Étude d'un itinéraire piéton à travers la ville de montpellier
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Mémoire d'étudiant en Master d'Architecture.TRANSCRIPT
DE LA FORME URBAINE A LA PRATIQUE SOCIALE :
ETUDE D'UN ITINERAIRE PIETON A TRAVERS LA VILLE DE
MONTPELLIER
Elaboré par : Alexandre Tamin
Encadré par : Sandrine Hilderal
Séminaire S9 – Atelier « Architecture, Ville & Territoire »
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille – 2015-2016
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Le propos de ce mémoire tient avant tout d’une démarche personnelle visant à
redécouvrir une ville, Montpellier, dont je suis originaire. Depuis mon adolescence,
je la parcoure, l’admire, la vis, et j’ai toujours été fasciné par sa qualité urbaine et
son développement qui s’accélère depuis le début des années 2000. Par
l’intermédiaire de ce mémoire, j’ai voulu creusé dans son histoire pour en
comprendre son essence et la voir d’un œil nouveau. Ce travail a été rendu possible
grâce à de nombreuses personnes que je tiens ici à remercier.
Mes amis montpelliérains, qui m’ont fait partager l’amour de cette ville et sa
perception autour d’échanges riches en apprentissage,
Mes colocataires, Paul et Côme pour leur soutien tout au long du semestre,
Jean Paul Volle pour son affection tout aussi grande pour la ville de Montpellier et
qui a su trouver du temps pour m’accorder un entretien,
Et surtout Sandrine Hilderal pour son accompagnement, sa bonne humeur
inébranlable, son professionnalisme et sa patience.
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MOTS CLES
CONTINUUM – PIETON – ITINERAIRE – PERCEPTION – PRATIQUE
CONTINUUM :
- Ensemble d’éléments tels que l’on peut passer de l’un à l’autre de façon continue
- Ensemble, espace ou séquence dont les éléments adjacents n’ont pas de différences saillantes et qui
est uniquement divisible de manière arbitraire
PIETON :
- Personne qui va à pied, par rapport à celle qui est motorisée
Piétonnier : Se dit d’un lieu réservé aux piétons : Rue piétonnière. Relatif aux piétons : circulation
piétonnière
ITINERAIRE :
- Lieu aménagé dans une ville pour les promeneurs
- Chemin pour aller d’un point à un autre, route à suivre
PERCEPTION
- Action de percevoir par les organes des sens : La perception des couleurs.
- Idée, compréhension plus ou moins nette de quelque chose : Avoir une perception, confuse de la
situation.
PRATIQUE
Façon d'agir, conduite habituelle à un groupe : L'auto-stop est une pratique courante.
Les définitions précédentes proviennent du Larousse en ligne
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SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................................. 9
I. TROIS OPERATIONS URBAINES POUR STRUCTURER LA VILLE
CONTEMPORAINE ....................................................................................................................... 13
1. Polygone : un premier pas vers l’extension du centre-ville ..................................................... 14
2. Antigone : à la conquête de l’est .............................................................................................. 16
3. Port Marianne : inventer la ville au bord du Lez ..................................................................... 18
II. UN ITINERAIRE PIETON DESSINE PAR LES PRATIQUES SOCIALES ...................... 23
1. La place du piéton .................................................................................................................... 23
2. Les pratiques sociales associées ............................................................................................... 26
3. Un itinéraire au cœur du continuum et de ses pratiques .......................................................... 32
III. PERCEPTION DES FORMES URBAINES PAR L’ITINERAIRE PIETON .................... 39
1. Des variations à l’itinéraire relatifs au tramway ...................................................................... 39
2. Se repérer par les voies et les limites ....................................................................................... 41
3. La perception de la ville par l’itinéraire ................................................................................... 43
CONCLUSION................................................................................................................................. 49
ANNEXES......................................................................................................................................... 55
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Fig. 1 Plan de la ville de Montpellier en 1751
L’Ecusson dans ses remparts au centre raccroché à sa citadelle à l’est. Plus loin, le Lez qui traverse le territoire du nord au sud. Tout
autour, des terres viticoles et agricoles
Source : montpellier-histoire.com
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INTRODUCTION
Historiquement, Montpellier était une petite ville de province, bourgeoise et rentière, dont
l'économie était basée essentiellement sur l'exploitation viticole. Ancrée dans son centre, la ville se
définit à l'intérieur de ses anciens remparts, appelé « l’Écusson », terme encore utilisé communément
aujourd'hui pour qualifier les limites de son centre historique. Après la Seconde Guerre mondiale, la
ville se développe aléatoirement vers l'ouest, participant au mitage d'une extension peu planifiée et
d'un « urbanisme de banlieues ». Face à cette croissance désordonnée et irrégulière, ce n'est qu'à partir
des années 1970 que s'orientent les projets d'un développement urbain structuré vers l'est. Ces
premières visions traduisent déjà les ambitions d'une ville cohérente et métropolitaine, rayonnante à
l'échelle nationale et internationale. Dès lors, le nouveau Montpellier cherche à s'identifier au-delà de
son périmètre de l’Écusson et la municipalité revendique une image de ville active s'étalant du centre
historique au secteur de Port Marianne.
Par l’intermédiaire de trois grandes opérations, la ville s’urbanise progressivement vers le Lez,
le fleuve de la ville. Le complexe Polygone a d’abord permis une première percée vers l’est,
confirmée par la construction du quartier Antigone venant franchir pour la première fois un fleuve
devenu urbain, qui accompagne aujourd’hui le développement des nouveaux quartiers.
Mais la ville ne se limite pas à sa composition urbaine. Le nouvel espace vécu étant décentré,
prolongé, il implique inévitablement de nouvelles pratiques. Le territoire se vit et se perçoit à travers
ses usages : en outre, le rôle du piéton, qu'il soit habitant ou visiteur, y tient une place fondamentale.
La marche à pied se révèle bien plus qu’un mode de déplacement et constitue la manière, simple et
originelle, d’être présent dans son environnement de vie, dans sa ville, de vivre en interaction avec
les autres, et même de faire vivre la ville. A Montpellier, le piéton a toujours trouvé une place à travers
les phases successives de son urbanisation.
Au regard de la question des temporalités urbaines, nous cherchons à savoir sur ce territoire
comment se révèle un itinéraire piéton à travers les pratiques socio-spatiales actuelles des usagers à
Montpellier ?
La première hypothèse nous amène à penser qu'entre le centre historique et la nouvelle ville,
il existerait un itinéraire favorable au piéton qui soit identifiable dans l'espace tant dans ses formes
que dans ses pratiques. La seconde suppose que cet axe qui se dessine aurait été pensé dans une
certaine logique, et permettrait une lecture des différents projets urbains, véritables marqueurs du
temps dans la ville contemporaine encore en développement.
Ces hypothèses se fondent sur les faits qu’on établit communément que quel que soit le
développement d'une ville et sa dimension, le piéton peut y pratiquer l'espace continuellement dans
son intégralité, pourvu que les lieux qu'il traverse ne soient pas privés. En outre, on suppose que le
piéton emprunte un certain itinéraire parce qu'il est pensé, clair et aménagé et qu'il privilégie la marche
aux autres modes de déplacement.
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Le travail réalisé s’est élaboré en plusieurs phases. Il était d’abord essentiel de replacer le
contexte spatio-temporel du sujet en rassemblant des connaissances significatives. Ce premier travail
a été mené autour de recherches bibliographiques sur Montpellier, son histoire et sa construction, et
plus spécifiquement sur l’ouvrage Montpellier, ville inventée. Le géographe Jean-Paul Volle y dresse
dans une partie une étude sur un « continuum urbain » qui existerait entre deux lieux stratégiques du
centre ancien et de la nouvelle ville. L’analyse de M. Volle révèle une continuité urbaine par les
formes au cours des quatre dernières décennies. C’est à partir de ce constat que j’ai introduit la
question de l’usager, du piéton, cherchant à savoir comment il se déplace et s’identifie à travers cette
apparente continuité urbaine. Afin de centrer le sujet, j’ai délimité un secteur qui se voudrait
démonstratif ; celui-ci serait compris entre la Promenade du Peyrou dans le centre historique, point
culminant du centre-ville, et le Bassin Jacques Cœur, grand espace public inséré au cœur des
nouveaux quartiers de la ville.
La définition de ce secteur a permis la deuxième phase du travail : celle de la pratique du
terrain. L’idée était de se mettre en action dans l’espace, et de révéler ainsi l’existence d’un itinéraire
piéton entre la Promenade du Peyrou et le Bassin Jacques Cœur au sein du continuum urbain établi
par M. Volle. Cette méthode se veut révélatrice d’un axe, d’un parcours par l’insertion dans le lieu,
par la relation entre l’individu et l’espace dans lequel il évolue. Une pratique régulière au cours de la
période septembre-décembre 2015 m’a permis d’en lire les pratiques sociales à travers la
déambulation. J’ai pu ensuite le comparer avec celui des usagers montpelliérains par le biais
d’entretiens individuels.
Un entretien avec Jean Paul Volle fut déterminant dans l’élaboration du mémoire, marquant
ainsi la troisième phase de travail. Celle-ci permit d’opérer un glissement du sujet. A partir de
l’entretien, la question de la perception des formes de la ville par l’image qu’elle véhicule est apparue
et a apporté une nouvelle dimension au travail. Il s’est avéré intéressant de cesser de porter le regard
sur la forme pour s’intéresser également dans un autre temps à une approche plus sensible basée sur
les réflexions de Kevin Lynch. Dans son ouvrage L’image de la cité, il construit une analyse
méthodologique des villes par la perception des individus, entre les images qu’ils s’en font et les
pratiques qu’ils y associent, et permet de replacer dans ce travail le piéton au cœur du propos. Enfin,
l’ensemble des analyses a été retranscrit par le dessin, la cartographie et la photographie.
Les résultats de ce travail seront restitués d’abord dans une première partie en évoquant les
temporalités des grands projets urbains qui ont construit la ville de Montpellier aujourd’hui, et
comment ceux-ci structurent un continuum. C’est dans une seconde partie que seront traitées les
interrelations entre les pratiques des usagers et les formes de la ville, et comment se créé un itinéraire
à travers celles-ci. Enfin, la dernière partie tentera de donner des significations sensibles à cet
itinéraire à partir de l’itinéraire et des pratiques socio-spatiales associées, en nous appuyant sur
certaines méthodes d’analyse de Kevin Lynch adaptés au cas de Montpellier.
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I. TROIS OPERATIONS URBAINES POUR STRUCTURER LA VILLE
CONTEMPORAINE
Le secteur étudié allant de la Promenade du Peyrou au Bassin Jacques Cœur comprend trois
opérations urbaines d’envergure qui ont permis d’étendre l’espace vécu du centre montpelliérain vers
l’Est de la ville. Polygone, Antigone et Port Marianne permettent de nous donner des clés de
compréhension quant à la forme urbaine actuelle de Montpellier, établie sur près de 40 années. Il
convient donc de les replacer chacune dans leur contexte afin de comprendre comment elles peuvent
aujourd’hui former un « continuum urbain » tel que le décrit Jean Paul Volle. Le déroulement établi
dans cette première partie met en relief le traitement de la structure de la ville par séquences
temporelles, et de fait, par quartiers et par opérations.
Fig. 2 Périmètre étudié (de la Promenade du Peyrou au Bassin Jacques Cœur)
Source : Google Earth
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1. Polygone : un premier pas vers l’extension du centre-ville
1.1 Une première vision urbaine pour l’Ecusson au XIXe siècle
Le centre historique de Montpellier, ou « l’Ecusson », tient sa forme urbaine de son héritage
médiéval. Lorsque les grands espaces publics et de représentation ont vu le jour, ce fut toujours en
marge de ses limites. A l’Est, l’esplanade Charles de Gaulle et son grand jardin ont été implantés en
1900 sur des anciens terrains militaires pour offrir un grand espace de flânerie aux Montpelliérains,
dans le prolongement de la Place de la Comédie datant de 1785, point névralgique de la vie
quotidienne et économique de l’époque. A l’ouest de l’Ecusson, la Promenade du Peyrou a toujours
fait la réputation de la ville. Cette dernière, initialement conçue comme une « Place Royale » au 18e
siècle, la plus grande de Montpellier, n’a pu être établie à l’intérieur des remparts où dominaient les
Protestants. C’est entre ces deux polarités opposées, la Promenade du Peyrou et la Place de Comédie,
que se sont jouées les premières modifications urbaines notables du centre historique.
Fig. 3 Place de la Comédie en 1915 Fig. 4 Promenade du Peyrou fin 19e siècle
Source : JP Kempenat – montpellier-histoire.com
A la fin du 19e siècle, le maire de l’époque J. Pagézy décide de mener la première politique
d’urbanisme inspirée directement des principes d’Haussmann à Paris. Il entreprend la construction
d’une grande percée urbaine, la rue Foch, dans l’axe de la Promenade du Peyrou, qui doit la relier à
l’esplanade Charles de Gaulle. Mais les travaux s’arrêtent prématurément à la fin de son mandat. La
rue Foch, qui devait ouvrir dans un axe ouest-est la perspective vers l’Esplanade, se fige au niveau de
la Préfecture, et l’axe principal de la ville s’en voit dévié vers la Place de la Comédie par
l’intermédiaire de la rue de la Loge. L’année 1897 est marquée par l’arrivée d’un réseau de tramway
électrique au cœur de Montpellier qui fonctionnera jusqu’en 1949, empruntant notamment l’axe
Peyrou-Foch-Loge ouvrant sur la Place de la Comédie, qui en devient un vrai carrefour de flux et
d’activités. Bien qu’en marge de l’Ecusson, la place gagne en importance et devient dès lors l’espace
public central de la ville.
1.2 Désenclaver le centre historique
Le chemin de fer qui divise la ville grossièrement entre espaces vécus à l’Ouest et terrains
essentiellement agricoles à l’Est représente néanmoins un véritable obstacle à une urbanisation
continue à partir du centre historique. Au cours des années 60, Montpellier désire s’affirmer comme
capitale régionale, bien que rien encore ne la distingue de ses voisines concurrentes Nîmes et Béziers.
L’opération Polygone au début des années 70 concrétisera cette tentation qu’aucun schéma directeur
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n’a pu mettre en perspective1. En franchissant la voie ferrée, Polygone fait basculer le centre vécu
dans un « angle mort » vers l’est, et repousse le centre-ville au-delà des limites reconnues du centre
historique. En parallèle, un nouvel hôtel de ville, auparavant en plein cœur de l’Ecusson, prendra
place en juxtaposition du centre commercial. Un geste symbolique qui replace la figure de la ville au
cœur du nouvel espace vécu.
Fig. 5 Evolution de l’Ecusson du début du XXe siècle à 1978
Source : Géoportail
Fig. 6 Les terrains militaires derrière Polygone
Crédit photo : JP Kempenat – montpellier-histoire.com
L’opération Polygone constituera a posteriori le maillon fondateur de la conquête de l’est, dont
la jonction avec le centre-ville est assurée via la dalle du Triangle, dans une ville qui s’est toujours
retrouvée « enfermée » dans son centre. A Montpellier, l’intégration de cette opération sera honorable
et constituera même un point d’articulation important entre la ville ancienne et la « ville nouvelle »
notamment par le franchissement de la ligne de chemin de fer d’une part, la liaison plus délicate avec
le quartier Antigone d’autre part.
1 L’opération est inaugurée en 1975. Avec 40 000m² de surface de vente, Polygone devient le premier centre commercial
régional en Languedoc Roussillon. Il comprend également une panoplie de grands services régionaux tels que l'INSEE,
la Trésorerie Générale répartis dans plus de 70 000m² de bureaux administratifs, complétés par une offre résidentielle de
quelques 500 logements.
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2. Antigone : à la conquête de l’est
2.1 La construction d’un quartier
Avec l’opération Antigone, c’est une toute autre échelle de planification urbaine qui entre en
action. La croissance démographique à Montpellier pousse les politiques à entreprendre de nouvelles
directives, le centre historique ne pouvant plus contenir l’ensemble des activités, des habitants et
l’ambition d’une ville en pleine croissance qui se veut déjà « métropolitaine ». Georges Frêche arrive
à la mairie en 1977 avec son mentor en urbanisme Raymond Dugrand, les processus de réflexion
s’accélèrent et le nouveau programme urbain est validé, avec Ricardo Bofill comme architecte en
chef de l’opération.
Fig. 7 Evolution d'Antigone de 1988 à 2001
L’ambition est clairement exposée : étendre l’espace vécu du centre historique jusqu’au Lez,
le fleuve qui traverse la commune du nord au sud vers le littoral à 12 km de là, et créer un véritable
quartier, capable d’accueillir de grands équipements et une partie significative de la population
désireuse d’habiter le centre-ville. Le quartier est créé de toute pièce à partir de 1983, d’une superficie
relativement équivalente à l’Ecusson, s’installant sur des anciens terrains militaires entre Polygone et
le Lez. Formellement, le geste est fort, et sera longtemps critiqué. R. Bofill signe une architecture
néoclassique, monumentale et rigide, où l’ensemble se compose autour d’un axe, dans la recherche
d’une symétrie parfaite. L’ensemble se veut « une succession de places jusqu’au Lez » où la
perspective est marquée de l’autre côté du fleuve par l’implantation de l’Hôtel de Région, nouveau
signe de pouvoir symbolique dans la composition urbaine. Par cette volonté, des travaux sont
effectués pour recalibrer le Lez, trop longtemps perçu comme une menace, et ainsi offrir aux
Montpelliérains un véritable fleuve urbain aménagé et sécurisé.
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2.2 Stratégies urbaines pour un quartier actif
Afin de ne pas figer Antigone dans une fonction purement résidentielle, divers services et
équipements stratégiques ponctueront le projet. Le long de l’axe de l’opération s’implantent au rez-
de-chaussée cafés et restaurants. Sur les rives du Lez, un complexe de bars et restaurants s’installe en
balcon face au fleuve, et l’opération Antigone s’achève avec la construction en 1996 de la
Médiathèque à vocation Régionale Emile Zola et la Piscine Olympique Antigone. Cette démarche
globale permet d’assurer une continuité de la vie citadine en attirant la population dans toute sa
diversité dans le quartier. L’on s’attache toutefois à ne pas créer le vide entre les opérations Polygone
et Antigone. L’immeuble « Les Echelles de la Ville » assure dès lors une nouvelle jonction pour
garantir la continuité et permet de gérer au mieux le dénivelé important existant entre le niveau de la
ville ancienne et les espaces courant jusqu’au Lez en contrebas.
Fig. 9 Ouverture de l'Arche en 1999
Sources : montpellier-histoire.fr / photos personnelles
Un autre problème est résolu : celui de l’imperméabilité du nouveau quartier qui tourne le dos
au centre historique. Une grande ouverture est percée en 2000 dans la façade faisant face aux Echelles
de la Ville, dégageant magistralement l’espace sur la perspective vers le Lez.
Finalement, Antigone inaugure l’ère de la maitrise de l’urbanisation permettant d’opérer les
prémices d’une ville linéaire vers l’est, par un geste architectural puissant faisant figure d’exemple.
Après le franchissement de la voie ferrée avec Polygone, c’est le Lez qui se pose en frontière à la
nouvelle ville. Mais c’est sans compter sur Port Marianne qui jouera de cette contrainte pour en
constituer un des fils conducteur de son schéma d’organisation.
Fig. 8 Vue aérienne du quartier Antigone
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3. Port Marianne : inventer la ville au bord du Lez
3.1 Genèse du projet
« On a fait une série de places jusqu’à la place de l’Europe, ancrée sur le Lez, avec en face
l’Hôtel de Région. On a initié la canalisation du Lez avec déjà l’idée d’une liaison avec la mer
qui permettrait d’engager une politique capable de relier des agglomérations qui sont proches.
J’étais partisan d’engager un plan de territoire avec des liaisons et des points communs, tout
en gardant localement une forte politique de subsidiarité pour que la gestion des quartiers, à
la manière barcelonaise, reste très proche des habitants. Je voulais donc que la ville se continue
sur le Lez dans cette optique de grand territoire. Et c’est ainsi qu’on a entrepris Port
Marianne. » Extrait d’entretien avec Dominique Carré, architecte du Taller de Arquitectura de Ricardo Bofill.
Source : « Montpellier, chroniques de Port Marianne »
La citation précédente permet de comprendre toute la genèse du quartier Port Marianne : un
aménagement en continuité avec Antigone, qui prolongerait l’espace vécu le long du Lez vers le
littoral, et qui serait l’image d’une ville-métropole méditerranéenne. Cependant, Port Marianne pose
un problème d’échelle, et afin de ne pas tomber dans une ville figée dans son image néoclassique,
Georges Frêche préfère se séparer du Taller de Arquitectura et s’orientera plutôt vers un urbanisme
de ZAC. Cette démarche permettra de varier les formes et les styles, autour d’un schéma directeur de
paysage mettant en valeur le Lez et la nature en ville. Le plan anticipé de Port Marianne par Ricardo
Bofill reste néanmoins fondateur, et a servi de référence pour le développement ultérieur de la ville.
Face à Antigone qui s’achève sur le Lez aménagé, dominé par l’Hôtel de Région, Port
Marianne dessine une complexité de formes bien à l’échelle du vaste territoire.
Fig. 10 Plan de Port Marianne par Ricardo Bofill. 1986
Source : Montpellier, Chroniques de Port Marianne
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3.2 Une variété de formes en lien avec le Lez
En 1990, Ricardo Bofill confie la suite de l’aménagement prévu dans son schéma directeur à
Rob Krier2 pour un nouveau quartier rive droite, Consuls de Mer, dans la continuité du quartier
Antigone. Le projet, essentiellement résidentiel, vient créer un front bâti face au Lez, marquant
symboliquement une nouvelle skyline pour Montpellier et la limite de la ville dense. Les bâtiments
construits sont à la fois tournés vers des îlots plantés privés et des espaces publics de différentes
qualités.
Fig. 11 Façade de la ZAC Consuls de Mer-1 Fig. 12 Façade de la ZAC Consuls de Mer-2
Sur la rive gauche, le premier projet urbain de la ZAC Richter est construit entre 1988 et 2008
sous la direction d’Adrien Fainsilber3. Il crée un quartier mixte à l’architecture simple et symétrique,
composé en îlots. Face au Lez, un parc se développe sur presque 3 hectares. Les îlots d’habitation
« en peigne » et en gradins sont largement ouverts sur le parc pour laisser pénétrer la végétation
jusqu’au cœur du quartier, débouchant sur un pôle universitaire. Ce défi de générer une vie étudiante
au sein du centre-ville est remporté avec succès, permettant d’étendre l’espace vécu sur la rive gauche
avec notamment la présence de la Bibliothèque Inter Universités Richter.
Fig. 13 La ZAC Richter depuis la rive opposée Fig. 14 Le pôle universitaire Richter
2 Rob Krier est architecte urbaniste de stature internationale. Théoricien de la forme urbaine, il s’attache à aménager un
espace urbain à échelle humaine. Une approche qu’il a mise en œuvre à Montpellier dans le quartier Consuls de Mer.
3 Adrien Fainsilber inscrit chacun de ses projets dans une démarche globale qui ne dissocie pas l’urbanisme de
l’architecture. C’est en 1988 que la Ville de Montpellier lui a passé commande du plan d’ensemble du quartier Richter.
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Au sud du quartier Richter, le quartier Jacques Cœur prolonge et confirme la conquête du Lez.
A l’origine, le bassin en son centre se voulait un véritable port de plaisance en plein cœur de
Montpellier. Cela supposait de rendre le Lez navigable jusqu’à la mer, mais le projet est abandonné,
les ambitions revues à la baisse, et il n’en restera finalement qu’un plan d’eau. La forme de celui-ci a
été imaginée en écho à l’Ecusson, comme pour évoquer le second centre de la ville. Les immeubles
d’habitations qui composent la ZAC ont été pensés bien différemment des deux autres quartiers. Le
schéma directeur a été pensé par Archimède4, imposant des volumétries en corrélation avec le schéma
directeur de paysage de Port Marianne. Chaque bâtiment a été confié à des architectes différents.
L’ensemble propose ainsi une multitude d’architectures différentes avec comme point commun la
relation à la ville existante, la ville à créer et au Lez.
Dans l’axe du bassin, sur la rive droite, se dresse depuis 2011 le nouvel Hôtel de Ville5 de
Montpellier. A l’image de Polygone et Antigone, il déplace d’un geste symbolique le pouvoir vers la
nouvelle centralité, 35 ans après l’Hôtel de Ville jouxtant le Polygone. Le quartier Jacques Cœur est
stratégique dans le développement contemporain de la ville puisqu’il est aujourd’hui à la fois le point
final temporaire de « la Ville qui s’étend vers l’est » et le point de départ de « la Ville qui s’étend vers
le Sud ».
Fig. 15 Façades de la ZAC Jacques Cœur autour du bassin
Le « continuum urbain » ainsi établi par Jean Paul Volle n’est pas une opération à proprement
parler mais davantage un objet construit qui agence trois logiques de projet en trois espaces et
temporalités différentes. Il permet de mieux comprendre la réalité de la ville contemporaine en termes
d’aménagements, de formes urbaines et architecturales et de rôle accordé à l’espace public. Polygone
a permis un glissement du centre historique vers l’est, puis l’opération Antigone a conduit la ville
jusqu’au Lez tandis que le secteur d’aménagement de Port Marianne a concrétisé le franchissement
du fleuve et ouvert l’urbanisation à l’est puis au sud du territoire montpelliérain.
La question des articulations, des jonctions, des continuités se pose. Les transitions d’une
opération à une autre, non nécessairement gérées dans le cadre de chaque ZAC, ont donné lieu à un
travail sur les interfaces, les coutures, les passages, les transparences d’une opération à l’autre. Au
regard des pratiques quotidiennes, les cheminements piétons établis sont-ils révélateurs d’un
traitement pertinent des transitions et des continuités ? Encore convient-il de les appréhender
ensemble selon la logique d’une urbanisation organisée sans rupture apparente autour des projets
précédemment étudiés.
4 Archimède est un groupement de cabinets d’architectes constitué au moment du concours de la ZAC Jacques Cœur. Elle
est composée des agences A+ Architecture, François Fontès et Antoine Garcia-Diaz. 5 Il s’inscrit dans une extension de la ZAC Consuls de Mer, créée à l’ occasion de la construction du nouvel Hôtel de Ville
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Fig. 16 Plan de situation des ZAC à Port Marianne
Source : Google Earth
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Fig. 17 Principales aires piétonnes de Montpellier
Source : Ville de Montpellier
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II. UN ITINERAIRE PIETON DESSINE PAR LES PRATIQUES SOCIALES
Le contenu de cette partie met en évidence les facteurs, autres que la forme urbaine, qui
permettraient de révéler une continuité à travers les âges de l’urbanisation de Montpellier. C’est le
piéton, l’usager, le promeneur qui pratique l’espace au maximum et qui permet ainsi une lecture
directe des espaces de la ville, au cœur même des opérations urbaines structurantes.
Il faut alors identifier comment on se déplace à travers la ville. En excluant la voiture, il
convient d’analyser dans cette partie quelle est la place accordée au piéton dans tous les secteurs
traversés, quelles sont les pratiques sociales qui en découlent et comment tout ceci permet de révéler
un itinéraire.
1. La place du piéton
Dans le centre historique, le recul de la voiture au profit d’un espace complètement piétonnier
s’est fait à mesure du temps. Lors de l’avènement de l’ère automobile à la moitié du 20e siècle, la
majorité des rues était praticable en véhicule motorisé. C’est la construction du Tunnel sous la
Comédie qui a permis à partir de 1985 d’amorcer un espace exclusivement piéton dans le centre
historique, confirmé par l’arrivée du tramway en 2001 et la qualification officielle du « cœur de ville
piéton » en 2004. Seule la rue Foch est accessible publiquement aux voitures pour se rendre au parking
souterrain au niveau de la place de la Préfecture, avant la rue de la Loge. Sa largeur permet d’y
intégrer des trottoirs suffisamment larges pour le piéton.
Au fil du continuum vers l’est, la Dalle du Triangle et le Polygone forment un complexe
commercial de centre-ville, associant de fait la pratique de l’espace aux piétons, où la destination
finale des voitures se concentre dans un parking souterrain de quatre niveaux. Les abords immédiats
de l’opération sont compris dans l’aire piétonne de Montpellier, se prolongeant dans l’opération
Antigone. Ici, le quartier avait été créé dans l’optique déjà d’y intégrer le piéton dans une succession
de places jusqu’au Lez. C’est ainsi que l’axe principal d’Antigone s’inscrit dans les aires piétonnes
de la ville, les abords nord et sud de l’opération restant marqués essentiellement par son maillage
routier. Seuls deux axes perpendiculaires viennent pénétrer le système, l’un coupant l’axe piéton en
son centre et l’autre s’insérant entre la fin de l’aire piétonne du quartier et la Place de l’Europe.
Fig. 18 Entrée en zone piétonne dans l'Ecusson Fig. 19 Passage piéton à Antigone
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Le secteur Port Marianne n’est plus classé dans les aires piétonnes, mais il existe cependant
des espaces verts aménagés aux abords du Lez exclusivement praticables par le cycliste ou le piéton.
L’espace urbain s’agrandit en créant différents niveaux et démultiplie les cheminements sur les rives
du fleuve. Côté rive droite, la ZAC Consuls de Mer est maillée par les voies routières. Il existe
cependant une large voie piétonne en surplomb du Lez, traitée comme un « corridor vert » entre des
alignements de pins. Marcheurs, joggeurs et cyclistes y partagent l’espace, pouvant descendre sur les
pelouses des rives à certains endroits par de grands escaliers.
On peut rejoindre la rive gauche en franchissant le fleuve par des passerelles piétonnes, deux
à fleur d’eau au pied de l’Hôtel de Région+, et une autre surplombant le fleuve appelée « Passerelle
des Barons de Caravètes ». Il est aussi possible de traverser par le Pont Zuccharelli emprunté surtout
par les voitures, à la fin du « corridor vert », où un espace a été prévu pour les piétons. Le dégagement
sur la rive gauche entre le Lez et le quartier Richter est dédié à un parc généreusement arboré, le
Riverside Park, qui pénètre les immeubles d’habitation implantés en peigne face au fleuve. Ces
édifices s’étirent par des ruelles piétonnes jusqu’aux places faisant face aux bâtiments universitaires.
Au pied des logements face au Lez, le parc est maillé par des cheminements piétons sillonnant entre
les arbres.
Au sud de Richter, au-delà du Pont Zuccharelli, le piéton pénètre dans la ZAC Jacques Cœur
par des rues fréquentées par les voitures. Néanmoins, les rues sont traitées comme des « voies
douces » à sens unique ou en zone 30 km/h, avec des espaces centraux dédiés aux piétons et vélos
qui convergent vers le bassin Jacques Cœur. Là, les usagers peuvent profiter d’un grand espace vert
articulé autour du point d’eau.
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Fig. 20 Passerelle à fleur d’eau rejoignant l’Hôtel de Région Fig. 21 Aménagements piétons sur les rives du Lez
Fig. 22 Passerelle des Barons-de-Caravètes Fig. 23 Cheminement piéton à Richter dans le Riverside Park
Fig. 24 Cheminement piéton dans le quartier Jacques Cœur Fig. 25 Espace piéton autour du bassin Jacques Cœur
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2. Les pratiques sociales associées
Les secteurs de la ville rendus piétons façonnent les pratiques du quotidien, prolongeant les
espaces vécus du centre historique vers d’autres territoires. Les aires piétonnes sont ainsi le support
de pratiques sociales qui prolongent la ville active permettant d’attirer les usagers vers les nouveaux
quartiers.
Avec l’Esplanade Charles de Gaulle, la Promenade du Peyrou est un des grands jardins du
centre-ville. Ici pas de terrasses ou de boutiques. Cette place qui culmine au point le plus haut de
Montpellier, offre un espace magistral aux pelouses symétriques bordées de platanes, surplombant
les alentours de la commune. Un château d’eau y a été construit en 1768 afin de distribuer l’eau dans
la ville, et dote aujourd’hui la place d’un point d’eau sous un édifice devenu un des symboles de
Montpellier. La Promenade du Peyrou est un espace public incontournable du centre historique, où
se mêlent promeneurs, flâneurs, touristes, musiciens et autres activités de loisir en plein air. Comme
la Place de la Comédie, son ampleur permet de grands rassemblements de type concerts ou brocantes,
et le Peyrou est devenu le point de départ ou d’arrivée des grandes manifestations citoyennes,
renforçant son rôle symbolique. Le centre historique de Montpellier est essentiellement à vocation
touristique. La mise en valeur de tout le patrimoine bâti de l’Ecusson, couplée à l’accessibilité
exclusivement piétonne, fait de ce secteur un endroit favorable à la déambulation. Les étroites rues
médiévales rendent les espaces intimistes cachant parfois de véritables bijoux patrimoniaux.
L’essentiel des activités quotidiennes et de la vie citadine se retrouve rattaché à l’axe historique. Le
long de la rue Foch s’alignent en rez-de-chaussée les boutiques de luxe jusqu’à la Place de la
Préfecture, là où les travaux de la « percée haussmannienne » se sont arrêtés prématurément.
Fig. 26 Les pelouses de la Promenade du Peyrou Fig. 27 Manifestation pour les attentats de Charlie Hebdo
Cette place est difficilement praticable car elle est traitée comme un rond-point, permettant
l’entrée et la sortie du parking souterrain de la Préfecture. Seule une vaste fontaine circulaire en son
centre permet aux marcheurs de s’y poser pour profiter du soleil. La rue de la Loge héberge des
magasins plus généralistes. Cette rue est réputée pour être la plus fréquentée de la ville. C’est en effet
la première rue commerçante du centre-ville. On y retrouve la place Jean Jaurès, véritable point de
concentration de bars et restaurants en terrasse+. De jour comme de nuit, la population
montpelliéraine s’y retrouve pour y passer de longs moments. Plus au sud, la rue de la Loge est
rattachée à la Place de la Comédie.
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 27
Fig. 28 Fontaine sur la Place de la Préfecture Fig. 29 Place Jean Jaurès
Fig. 30 Place de la Comédie un jour de marché, en fond l'opéra Comédie
Cette très grande place, vaguement rectangulaire, est la plus importante de Montpellier. Vitrine
de la ville depuis plus d’un siècle, elle est le support de nombreuses pratiques. Plutôt que des
boutiques, les terrasses de grands bars et restaurants s’alignent en rez-de-chaussée le long de ses
façades pittoresques, participant à une vie citadine active et animée. L’attractivité touristique et
culturelle est renforcée par la présence du plus vieux cinéma Gaumont de la ville et de l’Opéra
Comédie. Au quotidien, quelques tentures permettent d’abriter un marché. De par son envergure et
sa place symbolique, elle permet le rassemblement d’une grande partie de la population lors de grands
évènements. Elle a déjà été témoin du passage du tour de France ou bien de la retransmission de
grands matchs sportifs. Les grandes manifestations politiques et citoyennes y passent inévitablement.
Plus à l’est, la Dalle du Triangle et le centre commercial Polygone entrainent de fait des
pratiques purement économiques et de consommation où se mêlent magasins, services et quelques
snacks.
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Dans le quartier Antigone, des pratiques légèrement différentes prennent place de par sa forme
plus allongée. L’axe principal entièrement piéton permet le passage des manifestations, et abrite une
fois par an « l’Antigone des associations », rendez-vous incontournable des Montpelliérains. Les
places publiques qui rythment le quartier proposent fontaines et grandes arbres feuillus, permettant
de s’y arrêter pour profiter de la tranquillité d’un quartier finalement renfermé sur lui-même.
Quelques terrasses ombragées invitent les touristes et passants à se restaurer. Dans les allées latérales
de l’opération, on retrouve également des places publiques, plus petites, formant les cœurs d’îlots
ouverts des habitations. On y trouve généralement un espace vert ou des aires de jeux pour enfants.
A la fin de l’axe, l’espace s’ouvre sur un espace vert monumental semi-circulaire comme un
amphithéâtre sur le Lez. C’est le plus grand espace public de la ville. Les gens peuvent s’y prélasser,
pique-niquer, jouer, et constitue également un lieu favorable à de très grandes manifestations comme
des concerts en plein-air.
Fig. 31 A l’ombre des platanes de la Place du Nombre d’Or Fig.32 Marché à Antigone
Fig. 33 l'Antigone des associations
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Fig. 34 Le FISE sur les Rives du Lez entre Richter et Consuls de Mer
Source : ot-montpellier.fr
La force du secteur Port Marianne, c’est bien évidemment la présence du fleuve. Les grands
espaces aérés sur ses abords ouvrent les possibilités. On y croise généralement beaucoup de coureurs
venus profiter des espaces vert longilignes pour faire leur sport. On y trouve des familles, des
étudiants, des touristes qui viennent s’y balader, pique-niquer ou jouer. La mise à distance des voies
de circulations en fait un endroit calme au cœur de la nouvelle ville, constituant un atout à la qualité
de vie et d’espaces publics. Les « Rives du Lez » sont devenus depuis 1997 la scène du FISE6, un des
plus gros évènements phares de la ville. Tout l’espace est mis à contribution, de l’Hôtel de Région à
l’Hôtel de Ville, en passant par les abords du fleuve et son lit, support des activités nautiques lors de
l’évènement. Le FISE est devenu l’une des attractions touristiques de Montpellier des plus reconnues
mondialement, permettant aux habitants et étrangers de découvrir et pratiquer le cœur de la nouvelle
ville.
6 Le Festival International des Sports Extrême est une compétition annuelle de plusieurs sports dits extrêmes (roller, bmx,
skateboard, mountain bike, wakeboard) programmée et diffusée dans le monde entier par le réseau IMG média. Le FISE
est décliné en plusieurs éditions en France et à l'international.
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 30
Plus au sud, au sein de l’éco quartier de la ZAC Jaques Cœur, un vaste espace aménagé autour
d’un bassin dédié aux piétons et cyclistes suscite de nombreux usages en plein air, complétés par les
terrasses de restaurants au rez-de-chaussée des immeubles. Cette ZAC est reliée au Parc Marianne de
l’autre côté de l’Avenue Raymond Dugrand, qui forment un grand parc urbain au cœur des nouveaux
quartiers. Cependant, ils sont aujourd’hui encore en phase de développement et il est ainsi encore
difficile d’y attirer une population extérieure autre que les résidents du quartier.
Fig. 35 Balade en famille autour du bassin Jacques Cœur
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 31
Fig. 36 Séance sportive à Parc Mariann
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3. Un itinéraire au cœur du continuum et de ses pratiques
L’analyse successive des formes urbaines du continuum, de la place du piéton et de ses
pratiques nous permet d’établir un itinéraire praticable exclusivement à pied qui découle de
l’ensemble de ses données. Il convient de préciser que cet axe a été choisi car il permet un
cheminement direct et continu du point A au point B. D’autre part, il permet d’appréhender
l’ensemble des logiques d’urbanisation au cœur même de toutes les opérations menées depuis les
années 70 (voire du 19e siècle en considérant la percée de la Rue Foch) autour d’un axe imaginaire
continu, historique au travers de l’Ecusson, du Peyrou jusqu’à la Place de la Comédie, contemporain
au-delà, vers l’est, depuis sa jonction par le Triangle avec Polygone-Antigone-Le Lez-Port Marianne.
Fig. 37 Tracé de l’itinéraire piéton entre la Promenade du Peyrou et le bassin Jacques Cœur
Source : Google Earth
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 33
Au départ de cet itinéraire, la Promenade du Peyrou. Dans son axe se pose l’Arc de Triomphe.
Par sa position géographique, elle marque en quelque sorte la porte d’entrée ouest de l’Ecusson et
symbolise le commencement de la percée haussmannienne entreprise par J. Pagézy avec la rue Foch.
Bien qu’elle soit praticable par la voiture, des plantations linéaires permettent de mettre le marcheur
à distance des voitures. On longe donc les bâtiments haussmannien sur un large trottoir pour
déboucher sur la Place de la Préfecture. C’est la première respiration dans l’espace depuis la
Promenade du Peyrou. C’est à partir d’ici que débute le « centre-ville piéton ». L’axe ayant été dévié,
le piéton continue sa marche pour rejoindre la Place de la Comédie par la rue de la Loge. Sur cette
très grande place, le piéton y croise le flux des cyclistes et des tramways de manière apaisée.
Fig. 38 Perspective de la rue Foch Fig. 39 Rue de la Loge
La Place de la Comédie est un lieu central et symbolique dans la vie des Montpellier et
représente un point d’articulation urbain : au sud, on y rejoint directement la Gare Saint Roch par
l’avenue de Maguelone, ou bien on prend les lignes 1 et 2 du tramway qui desservent la plupart des
lieux d’intérêt de la ville. Du côté nord, on peut rejoindre la grande Esplanade Charles de Gaulle dans
le prolongement de la place.
Fig. 40 Place de la Comédie. A gauche débouche la rue de la Loge
Source : montpellier-histoire.fr
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 34
Dans le cadre de notre itinéraire, on continuera la marche vers l’est, attiré par le signal d’une
tour de forme étrange. On se laisse emporter par la foule qui nous traîne et nous entraîne, comme
écrasés les uns les autres, jusqu’à se retrouver face au centre commercial Polygone. Comme évoqué
dans les parties précédentes, la voie ferrée passe aujourd’hui sous nos pieds grâce à la construction
de la Dalle du Triangle, et permet un mouvement fluide de la Comédie à Polygone. On en oublie
complètement que la ligne de chemin de fer représentait à l’époque une limite tangible de la ville. Il
faut traverser tout le centre commercial, généralement saturé de monde, pour rejoindre la sortie. C’est
le seul moment au cours de l’itinéraire où l’on ne se trouve plus à l’extérieur, mais le centre
commercial constitue une jonction non négligeable du centre historique à Antigone.
Fig. 41 La tour Polygone et le centre commercial en fond Fig. 42 Sortie de Polygone par les Echelles de la Ville
Le marcheur pénètre dans le bâtiment des Echelles de la Ville, sans s’en rendre compte, par
des portes vitrées au fond des Galeries Lafayette. Celles-ci mènent à un étroit escalier mécanique,
sombre, qui parait disproportionné face à la monumentalité des Echelles de la Ville et de l’arche
d’Antigone qui s’offre à nous à la sortie du bâtiment. L’espace ici, toujours en aire piétonne, n’est
traversé perpendiculairement que par le tramway.
Une fois dans Antigone, nous sommes frappés par la puissance de cette architecture.
Aujourd’hui, l’effet s’est légèrement estompé grâce aux très hauts arbres qui habillent l’espace, et
mettent à distance les façades imposantes. Ce sont ces alignements d’arbres qui marquent la
perspective vers l’Hôtel de Région au-delà de l’opération. Comme le voulait l’architecte, une
succession de places nous emmène progressivement vers le Lez dans un quartier entièrement piéton.
On traverse successivement la Place du Nombre d’Or, la Place du Millénaire et la Place de Thessalie.
Lorsque le piéton arrive au niveau de la Médiathèque et de la Piscine Olympique, l’architecture
devient résolument plus moderne et s’aligne avec une voie où se croise plusieurs flux : ceux des
voitures en double sens et des lignes de tramway. Le marcheur doit la traverser pour terminer sur la
Place de l’Europe face au Lez et l’Hôtel de région+. Cette place marque significativement un
changement d’ambiance : à partir d’ici se termine la « ville dense » pour laisser place à des espaces
plus vastes et plus aérés, articulés autour du Lez.
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Fig. 43 Place du Nombre d'Or
Fig. 44 Place de Thessalie
Fig. 45 Place de l'Europe
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Les rives ayant été aménagées pour offrir aux piétons une balade au plus proche de son lit, on
longe d’abord la ZAC Consuls de Mer en contrehaut du Lez au cœur d’un double alignement de pins,
qui met le marcheur à distance de la chaussée. Il faut ensuite emprunter la passerelle des Barons de
Caravètes, réservée aux cyclistes et aux piétons pour se rendre sur la rive droite. D’ici on prend toute
l’ampleur des aménagements du fleuve qui dit la richesse de l’eau dans une ville. Au loin, la skyline
est marquée par le sommet des édifices de part et d’autre du Lez, et par la silhouette bleue imposante
du nouvel Hôtel de Ville dans la perspective.
L’itinéraire nous plonge dans le Riverside Park, en front de la ZAC Richter, où l’on peut
déambuler le long d’un chemin entre les arbres ou au bord du fleuve. Ce parc, qui pénètre les
opérations de logements de Richter, en ferait presque oublier que nous nous trouvons au cœur des
nouveaux quartiers, tant les voitures sont à distance et les bâtiments se fondent dans les masses
végétales. Un nouvel obstacle se découvre aux piétons lorsque celui-ci veut se rendre au bassin
Jacques Cœur. Le Pont Zuccarelli donne la priorité aux voitures et aux lignes de tramway. On le
traverse par l’intermédiaire d’un passage piéton peu sécurisé pour arriver au point final de l’itinéraire
au bassin de la ZAC Jacques Cœur. Il a été choisi car il représente aujourd’hui la fin de l’urbanisation
de la commune et comme un clin d’œil aux opérations précédentes, sa forme ouvre la perspective au
loin sur l’Hôtel de Ville, évoquant ironiquement la composition urbaine de la rue Foch, la Place de la
Comédie et le quartier Antigone.
Fig. 46 Rives du Lez. A gauche, le quartier Richter. A droite, le quartier Consuls de Mer
Fig. 47 Chemin au cœur de Riverside Park Fig. 48 Hôtel de ville dans la perspective du bassin
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Cet itinéraire qui a été déterminé par ma pratique du terrain, dans une logique d’insertion au
cœur de toutes les opérations significatives du nouveau Montpellier, a été mis en confrontation avec
d’autres usagers. Par l’intermédiaire d’entretiens individuels (voir Annexe 1), j’ai pu recueillir le
témoignage d’une dizaine de personnes. L’échantillon sélectionné pour l’étude englobe hommes et
femmes de 21 à 25 ans, étudiants ou jeunes actifs, habitant Montpellier depuis une période comprise
entre 3 et 23 ans. L’échange s’est élaboré autour de questions ouvertes, où la discussion, le dialogue,
et l’échange ont enrichi les entretiens, au-delà des attentes de simples réponses. Je voulais savoir dans
un premier temps quel chemin ils emprunteraient pour aller de la Promenade du Peyrou au Bassin
Jacques Cœur, pour soulever dans un deuxième temps quelle perception ils avaient de la ville à travers
cet itinéraire.
Il convient d’abord de souligner que le moyen de déplacement n’était pas précisé lors de
l’interview. Pourtant, la majorité m’a décrit un itinéraire à pied, ou à vélo. Pour les autres, ceux qui
connaissent moins la ville ou qui arrivent mal à se représenter mentalement l’itinéraire, la solution
est de prendre la ligne 1 du tramway jusqu’à « Port Marianne » au départ de l’arrêt « Comédie » sur
la Place de la Comédie. A pieds, les marcheurs évoquent un trajet qu’ils envisagent comme étant
direct, rapide, sécurisé et agréable, sans perturbation majeur venant des voitures.
Le second constat montre que cet itinéraire est souvent tracé par les habitudes. Les interviews
révèlent que les usagers empruntent tel chemin dû à la pratique de certains lieux ou équipements
publics. Les plus évoqués sont le centre commercial Polygone, puis la Médiathèque Emile Zola et la
Place de l’Europe à l’est de l’opération Antigone, ainsi que les « Rives du Lez » et la Bibliothèque
Universitaire de Richter. Ceci rend compte du succès des stratégies urbaines qui tendaient à étendre
l’espace vécu vers le Lez par le biais d’aménagement d’espaces publics de qualité et d’équipements
publics d’envergure. Bien sûr, force est de constater que ces témoignages se basent essentiellement
sur les habitudes des étudiants, représentants majoritaires du panel de personnes interrogées.
Néanmoins, on remarque que l’itinéraire décrit par les usagers présente de légères variations
notables par rapport à celui établi dans le cadre de ce travail. Il convient alors d’en rendre compte,
d’en expliquer la raison, et d’en saisir l’occasion pour mettre en évidence des aspects plus sensibles
de cet itinéraire.
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Fig. 49 Tracé de la Ligne 1 du tramway de Montpellier
Fig. 50 Superposition de la ligne 1 du tramway et de l’itinéraire piéton.
Source : Google Earth
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III. PERCEPTION DES FORMES URBAINES PAR L’ITINERAIRE PIETON
« Dans l’opération qui consiste à trouver son chemin, le maillon stratégique est l’image de
l’environnement, la représentation mentale généralisée qu’un individu se fait du monde physique
extérieur. Cette image est produite à la fois par les sensations immédiates et par le souvenir de
l’expérience passée, et elle sert à interpréter l’information et à guider l’action. […] Il tombe sous le
sens qu’une image claire permet de se déplacer avec facilité et rapidité. »7
Cette citation met en exergue l’importance de l’image de la structure urbaine analysée jusqu’à
présent, permettant de se créer une image mentale au cours de l’itinéraire piéton. Ceci nous permet
d’analyser quels sont les facteurs qui emmènent les usagers à emprunter un itinéraire sensiblement
différent. Nous analyserons dans cette partie le rôle de cette image dans l’esprit commun qui permet
de se repérer dans la ville et ainsi influer sur les perceptions des usagers. Ce travail se base encore sur
les entretiens effectués auprès des usagers et à partir des méthodes d’analyses des cinq types
d’éléments des formes physiques de la ville explicités par Kévin Lynch : les voies, les limites, les
nœuds, les quartiers et les points de repère (voir définitions en Annexe 2).
1. Des variations à l’itinéraire relatifs au tramway
Plusieurs fois depuis le début du mémoire, le tramway est évoqué pour diverses raisons. En
superposant les cartes de l’itinéraire piéton et de la ligne 1 du tramway, on se rend compte que les
déviations empruntées par les personnes interrogées passent quasi systématiquement par le tracé des
rails. Le tramway dans Montpellier et son agglomération est devenu un vecteur fort de son
urbanisation dès l’ouverture de la première ligne en 20018, et a changé radicalement l’image de la
ville, rentrant dans l’inconscient collectif. Dans la famille des mobilités, une interrelation s’installe
entre le marcheur et le tramway dans la mesure où ce type de transport en commun permet une
requalification des espaces publics, prioritaires sur la voiture et favorable aux piétons, où peuvent
ainsi se côtoyer les différents usages de la vie citadine.
La carte du tracé de la ligne 1 ci-contre nous permet d’affirmer qu’elle marque, au même titre
que l’itinéraire piéton, une continuité linéaire entre les opérations urbaines évoquées dans la première
partie. Là où le marcheur établie des « variantes de l’itinéraire piéton », c’est que l’on se trouve dans
une situation de nœud urbain, que Kévin Lynch définit comme des « points de jonction, endroits où
on change de système de transport, croisement ou point de convergence de voies, lieux de passage
d’une structure à une autre ». Dans ces lieux précis, parce qu’on doit y prendre des décisions, les gens
font beaucoup plus attention et ont une perception de la situation supérieure à la normale. C’est
pourquoi ils prennent conscience d’envisager une déviation, ou un itinéraire plus facilement
identifiable spatialement – le tracé du tramway. Ces nœuds sont, pour la plupart des cas, associés à la
présence d’une station sur la ligne.
Le premier nœud à soulever se situerait au niveau de la Place de la Comédie qui joue le rôle
de carrefour urbain, avec la présence d’une station de tramway. Il est intéressant de noter que personne
n’emprunte la rue qui descend à la gare. Pourtant, aucune voiture n’y circule, seuls les piétons et les
lignes de tramways qui permettent de desservir le pôle multimodal de la Gare Saint Roch. La
convergence de trois lignes de tramway y souligne encore une fois la volonté de rendre l’Ecusson aux
piétons.
7 Citation extraite de LYNCH Kévin, L’image de la cité 8 La métropole montpelliéraine est aujourd’hui maillée par un système de 4 lignes de tramway, desservant efficacement
autant le centre-ville que les communes périurbaines
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Le second nœud constitue la première déviation, au niveau du Polygone. Pour la majorité des
personnes interrogées, même si c’est un raccourci, passer par le centre commercial est un véritable
supplice. C’est ainsi que le marcheur s’engouffre dans le petit « Passage de l’Horloge » à droite de
l’entrée du Polygone pour y rejoindre la voie de tramway. Dans un espace exclusivement traité pour
le piéton et le tramway, aucune pratique urbaine n’y est développée. Personne ne s’arrête. Seule une
voie, dessinée par les rails, nous incite à suivre le mouvement du tramway pour rejoindre l’arche
d’Antigone.
Fig. 51 Le passage de l’Horloge à droite de l’entrée de Polygone Fig. 52 Voie de tramway contournant le Polygone
Avec la présence de l’arrêt « Antigone » qui dessert à la fois le quartier et l’entrée est du centre
commercial, le piéton se retrouve face à un nouveau nœud. Toutes les personnes interrogées
s’accordent pour préférer traverser l’opération Antigone dans son axe plutôt que de suivre les rails
qui obéissent à partir de ce point à une logique de voie routière jusqu’à Port Marianne.
Au cours de l’itinéraire, le piéton recroise le flux du tramway au niveau de la Place de
l’Europe. C’est ici que quelques personnes ont signalé ne pas se rendre jusqu’au Lez, mais plutôt
dévier l’itinéraire avant la Place de l’Europe. Les raisons évoquées soulèvent une perte de repère à
cet endroit. Dans le cadre de l’itinéraire, l’usager préfère par précaution suivre l’itinéraire du tramway
à partir de Place de l’Europe, sachant communément qu’il se rend jusqu’à Port Marianne. Il est
intéressant de noter qu’à partir de ce point, les usagers préfèrent suivre un itinéraire calqué sur la
logique de voierie. En effet, là où des espaces généreux et de qualités invitent les piétons à déambuler
aux bords du Lez, ceux-là suivent le tracé de la route ou du tramway pour rejoindre le Bassin Jacques
Cœur.
Fig. 53 Arrêt entre Antigone et les Echelles de la Ville Fig. 54 Arrêt « Place de l’Europe »
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 41
Contrairement à la première déviation qui contourne le Polygone par connaissance et pratique
du lieu, Port Marianne, à partir de la Place de l’Europe, représente pour les Montpelliérains un quartier
très peu fréquenté et méconnu. Les entretiens ont montré que beaucoup ne connaissent même pas le
Bassin Jacques Cœur. C’est par cette méconnaissance du lieu, ce manque de pratique, que la majorité
suit les voies du tramway. L’usager se repère plus facilement à Port Marianne par celles-ci, et
préfèrent se référer à l’itinéraire du tramway qu’ils savent linéaire et desservant le quartier. L’image
du tramway représente donc un véritable repère linéaire dans la ville, et présente l’avantage d’une
alternative à la marche, pouvant monter dans le transport à chaque nœud précédemment évoqués le
long de l’itinéraire piéton. Cette démonstration permet de mettre en évidence deux autres éléments
de l’image de la ville influant sur les comportements des usagers au cours de l’itinéraire : les voies et
les limites.
2. Se repérer par les voies et les limites
Si les résultats ont révélé un itinéraire majoritairement emprunté par les usagers, c’est qu’il se
donne à se lire et à se comprendre spatialement. Pour beaucoup, ce sont les voies, les axes, les allées
qui permettent de se repérer et qui prédominent dans l’image de la ville que se font les habitants. On
a pu le constater précédemment avec le repère linéaire que constituent les voies du tramway. Les
grandes voies représentent des éléments fiables dans la ville pour les usagers facile à identifier et à
décrire.
Au sein de l’Ecusson, l’ensemble des usagers empruntent le même itinéraire. De la Promenade
du Peyrou à la Comédie, la rue Foch et la rue de la Loge représentent des repères linéaires clairement
reconnaissables. On se laisse porter par la perspective et la largeur des rues – historiquement due à la
« percée haussmannienne » – plus importante que les percées médiévales du centre historique.
L’absence quasi généralisée des voitures est incontestablement un avantage, et le flux des personnes
nous entraîne significativement dans son mouvement. Ce dernier facteur n’est pas négligeable, car il
prend toute son ampleur lorsque le marcheur débouche sur la Place de la Comédie. Dans la forme
urbaine, la logique nous inciterait à continuer l’itinéraire dans l’axe de la rue de la Loge vers la gare
Saint Roch, marquée par la trajectoire du tramway et l’alignement de palmiers+. Mais la composition
de la place qui s’étire vers le nord-est jusqu’à la Dalle du Triangle, renforcée par les alignements de
façades, des hauts lampadaires et du mouvement du tramway, nous fait tourner le regard dans cette
direction+. Le flux de personnes massif accompagne cet axe, le rendant minime vers la gare.
Fig. 55 Perspective vers la Gare St Roch Fig. 56 Eléments linéaires de la Place de la Comédie
Séminaire S9 AVT – 2015-2016 – 42
Dans l’imaginaire collectif, la voie vers le sud représente seulement l’accès à la gare sans autre
intérêt majeur, et renvoie la priorité sur le tramway et les quelques voyageurs s’y rendant à pied. Le
piéton préfère emprunter la Dalle du Triangle. Tout le monde convient que le Polygone est un
raccourci direct vers Antigone, continuant le mouvement du corps depuis la Place de la Comédie.
Cependant, la grande majorité le contourne, évoquant un espace saturé, clos et peu favorable à la
déambulation. Il représente donc une limite, « une barrière, plus ou moins franchissable, qui isole une
région d’une autre » comme le définit Kévin Lynch. Lorsque l’on demandait aux personnes quelles
ruptures ils sentaient sur le trajet, le Polygone constituait la réponse unanime. C’est ainsi que le
marcheur s’engouffre dans le petit « Passage de l’Horloge » à droite de l’entrée du Polygone pour y
rejoindre la voie de tramway et rejoindre par ce nœud le quartier Antigone.
Toutes les personnes interrogées passent par le cœur de l’opération. Ils évoquent un moyen
rapide et adapté de se rendre jusqu’au Lez, traité comme une voie droite exclusivement piétonne.
Plutôt que de le définir comme une « succession de places jusqu’au Lez », les entretiens ont révélé
qu’Antigone était perçu comme un axe. Les personnes enquêtées disent généralement « traverser tout
droit Antigone pour rejoindre le Lez » comme si le quartier n’avait pas plus à offrir qu’une sorte de
couloir urbain vers le fleuve.
Nous avons pu voir qu’à la fin d’Antigone, certains empruntent l’itinéraire du tramway. Là
encore, c’est une logique de voie qui s’établie, où la percée du tramway dans le tissu urbain constitue
le repère linéaire. Pour ceux qui continue l’axe d’Antigone jusqu’au bord du fleuve, il se retrouve
face à une seconde limite. Le Lez constitue en effet une référence spatiale plutôt qu’un axe,
maintenant ensemble les quartiers qui le jouxtent. On ne « passe pas » par le Lez comme on peut
« passer par la rue Foch » ou « passer par le chemin du tram », mais on va « suivre le fleuve ».
Etonnamment, les résultats ont montré que personne ne traversait le fleuve pour déambuler par
Riverside Park, entièrement piéton. Le marcheur préfère encore suivre la voie qui longe le fleuve en
contre haut sur la rive droite au pied de l’opération Consuls de Mer, pour rejoindre en théorie le
quartier Jacques Cœur par le Pont Zuccharelli.
Fig. 57 Perspective de l’axe d’Antigone Fig. 58 « Corridor vert » en contre haut du lez, rive droite
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Car en pratique, très peu de personne ne s’y rend. Malgré les efforts de la municipalité pour
développer l’attraction de la ville au-delà du Lez, la ville vécue se limite au Lez pour les personnes
interrogées. Pourtant, beaucoup connaissent et se rendent au grand centre commercial Odysseum bien
plus à l’est, mais n’envisageraient pas de s’y rendre autrement qu’en tramway (ou en voiture), cette
partie de la ville n’étant pas encore suffisamment urbanisée pour proposer l’attraction nécessaire à
une déambulation piétonne.
3. La perception de la ville par l’itinéraire
Après avoir analysé les notions de nœuds, voies et limites qui structurent le cadre d’un
itinéraire, les entretiens rendent compte que les points de repère et les quartiers permettent aussi de
donner des éléments de repérage et d’appartenance à la ville. Ce sont généralement les voies et les
quartiers qui prédominent l’image de la structure d’une ville. Les dernières questions de l’entretien
ont permis de savoir comment les usagers découpaient l’itinéraire en séquences, en quartiers, à partir
des éléments de ruptures (que peuvent représenter les nœuds ou les limites), quelles en étaient les
caractéristiques qui permettaient de les identifier et comment ils les percevaient.
3.1. Les quartiers et leurs caractéristiques
Les résultats démontrent que l’ensemble des personnes interrogées distinguent quatre
quartiers le long de l’itinéraire : L’Ecusson, Antigone, les Rives du Lez et Port Marianne. Il est
intéressant de noter que Polygone, dans l’image de la ville, n’est associé à aucun quartier, mais
constitue une entité en soi. Le centre commercial est plutôt perçu comme la seule rupture dans la
cohérence urbaine que les usagers préfèrent contourner, évoquant souvent le fait que « l’on se retrouve
enfermé avec une foule de gens » et qu’il est plus agréable « d’être toujours à l’air libre ». Ce parcours
fait écho aux quelques personnes qui ont précisé suivre parfois l’itinéraire en vélo avec lequel il est
impossible de traverser Polygone.
Pour l’ensemble, l’Ecusson est le quartier le plus représentatif de Montpellier. Tous évoquent
une qualité de vie incontestable due à la zone piétonne et aiment s’y perdre dans les petites rues. Le
centre historique, malgré qu’il soit loin des grands équipements et pôles économiques, est comme un
cocon que les usagers définissent comme « très vivant, avec toutes ses petites places, ses terrasses »
où l’on peut autant se distraire, se balader ou faire les boutiques. Les Montpelliérains aiment le centre
historique pour son patrimoine et sa qualité d’aménagement urbain, secteur privilégié de l’espace
vécu dans la ville où se créé un réel sentiment d’appartenance. L’espace le plus représentatif et mis
en avant est sans surprise la Place de la Comédie où les gens aiment se confronter à la vie citadine
dans toute sa splendeur. Elle est un point de repère essentiel dans Montpellier, notamment par la
présence de la statue des Trois Grâces devenue un point de rencontre symbolique pour les habitants.
Le quartier Antigone, maintenant bien loin de ses polémiques, ne fait toujours pas l’unanimité.
Paradoxalement, certains trouvent le quartier « démodé » alors que d’autres le qualifie de « trop
moderne ». Tous décrivent une architecture « pastiche, pas assez intégrée au reste de la ville ». Le
style néoclassique trouve encore au 20e siècle bon nombre de réfractaires. Néanmoins, par son
architecture, le quartier reste facilement identifiable pour les gens, et les Montpelliérains le
considèrent tout de même comme une des images fortes de leur ville. Du point de vue des pratiques,
il est difficile d’admettre que le quartier soit aujourd’hui très vivant pour les personnes interrogées.
Selon elles, on y passerait plus que l’on y resterait. Même si quelques terrasses animent les places,
les usagers dénoncent un quartier «glauque » ou même « mort, où il n’y a rien à faire ni à voir ».
Antigone serait alors peut-être victime de sa mauvaise jonction avec le centre historique par Polygone
et de sa forme urbaine trop fermée sur elle-même. Quelques un soulèvent malgré tout la présence de
l’eau par les fontaines au centre des places, apportant une relative qualité d’espace public réanimant
le quartier les jours d’été à l’abri des platanes.
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Le quartier suivant serait celui de « Rives du Lez ». Officiellement, il ne constitue pas un
quartier en soi, mais les usagers le perçoivent ainsi grâce aux espaces généreux aux bords du fleuve.
Comme Antigone, les Montpelliérains le considèrent comme une entité à lui seul. Les Rives du Lez
commenceraient à partir de la Place de l’Europe, là où beaucoup considèrent la route perpendiculaire
à Antigone comme une limite. Cette place est considérée comme un point de repère dans la ville dans
le secteur des nouveaux quartiers, identifiable par son amplitude. Les usagers pratiquent ce secteur
non pas pour les services qu’il propose, mais bien pour la qualité des espaces verts présents aux bords
du Lez. Tous parlent d’un lieu agréable, vaste, calme, où l’on aime flâner, se poser sur les pelouses
ou faire du sport. Si les personnes interrogées pratiquent les rives du Lez, c’est parce qu’ils
fréquentent régulièrement la Bibliothèque Universitaire de Richter de l’autre côté du fleuve et
constitue pour eux un véritable point de repère dans Montpellier.
Le dernier quartier, celui de Port Marianne, est communément délimité par le Lez et
commence à partir du Pont Zuccharelli. Ce secteur est en quelque sorte « hors de portée » pour les
Montpelliérains, qui s’y identifient très peu. Pour eux, le quartier est résolument trop récent et dominé
par la voiture, symptôme de la ville métropolitaine. Tous évoquent un quartier où l’on s’y rend pour
une raison précise mais qui ne constitue pas un moment au cours d’une déambulation. En effet, Port
Marianne reflète « le bout de la ville » encore en construction. Peut-être faut-il attendre une dizaine
d’année pour que le quartier devienne vivant, vécu et pratiqué par l’ensemble des montpelliérains,
faisant partie d’un tout et non étant une fin en soi, comme a pu l’être Antigone dans les années 80-90
avant que ne soit percée l’arche en face de Polygone et que ne soient construits les premiers quartiers
de Port Marianne. Ce quartier, on le traverse, en voiture ou en tramway, pour se rendre à Odysseum,
à l’autoroute ou plus au sud à l’aéroport ou à la mer par l’intermédiaire d’un nœud urbain non
négligeable à la croisée des quartiers de Port Marianne. La place Ernest Granier, dont la ressemblance
avec un rond-point d’entrée de ville déconcerte, constitue le point de jonction des ZAC Richter,
Jacques Cœur et Parc Marianne. Il est aussi le début symbolique de la route urbaine vers la mer,
l’avenue Raymond Dugrand, axe structurant de la ville de demain vers le sud. Pour le piéton, ce
carrefour brouille les repères et met en péril sa sécurité. Marcher vers les territoires au-delà, comme
Odysseum ou le littoral, ne s’envisage pas aujourd’hui sans l’intermédiaire de la voiture ou du
tramway, et reflètent ainsi les enjeux de demain pour Montpellier qui se revendique depuis des années
comme « la ville du piéton ».
Fig. 59 Place Ernest Granier à Port Marianne
3.2. Interprétation de cartes mentales
Dans le cadre des entretiens, certains ont ressenti le besoin de s’aider du dessin pour appuyer
leurs réponses. L’apport de ces cartes mentales fut très enrichissant car il offre une autre vision de
l’exercice, rendu tangible par le dessin, que l’on peut comparer avec des cartes ou des plans existants.
J’ai choisi d’en retenir deux, démonstratives de l’ensemble du propos.
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Fig. 60 Carte mentale n°1
Cette première carte a été élaborée par une personne ayant une très bonne connaissance de la
ville, capable de se la représenter mentalement. Elle n’est pas en soi une réponse littérale aux
questions de l’entretien, mais plutôt la représentation de l’itinéraire à travers la ville contemporaine
et au-delà. On remarque sur ce dessin la présence de Odysseum et de l’autoroute A9 posée comme
une limite que Port Marianne vient petit à petit franchir. On ressent chez cette personne la
connaissance des politiques d’aménagement urbains à venir par l’évocation de la ville qui suit le Lez
jusqu’à la Mer et se développant à l’est pour renouer avec son aéroport.
D’un point de vue de l’itinéraire, représenté par les flèches rouges, on peut lire que les espaces
majeurs sont perçus en limite de l’Ecusson, dense et unitaire. Il est intéressant de noter que pour cette
personne, le Polygone franchit spatialement la voie ferrée, jamais évoqué par l’ensemble des
personnes interrogées. Ceci dénote quelque part de la réussite des politiques urbaines quant à la
volonté d’enfouir le train sous la dalle du Triangle pour permettre l’extension de la ville vers l’est.
Antigone est distingué comme une entité, longiligne qui vient vers le fleuve pour le franchir, alors
que Port Marianne est perçu comme un très grand quartier, que l’on vient d’abord longer au fil du
Lez pour y rejoindre le bassin Jacques Cœur.
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Fig. 61 Carte mentale n°2
Cette deuxième carte mentale a été choisie pour son élaboration au fil des réponses aux
questions de l’entretien. Elle est la plus représentative de la perception de l’itinéraire à travers la ville
par les usagers.
D’une part, elle indique bien la sensation d’une ville linéaire qui s’est développée selon un
axe ouest-est à partir de l’Ecusson pour venir aujourd’hui se construire vers le sud par le biais de l’axe
du Lez. Comme évoqué dans la partie III.2., on remarque la mise en évidence de la Gare Saint Roch
dans le prolongement de l’axe de la rue de la Loge, mais qui représente une impasse dans la
représentation de la ville. Encore une fois, après Polygone, Antigone est vu comme un couloir, un axe
rectiligne qui s’achève face au Lez au niveau de la Place de l’Europe (ici dessiné comme une courbe).
Le point final dans le dessin, le bassin Jacques Cœur, est visuellement peu important et peu signifié,
traduisant un lieu méconnu et assez flou, flottant au milieu de nulle part.
Les traits rouges traduisent pour l’interlocuteur les moments de rupture le long de l’itinéraire.
On s’aperçoit ici que seul Polygone, lorsque l’on y pénètre et l’on y ressort, constitue cette rupture,
plutôt comme un « changement d’ambiance dans l’espace » évoqué par l’illustratrice.
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Enfin, les marqueurs bleus sont les points de repères dans la ville stipulés lors des dernières
questions de l’entretien. Dans l’Ecusson, l’Arc de Triomphe représente une porte d’entrée à la ville
historique et constitue un de ses symboles. Sur la Place de la Comédie, la manière de représenter la
statue des Trois Grâces démontre bien sa qualité de point de repère, rayonnant dans la ville et dans la
représentation collective des habitants. Polygone, bien que perçu comme une rupture, évoque pourtant
pour cette personne un des éléments caractéristique de l’ensemble de l’itinéraire. Vers le Lez, la Place
de l’Europe, magistrale, constitue un des derniers repères de la ville vécue, comme un point final
monumental et théâtral du centre-ville face au fleuve. Pour la personne interrogée, la rive gauche est
représentée par la Bibliothèque Richter, lieu qu’elle fréquente régulièrement, et marque ainsi
symboliquement la fin des repères urbains à Montpellier.
Ainsi, l’interprétation de ces deux cartes mentales permet de soulever certaines images
récurrentes de la forme urbaine de Montpellier dans l’esprit collectif. D’une part, il semblerait acquit
que le Lez constitue aujourd’hui une des composantes de la ville, qu’Antigone a su lier avec succès
au centre historique. D’autre part, ces illustrations traduisent la perception d’un espace vécu linéaire
et composite, continu dans son parcours mais en rupture par ses formes urbaines et ses architectures.
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CONCLUSION
Montpellier, par le développement de ses trois grandes opérations urbaines que représentent
Polygone, Antigone et Port Marianne, a su étendre son espace vécu et renforcer son attractivité vers
ses territoires de l’est. Ces nouveaux quartiers, dans leur complexité de formes, s’affirment
aujourd’hui par leurs pratiques socio-spatiales influencées en amont par des décisions prises au niveau
municipal. Les usagers quotidiens de ces territoires, habitants et passants, font vivre ses espaces par
la marche qui, pour ceux ou celles qui la pratiquent, induit une immersion complète dans
l’environnement.
Au-delà de l’indicateur de qualité urbaine que peut représenter la place du piéton dans la ville,
il dessine par son mouvement une continuité linéaire dans l’espace, que l’on peut associer à un
itinéraire. De la Promenade du Peyrou au Bassin Jacques Cœur, cet itinéraire piéton d’environ quatre
kilomètre rend compte de la réalité spatiale des aménagements successifs de la ville contemporaine
et l’usager s’en fait une image par son insertion dans le lieu. En outre, ce sont les formes urbaines qui
génèrent cette image que le piéton s’approprie par le mécanisme de la perception. L’itinéraire piéton
qui se dessine à Montpellier se révèle clairement pour l’ensemble des usagers traduit spatialement
par des axes, des repères et des aménagements facilement identifiables au sein de chaque opération
urbaine. D’autres facteurs aident à ce repérage le long du parcours, comme les expériences passées –
les habitudes – ou les références spatiales linéaires comme le tracé des lignes de tramway, les routes
importantes ou le fleuve. Ce parcours s’inscrit comme un « itinéraire de découverte » du patrimoine
montpelliérain, qui aurait tout intérêt à être mis en valeur dans le tissu urbain.
L’étude de cet itinéraire a permis de lire une autre géographie de la ville, la « géographie du
piéton », qui créé un sentiment d’appartenance chez l’habitant en s’identifiant à travers les espaces
qu’il traverse. De ce fait, les nouveaux quartiers de Port Marianne en voie de développement
représentent les enjeux des aménagements de la ville future qui étend progressivement son
urbanisation vers le littoral au sud de la commune. Il convient alors de mettre en perspective l’analyse
des éléments composants l’image de la ville établie et de ses aménagements pour les piétons en
dégageant les possibilités d’en jouer pour l’améliorer.
Montpellier, « ville inventée », « ville métropole », « ville méditerranéenne », a ainsi prouvé
ces quarante dernières années que les politiques d’aménagements du territoire ne se révèlent pas que
dans la forme urbaine mais aussi et surtout dans la relation socio-spatiale qu’elles instaurent avec les
usagers. A leur échelle, ils s’expriment par la pratique de la marche en tant que piéton en véhiculant
une lecture sensible et subjective de la ville. La place du piéton prend alors tout son sens dans la
qualité du développement urbain à travers ses espaces publics, et amène à le considérer pleinement
dans la ville de demain, en pensant l’itinéraire, le parcours, la déambulation comme vecteur premier
des futures logiques d’aménagements, vers ce que pourrait bien être demain le « littoral
montpelliérain ».
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Fig. 62 Illustration de Aurel dans l'ouvrage Il était une fois…Montpellier aux éditions des falaises
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LAISNEY François, Espaces publics : une culture de la résistance à l'automobile, in : Géocarrefour,
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ANNEXES
(1/2) QUESTIONNAIRE
1. Quel itinéraire emprunteriez-vous pour vous rendre au Bassin Jacques Cœur à Port Marianne
en partant de la Promenade du Peyrou ?
a. Si déviation de l’itinéraire établi en amont il y a, demander pour quelle(s) raison(s)
2. Pour quelles raisons emprunteriez-vous cet itinéraire ? En quoi est-il avantageux par rapport
à un autre ?
3. Si un étranger vous demande de vous rendre au même endroit, quelles indications lui
donneriez-vous ?
4. Ressentez-vous des ruptures ou des changements d’ambiance sur votre itinéraire ? Si oui, à
quels endroits ?
5. Par rapport à ces ruptures, en combien de séquences/quartiers découperiez-vous votre
itinéraire ? Comment ressentez-vous l’espace dans chaque séquence ?
6. Quelles sont pour vous les caractéristiques de chaque séquence traversées ?
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(2/2) L’IMAGE DE LA VILLE ET SES ELEMENTS : DEFINITIONS
Extraites de l’ouvrage LYNCH Kévin, L’image de la cité, pp. 54-56, éd. BORDAS, Paris, 1976
« […] Dans les images des villes étudiées, le contenu que l’on peut rapporter aux formes physiques peut être
classé sans inconvénients suivant cinq types d’éléments : les voies, les limites, les quartiers, les nœuds et les
points de repère. En effet, ces éléments s’appliquent d’une manière plus générale puisqu’on les retrouve,
semble-t-il, dans beaucoup d’exemples d’images de l’environnement. De ces éléments, on peut donner la
définition suivante :
Les voies. – Les voies sont les chenaux le long desquels l’observateur se déplace habituellement,
occasionnellement ou potentiellement. Ce peut être des rues, des allées piétonnières, des voies de
métropolitain, des canaux, des voies de chemins de fer. Pour beaucoup de gens, ce sont les éléments
prédominants de leur image. Les gens observent la ville quand ils y circulent, et les autres éléments de
l’environnement sont disposés et mis en relations le long de ces voies.
Les limites. – Les limites sont les éléments linéaires que l’observateur n’emploie pas ou ne considère pas
comme des voies. Ce sont les frontières entre deux phases, les solutions de continuités linéaires : rivages,
tranchées de voies ferrées, limites d’extension, murs. […] Ces éléments de limites, bien qu’ils prédominent
probablement moins que les voies, jouent pour beaucoup de gens un rôle important de caractéristiques servant
à l’organisation ; une de leurs fonctions en particulier est de maintenir ensemble ces zones, comme dans le
cas où une ville est entourée d’eau ou cernée par un mur.
Les quartiers. – Les quartiers sont des parties de la ville, d’une taille assez grande, qu’on se représente comme
un espace à deux dimensions, où un observateur peut pénétrer par la pensée, et qui se reconnaissent parce
qu’elles ont un caractère général qui permet de les identifier. Cette identification est toujours possible quand
on est à l’intérieur, et si les quartiers se reconnaissent du dehors, on les utilise à l’extérieur comme références.
C’est de cette manière que, dans une certaine mesure, la plupart des gens structurent leur ville, avec des
variations entre les individus suivant que ce sont les voies ou les quartiers qui sont les éléments prédominants.
Les nœuds. – Les nœuds sont des points, les lieux stratégiques d’une ville, pénétrables par un observateur, et
points focaux intenses vers et à partir desquels il voyage. Cela peut être essentiellement des points de jonction,
endroits où on change de système de transport, croisements ou points de convergence de voies, lieux de passage
d’une structure à une autre. Certains de ces nœuds de concentration sont le foyer et le résumé d’un quartier,
sur lequel rayonne leur influence, et où ils se dressent comme un symbole : on peut les appeler centres.
Naturellement, beaucoup de nœuds participent à la fois aux deux natures : point de jonction et point de
concentration. […] En tous les cas on peut trouver plusieurs points nodaux dans presque toutes les images, et
dans certains cas des nœuds peuvent être la caractéristique prédominante.
Les points de repère. – Les points de repère sont un autre type de référence ponctuelle, mais dans ce cas
l’observateur n’y pénétrant pas, ils sont externes. Ce sont habituellement des objets physiques définis assez
simplement : immeuble, enseigne, boutique ou montagne. Leur utilisation implique le choix d’un élément
unique au milieu d’une multitude de possibilités. Certains points de repère sont des objets éloignés, dont la
nature est d’être vus sous de nombreux angles et à des distances variées […]. Ils peuvent être situés à
l’intérieur de la ville ou à une distance telle que, dans la pratique, ils symbolisent une direction constante.
[…] Aucun des types d’éléments que nous avons distingués plus haut n’existe dans la réalité à l’état isolé.
Les quartiers sont structurés par des nœuds circonscrits par des limites, transpercés par des voies et
parsemés de points de repères. Normalement, les éléments se chevauchent et se pénètrent les uns les
autres. »
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