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1 ULB- PROMES Ecole de Santé Publique Route de Lennik 808 CP 596 1070 – Bruxelles Tél. : 02/555.40.81 direction : Professeur Danielle PIETTE Fax : 02/555.40.49 [email protected] Mail : [email protected] http://www.ulb.ac.be/esp/promes DF/31/485 RAPPORT SCIENTIFIQUE (octobre 1999 – septembre 2000) Etude de la santé des jeunes en décrochage scolaire et du cannabis à l’adolescence Octobre 2000 Chercheur : Damien Favresse Sous la direction de : Professeur Danielle Piette En collaboration avec Laurence Kohn, Patrick de Smet et CERESP, asbl ainsi qu’avec Nathalie Da Costa Maya, Anne-Sylvie Ladmirant et Spéciose Nibasange CDCS, asbl Etude financée par Communauté française de Belgique, Direction Générale de la Santé : Administration générale de l’aide à la jeunesse, de la santé et du sport ; montant engagé sous le n°99/51237 ANNEXE 4

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ULB- PROMESEcole de Santé PubliqueRoute de Lennik 808 CP 5961070 – BruxellesTél. : 02/555.40.81 direction : Professeur Danielle PIETTEFax : 02/555.40.49 [email protected] : [email protected] http://www.ulb.ac.be/esp/promes

DF/31/485

RAPPORT SCIENTIFIQUE

(octobre 1999 – septembre 2000)

Etude de la santé des jeunes en décrochage scolaire etdu cannabis à l’adolescence

Octobre 2000

Chercheur : Damien Favresse

Sous la direction de : Professeur Danielle Piette

En collaboration avec Laurence Kohn, Patrick de Smet et CERESP, asblainsi qu’avec Nathalie Da Costa Maya, Anne-Sylvie Ladmirant et Spéciose Nibasange CDCS, asbl

Etude financée par Communauté française de Belgique, Direction Générale de la Santé :Administration générale de l’aide à la jeunesse, de la santé et du sport ; montant engagé sous len°99/51237

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La réalisation de ce rapport s’appuie essentiellementsur des données récoltées auprès de jeunes connaissantou ayant connu des problèmes de décrochage scolaire.Il s’ensuit que certains points développés dans celui-cisont particulièrement critiques à l’égard notamment decertains membres du corps professoral. Notre proposn’est pas de stigmatiser l’école comme source de tousles problèmes mais de respecter et de présenter avecfidélité la parole des jeunes interrogés. Cet angled’approche nous permet aussi de mieux comprendre lamanière dont ces jeunes perçoivent et viventl’institution scolaire et la difficulté que certainsprofesseurs peuvent rencontrer dans l’exercice de leurprofession. Sur ce point, nous sommes d’ailleursconvaincus que pour mener une action efficace auprèsdes jeunes susceptibles d’être en marge du systèmescolaire, il est indispensable d’agir également surl’amélioration des conditions de travail des enseignantsau sein du cadre scolaire.

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Sommaire :

Etape préliminaire : projet de recherche1. Introduction 9

1.1 Présentation 91.2 Analyse de la situation 9 1.2.1 Adolescence, scolarisation et décrochage scolaire 1.2.2 Le cannabis à l’adolescence1.3 Argumentation 12

2. Objectifs et méthodes de l’étude 132.1 Le cadre théorique 132.2 objectifs 142.3 Méthodes 15

Première étape : L’analyse qualitative 1. Objectifs et méthode 17 1.1 Objectifs 17 1.2 Méthode 172. Population et échantillon attendu 17

2.1 Population 172.2 Echantillon attendu 18

3. Déroulement de l’enquête 183.1 Mode de recrutement des participants 18 3.1.1 La rencontre sur le terrain 3.1.2 La rencontre via les structures destinées aux jeunes

3.1.2.1 Les formations à horaire réduit3.1.2.2 Les associations3.1.2.3 Les facteurs freinant ou favorisant la rencontre

3.2 Echantillon observé 213.3 Caractéristiques de l’échantillon 223.4 Déroulement des entretiens 22

4. Analyse descriptive 234.1 Caractéristiques du décrochage 23 4.1.1 Les jeunes «réinsérés»

4.1.1.1 Les caractéristiques du décrochage chez les apprentis4.1.1.2 Les caractéristiques du décrochage chez les «alternants»

4.1.2 Les jeunes «inscrits» dans l’enseignement de plein exercice 4.1.3 Les jeunes qui ne sont inscrits dans aucun établissement4.2 Itinéraire scolaire 25 4.2.1 Le nombre d’écoles fréquentées 4.2.2 Le nombre de changements d’orientation, d’option 4.2.3 Le nombre d’années recommencées 4.2.4 L’abandon d’une année scolaire 4.2.5 Les inscriptions tardives4.3 Typologie de l’échantillon 264.4 Brossage 27 4.4.1 Les raisons du brossage 4.4.2 Les raisons de la fréquentation scolaire 4.4.3 Les activités pendant le brossage 4.4.4 La fréquence du brossage4.5 Famille 30 4.5.1 Le temps passé en famille 4.5.2 Les activités réalisées en famille4.6 Amis 31 4.6.1 Le temps consacré aux amis

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4.6.2 Les activités entre amis4.7 Perception de l’abandon scolaire 32 4.7.1 L’image positive de l’abandon scolaire 4.7.2 L’image négative de l’abandon scolaire 4.7.3 Les différentes représentations de l’abandon scolaire4.8 Image de l’obligation scolaire 334.9 Formation à horaire réduit 34 4.9.1 Les motivations 4.9.2 La satisfaction de la formation4.10 Cannabis 36 4.10.1 Les avantages à consommer du cannabis 4.10.2 Les désavantages à consommer du cannabis 4.10.3 Les personnes approuvant et désapprouvant l’usage de cannabis 4.10.4 Les obstacles et les facilitateurs à la consommation de cannabis

5. L’analyse transversale : 385.1 L’intégration des jeunes 38 5.1.1 L’insertion familiale et amicale

5.1.1.1 Le temps consacré à la famille et aux amis5.1.1.2 La relation avec la famille5.1.1.3 Les activités réalisées en famille

5.1.2 L’insertion familiale et le décrochage scolaire5.1.2.1 Une insertion familiale problématique5.1.2.2 Une insertion scolaire problématique5.1.2.3 Une combinaison entre insertion familiale et décrochage

5.1.3 L’entourage social5.1.3.1 L’inscription sociale du jeune5.1.3.2 L’influence sociale et familiale sur le décrochage

5.1.4 L’insertion scolaire5.1.4.1 Le problème de l’orientation5.1.4.2 L’échec et le retard scolaire5.1.4.3 Le rapport professeur-élèves5.1.4.4 L’ «exclusion» scolaire

5.2 La perception de l’école 58 5.2.1 Le sens de l’école 5.2.2 L’ennui et la contrainte scolaires5.3 Le sens du brossage 60 5.3.1 La perception hédoniste de la jeunesse 5.3.2 Le brossage comme échappatoire 5.3.3 Le brossage comme expression d’une déviance5.4 Cas typiques de décrochage 63 5.4.1 Damien : le «décrocheur intérimaire» 5.4.2 Frédéric : le «décrocheur scolaire» 5.4.3 Aurélie : la «décrocheuse amicale»5.5 Le cannabis 65 5.5.1 L’usage 5.5.2 Le cannabis à l’école 5.5.3 Le cannabis et le décrochage scolaire

6. Confrontation aux hypothèses de départ 686.1 Introduction 686.2 Les pistes de recherche 69 6.2.1 L’intégration 6.2.2 Les comportements de santé et le sentiment de bien-être

6.2.2.1 L’intégration amicale et les conduites à risques6.2.2.2 Le sentiment de bien-être6.2.2.3 L’intégration familiale et les conduites à risques

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6.2.2.4 L’hétérogénéité des problèmes sanitaires selon le type de décrochage? 6.2.3 Les apprentis et les «alternants» 6.2.4 Le cannabis6.3 La (re)formulation des hypothèses 75 6.3.1 Les hypothèses générales 6.3.2 Les hypothèses spécifiques

Deuxième étape : La préparation de l’analyse quantitative1.Objectifs et méthode 792.La récolte des données 79

2.1 La construction des questionnaires 792.2 Le prétest 80 2.2.1 L’objectif 2.2.2 La réalisation 2.2.3 Les acquis 2.2.4 Les problèmes rencontrés 2.2.5 La correction2.3 L’administration des questionnaires 82 2.3.1 Les formations à horaire réduit

2.3.1.1 La demande2.3.1.2 L’échantillon attendu2.3.1.3 L’échantillon observé2.3.1.4 Les refus de participer à l’enquête

2.3.2 Les maisons de jeunes et les AMO2.3.2.1 La demande2.3.2.2 L’échantillon attendu2.3.2.3 L’échantillon observé2.3.2.4 Les refus de participer à l’enquête

2.4 L’absentéisme dans notre population des formations à horaire réduit 85 2.4.1 Les échantillons 2.4.2 L’absentéisme

2.4.2.1 Les centres de Formations des Classes Moyennes2.4.2.2 Les Centres d’Education et de Formation en Alternance

2.4.3 Les types d’absentéisme 2.4.4 Les pistes d’exploration2.5 La réalisation de l’enquête au sein des instances destinés aux jeunes 90 2.5.1 La passation de l’enquête 2.5.2 Les difficultés rencontrées par les associations 2.5.3 Les leçons à tirer de l’enquête via le tissu associatif2.5.4 Les pistes pour améliorer la participation

3. L’encodage 934. Quelques données quantitatives 94

4.1 La répartition du sexe dans l’échantillon 944.2 L’intégration scolaire et socio-familiale 95 4.2.1 Le brossage dans les filières à horaire réduit 4.2.2 L’intégration scolaire et socio-familiale 4.2.1 Le brossage dans les filières à horaire réduit 4.2.2 L’exercice d’un travail dans les CEFA 4.2.3 Les soirées passées en compagnie des parents et les soirées passées avec les ami(e)s4.3 Les comportements à risque 97 4.3.1 Avoir déjà consommé du cannabis 4.3.2 Le tabagisme4.4 Les plaintes psychosomatiques et le bien-être 103 4.4.1 La fatigue matinale 4.4.2 La nervosité

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4.4.3 La mauvaise humeur/l’agressivité 4.4.4 Le sentiment de bonheur4.5 Les «premiers constats» 106

5. La suite de la recherche 107

Conclusion générale 109

RéférencesAnnexes : 1.1 Guide d’entretien des jeunes en formation à horaire réduit

1.2 Guide d’entretien des jeunes en absentéisme scolaire1.3 Mini-questionnaire «expérience scolaire»1.4 Mini-questionnaire «abandon scolaire»1.5 Mini-questionnaire «cannabis»2.1 Obligation scolaire et contrôle de l’obligation scolaire2.2 Notion de décrochage scolaire2.3 Notion de décrochage scolaire et caractéristiques des décrocheurs2.4 Caractéristiques et nombre de décrocheurs3.1 Population Centre d’Education et de Formation en Alternance3.2 Population Centre d’Apprentissage4.1 Demande Centre Formation à Horaire Réduit4.2 Fiche de présentation de la recherche4.3 Formulaire de réponse des Centres de Formation4.4 Consignes au coordinateur de la recherche (Horaire Réduit)4.5 Consignes au professeur-surveillant l’enquête5.1 Demande Association pour Jeunes5.2 Formulaire de réponse des Associations5.3 Consignes au coordinateur de la recherche (Association)6 Tables de contingence (absence/présence en Horaire Réduit)7 Critères pour une Ecole en Santé8 Questionnaire (Q1) destiné aux jeunes inscrits dans une filière à horaireréduit9 Questionnaire (Q2) destiné aux jeunes en arrêt de scolarité10 Questionnaire (Q3) destiné aux jeunes brossant régulièrement lescours

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ETAPE PRELIMINAIRE : LE PROJET DE RECHERCHE :

1. INTRODUCTION :

1.1 PRESENTATION

Cette recherche vise à étudier les comportements de santé et les modes de vie en général de lapopulation des jeunes en décrochage scolaire -et plus spécifiquement la consommation decannabis- et de comparer cette population à celle normalement scolarisée dans le secondaire.

Pour rencontrer cet objectif, il est nécessaire d’organiser une collecte de données dans lapopulation spécifique des jeunes en décrochage à l’aide d’un questionnaire adapté.Le présent rapport concerne la première année de la recherche c’est-à-dire l’analyse qualitativeet la préparation de l’analyse quantitative (la récolte et l’encodage des données).

1.2 ANALYSE DE LA SITUATION

1.2.1 Adolescence, scolarisation et décrochage scolaire

Les jeunes "à risque"Les jeunes présentent des comportements à risque pour leur santé actuelle ou future classés parKagan (1992) et par Choquet (1993) en risque- de type comportemental continu (conduite de consommation alimentaire ou de produits à butpsychotrope, conduite de vandalisme et d'agressivité) ou intermittent (conduite routièredangereuse, relation sexuelle à risque; etc.).- de type psychosomatique (plaintes relatives au sommeil, etc.).Ces auteurs ajoutent que les jeunes sont également soumis à des risques de typeenvironnemental (influence des milieux de vie: famille, école ou pairs; conditions socio-économiques).Les recherches entreprises par le Professeur D. Piette et son équipe en Communauté françaisede Belgique depuis 1986 (au départ du protocole international de l'étude HBSC ou "HealthBehaviour of School-aged Children" patronnée par le Bureau européen de l'OrganisationMondiale de la Santé) ont permis d'observer que les jeunes de l'enseignement francophoneprésentent les mêmes caractéristiques sanitaires que les adolescents européens : certainscommencent à fumer, consomment de l'alcool jusqu'à l'ivresse, n'utilisent pas la ceinture desécurité, etc. bref, présentent des comportements à risque qu'il est possible et utile de prévenir(Piette 1989, 1992a, 1994a, Navarro 1996). Les jeunes adoptent également des comportementsde risque lorsqu'ils s'engagent dans des relations sexuelles à risque de transmission du virus HIV(Piette 1994b). Certains jeunes, notamment ceux inscrits dans l'enseignement professionnel, ouencore ceux qui sont peu intégrés dans l'école cumulent les risques préjudiciables à leur santépar exemple par une pluriconsommation de produits de type psychotrope (Piette 1990, Humblet1991 et Navarro 1996).

Les comportements ne sont pas des faits isolésEder (1990) analyse les comportements de jeunes de 9 pays européens et montre que lescomportements s'inscrivent dans un mode de vie intégré dans un ou des groupes sociaux.L’adoption d’un comportement s’inscrit dans une reproduction familiale des comportements àrisque (et de protection) ou dans une logique d'appartenance secondaire à un groupe de pairs(Piette 1992b). Une relation existe entre l'adoption de comportements à risque et une faibleintégration familiale ou scolaire ou une intégration intense à un groupe de pairs. On observe unerelation statistique entre la prise de risque pour la santé physique (exemple: tabagisme) et lescomportements relatifs à la santé psychosociale (exemple: violence, "bullying", vandalisme,etc.; Humblet 1991, Navarro 1996).

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Tous les jeunes ne sont pas égaux face aux risques.Weitzman & al. (1986), Hurrelman & al. (1988), Eggert & al. (1993) et Eisenman (1993) ontétudié les comportements de santé des jeunes en rupture d’école et ont observé que ceux-ciprésentaient plus de comportements à risque pour leur santé actuelle ou future que les jeunessuivant une scolarité normale. Cette étude de santé est la première réalisée en Belgique parmiles jeunes en décrochage scolaire. Par contre, une première tentative d'étude des jeunes quis'absentent de l'école a été possible dés 1988 par une question demandant aux élèves del'enseignement secondaire s'ils avaient déjà manqué l'école pour des raisons non-médicales,parce qu'ils avaient "envie de faire autre chose" depuis le début de l'année scolaire (plusieursfois, une fois, jamais). Dans le groupe de jeunes âgés de 15 à 18 ans, 9.4% des jeunes présents àl'école déclarent manquer régulièrement l'école et 26.1% déclarent avoir été absents une foisdepuis le mois de septembre. La comparaison des jeunes qui ne manquent jamais l'école pourdes raisons non médicales avec les autres élèves révèle des différences constantes : parexemple, ils sont moins nombreux à fumer au moins une fois par semaine (17.4% des garçonscontre 36.5 parmi les "brosseurs"; filles: 20.6 et 37.7% parmi les "brosseuses"), à répéterl'ivresse (garçons: 33.8% contre 56%; filles 9.7% et 32.8%) et à ne pas utiliser leur ceinture desécurité (garçons: 55.3 et 69.7%; filles: 51.7 et 66.1). Ces constatations ont été confirmées parles données de l’enquête 1994 (Piette & al., 1997). Par ailleurs, le nombre de jeunes présents àl'école lors des enquêtes menées par l'Unité de Promotion Education Santé de 1986 à 1992 variede 92.0% (+/- 4.0%) dans l'enseignement général et de 85.0% (+/-10.7%) dans l'enseignementtechnique à 71.1 (+/-15.7%) dans l'enseignement professionnel (Piette 1993).

Le biais d’échantillonnageLes études conduites en milieu scolaire présentent donc un biais systématique dû à la sous-représentation des jeunes "brosseurs" et à la non-représentation des jeunes en décrochagescolaire (ces derniers étant non inscrits à, ou toujours absents de l'école; ils sont estimés à 4.2%dans le groupe des 16 à 18 ans). Une autre population exclue de la plupart des études rassembledes jeunes auparavant en décrochage scolaire et maintenant inscrits dans les filières deréinsertion, comme l'enseignement en alternance. Cette sous-représentation des jeunes les plusà risque n’est pas sans influencer le contenu des résultats (sous-évaluation des problèmes) etleurs implications pour la promotion de la santé des jeunes (adaptée aux adolescents bienintégrés à l’école).

1.2.2 Le cannabis à l’adolescence

La consommation de cannabis.Cette dernière a considérablement évolué ces dernières années: l’essai et l’usage sont répandusdans tous les établissements secondaires de la Communauté française. En 1994, 9% des garçonset 3.5% des filles de 12-14 ans déclaraient avoir déjà consommé du cannabis et respectivement3.9 et 3.1% en ont consommé le mois précédent l’enquête (dans le groupe de 17-18 ans:respectivement 47.6 et 22.6 pour l’essai; 18.6 et 12.9 pour la consommation récente). Dans legroupe des 12-14 ans, 16.7% des garçons et 12.9% des filles déclarent pouvoir se procurerfacilement du cannabis (50% et 30 % à 17-18 ans; Navarro 1996). Au niveau des 17-18 ans,cette accessibilité du cannabis s’accélère avec le temps. Elle est respectivement de 60,8% chezles garçons et de 42,6% chez les filles (Kohn 1998).

Accroissement de la consommation de cannabis.La consommation de cannabis chez les jeunes est un phénomène croissant en Belgique, enEurope et dans d’autres continents. En Communauté française de Belgique, la prévalence deconsommation régulière parmi les jeunes de 13 à 17 ans est passée de 1.2% à 9.2% entre 1990 et1994 (taux standardisés pour l’âge, le sexe et le type d’enseignement) (Piette & al., 1997).

La prévalence de la consommation des autres drogues illicites (non compris l’ecstasy) est de 1%dans le groupe des adolescents. Le cannabis se révèle particulier par rapport aux autres drogues

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illicites. Il s'agit d'une drogue dite "douce", largement consommée par comparaison avec lesautres substances, accessible facilement sans intervention d'un "dealer" au sens traditionnel duterme. Le cannabis et son utilisation se banalisent parmi les jeunes. Groupes de pression etpoliticiens envisagent même d'en modifier le statut juridique en le dépénalisant, ledécriminalisant voire en le légalisant. (Mercenier & al. 1997)Dans ce contexte, la problématique se révèle multiple et plusieurs questions se posent:

La consommation de cannabis a-t-elle des effets sur la santé?Vu la relativement faible prévalence de la consommation sur une longue période, les effetsnocifs du cannabis sont difficiles à établir par une étude épidémiologique. Toutefois, desarticles scientifiques récents en provenance des Etats-Unis évoquent une dépendance physiqueau produit (Wickelgren, 1997) et font état du syndrome de sevrage (Gerhard 1996) nécessitantdans certains cas des cures de désintoxication pour des jeunes adultes ayant fumé plusieursjoints de cannabis chaque jour pendant plusieurs années.

Rappelons que le produit est le plus souvent fumé et donc qu’il est cancérigène. (O’brien Fehr,1983) et que la fumée de cannabis peut également entraîner des difficultés respiratoires (VanHoozen, 1997). Le cannabis est identifié comme cause de déséquilibres psychologiques tels quela schizophrénie (Hall & al., 1997). L'effet psychotrope du produit risque également d'engendrerdes dangers lors de la conduite de véhicule (Vansnick, 1995). Le cannabis n’est pas sans effetssur la santé et il pose donc un problème de santé publique.

Le cannabis est-il lié au décrochage scolaire?La consommation de cannabis ne semble pas être en relation directe de cause à effet avec unesituation de décrochage scolaire. Il est vrai qu’on observe une relation statistiquementsignificative entre consommation de cannabis et absentéisme mais on l’observe également pourle tabac, l’alcool ou la ceinture de sécurité (Piette & al., 1997). Une association entre uneconsommation soutenue de cannabis et une mise à distance de l'école est décrite dans lalittérature mais aucun lien de cause à effet dans un sens ou l’autre n’a encore été décrit.Actuellement, il n’y a pas de données disponibles sur les comportements de santé des jeunes endécrochage scolaire. Une comparaison avec la population de jeunes normalement scolariséss'avère donc impossible.

Quels seront les effets d'une dépénalisation possible du cannabis?L'étude préliminaire réalisée en juillet 1997 nous donne quelques pistes (Kohn & al, 1997). Eneffet, d’après les discours des jeunes interrogés, un des paramètres qui pourrait se révélerimportant dans la consommation de cannabis chez les jeunes est la transgression de l’interdit.Une dépénalisation du cannabis pourrait, selon les jeunes, soit, si elle a lieu pour les plus de 18ans seulement, renforcer l'interdit pour les mineurs d'âge (et donc renforcer l’attrait pourcertains d’entre eux), soit, si elle est instaurée sans limite d’âge, déplacer la consommation desjeunes vers un autre produit illicite plus dur (mais, dans le cas de l’ecstasy, souvent considérécomme doux par les adolescents). Toujours d’après les jeunes interrogés, ceux que n’attirentpas la transgression de l’interdit et qui respectent cette interdiction (en n’osant pas consommerou en réduisant au maximum leur consommation) verront avec une dépénalisation ou unelégalisation sauter le frein vers une consommation plus importante, voire franchementexcessive. Ces premières indications sur les conséquences possibles du changement delégislation doivent être confirmées ou invalidées par une étude quantitative.

Mode de vie, représentation, croyances et perception des normes relatives au cannabisL’écoute informelle de jeunes relayée par des entretiens structurés (10 entretiens en 1996, 22 en1997) révèle l’évolution de la perception de la (non)-dangerosité du produit, de la perceptiondes normes de consommation et celles relatives à l’achat et la vente de cannabis (banalisation dudealer). Aucune étude quantitative n’a encore permis de cerner l’évolution de la représentationet des croyances du cannabis chez les jeunes consommateurs ou abstinents. Il en est de mêmede la perception de l’auto-efficacité (self-efficacy) pour le contrôle de la consommation de

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cannabis par les jeunes. Le rapport de l’étude qualitative préliminaire menée pendant l’été 1997auprès de 22 adolescents bruxellois est joint à ce projet. Les conclusions de cette étude sont lemanque d’informations permettant de se prononcer vis-à-vis d’une politique éventuelle delibéralisation ou de dépénalisation du cannabis (Kohn 1997) ainsi que le manqued’informations permettant de définir une politique nuancée (dans différents groupes de jeunes)de santé publique dans ce domaine. En effet, l’ampleur des sous-cultures intégrant laconsommation de cannabis comme un élément clé n’est pas estimée à ce jour.

1.3 ARGUMENTATION

Ce projet s'avère être une étape essentielle pour revoir notre compréhension du phénomènecannabis à l’adolescence et donc, pour- la réduction de la demande: les résultats vont nourrir les programmes actuels de préventionde la consommation de cannabis chez les jeunes, tant la prévention primaire (ne pas commencerà consommer ou consommer de manière épisodique) que secondaire (diminution ou sevrage dela consommation);- la réduction du dommage, celui dû à une consommation élevée quotidienne, pour éviterl’enfermement dans un groupe “grands consommateurs”, destructeur à moyen terme de touteautre relation sociale et pour éviter également l’essai et la consommation régulière de drogues“dures”;- la définition des lois en alimentant le débat sur la dépénalisation et/ou légalisation parl’introduction d‘éléments concernant les adolescents et pré-adolescents.

Compréhension du phénomène cannabisDepuis les années 70, la prévention des drogues s’est développée suivant plusieurs axess’ajoutant progressivement l’un à l’autre: l’approche normative (information, conseil, interdits,etc.), l’approche pédagogique déjà moins répandue (programme global travaillant l’estime desoi, la communication, etc.) et plus rarement, l’approche communautaire (approcheindividuelle et institutionnelle visant aussi, par exemple, l’amélioration des relations et l’offred’activités stimulantes alternatives).

Nos contacts avec des éducateurs nous montrent que, trop souvent, leur perception duphénomène de la consommation de cannabis des jeunes n’intègrent pas les nouveaux élémentsdont il a été question ci-dessus (banalisation de la consommation, disparition du dealer, types etampleur des sous-cultures, etc.). Il semble dès lors important de réaliser une étude qui allie uneapproche socio-anthropologique à une approche épidémiologique au niveau de la Communautéafin de cerner plus exactement les profils de consommation (non-consommation, consommationd’essai, consommation régulière, consommation “désocialisante”), d’identifier les prédicteursde passage de l’un à l’autre de ces stades et d’estimer quantitativement l’ampleur de cesparamètres.

Programmes et politiques: réduction de la demande et/ou réduction du dommage.L’aspect légalisation/dépénalisation a déjà été abordé. Dans les autres domaines, les résultatspermettent de dresser la liste des caractéristiques des jeunes en fonction des profils deconsommation, de la filière scolaire, etc. Les programmes de prévention et de promotion santépeuvent donc mieux cibler les sous-groupes de jeunes visés par les programmes. Cet apport desrésultats facilite le diagnostic, fournit des éléments pour des programmes (contenus etméthodes). Ceci est vrai tant pour les actions et politiques relatives à la prévention primaire et àla prévention secondaire (sevrage) au niveau des jeunes, des éducateurs, des parents et deséquipes IMS/PMS.

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2. OBJECTIFS ET METHODES DE L'ETUDE

Le projet vise à étudier les comportements de santé et les modes de vie en général de lapopulation en décrochage scolaire, et plus spécifiquement la consommation de cannabis et decomparer cette population à celle normalement scolarisée dans le secondaire.

2.1 LE CADRE THEORIQUE.

Diverses théories psychosociales tentent, non plus au niveau individuel mais au niveau despopulations, d’expliquer la genèse d’un comportement de santé et de prédire ce comportementou son changement.Fishbein et Ajzen (theory of raisonned action) puis Ajzen (theory of planned behaviour)soulignent l’importance de l’intention, cette dernière étant la somme de la perception desnormes de conduite et de l’attitude face au comportement en question. Le degré de prédiction dece modèle a été considérablement amélioré par l’introduction du concept de l’auto-contrôle.Les améliorations successives des théories, dont celle de Triandis qui ajoute la force del’habitude à une nouvelle mesure de concepts déjà décrits par les modèles précédents permettentune meilleure adaptation de la théorie à des comportements spécifiques de santé (Godin G.1996). Ces théories ont été appliquées avec succès à la consommation tabagique, à l’utilisationdes préservatifs ou à l’exercice physique (Courteneya & al 1995, Godin & al. 1992, De BurgerR et al 1996) mais jamais encore à la consommation de cannabis.

Ces théories ne sont pas inutiles: elles permettent d’objectiver les hypothèses sous-jacentes àtoute collecte de données, à toutes recherche, mais surtout elles ont des implications concrètespuisqu’elles donnent des éléments, au niveau des populations, sur les prédicteurs descomportements. Le modèle utilisé peut être présenté comme suit:

Ces déterminants s’agencent pour former le modèle suivant:

intégration familiale perception desscolaire et amicale normes

intention consommation

perception du attitudecannabis et de saconsommation

habitude deconsommation

perception del’auto-efficacité

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2. 2 OBJECTIFS

Les objectifs sont de:

1. décrire les comportements de santé des jeunes en marge du monde scolaire et les comparer àceux de la population scolarisée. Les hypothèses sont que:1.1 les jeunes en décrochage scolaire ont un score de comportements à risque significativementplus élevé que les jeunes scolarisés ainsi qu’un score de protection et un score de bien-êtremoins élevés.1.2 les jeunes différent également quant au score d’intégration familiale en faveur des jeunesscolarisés et quant au score d’intégration sociale (pairs) en faveur des jeunes en décrochagescolaire.

Les thèmes abordés sont:- pour le score de risque: principalement tabac, alcool, somnifères, drogues illicites;- pour le score de protection: préservatifs et contraception, hygiène dentaire, ceinture desécurité, nutrition;- pour le score de bien-être: sentiment de bonheur, de solitude, plaintes de typepsychosomatique;- pour le score d’intégration familiale: relation avec le père, relation avec la mère, aide parentaleen cas de problème, conflit quant aux loisirs, temps passé en famille;- pour le score d’intégration sociale: avoir un ami proche, nombre de soirées par semaine avecles pairs, aide des pairs en cas de problème, facilité d’avoir des amis.

2. d’étudier les déterminants de la consommation de cannabis parmi les jeunes en décrochage etparmi les jeunes scolarisés dans le secondaire. Les hypothèses sont que:2.1 parmi les non-fumeurs de cannabis: les déterminants de la non-consommation de cannabissont: l’intention, la perception du comportement attendu (perceived norms) au niveau de lasociété et l’attitude relative à la consommation de ce produit;2.2 parmi les fumeurs réguliers de cannabis, les déterminants de la consommation de cannabissont: l’intention, l’attitude relative à la consommation de ce produit, la perception ducomportement attendu dans le groupe des pairs et les habitudes de consommation;2.3 parmi ceux qui ont consommé une ou deux fois du cannabis sans s’engager dans uneconsommation régulière: l’intention, la perception de l’auto-efficacité, les conditions de l’essai;2.4 le pourcentage de jeunes de milieu socio-économiquement défavorisé qui consomment ducannabis ne présente pas de différence statistiquement significative avec ceux qui fréquententl’école ou qui sont en décrochage. Par contre, parmi les jeunes de milieu socio-économiquement plus privilégié, les consommateurs sont plus nombreux dans le groupe desjeunes en décrochage que dans le groupe des jeunes normalement scolarisés.2.5 il n’y a pas de différences entre les jeunes scolarisés et non scolarisés quant auxdéterminants de la consommation de cannabis sauf en ce qui concerne l’influence de l’école(une dimension des normes perçues) et la représentation de la dangerosité du cannabis(dépendance psychologique et isolement social).

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2. 3 METHODES

Cette étude nécessite trois étapes:1. une étude qualitative permettant de mettre au point le questionnaire général sur lescomportements et mode de vie et le questionnaire “cannabis” des jeunes en décrochage;2. une étude quantitative permettant de décrire les comportements et mode de vie des jeunes endécrochage, de les comparer aux jeunes suivant une scolarité normale et de réaliser l’étude“cannabis” dans les deux populations;3. l’analyse des résultats y compris leur discussion dans des groupes de travail pour assurer lapertinence des recommandations pour les programmes et politiques.

Cette alternance des approches qualitatives et quantitatives permet une complémentaritéméthodologique. D'une part, les focus groups permettent de cerner le contenu du phénomèneétudié, dont les représentations qui en découlent et ce, en un minimum de temps (Roche, 1991).D'autre part, l'approche quantitative permet de mesurer l'occurrence des variables de cet objetd'étude, variables identifiées entre autres grâce à l'approche qualitative (Green & al., 1991).Nous bénéficions dès lors des richesses des deux méthodes.

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1ère ETAPE : L’ANALYSE QUALITATIVE :

1. OBJECTIFS ET METHODE :

1.1 Objectifs :

Le but de cette étape est de récolter des données sur les jeunes en décrochage scolaire afin depouvoir créer un questionnaire adapté à cette population. Il s’agit donc d’une étape préliminairepour construire un instrument nous permettant de vérifier l’ensemble de nos hypothèses.

Les objectifs de cette étape sont les suivants :

1. Comprendre les attitudes et les comportements des jeunes face à la fréquentation scolaire(motifs du brossage, représentation de l’arrêt de scolarité, perception de l’obligationscolaire, etc.)

2. Comprendre le décrochage scolaire dans son rapport à l’intégration (familiale, scolaire etamicale)

3. Comprendre les attitudes et comportements des jeunes face au cannabis (représentation,intégration, etc.)

1.2 Méthode :

La méthode est celle de l’entretien semi-dirigé1 qui permet d’une part, d’obtenir des réponses àdes questions particulières et d’autre part, de ne pas se limiter à ces seules questions. Lapersonne interrogée répond librement et peut approfondir des thèmes qui l’intéressent sans queceux-ci ne soient prévus au départ.Beaucoup de questions posées ont été construites d’une manière indirecte et impersonnelle pouréviter les risques de refus et de repli de la part des jeunes interrogés.

2. POPULATION ET ECHANTILLON ATTENDU :

2.1 Population :

La population concernée par l’enquête est celle d’adolescent(e)s, âgés de 15 à 20 ans, étant ouayant été en décrochage scolaire2. Il s’agit soit de jeunes brossant (ou ayant brossé)régulièrement les cours, soit de jeunes ayant arrêté, provisoirement ou totalement, leur scolarité,soit de jeunes ne répondant pas (ou n’ayant pas répondu) à la qualité d’élève régulier.Pour les décrocheurs actuels, le critère de brossage régulier a été fixé à 20 demi-jours d’absencenon motivée entre septembre 1999 et décembre 1999.Pour les jeunes ayant été en décrochage, le critère de brossage régulier a été fixé à 40 demi-joursd’absence injustifiée au cours d’une même année.Il faut remarquer que la non motivation des absences concerne aussi bien un absentéisme quin’a jamais été excusé qu’un absentéisme motivé de manière fallacieuse (certificats decomplaisance, couverture des parents, etc.). Cette règle est également valable pour les jeunesayant arrêté leur scolarité.

1 Les guides d’entretiens sont présentés dans les annexes 1.1 à 1.52 Pour plus d’informations sur l’obligation et le décrochage scolaire se référer aux annexes 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4.

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2.2 Echantillon attendu :

L’étude qualitative s’effectue par le biais d’entretiens semi-dirigés individuels et en groupe etporte sur un échantillon non aléatoire de jeunes se répartissant de la manière suivante :

- 20 entretiens individuels- 6 focus groupe dont :

- 2 dans l’enseignement en alternance- 2 dans des maisons de jeunes en difficultés- 2 dans des filières de réinsertion

3. DEROULEMENT DE L’ENQUÊTE :

3.1 Mode de recrutement des participants :

Cette enquête s’est étalée sur un mois entre le début de décembre 1999 et le début de janvier2000. Pour entrer en contact avec la population désirée, deux modes d’approche ont été choisis :

- rencontre directement sur le « terrain »- rencontre via les instances s’occupant de jeunes (Maison de jeunes (MJ), Aide enMilieu Ouvert (AMO), formations à horaire réduit, etc. )

3.1.1 La rencontre sur le terrain :

L’entretien des jeunes dans les espaces publics (rues, parcs, centres commerciaux, lieuxrécréatifs, débits de boisson, etc.) s’est révélé particulièrement infructueux. Aucun entretien n’ad’ailleurs pu se réaliser par ce biais.

Obstacles :

Le moment fixé (décembre) pour récolter des informations chez les jeunes en décrochagescolaire paraît particulièrement inaproprié. Diverses raisons sont à l’origine de ce constat.

Premièrement, décembre est le mois des examens de Noël. Ce qui a pour conséquencequ’une multitude de jeunes envahissent les espaces publics en fin de matinée et que, dès lors,l’identification des jeunes en décrochage est plus problématique. D’un autre côté, comme lerévèle C. Dognies dans son enquête sur l’absentéisme au sein des écoles bruxelloises, cemois se révèle être le mois où le taux d’absence est le moins élevé de toute l’année.

Deuxièmement, l’entrée dans le mois du Ramadan constitue un obstacle chez les jeunesmusulmans. En effet, l’impossibilité de mener l’entretien dans des conditions favorables(débits de boisson, snack, rupture du jeûne en soirée) freine le bon déroulement de l’enquêteau niveau de cette population. Cet obstacle ne signifie aucunement une association entre lesjeunes de culture musulmane et le décrochage scolaire. Par contre, cette catégorie depopulation est davantage touchée par ce phénomène de rupture scolaire dans la mesure oùelle se retrouve davantage dans le réseau professionnel qui est lui-même confronté à unabsentéisme plus important que les autres réseaux. Ainsi, comme le souligne C. Dognies, auniveau de l’ensemble des établissements scolaires, il n’y a pas d’absentéisme plus marqué enfonction de l’origine nationale des jeunes qui les fréquentent.

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L’impact de l’influence du groupe sur les comportements individuels constitue un autre freinau bon déroulement des entretiens via cette filière. En effet, la majeure partie des jeunesaffirmant être concernés par la problématique du décrochage scolaire se trouvait en groupe.Parmi ces jeunes, les quelques cas qui souhaitaient témoigner à titre individuel finissaient,sous l’impulsion de leurs copains, par refuser l’entretien.

Un autre facteur se situe au niveau de l’attitude des jeunes à l’égard de l’enquête caractériséebien souvent par une méfiance (« pour qui tu travailles » ; « j’ai pas envie d’avoir desproblèmes » ; « il n’y a pas de bosseurs ici » ; ….) et par un manque d’intérêt ( « ne te faispas chier, raconte des histoires » ; tu ne trouveras personne qui parlera » ; « c’estpayé ? »….).

Pistes pour rencontrer cette population via le terrain :

Il en découle la nécessité de choisir un moment plus approprié à une telle démarche et deprévoir un temps plus long pour approcher un tel public via le terrain. D’un autre côté, ilpourrait être intéressant, dans une optique d’échange compensatoire, de penser à la mise enplace d’un bénéfice direct pour les jeunes participant à une telle démarche.

Il est important de souligner également le fait que les « anciens décrocheurs », se révèlent êtreun public manifestant plus d’enthousiasme envers la recherche. Cette catégorie, bien que tropâgé par rapport à la population étudiée, constitue un adjuvant utile tant pour approcher desjeunes en décrochages que pour prévenir le décrochage éventuel. C’est d’ailleurs, grâce à l’und’entre eux, que l’enquêteur a pu rencontrer quelques jeunes au sein d’une associations’occupant de jeunes en recherche de petits boulots.

3.1.2 La rencontre via les structures destinés aux jeunes :

L’entretien des jeunes via les différentes filières (MJ, AMO, CEFA, Formation apprentissage,etc.), bien que moins facile que prévu, a permis de rencontrer divers jeunes concernés par larecherche. Il a fallu établir un contact, voire une rencontre, préalable avec un responsable de lastructure pour évaluer les possibilités d’entretiens et en fixer les modalités d’approche etd’organisation.

3.1.2.1 Les formations à horaire réduit3 :

A quelques exceptions près, les responsables des établissements contactés donnaient leur accordavec la démarche entreprise. Ils se différenciaient quant aux modalités d’approche des jeunesconcernés. Ce qui a donné lieu à des résultats différents.

Les modalités d’approche des jeunes :

Un constat s’impose d’emblée. Dans tous les établissements contactés où il a été décidé deconsulter préalablement, via le corps professoral, les jeunes susceptibles de témoigner,l’entretien n’a pu avoir lieu en raison d’un refus de la part des jeunes. Ce qui a engendré desdésistements de dernières minutes qu’il a été nécessaire de combler rapidement.A l’opposé, un échange a pu à chaque fois avoir lieu lorsqu’un rendez-vous était fixée dansl’établissement sans que les jeunes ne soient prévenus de l’arrivée de l’enquêteur. Il est ànoter que de nouveau la période de fin d’année limite les possibilités d’organisation(examens, absentéisme plus important après les examens, activités extra-scolaires prévues,etc.) et donc le choix des classes dont sont issus les jeunes interrogés.

3 L’annexe 3.1 et 3.2 décrit sommairement la population fréquentant l’enseignement à horaire réduit.

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Les modalités d’organisation de l’entretien:

Le plus souvent, la rencontre avec les jeunes s’effectuait directement dans la classe. Elle seréalisait par l’intermédiaire d’un membre du corps de l’établissement. L’entretien sedéroulait dans un autre local avec les jeunes volontaires répondant aux critères de l’enquête.Un entretien s’est passé de manière imposée à une classe composée uniquement de jeunes endécrochage.

3.1.2.2 Les associations4 :

Hormis les associations qui n’étaient pas fréquentées par un public de jeunes en décrochage, letissu associatif donnait son accord avec la démarche entreprise. A nouveau, ils se différenciaientsur les modalités d’approche des jeunes.

Les modalités d’approche :

Comme dans les contacts établis avec les formations à horaire réduit, la demande depermission demandée aux jeunes préalablement à l’entretien conduit habituellement à unéchec. Cette manière de procéder a été décidée par toutes les AMO contactées. C’est ainsique sur les 10 AMO ayant accepté de servir d’intermédiaire, une seule a pu honorer sesengagements et nous permettre d’organiser un entretien avec un groupe de jeunes.Pour toutes les autres associations, il a été décidé avec le responsable de ne pas prévenir lesjeunes de l’arrivée de l’enquêteur. Ceci donne lieu à des résultats mitigés à partir du momentoù divers éléments viennent limiter ou favoriser les possibilités de récolter des témoignagesde jeunes en décrochage scolaire.

Les modalités d’organisation :

A l’exception du groupe AMO où un rendez-vous avait été fixé et un local réservé au sein del’Institut de Sociologie de l’ULB, pour les autres entretiens, aucune organisation n’avait étépréalablement fixée.

3.1.2.3 Les facteurs freinant ou favorisant la rencontre :

Le public, les activités, le moment :

Il y a tout d’abord le fait que toutes les associations ne sont pas fréquentées par des jeunes endécrochage scolaire et que ces derniers ne sont pas nécessairement présents lors du passagede l’enquêteur. D’un autre côté, les jeunes participent en leur sein à des activités précises(création d’une équipe de mini-foot, d’un club de « dance », tournoi de ping-pong,réalisation d’une revue, rattrapage scolaire …). De plus, certaines associations, en cettepériode de congé de fin d’année, sont fermées ou fonctionnent de manière plus épisodiques.

L’influence du groupe :

L’influence du groupe se révèle un des freins les plus difficile à surmonter. En effet, une foisque le thème de la recherche se répand chez les jeunes présents, on assiste bien souvent à unestigmatisation du décrochage scolaire (« chez nous, il n’y a que des jeunes qui vont àl’école », « ici, c’est plein d’universitaires », « on n’est pas des délinquants », « tu dois aller

4 Pour des questions d’organisation, seules des associations de la Région bruxelloise ont été contactées.

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voir dans le quartier X »). Ce qui peut, dans certains cas, donner lieu à climat tendu avec unou deux jeunes présents (« tu es encore ici toi », « ça sert à rien ton bordel », « tu devrais tecasser », « tu casses les couilles », etc.). Une telle situation compromet les chances derencontrer les jeunes susceptibles de témoigner. En effet, si les nombreux échanges avec lesjeunes permettent, en partie, d’atténuer cette tension, dans une même temps, les jeunes endécrochage évitent sous la pression du groupe de se faire connaître.

L’organisation de l’espace et son appropriation par les jeunes :

Un petit espace où se concentrent de nombreux jeunes ou un espace ouvert où l’informationcircule librement semblent propice au développement de situation stigmatisante à l’égard dudécrochage. Dans ce contexte, la mise en place d’entretien individuel ou de groupe paraîtparticulièrement difficile.Par contre, un nombre restreint de jeunes, circulant au sein de l’association, favorisent lesrencontres. De même, le fait de garder une part d’anonymat auprès de l’ensemble des jeuneset d’avoir la possibilité de s’isoler dans une pièce vont aussi dans ce sens.

Le travailleur social :

Le rôle du travailleur social et son statut auprès des jeunes apparaît comme un élémentdéterminant la possibilité de réaliser des entrevues. Habituellement, le travailleur qui adéveloppé une relation personnelle avec les jeunes se montre un intermédiaireparticulièrement précieux dans la mesure où il vous présente directement aux jeunesconnaissant des difficultés scolaires. Le travailleur ne connaissant les jeunes que dans lecadre des activités de l’association et qui, dans un souci de vous aider, accoste sansdistinction les jeunes présents favorise l’effet stigmatisant. Enfin, le travailleur quin’intervient en aucune façon donne lieu à des résultats mitigés selon les cas.

L’organisation préalable de l’entretien quand elle est possible facilite grandement larencontre avec les jeunes. L’absence d’organisation, quant à elle, donne des résultats mitigés.En effet, environ un passage (une soirée, une après-midi) sur deux au sein d’une associationdonne lieu à une rencontre débouchant, le plus souvent, sur un entretien individuel.

3.2 Echantillon observé :

L’échantillon observé s’éloigne de l’échantillon attendu. Ceci résulte d’une révision de laméthode en cours de déroulement, d’une difficulté de trouver et d’entrer en contact avec lesjeunes et d’organiser les entretiens avec ou sans partenaires dans le temps prévu.Ce qui nous a amené à réaliser :

- 8 entretiens individuels dont : - 4 par le biais de maisons de jeunes

- 3 par le biais du Service des Jeunes d’un Centre Social- 1 par le réseau de relations personnelles

- 6 focus groups dont :- 3 dans l’enseignement par apprentissage dont l’un est composé de jeunes quine sont pas inscrit dans ce type de formation- 2 dans l’enseignement en alternance- 1 via une AMO

Il est important de souligner, dès à présent, qu’un des focus groups réalisé dans la filièreapprentissage ne concerne pas des jeunes ayant été en décrochage mais des jeunes étantactuellement en décrochage. En effet, il s’agit de jeunes issus d’une classe qui ne sont pasinscrits en apprentissage parce qu’ils ne répondent pas aux exigences fixées pour accéder à cetype de formation ( réussite au minimum de la deuxième année de l’enseignement professionnel

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de plein exercice). Ces derniers suivent, en fait, quelques cours par semaine pour se préparer àun test qui leur permettra, le cas échéant, de s’inscrire en apprentissage. Ils ne sont donc pasconsidérés comme des jeunes « réinsérés » dans notre analyse du décrochage.

3.3 Caractéristiques de l’échantillon :

Les entretiens nous ont permis de rencontrer un échantillon de 35 jeunes dont il est nécessairede décrire les principales caractéristiques :

6 filles et 29 garçons6 jeunes de 15-16 ans, 19 de 17-18 ans, 8 de 19-20 ans, 2 de 21 ans8 jeunes inscrits en apprentissage, 8 inscrits en alternance, 12 inscrits dans l’enseignement deplein exercice et 7 non inscrits.

3.4 Déroulement des entretiens :

Les entretiens furent soit individuels, soit en petit groupe comptant de 3 à 6 personnes, enfonction des circonstances.

Les entretiens via les associations ont été principalement individuels et ont eu lieu en leursseins. Ils se sont déroulés dans une pièce à l’écart des autres personnes présentes. Hormisquelques réticences, chez certains interrogés, à aborder le volet familial, les jeunes se sontexprimés librement sur l’ensemble des thèmes et prolongeaient souvent l’entretien au-delà dutemps qu’ils pensaient y consacrer au départ. Ce qui a d’ailleurs parfois amené certainesassociations à reporter de quelques minutes leur fermeture.

Le plus souvent, les focus groups ayant eu lieu dans le cadre scolaire, une contrainte de temps aété imposée. Habituellement, celle-ci était de 2 heures de cours avec un temps de 10 minutesprévu pour répondre à des modalités propres au système scolaire (remise des bulletins, matière àvoir pour l’examen, etc.).

Concernant le déroulement même des focus groups, l’entretien sur base volontaire est plusbénéfique que l’entretien imposé (présence d’un jeune ne voulant pas participer et perturbant ledéroulement de l’entretien) et l’animation de l’entretien s’est effectuée de manière plus aiséechez les jeunes inscrits dans une formation d’apprenti que chez les jeunes inscrits dans lesCEFA (difficulté de se concentrer plus d’une demi-heure, jeunes toujours en décrochage,population rencontrée légèrement plus jeune, etc.) et chez les jeunes vivant actuellement desproblèmes de décrochage (difficulté de se concentrer dans le temps, etc.).

Dans ces circonstances, il ne fût pas rare, dans les entretiens des jeunes n’étant pas enapprentissage, que l’un ou l’autre des participants quitte momentanément la discussion (poursouffler 5 minutes, pour fumer une cigarette, etc.) et revienne ensuite la reprendre. Ces jeunesexprimaient aussi à un moment donné leur volonté d’arrêter bientôt l’entretien. C’est ainsi que,par exemple, les jeunes CEFA, se préparent à partir un quart d’heures avant la fin du tempsprévu et que des jeunes, d’autres classes, commencent à affluer. Ils éprouvaient également desdifficultés, s’il leur était demandé, de répondre aux mini-questionnaires par écrit. N’ayanthabituellement pas de problèmes pour s’exprimer librement devant les autres jeunes, ilspréféraient dès lors répondre oralement, chacun à leur tour, à ces questionnaires.

Les thèmes de l’entretien ont pu ainsi être abordés dans leur globalité chez les apprentis. Chezles autres, selon le groupe, certains thèmes ont pu être abordés de manière importantes etd’autres de manière plus partielles.

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A noter, que d’une manière générale, quelques réticences se sont exprimées chez les jeuneslorsque le volet familial était abordé.

4. L’ANALYSE DESCRIPTIVE :

4.1 Caractéristiques du décrochage :

4.1.1 Les jeunes « réinsérés » :

Les 16 jeunes poursuivant une formation à horaire réduit, à une exception, ont tous connu aucours de leur parcours scolaire une période de décrochage que ce soit sous la forme d’un arrêtet/ou d’un brossage régulier. Pour certains, une seule forme d’absentéisme les caractérise, pourd’autres il y a une combinaison des diverses formes d’abandon et de « sèchage ».Les élèves en apprentissage et en alternance de l’échantillon se différencient sur deux points :

- l’âge- la réinsertion

En effet, les apprentis sont tous insérés actuellement dans leur formation et ont entre 17 et 21ans. Tandis qu’une partie des jeunes en alternance, dont l’exception citée ci-dessus, ne répondpas à la qualité d’élèves réguliers puisqu’ils ne travaillent pas dans le cadre de leur formation.Pour ces derniers, la formation est limitée à deux jours de cours par semaine. Ils sont doncactuellement en situation de « décrochage » ( ou en voie de réinsertion). Les « alternants » ontentre 15 et 18 ans.

4.1.1.1 Les caractéristiques du décrochage chez les apprentis :

L’arrêt :

- quatre ont arrêté une année scolaire (2 ont arrêté 2 années scolaires) sans la terminer- un n’a pas été inscrit dans une école pendant une année complète- trois ont connu au moins une période continue et prolongée d’absentéisme (plus de 3 semainesconsécutives)

Le brossage :

- trois ont connu une période de brossage régulier (plusieurs fois par semaine) pendant au moinsune année- deux ont connu un brossage occasionnel- trois n’ont pas connu de période de brossage ou d’une manière tout à fait marginale

Actuellement, pour eux, le brossage est marginal. Seul un des apprentis rencontrés brosseencore régulièrement certains cours.

4.1.1.2 Les caractéristiques du décrochage chez les « alternants » :

Le volet professionnel de la formation :

- cinq ne travaillent pas- un travaille mais a déjà « épuisé » 6 patrons entre septembre et décembre 99- deux travaillent

L’arrêt :

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- deux ont arrêté une année scolaire (1 a arrêté 4 années scolaires) sans la terminer- quatre ont connu au moins une période continue et prolongée d’absentéisme (plus de 3semaines d’affilées)- deux n’ont connu aucune période continue et prolongée d’absentéisme

Le brossage :

- six ont connu une période de brossage régulier (plusieurs fois par semaine) pendant au moinsune année- un a connu un brossage occasionnel- un n’a pas connu de période de brossage ou d’une manière tout à fait marginale

Actuellement, pour eux, la limitation des cours à deux jours par semaine leur permet d’allerrégulièrement au cours. Toutefois, certains semblent éprouver des difficultés à ne pas arriver enretard et/ou à suivre des journées complètes de cours.

4.1.2 Les jeunes « inscrits » dans l’enseignement de plein exercice :

Les 12 jeunes inscrits dans l’enseignement de plein exercice connaissent depuis le début del’année (septembre 99) des problèmes d’absentéisme que ce soit sous la forme d’un (ouplusieurs) arrêt(s) et/ou sous la forme d’un brossage régulier. Pour certains, une seule formed’absentéisme les caractérise, pour d’autres il y a une combinaison des diverses formesd’abandon et de « sèchage ».La(ou les) période(s) d’absentéisme continue(s) et prolongée(s) peut(-vent) résulter autant d’uneinscription tardive en début d’année, d’un brossage intensif au cours du premier trimestre qued’une combinaison des deux.

Toutefois, si les caractéristiques ci-dessous correspondent à l’année scolaire en cours, pour bonnombre, les problèmes d’absences ne sont pas spécifiques à cette année, voire ils ont pu êtreplus prononcés par le passé.

Les caractéristiques du décrochage :

L’arrêt :

- un jeune a complètement arrêté sa scolarité depuis novembre 99- quatre connaissent au moins une période d’absentéisme prolongé et continu depuis septembre1999- trois connaissent une période d’absentéisme prolongé et continu pour changer d’orientation(jeunes qui suivent quelques cours par semaine en vue de passer un test d’évaluation de leurscapacité à suivre un contrat d’apprentissage)- quatre ne connaissent aucun arrêt continu et prolongé

Le brossage :

- huit connaissent un brossage régulier depuis septembre 1999- un connaît un brossage occasionnel depuis septembre 1999- trois ne connaissent pas de brossage ou seulement de manière marginale depuis septembre1999

4.1.3 Les jeunes qui ne sont inscrits dans aucun établissement :

Les 7 jeunes, qui ont « arrêté » leur scolarité sans l’obtention d’un diplôme, ont connu dans lepassé des problèmes d’arrêt et de brossage. Ces derniers connaissent des situations différentes

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pour le moment. A noter qu’un seul est encore mineur et qu’un seul a « arrêté » sa scolarité enétant soumis à l’obligation scolaire.

La situation actuelle :

- deux suivent quelques cours par semaine en vue de passer un test d’accès au contratd’apprentissage- un combine chômage et cours du soir et est donc en réinsertion- trois n’ont pas trouvé, depuis septembre 1999, une école acceptant de les inscrire- un, après avoir expérimenté des emplois précaires ou en noir, formule l’intention derecommencer une formation

L’arrêt :

- quatre ont arrêté au cours de l’année scolaire 98-99- un a arrêté au cours de l’année scolaire 97-98- deux pour lesquels nous n’avons pas d’information concernant le moment de l’arrêt

4.2 Itinéraire scolaire :

4.2.1 Le nombre d’écoles fréquentées :

Parmi l’ensemble des jeunes depuis la première primaire :

- sept jeunes ont fréquenté de 2 à 3 écoles- treize jeunes ont fréquenté de 4 à 5 écoles- dix jeunes ont fréquenté de 6 à 7 écoles- trois jeunes ont fréquenté plus de 7 écoles

4.2.2 Le nombre de changement d’orientation, d’option :

Depuis la première primaire

- un jeune n’a jamais changé d’option, d’orientation- trois jeunes ont changé une fois d’option, d’orientation- neuf jeunes ont changé deux fois d’option, d’orientation

- neuf jeunes ont changé trois fois d’option, d’orientation- deux jeunes ont changé 4 fois d’option, d’orientation- sept jeunes ont changé plus de 5 fois d’option, d’orientation- un jeune n’a pas répondu

4.2.3 Le nombre d’années recommencées :

Depuis la première primaire :

- un jeune n’a jamais recommencé une année- onze jeunes ont recommencé une année- dix jeunes ont recommencé deux années- sept jeunes ont recommencé trois années- trois jeunes ont recommencé plus de trois années- un jeune n’a pas répondu

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4.2.4 L’abandon d’une année scolaire :

Sur les 35 jeunes, en prenant en considération le parcours scolaire passé et présent, 19 ont arrêtéune année scolaire en cours sans la terminer dont 2 ont abandonné deux années, 1 a abandonné 3années et 1 a abandonné 4 années.

4.2.5 Les inscriptions tardives (entre fin septembre et novembre d’une même année) :

Sur les 35 jeunes :

- cinq jeunes ont connu une inscription tardive au cours d’une année scolaire- deux jeunes ont connu une inscription tardive au cours de deux années scolaires- un jeune a connu une inscription tardive au cours de trois années scolaires

Pour cette année scolaire 99-00, 5 jeunes ont commencé en retard dont 2 à la fin septembre, 2 àla mi-octobre et 1 en novembre.

4.3 Typologie de l’échantillon :

Si dans un souci de clarté nous classons les jeunes en fonction de leur situation actuelle, nouspouvons établir 3 catégories de jeunes :

Les décrocheurs (D) qui sont au nombre de 18 :

- les 7 jeunes qui ne sont pas inscrits (sans obtention de diplôme)- les 3 jeunes qui ont arrêté leur formation pour changer d’orientation (orientation noneffective)- le jeune qui a arrêté sa formation- les 5 jeunes de CEFA qui ne travaillent pas (pas le statut d’élève régulier)- les 2 jeunes inscrits dans l’enseignement de plein exercice et qui ont un statut d’élèvelibre avec dérogation

Les 11 jeunes inscrits dans une filière à horaire réduit (HR) et en ordre de fréquentationscolaire :

- les 8 jeunes apprentis (HR-A)- les 3 jeunes de CEFA (HR-C)

Les 6 jeunes en « ordre de fréquentation scolaire » et inscrits dans l’enseignement de pleinexercice (PE)

4.4 Brossage :

4.4.1 Les raisons du brossage :

Lorsqu’on interroge les jeunes sur les motifs qui amènent un jeune à brosser les cours, lesraisons invoquées sont de trois types : celles incriminant directement l’univers scolaire, cellesorientées vers les activités extra-scolaires et celles reflétant des problèmes personnels,notamment à l’égard de la scolarité :

- l’insatisfaction scolaire (école, professeur, ambiance) :

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« parce qu’il en a marre du prof » (Do, 15 ans, G, D)5

« parce qu’ils ne se plaisent pas dans leur école » (S, 17 ans, G, PE)« le ras-le-bol…. l’ambiance dans la classe » (R, 18 ans, G, HR-A)« tension avec le prof » (Y, 18 ans, G, HR-A)« moi je brosse les cours que je n’aime pas » (Av, 15 ans, G, D)« brossage à cause de certains profs qui dégoûtent les élèves de manière intelligente » (L, 19ans, G, PE)

- l’attirance vers l’extra-scolaire (amusement, autres activités, amis, etc.)

« pour s’amuser » (O, 19 ans, G, HR-A)« pour déconner » (Z, 16 ans, G, D)« le plaisir de se tailler » (D, 18 ans, G, HR-A) « c’est plus pour s’amuser qu’autre chose au départ » (Ie, 17 ans, F, D)« si un jeune n’aime pas un cours, n’a pas envie d’y aller ou s’il a envie de retrouver sescopains » (G, 20 ans, F, D)« parce que les cours sont barbants ou pour voir des copains en dehors ou des copines » (H,16 ans, F, D)« c’est un effet de guindaille quand même… tu sors la journée bien rigoler au café, c’est ça »(Y, 18 ans, G, HR-A)« ceux qui brossent, c’est pour se faire de l’argent » (B, 18 ans, G, PE)« moi je brosse souvent parce que j’ai autre chose à faire » (Bm, 17 ans, G , HR-C)« il y en a qui travaillent… au lieu d’aller à l’école, ils travaillent » (T, 18 ans, G, PE)

- les problèmes personnels (fatigue, mal-être, crainte de l’échec, démotivation, doublage,orientation scolaire, etc.) :

« ils sont démotivés, ils n’ont plus le moral pour suivre des cours » (F, 18 ans, G, PE)« ils sont mal dans leur peau » (T, 18 ans, G, PE)« moi je devais me lever mais j’étais trop crevé » (St, 19 ans, G, HR-A)« on a des trucs à étudier et on n’a pas étudié alors on n’a pas envie d’aller à l’école » (W, 18ans, F, D)« on brosse parce qu’on a doublé et on tombe dans une classe de gamins » (P, 19 ans, G, D)« s’il a envie de penser à autre chose que l’école » (G, 20 ans, F, D)« le problème aussi, c’est quand on arrive dans une nouvelle école en fait… tu ne connais pasles autres » (St, 19 ans, G, HR-A)« tu vois je vais coucher tard alors je ne vais pas le matin à l’école » (Bm, 17 ans, G, HR-C)

La famille, a priori, est rarement citée spontanément comme étant à l’origine du brossage maiselle est davantage citée lorsqu’on interroge les jeunes sur les raisons qui amènent certains jeunesà ne jamais brosser les cours.

4.4.2 Les raisons de la fréquentation scolaire :

La plupart des jeunes interrogés se différencient fortement des élèves qui ne brossent pas lescours. Les quolibets ( « lèche-cul », « fils à papa » , « peureux », « intellos », « trous du cul »,….) ne manquent pas pour qualifier les condisciples qui fréquentent assidûment l’école.

D’autres vont plus loin et voient dans la satisfaction scolaire, dans l’absence de problèmespersonnels d’intégration scolaire et dans la famille (encadrement, crainte des parents, niveausocio-économique) des raisons expliquant cette différence.

5 Les principales caractéristiques du jeune sont reprises à la fin des extraits de la manière suivante : lettre(s) duprénom, âge, sexe (F : fille – G : garçon), situation scolaire comme décrite dans le point 4.3 typologie del’échantillon (D – HR-A – HR-C – PE).

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« parce qu’ils ont choisi la section qu’ils aimaient bien » (N, 17 ans, G, D)« pour moi ceux qui ne brossent pas… l’école est finie, on vient les chercher en voiture, onretourne à la maison » (St, 19 ans, G, HR-A)« ça dépend des parents… ils reçoivent une somme d’argent par les parents et les parentsdemandent… oui j’accepte à condition de… ils sont bien habillés… alors eux, ils vont êtreplus motivés d’aller à l’école pour ramener des bonnes notes pour avoir ça » (JF, 20 ans, G,HR-A)« il y a des jeunes qui sont vraiment intéressés par les cours ou bien ils ont peur de se faireengueuler par leurs parents » (H, 16 ans, F, D)« il y en a qui aiment bien l’école » (Av, 15 ans, G, D)« parce que leurs parents, chaque semaine 1500… moi à leur âge, j’ai pas d’argent… c’estmoi qui dois agresser pour en avoir » (T, 18 ans, G, PE)« ça dépend du suivi des parents » (G, 20 ans, F, D)« ils sont motivés… puis c’est par les parents et par eux-mêmes » (F, 18 ans, G, PE)« élèves qui veulent réussir, qui ne sont pas mauvais » (L, 19 ans, G, PE)« ceux-là, peut-être, ils sont bien dans leur tête… il y a peut-être aussi les parents derrière euxqui leur disent « allez ! », qui les aident pour les cours, pour leur scolarité » (A, 19 ans, F, D)« il y en a qui aiment parce qu’ils sont peut-être dans la branche qu’ils aiment » (JF, 20 ans,G, HR-A)

4.4.3 Les activités pendant le brossage :

Pour la plupart des jeunes, les activités sont orientées vers la détente, les loisirs (sport, café,plaisir d’être entre copains, Luna-Park, …) ou le « glandage ». Elles ont souvent une dimensioncollective et peuvent, dans certains cas, comporter des risques tant pour la santé physique que lasanté psychosociale.Certains soulignent aussi le besoin de gagner de l’argent. Enfin, pour quelques-uns, le brossageest un temps passé à la maison.

« moi je fais des tours dans la rue, je traîne dans la rue avec des copains, des copines » (Id, 18ans, G, D)« moi personnellement, moi je vais à un club de sport, je fais du breakdance ou bien je vais enville » (N, 17 ans, G, D)« on allait à Liège ou on revenait ici et on traînait dans les cafés » (St, 19 ans, G, HR-A)« je sors dans la rue, je traîne en ville comme un voyou » (Av, 15 ans, G, D)« moi je vais au parc fumer des joints et tout ça » (Za, 15 ans, G, D)« j’allais au café, j’allais à Maastricht avec d’autres copains » (R, 18 ans, G, HR-A)« ou bien il va chez sa copine, ou bien il se fait de l’argent, ou bien il reste à la maison dormir,ou bien il va au Family Game… ou bien il va jouer au foot… ou bien ils vont au Quick… tu asle café… tranquille, gentiment, à l’aise » (T, 18 ans, G, PE)« moi j’allais voir des copains, moi j’allais chez un copain… j’allais parfois au café avec descopines pour boire un verre » (G, 20 ans, F, D)« on va au cinéma… on fait les magasins, on regarde dans les magasins… on perd notretemps… des fois on va chez une copine… ça dépend des fois on a des activités… on organise çaà l’avance » (A, 19 ans, F, D)« je glandais un maximum… je jonglais toute la journée pour avoir des sous » (Ie, 17 ans, F, D)« pour l’instant je ne brosse pas mais avant, je brossais souvent pour m’amuser… j’allais aucafé souvent l’après-midi » (V, 21 ans, F, HR-A)« moi je reste à la maison, je regarde la télé » (H, 16 ans, F, D)« quand je brosse, je brosse seul… si je brosse, je reste chez moi à la maison » (L, 19 ans, G,PE)

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4.4.4 La fréquence du brossage :

Il n’existe pas vraiment de règle concernant le brossage tant au niveau des unités de tempsbrossées qu’au niveau de la régularité dans l’absentéisme. Le jeune qui brosse régulièrementsemble davantage traverser des périodes différentes, des cycles de vie où le brossage est intenseet des moments de raccrochage scolaire. Ces périodes peuvent être limitées dans le tempscomme s’étendre sur plusieurs années. De même, tantôt le brossage s’exprime en cours, tantôten demi-jours, tantôt en jours, tantôt en semaines, voire en mois.

« avant 3 fois par semaine, une demi-journée » (Id, 18 ans, G, D)« 3…4 demi-journées par semaine » (Co, 17 ans, G, HR-C)« moi quand je brosse, c’est un mois… 2 mois » (Ic, 17 ans, G, D)« 2…ou 3 fois par semaines… 2…3 jours par semaines » (R, 18 ans, G, HR-A)« cette semaine, c’est la rentrée… il n’y a pas de choses nouvelles… cette semaine ce sera toutela semaine » (T, 18 ans, G, PE)« l’année passée de septembre à Noël, je brossais une journée de temps en temps… et puis j’aibrossé de Noël à Pâques… j’ai été la première semaine après les vacances et puis j’ai plus été àl’école jusque après les vacances de Pâques… maintenant je ne brosse plus… bon quand je n’aipas envie, je reste chez moi… je dis que le prof est pas là et j’arrive en retard » (Ti, 16 ans, G,HR-C)« quelques jours… quelques semaines mais pas des mois… je n’ai pas brossé des mois…unesemaine de temps en temps » (B, 18 ans, G, PE)« pendant 3..4 mois et je brossais 3 à 4 jours par semaine » (G, 20 ans, F, D)« cette année, c’est souvent… pendant la semaine, c’est 2… 3 jours par semaine » (N, 17 ans,G, D)« avant.. je brossais un cours au moins tous les jours » (Av, 15 ans, G, D)« moi j’ai manqué pendant 3 mois à l’école » (O, 19 ans, G, HR-A)« je brosse de temps en temps une journée » (H, 16 ans, F, D)« ça fait 4 ans que je ne vais plus à l’école… j’étais inscrit mais je n’y allais jamais » (Hv, 17ans, G, D)

Pour quelques jeunes le brossage n’a jamais été qu’occasionnel. Il s’agit soit d’un arrêt descolarité en vue de suivre un contrat d’apprentissage, soit d’un arrêt sans de projet précisd’avenir.

« moi je n’ai jamais trop brossé en fait… ça m’est arrivé une fois ou l’autre » (D, 18 ans, G,HR-A)« de temps en temps quand je brossais… quand c’était pas un cours important… comme lecours de cuisine.. ou bien un cours de musique… c’était une fois tous les 4 mois pour unejournée, toute une journée » (A, 19 ans, F, D)« moi je ne brosse pas tellement… j’ai déjà brossé » (Y, 18 ans, G, HR-A)

4.5 Famille :

4.5.1 Le temps passé en famille :

Pour beaucoup de jeunes le temps passé en famille se réduit à la satisfaction du besoin demanger et/ou dormir. Ils ne passent ainsi un temps limité à environ une heure par jour.

« je rentre de l’école (ou du brossage) … je reste quoi une demi-heure à la maison et puis jesors direct… je dépose mes affaires et puis je sors direct et je rentre plus tard… le soir vers 11heures ou un peu plus tard quand ma mère est couchée… je regarde un peu la T.V. et puis jevais dormir » (N, 17 ans, G , D) ;

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« moi je suis le plus souvent dehors… c’est juste le temps de manger… 1 heure » (Id, 18 ans, G,D) ;« moi c’est une demi-heure par jour le matin et je rentre le soir quand ils (parents) sontcouchés » (Bm,17 ans, G, HR-C)« c’est casse couille la famille… je rentre chez moi je mange et puis je me casse… juste le tempsde bouffer et puis je me casse… c’est environ 1 heure… 1 heure et demi par jour… » (Ti, 16ans, G, HR-C)

Pour d’autres le temps passé en famille est plus fréquent. Ils passent soit quelques soiréesentières par semaine avec leur famille et/ou passent quelques heures par jour en compagnie deleur famille.

« quand j’allais à l’école… après l’école… 2.. 3 heures après je rentrais… vers 7 heures j’étaisà la maison… on regardait un film… manger » (I, 18 ans, G, D)« moi quand je rentre je passe au moins 2 heures avec mon père » (T, 18 ans, G, PE) « moi je vais manger chez moi… ça arrive que je reste en famille… c’est pas tous les jours » (Z,16 ans, G, D)

Pour une minorité de l’échantillon, le temps passé en famille correspond habituellement à lasoirée, voire à plus lorsqu’il y a brossage. Il est à remarquer que ces jeunes sont habituellementles plus jeunes de notre échantillon.

« pratiquement 5 heures le soir » (Co, 17 ans, G, HR-C)« moi c’est le matin et le soir » (Za, 15 ans, G, D)« moi je reste tout le temps à la maison » (H, 16 ans, F, D)

Enfin, il est à noter que 5 jeunes de notre échantillon ne vivent plus avec un parent et qu’unepartie des apprentis ne voient pratiquement jamais leurs parents parce qu’ils sont inscrits enhôtellerie.

« en général moi quand je rentre chez moi, je suis toute seule et le matin quand je me lève jesuis toujours toute seule » (V, 21 ans, F, HR-A)« moi je vois ma mère 1 fois… 2 fois par semaine… ils travaillent aussi les parents … en fait cen’est pas le même horaire » (St, 19 ans, G, HR-A)

4.5.2 Les activités réalisées en famille :

Si les jeunes s’expriment habituellement sur le temps passé en famille, il n’en va pas de mêmeavec le nombre d’activités réalisées en famille. Bon nombre expriment des réserves à ce niveauou donnent l’impression que le thème paraît totalement incongru avec la recherche. « Je ne saispas » (N, 17 ans, G, D), « jamais » (H, 16 ans, F, D ;Hv, 17 ans, G, D ; R, 18 ans, G, HR-A),« de temps en temps » (Co, 17 ans, G, HR-C), « parfois » (I, 18 ans, G, D) ou « rarement » (D,18 ans, G, HR-A) sont les réponses les plus fréquemment rencontrées ; réponses quihabituellement clôturent le sujet à partir du moment où il souvent considéré comme« personnel » et « privé » lorsqu’on tente de l’approfondir.Pour ceux qui vont un peu plus loin dans leur discours, ils soulignent le plus souvent desactivités, plus ou moins fréquentes, orientées vers la rencontre de la famille au sens large.

« je ne sais pas moi…. 4…5 fois par an… aller, il y a une réunion familiale toutes les semainestu vois… mes parents vont chez leurs parents, tu vois… toute la famille est là… on voit lafamille, ça c’est une fois par semaine » (I, 18 ans, G, D)« on va souvent voir de la famille à Tournai… presque tous les week-ends, je pars à Tournai »(Av, 15 ans, G, D)« ça m’arrive… en été surtout… je vais à la piscine avec mes cousins » (Z, 16 ans, G, D)

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« en fait, de temps en temps, parfois on se rassemble chez mes parents ou une fois par an onpart un week-end tous ensemble …. et avant il y avait les vacances en plus » (G, 20 ans, F, D)

4.6 Amis :

4.6.1 Le temps consacré aux amis :

Si nous centrons notre propos sur le temps passé avec les amis en dehors des heures deformation, nous constatons que la grande majorité des jeunes rencontrés retrouvent leurs amistous les jours. Pour bon nombre, le temps libre est consacré aux amis ainsi que le temps« libéré » par la fréquentation partielle des cours ou le respect partiel de l’obligation scolaire.Pour ceux inscrits en apprentissage, la rencontre avec les amis se structure autour de laformation.

« tous les jours » (Ti, 16 ans, G, HR-C ; Do, 15 ans, G, D ; Bm, 17 ans, G, HR-C ; C, 18 ans, G,PE)« tous les jours… moi ils dorment chez moi et tout » (Hv, 17 ans, G, D)« tous les jours mais moins le mercredi et le jeudi, c’est quand j’ai terminé après 4 heures » (Id,18 ans, G, D)« tous les soirs » (R et Y, 18 ans, G, HR-A)« sérieusement, nous nous sommes des amis… ça fait longtemps qu’on se connaît… tous lessoirs on sort, on vit ensemble, on passe nos vacances ensemble, on fait tout ensemble » (S, 17ans, G, PE)

Pour une autre partie des jeunes de l’échantillon, le temps passé avec les amis est plus partagé.Il ne s’effectue pas tous les jours ou se concentre davantage sur le week-end. Pour quelques cas,le temps passé avec les amis en dehors de leur formation est quasi inexistant ou épisodique.

« je les vois plus souvent le week-end » (D, 18 ans, G, HR-A)« c’est tous les deux jours » (W, 18 ans, F, D)« je vais à l’école le mercredi et le jeudi.. ; on va dire que je sors rarement le mercredi et lejeudi... ou sinon, lundi, mardi, vendredi t’inquiète que je suis plutôt dehors » (Z , 16 ans, G, D)« moi je reste tout le temps à la maison » (H, 16 ans, F, D)« le soir je suis souvent chez moi… je sors parfois … je connais beaucoup de personnes… jediscute 5… 10 minutes avec des personnes du quartier » (L, 19 ans, G, PE)

Enfin, pour les apprentis hôtelier, leur formation et ses horaires réduit fortement les possibilitésde retrouver leurs amis.

« les copains qu’on avait avant… bon depuis qu’on est ici, on ne les voit plus… c’est le mardiqu’on va boire un verre et déjà le mardi cela ferme tôt » (St, 19 ans, G, HR-A)« on n’a pas le temps… on travaille trop pour ça » ( V, 21 ans, F, HR-A)

4.6.2 Les activités entre amis :

Les activités déployées par les jeunes sont habituellement les mêmes que pendant les absences(sport, loisirs, rencontre avec les copains, …). A noter que les sorties occupent également unepart importante des activités nocturnes et qu’une partie des activités réalisées avec l’entourageamical tournent autour de l’adoption de comportements à risque pour la santé physique.

« il y a le foot, le hasch…les copains, les sorties » (Ti, 16 ans, G, HR-C)« il y a la cité aussi, les copains et tout… les sorties » (Ic, 17 ans, G, D)« je sors chaque week-end » (Y, 18 ans, G, HR-A)

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« moi ce sont les femmes, les sorties, les courses de scooter… je fais le DJ » (Dm, 17ans, G, HR-C)

4.7 Perception de l’abandon scolaire :

Pour bon nombre de jeunes, l’abandon scolaire symbolise la liberté. Toutefois, en général, lesjeunes considèrent ce dernier de manière négative dans la mesure où ils sont, pour la majorité,conscients de l’enjeu que tout arrêt scolaire représente en terme d’intégration professionnelle etsociale. Aux extrémités de cette position normative se dégagent deux groupes de jeunesminoritaires :

- ceux pour qui l’abandon scolaire ne représente que des avantages- ceux pour qui l’abandon scolaire n’offre aucun avantage

4.7.1 L’image positive de l’abandon scolaire :

Dans la population interrogée, la liberté représente l’avantage principal qu’un jeune peut obteniren arrêtant l’école. Par cet abandon, le jeune est libre de travailler et, par la même occasion, degagner sa vie. Il ne doit plus subir, par ordre d’importance, les contraintes du système scolaire etla dépendance financière à l’égard de sa famille. Il est aussi, comme quelques-uns le soulignent,libre de ne rien faire.C’est également, pour une partie d’entre eux, un moyen d’apprendre à vivre. Pour ces derniers,ce n’est pas à l’école que le jeune doit faire son apprentissage de la vie mais à l’extérieur del’institution scolaire où il peut se confronter à la réalité concrète, que ce soit par l’exercice d’uneprofession ou par le biais des activités réalisées entre amis.

4.7.2 L’image négative de l’abandon scolaire :

L’absence de diplôme constitue le désavantage du décrochage le plus souvent citée chez lesjeunes. Ce qu’ils associent à la difficulté de s’insérer professionnellement (absence de travail ouprécarité de l’emploi). Ils voient donc dans l’abandon de la scolarité un risque decompromission de l’avenir sur le plan professionnel.Certains soulignent également les influences néfastes (drogues, délinquance) qu’un jeune peutrencontrer par cet arrêt. A leurs yeux, l’école se présente comme un cocon échappant àl’influence des pairs non scolarisés. Elle est donc également un garant de leur insertionpsychosociale.D’autres considèrent que l’abandon conduit à des carences sur le plan de l’instruction etdiminue la possibilité de se faire des amis.Enfin, le non-respect de l’obligation scolaire est avancé par quelques-uns ainsi que le risque des’ennuyer.Et, pour terminer, deux jeunes soulignent que l’abandon scolaire restreint les possibilités dechoix de formation et de profession.

4.7.3 Les différentes représentations de l’abandon scolaire :

Pour la plupart des jeunes rencontrés, l’idéal serait de pouvoir exercer un métier et, par la mêmeoccasion, gagner sa vie sans devoir se conformer à la scolarité. Cet idéal étant ressenti commeincertain, ils essayent tant bien que mal de poursuivre des études afin d’obtenir un diplôme et dene pas compromettre leur insertion professionnelle. C’est ainsi que beaucoup soulignent ques’ils pouvaient travailler directement, ils abandonneraient volontiers leurs études mais commecet idéal apparaît utopique, ils préfèrent continuer une formation. L’arrêt de leur scolarisationn’est donc pas, pour eux, une perspective d’avenir bien que, pour une bonne partie, le sens del’école se limite à la seule obtention d’un diplôme.

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En fait, l’abandon de la scolarité constitue un symbole de liberté à condition de pouvoirl’exercer en gagnant sa vie. Pour ces jeunes, c’est avant tout, par ordre d’importance, une libertépar rapport au système scolaire, perçu comme une contrainte et une source de stress, et uneliberté par rapport à la famille, notamment, en matière financière.

Une minorité de jeunes de l’échantillon rejettent catégoriquement l’arrêt scolaire. Pour eux,l’abandon de la scolarité, par le jeune, conduit non seulement à une mauvaise insertionsocioprofessionnelle mais également à l’adoption d’un mode de vie, hors norme, dont il estparticulièrement difficile de s’extirper. Cette perception de l’arrêt scolaire se retrouve davantagechez les jeunes l’expérimentant depuis un certain temps ou ayant connu un absentéismeimportant.

« les avantages, il n’y en a pas… l’inconvénient tu deviens fainéant c’est clair… le fait de neplus rien faire, tu as envie de sortir… qu’est-ce que tu fais ? tu restes chez toi à la maison… tudors la journée… tu vas dormir à 4… 5 heures du matin… se lever à 4… 5 heures de l’après-midi… des fois la journée elle passe et tu n’as rien foutu et c’est comme ça toute la semaine etla semaine elle passe vite et c’est comme ça que ça marche… tu deviens fainéant… tu changeston rythme et tu t’habitues à ça » (I, 18 ans, G, D).

Un autre groupe, peu nombreux également, ne voit aucun avantage à continuer l’école. Poureux, l’école est tout à fait inutile pour « travailler » et gagner sa vie. De même, l’âge de lascolarité obligatoire devrait être diminué. Cette perception de l’arrêt scolaire se retrouvedavantage chez les plus jeunes et/ou chez ceux qui envisage plus volontiers une carrière dans ladélinquance.

« moi je fais mon argent… je ne travaille pas dans le cadre de la formation, je ne travaille paspour un patron… mon patron c’est moi… je n’en n’ai jamais rien eu à foutre de l’école et jen’en n’aurais jamais rien à foutre… je n’ai pas besoin de l’école pour travailler, pour avoir del’argent parce qu’avec les diplômes maintenant tu n’as pas de travail alors si tu peux tedémerder t’as pas besoin de l’école… (avantage à arrêter l’école ?) … il y a la liberté… tu peuxgagner ta vie… faire du « business », des « affaires »… si tu sais te débrouiller, il n’y a pasbesoin d’aller à l’école… ça dépend de quel milieu il est… si le type, il est dans le business… ila pas besoin d’aller à l’école » (Hv, 17 ans, G, D).

4.8 Image de l’obligation scolaire :

Dans une même perspective, une partie des jeunes voit positivement l’obligation scolairejusqu’à 18 ans. A nouveau, cette attitude se retrouve de manière plus forte chez les plus âgés etchez les jeunes ayant connu une période de décrochage ou ayant arrêté leur scolarité. Pour eux,sans cette obligation, le décrochage scolaire serait beaucoup plus important. Ils considèrentd’ailleurs bien souvent que, sans cette loi, eux-mêmes auraient sans doute quitter l’école à unâge où ils ne s’estimaient pas aptes à prendre cette décision. A leurs yeux, cette inaptituderésulterait d’une part, de l’incapacité de l’adolescent à évaluer l’importance de l’école et d’autrepart, de la présence d’autres priorités jugées plus intéressantes par l’adolescent. Mais attention,même si l’école trouve un sens en tant que garant d’une future insertion socioprofessionnelle, safréquentation peut être ressentie comme particulièrement difficile. Certains voudraientégalement que cette obligation soit prolongée au-delà des 18 ans. Cette dernière opinion seretrouve particulièrement bien chez les jeunes qui, soit ont tenté de rentrer de manière précocedans la vie active ou soit se sont retrouvés exclus du système scolaire en raison de l’acquisitionde leur majorité.

« (Obligation scolaire ?) c’est bien… c’est utile parce que vers 15.. 16 ans, les jeunes en avaientmarre de l’école… beaucoup veulent arrêter ou brossent… c’est bien d’aller jusqu’à 18 ansparce qu’on commence à réfléchir et à se rendre compte de l’importance de l’école… enfin en

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principe… à 15..16 ans on pense qu’à s’amuser et on ne voit pas plus loin… 18 ans, c’est unpeu juste même parfois puisque moi j’ai arrêté à 18 ans et il m’a fallu 1 an pour m’en rendrecompte… (G, 20 ans, F, D) ; « maintenant tu vois depuis que j’ai arrêté l’école… je vois quel’école elle sert à quelque chose tu vois… tu sais l’école jusqu’à 18 ans… tu sais le type, il n’avraiment pas envie… il en a vraiment marre de l’école… il arrête l’école mais il ne se rend pascompte de ce qu’il fait… moi j’ai arrêté à 17 ans… voilà maintenant qu’est-ce que je fais… tuvois si tu continues tes études, tu as un certificat, c’est mieux… tu sais obliger jusque 20 ans, ceserait encore mieux … l’obligation scolaire jusqu’à 20 ans » (I, 18 ans, G, D) ; « je pense qu’ily a beaucoup de jeunes qui ne sauraient pas prendre cette décision d’aller à l’école…. poureux, l’école c’est une connerie tu vois… l’école, c’est très… très important… j’ai toujoursconscience que si je lâche ça, je peux descendre tout en bas de l’échelle… ce sera par rapport àça encore 100 fois plus difficile… maintenant que j’ai 18 ans, que je peux arrêter quoi… si jeveux , j’arrête mais j’ai envie de continuer… avant je m’en foutais… je continue à m’acharneret à chercher quelque chose… je dois rester à l’école » (F, 18 ans, G, PE).

L’obligation scolaire n’a pas autant de succès chez les plus jeunes ou chez ceux qui,actuellement, n’ont plus beaucoup de motivation à suivre les cours. Soit ils sont contrel’obligation scolaire jusqu’à 18 ans, soit ils sont partagés sur la question dans la mesure où ellene permet pas aux jeunes qui le veulent d’aller travailler. A remarquer qu’aucun des jeunesrencontrés n’est contre le principe de cette obligation mais ils sont soit pour un abaissement del’âge, soit pour une atténuation de celle-ci.

« moi je trouve qu’il faudrait pouvoir arrêter l’école plus tôt… en France, c’est jusque 16 ans…l’école ça ne sert à rien » (Av, 15 ans, G, D) ; « tu vois, tu passes les primaires et à la limite…on devrait avoir cours jusqu’à la fin des primaires… puis fini » (Hv, 17 ans, G, D) ; « ça casseles couilles, ça sert à rien… on n’a pas assez de tunes… tu vois le système, il faudrait pouvoirgagner sa vie avant » (Ti, 16 ans, G, HR-C) ; « d’un côté, je trouve ça bien parce que chacundoit avoir un diplôme qui pourra te servir dans la vie future… si tu as un diplôme tu pourrastravailler plus facilement que si tu n’en as pas… si tu n’as pas de diplôme, ça va te causerbeaucoup de problèmes et tu trouveras du travail plus difficilement… mais d’un autre côté, ondevrait permettre d’aller travailler plus vite si quelqu’un préfère travailler que d’aller àl’école… quelqu’un qui se sent capable, qui ne veut pas suivre les cours et qui veut travailler(L, 19 ans, G, PE) .

4.9 Formation à horaire réduit :

4.9.1 Les motivations :

Pour les jeunes suivant une formation à horaire réduit, le fait d’avoir moins de cours, de pouvoirgagner sa vie et d’apprendre directement un métier en suivant une formation apparaissentcomme étant les principales sources de motivation pour ce type de formation.

« je n’aime pas l’école.. moi je préfère travailler directement… ici on a moins de cours, c’estmieux… oui moi si je suis ici, c’est parce qu’il y a moins de cours » (Z, 16 ans, G, D)« .. envie de travailler…pour moi, c’est la meilleure façon d’apprendre le métier quoi » (D, 18ans, G, HR-A)« (apprendre un métier)…et en même temps d’être payé, c’est tranquille » (Y, 18 ans, G, HR-A)« je suis parti de l’école tu vois parce que ça prend la tête mais tu vois je suis quand même venuen apprentissage pour directement travailler » (Bm, 17 ans, G, HR-C)« …peu de cours et payé quand tu travailles » (Co, 17 ans, G, HR-C)« moi c’est pour apprendre un métier » (V, 21 ans, F, HR-A)« il y a moins de cours ici… c’est le fait de pouvoir travailler qui fait beaucoup… moi jen’aimais pas l’école » (St, 19 ans, G, HR-A)

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Pour quelques-uns, c’est aussi l’obligation qui les amène à suivre une formation à horaire réduit.Cette situation se retrouve de manière plus forte chez les jeunes des CEFA.

« moi je suis ici par obligation du juge » (Hv, 17 ans, G, D)« c’est par obligation des parents » (Ic, 18 ans, G, D)« moi je dois dire que je viens ici parce que je n’ai pas le choix… je m’en passerais bien, jepréférerais rester chez moi bien peinard... franchement » (Ti, 16 ans, G, HR-C)

4.9.2 La satisfaction de la formation :

La plupart des apprentis sont partagés lorsqu’ils doivent se prononcer à l’égard de leurformation. Ils sont généralement satisfaits d’avoir un pied dans la pratique professionnelle, depouvoir gagner en partie leur vie et d’avoir moins de cours tout en étant insatisfaits sur d’autrespoints. D’ailleurs, ils affirment tous ne pas vouloir changer de système de formation.Concernant l’insatisfaction, les critiques se focalisent le plus souvent sur l’apprentissagethéorique qui est souvent considéré comme étant d’un faible niveau ; ce que certains expliquentpar l’hétérogénéité des élèves inscrits en apprentissage.Pour certains, la contrainte scolaire est ressentie comme plus forte que la contrainteprofessionnelle alors que, pour d’autres, c’est l’inverse.Le sous-statut de l’apprenti et l’ « exploitation » (revenu, absence de congé, heuressupplémentaires, etc.) sont également souvent mal ressentis par les jeunes.

« les jours d’école non… » (V, 21 ans, F, HR-A)« disons que si on avait le choix, on brosserait quoi » (O, 19 ans, G, HR-A)« je ne supporte pas de rester assis toute une journée » (St, 19 ans, G, HR-A)« on fait pas ce qu’on veut dans l’école… tu peux pas te lever et dire tiens je vais boire uncoca…. même pendant le travail.. on s’arrête pour fumer une petite cigarette, pour boire uncoca quand ça nous chante » (JF, 20 ans, G, HR-A)« sincèrement non.. . on nous prend pour des cons tout bêtement… on ne peut pas dire que cesoit dur au point d’étudier »(R, 18 ans, G, HR-A)« on est méchamment redescendu » (Y, 18 ans, G, HR-A)« moi je ne suis pas à un grand niveau mais en général ce qu’on fait je sais toujours bien lefaire et puis alors on a fini nos exercices, on va attendre les autres… puis c’est encore desexplications… nous on est là à attendre mais évidemment on ne peut pas faire plus rapidementpour les autres » (St, 19 ans, G, HR-A)« on s’amuse bien dans la pratique mais les cours généraux… on s’en fout un peu… surtoutqu’il y a une différence entre chaque élève… celui qui vient de rénové, qui vient d’une écoledéjà… lui il va faire ça très facilement… en plus ça va le peler parce que ça il sait fairetandis… ce qu’il y a , dans notre classe, c’est qu’il y a des gens qui ne comprennent pas soitparce que je ne sais pas… ils n’ont pas été régulièrement à l’école… ils ne savent rien, ils onttrès dur à apprendre… il y a quand même des différences » (JF, 20, G, HR-A)« maintenant je viens à l’école, j’ai congé » (R, 18 ans, G, HR-A)« il y a une plus grande liberté au travail qu’à l’école » (V, 21 ans, F, HR-A ; O, 19 ans, G,HR-A)« 40 heures… il y en a même qui font même parfois plus que ça… c’est beaucoup trop parcequ’on est quand même des apprentis… on n’est pas des ouvriers même si on a des heuressupplémentaires et tout ça… il faut quand même avoir une vie, plus de libertés » (JF, 20 ans, G,HR-A)« parfois, il y a des patrons qui profitent aussi des apprentis pour avoir de la main d’œuvre bonmarché » (D, 18 ans, G, HR-A)« nous on se fait vraiment entuber de ce point de vue là…parce que je suis désolé moi je voisbien où je travaille… je suis quasiment certain que je fais plus que les autres et je suis payé 4fois moins quoi… et en plus on n’est pas considéré quoi » (Y, 18 ans, G, HR-A)« avec le contrat on est toujours au temps de l’esclavage… je fais des heures supplémentairesavec mon patron et c’est payé à 100 balles de l’heure » (R, 18 ans, G, HR-A)

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« pour moi le désavantage, c’est qu’on perd tous les congés… ça, ça manque quand même » (R,18 ans, G, HR-A)

Les jeunes inscrits en alternance ne vivent pas de la même manière la formation. Il est vrai quel’échantillon des jeunes interrogés dans ce cadre sont généralement moins âgés que lesapprentis. D’autre part, seule une minorité exerce le volet pratique de la formation.C’est ainsi qu’ils valorisent la formation en CEFA à partir du moment où d’une part, il y amoins de cours que dans la scolarité de plein exercice et que d’autre part, ils se retrouvent entrepairs. Ce qui ne les empêchent nullement de déprécier les cours, vécus comme contraignants, etd’éprouver des difficultés à respecter un horaire de deux jours de cours par semaine. Ilsapparaissent comme étant plus révoltés à l’égard de la scolarité en général que les jeunesapprentis.

« j’essaye de faire de mon mieux pour venir à l’école et tout… et me réveiller mais chaque foisj’arrive en retard » (Hv, 17 ans, G, D)« 2… 3… sont satisfaits mais pas plus… ici il y a une prof qui casse les couilles… elle donneune feuille et après elle en donne 10 tout de suite » (Ti, 16 ans, G, HR-C)« on n’est pas des esclaves » (Ic, 17 ans, G, D)« ici on s’entend bien… on est tous copains » (Bm, 17 ans, G, HR-C)« ici on a de bon copains… on ne se fait pas chier…ici, ce sont tous des copains » (Hv, 17 ans,G, D)« ils (les profs) nous considèrent comme des chiens… on n’est pas des chiens » (Do, 15 ans, G,D)« moi je brosse souvent le mercredi ou quand je brosse à un autre moment c’est avec descopains de plusieurs écoles qui brossent aussi » (Bm, 17 ans, G, HR-C)

4.10 Cannabis :

4.10.1 Les avantages à consommer du cannabis :

Les jeunes de notre échantillon voient dans l’usage de cannabis deux grands types d’avantages :

- le premier type d’avantages est centré sur la recherche d’un bien-être (détente,amusement, harmonie, etc.)

« on se sent plus à l’aise » (L, 19 ans, G, PE ; N, 17 ans, G, D ; S, 17 ans, G,PE ; …..)« on se sent détendu… on sent une sensation agréable » (Ie, 17 ans, F, D)« on est en harmonie avec les autres personnes… on est plus conscient, onréfléchit mieux…on comprend mieux le monde » (I, 18 ans, G, D)« on devient plus intelligent » (B, 18 ans, G, PE)« cela permet de déconner, de bien rire avec les copains » (Bm, 17 ans, G,HR-C ; R, 18 ans, G, HR-A)« cela permet de s’amuser » (Id, 18 ans, G, D ; Do, 15 ans, G, D, Ti, 16 ans,G, HR-C ; ….

- le second type d’avantages est orienté vers la recherche d’un remède (oublier sesproblèmes, déstresser, supporter les cours, etc.)

« on oublie les problèmes » (L, 19 ans, G, PE)« cela aide les gens à se sentir bien » (G, 20 ans, F, D)« cela permet de fuir la réalité, de s’échapper » (D, 18 ans, G, HR-A)« on se sent déstressé, détendu… cela permet de penser à autre chose » (R, 18ans, G, HR-A)

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« cela aide à supporter les cours » (Ti, 16 ans, G, HR-C ; Hv, 17 ans, G, D ;…)« c’est bien contre le mal de tête… on se sent mieux dans sa peau » (Hv, 17ans, G, D)…

4.10.2 Les désavantages à consommer du cannabis :

Les jeunes rencontrés voient surtout dans l’usage de cannabis des conséquences néfastes auniveau de la santé psychique (démotivation, dépendance, etc.) et au niveau financier :

« on n’est plus soi-même » (F, 18 ans, G, PE ; Z, 16 ans, G, D ; …)« la dépendance » (A, 20 ans, F, D ; N, 17 ans, G, D ; …)« cela rend parano » (F, 18 ans, G, PE)« la démotivation… on devient fainéant » (Ie, 17 ans, F, D)« cela donne envie de ne rien foutre… cela fatigue » (Z, 16 ans, G, D)« cela coûte de l’argent » (A, 19 ans, F, D ; …)« cela coûte cher » (I, 18 ans, G, D ; N, 17 ans, G, D, Id, 18 ans, G, D ; ….)…

Rarement des conséquences néfastes sur la santé physique ou psychosociale ne sont citées.

4.10.3 Les personnes approuvant et désapprouvant l’usage de cannabis :

La plupart des jeunes perçoivent l’entourage amical comme étant le plus favorable à laconsommation de cannabis.Pour la majeure partie de l’échantillon, les amis sont cités de manière globale tandis que lesautres précisent qu’il s’agit uniquement d’un partie des amis c’est-à-dire, le plus souvent ceuxqui font usage de cannabis.

Si on s’intéresse aux personnes désapprouvant la consommation de cannabis, c’est l’entouragefamilial qui fût le plus souvent cité. Il s’agit le plus fréquemment des parents ou de l’un d’euxmais bon nombre de jeunes l’étendent aux frères et sœurs, voire à la famille plus éloignée(parrain, tante, etc.).Une partie des amis sont également cités par certains.L’entourage professionnel et les représentants de l’ordre public sont évoqués de manièremarginale par quelques-uns.

4.10.4 Les obstacles et les facilitateurs à la consommation de cannabis :

Les barrières à la consommation de cannabis sont assez disparates chez les jeunes interrogés :

- la famille, l’école, l’éducation sont quelques fois cités- l’illégalité est également quelques fois évoquée- l’absence de problèmes personnels et la présence de problèmes de santé physique

sont quelques fois soulignés

Les difficultés personnelles, notamment, sur le plan psychique (solitude, mal-être, ennui,déprime, etc.) sont très souvent considérés comme les principaux facilitateurs de l’usage decannabis.La facilité de s’en procurer (copains, Pays-Bas, le « joint tendu », etc.), l’environnement(quartier, dealers, les usagers, etc.) et l’envie de s’amuser sont également identifiés comme desfacilitateurs pour certains.Enfin, un seul jeune cite la légalisation et la dépénalisation comme étant des éléments pouvantfaciliter l’usage.

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5. L’ANALYSE TRANSVERSALE :

5.1 L’intégration des jeunes :

Dans notre cadre théorique, nous avons signalé l’importance de l’intégration dans la mesure oùcelle-ci, par le biais de ses normes, va venir influencer les comportements et mode de vie del’adolescent.Afin d’évaluer et d’analyser l’intégration des jeunes au sein de notre société, trois anglesd’approche ont été choisis : l’intégration scolaire, familiale et sociale.Ces trois pôles de socialisation ont donc été largement abordés au cours des entretiens qualitatifsafin de nous permettre de récolter une information suffisante à l’élaboration de l’enquêtequantitative.La population étudiée étant en décrochage scolaire ou ayant été en décrochage scolaire,l’insertion des jeunes au sein de l’institution scolaire se révèle être a priori faible. Quant àl’insertion familiale et sociale, l’hypothèse qui guide notre démarche sur ce point est lasuivante : les jeunes en décrochage présentent une intégration familiale moins forte que lesjeunes scolarisés et une intégration sociale (pairs) plus élevée que ces derniers. Or une telleintégration peut influencer la prise de risque tant au niveau de la santé physique (alcool, tabac,etc.) qu’au niveau de la santé psychosociale (vandalisme, violence, etc.).

Pour vérifier cette hypothèse, deux indicateurs principaux ont été choisis : le temps passé enfamille ou en compagnie d’amis et les activités réalisées en famille ou avec des amis, en dehorsdu domicile.Si nous centrons notre propos sur le temps « libre » passé en famille et avec des tiers, nouspouvons distinguer trois types de comportements chez les jeunes interrogés. Il est important desouligner que par temps « libre », nous entendons le temps extra-scolaire dans la mesure où lesparents ignorent souvent l’absentéisme de leurs enfants, comme nous le verrons par la suite.Ensuite, dans un deuxième temps, nous nous attellerons à établir le rapport possible entre lafamille et le décrochage scolaire. Enfin, nous nous intéresserons à l’influence de l’entouragesocial dans son rapport au décrochage.Il est à rappeler d’emblée qu’une partie des jeunes éprouvent certaines difficultés ou émettentcertaines réserves lorsque nous abordons ensemble le volet familial dans l’interview. Ce qui estmoins le cas lorsqu’il s’agit de parler des amis. Cette remarque paraît d’emblée nous conforterdans notre hypothèse.

5.1.1 L’insertion familiale et amicale :

5.1.1.1 Le temps consacré à la famille et aux amis :

Cette démarche nous a permis de distinguer trois types d’insertion en fonction du temps passéen famille et en compagnie d’amis :

- Une insertion faible au niveau familial et forte au niveau social- Une insertion partagée entre famille et amis- Une insertion forte au niveau familial et faible au niveau social

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- une insertion faible au niveau familial et forte au niveau social :

Sur l’ensemble des jeunes, une prédominance du temps libre passé avec des amis audétriment du temps passé en famille sur une journée apparaît comme la situation la plussouvent rencontrée. Cette combinaison de deux déterminants de comportements à risque estdonc dominante au sein de notre échantillon.Dans ce mode de vie se dégagent deux groupes de jeunes. Le premier, minoritaire dans notreéchantillon, est constitué de ceux ne vivant plus chez leurs parents. Le deuxième composé deceux pour qui la relation familiale se réduit à la satisfaction du besoin de manger et/ou dedormir. Lorsque la relation du jeune avec sa famille se limite au simple fait de dormir,l’alimentation du jeune n’est soumise à aucun contrôle. Ce qui peut donner à penser que deshabitudes alimentaires néfastes sur le plan de la santé se développent chez le jeune vivant cetype de relation.

Concernant les jeunes ne vivant plus chez leurs parents, deux cas de figure se présentent :soit le jeune a fondé son propre nid, vit de manière autonome et stable, soit il ne dispose pasd’un véritable lieu d’habitation, vit chez des pairs et change fréquemment de lieu de vie. Cedépart du domicile parental modifie les rapports entre le jeune et ses parents ; ce qui coïncidehabituellement avec un affaiblissement de ceux-ci qui deviennent occasionnels, voireinexistants.

Il faut toutefois noter que dans le premier cas, l’intégration familiale n’est pasautomatiquement faible dans la mesure où le jeune soit, lui-même a recréé une vie de coupleou de famille et donc s’y insère en tant qu’adulte ou soit, entretient de bonnes relations avecses parents sur un autre plan que la relation de dépendance de l’enfant à ses parents. Ce casne vaut que pour deux jeunes de notre échantillon dont l’un suit une formation d’apprenti etl’autre suit une formation dans le cadre de l’ONEM. Pour ceux-ci, l’absentéisme a donc traitau passé et l’on peut supposer que la cellule qu’ils fondent actuellement influencefavorablement cette réinsertion.Concernant le second cas, des liens peuvent se tisser de manière plus fréquente avec desmembres de la famille autres que les parents. Ceux-ci ne semblent toutefois pas se substituerà l’intensité des liens créés par le jeune au niveau social.

« moi le jour où j’ai congé je ne sors pas beaucoup … parce que je vis déjà en ménage ettout… » (JF, 20 ans, G, HR-A) ; « maintenant il (juge de la jeunesse) m’envoie desconvocations un peu partout où j’ai habité… moi mon père je ne le connais pas et ma mèreelle vit en ? ….pour l’instant je vis avec mon frère… je suis dans ma chambre mais je ne suispas souvent chez moi… j’habite souvent chez des copains… » (Hv, 17 ans, G, D) ; « onhabitait ensemble (avec une copine dans une « communauté ») … et bon moi j’ai Simon(chez qui elle vit actuellement) …. quand j’habite chez elle (grand-mère) … je vais te diresincèrement que je dors quasiment jamais là-bas en fait ou bien très rarement » (Ie, 17 ans,F, D) ; « à propos de ma famille je ne préfère pas en parler… ça fait trois semaines que jevis chez une copine et… avant je vivais avec mon copain » (A, 19 ans, F, D) ; ….

Concernant les jeunes vivant chez leurs parents mais ne partageant que peu de moments avecleurs parents, le temps libre est soit consacré soit aux ami(e)s, soit au petit ami ou à la petiteamie. Généralement ces derniers vont retrouver leurs amis tous les jours de la semaine. En cesens, c’est l’univers amical qui devient la première entité collective de référence et qui vientstructurer les comportements et les modes de vie de ces jeunes.

« moi je suis très peu chez moi… je rentre pour manger tu vois… quand j’ai fini je reparsvoir des copains » (Do, 15 ans, G, D) ; « (temps passé en famille ?) avec ma famille… riendu tout… moi le temps de souper » (Y, 18 ans, G, HR-A)

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Chez les jeunes faisant partie de cette insertion et étant actuellement en décrochage, le tempslibéré par l’absentéisme s’effectue toujours en faveur des amis.

- une insertion partagée :

Un autre groupe de jeunes interrogés partagent leur temps en semaine entre la famille et lesamis. Soit ils rejoignent leur famille avant le repas du soir et retrouvent leurs amisdirectement, soit ils retrouvent leurs amis avant ce repas et finissent la soirée en famille ousoit ils passent une partie des soirées de la semaine en famille et une partie des soirées encompagnie d’amis. Habituellement les jeunes s’insérant dans cette catégorie, tout enpartageant beaucoup de temps avec leurs amis, accordent beaucoup d’importance à la familleet veillent à conserver un lien avec la cellule familiale.

« moi je vais manger chez moi… ça arrive que je reste en famille … c’est pas tous les jours »(Z, 16 ans, G, D) ; « moi c’est tous les deux jours (voit ses amies le soir) (W, 18 ans, F, D) ;« moi quand je rentre je passe au moins 2 heures avec mon père… comme il travaille ettout… tu vois de temps en temps je le vois rarement mais j’essaye de le voir tout le tempspour garder le contact parce que si je ne vois pas mon père je ne suis pas bien… (copains lesoir ?) oui tout le temps » (T, 18 ans, G, PE)

Il est à noter que pour la plupart des jeunes vivant un temps partagé, l’absentéisme ou l’arrêtde scolarité s’effectue, le plus souvent, en faveur d’un accroissement du temps passé au seinde l’univers amical. Ce qui signifie que, généralement, plus l’absentéisme est important, plusle jeune est soumis à l’influence de ses pairs.

- une insertion forte au niveau familial et faible au niveau social :

Enfin, un troisième groupe minoritaire de notre échantillon présente une forte intégrationfamiliale et passe la majeure partie de leur temps libre en semaine en compagnie de leursparents. Le temps passé avec les amis se concentre davantage sur le week-end etl’absentéisme ou l’arrêt de scolarité s’effectue, pour certains, par un accroissement du tempspassé avec les amis et, pour d’autres, par un accroissement du temps passé en famille. En cesens, ce sont ces derniers qui se caractérisent par la plus forte insertion dans le milieufamilial.

« moi je suis en famille tous les soirs» H, 16 ans, F, D ; « moi (en famille) c’est le matin et lesoir» ( Za, 15 ans, G, D) ; « pratiquement 5 heures, le soir » (Co, 17 ans, G, HR-C) ; « moiparfois j’ai des copains qui viennent chez moi… mais je les vois le plus souvent le week-end… le week-end, oui » (D, 18 ans).

Si nous synthétisons les divers éléments repris ci-dessus, nous sommes devant 3 cas de figuredu temps du temps consacré aux amis et à la famille. Classés par ordre d’importance dans notreéchantillon, nous avons :

- des jeunes dont la majeure partie du temps libre et/ou libéré est structurée parl’entourage amical ;

- des jeunes dont le temps libre et/ou libéré est structuré à la fois par la famille etpar les amis ;

- des jeunes dont le temps libre et/ou libéré est essentiellement structuré par lafamille ;

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En résumé nous pouvons faire le schéma suivant :

couple-famille qui structure comportements/modes de vie

jeunes ne vivant plus chez leurs parents

minoritaire

Temps faible passé en famille pairs qui structurent

et comportements/modes de vieimportant avec les amis

majoritaire

relation familiale réduite à des besoins vitaux

absentéisme « lourd »

absentéisme en faveur des amis

majoritaireabsentéisme « faible »

Temps partagé entre amis/famille pairs/famille qui structurent

comportements et modes de vie

minoritaire

absentéisme en faveur de la famille

absentéisme en faveur des amis

Temps fort passéen famille

absentéisme en faveur famille qui structure de la famille comportements/modes de vie

Si le temps passé en famille, nous renseigne généralement bien sur l’intégration familiale desjeunes, il n’est pas toujours suffisant pour évaluer ce niveau d’insertion. Il est donc important des’intéresser également au genre de relation que le jeune établi avec sa famille.

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5.1.1.2 La relation avec la famille :

- instance de contrôle :

Au niveau des jeunes consacrant que très peu de temps à la famille, celle-ci apparaîtessentiellement comme une entité de contrôle et de contraintes. Dans cette hypothèse, lejeune en se soustrayant le plus possible à sa famille échappe à cette forme de contrôleparental, source de stress et de réprimandes. Il organise dès lors sa vie en fonction de sesamis avec lesquels il n’existe pas cette relation fondée sur des obligations.Il est à noter que quelques jeunes soulignent le développement d’un rapport familial fondésur l’indifférence, l’absence de communication ou sur l’opposition à toute forme de contrôle.

« je suis toujours parti et puis, je ne me sens pas tellement bien chez moi, j’aime mieux êtreavec les copains parce que je m’engueule avec mes parents » (Y, 18 ans, G, HR-A) ; « moije soupe seul… ils ont déjà soupé… dès que j’ai fini ben je sors… (pourquoi ?) …on a besoinde décompresser, de penser à autre chose…. avec les parents c’est directement qu’est-ce quetu as fait de ta journée quoi…. moi je rentre chez moi ils sont devant la télé… il n’y a aucuneréaction ce que je fais ils s’en foutent… ils ne m’emmerdent pas trop mais… (réaction suite àl’intervention d’un autre intervenant :) … moi je respecte mes parents… je rentre maman j’aibrossé les cours… je les respecte… qu’est-ce qu’ils font faire… ah c’est pas bien, c’est pasbien… de toute manière je n’irai pas à l’école, si je n’ai pas envie, je n’irai pas… moi monpère au début il arrivait chez moi et jusqu’à mes 10 ans il me balançait des tartes dans lagueule… tu peux pas t’imaginer… après ils m’ont trop lâché et quand ils m’ont trop lâchéclac…. c’était fini… je me suis déjà battu avec mon père mais battu aux coups de poing…attention je le regrette mais d’un autre côté ils me foutent la paix… si j’ai une décision àprendre je suis assez grand pour la prendre… je sais bien ce que je dois faire… oui je saisbien, c’est ma vie » (R, 18 ans, G, HR-A) ; « avec mon père… j’habite là et ça ne va plusloin » (Ic, 17 ans, G, D) ; « moi avec mes parents je fais ce que je veux… je voulais changerd’orientation je ne demandais pas leur avis… ils ne savaient même pas dans quelle écolej’étais » (JF, 20 ans, HR-A)

Dans l’insertion partagée, soit le jeune a une perception de sa famille qui dépasse l’aspectcontraignant, soit le jeune se soumet à cet aspect contraignant.

« moi je regarde parfois la télé en famille… moi si je vois que la discussion (en famille) elleest bien je m’incruste dans la discussion » (Z, 16 ans, G, D) ; « en fait ils (parents) veulentnotre bien et de temps en temps ils nous le montrent par des piques… et c’est ça qu’ilscherchent à nous piquer tu vois comme ça on essaye de rehausser la pente mais nous tu voison ne réagit pas de la manière dont ils veulent… c’est ça le problème» (T, 18 ans, G, PE)

Parmi les jeunes passant beaucoup de temps en famille, il avait été souligné que ledécrochage s’effectuait soit par une augmentation du temps passé avec les amis, soit par unaccroissement du temps passé en famille. La différence entre ces deux catégories sembletraduire une différence en terme d’intégration familiale tant au niveau du contrôle parentalsur les comportements adoptés par le jeune qu’au niveau de l’acceptation de ce contrôle parle jeune.

Chez les premiers, seul le temps scolaire n’est pas soumis au contrôle parental et le jeuneprofite, plus ou moins régulièrement, de cette absence de contrôle pour rejoindre ses pairs.Dans ce cas, le brossage symbolise en quelque sorte l’expression d’une prise d’indépendanceà l’égard de la famille et exprime, par la même occasion, un affaiblissement de l’emprisefamiliale et un accroissement de l’emprise amicale. On peut donc émettre l’hypothèse que le

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jeune adoptant ce type de comportement se soumet mais n’accepte pas véritablement lesnormes familiales à partir du moment où dès qu’il en a l’occasion, il s’y soustrait.Tandis que chez les seconds, tant le temps scolaire qu’extra-scolaire sont soumis au contrôleparental. L’absentéisme n’est donc pas chez ceux-ci caractérisé par une mise à distance de lafamille.C’est d’ailleurs parmi ce type d’insertion que l’on retrouve davantage les jeunes les moinsâgés et les filles d’origine maghrébine qui connaissent, bien souvent, un contrôle parentalplus important.

« (activités pendant le brossage ?) … je fais le ménage chez moi… je reste à la maison, jeregarde la télé » H, 16 ans, F, D ; « (activités pendant le brossage ?) … on va voir descopains… on se rassemble à 10 ou 15… moi je vais au parc fumer des joints et tout ça » (Za, 15 ans, G, D) ; «(fréquence brossage) 3…4 demi-journées par semaine… ça dépendaitdes copains » (Co, 17 ans, G, HR-C)

- lieu de dialogue :

Un autre point à relever au niveau de l’insertion familiale des jeunes se situe au niveau de ladifficulté d’établir une communication, notamment, sur le plan des problèmes scolaires. Eneffet, une partie des jeunes soulignent que les parents ne savent pas et ne comprennent pas laréalité scolaire et qu’ils ne peuvent donc pas établir un dialogue sur ce point. Certains d’entreeux étendent cette difficulté à la vie du jeune en général pour expliquer le faible temps passeren famille. En ce sens, ce problème de communication avec la famille, qu’il soit étendu auxdifférents domaines de la vie du jeune, circonscrit à sa scolarité ou inexistant, sembleapparaître comme un indicateur fiable d’une, plus ou moins bonne, insertion du jeune à lacellule familiale.

« le soir je suis souvent chez moi… je sors parfois… je connais beaucoup de personnes… jediscute 5… 10 minutes avec des personnes du quartier… je suis connu dans le quartier…beaucoup de connaissances…. la plupart des soirées je les passe avec ma famille, je regardela télé avec ma famille ou on parle d’un sujet… de la vie future… ces derniers temps, je faisdes tours dans la rue avec un copain, on parle un petit peu de l’école ou d’autre chose » (L,19 ans, G, PE) ; « ils (parents) ne comprennent pas pourquoi on fait ça (brosser) .. ; ils « croivent » que c’est normal de rester sur une chaise 8 heures… à l’aise tu travailles ettout » (S, 17 ans, G, PE) ; « maintenant tu vois, ils (parents) ne savent pas qu’on brosse…alors tu vois s’ils savent qu’on brosse, ils vont encore être déçus parce que pour eux rester 8heures au cours c’est comme si tu restais à la maison, tu regardais un film et tu mangeais…pour eux, ils « croivent » que c’est ça mais en fait, c’est plus dur à l’école que travaillerparce que 8 heures travailler intellectuellement tu vois ça… ça rend plus fou que detravailler… tu vois c’est ça » (T, 18 ans, G, PE) ; « cette année, c’est souvent… pendant lasemaine c’est 2… 3 jours par semaine, je brosse l’école… déjà l’école on a convoqué mesparents pour dire que je devais me calmer et de m’expliquer et tout… je ne voulais pas direque le prof il ne m’aimait pas parce qu’au sinon ils vont commencer à croire des trucs surmoi… je n’ai rien dit…. j’ai juste dit que ça ne me plaisait pas ce que je faisais » (N, 17 ans,G, D) ; « c’est ça que mes parents avaient dit… ça ne sert à rien de continuer l’école si à 18ans tu as envie d’arrêter parce que tu seras nulle part » (D, 18 ans, G, HR-A).

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- indicateurs d’insertion familiale :

Pour vérifier l’intégration familiale des jeunes en décrochage, il paraît intéressant deconstruire un indice sur les variables suivantes :

- temps passé en famille ;- perception de la famille ;- communication avec la famille ;- satisfaction de la relation avec les parents.

5.1.1.3 Les activités réalisées en famille :

Comme il a été signalé au niveau de l’analyse descriptive, les jeunes éprouvent des difficultés à seprononcer sur les activités réalisées en famille. Toutefois, au niveau de notre échantillon, il nesemble pas ressortir comme un indicateur fiable de l’insertion familiale des jeunes. En effet, mêmeparmi les jeunes présentant une forte intégration familiale (temps « libre » et temps de « brossage »en famille), certains n’effectue pratiquement jamais d’activités avec celle-ci en dehors de leurdomicile. En ce sens, la perception des jeunes à l’égard de la famille et des amis semble, le plussouvent, se structurer de la manière suivante :

famille/domicile >< amis / non domicile.

« avec la famille jamais (activités en dehors du domicile)… moi je les vois juste à la maison….moi je reste tout le temps à la maison » (H, 16 ans, F, D) ; « rarement (activités en dehors dudomicile en famille) … mais moi je suis tout le temps avec… toute la journée » (D, 18 ans, G,HR-A).

5.1.2 L’insertion familiale et le décrochage scolaire :

A priori, dans notre échantillon, il existe un lien entre insertion familiale et décrochage scolairedans la mesure où, comme nous l’avons vu ci-dessus, la plupart des jeunes ne partagent qu’untemps de vie relativement restreint avec leurs parents. Mais ce lien traduit-il l’influence d’uneintégration familiale problématique sur la scolarité du jeune ou, à l’inverse, l’influence d’uneintégration scolaire problématique sur la place du jeune au sein de sa famille. Pour répondre àcette question, il est utile de porter son intérêt sur le processus qui amène le jeune à s’absenter,plus ou moins régulièrement, des cours.Un autre point qu’il est nécessaire d’aborder concerne la part des jeunes, minoritaires, quicombinent décrochage et insertion familiale et qui, par la même occasion, contredisent notrehypothèse.D’un autre côté, il est important de garder à l’esprit que, dans la grande majorité des cas, lesparents sont en faveur de la scolarité de leurs enfants et exercent un contrôle sur celle-ci. Lafamille se présente dès lors habituellement comme un adjuvant à la scolarité des jeunes.

« le matin…je dois sortir de la maison parce que mes parents ils m’obligent… ils ne savent passi je vais à l’école ou bien… ils sont avertis par après que je n’ai pas été à l’école mais le jourmême ils ne savent pas si je vais à l’école ou pas » (N, 17 ans, G, D) ; « (restes-tu parfois cheztoi lorsque tu brosses ?) non parce que par rapport à ça… même quand j’avais pas école ouça… mes parents ils étaient toujours derrière moi et qu’est-ce que tu fous… oui école etgnagnagni… non j’ai pas école… attends je vais téléphoner et il téléphonait… voilà… mêmequand… en fait quand j’étais licencié ou quoi… que je partais chez moi, que je rentrais chezmoi… mes parents, ils m’engueulaient… qu’est-ce que tu fous là et tout… moi je suis licencié etils téléphonaient pour voir vraiment si j’étais licencié et tout… si je brosse et je rentre chez moi,il téléphone à l’école directement » (F, 18 ans, G, PE) ; «non je ne restais pas chez moi

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(lorsqu’il brossait) … enfin il y avait la «mâdre» qui était là… donc tu ne pouvais pas être à lamaison ou alors ça allait crier » (I, 18 ans, G, D).

En partant de ce constat, nous rencontrons trois cas de figure chez les jeunes interrogés :

- une insertion familiale problématique précédant le décrochage scolaire ;- une insertion scolaire problématique précédant une moins bonne insertion familiale ;- une forte insertion familiale combinée à un décrochage scolaire.

5.1.2.1 Une insertion familiale problématique :

Dans ce premier cas, nous nous retrouvons face à des jeunes qui, avant de connaître des« problèmes familiaux », avaient une scolarité non marquée par un décrochage. Cette situationse révèle particulièrement bien chez les jeunes qui, après être partis de chez leurs parents,arrêtent subitement leur cursus scolaire. Ils refusent habituellement d’approfondir le thème dela famille tout en la citant lorsqu’il évoque l’arrêt de leur scolarité. Par contre, ils parlent plusvolontiers du départ et de la difficulté de se gérer au quotidien comme étant une des origines deleur décrochage. La structure familiale, qui dans leur cas fait défaut, semble donc favoriserl’intégration scolaire. L’absence de contrôle parental sur la scolarité, combinée à des difficultéssur le plan de la formation, renforce le risque de l’absentéisme chez le jeune.

« en fait j’avais jamais raté jusqu’à ma quatrième secondaire et puis après ça n’a plus été…j’ai réessayé trois fois ma cinquième…. chaque année, de temps en temps, je reprends maisj’arrête chaque fois… la première fois c’est après que je suis parti de chez moi… après c’estdifficile d’aller à l’école tu as d’autres problèmes…. (autres fois ?) … c’est le fait de chaque foisaller à l’école… je connaissais la matière, je ne voyais pas l’utilité d’aller au cours (pourquoies-tu parti de chez toi ?)…ça c’est personnel » (P, 20 ans, G, D) ; « en fait moi je ne brossaispas tellement les cours… c’était une fois tous les quatre mois pour une journée…. quand on vitseule, ce n’est pas évident… tu as plein de trucs… tu n’as pas que l’école dans la tête… tu te discomment je vais vivre…. c’est pas comme chez tes parents tu es là, tu rentres, tu manges... il y ala mère qui prépare à manger et tout ça…. en fait moi je me suis dit parce que je sais que jevais rater l’année donc… je le sais parce que quand on n’a pas la tête à étudier, à faire lesdevoirs et tout ça, d’office on va rater…donc moi je me suis dis comme je vais rater mon annéedonc je vais arrêter… (pourquoi as-tu quitté ta famille ?)… de ma famille, je ne préfère pasparler de ma famille » (A, 19 ans, F, D).

Schématiquement, on peut faire l’hypothèse suivante :

Absence de contrôle parental

Décrochage

Problème(s) scolaire(s)

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Il est à rappeler que la plupart des jeunes ne perçoivent pas vraiment l’insertion familialecomme une cause de brossage. Toutefois, quelques jeunes voient dans l’éducation et dansl’accompagnement des enfants à l’école une cause de non brossage dans la mesure où le jeunerisque moins d’être sollicité par ses pairs.

« moi je crois que ça avoir avec l’éducation… il y a des jeunes… pour moi ceux qui ne brossentpas … l’école est finie, on vient les chercher en voiture, on retourne à la maison » (St, 19 ans,G, HR-A) ; « ceux qui prennent le bus… ils ont déjà un bout de chemin pour prendre le bus etrencontrer des copains » (JF, 20 ans, G, HR-A)

A noter que parmi les jeunes poursuivant à nouveau une scolarité normale après une période dedécrochage, l’insertion familiale ne s’est pas automatiquement améliorée. Dans leur cas,l’absentéisme ou l’arrêt de scolarité résulte davantage d’une difficulté d’insertion scolaire.

5.1.2.2 Une insertion scolaire problématique :

De manière prépondérante, lorsqu’on interroge les jeunes sur les raisons qui les ont amenés àdécrocher, ceux-ci soulignent en premier lieu des problèmes au niveau de leur scolarité(mauvaise orientation, difficulté relationnelle avec des professeurs, ennui, ….). En ce sens, ilapparaît que la mauvaise insertion des jeunes dans leur scolarité a plus de poids que l’insertionfamiliale dans le processus du décrochage ; processus qui lui-même influence l’intégration dujeune au sein de sa famille. Ce que nous invoquerons de manière plus détaillée chez les jeunescombinant insertion familiale et décrochage.C’est ainsi que la plupart des jeunes tentent de garder, tant qu’ils le peuvent, les parents dansl’ignorance de leur situation scolaire. Ainsi, face à ses problèmes scolaires, le jeune s’isole parrapport à sa famille. Dans cette optique, la découverte du décrochage par les parents est doncsouvent source de tension entre le jeune et sa famille et peut donc, dans certains cas, mettre enpéril la bonne insertion du jeune au sein de sa famille.Un autre élément qui va dans le sens de cette hypothèse, c’est la manière dont le brossage seréalise. En effet, la plupart des jeunes ne semblent pas planifier à l’avance leur absence descours. Habituellement, celle-ci s’effectue de manière spontanée parce qu’il rencontre d’autresjeunes sur le trajet de l’école, parce qu’il éprouve des difficultés à suivre certains cours, parcequ’il n’a plus envie de reprendre les cours après le temps de midi ou une heure de fourche, parcequ’il ne se sent pas en forme, etc.D’un autre côté, il ne faut évidemment pas oublier, dans ce cadre, l’importance de lacomposante amicale dans la mesure où le jeune passe son temps libéré en compagnie de sesamis, qui sont soit, eux-mêmes, en situation de décrochage et/ou soit, « libérés » de touteobligation scolaire. Le phénomène de l’absentéisme comporte ainsi généralement unedimension collective dans laquelle les jeunes trouvent un refuge, contre tout risque d’isolement,tout en s’influençant mutuellement.

«… l’année où j’ai arrêté… j’ai brossé pendant trois mois… je n’ai plus été à l’école du tout…ma mère n’était pas au courant… moi je faisais toujours ça avec un copain… c’était un quiprenait le train avec moi et dès qu’on arrivait à Liège… quand ce n’était pas l’un, c’étaitl’autre qui disait… oh je n’ai pas envie d’aller à l’école, on n’allait pas le laisser tout seulalors… soit on allait à Liège ou on revenait ici et on traînait dans les cafés…j’en avais marre etje savais que j’allais avoir des examens de repêchage…. les deux fois où j’ai brossé pendant uncertain temps… il y a ma mère qui venait me chercher au café quand elle l’apprenait… alors onse fait engueuler… ils ne sont pas contents, c’est normal… mais ils n’auraient rien pu faire…on a chaque fois eu une discussion mais de toute façon c’était fait… ils l’apprenaient enretard » (St, 19 ans, G, HR-A)

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Sous forme de schéma, on peut dès lors émettre l’hypothèse suivante :

Isolement du jeune par rapport à sa famille

Insertion scolaire problématique

Refuge du jeune auprès de ses pairs

5.1.2.3 Une combinaison entre insertion familiale et décrochage :

Lorsqu’on s’intéresse aux jeunes passant la majeure partie de leur temps libre (en dehors desheures scolaires) et de leur temps libéré (temps d’absentéisme) avec leurs parents, unedifférence apparaît tant au niveau de la forme de l’absentéisme en lui-même que du rapport desparents vis-à-vis de celui-ci.En effet, le décrochage scolaire semble davantage soit limité à une période bien définie, soitplus occasionnelle que chez les jeunes présentant une intégration familiale faible ou moyenne.Celui-ci reçoit d’ailleurs parfois l’accord des parents ou, tout simplement, ces derniers n’ontjamais été mis au courant. Quant il y a accord, ce dernier est habituellement le résultat d’unmotif bien précis (changement d’orientation et impossibilité de changer en cours d’année,travail, grossesse, mal-être, etc.). De nouveau, le décrochage est généralement associé à desproblèmes vécus par le jeune sur le plan scolaire.Cette couverture parentale peut aussi se révéler lorsque les parents sont mis au courant dudécrochage de leur enfant et ceci, sans qu’il y ait une insertion familiale importante.

« moi je n’ai jamais trop brossé en fait, ça m’est arrivé une fois ou l’autre comme ça pour allerboire un verre avec un copain…. en fait après mes examens de Noël j’ai recommencé en janviermais j’en avais vraiment marre… l’ambiance déjà dans l’école et tout ça ne me plaisait plus…j’avais envie de voir plus de concret et puis quand je rentrais chez moi, le soir, tout de suitej’allais travailler dans les étables et tout ça mais je ne faisais plus mes devoirs et tout… jecommençais à bâcler l’école et ça n’allait plus quoi… et puis alors… enfin j’en ai parlé à mesparents et ils ont été d’accord… j’ai quand même réfléchi pendant 15 jours, 3 semaines avecmes parents… en fait j’ai arrêté l’école et j’ai travaillé chez moi mais j’ai fait comme si j’étaisà l’école… j’étais avec un certificat quoi pour ne plus aller à l’école et j’ai travaillé chez moipendant une demi-année et comme ça, en plus, ça me permettait d’un peu voir ce que c’était etpuis en septembre j’ai recommencé… j’ai commencé le contrat… (D, 18 ans, G, HR-A) ;« quand je brosse, je brosse seul… j’ai des amis mais ça ne m’a jamais intéressé de faire untour pendant les cours… mettre un ami sur la mauvaise pente… si je brosse, je reste chez moi àla maison, j’ai pas envie d’aller au cours, je suis un peu dégoûté des cours, des profs que j’ai cejour-là… je me dis je n’aime pas ce prof, il va encore nous ennuyer…quand je brosse, je nebrosse jamais dehors tout seul, je ne prends pas mon cartable… je dis à mes parents je suislicencié aujourd’hui… ça m’arrive aussi de faire semblant d’être malade quand je suis trèsénervé, je suis très excité, je me dis que ce prof va me poser la parole d’une manière que je nevais pas aimer… je pourrais faire une connerie… lui frapper dessus… je préfère rester chezmoi… un prof qui va me tutoyer… tu n’as pas fait ton devoir, tu n’as pas fait ça, tu n’as pasétudié.. me crier dessus… ça je n’aime pas beaucoup… je préfère rester chez moi, me calmerchez moi à la maison » (L, 19 ans, G, PE)

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Sous forme de schéma, on peut résumer cette hypothèse de la manière suivante :

Insertion familiale importante

Décrochage moins prononcé que chez lesjeunes moins bien insérés sur le plan familial

Problème(s)scolaire(s)

Le décrochage peut aussi être le fruit d’une décision parentale. Généralement, il semble quel’objectif poursuit à ce niveau est d’amener l’enfant à collaborer aux ressources financières de lafamille. En ce sens, il serait à relier à l’insertion du jeune dans une famille particulièrementdéfavorisée. Dans la population rencontrée, seul un jeune a été confronté à ce typed’absentéisme ; type également cité par quelques personnes de notre échantillon pour expliquerles raisons qui amènent un jeune à s’absenter.

« moi je n’ai pas eu d’inscription pendant un an parce que j’ai dû aller en Italie… je suis restéun an sans aller à l’école et j’ai travaillé en Italie pour aider ma famille » (Ph, 17 ans, G, PE) ;« il y a aussi des jeunes qui ne vont pas à l’école parce qu’ils doivent aller travailler pour lamaison » (J, 19 ans, G, D) ; « il y a des jeunes qui travaillent pour leurs parents… pour ça nousdans nos familles, ça va » (T, 18 ans, G, PE).

Comme nous le voyons, la famille intervient généralement comme une entité collectivestructurant et contrôlant la scolarité. Elle agit par ce biais sur le processus d’intégration scolaireet, dans cette optique, l’absentéisme peut se lire comme l’expression d’un faible intégrationfamiliale, voire comme l’expression d’un affaiblissement passager de ce contrôle.

Ainsi une faible insertion familiale diminue l’emprise de cet encadrement sur le jeune et favorise lerapprochement de ce dernier à l’égard de son univers amical. Ce qui est d’autant plus vrai que d’unepart, le groupe des pairs se caractérisent, habituellement, lui-même par une absence de scolarité et,par la même occasion, par une absence de contrôle en ce domaine et que d’autre part, l’insertionscolaire du jeune se révèle en elle-même problématique. En résumé, la famille et les amiss’organisent généralement de la manière suivante par rapport à la scolarité chez les jeunes endécrochage scolaire :

famille/fréquentation scolaire >< amis/absentéisme scolaire

« ce n’est pas très évident d’aller à l’école tous les jours… maintenant j’y suis retourné, c’estune question familiale… (pour quelles raisons ?) parce que déjà j’avais un réveil et que le réveilil n’a pas tenu deux jours, parce que ce n’est pas évident de se réveiller avec un réveil commeça à 6 heures du matin… ou bien même dans la roulotte (lieu de vie communautaire) ou quoi…souvent c’est bien dur de se lever quand tu es entouré de gens qui ne vont pas à l’école et qui selèvent 3 heures après… c’est pas évident quoi… ça influence parce qu’au départ si je n’y vaispas c’est parce que c’est quand même dur… et puis aussi parce que je n’étais pas super motivéet je ne savais pas très bien si j’allais continuer l’école… déjà parce qu’au départ j’en avais unpeu marre de l’école… l’ambiance qui avait… c’est surtout l’ambiance et puis je me suisdemandé s’il n’y avait pas moyen de faire autre chose…. c’est clair que j’avais plus faciled’aller à l’école quand j’étais chez ma grand-mère que quand j’habite chez des copains… avec

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ma grand-mère, je fais vraiment ce que je veux… c’est juste le fait que ma grand-mère elleallume la lumière et il faut se lever… je me réveille quoi parce que ça, ce n’est pas des couilles,moi j’ai besoin d’un truc pour me réveiller… il faut le réveil de grand-mère parce qu’au sinon àchaque fois c’est pareil » (Ie, 17 ans, F, D) ; « moi j’ai manqué pendant 3 mois à l’école…quand mon père est rentré à l’hôpital, je n’ai plus été à l’école et quand il est sorti ben …(reprise des cours)… 3 mois pour m’amuser… j’ai trouvé une bonne excuse comme quoi j’avaisdû aller chez ma grand-mère à Flémalle pendant que mon père était à l’hôpital et ce n’était pasvrai… j’allais partout… à la mer, à Bruxelles, à Liège » (O, 19 ans, G, HR-A).

D’un autre côté, s’il apparaît que la cellule familiale agit sur l’absentéisme, l’inverse l’estégalement. En effet, l’adoption de ce comportement par le jeune ne répond pas aux attentes decelle-ci. Il est d’ailleurs frappant de constater que ce dernier semble éviter davantage le cadrefamilial. Sous cet angle, moins le jeune est intégré au sein de l’institution scolaire, plus il auratendance à s’absenter et à se rapprocher de ses pairs et moins il sera insérer au sein de safamille.

« moi j’ai brossé beaucoup pendant 3… 4 mois et je brossais 3 à 4 jours par semaine… en faitj’en avais marre de l’école et… en fait j’ai doublé ma troisième et puis je suis arrivé encinquième j’avais presque 18 ans… j’en avais marre, ça n’allait plus à l’école non plus…j’avais complètement raté à Noël et tout… enfin ça n’allait pas du tout … alors j’ai arrêté….(amis le soir ?) … de temps en temps la semaine… surtout le week-end et vers la fin (scolarité)je sortais souvent en semaine… je n’allais déjà plus à l’école… pendant ma période scolaire,c’était surtout le week-end » (G, 20 ans, F, D).

Au sein de l’ensemble des jeunes interrogés, c’est cette perspective qui semble dominante. Etceci d’autant plus que bon nombre de jeunes ne peuvent aborder sereinement les problèmesscolaires en famille. Dans cette optique, le jeune se retrouve seul face à de tels problèmes. Pouréviter ce risque de mal-être, il se rapproche, et « se met » sous l’influence de pairs partageantune situation similaire.Il semble donc qu’il faut considérer le jeune comme étant en interaction avec ces deux instancesde socialisation. L’intégration scolaire apparaissant comme la plus déterminante dans leprocessus de décrochage scolaire dans la mesure où elle se perçoit, chez les jeunes interrogés,comme indispensable à la réalisation de ce dernier.

5.1.3 L’entourage social :

5.1.3.1 L’inscription sociale du jeune :

Concernant l’influence des pairs sur le décrochage et l’insertion familiale, une réflexionsemblable peut s’effectuer. En effet, comme nous l’avons suggéré ci-dessus, celle-ci apparaîtcomme plus importante lorsque l’intégration familiale se révèle problématique. C’est auprès deceux-ci que le jeune peut trouver refuge pour partager ses problèmes. Ce qui, dans notrerecherche, se vérifie bien à propos des problèmes scolaires. De même, l’absentéisme est biensouvent un phénomène collectif dans lequel le jeune, dans ses difficultés scolaires, auratendance à se rapprocher de ses pairs tout en se laissant influencer par ces derniers. Ajoutonsque tous les jeunes ne commencent pas à brosser avec des amis mais la rencontre de ceux-civient renforcer ce phénomène. A noter, également, que les jeunes présentant une forteintégration familiale (temps en famille, communication, etc.) possèdent un entourage amicaldavantage intégré «scolairement» que les jeunes ayant une intégration familiale faible oupartagée. En fait, les jeunes interrogés se partagent en trois groupes en fonction descaractéristiques des pairs :

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- le premier, majoritaire, dans lequel les pairs partagent une situation semblable ;- le second dans lequel les pairs se divisent entre ceux qui fréquentent assidûmentl’école et ceux qui sont en décrochage ;- le troisième dans lequel les pairs sont normalement scolarisés.

Les premiers fréquentent donc essentiellement des jeunes eux-mêmes en décrochage ou libérésde toute obligation scolaire. Ces derniers ne font bien souvent pas partie de la même école etl’absentéisme se caractérise par une insertion sociale plus forte. Il est à remarquer qu’il sembleque les filles en décrochage s’entourent plus volontiers des jeunes plus âgés.

Chez les seconds, l’absentéisme se symbolise par un rapprochement vis-à-vis des amispartageant une situation semblable et par un détachement des amis scolarisés. Cettedistanciation est davantage vécue comme une perte. Ce qui est également le cas pour letroisième groupe où le décrochage a souvent une dimension plus individuelle ou familiale.

« (pendant le brossage) moi je vais avec des copains… on va ensemble… c’est surtout sur letemps de midi… on va ensemble… c’est surtout le temps de midi parce que tous les midis on vas’entraîner (dans un club de sport).. on va s’entraîner et des fois on a plus envie de retourner enclasse… on reste là (copains de la même école ?) … non … on est dans des écoles différentes »(N, 17 ans, G, D) ; « il y avait d’autres brosseurs mais des autres écoles… au début c’était toutseul et puis à la fin on se retrouvait au café… il y avait toujours d’autres brosseurs » (R, 18 ans,G, HR-A) ; « bon c’est tous des copains qui ont fini et moi qui continue motivé quoi (plusâgés ?)… oui, ils sont souvent plus âgés (influencent-ils ton brossage ?) … ah oui ça c’estclair… c’est pas vraiment l’influence quoi… c’est que tu les vois… enfin moi je m’entends bienavec eux, on s’amuse super bien ensemble… ben bon quand je les vois je préfère allerm’amuser avec eux plutôt qu’aller me faire chier au cours… c’est clair mais c’est pas vraimentà cause d’eux… c’est clair que s’ils avaient continué à aller à l’école, je brosserais moins (Ie,17 ans, F, D) ; « j’ai fait vraiment une année où j’ai rien foutu… rien du tout… ma 4ème… jefaisais chier pas mal les profs… pas sécher parce que ça… ça ne m’intéresse pas et puis j’aiété dégoûté parce que fin de l’année j’ai quand même essayé de retravailler et puis j’ai eu mesexamens de Pâques… là je les ai loupés… alors du jour au lendemain j’ai arrêté… et puis aprèspour le mois de juillet, j’ai commencé à travailler avec un contrat… (voyais-tu tes copainspendant cet arrêt ?) … oui bien sûr quand ils ont congé… de toute façon j’étais quand mêmebeaucoup à Huy malgré tout, je venais quand même à Huy passer le temps quoi mais je restaisquand même beaucoup chez moi la journée parce que les copains avaient école…. oui, ce n’estpas la même chose… tu perds quand même des amis depuis que tu n’es plus à l’école » (Y, 18ans, G, HR-A) ; « moi j’allais voir des copains.. moi j’allais chez un copain qui lui n’allait pasà l’école…. j’allais parfois au café avec des copines pour boire un verre… (désavantages àarrêter l’école ?) … déprimant car on voit les autres autour de nous qui vont à l’école… surtoutles copines… ce qui m’ennuyait c’est que la journée je n’avais pas grand chose à faire et que jene pouvais pas aller les voir parce qu’elles étaient à l’école… je les voyais après l’école ou leweek-end… et pendant la journée non…la plupart de ceux que je connaissais allaient àl’école… moi je connaissais 1 ou 2 garçons plus âgés que moi, qui n’allaient pas à l’école pourd’autres raisons… et ça, ca m’a influencé aussi de voir des autres qui n’avaient aucunecontrainte » (G, 20 ans, F, D).

Entre le jeune et ses amis, un rapport d’influences réciproques se construit bien souvent autourde l’absentéisme, qui va lui-même influencer l’intégration familiale et scolaire du jeune. Celui-ci a d’autant plus de poids s’il s’effectue avec des pairs, eux-mêmes, en décrochage ou libérésde toute obligation de scolarité. Il s’avère être, dans ce cas, une des composantes majeures quifavorisent et renforcent le décrochage du jeune. En fait, plus cet entourage amical prendd’importance, plus il structure les comportements du jeune et ceci au détriment de l’école et dela famille. Le jeune pouvant en arriver à passer la majeure partie de son temps libre et libéré en

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compagnie de ses amis. Ce qui se concrétise bien souvent par l’apparition d’un mode de vieinadéquat par rapport à cette insertion ; mode de vie qui est d’autant plus attirant pour le jeunequ’il est associé à de l’amusement mais qui, dans un même temps, renforce le mal-être du jeuneet son « inadaptation » sur le plan scolaire et favorise l’adoption de comportements à risque.

« je pense que c’est par rapport à la rue qui… ils sont désorientés, ils n’ont plus le même cyclede vie qu’un élève normal en fait qui se lève à 8 heures et qui va dormir à 10… 11 heures dusoir… c’est un élève normal…. c’est pas comme un élève qui va s’endormir à 1heure … 2heures du matin et qui doit se lever à 8 heures du matin… bon 1 fois… 2 fois puis après il seravraiment cassé… il ne sera plus capable de suivre une journée de cours… il est vraimentdésorienté dans sa tête surtout… et par rapport à ça je pense… de ça il est déjà démotivé en faitparce qu’un élève qui est motivé, il va se dire bon demain j’ai école… ce serait bête de rater lescours, je vais aller dormir plus tôt » (F, 18 ans, G, PE)

Dans le cas contraire, cet entourage agit comme un adjuvant de la fréquentation scolaire à partirdu moment où le brossage ou l’arrêt de scolarité se concrétise au détriment de celui-ci. Ledécrochage est, dans ce cas, davantage associé à une perte au niveau de l’entourage amical et àla transformation progressive du temps libéré à un temps d’ennui.Il est important de souligner deux éléments, établis sur base de l’échantillon de populationrencontré, se rapportant aux liens entre l’univers familial et social. Le premier, c’est que nousn’avons pas rencontré de jeunes combinant une intégration familiale forte à la fréquentation dejeunes en décrochage. Le deuxième, c’est qu’une intégration familiale faible n’entraîne pasnécessairement l’établissement de relation avec d’autres brosseurs.

Ainsi, l’adoption de comportements à risque par le jeune en décrochage semble répondre à deuxconditions :

- une faible intégration familiale- une fréquentation de pairs adoptant ce type de comportements

Or, la plupart des jeunes de notre échantillon semblent remplir ou avoir rempli ces deuxconditions.

5.1.3.2 L’influence sociale et familiale sur le décrochage :

La situation la plus souvent rencontrée chez les jeunes interrogés prend la forme d’undécrochage qui est associé d’une part, à une intégration familiale faible ou partagée et d’autrepart, à un entourage social partageant, partiellement ou totalement, une situation analogue. Dansce cadre, l’influence des pairs sur l’absentéisme paraît particulièrement importante. Il estcaractérisé par une dimension plus collective et plaisante et prend la forme d’un brossagefréquent suivi, dans certain cas par un arrêt, volontaire ou involontaire, de la scolarité. On peutémettre l’hypothèse que c’est dans cette forme d’absentéisme que le jeune risque de développerle plus aisément des comportements à risque au niveau de sa santé physique (alcool, tabac,cannabis, etc.) et de sa santé psychosociale (vandalisme, délinquance, etc.).

Faible intégration familiale

Décrochage : comportements à risque

Pairs non scolarisés

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Une autre situation rencontrée fréquemment est un décrochage plus exclusivement marqué parune mauvaise insertion familiale. Dans ce cas, l’influence sociale est moindre et cette insertionjoue souvent un rôle plus important dans l’absentéisme. Le décrochage est vécu de manière plusindividuelle et ennuyeuse et prend habituellement la forme d’un abandon non précédé debrossage. Il apparaît plus volontiers comme étant, en l’absence de contrôle parental, unedécision personnelle du jeune. On peut formuler l’hypothèse que, dans cette optique, ledécrochage engendre davantage de risque sur le plan de la santé psychique (solitude, mal-être,dépression, etc.).

Faible insertion familiale

Décrochage : isolement, ennui

Pairs scolarisés

Enfin, une situation minoritaire dans notre échantillon, où le décrochage se combine avec uneintégration familiale forte et un entourage social ne partageant pas une situation analogue. Dansce cas, c’est essentiellement la mauvaise intégration scolaire ou une décision familiale quidétermine l’absentéisme ; couvert, intentionnellement ou non, par les parents. Il se caractérisepar un brossage plus occasionnel ou par un arrêt immédiat mais, souvent, limité dans le temps.

Dans cette perspective, on peut supposer que le décrochage provoque moins de problèmes enterme de santé.

Forte insertion familiale

Décrochage moins problématique

Pairs scolarisés

Il est donc nécessaire de considérer le jeune comme étant au centre de ces trois pôles desocialisation que sont la famille, les amis et l’école. Pôles qui dans un processus d’échangesavec le jeune vont venir influencer ses comportements et son mode vie qui vont, à leur tour,produire un effet de feed-back sur ces pôles. Dans ce réseau d’interactions, la composantescolaire étant, généralement, la plus déterminante en ce qui concerne le décrochage dans lamesure où elle est commune, à une exception près, à tous les cas rencontrés.

FAMILLE AMIS

Jeunes

ECOLE

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Ces diverses situations reflètent un décrochage engendrant ou non des problèmes en matière desanté physique et psychique. Il reste à voir si le décrochage en lui-même ne traduit pas destroubles en matière de santé.

5.1.4 L’insertion scolaire :

Jusqu’à présent notre propos c’est surtout centré sur les déterminants externes à l’école quiinfluençaient le décrochage sans approfondir celui qui nous apparaît le plus prépondérant :l’insertion scolaire. En effet, divers éléments internes à l’école et à son organisation vont venirfavoriser l’abandon et l’absentéisme scolaire. Ils se combinent souvent entre eux et varientd’intensité selon les spécificités des jeunes. Ils influencent cette insertion et déterminent lamotivation de l’élève à poursuivre son cursus scolaire.

5.1.4.1 Le problème de l’orientation :

De nombreux jeunes soulignent, dans leurs discours, que c’est bien souvent une mauvaiseorientation qui les amène à arrêter l’école ou à s’en absenter régulièrement. Quant ce problèmese présente, l’école est alors essentiellement vue comme une perte de temps et, plus rien, nemotive le jeune à continuer. Le jeune se retrouve désorienté par rapport à sa scolarité marquée, àce moment-là, par son absence de sens. Dans ce problème d’orientation, trois cas de figure vontse présenter qui vont venir influencer l’importance du décrochage scolaire du jeune :

- le décrochage en attente du changement d’orientation ;- le décrochage comme résultat de l’impossibilité de changement d’orientation ;- le décrochage comme résultat de l’incertitude de l’orientation choisie.

- le décrochage en attente du changement d’orientation :

Dans le premier cas, le jeune arrête de fréquenter l’école le temps de pouvoir s’insérer dansune voie qui lui convient. A ce niveau, l’arrêt de scolarité sera limité au temps qu‘il lui fautpour changer d’orientation c’est-à-dire, habituellement, à la prochaine rentrée. Ledécrochage s’inscrit dès lors dans un projet pour l’année suivante.

« c’est ça que je me disais aussi parce que je suis ici (en 5ème générale) d’accord… onrigole bien et tout ça, on s’amuse mais plus tard qu’est-ce que je vais foutre quoi… parceque maintenant je sais encore m’amuser, rigoler aussi et même un peu plus fort à lalimite… j’ai quelque chose devant moi… à l’école je ne savais pas où j’allais… j’ai arrêtéde février à juin et en septembre j’ai commencé le contrat » (D, 18 ans, G, HR-A).

- le décrochage comme résultat de l’impossibilité de changement d’orientation :

Dans le second cas, le problème d’orientation semble d’autant plus important que celui-ci secombine, pour le jeune, avec un éventail de possibilités déjà restreint au départ de sasituation actuelle. Il ne se sent plus du tout acteur de sa scolarité dans la mesure où sonparcours scolaire n’est pas le résultat de son choix. Ce qui se révèle particulièrement vraipour ceux qui fréquentent une filière professionnelle qu’ils n’ont pas désirée. Pour eux, cetteabsence de maîtrise par rapport à l’institution scolaire se vit comme allant à l’encontre deleur projet d’avenir. Le jeune risque dès lors de développer un sentiment de révolte à l’égardde cette institution.

« moi personnellement si j’ai arrêté l’école c’est à cause de l’orientation quoi… on m’aorienté vers des trucs… des cours, des trucs que je n’avais vraiment pas envie de faire… en

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fait moi je voulais continuer en général et en 2ème… je ne sais plus comment… oui j’avaisdoublé ma 2ème et on m’a fait passer automatiquement en professionnel et je ne pouvaispas faire grand chose, je ne pouvais pas continuer dans l’enseignement général… moi ceque je voulais c’était le général et on m’a dirigé vers le professionnel mais… je n’en avaisplus rien à foutre de l’école à ce moment-là… on m’a empêché, on m’a interdit de faire ceque je voulais » (I, 18 ans, G, D)

- le décrochage comme résultat de l’incertitude de l’orientation choisie :

Dans le troisième cas, le jeune ne fréquente pas assidûment sa formation parce que l’optiondans laquelle il se trouve ne lui plaît pas. En même temps, il ne sait pas lui-même, quelleoption choisir et essaye d’en trouver une qui lui conviendrait. Cette situation d’incertitudel’amène à changer constamment d’orientation et d’établissement scolaire.

« moi je ne travaille pas encore, moi je suis venu un peu avant le milieu de l’année… aumois de novembre… moi je cherche du travail mais menuiserie je n’aime pas… je ne saispas ce que je suis venu me foutre ici… je vais changer… moi mon vrai boulot que je vaispratiquer plus tard, c’est la carrosserie … en fait je vais demander si après les vacances…si je peux faire un essai en vente pour essayer, voir si j’aime bien et tout… c’est pas ce qu’ilme faut… ça sert à rien je perds 1 an, je suis en train de perdre 1 an » (Z, 16 ans, G, D).

Ce problème d’orientation est ainsi particulièrement préoccupant dans le second cas puisque lejeune ne voit aucune possibilité lui permettant de le solutionner. Il risque dès lors de développerdes conduites agressives au sein et en dehors de l’école. Quant au troisième cas de figure, ilapparaît souvent comme une situation à l’interstice des deux autres. En effet, il touche plusfortement les plus jeunes et peut tantôt se muer vers une situation plus stable, tantôt conduire àcette impossibilité de choix.A souligner également qu’une partie des jeunes estiment que le choix d’une orientations’effectue, parfois, à un âge où le jeune n’est pas apte à comprendre.

5.1.4.2 L’échec et le retard scolaire :

La plupart des jeunes rencontrés ont un parcours marqué par l’échec et le retard scolaire. Cesdeux éléments apparaissent ainsi particulièrement déterminant pour le jeune dans le processusde décrochage. En effet, ceux-ci ont un poids important tant sur le parcours scolaire du jeune et,donc sur son orientation, que sur l’estime que le jeune a de lui-même ou sur les relationsentretenues avec les professeurs et les autres élèves. Ils s’insèrent ainsi comme des élémentsfavorisant le détachement psychique du jeune par rapport à sa scolarité.L’échec est aussi, quant le jeune le ressent comme prévisible, une des causes de l’absentéismeou de l’arrêt de la scolarité. Le décrochage s’inscrit dès lors dans un comportement de fuite ettraduit également un manque de confiance du jeune dans ses capacités d’apprentissage.

« (raisons de ton arrêt scolaire ?) j’en avais marre et je savais que j’allais avoir des examens derepêchage » (St, 19 ans, G, HR-A) ; « (raisons du brossage ?)on a des trucs à étudier et on n’apas étudié alors on n’a pas envie d’aller à l’école » (W, 18 ans, F, D) ; « tu vois des fois onbrosse parce qu’on a doublé maintenant et on tombe dans une classe de gamins où il y a desgens plus petits que toi et tout ça et eux ils disent des conneries et ça te travaille tu vois… aprèstu en as marre, tu ne veux plus y aller, tu es dégoûté tu vois et c’est ça le problème » (J, 19 ans,G, D) ; « moi j’ai des filles de 14 ans dans ma classe… des filles de l’âge de ma sœur maisqu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça … tu te rends compte » (C, 18 ans, G, PE) ; « moi jeme suis dit comme je vais rater mon année donc je vais arrêter… et je vais chercher un travailet je vais mettre un peu d’argent de côté et tout ça pour… donc l’année prochaine, je reprendsles cours mais là je vais trouver un petit job le soir » (A, 19 ans, F, D) ; « si je rate l’annéeprochaine, j’arrête quoi… je suis motivé et tout mais je crois que je devrais trouver une autre

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solution parce que j’en ai quand même marre des cours… le seul truc qui me pousse à l’école,c’est justement d’avoir fini » (Ie, 17 ans, F, D) ; « on recherche quelque chose, une branchedans laquelle on pourrait s’adapter mais bon quand on est perdu déjà on ne sait déjà pas quoifaire… on n’a pas le choix parce que… alors on est désorienté, on voudrait faire ça mais on apeur que ça rate de nouveau… on voudrait faire ça mais on a peur » (F, 18 ans, G, PE).

5.1.4.3 Le rapport professeur-élèves :

La relation qui s’établit entre les jeunes en décrochage et une partie du corps professoral sembleparticulièrement problématique. Cette difficulté relationnelle, bien que généralement limitée àquelques enseignants, témoigne de la présence de problèmes psychosociaux. Elle joue ainsi unrôle fondamental dans l’insertion scolaire du jeune qui se sent souvent traité injustement. Enschématisant nous avons, d’un côté, le jeune qui s’absente régulièrement des cours et quand, ilest présent les perturbe et, de l’autre côté, le professeur qui exerce sa profession en stigmatisantet en excluant ces éléments perturbateurs. Dans ce conflit symbolique opposant « décrocheur-professeur », le premier se sent souvent dans la peau du perdant et voit le second comme étantcelui qui tient les rennes et qui désapprouve son comportement, voire qui exerce une violenceverbale et qui leur renvoie une image dégradante d’eux-mêmes. Il est d’ailleurs frappant deconstater qu’une bonne partie des jeunes voient dans l’attitude de certains professeurs une desorigines principales de l’absentéisme et de l’abandon.

« … pas en allant tous les jours (à l’école)… en allant de temps en temps et bon tu vas àl’école… tu déconnes, tu ennuies les profs… tu es là et tu fous la merde… donc la premièrechose tu es mal vu… le prof pendant toute l’année, il ne te rate pas… quand il y a quelquechose, c’est pour ta pomme… pourquoi ? parce que c’est toi qui as été mal vu en premier…donc par rapport à ça quand tu veux faire un effort en fait tu parles avec le prof… mais aprèsça c’est toi quoi… tu as fait la connerie, bon ben il ne te rate pas … toute l’année, c’est toi lacible, tu as beau faire des efforts des fois… c’est comme si tu avais toujours quelque chose quite disait non…qui était au-dessus d’une échelle et qui te repoussait, qui te disait non descend ettoi tu dois essayer de vaincre cette personne qui est au-dessus de toi et d’aller te mettre au-dessus d’elle … de la pousser et de la faire tomber avant qu’elle te fasse tomber… bon quandt’as quelqu’un de beaucoup plus fort… comme un professeur où même ta parole contre lasienne ne vaut rien… c’est de lui que dépend ta réussite et par rapport à ça tu as au-dessus detoi une personne qui est beaucoup plus forte que toi… tu dois te dire que tu dois avoir le doublede la force que lui il a et que tu ne dois pas jouer au même jeu que lui… bon tu peux l’avoir surquels points… je dois aller régulièrement au cours, je dois suivre les cours, je dois avoir de trèsbonnes notes et par rapport à ça peut-être qu’il va m’oublier mais c’est pas sûr… tu es toujoursmal vu quoi mais c’est ça qui te dégoûte à l’école » (F, 18 ans, G, PE).« ils (professeurs) nous découragent, ils nous disent vous… vous n’allez arriver à rien, vousn’allez faire rien.. vous êtes des incapables… il y a des profs qui nous provoquent… il y a desprofs qui nous disent le jour où quelqu’un me frappe, je suis en congé et vous allez payer toutevotre vie » (L, 19 ans, G, PE)

Dans cette relation problématique, deux éléments apparaissent comme particulièrementimportants lorsqu’ils interviennent dans le processus du décrochage :

- la relation de dépendance à l’égard des professeurs ;- l’anxiété des jeunes par rapport à certains cours

- relation de dépendance :

Le premier élément se situe dans le fait que des jeunes ne se sentent aucunement maître de leurscolarité. Il en ressort une profonde démotivation et incompréhension envers l’institutionscolaire. Dans ce cadre, les professeurs, au service de l’institution scolaire, sont souventperçus comme les personnes déterminant l’itinéraire des jeunes. Le sentiment de dépendance

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qu’il en découle est souvent mal vécu, voire ils amènent certains jeunes à considérer lesenseignants comme étant en partie responsable de leur situation.

« maintenant ils on fait un nouveau système en humanité… de 1ère en 2ème tu passes d’officemais si tu doubles ta 2ème, on te met directement en professionnel et ça ce n’est pas bien… deplus en plus les profs te mettent en professionnel…maintenant, par exemple, il y a un jeune…il a des problèmes avec ses parents ou bien c’est l’adolescence tu vois, quand tu es adolescenttu fais des conneries et maintenant il ne travaille pas bien toute une année pourtant c’est untrès bon élève… ils vont le mettre en professionnel, ils vont lui enlever toutes ses chances deréussir… et ils vont faire quoi… coiffure ou bien plomberie ou bien mécanique et çafranchement ce n’est pas bien parce qu’ils gâchent toutes les chances des jeunes qui sontintelligents… ce n’est pas bien parce qu’ils sont déjà dégoûtés… après ils vont encore êtreplus dégoûtés et ils vont encore plus brosser et vont encore arrêter l’école après » (T, 18 ans,G, PE) ; « moi j’ai chaque fois été dans la classe où on m’a dit d’aller » (Hv, 17 ans, G, D).

- anxiété des cours :

Le deuxième élément provient du fait que de nombreux jeunes éprouvent des difficultésimportantes à suivre certains cours qui sont bien souvent, pour eux, une source de tensions etde stress. Au point que certains organisent leur absentéisme, en partie, en fonction de ceux-ci ;comportement qui va venir renforcer l’intensité de la situation conflictuelle. Si tous les jeunesn’arrivent pas à un tel point, la plupart affirme connaître des problèmes avec les professeursdans la mesure où ils se sentent exclus, non respectés et stigmatisés par une partie d’entre eux.Ce qui peut, notamment, dégrader l’image que le jeune a de lui-même. Il est à noter que, outrel’absentéisme, les problèmes disciplinaires et l’échec, l’inscription tardive ou le changementd’orientation en cours d’année semble favoriser une telle situation. En effet, ces diverséléments semblent être à l’origine de l’image négative qu’ils peuvent avoir auprès deprofesseurs ; image qui semble particulièrement difficile à redorer.

« j’étais ici à côté mais lui (le professeur) il ne savait pas, il pensait que j’étais parti dehors,que j’étais retourné chez moi et j’étais ici à côté et je l’entends et il dit oui les encombrants ettchic et tchac… il dit que je suis un encombrant dans la classe… il a de la chance que c’étaitici à l’école, il n’a pas à dire ça… c’est un prof mais le jour où je vais le voir dans la rue et jeserais énervé, il va prendre des claques quoi parce que moi on ne me parle pas comme ça, jene suis pas un encombrant… moi je respecte les gens pourquoi les gens ne me respectentpas… c’est vrai que des fois je les fais un peu chier quoi tu vois (Hv, 17 ans, G, D) ; « si jebrosse… c’est souvent le prof, celui qui ne m’aime pas et, en plus de ça, c’est mon titulaire et« toutes » les après-midi je l’ai… par exemple, moi je suis arrivé en retard en classe parcequ’au début j’étais encore en imprimerie… et au début je posais des questions et tout et à uncertain moment il m’a fait ouai tu devrais faire ça et me laisser travailler… je demandais pourpouvoir récupérer… il ne voulait pas… je voulais trouver un copain pour qu’il me disecomment faire… il me dit pourquoi tu parles et après ça j’ai des mauvais points… parexemple dès que je demande quelque chose le prof il commence à s’exciter, il cherche lemoindre truc que je fais, il cherche… il a toujours un œil sur moi… je me dis je vais aller àl’école toute la journée mais une fois que je suis en classe je dois partir… j’en ai marre de ceprof » (N, 17 ans, G, D) ; « c’était à l’école parce que le prof… le premier jour que je me suisrappliqué, il ne m’a pas saqué et je ne l’ai pas saqué… alors après un moment je n’allais plusquoi… les cours de restauration je n’allais pas quoi mais les cours… français, histoire et toutça, j’allais.. ce n’était pas un problème…je commençais à travailler, j’étais fier, j’étaiscontent mais le prof de cuisine ça ne passait pas… le premier jour que j’arrive, je dis jepourrais avoir mes feuilles parce que j’étais arrivé un mois en retard à l’école…je pourraisavoir mes feuilles… ah mais tu n’as qu’à te démerder si tu arrives en retard tu ne vas paspouvoir avoir les feuilles, tu ne vas pas commencer à foutre la merde et ci et là… » (I, 18 ans,G, D) ; « en fait ce n’est pas vraiment de notre faute… franchement parce que si les profs… tu

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vois, par exemple, si les profs ils parleraient gentiment comme ils parlent entre collègues…s’ils parlaient gentiment avec du respect et ils ne commencent pas à lâcher des mots quivexent, il n’y aurait pas de problèmes…maintenant, par exemple, un prof qui vient chez nouset qui fait ouai « tais-toi »… on ne va pas accepter, on ne va pas parce qu’on va se sentirvexer … alors notre première réaction… enfin moi ma première réaction ce sera de frapper leprof… je ne vais pas chercher à comprendre» (T, 18 ans, G, PE) ; « il y a aussi despréférences… on préfère tel ou tel élève qu’un autre… ça c’est pas bien parce qu’on se sentrejeté » (J, 19 ans, G, D) ; « c’est tu vois… quand tu fais chier ton monde, les profs ils teparlent méchamment, ils n’essayent même pas de comprendre pourquoi tu fais ça et quand tuparles gentiment, les profs, ils sont derrière toi, ils sont comme des lèches-culs tu vois… maintenant moi j’essaye d’être un peu gentil tu vois… ne plus rien dire…maintenant les profsils sont trop gentils avec moi… d’un côté c’est normal mais d’un autre côté quand tu es excitépourquoi ils ne viennent pas chez toi et ils te parlent pourquoi tu es excité, pourquoi tu faisci… non directement ils n’essayent même pas de parler avec toi… ils te considèrentdirectement comme un type qui fout la merde, donc ils te mettent sur le côté » (C, 18 ans, G,PE)

Il est à souligner que si ce type de relation amène certains à développer des conduites agressiveset antisociales en classe, le brossage peut aussi être un moyen pour le jeune d’éviterl’impulsivité de telles conduites. L’absentéisme, dans ce cas, se révèle comme un remède pourle jeune et joue un rôle préventif contre le développement de telles conduites dans le cadrescolaire.

« je me dis que ce prof va me poser la parole d’une manière que je ne vais pas aimer… jepourrais faire une connerie… lui frapper dessus… le jour où je suis très énervé, je préfèrerester chez moi » (L, 19 ans, G, PE)

5.1.4.4 L’ « exclusion » scolaire :

Pour de nombreux jeunes, l’arrêt de la scolarité est loin d’être vécu comme un choix de leurpart. Dans cette perspective, trois cas de figure se révèle :

- l’obtention du statut d’élève libre- le renvoi- l’obtention de la majorité

Pour quelques jeunes rencontrés, l’obtention du statut d’élève libre les a amené à arrêter leurscolarité avant la fin de l’année. A ce niveau, il est important d’effectuer diverses remarques serapportant à la gestion de ce statut.Premièrement, selon un membre du personnel du Conseil de l’Aide à la Jeunesse del’Arrondissement de Bruxelles, environ un tiers des écoles de cet arrondissement ne déclare pasl’absentéisme de leurs élèves.Deuxièmement, les écoles ne gèrent pas de la même façon ce statut. Certains élèves libres sontsoumis à des dérogations alors que d’autres ne le sont pas.Troisièmement, certains élèves évitent ce statut en faisant couvrir leurs brossages.Il existe donc une inégalité entre les élèves brossant avec une certaine régularité les cours.

« j’ai pas été au cours 2… 3 jours, par exemple… le 3ème jour je vais chez le médecin et je lui disje suis vraiment malade, malade et quoi… et il me fait pour les deux autres jours… je joue lacomédie par rapport à ça… et je connais des médecins qui font des certificats pour 2… 3semaines… 4 semaines sans problèmes, il suffit d’allonger les billets… ça ne coûte rien tu payesune ou deux consultations… ça dépend de combien de semaines tu veux ou quoi et voilà…j’aidéjà été convoqué au commissariat pour ça (absentéisme)justement… en fait j’étais licencié etje me suis fait attrapé … je n’avais pas de preuves sur moi… en fait ils (policiers) ont téléphoné

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à l’école et ils ont demandé si j’avais cours ce jour là, ils(à l’école) ont dit non comme quoi leprof était absent et par rapport à ça ils(policiers) ont aussi demandé les journées d’absence etc’est par rapport à ça que j’ai eu des problèmes… j’en avais 33 en début d’année quoi… aprèsça je n’ai plus rien eu quoi… une fois encore j’ai été convoqué mais par rapport à ça j’ai eu dela chance parce qu’il y avait un éducateur.. . je ne sais pas s’il l’a fait exprès ou quoi mais… enfait j’étais à 33 et j’avais encore des demi-journées d’absence par après et tout… certifié et lamoitié où il n’y avait pas de motif en fait et je ne sais pas s’il l’a fait exprès ou quoi mais bon ila redit 33… il a dit 33… c’est retomber… par rapport à ça, ils (policiers) en ont déduit que jesuivais les cours régulièrement et voilà je n’ai plus eu de suite » (F, 18 ans, G, PE) ; « (raisonsde ton arrêt ?) élève libre… 108 jours d’absence » (S, 17 ans, G, PE) ; « (raisons de tes arrêts ?)« ça m’est arrivé de ne pas passer mes examens de fin d’année… deux fois parce que je n’étaisplus… j’étais élève libre, j’étais élève libre » (Ny, 19 ans, G, D) ; « moi j’ai été élève libre maisils ont accepté une dérogation mais j’ai brossé quand même » (B, 18 ans, G, PE) ; « (fréquencede ton brossage ?) « ben au début de l’année j’ai été 3 jours à l’école, c’est tout (sur combien detemps ?)… 3 mois.. c’est pas du brossage, c’était carrément fini… (problèmes pour brossage ?)..cette année-ci, ils ne m’ont pas ennuyé jusqu’ici… jusque maintenant mais le problème c’estqu’il y a eu un changement de Direction et du coup le nouveau Directeur a pris mon cas enmain… j’ai trop d’absences et d’après ça, il m’a dit ça ne va pas et qu’il fallait duchangement… enfin bref quand j’ai été cherché mon bulletin, ils m’ont dit que j’avais plus de20 demi-jours… en fait je suis considéré comme élève libre et si je vais bien au cours pendant 2mois, je suis de nouveau plus élève libre… apparemment c’est d’après la motivation del’élève… il m’a dit que c’était totalement réversible quoi mais j’ai intérêt à aller tous les jourssi je veux réussir mon année » (Ie, 17 ans, F, D) ; « ah oui quand tu présentes un certificatmédical, ça couvre tes brossages… c’est comme si tu n’avais pas brosser en fait… un certificatça couvre, c’est comme si tu étais à l’école… tu es couvert, tu n’auras pas tes 40 joursd’absences » (T, 18 ans, G, PE).

Le renvoi, en cours d’année, est une autre source involontaire d’arrêt de scolarité des jeunes.

« je me suis fait renvoyer et je n’ai pas pu présenter mes examens » (T, 18 ans, G, PE) ; « c’esteux qui m’ont viré en fait (après examen de Noël 98) …j’ai voulu m’inscrire dans d’autresécoles… il n’y a pas moyen… j’ai fais 4…5 écoles et puis.. puis j’ai dit on est déjà au mois demars je vais arrêter l’école quoi… j’avais été à Infor-Jeunes, j’avais expliqué… ils m’ont faitouai, ils n’ont pas le droit, ils n’ont pas le droit et tout mais rien d’autres tu vois… ils ne m’ontpas dit comment je pouvais faire » (I, 18 ans, G, D).

Si une partie des jeunes attendent leur majorité pour arrêter leur scolarité, une autre partie vit lasituation inverse. En effet, ces derniers n’étant plus soumis au droit d’être instruit, ils netrouvent plus d’écoles voulant les accepter. Ce qu’il faut rattacher évidemment au parcoursscolaire problématique qu’ils ont connu dans le passé.

« j’ai pas été inscrit (cette année) parce que je n’ai pas trouvé d’école… ils ne veulent pas…mais moi j’ai fait plus de 10 écoles, il n’y a pas moyen, ils ne veulent plus… j’ai été renvoyéjuste avant les examens de juin (99) … puis plus rien …voilà » (J, 19 ans) ; « il y a plus d’écolesqui t’accepte quoi » (Ny, 19 ans).

5.2 La perception de l’école :

Les représentations que les jeunes ont de l’école vont être à l’origine de l’adoption decomportements qui vont intervenir dans le processus de décrochage. Ces représentations varienten fonction du temps et de l’expérience vécue par le jeune. En ce sens, elles sont en perpétuellesconstructions et sont donc susceptibles de se modifier.

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5.2.1 Le sens de l’école :

Pour une partie des jeunes, l’école est, comme nous l’avons vu, tout à fait inutile et, par la mêmeoccasion, caractérisée par une absence totale de sens. Elle est ressentie uniquement comme uneobligation et non comme un droit.

« moi je suis ici par obligation du juge » (Hv, 17 ans, G, D) ; « moi c’est par obligation de mesparents » (Ic, 17 ans, G, D) ; « moi je dois dire que je viens ici parce que je n’ai pas le choix…je m’en passerais bien… je préférerais rester chez moi bien peinard… franchement » (Ti, 16ans, G, HR-C).

Si cette absence de sens est plus fréquemment présente chez les plus jeunes, pour la majorité desautres, l’école a une signification relativement restreinte. En effet, chez ceux-ci, cette dernièreest exclusivement associée à l’obtention d’un diplôme favorisant l’insertionsocioprofessionnelle. A ce niveau, le paradoxe se trouve dans le fait que, pour beaucoup, cetteécole « diplômante » n’est pas légitimement reconnue comme instance d’apprentissage.

Enfin, pour les derniers, minoritaires, le sens de l’école dépasse ce cadre restreint. Il est tantôtassocier à l’acquisition de connaissances, tantôt à une protection contre les influencesextérieures, tantôt à une ouverture des possibilités, tantôt encore à une occupation.

Toutefois, même si l’école n’a pas toujours un sens restreint ou qu’elle s’inscrit dans un projetd’insertion, elle n’engendre que peu de motivation de la part des jeunes à suivre les cours etceci, d’autant plus que cet avenir se révèle incertain, que le jeune poursuit un cursus scolaire necorrespondant pas à ces attentes ou que lui-même n’a pas de projet précis. Comme le faisaitremarquer, un assistant social s’occupant de jeunes en décrochage scolaire : « les jeunes nesavent pas souvent ce qu’ils veulent mais, au moins, ils savent ce qu’ils ne veulent pas ». Cettesignification souvent restreinte de l’école se voit donc encore entachée, provisoirement outotalement, par divers éléments perturbateurs qui peuvent, le cas échéant, conduire le jeune dansune situation de relative anomie envers sa formation et son avenir socioprofessionnel. Dans cecas, l’école est vécue comme une perte de temps.Il est à noter que l’école n’est pas considérée comme l’unique mode d’apprentissage. Elle estainsi confrontée à d’autres expériences, tant sur le plan social que professionnel, jugées parfoisplus pertinentes par le jeune à partir du moment où elles sont ressenties comme apportant unesatisfaction immédiate.

« tu sais qu’on en a marre de l’école… on en a marre de l’école mais ce qui tue, c’est qu’on ena marre de l’école mais sans diplôme on est rien… franchement sans diplôme on ne peut rienfaire du tout… c’est ça qui tue… un bête bout de papier tu vois… et maintenant tu vois on sort,par exemple, tous de 6ème et on veut tous travailler… d’accord… il y a un belge, il y a lui (noir)et il y a moi (d’origine maghrébine) l’employeur, il va employer qui ?… avec le même diplôme,les mêmes points et tout… c’est le Belge » (T, 18 ans, G, PE) ; « j’étais complètement perdu etbon je me retrouve maintenant en 4ème, j’ai 18 ans bon je me pose des questions… ça metravaille et je suis plus motivé quoi… mais par rapport au cours que je suis, c’est pas tout à faitce que je voudrais quoi… je suis toujours déçu… parce qu’un jeune qui n’est pas motivé qui suitquelque chose, qui lui fait vraiment plaisir… bon ça lui plaît alors déjà dans sa tête… il y a déjàdes connaissances donc il aura plus de plaisirs à faire… qu’un cours qui doit suivre ou quoi…qu’il ne connaît rien… il est un peu perdu et il se dit qu’est-ce que je fous ici ?… j’ai rien àfaire ici en fait… » (F, 18 ans, G, PE) ; « c’est assez compliqué parce que souvent tu ne sais pasce que tu veux à mon âge… c’est rare des jeunes qui disent vraiment j’ai envie de faire ça…etc’est pour ça que c’est dangereux d’arrêter parce bon tu te fermes des portes fatalement tandisque tant que tu vas encore à une école tu ne fermes rien… quand tu arrives en fin de rhéto, si tuas continué à l'école je veux dire tu peux en théorie faire ce que tu veux… tandis que maintenant

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déjà rien que le fait de choisir une option ça te ferme des portes quoi…je veux dire moi je suisen artistique, c’est parce que je sais très bien que je ne vais pas faire le métier de prof et donc situ arrêtes… il y a plein de trucs que tu ne peux plus faire… c’est pour ça que moi j’airecommencé l’école parce que je n’étais pas sûr…mais à côté de ça si maintenant j’arrêteraiset je me lancerais dans la sculpture ou un truc concret… ben je pourrais très bien avoir desavantages en arrêtant tout de suite » (Ie, 17 ans, F, D) « de toute façon ceux qui sont motivéspar l’école, je suis désolé, c’est des fainéants… tu peux parler avec c’est des cons… je voisbien… ils sont motivés par l’école et étudier comme des fous à ne pas sortir et tout ça et ben tuparles avec tu as tout de suite compris… c’est des gens qui ne connaissent rien de la vie » (Y,18 ans, G, HR-A) – « ils sont un peu limités aussi… ils n’ont jamais rien vu, ils ne connaissentrien » (R, 18 ans, G, HR-A) .

5.2.2 L’ennui et la contrainte scolaires :

Pour bon nombre de jeunes rencontrés, l’école et ses règles de fonctionnement en font un lieu devie ennuyeux et contraignant. Il est ennuyeux parce qu’il apparaît comme associé à l’inactivitéphysique (« rester assis », « ne pas bouger », etc.) et contraignant parce qu’il apparaît associé àla discipline et à l’exercice d’une activité mentale pénible et, parfois, vidée de son sens. Cetteperception de l’école semble traduire la présence d’une tendance à l’« hyperactivité » chez unepartie des jeunes en décrochage.Ils ont ainsi en horreur l’école et vivent difficilement le contrôle scolaire qui n’apportegénéralement aucune satisfaction immédiate, voire leur renvoie une image dévalorisante d’eux-mêmes. Cette contrainte se ressent comme d’autant plus forte que le jeune peut, par le biais deson entourage amical, expérimenter des relations moins contraignantes, moins contrôlées et plusvalorisantes.

5.3 Le sens du brossage :

Le brossage constitue généralement, aux yeux des jeunes, une conduite « transgressive » que cesoit par rapport à l’institution familiale ou par rapport à l’obligation scolaire. Elle est doncsource d’une désapprobation qui doit être compensée par d’autres satisfactions. C’est ainsi quecette conduite semble s’inscrire dans différentes logiques compensatoires qui ont toutes encommun l’immédiateté de leur apport. En effet, elle exprime tantôt un comportement hédoniste,tantôt une échappatoire, tantôt une déviance qui peuvent se combiner les unes aux autres avecplus ou moins d’intensité. Cette compensation se trouve également légitimisée par l’approbationdes pairs. Si le brossage ne s’insère dans aucune de ces logiques, il n’a pas lieu d’être puisqu’iln’est que désapprobation.

« moi je sais que si j’avais brossé les cours, mes parents auraient été vraiment vexés… ilsauraient pris ça comme si je me foutais un peu de leur tête quoi… moi je préférais avoir unebonne relation avec mes parents et même s’il fallait arrêter… faire ça convenablement et pasrigoler quoi…ça m’est déjà arrivé une fois ou l’autre (de brosser) comme ça pour aller boire unverre avec un copain… à la limite pour le plaisir de se tailler… à la limite ça ne m’apportaitrien… moi je ne sais pas j’aime bien d’être un peu sérieux quand il fallait l’être, j’aime bien deguindailler aussi mais je me dis que quand on va à l’école, il faut aller à l’école… ce n’estmême pas la peur de l’interdit parce qu’à la limite ça ne m’attirait même pas… il n’y avaitmême pas des copains… ils y en avaient peut être 2… 3 qui allaient venir avec moi amis cequ’on allait faire, c’est être mal vu dans l’école, ça serait d’être gamin de merde… ce seraitd’être vu comme des gamins de merde » (D, 18 ans, G, HR-A) ; « (pourquoi certains jeunes nebrossent pas ?) .. ; peur de l’interdit, pour moi c’est ça… je ne sais pas moi j’aime bienl’interdit » (R, 18 ans, G, HR-A) « (pourquoi certains jeunes ne brossent pas ?) .. parce que

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c’est des fils à papa » (Ny, 19 ans, G, D) ; « (pourquoi certains jeunes ne brossent pas ?) il y ades jeunes qui sont vraiment intéressés par les cours ou bien ils sont peur de se faire engueulerpar leurs parents » (H, 16 ans, F, D) ; « ce sont des lèches-culs… tous des lèches-culs… ça jen’aime pas » (Av, 15 ans, G, D).

5.3.1 La perception hédoniste de la jeunesse :

Pour une bonne partie des interrogés, être jeune s’est fait pour s’amuser et pour se faire plaisir.Dans cette logique, le jeune se met en disponibilité pour toute expérience qui présente un attrait.De manière plus spécifique, les comportements non respectueux des règles de la classe et lebrossage acquièrent un statut normatif dans la mesure où ils sont une réponse immédiate à cedésir d’amusement et de plaisir.Cette image du jeune se retrouve bien dans la situation actuelle des plus jeunes et,habituellement, dans la situation passée des plus âgés. En ce sens, l’association jeunesse-plaisirsemble donc, bien souvent, perçue comme limitée à une période précise de l’adolescence. Il estaussi frappant de constater que le plaisir à l’école est un élément cité souvent par les jeunes quin’ont pas brossé les cours ou qui l’ont fait de manière occasionnelle.Cette représentation hédoniste de la jeunesse les amène à adopter des comportements à risquepour leur santé physique (alcool, cannabis, etc.) et psychosociale (vol, vandalisme, etc.). Pourcertains, il s’agit d’un mode de vie à part entière alors que pour d’autres, il s’agit d’un mode devie passager qui peut, parfois, être source de regret lorsqu’il est ressenti comme compromettantleur insertion actuelle.

« il faut s’amuser (en brossant) parce que l’école c’est chiant… je rigole souvent parce que jesuis toujours dans les cafés et tout ça… je sors souvent en boite parce que j’aime bien rire… tusais on fait des petites conneries et on rigole… j’aime bien rire et quand tu arrives ici c’est… tune peux pas rigoler… là où je travaille, c’est cool… je rigole avec eux mais à l’école c’est aïe…aïe… même si tu ne fais rien ils t’engueulent… je fume depuis l’âge de 12 ans… j’en ai 17… jesuis monté de temps en temps (en Hollande)… c’est quand j’ai envie de déconner mais c’estplus souvent à l’alcool qu’à tout ça…. tant que tu es jeune, il faut en profiter pour déconner…pour s’amuser parce qu’après c’est pas la même chose » (Bm, 17 ans, G, HR-C) « pourl’instant je ne brosse pas mais avant je brossais pour m’amuser… j’allais au café souventl’après-midi… et parfois j’y allais parfois déjà le matin… moi déjà on m’installait toujours aufond de la classe… c’était pas une préférence parce qu’on ne va rien voir… à l’école on nerigole pas et moi j’ai toujours aimé rigoler et j’ai l’impression que j’ai toujours plus rigolé queles autres » (V, 21 ans, F, HR-A) ; « si je ne brossais pas à l’école c’est parce que je m’amusaisvraiment super bien… je ne foutais rien ça c’est clair… la dernière année surtout… alors jefaisais chier vraiment les profs, je rigolais fort bien avec mes copains et puis ma mère estvraiment fort… fort pour l’école donc je me serais fait tâner si je brossais » (Y, 18 ans, G, HR-A) ; « moi je m’amusais bien mais ce n’était plus… les cours et tout ça ne me convenaient plusquoi » (D, 18 ans, G, HR-A) ; « à 14… 15..16 ans tu as une autre mentalité, tu as un autre modede vie, ça se passe autrement dans ta tête… tu vas à l’école, tu déconnes, tu déconnes, tu dis jem’en fous…tu es encore comme un enfant… c’est vrai que personne n’est parfait surtout quandtu es jeune quoi… tu fais des conneries (sorties la nuit avec des copains, draguer les filles,fumer des pétards..)… parce qu’un jeune il est souvent inconscient de ce qu’il fait… ce n’est pascomme un adulte qui réfléchit autrement… des fois les profs, ils oublient qu’eux aussi ont étéjeunes… qu’ils se sont amusés… ils ne doivent pas oublier… ils sont passés par le même circuitque nous… ils ont vécu, ils ont fait des conneries… » (F, 18 ans, G, PE).

5.3.2 Le brossage comme échappatoire :

L’école étant ressentie comme une contrainte et comme vidée, plus ou moins fortement, de sonsens, le jeune par le brossage fuit cette institution dont il a horreur et dont il se sent, souvent,exclu. Cette logique s’enracine habituellement dans des problèmes d’insertion scolaire quipeuvent, parfois, se combiner, avec une forme de contestation du projet parental. Par le

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brossage, le jeune peut refuser ainsi de suivre les voies que d’autres (parents, système scolaire)ont choisies pour lui et qui ne correspondent pas réellement à ses aspirations ou encore, il peutfuir le plus possible la discipline, les règles et les contraintes scolaires qui lui sontinsupportables. Dans ce cadre, le brossage s’inscrit davantage dans le long terme si le jeune netrouve pas un chemin pour solutionner ses problèmes.Il est à noter que pour échapper à cette contrainte scolaire, une partie des jeunes semblentchoisir une école ou une formation dans laquelle celle-ci est moins prégnante.

« (raisons du brossage ?) au départ c’est plus pour s’amuser qu’autre chose… c’est pas du toutpareil… c’est plus pour s’amuser et passer une après-midi à faire plein de chose qu’aller aucours… ce n’est pas dans la même optique que quand tu en as marre d’aller à l’école… enfin jetrouve » (Ie, 17 ans, F, D) ; « moi quand je brosse c’est un mois… 2 mois, moi je ne fais rien àmoitié.. parce que c’est chiant les profs… ils cassent les couilles » (Ic, 17 ans, G, D) ; « ici çava… on fume un stick à 10 heures… un stick à midi… donc c’est cool, on nous fout la paix… àl’aise…. on fume tous ici… on va au W-C. chacun à notre tour et on laisse le joint pour lesuivant » (Ti, 16 ans, G, HR-C) ; « je vais vous dire ce qui se passe dans mon école… dans monécole il n’y a pas cours… c’est nous qu’on fait la loi dans l’école… c’est la vérité, je parlesérieusement… dans mon école c’est comme ça que ça se passe… c’est nous qu’on décide denos points et c’est nous qu’on décide quand et comment on a cours… comme aujourd’hui, on aeu ½ heure de cours… on est parti sur internet et tout le monde après est rentré chez lui… puisvoilà quoi… il y a trop d’autorité à l’école tu vois c’est pour ça en fait qu’ils se mettent àbrosser ou bien qu’ils frappent les profs tu vois… donc s’ils vont dans une école libre onpourrait dire… ils iraient comme moi tous les jours à l’école (rires, T, 18 ans, G, PE)… uneécole où ils sentent bien… ils sont intégrés quoi, ils sont réintégrés (S, 17 ans, G, PE) ;« retourner dans une autre école, je ne saurais pas, il n’y a pas moyen… en fait j’ai des grosproblèmes avec l’autorité ça c’est très clair… j’ai des problèmes avec les profs et c’estjustement un truc qu’il n’y a pas dans mon école… j’ai pas été au cours… ben il n’y a pas deproblèmes tandis que dans les autres écoles les profs vont t’engueuler et c’est pour ça qu’il n’ya pas de problèmes vu qu’à la limite ils ne te font pas chier pour rien… à la limite si tu ne suispas les cours, ils en ont rien à foutre, ce n’est pas leurs problèmes » (Ie, 17 ans, F, D).

5.3.3 Le brossage comme expression d’une déviance :

Une petite partie des jeunes voient dans le brossage, le moyen d’adopter des comportementsdélinquants et antisociaux. Si cette association entre brossage et délinquance n’est pasmajoritaire parmi les personnes rencontrées, elle n’en est pas moins présente chez quelques-uns.Sur ce point, si les adolescents délinquants ne vont plus à l’école ou s’en absententrégulièrement (C. Blatier, 1999) et si l’inadaptation scolaire accélère le mouvement vers ladélinquance, c’est la fréquentation de pairs délinquants qui influence le plus le passage à l’acte(L.Biron & M. Leblanc, 1981). Dans notre échantillon, les comportements délinquants peuventpoursuivre un objectif hédoniste ou financier.

- « (activités pendant le brossage ?) il va chez sa copine, ou bien il se fait de l’argent, ou bien ilreste à la maison dormir, ou bien il va au Family Game (Luna-Park)… ou bien il va jouer aufoot » (T, 18 ans, G, PE) ;- « (se faire de l’argent ?) … il travaille » (T, 18 ans, G, PE) ;- « (en noir ?) … non, c’est du travail… essaye de comprendre tout seul » (T, 18 ans, G, PE) ;- « en fait il fait des… (S, 17 ans, G, PE) ;- « des agress comme on dit (T, 18 ans, G, PE) ;- « nous on appelle ça des embrouilles… il va voler ou des trucs comme ça » (S, 17 ans, G,PE) ;- « des petits actes de délinquance » (T, 18 ans, G, PE) ;- « (business ?) voilà le business » (T, 18 ans, G, PE) ;- « voilà » (S, 17 ans, G, PE).

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« (activités pendant le brossage ?) l’année passée, c’est des sales activités… c’était pour fairedes conneries quoi… pour rigoler…(conneries ?) … en fait je volais des voitures et je faisais destours avec quoi… pas des grosses voitures plutôt Opel Kadett… je roulais avec, je mepromenais partout » (I, 18 ans, G, D).

Le jeune qui brosse régulièrement les cours s’insère généralement dans l’une ou plusieurs de ceslogiques. Celles-ci peuvent se combiner entre elles et s’interchanger dans le temps. A ce niveau,il apparaît d’ailleurs qu’un séchage, au départ, à caractère hédoniste peut se transformer au furet à mesure en une logique échappatoire. En effet, le brossage en lui-même est source dedésapprobation et de stigmatisation et peut donc, par la même occasion, renforcer l’imagenégative que le jeune a de lui-même. Dans cette hypothèse, le brossage acquiert un statut plusimportant que le jeune a de plus en plus difficile à maîtriser. Il pénètre dans un cercle vicieuxdont il a difficile à s’extirper à partir du moment où il n’a plus la sensation de contrôler sonrapport problématique à l’école.Il existe, également, un point commun à ces différentes logiques qui en renforce l’attraction.Elles sont fortement marquées par le temps présent et ceci, à l’inverse, des conséquences dubrossage qui sont orientées vers le futur. En ce sens, l’absentéisme procure aux jeunes unesatisfaction immédiate, renforcée par l’approbation des pairs. Alors que l’insatisfaction,lorsqu’elle est présente, est différée à plus ou moins long terme. Ce qui laisse entendre que lesadolescents, surtout les plus jeunes, ne se rendent pas toujours compte de la portée de leurs actescommis dans le présent.

« … comme je vous dis le prof quand il colle l’étiquette de mauvais élève sur quelqu’un et bonl’élève… il a une certaine rage contre ce prof, il se dit je vais aller chez lui ce sera encore lamême chose, on va se disputer, je vais avoir des problèmes… bon il faut mieux pas que j’aillechez lui… mais bon ça s’accumule… ça…ça s’accumule… c’est comme ça les brossages et luine se rend pas compte que le prof, il est là, il donne son cours et puis voilà… et lui n’est pas…bon ces absences s’accumulent, s’accumulent… c’est lui qui est dans le caca quoi et après pourrécupérer les cours qu’il n’a pas suivi… bon il doit faire un certain effort et ce courage-là, s’ilne l’a pas, il est perdu quoi.… mais maintenant je ne sais plus quoi faire tu vois parce querecommencer l’électricité, c’est comme si je recommençais à zéro… tu vois ça fait 2 ans quej’ai plus eu électricité… je vais refaire une année, je vais la rater… je n’ai plus… allez… lesmêmes moyens que j’avais avant … de retenir, d’étudier, de comprendre… il faut un petit peude temps pour que je me réadapte … que je me réadapte à l’école… il faut que je me réadaptepour que j’arrive à quelque chose… que j’ai raté… que je n’ai pas fait avec mes absencesquoi… c’est ça qu’il y a… sinon je continue, je ne peux pas laisser tomber… surtout pasmaintenant » (F, 18 ans, G, PE).

5.4 Cas typiques de décrochage :

Afin de mieux comprendre le phénomène du décrochage et d’explorer ces différentes facettes, ilest intéressant de présenter brièvement quelques parcours de jeunes et d’en faire ressortir lestraits principaux.

5.4.1 « D » : le « décrocheur intérimaire » :

Son parcours scolaire n’apparaît pas comme problématique. Hormis le fait qu’il a recommencésa quatrième année dans l’enseignement général, il n’a connu aucun problème scolaire avantd’arrêter. Il n’avait jamais changé d’orientation et d’option, il n’a fréquenté que deux écolesdepuis sa première primaire et il ne brossait jamais les cours. Son entourage amical estmajoritairement constitué de jeunes scolarisés.Arrivé en cinquième à 17 ans, il ne sent plus du tout motivé par sa formation ( « j’avais envie deplus de concret …. les cours ne me convenaient plus…. envie de travailler….), il commence « à

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bâcler l’école », « à ne plus faire ses devoirs » et ne perçoit plus de sens à l’école ( « à l’école,je ne savais pas où j’allais » ).Il décide après les examens de Noël d’arrêter sa scolarité et de reprendre une formationd’apprenti l’année scolaire suivante. Cet abandon est donc provisoire et s’étale de janvier 99 àseptembre 99. Il est pris en accord avec ses parents et le Directeur de l’établissement scolaire.Afin d’être en ordre et de toucher les allocations familiales, il obtient un certificat médical« bidon » qui va couvrir cet arrêt. Pendant ce temps de non fréquentation scolaire, il travaille àla ferme de ses parents. En septembre, il reprend une formation en apprentissage.Pour « D », le décrochage n’a donc été qu’un accident de parcours résultant avant tout d’unemauvaise orientation. En changeant de filière, il a réglé les problèmes qu’il rencontrait sur leplan scolaire.

5.4.2 « F » : le « décrocheur scolaire »

Depuis son entrée dans le secondaire, « F » a un parcours scolaire caractérisé par de nombreuxincidents (échecs, changements d’orientation, d’option) ainsi que par des problèmesdisciplinaires et un brossage s’étalant sur plusieurs années. En effet, après avoir raté sa premièreannée dans l’enseignement général, il a été « obligé » de s’inscrire en 2ème technique. Il a denouveau échoué son année et s’est retrouvé en 3ème professionnelle. Après deux échecsrépétitifs, il se retrouve dans un CEFA. Là il réussit son année et s’inscrit finalement en 4ème

professionnel à la fin du mois de septembre 99.Cette année, il essaye de s’accrocher à sa scolarité en se débarrassant de ses « boulets » (« traîner avec mes copains », « fumer des pétards », « courir après les filles », …) qui ontégayé son parcours jusqu’à présent. Toutefois, même s’il considère l’école comme une« chance » et se dit « motivé » à suivre sa carrière scolaire, il n’y arrive pas vraiment ( « j’avaisraté déjà 25 jours et je n’avais pas les bases et bon j’essayais de me rattraper à gauche, àdroite et bon par rapport à ça… après les absences ont suivi… les petits brossages et voilàquoi » ).

« F » est un jeune en pleine mutation qui regarde avec un œil critique son passé scolaire. Il sedifférencie de plus en plus de ce passé qu’il associe aux termes d’« inconscience », de« conneries », de « perte de temps », d’ « amusements ». Malgré cet état d’esprit, il éprouve unmalaise profond à l’égard de sa scolarité et se sent actuellement « désorienté », « perdu » parceque les cours qu’il suit ne correspondent pas à ses attentes ( « par rapport au cours que je suis,ce n’est pas vraiment ce que je voudrais quoi»), parce qu’il ne se sent plus vraiment adapté àl’école («il faut un petit peu de temps pour que je me réadapte »), parce qu’il manque deconfiance en ses capacités ( « je suis tout le temps déçu…. on voudrait faire ça mais on a peurque ça rate de nouveau »), parce qu’il ne sait pas réellement ce qu’il veut faire ( « on estperdu…déjà on ne sait déjà pas quoi faire »), parce qu’il se sent victime d’injustice et destigmatisation de la part de certains professeurs (« c’est ça qui te dégoûte à l’école… c’estquand tu fais la connerie et après que tu essayes de réparer… tu as les profs qui vraiment tedécouragent….. franchement je ressens encore une haine contre ces professeurs qui collentmalgré tout une étiquette sur ces élèves là (les brosseurs).. c’est vrai que personne n’est parfaitsurtout quand tu es jeune quoi… tu fais des conneries… surtout par inconscience… des fois lesprofs ils oublient eux aussi qu’ils ont été jeunes, qu’ils se sont amusés… ils ne doivent pasoublier »), parce qu’il se sent totalement isolé pour affronter les problèmes qu’il connaît (« il y apersonne qui peut faire quelque chose pour moi… il n’y a que moi qui peut faire quelquechose… qui peut aller suivre régulièrement les cours »)« F » traverse sans doute un moment clé de son parcours parce que tout étant encore en situationde décrochage (il brosse encore souvent les cours mais moins qu’auparavant) et de fragilité(manque d’estime de soi, problèmes d’intégration scolaire, …), il essaye de se reconstruire ets’accroche coûte que coûte à sa formation (maintenant que j’ai 18 ans que je peux arrêterquoi… si je veux j’arrête mais j’ai envie de continuer).

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5.4.3 « Ie »: « la décrocheuse amicale »

Depuis l’année scolaire passée, « Ie » connaît un problème de fréquentation scolaire qui n’a faitque progresser au cours du temps. C’est ainsi qu’entre septembre et fin novembre 1999, elle n’aété à l’école que 3 jours. Elle vient de raccrocher et de passer ses examens de Noël. Ce quicaractérise l’absentéisme d’ « Ie », c’est essentiellement l’attrait d’activités plus intéressantes àréaliser en dehors du cadre scolaire et l’importance donnée à son entourage social ( « quand jeles vois je préfère aller m’amuser avec eux » ). Elle a ainsi adopté progressivement un mode devie qui se combine difficilement avec la fréquentation scolaire ( « c’est bien dur de se leverquand tu es entouré de gens qui ne vont pas à l’école et qui se lèvent 3 heures après » ). Elleapproche de l’âge de la majorité, ne vit plus chez ses parents depuis 1 an et demi et changesouvent de lieu d’habitat ( communauté d’amis, petit ami, grand-mère).Hormis une année recommencée et un changement fréquent d’école, « Ie » appréciel’établissement scolaire qu’elle fréquente et l’option qu’elle suit actuellement ( «il y a vraimentune ambiance assez rare dans une école… par rapport aux profs et aux élèves ça se passevraiment bien… il n’y a pas de discipline parce qu’il n’y a pas besoin d’en avoir… il n’y a pasde chahuts dans les classes» ).Son décrochage semble, chez elle, davantage lié à sa forte intégration sociale bien qu’elleconnaisse également un problème pour se construire un projet d’avenir.

5.5 Le cannabis :

5.5.1 L’usage :

Parmi les jeunes rencontrés, bon nombre paraissent consommer du cannabis. En ce sens, l’usagede cannabis paraît fréquent parmi les jeunes en décrochage. Toutefois, cette consommation nesemble pas constituer un comportement isolé et, pour bon nombre de jeunes, il s’agit d’uneconsommation de loisirs au même titre que d’autres comportements à risque. Cet usage entred’ailleurs parfaitement dans la recherche du plaisir mais agit également comme « remède » àl’égard des problèmes que connaissent les jeunes. Il est d’autant mieux perçu par les jeunes qu’ilest considéré comme peu nocifs, notamment, par rapport aux drogues licites (tabac, alcool).Il s’insère aussi dans le désir de se conformer à son entourage amical. Il apparaît dès lorscomme un des éléments déterminant l’intégration aux pairs et comme structurant la relationentre les pairs, notamment, par la dimension conviviale qu’il engendre.

« pour moi c’est un amusement… quand je sors en boîte, je pige plus… c’est rare, c’est pas toutle temps mais 1 fois de temps en temps ou sinon c’est plutôt à l’alcool… quasi tous mescopains… ils fument des gros joints… en fait j’ai toujours été dans les cités avec tous lesArabes... c'est ainsi, on fume tous» (Bm, 17 ans, G, HR-C) ; « un joint, c’est comme unmédicament… c’est moins nocif qu’un verre d’alcool » (Id, 18 ans, G, D) ; « il y a le foot, lehasch, les copains, les sorties…en fait, quand tu fumes tout seul, tu ris tout seul et tu as tous lesautres autour de toi qui sont normaux, qui se disent pourquoi il rit… on est pas clean quoi… tuvois ici on le fait à plusieurs sinon ce n’est pas cool » (Ti, 16 ans, G, HR-C) ; « moi je fume àl’occasion quoi… quand je vais chez des copains qui en ont » (N, 17 ans, G, D)« je fume des joints avec des copains » (Av, 15 ans, G, D) ; « pour décompresser… rire avec lescopains… tes parents, ils invitent des personnes, ils offrent un verre, c’est de l’alcool, c’est dela drogue dure… chez moi, tu viens, c’est… tu commences à fumer un joint… le fait dedéstresser… allez tu prends ça, tu penses à autre chose» (R, 18 ans, HR-A)

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5.5.2 Le cannabis à l’école :

Si l’usage de cannabis s’associe pour beaucoup aux loisirs, certains jeunes rencontrés l’étendentau cadre scolaire que ce soit de manière occasionnelle ou régulière. D’ailleurs, au niveau denotre échantillon, l’école est perçue comme un lieu où l’usage de cannabis est fréquent, voirebanalisé. Ce qui distinguent les jeunes rencontrés, c’est la manière dont ils perçoivent cet usage.

Apparemment, les non-consommateurs voient dans cette consommation juste un moyen de sefaire remarquer qu’ils désapprouvent dans le cadre scolaire, voire qu’ils ressentent commeincompatible avec la scolarité.

« je trouve que c’est pour se rendre intéressant… ils sont en groupe là… c’est pour faire un peules malins… je veux dire à l’école, je voyais les plus jeunes qui roulaient leur bazar et faisaientleur malin… ils fument ça, ils sont tânés comme c’est pas possible… ils rentrent en classe, ilsdorment sur leurs bancs quoi, ils ont l’air plus con qu’autre chose » (D, 18 ans, G, HR-A) ;« qu’ils fument entre eux entre copains le soir mais à l’école, c’est grave parce qu’il y ad’autres jeunes qui peuvent facilement se faire influencer… la plupart des fumeurs fument pourfaire le malin… ils voient des copains et puis après il y a une dépendance quoi… ils fument parbesoin » (G, 20 ans, F, D)

Quant aux consommateurs, ils voient plus volontiers dans l’usage de cannabis au sein de l’écoleun moyen de supporter l’ennui et la contrainte scolaires et le stress qui en découle. Il est dès lorsperçu, non comme une cause de décrochage, mais comme un adjuvant, un « remède » à lafréquentation scolaire à partir du moment où elle constitue une échappatoire par rapport à laréalité scolaire. Pour certains, cet usage s’inscrit dans le plaisir de braver un interdit, du moinsau départ, et d’autres le relient à la facilité des cours suivis.

« moi je fume (à l’école)… c’est le ras-le-bol.. vous pouvez vous imaginer comme on est ici…rien que d’être ici…de toute façon ça ne t’empêche pas de suivre les cours vu le niveau ici… jefume plus ou moins 20 grammes par semaine » (R, 18 ans, G, HR-A) ; « moi j’ai eu 15 jours deballe parce que j’ai été pris avec (joint)… on était tout un groupe… c’était au CEFA… on nefoutait rien, on se faisait chier… les cours n’étaient pas «génial» alors » (JF, 20 ans, G, HR-A) ; « ce qui est bien quand tu es à l’école.. le temps de midi tu fumes, tu vas en classe… là tu esbien » (B, 18 ans, G, PE) ; « je ne fume pas trop quand je vais au cours et je sais très bien queje peux et je peux me le permettre quoi… genre à X (ancienne école) quand on allait fumer desjoints, là c’était quasiment impossible parce que ce n’est pas du tout le même truc qu’aller à Y(école artistique)… t’arrivait là, c’était 4 heures de classe, tu ne comprenais déjà pas la moitié,c’était vraiment catastrophique » (Ie, 17 ans, F, D) ; « il y en a qui ont besoin d’être bien enclasse… pour dormir quoi, pour pas s’emmerder » (N, 17 ans, G, D) ;«ici ça va… on fume un stick à 10 heures… un stick à midi… donc c’est cool.. on nous fout lapaix… à l’aise… on fume tous ici… on va au W.C. chacun à notre tour et on laisse le joint pourle suivant » (Ti, 16 ans, G, HR-C)

La consommation à l’école a été pour beaucoup occasionnelle. Par contre, ce qui pose le plusquestion dans le cadre de notre recherche, c’est le fait que quelques jeunes rencontrés semblentconsommer régulièrement du cannabis et apprécier ses effets dans le cadre de la formation.L’adoption de ce comportement est à relier aux habitudes de consommation, aux problèmesd’insertion scolaire et/ou au désir de se conformer au groupe de pairs. En ce sens, l’usagecourant de cannabis en milieu scolaire semble témoigner d’un malaise du jeune par rapport à cemilieu, du peu d’intérêt porter par le jeune à sa formation et/ou d’une difficulté de gérer saconsommation. Il permet au jeune d’être physiquement présent au cours, de respecter en partiel’obligation scolaire tout en le déconnectant en partie du processus d’apprentissage dans lamesure où les effets du cannabis altèrent ses capacités cognitives (mémoire, concentration : W.Hall & N. Solowij, 1998). On peut donc aisément penser que si ce type de comportement

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perdure dans le temps, il va influencer les résultats scolaires et renforcer, par la même occasion,le détachement du jeune par rapport à sa scolarité.On peut aussi se demander si les effets du cannabis sur la coordination physique et psychique(K . O’Brien Fehr & al., 1983 ; W.Hall & N. Solowij, 1998) n’atténuent pas égalementl’impulsivité des conduites agressives à l’égard des professeurs.A noter que pour certains, ce comportement s’effectue en groupe, pour d’autres, de manièreindividuelle.

5.5.3 Le cannabis et le décrochage scolaire :

Rien ne permet d’établir à ce niveau, un lien de cause à effet. Premièrement, les jeunesrencontrés adoptent également d’autres comportements à risque. Deuxièmement, rien ne nouspermet de dire si l’usage de cannabis a précédé le décrochage ou si, à l’inverse, les problèmesd’insertion scolaire ont favorisé l’usage de cannabis. Troisièmement, le sujet semble polémiquechez les jeunes de notre échantillon.Ainsi, comme nous l’avons vu ci-dessus, le cannabis peut « aider » certains jeunes à « supporterles cours ». Certains voient dans une consommation en journée, voire dans une consommationexcessive, une raison d’absentéisme. Un ancien usager voit dans la consommation régulière decannabis une des raisons de son décrochage à partir du moment où elle a influencé ses capacitésd’apprentissage, sa motivation à aller à l’école et son anxiété scolaire. Il semble donc relier laconsommation régulière de cannabis comme un élément favorisant le décrochage. D’autresrattachent une consommation plus régulière à la fréquentation scolaire et une consommationplus occasionnelle en décrochage.

« beaucoup de jeunes qui fument du shit font cette erreur là… ça rend fainéant… ça agit sur lamémoire… tu es perdu, tu ne sais plus quoi faire… bon le matin, tu es cassé, tu n’as pas enviede te lever…allez fainéantise… tu es.. je ne dirais pas encore sous l’emprise mais tu es encoreun petit peu névrosé quoi… tu es là « ah ».. tu vois, tu n’es vraiment pas en forme pour suivredes cours tu vois… ou des fois par rapport à ça… tu vois, si tu fumes un joint… suivre les coursça craint quoi…s’ils le remarquent ou quoi les profs, ils vont prendre des sanctions par rapportà ça et tout… par rapport à ça, il faut déjà prendre un choix … c’est ça ou l’école » (F, 18 ans,G, PE) ; « par rapport à l’école quand tu fumes trop… enfin moi je fume à l’école… je ne fumepas trop alors mais c’est clair que si tu prends une après-midi, tu vas prendre des gros« bongs » toute l’après-midi et ben si tu vas au cours… c’est pas possible » (Ie, 17 ans, F, D) ;« on a fumé et alors comme ça on n’a pas envie de rentrer en classe » (Av, 15 ans, G, D) ; « jen’en fume pas comme lui quoi… je fume de temps en temps avec mon cousin… ici je ne fumepas mais avant à X (ancienne école) oui… ça c’était quand même assez fréquent… c’étaitbeaucoup plus régulier » (Y, 18 ans, G, HR-A) ; « l’année passée, quand j’étais à l’internat,c’est là que j’ai commencé à fumer… maintenant c’est à l’occasion mais là à l’internat jefumais plus » (N, 17 ans, G, D).

L’usage de cannabis dans son lien possible avec le décrochage apparaît complexe. Il ne semblepas pouvoir s’insérer dans une relation directe de cause à effet. Toutefois, il paraît fréquent chezles jeunes en décrochage et peut, semble-t-il, renforcer le détachement psychique et/ou physiquedu jeune par rapport à l’école. Il nous apparaît également comme un indicateur pertinent,lorsqu’il est consommé dans le cadre scolaire, de l’attitude du jeune par rapport à sa scolarité.Enfin, il paraît important dans ce cadre de prendre en considération, comme peut nous lesuggérer l’étude préliminaire de juillet 97 (Kohn & al, 1997), à la fois la fréquence deconsommation et son étalement dans la durée.

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6. LA CONFRONTATION AUX HYPOTHESES DE DEPART :

6.1. Introduction :

Avant de nous confronter directement aux hypothèses formulées dans le cadre de l’enquête, ilimporte d’éclairer la démarche en mettant en évidence deux points :- la fragilité sanitaire des décrocheurs ;- l’hétérogénéité du décrochage.

- la fragilité sanitaire des décrocheurs :Dans l’ensemble, les études6 sanitaires effectuées auprès de la population des décrocheursmettent en évidence que le décrochage s’associe à divers problèmes de santé (conduites àrisques, troubles psychologiques, difficultés psychosociales). Les recherches psychosocialescomplètent la connaissance de cette population en identifiant en plus, la famille (niveau socio-économique, encadrement déficient, etc.) l’expérience scolaire (échecs, retards, motivations,indiscipline, etc.) et l’influence des pairs(pairs déviants, décrocheurs, délinquants, etc.) commedes déterminants du décrochage. Les jeunes en décrochage apparaissent donc comme un groupesocial particulièrement fragile sur le plan de la santé tant du point de vue de l’accumulation desrisques que du point de vue des déterminants des risques. Ce qui ressort de manière plusévidente lorsqu’ils sont comparés à la population des jeunes normalement scolarisés. Il importeainsi non seulement d’analyser les liens entre le décrochage et la santé mais aussi de relier lesproblèmes de santé aux déterminants du décrochage. Ainsi, par exemple, Delbos Piot & al.(1994) avancent à titre d’hypothèse que la famille et les facteurs individuels (isolement,mauvaise image de soi) déterminent plus fortement la précarité sanitaire que le décrochage enlui-même.

- l’hétérogénéité du décrochage :D’un autre côté, les études menées auprès des jeunes en décrochage mettent en évidence descaractéristiques générales retrouvées dans cette population. En agissant de la sorte, lesdécrocheurs sont considérés comme un groupe homogène. Or, si des tendances généralesapparaissent clairement chez les jeunes rencontrés lors de l’enquête qualitative, des différencesentre décrocheurs éclosent également. Cette hétérogénéité prend son importance dans la mesureoù elle révèle des problèmes de santé plus spécifiques à certaines catégories de jeunes endécrochage. Ainsi, si le décrochage scolaire favorise les actes délinquants (Blatier, 1999 ; Blais&al., 1997 ; Flisher & al. ; 1995 ; etc.), tous les jeunes en décrochage ne sont pas desdélinquants7. De même, si les problèmes de nature psychologique (tristesse, anxiété, déprime,etc.) se rencontrent fréquemment chez les décrocheurs, tous ne connaissent pas avec la mêmeforce de tels problèmes. Certains jeunes en décrochage vont dès lors combiner les difficultéssanitaires alors que d’autres vont s’insérer dans une problématique de santé plus spécifique.Il importe donc de prendre en considération non seulement les tendances générales qui serencontrent chez les jeunes décrocheurs mais également les différences qui caractérisent cettepopulation.

6 Le plus souvent les recherches sur le décrochage et la santé centrent leur projet sur un nombre limité deproblèmes de santé, n’abordent le décrochage uniquement soit par le biais de l’absentéisme, soit par lebiais de l’abandon et ne tentent pas de relier ce phénomène à ces déterminants.7 Seuls 7% des dossiers ouverts par la parquet de Bruxelles, pour 1996-1997, pour cause d’absentéismescolaire sont également connexes à un fait de délinquance. Ce chiffre est sans doute en partie biaisépuisque d’une part, certains établissements scolaires couvrent l’absentéisme des jeunes lorsqu’ils sontcontactés par les services de police et d’autre part, l’intervention du parquet ne touche qu’une partie desjeunes en décrochage.

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Pour répondre à cette fragilité et cette hétérogénéité, les différentes pistes de recherche sur lasanté des jeunes en décrochage vont être ainsi traitées d’une part, sur un plan général et d’autrepart, sur un plan spécifique. Cette spécificité va être abordée en fonction des divers typesd’insertion familiale et amicale rencontrés au niveau de l’échantillon qualitatif et, partiellement,en fonction des différentes formes de décrochage (brossage régulier, abandon volontaire,décrochage-raccrochage, etc.).Dans le cadre de l’analyse des discours des interviewés, les diverses formes d’intégrationfamiliale et amicale rencontrées permettent déjà d’appréhender en partie cette hétérogénéité.Au niveau de cette perspective, il s’agit de résumer, en premier lieu, les rapports existants entrel’intégration familiale et amicale et la santé, de présenter, en second lieu, des différencessanitaires possibles selon le type de décrochage, d’aborder, en troisième lieu, les différencesentre les apprentis et les alternants qui sont susceptibles d’engendrer des conduites différentesen matière de santé et, enfin, de soumettre, en troisième lieu, l’hypothèse d’un usage plusproblématique du cannabis chez les jeunes en décrochage scolaire.Ces diverses étapes nous permettent ainsi d’approfondir la problématique sanitaire dudécrochage et de (re)formuler nos hypothèses prospectives.

6.2 Les pistes de recherche :

6.2.1. L’intégration :

Il a pu être constaté, au niveau de notre analyse qualitative, une prédominance des jeunesprésentant une forte intégration à des pairs, eux-mêmes, en décrochage et ceci au détriment del’intégration familiale (temps passé en famille, relation avec les parents, etc.). Ainsi, de manièregénérale, l’hypothèse concernant la différence entre les jeunes scolarisés et les « décrocheurs »en terme d’intégration paraît se confirmer. Rumberger & al. (1990), Le Blanc & al. (1993)montrent d’ailleurs que les décrocheurs sont davantage originaires de familles déficientes auniveau de l’encadrement. Choquet et Ledoux (1994) ont, pour leur part, constaté une mise àdistance de la famille et un rapprochement vers les pairs lorsque les jeunes connaissent desdifficultés sanitaires. Les échanges avec les parents sont ainsi plus limités lorsque les jeunessont régulièrement absents de l’école.

Toutefois, tous les adolescents rencontrés ne s’insèrent pas dans cette logique soit parcel’insertion familiale est importante, soit parce que le réseau amical n’est pas marqué par ledécrochage. Dès lors, malgré une situation dominante, la population des décrocheurs sedifférencient quant à leur insertion.Ce constat peut aussi apparaître dans le fait que les variables scolaires (performance, retard,engagement) sont les meilleurs prédicteurs de l’abandon de la scolarité et permettent ainsi demieux prédire l’abandon scolaire que les variables familiales, sociales, comportementales et depersonnalité (Le Blanc & al., 1993 ; Janosz & Le Blanc, 1997). Ceci ne signifie aucunement queces dernières variables n’influencent pas le décrochage mais que d’une part, les problèmesscolaires ont plus de poids dans l’abandon scolaire et que d’autre part, l’arrêt de la scolarité nes’associe pas forcément à ces variables.

Ces constatations nécessitent de préciser plus finement l’hypothèse sur l’intégration si l’on veutd’une part, aborder cette population dans son ensemble et d’autre part, ne pas négliger desfacteurs qui pourraient, le cas échéant, influencer de manière plus importante la santé desjeunes.Pour aborder les différentes formes de combinaison entre intégration et santé des décrocheurs, ilest préférable de les présenter selon les divers cas typiques rencontrés dans l’échantillon desjeunes.

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6.2.2.Les comportements de santé et le sentiment de bien-être :

Dans l’ensemble, les jeunes en décrochage paraissent adopter fréquemment des conduites àrisque, se soucier peu de leur santé et présenter des signes de mal-être et ceci, sans doute, demanière plus élevée que les jeunes normalement scolarisés. Ce qui se vérifie au niveaud’enquête prenant en compte, parfois de manière partielle, l’absentéisme (Piette & al., 1997;Choquet & Ledoux, 1994 ; Weitzman & al. ; 1986) ou l’abandon de scolarité (Delbos Piot & al.,1995 ; Flisher & Chalton, 1995) et comparant les jeunes en décrochage à ceux normalementscolarisés. La mise au point de l’outil quantitatif et son application permettra donc de voir plusprécisément avec quelle intensité cette différence se confirme sur un plan général.

Cependant, dans notre échantillon, les jeunes en décrochage, ou ayant été en décrochage, nesemblent pas se répartir de manière homogène dans ces divers thèmes de santé (risque,protection, bien-être) et ceci, apparemment, selon le type d’insertion qui les caractérisent. Cetteremarque amène à se demander si le décrochage pose toujours un problème en matière de santéet de quelle manière les décrocheurs se répartissent dans les divers champs d’action de la santépublique.

6.2.2.1 Intégration amicale et conduites à risques :

L’adoption de conduites néfastes en matière de santé actuelle ou future semble plusprégnante chez les jeunes combinant une faible insertion familiale à des pairs eux-mêmesen décrochage et adoptant ce type de conduites. L’absentéisme est, pour eux, valorisépour son côté collectif et se trouve ponctué, plus ou moins fréquemment, par des activitésplaisantes pouvant donner lieu à des comportements à risque en matière de santé(consommation de produits psychotropes, vandalisme, etc.).En effet, dans ce type de décrochage, le temps libéré par l’absentéisme est soumis au seulcontrôle des pairs et offre ainsi un champ de liberté aux jeunes décrocheurs. Ils vont donc,dans un processus d’influences mutuelles, exploiter ce champ en réalisant diversesactivités qui peuvent les amener à développer des habitudes, des comportements néfastespour leur santé. D’autant plus que d’une part, l’absentéisme dénote une tendance à latransgression de l’interdit et que d’autre part, l’insertion dans un groupe, comme lesouligne R. Bouillin-Dartevelle, nécessite d’ « entrer dans le jeu de la compétition par lebiais d’une série d’activités qui permettent de mesurer et d’affirmer ses capacités ». Ainsi,certains comportements posant des problèmes de santé risquent dès lors d’être les enjeuxde l’insertion du jeune dans un groupe de décrocheurs.Ce qui peut se révéler d’autant plus vrai que, pour bon nombre, le partage du temps avecles amis s’étend bien au-delà de l’absentéisme (soirées, nuits, etc.). Ceci conduit certainsjeunes à quasiment limiter leurs rapports sociaux, affectifs et personnels à leur entourageamical. Ainsi, insérés dans cet entourage, ils risquent, par exemple, de négliger leuralimentation et de donner la priorité aux activités qui unissent le groupe telles que, parexemple, l’usage de substances psychotropes qui est fortement associé au décrochagescolaire ( Konings & al., 1993 ; Krohn & al. 1997, Swaim & al , 1997 ; etc.).

Dans cette perspective, le décrochage est donc un élément favorisant l’adoption decomportements à risque sur le plan physique et psychosocial, mais c’est la fréquentationde pairs développant de telles conduites qui apparaît comme étant plus déterminante dansle passage à l’acte dans la mesure où ces conduites en elles-mêmes conditionnentl’insertion dans le groupe. Ainsi, comme le montre Pairs et Cunningham-Burley, l’usaged’alcool, de cigarette ou de drogues font partie intégrante des loisirs de la culture juvénilede rue8 et facilitent les interactions entre les pairs.

8 Espace fréquenté assidûment par une partie des décrocheurs de notre échantillon.

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A ce niveau, les comportements des jeunes étant davantage structurés par les pairs etl’encadrement familial, ainsi que le contrôle parental, étant déficients, les décrocheursrisquent d’une part, peu de se soucier de la préservation de leur santé (consommation delégumes, ceinture de sécurité, préservatifs, etc.) et d’autre part, dans un désir d’intégrationaux pairs, valoriser les conduites à risque (tabac, alcool, cannabis, vandalisme, etc.).

6.2.2.2 Sentiment de bien-être :

- en général :Bien que ne faisant pas partie à proprement parlé des thèmes de l’enquête qualitative,divers éléments relevés dans les discours des jeunes, notamment sur le cannabis etl’expérience scolaire, et dans la littérature semblent confirmer que, dans l’ensemble, lesjeunes en décrochage ont un sentiment de bien-être moins élevé que les jeunes scolarisés.

Il est vrai que l’insertion scolaire problématique (mauvaise orientation9, difficultérelationnelle avec les professeurs, crainte de l’échec, etc.), souvent rencontrée au niveaude notre échantillon, se révèle en elle-même une source importante d’anxiété et de stress.Ainsi, par exemple, les entretiens semi-dirigés ont permis de constater la présenceimportante de l’échec scolaire chez une bonne partie de notre échantillon. Or,Hurrelmann & al. (1988) ont montré l’association entre l’échec scolaire, les perturbationspsychosomatiques (nervosité, manque d’appétit, nausées, difficultés pour dormir, etc.) etles problèmes relationnels avec les parents.D’un autre côté, une partie des jeunes rencontrés affirment consommer fréquemment ducannabis et ceci, notamment, pour dépasser l’état de stress et de nervosité qui lescaractérisent. Quant à Fergusson & al.( 1995), ils ont montré qu’une faible estime de soise trouve associée à l’intensité de la consommation de tabac et de produits psychotropes(alcool, drogues illicites, etc.); conduites apparemment assez fréquentes chez une partiedes jeunes en décrochage. De même, Gruet & al. (1996) considèrent la prise de drogues etd’alcool comme des conduites masquant un état de dépression.Ces quelques constats laissent donc présager un sentiment de bien-être moins importantchez l’ensemble des jeunes en décrochage.

- isolement et mal-être :Le sentiment de mal-être semble plus prononcé chez les jeunes ne se caractérisant pas parun entourage amical en décrochage et par une bonne insertion familiale.Chez ces jeunes, d’une part, l’isolement, la perte d’amis, l’ennui engendrés par ledécrochage le discréditent et d’autre part, l’absentéisme n’est pas soumis à l’influence despairs.Ce constat donne à penser que le décrochage débouche moins sur le développementd’habitudes collectives risquées pour la santé tout en traduisant un malaise profond dujeune dans ses problèmes d’insertion scolaire et les troubles psychologiques (angoisse,stress, déprime, etc.) qu’ils traduisent et provoquent. En effet, dans cette optique, le jeunene s’absente pas pour partager plus de temps avec ses amis mais décroche d’abord pourfuir une réalité qu’il ne supporte plus. Il agit en « choisissant » ce qui, pour lui, représentefinalement la situation du moindre mal. Il peut aisément être supposé que le mal-êtrepersonnel qui caractérise ces décrocheurs solitaires les placent dans une situation defragilité importante tant sur le plan mental (déprime, tentative de suicide, etc.) que social(difficulté de trouver de l’aide). Et ceci d’autant plus, que le brossage ou l’abandon descolarité va venir renforcer la solitude du jeune qui ne va pas, par ce comportement, nitrouver une compensation au niveau de la famille, ni au niveau des amis.

9 Celle-ci est particulièrement problématique lorsque le jeune n’a plus la possibilité de suivre uneorientation qui éveille son intérêt.

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Cette perspective suppose donc qu’il existe aussi un bien-être moins élevé chez les jeunes« décrocheurs collectifs », majoritaires dans notre échantillon, que chez les jeunesscolarisés. Par contre, le bien-être des décrocheurs sociaux serait plus élevé que celui des« décrocheurs solitaires ».

Enfin, les jeunes en décrochage présentant une forte intégration familiale10 ne sont pasexempts de présenter un sentiment de bien-être moins élevés que les scolarisés puisque letemps libre s’exploite au domicile parental et se caractérise donc davantage parl’isolement. D’autre part, une famille hyperprotectrice peut également engendrer destroubles psychologiques (Gruet & al., 1996)

6.2.2.3 Intégration familiale et conduites à risque :

Les jeunes en décrochage se caractérisant par une forte intégration familiale et unentourage amical scolarisé apparaissent comme étant ceux qui adoptent le moins decomportements à risque et qui trouvent davantage dans la famille une compensation parrapport aux problèmes de scolarité.En ce qui les concerne, il n’est pas possible dans l’état actuel de la recherche de comparerleur situation aux jeunes normalement scolarisés. Cependant, à leur niveau, le décrochageapparaît moins problématique et moins prononcé (brossage moins régulier, arrêt limitédans le temps, etc.) que chez les autres jeunes de notre échantillon. Ce qu’il faut sansdoute rattacher au fait que le décrochage est davantage encadré par les parents et moinssoumis à l’influence de pairs adoptant des comportements à risque.

6.2.2.4 Hétérogénéité des problèmes sanitaires selon le type de décrochage ?

- l’hétérogénéité du décrochage :

Le décrochage présente de multiples formes. Il révèle ainsi son caractère hétérogène ettraduit, sans doute, l’inscription des décrocheurs dans des logiques différentes. Un jeunequi brosse régulièrement les cours est-il semblable à un jeune qui s’absente plusieurssemaines consécutives ? Un adolescent qui brosse régulièrement les cours avantd’abandonner sa scolarité présente-t-il les mêmes caractéristiques que celui quiabandonne sans avoir préalablement expérimenter le brossage ? Un jeune qui abandonnedélibérément sa formation rencontre-t-il les mêmes difficultés qu’un jeune qui se faitexclure de son établissement ? Un décrocheur qui délaisse provisoirement sa scolaritépeut-il s’identifier à un jeune qui l’abandonne totalement ?

A priori, la réponse à toutes ces questions doit être « non ». Dans l’état actuel del’enquête et de la connaissance en matière de décrochage, il paraît difficile d’émettre deshypothèses pertinentes et spécifiques à chaque forme de décrochage. Toutefois, quelqueséléments semblent indiquer des différences entre les jeunes brosseurs et les jeunes quiarrêtent leur scolarité qui peuvent éventuellement laisser présager des différences enmatière de problèmes sanitaires.

10 A rappeler que dans l’échantillon des jeunes rencontrés, aucun ne combinait une insertion familialeforte à la fréquentation de pairs non scolarisés.

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- les jeunes brosseurs et les jeunes ayant abandonné leur scolarité :

D’abord, en brossant, bon nombre de jeunes transgressent un interdit tout en ayant encoreun pied dans leur scolarité11. D’ailleurs, dans l’ensemble de notre échantillon, même sibeaucoup de jeunes éprouvent de réelles difficultés à fréquenter les cours, ils nevalorisent pas l’abandon de la scolarité qui est habituellement perçu comme un risque decompromission de l’avenir socioprofessionnel. En ce sens, même si le brossage12 peutconstituer un élément favorisant l’abandon futur du jeune, il n’apparaît pas commeautomatiquement relié à cet acte. Ainsi, le jeune brosseur semble habituellement garderl’intention d’obtenir un diplôme. Il ne voit donc pas, ou de manière partielle, sesperspectives d’avenir bloquées. D’un autre côté, le brossage s’insère souvent dans unelogique collective. Il n’est donc pas ressenti comme une exclusion mais comme uneinsertion à des pairs partageant des problèmes similaires.Par contre, lorsque le jeune décide volontairement d’abandonner sa scolarité, cet acteapparaît davantage comme l’expression d’un désespoir et d’un manque de confiance ensoi. Sur ce point, il n’en va évidemment pas de même pour les jeunes qui se trouventexclus13 du système scolaire. Cette exclusion doit sans doute être davantage rattachée àdes problèmes de comportements à l’école (problèmes disciplinaires, conduites violentes,retard, absentéisme, etc.) et dénote davantage des problèmes de santé psychosociale. Detoute façon, il en ressort que dans l’abandon, soit le jeune ne se sent plus capable dedécrocher un diplôme, soit il ne voit plus la possibilité de décrocher un diplôme. Laperception de cet avenir bloqué, qu’il soit préalable ou qu’il suive l’abandon, est ainsisusceptible de renvoyer au jeune une image particulièrement dévalorisante de lui-même.D’autre part, l’arrêt de la scolarité ne semble pas vraiment s’insérer dans une dimensioncollective. Il risque donc de favoriser davantage le développement d’un sentimentd’isolement que le brossage en général.

Ensuite, bien que difficilement comparable en raison des multiples différences(culturelles, sociales, méthodologiques, pédagogiques, etc.), il est intéressant de voirqu’une enquête centrée sur l’absentéisme et une autre orientée sur l’abandon présententdes conclusions différentes en matière de santé. En effet, Choquet & Ledoux, (1994)montrent que l’absentéisme régulier est plus fortement associé aux conduites à risque(consommation de drogue, violence, tabagisme) qu’aux indicateurs de malaise(consommation de médicaments, dépressivité, tentative de suicide). Par contre, Flisher &al.(1995), dans leur analyse des jeunes ayant abandonné leur scolarité prématurément, nevoient pas la confirmation d’un lien significatif entre l’abandon scolaire et lescomportements violents alors qu’ils en constatent un pour les tentatives de suicide etd’autres comportements à risque. Si cette différence peut donc être imputée à de multiplesfacteurs (méthodologies différentes, critères utilisés différents, population de culturesdifférentes, etc.), elle peut également être en partie le fruit d’une différence entre lebrossage et l’abandon scolaire.Enfin, la différence de gravité entre le brossage et l’abandon est, semble-t-il, susceptibled’engendrer des relations familiales plus problématiques dans le cas de l’arrêt.

Il y a donc des chances que les jeunes ayant arrêté leur scolarité souffrent de davantage detroubles psychologiques (dépression, manque de confiance en soi, etc.) que les jeunesbrosseurs.

11 C. Dognies (1993) constate une chute de l’absentéisme en période d’examen.12 Pour rappel, le brossage est un acte qui est habituellement fortement marqué par le temps présent13 Pour rappel, trois cas de figure se révèle : le statut d’élève libre, le renvoi et l’obtention de la majorité

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6.2.3. Les apprentis et les alternants :

Un autre point qu’il paraît important de mettre en évidence se situe au niveau de la populationfréquentant l’enseignement à horaire réduit. En effet, les apprentis et les alternants présententdes différences en divers domaines.

Ainsi, l’animation des focus groups s’est réalisée de manière plus aisée chez les jeunes suivantun apprentissage des classes moyennes que chez les jeunes inscrits dans les CEFA (difficultésde se concentrer plus d’une demi-heure, tendance à l’impulsivité, etc.).

En outre, dans notre échantillon, les jeunes CEFA ne répondent pas tous, à la qualité d’élèvesréguliers et ceci contrairement aux jeunes apprentis pour qui le décrochage fait partie du passé.Les premiers ne sont donc pas tous insérés dans une perspective d’avenir.

De plus, les jeunes présentant une forte intégration familiale et des amis scolarisés ont été plussouvent rencontrés chez les apprentis de notre échantillon ; apprentis chez lesquels il y aégalement davantage de jeunes pour lesquels le décrochage avait comme objectif le changementd’orientation.

Enfin, comme le relève N. Ouali et A. Réa, les jeunes apprentis et CEFA se différencient quantà leur origine et quant à leur insertion professionnelle future. Au niveau de l’origine, d’une part,les conditions d’accessibilité sont plus limitées pour les apprentis que chez les alternants etd’autre part, les jeunes des CEFA s’inscrivent davantage dans le prolongement del’enseignement professionnel et de la première secondaire « accueil » et les jeunes enapprentissage viennent plus souvent de l’enseignement général et de la première secondaire« observation ». Ce qui indique une différence en terme de milieu socio-économique et en termede parcours scolaire. Au niveau de l’avenir professionnel, pour les alternants, la fixation dans lechômage est importante et la stabilisation dans un emploi est minoritaire. Inversement, chez lesapprentis, la fixation dans le chômage est peu élevée et la stabilisation dans l’emploi est plusfréquente.

Les alternants sont ainsi, habituellement, issus de milieu socio-économique plus défavorisé,connaissent davantage de problèmes scolaires avant leur insertion dans une filière à horaireréduit et davantage de problèmes d’insertion socioprofessionnelle après leur formation que lesjeunes inscrits en apprentissage.

Ces différences (comportements lors de l’entretien, situation scolaire actuelle, origine socio-économique et scolaire, insertion future) apparaissent assez pertinentes pour reprendre à leurniveau, l’hypothèse qui présente une dichotomie entre jeunes scolarisés et jeunes en décrochageen terme de comportement de santé à risque et de protection et de sentiment de bien-être.

6.2.4. Le cannabis :

Dans l’ensemble, les hypothèses concernant le cannabis doivent être vérifiées par l’analysequantitative. Toutefois, il apparaît d’une part, que bon nombre de jeunes rencontrés enconsomment et d’autre part, que son usage semble particulièrement fréquent parmi une partiedes jeunes interrogés. Ce qui se révèle également au niveau des diverses recherches en lamatière (Konings & al., 1993 ; Swaims & al. 1997, etc.).De son côté, Hall (1998) rapporte que plus les usagers de cannabis commencent à consommer àun jeune âge, plus ils consomment de grandes quantités et risquent de développer unedépendance.Delbos Piot & al. (1995) soulignent, quant à eux, un usage de cannabis plus précoce et plusélevé chez les jeunes ayant abandonné leur scolarité que chez les jeunes scolarisés. Il apparaît

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donc important d’incorporer ces constats aux hypothèses concernant le cannabis d’autant plusque c’est un tel usage (régulier et précoce) qui pose réellement problème en terme de santé(O’Brien Fehr & al., 1983 ; Hall & al., 1998 ; A. Lallemand ; 1999 ; etc.).

6.3. La (re)formulation des hypothèses :

Le premier objectif étant de décrire les comportements de santé des jeunes en marge du mondescolaire et les comparer à ceux de la population scolarisée, une distinction doit être faite auniveau de nos hypothèses :

- les hypothèses générales ciblées sur la comparaison des deux populations ;- les hypothèses spécifiques aux jeunes en décrochage.

6.3.1 Les hypothèses générales :

Sur un plan général, puisqu’elles semblent présentes chez la majorité des jeunes de notreéchantillon, les hypothèses restent donc que :

6.3.1.1 les jeunes en décrochage ont un score de comportements à risque significativement plus élevé queles jeunes scolarisés ainsi qu’un score de protection et un score de bien–être moins élevés ;

6.3.1.2 les jeunes diffèrent également quant au score d’intégration familialeen faveur des jeunes scolarisés et quant au score d’intégration sociale (pairs)en faveur des jeunes en décrochage scolaire.

D’un autre côté, comme une différence semble ressortir entre jeunes scolarisés et en décrochagesur les habitudes de consommation de cannabis, l’hypothèse suivante peut être rajoutée.

6.3.1.3 la consommation de cannabis commence plus jeune et s’effectue de manière plus régulière chezles jeunes en décrochage que chez les jeunes scolarisés.

6.3.2 Les hypothèses spécifiques :

Des hypothèses concernant les jeunes en décrochage peuvent être précisées par la prise enconsidération des paramètres suivants :

- intégration familiale forte/intégration familiale faible- entourage amical scolarisé/entourage amical non scolarisé

La prise en compte de la scolarité ou de la non scolarité de l’entourage amical et de l’intensitéde l’intégration familiale semblent particulièrement importantes à partir du moment où ellesvont déterminer le vécu du décrochage et l’adoption de comportements touchant la santéphysique et psychosociale du jeune.

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Les hypothèses sont que :

6.3.2.1 les jeunes en décrochage combinant un faible intégration familiale àun entourage amical non scolarisé sont ceux qui développent le plus descomportements à risque tant au niveau de la santé physique quepsychosociale ;

Faible intégration familiale

décrochage : comportements à risque

Pairs non scolarisés

6.3.2.2 les jeunes en décrochage combinant une faible insertion familiale àun entourage amical scolarisé sont ceux qui ont un score de bien-être lemoins élevés ;

Faible intégration familiale

décrochage : mal-être

Pairs scolarisés

6.3.2.3 les jeunes en décrochage combinant une forte insertion familiale et un entourage amicalscolarisé sont ceux qui se rapprochent le plus des jeunes normalement scolarisés, voire il n’y apas de différence significative en terme de conduites à risque et de comportements de protectionavec les jeunes scolarisés.

Forte intégration familiale

décrochage moins problématique

Pairs scolarisés

A rappeler, que dans notre échantillon, d’une part, aucun des jeunes ne combinaientune forte intégration familiale à des pairs non scolarisés et d’autre part, tous les jeunesn’ont pas une intégration familiale forte ou faible mais moyenne et ne fréquentent pasexclusivement soit des jeunes en décrochage, soit des jeunes scolarisés mais les deux.

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6.3.2.4 les jeunes brosseurs ont un sentiment de bien-être plus élevé que les jeunes quiont abandonné leur scolarité ;

6.3.2.5 les jeunes en alternance ont un score de comportements à risque significativement plusélevé que les jeunes apprentis ainsi qu’un score de protection et de bien-être moins élevés

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2ème ÉTAPE : LA PRÉPARATION DE L’ANALYSE QUANTITATIVE :

Dans le cadre de ce rapport, il ne s’agit pas du traitement même des résultats mais de ladescription des étapes successives qui ont permis de recueillir les données à analyser.

1.OBJECTIFS ET MÉTHODE:

Pour rappel, les objectifs principaux de cette phase sont de :

- décrire les comportements de santé et modes de vie des jeunes en marge du mondescolaire ;- comparer la population des jeunes de l’enseignement de plein exercice à celle des jeunesen marge de cet enseignement ;- étudier les déterminants de la consommation de cannabis ;- comparer la population des décrocheurs selon leur insertion socio-familale ;- comparer la population des jeunes apprentis et des jeunes alternants ;- comparer la population des brosseurs à celle des jeunes en arrêt de scolarité.

Méthode :

Afin de rencontrer nos objectifs, la méthode utilisée pour collecter les données est celle duquestionnaire. Les principales caractéristiques de cette récolte sont les suivantes :

- l’enquête s’est effectué de la mi-mai à la mi-juin dans les Centres de formation àhoraire réduit et de la mi-juin à la rentrée scolaire dans les institutions pour jeunes;- l’ensemble des CEFA et des centres d’Apprentissage des Classes Moyennes ont étécontactés à la fin avril et les classes sont tirées au hasard parmi les centres ayant répondupositivement;- la moitié des Maisons de Jeunes et des AMO de la Communauté française ont étésélectionnée aléatoirement;- le questionnaire est auto-administré et la procédure standardisée de récolte desinformations assure la confidentialité aux répondants.

2. LA RÉCOLTE DES DONNÉES:

2.1.La construction des questionnaires :

Pour recueillir les données auprès des jeunes, 3 types de questionnaire ont été constitués :

- le premier concerne les jeunes suivant une formation à horaire réduit que ce soit dans unCentre d’Education et de Formation en Alternance ou dans un Centre de Formation des ClassesMoyennes ;- le second cible les jeunes qui ne vont plus à l’école au moment de l’enquête;- le dernier centre son propos sur les jeunes qui, tout en suivant un cursus scolaire, sontfréquemment absent de l’établissement dans lequel ils sont scolarisés.

Ces questionnaires sont dans l’ensemble similaires. Leurs différences portent essentiellementsur les variables concernant l’intégration scolaire. Ce qui découle essentiellement du fait quel’enquête sondant une population présentant des différences sur le plan de la scolarité, il étaitnécessaire d’adapter les questionnaires à chacune des spécificités rencontrées.

La construction de ces diverses instruments de récolte de données s’appuie sur les recherchesmenées, par le Professeur D. Piette et son équipe depuis 1986, auprès des jeunes de

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l’enseignement francophone de plein exercice dans le cadre du protocole international HBSC(Health Behaviour of School-aged Children). Ceci doit nous permettre de remplir notre objectifde comparaison entre la population des jeunes suivant une scolarité normale et de des jeunes enrupture scolaire. Pour être valide, cette comparaison nous impose de nous appuyer sur uninstrument de mesure en partie semblable à celui utilisé dans l’enseignement à temps plein.D’un autre côté, afin de poursuivre notre analyse de la consommation de cannabis chez lesjeunes, le contenu des questionnaires relatif à cet usage repose sur les travaux de L. Kohn. Cetteperspective exige également une homogénéité des questions sur le sujet dans les questionnairesdes jeunes scolarisés et des jeunes en décrochage scolaire.D’autre part, les éléments identifiés lors de l’analyse qualitative nous ont servi à aménager lesinstruments de récolte de données aux populations étudiées. Dans ce travail d’adaptation, unequestion importante s’est posée. D’un côté, vu les caractéristiques des jeunes rencontrés dans lesentretiens, il paraissait primordial de réduire les questionnaires afin d’assurer l’implication deces adolescents dans l’enquête. D’un autre côté, pour répondre à nos objectifs et disposer d’unmatériel comparable à la population des jeunes scolarisés, les outils de recueil des données nepouvaient être rabotés. Pour rencontrer ces deux exigences antinomiques, certaines questionsont été supprimées ou réduites. Ce qui fait qu’au bout du compte, les questionnaires construitssont légèrement14 plus court que ceux des jeunes inscrits dans l’enseignement de plein exercice.Enfin, le prétest, décrit dans le point suivant, fût la dernière étape de la construction desquestionnaires.

2.2 Le prétest :

2.2.1 L’objectif :

Cette étape transitoire à l’administration des questionnaires doit nous permettre de tester lequestionnaire modifié par l’analyse qualitative et d’en évaluer la pertinence auprès du publicciblé. Dans cette perspective, notre projet est de réaliser ce prétest auprès de 20 jeunes afind’identifier les problèmes rencontrés par les jeunes (compréhension des questions, attitude àl’égard du questionnaire, pertinence des modalités de réponse, etc.). Cette identification se fait,dans un premier temps, par le biais des discussions et des demandes consécutives au passage duquestionnaire auprès des jeunes et, dans un second temps, au travers de l’observationapprofondie des questionnaires remplis au moment de ce prétest.

2.2.2 La réalisation:

Pour remplir l’objectif décrit ci-dessus, nous avons décidé d’entreprendre des démarches afind’obtenir l’acceptation et la collaboration d’un Centre de formation à horaire réduit et d’unCentre pour Jeunes (AMO, MJ). Et ceci, afin d’évaluer la pertinence de nos questionnairesauprès d’un groupe d’adolescents inséré dans une scolarité à temps partiel et d’un grouped’adolescents en décrochage scolaire.

En ce qui concerne le Centre de Formation, nous avons délibérément orienté nos recherchesvers un CEFA. La raison de ce choix découle du fait que les alternants apparaissent comme unepopulation plus problématique que les apprentis. En effet, ce constat a été mis en évidence dansdivers domaines, tant au niveau de l’échantillon rencontré lors des entretiens qualitatifs (plus dedifficulté de concentration, insertion scolaire plus partielle, plus faible intégration familiale,etc.), qu’au niveau de la recherche de N. Ouali et A. Réa sur les trajectoires scolaires etprofessionnelles (origine scolaire et socio-économique moins élevée, insertion professionnellefuture moins bonne, etc.).Dans ces circonstances, la confrontation du projet de questionnaire à des adolescentsfréquentant un CEFA nous semble garantir le bon déroulement de l’enquête au niveau des

14 Les questionnaires sont chacun constitués d’environ 100 questions pour, plus ou moins, 115 questions dansl’enseignement de plein exercice.

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jeunes suivant une formation des Classes Moyennes. Une rencontre a pu ainsi être organisée,dans le courant du mois de mars, avec une classe de 10 jeunes dans un CEFA de la province duHainaut.

Du côté des AMO et des Maisons de Jeunes, après divers contacts, une AMO nous aaimablement prêté sa collaboration pour rencontrer un groupe de jeunes en décrochage scolaire.Toutefois, malgré deux tentatives de rencontre, ce prétest n’a pu avoir lieu. En effet, à chaquerendez-vous, les jeunes se sont désistés à la dernière minute. Et ceci même si les jeunes avaientdécidé eux-mêmes des moments des rencontres et se disaient, à chaque fois, « enthousiastes »de participer à la recherche. La première rencontre, fin avril, dans les locaux de l’AMO était lerésultat d’une concertation entre un éducateur de rue et les jeunes ciblés. La deuxième, fixée enmai, était le fruit d’un contact entre l’enquêteur et un des jeunes du groupe et devait, à lademande des jeunes, se dérouler dans les locaux de l’Institut de Sociologie. Ce passage de laréalisation théorique d’un projet à sa concrétisation est une des difficultés souvent citées par lesacteurs de terrain dans leur travail auprès des jeunes dont ils s’occupent.

Pour remédier à ces tentatives avortées et respecter notre planning, les questionnaires ont étéprétestés d’une part, via le réseau de relations personnelles de l’enquêteur, auprès d’un jeunebrossant régulièrement les cours et d’un jeune ayant arrêté prématurément sa scolarité, et d’autrepart, via une Maison de Jeunes, auprès d’un jeune brosseur. Ces prétests se sont effectués dansle courant du mois de mai. Afin de ne plus perdre de temps, il a été décidé de ne pas approfondirle prétest auprès des jeunes brosseurs et décrocheurs au-delà de ces 3 cas. Cette décisions’appuie sur le fait que d’une part, les questionnaires sont dans l’ensemble semblables et qued’autre part, ils ont déjà été testés auprès de 10 adolescents fréquentant une formation à horaireréduit.

Les questionnaires ont donc été prétestés auprès de 13 jeunes dont 10 au sein des CEFA, 2auprès de jeunes brossant régulièrement les cours et un auprès d’un jeune en arrêt de scolarité.

2.2.3 Les acquis :

Même si de prime abord les jeunes manifestent une résistance à l’égard de la longueur duquestionnaire, une fois commencé l’intérêt des jeunes à l’égard de l’enquête a été généralementimportant. Seul un jeune n’a pas voulu participer au prétest et un jeune a rendu le questionnairesans l’avoir terminé.

D’autre part, la majeure partie des questions ne pose aucun problème et lorsqu’une questionpose une difficulté, elle est le plus souvent circonscrite à un seul des jeunes interrogés. Ainsi,sur l’ensemble des questionnaires :

- 59 questions n’ont aucun posé de problèmes- 24 questions ont posé une fois un problème- 13 questions ont posé deux fois un problème- 5 questions ont posé plus de deux fois un problème

2.2.4 Les problèmes rencontrés :

Premièrement, le temps pour remplir le questionnaire varie fortement d’un jeune à l’autre. Lesplus rapides se contentant d’environ 40 minutes et les plus lents dépassant 1 heure et demi. Cequi incite à penser que les jeunes de la population ciblée se différencient fortement quant à leurcapacité à appréhender un matériel écrit tel un questionnaire et que l’effort exigé n’est donc pasle même d’un adolescent à l’autre. D’ailleurs, les plus lents de notre échantillon sont aussi ceuxqui ont connus le plus de problèmes à répondre convenablement au questionnaire.Deuxièmement, les longues questions engendrent plus fréquemment des refus de répondre etdes réponses incomplètes et quelques questions engendrent des problèmes de compréhension.

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Ce qui semble traduire, pour certains, un évitement des points qui exige une concentration pluslongue.

Enfin, les modalités de correction, les sauts de question prévus et les conventions de réponse nesont pas toujours respectés. Ce qui laisse présager qu’une partie d’entre eux ne tient pas comptedes notes explicitant la manière de répondre. Sur ce point, il est intéressant de souligner que cenon-respect peut parfois refléter une manière plus adéquate de répondre à une question(exemple : réponse demandée aux fumeurs en nombre de cigarettes/semaine et réponse donnéeen paquets/semaine).

Ces deux dernières remarques se retrouvent d’ailleurs bien dans le fait que la paged’introduction à la recherche n’a été lu que par une minorité des jeunes prétestés ou quecertaines interpellations portaient sur les conventions inscrites dans la formulation de laquestion.

2.2.5 La correction :

Pour remédier à ces problèmes, les questions problématiques ont été corrigées (reformulation del’énoncé de la question, suppression d’une modalité engendrant de la confusion, ajout d’unemodalité pertinente, réduction dans la formulation etc. ) en fonction des remarques des jeunesparticipant au prétest.

D’un autre côté, l’ensemble du questionnaire a été réorganisé et les conventions de réponsemisent en évidence ( modalités de correction à chaque page, encadrement, fléchage des sauts dequestions, etc.)afin d’éviter, le plus possible, les erreurs issues d’une lecture incomplète ouprécipitée du jeune.

2.3 L’administration des questionnaires :

2.3.1 Les formations à horaire réduit :

2.3.1.1 La demande :

L’ensemble des Centres d’Éducation et de Formation en Alternance et des Centresd’Apprentissage des Classes Moyennes de la Communauté Française ont été contactés parcourrier le 25 avril 2000. Ce courrier comprenait :

- une lettre de demande de participation à l’enquête (voir annexe 4.1) ;- une fiche résumant la recherche en cours (voir annexe 4.2) ;- un formulaire de réponse (voir annexe 4.3) ;- une brochure présentant les résultats d’autres recherches menées auprès des jeunes.

2.3.1.2 L’échantillon attendu :

Notre objectif est d’atteindre, plus ou moins, 800 jeunes via les formations à horaire réduitdont la moitié par le biais des CEFA et l’autre moitié par le biais des Formations des ClassesMoyennes.

2.3.1.3 L’échantillon observé :

La lettre de contact, suivi dans de nombreux cas d’un (ou plusieurs) rappel(s)téléphonique(s) au début mai et, le cas échéant, d’une nouvelle demande, nous a permisd’obtenir la collaboration de 17 CEFA et 6 Centres de Formation des Classes Moyennes.Par le biais de cette demande, nous touchions ainsi un tiers des CEFA et un peu moins de lamoitié des Centres d’apprentissage des Classes Moyennes.

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Les classes tirées dans ces centres sont respectivement de 32 pour les jeunes en alternance etde 18 pour les apprentis. Ce qui doit nous permettre d’interroger 792 jeunes dont 416 chez lespremiers et 376 chez les seconds.

2.3.1.4 Les refus de participer à l’enquête :

Tous les établissements contactés n’ont pas participé à l’enquête. Pour un peu moins d’untiers de l’ensemble des Centres contactés, nous ne connaissons pas la raison de ce refus dansla mesure où malgré les contacts, nous n’avons eu aucune nouvelle.

Pour les autres, le refus le plus courant est justifié par un manque de temps en cette périodeprécédant les examens de fin d’année. Il est vrai que, pour certains, les possibilitésd’organiser l’enquête ont été considérablement raccourcies par des accidents de parcours(perte du courrier, maladie du responsable de l'établissement, courrier réceptionné par ladirection de l’enseignement de plein exercice de l’établissement, etc.) ou par le mécanismede prise de décision interne à l’établissement scolaire (attente de la réponse du pouvoirorganisateur, décision prise collectivement par le corps professoral, etc.).

Quelques refus résultent de la réalisation d’une autre enquête au sein de l’établissement(mémoire d’étudiants, recherche-action sur la prévention de l’usage nocif des produitspsychotropes, etc.).

Enfin, un refus a été légitimité pour la volonté du responsable de supprimer les questionsconcernant l’usage de produits psychotropes.

2.3.2 Les maisons de Jeunes et les AMO :

2.3.2.1 La demande

Au cours de la seconde partie du mois de mai, la moitié des Maisons de Jeunes (70) et desAmo (33)15 ont été contactée pour participer à l’enquête sur les jeunes brossantrégulièrement les cours et sur les jeunes ayant arrêté leur scolarité. Le choix de celles-cirésulte d’un tirage aléatoire effectué sur l’ensemble de la Communauté Française. La lettrede demande et la fiche présentant la recherche était accompagnée d’un formulaire departicipation à compléter (voir annexe 4.2 ; 5.1 et 5.2). Par ce formulaire, chaque associationdevait estimer le nombre de jeunes, qui en leur sein, pouvait prendre part à la recherche. Cedernier complété devait nous revenir au plus tard le 7 juin.

Devant le peu de réponses, un coup de téléphone de rappel a été réalisé la semaine du 5 juinau 9 juin et, dans les semaines qui suivent pour les associations qui n’avaient pu être atteinteset celles qui voulaient un temps de réflexion pour prendre une décision. Lors de cette phase,il a été également nécessaire de renvoyer la demande à quelques associations (changementd’adresse, perte du courrier, changement de coordination, etc.), de compléter lesinformations concernant l’enquête que ce soit par écrit ou par l’organisation d’une rencontre.

2.3.2.2 L’échantillon attendu :

Par le biais du tissu associatif, notre objectif est de récolter entre 300 et 400 questionnairesc’est-à-dire d’atteindre 3, 4 jeunes par association sachant pertinemment bien que certainesassociations ne sont pas du tout fréquentées par des jeunes en marge du système scolaire, que

15 Certaines Maison de Jeunes et certaines AMO font partie de la même association. Dans ce cas, nous avonsprivilégié la piste AMO plus susceptible de répondre à nos attentes.

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d’autres le sont de manière importante et que les AMO, vu la spécificité de leur travail,devaient être plus à même de répondre à nos attentes.

2.3.2.3 L’échantillon constitué :

La réponse à notre demande nous a permis l’engagement de 12 MJ et de 17 AMO et l’envoide 365 questionnaires dont 135 destinés à des jeunes en arrêt de scolarité et de 230questionnaires concernant des jeunes brossant régulièrement les cours. Nous obtenions ainsila participation d’un peu plus de la moitié des AMO et d’un peu moins d’un cinquième desMJ contactées.

2.3.2.4 Les refus de participer à l’enquête :

Comme pour les formations à horaire réduit, pour certaines associations nous ignorons laraison de la non participation à l’enquête. Cette ignorance concerne environ 25% des MJ et10% des AMO. Pour les autres c’est-à-dire pour un peu plus d’un tiers des AMO et un peuplus de la moitié des MJ, divers éléments sont à mettre en évidence pour expliquer ce refus.

D’abord, comme prévu, l’absence de jeunes fréquentant l’association et répondant auxcaractéristiques recherchées (pas de jeunes en décrochage, public d’enfants, public d’adultes,etc.) constitue la principale source de refus de la part du monde associatif.

Un autre type de refus fréquemment avancé se trouve dans l’impossibilité de s’investir dansl’enquête. Cette impossibilité regroupe de multiples raisons telles que : le manque depersonnel (vacances, maladie, etc.), la présence d’autres priorités pour le moment (camp devacances, organisation d’un festival, préparation spectacle, etc.), l’indisponibilité desbâtiments ou du personnel (bâtiments en rénovation, aménagement de nouveaux locaux,fermeture annuelle de l’association, etc.), les caractéristiques du travail même avec les jeunes(aide ponctuel, accompagnement limité dans le temps, etc.).

D’un autre côté quelques refus de déontologie professionnelle (pas une mission del’association, travail sur la demande du jeune et non l’inverse, etc.) furent avancés ainsi quedes craintes concernant l’utilisation d’une telle enquête, notamment sur le plan politique, etses effets sur la population cible (stigmatisation, mesures en défaveur des jeunes, absence derésultats sur le terrain, mise en place de politiques sécuritaires, etc.).

Ensuite, quelques objections des travailleurs de terrain à l’égard de la démarche proviennentde la crainte d’une réaction néfaste des jeunes à l’égard de l’association faisant passer unetelle enquête (représailles des jeunes à l’égard de l’association, rupture de la relation établieavec les jeunes, etc.) ou du refus de l’équipe qui, trop sollicitée ou ayant connu de mauvaisesexpériences par le passé, ne participe plus à aucune enquête.

Enfin, comme au niveau de la prospection qualitative, quelques associations, ayant consultépréalablement les jeunes avant de répondre, se sont vues octroyer un refus de leur part àparticiper à la recherche.

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2.4 L’absentéisme dans notre population des formations à horaire réduit :

2.4.1. Les échantillons :

Les échantillons pris en considération dans le calcul de la présence au sein des diverses classesinterrogées ont dû être légèrement corrigés en raison des aléas de l’enquête. En effet, le nombrede questionnaires attendus étaient de 792 dont 416 chez les alternants et 376 chez les apprentis.

Or, premièrement, un Centre de Formation des Classes Moyennes n’a pas eu le temps derécolter les données auprès de l’une de ces classes composées de 21 apprentis.Deuxièmement, une autre classe d’apprentis était en fait constitué d’un élève en moins que lenombre avancé dans le formulaire de participation de l’établissement à l’enquête.

Troisièmement, 6 questionnaires, dont 5 alternants et 1 apprenti , ne nous ont été ni remis, nisignalés dans les absences. De sorte que nous ne disposions d’aucune information pour savoirs’il s’agissait de jeunes absents mais non signalés et/ou de jeunes présents qui n’auraient toutsimplement pas rentré leur questionnaire.

Dans notre analyse de l’absence au moment de l’enquête, les échantillons considérés sont doncde 764 pour les chiffres correspondant à l’ensemble des jeunes inscrits dans une filière à horaireréduit, de 353 pour les jeunes suivant un apprentissage et de 411 pour les jeunes insérés dansune formation en alternance. La prise en compte de tels échantillons nous permet ainsi de ne passur-évaluer les absences au moment de la passation de l’enquête.

2.4.2. L’absentéisme:

Sur l’ensemble des jeunes visés par l’enquête, 70,5% étaient présents au moment du passage del’enquête.Ce pourcentage reflète des réalités différentes selon la filière de formation puisqu’elle sous-évalue la présence des jeunes dans la formation des classes moyennes et sur-évalue cetteprésence dans les Centres d’Education et de Formation en Alternance. En effet, celle-ci estrespectivement de 76% pour les apprentis et de 66% pour les alternants.

Ci-dessous, le tableau16 reprenant le nombre réel de questionnaires attendus et reçus selon lestypes de formations à horaire réduit :

Nbre de quest.attendus

Nbre de quest.Reçus

Intervalle deconfiance à 95%

Alternance N=411 N=272 (66%) 61 ,5% - 70,5%

Apprentissage N=353 N=267 (75,5%) 71,5% - 80,5%

Total N=764 N=539 (70,5%) 67% - 74%

16 Pour plus d’informations, il faut se rapporter à l’annexe 4 présentant les tables de contingence.

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Cette dépendance entre le nombre de jeunes présents et la filière de formation, associationstatistiquement significative ( chi-carré de 8,1748 à un seuil de 0,05 et à 1 dl ).s’exprimeclairement lorsque nous représentons graphiquement le pourcentage de présence au moment del’enquête en fonction de ces filières :

L’absentéisme est donc plus important dans les CEFA (Enseignement en Alternance) que dansles Classes Moyennes (Enseignement en Apprentissage).

2.4.2.1 Les Centres de Formations des Classes Moyennes :

Taux de présence selon le type d'enseignement

60,0%

62,0%

64,0%

66,0%

68,0%

70,0%

72,0%

74,0%

76,0%

78,0%

1

Filières de formation

Pou

rcen

tage

des

jeun

es p

rése

nts

Horaire réduit

Alternance

Apprentissage

Taux de présence selon l'année d'apprentissage

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

1

Années d'apprentissage

Pou

rcen

tage

jeun

es p

rése

nts

1ère année

2ème année

3ème année

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Si nous centrons notre propos sur l’échantillon des jeunes apprentis et que nous nousintéressons à la manière dont l’absentéisme se distribue dans cette population, nousconstatons que les chiffres diffèrent de manière importante entre la première annéed’apprentissage et la deuxième et troisième année d’apprentissage. De sorte que surl’ensemble des jeunes inscrits en première année, nous avons des proportions de jeunesprésents (67%) proches de celles obtenues dans les Formations en Alternance. Ce quin’apparaît aucunement dans les deux autres années qui ont respectivement 83% des jeunesprésents en deuxième année et 85% en troisième année d’apprentissage.Cette association entre l’année d’apprentissage et la présence ou l’absence au cours eststatistiquement significative (le chi-carré observé étant de 13,94 ; il est donc supérieur auchi-carré (2dl, seuil 0,05) théorique). Toutefois, cette dépendance entre ces deux variablesrésulte de la différence qui existe entre d’une part, la première année d’apprentissage etd’autre part, la deuxième et troisième année d’apprentissage. En effet, celle-ci se retrouvelorsque nous comparons la première année avec respectivement la seconde et la troisièmeannée mais n’est pas significative lorsque nous l’abordons uniquement au niveau de ladeuxième et troisième années de formation. Ainsi, par rapport à un chi-carré théorique (1dl,α=0,05), le chi-carré observé est respectivement de 9,3547 entre la 1ère année et la 2ème

année d’apprentissage, de 8,78 entre la 1ère et 3ème année d’apprentissage et de 0,1064 entre la2ème et 3ème année d’apprentissage.

2.4.2.2 Les Centres d’Education et de Formation en Alternance :

Au niveau de l’enseignement en alternance, l’absentéisme est également influencé par uneautre variable dans la mesure où il varie en fonction du nombre de jeunes fréquentantl’établissement. C’est ainsi que sur l’ensemble des CEFA de moins de 100 élèves, laproportion des jeunes absents est de 26% alors que sur l’ensemble de ceux de plus de 100apprenants, elle se situe à 39%. La présence au moment de l’enquête et le nombre de jeunesinscrits dans l’établissement (<100 et >100) sont des variables dépendantes l’une de l’autredont le chi-carré est de 8,219. Ce dernier étant supérieur au chi-carré théorique (1dl, α =0,05), l’association entre la présence et le nombre d’apprenants est donc significative.

Notons que les CEFA de petite dimension ne sont pas nécessairement établis en régionrurale.

Pourcentage des présences en fonction de la taille de la population du CEFA

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

<100 >100

Taille population CEFA

Pou

rcen

tage

des

pré

senc

es

%reçus/attendus

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2.4.3.Les types d’absentéisme :

En s’appuyant sur le signalement des absences au moment de la passation de l’enquête danschaque classe, nous pouvons répartir l’absentéisme de la manière suivante: « absences pourmaladie » ; « absences pour une autre justification que la maladie » et « absences pour uneraison inconnue ».

Ainsi sur l’ensemble des jeunes attendus, les motifs des absences se répartissent de la manièresuivante:

- 3% des jeunes ont été signalés malades- 9,5% ont été signalés absents pour une autre raison ;- 17 % ont été déclarés absents pour une raison inconnue.

Sur l’ensemble des formations à horaire réduit, l’ignorance constitue donc le principal motifd’absences. Ce qui laisse entendre qu’une partie non négligeable des jeunes inscrits dans unefilière à horaire réduit brossait les cours le jour de l’enquête.

Mais attention, une différence apparaît également à ce niveau dans la mesure où les motifs del’absentéisme ne se répartissent pas de la même manière selon que nous prenons enconsidération uniquement l’enseignement en alternance (CEFA) ou uniquement l’enseignementdes Classes Moyennes (Apprentissage). En effet, dans cette dernière filière, ce sont les absencespour une autre justification que la maladie qui prédominent sur les absences pour une raisoninconnue.Ainsi, l’ensemble des 225 absences signalées se répartissent de la manière suivante dans lesdiverses filières de formation:

Maladie Autre justification Raison inconnue

Alternancen=139

12% 20% 68%

Apprentissagen=86

6% 53% 41%

Horaire réduitn=225

10% 33% 57%

La proportion des absences selon la filière de formation et le type d’absences se représentegraphiquement de la manière suivante:

Répartition des absences selon la filière à horaire réduit et le type d'absences

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

Maladie autre justification. raison Inconnue

Types d'absences

Alternance

Apprentissage

Horaire réduit

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Il faut relativiser ces chiffres pour deux raisons principales :

-d’une part, certaines absences pour raisons inconnues vont être justifiées au retour dujeune ;-d’autre part, une bonne partie des absences dites justifiées sont, comme nous allons leprésenter ci-dessous, le résultat d’arrêt, volontaire ou involontaire, de la formation.

L’absentéisme pour une « autre justification » ne semble pas automatiquement avoir la mêmesignification dans les deux filières à horaire réduit. D’après les informations obtenues, soit partéléphone, soit dans le colis nous retournant les questionnaires, les absences dans la catégorie« autres justifications » se répartissent de la manière suivante17 :

- 74,5% sont le résultat d’abandons de la formation, de contrats cassés en cours d’annéesou d’un absentéisme pris en charge par le Service de Protection de la Jeunesse- 9,5% sont des absences précises et motivées (changement d’orientation, placement enIPPJ, stage professionnel à temps plein au moment de l’enquête, grossesse, etc.)- 16% sont des absences motivées dont nous ignorons la raison.

Ainsi, les absences pour une « autre justification » traduisent souvent un décrochage du jeunepar rapport à sa formation. Celui est soit le résultat d’une décision personnelle (l’abandon), soitle résultat d’une rupture du contrat. Ce qui se révèle particulièrement au niveau de la formationdes apprentis. Et beaucoup moins au niveau de la formation en Alternance où d’une part, ce typed’absences est proportionnellement moindre et où d’autre part, l’information dont nousdisposons est plus sommaire. Par contre, les absences justifiées en raison d’une prise en chargedu jeune par un service du secteur de l’aide à la jeunesse se retrouvent plus aisément chez lesalternants ainsi que l’absence pour maladie.

2.4.4. Les pistes d’exploration :

A côté du fait que certains jeunes ayant apparemment connu des difficultés dans l’enseignementde plein exercice éprouvent également des problèmes à s’insérer dans les filières à horaireréduit, la description de l’absentéisme dans les formations à horaire réduit nous amènelogiquement à envisager diverses pistes d’exploration possibles.

D’abord, l’absentéisme est plus important dans les établissements pour alternants que pourapprentis. Ce qui semble confirmer, comme nous l’avons signalé dans le cadre de l’analysequalitative, que les Centres d’Éducation et de Formation en Alternance touchent une populationplus problématiques en matière d’insertion scolaire que les établissements des ClassesMoyennes. Ce qui devrait, d’après nos hypothèses, se traduire également par davantage dedifficultés sur le plan de la santé.Plusieurs éléments semblent aller dans le sens de cette hypothèse. D’abord, l’absence pourmaladie est plus fréquente au sein des CEFA et la prise en charge par un service de protectionde la jeunesse, qui témoigne de l’exposition du mineur d’âge à une situation de danger, sembleplus courante. Ensuite, le brossage, qui d’après nos hypothèses indiqueraient et/ou favoriseraientles problèmes de santé semble plus fréquent. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les CEFA,contrairement aux formations des Classes moyennes, ont une mission qui dépasse le simplecadre de la formation théorique et pratique à partir du moment où ils sont également chargés, lecas échéant, de l(a)’(ré)insertion du jeune. Pour remplir leurs missions d’encadrementpsychosocial et d’accompagnement progressif de l’insertion socioprofessionnelle du jeune, ils

17 Dans les formations des Classes Moyennes, les absences insérées dans la catégorie « autres justifications »sont majoritairement le résultat d’abandons ou de contrats cassés en cours d’année. Par contre, dans lesformations en alternance, ce type d’absences est respectivement de 32% pour les abandons ou prise en chargeextérieure de l’absentéisme scolaire, de 43% pour les absences justifiées sans autres précisions et de 25% pourles absences précisées et justifiées.

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peuvent d’ailleurs développer des activités (méthodes de travail, savoir-être, observations sur leterrain, etc.) qui ne s’arrêtent pas à la formation professionnelle au sens strict.L’analyse des données recueillies dans les questionnaires nous permettra donc de comparer lapopulation des deux filières de formation à horaire réduit et donc de vérifier la pertinence de noshypothèses.

Ensuite, si comme nous le supposons les Classes Moyennes ont une population moinsproblématique en terme de santé que les CEFA, l’absentéisme en 1ère année d’apprentissagepose question. D’abord, son importance est similaire à celui de l’ensemble des CEFA. Ensuite,il est souvent le résultat d’une rupture de contrat ou d’un abandon. Ainsi une partie des jeunescommençant un apprentissage éprouverait des difficultés à respecter les termes d’un contratd’apprentissage qui les lient à la fois à un chef d’entreprise et à un établissement de formation.Ce qui pourrait traduire des problèmes d’intégration psychosociale. Une autre partieabandonnerait leur apprentissage en cours et révélerait, par la même occasion, des troublespsychiques (manque de confiance en soi, difficulté de se projeter dans le futur, incapacité à faireface à ses problèmes, etc.). Ces jeunes mal adaptés quitteraient, volontairement ouinvolontairement, leur formation, et ceci, le plus souvent en début de contrat. En ce sens, onpeut penser qu’une enquête en début d’année toucherait un public plus problématique. Cesallégations ne pourront malheureusement pas être confrontés aux données recueillies dans lesquestionnaires. A noter que cet a priori ne signifie pas que les abandons soient nécessairementmoins fréquents en alternance mais ils résultent sans doute davantage d’une décision du jeune.

Enfin, les jeunes fréquentant des CEFA de petite dimension semblent mieux insérés au sein del’école que ceux fréquentant un Centre de plus grande importance. Cette insertion a-t-elle uneincidence sur la santé des jeunes ? Un absentéisme moindre dans les établissements de petitedimension traduit-il un bien-être plus important des jeunes qui les fréquentent ou un contrôleplus aisé de l’établissement sur l’absentéisme ? Un meilleur encadrement scolaire défavorise-t-ill’adoption de comportements à risque, favorise-t-il l’adoption de comportements depréservation ? L’attrait des jeunes à l’égard de la formation et de l’école est-il meilleure au seindes petites implantations ?Les questions suggérées par cette catégorisation laisse entrevoir également diverses possibilitésde cheminement dans l’analyse prochaine des résultats.

2.5 La réalisation de l’enquête au sein des instances destinées aux jeunes :

2.5.1 La passation de l’enquête :

Pour rappel, suite à la demande de participation, 365 questionnaires ont été envoyés dans les MJet AMO. Au départ, les questionnaires envoyés pour la plupart au début du mois de juin,devaient être rentrés pour la fin du mois de juillet. Devant le peu de retour à la fin de ce mois(24 questionnaires rentrés), cette clôture a été reportée d’un mois.

Ce faible retour était en partie prévu. D’abord, quelques associations avaient demandé depouvoir réaliser l’enquête dans le courant du mois d’août pour diverses raisons(participation a« Été-Jeunes, fermeture de l’association, décision tardive de participer à l’enquête, etc.).Ensuite, l’équipe d’une association dont le coordinateur s’était engagé, a refusé de soumettrel’enquête auprès des jeunes (questionnaires jugés trop long, trop académique par rapport auxjeunes ciblés, crainte de l’utilisation des résultats de l’enquête, etc.). Enfin, une autre associationpensant que l’enquête s’étalait sur l’année scolaire 2000-2001 s’était engagé dans une tâchequ’elle ne pouvait accomplir dans les temps et nous a donc renvoyé la plupart desquestionnaires demandés.

Pour comprendre le peu de retour parmi les autres associations, un contact a été établi à la fin dumois de juillet. Il s’est révélé ainsi que certaines d’entre elles n’avaient pas encore eu le temps

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ou avaient manqué de personnel pour démarrer la prospection auprès des jeunes, que d’autresavaient connu des difficultés à réaliser l’enquête et que, pour terminer, certains questionnairess’étaient évaporés dans la nature avec les jeunes. De sorte que nous avons dû revoir nosespérances en terme d’échantillon à la baisse et prolonger l’enquête pour améliorer le taux departicipation des jeunes18.

Malgré l’allongement de l’enquête au sein du tissu associatif, seuls 33 questionnaires nous sontrevenus complétés. Deux ont dû être écarté dans la mesure où il s’agissait de jeunes qui neconnaissaient pas de problèmes de décrochage. Parmi les 31 questionnaires valables, 14concernent des jeunes brossant régulièrement les cours et 17 concernent des jeunes qui ontarrêté prématurément leur scolarité. Environ ¼ de ceux-ci proviennent des MJ qui ont doncconnu un peu plus de difficultés que les AMO. A noter que les 2/3 des associations ne nous ontrenvoyé aucun questionnaire complété et qu’aucune association n’a pu renvoyer la totalité desquestionnaires reçus.Il est également possible que quelques questionnaires nous soient encore restitués dans les joursà venir19.

2.5.2 Les difficultés rencontrées par les associations :

Les divers contacts établis au cours de l’enquête nous ont permis de recueillir des informationsconcernant les raisons de cette faible participation de la part des jeunes à l’enquête. Ces raisonssont les suivantes :

- une partie des participants a connu des difficultés à inclure l’enquête dans leuremploi du temps (priorité à d’autres activités, manque de personnel pendant lesvacances, etc.) ;- les jeunes susceptibles de participer fréquentent l’association de manièreépisodique ou ne sont plus passés à l’association ces dernières semaines (vacances,travail, etc.);- les jeunes sont peu intéressés et peu motivés à répondre aux questionnaires ;- les consignes d’organisation de l’enquête n’ont pas été respectées par toutes lesassociations (jeune chargé de poster le renvoi des questionnaires, questionnairesdirectement distribué aux jeunes concernés20 sans les amener à les remplir au seinde l’association).

A côté de ces difficultés rencontrées dans plusieurs associations, un des participants n’a puremplir ces engagements parce que le responsable de l’enquête au sein de l’AMO n’y travailleplus.

2.5.3 Les leçons à tirer de l’enquête via le tissu associatif :

Les Maisons de jeunes et les AMO sont des dispositifs permettant de toucher des jeunes endécrochage. Ce qui apparaît clairement dans l’estimation du nombre de jeunes susceptibles departiciper à l’enquête et dans le fait que des associations fréquentées par des décrocheurs ontrefusé de participer à l’enquête. En ce sens, le choix des instances de relais pour rencontrer lepublic ciblé se justifie pleinement et l’échantillon constitué à partir des instances sélectionnéesnous laissaient entrevoir une participation largement satisfaisante des jeunes à la recherche.

18En soustrayant les désistements, les enquêtes présentées incertaines et les questionnaires directement évaporésavec les jeunes de l’échantillon constitué, nous nous retrouvions avec un échantillon prévu au début du moisd’août d’un peu plus de 200 jeunes et ceci à condition, bien entendu, que l’ensemble des autres associationspuissent remplir complètement leur engagement.19 Une dizaine de questionnaires remplis nous a été confirmée par téléphone.20 Les consignes accompagnant l’envoi des questionnaires précisaient clairement que les jeunes ne pouvaientemporter les questionnaires chez eux.

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Par contre, nous pouvons supposer que nous avons manifestement sous-évalué la difficultéd’impliquer les jeunes décrocheurs à une enquête par questionnaire et sur-évalué la capacité desinstances sélectionnées à répondre à notre demande. Mais plus encore, dans la mesure où larécolte des données a pu se réaliser avec succès dans les Centres de formation à horaire réduit,nous pouvons émettre l’hypothèse que le faible taux de participation à cette partie de l’enquêteréside principalement de la transposition de l’enquête d’un contexte institutionnel à un autrecontexte institutionnel possédant chacun leurs propres règles d’organisation et defonctionnement avec les jeunes. En d’autres termes, nous n’avons sans doute pas assez porténotre attention à l’influence de l’environnement sur la faisabilité de l’enquête.

D’abord, comme nous avons pu le constater au cours de l’enquête qualitative, beaucoup dedécrocheurs adoptent d’abord une conduite de méfiance à l’égard de la recherche pour ensuite,si cette appréhension est dépassée, s’investir et manifester un intérêt à participer à la recherche.Or, justement, il apparaît que beaucoup d’association ont éprouvé des difficultés à aller au-delàcet état initial. D’après quelques responsables des enquêtes, certain jeunes n’avaientmanifestement pas confiance quant à la confidentialité des résultats21. Il est vrai aussi que lecontexte (influence du groupe, déroulement d’activités, organisation de l’espace, etc.), laconnaissance approfondie ou partielle du jeune, la confiance du jeune à l’égard du travailleur, lemoment et la manière de l’aborder influencent fortement la possibilité de dépasser cet état.Ainsi, par exemple, un jeune en pleine discussion avec ses amis risque d’être moins disposé àparticiper à l’enquête qu’un jeune en train de confier ses problèmes scolaires à un travailleursocial.

D’un autre côté, le travail du personnel des associations, notamment des AMO, repose en bonnepartie sur une démarche active des jeunes. Or, dans le cadre de notre enquête, cette logique estinversée dans la mesure où ce sont les travailleurs qui sont demandeurs à l’égard des jeunes qui,de leur côté, sont totalement libre de dire non à la requête. Cette inversion dans la pratiqueprofessionnelle est d’autant plus difficile que cette demande semble a priori être peu attractivepour le jeune. Ce peu d’intérêt se reflétait d’ailleurs déjà dans l’enquête qualitative où uneconsultation préalable des jeunes conduisait, tant au niveau des Centres de formations qu’auniveau des associations, le plus souvent à une réaction négative à l’égard de la recherche. Il estvrai que le jeune, pour remplir le questionnaire, doit consacrer une partie de son temps libre à unacte qui n’est sans doute pas perçu comme pouvant lui rapporter quelque chose22. D’autre part,il se peut également qu’une partie des jeunes éprouve une aversion à l’égard de tout matérielécrit, et donc à l’égard d’un questionnaire, qui symbolise sans doute trop l’apprentissagescolaire dont ils sont en marge. Concernant ce dernier point, il fût d’ailleurs frappant au cours del’enquête qualitative que la plupart des jeunes rencontrés dans les interviews préféraientrépondre oralement aux mini-questionnaires plutôt que par écrit. De sorte que beaucoup sembleplus à l’aise avec l’expression orale qu’écrite.

Enfin, il ne faut pas négliger le facteur temps. En effet, alors que nous avons une passationcollective dans le cadre scolaire, au niveau associatif, celle-ci est difficilement réalisable.Autrement dit, une enquête d’une classe de 15 élèves prendrait 15 fois plus de temps en milieuassociatif qu’en milieu scolaire.

Pour terminer, il est tout de même intéressant de signaler qu’une association a profité desréactions suscitées chez quelques jeunes après le passage de l’enquête pour les amener às’investir dans un nouveau projet personnel.

21 Cette remarque a été également formulée par un responsable de la passation des questionnaires au sein d’undes CEFA.22 Lors de l’analyse qualitative, nous avons souligné que les comportements d’une bonne partie des décrocheurssemblaient s’inscrire dans une logique de satisfaction immédiate.

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2.5.4 Les pistes pour améliorer la participation :

Le milieu associatif étant différent du cadre scolaire (disponibilité des jeunes, absence deprospection, locaux, etc.), il est donc nécessaire de prendre en considération cet état si nousvoulons améliorer la participation des jeunes à ce type d’enquête.D’abord, vu la difficulté de toucher le public désiré, il paraît important de réaliser une étapepréalable à l’administration même des questionnaires. Cette étape permettrait de recruter descollaborateurs au sein des associations, de les préparer à rencontrer les jeunes et d’organiser unéchange et un accompagnement tout au long de la récolte des données.Ensuite, étant donné l’importance de choisir un moment approprié et du temps qu’il failleconsacrer à faire passer l’enquête, il peut être opportun de prolonger la durée de l’enquête.Enfin, il paraît nécessaire de porter notre réflexion sur les éléments pouvant favoriser lamotivation des jeunes à s’impliquer dans une telle démarche comme la réduction de la longueurdu questionnaire23, la mise en place, dans une optique d’échange compensatoire, d’incitantsfinanciers24, la possibilité de prévoir un enquêteur pour faire passer le questionnaire25, lapossibilité d’étendre le champ des acteurs relais26 etc.L’étude menée en Suisse sur les jeunes ayant arrêté leur scolarité (Delbos Piot & al. 1995), nousrenseigne d’ailleurs bien sur la difficulté de recueillir des données auprès de ce public. En effet,celle-ci s’est étalée sur une période de 18 mois au cours de laquelle un réseau d’une centaine decollaborateurs professionnels a été créé pour obtenir 142 questionnaires.

3. L’ENCODAGE :

Dans l’ensemble, les questionnaires récoltés ont été complétés correctement par les jeunessondés. Seuls 3 questionnaires relativement fantaisistes ont été automatiquement écartés del’encodage des jeunes inscrits dans une formation à horaire réduit ainsi que les 2 questionnaires« associatifs » concernant des jeunes qui n’étaient pas en décrochage scolaire. Quelquesquestionnaires n’ont pas été encodés jusqu’au bout dans la mesure où manifestement le jeune acommencé à devenir fantaisiste à l’abord d’un nouveau thème (par exemple : le cannabis ou lafamille).Parmi l’ensemble des 50 classes des formations à horaire réduit, 4 classes27 n’ont pas bénéficiéd’assez de temps pour arriver au bout du questionnaire. De même, par classe, plus ou moins 1jeune n’a pas rempli son enquête jusqu’à la fin et plus ou moins 1 jeune a passé quelquesquestions ou un thème.A noter que dans le tissu associatif, hormis un jeune qui n’a pas terminé son questionnaire, lesautres données ne présentaient aucun caractère incomplet ou fantaisiste

23 Beaucoup de participants soulignent que les jeunes en voyant le questionnaire le trouvait trop long.24 Une partie des jeunes demandent si la participation à l’enquête est payée.25 Notamment pour les jeunes qui se sentent plus à l’aise avec l’expression orale.26 Les brosseurs ne peuvent-ils pas être davantage touchés par du personnel présent au sein des écoles.27 Classes où plus de la moitié des questionnaires n’étaient pas remplis dans leur entièreté et où quelques noteslaissées par les jeunes soulignaient ce manque de temps.

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4. QUELQUES DONNÉES QUANTITATIVES :

Dans le cadre de ce point, il ne s’agit pas de procéder à l’analyse quantitative mais de décrirequelques éléments qui apparaissent chez les jeunes de notre échantillon. Les données ci-dessoussont bruts et prennent en considération, à chaque fois, l’ensemble des jeunes qui ont répondu28

aux variables décrites. A ce niveau, les quelques données traitées ne sont soumises à aucuneinterprétation. Celle-ci serait précoce et risquerait de nous donner des résultats erronés.D’un autre côté, il ne faut pas perdre de vue que les échantillons (en raison de leur taille) baséssur les divers types de questionnaire ne présentent pas le même degré de précision. Cettedifférence dans la dimension des échantillons engendre, entre autres, que les données portant surl’ensemble des jeunes sont d’abord le résultat des jeunes inscrits dans une formation à horaireréduit.Dans ce traitement partiel de données, nous allons d’abord aborder la répartition du sexe chezles jeunes interrogés. Ensuite, nous nous attacherons à traiter quelques variables liées àl’intégration scolaire et socio-familiale des adolescents concernés par notre enquête. Enfin, nousnous intéresserons à décrire quelques conduites à risques et plaintes psychosomatiquesrencontrées au sein du public ciblé.

4.1 La répartition du sexe dans l’échantillon :

Le tableau ci-dessous reprend la manière dont notre échantillon de jeunes se répartit selon lelieu de passation de l’enquête ( Centres d’Education et de Formation en Alternance (CEFA),Centres d’apprentissage des Classes Moyennes et associations29) et le sexe :

Sexe | Masc Fém | Total----------------+---------------+------ CEFA | n=163 n=103 | 266 > 61.3% 38.7% > 47%

Lieu Cl. Moyennes | n=204 n=65 | 269d’enquête > 75.8% 24.2% > 47.5%

MJ/AMO | n=20 n=11 | 31 > 64.5% 35.5% > 5.5%----------------+---------------+------ Total | 387 179 | 566 | 68.4% 31.6% |

L’ensemble de notre échantillon est composé de 68,5% de garçons et de 31,5% de filles. Ausein des Centres d’Education et de Formation en Alternance (CEFA), nous avons 61,5% degarçons et 38,5% de filles. Dans les Centres des Classes Moyennes et dans les associations (MJet AMO), nous avons respectivement 76% et 64,5% de garçons.L’échantillon des CEFA est donc celui dans lequel les filles sont le mieux représentées etl’échantillon Classes Moyennes, celui dans lequel elles sont les plus minoritaires.Ce poids plus important des filles dans les CEFA doit donc être pris en compte dans les analysesfutures des données.

28 Le taux de non-réponse chez les jeunes est signalé lorsqu’il est important.29 La dénomination « associations » concerne les Maisons de Jeunes (MJ) et les associations d’Animation enMilieu Ouvert (AMO).

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4.2 L’intégration scolaire et socio-familiale :

Les données concernant l’intégration scolaire portent uniquement sur des jeunes inscrits dansune filière à horaire réduit (CEFA et Classes Moyennes). Dans ce cadre, nous allons d’une partporter notre intérêt sur la fréquence du brossage au cours de cette année chez les jeunes inscritsdans une filière à horaire réduit et d’autre part, nous intéresser aux jeunes des CEFA quiremplissent ou non le volet pratique de leur formation.

4.2.1 Le brossage dans les filières à horaire réduit :

Sur l’ensemble des jeunes inscrits dans une formation à horaire réduit (CEFA et ClassesMoyennes), la fréquence du brossage depuis le début de l’année scolaire (9/99-5/00) se répartitde la manière suivante :

Brossage | Freq. Pourcent Cum.---------------+----------------------- jamais | 246 46.8% 46.8% rarement | 160 30.4% 77.2% plus. X/trim. | 54 10.3% 87.5% plus. X/mois | 32 6.1% 93.5% plus. X/sem. | 34 6.5% 100.0%---------------+----------------------- Total | 526 100.0%

Ils sont presque la moitié à déclarer ne jamais brosser les cours et environ 12,5% ( 13,5% desgarçons et 11,5% des filles) à affirmer les brosser régulièrement.Ces proportions ne peuvent être comparées en tant que telles avec les élèves inscrits dans unescolarité à temps plein dans la mesure où d’une part, ces jeunes ont (une ou) deux journées decours par semaine et d’autre part, une partie des jeunes étaient absents le jour de l’enquête30.

4.2.2 L’exercice d’un travail dans les CEFA :

Le tableau ci-dessous présente les jeunes des CEFA par sexe et par l’exercice ou le non-exerciced’une profession dans le cadre de la formation

Exercice d’une profession | oui non | Total-----------+---------------+------ masculin | 129 31 | 160 > 80.6% 19.4% > 61.1%

Sexe féminin | 74 28 | 102 > 72.5% 27.5% > 38.9%-----------+---------------+------ Total | 203 59 | 262 | 77.5% 22.5% |

Concernant la partie pratique de la formation, ils sont 22,5% des jeunes (19,5% des garçons et27,5% des filles) des CEFA à déclarer n’exercer aucune profession dans le cadre de leurformation. Ces derniers ne peuvent pas dans leur situation obtenir leur diplôme.

30 Pour rappel, lors du passage de l’enquête, sur l’ensemble des jeunes inscrits dans un CEFA, 34% (n=139)n’étaient pas présents et sur l’ensemble des apprentis suivant une formation dans un Centre des ClassesMoyennes, 24% (n=86) n’étaient pas présents.

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4.2.3 Les soirées passées en compagnie des parents et les soirées passées avec les amis :

Ce point se centre sur deux des variables devant nous servir à mesurer l’intégration socio-familiale de la population ciblée par notre recherche : le nombre de soirées passé par semaineavec les parents et le nombre de soirées par semaine passé avec les amis.

Dans les tableaux ci-dessous nous pouvons voir la manière dont notre échantillon se distribued’une part, par sexe et par le nombre de soirées passé en compagnie des (ou de l’un des) parentset d’autre part, par sexe et par le nombre de soirées passé en compagnie des ami(e)s.

Soirées par semaine en compagnie des parents Soirées par semaine en compagnie des ami(e)s SEXE SEXE

Nbr soir/sem | Masc fém | Total Nbr soir/sem | Masc Fé m | Total-------------+-------------+------ -------------+--- ------------+------ 0 soirée | n=76 n=44 | n=120 0 soirée | n=42 n=41 | n=83 | 20.8% 25.3% | 22.2% | 11.6% 23.7% | 15.5% 1 soirée | n=47 n=20 | n=67 1 soirée | n=44 n=32 | n=76 | 12.8% 11.5% | 12.4% | 12.1% 18.5% | 14.2% 2 soirées | n=54 n=27 | n=81 2 soirées | n=70 n=33 | n=103 | 14.8% 15.5% | 15.0% | 19.3% 19.1% | 19.2% 3 soirées | n=39 n=16 | n=55 3 soirées | n=60 n=24 | n=84 | 10.7% 9.2% | 10.2% | 16.5% 13.9% | 15.7% 4 soirées | n=39 n=17 | n=56 4 soirées | n=30 n=13 | n=43 | 10.7% 9.8% | 10.4% | 8.3% 7.5% | 8.0% 5 soirées | n=42 n=14 | n=56 5 soirées | n=26 n=10 | n=36 | 11.5% 8.0% | 10.4% | 7.2% 5.8% | 6.7% 6 soirées | n=16 n=10 | n=26 6 soirées | n=16 n=4 | n=20 | 4.4% 5.7% | 4.8% | 4.4% 2.3% | 3.7% 7 soirées | n=53 n=26 | n=79 7 soirées | n=75 n=16 | n=91 | 14.5% 14.9% | 14.6% | 20.7% 9.2% | 17.0%-------------+---------------+------ -------------+- --------------+------ Total | n=366 n=174 | n=540 Total | n=363 n=173 | n=536 | 67.8% 32.2% | | 67.7% 32.3% |

Khi = 3.46 Khi = 25.80 Degrés de liberté = 7 Degrés de liberté = 7 p = 0.83966279 p = 0.00054618 <---

Parmi l’ensemble des jeunes31 , quel que soit le sexe, 0 soirée passée en compagnie des parentsconstitue la plus fréquente des réponses (22% dans l’ensemble, 21% des garçons et 25,5% desfilles) ? De plus, ils sont nombreux à passer peu de soirées par semaine avec leurs parentspuisqu’ils sont environ 50% (48,5% des garçons et 52,5% des filles) à passer moins de 3 soiréesen leur compagnie et 60% (59% des garçons et 61,5% des filles) à partager moins de la moitiédes soirées de la semaine avec l’un de ses parents.

A l’inverse 15% des jeunes passent l’ensemble de leurs soirées avec leurs parents et 30%passent au moins 5 soirées par semaine en compagnie de leurs parents.

Contrairement à ce que laisse présager le 1er tableau, la majorité des jeunes passent moins de lamoitié des soirées de la semaine avec leurs ami(e)s. Ils sont environ 64,5% à partager moins de

31 Ils sont 4,5% à ne pas avoir répondu à la question concernant le nombre de soirées par semainepassé en compagnie de l’un (ou les deux)des parents et 5% concernant le nombre de soirées parsemaine où ils sortent avec leurs ami(e)s.

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la moitié des soirées avec les ami(e)s et 48,5% à ne pas les voir plus de soirées par semaine. Ilfaut remarquer que ces proportions diffèrent entre les sexes puisque ces chiffres sontrespectivement de 59,5% et de 43% chez les garçons et de 75,2% et 61,3% chez les filles.

D’ailleurs, si la valeur modale de l’ensemble de l’échantillon est de 2 soirées par semaine avecles ami(e)s, elle est de 7 soirées chez les garçons (20,7% des garçons affirment passerl’ensemble des soirées de la semaine avec leurs ami(e)s) et de 0 soirée chez les filles (23,7% desfilles déclarent ne passer aucune soirée par semaine avec ses ami(e)s).

Il est intéressant de signaler, même si nous ne pouvons pas en déduire une différencesignificative avec les autres catégories de notre population de jeunes, que 29% des jeunesinterrogés dans les associations (MJ/AMO) affirment passer l’ensemble des soirées de lasemaine avec leur réseau amical.

4.3 Les comportements à risque :

4.3.1 Avoir déjà consommé du cannabis :

Le tableau suivant présente la distribution des jeunes32 selon qu’ils affirment avoir déjàconsommé ou non consommé du cannabis et selon le lieu d’enquête (Horaire réduit (CEFA -Classes Moyennes) et MJ/AMO) :

avoir déjà consommé du cannabis | oui non | Total------------+-----------------+------ Hor. réd | n=240 n=233 | n=473

Lieu > 50.7% 49.3% > 94.0%d’enquête MJ/AMO | n=21 n=9 | n=30

> 70.0% 30.0% > 6.0%------------+-----------------+------ Total | n=261 n=242 | n=503 | 51.9% 48.1% |

Odds ratio :0.44 Khi2 p ----------- --------Non-corrigé: 4.19 0.04061800 <---Mantel-Haenszel: 4.18 0.04081817 <---Yates corrigé: 3.46 0.06302729

Parmi l’ensemble des répondants, 52% affirment avoir déjà consommé du cannabis.Ils sont 50,5% dans les filières à horaire réduit (50% dans les CEFA et 51,5% dans les ClassesMoyennes) à signaler avoir déjà fait cet usage et 70% dans les Maisons de Jeunes et AMO.

A un seuil de signification fixé à 0,05, nous ne pouvons pas considérer qu’il y a une différenceentre la population des jeunes inscrits dans une formation à horaire réduit et des jeunesdécrocheurs fréquentant les associations de jeunes.

32 11% des jeunes n’ont pas répondu à cette question portant sur le cannabis.

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Les jeunes qui ont déjà consommé et ceux qui n’ont jamais consommé se répartissent de lamanière suivante selon le sexe :

Avoir déjà consommé du cannabis | oui non | Total-----------+-----------------+------

S Masc | n=191 n=141 | n=332e > 57.5% 42.5% > 66.1%x Fém | n=70 n=100 | n=170e > 41.2% 58.8% > 33.9%

-----------+-----------------+------ Total | 261 241 | 502 | 52.0% 48.0% |

Odds ratio : 1.94 Khi2 p ----------- --------Non-corrigé: 12.05 0.00051888 <---Mantel-Haenszel: 12.02 0.00052561 <---Yates corrigé: 11.40 0.00073433 <---

L’essai ou l’usage de cannabis sont donc plus fréquents parmi les garçons (57,5%) que parmi lesfilles (41%) de la population des jeunes concernées par l’enquête.

Si nous nous intéressons exclusivement aux jeunes des CEFA et que nous croisons la variable«avoir déjà consommé du cannabis » avec la variable « exercice d’une activité professionnelledans le cadre de la formation », nous obtenons le tableau suivant :

Avoir déjà consommé du cannabis | oui non | Total-----------+-----------------+------ oui | n=87 n=101 | n=188

Activité > 46.3% 53.7% > 78.0%professionnelle non | n=34 n=19 | n=53

> 64.2% 35.8% > 22.0%-----------+-----------------+------ Total | n=121 n=120 | n=241 33

| 50.2% 49.8% |

Odds ratio : 0.48 Khi2 p ----------- --------Non-corrigé: 5.28 0.02152500 <---Mantel-Haenszel: 5.26 0.02179779 <---Yates corrigé: 4.59 0.03210317 <---

Nous pouvons donc constater que les jeunes n’exerçant pas une activité professionnelle au seinde l’enseignement en alternance – qui ne sont donc pas considérés comme des élèves réguliers -affirment davantage avoir déjà consommé du cannabis que ceux qui travaillent dans le cadre deleur formation.

Cette association entre une forme de décrochage et l’essai ou la consommation de cannabis seretrouve également au niveau des jeunes brossant régulièrement les cours dans les formations àhoraire réduit (CEFA et Classes Moyennes).

33 9,5% des jeunes des CEFA n’ont pas répondu à l’une ou au deux questions.

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Le tableau ci-dessous montre comment les jeunes suivant une formation à horaire réduit sedistribue selon l’affirmation de cet usage et l’affirmation d’un brossage régulier (plusieurs foispar mois ou au moins une fois par semaine) :

Avoir déjà consommé du cannabis | oui non | Total---------------+-----------------+------ non/rarement | n=195 n=214 | n=409

régularité > 47.7% 52.3% > 87.6%brossage régulier | n=40 n=18 | n=58

> 69.0% 31.0% > 12.4%---------------+-----------------+------ Total | n=235 n=232 | n=467 34

| 50.3% 49.7% |

Odds ratio : 0.41 Khi2 p ----------- --------Non-corrigé: 9.21 0.00240884 <---Mantel-Haenszel: 9.19 0.00243493 <---Yates corrigé: 8.38 0.00380062 <---

Dans notre population, les garçons (57,5% contre 41% des filles) affirment donc davantageavoir déjà consommé du cannabis, les alternants (CEFA) qui n’exercent pas d’activitésprofessionnelles (64% contre 46,5% chez ceux qui travaillent) et les brosseurs réguliers (69%contre 47,5% parmi les «petits» (ou les non) brosseurs inscrits dans une formation à horaireréduit (CEFA et Classes Moyennes).

4.3.2 Le tabagisme :

La consommation de tabac selon le sexe se distribue de la manière suivante chez les jeunes denotre échantillon :

Consomme du tabac | par jour par semaine -1X/semaine non | Total------+-------------------------------------------- ---+------

S Masc | n=228 n=17 n=12 n=121 | n=378e > 60.3% 4.5% 3.2% 32.0% > 68.2%x Fém | n=107 n=7 n=6 n=56 | n=176e > 60.8% 4.0% 3.4% 31.8% > 31.8%

------+-------------------------------------------- ---+------Total | n=335 n=24 n=18 n=177 | n=554 | 60.5% 4.3% 3.2% 31.9% |

La majorité (60,5%) des jeunes de notre population fume du tabac tous les jours et ceci quel quesoit le sexe. Ils sont d’ailleurs 80% à signaler avoir déjà essayé le tabac.

Parmi les jeunes inscrits dans une formation à horaire réduit, si nous croisons cetteconsommation tabagique avec la régularité du brossage, nous obtenons le tableau suivant :

34 13% des jeunes suivant une formation à horaire réduit n’ont pas répondu à l’une ou aux deux questions.

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Consomme du tabac | par jour par semaine -1X/semaine n on | Total------–--+----------------------------------------- ------+------

non/rarement | n=263 n=20 n=13 n=157 | n=453 brossage > 58.1% 4.4% 2.9% 34.7% > 87.3% régulier oui | n=47 n=4 n=4 n =11 | n=66

> 71.2% 6.1% 6.1% 16 .7% > 12.7%-------–-+----------------------------------------- ------+------ Total | n=310 n=24 n=17 n= 168 |n=519 35

| 59.7% 4.6% 3.3% 32 .4% |Khi = 9.56Degrés de liberté = 3p = 0.02272936 <---

Il existe ainsi une différence dans la consommation tabagique selon que le jeune brosserégulièrement les cours ou ne les brosse jamais ou moins d’une fois par mois. La proportion desfumeurs quotidiens allant jusqu’à 71% chez les jeunes, inscrits dans une filière à horaire réduit,qui brossent souvent les cours.

La petite taille de certaines catégories ne pose pas de problèmes à la validité du test. Celui-cireste d’ailleurs valable lorsque nous regroupons les fumeurs en deux catégories : fumeurs(journaliers ou hebdomadaires) et non-fumeurs (ou occasionnels) comme dans le tableau ci-dessous :

fumeur | oui non | Total-------------+------------------+------non/rarement | 283 170 | 453 > 62.5% 37.5% > 87.3%

brossage | 84.7% 91.9% |régulier oui | 51 15 | 66

> 77.3% 22.7% > 12.7% | 15.3% 8.1% |-------------+------------------+------ Total | 334 185 | 519 | 64.4% 35.6% |

Odds ratio : 0.49 Khi2 p

----------- --------Non-corrigé: 5.50 0.01900671 <---Mantel-Haenszel: 5.49 0.01912228 <---Yates corrigé: 4.87 0.02725435 <---

35 8,5% des jeunes n’ont pas répondu à la question sur le brossage et/ou à la question sur le tabac.

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4.3.3 La disponibilité et l’essai (ou la consommation) d’extasy :

Dans notre population, les jeunes sont 34% à déclarer pouvoir se procurer de l’extasy sansproblèmes. La disponibilité de cette substance varie selon le type de questionnaire (horaireréduit – brosseur - sortant36) comme le montre la distribution ci-dessous :

Facilité de se procurer de l’extasy | oui peut-être pas facileme nt ne sais pas | Total----––––-----–––––-+------------------------------- ----------------+------ Hor. Réd. | n=145 n=65 n=40 n=176 | n=426 > 34.0% 15.3% 9.4% 41.3% > 93.6%Type de Sortant| n=8 n=1 n=0 n= 7 | n=16Questionnaire > 50.0% 6.3% 0.0% 43.8% > 3.5% Brosseur | n=1 n=7 n=1 n=4 | n=13 > 7.7% 53.8% 7.7% 30.8% > 2.9%---------–––––-––--+------------------------------- ----------------+------ Total | n=154 n=73 n=41 n=187 | n=455 37

| 33.8% 16.0% 9.0% 41.1% |

Khi = 18.47 Degrés de liberté = 6 p = 0.00516070 <---

Dans l’ensemble, nous constatons que la majorité des jeunes de notre population se partagentsurtout entre ceux qui déclarent pouvoir se procurer de l’extasy et ceux qui ne savent pasrépondre à la question. Le mode restant tout de même cette incertitude et concerne 41% del’ensemble des jeunes de notre échantillon.

Des différences apparaissent entre les types de questionnaire où les sortants (MJ/AMO) sont50% à déclarer pouvoir facilement se procurer cette substance, contre 34% pour les jeunes«horaire réduit» et 7,7% pour les brosseurs (MJ/AMO). Il faut toutefois tempérer ces constats enraison de la différence dans la taille des échantillons. Sur ce point, il faut noter que l’associationentre le type de questionnaire et la disponibilité de l’extasy n’apparaît lorsque l’on regroupe lesjeunes de notre échantillon dans des catégories plus importantes (exemples : lieu d’enquête(Horaire réduit et MJ/AMO au lieu du type de questionnaire ; la disponibilité de l’extasy endeux catégories au lieu de quatre).

D’un autre côté, il se peut également que l’âge des jeunes varie entre les différents types dequestionnaire et que le nombre de jeunes qui n’ont pas répondu à la question au sein desformations à horaire réduit influence les résultats.

La répartition des jeunes qui déclarent avoir déjà consommé ou ne pas avoir consommé cettesubstance selon le type de questionnaire affiche des tendances semblables qu’il faut prendreavec les mêmes réserves.

36 Le terme sortant est utilisé pour désigner les jeunes, qui sans avoir de diplôme, sont en arrêt de scolarité aumoment de l’enquête.37 19,5% des jeunes n’ont pas répondu à cette question sur la disponibilité de l’extasy.

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Avoir déjà consommé de l’extasy | oui non | Total-----------+-----------------+------ Hor. Réd. | n=84 n=355 | n=439 > 19.1% 80.9% > 93.6%

Type de Sortant | n=7 n=9 | n=16Questionnaire > 43.8% 56.3% > 3.4%

Brosseur | n=2 n=12 | n=14 > 14.3% 85.7% > 3.0%-----------+-----------------+------ Total | n=93 n=376 | n=469 38

| 19.8% 80.2% |

Khi = 6.16Degrés de liberté = 2p = 0.04589209 <---

Ils sont 20% dans l’ensemble de notre population, 19% dans les filières à horaire réduit (16,5%dans les CEFA et 22% dans les Classes moyennes), 44% des sortants et 14,3% des brosseurs àdéclarer avoir déjà fait usage d’extasy.

Sans pour autant en déduire une différence significative au niveau de la population interrogée, ilest intéressant d’effectuer deux remarques concernant la situation scolaire des jeunes suivantune formation à horaire réduit :

- les brosseurs réguliers des formations à horaire réduit déclarent davantage avoirdéjà consommé de l’extasy (29% contre 17,5% chez les non-brosseurs oubrosseurs irréguliers) ;

- les alternants (CEFA) n’exerçant pas d’activités professionnelles déclarentdavantage la même chose que ceux exerçant une activité professionnelle (21%chez les premiers contre 14,5% chez les seconds).

Comme pour le cannabis une différence significative apparaît selon le sexe du jeune. Laproportion de filles affirmant avoir déjà fait usage de stupéfiant est moindre que celle desgarçons.

Avoir déjà consommé de l’extasy | oui non | Total-----------+-----------------+------

S Masc. | n=74 n=231 | n=305E > 24.3% 75.7% > 65.2%x Fém. | n=19 n=144 | n=163e > 11.7% 88.3% > 34.8%

-----------+-----------------+------ Total | n=93 n=375 | n=468 | 19.9% 80.1% |

Odds ratio : 2.43 Khi2 p ----------- --------Non-corrigé: 10.60 0.00113002 <---Mantel-Haenszel: 10.58 0.00114395 <---Yates corrigé: 9.82 0.00172202 <---

38 17,5% des jeunes n’ont pas répondu à cette question sur l’usage d’extasy.

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4.4 Les plaintes psychosomatiques et le bien-être :

4.4.1 La fatigue matinale :

Au sein de notre échantillon, la sensation de fatigue matinale selon le lieu d’enquête se répartitde la manière suivante :

Sensation de fatigue matinale | jamais de tps en tps 1 à 3X/se m. 4X +/sem. | Total---–––--------–--+--------------------------------- --------------+------ CEFA/Cl MOY | n=69 n=237 n=92 n=122 | n=520Lieu > 13.3% 45.6% 17.7% 23.5% > 94.7%d’enquête MJ/AMO | n=5 n=13 n=4 n= 7 | n=29 > 17.2% 44.8% 13.8% 24.1% > 5.3%-----------––––--+--------------------------------- --------------+------ Total | n=74 n=250 n=96 n=129 | n=549 | 13.5% 45.5% 17.5% 23.5% |

Khi = 0.57Degrés de liberté = 3p = 0.90347041

Dans la population ciblée, nous avons 41% des jeunes qui déclarent souffrir de fatigue matinalechaque semaine. Il est important de souligner que les différences relevées entre des catégoriesde jeunes de l’échantillon ne peuvent pas être appliquées à la population des jeunes interrogés.Néanmoins, deux remarques peuvent être faites au niveau de cet échantillon :

- les brosseurs affirment plus aisément souffrir de fatigue matinale (50% (n=6)) desbrosseurs associatifs et 52,3% (n=34) des brosseurs réguliers horaire réduit) ;

- les sortants (29,4% (n=5)) et les jeunes des CEFA (28,8% (n=17)) n’exerçant pasd’activités professionnelles sont ceux qui déclarent le moins souffrir de fatiguematinale.

4.4.2 La nervosité :

Les jeunes qui affirment souffrir de nervosité au cours des 6 derniers mois se distribuent de lamanière suivante selon le sexe :

Nervosité au cours des 6 derniers mois | +/-1X/jour plus.X/sem. +/-1X/sem. +/-1X /mois jamais | Total-------+------------------------------------------- ------------- +------S MASC | n=102 n=67 n=60 n= 47 n=88 | n=364E > 28.0% 18.4% 16.5% 12. 9% 24.2% > 67.3%x FEM | n=84 n=30 n=15 n= 21 n=27 | n=177e > 47.5% 16.9% 8.5% 11.9% 15.3% > 32.7%-------+------------------------------------------- --------------+------ Total | n=186 n=97 n=75 n =68 n=115 | n=541 | 34.4% 17.9% 13.9% 12 .6% 21.3% |

Khi = 23.30Degrés de liberté = 4p = 0.00011034 <---

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Les jeunes de notre population sont particulièrement nombreux à se déclarer souvent nerveuxpuisqu’ils sont 52,5% à ressentir très fréquemment cette sensation (tous les jours ou plusieursfois par semaine) au cours des 6 derniers mois précédant l’enquête et cette dernière estégalement significativement plus forte chez les filles (64,5% contre 46,5% chez les garçons).Quelques différences non significatives en matière d’inférence statistique sont égalementintéressantes à souligner concernant la proportion de jeunes qui se disent souvent nerveux :

- 63% (n=41) des brosseurs horaire réduit contre 51% (n=226)des non-brosseurs ;- 57,5% (n=44) des alternants (CEFA) sans travail contre 41% (n=97) des alternants

travaillant ;- 57% (n=8) des brosseurs associatifs contre 41% (n=7) des sortants associatifs ;- 59,5% (n=65) des apprentis (Classes Moyennes) de 1ère année contre 51% (n=43)

des apprentis de 2ème année et contre 27% (n=27)des apprentis de 3ème année.

Une situation d’incertitude (brossage, formation sans travail) ou de moindre certitude (1ère annéed’apprentissage) semble favoriser la nervosité des jeunes.

4.4.3 La mauvaise humeur/l’agressivité :

Les jeunes qui affirment se sentir de mauvaise humeur ou agressif au cours des 6 derniers moisse distribuent de la manière suivante selon le sexe :

Mauvaise humeur/agressivité au cours des 6 derniers mois | +/-1X/jour plus.X/sem. +/-1X/sem. +/-1X /mois jamais | Total-------+------------------------------------------- ------------- +------S MASC | n=50 n=61 n=83 n= 75 n=95 | n=364e > 13.7% 16.8% 22.8% 20. 6% 26.1% > 67.7%x FEM | n=37 n=42 n=29 n= 39 n=27 | n=174e > 21.3% 24.1% 16.7% 22. 4% 15.5% > 32.3%-------+------------------------------------------- --------------+------ Total | n=87 n=103 n=112 n= 114 n=122 | n=538 | 16.2% 19.1% 20.8% 21 .2% 22.7% |

Khi = 15.60Degrés de liberté = 4p = 0.00360850 <---

Sur l’ensemble des jeunes, ils sont 35,5% à signaler être souvent (tous les jours ou plusieurs foispar semaine) de mauvaise humeur et agressif au cours des 6 derniers mois.Ceci diffère de manière significative entre les sexes puisque les filles et les garçons sontrespectivement 45,5% et 30,5% à exprimer cette plainte.

Les jeunes des formations à horaire réduit qui affirment souffrir de mauvaise humeur oud’agressivité au cours des 6 derniers mois se distribuent de la manière suivante selon qu’ilsbrossent les cours ou ne les brossent pas (ou de manière plus occasionnelle) :

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Mauvaise humeur/agressivité au cours des 6 derniers mois | +/-1X/jour plus.X/sem. +/-1X/sem. +/ -1X/mois jamais | Total------–––-+---------------------------------------- ---------------- +------ non/rarem| n=60 n=84 n=91 n=100 n=105 | n=440

brossage > 13.6% 19.1% 20.7% 22.7% 23.9% > 87.3%régulier oui| n=21 n=11 n=17 n=7 n=8 | n=64

> 32.8% 17.2% 26.6% 10.9% 12.5% > 12.7%------–––-+---------------------------------------- -----------------+------ Total | n=81 n=95 n=108 n=107 n=113 | n=504 | 16.1% 18.8% 21.4% 21.2% 22.4% |

Khi = 20.67Degrés de liberté = 4p = 0.00036823 <---

Les brosseurs réguliers inscrits dans une filière à horaire réduit signalent être plus souvent demauvaise humeur ou agressif que les autres apprenants puisqu’ils sont 50% à ressentir cettesensation au moins plusieurs fois par semaine si pas tous les jours contre 32,7% des jeunes quine brossent pas les cours ou de manière moins fréquente.

A nouveau, les autres quelques différences qui apparaissaient dans le cadre de la sensation denervosité se retrouvent de manière semblable au niveau de la mauvaise humeur mais ne sont pasnon significatives pour pouvoir être déduites au niveau de la population ciblée par notrerecherche (46,5% (n=27) des alternants (CEFA) sans travail se disent de mauvaise humeurplusieurs fois par semaine contre 32,5% (n=64) des alternants travaillant ; 39% (n=42) desapprentis (Classes Moyennes) de 1ère année contre 33,5% (n=28) des apprentis de seconde annéeet 24% (n=14) de 3ème année et 54% (n=7) des brosseurs associatifs (MJ/AMO) contre 41%(n=7) des sortants (MJ/AMO) déclarent la même sensation régulière).

4.4.4 Le sentiment de bonheur :

Au sein de notre population, les jeunes selon qu’ils se disent plus ou moins heureux serépartissent de la manière suivante dans notre échantillon :

Sensation d’être heureux | très heur. Heur. pas très heur. Pas heu r. du tout | Total-------+------------------------------------------- -----------+------

S MASC | n=112 n=180 n=64 n=16 | n=372e > 30.1% 48.4% 17.2% 4.3% > 67.6%x FEM | n=52 n=68 n=49 n=9 | n=178e > 29.2% 38.2% 27.5% 5.1% > 32.4%

-------+------------------------------------------- -----------+------ Total | n=164 n=248 n=113 n=25 | n=550 | 29.8% 45.1% 20.5% 4.5% |

Khi = 9.20Degrés de liberté = 3p = 0.02676670 <---

Sur l’ensemble des jeunes, 25% ne se disent pas très heureux (20,5% dont 17% des garçons et27,5% des filles) ou pas heureux du tout (4,5% dont 4,3% des garçons et 5% des filles). Hormisune association significative entre les sexes et ce sentiment de bonheur, les autres différences(type de questionnaire, année d’apprentissage, alternant travaillant et ne travaillant pas, etc.)testées jusqu’à présent n’apparaissent pas significatives. Cependant, il est intéressant deconstater que dans notre échantillon, les jeunes brossant régulièrement les cours dans les

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formations à horaire réduit sont 35,4% (n=23) à affirmer ne pas se sentir heureux contre 23,6%(n=106) des autres jeunes inscrits dans une formation à horaire réduit.

4.5 Les «premiers constats» :

Dans l’ensemble, certaines caractéristiques des jeunes de notre échantillon traduisent laprésence de problèmes de santé préoccupants. Ainsi, la moitié affirme avoir déjà consommé ducannabis, 60% des jeunes déclarent fumer tous les jours du tabac, la moitié se déclare nerveuxplusieurs fois par semaine et un quart ne se sent pas heureux.Au sein de l’échantillon, la dichotomie fille-garçon se met particulièrement bien en évidence.En effet, les garçons et les filles se différencient sur plusieurs points. Les premiers consacrentplus de temps à leurs amis et adoptent davantage de comportements à risque (cannabis, extasy)tandis que les secondes présentent davantage de plaintes psychosomatiques (nervosité, mauvaisehumeur) et se sentent habituellement moins heureuses.Par contre les différences entre les alternants et les apprentis et entre les divers types de jeunesrencontrés (horaire réduit, sortant et brosseur) apparaissent moins nombreuses. Cependant,quelques différences significatives se révèlent au détriment des jeunes qui éprouvent desdifficultés d’intégration scolaire que ce soit concernant l’adoption de comportements à risque(usage plus fréquent de cannabis chez les jeunes brossant régulièrement les cours dans lesformations à horaire réduit, chez les jeunes des CEFA n’exerçant pas d’activité professionnelle,consommation quotidienne de tabac plus répandue chez ces mêmes brosseurs) ou concernant lestroubles psychosomatiques (mauvaise humeur plus fréquente chez les brosseurs inscrits dansune formation à horaire réduit).Si des traits et des différences semblent se profiler, ceci ne doit pas nous conduire à avancer desconclusions prématurées. Ainsi, il se peut tout à fait que la prise en compte d’autres variable,comme l’âge ou l’origine socio-économique, viennent modifier en partie ces résultatspréliminaires.

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5. LA SUITE DE LA RECHERCHE :

A ce stade de l’étude, nous sommes donc prêt à aborder la suite de la recherche dont les étapessuivantes sont :

- l’analyse quantitative ;- la mise en place de groupe de discussion.

Dans le cadre de l’étude quantitative, nous devrons d’abord nous centrer sur la description descaractéristiques générales (sexe, âge, origine socio-économique, etc.) et sanitaires(comportements à risque, troubles psychosomatiques, etc.) de notre population avant de nousatteler à la vérification de nos hypothèses (comparaison avec les jeunes suivant une scolariténormale, déterminants de l’usage de cannabis, etc.). Le nettoyage des fichiers commencé aucours des premiers éléments analyser se poursuivra au fur et à mesure de l’avancement del’étude.

Les résultats obtenus au cours de cette analyse serviront de base à l’organisation de discussiondans des groupes de travail impliquant des acteurs scolaires, de la santé et de la jeunesse (IMS,PMS, Professeurs, AMO, etc.). L’objectif poursuivi, par la mise en place de ces groupes, estd’assurer la pertinence des recommandations pour les programmes et politiques destinés auxjeunes.

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CONCLUSION :

La problématique du décrochage scolaire semble particulièrement préoccupante à partir dumoment où elle est, non seulement, un indicateur de risque de santé mais elle semblefavoriser également, leur développement. La population des “décrocheurs” apparaît dèslors comme un public relativement fragile sur le plan de la santé. C’est ainsi qu’ils secaractérisent souvent par une faiblesse, voire une absence de compétences nécessaires àl’adoption de comportements de santé (difficulté de se projeter dans le futur, faible capacitéà faire face à ses problèmes, peu d’aptitude à rechercher de l’aide, etc.) qui peut secombiner à des difficultés psychologiques (comme l’anxiété ou le manque d’estime de soi)et psychosociales (comportement agressif, non-respect des règles, etc.).Les divers modèles et hypothèses, présentés dans ce rapport, devront être confrontés àl’analyse des données recueillies auprès des 600 jeunes étant ou ayant été en décrochage.Cette étude quantitative nous permettra donc de confirmer ou infirmer et quantifier lesassertions développées par l’analyse qualitative.

L’école génératrice de troubles de santé :Si tous les jeunes rencontrés ne cumulent pas tous les problèmes ou risques de santéévoqués, pour un certain nombre, l’expérience scolaire se révèle particulièrementdéstructurante et marginalisante. Chez ceux-ci, l’expérimentation d’une école« désocialisante » et génératrice de détresse se rattache bien souvent à un parcours scolaireparsemé d’embûches telles que : changement(s) fréquent(s) d’école, d’orientation etd’option ; échec(s) scolaire(s) ; inscription(s) tardive(s) ; exclusion(s) ; obtention(s) dustatut d’élève libre ; etc. Si ces incidents ne sont à proprement parlés des problèmes desanté, ils n’en sont pas moins importants à partir du moment où ils semblent constituer unterreau favorable à leurs éclosions (marginalisation par rapport à la classe, perte de sens parrapport à la scolarité, prise de distance avec la famille, rapprochement aux pairs, etc.).Cette expérience défavorable de l’école varie évidemment d’un adolescent à l’autre. Pourcertains, les difficultés se combinent parfois depuis plusieurs années tandis que, pourd’autres, elles se limitent à quelques aspects qui se résorbent aisément.

Le décrochage générateur de problèmes de santé :Par sa mise en marge plus ou moins volontaire du système scolaire, le jeune va souvent,semble-t-il, soit trouver refuge auprès de réseau de sociabilité, plus ou moins déviant, soitrenforcer son mal-être individuel. Dans ces deux perspectives, le jeune se place dans unesituation pouvant renforcer et développer ses problèmes de santé. Pour les premiers, lesouci d’intégration, l’influence des jeunes les uns sur les autres et/ou la disponibilité à touteexpérience attractive et satisfaisante peuvent favoriser l’adoption de comportements àrisques tant sur le plan physique (consommation d’alcool, usage de tabac, etc.) que sur leplan psychosocial (vandalisme, business, etc.). Pour les seconds, la perte des amis et/ou lesentiment d’impuissance à dépasser cet état peuvent favoriser le renforcement desdifficultés psychiques (sentiment d’isolement, manque de confiance en soi, impressiond’être à plat, etc.).Concernant cette marginalisation par rapport à l’école, il est important d’effectuer deuxremarques. Premièrement tout arrêt de scolarité ne place pas automatiquement le jeunedans une situation pouvant aggraver ses problèmes. Cette situation semble apparaîtredavantage dans le cadre du décrochage familial. Deuxièmement, le décrochage,comportement associé souvent à une satisfaction immédiate, est aussi une réalité qui évolueet se transforme au même titre que les entités sociales (classe, famille, amis) qui entourentle jeune. Ce qui signifie qu’un jeune peut dès lors passer d’un modèle de décrochage(amicale, familiale, solitaire) à l’autre, d’un brossage attractif et collectif à un abandon-fuite ou une exclusion solitaire.

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La nécessité d’une gestion socio-politique du décrochage :En termes de santé, il importe donc d’une part, de prévenir le décrochage en donnant lapriorité au développement d’une école mieux adaptée à l’insertion de ces jeunes et d’autrepart, d’enrayer l’aggravation des problèmes sanitaires en favorisant la réinsertion rapidedes décrocheurs. Ce qui nécessite, entre autres, d’améliorer l’attrait à l’égard de l’école etde la formation, de favoriser les échanges entre les acteurs de l’institution scolaire(professeurs, élèves, éducateurs, etc.), de favoriser les collaborations entre les écoles et lesacteurs de terrain (Animation en Milieu Ouvert, Maison de Jeunes, Centres de SantéMentale, Ecole des devoirs, Etc.), de gérer précocement les problèmes d’insertion,d’insérer les parents dans l’accompagnement scolaire de leurs enfants, etc. La mise enplace de mesures permettant d’enrayer le décrochage scolaire est aussi un moyend’atteindre par l’école davantage de jeunes et de mener des interventions plus efficaces enmatière de santé. Ces recommandations ne sont pas nouvelles. Elles justifient les mesuresdéjà prises comme la définition de Zones d’Education Prioritaires et le décret «missions»de 1997, ou renforcent des exigences actuelles de refinancement de l’école. Enfin, ellesexpliquent pourquoi la prévention en santé et l’éducation santé traditionnelle s’intègrent deplus en plus dans une démarche globale de promotion de la santé qui tient compteégalement des conditions qu’offre l’école comme lieu de vie et d’apprentissage (relations,environnement, etc.) et qui se préoccupe non seulement des élèves mais aussi de la santé etdu bien-être des enseignants. Le meilleur exemple de cette approche est probablement celuidu Réseau Européen des Ecoles en Santé39.Enfin, il ne faut pas stigmatiser l’école comme source de tous les problèmes des jeunes.Outre une réflexion générale sur les valeurs présentées aux adolescents, il serait intéressantet même indispensable d’observer les modes de fonctionnement des familles, de mieux lescomprendre et de voir comment il est possible d’améliorer le futur des jeunes à risque parun accompagnement des familles qui ne savent pas comment gérer les problèmes éventuelsde leur enfant.Pour terminer et afin de ne pas négliger l’influence de la dimension amicale sur lephénomène de décrochage, il peut être intéressant de développer un programmed’accrochage scolaire et d’éducation santé par les pairs plus âgés qui, à la fois,manifestaient plus d’intérêt à l’égard de l’enquête et se montraient plus critiques à l’égardde leur décrochage.

39 Les critères pour une Ecole en Santé sont présentés dans l’annexe 7.

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