recrutement de la caspase-2 au récepteur se fait par l’interaction séquentielle de

TRADD, sur le domaine CARD de la caspase (Hsu et al., 1995) avec d’autres protéines, sur

les domaines DD, la sérine/thréonine kinase RIP (Receptor Interacting Protein) (Stanger et

al., 1995) et la protéine RAIDD (RIP-Associated ICH-1/CED-3-homologous protein with

DD) (Duan et dixit, 1997) (Figure 16).

Figure 16: L’autoactivation des caspases initiatrices 2, 8 et 10

DD: domaine de mort DED: domaine effecteur de mortCARD: domaine de recrutement des caspasesDISC: complexe de mort (récepteur, FADD, procaspase-8 ou 10)

procaspase-8 ou -10

Fas

FADD

TNF-R1

TRADDFADD

TNF-R1

DISC

procaspase-2

RAIDD

RIPTRADD

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L’activation de la procaspase-9

Le mécanisme de maturation de la caspase-9 est comparable à celui des caspases

initiatrices 2, 8 et 10. Son activation dépend de la formation d’un complexe multiprotéique,

nommé apoptosome (Li P. et al., 1997), constitué du cytochrome c libéré de la mitochondrie,

de l’homologue humain de CED-4 (Zou et al., 1997): APAF-1 (Apoptotic Protease-

Activating Factor-1), d’ATP et de la procaspase-9 (Zou et al., 1999) (Figure 17).

Dans ce complexe, APAF-1 joue le rôle de protéine adaptatrice. Il possède en effet une

région de liaison CARD, impliquée directement dans le recrutement de la procaspase-9 (Li P.

et al., 1997). Lorsque les cellules sont quiescentes, APAF-1, est séquestré à la surface de la

mitochondrie (Zou et al., 1997) dans une conformation tridimensionnelle inactive. Dans un

contexte apoptotique, le cytochrome c et l’ATP lient APAF-1, induisant un changement

conformationnel permettent de démasquer alors la région CARD: la procaspase-9 est ainsi

recrutée.

Figure 17: La formation de l’apoptosome et l’activation de la caspase-9

3-3-2-La transactivation des caspases effectrices

Les caspases-3, 6 et 7, regroupées sous le nom de caspases effectrices, ne peuvent être

activées par un mécanisme d’autoactivation. En effet, ces protéases disposent d’un

ATP Remaniement conformationnel

Cytochrome cAPAF-1

Mitochondrie

CARD

CARD

CARDATP

ATP

ATP CARD

ATPCARD

CARDCARDCARD

Procaspase-9

Oligomérisation

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prodomaine court incapable d’initier leur oligomérisation et leur activation. Ainsi leur clivage

protéolytique est pris en charge par d’autres caspases, généralement des caspases initiatrices.

Des études, menées sur des extraits cellulaires (Srinivasula et al., 1996; Muzio et al., 1997)

ou sur des cellules de levures transfectées (Kang et al., 1999), ont en effet démontré que les

caspases initiatrices sont capables d’activer efficacement les caspases effectrices. Dans ces

systèmes, l’activation protéolytiques des procaspases 3 et 7 par l’action directe des caspases-8

et 10 a été mise en évidence (Nagata, 1997; Stennicke et al., 1998; Kang et al., 1999). De

même, la caspase-9 est capable d’induire l’activation des procaspases-3 et 7 (Li P. et al.,

1997; Srinivasula et al., 1998). Alors que le clivage des procaspases-3 et 7 peut résulter de

l’action directe des caspases-8, 9 et 10, des expériences in vitro montrent que la procaspase-6

est clivée uniquement par les caspases-3 et 7 (Srinivasula et al., 1998; Slee et al., 1999).

Ainsi, les caspases-8, 9, 10 sont décrites comme les protéases gouvernant l’activation

séquentielle des caspases effectrices dans l’apoptose médiée par les récepteurs ou par la

mitochondrie. Ce type d’activation en cascade permettrait la régulation et l’amplification du

signal apoptotique.

Toutefois, des études in vitro démontrent que les caspases effectrices peuvent également

cliver des caspases initiatrices. Par exemple, la caspase-3 est douée d’une activité

protéolytique vis-à-vis de la procaspase-8 (Stennicke et al., 1998) et des procaspases-2 et 9

(Slee et al., 1999). La caspase-6 active est également capable de protéolyser les caspases

initiatrices-8 et 10 (Slee et al l, 1999). Ces différents travaux suggèrent l’existence d’une

boucle de rétrocontrôle in vivo.

3-4-Les mécanismes de contrôle de l’activation des caspases

Etant donné les effets dévastateurs que pourrait avoir une activation inopportune des

caspases, il n’est pas surprenant que ces acteurs moléculaires de l’apoptose soient étroitement

modulés. En effet, leur activation protéolytique et leur activité enzymatique sont finement

régulées. Leur localisation dans certains compartiments subcellulaires représenterait

également un mode de régulation de ces protéases.

3-4-1- La régulation par phosphorylation

De nombreuses études ont rapporté que l’apoptose pouvait être régulée par des protéines

kinases et des protéines phosphatases (Anderson, 1997). Des études in vitro suggèrent que les

caspases sont des phosphoprotéines. Par exemple, un marquage métabolique de cellules au

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32P, suivi d’un stimulus apoptotique, a révélé que plusieurs caspases étaient radiomarquées et

que leur phosphorylation inhibait leur activité enzymatique (Martins et al., 1998).

Une autre étude indique que la protéine kinase Akt, activée par des facteurs de

croissance, peut phosphoryler spécifiquement la caspase-9, inhibant ainsi son clivage

protéolytique dépendant du cytochrome c et son activité enzymatique (Cardone et al., 1998).

3-4-2-La régulation redox des caspases

La génération de ROS est susceptible d’affecter directement l’activité enzymatique des

caspases, protéases contenant une cystéine dans leur site actif. Ces dernières requièrent en

effet la présence du groupement thiol réduit pour leur fonction protéolytique (Nobel et al.,

1997; Hampton et al., 1998). La régulation négative des caspases par les ROS a été suggérée.

Par exemple, l’activité enzymatique des caspases, mesurée dans les lysats de cellules Jurkat T

traitées avec Fas-L, est inhibée par l’addition directe de peroxyde d’hydrogène (Hampton et

Orrenius, 1997). Par la suite, cette équipe a également montré, dans les neutrophiles activés

par un ester de phorbol, que l’activité enzymatique de caspases n’est détectée que lors d’une

inhibition de la NADPH-oxydase: la baisse de la production de ROS potentialise ainsi

l’activité protéolytique des caspases (Fadeel et al., 1998). Mais les ROS sont décrits comme

des inducteurs de l’apoptose. Des études de cinétiques d’induction de l’apoptose par le

peroxyde d’hydrogène ont montré en réalité que l’activation de caspases est observable

quelques heures après la génération de ROS (Hampton et Orrenius, 1997). Alors que les

espèces radicalaires inhibent directement l’activité des caspases, elles induisent des

altérations de la mitochondrie, dont l’ouverture des pores de transition de perméabilité. Il en

résulte une libération du cytochrome c, l’activation de la caspase-9 et des caspases effectrices

(Kluck et al., 1997; Stridh et al., 1998).

L'activité des caspases semble également être régulée par une S-nitrosylation

réversible du groupement thiol du site actif. Il a été en effet montré in vitro que la fixation du

monoxyde d’azote (NO) abolit aussi bien l’activation protéolytique (Li J. et al., 1999) que

l’activité enzymatique des caspases (Li J. et al., 1997). Ainsi, NO, présentant également un

rôle pro-apoptotique (Kolb, 2001), peut réguler l’apoptose de certains types cellulaires, tels

que les lymphocytes, les neutrophiles ou les hépatocytes, en inhibant directement les

caspases.

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3-4-3-La localisation subcellulaire des caspases

Longtemps, les procaspases ont été décrites comme des protéines uniquement

cytosoliques. Des études récentes ont montré que certaines caspases sont également présentes

dans la mitochondrie. En effet, les zymogènes des caspases-2 et 9 (Susin et al., 1999a), de la

caspase-3 (Mancini et al., 1998) et de la caspase-8 (Qin et al., 2001) ont pu être localisés dans

l’espace intermembranaire mitochondrial. Ce n’est qu’en présence d’un signal apoptotique

qu’ils sont libérés dans le cytoplasme où ils sont alors clivés en caspases actives. D’autre part,

les caspases semblent également pouvoir migrer du cytoplasme vers le noyau. En effet, la

présence de la caspase-9 active dans le noyau de neurones et de cardiomyocytes (Susin et al.,

1999) a été démontrée. La localisation nucléaire transitoire de la caspase-3 a également été

mise en évidence (Krajewska et al., 1997). Enfin, la découverte d’un signal de localisation

nucléaire dans le prodomaine de la caspase-2 (Colussi et al., 1998) est un autre argument pour

proposer un rôle fonctionnel des caspases au niveau du noyau.

Ainsi, la séquestration des procaspases dans des compartiments cellulaires (la

mitochondrie ou le cytoplasme) semble constituer un mode de régulation de ces protéases, en

limitant leur activation et en les maintenant à distance de leurs substrats dans les cellules en

vie.

3-4-4-Les inhibiteurs de caspases

L’étape de recrutement des caspases initiatrices aux récepteurs de mort peut être régulée

par une protéine nommée FLIP (FLICE (caspase-8) Inhibitory Protein), identifiée initialement

chez le virus de l’herpès et le virus molluscipox. FLIP contient deux domaines effecteurs de

mort (DED) qui lui permet de lier la protéine adaptatrice FADD et/ou les caspases 8 et 10

(Thome et al., 1997), les rendant ainsi inaccessibles lors de la mise en place du complexe

moléculaire apoptotique sous-membranaire (DISC) (Droin et al., 2001).

La grande famille des protéines homologues à Bcl-2 joue un rôle majeur dans la

régulation de l’apoptose en contrôlant la libération du cytochrome c de la mitochondrie et

l’activation séquentielle de la caspase-9 et des caspases effectrices (chapitre III-4). La

libération du cytochrome c n’apparaît pas comme suffisante pour induire l’activation de la

caspase-9 et des caspases effectrices. En effet, des protéines appartenant à la famille des IAPs

(Inhibitor of Apoptosis Proteins) maintiennent la caspase-9 et les caspases effectrices (3, 7)

inactives, selon un mécanisme d’inhibition compétitive (Deveraux et Reed, 1999). Cette

inhibition est levée par une protéine mitochondriale smac, alors libérée dans le cytosol au

cours du processus apoptotique (Du C. et al., 2000).

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Les caspases peuvent également être inhibées, de façon plus ou moins spécifique, par

des inhibiteurs peptidiques synthétiques (Garcia-Calvo et al., 1998), développés dans

l’optique d’élucider leur rôle au cours du processus apoptotique. Ces peptides, constitués

généralement de 4 résidus d’acides aminés dont l’aspartate en position P1, miment le site de

clivage des substrats naturels des caspases (Figure 14). Ils sont rendus perméables aux

cellules par des groupements chimiques bloquant les fonctions NH2 et COOH terminales,

comme par exemple les groupements benzyloxycarbonyl (z) ou acétyl (Ac) pour la fonction

NH2 et les groupements aldéhyde (CHO) ou fluorométhylcétone (fmk) pour la fonction

COOH. La structure générale des ces inhibiteurs peptidiques peut être ainsi décrite: z/Ac-

XXXD-CHO/fmk (X définissant un résidu d’acide aminé). Les dérivés aldéhydiques sont des

inhibiteurs réversibles (XXXD-CHO), tandis que les composés méthylcétones (XXXD-fmk),

qui réagissent avec la cystéine du site actif des caspases, sont des inhibiteurs irréversibles.

Initialement synthétisés pour des études in vitro, de rares études rapportent l’utilisation

des ces dérivés peptidiques chez l’animal. Par exemple, l’injection intraveineuse de

l’aspartate modifié z-D-fmk (dérivé néanmoins non spécifique d’une caspase) prévient

l’apoptose dans le foie de rats induite par une ischémie/reperfusion (Cursio et al., 1999). Le

challenge actuel est de développer des inhibiteurs non-peptidiques hautement spécifiques

d’une caspase ciblée, en vue d’une possible utilisation à visée thérapeutique. L’identification

récente de dérivés de la nitroisatine, inhibiteurs sélectifs des caspases-3 et-7 (Lee et al.,

2000), ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques.

3-5- Les substrats protéolysés par les caspases

Le rôle fondamental des caspases est d’éteindre les systèmes de protection cellulaire

en inactivant des protéines impliquées dans le maintien de l’intégrité cellulaire ou la

résistance à l’apoptose, et d’activer des protéines qui participent à la destruction cellulaire.

L’action des caspases sur leurs différents substrats induit l’isolement des cellules

apoptotiques des cellules environnantes, des perturbations du cytosquelette, des altérations de

la réplication et de la réparation de l’ADN, la fragmentation nucléaire et enfin la

désintégration générale de la cellule. C’est en ce sens que les caspases, notamment les

caspases effectrices, sont considérées comme les acteurs moléculaires principaux de la phase

de dégradation au cours du processus apoptotique.

Un grand nombre de protéines substrats de protéolyse par des caspases, autres que les

procaspases, ont été identifiées. Les protéines cibles, clivées après un résidu Asp, regroupent

des protéines impliquées dans la dégradation et la réparation de l’ADN ou dans certaines

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cascades de signalisation, des protéines cytoplasmiques, nucléaires, ou encore des protéines

des membres de la familles du protooncogène Bcl-2. A titre d’exemple, le clivage de la

protéine ICAD, Inhibiteur de CAD (Caspase-Activated Desoxyribonuclease) induit une perte

d’inhibition de la nucléase CAD menant à la fragmentation de l’ADN nucléaire (Enari et al.,

1998). La dégradation de l'ADN est un phénomène associé à une baisse de la réparation de

l'ADN. Par exemple, le clivage de la protéine PARP (poly(ADP-ribose) polymerase) conduit

à une perte de l’activité de cet enzyme à réparer l’ADN (Lazebnik et al., 1994). Les caspases

clivent également les protéines de la lamina nucléaire, telles que la lamine A (Takahashi et

al., 1996), contribuant à la condensation chromatidienne observée lors du phénomène

apoptotique. Des protéines du cytosquelette, telles que l’actine (Mashima et al., 1997) ou des

protéines impliquées dans le remodelage du cytosquelette, comme Gas-2 (Brancolini et al.,

1995), sont également clivées, menant à la déstructuration et au réarrangement du

cytosquelette et au bourgeonnement de la membrane plasmique. Certaines protéines kinases

sont également clivées par les caspases (PKCδ: Emoto et al., 1995; MEKK-1: Cardone et al.,

1997), produisant des formes tronquées constitutivement actives. Il semblerait que ces kinases

activent en cascade la voie SAPK/JNK (Cardone et al., 1997; Lee et al., 1997), menant à la

phosphorylation de facteurs de transcription, comme c-jun, et régulant la transcription de

gènes. Des protéines anti-apoptotiques de la famille des Bcl-2 sont également clivées. Cette

protéolyse permet d’abolir leurs propriétés protectrices et de produire également des

fragments capables d’induire l’apoptose (Bcl-2: Cheng et al., 1997) alors que le clivage de

certains membres pro-apoptotiques potentialise leurs effets (Bid: Li H. et al., 1998)

Il faut noter aussi que certains substrats ne sont pas clivés dans tous les types

cellulaires. L’actine, par exemple, clivée dans les neurones ou les thymocytes (Villa et al.,

1998) ou la lignée cellulaire U937 (Mashima et al., 1997), n’est pas dégradée dans d’autres

types cellulaires, telles que les péricytes (Shojaee et al., 1999), ou de nombreuses lignées

cellulaires tumorales (Rice et al., 1998). Cette hétérogénéité pourrait refléter des variations

dans l’accessibilité du substrat par les caspases.

3-6-L’apoptose caspase-indépendante

L’implication des caspases dans le processus apoptotique est bien établie. Certaines

études, menées notamment au sein du groupe de G. Kroemer, ont montré cependant que

l’apoptose peut être induite sans la participation de caspases. Ce type d’apoptose semble être

contrôlé par un facteur protéique libéré de la mitochondrie: AIF (Apoptosis Inducing Factor)

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(Susin et al., 1996; Susin et al., 1999b; Daugas et al., 2000). AIF est une protéine homologue

à la ferredoxine bactérienne ou aux NADH-oxydoréductases, mais qui présente également

une activité protéasique (Susin et al., 1996). Au cours du processus apoptotique, AIF, localisé

dans l’espace intermembranaire de la mitochondrie, est relargué dans le cytoplasme puis

transloqué dans le noyau, où il est capable d’induire à lui seul la condensation de la

chromatine nucléaire et générer des fragments d’ADN (Susin et al., 1999b; Daugas et al.,

2000).

4- La famille de Bcl-2

Les protéines de la famille de Bcl-2 sont les principales actrices de la régulation du

processus apoptotique. Bcl-2 a été la première protéine homologue de CED-9 décrite chez les

mammifères (Vaux et al., 1988). La translocation t(14, 18) retrouvée dans les lymphomes

folliculaires de type B a conduit à l’identification du proto-oncogène Bcl-2 (B cell

lymphoma) chez l’Homme (Tsujimoto et al 1984). Depuis sa mise en évidence, Bcl-2 s’est

révélée faire partie d’une famille sans cesse croissante de protéines régulatrices de l’apoptose.

Si on se réfère à leur fonction biologique, les protéines de la famille de Bcl-2 peuvent être

classées en deux sous-familles: des protéines anti-apoptotiques, telles que Bcl-2 (Hockenbery

et al., 1990), Bcl-XL (Boise et al., 1993), Bcl-W (Gibson et al., 1996) et des protéines pro-

apoptotiques, telles que Bax (Oltvai et al., 1993), Bcl-XS (Boise et al., 1993), Bad (Yang et

al., 1995), Bid (Wang et al., 1996).

Tous les membres de la famille de Bcl-2, à l’exception de Bad et Bid, sont des

protéines membranaires, présentes principalement dans la membrane externe mitochondriale

mais également dans le réticulum endoplasmique ou la membrane nucléaire externe (Nguyen

et al., 1993; Akao et al., 1994). A l’inverse, Bad et Bid sont des protéines cytosoliques dont la

translocation vers la mitochondrie et l’insertion dans la membrane mitochondriale s’effectue

au cours du processus apoptotique (Del Peso et al., 1997; Li H. et al., 1998; Wang et al.,

1999).

4-1-Le rôle des protéines de la famille de Bcl-2

Le mécanisme prédominant par lequel les membres de la famille Bcl-2 régulent

l’apoptose semble être le contrôle de la formation de l’apoptosome (cytochrome c/APAF-

1/caspase-9), en modulant la fuite mitochondriale du cytochrome c. En effet, alors que Bcl-2

(Kluck et al., 1997) ou Bcl-XL (Vander Heiden et al., 1997) inhibent l’apoptose en bloquant

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directement la sortie du cytochrome c, la surexpression ou l’activation de Bax dans des

cellules (Pastorino et al., 1998) conduit à la libération du cytochrome c.

Deux mécanismes de régulation de la libération du cytochrome c par les protéines de

la famille de Bcl-2 ont été proposés. Ces protéines contrôleraient l’ouverture des mégapores

mitochondriaux en se liant avec une protéine constitutive de ce complexe: l’ANT (Adenosine

Nucleotide Translocator) (Marzo et al., 1998a), induisant ainsi la transition de la perméabilité

mitochondriale, l’effondrement de ∆Ψm et menant à la rupture de la membrane externe

mitochondriale (Figure 18). Mais la formation de grands canaux à cytochrome c est

également proposée. L’équipe de Martinou a démontré récemment la capacité de Bax à

polymériser (Antonsson et al., 2000) et à s’insérer dans la membrane mitochondriale pour

former des grands canaux permettant le passage de cytochrome c (Antonsson et al., 2001),

sans gonflement osmotique ni rupture physique de la membrane (Martinou et al., 1999)

(Figure18).

Divers travaux démontrent par ailleurs que les protéines anti-apoptotiques Bcl-2 sont

également impliquées dans le maintien de l’intégrité mitochondriale. En effet Bcl-2, ou ses

Bax (ou bax-like protéine)

ANT (Adenosine Nucleotide Translocator)

VDAC (voltage-dependant anion channel)

cytochrome C

Matrice

Membrane interne

Membraneexterne

Eau/solutésBcl-2/Bcl-XL

A ) Rupture de la membraneexterne mitochondriale

B ) Formation d’un grand canal

Molécules < 1.5 kDa

∆Ψm

Mégapore

Figure 18 : La sortie du cytochrome c mitochondrial: deux mécanismes proposés

Crêtes

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homologues, est capable de bloquer la génération de ROS (Kane et al.,1993), de stabiliser le

potentiel transmembranaire en régulant le flux de protons (Vander Heiden et al., 1999), ou

encore de moduler l’homéostasie du calcium mitochondrial (Zhu et al., 1999). Le blocage de

la sortie du cytochrome c par les protéines anti-apoptotiques peut être décrit comme la

conséquence indirecte de leurs effets protecteurs sur l’homéostasie mitochondriale. En effet,

Bcl-2 préviendrait la fuite du cytochrome c en compensant le déséquilibre ionique,

probablement à l’origine de la baisse de ∆Ψm, de l’ouverture des mégapores et de la rupture

de la membrane externe mitochondriale. Il semble en fait que les protéines anti-apoptotiques

régulent plus la physiologie mitochondriale que la simple redistribution du cytochrome c.

4-2-La régulation de la fonction des protéines de la famille de Bcl-2

Une des caractéristiques importantes des protéines de la famille de Bcl-2 est de

pouvoir former des homo- ou des hétérodimères. Il semble en fait que l’équilibre entre la vie

ou la mort soit influencé par le type et la proportion de dimères anti ou pro-apoptotiques

(Oltvai et al., 1993). Ainsi, la formation majoritaire de dimères anti-apoptotiques préserve la

vie cellulaire, alors que la présence accrue de dimères pro-apoptotiques conduit vers la mort

cellulaire. La proportion de chaque type de dimères dépend de l'expression de ces protéines,

de leur niveau de phosphorylation ou encore de clivages protéolytiques.

Le niveau d'expression de ces protéines est modulable. Dans certains modèles

cellulaires, les membres pro-apoptotiques, dont la transcription reste silencieuse dans les

cellules saines, sont transcrits en réponse à un signal de mort. Par exemple, la stimulation de

la transcription du gène Bax est sous le contrôle de la protéine p53 (Miyashita et Reed, 1995),

une protéine qui régule le cycle cellulaire lorsque l’ADN est endommagé.

L’exemple le plus caractéristique de la régulation par phosphorylation est celui de la

protéine Bad. Sa localisation subcellulaire et sa translocation du cytosol vers la mitochondrie

sont sous le contrôle d’enzymes de phosphorylation activées en présence de facteurs de

survie, comme les protéines kinases Akt (Del Peso et al., 1997) ou Raf-1 (Wang H.G. et al.,

1994) et d’une phosphatase, la calcineurine (Wang et al., 1999), activée au cours du

processus apoptotique. A l’état phosphorylé, Bad est séquestré dans le cytosol en se liant avec

une protéine soluble nommée 14-3-3, alors que la déphosphorylation de Bad permet sa

translocation vers la mitochondrie et la formation de dimères pro-apoptotiques. Bcl-2 est

également une phosphoprotéine. La phosphorylation de Bcl-2 potentialise sa fonction anti-

apoptotique sans affecter sa localisation subcellulaire (la mitochondrie). Bcl-2 peut être

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phosphorylée par différents acteurs enzymatiques, comme la PKCα (Ruvolo et al., 1998). Le

taux de phosphorylation de cette protéine est cependant modulé par la protéine phosphatase

2A (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), enzyme activée par les céramides, orientant ainsi la cellule

vers la mort.

Alors que l’adressage mitochondrial de Bad est sous le contrôle de l’état de

phosphorylation, la translocation de Bid du cytosol vers la mitochondrie résulte d’un clivage

protéolytique par la caspase-8 (Li H. et al., 1998). Les membres anti-apoptotiques de la

famille de Bcl-2 peuvent également subir des clivages protéolytiques par des caspases, qui

aboutissent à la génération de fragments C-terminaux pro-apoptotiques (Bcl-2: Cheng et al.,

1997).

5- Le stress oxydant Le stress oxydant, résultant d’un déséquilibre entre la production de radicaux libres

dérivés de l’oxygène (ROS) et leur destruction par les défenses antioxydantes, est décrit

aujourd’hui comme un mécanisme impliqué dans la réponse apoptotique (revues voir:

Chandra et al., 2000; Andrieu-Abadie et al., 2001).

Une faible concentration de H2O2 exogène, une espèce oxydante dérivée des ROS

(Hampton et Orrenius, 1997; Goldkorn et al., 1998) ou des peroxydes lipidiques (Sandstrom

et al., 1994) sont en effet capables de provoquer l’apoptose de cellules en culture. Par ailleurs,

de nombreux inducteurs de l’apoptose, comme le TNF-α (Liu et al., 1998), peuvent altérer les

défenses antioxydantes, par exemple le GSH. D’autres inducteurs, tels que les céramides

exogènes (Quillet-Mary et al., 1997), des drogues cytotoxiques comme la daunorubicine

(Mansat-de Mas et al., 1999) ou encore le glucose (Kaneto et al., 1996) peuvent entraîner la

formation de radicaux libres. De plus, de nombreux antioxydants cellulaires, comme la N-

acétyl-L-cystéine (Liu et al., 1998), et des enzymes antioxydantes, comme la glutathion

peroxydase (Nomura et al., 1999), la catalase (Sandstrom et Buttke, 1993) ou la superoxyde

dismutase (Patel, 1998) sont capables de prévenir l’apoptose.

5-1-La formation des espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) dans

l’apoptose

Les ROS peuvent être produits dans la cellule par différentes voies, la principale source

étant la réduction d’une molécule d’O2 en radical anion superoxyde (O2-.). L’O2

-. peut être

formé dans certains organites cellulaires, comme les mitochondries lors d’un

dysfonctionnement de la chaîne respiratoire (Kane et al., 1993). La rupture de la chaîne

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respiratoire mitochondriale induit la fuite d’électrons au niveau de deux sites principaux, le

complexe I et le complexe III (Fernandez-Checa et al., 1998). Les électrons libérés sont alors

capables de réduire l’oxygène pour générer l’O2-.. Divers travaux ont montré une production

de ROS au niveau mitochondrial dans les cellules apoptotiques. Par exemple, le traitement de

cellules avec le TNF-α augmente la production de ROS par la mitochondrie (Schulze-Osthoff

et al., 1992), alors que la surexpression de la superoxyde dismutase à manganèse, enzyme

antioxydante mitochondriale, inhibe l’effet toxique du TNF-α (Wong et Goeddel, 1988). Bien

que les mécanismes moléculaires exacts mis en jeu dans le dysfonctionnement du transfert

d’électrons restent mal définis, la formation de ROS pourrait notamment résulter de la

libération du cytochrome c (Ghafourifar et al., 1999), constituant essentiel du complexe III de

la chaîne respiratoire. La perte du cytochrome c du complexe III bloque en effet le transfert

d’électrons, ceux-ci s’échappent et réduisent l’oxygène. La libération mitochondriale de

cytochrome c, observée dans de nombreux modèles apoptotiques en réponse à différents

agents de mort, s’accompagnerait donc d’une production parallèle de ROS. D’ailleurs, la

protéine Bcl-2, protéine capable de bloquer la fuite du cytochrome c, inhibe également la

génération de ROS (Kane et al., 1993; Cai et Jones, 1998).

Bien que la mitochondrie soit considérée comme le producteur essentiel de ROS, la

génération du radical anion superoxyde l’O2-. peut également dépendre de certaines activités

enzymatiques. La réduction de l’oxygène en O2-. semble surtout catalysée par des NAD(P)H

oxydases membranaires, présentes dans certains types cellulaires, dont l’endothélium

microvasculaire rétinien (Ellis et al., 1998). Une fois formé, le radical O2-. peut se dismuter

spontanément ou par l’action de superoxyde dismutase, aboutissant à la formation de

peroxyde d’oxygène (H2O2). La génération de O2-. par des NAD(P)H oxydases, a été

rapportée au cours de l’apoptose. La déprivation en facteurs de croissance (Tammariello et

al., 2000), le ligand de Fas (Khwaja et Tatton, 1999), ou encore diverses drogues

anticancéreuses (Sizimu et al., 1998) induisent en effet une formation accrue de ROS en

activant des NAD(P)H oxydases. Celles-ci semblent être sous le contrôle de caspases (Simizu

et al., 1998; Khwaja et Tatton, 1999). L’inhibition de ces NAD(P)H oxydases prévient la

libération de cytochrome c et l’activation des caspases effectrices, suggérant un effet des ROS

générés sur l’intégrité mitochondriale. Il a d’ailleurs été montré que le peroxyde d’hydrogène

(exogène) est capable d’induire l’activation de la caspase-9 (via le cytochrome c) et des

caspases effectrices (Yamakawa et al., 2000). Mais d’autres enzymes, comme

l’hypoxanthine:xanthine oxydase (Frank et al., 1998), les NO synthases (Binder et al., 1999;

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Ghafourifar et al., 1999) ou les lipoxygénases (O'Donnell et al., 1995), peuvent également

être responsables de la formation de ROS au cours du processus apoptotique.

5-2-La modification des défenses antioxydantes dans l’apoptose

En plus d’une production de radicaux libres excédant les capacités de défenses

antioxydantes, l’induction d’un stress oxydant peut également résulter d’une baisse des

antioxydants cellulaires. Des études font état, par exemple, d’une diminution de glutathion

(GSH) dans différents modèles apoptotiques soumis à Fas (Van den Dobbelsteen et al.,

1996), au ΤΝF-α (Liu et al., 1998), à des drogues comme la puromycine (Ghibelli et al.,

1998) ou du glucose (Li W. et al., 1998). L’altération des défenses antioxydantes

enzymatiques a également été rapportée au cours de l’apoptose. Par exemple, dans les

cellules-β de pancréas en apoptose après traitement au TGF-β, la formation accrue de ROS

résulte d’une baisse de l’expression et de l’activité des enzymes GPX et SOD (Islam et al.,

1997).

Par contre, quelques études décrivent une augmentation des antioxydants cellulaires en

réponse à des stimuli de mort, suggérant que ces cellules sont capables de s’adapter et de se

défendre. Par exemple, la résistance à l’apoptose de cellules cancéreuses MCF-7 soumises au

TNF-α (Briehl et al., 1997) a été associée à une augmentation de l’expression de la SOD.

6- Les céramides Les céramides, lipides appartenant au groupe des sphingolipides, sont impliqués dans la

régulation de diverses réponses cellulaires, comme la prolifération, la différenciation et

l’apoptose (Perry et Hannun, 1998). Le mode d’action et la régulation de la production des

céramides ont été particulièrement investis au cours des dix dernières années, du fait d’un rôle

émergent des céramides comme effecteur moléculaire de l’apoptose. Plusieurs études ont

montré en effet une production de céramides intracellulaires dans les cellules apoptotiques,

précédant l’apparition des atteintes biochimiques et morphologiques de l’apoptose, suggérant

que les céramides puissent être impliqués dans la transduction du signal menant à la mort

cellulaire (Kolesnick et Krönke, 1998; Mathias et al., 1998).

6-1-Le métabolisme des sphingolipides

Les céramides occupent un rôle central dans le métabolisme des sphingolipides. Le

métabolisme des céramides débute par la biosynthèse de novo (Figure 19) initiée par une

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réaction de condensation de la sérine avec du palmitoyl-CoA, pour former la 3-

cétosphinganine, alors réduite en dihydrosphingosine. La céramide synthase

(dihydrocéramide synthase ou sphinganine N-acyl-transférase) catalyse l’acylation de la

dihydrosphingosine en dihydrocéramide. Les céramides, formés sous l’action d'une

désaturase (dihydrocéramide réductase), s'accumulent sur la face cytosolique du RE (Merrill

et Wang, 1992; Michel et Van Echten-Deckert, 1997) et servent de précurseur pour la

synthèse de sphingolipides complexes, comme les sphingomyélines et divers

glycosphingolipides (Figure 19), alors orientés dans différents compartiments subcellulaires.

De façon réciproque, le catabolisme de ces différents sphingolipides complexes s’opère

en étapes successives sous l’action de divers enzymes et peut mener à la formation de

céramides. Par exemple, les sphingomyélines peuvent être catabolisées par des

sphingomyélinases (SMases), des phospholipases C spécifiques des sphingomyélines, qui

hydrolysent la liaison phosphodiester pour libérer des céramides et de la phosphorylcholine

(Figure 19). Différentes isoformes de SMases ont été identifiées et se distinguent

essentiellement par leur pH optimum d’activité. Deux formes de sphingomyélinases acides

(A-SMase) (pH optimum est de 4.5-5.5) ont été identifiées: une forme sécrétée Zn2+-

dépendante (Spence et al., 1989; Schissel, et al., 1996) et une forme cellulaire Zn2+-

indépendante (Barnholz et al., 1966; Levade et al., 1986), localisée dans les compartiments

cellulaires acides, tels que les lysosomes ou les endosomes (Kanfer et al., 1966), mais

également dans les cavéoles de la membrane plasmique (microdomaines riches en SM) de

différents types cellulaires, comme les fibroblastes (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al.,

2000). Quatre formes de la sphingomyélinase neutre (N-SMase) (pH optimum d’activité

7.4) ont été identifiées: le premier enzyme décrit est Mg2+-dépendant (Rao et Spence, 1976)

et est associé à la membrane plasmique (Spence et al., 1982), le second est Mg2+-

indépendant et cytosolique (Okazaki et al., 1994), le troisième est Mg2+et DTT-dépendant et

nucléaire (Tamiya-Koizumi et al., 1989) et le quatrième est présent dans la chromatine et

l’enveloppe des noyaux (Alessenko et Chatterjee, 1995). Enfin, la forme alcaline de la

sphingomyélinase (pH optimum de 9) est un enzyme Mg2+ et Zn2+-indépendant, présent

dans la muqueuse intestinale et la bile (Nyberg et al., 1996).

Le catabolisme des céramides implique l’action de céramidases, produisant des acides

gras et de la sphingosine. Trois isoformes pH-dépendantes de céramidases ont été identifiées:

une céramidase acide, localisée dans les lysosomes (Sugita et al., 1972), une céramidase

neutre membranaire (Slife et al., 1989) localisée dans les cavéoles (Romiti et al., 2001) et

une forme neutre-alcaline (El Bawab et al., 1999) localisée dans la mitochondrie (El Bawab

et al., 2000). Dans la plupart des cas, la sphingosine est métabolisée en sphingosine 1-

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phosphate par une sphingosine kinase (Spiegel et al., 1996) (voie de la sphingosine 1-

phosphate, Figure 19). Les céramidases exercent une fonction importante dans la régulation

des niveaux endogènes de sphingosine et de sphingosine 1-phosphate. En effet, la voie

majoritaire de formation de sphingosine 1-P semble être la dégradation du céramide plutôt

que sa synthèse de novo (Michel et al., 1997).

Figure 19: Métabolisme des sphingolipides et formation des céramides dans l’apoptose.

(d’après Hannun et Luberto, 2000, Cell. Biology)

6-2- Les voies enzymatiques de formation des céramides dans l’apoptose

La formation des céramides au cours du processus apoptotique peut résulter de

l'activation de la biosynthèse de novo ou de l’hydrolyse de sphingomyélines (SM) par

diverses sphingomyélinases. L'activation de ces voies enzymatiques peut être modulée par

des stimuli physiologiques ou environnementaux (Figure 19).

Sérine + Palmitoyl-CoASérine palmitoyl

transferase3-Cétosphinganine

Sphinganine(dihydrosphingosine)

Acide gras-CoA

Dihydrocéramide

Désaturase

Céramide synthase

Céramide

Sphingomyéline

DAG

Sphingosine

Sphingosine 1-phosphate

Glucosylcéramide

GlycolipidesGangliosides (GD3)

Sphingosine 1-Pphosphatase

Sphingosine kinase

PtdCho

SM synthase

Choline-P

SMases

Céramidases

Céramide synthaseGlucosylcéramide synthaseCérébrosidases

biosynthèse de novo

cycle de la sphingomyéline voie des glycosphingolipides

NH

OH

CH2OH

O

CH3 (CH2)n

Stimuli de stress (drogues, radiations…)Acides gras libres

Stimuli physiologiques (TNFα, IL-1β, Fas-L...) +

+

voie de la sphingosine-1-phosphate

Lactosylcéramide

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L’induction de la synthèse de novo au cours du processus apoptotique a été observée

en réponse à des stimuli de stress, comme des drogues cytotoxiques, la daunorubicine, dans

des lymphocytes (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) ou les radiations ionisantes dans des

cellules de la peau (Farrell et al., 1998). Les acides gras libres, comme le palmitate,

précurseurs métaboliques, sont également capables d'induire l'apoptose de cellules

hématopoïétiques (Paumen et al., 1997) ou des cellules β du pancréas (Shimabukuro et al.,

1998a et b). Normalement dirigés dans la mitochondrie pour entrer dans le cycle de la β-

oxydation, les acides gras libres en excès sont en effet orientés vers la voie de biosynthèse de

novo des céramides, processus impliqué notamment dans la lipotoxicité de la cellule β

observée au cours du diabète (Unger et Orci, 2001).

Diverses études ont montré la participation de la voie des SMases (A-SMase

membranaire et N-SMases membranaires et nucléaires) dans la formation des céramides au

cours du processus apoptotique. L’implication de l'A-SMase dans la transduction du message

apoptotique semble dépendre du type cellulaire. Son rôle a été démontré dans des cellules

dépourvues en cet enzyme, comme des hépatocytes issus de souris dont les deux allèles du

gène sont inactivés (A-SMase-/-) (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001; Kirschnek et al., 2000)

ou des lymphocytes de patients atteints de la maladie de Niemann-Pick (Santana et al., 1996;

Kirschnek et al., 2000), alors que la A-SMase n’interviendrait pas dans les thymocytes ou

des cellules B et T activées (Santana et al., 1996; Lin et al., 2000). L’activation de l’A-

SMase semble également dépendre de la nature du stimulus (Lozano et al., 2001). Des

études ont montré son activation en réponse à Fas-ligand (Brenner et al., 1998; Kirschnek et

al., 2000; Lin et al., 2000) ou à des radiations ionisantes (Santana et al., 1996; Lozano et al.,

2001), mais resterait inactive en réponse à des drogues (Lozano et al., 2001). Toutefois,

certains travaux menés sur des lymphocytes A-SMase-/- avec les mêmes stimuli (anticorps

anti-Fas ou radiations ionisantes) remettent en question le rôle réel de l’A-SMase (Bezombes

et al., 2001).

L’implication de la N-SMase (forme membranaire notamment) dans l’apoptose semble

plus généralement reconnue. Elle a été décrite dans l’apoptose de divers modèles cellulaires,

en réponse à des stimuli aussi variés que des cytokines comme le TNF-α, Fas, l’interleukine-

1, une déprivation en facteurs de croissance (Mathias et al., 1998) ou encore des drogues

cytotoxiques (Bezombes et al., 2001).

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6-3-Les sites subcellulaires de la production de céramides pro-apoptotiques

Alors que les céramides synthétisés de novo s’accumulent sur la face cytosolique du

réticulum endoplasmique (Michel et Van Echenten-Deckert, 1997), la voie des

sphingomyélinases peut mener à la formation de céramides dans différents compartiments

subcellulaires.

La membrane plasmique

La membrane plasmique contient des microdomaines membranaires, associés à la

cavéoline (les cavéoles) ou non (les radeaux lipidiques). Ces microdomaines sont enrichis en

sphingolipides comme les sphingomyélines et les gangliosides, en cholestérol et en différents

constituants protéiques comme des récepteurs membranaires, tel que TNF-R, des protéines

particulières, comme les protéines à pied d’ancrage glycosyl-phosphatidylinositol (GPI) et

des protéines de signalisation, telle que la famille des src-tyrosine kinases (Brown et London,

2000). Des travaux récents suggèrent que ces structures sont impliquées dans la transduction

du message apoptotique (Ko et al., 1999; Zundel et al., 2000). Des activités

sphingomyélinases acide (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al., 2000) et neutre (Veldman et

al., 2001) ont été décrites au niveau de ces microdomaines et sont associées à une production

cavéolaire de céramides.

La formation des céramides sur le feuillet interne ou externe de la membrane semble

dépendre de la SMase impliquée. Dans ces microdomaines, la N-SMase, active à pH neutre,

fonctionnelle au niveau de la membrane plasmique (Hofmeister et al., 1997) et orientée du

coté cytosolique (Veldman et al., 2001) induit l'accumulation de céramides sur le feuillet

interne. Bien que la localisation membranaire de l'A-SMase et son activation (à pH acide)

restent mal définies à l'heure actuelle, son activation pourrait mener à l'accumulation de

céramides sur le feuillet externe de la membrane plasmique. Au niveau de ces

microdomaines, cet enzyme, actif à pH acide, pourrait être naturellement orienté vers la

lumière des cavéoles (espace extracellulaire) ou transloqué de la face interne vers la face

externe (Grassmé 2001) lors d'un stimulus apoptotique. L'acidification nécessaire, possible

par l'activation d'une ATPase (Mineo et Anderson, 1996), nécessiterait l'isolement transitoire

de la lumière de la cavéole du milieu extracellulaire par un phénomène d'internalisation.

Cette hypothèse est soutenue par des travaux qui montrent que, dans des thymocytes traités

avec le TNF-α ou l’IL-1, seule l’activation de la l’A-SMase requiert l’internalisation du

complexe récepteur-ligand (Hofmeister et al., 1997). Les céramides formés sous l'action

d'une A-SMase extracellulaire peuvent également s'accumuler et se compartimenter sur la

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surface externe de la membrane formant ainsi des radeaux lipidiques, permettant l'agrégation

de récepteurs membranaires et leur activation (Grassmé et al., 2001).

Les lysosomes

Depuis la découverte d’une activité A-SMase dans les lysosomes (Kanfer et al., 1966),

ces organites ont longtemps été considérés comme le seul site d’activation de l’A-SMase.

Bien que les céramides produits sous l’action de l’A-SMase semblent bien participer à la

transduction du message apoptotique, au moins dans certains types cellulaires comme les

lymphocytes (Santana et al., 1996) ou les hépathocytes (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001),

leur synthèse dans les lysosomes reste discutée. En effet, l’enrichissement des lysosomes en

céramides, qui résulte de l’endocytose de LDL hydrolysées par une SMase, n’affecte pas le

taux d’apoptose des lymphocytes (Ségui et al., 2000), montrant l’incapacité de ces céramides

à transmettre un message apoptotique. D’ailleurs, les céramides naturels à longue chaîne

formés dans les lysosomes de fibroblastes de patients atteints de la maladie de Farber

(déficience en céramidase acide) restent séquestrés dans ces compartiments acides (Chatelut

et al., 1998). Dans ces modèles montrant la participation de l’A-SMase, il serait alors

intéressant d'étudier la localisation subcellulaire de cet enzyme.

Le noyau

Le noyau, riche en sphingomyélines (Spangler et al., 1975) et pourvu d'une activité N-

SMase (Tamiya-Koizumi et al., 1989; Alessenko et Chatterjee, 1995), semble constituer un

nouveau site de formation de céramides dans des cellules apoptotiques. Par exemple,

l'hypoxie dans des hépatocytes de rat induit l'activation de cet enzyme, la production de

céramides nucléaires et l'apoptose (Tsugane et al., 1999). Mais les mécanismes d'action de

ces céramides nucléaires ne sont pas élucidés à ce jour.

La mitochondrie

Des travaux récents menés au sein du groupe de Hannun (Birbes et al., 2001) montrent

que la mitochondrie pourrait être un nouveau site d'accumulation de céramides pro-

apoptotiques. Ces observations ont été confortées par des données montrant que la

mitochondrie contient bien de la sphingomyéline et des enzymes du métabolisme des

sphingolipides, tels que des activités SMase et sphingomyéline synthase (données non

publiées du groupe Hannun) ainsi qu'une céramidase (El Bawab et al., 2000). Ces différents

travaux ouvrent de nouvelles perspectives quant aux mécanismes d'induction et de régulation

de la formation des céramides mitochondriaux.

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6-4- Les mécanismes de régulation des voies de synthèse des céramides dans l'apoptose : synthèse de novo et sphingomyélinases

6-4-1-La voie de biosynthèse de novo

La formation des céramides, issus de la voie de biosynthèse de novo est associée à

une augmentation soit de l'activité de la sérine-palmitoyl transférase (SPT) (catalysant la

première étape de synthèse) (Paumen et al., 1997; Farrell et al., 1998; Shimabukuro et al.,

1998a), soit celle de la céramide synthase (ou sphinganine acyl transférase) (catalysant

l’avant dernière étape) (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) (Figure 19). La mise en

évidence de l’activation de la céramide synthase dans le contexte apoptotique a été largement

facilitée par la découverte d’une toxine fongique qui inhibe spécifiquement cet enzyme: la

fumonisine B1 (Wang et al., 1991; Merrill et al., 1996). Le mécanisme d'activation de ces

deux enzymes est encore mal défini à l’heure actuelle. L'augmentation de l'activité

enzymatique résulte généralement d'une augmentation de la transcription et de la synthèse

protéique de ces enzymes, suggérant l'implication de facteurs de transcriptions comme p53

(Dbaibo et al., 1998).

6-4-2- La voie des sphingomyélinases

La régulation de l’activation des N-SMase et A-SMase, majoritairement observée

lors de la stimulation d’un récepteur de mort par son ligand, est sous le contrôle de facteurs

variés, qui semblent être spécifiques de la forme enzymatique impliquée.

La régulation par des protéines adaptatrices

Un modèle du récepteur au ΤΝF-α, développé par l’équipe de Krönke, a permis de

définir l’existence de deux domaines localisés dans la partie cytoplasmique du récepteur,

impliqués spécifiquement dans l’activation des SMases (Wiegmann et al., 1994).

L’activation de la A-SMase dépend d’une région C-terminale, nommée DD (death domain)

(Wiegmann et al., 1999). L’activation de la A-SMase dépend de la formation d’un complexe

protéique constitué des protéines adaptatrices FADD et TRADD (Wiegmann et al., 1999),

recrutées au niveau du domaine DD, et de caspase(s) initiatrice(s) (Brenner et al., 1998;

Schwandner et al., 1998), bien que l’implication des caspases initiatrices 8 et 10/b soit

controversée (Schwandner et al., 1998). L'activation de la N-SMase dépend d'une région

peptidique nommée NSD (Neutral Sphingomyelinase activation Domain). Au niveau de ce

domaine NSD est recrutée spécifiquement une protéine adaptatrice, nommée FAN (Factor

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Associated with N-sphingomyelinase), capable d’activer directement la N-SMase (Adam-

Klages et al., 1996).

La régulation par des lipides

Le diacylglycérol (DAG) a été le premier lipide décrit dans la régulation de la

production de céramides induite par des récepteurs de mort. Ce médiateur lipidique, résultant

de l’hydrolyse de phosphatidylcholines (PC) par une phospholipase C spécifique de PC (PC-

PLC) est en effet capable d’activer l’A-SMase (Kolesnick, 1987; Schütze et al., 1991;

Wiegmann et al., 1994; Liu et Anderson, 1995). L’exploration de la voie d’activation en

cascade de la PC-PLC et de la A-SMase a été facilitée par la découverte d’un dérivé de

xanthate, le D609, décrit comme un inhibiteur de la PC-PLC (Müller-Decker, 1989). Cette

activation séquentielle a été mise en évidence dans des cellules stimulées par Fas-L (Cifone

et al., 1995; Genestier et al., 1998), TNF-α (Schütze et al., 1992) ou l’interleukine-I (Liu et

Anderson, 1995) et semble prendre lieu dans les cavéoles (Liu et Anderson, 1995). Bien que

certains auteurs aient montré que la production de DAG dépend de l’activation de caspases

initiatrices (Genestier et al., 1998), le mécanisme exact de couplage du récepteur à la PC-

PLC n’est pas élucidé.

L’acide arachidonique (AA), libéeé sous l'action de la phospholipase A2 cytosolique

(cPLA2), est également un régulateur de l’hydrolyse des sphingomyélines en activant la N-

SMase (Jayadev et al., 1997). La production d’AA est clairement liée à l’activation des

récepteurs transmembranaires. Toutefois le mécanisme de couplage de la cPLA2 à la N-

SMase reste à élucider.

La régulation par le glutathion

Des études récentes ont mis en évidence l’importance du statut redox de la cellule

dans la régulation de la production de céramides au cours de l’apoptose. La N-SMase semble

être l’enzyme de formation des céramides régulé par le stress oxydant. Des travaux menés au

sein du groupe de Hannun ont montré, in vitro (Liu et Hannun, 1997) et dans un système

cellulaire (Liu et al., 1998), la régulation négative de la N-SMase par le glutathion réduit. La

baisse de glutathion réduit intracellulaire, observée notamment en réponse au TNF-α (Liu et

al., 1998) ou Fas (Van den Dobbelsteen et al., 1996), induit ainsi la formation de céramides

sous l'action de la N-SMase. Cet effet du glutathion est spécifique de la N-SMase et n'est pas

observé pour l'A-SMase (Liu et Hannun, 1997). Cet enzyme semble, de façon plus générale,

sensible à un environnement oxydant. En effet, l’activation de la N-SMase est également

observée lors de l’addition directe de H2O2 (Goldkorn et al., 1998; Singh et al., 1998) ou d'un

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traitement des cellules avec des agents prooxydants, tels que la daunorubicine (Mansat-de

Mas et al., 1999) ou l’aminotriazole (Singh et al., 1998). De ces différents travaux menés

dans des cellules, il est toutefois difficile de conclure si les ROS activent directement la N-

SMase ou s’ils agissent indirectement en diminuant la réserve de glutathion réduit.

La régulation par les protéines kinase C

Dans certains modèles cellulaires, les PKC semblent réguler négativement la N-

SMase (Chmura et al., 1996 et 1997; Mansat et al., 1997), modulant ainsi la réponse

apoptotique. Le rôle des PKC a été montré par l’utilisation d’esters de phorbol et de

phosphatidylsérine, suggérant plutôt l’implication de PKC classiques (α, β, γ) et/ou

nouvelles (δ, ε, η, θ, µ) que de PKC atypiques (ζ, λ, ι) (Mansat et al., 1997), ces dernières

étant dépourvues en site de liaison pour les DAG ou les esters de phorbol.

6-5-Les cascades de signalisation activées par les céramides et leurs

conséquences sur l’apoptose

D'une manière générale, les céramides peuvent induire l’apoptose selon deux grands

mécanismes indépendants. Ils peuvent propager un signal de mort en régulant la transcription

de produits de gènes, via la cascade des kinases du facteur de transcription c-jun, ou par un

mécanisme qui met en jeu la mitochondrie (Figure 20). Ces voies de signalisations peuvent

être gouvernées par l'activation de cibles enzymatiques directes des céramides, comme la

CAPK (Ceramide Activated Protein Kinase) (Mathias et al., 1991) ou les CAPP (Ceramide

Activated Protein Phosphatase), dont la PP2A (Protein Phosphatase 2A) (Dobrowsky et al.,

1993). Mais les céramides semblent également pouvoir induire l’apoptose en étant

métabolisés en sphingosine (SP) par une céramidase (Figure 19). Ce sphingolipide est en

effet capable d’orienter la cellule vers l’apoptose en activant, par exemple, la voie des JNKs

(c-JUN-Terminal Kinases) nommée aussi SAPKs (Stress-Activated Protein Kinases) ou en

inhibant la voie mitogénique des MAPK (Mitogen Activated-Protein Kinase) (Pyne, 2001).

6-5-1-Les céramides et la voie des c-JUN-terminal kinases (JNKs)

Des travaux ont montré que l’apoptose céramide-dépendante peut être médiée par la

voie des kinases JNKs (Verheij et al., 1996; Xia et al., 1995) (Figure 20). Bien que la

cascade de signalisation apoptotique intégrant la voie SAPKs/JNKs reste à ce jour mal

définie, son implication conduit à l’activation de certains facteurs de transcription, tels que c-

jun (Sawai et al., 1995). C-jun semble également pouvoir être activé par phosphorylation

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sous l’action directe d’une CAPP, activée par les céramides (Reyes et al, 1996) (Figure 20).

Dans le contexte apoptotique, les cibles de c-jun semblent être diverses, bien qu’encore mal

définies à l’heure actuelle. Par exemple, dans les cellules T, c-jun, activé en réponse à la

génération intracellulaire de céramides, induit la réponse apoptotique par une régulation

transcriptionnelle de l’ARN messager, tels que ceux pour le ligand de Fas ou le TNF-α (Herr

et al., 1997), qui sont alors adressés à la membrane plasmique, interagissent avec leur

récepteur et amplifient la réponse apoptotique.

6-5-2-Les céramides et la mitochondrie

Au cours du processus apoptotique, l'accumulation intracellulaire de céramides est

souvent associée à une altération mitochondriale, caractérisée par une transition de

perméabilité membranaire (MPT), la génération de ROS et la diffusion libre de facteurs

apoptotiques (caspases, cytochrome c, Apoptosis Initiating Factor ou AIF…). En effet,

divers travaux rapportent que Bcl-2, acteur anti-apoptotique mitochondrial, est un inhibiteur

efficace de l’apoptose induite par les céramides, en prévenant la MPT, la libération du

cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Zhang et al., 1996; Dbaibo et al., 1997).

Les céramides accumulés dans un compartiment subcellulaire distinct de la

mitochondrie semblent induire l’apoptose en activant des facteurs intermédiaires

cytoplasmiques. En effet, l’induction de la MPT par le TNF-α dans des cellules entières est

reproduite dans des mitochondries isolées, incubées avec la fraction cytoplasmique de

cellules traitées par les céramides (Castedo et al., 1996). Un des intermédiaires identifié est

la protéine pro-apoptotique Bad. Des travaux ont montré que les céramides, formés dans les

cavéoles, peuvent activer indirectement la protéine Bad, en inactivant la kinase Akt (Zundel

et Giaccia, 1998; Zundel et al., 2000) sous l’action de la phosphatase CAPP (Salinas et al.,

2000) (Figure 20). La protéine Bad déphosphorylée migre vers la mitochondrie.

Des travaux suggèrent que les céramides peuvent également avoir une action directe

sur les mitochondries (Figure 20). En effet, une accumulation de céramides mitochondriaux a

été observée dans des hépatocytes traités avec le TNF-α (Garcia-Ruiz et al., 1997). Par

ailleurs, les céramides, issus de sphingomyélines de la membrane mitochondriale, peuvent

induire le relargage du cytochrome c (Birbes et al., 2001). Les céramides mitochondriaux

pourraient initier le signal de mort en régulant l'activité des protéines de la famille des Bcl-2.

En effet, les céramides inhibent l’effet anti-apoptotique de Bcl-2 en activant une phosphatase

mitochondriale (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), et en inhibant parallèlement la phosphorylation

de Bcl-2 par la PKCα (Lee et al., 1996; Ruvolo et al., 1998). Mais l'accumulation de

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céramides dans la mitochondrie pourrait également induire un découplage de la chaîne

respiratoire menant à la formation de ROS (Garcia-Ruiz et al., 1997). En effet, les céramides

sont capables d'interagir directement avec des mitochondries isolées et de générer des ROS

(Garcia-Ruiz et al., 1997). Ils semblent agir au niveau du complexe III (Quillet-Mary et al.,

1997) et/ou du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale (Di Paola et al., 2000).

Figure 20: Conséquences de la production des céramides sur l’apoptose

Indépendamment d'un effet direct sur les mitochondries, les céramides, précurseurs de

la synthèse de glycosphingolipides (Figure 19), peuvent également mener à l'accumulation

rapide d’un ganglioside, le GD3 (De Maria et al., 1997), dont le rôle pro-apoptotique a été

défini récemment (De Maria et al., 1997; Garcia-Ruiz et al., 2000; Rippo et al., 2000). Des

études conduites sur des mitochondries isolées ou des cellules entières ont montré en effet

que le GD3, capable de s'accumuler dans la mitochondrie (Rippo et al., 2000), induit, comme

les céramides, la surproduction de ROS par le complexe III de la chaîne respiratoire, la MPT,

le relargage du cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Garcia-Ruiz et al., 2000)

(Figure 20).

6-6- La régulation des niveaux endogènes de céramides: l’équilibre

survie/mort cellulaire

Les niveaux intracellulaires de céramides résultent d’un équilibre dynamique entre leur

formation et leur métabolisme par divers enzymes: les céramidases couplées à la sphingosine

kinase, la glucosylcéramide synthase et la SM synthase. La régulation de ces enzymes a pour

conséquence directe de moduler les niveaux intracellulaires de céramides, mais également de

générer des lipides mitogéniques (Figure 21).

Apoptose

Mitochondrie Caspases effectrices

Cytochrome C

Céramidesmembranes:-plasmiques-mitochondriales- ...

GD3Céramides

Gangliosides (GD3)

ROS

Synthèse des glycosphingolipides

e-

e- Chaîne respiratoire mitochondriale

Famille de Bcl-2

CA

PP /

CA

PK

C-junJNKs

CAPP

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6-6-1-La voie de la sphingosine-1-phosphate

Les céramides peuvent être catabolisés en sphingosine (par une céramidase) puis en

sphingosine-1-phosphate (par une sphingosine kinase) (Figure 21). L’équilibre entre les taux

intracellulaires de céramides et de sphingosine-1-phosphate joue un rôle de rhéostat dans la

détermination du devenir cellulaire. En effet, la voie de la sphingosine-1-phosphate

représente un modulateur puissant des effets délétères des céramides, en convertissant les

céramides (médiateur apoptotique) en sphingosine-1-phosphate (médiateur mitogénique)

(Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999). La sphingosine-1-phosphate

exerce un effet mitogénique en agissant soit par l’intermédiaire de récepteurs membranaires,

nommés GPCR (G protein coupled receptor) selon un mode autocrine (Pynes, 2001), soit au

niveau intracellulaire en activant notamment la voie de signalisation des MAPK (Coroneos et

al., 1995; Cuvillier et al., 1996; Augé et al., 1998). Mais la sphingosine-1-phosphate contre

également l’effet apoptogène des céramides en inhibant la libération mitochondriale de

cytochrome c et de smac (Cuvillier et Levade, 2001) et l’activation consécutive des caspases

effectrices (Cuvillier et al., 1998).

L’activation de cette voie métabolique a été observée en réponse à des facteurs de

croissance, comme le PDGF (Coreneos, et al., 1995), aux LDL oxydées (Augé et al., 1998 et

1999) ou encore à des cytokines, telles que IL-1 (Franzen et al., 2001) ou le TNF-α (Xia et

Sphingosine Sphingosine-1-phosphateCéramidase SK

Céramide

Sphingomyéline

Glucosylcéramide GCS Lactosylcéramide LCS

DAG: diacylglycérolGCS: glucosylcéramide synthaseLCS: lactosylcéramide synthaseSK: sphingosine kinaseSMases: sphingomyélinases

Sphingomyélinesynthase DAG

Sphingomyéline

Palmitoyl CoA+ sérine

SMases

Synthèsede novo

Prolifération

Apoptose

Figure 21: Modulation des niveaux endogènes des céramides: la balance survie/mort cellulaire

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al., 1999). L’activation séquentielle de céramidase et de sphingosine kinase est généralement

associée à celle de SMases (Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999;

Franzen et al., 2001) afin de fournir le substrat céramides. Le couplage de ces différentes

activités enzymatiques suggère par ailleurs la colocalisation des enzymes dans un même

compartiment subcellulaire. D’ailleurs, une activité céramidase neutre a été mise en évidence

dans les cavéoles (Romiti et al., 2001), compartiments également pourvus en N-SMase

(Veldman et al., 2001) et la mitochondrie possède une céramidase neutre-alcaline

mitochondriale (El Bawab et al., 2000) et une activité SMase (données non publiées du

groupe Hannun).

La régulation de ces enzymes semble consister essentiellement en des modifications

post-traductionnelles, bien qu’une activation de la synthèse protéique de la céramidase neutre

ait été montrée en réponse à l’IL-1 (Franzen et al., 2001). Les deux enzymes de la voie de la

sphingosine-1-phosphate peuvent être régulées par phosphorylation/déphosphorylation sous

le contrôle d’une PKC (Cuvillier et al., 1996). La sphingosine kinase peut également être

régulée par une interaction directe avec TRAF-2 (TNF receptor-associated factor-2) (Xia et

al., 2002). Une variation de pH intracellulaire, pourrait constituer un mode de régulation des

activités céramidases. Par exemple, la céramidase neutre-alcaline mitochondriale pourrait

être activée en réponse à des facteurs de croissance (induisant une alcalinisation du

cytoplasme). Inversement, il a été montré récemment que cette céramidase possède une

activité céramidase réverse, capable de générer du céramide à partir de la sphingosine (El

Bawab et al., 2001). Cette activité, détectée in vitro à pH acide, pourrait potentiellement être

stimulée au cours de l’apoptose, phénomène au cours duquel une acidification du cytoplasme

est observée, et mener ainsi à l’accumulation de céramides mitochondriaux.

6-6-2-La sphingomyéline synthase

Les céramides peuvent également être reconvertis en sphingomyélines sous l’action

d’une sphingomyéline synthase (Ullman et Radin, 1974). Cette réaction s’accompagne de la

formation de DAG, un puissant agent mitogénique. La sphingomyéline synthase possède la

caractéristique unique de réguler directement les niveaux intracellulaires de deux messagers

lipidiques, les céramides et les DAG, dont les effets sont antagonistes sur le devenir de la

cellule (Luberto et Hannun, 1998). Cet enzyme est vraisemblablement impliqué dans la

régénération de la sphingomyéline après l’activation du cycle sphingomyéline/céramide au

cours du processus apoptotique (Obeid et al., 1993). Cependant, quelques travaux suggèrent

une régulation de l’activité de la sphingomyéline synthase dans la modulation directe des

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niveaux endogènes des céramides pro-apoptotiques et de leur fonction biologique. Par

exemple, dans une lignée cellulaire cancéreuse Kim-1 traitée avec le TNF-α, l’accumulation

des céramides intracellulaires résulte de l’activation de la N-SMase associée à l’inhibition de

la sphingomyéline synthase (Bourteele et al., 1998). Inversement, l’effet mitogénique du

bFGF (basic fibroblast growth factor) dans des astrocytes a été associé à l’activation de la

sphingomyéline synthase, métabolisant les céramides synthétisés par la voie de novo en

sphingomyélines et en DAG (Riboni et al., 2001). Les mécanismes de régulation de la

sphingomyéline synthase restent à ce jour indéfinis, bien qu’il semble s’agir d’une régulation

post-traductionnelle plutôt que transcriptionnelle (Riboni et al., 2001).

6-6-3-La glucosylcéramide synthase

Les céramides peuvent être glycosylés dans l’appareil de Golgi pour former

séquentiellement les glucosylcéramides (GlcCer) sous l’action de la glucosylcéramide

synthase puis les lactosylcéramides (LacCer) sous l’action de la lactosylcéramide synthase.

Des études récentes ont montré que la voie de conversion des céramides en GlcCer peut être

impliquée dans le contrôle de la réponse cellulaire. En effet, la régulation de la

glucosylcéramide synthase joue un rôle déterminant dans la modulation des niveaux

endogènes de céramides et l’orientation de la cellule vers l’apoptose ou la prolifération. Par

exemple, au cours du processus apoptotique, certaines études ont montré que l’accumulation

des céramides est potentialisée par une baisse parallèle de l’activité de la glucosylcéramide

synthase (Bourteele et al., 1998; Tepper et al., 2000), freinant ainsi sa conversion en GlcCer.

Inversement, l’activation de la glucosylcéramide synthase a été impliquée dans certains

mécanismes de protection contre l’apoptose, notamment dans la résistance aux drogues

cytotoxiques par la réponse MDR (multidrug resistance). En effet, la réponse MDR observée

dans certaines cellules cancéreuses a été associée à une augmentation de l’activité de la

glucosylcéramide synthase (Lucci et al., 1999) induisant la fuite du céramide pro-

apoptotique en GlcCer (Lavie et al., 1996; Lucci et al., 1998). L’implication de cette voie

dans la MDR a été confirmée par des expériences de transfection de l’ARN antisens de la

glucosylcéramide synthase. En effet, l’inhibition de l’expression de la glucosylcéramide

synthase restaure la sensibilité de cellules MCF-7 à l’adriamycine (Liu et al., 2000). Les

mécanismes de régulation de l’activité de la glucosylcéramide synthase dans la MDR, bien

que encore mal définis à l’heure actuelle, pourraient mettre en jeu une régulation

transcriptionnelle de la glucosylcéramide synthase par le céramide lui-même (Komori et al.,

2000).

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Outre la régulation directe du niveau endogène des céramides, cette voie métabolique

mène à la formation des GlcCer, lipide mitogénique. Initialement identifié dans la maladie de

Gaucher, caractérisée par une altération de l’activité glucosylcéramide glucosidase menant à

l’accumulation du GlcCer (Maret et al., 1985), le rôle mitogénique des GlcCer a été montré

depuis par diverses études. L’utilisation d’activateurs pharmacologiques de la

glucosylcéramide synthase, menant à une accumulation du GlcCer, a permit de suggérer que

ce glycolipide induit l’activation conséquente de PKC membranaire(s) et cytosolique(s)

(Shayman et al., 1991). Il a été montré par ailleurs, que le GlcCer, synthétisé en réponse à

des facteurs de croissance, comme IGF-1 (insulin-like growth factor-1), induit la

prolifération en activant des kinases dépendantes de cyclines du cycle cellulaire (Rani et al.,

1995). Le GlcCer pourrait également induire la prolifération cellulaire en servant de

précurseur pour la synthèse de LacCer, glycolipide capable d’activer une cascade de kinases

intégrant les enzymes Ras, Raf, p44MAPK et menant à l’expression de c-fos (Bhunia et al.,

1996).

Cependant, des études ont montré que certains glycosphingolipides, comme le GD3,

peuvent être impliqués dans le processus apoptotique (De Maria et al., 1997), montrant toute

la complexité de la régulation de la réponse apoptotique par la voie des glycosphingolipides

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