etude domplus : la précarité énergétique, des personnes confrontées à des difficultés plus...
DESCRIPTION
Pour son partenaire, l’institution de prévoyance IRCEM, DOMPLUS a déjà accompagné plus de 70 000 personnes depuis la création du service IRCEM PLUS. 19% d’entre elles, près de 13 300 personnes, ont évoqué des situations liées à des frais énergétiques qu’elles ne pouvaient pas honorer seules. Ces personnes ne sont pas nécessairement en situation de précarité énergétique au sens statistique.Pourtant, force est de constater, que seules, ces personnes ne peuvent (ou plus) assumer la dépense liée à l’énergie de leur logement. L’économie liée aux dépenses d’énergie est donc un enjeu majeur pour ces personnes dont la précarité énergétique n’est pas seulement une objectivation statistique mais une réalité vécue.TRANSCRIPT
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 1
2
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
DOMPLUS est au service des personnes pour
les accompagner dans leurs moments de vie,
notamment les plus sensibles.
L’écoute, l’implication, les réponses adaptées
et le suivi de chaque situation permettent,
sans cesse et à chaque étape, de mettre la
priorité à la personne au cœur de la relation.
Par ce rôle privilégié d’intermédiation
quotidienne, DOMPLUS connaît les personnes.
Une connaissance pratique et réelle, basée
sur le traitement de situations de vie diverses
et complexes, toujours particulières.
DOMPLUS souhaite partager la connaissance
sensible détenue sur certains publics afin de
faire entendre le côté précieux, car fragile,
des composantes de leur vécu. Ne nous
trompons pas. Il ne s’agit pas là de se
considérer comme expert. Il ne s’agit pas de
brosser un tableau représentatif de toute une
population, il s’agit d’ajouter sa contribution à
l’ensemble des organismes qui tentent de
faire entendre certaines voix.
Pour son partenaire, l’institution de
prévoyance IRCEM, DOMPLUS a déjà
accompagné plus de 70 000 personnes
depuis la création du service IRCEM PLUS.
19% d’entre elles, près de 13 300 personnes,
ont évoqué des situations liées à des frais
énergétiques qu’elles ne pouvaient pas
honorer seules. Ces personnes ne sont pas
nécessairement en situation de précarité
énergétique au sens statistique*.
Pourtant, force est de constater, que seules,
ces personnes ne peuvent (ou plus) assumer
la dépense liée à l’énergie de leur logement.
L’économie liée aux dépenses d’énergie est
donc un enjeu majeur pour ces personnes
dont la précarité énergétique n’est pas
seulement une objectivation statistique mais
une réalité vécue.
Les années passées au contact des
bénéficiaires ont permis à DOMPLUS de
recueillir des informations qualitatives sur leurs
besoins, leurs situations et leur vécu.
En effet, en mettant la relation humaine au
cœur de son approche et de son action,
DOMPLUS ne connaît pas les personnes
uniquement statistiquement, mais surtout
humainement.
Derrière chaque occurrence DOMPLUS
appréhende les histoires, les individus, les
familles, les vies.
UNE EXPERIENCE
13 300 personnes impactées
par les frais énergétiques
UNE ETUDE QUALITATIVE
Echantillon de 4 121 personnes
*La précarité énergétique
Définition statistique
Un seuil de taux d’effort énergétique de 10% du revenu disponible du ménage.
Définition juridique
La précarité énergétique a été définie et inscrite dans la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 (Grenelle II), qui modifie la loi n°90-449 du 31 mai 1990
visant à la mise en œuvre du droit au logement. Ainsi, est en situation de précarité énergétique au titre de la loi Grenelle II, une personne qui
« éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins
élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 3
Sommaire
La précarité énergétique un enjeu sociétal .......................................................... 4
1. La problématisation des personnes bien différente de la
problématisation publique .................................................................................. 5
2. ¾ des personnes impactées par le coût de l’énergie en situation de
fragilité ........................................................................................................................ 8
3. Les personnes impactées par le coût de l’énergie subissent des
évènements qui déséquilibrent ou accentuent leur situation .............. 11
4. Le consommateur d’énergie : Une personne, pas un individu isolé
réductible à la seule rationalité économique .............................................. 13
La nécessaire prise en compte globale des personnes ...................................... 17
4
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
LA PRECARITE ENERGETIQUE DES PERSONNES CONFRONTEES A DES DIFFICULTES PLUS LARGES
La nécessité d’une prise en compte globale
Quel enjeu sociétal ?
De nombreuses études pointent la part non
négligeable des français impactés par ce
phénomène d’augmentation de la dépense
énergétique. Cette part varie selon l’angle
pris pour évoquer cette augmentation. Trois
définitions sont reprises : TEE, déclaratif, TVE.
Depuis 2008, la hausse de la part de l’énergie dans les
dépenses, dites contraintes ou incompressibles des
foyers français, ne cesse d’augmenter.
Mais comment les personnes vivent-elles cette
nouvelle donne socio-économique ? Face aux
conséquences budgétaires de ce phénomène,
identifient-elles l’énergie comme le facteur principal ?
Vivent-elles, au contraire, la situation comme un tout,
une difficulté globale à laquelle faire face au
quotidien ?
SELON DEUX ETUDES DE L’INSEE – 2011 et 2015
20
11
20
15
22 %
des ménages ont
un taux d’effort
énergétique (TEE)
supérieur à 10 %
14,4 %
des ménages
déclarent avoir
souffert du froid
dans leur logement
14,8 %
des ménages sont
en « vulnérabilité
énergétique »*
Etude INSEE – La précarité énergétique : avoir froid ou dépenser trop pour se chauffer (N° 1351) – [Mai 2011]
Etude INSEE – Vulnérabilité énergétique : Loin des pôles urbains, chauffage et carburant pèsent fortement
dans le budget (N° 1530) – [Janvier 2015]
*La vulnérabilité énergétique
Définition
Un ménage est dit dans une telle situation si son taux d’effort énergétique est supérieur à un certain seuil. Ce seuil correspond au double de la
médiane des taux d’effort observés en France métropolitaine l’année considérée. On exclut néanmoins les ménages les plus riches des
ménages vulnérables, c’est-à-dire ceux ayant un revenu par unité de consommation supérieur au double du revenu par unité de
consommation médian.
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 5
1. La problématisation des personnes bien différente de
la problématisation publique
La façon dont les sujets sont abordés
au niveau des institutions et/ou des
médias, ne correspond pas forcément
à la manière dont les personnes les
vivent. La problématisation « profane »
est souvent bien différente de la
problématisation effectuée par les
spécialistes (journalistes, experts…).
Ce constat n’est pas sans importance
lorsque l’on évoque un domaine pour
lequel le changement des usages est
un enjeu. En effet, comment amener
les personnes à changer certains de
leurs usages si elles ne perçoivent pas
ceux-ci comme problématiques ni
même comme une composante de
leur problème. Une démarche
institutionnelle visant à la modification
des usages doit forcément partir de la
perception et du vécu des personnes.
La notion de problématisation est intéressante
à utiliser ici, car celle-ci désigne la façon dont
une personne ou un groupe de personnes
(physiques et/ou morales) évoque un sujet en
pointant ce qui leur pose problème dans ce
dernier. C’est donc l’angle sous lequel un thème
est abordé qui est observé.
Or, moins de 10% des personnes
évoquant l’énergie de leur logement, effectuent
leur démarche auprès de l’organisme de
prévoyance en mettant en avant les
aménagements à mettre en place pour
économiser/rendre plus efficient la dépense
énergétique du logement. La majorité des
personnes place les dépenses énergétiques en
second plan (n’en parle pas au début de
l’échange) ou ne nomme pas celles-ci en tant
que telles mais évoque d’un bloc toutes les
dépenses liées au logement sous une
terminologie telle que celle des « charges » par
exemple.
Je ne peux plus payer mes charges. Les charges, vous voyez bien : l’eau chaude, le chauffage, les
ordures ménagères, l’entretien des allées…
Une fois que j’ai touché ma retraite,
plus ma complémentaire, il faut que je
paye le loyer, l’assurance, la mutuelle,
le chauffage ! Mais avec mes deux
crédits, ce n’est pas possible.
6
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
La situation n’est jamais thématisée
comme un contexte nécessitant une
rationalisation des dépenses, voire des
économies d’énergie.
D’ailleurs, l’énergie n’est pas pointée
en tant que telle, elle est comprise
dans les frais quotidiens. Soit elle est
subsumée sous le terme générique
"charges", soit elle est intégrée à une
énumération de frais quotidiens. Pour
les quelques personnes qui détaillent
leurs frais, il est alors question des
charges quotidiennes voire, au mieux,
des charges liées au logement.
Seule la connaissance préalable d'une aide
énergétique ou la demande de détails de la part
du conseiller conduisent parfois les personnes
à singulariser et isoler la dépense énergétique.
Les personnes doivent être accompagnées pour
passer d’une perception/réflexion globale à
une réflexion par poste de dépense pour
identifier l’énergie comme un problème en soi.
Loyer
Assurance Energie
Cette absence de distinction entre les
différentes charges se comprend aisément car
à entendre les personnes, l'énergie n'est pas le
seul poste de dépense dont la part augmente
dans le budget. Beaucoup de personnes
expliquent donc devoir faire des choix ou des
concessions (privations) face à une situation
budgétaire globalement difficile (tous postes
confondus).
De plus, les personnes s’expriment
comme si ces frais étaient
incompressibles. Les leviers pour
amoindrir la consommation énergétique
ne sont pas abordés. Les seules
personnes qui évoquent la question
énergétique en tant que telle, sont
celles, très rares, qui abordent d’emblée
le service avec une problématique de
rénovation du logement (sans que leur
consommation actuelle n’occasionne
de difficulté financière).
Impôt
Budget
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 7
Plus globalement, cette absence
d’évocation du domaine énergétique
implique que les personnes ne sont
pas dans un positionnement facilitant
le changement des comportements
(au sens d'un ensemble d'actions liées
par un domaine d'activité commun et
liées à la perception que la personne
a de ce dernier).
D’ailleurs, nous ne pouvons pas
vraiment dire qu’apparaît un
comportement énergétique mais
plutôt un comportement budgétaire
(« ce que je dois faire par rapport à
mon budget »). L’objet principal des
discussions et de la présentation est :
le budget.
Usages et actions à venir sont
envisagés par rapport à ce sujet
précis.
Enfin, la façon de présenter sa situation
comme liée à des frais financiers, pourrait
laisser entendre que le discours adopté par
ces personnes relève exclusivement du
registre économique.
Or, cela n’est nullement le cas. Nous verrons
ultérieurement qu’en tant que personnes,
elles mobilisent plusieurs registres.
La raison qui explique la thématisation
dominante positionnant le domaine
énergétique, non comme un comportement à
part entière (que l’individu pourrait faire
évoluer), mais comme un élément indistinct
fondu dans la masse des frais liés au
logement, se situe ailleurs.
Se situe-t-elle dans les caractéristiques
sociodémographiques des personnes: celles-ci
sont-elles toutes dans une précarité
financière installée ?
Quels sont les profils des personnes composant cette population ?
?
Cet écart dans la problématisation provient-il du fait que les personnes concernées
sont toutes dans des situations sociales de précarité plus large ?
8
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
2. ¾ des personnes impactées par le coût de l’energie
en situation de fragilité
Les personnes évoquant la question énergétique ont un profil en termes de genre, d’âge, de
lieu de vie… très proche de l’ensemble des personnes accompagnées par le service IRCEM
PLUS, personnes du secteur des services à la personne et emplois de la famille recherchant une
aide sociale (donc possédant déjà un profil spécifique).
40 ans
et -
41/60
ans
61/84
ans
85 ans
et +
96%
Même proportion que le public de référence
4%
55 ans Public de référence – Age moyen de la personne 60 ans
Nombre d’enfants Retraité/Actif
Genre Age moyen de la personne
61%
39%
Avec enfants
Sans enfants
Public de référence – Avec enfant(s) 35%, sans enfants 65%
65%
35%
Si elles sont légèrement plus jeunes (55 ans en moyenne contre 60 ans sur le service global), les
personnes exposées aux frais énergétiques sont composées de la même proportion de femmes
(très majoritaires) et d'enfants que la population de référence.
Public de référence – Retraité 47%, Actif 53%
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 9
10%
90%
79%
18%
2% 1%
Locataire Propriétaire
Gratuit Autres
Public de référence – Locataire 49%, Propriétaire 18%, Logé gratuitement 3%, Autres 5%.
+30pts
Logement
Par contre, sur d’autres critères sociodémographiques, les personnes évoquant la question
énergétique, ont un profil très particulier : elles sont notamment plus souvent locataires que
propriétaires (79% contre 49% pour la population de référence).
Certains de ces critères distinctifs (par rapport à la population globale) pointent la probabilité
très forte d’une fragilité financière installée : chômage, non-imposition, monoparentalité,
temps partiel…
81%
19%
Public de référence – Monoparentalité 11%
Monoparentalité
Monoparentalité
Niveau d’imposition
Non imposable
Imposable
Public de référence – Non imposable 85%, imposable 15%
10
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
50% 7%
43%
Situation professionnelle
CDD
Sans emploi
CDI
Temps de travail
68%
32%
Public de référence – temps plein 55%, temps partiel 38% Public de référence – Sans emploi 31%, CDI 61%, CDD 8%
J’ai une petite retraite, quand même.
Et c’est vrai que c’est un peu dur, quand
même…
J’ai fait un plan de surendettement et je ne
sais plus comment faire.
75% des personnes ont des caractéristiques sociales comportant un risque de fragilité
financière. Ceci signifie qu’accompagner ce type de public nécessite de prendre en compte
la situation globale de chaque personne. Dans de telles situations, s’occuper uniquement de la
question énergétique serait inefficace tant l’ensemble des composantes de la situation de
chaque personne sont intriquées.
Les autres personnes ne sont pas épargnées pour autant par ce risque. En effet, la situation
initiale de la personne au niveau de l’emploi et des finances n’est pas le seul vecteur de
fragilité face aux frais énergétiques.
Au-delà des critères sociodémographiques des personnes quelles sont les
autres dimensions à prendre en compte pour comprendre l’impact des frais
énergétiques sur leur budget ?
?
+30pts
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 11
3. Les personnes impactées par le coût de l’énergie
subissent des évènements qui déséquilibrent ou
accentuent leur situation
75%
25%
Situation installée Situation fragile du fait d’un
évènement ponctuel
Au-delà de la situation de départ, des évènements viennent également déséquilibrer un
écosystème initialement stable ou détériorer un écosystème déjà fragile. Les personnes sont donc
également exposées à des situations qui se détériorent du fait d’évènements ponctuels.
J’ai été habitué à un petit niveau de vie qui
ne me posait pas souci.
Mais là, ce n’est pas évident.
C’est pour cette année,
après je vais prévoir hein.
Les évènements, qui viennent accentuer la fragilité des situations installées ou fragiliser des
situations qui ne l’étaient pas, sont très majoritairement des évènements liés à l’entourage des
personnes et plus spécifiquement à leur vie familiale. Comprendre la difficulté à faire face aux
dépenses nécessite donc de prendre en compte le réseau relationnel de la personne.
12
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
Divorce /Séparation 46%
Décès du conjoint 22%
Décès d’un enfant 1,10%
Décès autres 0,90%
Maladie grave 13%
Accident grave 1,70%
Agression (physique) 0,30%
Perte d’emploi 13%
Perte des droits chômage 1,70%
Mutation difficile 0,30%
Famille
Divorce
/Séparation
46%
Décès du
conjoint
22%
Décès d’un
enfant
1,10%
Décès
(autres
membre
de la
famille)
0,90%
Famille
70%
70%
15%
70%
Santé
Divorce
/Séparation
46%
Décès du
conjoint
22%
Décès d’un
enfant
1,10%
Décès
(autres
membre
de la
famille)
0,90%
Famille
15%
70%
Emploi
Divorce
/Séparation
46%
Décès du
conjoint
22%
Décès d’un
enfant
1,10%
Décès
(autres
membre
de la
famille)
0,90%
Famille
Suppression d’aide 2%
Je viens de perdre mon mari, il y a un an. Et
depuis, j’ai du mal à surmonter. Je me suis mis un
petit peu en retard
Je passe en invalidité là, donc je voudrais
m’arranger pour qu’il n’y ait plus de grosses
factures comme ça (facture de gaz).
Je suis en arrêt de travail depuis plusieurs mois,
donc j’ai une baisse importante de salaire.
C’est vrai que, depuis que mon mari est décédé…
c’est pas facile. […] Et, c’est vrai que j’ai encore la
maison à payer. Et cette maison on l’avait
achetée à deux, sur deux salaires.
Nature des évènements
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 13
4. Le consommateur d’énergie : une personne pas un
individu isolé réductible à la seule rationalité
économique
Comme le met en exergue le taux des
causes familiales (cf. partie
précédente) à l’origine de la
dégradation de la situation, la
difficulté à faire face aux dépenses,
notamment énergétiques, n’est pas
uniquement dépendante des
caractéristiques individuelles de la
personne : état de santé, capacité à
gérer son budget, connaissance
technique des leviers énergétiques,
etc. Elle dépend également des liens
entre la personne et son entourage.
La personne ne doit donc pas être considérée
comme un individu isolé (qu’il s’agirait
d’informer, de monter en compétence…) mais
comme un être interdépendant de son réseau
relationnel.
Les relations de la personne peuvent
effectivement jouer plusieurs rôles. Elles sont
parfois : causes, amortisseurs, amplificateurs,
de l’impact financier de l’énergie. Elles
peuvent également prendre la forme de la
préservation de l’image de soi et devenir frein
à la demande d’aide.
Les processus relationnels comme causes de la dépense énergétique :
Officiellement, nous n’avons plus d’enfants à charge.
Mais on essaye de les aider dès qu’on peut, parce qu’ils sont tous les deux au chômage.
Il arrive qu’ils n’aient même pas de quoi s’acheter à manger. Donc malgré nos petits
soucis, on essaye de temps en temps de leur venir en aide, vous voyez.
Mais c’est la version qui ne compte pas. [vis-à-vis des institutions publiques].
Mon mari est malade.
Mon mari est sous oxygène.
Il fait de l’insuffisance respiratoire sévère.
Donc il ne faut surtout pas qu’il prenne froid
par-dessus en plus. Si ça ne tenait que de moi,
je n’aurais pas demandé une deuxième
livraison de fioul.
14
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
Les liens relationnels peuvent donc être une des composantes à l’origine de la difficulté à faire face
à la dépense énergétique.
A l’inverse, l’impact des frais liés (en partie) à l’énergie peut être amorti ou accentué
par l’écosystème relationnel de la personne :
L’autre somme qui
m’a été prêtée vient
de mon frère.
Il avait
beaucoup de mal à se
faire octroyer la
prévoyance donc hier
je [c’est l’employeur
qui parle] lui ai fait le
dossier.
Ben écoutez, comment je m’organise. C’est simple.
J’ai une sœur qui est absolument formidable qui me dépanne tant qu’elle peut.
J’ai ma pauvre gamine qui m’achète de temps en temps des boîtes de conserves.
De temps en temps je me réveille le matin et je vois qu’elle est déjà passée et m’a laissé quelques
boites de conserves dans la cuisine.
On a fait un arrangement à l’amiable entre nous, sans passr par le juge :
lui [l'ex-conjoint] m’a laissé l’appartement, sinon là je me retrouvais à la rue.
On ne peut donc pas comprendre certains déséquilibres budgétaires liés à l’énergie si l’on ne prend
pas en compte l’importance de l’écosystème relationnel de la personne et les valeurs affectives et
morales attenantes.
L'écosystème relationnel de la personne peut aussi être lui-même impacté par
l’impossibilité de régler les frais liés au logement :
Ce dernier cas se présente lorsque l’impact est autant, sinon plus, lié aux conséquences relationnelles
qu’aux conséquences financières.
L’assistante sociale m’avait dit que pour m’en sortir,
il fallait que je fasse une déposition à la banque de France. Donc, moi je l’avais écouté.
Mais le truc, c’est que je me retrouve maintenant avec le fait que mon ex-ami,
qui était co-emprunteur avec moi, se retrouve à devoir payer ma part.
Mais il ne pourra pas. Tout ça parce que la Banque de France a bloqué mes prélèvements. Surtout
que lui est parti en me laissant gentiment l’appartement…
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 15
Enfin, la place de la personne dans son écosystème tient en partie à ses valeurs et à sa capacité à
garder la face (Goffman*). Cette volonté, de préserver une certaine image de soi aux yeux des tiers,
conduit parfois à ne pas mobiliser certaines aides. L'image de soi et la moralité de certaines
personnes, peuvent être une barrière à l’obtention d'aides (nécessitant de pouvoir justifier d’une
dette, ou de demander à une personne connue), comme elles peuvent être le moteur de l’aide à un
proche
On essaye de tout régler, si vous voulez.
Même si on est obligé de se priver sur tout : on n’a pas de
sortie, pas de restaurant…
On n’a rien du tout en fait. On essaye de tout payer au
maximum parce qu’à notre âge, ça la fiche mal, excusez-moi
de vous parler comme ça, d’avoir encore des dettes et tout ça.
Disons qu’on a
une maison jumelée, je suis
vraiment juste à côté alors je
l’aide.
Nous en général on essaye de ne rien
demander du tout. On essaye de se serrer les
coudes mais bon il y a un moment où ça
passe plus, ça passe plus !
Moi, je suis son employeur
et je l’ai logé chez moi. Mais bon c’est un peu
compliqué pour moi, pour nous deux
d’ailleurs…
L’ensemble des échanges démontrent que le raisonnement économique n'est finalement pas très
présent dans le discours des personnes. Les logiques à prendre en compte ne sont donc pas
uniquement les logiques financières mais aussi les logiques relationnelles.
En effet, la situation financière des personnes peut être non seulement liée à leurs dépenses
personnelles mais également aux dépenses qu’elles font pour des membres de leur entourage.
Et, comme cela a déjà été signalé, les difficultés financières peuvent fortement impacter la relation aux
tiers en elle-même.
*Goffman, E. (1973), La mise en scène de la vie quotidienne – Les relations en public – tome 2, Paris, Minuit.
16
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
A la marge, la logique financière n’apparaît que dans les cas où se sont les modes de prélèvement ou les
modalités de calcul du prévisionnel de dépenses qui sont à l’origine de la difficulté :
Non prise en compte d'une demande de mensualisation par l’organisme débiteur
Mauvaise anticipation du temps et de la consommation énergétique associée
Normalement, on a un abonnement à l’année
pour notre fuel. On paye déjà 200€ par mois.
Mais là, avec le froid qui dure cette année, en
début du mois on avait la cuve complètement
vide. On a été obligé de refaire livrer du fuel. Et je
ne vais jamais pouvoir y arriver…
J’avais demandé la mensualisation et ils m’ont dit
qu’ils n’avaient pas reçu le courrier. Du coup, je
me retrouve avec une facture de 450 € qui ne
correspond pas aux 160€ de marge que j’ai
chaque mois.
Il ne s’agit pas là de prétendre que les personnes ayant du mal à faire face aux dépenses énergétiques
ne sont pas rationnelles. En effet, les personnes peuvent mobiliser différents registres de rationalité
(« registre d’action », Boltanski, Thevenot*). En l’occurrence, dans les extraits étudiés, la rationalité
mobilisée est très fréquemment la rationalité relationnelle et identitaire.
*Boltanski Luc, Thévenot Laurent, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 17
La nécessaire prise en compte globale des personnes
Les personnes impactées par les frais énergétiques ne raisonnent pas en termes de
comportements, ni d’équipements énergétiques. De plus, elles ne cantonnent pas leur
raisonnement à la seule rationalité économique. Amener ces dernières à effectuer des
économies d’énergie demande donc, dans un premier temps, de les aider à prendre
conscience de la nature énergétique d’une partie non négligeable de leurs dépenses et
dans un deuxième temps, de les sensibiliser aux leviers possibles pour diminuer l'impact
budgétaire attenant.
La situation de ces personnes ne peut se résumer aux coûts énergétiques, ni même aux
dépenses totales du foyer. Elle est souvent beaucoup plus complexe. Les caractéristiques
sociales de ces personnes peuvent peser lourdement sur la réalité et la perception de leur
budget.
L’écosystème relationnel de ces personnes apparaît comme un autre élément primordial.
Il peut alléger ou augmenter l’impact des dépenses énergétiques, servant tour à tour
d’amortisseur ou de caisse de résonnance selon les situations de vie étudiées.
Enfin, les logiques suivies par les personnes ne se résument nullement à des logiques
financières mais sont souvent des logiques de préservation de leur image, de leurs valeurs
morales et surtout de leurs liens sociaux.
Prendre en compte les individus confrontés au poids des frais énergétiques, c’est donc
avant tout, prendre en compte ces derniers dans leur globalité. C’est-à-dire dans toutes
les composantes qui font d’eux des personnes : leur position sociale, les évènements
auxquels ils sont confrontés, les processus relationnels et les logiques affinitaires et morales
qui composent leur réseau relationnel et apportent stabilité/instabilité à leur écosystème.
18
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_______________________________________
MES NOTES
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016 19
978-2-9555619-0-4
20
ETUDE DOMPLUS : LA PRECARITE ENERGETIQUE / 2016
Créée il y a quinze ans au Canada avec DOMPLUS Inc., DOMPLUS est une société
d’intermédiation dans le secteur des services qui assure pour le compte d’entreprises et
de grands donneurs d’ordre de la protection sociale et de la santé, des prestations de
conseil et d’accompagnement à destination de leurs publics (adhérents, clients,
salariés) sur des thématiques globales liées aux préoccupations de la vie quotidienne :
avancement en âge, soutien aux aidants, transition vers la retraite, ruptures familiales,
handicap…
Aujourd’hui, 10 millions de bénéficiaires ont accès aux services d’intermédiation, dont
près de 4,8 millions de salariés sur les domaines de l’équilibre vie privée – vie
professionnelle, prévention, santé ou encore des questions autour de l’accès à l’emploi
et au logement (…etc.), proposés par DOMPLUS.
DOMPLUS – PARIS
58A, rue du Dessous des Berges
75013 Paris
Tél. +33 (0)1 44 23 05 05
Fax +33 (0)1 45 82 43 35
DOMPLUS – GRENOBLE
Siège Social
3, rue Roland Garros
38320 Eybens
Tél. +33 (0)4 76 20 40 00
Fax +33 (0)4 76 20 40 01
DOMPLUS – LYON
27, rue Maurice Flandin
69003 Lyon
www.domplus.fr
www.prioritealapersonne.fr