etude expérimentale du couplage ... - université de nantes

21
Etude expérimentale du couplage hydro-chimique dans les bétons en cours de maturation : incidence sur les retraits Experimental study of the hydro-chemical coupling inside maturing concretes : effect on various types of shrinkage Abdelhafid Khelidj 1 , Ahmed Loukili 2 et Guy Bastian 1 Laboratoire de Génie Civil de Nantes Saint-Nazaire (1) Institut Universitaire de Technologie, BP 420, 44606 Saint-Nazaire (2) Ecole Centrale de Nantes, BP 92101, 44321 Nantes cedex 03 Résumé : L’état des couches superficielles constituant l’enrobage d’une structure en béton conditionne sa résistance aux agressions de l’environnement. Cette résistance est liée directement au degré d’hydratation du béton, c’est à dire à la proportion des hydrates formés à partir du ciment et de l’eau de gâchage. Le séchage naturel d’une structure sitôt après décoffrage par exemple, entraîne une évaporation de l’eau libre et adsorbée et altère l’hydratation de ses couches les plus externes. Le gradient de l’hydratation qui en résulte a pu être mis en évidence au laboratoire par analyse thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur éprouvettes séchant dans une ambiance contrôlée (20 °C, 50 % d’humidité relative). Parallèlement à cette détermination, nous avons mesuré les effets que la réaction d’hydratation et/ou le séchage induisent : - la dépression capillaire (par mesure de l’humidité relative avec des sondes hygrothermiques à capteur capacitif introduites dans une éprouvette instrumentée au laboratoire ) - les retraits endogène et apparent (avec séchage). Des corrélations entre retrait de dessiccation et perte de masse d’une part et entre retrait endogène et humidité relative sont établies et discutées.

Upload: others

Post on 28-Nov-2021

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Etude expérimentale du couplage hydro-chimique dans lesbétons en cours de maturation : incidence sur les retraits

Experimental study of the hydro-chemical coupling insidematuring concretes : effect on various types of shrinkage

Abdelhafid Khelidj1, Ahmed Loukili2 et Guy Bastian1

Laboratoire de Génie Civil de Nantes Saint-Nazaire

(1) Institut Universitaire de Technologie, BP 420, 44606 Saint-Nazaire

(2) Ecole Centrale de Nantes, BP 92101, 44321 Nantes cedex 03

Résumé :

L’état des couches superficielles constituant l’enrobage d’une

structure en béton conditionne sa résistance aux agressions de

l’environnement. Cette résistance est liée directement au degré d’hydratation

du béton, c’est à dire à la proportion des hydrates formés à partir du ciment

et de l’eau de gâchage.

Le séchage naturel d’une structure sitôt après décoffrage par

exemple, entraîne une évaporation de l’eau libre et adsorbée et altère

l’hydratation de ses couches les plus externes. Le gradient de l’hydratation

qui en résulte a pu être mis en évidence au laboratoire par analyse

thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur éprouvettes séchant dans

une ambiance contrôlée (20 °C, 50 % d’humidité relative).

Parallèlement à cette détermination, nous avons mesuré les effets que

la réaction d’hydratation et/ou le séchage induisent :

- la dépression capillaire (par mesure de l’humidité relative avec des

sondes hygrothermiques à capteur capacitif introduites dans une éprouvette

instrumentée au laboratoire )

- les retraits endogène et apparent (avec séchage).

Des corrélations entre retrait de dessiccation et perte de masse d’une part et

entre retrait endogène et humidité relative sont établies et discutées.

Page 2: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Abstract

The concrete cover has to protect the reinforcement of structures and

therefore must stand to environmental damages. That resistance is clearly

linked to the hydration degree which characterizes the proportion of

hydrates produced from cement and mixing water.

Natural drying of a structure, when forms are stripped, leads to an

evaporation of free and adsorbed water and to the reduction of hydration in

external layers .

The resulting hydration gradient has been made obvious by means of

thermogravimetric analysis of samples taken from drying test bars.

At the same time the hydration and drying effects have been measured :

- evolution of air relative humidity inside the cavities reserved into the test

bars at various distances from their dried surface. Hygrothermal probes were

used for that purpose.

- evolution of autogenous and total shrinkages and consequently of drying

shrinkage.

Drying and autogenous shrinkages have been linked respectively to weight

loss and internal relative humidity. That last correlation can be justified

theoretically.

1 - INTRODUCTION

Contrairement aux apparences, un béton est un matériau qui est tout sauf

inerte. On parlera de matériau vieillissant [1], de maturité du béton [2]....

C’est lors de la prise que se produisent les évolutions les plus marquantes :

passage de l’état pâteux à l’état solide, dégagement de chaleur, etc. Les

évolutions ultérieures sont nettement moins brutales : durcissement, retraits,

etc., et s’étalent sur une durée beaucoup plus longue. Dans les travaux

effectués sur ce sujet [3], [4], [5], [6], les auteurs sont d’accord pour

affirmer l’importance de la teneur en eau et de sa distribution spatiale et

temporelle.

Page 3: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Au bout de plusieurs mois, la réaction d’hydratation du ciment au coeur

d’un gros bloc de béton n’est toujours pas achevée, alors que, en surface de

ce même bloc, lorsque celui-ci n’est pas protégé par un coffrage par

exemple, un séchage plus au moins intense va se développer par interaction

avec l’air ambiant. L’évaporation de l’eau libre présente dans les capillaires

va induire deux phénomènes majeurs :

- un retrait dû aux tensions capillaires [7] ;

- le ralentissement et l’arrêt de la réaction d’hydratation.

Le retrait ne sera donc plus le même en surface et au coeur. En surface, il

sera empêché du fait de la compatibilité des déformations ; cet

empêchement va générer des contraintes de traction qui peuvent elles-

mêmes provoquer des fissures en surface (fissuration de peau). Cette

fissuration se trouve facilitée par l’arrêt de l’hydratation : de ce fait, le béton

a une résistance à la traction plus faible dans cette zone. La modélisation de

telles évolutions ne peut se faire qu’avec des modèles couplés hydro-

chimico-mécaniques [8], [9] et [10]. Dans cette étude expérimentale, on

s'intéresse en définitive à la compétition qui va se dérouler entre

l’hydratation et le séchage du béton. Ces deux phénomènes antagonistes

sont générateurs de retraits et de gradient d’hydratation entre les surfaces

séchées et le coeur. Dans cette étude, le gradient d’hydratation est mis en

évidence par analyse thermogravimétrique d’échantillons prélevés sur

éprouvettes. Les retraits endogène et apparent sont mesurés ainsi que

l’humidité relative à l’intérieur du béton. Des corrélations entre retrait de

dessiccation et perte de masse d’une part, et entre retrait endogène et

humidité relative interne d’autre part, sont établies.

2. - ETUDE EXPERIMENTALE

2.1 - Matériau

Des considérations pratiques nous ont amené à choisir pour cette étude un

mortier de ciment dont la composition est donnée au tableau 1.

2.2 - Eprouvettes et conditions aux limites

Page 4: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Les dimensions des éprouvettes ont été choisies en fonction des paramètres

à mesurer. On a été amené à comparer systématiquement des éprouvettes

isolées hydriquement (Configuration A), séchées sur deux faces

(Configuration B) et séchées sur toute leur surface (Configuration C) (Figure

1). Après le coulage du mortier, toutes les éprouvettes sont conservées dans

une enceinte climatique à 100 % d’humidité relative et 20 °C pendant 48

heures. Après décoffrage, les éprouvettes de configuration A et B reçoivent

leur protection contre la dessiccation par application successive d’une

couche de résine, d'une feuille d’aluminium et enfin d’un papier

d’aluminium autocollant. Cette technique a montré son efficacité pour

empêcher l'évaporation d'eau [11] et [12]. Toutes les éprouvettes sont

disposées dans la salle d'essais dotée d'une climatisation assurant une

température de 20 ± 1 °C et une humidité relative de 50 ± 5 %.

2.3 - Analyse thermogravimétrique

Le principe de l’analyse thermogravimétrique (ATG) consiste à mesurer en

continu la perte de masse d'un échantillon de matériau pendant qu'il subit

une élévation de température. Pour les bétons, cette technique d’observation

permet de suivre les cinétiques d'hydratation et de carbonatation et, d'une

manière générale, de quantifier les masses des différents produits formés

lors de l'hydratation du ciment.

Le résultat brut d'un essai d'ATG donne la perte de masse de

l'échantillon en fonction de la température (courbe TG) (Figure 2). La

dérivée de cette courbe traduit la vitesse des réactions et permet d'identifier

les différents produits d'hydratation par des pics observés sur son graphe

(DTG) [13] et [14] :

- le premier pic (entre 100 et 200 °C) est attribué à la déshydratation des

CSH ;

- le second pic (entre 400 et 500 °C) est la conséquence de la

déshydroxylation de Ca(OH)2 ;

- le troisième pic (entre 600 et 800 °C) est du à la décarbonatation de

CaCO3 : Ca(OH)2 est carbonaté par le CO2.

Page 5: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Des essais préliminaires nous ont conduit à adopter une

méthodologie identique pour l'ensemble des essais d'ATG [15]:

- l'appareil d'ATG utilisé est le TGS 2 Perkin Elmer installé à l'Institut des

Matériaux de Nantes. Les essais ont lieu sous atmosphère d'argon dans une

gamme de températures allant de 20 à 1000 °C avec une vitesse constante de

montée en température de 20 K/min ;

- l'échantillon testé a une masse de l'ordre de 50 mg et ne subit pas de

broyage;

- après prélèvement, les échantillons sont immédiatement analysés afin

d'éviter au maximum la perte en eau ;

- aucun traitement (séchage, mouillage à l'acétone) n'est appliqué à

l'échantillon avant la réalisation de l'essai.

Pour l’analyse thermogravimétrique effectuée en configuration B, 12

éprouvettes prismatiques 6 × 12 × 20 cm ont été fabriquées puis démoulées

48 heures après coulage. Les quatre faces longitudinales sont tout de suite

enrobées afin de n'autoriser qu'un séchage uniaxial par les deux faces

extrêmes. Les éprouvettes sont ensuite placées dans une atmosphère

contrôlée à 20 °C et 50 % H.R.

Les échantillons qui sont soumis à l'ATG sont prélevés à 2, 5, 7, 12 et 29

jours après coulage. Pour les éprouvettes complètement isolées

hydriquement (configuration A), un seul prélèvement au cœur est effectué et

4 prélèvements (à 0, 2, 5 et 10 cm de la face séchée) pour les éprouvettes

subissant le séchage uniaxial (configuration B). La technique utilisée pour le

prélèvement des échantillons consiste à cisailler rapidement l'éprouvette à

l'endroit souhaité. Pour cela, l'éprouvette est placée entre deux couteaux en

acier traité coulissant dans un bâti placé sous une presse d'une portée

maximale de 40 tonnes. Les opérations sont menées très rapidement afin de

minimiser les échanges hydriques avec l'air ambiant. Une technique

consistant à scier les éprouvettes ne peut être employée car il y aurait

échauffement du matériau et donc risque d'évaporation d'eau.

2.4 - Mesure de l'humidité relative

Page 6: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Les mesures d'humidité relative sont effectuées sur une éprouvette

cylindrique de diamètre 9 cm et de hauteur 30 cm qui est placée dans un

local climatisé (20 °C et 50 % H.R) et dont les deux bases sont soumises au

séchage (configuration B). Des sondes thermohygrométriques, de diamètre

5 mm, sont enfoncées dans des réservations pratiquées au moment du

coulage à 1, 3, 5 et 15 cm de la face séchante (Fig.3) et fournissent la

température et l’humidité relative interne qui sont imposées par le mortier

dans les cavités durant tout l'essai. Les sondes thermohygrométriques qu’on

utilise [16], [17], [18], sont constituées de manière générale d’un capteur de

température (thermistance par exemple) et d’un capteur d’humidité relative

de l’air ; le plus souvent ce capteur est de type capacitif (marques VAISALA

ROTRONIC, etc...) ou à tension de vapeur, imbibé de chlorure de lithium

(marque NOVASINA). Les capteurs capacitifs présentent l’avantage de

répondre très rapidement et surtout de ne pas être détériorés par des

projections d’eau. Le capteur ROTRONIC utilisé dans cette étude semble

celui possédant les dimensions les plus réduites du marché. Les résultats

sont représentés sur les figures 4 et 5.

2.5 - Essais de retrait

Les mesures de retrait ont commencé 48 heures après le coulage du mortier

sur des éprouvettes cylindriques 9x30 cm. La technique utilisée est la

mesure de la distance entre deux plots noyés au centre des deux faces

opposées de l'éprouvette. Un capteur de déplacement de type LVDT

possédant une course de ± 0.25 mm est placé au sommet de l'éprouvette qui

repose sur une bille d'acier (fig. 6). L'acquisition des données est rapide au

début de l'essai (toutes les 15 minutes) puis plus lente par la suite (toutes les

2 heures). Il est aujourd’hui admis que le retrait axial apparent mesuré sur

une même éprouvette de béton est fortement influencé par le système de

mesure utilisé (plots en faces opposées, mesure sur trois génératrices par un

système d’anneaux loin des surfaces séchantes [1] [15], etc...) Les travaux

de Wittmann et al. [19] ont mis en évidence l'influence exercée par la

fissuration due au séchage sur le retrait observé expérimentalement. La

technique de mesure axiale du retrait que nous avons adoptée dans cette

Page 7: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

étude présente donc des inconvénients en configuration C (séchage par

toutes les faces de l'éprouvette) : les surfaces séchantes opposées ne

demeurent pas planes [20] ; ceci est dû principalement au fort gradient

d’humidité entre le cœur de l’éprouvette et les surfaces latérales séchantes.

Ne disposant pas pour cette étude des anneaux déjà cités [1] [15], nous

avons été amené à utiliser pour les trois configurations et malgré ses

inconvénients, le système de plots décrit plus haut. Les résultats des mesures

sont représentés sur la figure 7. Parallèlement aux essais de retrait, un suivi

de la perte de masse sur deux éprouvettes 9x30 cm en configurations B et C,

est effectuée sur deux éprouvettes 9x30 cm disposées à côté des précédentes

à l’aide d’une balance au centième de gramme.

3 - RESULTATS EXPERIMENTAUX - ANALYSE CRITIQUE

3.1 - Degré d'hydratation et gradient de degré d’hydratation

Rappelons tout d'abord la définition du degré d'hydratation utilisée [21] :

α (%) = Quantité d' eau liée au temps t

Quantité d' eau liée au temps t∞=

Wne( t )

Wne (t∞ )

Wne(t∞) : quantité d'eau nécessaire pour l'hydratation complète de chaque

composant du ciment. Elle est déterminée à partir de la composition

potentielle du ciment d'après Bogue [22] et Czernin [23] . Pour le cimentutilisé dans cette étude, Wne(t∞) est égale à 0,243.

Wne(t) est déterminée à partir de l'essai d'ATG : c’est la masse d’eau totale

∆mt (Fig. 2) perdue à 1000 °C, diminuée de l'eau libre disparue entre 20 et

145 °C et de l'eau résultant de la décarbonatation de la calcite dans le cas

des échantillons prélevés à la surface séchante. Une description détaillée des

procédures de calcul employée, est donnée en [15] et [24]. Les résultats sont

représentés sur les figures 8 et 9. Sur la figure 8 (a et b), on remarque que le

degré d'hydratation des échantillons prélevés sur la face séchée est

sensiblement le même pour tous les âges de prélèvement. Ceci témoigne

d'un arrêt précoce de l'hydratation à cet endroit . Le mortier étudié ici

Page 8: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

présente une porosité assez importante due à un rapport E/C de 0,45 ; cette

porosité facilite le déplacement du front de séchage. A l'âge de deux jours,

on constate un faible gradient d'hydratation entre la face séchante et le centre

de l'éprouvette. Ce gradient s'intensifie en fonction du temps. On assiste à

une compétition entre l'extraction de l'eau par séchage (évaporation vers

l'extérieur) et son attraction pour l'hydratation du ciment, ce qui se traduit

par une réduction du degré d’hydratation au voisinage de la surface. Ce

gradient d'hydratation crée une zone vulnérable étant donné que l'hydratation

de celle-ci n'est pas achevée, et notamment celle qui constitue la zone

l’enrobage, et qui doit protéger les aciers contre toute pénétration d'agentagressif (chlorures, CO2,...). Le décoffrage rapide des structures, dans un

climat favorisant un séchage rapide, pourra donc être préjudiciable pour la

durabilité de la structure.

3.2 - Corrélation entre retrait de dessiccation et perte de masse

Dans les configurations B et C, nous avons évalué le retrait de dessiccation

qui peut être défini comme la différence entre le retrait apparent et le retrait

endogène. La figure 10 représente le retrait de dessiccation en fonction de la

perte de masse (configurations B et C). On observe, pour la configuration C,

une succession dans le temps de trois évolutions sensiblement linéaires avec

des pentes différentes. La première évolution (entre 2 et 5 jours) peut être

attribuée au départ d'eau située sur la périphérie de l'éprouvette après

démoulage. La disparition de cette eau n'affecte que peu le retrait apparent.

Une deuxième pente plus raide caractérise l’évolution entre 5 et 50 jours.

On attribue à cette plage le départ d'eau des capillaires : il provoque une

dépression capillaire très grande et par conséquent le retrait est plus

important, certaines des fissures créées auparavant commençant à se

refermer. Dans la troisième partie de la courbe, on assiste à une perte de

masse sans retrait apparent, les différents auteurs expliquent ce phénomène

par une non refermeture complète des microfissures, Nous pouvons aussi

ajouter qu’il y’a apparition probable de microfissures supplémentaires en

surface dues à une relaxation des autocontraintes de dessiccation liées au

gradient hydrique entre la surface séchante et le cœur de l’éprouvette. Les

Page 9: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

microfissures ainsi formées s'opposent au retrait et facilitent le séchage par

l'augmentation de la surface spécifique ( Bazant et al. [25]). Cette partie de

la courbe n'est pas mise en évidence sur l'éprouvette en configuration B.

Ceci pourrait être attribué à la non apparition des fissures en surfaces

latérales à cause de l'uniformité radiale du séchage, celui-ci s’effectuant de

façon purement longitudinale puisque l'éprouvette est protégée de la

dessiccation sur toute sa surface latérale, et aussi à la lenteur du phénomène

de séchage pour ce type d’éprouvette (à 90 jours, la perte en masse pour

cette éprouvette n’est que de 0,5 %).

3.3 - Corrélation entre retrait endogène et humidité relative

Sur la figure 11, on présente le retrait endogène en fonction de l’humidité

relative au coeur de l’éprouvette. Nous remarquons que ce retrait apparaît

comme variant de façon sensiblement linéaire avec l’humidité relative dans

une plage allant de 88 à 98 %. La modélisation proposée en [9] et [26] pour

expliquer cette quasi-linéarité, est fondée sur un mécanisme de retrait par

dépression capillaire : au fur et à mesure de l’hydratation du ciment, l’eau

libre se vaporise dans l’espace créé par la contraction Le Chatelier; il y a

formation d’un ménisque séparant les phases liquide et vapeur. La

différence de pression entre phases est donnée par la loi de Kelvin :

Pc =−ρlRT

Mvln (h/100)

avec

ρl :masse volumique de l’eau (1000 kg/m3)

R :constante des gaz parfaits (8,32 J/mol. K)

Mv: masse molaire de l’eau (0,018 kg/mol.)

T : température (K)

h : humidité relative (%)

La mécanique des milieux poreux [27] appliquée au béton permet de

démontrer [26] que le retrait endogène εre s’exprime alors de la façon

suivante :

εre =ΦlρlRT

3Mv (1 − Φ)Ksln (h/100)

Page 10: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

avec :

Φ : porosité totale du béton, évaluée ici à 15 %

Φl : " porosité de la phase liquide " [16] (ou saturation en liquide),

fonction de l’humidité relative h (figure 12)

Ks : coefficient de compressibilité du squelette, calculé à partir du module

d’Young E et du coefficient de Poisson ν ,

Ks =E

3(1− 2ν)

(pour ce mortier , on a mesuré E = 40 GPa et ν = 0,24).

La linéarité de εre en fonction de h, souvent observée expérimentalement

[16], provient du fait que le produit Φl ln(h) est sensiblement fonction

linéaire de h sur une plage d’humidité relative allant de 50 % à 100 %

Nous avons obtenu expérimentalement l’isotherme Φl = f(h) par un essai de

désorption du matériau conduit à l'aide de solutions salines [6]. Les points

expérimentaux sont lissés par une fonction du typeΦl = (1 +(a ln(h))b)cutilisée par [9]. La courbe obtenue et les paramètres du

lissage sont donnés sur la figure 12.

Les courbes des retraits endogènes calculé et mesuré sont

représentées sur la figure 11. Nous remarquons que l’écart entre les deux

courbes va en croissant avec l’humidité relative. Cet écart peut être attribué

en particulier au fait que l'étendue de mesure des capteurs hygrothermiques

ne va guère au delà de 95 % d'humidité [28] (En figure 5, à la profondeur

d=15 cm une variation brutale de l’humidité, certainement accidentelle a été

enregistrée durant les sept premiers jours). Cet écart se réduit quand

l’humidité décroît, mais on assiste à nouveau à une divergence

expérimentation - modèle en dessous de 88 % d’humidité relative (à 60

jours). Ceci est attribuable à la stabilité du retrait, le modèle ne prévoit pas

cette stabilisation.

4 - CONCLUSION

Page 11: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

Dans cette étude expérimentale menée sur des éprouvettes de mortier

soumises ou non à séchage et suivies durant leurs trois premiers mois de

maturation, ont été effectuées les mesures locales suivantes : degré

d’hydratation et son gradient, humidité relative locale intérieure, ainsi que

les mesures globales suivantes : perte de masse, retraits endogène et total

dont on a déduit le retrait de dessiccation. Il a ainsi été mis en évidence la

présence d’un gradient d’hydratation résultant de la dessiccation ; le retrait

qu’entraîne cette dessiccation a été relié à la perte de masse : le résultat met

en évidence un comportement de structure de l’éprouvette au séchage par

l’apparition probable de microfissures sur la surface de l’éprouvette. Enfin,

il a été observé que la liaison entre retrait endogène et humidité relative était

relativement conforme aux prévisions théoriques récentes [26] qui sont

formulées sur la base de la mécanique des milieux poreux [8] dans une

plage d’humidité relative bien déterminé (ici 88 % à 100 %).

L’incidence de ces couplages est importante quant à la durabilité d’un béton

:

- insuffisance de l’hydratation concurrencée par le séchage ce qui

fragilise les couches externes ;

- effet de structure dû au gradient de retrait imposé par les gradients

d’hydratation et de séchage.

Les grandeurs pertinentes apparaissant ici sont le degré d’hydratation, son

gradient et l’humidité relative interne. Sur ces bases, une étude théorique

approfondie devrait permettre ultérieurement d’unifier des éléments

d’observation expérimentale tels que ceux présentés ici.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Bastian, G., Khelidj, A., Loukili, A., Younes, A., 'Etude expérimentale

de la compétition hydratation - dessiccation isothermes d'un béton', 2 ème

réunion annuelle de GEO, Aussois, Décembre 1995 (Aussois, 1995).

[2] Torrenti, J.M., ' Comportement mécanique du béton : Bilan de six

années de recherche', LCPC, Série ouvrages d'art OA23 (1996).

[3] Acker, P.,' Comportement mécanique du béton : apports de l'approche

physico-chimique', Rapport de recherche, LCPC, 152.(1988).

Page 12: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

[4] Bazant, Z.P., Kim, J.K., 'Consequences of diffusion theory for shrinkage

of concrete', Mater. Struct. 24 (143) (1991) 323-326.

[5] Bazant, Z.P., Najjar, L.J., 'Non linear water diffusion in non-saturated

concrete', Mater. Struct. 5 (25) (1972) 3-20.

[6] Baroghel-Bouny, V., ‘Caractérisation des pâtes de ciment et des bétons’,

Thèse de Doctorat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. (1994).

[7] Buil, M., ’Contribution à l'étude du retrait de la pâte de ciment

durcissante', Rapport de recherche LCPC, 92 (1979).

[8] Coussy, O., 'Mechanics of porous continua', (J. Wiley & Sons, 1994)

[9] Lassabatère, T., 'Approche thermo-poro-hydromécanique en milieu

poreux non saturé : Application au retrait de dessiccation du béton', Thèse

de Doctorat , Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (1994).

[10] Ulm, F.J., Coussy, O., ’Modelling of thermo-chemo-mechanical

couplings of concrete at early ages’, J. Engng Mech. ASCE 121 (7) (1995)

785-794.

[11] Attolou, A., Belloc, A., Torrenti, J. M., ‘Méthodologie pour une

nouvelle protection du béton vis-à-vis de la dessiccation’, Bulletin de

Liaison des Laboratoires des Ponts et chaussées, 164 (1989) 85-88.

[12] Toulemonde, F., Le Maou, F., ’Protection des éprouvettes de béton vis-

à-vis de la dessiccation. Le point sur quelques techniques de laboratoire’,

Bulletin de Liaison des Laboratoires des Ponts et chaussées, 203 (1996)

105-119.

[13] El-Jaizairi, B., Illston, J.M., ‘Simultaneous semi-isothermal method of

thermogravimetry and derivative thermogravimetry, and its application to

cement pastes' , Cement Conc. Res. 7 (3) (1977) 247-258.

[14] Fordham,, C. J., Smalley, I.J., ‘A simple thermogravimetric study of

hydrated cement' , Cement Conc. Res. 15 (1) (1985) 141-144.

[15] Loukili, A., 'Etude du retrait et du fluage des bétons à Ultra-Hautes

Performances`, Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Nantes, 1996.

[16] Aouaïssia - Abdallah, N., ‘Mesure dynamique des paramètres du

transfert isotherme d’humidité dans un mortier’, Thèse de Doctorat de

l’Université et de l’Ecole Centrale de Nantes, IUT de Saint-Nazaire, 1997.

Page 13: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

[17] Bastian, G., ‘Détermination de la conductivité massique d’humidité par

une méthode transitoire de type sonde cylindrique’, G.U.T.-S.F.T. Mesure

de l’humidité dans les matériaux, (Paris , 1984) 153-169.

[18] Bastian, G., ‘Fast measurement of the hygrothermal properties of

porous material under hygroscopic conditions’, Proceedings of Drying 89

(Hemisph. pub. Corp., New York, 1990) 143-148.

[19] Wittmann, F. H., 'Le séchage et le retrait de dessiccation du béton', XVe

Rencontres universitaires de Génie Civil, EC’97 (Strasbourg, 1997).

[20] Acker, P., Boulay, C., Rossi, P., ‘On the importance of initial stresses

in concrete and of the resulting mechanical effects’, Cement Conc. Res. 17

(1987) 764-788.

[21] Powers, T. C., Brownyard, TL., ‘Studies of the physical properties of

hardened portland cement of paste', Proceedings of ACI, 41 (1946).

[22] Bogue, R.H., 'La chimie du ciment Portland', (Eyrolles , 1952).

[23] Czernin, W., 'Cementkemi för Byggare', (Svesnka CementFöreningen,

1959).

[24] Loukili, A., Roux, N., Arlot, D., Feylessoufi, A., 'Effect of high

reduction in initial water content in cement based matrice', Fourth

International Symposium on Utilization of High-Strength/High-Performance

Concrete, Paris, May 1996 (Presses de l’ENPC, Paris, 1996) 1367-1373.

[25] Bazant, Z. P., Sener, S., Kim, J.K., `Effect of cracking on drying

permeability and diffusivity of concrete`, ACI M. J. 9 (10) (1986) 351-357.

[26] Granger, L., 'Comportement différé du béton dans les enceintes

nucléaires : Analyse et modélisation', Thèse de Doctorat, Ecole Nationale

des Ponts et Chaussées (1995).

[27] Coussy O., `Mécanique des milieux poreux`, (Technip, Paris ,1991).

[28] Asch, G. et al., 'Les capteurs en instrumentation industrielle`, (Bordas-

Dunod, Paris, 1983).

Remerciements

L’étude présentée ici a été effectuée dans le cadre du programme de

recherche GEO ; projet : couplages et durabilité (sous-projet : séchage et

autodessiccation des bétons) piloté par O. Coussy. Les auteurs expriment

Page 14: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

leurs remerciements pour l'aide financière de GEO qui leur a permis de

mener à bien cette recherche.

LISTE DES FIGURES

Figure 1 :

Conditions aux limites imposées aux éprouvettes étudiées

Figure 2 :

Analyse thermogravimétrique (courbes types TG et DTG)

Figure 3 :

Schéma du dispositif de mesure de l'humidité relative à l'intérieur de

l'éprouvette

Figure 4 :

Evolution de l'humidité relative interne à divers temps en fonction de la

distance d à la face séchée.

Figure 5 :

Evolution de l'humidité relative interne à diverses distances d de la face

séchée en fonction du temps.

Figure 6 :

Schéma du bâti de retrait

Figure 7 :

Retraits mesurés (éprouvettes en configurations A, B et C.)

Figure 8 (a et b) :

a - Evolution du degré d'hydratation en fonction de la distance à la face

séchée (configuration B).

Page 15: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

b - Gradient du degré d'hydratation en fonction de la distance à la face

séchée (configuration B)

Figure 9 :

Evolution du degré d'hydratation en condition endogène (configuration A)

Figure 10 :

Retrait de dessiccation en fonction de la perte de masse (configuration B et

C)

Figure 11 :

Comparaison des retraits endogènes (mesuré et calculé [26]) en fonction de

l'humidité relative

Figure 12:

Isotherme de désorption du mortier étudié.

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 :

Composition du mortier étudié

Constituant Ciment sable eau

Compositionrelative à une part

de ciment

1 2 0.45

Caractéristiques CPJ-CEMII/A

de classe 32.5

sable tamisé

à 2 mm

Page 16: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

air (θ = 20 °C , h = 50%)

Isolation hydrique (papier aluminium autocollant)

Mortier de ciment

a - Configuration A : Eprouvette isolée hydriquement

air (θ = 20 °C , h = 50%)

Isolation hydrique (papier aluminium autocollant)

Mortier de ciment

b - Configuration B : Eprouvette qui sèche par deux faces opposées (air à

température et humidité relative contrôlées )

air (θ = 20 °C , h = 50%)

Mortier de ciment

c - Configuration C : Eprouvette qui sèche par toute sa surface (air àtempérature et humidité relative contrôlées) sans isolation hydrique

Page 17: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

90

92

94

96

98

100

Per

te d

e m

asse

(%)

0

DTG

TG

DTG

A

0 200 400 600 800 1000

Température (°C)

mt

Sonde thermo-hygrométrique

Isolation hydrique

ConvertisseurCentrale d'acquisition

des données

Mortier de ciment

Ambiance : θ = 20 °C h = 50 %

30 cm

50

60

70

80

90

100

110

Hu

mid

ité

rela

tive

(%

)

0 2 4 6 8 10 12 14 16

Distance de la face séchée (cm)

0 j10 j20 j30 j40 j50 j60 j70 j80 j88 j

Coe

ur

de

l'ép

rou

vett

e

Page 18: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

50

60

70

80

90

100

110

0 30 60 90 120Temps (jours)

Hu

mid

ité

rela

tive

inte

rne

(%

)

d = 3 cm

d = 1 cm

d = 15 cm

d = 5 cm

capteur LVDT

tiges filetées

bâti en béton

billeplaque d'acier

potence

Déf

orm

atio

n (µ

m/m

)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

0 30 60 90 120

Temps (jours)

c) Retrait total (Configuration C)

a) Retrait endogène (Configuration A)

b) Retrait total (Configuration B)

2

Page 19: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1D

egré

d'h

ydra

tati

on α

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

2 jours12 jours

Distance à la face séchée (x/L)(L = demi-longueur)

29 jours

* Résultats à 5 jours inexploitables

0

0.05

0.1

0.15

0.2

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

* Résultats à 5 jours inexploitables

Gra

dien

t du

degr

é d'

hydr

atat

ion

dα/d

x

t = 2jours

t =12 jours

Distance à la face séchée (x/L)

t = 29 jours

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

0

Deg

ré d

'hyd

rata

tion

5 10 15 20 25 30Temps (jours)

Page 20: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

0

100

200

300

400

500

600

700

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3Perte de masse (%)

5 jours

50 jours

Configuration C

Configuration B

Ret

rait

de

des

sicc

atio

n (

µ µµµm

/m)

Page 21: Etude expérimentale du couplage ... - Université de Nantes

0

50

100

150

200

250

300

0,88 0,9 0,92 0,94 0,96 0,98 1

Humidité relative

modèle Granger [26]

Points expérimentaux

Déf

orm

atio

n e

n (

µ µµµm

/m)

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

a = -2,90b = +1,38c = - 0,96

Paramètres du lissage :

Humidité relative

Sat

ura

tion

en

liq

uid

e φ φφφ

l