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Programme d’amélioration des systèmes d’exploitation en zone cotonnière (PASE) Projet « caractérisation des systèmes agraires » Etude des systèmes agraires et typologie des systèmes de production agricole dans la région cotonnière du Mali Marc Dufumier Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) Décembre 2005

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Programme d’amélioration des systèmes d’exploitation en zone cotonnière (PASE)

Projet « caractérisation des systèmes agraires »

Etude des systèmes agraires et typologie des systèmes de production agricole dans

la région cotonnière du Mali

Marc Dufumier Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG)

Décembre 2005

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Résumé : Suite aux interventions multiformes de la Compagnie malienne des textiles (CMDT) et de l’Office de la haute vallée du Niger (OVHN), et du fait que maints agriculteurs ont eu accès à des crédits gagés sur la production cotonnière, l’agriculture du Sud-Mali a fait l’objet de transformations considérables au cours des trois dernières décennies. Grâce à l’acquisition d’animaux et d’équipements attelés, de nombreux paysans ont été en mesure de remplacer leurs anciens systèmes d’agriculture sur abattis-brûlis par un système dans lequel les champs cultivés le sont désormais tous les ans, sans période de retour à la friche (« jachère »). Ces parcelles sont situées sur un ager plus ou moins abondamment fertilisé par des apports de matières organiques en provenance des aires réservées à la pâture des animaux (saltus). Ces changements sont allés de pair avec de nouvelles différenciations sociales au sein de la paysannerie et une diversification accrue des systèmes de production agricole. L’ancienne typologie d’exploitations agricoles utilisée par la CMDT, qui a fait ses preuves dans les années 1980 et 1990, n’est plus aujourd’hui aussi opérationnelle qu’autrefois. Aussi convenait-il d’en établir une nouvelle qui tienne compte des modifications intervenues depuis lors. La nouvelle typologie présentée dans ce document propose de distinguer les grands types suivants :

1) Les exploitations gérées par de « grandes familles » possédant des troupeaux bovins de grande taille et de nombreux équipements attelés :

a. Les exploitations ne disposant pas de terres de bas-fonds pour la mise en œuvre

de systèmes de culture fruitiers ou maraîchers b. Les exploitations dans lesquels les bas-fonds sont aménagés (irrigation,

drainage) pour la mise en œuvre de systèmes de culture intensifs

c. Les exploitations dans lesquelles les bas-fonds sont le siège de plantations arborées peu exigeantes en travail

2) Les exploitations de taille moyenne dans lesquelles les revenus proviennent encore

pour l’essentiel des cultures annuelles (cotonnier, céréales et légumineuses)

a. Les exploitations dans lesquelles les transferts latéraux de matières organiques et le niveau des rendements sont limités par le faible nombre d’animaux et de charrettes disponibles

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b. Les exploitations dans lesquelles les transferts latéraux de matières organiques et le niveau des rendements sont limités par la superficie du saltus environnant

3) Les exploitations de petite taille, peu équipées et ne disposant que de très peu

d’animaux, dans lesquelles les systèmes de culture sont destinés prioritairement à l’autoconsommation familiale

a. Les exploitations dans lesquelles les revenus monétaires résultent pour

l’essentiel de la vente de produits de cueillette ou de la location de force de travail au sein même du village ou à proximité

b. Les exploitations dans lesquelles la main d’ouvre familiale parvient à trouver

des emplois rémunérés de plus longue durée dans des zones plus lointaines

4) Les exploitations conduites par de grandes familles d’éleveurs Peuls transhumants 5) Les quelques exploitations détenues par des propriétaires absentéistes (« agriculteurs

du dimanche ») Au vu des résultats économiques obtenus au sein des différents types d’exploitations agricoles, il n’est pas à exclure que les grandes familles les plus fortunées se détournent progressivement de la culture cotonnière, au profit d’autres productions commerciales (maïs, bananes, mangues, noix de cajou, animaux sur pieds, etc.). Ce moindre intérêt porté à la production cotonnière pourrait s’étendre à d’autres catégories d’exploitants si le prix du coton graine venait à diminuer et à fluctuer davantage, ou s’il devenait possible pour les agriculteurs d’avoir accès à des crédits non gagés sur cette production. Mais le devenir de l’agriculture dans la région cotonnière est aussi largement conditionné par la façon avec laquelle seront (ou non) résolus les problèmes d’accès au foncier (et notamment aux bas-fonds) pour les plantations pérennes et les parcelles encloses, et ceux relatifs aux relations entre agriculteurs sédentaires et éleveurs transhumants.

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I- Contexte, objectifs, démarche et méthode

Dans la perspective de sa privatisation en 2008, et d’un éventuel démantèlement préalable, la Compagnie malienne des textiles (CMDT) s’efforce depuis déjà quelques années à recentrer ses interventions sur la seule filière cotonnière, avec pour objectif de ne prendre progressivement en charge que les opérations situées en aval de la production du coton-graine (transformation industrielle et commercialisation des produits qui en résultent). Ce recentrage pose la question de savoir quelles institutions pourraient assumer les services d’intérêt général qui cesseront dorénavant d’incomber à la CMDT : chambres d’agriculture ?, coopératives de producteurs ?. Il intervient à un moment où de lourdes incertitudes semblent peser sur le devenir de la filière. Il convient de citer plus particulièrement : - La volatilité croissante des prix du coton sur le marché international (Nubupko K. et

Keita M.S. 2005)

Fluctuations des prix mondiaux du coton sur le marché international en cents/lb. - La crainte que le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique continue de subventionner

ses producteurs de coton dans l’avenir - La hausse relative des prix des intrants chimiques (engrais minéraux, produits

phytosanitaires, etc.) : amorcée dès la dévaluation du Franc CFA en 1994 (mais camouflée dans un premier temps par des subventions substantielles), cette hausse risque de s’amplifier dans le futur proche, notamment pour les engrais azotés, du fait de l’augmentation récente (mais sans doute durable) des prix du pétrole

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1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Prix (Fcfa/kg)

Prix réel du coton-graineComplexe cotonUréePrix du coton-graine en monnaie constante 1995

Evolution des prix au niveau des producteurs de la région cotonnière de 1994 à 2005

(Source CMDT. Graphe dessiné par Roux C., 2005) - La dépendance persistante de nombreux exploitants agricoles à l’égard de crédits de

campagne et d’équipement gagés presque exclusivement sur la seule production cotonnière, et le manque apparent de produits financiers alternatifs

- Les difficultés éprouvées récemment par le secteur privé, les syndicats de producteurs

et les « coopératives », pour assurer correctement l’approvisionnement des exploitants agricoles en semences et en intrants manufacturés, tant pour les céréales que pour d’autres cultures

- La baisse tendancielle des rendements en coton-graine à l’hectare, observée durant la

dernière décennie, malgré un certain redressement de la pluviométrie au cours de la même période

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- La réduction progressive des surfaces consacrées au coton dans le « vieux bassin cotonnier », compensée, il est vrai, par une augmentation de ces dernières dans des zones plus méridionales

Parmi les raisons évoquées habituellement pour expliquer la baisse tendancielle des rendements à l’hectare1, il nous faut mentionner plus particulièrement les hypothèses suivantes : - Les paysans épandraient de moindres doses d’engrais minéraux à l’hectare depuis

l’augmentation relative de leurs prix (Koné Y., Ouattara K. et Derlon J-P. 2001) - La nature des matières premières constitutives des engrais minéraux utilisés pour la

fertilisation des parcelles cultivées et leur effet possible sur le PH des sols (Gaborel C. et Hougnibo G., cités par Dahou K. 2005)

- La moindre « fertilité » des sols, par suite des moindres apports en fertilisants et de la

moindre durée des périodes de « jachère » (Blokland A. 1990)

- L’apparition de résistances aux pesticides et la plus grande pression parasitaire qui en résulterait aujourd’hui sur les cotonniers

- Les pertes à la levée du fait de la divagation des animaux au moment des semis,

période au cours de laquelle la disponibilité en fourrages spontanés serait dorénavant insuffisante sur les terrains non emblavés

Mais quelles que soient les raisons qui seraient éventuellement à l’origine de la moindre progression de la production cotonnière2, il semble désormais légitime et urgent de s’interroger sur la nature réelle des avantages comparatifs dont dispose actuellement la région du Sud-Mali sur les marchés national et international, et d’identifier les productions et techniques agricoles que les diverses catégories d’exploitants pourraient avoir intérêt à mettre en œuvre dans l’avenir.

Dans ce contexte, la typologie des exploitations agricoles encore utilisée de nos jours par la CMDT ne paraît plus à même d’aider ses cadres et ses agents de terrain à appréhender le fonctionnement et le devenir des systèmes de production, face aux nouveaux enjeux de la filière cotonnière et de la diversification des systèmes de culture et d’élevage. Mise en place au début des années 1980, cette typologie en 4 types (A, B, C, et D) ne prend essentiellement en considération que le niveau d’équipement et le nombre d’animaux

1 Un groupe de travail IER / CMDT a été spécialement constitué pour identifier les déterminants de cette baisse tendancielle. 2 Cette affirmation mériterait d’ailleurs d’être nuancée. Bien que le Mali ne semble plus être le premier producteur de coton-graines d’Afrique, il n’en reste pas moins vrai que sa production de l’année 2005 s’est encore située aux alentours de 600.000 tonnes, malgré les prix d’achat annoncés relativement faibles (160 francs CFA le kilogramme de coton-graine de premier choix).

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présents dans les exploitations3. Cette classification répondait parfaitement aux besoins de la CMDT durant la période au cours de laquelle la compagnie mettait surtout l’accent sur l’équipement des exploitations en unités de culture attelée ; elle tend cependant à devenir désuète puisque plus de 84 % des exploitants ont recours aujourd’hui à la traction animale et disposent d’outils attelés. Cette typologie présente par ailleurs l’inconvénient de ne pas vraiment tenir compte de la diversification des systèmes de production agricole intervenue récemment dans la région cotonnière ni des autres opportunités de revenus offertes aux agriculteurs. C’est pourquoi, en appui à la cellule responsable du suivi-évaluation à la CMDT, le projet « Caractérisation des dynamiques agraires » (PASE / IER / CMDT) s’est donné pour mission de mettre en évidence les évolutions récentes de l’agriculture dans les différentes zones cotonnières du Mali, de caractériser les systèmes agraires en vigueur en leur sein et d’établir une nouvelle typologie des systèmes de production agricole mis en œuvre par les diverses catégories d’exploitants. L’étude dont le présent rapport expose les résultats devait donc répondre au besoin de mieux prendre en compte les conditions écologiques et socio-économiques de la production agricole dans la région cotonnière, ainsi que la rationalité des systèmes de production et la complexité de leur mise en œuvre, lors de la conception et de la formulation des politiques publiques et des projets de développement avec la participation des diverses organisations paysannes. Pour la réalisation de cette étude, un premier zonage « agro-écologique » avait d’abord été élaboré, sur des bases statistiques, par l’Institut d’Economie Rurale (IER), avec l’appui du CIRAD, de façon notamment à sélectionner une dizaine de sites sur lesquels devaient être ensuite caractérisés les systèmes agraires En fonction de ce premier zonage, les sites retenus pour l’étude des systèmes agraires et la typologie des systèmes de production agricole ont été finalement les suivants : - Les environs de Djidian (cercle de Kita) - Bankoumana et Siby, sur la rive gauche du Niger, au sud de Bamako (cercle de Kati ;

zone OHVN) - Dialakoroba, Digan et M’panko, à 40 km environ de Bamako, aux abords de la route

nationale 5 (zone OHVN) - Yorontiéna (cercle de Yanfolila) - Les villages de Ouré, Bohi et Sola (cercle de Bougouni) - Natien et ses environs (cercle de Sikasso) - Karagouroula, Damou et Minamba (cercle de Yorosso) - M’Pélokosso et Kanika (cercle de Koutiala) et Koumarela (cercle de Dioïla)

3 La typologie encore en vigueur au sein de la CMDT se décompose en 4 catégories : le type A se réfère à des exploitations possédant plus de dix bovins et de deux unités de culture attelée, avec chacune au moins une paire de bœufs, une charrue, un semoir, et une charrette ; le type B concerne les exploitations ne disposant que d’une unité de culture attelée et moins de dix bovins ; le type C correspond aux exploitations n’ayant qu’un attelage incomplet, et le type D à celles dans lesquelles les seuls outils sont manuels.

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- Kanouala (cercle de Bla, sur la route de Yangasso) - Baoufoulala (commune de Banco ; cercle de Dioïla) Sur chacun de ces sites, a été envoyé un binôme d’étudiants maliens - français issu d’une part de l’Institut Polytechnique Rural (IPR) de Katibougou et, d’autre part, de l’Institut National Agronomique Paris - Grignon (INAPG) ou du Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions Chaudes (CNEARC) de Montpellier. Le présent document vise à exposer la synthèse comparative des travaux réalisés par les dix binômes d’étudiants4, avec une présentation des principales situations agraires et des grands types d’exploitations agricoles rencontrés dans les zones cotonnières où interviennent la Compagnie Malienne des Textiles (CMDT) et l’Office de la Haute Vallée du Niger (OVHN). Cette synthèse repose aussi sur des observations personnelles et quelques entretiens réalisés par l’auteur au cours de deux missions d’appui, effectuées en juin et décembre 2005, auxquels se sont ajoutées des lectures d’ouvrages et d’articles dont on trouvera la liste en annexe. Les séjours sur le terrain ont été réalisés en compagnie de Messieurs Cheick Tidiane Doucouré, responsable de la cellule suivi-évaluation de la CMDT (en juin 2005), et Monsieur Mamadou Touré, responsable de cette même cellule (en décembre de la même année). Nous ont aussi accompagné sur le terrain Madame Delphine Babin, assistante technique auprès de la cellule suivi-évaluation de la CMDT, et en juin 2005 : Monsieur Sébastien Blainville enseignant-chercheur au Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions Chaudes (CNEARC) de Montpellier. Que tous soient ici vivement remerciés pour leur accueil et leurs précieux conseils !

II- La diversité des conditions agro-écologiques

La région cotonnière du Mali est presque totalement située au sud du treizième degré de latitude. Elle comprend essentiellement des zones drainées par le fleuve Niger, le Bani et ses affluents : le Baoulé, la Bagoé et le Banifing. Mais elle tend depuis peu à s’étendre vers l’ouest, sur le plateau Mandingue, jusque la Bakoyé. La pluviométrie annuelle moyenne de la région cotonnière décroît progressivement en fonction de la latitude, de 1300 mm dans sa partie située le plus au sud jusqu’à environ 800 mm à proximité de son extrémité septentrionale. Les climatologues y ont enregistré un recul des isohyètes de plus de 100 km au cours des trois dernières décennies, en

4 Du fait de la date tardive de leurs soutenances, il ne nous a malheureusement pas été possible de lire les rapports des étudiants de l’Institut polytechnique rural de Katibougou

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comparaison avec les trois précédentes (Nouaceur Z. 2001 et Bertrand A. 1986). La saison des pluies commence généralement aux alentours des mois de mai et juin, avec néanmoins d’importantes fluctuations interannuelles, et s’achève plus régulièrement au mois d’octobre.

Source : Nouaceur Zeinedine : Climat. In : Atlas du Mali ; Les éditions J.A. ; Paris 2001

Zone de translation

1951 - 1970

1971 - 1990

300 mm

500 mm

1000 mm

1200 mm

200 km

La région cotonnière repose pour l’essentiel sur le socle granitique du craton ouest-africain et sa couverture sédimentaire gréseuse du précambrien supérieur. A quoi s’ajoutent quelques formations vulcano-sédimentaires métamorphisées du birrimien qui présentent la forme de schistes argileux et de micaschistes. Les plateaux de grès dur et les ondulations granitiques dominent en fait très largement le paysage et constituent l’ossature principale des zones cotonnières. Par suite d’une érosion différentielle, la topographie peut être décrite comme la répétition d’une succession de vastes étendues planes (ou de forme très légèrement convexe), de glacis rectilignes faiblement inclinés et de bas-fonds ou plaines d’épandage (playas) au profil concave. A l’échelle des finages villageois, les étendues planes situées légèrement plus en hauteur correspondent généralement à des cuirasses ferrugineuses sur lesquelles reposent des sols de très faible profondeur (lithosols) ; les glacis en plan incliné laissent apparaître, quant à eux, des sols peu évolués d’érosion avec souvent la présence de blocs de cuirasse et des gravillons latéritiques de plus ou moins grand diamètre ; les bas glacis au profil concave et les pédiplaines situées en contrebas sont recouverts d’une couche plus ou moins profonde

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de dépôts sableux ou sablo-limoneux sur laquelle se sont développés des sols ferrugineux tropicaux lessivés. Les zones basses adjacentes et les fonds de talwegs présentent des sols hydromorphes à gley ou pseudogley selon la durée de l’engorgement dont elles font régulièrement l’objet ; de nombreux bas-fonds sont parcourus par de petits cours d’eau ou donnent lieu à la formation de marigots temporaires (Diallo D. et Keita D. 1995).

Glacis gravillonnaire

Sol limono-argileux Marigot

e

Cuirasse ferrugineus

La haute vallée du fleuve Niger a fait l’objet de dépôts alluvionnaires ; elle montre une juxtaposition de bourrelets de berges plus ou moins sableux et de plaines d’épandage de crues aux sols beaucoup plus argileux. Son lit majeur n’est encore, à ce niveau, que de relativement faible largeur. Et il est à noter que celui-ci n’est plus régulièrement inondé depuis que le barrage de Sélingué joue son rôle d’écrêteur de crues. Rares sont les zones de relief accidenté. Mais quelques inselbergs, dont les sommets présentent parfois un dénivelé de 400 mètres avec les pédiplaines situées aux alentours, surgissent néanmoins ici ou là, aux alentours de Kita et Sikasso. On y observe alors souvent des pédiments très étendus en contrebas (piémont) des versants escarpés ; ces vastes glacis rectilignes sont eux aussi généralement recouverts de gravillons latéritiques en amont et de sédiments sablo-limoneux dans leur partie aval.

Sol sablo-limoneux Bas-fonds argileuxhydromorphes

Inselberg

s

Knick

Pédiplaine

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Glaci

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Quelques formations sableuses d’origine éolienne, au modelé dunaire faiblement accusé, prédominent par ailleurs parfois dans la frange la plus septentrionale de la région cotonnière (Bla-Yangasso). Les sommets de « dunes » présentent alors des sols de texture sableuse et les dépressions inter-dunaires, dont les sols sont sensiblement plus argileux, hébergent généralement de petites mares temporaires alimentées par des ruissellements endoréiques. De telles formations sableuses comblent aussi parfois les quelques dépressions situées sur des cuirasses ferrugineuses dans certaines zones situées bien plus au sud, comme en témoigne les environs des vieux villages de Tamba et Wolofina, au nord-ouest de Sikasso. Les formations végétales varient surtout en fonction du gradient pluviométrique et des conditions édaphiques : - Le domaine soudanien occupe la frange centrale de la zone cotonnière, avec une

prédominance de savanes à la fois herbeuses, arbustives et arborées, dans lesquelles les espèces ligneuses sont pour la plupart pyrotolérantes. D’une façon générale, la couverture ligneuse et herbacée y paraît beaucoup moins dense sur les lithosols et les sols gravillonnaires, développés sur les cuirasses ferrugineuses et les glacis d’érosion, que sur les dépôts sableux et limono-argileux des bas glacis et fonds de talwegs. Sur les sols les moins profonds, l’espèce herbacée prédominante est Loudetia togoensis ; Mitragina inermis est caractéristique des zones inondables et Andropogon gayanus occupe de préférence les sols ferrugineux tropicaux les plus profonds. Les zones situées aux abords des villes et des grandes voies de communication font très souvent l’objet d’un déboisement intensif pour répondre aux besoins en charbon de bois et en bois de chauffe. Du fait de la protection délibérée et sélective de quelques espèces arborées considérées comme utiles, les terrains les plus fréquemment cultivés présentent aujourd’hui des parcs arborés à peuplement relativement homogène, dans lesquels prédominent très largement le karité (Vitalleria paradoxa) et le néré (parkia Biglobosa).

- Plus au sud, le domaine soudano-guinéen se présente généralement sous la forme

d’une mosaïque de savanes et de forêts claires. Les fonds de vallées y sont bordés de forêts-galeries, domaine de prédilection de la mouche tsé-tsé, à l’origine de la trypanosomiase. Les bas fonds hydromorphes n’y ont été qu’assez récemment « libérés » de l’onchocercose. Les zones de savanes et de forêts claires, dans lesquelles prédominent très largement Andropogons gayanus et Imperata cylindrica sont quant à elles régulièrement parcourues par des « feux de brousse ». Ce sont également des zones de collecte de bois d’œuvre.

- La frange la plus septentrionale de la zone cotonnière, moins arrosée, se situe quant à

elle dans le domaine soudano-sahélien avec même parfois des formations végétales de type steppique. Outre les karités et nérés, les terroirs intensément cultivés sur les sols sableux de modelé dunaire hébergent fréquemment des peuplements d’Acacia albida.

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En relation avec le gradient pluviométrique, on peut observer une biomasse fourragère, herbacée et arbustive, de plus en plus abondante et persistante du nord au sud de la région cotonnière ; ce qui explique largement les déplacements du bétail transhumant du nord au sud en saison sèche, avec même parfois des installations définitives de nouveaux troupeaux dans le sud. La qualité nutritive des fourrages disponibles serait cependant bien inférieure dans les zones de savanes les plus méridionales ; et les « feux de brousse » seraient alors un moyen efficace d’aider le bétail à sélectionner le peu de fourrage de qualité disponible, là où prédominent les graminées pérennes au sein de la strate herbacée (Breman H., Ketelaars J. J. et Traoré N’G. 1990).

III- Les modalités de peuplement et de colonisation agraire

Du fait de la prévalence de l’onchocercose et de la trypanosomiase dans les zones méridionales, les populations agricoles se sont d’abord établies préférentiellement dans les espaces situés plus au nord. Peuplés depuis bien plus longtemps, ces derniers présentent aujourd’hui une densité démographique relativement importante, souvent supérieure à 35 habitants au kilomètre carré. Les zones proches d’un axe routier principal ou d’un centre urbain important (Bamako, Sikasso, Koutiala, etc.) sont encore plus densément peuplées. Suite aux mesures ayant permis de réduire progressivement l’incidence de l’onchocercose dans les sites les plus humides, certaines familles d’agriculteurs et d’éleveurs originaires de zones situées plus au nord ont entrepris de migrer vers le sud et s’y sont établis plus ou moins définitivement. Ce mouvement migratoire se poursuit encore de nos jours, mais les densités de population n’en restent pas moins encore très inégales entre le nord-est plus anciennement peuplé et le sud ouest en voie de colonisation

Source : Atlas du Mali Les éditions J.A. Paris 2001

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Les modalités de la colonisation agraire ont présenté généralement de nombreuses similitudes, quelles qu’aient été les dates et les zones d’installation. Les premiers défricheurs ont commencé tout d’abord à pratiquer un système d’agriculture sur abattis-brûlis au sein de très vastes espaces, délimitant ainsi progressivement des finages villageois de grande dimension dont leurs héritiers se considèrent encore aujourd’hui comme les propriétaires éminents. Seuls les « champs de case » situés aux abords immédiats des villages, régulièrement fertilisés par les apports des déchets de cuisine et des excréments des petits ruminants, ont été d’emblée cultivés tous les ans. Les parcelles plus éloignées (« champs de brousse ») ne pouvaient, quant à elles, être cultivées qu’épisodiquement, entre des périodes de friches (« jachères »), arbustives et arborées, de plus ou moins longue durée. D’une façon générale, à cette époque, les cultivateurs préféraient mettre d’abord en culture les terrains gravillonnaires, plus faciles à désherber avec des outils exclusivement manuels.

Dès la fin de l’esclavage et des conflits inter-ethniques, intervenue au début du vingtième siècle, les cultivateurs n’ont plus hésité à étendre leurs surfaces cultivées jusque des espaces éloignés des villages. A l’époque de la colonisation française, le remplacement des anciens prélèvements tributaires par un impôt de capitation payable en monnaie incita les agriculteurs à pratiquer des cultures commerciales (arachide, cotonnier) ou à migrer saisonnièrement en direction des exploitations agricoles du « bassin arachidier » sénégalais, pour y être momentanément hébergé et nourri, en échange de travail, avec le droit, pour ces « navétanes », d’y cultiver de petites parcelles pour leur propre compte.

Au cours des premières décennies qui suivirent l’indépendance, l’introduction et la vulgarisation de la traction animale et de la charrue attelée légère par les sociétés cotonnières et les services de l’Etat ont permis de lutter plus facilement contre les herbes adventices sur les sols sablo-limoneux et limono-argileux plus profonds et davantage enherbés5. D’où l’extension progressive des superficies mises en culture sur ces terrains considérés comme plus « fertiles », aux dépens des surfaces autrefois cultivées sur les sols gravillonnaires. Le recours à la traction animale, à des outils attelés divers (charrues, semoirs, sarclo-bineurs, etc.) ainsi qu’aux engrais chimiques, aux produits phytosanitaires et (plus tardivement) aux herbicides, ont permis par ailleurs une augmentation sensible des rendements à l’hectare. Ce phénomène a été observé en premier lieu pour le cotonnier et l’arachide6, plantes dont les récoltes vendues aux sociétés d’Etat (CMDT, SEPAMA) pouvaient être mises en gage pour l’obtention des crédits octroyés par les sociétés d’encadrement. Il s’est ensuite peu à peu étendu au profit des autres cultures en rotation : sorgho, mil, maïs, etc. Le recours aux herbicides pour la culture des céréales n’est cependant intervenu qu’assez récemment.

5 Au cours de la première moitié du vingtième siècle, les autorités coloniales avaient bien déjà tenté de promouvoir l’emploi d’une charrue dénommée « Bajak », mais celle-ci, très lourde, s’avéra en fait trop difficile à tracter ; son introduction fut donc un véritable fiasco… 6 Arachide dans le cercle de Kita

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L’aménagement progressif de routes et de pistes à travers la région du Sud-Mali a permis l’intégration sans cesse croissante de la paysannerie aux échanges marchands, avec pour effet d’inciter les agriculteurs à diversifier toujours davantage leurs systèmes de culture en fonction des opportunités offertes par les marchés. Certaines grandes familles parmi les plus aisées ont ainsi commencé la mise en valeur arboricole et maraîchère de nombreux talwegs et bas-fonds réservés antérieurement à la riziculture manuelle pratiquée à petite échelle par les femmes (en saison des pluies) et à la circulation des troupeaux en saison sèche. Ce phénomène est particulièrement notable à proximité des grands centres de consommation urbains : Bamako, Sikasso, Koutiala et, dans une moindre mesure : Kita, Fana et Bougouni. Ainsi observe-t-on aujourd’hui fréquemment diverses cultures maraîchères (tomates, oignons, salades, aubergines, piments, oignons, pommes de terre, pois sucré, etc.) et fruitières (bananiers, manguiers, agrumes, goyaviers, anacardiers, etc.) dans les zones de talwegs situées à proximité de ces villes. La colonisation agricole de ces zones s’est opérée néanmoins surtout au profit des seules familles héritières des anciennes « familles fondatrices » des villages. Ces dernières craignent en effet généralement que la plantation d’arbres et la pose de clôtures soient en fait le prélude à l’appropriation définitive des parcelles correspondantes par les familles allochtones. En tout état de cause, force nous est de constater que l’expansion de la culture cotonnière n’a été finalement qu’un des éléments de la diversification des systèmes de culture dans le sud du Mali7. N’oublions pas que ce que l’on a coutume d’appeler la « région cotonnière » est aussi une région excédentaire en céréales8 (plus de 350.000 tonnes) et exportatrice de fruits, de noix de cajou et d’animaux sur pieds. La traction asine et l’emploi de la charrette, introduits initialement pour le transport des récoltes, des fourrages et du bois de chauffe, ont également facilité le transport de résidus végétaux de toutes sortes (chaumes de céréales, feuilles mortes ramassées sur les terrains laissés en friche, etc.), pour la fabrication de compost, l’établissement de litières dans les parcs à animaux, la constitution de fumier, etc. Le transport de ces matières végétales, du compost et du fumier, a finalement permis de procéder à des transferts plus ou moins massifs de matières organiques depuis les terres de parcours en direction des terrains cultivés.

IV- L’évolution des grands modes de mise en valeur : de l’abattis-brûlis à la complémentarité ager - saltus

Il est encore fréquent de voir décrit l’évolution des modes de mise en culture dans la région cotonnière comme le passage progressif de systèmes d’abattis-brûlis à friches de

7 Cette diversification des systèmes de culture a cependant été parfois de pair avec une moindre importance accordée à certaines cultures dites secondaires (fonio, gombos, vouandzou, ignames, patates douces, dah, etc.), dont la responsabilité incombait autrefois souvent aux femmes. 8 Maïs principalement

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longues durées à des systèmes de culture quasi-permanents entrant désormais en crise, du fait de la densité de population devenue trop élevée par rapport à la disponibilité en terre (Van Der Poel P. et Kaya B.9 1990 ; Blockland A. 1990). Mais la réalité semble en fait bien différente de ce que suggère ce schéma fort réducteur.

Au cours des dernières décennies, il s’est en effet opéré une transformation phénoménale des modes de mise en valeur agricole, avec une modification drastique du système agraire. Le système d’agriculture sur abattis-brûlis avec des successions culturales entrant en rotation avec des périodes plus ou moins longues de friches arbustives et/ou arborées a été en fait progressivement délaissé au profit d’un système dans lequel les parcelles mises en culture le sont désormais tous les ans, sans période de friche aucune, et sans pour autant avoir occasionné immédiatement une crise des rendements et des revenus. Ces champs mis annuellement en culture sans jamais laisser la place à des friches arbustives ou arborées sont situés le plus souvent sur les terrains pas trop éloignés de l’habitat et dont les sols sablo-limoneux ou limono-sableux sont relativement profonds. La décision d’emblaver tous les ans les mêmes champs a toujours correspondu, nous le verrons, à un choix parfaitement délibéré et ne s’est nullement fait sous la contrainte. Les paysans y avaient en effet intérêt pour minimiser les temps de déplacement du village aux parcelles, accroître les rendements à l’unité de surface, augmenter du même coup la productivité et la rémunération du travail (cf. : § X ), et faciliter le gardiennage des animaux. Mais encore fallait-il pouvoir assurer le maintien de la fertilité de ces champs cultivés en continu, grâce au parcage nocturne de troupeaux de taille suffisante et à la disponibilité en moyens de transport (charrettes). Encore fallait-il aussi que les terres de parcours soient d’une superficie suffisante pour contribuer pleinement à la fertilisation organique des terrains cultivés (ce qui, nous le verrons, n’est plus vraiment le cas aujourd’hui dans les zones les plus densément peuplées). Les terrains consacrés aux cultures annuelles, sans retour aucun des parcelles cultivées à la friche arbustive ou arborée, constituent désormais un véritable ager sous parc arboré de nérés et de karités ; elles ne se limitent plus aux seuls petits « champs de case » d’autrefois mais recouvrent désormais des superficies bien plus étendues, en des endroits souvent plus éloignés de l’habitat. Elles ne sont plus seulement fertilisées avec les détritus ménagers et les déjections des petits ruminants, mais bénéficient dorénavant surtout d’un apport massif de fumure organique en provenance des parcs à animaux dans lesquels, pendant l’hivernage, le cheptel bovin est maintenu toutes les nuits, à la lisière entre les terres de parcours et les soles de cultures annuelles. On observe alors de véritables transferts latéraux de matières organiques depuis les terres de parcours vers les parcs d’hivernage et de ces parcs pour animaux vers l’ager. Cet ager apparaît bien comme le produit d’une extension progressive des anciens « champs de case » mais intègre de nos

9 Ainsi s’exprimaient les auteurs en 1990 : « La durée des jachères s’est beaucoup raccourcie, les terres s’érodent et s’épuisent, les récoltes diminuent, la brousse est surpâturée et la couverture végétale disparaît (…). Un changement de ces systèmes encore basés sur la défriche sur brûlis s’avère donc nécessaire »

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jours de nombreux « champs de brousse » et accueille dorénavant les plantes anciennement cultivées sur ces champs après abattis-brûlis : le cotonnier, les cultures céréalières (maïs, sorgho, mil, etc.) et l’arachide. Les champs ainsi cultivés tous les ans sont aujourd’hui parfois situés à bonne distance des villages, au voisinage des terres de parcours, non loin des parcs d’hivernage.

Les zones hautes des glacis gravillonnaires, qui étaient autrefois préférentiellement mis en culture, sont désormais souvent délaissées au profit du seul pâturage par les ruminants. Ces aires de parcours pâturées tous les ans pendant l’hivernage et une grande partie de la saison sèche, sans pratiquement jamais être remises en culture, font désormais partie intégrante d’un véritable saltus. Ce saltus ne se limite bien sûr pas seulement aux zones gravillonnaires anciennement cultivées mais comprend aussi les vastes superficies de cuirasses ferrugineuses et peut même parfois s’étendre à certains bas-fonds et zones de décrue lorsque la pression sur le foncier n’est pas encore trop forte

Ce passage d’un système d’agriculture sur abattis-brûlis à un nouveau système agraire dans lequel une plus grande association agriculture-élevage a finalement abouti à une séparation plus marquée entre terroirs cultivés en continu (ager) et terres de parcours (saltus) ne semble cependant pas être intervenu pareillement, à un même degré, dans toutes les zones de la région cotonnière. Les systèmes d’agriculture sur abattis brûlis ont davantage été maintenus dans les zones les moins densément peuplées où les paysans ont souvent moins (ou plus tardivement) bénéficié des services de la CMDT ou de l’OHVN. Dans certaines zones parmi les plus méridionales (Manankoro, Filamana, etc.) et/ou les plus récemment colonisées (rive droite du Badinko à l’ouest de Djidian, sud-ouest de Kita, etc.), on peut même encore trouver de vastes aires de forêts plus ou moins denses encore jamais cultivées et peu densément parcourues par les animaux ; ces espaces de forêts constituent alors une apparente silva, exploitée principalement pour son bois d’œuvre, son gibier et quelques produits de cueillette. Mais au fur et à mesure de leur déboisement et de la baisse de la prévalence de la trypanosomiase, ces espaces commencent à leur tour à être de plus en plus convoités par les éleveurs transhumants qui y amènent leurs troupeaux en saison sèche, lorsque les ressources fourragères spontanées viennent à manquer dans les régions situées plus au nord.

Le passage de l’agriculture d’abattis-brûlis au système dans lequel on observe une séparation nette entre les espaces cultivés annuellement et les terres strictement réservées aux parcours des animaux est allé de pair avec la mise en place progressive d’une bien plus grande association agriculture - élevage. Cette association de l’élevage à l’agriculture a commencé lors du passage de la culture manuelle à la culture attelée. Le recours à la traction animale pour le labour à la charrue a permis tout d’abord de lutter plus efficacement contre les herbes adventices mais s’est révélé être peu compatible avec le maintien de souches d’arbres et d’arbustes dans les parcelles. Ainsi ne voit-on pratiquement plus de telles souches, au sein de l’ager, contrairement à ce que l’on pouvait observer autrefois dans les espaces soumis au système d’abattis-brûlis. Subsistent

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désormais dans les soles mises tous les ans en culture les seules espèces arborées dont la reproduction et le développement ont été soigneusement protégés par les agriculteurs : karité, néré, et plus rarement baobab et Acacia albida. Mais ces espèces n’en continuent pas moins de participer aujourd’hui aux transferts verticaux d’éléments minéraux depuis la profondeur des terrains cultivés vers la couche superficielle de leurs sols, grâce à l’interception de ces éléments par les puissants systèmes racinaires, à leur remontée au sein de la sève en direction de la biomasse aérienne et à la chute des feuilles mortes. Mais l’utilisation intensive des charrettes a aussi et surtout permis de procéder à des transferts massifs de matières organiques depuis le saltus et les parcs d’hivernage jusque vers les parcelles mises tous les ans en culture. Auxquels s’ajoutent aussi très souvent les transferts réalisés directement par les troupeaux transhumants ou sédentaires lorsque ceux-ci sont parqués systématiquement durant la nuit sur des parcelles de l’ager, au cours de la saison sèche (parcs mobiles). De nombreux éleveurs transhumants sont par exemple hébergés chez des agriculteurs sédentaires en échange du parcage nocturne systématique de leurs animaux sur les parcelles de leur « tuteurs » (contrats de fumure). La pratique de la mise en culture annuelle des mêmes champs, sans période de friche aucune, exigeait de tels apports de fumure organique en provenance de parcelles extérieures. La possession de bovins et l’accès à leurs excréments (par achat de charretées ou via des contrats de fumure noués avec les transhumants) ont été les éléments déterminants de cette transformation et conditionne encore de nos jours la capacité des agriculteurs à stabiliser l’ager et à ne plus devoir défricher de nouvelles parcelles dans les espaces laissés en recrû arbustif et arboré. La possession ou la location de charrettes permet désormais à de nombreux agriculteurs d’aller chercher des feuilles mortes et autres débris végétaux dans les aires de parcours et de les mélanger aux déjections animales dans leurs parcs à animaux (individuels ou collectifs) et dans leurs fosses fumières10. Mais certaines familles moins bien dotées en animaux ou en charrettes peuvent néanmoins éprouver de sérieuses difficultés à cultiver indéfiniment leurs parcelles lorsque la fumure organique vient à leur manquer. Ils ne peuvent plus alors maintenir l’ager en l’état et se retrouvent contraints d’abandonner de nouveau leurs parcelles à la friche et de défricher d’autres parcelles dans les zones de savane, avec le risque de devoir encore y pratiquer un système de culture sur abattis-brûlis. D’autres agriculteurs, bien mieux équipés en charrettes, parviennent au contraire à étendre toujours davantage l’ager aux dépens du saltus, y compris sur les zones gravillonnaires précédemment délaissées, grâce à des apports de fumure organique en grande quantité (transport des fèces des troupeaux et des feuilles ou brindilles en provenance des terres de parcours, parcage nocturne des animaux sur l’ager en saison sèche, etc.).

10 Dans le cadre du suivi socio-économique d’un échantillon de 80 exploitations agricoles familiales des cercles de Koutiala, Kadiolo et Bougouni, Djouara H., Bélières J-F et Kébé D., confirment que « l’évolution la plus remarquable sur la dernière décennie semble avoir été la progression des apports de fumure organique par hectare cultivé. Globalement, cette quantité est passée de 715 kg/ha à 1300 kg/ha ». (Djouara H., Bélières J-F. et Kébé D. à paraître 2006)

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Les diverses formes de matières organiques employées pour la fertilisation

des champs cultivés :

Les matières organiques utilisées pour la fertilisation des champs cultivés sur l’ager peuvent prendre des formes très diverses :

- Les déjections animales accumulées quotidiennement lors du parcage nocturne des troupeaux dans la cour des concessions et dans les parcs d’hivernage. Ces déjections peuvent être transportées et répandues sans autre apport, sous la forme de « poudrette » préalablement séchée, dans les champs qui vont faire l’objet d’un labour d’enfouissement ; ainsi répandue, cette « poudrette » a déjà perdu une grande partie de son carbone et de son azote. Mais les déjections animales accumulées dans les parcs d’hivernage peuvent aussi servir à la fabrication d’un véritable fumier, lorsque des chaumes de céréales sont régulièrement apportés dans les parcs pour la confection de litières pour les animaux. Il est à mentionner aussi des apports directs de déjections animales lors de la stabulation nocturne des animaux au sein de parcs mobiles installés temporairement sur les champs de l’ager, en saison sèche, le plus souvent dans le cadre de « contrats de fumure » noués entre agriculteurs sédentaires et éleveurs transhumants

- Les pailles et chaumes de céréales sont parfois laissées couchées sur les champs après la récolte des épis ou panicules ; largement piétinés et partiellement consommés par les animaux divagant en vaine pâture, ces résidus de culture ne se décomposent que lentement, mais peuvent être parfois mis à profit par les termites qui recyclent ainsi une partie des matières organiques dans les couches superficielles du sol ; leur enfouissement direct par le labour aboutit bien souvent à une structure du sol un peu trop « soufflée ». Les exploitants équipés de charrettes attelées s’efforcent par contre de récolter et stocker provisoirement ces résidus de culture pour les mélanger ensuite avec des excréments animaux pour la fabrication de fumier, lors de la confection de litières dans les parcs d’hivernage ou dans des fosses fumières creusées à cet effet. Faute de pouvoir toujours disposer de fèces en quantité suffisante, certains exploitants se contentent de fabriquer directement du compost au sein de fosses compostières situées à proximité de l’habitat.

- Comme il vient d’être relaté, le fumier est fabriqué en mélangeant systématiquement les tiges et les pailles de céréales avec des déjections animales encore fraîches, lors de la confection des litières dans les parcs d’hivernage, ou directement au sein des fosses fumières ; la fabrication du fumier reste néanmoins l’apanage des seuls exploitants équipés de charrettes attelées, car elle suppose en effet de pouvoir réaliser de nombreux trajets pour le transport des résidus de culture et du fumier lui-même

- Les exploitants qui disposent de charrettes attelées sans toutefois posséder de nombreux animaux sont parfois contraints d’aller chercher eux-mêmes directement

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divers résidus organiques dans le saltus : bouses séchées, feuilles mortes, brindilles, termitières11, etc.

- Les feuilles mortes qui tombent régulièrement des arbres délibérément maintenus au sein des parcelles cultivées : karité, néré, Acacia albida, etc. Grâce à leur puissant enracinement, ces arbres sont capables de puiser des éléments minéraux en profondeur, les fixer provisoirement dans leur biomasse, et les restituer sous la forme de feuilles mortes à la superficie des sols. Les arbres de la famille des légumineuses contribuent aussi à apporter de l’azote.

Cette extension de l’ager aux dépens des terres de parcours commence par l’abattis et le brûlis des ligneux ; mais contrairement aux apparences, il ne s’agit plus alors pour les agriculteurs de pratiquer de nouveau un véritable système d’abattis brûlis ; ils prennent soin en effet d’essoucher soigneusement au plus tôt ces ligneux et de mettre tous les ans en culture la parcelle nouvellement défrichée. En tout état de cause, cette extension de l’ager paraît très largement facilitée quand le saltus et les animaux sont suffisamment abondants pour permettre d’importants transferts latéraux de matières organiques.

Fumure organique avant le travail du sol sur un champ de l’ager (Koutiala)

11 Les termitières sont d’abord livrées aux volailles pour que ces dernières puissent picorer les termites ; ce n’est qu’après avoir été débarrassées de leurs termites qu’elles sont amenées sur les parcelles pour être enfouies dans les sols.

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Il est à noter que dans la constitution des revenus monétaires des familles paysannes les plus pauvres, la cueillette des noix de karité dans les champs cultivés sur l’ager, activité exclusivement féminine, occupe parfois une place importante. De même en est-il de la chasse et de la coupe du bois de chauffe dans les zones de saltus et de silva, pratiquées par les hommes.

V- Les principaux systèmes de culture pratiqués et leur localisation

Les systèmes de culture pratiqués par les diverses familles paysannes sont étroitement conditionnés par la localisation des parcelles au sein des finages villageois, la profondeur des sols et la disponibilité en fumure organique. Les soles d’ager abondamment fumées et emblavées tous les ans en céréales ou en cultures de rente sont localisées généralement non loin des villages, en bas de pente, sur des terrains dont les sols sablo-limoneux ou limono-argileux sont relativement profonds. Mais certaines familles villageoises qui disposent de nombreux animaux en parcage nocturne sont parfois parvenues à les étendre jusqu’aux glacis gravillonnaires, à proximité des parcs d’hivernage. A quelques exceptions près, cependant, les hauts de pentes et glacis gravillonnaires qui étaient préférentiellement cultivés avant l’introduction de la traction animale et de la charrue attelée, du fait de la faible incidence des herbes adventices, lorsque les pluies étaient plus abondantes qu’aujourd’hui, semblent aujourd’hui relativement délaissés par les cultivateurs. Ils restent cependant parfois cultivés durant quelques années seulement après abattis et brûlis lorsque des agriculteurs pauvres n’ont pas accès à la traction animale et aux équipements attelés pour le labour et le transport de matières organiques. Nous avons vu aussi que dans certaines zones densément peuplées où les sols sableux et limono-argileux de bas de pente viennent à manquer, certains agriculteurs aisés qui disposent d’une fumure organique relativement abondante s’efforcent désormais d’étendre l’ager sur les terrains gravillonnaires. Le choix des cultures et l’intensité des rotations pratiquées dans chacune des parcelles de l’ager semblent étroitement conditionnés par l’importance de la fumure organique. Aussi dépend-il des modalités de transfert de fertilité, horizontal (apport de fumure organique et fertilisation chimique complémentaire) ou vertical (remontée d’éléments minéraux depuis la profondeur des sols jusque leur surface via la biomasse des arbres et la chute de leurs feuilles). Ainsi peut-on observer de grandes différences selon la distance des champs cultivés aux villages, aux fosses fumières, au saltus et aux parcs d’hivernage. La localisation de la parcelle dans la toposéquence (selon le type de sol : gravillonnaire,

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sableux, limoneux ou argileux) et la possession de charrettes revêtent aussi généralement une très grande importance : - Le maïs est encore aujourd’hui fréquemment semé tous les ans, en rotation avec lui-

même, et en association avec d’autres cultures secondaires, dans les « champs de case » abondamment fumés, grâce aux apports d’ordures ménagères et de déjections animales (petits ruminants), à proximité des villages. De cycle relativement court, cette céréale qui était autrefois cultivée principalement pour permettre de faire face à d’éventuelles « périodes de soudure » est progressivement devenue une culture commerciale, au même titre que le cotonnier.

Calendrier des principales cultures

0

300

Jan Fév Mars Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc

Pluviosité (mm) f

- Le cotonnier est cultivé princ

où l’on vient d’appliquer de lurée) en abondance ; il est ceaprès la défriche-brûlis, sur letoujours à réaliser des cultures

Mil hâti

f

ipalemea fumurpendans cham annuel

Mil tardi

s

nt ee ort aups dles e

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Maï

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Arachid

f

Sorgho tardi

r

Cotonnie

te de rotation, sur les parcelles de l’ager ique et des engrais minéraux (NPKSB et parfois semé en tête de rotation, aussitôt lesquels les paysans ne parviennent pas ontinu.

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- La rotation biennale coton-céréale est devenue assez fréquente sur les anciens « champs de brousse » un peu éloignés des villages qui font aujourd’hui l’objet d’une fertilisation plus conséquente grâce à l’apport régulier de matières organiques et d’engrais minéraux. Il s’agit le plus souvent d’une succession de cotonnier et de maïs, le maïs étant lui-même une culture exigeante en éléments nutritifs et sensible au stress hydrique. Avec un prix du coton-graine de 160 francs CFA par kilo, la valeur ajoutée à l’hectare y est d’environ 175.000 francs CFA à l’hectare et par an ;

- La rotation triennale coton-maïs-sorgho est pratiquée de préférence sur des parcelles

moins abondamment fumées et rapporte des revenus légèrement moins élevés à l’unité de surface ;

- La rotation quadriennale coton-maïs-sorgho-mil et les rotations incluant parfois des

périodes de friches herbeuses de courte durée procurent annuellement des valeurs ajoutées brutes moyennes à l’hectare encore moindres (inférieurs à 120.000 francs CFA à l’hectare)

- L’arachide est encore parfois cultivée par les femmes sur de petites surfaces, au sein

de champs qui leur sont momentanément confiés à titre individuel, en fin de rotation, après une culture de mil ou de sorgho.

Les fonds de talwegs et terrains situés à proximité des cours d’eau et marigots temporaires, dont les sols argileux sont plus ou moins hydromorphes, ont longtemps été réservés aux femmes pour que celles-ci y cultivent momentanément du riz à relativement petite échelle. Ces bas fonds sont généralement bordés de petites plantations fruitières ou de lopins maraîchers. Certains bas-fonds commencent cependant à faire l’objet d’aménagements destinés à leur irrigation ou à leur drainage, de façon à ce que les familles concernées puissent y cultiver intensément des bananiers ou des plantes maraîchères, au sein de parcelles bien encloses. Mais ces aménagements et leur pleine mise en valeur en contre-saison supposent que les agriculteurs aient eu la capacité d’enclore leurs parcelles, y aient préalablement creusé des puits et disposent de moyens suffisants pour travailler les « terres lourdes » (bœufs de trait, tracteurs, charrues, etc.) et assurer l’exhaure de l’eau (pompes manuelles ou motopompes). Le futur de ces systèmes de culture intensifs semble aussi parfois compromis par l’abaissement de la nappe phréatique et les difficultés croissantes qui en résultent pour l’irrigation.

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Jeune plantation de bananiers enclose par une haie vive de sisal à Baoufoulala)

Il est fréquent aussi d’observer la mise en place, dans les fonds de talwegs ou à leur proximité immédiate, de plantations arboricoles (manguiers, anacardiers, agrumes, goyaviers, etc.), dont la mise en valeur, bien que relativement extensive, peut s’avérer parfois très lucrative, notamment dans les zones proches des grandes villes où il existe un marché de taille suffisante (cf. : § VII - 3 ). Le greffage des manguiers avec des variétés dites « américaines » (Amélie, Mali Damaraka, Julie Mali Musca, etc.), plus tardives et davantage appréciées des consommateurs urbains, est de plus en plus fréquemment pratiqué. Nous avons vu que les plantations fruitières destinées à la vente ne sont généralement le fait que d’agriculteurs relativement aisés, héritiers des familles ayant été à l’origine de la fondation des villages ; ces agriculteurs se considèrent en effet comme les véritables « propriétaires » des terrains et ne souhaitent généralement pas voir d’autres personnes y planter des arbres. Les plantations arborées paraissent même parfois comme un moyen pour les propriétaires éminents de marquer définitivement leurs « droits » sur ces terres parmi les plus fertiles. Il semblerait cependant que le fait d’y planter des arbres serait parfois le prélude à une individualisation croissante des droits fonciers sur les bas-fonds, les plantations étant de plus en plus souvent héritées entre parents et enfants d’un même ménage, en filiation directe, et non pas placées systématiquement sous la responsabilité des aînés, au sein des familles élargies. Il est à noter qu’aux abords des grandes villes, des « maîtres de terres » ont commencé depuis déjà quelques temps à vendre certains de leurs terrains situés en bordure des fonds de talwegs, à des commerçants ou à des fonctionnaires. Ces derniers entreprennent alors

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généralement de faire immatriculer les parcelles de façon à en faire de véritables propriétés privées. Les systèmes de culture qui y sont mis en place par ces « agriculteurs du dimanche » font appel à de la main-d’œuvre salariée, le plus souvent journalière. Il s’agit le plus souvent de cultures maraîchères ou de plantations fruitières. Les environs de Sikasso présentent des surfaces consacrées à des « cultures de diversification » du type pommes de terre, pois sucré, etc. Il est à noter aussi l’extension récente des plantations fruitières dans l’extrême sud de la région cotonnière, dans les zones où il est possible d’écouler facilement les fruits (mangues, agrumes, noix de cajou) vers la Côte-d’Ivoire toute proche. Dans ces zones méridionales plus arrosées, les arbres fruitiers n’ont plus besoin d’être cultivés en bordure des bas-fonds. Les manguiers et les agrumes sont installés de préférence à proximité des villages, dans les « champs de case », tandis que les anacardiers sont implantés généralement en plein champ, après quelques années de rotations de cultures annuelles ou en association avec celles-ci, de façon à croître en substitution de l’ancien recrû forestier (« jachère ») ; il convient alors de protéger ces plantations d’anacardiers des « feux de brousse », encore très fréquents dans ces zones, et des dégâts occasionnés par le passage des animaux en divagation. Ici aussi, il semble que les plantations arborées ne permettent pas seulement de dégager des revenus monétaires assez substantiels, mais sont aussi l’occasion, pour les héritiers des « familles fondatrices », de manifester leurs « droits de propriété foncière » sur des territoires où les migrants sont de plus en plus nombreux à vouloir s’installer définitivement. Dans la vallée du Niger, l’ancienne plaine d’épandage de crues n’est plus régulièrement inondée depuis la construction du barrage de Sélingué, ne fait donc plus aujourd’hui l’objet de cultures de décrue et sert essentiellement aujourd’hui de terres de parcours pour les ruminants. Seuls les bourrelets de berge et les quelques bancs sableux qui traversent cette plaine font parfois l’objet de cultures pluviales (rotations cotonnier - céréales) ou irriguées (riz, bananiers, arbres fruitiers ou maraîchage). Dans presque toutes les zones de la région cotonnière, les vastes espaces plans et surélevés où affleurent les cuirasses ferrugineuses restent en général incultes et servent presque exclusivement de terres de parcours pour le bétail des agriculteurs sédentaires ou/et des éleveurs transhumants. Des femmes parviennent néanmoins parfois à y cultiver du riz, à petite échelle, dans les quelques endroits au profil très légèrement creusé où se sont constitués et accumulés progressivement des argiles.

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VI- Les principaux systèmes d’élevage pratiqués en zones cotonnières

La région cotonnière n’était pas vraiment considérée autrefois comme une région d’élevage. Les agriculteurs sédentaires y pratiquaient en effet surtout l’élevage de petits ruminants (ovins et caprins) auquel venaient souvent s’ajouter quelques petits ateliers d’élevage de volailles (poules et pintades) et, bien plus rarement, de porcins. Les éleveurs nomades ou transhumants en provenance du Sahel ne faisaient que transiter dans la région pour vendre une partie de leur cheptel en Côte-d’Ivoire. Mais en l’espace de quelques décennies, la région est devenue l’une des toutes premières en ce qui concerne les effectifs de bovins (Dembele C. 2005). Du fait notamment de l’intervention de la CMDT, nombreuses ont été les familles d’agriculteurs qui ont d’abord acquis des bœufs de trait pour le travail des sols ainsi que des ânes pour les transports en charrettes. Mais au cours des dernières décennies, les revenus procurés par la culture du cotonnier ont aussi permis à certains cultivateurs de se constituer progressivement des troupeaux bovins de taille variable. L’élevage est une activité qui permet aux diverses familles d’agriculteurs de disposer de force de traction ou/et de dégager des revenus plus ou moins importants, dont la mobilisation dépend pour une large part de la nature des animaux. L’aviculture est pratiquée à petite échelle, pour la fourniture de viande (et beaucoup plus rarement pour la production d’œufs) dans la presque totalité des exploitations agricoles. Les volailles divaguent librement dans les concessions au cours de la journée et sont abritées au sein de petits poulaillers durant la nuit. Elles se nourrissent pour l’essentiel de déchets ménagers et de sous-produits de récolte, avec aussi parfois des compléments de termites à partir des blocs de termitières que les agriculteurs viennent chercher dans les zones de cuirasses ferrugineuses. La maladie de Newcastle et la coccidiose déciment périodiquement un grand nombre de têtes ; à quoi s’ajoutent aussi parfois les prélèvements opérés par les renards, les chacals et les éperviers. Les poulets et pintades sont parfois autoconsommés par les familles paysannes mais peuvent être aussi vendus plus ou moins régulièrement pour disposer de petits revenus monétaires, afin de satisfaire généralement des besoins de consommation courante. Il existe aussi néanmoins quelques élevages « hors-sols » de poules pondeuses et poulets de chair destinés à la vente, aux abords des routes menant aux grandes villes ; il s’agit alors d’élevages pour lesquels les volailles sont confinées en permanence dans des poulaillers de dimension variable (jusqu’à 800 poules pondeuses à Dialakoroba) et reçoivent une alimentation à base de maïs, son, sel et tourteaux. Ces volailles font l’objet de traitements sanitaires réguliers. Leurs fientes sont vendues comme fertilisants.

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Volailles nourries de termites

La plupart des exploitants élèvent régulièrement des ovins et des caprins. Seuls en effet les agriculteurs qui ne parviennent pas à être autosuffisants en céréales ne disposent pas de tels petits ruminants. En saison sèche, les moutons et les chèvres divaguent librement aux alentours des villages durant la journée et retournent ensuite dans les concessions pour y être parqués durant la nuit. En saison des pluies, ces animaux sont généralement acheminés tous les jours vers les terres de parcours (saltus) et les terrains laissés temporairement en friche (« jachères ») par les enfants ; ils sont aussi parfois attachés à des piquets pour les empêcher de causer des dégâts aux cultures. Ces animaux sont vendus le plus souvent lorsque les agriculteurs ont un besoin immédiat d’argent pour des soins médicaux, des frais de scolarité, des mariages ou des fêtes religieuses. A l’approche de la Tabaski ou de la sortie du Ramadan, certains éleveurs parmi les plus proches des centres urbains pratiquent systématiquement l’engraissement de moutons destinés au sacrifice ou à la vente, moyennant quelques apports de compléments fourragers (fanes de légumineuses, tourteaux de coton). Les chèvres ne sont nourries par contre qu’au moyen des fourrages rencontrés sur leurs parcours. En règle générale, le parcage nocturne des petits ruminants au sein de la concession permet aux agriculteurs de disposer de fécès pour la fabrication de fumier ou de « poudrette » destinés à la fertilisation des « champs de case ». L’élevage porcin n’est que très rarement pratiqué dans la région cotonnière. Cet élevage n’est le fait que de quelques villages Minianka non convertis à l’Islam, dans les zones frontalières du Burkina Faso (cercles de Yorosso et Sikasso). Les porcs doivent être soigneusement attachés pour ne pas causer de dégâts aux cultures.

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L’élevage asin s’est développé essentiellement pour la traction des charrettes. Quelques éleveurs pratiquent l’élevage des femelles pour les mises-bas. Mais très nombreux sont les paysans qui achètent directement les mâles pour bénéficier de la traction animale. En saison des pluies, les ânes sont le plus souvent élevés au piquet, non loin des villages ou à proximité des parcelles cultivées, dans les endroits où les graminées sont abondantes. En saison sèche, ils sont généralement entravés et laissés en vaine pâture sur les chaumes de céréales ; il leur arrive aussi de recevoir du sel et quelques compléments fourragers sous la forme de fanes de légumineuses. Parqués la nuit au village, les ânes participent eux aussi à la fertilisation organique des « champs de case ». Les bœufs de trait sont élevés principalement pour les labours à la charrue, les sarclo-binages et les billonnages réalisés à la houe attelée ou au multiculteur, ainsi que pour les semis en ligne effectués au moyen de semoirs. Les bœufs de trait sont parfois directement issus du troupeau allaitant du propre exploitant ; mais il arrive aussi qu’ils doivent être achetés à d’autres éleveurs, moyennant le recours à des crédits d’équipement ou (plus rarement) avec de l’argent acquis lors du travail de jeunes adultes en Côte-d’Ivoire. Jusqu’assez récemment, les crédits d’équipement étaient octroyés par la CMDT ou l’OHVN. Depuis le recentrage de la CMDT sur la stricte production de coton, ces crédits sont généralement avancés par la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) mais restent encore très souvent gagés sur la production cotonnière. Généralement castrés, les bœufs de trait commencent à travailler vers l’âge de 4 à 5 ans et ce, jusqu’à l’âge de 15 ans. A la fin de leur service, ils font l’objet d’un rapide engraissement et leur revente comme animaux de boucherie procure alors quelques revenus monétaires (de l’ordre de 125.000 francs CFA par tête). En fin de saison sèche et durant l’hivernage, les bœufs de trait sont généralement parqués dans la concession ou dans des parcs situés à proximité immédiate des villages ; cela permet de complémenter facilement leur alimentation avec des résidus de récolte préalablement stockés et (plus rarement) de la poudre de néré ou des tourteaux de coton, afin de disposer de l’énergie nécessaire aux travaux des champs. Les bœufs de trait sont presque toujours prioritaires pour l’alimentation complémentaire. Leur parcage nocturne au sein des concessions contribue ici aussi à la concentration de déjections pour la fabrication de fumier ou la fertilisation directe des « champs de case ». Une fois passée la période des gros travaux agricoles, les bœufs de trait rejoignent pour un moment les troupeaux bovins allaitants. Introduit initialement par des éleveurs Peuls nomades, transhumants ou sédentaires, l’élevage pastoral de troupeaux bovins allaitants pour la production de bœufs de trait, taurillons et fumure organique, est devenu une pratique de plus en plus importante dans la région cotonnière, au bénéfice généralement des agriculteurs les plus aisés. Contrairement à une idée encore trop souvent répandue, il ne s’agit guère d’un élevage « contemplatif » ou de prestige, même s’il est vrai que les grands troupeaux confèrent de fait une certaine renommée à leurs détenteurs. L’élevage bovin naisseur peut être en effet hautement productif ; il vise le plus souvent à satisfaire simultanément plusieurs objectifs :

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- La production de bœufs de trait pour les travaux des champs, - La production de taurillons et bœufs destinés le plus souvent à être vendus, tôt ou tard,

sur pieds, - La production de lait en petites quantités - La production de génisses reproductrices - La production de fumure organique pour la fertilisation des champs cultivés Les troupeaux de bovins constituent par ailleurs une forme d’épargne sur pieds, mobilisable en cas de besoins, dans les périodes où les paysans doivent faire face à de grosses dépenses : mariages, accidents, achats d’équipements, envois de jeunes adultes à l’étranger, etc. Lorsqu’il est nécessaire de vendre des animaux, les éleveurs s’efforcent généralement de conserver les femelles et vendent donc préférentiellement les animaux mâles les plus âgés, de façon à conserver le plus grand nombre de reproductrices pour le renouvellement et l’agrandissement éventuel des troupeaux. Dans les régions et les exploitations où les ressources fourragères viennent à manquer, les agriculteurs optent cependant parfois pour une attitude totalement opposée : en cas de besoin monétaire urgent, ils vendent prioritairement les génisses, de façon à pouvoir conserver les mâles destinés à devenir des bœufs de trait. Ainsi en est-il fréquemment, par exemple, dans la zone de Kanouala. Les troupeaux de bovins détenus par les agriculteurs sédentaires sont finalement de taille très variable : de une ou deux vaches-mères à plus d’une centaine de têtes. Les troupeaux de plus grande dimension se rencontrent principalement dans les régions où les surfaces pastorales sont les plus étendues, à l’exception des zones soudano-guinéennes affectées par la trypanosomiase. Dans la frange nord de la région cotonnière et les zones les plus densément peuplées où les terres cultivables ont été largement étendues aux dépens des aires de parcours, rares sont les exploitants qui détiennent plus de dix têtes. En saison d’hivernage, les troupeaux sont conduits par des vachers (« bergers ») sur les terres de parcours permanentes (saltus) et les terrains laissés temporairement en friche pour y mettre à profit leurs ressources fourragères. Ces vachers peuvent être des enfants d’agriculteurs sédentaires disposant de troupeaux importants ; mais il arrive aussi que les agriculteurs dont les effectifs d’animaux sont assez faibles rassemblent leurs bovins pour les confier à des éleveurs peuls considérés comme plus expérimentés. Tous les soirs, les animaux sont rassemblés dans un parc pour y passer la nuit et y déposer leurs excréments ; certains agriculteurs y apportent parfois des pailles et des brindilles pour y constituer une litière et permettre la production d’un véritable fumier. De ces parcs d’hivernage situés sur le saltus, est originaire une grande partie de la fumure organique destinée aux parcelles cultivées sur l’ager. Durant la saison sèche, lorsque les ressources fourragères se font plus rares sur les terres de parcours et les friches temporaires, les bovins sont amenés sur les champs ouverts à la vaine pâture, de façon à y consommer les chaumes de céréales qui n’ont pas été

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préalablement transportés vers les concessions. Des parcs mobiles sont alors temporairement aménagés sur l’ager pour y permettre la fertilisation directe des parcelles sur lesquelles ils sont installés. Mais faute de fourrage en quantité suffisante, certains agriculteurs disposant de troupeaux importants sont fréquemment contraints de confier ces derniers à des éleveurs Peuls pour que ceux-ci les envoient en transhumance vers des régions méridionales plus arrosées. Les éleveurs peuls en provenance des régions sahéliennes ne font plus souvent que traverser la frange centrale de la région cotonnière pour amener désormais directement leurs troupeaux dans la zone sud de celle-ci. Ces éleveurs nouent alors parfois des contrats de fumure avec les agriculteurs de leurs zones d’accueil ; mais il n’en est cependant pas toujours ainsi et certains agriculteurs des zones soudano-guinéennes se plaignent de rapports conflictuels avec les éleveurs transhumants de passage sur leurs finages villageois. D’une façon générale, il convient de noter que les différenciations sociales croissantes au sein de la paysannerie ne proviennent plus tant aujourd’hui des écarts observés dans les surfaces cultivées par actif mais résultent bien davantage des inégalités qui existent dans les effectifs des troupeaux possédés par les diverses familles (cf : § 10). Celles qui disposent d’un nombre très élevé d’animaux ont en effet accès à une part plus importante des ressources fourragères disponibles sur les terres de parcours et peuvent ainsi accumuler des quantités plus considérables de matières organiques pour la fertilisation de leurs champs cultivés ; grâce à la mobilisation de leur capital épargné sous la forme de cheptel, il leur est beaucoup plus facile d’acquérir de nouveaux équipements (puits, motopompes, etc.) et de payer les passeurs en vue de l’émigration clandestine de jeunes adultes vers les pays à hauts revenus.

VII- Des situations agraires très contrastées, selon les conditions agro-écologiques, la date d’implantation des populations, la densité démographique, l’accès aux marchés du travail et des produits agricoles.

Au-delà de la dynamique générale d’évolution évoquée précédemment, il nous faut reconnaître aujourd’hui l’existence de situations agraires assez différentes selon les zones et les villages. Ces différences dépendent pour l’essentiel des conditions suivantes : - La pluviométrie et les diverses formations végétales qui en résultent (steppes, savanes

ou forêts claires) ; - L’importance relative des étendues de cuirasses ferrugineuses, glacis gravillonnaires,

épandages sablo-limoneux et bas-fonds plus argileux, dans les finages villageois ; - Les mouvements migratoires au sein du pays, l’ancienneté de l’établissement des

villages et leur densité démographique actuelle ;

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- La date d’implantation des structures d’encadrement de la CMDT et des usines d’égrenage du coton ;

- La proximité ou l’éloignement des grands marchés urbains de produits agricoles pour l’écoulement de produits vivriers, fruitiers et maraîchers : Bamako, Sikasso, Côte d’Ivoire, etc.

- L’accès ou non des familles villageoises aux courants migratoires en direction des grandes villes du pays et de l’étranger : Côte d’Ivoire, France, etc.

- la taille des cheptels villageois, le passage éventuel de troupeaux en transhumance et le nombre d’animaux pouvant effectivement participer à la production et au transport de fumure organique pour la fertilisation des terrains cultivés ;

- les proportions de saltus et d’ager qui en résultent au sein de ces mêmes finages. Dans les zones septentrionales les plus anciennement peuplées au sein desquelles la densité de population est souvent élevée (Bla-Yangasso, Koutiala, Dioïla), l’ager est souvent déjà très étendu et le saltus proportionnellement limité. Il en résulte une rareté relative de la biomasse fourragère pouvant donner lieu à la production et au transport de fumure organique, eu égard à la superficie totale des champs à fertiliser. Même s’il existe encore quelques champs laissés en friche dans les exploitations les moins bien équipées, la tendance est bien à la mise en place de rotations culturales en continu dans l’ager ; mais le manque de fumure organique rend parfois celle-ci impossible. Les familles qui disposent d’un cheptel important, eu égard aux surfaces de saltus disponibles pour le pâturage des animaux en saison sèche, entreprennent parfois d’envoyer une partie de celui-ci en transhumance vers les régions méridionales plus arrosées et moins densément peuplées, sous la conduite de bouviers (« bergers ») spécialisés. Ces animaux partis en transhumance ne peuvent plus alors participer à la fertilisation organique des terrains cultivés tous les ans dans les villages d’origine. Plus on descend vers le sud et plus la densité de peuplement est faible ; plus abondantes en proportion apparaissent les terres de parcours. Pour peu que les villageois possèdent un cheptel de taille suffisante ou parviennent à nouer des contrats de fumure avec les éleveurs transhumants, il leur devient possible de mettre à profit l’importante biomasse fourragère disponible et de transférer des quantités considérables de matières organiques depuis les saltus jusqu’aux ager. Ainsi en est-il plus particulièrement dans la frange centrale, aux environs de Bougouni et de Sikasso, où les villageois sont assez souvent parvenu à stabiliser leur ager, grâce à une fertilisation organique abondante ; ces derniers ne sont alors plus contraints de laisser momentanément en friche leurs terres cultivées et réservent désormais la totalité des surfaces de glacis gravillonnaire pour le pâturage des animaux. Lorsque les cuirasses ferrugineuses et les glacis gravillonnaires représentent une proportion très importante des finages villageois, la biomasse végétale disponible sur les grandes étendues de saltus permet de procéder à des transferts de matières organiques relativement conséquents en direction d’un ager de surface réduite. Ainsi en est-il aux

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abords de Yorosso où certains agriculteurs s’efforcent même parfois d’étendre l’ager sur les glacis gravillonnaires en y apportant de grosses quantités de fumure organique. Dans l’extrême sud de la région cotonnière, plus forestier et moins densément peuplé, il persiste encore d’importantes superficies dévolues à l’agriculture d’abattis-brûlis, en rotation avec des friches de longue durée (10 à 15 ans). Les troupeaux y sont relativement peu abondants du fait de la prévalence de la trypanosomiase (Ainsi n’y rencontre-t-on principalement que des animaux de races N’Dama trypanotolérantes, ou métisses). Faute d’avoir pu aisément accéder à des crédits, nombreux sont par ailleurs les villageois qui ne disposent guère de charrettes pour le transport des récoltes, résidus de culture, fourrages, déjections animales etc. Les transferts de matières organiques vers les champs cultivés sont donc relativement restreints et les zones de culture en continue limitées aux seuls « champs de case » situés aux abords immédiats des villages12. Ainsi en est-il tout particulièrement vers Filamana (au sud de Yanfolila) et sans doute aussi aux alentours de Manankoro (au sud de Bougouni).

Les paysans dont les villages sont proches de cours d’eau, de bas fonds étendus et de marigots de grande importance, n’ont pas seulement accès à des terres de parcours sur lesquelles les fourrages sont abondants en hivernage (cuirasses ferrugineuses) mais ont souvent accès à un saltus de saison sèche sur les zones de décrue. Ainsi en est-il des villages situés dans la vallée du fleuve Niger, aux abords des grands bas-fonds de Bla-Yangasso, de Sikasso, de Dioïla, etc. Certains de ces bas fonds ont fait récemment l’objet de petits aménagements hydro-agricoles avec pour effet d’y permettre, même sur des surfaces restreintes, une relative diversification des systèmes de culture : cultures maraîchères d’hivernage et de contre-saison, bananiers, manguiers, anacardiers, etc. Les villageois des communes situées les plus au sud, au voisinage de la frontière, peuvent assez facilement écouler un certain nombre de produits fruitiers (mangues, agrumes, noix de cajou) en direction de la Côte d’Ivoire. Les conditions écologiques permettent par ailleurs à ces paysans de cultiver les arbres fruitiers « en plein champs », sans avoir à les irriguer. Les agrumes et les manguiers sont implantés de préférence dans les jardins et « champs de case ». Les anacardiers sont implantés plus loin, dans les « champs de brousse », en association avec les cultures annuelles, et finissent par constituer un couvert arboré mono-spécifique, aux lieux et places des anciens recrûs spontanés (« jachères »), une fois que les agriculteurs aient fini d’y semer des cultures de cycle annuel. Outre le fait de fournir des revenus non négligeables à chaque récolte, ces plantations d’anacardiers sont aussi une façon pour les paysans de « marquer leurs territoires », après quelques années de mise en culture annuelle, et de dissuader les « maîtres de terre » d’y autoriser l’installation de nouveaux migrants ; encore faut-il néanmoins pouvoir protéger

12 C’est ainsi que seules 19 % des surfaces cultivées en maïs reçoivent de la fumure organique dans la « zone agricole » de Bougouni (Enquête agricole permanente 02/03)

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efficacement les jeunes plantations du passage des animaux en divagation et des « feux de brousse ». Les paysans des villages de bord de route ou proches de villes principales ont tendance à pratiquer davantage certaines activités procurant un revenu monétaire (bois, charbon, maraîchage spécialisé, etc.). Il est à noter cependant que le maraîchage exige de pouvoir préalablement clôturer soigneusement les parcelles concernées, de façon à protéger les cultures du passage des petits ruminants et suppose aussi de disposer d’un capital circulant non négligeable.

Terres labourées sous parc à Acacia albida à Baoufoulala

A lui seul, le cercle de Kita apparaît très hétérogène ; on y observe en effet de grandes différences dans les modalités d’exploitation du milieu selon la période au cours de laquelle a commencé la colonisation agraire. Celle-ci a commencé au voisinage immédiat de Kita et aux environs de la route Bamako – Kita ; elle s’est poursuivi ensuite de façon centrifuge en s’éloignant progressivement de Kita. Dans une première auréole située à proximité du chef-lieu de cercle, il existe de gros villages très anciens dans les finages desquels ager et saltus sont déjà parfaitement différenciés, avec très peu de friches dans les rotations. Dans les espaces un peu plus éloignés, aux alentours de Djidian, au nord-est de Kita, les habitants de hameaux de 20 à 30 ans d’âge ont constitué un ager de dimension

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encore assez modeste et tente de l’élargir toujours davantage aux dépens de zones autrefois soumises au système d’abattis-brûlis. Dans les zones les plus éloignées, sur la rive droite du Badinko récemment colonisée et moins densément peuplée, la brousse s’observe encore parfois à perte de vue. Mais les familles les plus riches qui s’y sont installées récemment sont arrivées avec déjà des animaux de trait et du matériel attelé ; elles s’efforcent alors de mettre d’emblée en œuvre une agriculture fondée sur la complémentarité ager - saltus, sans passer par un quelconque système d’agriculture sur abattis-brulis. Plus loin encore, des paysans s’installent aujourd’hui dans de petits hameaux d’hivernage en fournissant généralement du travail en échange de l’accès à de la terre. Une telle situation semble aussi prévaloir aux alentours de Kokofata où les terres de parcours relativement abondantes accueillent de nombreux troupeaux d’éleveurs transhumants.

VIII- Les principales zones de développement agricole :

Compte tenu des éléments exposés au paragraphe précédent, il nous paraît possible de considérer l’existence et la juxtaposition, au sein même de la région cotonnière, d’un certain nombre de zones relativement homogènes et contrastées du point de vue de la problématique de leur développement agricole. Ces zones dont les principales caractéristiques sont présentées ci-dessous ne sont pas seulement des espaces délimités par leurs aspects agro-écologiques mais doivent être considérées plutôt comme des zones représentatives d’un certain nombre de situations-types, en ce qui concerne les conditions et possibles modalités de transformation de l’agriculture.

Leur contour exact mériterait sans doute d’être définis plus précisément dans l’avenir, sachant qu’il peut exister des situations de transition entre ces différentes zones pour lesquelles nous souhaitons surtout rappeler les contrastes.

1) Le vieux bassin cotonnier :

Le « vieux bassin cotonnier du Mali » est la zone dans laquelle le recours aux outils attelés et l’introduction de la culture du cotonnier ont été entrepris depuis le plus longtemps13. Entre 1960 et 1967, il produisait de 50 à 60 % du coton-graine collecté par la CMDT (Dembele C. 2005). Ce bassin cotonnier historique se situe pour l’essentiel aux alentours de Koutiala et au nord de Sikasso ; il s’étend à l’ouest jusqu’à Beleko Soba, dans l’arrondissement de Fana, et l’ouest du cercle de Yorosso à l’est. Cette zone très densément peuplée (45 habitants au kilomètre-carré) est sans doute celle dans laquelle la complémentarité entre espaces cultivés tous les ans (ager) et aires strictement pâturées (saltus) est la plus marquée. Les systèmes d’agriculture sur abattis

13 Exception faite cependant du delta intérieur du fleuve Niger au sein duquel il a été tenté en vain une introduction du cotonnier Gossypum barbadense à l’époque coloniale

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brûlis en rotation avec des recrûs arbustifs et arborés de plus ou moins longue durée (« jachères ») n’y ont pratiquement plus cours ou n’existent plus qu’à l’état résiduel. Mais cette complémentarité qui a permis la mise en place et le maintien de systèmes de culture relativement intensifs (rotations biennales cotonnier-céréales) grâce aux transferts latéraux de matières organiques semble aujourd’hui en crise, comme en témoigne la baisse relative des rendements cotonniers observée depuis une dizaine d’années. L’extension continue de l’ager aux dépens du saltus, du fait de la croissance démographique et de l’élargissement des surfaces cultivées sur les terrains gravillonnaires, pourrait en être à l’origine. La réduction des aires pâturées semble bien aboutir à des phénomènes de surpâturage, avec pour conséquence une diminution de la disponibilité en ressources fourragères. Cette réduction de la biomasse fourragère sur les aires de parcours limite désormais la charge animale que celles-ci peuvent supporter et réduisent d’autant les possibilités de transfert de matières organiques du saltus vers l’ager, via le parcage nocturne des animaux et le transport en charrette. La réduction des ressources fourragères disponibles incite les éleveurs transhumants à traverser au plus vite le vieux bassin cotonnier pour faire davantage séjourner leurs troupeaux dans les zones plus méridionales en saison sèche. Les anciens « contrats de fumure14 » par le biais desquels les éleveurs transhumants entreprenaient le parcage nocturne de leurs animaux sur les parcelles de l’ager ne sont mis en œuvre désormais que pour une période très limitée et la fumure organique des champs à cultiver s’en trouve elle aussi réduite d’autant en saison sèche. Les possibilités de mise en valeur intensive des talwegs et bordures de bas-fonds sont limitées par l’extension relativement réduite de ces derniers. Leur aménagement est le fait surtout des grandes familles héritières des familles fondatrices des villages. Le vieux bassin cotonnier est lui-même devenu depuis peu une zone d’émigration vers les zones moins densément peuplées de la région cotonnière. Certaines « grandes familles » d’agriculteurs n’hésitent plus en effet à envoyer certains de leurs ménages dans les zones situées plus au sud, en vue d’y faire pâturer leurs animaux « excédentaires » et d’y chercher de nouvelles terres à cultiver. Nombreuses deviennent ainsi les exploitations agricoles multi-sites aux mains de grandes familles dont les ménages constitutifs vivent parfois dans des lieux très distants (jusqu’à une centaine de kilomètres). Il est probable néanmoins que cette séparation des ménages soit le prélude à un fractionnement prochain des exploitations agricoles entre les deux zones de départ et d’accueil.

14 Contrat moyennant lequel un éleveur transhumant est accueilli et nourri par un agriculteur sédentaire domicilié dans le vieux bassin cotonnier, avec en échange l’obligation pour l’éleveur de faire bénéficier son « logeur » de l’intégralité des déjections accumulées dans les parcs du saltus et de n’effectuer de parcage mobile que sur les champs de ce dernier. L’éleveur s’engage aussi parfois à conduire les animaux de l’agriculteur pendant toute la période de son séjour sur le finage villageois.

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Le vieux bassin cotonnier devient aussi progressivement une zone d’émigration en direction de la Côte-d’Ivoire. Les jeunes adultes s’y rendent le plus souvent avec l’idée de revenir peu après se marier dans leurs zones d’origine ; mais nombreux sont aussi désormais les ménages qui partent travailler dans le pays frontalier avec l’intention d’y séjourner pendant une bien plus longue période. Dans un contexte où pèsent de nombreuses incertitudes sur les conditions dans lesquelles pourraient être maintenus les flux migratoires actuels, la question se pose de savoir comment il serait possible de concilier une augmentation du revenu des agriculteurs avec une densité démographique croissante. De toute évidence, la solution ne saurait provenir du seul accroissement des doses d’engrais minéraux à l’hectare, à un moment où les prix de ces derniers (et plus particulièrement celui des engrais azotés) risquent de s’accroître plus vite que ceux des produits agricoles. D’où l’attention qu’il conviendrait d’accorder prioritairement aux modalités de reproduction de la fertilité des sols moyennant le recours à la fumure organique. Mais à l’échelle du vieux bassin, ces dernières ne dépendent plus tant du niveau d’équipement en charrettes que de la quantité de biomasse fourragère que pourront désormais porter les terres de parcours dont la superficie totale est allée en diminuant15. Le plus urgent serait donc de trouver les voies et moyens de permettre un renouvellement plus rapide et plus volumineux des espèces fourragères spontanées déjà existantes sur le saltus. Sans doute les institutions de recherche-développement (IER - CIRAD ?, Communes rurales ?) seraient-elles donc bien inspirées de chercher et tester, avec la participation des agriculteurs et éleveurs concernés, les moyens de favoriser la reproduction préférentielle de ces espèces, quitte à devoir mettre en défens de petites portions du saltus qui en sont plus fortement dotées, de façon à ce qu’elles servent à réensemencer les aires situées à leurs alentours.

2) La frange septentrionale, soudano-sahélienne

Cette frange septentrionale dans laquelle la culture cotonnière s’est imposée un peu plus tardivement que dans le vieux bassin cotonnier, après une période au cours de laquelle la calebasse était la principale culture de rente, est encore plus anciennement et plus densément peuplée que celui-ci ; la densité démographique y serait proche de 60 habitants au Kilomètre-carré. Cette zone recouvre une bande de 180 kilomètres de long et 30 kilomètres de large, au voisinage du Bani, depuis la commune de Konobougou (située au sud-ouest de la ville de Ségou) et la commune de Yangosso à l’est. Elle présente des caractéristiques agro-écologiques fort différentes de celles du vieux bassin, du fait notamment de la moindre pluviométrie moyenne (entre 700 et 800 mm de pluie par an) et de la présence en quantité importante de sols ferrugineux tropicaux développés sur des terrains sableux d’origine éolienne, où les karités et nérés côtoient largement des peuplements d’Acacia albida.

15 A l’échelle des unités de production, force nous est de reconnaître cependant qu’il existe encore des exploitations agricoles dépourvues d’animaux et de moyens de transport.

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Du fait de sa très forte densité de population et de l’élargissement des superficies mises en culture, la frange septentrionale traverse, elle aussi, aujourd’hui, une période de crise dont la manifestation principale est la faible étendue du saltus et le manque de ressources fourragères pour alimenter un cheptel important et transférer des volumes importants de matières organiques vers l’ager. A quelques exceptions près, les familles d’agriculteurs ne disposent que de troupeaux dont les effectifs dépassent rarement les 10 têtes. En cas de besoin monétaire un peu urgent, nombreuses sont celles qui doivent alors vendre leurs reproductrices. Les agriculteurs se montrent en effet d’abord soucieux de pouvoir maintenir leurs effectifs de bœufs de trait. La question de savoir comment permettre une production fourragère accrue sur les aires de parcours et assurer au mieux la fertilisation organique des terrains cultivés se pose ici aussi avec acuité. Il conviendrait donc de mener, dans cette frange septentrionale, des recherches appliquées du type de celles déjà évoquées pour le vieux bassin cotonnier. A quoi il conviendrait aussi de trouver les moyens d’accroître la densité des Acacia albida, légumineuse arborée dont on connaît les effets bénéfiques sur la fertilité des sols sableux, au sein même de l’ager. La culture de plantes fourragères (du type niébé fourrager) sur les parcelles de l’ager pourrait être aussi une voie de recherche pour la complémentation alimentaire des animaux qui restent le plus longtemps en stabulation (ânes et bœufs de trait).

3) Les zones d’agriculture diversifiée, proches des marchés urbains

Les zones périurbaines sont des zones d’agriculture relativement diversifiée. Ainsi en est-il tout particulièrement des alentours de la ville de Sikasso, de la rive gauche du Niger en amont de Bamako (cercle de Kati), et de la zone située le long de la route de Ouéléssébougou, sur la rive droite du fleuve, au sud de la capitale. Les abords immédiats des villes de Koutiala, Kita, Fana et Bougouni, présentent elles aussi des caractéristiques similaires. Ces zones ont en commun d’héberger des agriculteurs produisant non seulement du coton et des céréales, mais aussi une grande diversité de productions agricoles destinées aux marchés urbains, voire à l’exportation vers des pays frontaliers. Ces productions sont pour l’essentiel des légumes (tomates, aubergines, piments, etc.), des bananes, des mangues de plants greffés, auxquels s’ajoutent aussi un peu de lait, des animaux engraissés pour la boucherie, des œufs, des poulets de chair, des noix de cajou, etc. La vente de bois de chauffe et la fabrication de charbon de bois sont aussi des activités susceptibles de procurer des revenus monétaires.

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Dans chacune des trois zones, les cultures maraîchères destinées à la vente sont le plus souvent entreprises au sein de champs soigneusement enclos (haies vives de sisal ou de pourghères, palissades en bois, etc.) pour ne pas y permettre l’entrée des animaux en divagation durant la saison sèche. De même en est-il des plantations de bananiers et de quelques autres arbres fruitiers. L’installation de telles clôtures, le creusement des puits et l’achat éventuel de motopompes, représentent un investissement initial assez coûteux, guère accessible à toutes les catégories d’agriculteurs. Les lignages héritiers des familles fondatrices des villages n’autorisent par ailleurs que très rarement les autres villageois à établir des clôtures ou des plantations pérennes sur leurs finages, de crainte que ne soit plus alors reconnue leur propriété éminente sur les parcelles concernées. Seules les grandes familles issues des lignages fondateurs parviennent donc finalement à cultiver des plantes maraîchères ou à établir des plantations fruitières dans les talwegs et sur leurs abords. Ce phénomène est bien souvent, nous l’avons vu, la prélude à une appropriation privée du foncier ; et cela d’autant plus que certains « maîtres de terres » commencent même à vendre des terres à des fonctionnaires ou des commerçants résidant en ville. La mise en place en place de parcelles clôturées dans les bas-fonds empêche aussi parfois la libre circulation des troupeaux vers les points d’abreuvement. Les zones périurbaines présentent par ailleurs une autre caractéristique commune : du fait notamment de la proximité des villes et des grands axes de communication, elles hébergent des paysanneries très fortement sollicitées par le marché de la force de travail. Mais ce dernier est très fortement segmenté : les familles les plus pauvres et les moins formées n’ont souvent accès en ville qu’à des emplois non qualifiés, rémunérés à la tâche ou à la journée, à des niveaux pas très supérieurs à ceux des journaliers agricoles ; les familles dont quelques-uns des membres logent déjà en ville auraient déjà davantage de facilités pour trouver des emplois un peu plus rémunérateurs. L’accès aux migrations internationales clandestines (Afrique du Nord, Proche-Orient, Europe de l’ouest, etc.) ne semble par contre accessible qu’à celles des familles qui parviennent à payer des « passeurs » (un montant de l’ordre de 150.000 francs CFA). Les principales différences entre les trois grandes zones périurbaines concernent : - La densité démographique, sensiblement moindre dans la zone de Sikasso (seulement

30 à 35 habitants au kilomètre-carré), - La pluviométrie annuelle, légèrement supérieure dans la zone de Sikasso (1100 mm au

lieu d’un millier environ au sud de Bamako), - Le saltus de la zone de Sikasso est plutôt dispersé en position haute, sur les cuirasses

ferrugineuses et les gravillons latéritiques, tandis que celui des zones riveraines du fleuve Niger est davantage concentré en position basse sur les anciennes plaines d’épandage de crue,

- La proximité de Sikasso de la Côte-d’Ivoire, pays offrant un marché à l’export pour la main-d’œuvre (migrations pendulaires ou de plus longue durée) ainsi que pour des produits pondéreux et périssables (mangues, pomme de terre et noix de cajou),

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- L’ampleur des surfaces consacrées à la culture de la pomme de terre, supérieure dans la périphérie de Sikasso.

Dans les trois principales zones péri-urbaines, le problème majeur semble finalement résider dans l’accès très inégal des familles au foncier agricole : - Il est difficile pour de nombreuses familles paysannes d’accéder aux bas-fonds afin

d’y pratiquer des cultures à haute valeur ajoutée, tandis que de nombreux propriétaires absentéistes « marquent leurs territoires » au moyen de plantations arboricoles dont l’exploitation exige peu de soin et ne procure que très peu d’emplois et de valeurs ajoutées à l’hectare (cf. : § X)

- On observe de fortes inégalités pour l’accès aux terres de parcours (saltus et friches

temporaires) théoriquement laissées « en libre accès pour tout le monde », mais dont les ressources fourragères sont de fait appropriées pour l’essentiel par des propriétaires (parfois urbains et absentéistes) de grands troupeaux. Cette situation est particulièrement préjudiciable pour les familles qui ne disposent que de tout petits troupeaux et ne peuvent donc pas avoir accès à de grandes quantités de matières organiques pour la fertilisation de leurs champs cultivés.

4) Les zones soudano-guinéennes encore peu densément peuplées

Libérées assez récemment de l’onchocercose et encore parfois sujettes à la prévalence de la trypanosomiase, les zones soudano-guinéennes sont encore assez peu densément peuplées (souvent moins de 15 habitants au kilomètre-carré). Ces zones de moindre densité démographique se situent pour l’essentiel dans les parties sud des cercles de Kita (Kokofata), Yanfolila (Filamana), Bougouni (Garolo et Manankoro), Kolondiéba et Kadiolo. Assez tardivement intégrées dans les périmètres d’intervention de la CMDT, ces zones n’ont aussi guère pu bénéficier des crédits d’équipement que celle-ci octroyait autrefois aux agriculteurs en gageant les prêts sur la récolte de coton. De ce fait, il résulte que l’on y rencontre assez peu d’animaux de trait et d’outils attelés (charrues, sarclo-bineurs, semoirs, charrettes, etc.) ; et plus nombreux sont donc les agriculteurs qui y pratiquent encore des systèmes de culture sur abattis brûlis avec des outils strictement manuels. La dichotomie entre les « champs de case » de petite dimension et les « champs de brousse » cultivés en rotation avec des friches arbustives et arborées de longue durée y est encore en vigueur. Les surfaces cultivées y sont donc proportionnellement moindres que dans le « vieux bassin cotonnier » et les zones plus septentrionales. La part des terres de parcours (savanes non encore défrichées et recrûs d’âge variable) y est donc sensiblement plus élevée. Mais du fait de la prévalence des glossines, les troupeaux y sont encore relativement peu nombreux ; les agriculteurs

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disposent cependant de quelques troupeaux de bovins de race N’Dama, trypanotolérants. Ce sont aujourd’hui des zones d’accueil pour les troupeaux transhumants en provenance des régions sahéliennes et des zones plus septentrionales de la région cotonnière. La rencontre entre les éleveurs transhumants et les familles d’agriculteurs sédentaires semble déjà relativement conflictuelle, malgré l’abondance relative des terres de parcours ; aucun système de « contrat de fumure » ne semble pouvoir pour l’instant être noué entre les deux catégories d’agents. Ces zones pré-guinéennes accueillent aussi, nous l’avons vu, des membres de familles d’agriculteurs en provenance du « vieux bassin cotonnier » situé plus au nord. Les migrants semblent pour l’instant n’éprouver aucune difficulté pour se faire octroyer des terres cultivables, à la condition toutefois qu’ils s’engagent à ne pas y implanter de cultures pérennes. Ce sont les familles qui descendent des lignages fondateurs des premiers villages qui prennent soin d’établir de nos jours des plantations fruitières (manguiers, agrumes et anacardiers) sur les finages villageois dont ils se considèrent encore comme les propriétaires éminents. Cette extension récente des plantations pérennes répond sans doute pour une part au souci de ces familles de manifester concrètement leurs droits sur la terre. Mais ces plantations qui exigent relativement peu de travail à l’unité de surface sont aussi assez lucratives (entre 5.000 et 6000 francs CFA par jour de travail effectif). Les fruits sont exportés pour la plupart vers la Côte-d’Ivoire. Le paradoxe est que ces zones d’accueil de migrants sont aussi des zones d’émigration, principalement vers la Côte d’Ivoire. Les revenus par jour de travail salarié (2.500 francs CFA) y seraient en effet bien plus élevés que ceux qu’il serait possible d’obtenir avec les cultures vivrières et le cotonnier dans ces zones les plus méridionales du Mali. Le flux migratoire vers la Côte-d’Ivoire se serait cependant ralenti depuis les récents conflits politiques dans ce dernier pays. Du fait que les terres de parcours sont relativement abondantes, eu égard au faible nombre d’animaux et à la surface encore réduite des terres mises en culture, il apparaît souhaitable de faire en sorte que les populations d’agriculteurs puissent acquérir de nouveaux animaux (bœufs de trait et troupeaux allaitants) en vue de favoriser le passage à la complémentarité ager-saltus qui a fait ses preuves dans les zones situées plus au nord. Il pourrait être intéressant, à cet égard de faire en sorte que les agriculteurs des zones pré-guinéennes du sud puissent récupérer les reproductrices dont les agriculteurs-éleveurs de la frange la plus septentrionale se retrouvent parfois contraints de vendre précipitamment. De même faudrait-il qu’ils puissent acquérir aisément les équipements attelés nécessaires au travail du sol et au transport des matières organiques. Le problème est de savoir cependant qui va

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prendre le relais de la CMDT pour l’octroi des crédits d’équipement dont vont avoir besoin les agriculteurs actuellement dépourvus d’animaux. Il est commun de considérer les zones guinéennes encore peu densément peuplées comme des zones d’extension possible pour la culture cotonnière. Mais cela n’est peut être pas aussi évident que cela en a l’air au prime abord. En effet les familles les plus riches qui n’ont pas besoin d’avoir recours au crédit ont, semble-t-il, bien d’autres alternatives pour se procurer des revenus monétaires : plantations fruitières, migration en Côte-d’Ivoire, etc. Seul le maintien d’un système de crédit de campagne gagé sur la production cotonnière pourrait éventuelle inciter (contraindre ?) les familles les moins fortunées à semer des graines de coton. En tout état de cause, il conviendrait de mener une étude plus approfondie sur la nature exacte des avantages comparatifs dont bénéficient réellement (ou pourraient éventuellement disposer) ces zones pré-guinéennes (cf. : annexe n° 3.)

5) Faut-il envisager de délimiter des zones de transition ? Tout zonage est nécessairement un peu réducteur. Celui proposé ici est fondé surtout sur la volonté de mettre en évidence des problématiques de développement relativement homogènes et contrastées. Ainsi les différences sont-elles notables entre le « vieux bassin cotonnier » où la pérennité des systèmes de production mis en œuvre est d’ores et déjà menacée par le surpâturage d’un saltus de dimension relativement réduite, eu égard à l’importance des superficies cultivées tous les ans, et les zones pré-guinéennes dans lesquelles on observe encore des systèmes d’agriculture sur abattis-brûlis et pour lesquelles il conviendrait surtout de faciliter le passage au système ager – saltus en y créant les conditions propices à l’organisation d’une plus grande association agriculture – élevage (concertation entre agriculteurs et éleveurs pour la mise en place de parcs d’hivernage et de « contrats de fumure »). Mais entre ces deux zones très contrastées, il existe indéniablement une situation intermédiaire (transitoire ?) dans laquelle seules les familles les plus riches et les mieux équipées sont déjà parvenues à fertiliser leurs champs de façon à pouvoir les emblaver tous les ans, sans interruption aucune. Des formes d’agriculture sur abattis-brûlis peuvent donc encore y persister. Le problème est que ce type de situation intermédiaire ne se rencontre pas au sein de zones parfaitement continues et jointives mais se rencontre plutôt sous la forme de « plages » ou « enclaves » entourées de situations plus représentatives des zones évoquées précédemment. Au demeurant, les situations peuvent être parfois très variables entre villages d’une même zone dans la mesure où pour des raisons géomorphologiques, la proportion de superficie en saltus sur cuirasses ferrugineuses, friches de plus ou moins longue durée sur haut glacis gravillonnaire, ager sur bas glacis au profil concave et plantations encloses de fonds de talwegs, peut être très différente d’un village à l’autre.

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A quoi s’ajoutent aussi parfois des considérations relatives aux modalités de colonisation agraire et d’intervention de la CMDT. Ainsi en est-il par exemple dans les villages de Ouré, Bohi et Sola, situés à faible distance les uns des autres, non loin de la ville de Bougouni : Bohi est l’archétype d’un village où la CMDT intervient depuis longtemps et dans lequel les familles semblent être parvenues à stabiliser leurs surfaces en ager et saltus ; Sola représente au contraire la situation d’un village délaissé dans lequel l’agriculture d’abattis-brûlis est encore largement pratiquée ; et Ouré se situe dans une position intermédiaire. D’un point de vue opérationnel, à défaut de pouvoir toujours délimiter précisément des zones homogènes et contrastées, il conviendra certainement de former les différentes catégories d’acteurs concernées par le développement agricole à toujours bien distinguer localement des situations villageoises qui n’en restent pas moins souvent différentes les unes des autres.

IX- Typologie des exploitations

Au sein même de chacun des villages, il existe presque toujours des exploitations agricoles de dimension inégale, en relation directe avec la taille des familles ou des segments de lignage qui y mettent en œuvre les systèmes de production. Les superficies mises en culture dans chacune des exploitations dépendent en effet directement du nombre d’actifs disponibles pour les travaux agricoles et du niveau d’équipement en outillage manuel ou attelé. La surface emblavée en cultures annuelles par actif varie d’environ un hectare pour les exploitations en agriculture manuelle à 1,5 hectares dans celles qui disposent de la presque totalité des outils aratoires. D’une façon générale, la taille des troupeaux, le niveau d’équipement et les performances économiques obtenues au sein des exploitations, sont étroitement corrélés avec les effectifs familiaux. Les « grandes familles » sont celles dans lesquelles les revenus par actif (ou par personne) sont fréquemment les plus élevés ; à l’inverse, les familles de petite taille sont souvent les moins fortunées (voir les résultats économiques au paragraphe X). Les plus grandes exploitations sont aux mains de familles « élargies » dont les effectifs dépassent parfois la cinquantaine de personnes16. Le chef d’exploitation est presque toujours l’homme le plus âgé. Bien souvent, l’exploitation rassemble non seulement les épouses de celui-ci et leurs progénitures, mais aussi leurs frères et sœurs, cousins et cousines, et leurs descendants. La terre est généralement travaillée en commun par tous les membres actifs de la famille, à l’exception de quelques petites parcelles de bas-fonds (ou situées parfois sur les cuirasses ferrugineuses) confiées individuellement aux épouses ou à

16 On considérera qu’une grande famille est une famille dont les effectifs dépassent 30 personnes. Mais il existe parfois des grandes familles qui intègrent chacune plus d’une centaine de personnes.

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des hommes déjà âgés. Les femmes disposent alors généralement d’une journée par semaine (souvent le vendredi) et de quelques heures dans la soirée pour cultiver les champs qui leur ont été ainsi provisoirement attribués. Les céréales cultivées en commun sur les « grands champs collectifs » (mil, sorgho et maïs) sont généralement réservées à l’autoconsommation familiale. Le coton-graine et les animaux sont principalement destinés, par contre, à la vente ; les revenus procurés par celle-ci reviennent en premier lieu au chef d’exploitation qui peut redistribuer une partie de l’argent à certains des membres de la famille. La production issue des « petits champs » individuels peut être utilisée à la seule discrétion des personnes qui en sont à l’origine, mais sert de fait bien souvent à la consommation familiale, à l’occasion des fêtes ou de quelques réceptions exceptionnelles ; on ne peut donc pas considérer ces parcelles comme étant, à proprement parler, privées. Lorsque intervient le décès d’un chef d’exploitation au sein d’une très grande famille, il n’est pas rare d’observer sa fragmentation en plusieurs exploitations filles (qui restent encore de relativement grande taille) avec un partage des terres, des animaux et des équipements, en proportion du nombre d’héritiers. La transmission du patrimoine s’opère le plus fréquemment selon une filiation patrilinéaire ; mais il existe quelques cas de dévolution matrilinéaire dans les zones situées au sud-est de la région cotonnière. Il arrive cependant que certains membres demandent à quitter les exploitations de leurs « grandes familles » avant que n’intervienne la procédure normale de fragmentation avec héritage égalitaire. Les « petites familles » qui proviennent de ce type de séparation prématurée ont alors le droit de travailler des parcelles pour leur propre compte sur des terrains dont leurs « grandes familles » d’origine étaient considérées comme les détenteurs légitimes ; mais elles se retrouvent par contre déshéritées de la plupart de leurs équipements et de leurs animaux. On comprend donc aisément que de telles scissions n’aient pas lieu très fréquemment au sein des « grandes familles » les plus riches. Les « petites familles » qui sont issues d’un tel éclatement et doivent ensuite assurer la gestion d’exploitations de dimension réduite et sous équipées se retrouvent souvent dans une situation de grande vulnérabilité et ne parviennent alors que très difficilement à accumuler le capital d’exploitation qui leur serait nécessaire pour s’enrichir durablement. La moindre vulnérabilité et les performances supérieures des exploitations de grande taille restées aux mains de « grandes familles » résulteraient pour l’essentiel des faits suivants : - Les risques de très mauvais résultats économiques par suite d’éventuels évènements

malencontreux au sein de la famille (maladies, accidents, etc.) y sont bien moindres que dans les familles de taille restreinte dans la mesure où leurs effets sont « socialisés » au sein d’un grand groupe de personnes et qu’il est plus facile d’y organiser des suppléances.

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- La répartition de la main-d’œuvre familiale par genre et classe d’âge y est beaucoup plus constante et moins aléatoire dans des familles de plus faible effectif ; elle permet donc une organisation du travail beaucoup plus régulière et bien moins chaotique ;

- Les risques de décapitalisation inhérents à la phase du « cycle de Chayanov » au cours

de laquelle le nombre de bouches à nourrir par actif se trouve être trop important y sont considérablement diminués.

- Il est possible d’y réaliser de sérieuses économies d’échelle et d’y amortir plus

aisément les gros équipements, tels que les engins motorisés (tracteurs, motopompes, etc.), sur de plus vastes surfaces. Ainsi, l’amortissement annuel d’une motopompe dont le coût d’achat s’élève pourtant à 250.000 francs CFA n’y représente finalement qu’une somme de 10.000 francs CFA par actif.

- Ces grandes exploitations sont celles qui disposent du plus grand nombre d’animaux et

sont les mieux équipées en traction animale et outils aratoires attelés (charrues, cultivateurs, semoirs, etc.). Ce sont aussi celles qui disposent de charrettes en grand nombre pour le transport des récoltes et des matières organiques de toutes sortes (fourrages, résidus de cultures, feuilles pour les litières, fumier, etc.).

Parcs d’hivernage

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- Du fait de disposer d’un plus grand nombre d’animaux par actif, les grandes familles

sont aussi celles qui mettent le plus à profit les ressources fourragères du saltus et des autres terres de parcours (friches temporaires et chaumes en vaine pâture). L’élevage est devenu une de leur principale source de revenu, même lorsque ces familles sont d’origine agricole. L’accès inégal aux ressources fourragères des terres de parcours, via les contrastes observés dans la taille de troupeaux, est devenu l’une des principales causes de différenciation sociale au sein de la paysannerie.

Pour toutes ces raisons, les grandes exploitations sont celles dans lesquelles les surfaces totales cultivées par actif et les rendements moyens à l’hectare sont les plus élevés17. Du fait de l’abondance de la fumure organique, les rotations biennales intensives du type cotonnier - maïs y sont relativement fréquentes. Mais les grandes familles qui sont parvenu à accroître leurs revenus monétaires et leurs niveaux d’équipement grâce à la culture du cotonnier ne sont pas nécessairement celles dont les surfaces en coton par actif sont aujourd’hui les plus élevées. En effet, les grandes familles les plus fortunées ont d’ores et déjà tendance aujourd’hui à se désintéresser de cette culture et à investir leurs capitaux dans des aménagements de bas-fonds pour y réaliser des activités plus rémunératrices : plantations de manguiers, bananeraies, maraîchage de bas-fonds, etc. Le recours des grandes familles aux engins motorisés (tracteurs, motopompes, etc.) et l’installation définitive de clôtures dans les bas-fonds semblent d’ailleurs préfigurer de nouvelles différenciations sociales en occasionnant un accès très inégal à l’irrigation et à la mise en valeur intensive des bas fonds les plus fertiles. Quelques grandes familles parviennent à envoyer certains de leurs membres faire des études en ville ou y trouver des emplois salariés rémunérateurs. D’autres s’efforcent d’envoyer quelques-uns de leurs fils à l’étranger (Côte-d’Ivoire, Afrique du Nord, Moyen-Orient, Europe de l’Ouest). Certaines grandes familles possèdent, nous l’avons déjà évoqué, des troupeaux d’une taille telle que les aires de saltus situées à proximité de leurs villages ne permettent plus nourrir leurs cheptels de façon satisfaisante. Aussi leur faut-il parfois confier une partie de leurs animaux à des éleveurs transhumants ou les déplacer définitivement sur les terres de parcours de finages villageois éloignés, souvent situés plus au sud ; ces animaux qui pâturent des terrains distants de leurs villages d’origine ne contribuent alors plus aux transferts de matières organiques vers les parcelles cultivées par leurs propriétaires. L’augmentation de la taille des troupeaux ne se traduit donc pas nécessairement par un accroissement proportionnel de l’accès à la fumure organique et par l’élargissement des surfaces cultivées en cotonnier.

17 Les grandes familles bien équipées en traction animale et en outils attelés (charrues, sarclo-bineurs, multiculteurs et semoirs) parviennent à cultiver une moyenne de 1,5 hectares par actif de cultures annuelles au lieu de un hectare maximum chez les familles qui continuent de pratiquer l’agriculture avec les seuls outils manuels. Leurs rendements en coton-graine dépassent le plus souvent les 1,2 tonnes à l’hectare tandis que ceux des petites familles sous-équipées n’atteignent généralement pas 0,8 tonne.

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Evolution des différents d’exploitants agricoles de 1900 à nos jours EPOQUE COLONIALE INDEPENDAN INTERVENTIONS CMDT DE NOS JOURS

1900 1960 1970 2005

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Grandes familles avec beaucoup de main-

d’œuvre et quelques ruminants

Petites familles avec peu de main-d’œuvre, sans

ruminants

Grandes familles en voie d’acquérir des unités de

culture attelée, avec beaucoup de main-

Grandes familles équipées en unités de culture attelée, avec beaucoup de main-d’œuvre et

un grand troupeau bovin

tites famil non uipées en u tés de lture attelé sans

bovins

Eleveurs Peul anshumants et séd ires

Exploitations équipées avec quelques animaux

Petites exploitations non équipées en unités de culture

attelée, sans bovins

ntation

Eleveurs Peuls sédentaires et éleveurs transhumants en transit

vers le sud

Agriculture mécanisée sans friche

Petites familles équipées d’outils manuels, sans bovins, et ne cultivant pas le cotonnier

Familles de taille moyenne, équipées en unités de cultures

attelées, avec trop peu de bovins pour bien fertiliser leurs champs

Familles de taille moyenne, très équipées en unités de culture

attelée, avec animaux en surnombre / surface en saltus

Grandes familles hautement équipées, avec grand troupeau

(avec ou sans bananiers Avec ou sans plantations

arboricoles)

éclatements

éclatements

t de parcelles commerçants et fonctio ires

« Agriculteurs du dimanche »

rs Peuls transhumants et en ie de sédentarisation

Agriculture sur abattis-brûlis

Arrivée des Peuls du Macina

vo

Peéqcu

Acha

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CE

segme

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A l’opposé des grandes familles à l’intérieur desquels la cohérence des liens familiaux a permis de stabiliser des effectifs importants, les petites familles issues de scissions prématurées paraissent particulièrement vulnérables en cas d’éventuels accidents, notamment lorsque ces familles présentent un nombre très élevé de personnes à alimenter par actif. Ce sont ces familles qui éprouvent aujourd’hui le plus de difficultés à s’équiper en traction animale et en outils attelés. Leur outillage est donc presque exclusivement manuel et leurs parcelles cultivées ne bénéficient que de transferts de matières organiques relativement limités en provenance du saltus. Ces familles de petite taille pratiquent encore bien souvent des systèmes de culture sur abattis-brûlis avec des rotations culturales dans lesquelles on observe des périodes de friche arbustive et arborée assez prolongées. Faute d’avoir accès à de la fumure organique et à des fertilisants minéraux en quantité suffisante, ces familles ne cultivent pratiquement pas de cotonnier. Leurs cultures se limitent donc pour la plupart à des plantes alimentaires destinées à leur autoconsommation (mil, sorgho, tubercules et légumineuses) et leurs revenus monétaires sont obtenus pour l’essentiel avec la vente de produits de cueillette (karité, bois de chauffe, etc.) et en louant une part de la force de travail familiale à l’extérieur, quitte même à envoyer travailler certains de leurs membres comme navétanes dans d’autres régions du pays ou comme ouvriers journaliers en ville. Cette recherche d’emplois salariés à l’extérieur correspond alors bien souvent à une situation de crise économique au sein des exploitations. Entre ces deux extrêmes, il existe plusieurs catégories d’exploitations de taille moyenne qui diffèrent surtout d’après la taille de leurs cheptels et leurs niveaux d’équipement en traction animale et matériels attelés. La taille de leurs troupeaux et la disponibilité en charrettes y conditionnent très directement l’accès à la fumure organique et la fréquence des rotations biennales les plus intensives. Les superficies cultivées en cotonnier par actif et leurs rendements à l’hectare semblent être supérieurs chez les familles de taille moyenne qui ont les moyens de transporter des quantités abondantes de matières organiques depuis le saltus, les parcs d’hivernage et les fosses fumières, en direction des parcelles cultivées sur l’ager. Les autres éléments de différenciation concernent principalement : - La proximité ou l’éloignement des routes et marchés pour la commercialisation des

produits agricoles, - L’accès inégal aux terres de bas-fonds pour le maraîchage ou les plantations

arboricoles - Les diverses opportunités de travail et de revenus à l’extérieur des villages En résumé, pour mieux comprendre la nature des systèmes de production pratiqués en leur sein, il semble pertinent de faire la distinction entre les divers types d’exploitations agricoles suivants :

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I) Les exploitations gérées par de « grandes familles », disposant de troupeaux bovins de grande taille et de nombreux équipements attelés : charrues, multiculteurs, sarclo-bineurs, semoirs et charrettes. Ces exploitations dans lesquelles l’essentiel des revenus provient des produits de l’élevage ou des migrations à l’étranger sont certainement celles dont le développement peut désormais se poursuivre sans dépendre des crédits gagés sur la production cotonnière. Grâce à l’abondance de la fumure organique disponible, les rotations culturales mises en œuvre en leur sein peuvent être généralement intensives et ne plus devoir faire appel à des périodes de friches de longue durée. La proportion des surfaces consacrées à la rotation biennale cotonnier-maïs et à la culture annuelle de maïs en rotation avec lui-même y est donc importante relativement élevée. Du fait de l’importance de la traction animale et des équipements attelés, les grandes familles sont souvent celles qui peuvent réaliser le plus précocement la préparation des sols, les semis et les sarclo-binages. D’où l’obtention de rendements à l’hectare souvent bien supérieurs à ceux observés dans les autres exploitations. En revanche, il arrive que les surfaces cultivées par actif familial (de l’ordre de 1,5 hectares) soient un peu trop élevées pour permettre de tout récolter dans de bonnes conditions. Les grandes familles ont alors souvent recours à de la main-d’œuvre salariée temporaire ; mais la hâte avec laquelle doivent être réalisées les récoltes, avant que les animaux soient autorisés à divaguer en vaine pâture, va souvent de pair avec une mauvaise qualité du coton-graine collecté. Les exploitations détenues par les grandes familles peuvent présenter différents sous-types :

- I - a) Les exploitations ne disposant pas de terres de bas-fonds pour la mise en

œuvre de systèmes de culture fruitiers ou maraîchers ; les « grandes familles » qui possèdent ces exploitations ne sont alors généralement pas les héritières des lignages ayant fondé les villages. Les exploitations de nombreuses familles Peules récemment sédentarisées se retrouvent dans cette catégorie.

- I – b) Les exploitations dans lesquelles les bas-fonds sont aménagés pour mettre

en œuvre des systèmes de culture intensifs (irrigation, drainage) destinés à la production de fruits (bananes) et légumes pour la vente. C’est principalement au sein de cette catégorie que l’on trouve éventuellement les premiers engins motorisés : tracteurs et motopompes.

- I – c) Les exploitations dans lesquelles les terrains de bas-fonds (ou certaines

parcelles de plein champ dans les zones soudano-guinéennes) sont le siège de plantations arborées extensives destinées à la production de fruits et au « marquage des territoires »

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II) Les exploitations de taille moyenne dans lesquelles les revenus proviennent encore pour l’essentiel des cultures annuelles (cotonnier, céréales et légumineuses) et dont le niveau des rendements est étroitement conditionné par l’importance des troupeaux et des équipements participant effectivement aux transferts de matières organiques entre saltus et ager. Ces exploitations de taille moyenne sont sans doute celles qui dépendent actuellement le plus des crédits gagés sur la production cotonnière. Elles présentent, selon les zones et les caractéristiques des finages villageois, une très grande gamme de sous-types, mais dans lesquelles il convient surtout de distinguer :

- II a) Les exploitations dans lesquelles les transferts latéraux de matières

organiques et le niveau des rendements sont limités par le faible nombre d’animaux disponibles et le manque de charrettes. La question est de savoir si les familles qui détiennent de telles exploitations pourraient ou non poursuivre leur accumulation de capital sans avoir recours à de nouveaux crédits de campagnes et d’équipement gagés sur la production cotonnière.

- II b) Les exploitations dans lesquelles les transferts latéraux de matières

organiques et le niveau des rendements sont limités par la disponibilité en saltus et dont une partie des troupeaux doit partir en transhumance. La question se pose de savoir dans quelles conditions il serait possible, pour les familles qui détiennent de telles exploitations, de produire toujours davantage de fumier et de compost : cela supposerait qu’elles puissent récolter et stocker plus de fourrages pour alimenter sur place un plus grand nombre d’animaux (production de niébé fourrager, coupes d’herbes spontanées peu avant leur épiaison pour la fabrication et le stockage de foin, etc.) ; de même conviendrait-il qu’elles puissent collecter et protéger à temps le maximum de chaumes et résidus de culture, avant la divagation des animaux en vaine pâture, de façon à confectionner le maximum de litière. Mais ces opérations interviennent, on le sait, lors d’une période de pointe de travail ; sans doute conviendrait-il de s’interroger sur les moyens d’accroître la productivité des travailleurs à ce moment précis, grâce à l’introduction et à l’expérimentation de nouveaux outils manuels peu coûteux (des faux, des fourches, des râteaux, etc.) pour la récolte et la manutention des matières organiques.

III) Les exploitations de petite taille, peu équipées et ne disposant que de très peu

d’animaux, dans lesquelles les systèmes de culture restent encore manuels et sont destinés pour l’essentiel à l’autoconsommation familiale. Les familles à la tête de ces exploitations sont particulièrement vulnérables, face aux moindres accidents éventuels, et cela d’autant plus lorsqu’elles traversent la phase la plus délicate du « cycle de Chayanov » (beaucoup de bouches à nourrir au sein de la famille en relation avec le faible nombre d’actifs disponibles pour les travaux agricoles). Ces exploitations dans lesquelles les agriculteurs cultivent surtout des plantes vivrières fournissent actuellement peu ou pas de coton-graine. Elles diffèrent entre elles

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pour l’essentiel selon la nature des activités développées pour permettre aux familles d’obtenir des revenus monétaires et les conséquences qui en résultent sur la disponibilité en main-d’œuvre pour les travaux des champs :

III – a) Les exploitations dans lesquelles les revenus monétaires des exploitants résultent pour l’essentiel de la vente de produits de cueillette (bois de chauffe, karité) ou de la location de force de travail au sein même du village ou à proximité. III – b) Les exploitations dans lesquelles la main-d’œuvre familiale parvient à trouver des emplois souvent mieux rémunérés dans des zones plus lointaines : navétanes, salariés occasionnels dans les villes les plus proches, migrations pendulaires à l’étranger, etc.

IV) Les exploitations des grandes familles d’éleveurs Peuls transhumants sont

habituellement gérées par des familles de 40 à 50 membres (dont 8 à 10 actifs masculins), hébergées le plus souvent dans des hameaux situés à l’écart des villages d’agriculteurs sédentaires ; originaires de régions sahéliennes plus septentrionales, ces grandes familles possèdent leur propre bétail mais élèvent aussi conjointement les animaux de nombreux agriculteurs sédentaires. La recherche de pâturages suffisamment abondants les conduit à déplacer annuellement leurs troupeaux, en saison sèche, vers des zones méridionales plus arrosées ; mais faute de pouvoir trouver des terres de parcours en quantité suffisante dans le « vieux bassin cotonnier », nombreux sont désormais les éleveurs Peuls qui ne font que traverser brièvement ce dernier pour faire pâturer leurs animaux dans les zones pré-guinéennes situées plus au sud, une fois celle-ci moins affectées par la trypanosomiase.

V) Les exploitations des « agriculteurs du dimanche » sont détenues par des

commerçants ou des fonctionnaires qui ont réussi à acheter des parcelles de terrains, non loin des grandes villes, et sont généralement parvenus ensuite à les faire immatriculer « en bonne et due forme ». Sauf exception, ces propriétaires absentéistes n’exploitent pas directement eux-mêmes leurs terrains et font donc appel à de la main d’ouvre salariée, le plus souvent journalière. De ce fait, les systèmes de production mis en œuvre sur leurs parcelles sont relativement extensifs et la sécurité sur le foncier incite même parfois les propriétaires à y faire planter des arbres.

Du fait que les grandes familles héritières de celles qui ont fondé les premiers villages continuent d’accueillir de nouvelles familles (familles d’immigrants ou petites familles autochtones) sur les finages villageois dont elles ont la propriété éminente, force est de constater qu’il n’existe encore aujourd’hui que très peu de « paysans sans terre »18.

18 Les travailleurs journaliers sont le plus souvent des paysans pauvres du même village ou de villages situés plus au nord et dont les travaux culturaux sont déjà achevés sur leurs propres exploitations.

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Mais il est à noter cependant parfois l’arrivée de « navétanes » qui, hébergés et nourris par des familles d’accueil, doivent travailler quatre jours par semaine pour le compte de celles-ci, tout en ayant le droit de cultiver des cotonniers pour leur propre compte, durant les trois autres jours, sur une parcelle (d’environ un hectare) provisoirement concédée à cet effet. De même convient-il de mentionner l’existence de vachers et bergers salariés, le plus souvent Peuls, à qui les agriculteurs confient la conduite d’une partie de leurs troupeaux, sans pour autant leur concéder des terrains à cultiver.

En définitive, la typologie des exploitations agricoles qui vient d’être présentée diffère assez sensiblement de celle en vigueur jusqu’ici au sein de la CMDT ; mais il existe aussi quelques correspondances :

- Les grandes exploitations qui restent aux mains de grandes familles ressemblent

fortement à celles du type A de la classification actuelle ; mais la nouvelle typologie met précisément l’accent sur le fait que cette catégorie est en voie de différenciation rapide, en relation avec les modalités d’appropriation du foncier et la possibilité d’y mettre en place des cultures maraîchères et fruitières.

- De même les exploitations de petite taille et sous-équipées correspondent à peu de

choses près aux exploitations classées jusqu’alors dans le type D. Mais la décomposition de cette catégorie en sous-types met désormais l’accent sur le fait que leur devenir est largement conditionné par les modalités d’intégration des familles concernées au sein d’un marché du travail très segmenté

- Les exploitations de taille moyenne représentent pour l’essentiel les exploitations

classées jusqu’à présent dans les types B et C. Mais au lieu de distinguer ces deux catégories en fonction des seuls effectifs d’animaux et niveaux d’équipement, la nouvelle typologie met surtout l’accent sur les modalités de reproduction de la fertilité des terrains cultivés, en relation avec la disponibilité en saltus et en charrettes ainsi qu’avec le nombre d’animaux pouvant effectivement participer aux transferts latéraux de matières organiques. Leur devenir semble être en effet d’abord conditionné par la possibilité (ou non) de poursuivre la mise en culture annuelle de champs dont la reproduction de la fertilité permettra (ou non) de stabiliser définitivement l’ager.

X- Les résultats économiques

Les résultats économiques obtenus par les diverses catégories de familles agricoles dépendent bien évidemment des conditions écologiques dans lesquelles sont situées leurs exploitations agricoles, avec des résultats à l’hectare souvent plus élevés dans les zones soudano-guinéennes que dans les zones soudano-sahéliennes. Mais indépendamment de ces différences directement liées aux variations du « milieu naturel », les travaux réalisés par les binômes d’étudiants mettent très clairement en évidence les faits suivants :

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- Les systèmes de culture mis en œuvre sur les parcelles d’ager et fondés sur des rotations de culture en continu, grâce aux apports réguliers de matières organiques et d’intrants chimiques, sont très clairement ceux dont les rendements, les valeurs ajoutées et les revenus moyens annuels à l’hectare, sont les plus élevés. La rotation biennale intensive cotonnier - maïs et celle du maïs en succession continue avec lui-même parviennent ainsi à fournir une valeur ajoutée à l’hectare de l’ordre de 170.000 à 200.000 francs CFA à l’hectare (au prix de 160 CFA le kilogramme de coton-graine de premier choix) ; tandis que les rotations dans lesquelles, faute de fumure en quantité suffisante, les agriculteurs sont régulièrement contraints d’abandonner les parcelles en « jachère » et de les remettre ensuite en culture après abattis-brûlis, ne fournissent quant à elles qu’une valeur ajoutée de l’ordre de 40.000 francs CFA à l’hectare. Cet écart de 5 à 1 n’est guère surprenant si l’on considère que ces systèmes ne sont pas pratiqués sur les mêmes types de terrains19, que les niveaux de fertilisation organique et minérale sont bien différents et que les systèmes de culture en rotation continue produisent tous les ans.

- Mais les systèmes de culture les plus intensifs en travail (de l’ordre de 80 à 85

homme-jours à l’hectare) et dans lesquels les champs sont cultivés tous les ans sans « jachère » sont aussi ceux dont la productivité du travail est supérieure : de l’ordre de 1.500 à 2.000 francs CFA par journée effective de travail au lieu de 700 à 1000 avec les systèmes plus extensifs dans lesquels les terrains supportent épisodiquement des recrûs arbustifs ou arborés. Ce paradoxe tient au fait que les parcelles d’ager sont généralement plus proches de l’habitat et occasionnent de moindres temps perdus en déplacement et que défrichées une bonne fois pour toutes, elles n’exigent plus d’être régulièrement soumises aux travaux d’abattis et brûlis. C’est cette différence notable de productivité du travail qui explique que les agriculteurs qui en ont eu les moyens ont eu aussi intérêt à passer au système de culture annuelle en rotation continue avec transfert de fertilité du saltus vers les parcelles de l’ager, sans y avoir été contraints par suite d’une quelconque baisse de fertilité des sols.

- Avec un prix du coton graine de 210 francs CFA le kilo, les systèmes de culture en

continu dont le cotonnier est placé en tête de rotation20 semblaient donner des résultats à l’hectare et par homme-jour légèrement supérieurs à ceux dans lesquels c’est le maïs qui recevait les apports en fumure organique21 ; Mais il en devient différemment avec un prix du coton-graine de 160 francs CFA par kilo. Avec un rendement moyen de 1000 kilogrammes de coton-graines à l’hectare, le valeur ajoutée brute à l’hectare n’est plus, en effet que de 52.000 francs CFA. Avec un même niveau de rendement en

19 Les rotations de cultures avec recrûs ligneux de plusieurs années sont pratiquées généralement aujourd’hui sur les sols gravillonnaires tandis que les rotations de cultures annuelles en continu sont mises en œuvre sur les sols sablo-limoneux ou limono-argileux de bas de glacis. 20 La culture dite « en tête de rotation » est celle qui reçoit les amendements organiques, dont on espère que les effets se manifesteront durant toute la durée de la rotation. 21 Avec un rendement (assez exceptionnel, il est vrai) de trois tonnes à l’hectare, une culture de maïs pouvait donner, en 2004, une valeur ajoutée brute de près de 3.300 francs CFA par homme-jour à Dialokoroba.

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grains, celle du maïs est de 95.000 francs à l’hectare. Il faut désormais atteindre un niveau de rendements en coton-graine de 1500 kg/ha pour obtenir des valeurs ajoutées à peu près équivalentes à celles du maïs (de l’ordre de 132.000 francs CFA). Il est donc à prévoir qu’avec un tel prix, les systèmes de culture dont le maïs est en tête de rotation pourront donner de meilleurs résultats. Il est vrai cependant que le prix du maïs est aussi, quant à lui, très variable et que les paysans ont au moins l’avantage, avec le coton, de connaître à l’avance le prix auquel celui-ci leur sera payé.

- Le maraîchage de contre-saison donne des résultats très variables selon les endroits et

les années. Certes, du fait de son caractère très intensif en travail, il permet de produire des valeurs ajoutées brutes à l’hectare souvent très élevées, de l’ordre de 1 à 2 millions de francs CFA par an. Mais pour ces mêmes raisons, la productivité du travail, très inégale d’une culture à l’autre et très sensible aux moindres variations de l’offre et de la demande sur les marchés, n’y est pas toujours sensiblement supérieure à celles des rotations cotonnier – céréales d’hivernage.

- Les bananeraies équipées de motopompes produisent des valeurs ajoutées à l’hectare

assez élevées à l’hectare (entre 1,5 et 2,0 millions de francs CFA selon leur localisation et le prix des bananes), avec une des plus fortes productivités du travail, de l’ordre de 4200 à 6800 francs CFA par homme-jour). Mais elles exigent un très gros investissement initial et pourraient ne pas se révéler très « durables » si les nappes phréatiques venaient à s’abaisser exagérément, comme il a été raconté plusieurs fois dans le passé.

- Les plantations de manguiers n’offrent que des valeurs ajoutées à l’hectare sommes

toutes assez modestes, de l’ordre de seulement 65.000 à 100.000 francs CFA lorsqu’il s’agit de mangues non greffées difficile à écouler, à un peu plus de 400.000 lorsqu’il existe une filière de commercialisation bien organisée avec des prix de vente élevés (Sikasso). Mais elles n’exigent souvent que des soins réduits et procurent donc finalement une productivité du travail importante (5.000 francs CFA par homme-jour à Sikasso). N’oublions pas non plus que l’établissement de mangueraies répond aussi parfois à la volonté de certaines familles de s’approprier définitivement les parcelles concernées.

- Les plantations d’anacardiers fournissent actuellement des valeurs ajoutées annuelles à

l’hectare comprises entre 170.000 et 380.000 francs CFA, donc assez supérieures à celles des mangueraies. Et du fait de leur faible exigence en travail, elles présentent des valeurs ajoutées par homme-jour beaucoup plus élevées (5.000 à 6.000 francs CFA). Du fait que leur implantation est souvent réalisée en intercalaire dans des champs de cultures vivrières, ces plantations n’exigent pas nécessairement un capital de départ important ; mais tout comme les mangueraies, elles ne sont accessibles qu’aux familles qui peuvent prétendre avoir hérité les terres en question des « anciennes familles fondatrices » des villages.

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Valeur ajoutée à l'hectare selon les principales cultures

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200000

400000

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1400000

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Coton 1

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Evolution de la valeur ajoutée par actif en fonction de la surface cultivée par actif : rotations de cultures annuelles

-50000

0

50000

100000

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200000

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Rotation biennale intensive coton - maïs Rotation triennale coton - maïs - sorghoRotation quadriennale cton - maïs - Sorgho - Mil Rotaion de 5 années de céréale et 5 années de friche

Evolution de la valeur ajoutée par actif en fonction de la surface par actif : plantations fruitières

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Bananiers non irrigués Bananiers irrigués Manguiers non greffés Manguiers greffés Anacardiers

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L’élevage des ruminants occupe une place de plus en plus prépondérante dans le revenu des « grandes familles » mais ne s’est guère révélée accessible ou durable pour les plus petites placées dans des conditions de grande vulnérabilité. La rentabilité des élevages bovins allaitants est relativement proportionnelle à la taille des troupeaux. Sans comptabiliser la production de déjections (dont on connaît pourtant la grande importance pour la fertilisation des champs cultivés), le revenu dégagé annuellement par vache-mère peut s’élever jusqu’à 50.000 francs CFA si l’éleveur parvient à assurer deux vêlages par vache-mère en trois ans, avec 120 litres de lait traits par lactation. Mais ces performances ne sont que rarement réunies car elles supposent que les ressources fourragères ne soient pas limitantes sur les terres de parcours. Il est donc beaucoup plus fréquent d’observer des revenus de 25.000 francs CFA par vache-mère et par an, avec un vêlage tous les deux ans et seulement 90 litres de lait consommés par les éleveurs ou vendus par lactation. L’élevage des petits ruminants est davantage accessible aux « petites familles » et peut leur procurer quelques revenus complémentaires à ceux obtenus avec les productions végétales : - La productivité annuelle d’un élevage ovin est de l’ordre de 10.000 à 15.000 francs

CFA par brebis mère - La productivité d’un élevage caprin est du même ordre : de 10.000 à 16.000 francs

CFA par chèvre et par an - L’engraissement de moutons pour la tabaski peut rapporter aux environs de 18.000

francs CFA par animal engraissé. L’élevage de volailles peut rapporter annuellement de 5.000 à 7000 francs CFA par poule et jusqu’à près de 9.000 francs CFA par pintade. En définitive, les familles les plus pauvres sont généralement des « petites familles » qui ne disposent pas de bovins de trait ni d’équipements attelés dégagent des revenus agricoles annuels bien inférieurs à 125.000 francs CFA par actif, seuil en dessous duquel il n’est guère possible de satisfaire les besoins de toute première nécessité d’une famille dans laquelle il y a 1,5 personnes à nourrir par actif (seuil de survie). Ces familles dans lesquelles la surface cultivée ne dépasse guère annuellement un hectare par actif doivent donc impérativement trouver des revenus extérieurs (coupe de bois de chauffe, travail salarié, etc.) Les familles les plus riches sont presque toutes des « grandes familles » (plus de 20 actifs et 30 personnes à nourrir) qui disposent de troupeaux bovins importants et possèdent une grande panoplie d’équipements attelés, charrettes incluses ; elles parviennent à cultiver annuellement aux alentours de 1,5 hectares par actif et dégagent des revenus souvent supérieurs à 300.000 francs CFA par actif et par an. Les plus fortunées d’entre elles, qui

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disposent généralement de grands troupeaux, peuvent même gagner annuellement jusqu’à 700.000 francs CFA par actif (Farre Y. 2005) ; elles placent une partie de leur épargne dans l’accroissement de la taille de leurs troupeaux et l’établissement de plantations arboricoles. Plus de la moitié de leurs revenus provient alors de l’élevage. Ces familles s’efforcent aussi d’investir dans l’éducation des enfants et d’envoyer quelques jeunes adultes à l’étranger, en Côte-d’Ivoire ou dans des pays plus lointains. Car avec des revenus qui restent malgré tout souvent inférieurs à 3000 francs CFA par jour de travail effectif, il semble encore avantageux de tenter cette « aventure » !

XI- Perspectives d’avenir pour le développement de la culture cotonnière.

L’objectif de l’étude était de mettre en évidence la diversité des exploitations agricoles paysannes de la région cotonnière, de caractériser les grands types de systèmes de production agricole pratiqués en leur sein et d’apprécier les performances économiques de chacun d’eux. Au-delà de cette typologie, la question était de savoir quel pourrait être le devenir de la production cotonnière dans les différentes zones de la région. L’enjeu était de permettre l’amorce d’une réflexion sur les politiques de développement agricole à mettre en œuvre dans chacune des aires d’influence des futures sociétés cotonnières. Aussi était-il important de comprendre la logique d’évolution des systèmes de production agricole mis en œuvre dans chacune des zones et d’identifier les éléments les plus à même de conditionner leurs transformations dans le futur : spécialisation ou diversification des activités en leur sein, intensification ou extensification des systèmes de culture, modifications dans la conduite des troupeaux, etc. La question n’était pas seulement d’imaginer quel pourrait être le devenir de la culture cotonnière mais de prévoir aussi quels systèmes de culture alternatifs pourraient éventuellement émerger et à quelles conditions. L’étude a d’abord permis d’identifier des types de situations agraires assez différents les uns des autres. Ces situations types diffèrent notamment selon la localisation des villages dans la région cotonnière, et plus particulièrement, nous l’avons vu, en fonction de la pluviométrie, de l’ancienneté et de la densité du peuplement, de la relative proximité des routes et des grandes villes, de la proportion des surfaces d’ager et de saltus, etc. Mais du fait du caractère très localisé des études de systèmes agraires et des incertitudes relatives au zonage préalable réalisé dans le cadre de l’activité n° 1 du projet « Caractérisation des dynamiques agraires » mise en œuvre par l’IER, il ne nous est pas vraiment possible de délimiter aujourd’hui les limites géographiques exactes de ces systèmes agraires. Un certain nombre d’idées préconçues, relatives aux systèmes de culture, ont été battues en brèche. Il ressort notamment de cette étude que la majorité des parcelles mises en

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culture dans la région cotonnière sont désormais cultivées tous les ans au sein d’un véritable ager, sans n’être plus jamais laissées en friche pour des périodes supérieures à quelques mois. Ceci a été rendu possible, sans qu’il n’ait eu de crise agraire préalable, par l’utilisation de la traction animale, de la charrue attelée, de la charrette et de la fumure organique et minérale. Les grandes familles déjà les plus dotées en animaux et équipements attelés et celles qui peuvent bénéficier de revenus renvoyés par des parents émigrés ne sont plus contraintes aujourd’hui d’avoir recours à des prêts gagés sur le coton pour équiper toujours davantage leurs exploitations. Elles peuvent avoir intérêt à diversifier toujours davantage leurs systèmes de production et à ne plus consacrer une part importante de leurs ressources à la production cotonnière. Certaines d’entre elles ont déjà commencé à se détourner de celle-ci pour mettre en place des systèmes de culture (et d’élevage) plus rémunérateurs : maraîchage, bananeraies, arboriculture fruitière, troupeaux allaitants, etc. Il est à prévoir une accélération de ce phénomène si les prix de coton-graine sont amenés à baisser davantage, en comparaison avec ceux des autres productions agricoles et des intrants chimiques. Mais si environ 84 % des exploitations possèdent déjà une ou des unités de culture attelée complètement équipées, il n’en reste pas moins vrai que 16 % des familles sont encore insuffisamment outillées et ne peuvent donc pas fertiliser correctement leurs parcelles. Ce sont ces dernières qui s’adonnent principalement aux cultures vivrières destinées à l’autoconsommation familiale et ne parviennent pas à cultiver d’importantes superficies en cotonnier ou en maïs pour la vente. L’inscription éventuelle de ces familles aux « programmes-coton » promus par la CMDT ou L’OVHN vise d’ailleurs bien souvent à obtenir des crédits de campagne, même lorsque leur priorité n’est pas de cultiver des cotonniers. Beaucoup d’entre elles ne disposent pas des bovins et des charrettes qui leur seraient nécessaires pour qu’il en aille autrement. Avec l’augmentation relative du coût des intrants chimiques intervenue au cours de ces dernières années, favoriser l’accès de ces paysans à la fumure organique apparaît donc comme un enjeu de toute première importance. On ne saurait trop insister en effet sur le faible coût de la fertilisation organique à partir du moment où les exploitants sont bien dotés en animaux et en charrettes. La plus grande partie des transferts latéraux de matières organiques est en effet réalisée directement par les allers et retours d’animaux entre les aires parcourues dans la journée et les parcs dans lesquels ces animaux sont parqués durant la nuit. Le transport et l’épandage du fumier sur les parcelles exigent environ 8 jours de travail (au maximum) à l’hectare, pour les systèmes de culture les plus intensifs (rotations cotonnier-maïs ou maïs en rotation avec lui-même) ; mais ces journées de travail ont lieu en saison sèche, à un moment où le coût d’opportunité de la main-d’œuvre familiale est quasiment nul. Seule la coupe et le transport des chaumes et pailles de maïs ou sorgho destinés aux fosses compostières interviennent à une période où la main-d’œuvre est déjà fortement sollicitée, du fait des

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récoltes de coton et de mil. Mais ce fait plaide précisément pour que les paysans les plus pauvres puissent à leur tour s’équiper en traction asine et charrettes ! D’une façon générale, pour aider les familles les plus pauvres à stabiliser leurs systèmes de culture sur l’ager, sans avoir à pratiquer les systèmes d’agriculture sur brûlis, il conviendrait sans doute de : - Favoriser l’accès à la fumure organique pour les exploitations ayant peu ou pas de

bovins (contrats de fumure avec les éleveurs transhumants, achat de fumure à d’autres exploitants, aides à l’achat de vaches mères, etc.

- Favoriser l’accès des bovins à une quantité suffisante de biomasse fourragère : mise en défens de certaines portions du saltus pour aider à la régénération des espèces les plus appétées, développement des cultures fourragères, etc.

- Favoriser l’accès aux charrettes pour les paysans qui en sont actuellement démunis et faciliter le transport des matières organiques ;

- Développer l’élevage des bovins et favoriser l’accroissement de la taille des troupeaux dans les zones devenues récemment indemnes d’onchocercose et dans lesquelles les terres de parcours paraissent encore relativement abondantes.

Il serait souhaitable de réaliser prochainement des études plus approfondies destinées à évaluer le nombre de têtes de bétail permanentes et transhumantes qu’il serait possible et souhaitable de maintenir dans les finages villageois, en relation avec les surfaces pâturables disponibles en leur sein (voir annexe n° 3). De même en est-il en ce qui concerne la conduite des troupeaux transhumants et sédentaires et les modalités de conservation et de transport des différents types de matières organiques.

Des changements importants sont en cours dans la gestion du foncier, suite au passage à des systèmes de mise en culture annuelle, sans aucune période de friche de longue durée, et à l’établissement de clôtures autour des parcelles qui ont récemment fait l’objet d’aménagements pour les plantations fruitières et les cultures maraîchères. Ces évolutions laissent présager d’importants bouleversements dans la transmission du foncier agricole, les droits de vaine pâture, les modalités d’accès aux points d’eau, etc. En effet, les enclosures et le surcreusement des mares temporaires pourraient être le prélude à la transmission des parcelles encloses et des points d’eau aménagés au bénéfice des seuls enfants de ceux qui ont réalisé ces investissements à long terme ; elles pourraient rendre plus difficile la vaine pâture sur les parcelles définitivement encloses et l’accès des troupeaux sédentaires et transhumants aux marigots situés dans les bas-fonds. On ne peut donc pas totalement exclure l’émergence de conflits entre agriculteurs et éleveurs transhumants dans le futur. A quoi semble s’ajouter depuis peu la marchandisation du foncier dans les zones proches de Bamako, en zone OHVN. De plus en plus nombreux sont en effet, nous l’avons vu, les « chefs de terre » qui vendent des parcelles de terrains à des fonctionnaires ou des

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commerçants de Bamako. Ces derniers parviennent ensuite généralement à faire immatriculer ces terrains en bonne et due forme. Ces nouveaux propriétaires sont relativement absentéistes (d’où le fait qu’ils sont parfois qualifiés « d’agriculteurs du dimanche) et emploient pour l’essentiel des journaliers agricoles. Mais les systèmes de production agricole mis en œuvre sur les terrains concernés sont alors relativement extensifs (plantations fruitières exigeant peu de soin) et procure finalement peu d’emplois et de valeur ajoutée à l’hectare. D’où le souhait de nombreuses « petites familles », de pouvoir envoyer elles aussi quelques adultes en migration, afin de lutter contre leur pauvreté.

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Annexe n° 1

Les principaux archétypes d’exploitations agricoles I- Petites exploitations aux mains de familles nucléaires, équipées

exclusivement d’outils manuels Principales caractéristiques :

- Famille de 10 personnes dont 6 actifs - Outillage exclusivement manuel - Aucun recours à la fertilisation minérale - Fertilisation organique des seuls « champs de case » - Pas de bovins, mais quelques petits ruminants et volailles - Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1 hectare

Rotations :

es Arachide

Riz de bas-fond

Sorgho

- Maïs annu- Sorgho et

successiv- Arachide - Riz de ba- Patates do

Maïs de champ de cas

e

So

So

So

So

Fri

Fri

Fri

Fri

+ niébé / 4 années de friches

8 1

7 2

6 3

5 4

el en rotation avec lui-même, sur champ de case : 0,6 niébé associés, durant quatre années successives, en es de friche cultivée sur de petits champs concédés aux femmes s-fonds sur parcelles concédées aux femmes uces sur parcelles concédées aux plus vieux

60

Patate douc

rgho + niébé

rgho + niébé

rgho + niébé

rgho + niébé

che année 1

che année 2

che année 3

che année 4

hectare rotation avec 4 années

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Assolement :

- 0,6 hectare de maïs de champ de case (5 %) : Rdt = 1000 kg/ha ; VAB = 95000 francs CFA/ha

- 4 hectares de sorgho ou mil associé à du niébé (40%), non fumé : 700 kg/ha ; VAB = 80.000 francs CFA/ha

- 4 hectares de friches arbustives (40 %) - 0,6 hectare d’arachide (5 %), non fumé : 600 kg/ha. VAB = 72.500 francs CFA/ha - 0,6 hectare de riz de bas-fonds (5 %), non fumé : 600 kg/ha ; VAB = 80.000 francs

CFA/ha - 0,1 hectare d’igname ou patate douce (5 %) : 95.000 à 105.000 francs CFA / ha

Résultats économiques :

Décomposition de la valeur ajoutée nette dans les petites exploitations à outillage manuel

-20000

-10000

0

10000

20000

30000

40000

50000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

Surface par actif (hectares)

Val

eur

ajo

uté

e b

rute

par

act

if (

fran

cs C

FA

)

Maïs de champ de case Patate douce Sorgho + niébé Riz Arachide Friche

- Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 38.500 francs CFA par hectare de l’assolement

- Valeur ajoutée brute par actif de l’ordre de 45.000 francs CFA par an (dont 6.000 francs issus du petit élevage

- Valeur ajoutée brute par homme-jour de l’ordre de 800 francs CFA - Amortissement total des équipements de l’ordre de 10.000 francs CFA par actif et par

an

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II- Exploitations de taille moyenne sans plantation arboricole ni parcelles encloses de bas-fonds

Principales caractéristiques : Famille de 20 personnes dont 12 actifs avec 18 hectares Exploitation équipée de deux paires de boeufs de trait et d’un équipement complet : charrue, multiculteur, semoir et charrette Présence d’un petit troupeau de 4 vaches mères (permettant le renouvellement des bœufs de trait) et 10 brebis Accès aux crédits gagés sur la production cotonnière ; recours à la fertilisation minérale Fertilisation organique du cotonnier en tête de rotation : 10 à 20 charretées par hectare Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1,5 hectares Rotations :

Coton

Maïs

Sorgho

Riz Arachide Maïs de champ de case

Rotation triennale Coton / maïs / sorgho

- Maïs annuel en rotation avec lui-même, sur champ de case : un hectare - Rotation triennale Coton / maïs (+ niébé) / sorgho (ou mil) sans période de friche

aucune : 15 hectares - Arachide cultivée sur de petits champs concédés temporairement aux femmes : un

hectare - Riz de bas-fonds sur parcelles concédées aux femmes : un hectare

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Assolement :

- 1 hectare de maïs associé (plus ou moins associé à du niébé), en rotation avec lui-même sur champ de case fumé : 1500 kg/ha. VAB = 140.000 francs CFA/ha

- 5 hectares de cotonnier (fertilisation organique et minérale) : 1000 kg/ha. VAB = 52.000 francs CFA/ha si le coton-graine est vendu à 160 francs CFA par kg.

- 5 hectares de maïs (engrais minéraux) : 1000 kg/ha. ; VAB = 95.000 francs CFA/ha - 5 hectares de sorgho (ou mil) non fumé : 700 kg/ha. VAB = 80.000 francs CFA/ha - 1 hectare d’arachide (non fumé) : 600 kg/ha. VAB = 72.500 francs CFA/ha - 1 hectare de riz de bas-fonds : 600 kg/ha. VAB = 80.000 francs CFA/ha Résultats économiques :

Décomposition de la productivité du travail (productions végétales) dans une exploitation de taille moyenne sans bananeraies

-40000

-20000

0

20000

40000

60000

80000

100000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6

Val

eur

ajou

tée

nett

e pa

r ac

tif (F

ranc

s C

FA)

Maïs de champ de case Cotonnier à 1000 kg/ha Maïs (fertilisation minérale) Sorgho Arachide Riz

Surface par actif

Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 80.000 francs CFA par hectare moyen de l’assolement Valeur ajoutée brute annuelle de 25.000 francs CFA par vache-mère et 10.000 francs CFA par brebis-mère Valeur ajoutée brute par actif de l’ordre de 132.000 francs CFA par an (dont environ 12.000 francs CFA issus de l’élevage) Valeur ajoutée brute par homme-jour de l’ordre de : 1500 francs CFA Amortissement total des équipements de l’ordre de 25.000 francs CFA par actif et par an

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III- Exploitations de taille moyenne dans lesquelles des bananiers sont cultivés sans irrigation en fond de talweg

Principales caractéristiques : Famille de 20 personnes dont 12 actifs avec 18 hectares Exploitation équipée de deux paires de boeufs de trait et d’un équipement complet : charrue, multiculteur, semoir et charrette Présence d’un petit troupeau de 4 vaches mères (permettant le renouvellement des bœufs de trait) et 10 brebis Accès aux crédits gagés sur la production cotonnière ; recours à la fertilisation minérale Fertilisation organique du cotonnier en tête de rotation : 10 à 20 charretées par hectare Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1,5 hectares Rotations :

Coton

Maïs

Sorgho

Rotation triennale coton / maïs /sorgho

- Maïs annuel en rotation avec lui-même, sur champ de case : 1 hectare

Maïs de champ de case Arachide Bananiers

- Rotation triennale Coton / maïs (+ niébé) / sorgho (ou mil) sans période de friche aucune : 15 hectares

- Arachide cultivée sur de petits champs concédés temporairement aux femmes : 1 hectare

- Bananiers cultivés sur bas-fonds, sans irrigation, avec entretien minimal : 1 hectare

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Assolement :

- 1 hectare de maïs associé (plus ou moins associé à du niébé), en rotation avec lui-même sur champ de case fumé : 1500 kg/ha. VAB = 140.000 francs CFA/ha

- 5 hectares de cotonnier (fertilisation organique et minérale) : 1500 kg/ha. VAB = 132.000 francs CFA/ha

- 5 hectares de maïs (engrais minéraux) : 1000 kg/ha. VAB = 95.000 francs CFA/HA - 5 hectares de sorgho (ou mil) non fumé : 700 kg/ha. VAB = 80.000 francs CFA/ha - 1 hectare d’arachide (non fumé) : 600 kg/ha. VAB = 72.500 francs CFA/ha - 1 hectare de bananiers non irrigué sur bas-fonds : 7.500 kg/ha. VAB = 600.000 francs

CFA/ha Résultats économiques :

Décomposition de la productivité du travail dans une exploitation de taille moyenne avec bananeraie

-50000

0

50000

100000

150000

200000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6

Surface cultivée par actif (hectares)

Val

eur

ajo

uté

e n

ette

par

act

if (

fran

cs C

FA

)

Maïs de champ de case Cotonnier Maïs (fertilisation chimique) Sorgho Arachide Bananier

Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 124000 francs CFA par hectare moyen de l’assolement Valeur ajoutée brute annuelle de 25.000 francs CFA par vache-mère et 10.000 francs CFA par brebis-mère Valeur ajoutée brute par actif de l’ordre de 200.000 francs CFA par an Valeur ajoutée brute par homme-jour de l’ordre de : 2.300 francs CFA Amortissement total des équipements de l’ordre de 25.000 francs CFA par actif et par an

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IV- Exploitations de grande taille avec grands troupeaux et bananeraies irriguées de bas-fonds

Principales caractéristiques : Grandes familles de 30 à 70 personnes chacune, avec une moyenne de 30 actifs et 50 personnes à nourrir pour 45 hectares Exploitation équipée d’au moins 4 unités de culture attelée complètes Présence d’un troupeau de plus de 10 vaches mères et 30 brebis Accès aux crédits gagés sur la production cotonnière ; recours à la fertilisation minérale Fertilisation organique du cotonnier en tête de rotation : 40 à 50 charretées par hectare Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1,5 hectares Rotations :

CotonMaïs

Bananiers Riz Arachide

Rotation biennale Coton / maïs

- Rotation biennale Coton / maïs, sans période de friche aucune : 40 hectares - Arachide cultivée sur de petits champs concédés temporairement aux femmes : un

hectare - Bananiers cultivés sur bas-fonds, irrigués et fumés : 3 récoltes étalées dans l’année - Riz de bas-fonds avec fumure organique, engrais minéraux et herbicides

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Assolement (pour 45 hectares) :

- 20 hectares de cotonnier (fertilisation organique et chimique) : 1800 kg/ha. VAB = 180.000 francs CFA/ha

- 20 hectares de maïs, en rotation avec le cotonnier, avec apport d’engrais chimiques : 1800 kg/ha. VAB = 170.000 francs CFA/ha

- 2 hectares de riz de bas fonds avec engrais chimiques : 1200 kg/ha. VAB = 150.000 francs CFA/ha

- 2 hectares de bananiers irrigués avec motopompes : 25.000 kg/ha. VAB = 1.700000 CFA/ha

- 1 hectare d’arachide (non fumé) : 800 kg/ha. VAB = 90.000 francs CFA/ha

Fonctionnement d'un troupeau de 11 vaches mères :

Dessin : Le Grix M. 2005

11 V ♀

2,5 ♂ nés / an

2,5 ♀ nées / an

2 ♂ sevrés / an

2 ♀ sevrées / an

2 bœufs de trait 5 ans

1 génisse 4 ans

40 000 Fcfa

ExploitationVendu

100 000 Fcfa

1 Taureau

1 V ♀ réforme 15 ans

50 000 Fcfa

0,1 taureau réforme 15 ans

125 000 Fcfa

0,1 ♂ reproduction

5 ans

1 génisse renouvellement

5 ans 0,5 MB / ♀ / an

Mortalité avant sevrage: 25 %

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Résultats économiques :

Décomposition de la productivité du travail dans une exploitation de grande taille avec bananeraie irriguée

-100000

-50000

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

350000

400000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6

Surface par actif (hectare)

Val

eur

ajo

uté

e n

ette

par

act

if (

fran

cs C

FA

)

Riz Cotonnier Maïs (fertilisation chimique) Arachide Bananier irrigué

Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 245.000 francs CFA par hectare moyen de terrains en culture Valeur ajoutée brute annuelle de 50.000 francs CFA par vache-mère et 10.000 francs CFA par brebis-mère Valeur ajoutée brute par actif de plus de 385.000 francs CFA par an (dont plus de 25.000 francs CFA issus de l’élevage) Valeur ajoutée brute par homme-jour de travail effectif de l’ordre de : 3.000 francs CFA Amortissement total des équipements de l’ordre de 35.000 francs CFA par actif et par an (dont environ 10.000 francs CFA pour la motopompe) V- Exploitations de grande taille avec plantations de manguiers et très grands

troupeaux Principales caractéristiques : Très grandes familles de 60 à 100 personnes chacune, avec environ 50 actifs et 75 hectares pour 80 personnes à nourrir Exploitation équipée d’au moins 10 unités de culture attelée complètes

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Présence d’un troupeau de plus de 50 vaches mères et 100 brebis Avec ou sans crédits gagés sur la production cotonnière : recours à la fertilisation minérale Fertilisation organique du cotonnier en tête de rotation : 40 à 50 charretées par hectare Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1,5 hectares Rotations :

CotonMaïs

Manguiers greffés

Rotation biennale Coton / maïs

- Rotation biennale Coton / maïs, sans période de friche aucune : 70 hectares - Mangueraie enclose : plantation pérenne de 5 hectares

Assolement (pour 75 hectares) :

- 35 hectares de cotonnier (fertilisation organique et minérale) : 1800 kg/ha. VAB = 180.000 francs CFA/ha

- 35 hectares de maïs, en rotation avec le cotonnier, avec apport d’engrais minéraux : 1.800 kg/ha. VAB = 170.000 francs CFA/ha

- 5 hectares de manguiers greffés : VAB = 450.000 francs CFA//ha Résultats économiques :

Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 185.000 francs CFA par hectare moyen de terrains en culture

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Valeur ajoutée brute annuelle de 50.000 francs CFA par vache-mère et 10.000 francs CFA par brebis-mère Valeur ajoutée brute par actif de l’ordre de 350.000 francs CFA par an (dont 70.000 francs CFA pour l’élevage) Valeur ajoutée brute par homme-jour de travail effectif de l’ordre de : 3.500 francs CFA Amortissement total des équipements de l’ordre de 25.000 francs CFA par actif et par an

Décomposition de la productivité du travail dans une exploitation de grande taille avec manguiers greffés

-50000

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6

Surface par actif (hectares)

Val

eur

ajo

uté

e n

ette

par

act

if (

fran

cs C

FA

)

Cotonnier Maïs (fertilisation chimique) Manguier greffé

VI- Exploitations de très grande taille avec plantations d’anacardiers et grands

troupeaux Principales caractéristiques : Très grandes familles de 60 à 100 personnes chacune, avec environ 50 actifs et 75 hectares pour 80 personnes à nourrir Exploitation équipée d’au moins 10 unités de culture attelée complètes Présence d’un troupeau de plus de 50 vaches mères et 100 brebis Avec ou sans crédits gagés sur la production cotonnière : recours aux engrais minéraux Fertilisation organique du cotonnier en tête de rotation : 40 à 50 charretées par hectare Surface totale maximale cultivée par actif et par an : 1,5 hectare

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Assolement (pour 75 hectares) :

- 35 hectares de cotonnier : 1800 kg/ha. VAB = 180.000 francs CFA/ha - 35 hectares de maïs, en rotation avec le cotonnier, avec apport d’engrais minéraux :

1.800 kg/ha. VAB = 170.000 francs CFA/ha - 5 hectares d’anacardiers : VAB = 350.000 francs CFA//ha

Rotations :

- Rotation biennale Coton / maïs, sans période de friche aucune : 70 hectares - Plantation d’anacardiers : plantation pérenne de 5 hectares

Résultats économiques :

Décomposition de la productivité du travail dans une exploitation de grande taille avec plantation d'anacardiers

-50000

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6

Surface cultivée par actif (hectares)

Val

eur

ajo

uté

e n

ette

par

act

if (

fran

cs C

FA

)

Cotonnier Maïs (fertilisation chimique) Anacardier

Valeur ajoutée brute annuelle de l’ordre de 180.000 francs CFA par hectare en moyenne Valeur ajoutée brute annuelle de 50.000 francs CFA par vache-mère et 10.000 francs CFA par brebis-mère Valeur ajoutée brute par actif de l’ordre de 340.000 francs CFA par an (dont 70.000 francs CFA pour l’élevage) Valeur ajoutée brute par homme-jour de travail effectif de l’ordre de : 3.700 francs CFA Amortissement total des équipements de l’ordre de 25.000 francs CFA par actif et par an

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Annexe n° 2

Indicateurs de suivi :

Compte tenu des faits mis en évidence lors des études réalisées par les binômes d’étudiants, il nous semblerait désormais utile de suivre plus particulièrement un certain nombre de phénomènes révélateurs des transformations de l’agriculture en cours dans la région cotonnière et susceptibles d’éclairer les divers auteurs de politiques, programmes et projets de développement agricole.

Pour ce faire, trois batteries d’indicateurs mériteraient d’être pris en considération :

- Des indicateurs relatifs à la reproduction de la fertilité des sols et à la gestion des

matières organiques :

o Nombre d’animaux participant aux transferts de fertilité (parcage nocturne sur le finage villageois)

En hivernage (parcs d’hivernage sur le saltus) En saison sèche (parcs mobiles sur l’ager)

o Transport et stockage de pailles et d’autres débris végétaux pour la confection de compost ou de fumier : oui ou non

o Nombre de charretées d’engrais organique : fumier, compost poudrettes

o Surface totale des rotations de culture en continu, sans aucune période de friche (jachère) depuis plus de quinze ans

o Surface des parcelles retournées à la friche (pour la première fois depuis combien d’années ?)

o Surface des cultures de première année après défriche Question : faut-il (et peut-on) aller jusqu’à évaluer la proportion, dans les assolements, des superficies relevant de chacune des rotations mises en œuvre, des plus intensives au plus extensives ?

- Des indicateurs relatifs à la mise en valeur des bas-fonds et l’extension des

plantations arboricoles :

o Appartenance ou non de la famille aux lignages descendant des premières familles fondatrices

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o Surface de la parcelle enclose pour les cultures maraîchères : Nombre et profondeur des puits Moyens d’exhaure de l’eau :

• Motopompes • Exhaure avec équipement manuel

o Surface de la parcelle enclose pour la bananeraie : Nombre et profondeur des puits Moyens d’exhaure de l’eau :

• Motopompes • Exhaure avec équipement manuel

o Surface des plantations de manguiers Surface en manguiers greffés Surface en manguiers non greffés La plantation est-elle clôturée ou non ? Densité des plantations

o Surface des plantations en anacardiers Surfaces Clôtures Densité

o Surface des autres plantations fruitières Surfaces Clôtures Densité

- Les indicateurs relatifs aux activités extra-agricoles, à l’exode rural et aux

migrations à destination de l’étranger :

o Nombre d’actifs ayant migré pour mettre en valeur des terres dans une autre région agricole

depuis moins d’un an depuis un à cinq ans depuis plus de cinq ans Lieu de l’installation Les actifs émigrés ont-ils bâti leurs propres exploitations ou

appartiennent-ils encore à l’exploitation mère ? o Nombre d’actifs en migration à l’étranger en Afrique :

depuis moins d’un an depuis un à cinq ans depuis plus de cinq ans

o Nombre d’actifs en migration à l’étranger en Europe : depuis moins d’un an depuis un à cinq ans depuis plus de cinq ans

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Remarques au sujet du « potentiel agro-démographique des terres » (PAT) : Le « potentiel agrodémographique des terres » (PAT) est un indicateur qui devrait théoriquement permettre d’apprécier les conditions de pérennité des systèmes de production. Son mode de calcul a été défini par la FAO pour les régions de savanes africaines dans lesquelles les systèmes de production mis en œuvre sont peu intensifiés avec peu d’apports de fertilisants minéraux et peu de matières organiques autres que celles résultant du développement spontané des recrûs sur les terres laissées provisoirement en friche (Service gestion de terroir CMDT 1998). Il se présente sous la forme d’un ratio dont le numérateur est la différence entre la superficie cultivable et la surface cultivée et dont le dénominateur est la superficie cultivée :

PAT = (superficie cultivable – superficie cultivée) / superficie cultivée. Ainsi formulé, cet indicateur ne nous paraît guère pertinent pour apprécier les conditions de la durabilité des systèmes de production agricole pratiqués aujourd’hui dans la région cotonnière. En effet, il a été conçu pour des systèmes d’agriculture sur abattis-brûlis dont la pérennité dépend pour l’essentiel de la durée des friches arbustives et arborées qui séparent deux périodes successives de remise en culture : la différence entre superficie cultivable et superficie cultivée représente alors la part des superficies cultivables momentanément laissée en friche (« jachère ») pour la reproduction de la fertilité des sols. Elle serait d’autant plus élevée que la durée des friches est longue. Mais tel n’est plus précisément le mode principal de reproduction de la fertilité dans la plupart des zones de la région cotonnière, puisque l’ager fait désormais tous les ans l’objet d’une mise en culture durant la saison des pluies, sans période de friche de durée supérieure à quelques mois. La reproduction de la fertilité y est dorénavant assurée par les apports périodiques de matières organiques en provenance du saltus. Ce saltus intègre aujourd’hui à la fois des terrains cultivables qui ne sont plus mis en culture depuis parfois quelques décennies et des superficies qui n’ont en fait jamais été cultivées et sont sans doute considérées par les paysans comme « incultivables ». Il apparaît donc beaucoup plus pertinent de prendre en considération des indicateurs susceptibles de mettre en évidence l’importance des transferts de matières organiques (possibles ou réellement pratiqués) depuis les aires de saltus vers celles d’ager. Ces transferts dépendent pour l’essentiel des surfaces en saltus, de l’importance de la biomasse fourragère présente sur celles-ci (éventuellement surpâturée), du nombre d’animaux participant aux allers-retours entre le saltus et les parcs d’hivernage et celui des charrettes disponibles pour le transport des pailles, du fumier, des composts et des débris végétaux éventuellement collectés sur le saltus.

o Nombre d’actifs résidant en ville, au Mali :

depuis moins d’un an depuis un à cinq ans depuis plus de cinq ans

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o Nombre d’actifs louant sa force de travail à la journée : Nature de l’activité ? Combien de journées par an ? A quelle saison ?

o Nombre d’actifs pratiquant des activités de cueillette : Nature de l’activité ? Combien de journées par an ? A quelle saison ?

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Annexe n° 3

Proposition d’études complémentaires :

1) Les réels avantages comparatifs des zones soudano-guinéennes encore peu

densément peuplées : quel avenir pour le cotonnier dans ces zones ? Les zones soudano-guinéennes ont été considérées depuis longtemps comme des zones d’expansion potentielle de la culture cotonnière, du fait notamment de leurs potentialités écologiques et de leur capacité à accueillir encore de nouveaux migrants. Mais rien ne permet d’affirmer qu’il en sera nécessairement ainsi. En effet, ces zones plus arrosées, et généralement plus proches de la Côte-d’Ivoire, peuvent aussi devenir le lieu d’extension de plantations arboricoles destinées à l’exportation : manguiers, anacardiers, etc. On y pratique encore très largement divers modes d’agriculture d’abattis-brûlis et le passage à des formes d’association agriculture-élevage, avec juxtaposition d’un saltus à un ager, ne semble y être qu’à peine amorcé. Bien que les surfaces fourragères apparaissent à priori comme étant relativement abondantes dans ces zones de savanes, les conflits entre agriculteurs sédentaires et éleveurs transhumants semblent y être déjà très fréquents. Sans doute conviendrait-il donc de connaître les conditions dans lesquelles il deviendrait possible pour les deux catégories d’agents de gérer conjointement les diverses parties des finages villageois dans une perspective où les deux parties sortiraient gagnantes (contrats de fumure et participation des éleveurs à des transferts de matières organiques entre aires pâturées et superficies cultivées, comme cela a été déjà mis en place dans les zones plus septentrionales). Mais ne pourrait-on pas non plus envisager d’autres formes « d’agriculture durable » dans lesquelles les plantations arboricoles et l’agroforesterie auraient une place bien plus grande ? Encore faudrait-il que les conditions d’accès au foncier pour les familles allochtones, non héritières des mêmes droits que ceux des descendants des familles fondatrices des finages villageois, soient préalablement clarifiées. Autant de questions qui semblent plaider pour une étude sur les avantages comparatifs des zones pré-guinéennes et un examen attentif des conditions dans lesquelles ces avantages pourraient être mis réellement en valeur. 2) Les modalités d’accroissement des ressources fourragères spontanées sur les

aires de parcours déjà surpâturées et leurs conséquences sur la conduite des troupeaux

Comme il a été indiqué précédemment dans l’annexe n° 1, le P.A.T. (potentiel agrodémographique des terres) paraît n’être plus qu’un bien mauvais indicateur pour

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apprécier l’éventuelle « durabilité » des systèmes de production agricole pratiqués de nos jours dans la région cotonnière. En effet, la reproduction de la fertilité des sols n’y dépend plus, comme autrefois, de la durée des friches herbacées et ligneuses en place après les quelques années de mise en culture des terrains correspondants, mais se retrouve désormais conditionnée par les modalités concrètes de l’association de l’élevage à l’agriculture et par les transferts de matières organiques entre les aires pâturées et les superficies cultivées tous les ans. La question est de savoir aujourd’hui si l’extension progressive de l’ager aux dépens du saltus ne risquerait pas, par endroit, de mettre en péril la « durabilité » du nouveau système. Le surpâturage du saltus ne risque-t-il pas d’entraîner une diminution des ressources fourragères disponible en son sein ? Cette raréfaction des ressources fourragères ne va-t-elle pas obliger les éleveurs à délester le saltus des animaux en surnombre en les envoyant dans des zones plus méridionales ? Cet effectif décroissant des animaux participant aux transferts de matières organiques en direction de l’ager ne pourrait alors que mettre en péril le maintien des rendements des diverses cultures, à moins que les agriculteurs ne se résignent à devoir accroître leurs dépenses en engrais minéraux. Mais force nous est de reconnaître la faiblesse des connaissances accumulées à ce sujet. Parmi les questions qu’il conviendrait d’éclaircir au plus tôt, il convient de citer plus particulièrement les suivantes : - Quelle charge maximale en UBT/ha peuvent actuellement supporter les différents

types de saltus (en hivernage et en saison sèche), selon les zones de la région cotonnière ?

- Quelle quantité maximum de matières organiques pourrait être transférée du saltus vers l’ager avec une telle charge animale, dans chacune de ces zones ?

- Quelle surface pourrait être ainsi cultivée tous les ans sur l’ager, dans le cadre de rotations biennales intensives (du type cotonnier-maïs) par hectare de saltus ?

- Comment pourrait-on prévenir le surpâturage du saltus et favoriser les transferts de matières organiques du saltus vers l’ager dans les zones où ces phénomènes ne sont pas encore apparus ?

- Comment pourrait-on favoriser la reproduction et le développement préférentiel des espèces fourragères sur les terres de parcours ? A défaut de pouvoir envisager la mise en défens périodique de vastes espaces de saltus, ne serait-il pas judicieux d’établir et de protéger de multiples petits espaces clôturés dans lesquels les espèces fourragères ainsi protégées pourraient contribuer au réensemencement permanent des aires situées aux alentours ?

De toute évidence, les réponses à ces questions ne pourront pas être connues sans un effort de recherche bien ciblé dont la responsabilité pourrait être confiée à l’IER.

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Annexe n° 4

Bibliographie consultée pour la rédaction de la synthèse :

I- Mémoires de fin d’études des étudiants de l’INAPG et du CNEARC ayant réalisé leurs stages dans la région cotonnière en 2005

Beaudouin Marion : Diagnostic agraire en zone cotonnière malienne : Bougouni, terres d’accueil à préserver. Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions chaudes (CNEARC) et Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture et des Industries Alimentaires (ENSAIA). Montpellier ; 2005. Gomez Didier : Rôles incontournables de la culture cotonnière dans les systèmes de production du Mali-Sud. Diagnostic agraire de la petite région agricole de Yorosso. Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions chaudes (CNEARC). Montpellier ; 2005. Fare Yohann Charles : Diagnostic agraire dans le « vieux bassin cotonnier » du Mali. Cas des villages de M’pelegosso et de Kaniko (cercle de Koutiala), et de Koumarela (cercle de Dioïla). DEA de géographie et pratique du développement ; Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) et Université de Paris X – Nanterre ; Paris 20O5 Guignand Jérémie : Le passage de l’abattis-brûlis à l’association agriculture élevage dans le cercle de Kita. Un diagnostic agraire pour expliquer cette dynamique. Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions chaudes (CNEARC) et Ecole Supérieure d’agriculture de Purpan. Montpellier ; 2005. Laval Mathilde : Diagnostic agraire de Bankoumana, Mali. DAA développement agricole ; Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) Paris 2005. Le Grix Mathieu : Diagnostic agraire en zone cotonnière malienne : la zone de Kanouala. DAA développement agricole ; Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) Paris 2005. Loua Henry : Diagnostic agraire (typologie des systèmes de production) en zone cotonnière pour la création de données et d’indicateurs de suivi des exploitations. Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions chaudes (CNEARC). Montpellier ; 2005. Roux Camille : Diagnostic agraire d’une région cotonnière du Mali. Cas de la commune rurale de Banco, secteur CMDT de Dioïla. DAA développement agricole ; Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) Paris 2005.

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Ruello Magali : Diversité des exploitations et constitution du revenu familial dans une région sous influence urbaine : diagnostic agraire de la zone de Dialakoroba, zone cotonnière Mali-sud. Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions chaudes (CNEARC) et Ecole Nationale Supérieur Agronomique de Montpellier (ENSAM). Montpellier ; 2005. Vermeulen Guillaume : Analyse diagnostic d’une petite région agricole dans le cercle de Sikasso (Mali). DAA développement agricole ; Institut National Agronomique Paris-Grignon (INAPG) Paris 2005. II- Documents de la CMDT : Direction générale – DPA : Rapport annuel. Campagne 2004/2005. CMDT ; Bamako ; décembre 2005. DPCG – Suivi évaluation : Annuaire statistique 00/01. Résultats de l’enquête agricole permanente. CMDT ; Mai 2001. DPCG – Suivi évaluation : Annuaire statistique 02/03. Résultats de l’enquête agricole permanente. CMDT ; Mai 2004. DPCG – Suivi évaluation : Annuaire statistique 04/05. Résultats de l’enquête agricole permanente. CMDT ; non publié. DPCG – Suivi évaluation : Fiches de suivi. CMDT. Bamako ; Campagne 02/03. Koné Youba, Ouattara Karim et Derlon Jean-Pierre : Coton et développement dans la region de Sikasso. CMDT ; Bamako ; Février 2001. Service gestion de terroir : Diagnostic du secteur de Béléko. CMDT ; Avril 1998. Service gestion des terroirs : Zonage Mali Sud. Développement et gestion des ressources. Région Fana. CMDT. Octobre 1993. Touré Gomi : Etude de zonage du cercle de Kita. Volet élevage. CMDT et A.G.E./Mali ; décembre 1995. III- Autres documents : Ahmadi N. : Diversité des systèmes de production dans les bas-fonds du Mali-Sud : enjeux économiques et sociaux. In : Aménagement et mise ne valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages 61 / 77.

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Barbedette Loïc : Première approche de la dynamique des exploitations familiales au Mali. Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP) et Coopération Suisse au Développement (DDC). Exploration sociale ; note 3 ; Mali ; Mai 2004. Bertrand Alain : Evolution de l’élevage et politique forestière en zone soudanienne. L’exemple de la 3e région du Mali. In : Les cahiers de la recherche – développement n° 9-10. Janvier 1986 ; pp 35-39. Blokland Aad : La gestion des terroirs au Mali. Analyse des contraintes et des acquis dans les projets d’assistance technique néerlandais. In : Les cahiers de la Recherche Développement n° 26 ; Juin 1990 ; pp 44 – 53. Montpellier. Bouju J. : Contrôle foncier et conflits pour les ressources : l’accès aux bas-fonds aménagés comme enjeu de pouvoir local (Mali, Burkina Faso). In : Aménagement et mise ne valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages 95/107. Breman Henk, Ketelaars Jan et Traoré N’golo : Un remède contre le manque de terre ? Bilan des éléments nutritifs, production primaire et élevage au Sahel. In : Sécheresse n° 2 ; pp 109-117 ; Paris ; 1990. Dabo A. : Les aménagements dans la haute vallée du Niger : potentiels et contraintes d’exploitation. In : Aménagement et mise ne valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages55/57. Dahou Karim : Assemblée régionale de Sikasso : Stratégie d’accompagnement du secteur coton et de développement / promotion rural(e) dans la 3ème région. Ministère de l’administration et des collectivités locales – Bureau de la coopération suisse ; Bamako janvier 2005. De Groote H., Djouara H. et Fomba B. : Les femmes et la riziculture de bas-fonds ; les déterminants socio-économiques. In : Aménagement et mise ne valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages 121/132. Dembele Célestin : Analyse territoriale, socio-économique et environnementale du système coton dans la région de Sikasso, Mali. Mémoire de Master ; Université de Bourgogne. Dijon ; 2005.

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Dembele S. et Yattara A. : La recherche et le développement de la filière cotonnière au Mali. In : Rôle et place de la recherche pour le développement des filières cotonnières en évolution en Afrique. Actes du séminaire de Montpellier de septembre 1999 ; CIRAD ; 2000. Devèze Jean-Claude et Halley des Fontaines Damien : Le devenir des agricultures familiales des zones cotonnières africaines : une mutation à conduire avec tous les acteurs. AFD – EVA – STR ; document provisoire ; Paris ; septembre 2005. Diakité Cheik Hamalah : Proposition de recherche-développement. Caractérisation des dynamiques agraires en zones cotonnières du Mali. Programme d’amélioration des systèmes d’exploitation en zones cotonnières. IER ; Bamako. Diallo Drissa et Keita Dazin : Un système paysan de classement des sols dans la zone agroécologique du Djitoumou, Mali. In : Cahiers agricultures vol. 4 ; pp 371-375 ; Paris ; 1995. Djouara Hamady, Bélières Jean-François et Kébé Demba : Les exploitations agricoles familiales de la zone cotonnière du Mali face à la baisse des prix du coton-graine. ESPGRN / IER ; A paraître ; Bamako ; 2006 . Fok M., Djouara H., Koné M. et Ballo D. : Diversité des pratiques paysannes en zones cotonnières du Mali. Portée et limites des gestions d’itinéraires techniques observées. In : Rôle et place de la recherche pour le développement des filières cotonnières en évolution en Afrique. Actes du séminaire de Montpellier de septembre 1999 ; CIRAD ; 2000. Gigou Jacques, Giraudy François, Toucouré Oumar Tidiane, Healy Sean, Traoré Kalifa et Guindo oumar : L’âge des champs : un indicateur du passage de la culture itinérante à la culture permanente dans le bassin cotonnier du Mali. In : Cahiers agricultures n° 13 ; pp 467 – 472. Kanté Salif : Gestion de la fertilité des sols par classe d’exploitation au Mali-Sud. Documents sur la gestion des ressources tropicales n° 38. Wageningen University ; 2001. Nouaceur Zeineddine : Climat. In : Atlas du Mali. Pages 16 – 19 ; Les éditions J.A. ; Paris 2001. Nubupko Kato et Keita Manda Sadio: Impact des chocs externes sur les économies cotonnières ouest-africaines: enseignements de la modélisation du cas malien. IER / CIRAD ; Bamako ; août 2005.

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Giraudy F. : La zone Mali-Sud : contexte agro-écologique et démographique. In : Aménagement et mise ne valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages 21/26. Thiéro S.A. : Importance des terres de bas-fonds dans le Mali-Sud : localisation des zones aménagées et d eleur mise en valeur. In : Aménagement et mise en valeur des bas-fonds au Mali. Bilan et perspectives nationales. Intérêt pour la zone de savane ouest-africaine. Actes du séminaire d’octobre 1996 ; Sikasso. CIRAD ; 1998 ; pages 27/53. Touré Mamadou : Présentation générale de la CMDT. Division commerce équitable de la CMDT. Bamako ; 2005. Van der Poel Piet et Kaya Bocary : La recherche sur l’aménagement anti-érosif et la gestion de terroir au Mali-Sud. Les cahiers de la recherche-développement n° 27 ; septembre 1990 ; Montpellier.

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Annexe n° 5

Listes des acronymes :

AFD : Agence Française de Développement BNDA : Banque Nationale du Développement Agricole CIRAD : Centre International de Recherche en Agronomie pour le Développement CMDT : Compagnie Malienne des Textiles CNEARC : Centre National d’Etudes en Agronomie des Régions Chaudes CNOP : Coordination Nationale des Organisations paysannes du Mali DAA : Diplôme d’agronomie approfondie DEA : Diplôme d’Etudes Approfondies INAP-G : Institut National Agronomique Paris-Grignon IER : Institut d’Economie Rurale IPR : Institut Polytechnique rural de Katibougou OHVN : Office de la Haute Vallée du Niger PASE : Programme d’Amélioration des systèmes d’Exploitation PAT : Potentiel agrodémographique des terres SAU : Surface agricole utile UBT : Unité bovin tropical (250 kg) UCA : Unité de culture attelée

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