et si l'ile-de-france fusionnait avec la normandie ?

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ÉDITORIAL 3 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT Directeur de la publication DAVID BELLAÏCHE [email protected] Rédacteur en chef BERTRAND GRECO [email protected] Rédacteur en chef adjoint GASPARD DHELLEMMES [email protected] Journalistes VALÉRIE BECK JULIEN DESCALLES SONIA DESPREZ VINCENT DOZOL ANTOINE KALEWICZ VINCENT MICHELON TRISTAN QUINAULT MAUPOIL SYLVIE ROMAN Direction des partenariats AURÉLIE JOURNET [email protected] Correctrice VÉRONIQUE KERBAT Directeur artistique FABRICE VERMEULEN Diffusion MLP Abonnement [email protected] Editeur AMN COMMUNICATION ILANIT BELLAICHE [email protected] Publicité AMN COMMUNICATION [email protected] Imprimeur MONTERREINA CALLE CABO DE GATA, 1-3, ÁREA EMPRESARIAL ANDALUCÍA, 28320 PINTO, MADRID, ESPAGNE DÉPÔT LÉGAL : OCTOBRE 2016 Photo de couverture : © VINCENT CALLEBAUT Publication trimestrielle GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 Editée par AMN COM & PRESSE SAS au capital de 7500 € Siège social : 75 Boulevard Richard Lenoir 75011 Paris Tél : 01 85 08 84 70 Fax : 01 85 08 84 75 RCS Paris 808 922 090 000 10 ISSN : 2259-7247 CPPAP : 0515 T 91328 Et si l’Ile-de-France fusionnait avec la Normandie ? C’est Anne Hidalgo qui fait cette surprenante proposition : « Le drame de la Région Ile-de-France, c’est sa petite taille. Il faudrait qu’elle ait un accès à la mer. Fusionner l’Ile-de-France et la Normandie : voilà un sujet pour un président de la République qui voudrait porter une grande réforme institutionnelle ! », a-t-elle lâché lors d’un déjeuner, en marge du conseil de Paris, le 26 septembre. La maire socialiste de la capitale anticipe un retour de la droite aux manettes de l’Etat en 2017. Elle n’ignore pas que Valérie Pécresse (LR), la patronne de la Région, a juré la perte de la Métropole du Grand Paris (MGP), présidée par son « ami » Patrick Ollier (LR), arguant que « Le Grand Paris, c’est l’Ile-de-France ». Surtout, Anne Hidalgo constate avec agacement que l’élue des Yvelines lui cherche querelle depuis quelques temps. Le Grand Paris est gouverné par un drôle d’équipage, un trio infernal. La maire de Paris est la première vice-présidente et l’alliée de Patrick Ollier – les deux élus s’entendent à merveille, bien qu’appartenant à des formations politiques opposées. Le président de la MGP, lui, ne dit que du bien de Valérie Pécresse ; laquelle ne fait preuve en retour d’aucune bienveillance à son égard, malgré leur proximité politique. La même Valérie Pécresse avait d’excellentes relations avec Anne Hidalgo dans les mois qui ont suivi son élection. Les deux femmes s’étaient même rendues ensemble au Japon pour y promouvoir le tourisme. Mais elle a décidé récemment de mettre un terme à la lune de miel. La présidente de Région entend prendre le contrepied de la maire de Paris sur un sujet majeur : la voiture, et plus précisément la nécessaire diminution du trafic automobile. Comble de la provocation, à la veille du conseil de Paris, fin septembre, elle a fait voter par ses conseillers régionaux une délibération décrétant que les voies sur berges rive droite de la capitale – en cours de piétonnisation définitive – doivent être considérées comme un axe « d’intérêt régional ». Dans le cadre de son « plan anti- bouchon », elle souhaite carrément mettre la main sur la voie Georges-Pompidou, ainsi que sur le périphérique, ce qui reviendrait à spolier la Ville. Le bras de fer est entamé, il promet d’être tendu. En pleine primaire de la droite, et avant la campagne présidentielle, Valérie Pécresse a donc deux desiderata à faire valoir auprès des candidats de son camp, qui se disputent son soutien : 1) supprimer la MGP ; 2) réorganiser les compétences à l’intérieur de l’Ile-de-France, à son profit. En clair, elle réclame une loi, qui lui permettrait d’avaler la métropole – et ses prérogatives – et de s’approprier certains pouvoirs de Paris. De son côté, Patrick Ollier fait mine de ne pas s’en soucier : « Aux yeux des candidats à la primaire, la Métropole est un problème accessoire. D’ailleurs, il y a eu tellement de réformes territoriales qu’une remise à plat ne sera pas l’urgence pour les prochains gouvernements, quels qu’ils soient », estime-t-il dans nos colonnes. Anne Hidalgo, quant à elle, est également persuadée que la MGP survivra à une alternance. Mais, dit-elle, magnanime : « Je comprends le désarroi de la présidente de Région. L’idée de métropole s’est imposée dans le monde entier, on ne peut pas revenir dessus. Elle se sent donc à l’étroit dans sa petite région. » D’où l’idée d’une super-région jusqu’à la Manche. La MGP serait ainsi sauvée. Bertrand Gréco NO PRINTING PAGE

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Page 1: Et si l'Ile-de-France fusionnait avec la Normandie ?

ÉDITORIAL 3

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT

Directeur de la publicationDaviD Bellaïche

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Rédacteur en chefBertranD Greco

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Rédacteur en chef adjointGasparD Dhellemmes

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Dépôt léGal : octoBre 2016Photo de couverture : © VINCENT CALLEBAUT

Publication trimestrielle

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

Editée par AMN COM & PRESSE SAS au capital de 7500 € Siège social : 75 Boulevard Richard Lenoir 75011 ParisTél : 01 85 08 84 70Fax : 01 85 08 84 75RCS Paris 808 922 090 000 10ISSN : 2259-7247CPPAP : 0515 T 91328

Et si l’Ile-de-France fusionnait avec la Normandie ?

C’est Anne Hidalgo qui fait cette surprenante proposition : « Le drame de la Région Ile-de-France, c’est sa petite taille. Il faudrait qu’elle ait un accès à la mer. Fusionner l’Ile-de-France et la Normandie : voilà un sujet pour un président de la République qui voudrait porter une grande réforme institutionnelle ! », a-t-elle lâché lors d’un déjeuner, en marge du conseil de Paris, le 26 septembre. La maire socialiste de la capitale anticipe un retour de la droite aux manettes de l’Etat en 2017. Elle n’ignore pas que Valérie Pécresse (LR), la patronne de la

Région, a juré la perte de la Métropole du Grand Paris (MGP), présidée par son « ami »Patrick Ollier (LR), arguant que « Le Grand Paris, c’est l’Ile-de-France ». Surtout, Anne Hidalgo constate avec agacement que l’élue des Yvelines lui cherche querelle depuis quelques temps.

Le Grand Paris est gouverné par un drôle d’équipage, un trio infernal. La maire de Paris est la première vice-présidente et l’alliée de Patrick Ollier – les deux élus s’entendent à merveille, bien qu’appartenant à des formations politiques opposées. Le président de la MGP, lui, ne dit que du bien de Valérie Pécresse ; laquelle ne fait preuve en retour d’aucune bienveillance à son égard, malgré leur proximité politique. La même Valérie Pécresse avait d’excellentes relations avec Anne Hidalgo dans les mois qui ont suivi son élection. Les deux femmes s’étaient même rendues ensemble au Japon pour y promouvoir le tourisme. Mais elle a décidé récemment de mettre un terme à la lune de miel.

La présidente de Région entend prendre le contrepied de la maire de Paris sur un sujet majeur : la voiture, et plus précisément la nécessaire diminution du trafic automobile. Comble de la provocation, à la veille du conseil de Paris, fin septembre, elle a fait voter par ses conseillers régionaux une délibération décrétant que les voies sur berges rive droite de la capitale – en cours de piétonnisation définitive – doivent être considérées comme un axe « d’intérêt régional ». Dans le cadre de son « plan anti-bouchon », elle souhaite carrément mettre la main sur la voie Georges-Pompidou, ainsi que sur le périphérique, ce qui reviendrait à spolier la Ville. Le bras de fer est entamé, il promet d’être tendu.

En pleine primaire de la droite, et avant la campagne présidentielle, Valérie Pécresse a donc deux desiderata à faire valoir auprès des candidats de son camp, qui se disputent son soutien : 1) supprimer la MGP ; 2) réorganiser les compétences à l’intérieur de l’Ile-de-France, à son profit. En clair, elle réclame une loi, qui lui permettrait d’avaler la métropole – et ses prérogatives – et de s’approprier certains pouvoirs de Paris. De son côté, Patrick Ollier fait mine de ne pas s’en soucier : « Aux yeux des candidats à la primaire, la Métropole est un problème accessoire. D’ailleurs, il y a eu tellement de réformes territoriales qu’une remise à plat ne sera pas l’urgence pour les prochains gouvernements, quels qu’ils soient », estime-t-il dans nos colonnes. Anne Hidalgo, quant à elle, est également persuadée que la MGP survivra à une alternance. Mais, dit-elle, magnanime : « Je comprends le désarroi de la présidente de Région. L’idée de métropole s’est imposée dans le monde entier, on ne peut pas revenir dessus. Elle se sent donc à l’étroit dans sa petite région. » D’où l’idée d’une super-région jusqu’à la Manche. La MGP serait ainsi sauvée.

Bertrand Gréco

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Page 2: Et si l'Ile-de-France fusionnait avec la Normandie ?

#016 AUTOMNE OCTOBRE 2016

SOMMAIRE

ÉDITORIAL ............................................................... 3

GRAND ENTRETIENPatrick Ollier imagine l’avenir de la MGP ............. 6

DOSSIER Le Grand Paris en 2030/2050 .............................. 14

Jacques Attali pour un Grand Paris portuaire ........ 20

Le futur selon l’architecte Vincent Callebaut ........ 22A quoi ressembleront les « hubs du Grand

Paris » ? ............................................................................ 28

Faut-il tuer le périph’ ? ................................................... 32

DEMAIN LE GRAND PARISJO : comment entretenir la flamme olympique ...... 38Pour/contre : nouvelle gouvernance pour

La Défense .......................................................................... 40

EuropaCity poursuit sa route .................................... 42

AU CŒUR DE LA MÉTROPOLEBoulogne/Issy : mariage sous conditions ............... 48

Val d’Europe : la mue dans l’ombre de Disney ........ 52

Enlarge Your Paris et les « go zones » culturelles .. 54

Plateau Urbain, à la conquête des m2 perdus .... 56

VISAGES DU GRAND PARIS Robin Reda (LR), jeune homme pressé .................... 58Stéphane Troussel (PS), le 93 en héritage ............ 60Anne Démians, l’architecte qui propose ................ 62

UN AUTRE REGARD Quand Le Corbusier voulait raser la rive droite .... 66Le Grand Istanbul : une constructiontrès politique ..................................................................... 70

MON GRAND PARIS François-Xavier Demaison, comédien ................ 72

AGENDA ................................................................ 74

GRAND ENTRETIEN PATRICK OLLIERLe président LR de la Métropole du Grand Paris (MGP) tire un premier bilan de la nouvelle institution contestée qu’il dirige.

DOSSIERA QUOI RESSEMBLERA LE GRAND PARIS EN 2030 ? Plusieurs concours d’architecture et autres appels à projets innovants vont permettre à la métropole de connaître une métamorphose sans précédent.

DEMAIN LE GRAND PARISEUROPACITYPOURSUIT SA ROUTELe coup d’envoi du programme pharaonique porté par le groupe Auchan vient d’être donné.

VISAGES DU GRAND PARISL’AMBITIEUX REDA Robin Reda a conquis la mairie de Juvisy-sur-Orge (91) à 22 ans, est devenu conseiller régional LR à 23… Mais il voit déjà plus loin.

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Photo de couverture : La rue de Rivoli imaginée par l’architecte

Vincent Callebaut.

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GRAND ENTRETIENPATRICK OLLIER 7

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

« LA MÉTROPOLE : UN ÉLÉMENTDE SIMPLIFICATION ! »

Patrick Ollier

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

Comment se porte la Métropole du Grand Paris (MGP), sept mois après sa venue au monde ?Patrick Ollier Elle se porte bien, même très bien ! En

l’espace de six mois vraiment opérationnels, nous avons mis en place sa gouvernance, son fonctionnement budgétaire et institutionnel. Le tout dans un esprit transpartisan : il fallait que cette intercommunalité ne soit pas l’otage de considérations politiciennes. Tout le monde l’a accepté, c’est pourquoi ça marche aussi bien. Nous avons engagé des programmes d’action qui feront l’objet d’un comité d’attri-bution des subventions : une cinquantaine de communes nous ont déjà demandé une contribution. Nous sommes aussi en train de mettre en place une charte stratégique de coopération avec les présidents des territoires [les 12 établissements publics territoriaux – EPT – qui composent la Métropole] car nous devons combler un vide juridique qui existe dans la loi entre les territoires et la Métropole. Cette charte fixera les conditions dans lesquelles la MGP peut aider à la coordination des politiques territoriales et au rééquilibrage économique. Nous avons aussi mis en place une politique en direction des EPCI [établissements publics de coopération intercommunale] limitrophes de la Métropole. Patrick Braouezec [Front de gauche] sera chargé de cette coordination. Nous voulons rendre la Métropole crédible le plus vite possible, mais aussi éviter de laisser à l’écart les territoires limitrophes.

En dépit des oiseaux de mauvais augure, qui rêvent que la MGP périclite et disparaisse, vous estimez au contraire qu’elle s’affirme chaque jour un peu plus…PO Je ne vois pas de quels oiseaux vous parlez… La région Île-de-France a des compétences très particulières, qui n’ont rien à voir avec celles d’une intercommunalité. En réalité, même si elle n’est pas encore compétente, la Région a beaucoup de chance d’avoir la Métropole, car nous sommes complémentaires. La Métropole peut parler au nom de 131 communes, c’est un élément de simplification ! Nos parte-naires ont un seul interlocuteur et non 131. Par ailleurs, nous ne sommes pas une collectivité de plein droit, nous ne levons pas d’impôt. Nous avons une administration de mission, pas de gestion. Nous ne compliquons donc pas les strates

Le président (LR) de la Métropole du Grand Paris (MGP) nous reçoit dans les locaux de la préfecture de région, dans le 15e arrondissement de Paris, qui abritent provisoirement l’administration « de mission » de cette nouvelle intercommunalité géante. Conscient des critiques, parfois virulentes, dont « sa » MGP encore balbutiante est l’objet, Patrick Ollier entend faire rapidement la preuve de son utilité. Il compte pour cela mettre en avant les projets concrets déjà lancés, comme le grand concours d’architecture « Réinventons la Métropole » ou la lutte contre les inondations. Le député-maire de Rueil-Malmaison (92) s’exprime aussi pour la première fois sur les évolutions institutionnelles qu’il veut défendre auprès du prochain gouvernement. Propos recueillis par Bertrand Gréco et Gaspard Dhellemmes

••

du millefeuille. Nous sommes simplement un lieu de coordi-nation et d’harmonisation avec les quatre compétences qui nous sont données. Il n’est pas question que la Métropole se substitue aux communes avec des myriades de services décentralisés, payés par les contribuables.

Votre « amie » Valérie Pécresse (LR) demande toujours sa sup-pression. Dans nos colonnes, en avril 2016, elle qualifiait la MGP de « Grand Paris rétréci », d’« ovni politique », de « création politi-cienne des socialistes […] dépas-sée avant d’être créée »…PO Je n’entrerai pas dans ce dé-bat. Ce qui m’intéresse, c’est que la Métropole réussisse. Ce n’est pas exactement celle dont j’avais rêvée, et il faudra un jour changer la loi pour la renforcer. Mais pas pour la faire disparaître, car le fait métropolitain est incontestable. La France ne peut pas être le seul État européen à ne pas avoir une capitale métropole.

Ne craignez-vous pas qu’un retour de la droite en 2017 conduise à la suppression de cette instance ?N’avez-vous pas l’impression, par-fois, d’être en sursis ?PO Nous sommes en 2016, et je fais en sorte de faire fonctionner la Métropole au mieux. Parlons du concours Inventons la Métropole :les oiseaux de mauvais augure nous avaient dit que ça ne mar-

cherait pas ; pourtant 112 sites, représentant près de 80 com-munes, ont postulé à cet appel à projets ! J’ai lancé des com-mandos pour aller visiter les terrains. Les maires sont tous là, enthousiastes. Tous s’engagent. Nous avons, en outre, multiplié les initiatives concrètes : murs antibruit, passe musées métro-politains, meilleures connexions des pistes cyclables… L’inventi-vité du bureau politique est d’une richesse exceptionnelle. Donc, quand vous me parlez de 2017, pour moi, c’est dans un siècle !En attendant, je suis dans l’action, pas dans la polémique. Ceci dit, je ne crois pas que le premier pro-blème qui se posera au président de la République nouvellement élu sera de supprimer la Métro-pole. Je suis chargé de mettre en place la première pierre, et je ne doute pas qu’il y aura d’autres pré-sidents de la Métropole après moi.

Dans un contexte d’économies budgétaires, était-il vraiment nécessaire de créer 209 conseil-lers métropolitains, avec 20 vice-présidents ? Pour les six derniers mois de l’année 2016, plus d’un million d’euros d’indemnités aura été versé… Était-ce le bon signal à envoyer à l’opinion ?PO Est-ce vraiment la première chose à remarquer ? Vous pensez que les élus qui s’engagent pour 7 millions d’habitants, qui viennent ici tous les jours, n’ont pas le droit d’être payés ? Cela choque les per-sonnes qui ne comprennent pas comment les choses fonctionnent. Nous ne faisons pas de la figura-tion, nous coordonnons une ac-tion pour 131 villes. Un exemple : l’initiative que j’ai prise – et qui a surpris tout le monde – en faveur de la lutte contre les inondations, avec la Gemapi [gestion des mi-lieux aquatiques et prévention des inondations]. Si nous parvenions à créer un nouveau barrage, comme je le souhaite, nous pourrions évi-ter une vraie catastrophe. J’ai aussi souhaité que la Métropole joue un rôle déterminant de soutien aux communes sinistrées par les inondations, notamment en finan-

© JULIEN DEFONTENAY

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

çant la vanne-écluse de Joinville (94). Les indemnités dont vous parlez ne sont fixées qu’à 80 % du plafond, nous ne les avons servies qu’à partir du mois d’août alors que la MGP est à l’œuvre depuis le mois de janvier. C’est un effort que les élus ont fait dans l’intérêt public. Est-ce aberrant d’avoir 20 vice-présidents, avec chacun une compétence particulière, pour 7 millions d’habitants ?

Vous prônez une « Métropole rési-liente ». Qu’entendez-vous par là ?PO J’ai signé avec enthousiasme le pacte État-Métropole qui est une sorte de contrat de plan. Il fallait qu’on trouve une thématique, nous avons pensé à la Métropole résiliente, la Métropole dévelop-pement durable, plus agréable dans la vie quotidienne. Nous aurons des subventions pour les programmes que nous souhai-tons mettre en place. C’est une bonne nouvelle, car notre budget est chiche.

L’opération Inventons la Métro-pole du Grand Paris dont vous parliez va permettre, via un appel à projets international, de mettre en valeur une centaine de sites du Grand Paris. Quel type de projets souhaiteriez-vous voir émerger ?PO Le but est que l’imagination soit au pouvoir. Il faudra être le plus audacieux, le plus moderne, le plus original possible, afin de faire émerger des signaux forts sur le plan urbanistique pour le Grand Paris de demain. Ce n’est pas forcément facile d’intéresser

les investisseurs à des projets qui ne sont pas dans Paris. Les villes alentours ont du mal à faire venir des équipes innovantes. C’est ça, la Métropole : la capitale élargie. Le succès de ce concours est inespéré. Les sites retenus ont été officiellement présentés lundi 10 octobre au pavillon Baltard, à Nogent-sur-Marne (94). Il me tarde de voir ce que les architectes vont concevoir.

Cet appel à projets ne risque-t-il pas d’être concurrencé par celui de Valérie Pécresse, bap-tisé « Dessine-moi le Grand Paris » ?PO Je ne sais pas ce que fait la Région. Nous, nous sommes prêts. J’avais proposé à la Région de coordonner nos projets. Si elle veut nous rejoindre pour la deuxième vague de notre appel à projets, j’y serai totalement favorable. Je n’ai aucun problème avec Valérie Pécresse, et elle n’en a pas avec moi. Elle a juste un problème avec la Métropole, qu’elle rêve de supprimer… C’est son droit, ça ne m’empêche pas de tra-vailler et de m’entendre très bien avec elle. La preuve : nous siégerons, pour le prochain conseil métropolitain, dans l’hémicycle de la Région. J’ai participé à son équipe de campagne, je suis heureux qu’elle ait été élue car c’est une femme intelligente et compétente.

Dans quel sens la MGP doit-elle évoluer, selon vous ?PO La Métropole qui existe aujourd’hui n’est pas celle que je souhaitais. Il y a eu une incom-préhension totale entre le gouvernement et nous, les élus de Paris Métropole, lors du débat parlementaire. Nous défendions une métropole qui parte de la base et monte vers le haut alors que le gouvernement voulait une métropole hypercentralisée. Je considère que la démocra-tie doit commencer par le respect de ceux qui sont élus au suffrage universel. Il faut pérenni-ser le principe d’une métropole fondée sur la confiance qui lie chaque maire à sa population. Quant à son périmètre, la MGP devra, à l’avenir, regrouper l’ensemble de la zone dense. Paris ne peut pas être la seule capitale européenne à ne pas disposer d’une métropole suffisamment significative pour porter le développement économique et les mesures liées au changement climatique sur toute son agglomération. Il me semble aussi indispensable que Roissy intègre rapidement le périmètre de la Métropole.

Et concernant ses moyens ?PO Il faudra d’abord renforcer les compétences de la Métropole ; le débat parlementaire définira lesquelles. Concernant le budget, les députés de province, qui se désintéressent du destin de Paris, ont suivi aveuglément le gouverne-ment. Nous avons obtenu que les territoires soient traités comme des EPCI, bénéficiant de la CFE [cotisation foncière des entreprises]… mais

jusqu’en 2020 seulement, ce qui est absurde. Les territoires doivent être des EPCI sans limi-tation de durée. Ceci implique un changement législatif pour autoriser la Métropole à être un EPCI constitué de 12 EPCI. Se pose alors un problème de budget. Car le budget de la Métropole est trop réduit. Une fois qu’il sera établi que la CFE reste aux territoires et la CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises] à la Métropole, il faudra trouver une ressource financière supplémentaire que les territoires pourront accorder à la Métropole. On ne peut pas continuer avec un budget d’investissement de l’ordre de 70 millions d’euros par an, ce n’est pas possible ! J’ai l’intention, l’année prochaine, de le faire monter à 100 millions, peut-être plus, en recourant à l’emprunt. Mais il n’est pas nor-mal que nous soyons obligés de mettre en place ce genre d’artifice, simplement parce que le gouvernement n’a pas doté la Métropole d’un budget suffisant.

Pour quels nouveaux types de ressources plai-dez-vous, alors ? PO Vous me permettrez de ne pas vous le dire, parce que ce sera une négociation à entre-prendre avec un gouvernement qui n’est pas celui d’aujourd’hui.

Avez-vous commencé à en parler avec des can-didats à la primaire de la droite ?PO Ce que je suis en train de vous dire a été formalisé dans un courrier que j’ai envoyé aux candidats à la primaire, le 21 septembre, pour justifier la position qui est la nôtre.

Peu de candidats se sont exprimés sur le sujet…PO Nous sommes à Paris, Paris n’est pas la France. Aux yeux des candidats à la primaire, la Métropole est un problème accessoire. D’ail-leurs, il y a eu tellement de réformes territoriales qu’une nouvelle remise à plat ne sera pas l’ur-gence pour les prochains gouvernements, quels qu’ils soient. Ces problèmes ne sont pas lisibles parce que c’est cafouilleux. Le gouvernement socialiste a mis la charrue avant les bœufs, avec une organisation territoriale incohérente. Il aurait dû, pour éviter tous les problèmes qui se posent à l’évidence entre la Région et la Métro-pole, élargir le périmètre de l’Île-de-France. Au

lieu de ça, il a créé brutalement, au sein de la Région, une Métro-pole de 7 millions d’habitants ;c’est psychologiquement dif-ficile à comprendre. Il va falloir laisser un peu respirer les terri-toires et revoir l’organisation ter-ritoriale au cours du quinquen-nat, mais pas la première année.

Le projet de fusion des Hauts-de-Seine et des Yvelines, porté par Patrick Devedjian (LR) et Pierre Bédier (LR), vise-t-il à saboter la MGP ?PO C’est toujours l’action des mêmes qui ne supportent pas le changement. Mais le fait métropo-litain est incontestable. Je ne siège pas au conseil départemental des Hauts-de-Seine. Je ne m’engagerai pas dans une polémique qui ne me concerne pas. Mais je pense que cette fusion prendra beaucoup de temps pour être réalisée… si elle aboutit.

Êtes-vous favorable à la suppression des départements de la petite couronne (92, 93 et 94) ?PO L’évolution législative devrait conduire à reprendre l’idée du conseiller territorial, élu à la fois du département et de la Région. C’est un élément de simplification.

Pourquoi ne pas simplement supprimer les départements ?PO Parce que le conseiller territorial répond au problème dans toute la France. C’est une réponse positive. Dès lors qu’il y a une « fusion-acquisition » Région-départements qui simplifie les choses, je n’y vois que des avantages.

Quel regard portez-vous sur la réforme du statut de Paris, qui fait l’objet d’un projet de loi, présenté au parlement d’ici la fin de l’année. Un renforcement des pouvoirs de la capitale ne se fait-il pas au détriment de la MGP ?PO Il a été décidé, au début de la Métropole, que celle-ci ne s’exprimerait qu’à partir des compétences qui sont les siennes, et que le président ne se mêlerait pas des décisions prises par les 131 conseils municipaux qui la composent. Je ne vais pas me mêler de la vie institutionnelle de Paris. J’ai un avis là-dessus, un avis de député, de citoyen, mais je ne vous le donnerai pas. Moi, je n’accepterais pas que le président de la Métropole vienne dire au maire de Rueil-Malmaison que je suis : « ce que vous avez décidé, je suis contre » ! On entrerait dans des polémiques qui feraient exploser la Métropole. ••

« Il fallait qu’on trouve une thématique, nous avons pensé à la Métropole résiliente, la Métropoledéveloppementdurable, plus agréable dans la viequotidienne. »

« On ne peut pas continuer avec un budget d’investisse-ment de l’ordre de 70 millions d’euros par an, ce n’est pas possible ! »

« C’est toujoursl’action des mêmes qui ne supportent pas le changement. Mais le fait métropolitain est incontestable. »

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Vous semblez avoir d’excellentes relations avec la maire socialiste de Paris, qui ne manque jamais une occasion de saluer votre« volontarisme » et votre capacité à dépasser les « étiquettes parti-sanes »…PO Nous avons réussi à créer une gouvernance partagée avec l’ensemble des composantes poli-tiques. J’ai été invité à la Fête de l’Humanité, je n’y ai pas été mal-traité, bien au contraire. Avec le groupe socialiste, nous avons de bonnes relations. Vous me parlez de la maire de Paris : est-ce que la Métropole du Grand Paris pourrait se construire sans la ville de Paris ?Non, évidemment. Il est indis-pensable que les relations entre le président de la Métropole et la maire de Paris soient bonnes. C’est une épreuve difficile car l’élu Les Républicains que je suis n’a pas, a priori, vocation à travailler avec les communistes, les socialistes ou les écologistes, que nous combat-tons sur le plan national. Ce sont des efforts très importants à faire.

Et tout le monde a accepté de les faire, moi comme Mme Hidalgo, qui est ma première vice-prési-dente. Une intercommunalité ne peut pas être l’objet de conflits brutaux et manichéens.

Ce qui aurait peut-être été le cas si Nathalie Kosciusko-Morizet (LR) avait pris la tête de la MGP… PO Je ne sais pas. Mais il paraît quand même difficile d’imaginer que le responsable de l’opposition d’une des villes membres d’une intercommunalité en devienne président ou vice-président. C’est même impensable.

Regardez-vous favorablement le Grand Paris Express, son tracé, son coût, ses retards ?PO Je suis sur la même ligne que la Société du Grand Paris (SGP) et son président, Philippe Yvin, qui fait un travail très important, dans un esprit de consensus. J’ai encore eu une réunion récemment avec l’état-major de la SGP pour la gare de Rueil-Malmaison. Contraire-

« J’ai été invité à la fête del’Humanité, je n’y ai pas été maltraité, bien au contraire [...].Une intercommunalité ne peut pas être l’objet de conflits brutaux etmanichéens. »

ment à ce que vous me dites, j’ai la certitude que le calen-drier sera respecté. Le tracé a fait l’objet de discussions de plusieurs mois avec une centaine de villes. Forcément, il y a des groupes de pression qui obtiennent des changements d’itinéraire. On ne peut pas faire passer le Grand Paris Express dans toutes les communes. Le but est de desservir un maxi-mum de population : c’est ce qui a été fait.

Des retards ont déjà été annoncés pour la ligne 15 Sud… PO Quand on entreprend un chantier aussi important, qui implique que l’on creuse en sous-sol pour faire des tunnels de plusieurs kilomètres, vous pensez bien qu’il est possible qu’il y ait du retard. Ça ne me choque pas du tout. Dans les chantiers que nous lançons, nous les maires, pour construire des immeubles, il est très rare que nous soyons livrés dans les délais prévus, à cause de problèmes d’ordre technique. Les retards excessifs sont insupportables, mais ce n’est pas le cas ici. En outre, l’impératif des JO de Paris sera une date butoir incontournable.

La candidature du Grand Paris à l’Exposition universelle de 2025 semble relancée, après avoir été très critiquée par Anne Hidalgo. Quel rôle allez-vous jouer ?PO Il y a eu des problèmes relationnels entre les différents organismes concernés, fondés sur la stratégie à mettre en œuvre pour présenter cette candidature. Les discussions sont closes. Nous avons tous accepté la constitution du GIP [groupement d’intérêt public]. Je suis très reconnaissant de ce que Jean-Christophe Fromantin [député-maire DVD de Neuilly-sur-Seine] a fait parce qu’il a réussi à fédérer autour de lui des financeurs importants. La Métropole prendra sa part comme pour les JO, puisqu’elle porte la compétence de l’organisation des événements internationaux. Pour les Jeux, nous avons accepté de prendre la maîtrise d’ouvrage du grand bassin nautique construit en Seine-Saint-Denis.

Quel est votre endroit préféré du Grand Paris ? PO Il y a 131 villes, vous voulez que je me fâche avec 130 villes ? Je suis tenté de vous répondre les berges de Seine de Rueil-Malmaison, mais je ne le ferai pas. Mes collègues maires m’invitent de plus en plus et j’ai découvert des en-droits merveilleux que je ne connaissais pas, notamment dans l’est de Paris, dans le Val-de-Marne et aussi en Seine-Saint-Denis. Il existe des richesses extraordinaires dans la métropole. J’aimerais développer une politique touristique infra-métropolitaine : les Franciliens connaissent mal leur région. Vous dire ce que je préfère ? Peut être m’installer sur le dôme des Invalides ou au deuxième étage de la tour Eiffel pour contempler cette fantastique agglomération… ♦

« Il existe des richesses extraordinaires dans la métropole. J’aimeraisdévelopper une politique touristique infra-métropolitaine. »

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COMMUNIQUÉCOMMUNIQUÉ

NEXITYUn savoir-faire au service de la construction des quartiers de gare du Grand Paris ExpressPremier promoteur national, Nexity entend mettre ses compétences au service de la construction métropolitaine. En témoignent les deux consultations remportées par le groupe pour la réalisation des programmes immobiliers aux abords des gares de la future ligne 15 Sud du Grand Paris Express, à Créteil-l’Echat (94) et à Bagneux (92). Entretien avec Yanick Quémeras, président de Nexity Paris Val de Seine.

COMMUNIQUÉ

Quels sont les atouts de Nexity à l’heure de l’édification du Grand Paris ?L’un des atouts du Groupe est de savoir conduire des projets immobiliers sur le long terme en partenariat avec les collectivités locales. A Bagneux, où nous participons à l’édification du quartier autour de la future gare de la ligne 15 du Grand Paris Express, les premiers coups de pioche ne seront pas donnés avant 2020 : quels seront alors les prix de l’immobilier, les attentes des clients, les normes techniques requises, les exigences environnementales etc... Il faut être en capacité d’anticiper, d’accompagner et de se projeter à moyen terme.

Une démarche sociétale...Notre ambition est d’accompagner les évolutions techniques et technologiques d’un bâtiment mais également, et peut-être avant tout, la manière dont on y vivra demain. Acheter un terrain, concevoir un bâtiment, le construire puis le vendre ne suffit plus au métier de promoteur, il nous faut anticiper les usages. Par exemple, combien de places de stationnement seront nécessaires demain pour les logements de Bagneux une fois réalisées les 2 lignes de métro? Dans le 18e arrondissement de Paris, nous avons commercialisé avec succès un immeuble de logements sans aucune place de parking, preuve d’une transformation profonde du rapport à l’automobile.

Dans les futurs quartiers de gare du GPE, les questions du logement et de l’emploi promettent d’être intimement liées ?Il s’agit là encore d’accompagner les tendances sociétales. Le travail à distance devrait prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir, ainsi les futurs bâtiments de logements devront-ils être pensés en considérant cette tendance .

D’ici dix ans, doit-on aussi s’attendre à de nouveaux services dans les immeubles résidentiels ?L’innovation est toujours la bienvenue chez Nexity. Dans le 18e arrondissement de Paris, l’un de nos bâtiments a ainsi été doté d’un majordome numérique, baptisé Alfred. Outre des fonctions classiques de domotique, ce dispositif permet entre autres de gérer son compte de copropriété auprès de nos équipes, de suivre ses consommations énergétiques, de communiquer entre copropriétaires de l’immeuble via l’intranet,etc…..

Comment mettre cette audace au service du Grand Paris ?Nous avons remporté deux consultations lancées par la Société du Grand Paris (SGP) pour accompagner les projets immobiliers aux abords des gares de la ligne 15 Sud, à Créteil-l’Echat (voir encadré) ainsi qu’à Bagneux où le projet sera développé avec la SEMABA (Société d’économie Mixte de Bagneux) et la SGP en co-promotion avec Linkcity et Imestia. Nous

Créteil-L’Echat en quelques chiffres 22000 m2 de foncier mis à disposition en 2022, une fois la gare achevée, pour un programme mixte avec logements, parking public et services.

8500 m2 de logements, dont 6000 m2 de résidence Villanova, avec ses salles de sport, ses chambres d’hôtes, son régisseur, ses espaces communs notamment avec des toits partagés et des aires de jeux et de sport sur les terrasses.

7500 m2 de résidence hôtelière (80 studios) et de chambres pour étudiants (180).

6000 m2 de bureaux, dont 2500 m2 ouverts sur le quartier et dédiés au co-working, gérés par la filiale de Nexity, Blue Office.

500 m2 dédiés aux services, crèche et restaurants en tête.

465 places de parking, avec une offre d’autopartage et de mutualisation.

http://www.nexity.fr/

allons y réaliser deux îlots. L’un est signé Marc Mimram qui prévoit 200 logements dont 77 en locatifs sociaux et 1000 m2 de commerces, le second de l’agence Brenac & Gonzales, de 188 logements et 4000 m2 de commerces. Ces opérations, qui s’intègrent au Nouveau Programme de Renouvellement Urbain du quartier de la Pierre-Plate vont assurément être un levier d’intégration à la métropole.

A Bagneux, il y aura aussi un défi technique à relever ?Absolument, puisqu’il nous faudra construire au-dessus d’une gare qui n’existe pas pour l’heure. Tout l’enjeu est donc de concevoir dès à présent notre projet, d’anticiper toutes les contraintes futures pour que l’interface entre la station et nos bâtiments soit la plus soignée possible. Car une fois le chantier de la station lancée, il n’y aura pas de retour en arrière. Mais cette capacité à faire face aux imprévus, aux vicissitudes, aux difficultés d’un projet qui n’aboutira que dans une décennie, Nexity en a l’expérience.

Yanick Quémerasprésident de NexityParis Val de Seine

Futur quartier de gare du GPE à Bagneux- Architecte Marc Mimram - Illustration IDA+

Futur quartier de gare du GPE à Bagneux - Architectes Marc Mimram et Brenac & Gonzales - Illustration IDA+

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À QUOI RESSEMBLERA LE GRAND PARIS EN 2030 ? 15

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

DOSSIER14

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Le 10 octobre prochain, au pavillon Baltard, à Nogent-sur-Marne (94), la Métropole du Grand Paris (MGP) dévoilera 60 sites appelés à participer à la première vague de l’appel d’offres Inventons la Métropole – à choisir parmi 112 candidats déclarés sur 75 com-munes. Voués « à rendre la métropole visible aux yeux de tous », selon Patrick Ollier (LR), président de la MGP, les propositions rete-nues seront connues à l’automne 2017. Elles viendront s’ajouter aux 41 projets urbains des lauréats de Réinventer la Seine, aux 46 lauréats de Parisculteurs, et à ceux de Dessine-moi le Grand Paris de demain, tous révélés dans les prochains mois (1). D’ici là, la réhabilitation et la transforma-tion des bains-douches Castagnary (15e) en espaces de coworking et de colocation aura inauguré la mise en chantier des 22 programmes retenus de Réinventer Paris, l’opération pionnière. Autant de parcelles urbaines destinées à « inventer l’urbanisme

du XXIe siècle », dixit Jean-Louis Missika (apparenté PS), adjoint de la maire de Paris en charge de l’architecture, de l’urbanisme et du Grand Paris.

LA NATURE EN RECONQUÊTE DE LA VILLEÀ l’aune de ces projets, quel sera le visage du Grand Paris dans dix ans ? « Durable, résilient, solidaire », appelle de ses vœux Valérie Mayer-Blimont (LR), conseillère mé-tropolitaine, déléguée auprès du président Ollier, chargée de l’opération Inventons la Métropole. Assurément, l’environnement semble au cœur des préoccupations des différents appels à projets, de même que la volonté de lutter contre l’étalement urbain :friches industrielles, ainsi l’usine des eaux d’Ivry-sur-Seine (94) ou la sous-station élec-trique Voltaire (11e) ; bureaux et logements défraîchis ; anciennes stations ferroviaires, comme la gare Masséna (13e) du côté de la petite ceinture ; monuments classés, tel l’hôtel Colbert de la rue de la Bûcherie (5e) ; ou encore parkings sous-exploités... L’heure est à la construction de la ville sur la ville, pour préserver les espaces verts. Ainsi que le prescrit le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF).

Les espaces verts de nouvelle génération sont aussi à l’honneur. Potagers sur les toits, jardins partagés, balcons arborés et autres murs végétalisés : pas un des projets de Réinventer Paris n’oublie de payer son écot à Dame Nature. Quelque 26.300 m2 de surfaces plantées au total. « Le thème est omniprésent, certains projets relevant du greenwashing, d’autres étant plus ambi-tieux », constate l’urbaniste Jean Haëntjens, auteur de La Ville frugale (FYP Éditions, 2011). Un Paris reverdi également par les 30 hectares de jardins et un programme de 100 hectares de végétalisation sur les toitures et les murs de la capitale planifié par la Mairie d’ici à 2020. « Un gisement encore jamais utilisé quand la ville manque cruellement de foncier », juge Pénélope Komitès (PS), adjointe à la maire chargée des espaces verts, de la nature, de la biodiversité.

Parmi ces toits, ceux de l’Opéra Bastille (12e), de la bibliothèque Françoise-Sagan (10e) ou de l’hippodrome de Vincennes (12e), les pelouses des réservoirs d’eau de Charonne (20e), de Grenelle (15e) et de Belleville (20e) ou encore les marches de l’Arena-Bercy (12e) seront donc, dès l’an prochain, les terrains de jeu des jardiniers, paysagistes et autres agriculteurs partici- ••

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pant à Parisculteurs. Au programme : per-maculture, potagers, champignonnières, aquaponie...« Mais attention, avec ce Paris moins minéral, il ne s’agit pas de “faire joli” mais bien d’adapter la ville aux effets du dérèglement climatique », rappelle Péné-lope Komitès. « Végétaliser, c’est améliorer la qualité de l’air, développer la biodiversité, permettre la rétention des eaux pluviales et réguler la température des îlots de chaleur urbains », insiste-t-elle.

Par ailleurs, les habitants sont invités à pro-longer le concours, grâce à un permis de végétaliser qui ouvre la voie aux jardinières publiques et autres plantes grimpantes sur les murs parisiens. « Parisculteurs a vrai-ment l’ambition d’être un démonstrateur pour que les copropriétaires parisiens aient envie de suivre, notamment en s’associant à la deuxième vague de l’appel à projets », indique l’élue. Avec ses 5 hectares de toit végétalisé, le futur site de maintenance et de remisage de Champigny (94), sur la ligne 15 du Grand Paris Express, participera lui aussi à ce grand (re)verdissement.

Assistera-ton également à une ruée vers l’agriculture urbaine ? Dès juin 2017, 5.000 m2 de cultures prendront place au-dessus de l’hôtel logistique Chapelle International (18e). À Romainville (93), un projet de tour maraîchère capable de nourrir 200 per-sonnes pourrait voir le jour. Et les appels à projets innovants ne sont pas en reste : « Avec Parisculteurs, il n’est pas seulement question de loisirs mais de développer réel-lement l’autosuffisance alimentaire de la région », assure Jean-Louis Missika. Lauréat de Réinventer Paris, le projet Réalimenter Masséna (13e) entend bien montrer la voie :« Du haut en bas de la tour que nous allons ériger, tous les maillons de l’alimentation seront représentés : une ferme urbaine pour semer, un laboratoire de recherche agrono-mique, des ateliers de cuisine et de jardinage,

Grâce, notamment, à plusieurs concours d’architecture et autres appels à projets innovants, la métropole devrait connaître, dans les prochaines années, une métamorphose sans précédent. Pour l’instant, priorité est donnée à la végétalisation et à l’agriculture urbaine, mais aussi au retissage du lien social à toutes les échelles, de l’immeuble à la métropole en passant par le quartier. Revue de détail d’un vaste lifting urbain.Julien Descalles

À quoi ressemblera le Grand Paris en 2030 ?

« Végétaliser, c’estaméliorer la qualité de l’air, développer la biodiversité, permettre la rétention des eaux pluviales et réguler la température des îlots de chaleur urbains. »P.Komitès

t Le projet «Mille arbres» de Sou Fujimoto au-dessus du périphérique, Porte Maillot (17e)

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À QUOI RESSEMBLERA LE GRAND PARIS EN 2030 ? 17 16 DOSSIER

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

une résidence pour chefs, un marché géré par une coopérative agricole et une cantine »,détaille Lina Ghotmeh, son architecte.Comme 9 des projets retenus, le bâtiment sera construit en bois. Un matériau qui a un avenir radieux dans la métropole de demain. « Car il implique un temps de construction moins long – et donc des chantiers moins nuisibles en milieu dense – et affiche un bilan carbone bien meilleur que le béton »,souligne Jean-Louis Missika. Ce regain d’intérêt est d’ailleurs partagé sur le plan national avec le lancement, cet été, d’un appel à manifestation d’intérêt pour déter-miner les collectivités souhaitant accueillir des immeubles en bois de grande hauteur.

S’ATTAQUER AUX AUTOROUTES URBAINES, AUX VOIES FERRÉESLa métropole, justement, aura-t-elle pris un peu de hauteur dans dix ans ? En appelant au respect des PLU dans leurs cahiers des charges, les appels d’offres n’encouragent pas vraiment l’émergence de skylines fran-ciliennes. « Il y aura quelques tours en péri-phérie de Paris – la tour Triangle à la porte de Versailles (15e), le palais de justice de la porte de Clichy (17e), les tours Duo à Massé-na-Bruneseau (13e), un projet à Bercy-Cha-renton (12e) – afin de marquer de nouvelles centralités, mais elles n’ont pas vocation à

se multiplier. Le modèle du Grand Paris, ce n’est pas celui de Dubai », assure l’adjoint à l’urbanisme d’Anne Hidalgo.Dans cette métropole convertie à la cause environnementale, quid enfin de la mobi-lité ? Grand Paris Express, téléphériques, tramways, pistes cyclables, navettes flu-viales, véhicules partagés, électriques ou autonomes... Quels que soient les modes de transport doux promus, le déclin de la voiture individuelle en cœur de la métro-pole semble acquis. Jean-Louis Missika le confirme : « 60 % des Parisiens ne possèdent déjà plus de voiture. Helsinki veut abolir la voiture individuelle dès 2025. C’est un mouvement assez naturel que nous ne fai-sons qu’accompagner en interdisant le diesel dans la capitale en 2020 ou en piétonnisant les berges. » Et les concours d’anticiper la reconversion, partielle ou totale, des infras-tructures liées à l’automobile, s’intéressant ainsi de près à certains sites de parking, comme celui du pont de Grenelle. Mais la présidente de région, Valérie Pécresse (LR), ne l’entend pas de cette oreille : elle souhaite réhabiliter la voiture, pariant sur la « route intelligente » et les avancées technologiques dans l’automobile. Deux visions opposées de l’avenir.

Les appels à projets sont aussi « l’occasion de

s’attaquer aux fractures sur tout le territoire métropolitain – autoroutes urbaines, voies ferrées, etc. Il faut enjamber ou recouvrir ces césures partout où on le peut », clame Valérie Mayer-Blimont. À commencer par la première d’entre elles : le périphérique que le projet Mille Arbres (17e) ambitionne de chevaucher. D’autres lauréats du concours parisien, comme les tours végétalisées de Ternes-Villiers (17e) ou la plate-forme de logistique couplée à un funérarium de la Poterne des Peupliers (13e), aspirent à y bâtir au plus près. Doit-on y voir les pré-mices d’une mutation de la rocade en bou-levard urbain ?

Une manière également de tisser du lien, l’autre élément constitutif de l’ADN de ces appels d’offres. Entre Paris et sa banlieue d’abord, comme en témoignent les 6 can-didatures conjointes entre la capitale et ses voisins de la petite couronne dans le cadre d’Inventons la Métropole. Sur un territoire courant de Saint-Ouen (93) à Malakoff (92), une vingtaine de collectivités ont initié un travail de couture similaire avec l’Arc de l’innovation dont l’objectif est d’investir dans les espaces de coworking, incubateurs et autres FabLab (atelier de fabrication en tout genre ouvert au public). Plus de 300 sites auraient été ciblés. « Une manière à la fois de créer de l’emploi et de diminuer la frontière du périphérique, dans des quartiers populaires où la nouvelle économie doit se développer, où il reste du foncier dispo-nible et où les loyers restent bon marché », indique Jean-Louis Missika. Un moyen enfin de concourir au rééquilibrage économique entre l’est et l’ouest de Paris.

Du lien à tisser également à l’échelle des ZAC, des quartiers de gare investis ou même des bâtiments réhabilités. Réinventer Paris s’est ainsi fait le chantre des projets

« hybrides », où se confondent commerces, logements, bureaux et mêmes espaces agri-coles... Réinventer Masséna aura aussi sa galerie de street art et sa salle de concert, le futur cinéma Voltaire partagera ses locaux avec des bureaux et un établissement du chef Thierry Marx. Quant à l’ancienne pré-fecture de Paris, boulevard Morland (4e), ses 40.000 m2 concentreront, entre autres, marché alimentaire, commerces, piscine, crèche, auberge, centre culturel, bar pano-ramique, culture maraîchère, logements…

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« L’habitat d’un côté, les bureaux de l’autre, c’est un modèle qui ne correspond plus à nos manières de vivre, en plus de générer un trafic inutile, estime Lina Ghotmeh. Et puis cette mixité fonctionnelle du bâti, c’est l’une des façons les plus intéressantes de faire de la mixité sociale. » Ainsi l’urbanisme de demain fait-il la part belle aux espaces collaboratifs. « L’agriculture urbaine doit aussi être un moyen de retrouver un vivre-ensemble un peu perdu », plaide Pénélope Komitès. Et Valérie Mayer-Blimont imagine que l’un des futurs candidats à l’appel à projets métropolitains pourrait « proposer une mixité générationnelle avec des rési-dences d’étudiants couplées à des maisons de retraite. La ville ne doit plus se résumer à des quartiers de jeunes branchés et de retraités, c’est ainsi qu’on évitera la gentrification ».

Multifonctionnels, les bâtiments de demain pourraient aussi faire la preuve de leur ré-versibilité. « Ainsi le Stream Building est un immeuble de bureaux transformables en logements si nécessaire. La ville doit pouvoir s’adapter beaucoup plus vite aux besoins de ses habitants », préconise Jean-Louis Missika. « Le bâti pourra répondre au parcours résidentiel de toute une vie : on y

« 60 % des Parisiens ne possèdent déjà plus de voiture. Helsinki veut abolir la voiture individuelle dès 2025. C’est un mouvement assez naturel que nous ne faisons qu’accompagner en interdisant le diesel dans la capitale en 2020 ou en piétonnisant les berges. »J.L.Missika

« L’habitat d’un côté, les bureaux de l’autre, c’est un modèle qui ne correspond plus à nos manières de vivre. Et puis cette mixité fonctionnelle du bâti, c’est l’une des façons les plus intéressantes de faire de la mixité sociale. »L.Ghotmeh

arrive étudiant, avant de construire une vie à deux, puis de famille, le logement devant évoluer en conséquence... », renchérit Valérie Mayer-Blimont.

En mixant les usages, ce Grand Paris « soli-daire » aspire en outre à créer davantage d’espaces à partager dans la cité. « Réin-venter la Seine fait le constat qu’en trop d’endroits, les berges sont interdites d’accès par des sites industriels, l’activité fluviale ou même des routes. Il faut rendre le fleuve à ses riverains », insiste Jean-Louis Missika. Pas question donc de suivre le modèle lon-donien, où la réhabilitation des Docklands s’est accompagnée de vagues de privatisa-tion. Les bords du fleuve, de Choisy-le-Roi au Havre, et ceux des canaux parisiens de-vront être investis par des passerelles-cafés, des équipements sportifs ouverts à tous. ♦

(1) Sélection des projets Parisculteurs :novembre 2016 ;Réinventer la Seine : hiver 2016-2017 ; Dessine-moi le Grand Paris : premier trimestre 2017 ;Inventons la Métropole : automne 2017 ; Réinventer Paris 2 : fin 2017.

t Tour bois, gare Masséna (13e), du projet Réalimenter Masséna

t Vue d’artiste de la ville multistrate de Jacques Ferrier sur le périphérique Porte des Ternes (17e)

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À QUOI RESSEMBLERA LE GRAND PARIS EN 2030 ? 19 18 DOSSIER

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

COMMUNIQUÉCOMMUNIQUÉ

Que représente le Grand Paris à vos yeux ?Le plus important chantier de construction en France est assu-rément l’édification d’un nouveau moyen de transport révolution-naire, le Grand Paris Express. Plus de 200 km de tunnels à creuser, 68 nouvelles gares à bâtir : c’est LE chantier du souterrain en France de la prochaine décennie qui s’ouvre. Il promet d’être un moment de rupture technolo-gique et de renouveau du secteur - comme a pu l’être en son temps le tunnel sous la Manche - auquel un spécialiste comme Eiffage Génie Civil entend bien prendre toute sa part : notre objectif, c’est de remporter 20 à 25 % des appels d’offres de ces prochaines années dans le cadre du groupe-ment que nous avons monté pour ce faire.

De quels atouts disposez-vous ?Métiers du génie civil, du terras-sement, des fondations et même du rail, sous la même étiquette, Eiffage Génie Civil, que je dirige, peut se targuer de concentrer tous les métiers et toutes les compétences nécessaires à la construction de ce tube souter-rain. Avoir toutes ces cordes sur

le même arc, est incontestable-ment une force. En outre, une direction unique pour piloter, diriger et optimiser les équipes d’études d’Eiffage Génie civil garantit la réponse la plus adap-tée aux appels d’offres et aux demandes des maîtres d’ouvrage ainsi qu’une cohérence indispen-sable à la bonne tenue des tra-vaux titanesques en cours et à venir. Pour répondre aux défis du Grand Paris, nous avons décliné une organisation spécifique, en concentrant nos forces vives sur le sujet. D’un côté, nous mettons à disposition des équipes spécia-lisées sur chaque domaine, du creusement des tunnels à la pose des voies ferrées, en passant par construction des voussoirs, des stations ou encore l’installation de l’alimentation électrique et de la signalisation… De l’autre, grâce à notre transversalité, nous as-surons une prestation complète et sans interface, sans risque de déperdition d’information ou de temps. Au final, nous gagnons en réactivité, en autonomie, en in-génierie et en force commerciale.

Quels défis entendez-vous rele-ver sur ces chantiers ?Nous avons déjà anticipé le pre-

Philippe Seitzdirecteur général délégué de

la branche Infrastructuresd’Eiffage.

COMMUNIQUÉ

« 5 % du nombre d’heures de production sont réservées à l’insertion de personnes sans emploi, notamment via des partenariats avec Pôle Emploi, la Mission locale ou les Plans locaux pour l’insertion et l’emploi. »mier d’entre eux en créant la so-ciété « Eiffage fondations » car les travaux du Grand Paris Express vont mettre sous tension ces métiers. Sur un chantier de sou-terrain, les techniques de fonda-tions profondes sont de fait solli-citées. Encore plus ici du fait de la grande profondeur de certaines gares. Par ailleurs, nous sommes prêts à assumer les responsabili-tés sociale et environnementale qu’impliquent de tels chantiers. Une responsabilité sociale car ces travaux au long cours sont une opportunité unique d’insé-rer, de former, d’embaucher des personnes recrutées localement.

COMMUNIQUÉ

Avec plus de 23 000 collabora-teurs et 30 000 chantiers réa-lisés par an à travers le monde, la branche Infrastructures d’Eiffage – qui regroupe Eif-fage Génie Civil, Eiffage Route et Eiffage Métal – est l’un des acteurs les plus reconnus en matière de travaux souterrains. Une compétence que le direc-teur général, d’Eiffage Génie Civil, Philippe Seitz, entend bien mettre au service des trans-ports métropolitains. Entretien.

À nous de préparer, des com-pagnons à l’encadrement, les salariés qui prendront demain les commandes et le relais de la génération actuelle. Ainsi 5 % du nombre d’heures de production sont réservées à l’insertion de personnes sans emploi, notam-ment via des partenariats avec Pôle Emploi, la Mission locale ou les Plans locaux pour l’inser-tion et l’emploi. De même Eiffage Génie Civil dispose depuis 2006 d’une école à Bernes-sur-Oise montée avec l’aide de l’AFPA, formant les personnes recrutées dans le cadre de ces dispositifs d’insertion. Nous avons, de sur-croît, signé des protocoles avec nombre de PME locales pour leur garantir de l’activité à hauteur de 20 % du montant des marchés traités. Quant à l’impact environ-nemental, il implique de garantir un minimum de nuisances aux riverains, d’impacter a minima le trafic routier et d’organiser l’évacuation des déblais avec une traçabilité stricte. Ce que nous

savons mettre en place, comme en témoignent les travaux que nous menons actuellement pour l’extension de la ligne 14 entre la Gare Saint-Lazare et Clichy – Saint-Ouen.

Car en matière de transports collectifs franciliens, Eiffage Génie Civil est loin d’être un novice…Nous collaborons d’ores et déjà avec les trois maîtres d’ouvrage des réseaux de transports de la métropole, à savoir la RATP, SNCF Réseau, et la Société du Grand Paris. L’hiver dernier a été inaugurée la station Rosa-Parks (Paris 19e), qui accueille quelque 85 000 personnes par jour et permet de désenclaver tout un quartier de la périphérie parisienne : c’est l’aboutissement d’un engagement initié en 2011 par Eiffage Génie Civil dont le savoir-faire technique et l’ingé-nierie ont permis la réalisation de plusieurs ouvrages d’art, de nouveaux quais et l’édification

du pôle multimodal lui-même. Ce travail était particulièrement complexe puisque la gare se déploie sur plusieurs niveaux en souterrain. Autre mission ache-vée cette année, la réalisation d’un tunnel, de deux stations souterraines et d’un puits de ven-tilation pour le dernier tronçon de 1 600 mètres du T6, tramway re-liant Châtillon (Hauts-de-Seine) à Viroflay (Yvelines). Toutes ces réalisations témoignent d’une présence déjà forte et régulière dans les transports franciliens.

Quels sont vos autres travaux en cours à l’échelle du Grand Paris ?Actuellement, nous réalisons le prolongement de la ligne 14 entre la gare Saint-Lazare et Saint-Denis-Pleyel, une gare qui promet de devenir le Châtelet du nord de l’agglomération. En 48 mois, il nous faut avoir réa-lisé 3 600 mètres de tunnels et les futures stations Pont-Cardi-

net et Porte-de-Clichy. Puis, en 2017, nous entamerons le chan-tier de l’extension vers l’Ouest d’Eole, entre Saint-Lazare et La Défense, soit 6,1 km de tunnels ! Sur le tracé la construction d’une nouvelle gare Porte Maillot sera une véritable prouesse technique de par son environnement très contraint, entre des parkings et des lignes de métro et de RER. Dans le même temps, il nous faut répondre aux appels d’offres de la ligne 15 sud du GPE qui ne cessent de se succéder, et pro-chainement à ceux des lignes 16 et 14 sud. D’autant que le rythme pourrait aller en s’accélérant si Paris obtient les Jeux Olympiques en 2024. Ceux-ci promettent de booster les chantiers, avec notamment la nécessité d’ouvrir dès décembre 2023 la ligne 16. Non seulement nous sommes prêts à prendre toute notre part dans ces projets structurants, mais notre agence régionale est aussi en capacité de répondre à des projets plus locaux, en réa-lisant tous les travaux d’inter-connexions - tunnel ou couloir de liaisons, agrandissement des quais, aménagement des gares… - entre les futures lignes du GPE et les lignes déjà existantes.

« Sur le tracé la construction d’une nouvelle gare Porte Maillot sera une véritable prouesse technique de par son environnement très contraint, entre des parkings et des lignes de métro et de RER. »

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

Le développement métropoli-tain vous semble-t-il prendre la bonne voie ?Le Grand Paris, pour l’instant, c’est un grand métro. Point. Je n’ai pas changé d’avis : si en 2030, rien n’est infléchi, le Grand Pa-ris, ce sera ce grand métro, deux aéroports et un grand centre de recherche, mais il connaîtra les symptômes cancéreux d’une cellule qui n’a pas su croître (1).Car un projet autocentré sur Paris est une erreur, cela conduirait au déclin de la capitale. Il faut que la métropole soit tournée vers la val-lée de la Seine et s’ouvre jusqu’à la mer. C’est, pour moi, une obsession. Aucune ville mondiale importante n’existe en dehors d’un port. La France s’est choisie une capitale qui ne l’était pas, il est donc essentiel de corriger cette erreur en unifiant Paris avec Rouen et Le Havre. Haro-pa [l’établissement public portuaire réunissant les ports du Havre, de Rouen et de Paris] est en train d’y parvenir concernant la gestion des ports ; il faudrait désormais le faire dans toutes les dimensions métro-

politaines. Le développement des ports d’Achères ou de Gennevilliers sont de bonnes initiatives, mais il faut davantage de cohérence.

Pourquoi une ouverture sur la mer vous paraît être une telle nécessité ?Car ce sont les échanges qui nour-rissent le développement écono-mique d’un territoire. Construire un Grand Paris sans la mer, c’est se condamner à devenir une annexe de Rotterdam ou d’Anvers, comme on est en train de le faire avec le pro-jet de canal Seine-Nord. Sans grand port, il n’y a pas de souveraineté, la capitale sera avalée par l’Europe du Nord et la France, morte en tant qu’entité politique.

Un appel à projets comme Réin-venter la Seine doit donc vous réjouir ?Absolument, même si ses moyens sont insuffisants. Du moins, cela permet-il de construire une identité commune à un territoire s’étalant de la capitale jusqu’au Havre. De manière plus générale, tous les appels à projets métropolitains devraient contenir la phrase sui-vante : « Le Grand Paris doit être un port. » En dehors de cela, rien n’a de sens. Idem pour l’organisation des grands événements : si l’Exposition universelle ou les Jeux olympiques servent cette vision globale, alors ils sont utiles. Mais si l’on revient à un Paris bunker du XIXe siècle, ce sera une catastrophe.

Vous craignez une métropole aux contours trop étriqués ?Tout ce qui enferme Paris au lieu de l’ouvrir sur la mer est mauvais.

JACQUES ATTALI L’essayiste ne conçoit la métropole de demain qu’à travers son fleuve. Ancien conseiller de François Mitterrand et ancien président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), le président de la fondation PlaNet Finance défend avec force le projet d’un Grand Paris maritime, intégrant Rouen et Le Havre. Coupé de la vallée de la Seine, il connaîtrait, selon lui, « les symptômes cancéreux d’une cellule qui n’a pas su croître ».

Propos recueillis par Julien Descalles

« Le Grand Paris doit être un port »

INTERVIEW

Plutôt qu’un projet de métro en boucle qui « bunkérise » la capitale, l’urgence devrait être l’édification d’une LGV [ligne à grande vitesse] allant vers Le Havre pour dégager au plus vite les marchandises du port et lui permettre d’accueillir toujours plus de bateaux. Côté gouvernance, le périmètre actuel de la Métropole du Grand Paris est lui aussi mauvais : une des réformes majeures devrait être une fusion du Grand Paris avec Le Havre et Rouen, de même que la Normandie et l’Île-de-France au niveau régional.

Autre initiative que vous décriez : l’installation d’une Silicon Valley sur le plateau de Saclay...L’avenir est à l’interdisciplinarité. Or, avec ce projet, on sépare les sciences des lettres. Cet isolement est une erreur mons-trueuse. En outre, le choix du site est une impasse : pourquoi ne pas l’avoir installé le long de la Seine, entre Rouen et Le Havre ? Je suis pour cette logique de multi-centres au sein de la métropole, mais à condition de leur donner du sens et non pas de les saupoudrer un peu partout sur le territoire. Il leur manque un axe directeur qui devrait être la vallée de la Seine.

Outre son ouverture maritime, quelles doivent être les autres priorités de la métropole de 2030 ?Toute ville doit se saisir du développement durable, tout aménagement urbain doit être pensé en fonction de la catas-trophe climatique qui nous attend. Et malgré les discours, nous sommes aujourd’hui extrêmement en retard sur des villes comme Rotterdam, Stockholm ou Singapour... Cela doit se traduire par des normes environnementales beaucoup plus contraignantes sur l’habitat et par la construction d’immeubles de très grande hauteur, beaucoup plus écologiques qu’une urbanisation dispersée. Même si, jusqu’à présent, toutes les tours construites dans Paris sont épouvantables, il n’y a pas de malédiction ! C’est une simple question de maître d’ouvrage et on dispose de très grands architectes capables de faire des merveilles. L’autre priorité, c’est de favoriser le développe-ment des transports collectifs au détriment des déplacements individuels. Mais attention à ne pas faire du centre de Paris un désert en bannissant ses habitants. Si l’on veut laisser en vie commerces et salles de spectacle, il faut d’abord mettre en place les alternatives de transports en commun avant d’interdire la voiture, et non les installer dix ans plus tard ! ♦

(1) Paris et la mer, la Seine est Capitale, ouvrage collectif sous la direction de Jacques Attali (Éditions Fayard, 2010, 200 p., 12,20 €).

Jacques AttaliEssayiste

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

« Paris en 2050 ?Une métropole dense,durable, revégétalisée »

VINCENT CALLEBAUT On pourrait le prendre pour un auteur de science-fiction, mais la démarche de Vincent Callebaut n’a pourtant rien de fantaisiste. L’année dernière, cet architecte belge installé à Paris a été mandaté par la Ville pour dessiner le visage de la capitale en 2050. Résultat : des gratte-ciel futuristes, à énergie positive, accueillant de l’agriculture urbaine au beau milieu des monuments historiques… un petit peu décoiffés. Explications.

Propos recueillis par Julien Descalles

À la demande de la Mairie de Paris, vous avez imaginé une capitale écologique-ment exemplaire à l’horizon 2050 qui fait la part belle à la hauteur. L’avenir est-il aux tours ?Vincent Callebaut : L’ambition de « Paris Smart City 2050 » était de proposer une ville capable de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 75 % (1) grâce à l’intégration d’immeubles de grande hauteur dans les 20 arrondissements de la capitale. Pourquoi promouvoir la verticalité ? La priorité est de mettre fin à un étalement urbain extrê-mement énergivore : il nous faut abandon-ner le modèle des îlots monofonctionnels, tel le quartier d’affaires de La Défense, qui allongent le temps de transport et nécessitent des réseaux d’infrastructures complexes. Cette séparation géographique entre lieux de vie privée et de travail est aujourd’hui obsolète ! Par ailleurs, densifier Paris en hau-teur est aussi une réponse à la ségrégation sociale : en plaçant Paris sous cloche et en la transformant progressivement en musée, on ne fait qu’accentuer la gentrification.

La métropole de demain doit donc faire table rase du passé ?VC : Absolument pas. Pour construire la ville dense, durable, revégétalisée de demain, il nous faut au contraire conserver le meilleur de chaque époque architecturale – le tissu haussmannien, les HBM des boulevards des Maréchaux, même Paris Rive Gauche (13e) – et le régénérer. Dès lors, comment préserver le patrimoine haussmannien qui est pourtant une passoire thermique ? Tout notre projet (2) repose sur la « solidarité énergétique ». Puisque par le passé ont été construits des bâtiments aux grandes quali-tés architecturales mais énergétiquement « inertes », créons des tours capables de pro-duire bien plus qu’elles ne consomment grâce aux énergies renouvelables qui leur redistribueraient le surplus. Un partage qui s’inspirerait des technologies de l’informa-tion, à la manière d’un Facebook de l’énergie. Ainsi, Paris conserverait son identité tout en se métamorphosant en une ville auto-nome. En outre, on peut également densifier Paris en triplant la hauteur autorisée [37 m au maximum aujourd’hui, hormis trois ou quatre projets de tours en périphérie] et en surélevant les immeubles. Rue de Rivoli, nous proposons de mixer bâtiments exis-tants et constructions à énergie positive en posant sur les toits des « montagnes clima-tiques » équipées de capteurs solaire. Cela permettrait de construire beaucoup plus de logements et d’installer des espaces de travail en pied d’immeuble, ce qui limiterait les déplacements et donc la pollution.

La tour Montparnasse, qui doit pro-chainement faire l’objet d’un concours d’architecture notamment concernant sa façade, est aussi l’objet de vos ré-flexions...VC : Elle est le symbole de l’abolition de la hauteur à Paris, puisque c’est après sa construction que Valéry Giscard d’Estaing y a interdit les tours. Pourtant, il suffit sim-plement d’effacer sa mono-fonctionnalité, en emballant sa façade d’un verger commu-

Vincent CallebautArchitecte

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INTERVIEW

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s Proposition de pont habité entre les 15e et 16e arrondissements, baptisé «Bridge Towers», emprunté par le périphérique, comprenant des logements, des éoliennes et des turbines hydroélectriques

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

ture urbaine – permaculture, hydroponie, aéroponie… – avec l’objectif de couvrir les besoins alimentaires de 30 % des Parisiens.

Votre projet fait également la part belle à la végétalisation...VC : Oui, mais à condition qu’il s’agisse là aussi d’une végétalisation nourricière, et non cosmétique comme au Quai Branly ou, en partie, au BHV. Il ne s’agit pas de rendre la ville plus jolie mais plus « transpirante ».À Paris, les façades de pierre, les revêtements de la chaussée absorbent la chaleur en jour-née et la rejettent la nuit. Ce phénomène « d’îlot de chaleur urbain » accentue les épisodes de canicule : il fait alors plusieurs degrés de plus intra-muros qu’en banlieue. En végétalisant, on permet aux plantes, aux arbres, de capter la chaleur et de rafraîchir les quartiers. C’est aussi un bon moyen de faire face aux épisodes de pluies violentes qui vont se multiplier avec le dérèglement climatique. Aujourd’hui, avec ses 5 m2 d’espaces verts par habitant, contre 25 m2 pour Londres ou 35 m2 pour Berlin, Paris est l’une des villes les plus minérales du monde et, de ce fait,

des plus imperméables. On a donc besoin de sols, de terres, de végétaux pour « éponger ».

Une végétalisation également au cœur des appels à projets « Réinventer Paris » ou « Parisculteurs ». La capitale est-elle sur la bonne voie en matière d’exempla-rité écologique ?VC : Cela montre que l’essor de l’agriculture urbaine ainsi que la volonté de créer des friches urbaines ont commencé à imprégner les esprits. Mais j’ai un peu de regret de ne pas y voir le développement de territoires à énergie positive, avec une intégration mas-sive des énergies renouvelables. En France, on se contente encore d’installer une mini-éolienne et deux capteurs solaires sur le toit quand les dispositifs devraient devenir la peau même des bâtiments ! Paris reste encore un peu de timide dans ce domaine.

Comment l’expliquer ?VC : En raison d’un modèle économique daté :le coût de construction de ces bâtiments durables est 30 % plus cher. Sauf qu’après dix ans d’énergie économisée, voire pro-

duite, ils auront largement remboursé le surcoût initial. Il nous faut donc innover non seulement technologiquement, mais aussi économiquement. Car j’insiste : ce travail relève d’une utopie concrète. Pour preuve, fin 2017, nous livrerons une tour à Taipei (Taiwan) intégrant bio-climatisme, énergies renouvelables et recouverte de 25.000 arbres pour stocker le CO2. Elle aurait toute sa place à Paris. La métamorphose intelligente du bâti est tout à fait réalisable, dès à présent !

t La capitale imaginée par Vincent Callebaut vue des tours de Notre Dame de Paris

@ VINCENT CALLEBAUT ARCHITECTE

nautaire construit en spirale. Cela ouvrirait un « Central Park » vertical aux Parisiens, où l’on pourrait mettre en place des Amap [association pour le maintien d’une agri-culture paysanne] hypercentralisées, et des agriculteurs travaillant au cœur même de la ville.

L’agriculture a-t-elle sa place dans la ville de demain ?VC : Il y a dix ans, les projets d’agricultures urbaines étaient encore trop énergivores, notamment à cause de l’éclairage et de la question des déchets produits. Aujourd’hui, ces derniers sont des ressources naturelles à exploiter. Si l’on revient à l’exemple de la tour Montparnasse, pourquoi ne pas ins-taller à son pied des usines de bio-métha-nisation qui produiraient 100 % de l’élec-tricité et de la chaleur nécessaire au site ?Je crois qu’il faut absolument rapatrier la nature en ville, ramener les espaces de maraî-chage au cœur des lieux de consommation. C’est l’assurance de passer de la « chimie verte » du XXe siècle – un modèle reposant sur les pesticides, fongicides…, avec tous les dégâts environnementaux et sanitaires que l’on connaît – à une agriculture biologique et démocratisée. Partout où c’est possible, sur les toits de la métropole, les balcons, les « dents creuses », il faut installer des par-celles agricoles et des serres, et les mettre à disposition des citoyens, « consom’acteurs »de leur propre alimentation comme des agriculteurs.

Partout... jusque sur le périphérique ?VC : C’est une véritable balafre à ciel ouvert qu’il faut cicatriser. Pour cela, le modèle de la couverture de la porte des Lilas (19e et 20e) me semble intéressant. D’où l’idée d’instal-ler à chaque porte de Paris, sur le périphé-rique même, des fermes verticales dédiées aux énergies renouvelables et à l’agricul-

t Antismog tower le long de la petite ceinture dans le 14e

@ VINCENT CALLEBAUT ARCHITECTE

Le prochain terrain de jeu des « Réin-venter... » sera la Seine. Comment la métropole peut-elle investir le fleuve ?VC : Dans notre projet, on planifiait la trans-formation des ponts du périphérique – à l’est et à l’ouest de la capitale – en ponts habi-tés, à l’instar d’un Ponte Vecchio [Florence, Italie] du futur. On pourrait y installer des tours jumelles, l’une de bureaux, l’autre de logements, capables d’échanger de l’éner-gie, ainsi qu’un jardin suspendu capable d’aspirer les particules fines et autres pol-luants. Le tout assis sur des piles équipées d’hydroliennes pour exploiter le courant.

Autres lieux clés de la métropole de 2030 :les 68 gares du Grand Paris Express. Com-ment peuvent-elles concourir à la ville durable que vous appelez de vos vœux ?VC : En travaillant sur la gare du Nord – mais c’est un modèle évidemment déclinable pour toutes les stations de la métropole –, on s’est penché plus particulièrement sur les 750.000 voyageurs qui traversent quotidiennement ses 32 quais. En les recouvrant de dalles pié-

« Il y a dix ans, les projets d’agricultures urbaines étaient encore tropénergivores, notamment à cause de l’éclairage et de la question des déchetsproduits. Aujourd’hui, ces derniers sont desressources naturelles à exploiter. »

zoélectriques, on pourrait transformer les pas des passagers en énergie ! Couplées à des cellules Grätzel [à pigment photosensible, analogue à la chlorophylle, dont le fonction-nement s’inspire de la photosynthèse] instal-lées sur les façades, elles permettraient de fournir 270 % des besoins électriques de la gare, qui redistribuerait évidemment le sur-plus au quartier environnant. En outre, on a voulu montrer que, dans une ville en manque de foncier, les gares parisiennes étaient un gisement d’hectares d’urbanisation. Mais plutôt que de construire sur dalle, on s’est inspiré de la mangrove afin de suggérer des tours végétales en forme de palétuviers qui s’enracineraient dans les espaces interstitiels entre les quais et les rails. Là encore, afin de densifier la métropole. ♦

(1) Selon l’objectif fixé dans le plan climat- énergie de la capitale.

(2) Cabinet Vincent Callebaut Architectures et les ingénieurs de Setec Bâtiment.

« fin 2017, nous livrerons une tour à Taipei (Taiwan) intégrant bio-climatisme, énergies renouvelables et recouverte de 25.000 arbres pour stocker le CO2. Elle aurait toute sa place à Paris. »

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COMMUNIQUÉCOMMUNIQUÉ

Pouvez-vous présenter le groupe BECARRE, que vous avez fondé en 1998 ?BECARRE est une société de promotion immobilière indépendante, créée avec l’appui financier de collègues de Bouygues Construction. Au début, nous faisions principalement de l’immobilier d’entreprise, un métier que nous connaissions bien, avec une première opération de bureaux à Paris, rue de la Victoire. Puis assez rapidement, nous nous sommes tournés vers le résidentiel.

Que représentent ces deux secteurs, immobilier de bureaux et résidentiel, et quelles sont vos zones d’intervention ?Aujourd’hui, le résidentiel représente environ 80 % de notre activité, pour 20 % d’immobilier d’entreprise et de résidences services...Nous intervenons essentiellement en Ile-de-France, Paris et petite cou-ronne, mais aussi dans les DOM, à la Martinique, à la Réunion et dans une moindre mesure, en Guyane.

BÉCARRÉ, INVENTEUR D’ESPACES À VIVRE

IMAGINER. CONCEVOIR. REALISER.

Justement, quel est votre volume d’affaires ? Votre production annuelle ?Nous avons un volume d’affaires de 500 logements, avec une livraison moyenne de 200 logements annuels. Par ailleurs, nous avons toujours au moins une opération immobilière d’entreprise en cours.

Quelles sont les caractéristiques principales de vos programmes ?J’aime toujours autant passer devant nos réalisations et j’éprouve une certaine fierté, même si je reconnais aussi parfois des défauts ou des erreurs ! Dans nos réalisations, nous essayons de progresser, d’ap-prendre de nos expériences. Je suis ingénieur de formation, et j’ai tou-jours favorisé un haut niveau de réalisation, de finition, des matériaux de qualité. D’ailleurs, de nombreux clients sont des institutionnels, très soucieux de la qualité et de la pérennité de leurs bâtiments.

Quels sont les objectifs du groupe pour ces prochaines années ?Nous souhaitons, d’ici trois ans, doubler nos volumes et nos chiffres afin d’atteindre une taille critique, d’une livraison de 500 logements annuels. Cela nous permettra de lisser nos productions, tout en restant dans nos trois secteurs, le résidentiel, l’immobilier d’entreprise et le résidentiel de services. Nous aspirons à rester un promoteur multi-pro-duits. Nous nous inscrivons aussi dans le projet du Grand Paris et de la future mégalopole. Les objectifs généraux affichés sont une production de 70 000 logements annuels d’ici quelques années, contre 25 000 aujourd’hui. Nous comptons donc nous inscrire dans cette dynamique.

D’ailleurs, la création du site internet « Les Promoteurs du Grand Paris »,qui regroupe 6 promoteurs franciliens, s’inscrit dans cette démarche. C’est une passerelle, une vitrine pour présenter l’ensemble de nos pro-grammes en Ile-de-France, soit 1500 logements environ. Il y a une véri-table dynamique qui est lancée.

Christian Bertettoprésident-fondateur du groupe BECARRE

COMMUNIQUÉ

« Nous nous inscrivons aussi dans le projet du Grand Paris »

Vous lancez une nouvelle opération immobilière à Rueil-Malmaison, le Carré Ossart. Quelles sont les caractéristiques de cette résidence ?Le Carré Ossart est la deuxième tranche d’une opération plus gé-nérale, adossée à la résidence du Carré des Cartes, livrée en 2014. Le Carré Ossart comprendra 49 logements, répartis en 3 petits bâtiments mitoyens sur 3 ni-veaux. Outre des appartements, le Carré Ossart offrira aussi deux maisons de ville mitoyennes, en duplex, indépendantes et avec des jardins privatifs, comme d’ailleurs l’ensemble des rez-de-chaussées de la résidence. L’ar-chitecture est de style néo-clas-sique, avec des toits à la Mansart en zinc et ardoises et de grandes lucarnes. Tous les appartements bénéficient de grands balcons ou de terrasses. La particularité de ce programme tient aussi à la réalisation de deux commerces

en pied d’immeuble, ce qui en fait un véritable immeuble de ville, l’intégrant dans la vie du quartier.

Je crois que vous vous développez aussi dans les secteurs de résidences services...Nous réalisons une résidence pour séniors à Chatou, de 80 appartements, avec un haut ni-veau de services. En 2017, nous lancerons une résidence pour étudiants à Gentilly (94). Ce sont deux secteurs importants pour le développement de notre société sur lesquels nous comptons nous renforcer dans les années à venir. Autre nouveauté, une résidence de tourisme dont la commercia-lisation dans les DOM à Saint-Pierre, sur l’Ile de la Réunion dé-bute avant la fin de l’année. C’est un secteur porteur sur lequel nous comptons apporter notre savoir-faire et notre expérience de promoteur.

Par ailleurs, BECARRE Elysées est acteur d’un produit immobilier peu connu, le démembrement de propriété...En effet, nous avons réalisé en 1999 la première opération en démem-brement de propriété temporaire qui a donné naissance au montage en usufruit locatif social. Aujourd’hui, près de 1500 logements par an sont réalisés via ce montage.

Nous venons de créer une entité, BECARRE Haussmann, dédiée au développement de cette activité. Nous avons par ailleurs sur notre opération « Le Carré Ossart », 14 logements dont la nue-propriété sera commercialisée auprès d’investisseurs privés.

Groupe BECARRE2 rue de Penthièvre - 75008 Paris

Tél: 01 40 60 70 [email protected]

www.becarre.com

COMMUNIQUÉ

« Le Carré Ossart, sera un véritable immeuble de ville intégré à la vie du quartier », Laurent Asty, directeur général de BECARRE Elysées, entité dédiée à l’activité de promotion immobilière du groupe BECARRE

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

Zoom sur les hubs du Grand ParisLe Grand Paris Express promet de rebattre les cartes de la répartition des logements et des emplois dans la métropole. Pour tirer le meilleur profit de ce changement, une liste de 14 hubs – plates-formes de correspondance – a été dressée. Les nouveaux quartiers situés autour des gares du « supermétro » ont vocation à devenir des phares économiques et urbanistiques de la métropole.

Julien Descalles

En 2030, les 200 km de voies ferrées et 68 sta-tions du Grand Paris Express (GPE) devraient avoir vu le jour. Un réseau qui promet d’être « un véritable booster pour la métropole, apportant entre 120 et 200 milliards d’euros de PIB supplémentaire en 2035 et permettant la création de 115.000 nouveaux emplois »,prédit Jean-Claude Prager, directeur des études économiques de la Société du Grand Paris (SGP). En outre, entre 250.000 et 400.000 logements devraient émerger dans ces futurs quartiers de gare.

De quoi faire du GPE « l’épine dorsale de la métropole de demain », estime Ioannis Valougeorgis, directeur délégué à l’aména-gement à la SGP. « Ses effets très structurants vont profondément modifier la répartition géographique de la croissance des emplois et de la population résidentielle de toute la région. Afin de mieux avoir accès à l’ensemble des actifs franciliens, les entreprises vont avoir tendance à s’installer au plus près des gares »,renchérit Jean-Claude Prager.

Parmi les futures stations destinées à incarner la métropole : les 14 hubs du Grand Paris (1),définis par la SGP et le gouvernement. Ils ont été intégrés à l’appel à projets Inventons la Métropole en mars dernier. Des quartiers de gare sélectionnés pour leur capacité à générer des flux importants de voyageurs, leur potentiel foncier et enfin leur visibilité à l’international (proximité avec un aéroport, un quartier d’affaires ou encore un pôle de recherche). « Équipements, logements, com-merces : ces nouveaux pôles multimodaux ont vocation à devenir à la fois des accéléra-teurs du développement économique et des démonstrateurs de la ville durable et intelli-gente, promet Ioannis Valougeorgis. D’où la volonté de proposer des sites très différents pour témoigner de la variété du paysage métropolitain. »

Ainsi trouve-t-on dans cette liste des sites déjà fortement constitués, tels le quartier d’affaires de La Défense, Villejuif – autour du premier centre européen de lutte contre

le cancer, l’Institut Gustave-Roussy –, Issy-les-Moulineaux et ses bureaux, ou encore le pôle touristique et universitaire de Marne-la-Vallée. Mais également des programmes encore à naître, à commencer par le cluster technologique du plateau de Saclay ou le projet d’urbanisation du triangle de Gonesse (lire notre article sur EuropaCity). « L’objectif reste toutefois le même : développer radica-lement les sites, non plus de manière isolée, mais en les liant les uns aux autres. Ainsi, on favorisera leur complémentarité et le rééqui-librage des territoires », complète Ioannis Valougeorgis.

L’effet connexion devrait ainsi transformer le hub Saint-Denis Pleyel (93) en véritable phare économique de la métropole d’ici à 2030. Le développement économique y est d’ores et déjà engagé, ainsi qu’en témoignent les sièges d’entreprise installés à La Plaine Saint-Denis ou la Cité du cinéma de Luc Besson. Point de rencontres de 4 lignes du supermétro – 14, 15, 16 et 17 –, du RER D et

de la ligne H du Transilien, la gare accueillera alors chaque jour 250.000 passagers. Ses alentours devraient également bénéficier d’une passerelle afin d’enjamber quelque 50 voies ferrés ! « Un pont sur lequel se poseront un jardin suspendu et un café-concert. Le long de cette structure pourrait être également construit un bâtiment-pont. Une manière de créer du foncier par-dessus l’infrastructure »,détaille l’architecte Marc Mimram, auteur du projet.

À Vitry-sur-Seine (94), ce sont les environs des Ardoines qui pourraient bien bénéficier de l’arrivée de la ligne 15. Cette friche indus-trielle de 300 hectares concentrant 10.000 emplois, notamment dans les secteurs des biotechnologies et de la production d’éner-gies, s’est lancée dans une vaste opération de métamorphose, projetant notamment la création d’un port, le réaménagement de ses berges et la construction de logements.« L’arrivée du GPE peut donner un coup d’ac-

célérateur à une urbanisation ambitieuse mais qui a du mal à prendre, en raison d’un environnement existant très contraint – fais-ceau ferré, zone inondable, etc. », témoigne Ioannis Valougeorgis.

Autre ambition de ces hubs : encourager l’innovation tant en matière d’urbanisme ou de constructions que d’organisation de la multimodalité. « Car ces gares seront des lieux d’interconnexions importantes, des portes d’entrée dans la métropole. Il faudra donc faciliter leurs accès par tous les moyens de transports : bus, voitures électriques, trans-ports doux... C’est aussi à cela que devront réfléchir les aménageurs et investisseurs in-téressés », conclut Valérie Mayer-Blimont, conseillère métropolitaine en charge du suivi d’Inventons la Métropole. ♦

(1) Grand Roissy, Cité Descartes, Seine Amont Vallée de la Bièvre, Orly/Rungis, Paris-Saclay, Satory/Saint-Quentin Versailles, La Défense-Seine-Arche, Saint-Denis Pleyel, Le Bour-get Aéroport, Triangle de Gonesse, Val de Seine, Val de Fontenay, Marne-la-Vallée Est et Grand Paris Sud.

s Vue du parvis, la future gare Saint-Denis Pleyel (93) dessinée par Kengo Kuma

t Perspectives de la future garde Les Ardoines (94)par Valode et Pistre

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30 EN BREF

LES BERGES DE SEINE RIVE DROITE OFFICIELLEMENT PIÉTONNES Le Conseil de Paris a voté fin septembre la piétonnisation des berges de Seine rive droite au cœur de la capitale, entre le tunnel des Tuileries (1er) et le bassin de l’Arsenal (4e). La maire socialiste, Anne Hidalgo, a salué une « décision historique, la fin d’une autoroute urbaine à Paris et la reconquête de la Seine ». Ce projet ferme définitivement la voie Georges-Pompidou à la circulation automobile sur 3,3 km. La décision prévoit également un principe de réversibilité, avec un bilan à six mois et un an. Côté opposition, Nathalie Kosciusko-Morizet, cheffe du groupe Les Républicains, a dénoncé un projet « conduit en force », sans concertation et qui « ne pouvait se concevoir qu’à l’échelle de la métropole ».C’est aussi, selon elle, « un projet mal préparé, aux effets sur la qualité de l’air bien incertains ». La maire, elle, invoque le « fléau » de la pollution en matière de santé publique, et cite plusieurs grands professeurs en pneumologie, qui ont publié une tribune dans le JDD pour défendre le projet ; selon eux, « ne rien faire, c’est se rendre coupable de non-assistance à personnes en danger ».

LA LIGNE 14 BIENTÔT PROLONGÉE JUSQU’À ORLYL’extension de la ligne 14 du métro jusqu’à l’aéroport d’Orly a été déclarée d’utilité publique et urgente par un décret paru en septembre au Journal officiel. Entièrement automatisée, la ligne sera prolongée de 13,8 km à travers Paris et 10 autres communes du Val-de-Marne et de l’Essonne, dans le cadre du projet Grand Paris Express. « La publication de ce décret permet aux premiers travaux de démarrer dès cette année, pour une mise en service prévue en 2024 », a indiqué Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, saluant « une avancée historique pour la desserte du Sud francilien ».

UNE ENVELOPPE POUR MARNE-LA-VALLÉEEmmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, les représentants du commissariat général à l’investissement, de la caisse des dépôts de l’Epamarne/Epafrance et des opérateurs associés, ont signé, en septembre à la Cité Descartes, la convention Ecocité de Marne-la-Vallée. Quelque 14 projets urbains du territoire de Marne-la-Vallée recevront un appui financier à hauteur de 1,9 million d’euros. Attribuée au titre du programme d’investissements d’avenir « ville de demain » géré par la Caisse des dépôts pour le compte de l’État, cette dotation viendra en appui du déploiement de ces 14 projets innovants à Marne-la-Vallée.

NOUVELLE STATION DE POMPAGE À PUTEAUXLe Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) a inauguré, en septembre, la nouvelle station de pompage de Puteaux. Construit en 1895, ce site a fait l’objet d’une reconstruction complète inscrite dans le cadre d’une opération globale de refonte des installations du Sedif. Parmi ses nombreux bénéfices, ces travaux ont permis d’augmenter et de fiabiliser le système de secours incendie du quartier de La Défense, mais aussi de renforcer l’alimentation en eau potable de près de 12.500 Putéoliens. Ils contribuent également à la sécurisation du réseau principal en provenance de Choisy-le-Roi, approvisionnant plus de 1,8 million d’usagers en Île-de-France.

CDG EXPRESS : LE FEU VERT DES DÉPUTÉSL’Assemblée Nationale a donné fin septembre son feu vert à la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express devant mettre Roissy à 20 minutes de Paris fin 2023, c’est-à-dire en prévision des JO de 2024. En ouverture de la session extraordinaire, les députés ont ratifié un projet d’ordonnance confiant à une filiale commune de la SNCF et d’Aéroports de Paris la tâche de mener à bien ce chantier estimé à 1,4 milliard d’euros. Le texte doit maintenant être voté au Sénat. Contrairement à la plupart des aéroports des grandes capitales, Roissy-Charles-de-Gaulle ne bénéficie pas actuellement d’une desserte dédiée. Mais ce projet reste très controversé.

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Faut-il tuer le périph’ ? Source majeure de pollution et de nuisances sonores, il est aussi le symbole le plus concret de la fracture entre Paris et sa banlieue. Une frontière qui entrave considérablement l’édification de la métropole. Mais cet anneau de bitume est également l’autoroute urbaine la plus utilisée d’Europe. Quel avenir doit-on réserver au boulevard périphérique ? Entre une disparition corps et bien ou une simple mutation, les experts divergent.

Julien Descalles

En 2030, le boulevard périphérique fêtera son 57e anniversaire. L’âge d’une retraite anticipée ?C’est ce dont rêve l’architecte Philippe Gazeau qui projette de libérer cet anneau de 35 km de toute circulation autoroutière pour y construire de 35.000 à 75.000 logements et transformer son asphalte en une immense coulée verte. « Pourquoi ne pas l’habiter ? On a là un territoire très bien desservi, avec le tramway des Maréchaux, des stations de métro et bientôt le Grand Paris Express, et très bien équipé en hôpitaux, lieux sportifs, écoles, etc. Il ne manque donc plus que des immeubles ! », fait remarquer l’urbaniste. Et d’imaginer pêle-mêle, un marché sur deux niveaux sur le tronçon en viaduc autour de la porte de la Villette (19e), des immeubles bordés de jardin en lieu et place des murs antibruit entre les portes de Vanves et de Châtillon (14e), ou le prolongement du square de la Butte du Chapeau-Rouge (19e) jusque sur la rocade. « Il ne s’agit pas seulement de démolir l’infrastructure : en s’appuyant sur sa topographie assez fabuleuse, on peut faire émerger un parc linéaire, 45 hectares de biodiversité, reliant les bois de Boulogne et de Vincennes au parc de la Villette et de la Cité universitaire.

Et ce, sans coûts mirobolants. De quoi en faire l’un des grands projets fédérateurs de la métropole, non ? » Présenté au sein de l’Atelier international du Grand Paris (AIGP), ce canevas ambitionne de mener les premières expérimentations dès 2024 entre les portes de la Chapelle (18e) et de Bagnolet (20e) pour reporter la circulation vers l’A86.

Utopique, cette disparition programmée ? Pas aux yeux de Paul Lecroart, urbaniste à l’institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) de la région Île-de-France : « Des États-Unis – à Portland, San Francisco, New York… – à la Corée du Sud, il y a un mouvement d’effacement des autoroutes urbaines. À Séoul, ce sont près de 6 km de voies rapides qui ont été détruites en plein centre-ville au profit de la redécouverte d’une rivière. Résultat : une diminution nette du trafic et une baisse de 4 °C de la température. »

Supprimer l’autoroute urbaine la plus empruntée d’Europe, avec près de 1,1 million de véhicules par jour, ne conduirait-il pas inévitablement à l’engorgement des alentours ? « Partout où l’on transforme ces tronçons rapides en boulevards urbains, on constate une baisse, voire une évaporation d’une partie du trafic. L’effet d’aubaine disparu, les automobilistes modifient leurs comportements de mobilité. Systématiquement », constate Paul Lecroart. À condition donc que les alternatives existent. Début juillet, selon un vœu porté par les écologistes parisiens, le déclassement du périphérique a ainsi été inscrit dans le nouveau plan d’urbanisme de la ville pour survenir à l’horizon 2030. « Un calendrier qui correspond au bouclage du Grand Paris Express. Grâce à sa rocade et son meilleure maillage de la banlieue, la baisse du transport routier sera alors tout à fait envisageable »,soutient Galla Bridier, conseillère (EELV) de Paris et présidente de la commission logement et urbanisme.

Baisse de la vitesse à 50 km/h, piétonisation d’une partie des voies, piste cyclable, végétalisation des murs antibruit et des talus, création de jardins partagés…,

l’enceinte deviendrait une voirie presque comme les autres. « On peut aussi se servir de ce réservoir de foncier pour construire du logement. Mais attention : il faut d’abord apaiser la circulation ! Nous sommes opposés à ces immeubles-ponts qui vont figer la situation actuelle en cachant le trafic et exposer à un risque sanitaire ceux qui les habiteront ou y travailleront », prévient l’élue écologiste, pointant notamment du doigt le projet Mille Arbres de l’architecte Sou Fujimoto. Né du concours Réinventer Paris, ce futur bâtiment enjambera l’enceinte au niveau de la porte Maillot (16e) en y installant immeubles d’habitation, bureaux, restaurants ou encore gare routière...

Si les voix s’élèvent pour mettre à mal« cette incongruité unique en Europe, une rocade autoroutière qui sépare le cœur de la métropole de sa périphérie immédiate »– dixit Paul Lecroart –, c’est d’abord parce que, au fil du temps et de la congestion du trafic, elle est devenue une source majeure de pollution et de nuisances sonores. « Les niveaux de dioxyde d’azote y sont deux fois plus élevés que les normes préconisées par la réglementation européenne. C’est d’autant plus préoccupant que l’on se trouve en zone dense de la métropole », indique Karine Léger, ingénieure d’Airparif. Près de 100.000 riverains – à moins de 200 m – sont exposés quotidiennement à ce risque sanitaire, tout comme les élèves, usagers et travailleurs des quelque 20 crèches, 32 écoles, 2 hôpitaux et 27 stades qui bordent la rocade... Début 2014, pour fluidifier la circulation et donc baisser les émissions de polluants, la vitesse maximale a été abaissée à 70 km/h. Et d’ici à la fin de l’année, c’est près d’un tiers du bitume de la rocade qui sera recouvert d’un revêtement antibruit.

Une fracture à résorber entre Paris etla banlieue

« Partout où l’ontransforme ces tronçons rapides en boulevards urbains, on constate une baisse, voire uneévaporation d’une partie du trafic. L’effet d’aubaine disparu, les automobilistes modifient leurscomportements demobilité.Systématiquement.»

« Les niveaux de dioxyde d’azote y sont deux fois plus élevés que les normes préconisées par la régle-mentation européenne. »

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Autre raison de la colère des anti-périph’ :« C’est une telle barrière physique et sociale entre Paris et sa banlieue que, tant qu’il [le périphérique] existera, la métropole ne sera qu’un vœu pieux »,tonne Philippe Gazeau. « Non seulement, il forme une fracture urbaine énorme, mais c’est aussi une véritable ceinture de contention qui interdit à Paris de s’ouvrir sur l’extérieur »,renchérit Olivier Le Boursicot, architecte coordonnateur des travaux de recouvrement de la porte des Lilas (19e et 20e). Séparées par ce fossé béant, la capitale et les 29 communes limitrophes de petite couronne ont ainsi poursuivi leur développement en se tournant le dos. « Résultat : un autre mur, fait de bureaux, de commerces et d’hôtels, est apparu », constate Paul Lecroart.

Comment dès lors retisser le lien ?Au tournant du siècle, priorité a d’abord été donnée aux opérations de couverture. Porte des Lilas d’abord, où une dalle de 17.500 m2 a accueilli un cinéma, une école de cirque et un jardin. Puis porte de

Vanves (14e) où un parc de 7.500 m2 a été implanté au-dessus du trafic. « Jeter un voile pudique a apporté un bienfait incontestable au quartier, rétablissant la relation entre la capitale et ses voisines, créant de nouveaux équipements, réduisant le bruit », se réjouit Olivier Le Boursicot, qui prévient toutefois :

« La couverture n’est qu’une solution ponctuelle, non réalisable sur l’ensemble du tracé, le périphérique n’arrêtant pas de monter et de descendre. »

En outre, le transformer en tunnel n’offre qu’un gain limité en matière de pollution atmosphérique : « L’impact est certes positif en surface pour les habitants mais on constate également des pics de pollution en entrée et sortie de la dalle, ainsi que dans les espaces de ventilation », souligne Karine Léger. Dernier point, rédhibitoire pour les finances publiques : le coût prohibitif de ces opérations, estimé à 6.000 € par m2. « Après l’accident du Mont-Blanc, des normes plus sévères, et donc plus onéreuses, sont apparues », rappelle Paul Lecroart. Initialement inscrite au plan État-région 2000-2006, la troisième opération de couverture, prévue porte de Champerret (17e), a ainsi été abandonnée.

Les tentatives pour recoudre le tissu urbain, elles, perdurent. Dans le quartier MacDonald (19e), une passerelle piétonne relie désormais la capitale à Aubervilliers. Porte d’Ivry (13e), l’architecte Yves Lion aspire à « en finir avec la ségrégation, en construisant une allée piétonne passant sous le périphérique ». Et, entre les portes de Vincennes et de Saint-Mandé (12e), un grand projet de rénovation urbaine a été confié à Paul Chemetov. « Le principal objectif, c’est de rétablir la continuité du cours de Vincennes, en transformant le rond-point central actuel en un boulevard urbain avec ses voies de circulation, ses pistes cyclables, son mail planté », souligne l’architecte. En outre, le chantier, qui devrait démarrer à la fin de l’année, prévoit le réaménagement des squares existants, la construction « d’immeubles-écrans » le longdu périphérique – accueillant des bureaux, des ateliers et des logements pour étudiants et jeunes travailleurs – tandis qu’un gymnase jeté au-dessus des voies doit faire le pont entre le 12e arrondissement et Saint-Mandé. « Une manière de passer outre la coupure pour que, de chaque côté, les habitants aient le sentiment de partager la même ville », selon son concepteur.

Mais si le périphérique reste « un anachronisme à transformer d’urgence »aux yeux d’Olivier Le Boursicot, d’autres urbanistes entendent tempérer ce constat.« Nous plaidons pour son évolution mais nous sommes absolument contre sa démolition ou sa couverture. Il faut garantir la survie de cette ressource assez prodigieuse, car dans une métropole aussi dense, on aura toujours besoin de transports concentriques. Et puis, ce serait

remettre en cause l’un des éléments les plus constitutifs de Paris, comparable à la Seine dans les imaginaires », défendent les architectes Pierre-Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler, qui travaillent au réaménagement de la porte Pouchet (17e). Et rappellent l’efficacité de cette rocade capable de concentrer près de 40 % de la circulation parisienne sur 6 % seulement de la voirie, tout en garantissant des trajets deux fois et demie plus rapides (1).

Dès lors, que faire ? « Le vrai problème, c’est d’avoir laissé toute la place à un seul mode de transport : la voiture. Pourquoi ne pas y insérer davantage de transports en commun, de vélos, voire des piétons ? »,suggèrent les deux fondateurs de l’agence TVK, soutenant une méthode douce pour faire muter l’enceinte. Un point de vue partagé par l’urbaniste François Leclercq : « On pourrait y incorporer des files prioritaires dédiées aux taxis, au covoiturage, aux bus... ou même imaginer de la transformer en avenue normale du côté de la cité universitaire, en y installant des feux rouges. Gardons tout de même sa nature roulante, car on ne peut nier son utilité pour les déplacements de banlieue à banlieue. » Et tous trois d’avancer que

« La couverture n’est qu’une solution ponctuelle, non réalisable sur l’ensemble du tracé, le périphérique n’arrêtant pas de monter et de descendre. »

le salut de l’infrastructure passera sans doute par les avancées technologiques :« Le vrai problème du périph’, ce n’est pas le contenant mais le contenu : le jour où les voitures seront non polluantes et non bruyantes, il sera davantage accepté »,assure François Leclercq. Chez TVK, on en est aussi convaincu : « Rappelons-nous le métro aérien : s i tôt que le matériel roulant a changé, il a été perçu

comme un objet patrimonial. Ce sera la même chose pour le périphérique. »Rendez-vous est pris. ♦

(1) Données extraites de leur ouvrage No Limit. Étude prospective de l’insertion urbaine du périphérique de Paris (Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2008).

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DEMAIN LE GRAND PARISDEMAIN LE GRAND PARIS

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Comment Paris entretientla flamme olympiqueÀ un an du vote, le comité de candidature Paris 2024 fourbit ses armes dans l’espoir de convaincre les membres du CIO. Les Jeux olympiques de Rio, cet été, ont marqué le départ d’un intense travail de lobbying. Après l’attentat de Nice, il a fallu convaincre de la capacité de la France à assurer la sécurité de grands événements internationaux.

Julien Descalles

À qui la métropole de Tokyo trans-mettra-t-elle la flamme le 9 août 2020, une fois achevée la 32e Olym-piade d’été ? Pour connaître la ville hôte des JO de 2024, il faudra encore patienter jusqu’au vote du Comité international olympique (CIO) à Lima (Pérou), le 13 septembre 2017. Pour Paris comme pour Los Angeles ou Budapest (1), pas ques-tion donc de chômer dans les mois qui viennent : remise des volets« financier » – le 7 octobre (2) – et« héritage » – le 3 février – du dossier de candidature ; première présen-tation officielle des projets à Doha (Qatar) courant novembre ; visite

de la commission d’évaluation – à la mi-mai pour Paris – ; et enfin la décision finale. De quoi suggérer ce commentaire du ministre des Sports, Patrick Kanner (PS) : « Cette candidature, c’est un marathon qui se terminera par un cent mètres haies ! »

Une compétition définitivement lancée cet été, lors des Jeux olym-piques et paralympiques de Rio (Brésil). « Rio était une étape clé car l’expérience de ces Jeux sera le dernier point de référence pour les membres du CIO. Il était donc important d’y apprécier ce qui a

fonctionné afin d’améliorer notre dossier », souligne-t-on au sein du comité de candidature Paris 2024. Qui, face à l’écla-tement des sites et une circulation pas toujours aisée dans la cité carioca, ont ainsi pu faire valoir la compacité du dossier parisien : « 85 % des athlètes seront à moins de 10 km de leur lieu de compétition. Et un tiers d’entre eux à moins 1,5 km, puisque, à proximité du village des athlètes, se trouveront le Stade de France et le futur centre aquatique, reliés par une passerelle au-dessus de l’autoroute A1. » Conséquence : pour les sportifs, la totalité des déplacements sera possible soit en transports en commun, via notamment le futur hub Saint-Denis Pleyel (93), soit en mode de transports doux – à pied, en vélo ou en navettes et bus électriques. « Nous avons aussi mis en avant notre capacité à faire vivre les Jeux dans et hors les stades, en rappelant notamment le succès des fan-zones lors de l’Euro 2016, en juin. Ce qui n’a pas été le cas dans toute la ville de Rio... »

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s Le projet de terrain de beach volley sur le Champs de Mars pour les JO de 2024

Au pied du Corcovado, l’opération séduction aura aussi consisté à prêter une oreille attentive au monde olympique – membres du CIO, dirigeants de fédérations nationales, sportifs. Quelque 25 « ambassadeurs » ont sillonné les travées des stades, des gymnases ou des piscines et reçu jusqu’à 6.000 visiteurs par jour au sein du Club France. « Il y a eu un dialogue constant pour tester notre projet et recueillir leurs desiderata aussi bien concernant le choix des sites que l’expérience spec-tateur ou en matière de développement durable... »,confirme l’entourage du staff de Paris 2024.

Auteur de La Tentation olympique française (Édi-tions France-Empire), Armand de Rendinger, attire l’attention sur l’importance de ces rendez-vous informels : « Il y a un travail primordial à faire de porte à porte car, entre les attentes globales du CIO et celles de chacun de ses membres, il y a souvent un hiatus. » Au final, quelques-unes des doléances recueillies auraient fait mouche. Ainsi, sur l’esplanade des Invalides, l’emplacement des tribunes du tir à l’arc pourrait être modifié ; le bas-ket accueilli non plus dans une mais dans deux salles – à l’Arena Bercy et à la Halle Coubertin ; les épreuves de gymnastique et d’haltérophilie dissociées au sein de l’Arena 92.

Enfin, ce passage obligé par le Brésil aura été l’occasion de faire face à l’inquiétude sécuritaire, quelques semaines après l’attentat du 14 juillet à Nice. Du côté des porteurs du projet, on l’assure : « Le point a été évoqué en conférence de presse mais peu par les membres du CIO qui ont conscience qu’aucun pays n’est à l’abri et que le contexte sera forcément différent dans huit ans. Mais on a aussi pu rappeler la capacité de la France à garantir la sécurité des grands événements, comme lors de la tenue de la COP21 ou lors de l’Euro. »

L’été aura du moins démontré qu’en matière de lobbying, Paris semble sorti du temps de l’inno-cence. « Du lobbying pendant les JO de Rio ? Clai-rement, il ne faut pas s’en cacher. J’ai rencontré quasiment tous les membres du CIO, c’est mon rôle d’être à leur contact, de comprendre leurs attentes, sonder notre dossier, leur montrer nos forces », a rappelé Tony Estanguet, coprésident du comité de candidature et, par ailleurs, vice-président de la commission des athlètes du CIO. Autre leçon tirée des échecs du passé – la capitale a candidaté en vain à l’organisation des JO de 1992, 2008 et 2012 : « Cette fois, ce ne sont pas les politiques qui sont mis en avant mais bien un casting de

champions olympiques et d’acteurs du monde sportif qui portent le projet », se réjouit Armand de Rendinger. Si François Hollande, Anne Hidalgo ou encore Valérie Pécresse n’ont pas manqué de passer par la case Rio, c’est bien Tony Estan-guet, mais aussi le coprésident Bernard Lapasset, ancien président de l’International Rugby Board, le directeur général Étienne Thobois, familier de l’organisation des événements du CIO, ou encore Guy Drut, autre membre français du CIO, qui portent avant tout la voix de la candidature parisienne.

La page brésilienne tournée, la prochaine étape pour Paris 2024 consiste désormais à finaliser son dossier d’ici à février. À commencer par le détail des dépenses et des garanties financières, début octobre, d’un budget toujours estimé à 6,5 milliards d’euros – dont 2 millions dédiés au village olympique et à celui des médias. Côté sites, tout est d’ailleurs acté depuis juin et la décision d’implanter le centre aquatique, der-nier équipement sportif à construire, à La Plaine Saulnier (Saint-Denis, 93), sur un terrain de 7 hectares appartenant au groupe énergétique Engie, tout proche du Stade de France. De quoi parfaire le mariage de la carte postale et de la réhabilitation urbaine avec, d’un côté, une partie des épreuves accueillies sur des sites temporaires de prestige – beach volley à la tour Eiffel, escrime et taekwondo au Grand Palais, équitation au châ-teau de Versailles... –, de l’autre, la construction de grands équipements ouverts au grand public après l’événement : stade nautique de Vaires-sur-Marne (77), village des médias au Bourget (93) et village olympique situé entre L’Île-Saint-Denis, Saint-Ouen et Saint-Denis (93) prévus pour être convertis en écoquartiers de 1.500 et 3.500 loge-ments. « Les Jeux doivent être un moteur pour soutenir les politiques publiques, par exemple en sécurisant le calendrier du Grand Paris Express », soutient-on au sein du comité de candidature.Un héritage post-olympique qui sera l’une

des clés pour convaincre tant la population que le CIO, ainsi que le définit l’agenda 2020, feuille de route stratégique du mouvement olympique. En attendant que la Région et le conseil départemen-tal de Seine-Saint-Denis fassent de même, la Mairie de Paris a ainsi produit, en mai dernier, un plan d’action, synthèse de 43 mesures d’accompagnement de la candi-dature. Au programme : construc-tion d’un « tramway olympique » ralliant l’ouest de Paris – Issy RER ou Pont-de-Sèvres (92) – à l’est, aux Ardoines (94) ; doublement des pistes cyclables ; création de 27 « places et rues sportives » pour placer chaque Parisien à moins de cinq minutes d’un équipe-ment, ou encore la Seine et les canaux rendues aux baigneurs...« Le plan prévoit en outre un héritage intangible, immatériel, tels que des classes à horaire aménagé pour les sportifs d’excellence dès cette rentrée, la promotion du sport santé ou la réduction des inégalités en matière d’accès à la pratique sportive », pro-longe Fabien Meuris, directeur du projet JO à l’Hôtel de Ville. Un volet« héritage » qui s’enrichira enfin, courant octobre, des propositions de start-up ayant répondu à un appel à projets innovants. ♦

(1) Rome vient de jeter l’éponge pour cause de surendettement.(2) La ville de Paris et la Région Ile -de-France se sont engagées à hauteur de 145 millions d’euros chacune fin septembre.

« Du lobbying pendant les JO de Rio ? Clairement, il ne faut pas s’en cacher. »Tony Estanguet

t La carte des sites de Paris 2024

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

40 DEMAIN LE GRAND PARIS

DÉBATLa Défense : l’État doit-il passer la main ?Annoncé par le Premier ministre, le projet de nouvelle gouvernance du quartier d’affaires prend forme. L’État sera très minoritaire au sein du futur établissement public local (EPL), qui doit réunir les deux structures actuelles : l’Epadesa (1), en charge de l’aménagement de La Défense, et Defacto, en charge de sa gestion. Le premier rôle sera alors laissé aux collectivités. Un changement radical qui signe la fin d’une époque et soulève plusieurs questions. Celle, notamment, du recours à l’ordonnance plutôt qu’à la loi, une décision du gouvernement contestée.

« Il faut que les communes prennent les rênes »POUR. Jacques Kossowski - Député-maire LR de Courbevoie (92)

Propos recueillis par Sylvie Roman

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Pourquoi soutenez-vous le pro-jet de nouvelle gouvernance que le gouvernement souhaite mettre en place ?Faute de moyens, l’État ne peut plus tout assumer ; notamment, il ne peut plus entretenir le patri-moine. D’ailleurs, depuis la créa-tion de l’Epadesa [en 2010, en lieu et place de l’Epad], les choses ont changées : autrefois, c’était une sorte d’agence immobilière qui vendait du foncier et tout était à construire. Aujourd’hui, ses actions s’apparentent plus à de la restruc-turation. En l’absence de rentrées suffisantes, les opérations ont du mal à s’équilibrer, il faut donc trou-ver d’autres sources de finance-ment. L’État n’a d’ailleurs jamais cessé de prélever sur la cassette de l’Epadesa. Il faut passer la main aux

premières instances concernées, les communes, et revoir la gouver-nance et la gestion. Les collectivités sauront faire les investissements nécessaires.

Dans le projet présenté par le gouvernement, l’État sera quasiment absent du conseil d’administration du futur EPL. Quel type de gouvernance sou-haitez-vous ?Les communes bien sûr – Nan-terre, Puteaux et Courbevoie – et le conseil départemental doivent en constituer l’essentiel, avec la Région et la Métropole : moins on sera nombreux au conseil d’admi-nistration, mieux on travaillera ! D’ailleurs, l’État ne sera pas tota-lement absent, il pourra faire des propositions, mais les décisions ne viendront plus exclusivement de lui. On aura notre mot à dire ; et c’est aussi pour cela que les villes doivent prendre les rênes, pour décider qui va financer, comment, et où ira l’argent investi. Quel serait le bon périmètre d’intervention du futur EPL ? Le maire (PC) de Nanterre souhaite en retirer le quartier des Groues, compris aujourd’hui dans la zone d’intervention de La Défense...Pour moi, un quartier d’affaires, c’est aussi une cadre de vie, un environnement, des services... Si le maire de Nanterre ne souhaite

pas que ce futur quartier reste dans le périmètre, je le regrette. Des logements seuls ne sont pas suffisants, il faut penser plus globalement. Pourquoi d’ailleurs ne pas ouvrir nos interventions à d’autres territoires, par le biais de partena-riats ? C’est ce que permettrait l’EPL. En effet, les retombées de La Défense ne s’arrêtent pas aux trois communes qui la composent mais vont bien au-delà : Neuilly, La Garenne-Colombes, Rueil-Malmaison... Il est évident que La Défense n’est pas seulement un petit territoire, mais c’est Paris et l’Île-de-France et, pour l’étranger, c’est la France.

Vous parlez d’ouverture vers d’autres territoires. Pen-sez-vous à des pistes de développement possibles ?Il faudra savoir aller chercher nos clients, réduire les coûts, faciliter les implantations… Aujourd’hui, entre la décision et la construction d’une tour, il faut quatre à cinq ans. C’est trop long. Je pense que nous aurons plus de réactivité. L’État pourra toujours faire des propositions, mais la feuille de route, les orientations ne seront plus données par lui, mais par les collectivités. Le choix du directeur général est aussi très important.

Le fait de vouloir légiférer par ordonnance, dans le cadre du projet de loi de réforme du statut de Paris, vous paraît-il être une bonne méthode, vous qui êtes parlementaire ? Cela empêche toute discussion...Plus vite ça ira, mieux ça sera. Nous ne devons plus perdre de temps. Et je ne pense pas que ce sujet intéresse forcément beaucoup les députés des autres régions. ♦

(1) Pour « établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche ». L’Epadesa à été créé en 2010 à la suite de la fusion de l’Epad (Etablissement Public pour l’Aménagement de La Défense), à Puteaux, Courbevoie et Nanterre, et de l’Epasa (Etablissement Public d’Aménagement Seine-Arche ),à Nanterre.

« S’il n’y a rien à cacher, il faut pouvoir en débattre ! »CONTRE. Alexis Bachelay - Député PS des Hauts-de-Seine

Propos recueillis par Sylvie Roman

Alexis BachelayDéputé PS des Hauts-de-Seine

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Que pensez-vous du projet de fusion entre les deux établis-sements publics, l’Epadesa et Defacto, et de la nouvelle gou-vernance que le gouvernement souhaite mettre en place ?C’est une nouvelle étape dans une histoire déjà longue, avec de multiples interventions de l’État, dans un secteur très sensible. Cette fusion est un tournant his-torique, puisque l’État renonce à être à la fois le gestionnaire et l’aménageur. Depuis 1958, date de la création de La Défense, il a peu à peu étendu son périmètre

d’intervention, jusqu’à aller bien au-delà du quartier historique de la dalle. C’est d’ailleurs à partir des années 1980 que les communes ont commencé à revendiquer la reprise en main de l’urbanisme sur leur territoire. Si je n’ai pas d’opposition farouche au projet de fusion, c’est la méthode employée qui me gêne.

Vous voulez parler de la volonté du gouvernement de procéder par ordonnance ?Oui, ce n’est pas du tout satisfaisant !Nous étions déjà dans une struc-ture nébuleuse, technocratique, un établissement confus sur le plan administratif, avec trois minis-tères de tutelle, mais aussi parfois opaque sur le plan financier. Le fait de passer par ordonnance est plus qu’étonnant et inhabituel pour ce genre de sujet. Surtout, cela nous prive de notre droit de regard : pas de débats, pas de transparence sur le devenir de cet établissement... Pour moi, le gouvernement a raté l’occasion de sortir cette question de la clandestinité ! On aurait pu imaginer aussi des discussions au sein des conseils municipaux concernés, Courbevoie, Puteaux, Nanterre... Si on n’a rien à se

reprocher, s’il n’y a rien à cacher, il faut pouvoir en débattre !

Dans le projet de réforme, l’État ne conserverait qu’un siège au conseil d’administration de l’EPL. Y a-t-il, selon vous, des risques avec ce mode de gestion ?Que l’État soit ou non majoritaire, les risques existent tou-jours ! Dans le passé, il y a eu des affaires, des choses pas très claires, notamment dans les années 1980-1990. Depuis, il faut reconnaître que le nombre de constructions nouvelles a notablement diminué, et que La Défense se concentre davantage sur les problèmes de gestion ou de rénovation des tours existantes. Les sommes en jeu ne sont donc plus les mêmes. Selon moi, ce qui est véritablement stratégique, c’est la composition du conseil d’administration : communes, conseil départemental, Région, Métropole... Nous devons retenir l’idée que j’avais défendue en 2013, lors de la dis-cussion sur la loi Mapam : la Métropole doit être fortement représentée dans la nouvelle structure.

Pourquoi cette volonté de « métropoliser » La Défense ?L’avenir de La Défense n’est pas un sujet alto-séquanais pur, mais un sujet plus général, d’envergure européenne et mondiale ! Ce quartier a une identité très forte, au-delà des frontières, et une réflexion doit se faire évidemment au niveau du territoire métropolitain. Cet élargissement est renforcé par la construction du Grand Paris Express et d’Eole. La Défense va devenir un nouveau hub de transport, mettant le quartier en relation directe avec les aéroports d’Orly et de Roissy. Bien sûr, derrière tout ça, il y a encore d’importants enjeux financiers, mais ceux qui monteront dans le cockpit devront prendre leur part de financement. ♦

Jacques KossowskiDéputé-maire LR

de Courbevoie (92)

DÉBAT POUR / CONTRE

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

42 DEMAIN LE GRAND PARIS DEMAIN LE GRAND PARIS

EuropaCity poursuit sa routeUn parc d’attractions, un centre aquatique, une piste de ski, un cirque résident, un hall d’expositions culturelles, une salle de concert, 2.700 chambres d’hôtel, 230.000 m2 de commerces... Le 12 septembre, la Commission nationale du débat public (CNDP) a rendu ses conclusions sur le programme pharaonique porté par le groupe Auchan, le long de l’A1, sur le triangle de Gonesse (95), entre Roissy et Le Bourget, mettant en évidence « deux visions antagonistes de l’aménagement et du développement du territoire ».

Julien Descalles

En avant toute : le coup d’envoi d’EuropaCity vient d’être donné. Sitôt les conclusions de la Commission nationale du débat public (CNDP) dévoilées le 12 septembre dernier (1), Christophe Dalstein, directeur de ce mégaprojet d’équipe-ment commercial, culturel et de loisirs affirmait déjà « vouloir poursuivre sa mise en œuvre. Il nous faut désormais travailler d’arrache-pied pour le faire évoluer, notamment dans son offre et sa conception architecturale ». Rendez-vous dans trois mois, veille du lancement de l’enquête publique environnementale, pour savoir si les recommandations de la CNDP, appelant à « la poursuite de la concertation ainsi qu’à des engagements précis en matière d’emplois locaux, d’accessibilité des popula-tions défavorisées ou d’optimisation de la desserte », auront été suivies par Immochan (le groupe Auchan et sa filiale Alliages & Territoires) qui porte de projet.

Pour l’heure, EuropaCity reste ce programme pharaonique visant à faire émerger, sur 80 hectares de terres agricoles du triangle de Gonesse (95) engoncées entre l’A1 et les aéroports du Bourget et de Roissy, quelque 230.000 m2 de surfaces com-merciales, un parc urbain de 10 hectares et ses city stades, un

parc d’attractions et un autre aqua-tique avec toboggans et vagues de surf, une salle de concert modulable d’une capacité maximale de 5.000 places, 2.700 chambres d’hôtel, un hall d’expositions culturelles, un cirque en résidence permanente ou encore… une piste de ski ! Le tout relié par une rue circulaire de 1,4 km équipée de capsules sur rail. Rien de moins qu’une véritable ville du futur dessinée par Bjarke Ingels, l’architecte danois du Two World Trade Center de New York ou du siège de Google en Califor-nie. Cet énorme complexe devra être capable d’accueillir 31 millions de visiteurs par an – le double de Disneyland. Programmé pour 2024, il réclamerait 3,1 milliards d’inves-tissements privés. « Un véritable

projet métropolitain de rupture et d’innovation, voué à transformer un territoire socialement et écono-miquement défavorisé et à devenir une destination de loisirs pour tous les publics », vante son promoteur.

Une utopie loin de faire l’unanimité, ainsi qu’en témoignent les soixante-dix heures de réunions publiques, ateliers thématiques et conférences – sans compter les haltes d’un « bus-débat » et les contributions Internet – tenus entre fin mars et mi-juillet. Comme le résume la présidente de la CNDP, Claude Brévan, arbitre des débats, « ce sont bien deux visions antagonistes de l’aménagement et du développement du territoire qui sont apparues ». Du projet « offrant une très grande diversité d’activités »,

les opposants n’y voient que « course à la démesure et à l’hyper-consommation », à l’instar de Mounir Satouri, président du groupe écologiste au conseil régional : « Ce qui est présenté comme hyper innovant n’est rien d’autre qu’un gigantesque centre commercial. »

Une dénonciation partagée par l’architecte David Mangin, signataire avec, entre autres de ses confrères, Christian de Portzamparc et Antoine Grumbach, d’une tribune dans Le Monde : « C’est refaire le Dubai d’il y a vingt ans pour dans dix ans ! On nous promet une bulle consumériste déconnectée des territoires en (re)construction, un projet hors sol qui risque de cannibaliser son environnement. » Une opposition quasi philosophique dont a témoigné la polémique sur les ambitions culturelles d’EuropaCity. « Un leurre, tranche Mounir Satouri. Pour preuve, l’animation culturelle ne représente que 4 % des emplois projetés, contre 44 % pour les commerces... » Chris-tophe Dalstein, lui, n’en démord pas : « L’un des enjeux est de soutenir la démocratisation de l’accès à la culture, notamment en grande couronne. » Et de souligner le partenariat signé avec la Réunion des musées nationaux (RMN), Universcience et le musée de l’Air et de l’Espace pour définir la programmation des 12.000 m2 du hall d’expositions.

Autre pierre d’achoppement entre les deux camps : l’emploi. Pour le maître d’ouvrage, 4.200 postes devraient être créés dès 2019 en phase de chantier, 11.800 en phase d’exploitation. De quoi s’assurer le soutien du gouvernement et de nombre d’élus locaux du Val-d’Oise, en tête desquels Arnaud Bazin (LR), président du conseil départemental : « On est sur le territoire le plus en difficulté socialement du département, avec trois des communes – Villiers-le-Bel, Sarcelles et Garges-lès-Gonesse

– ayant le plus fort taux de chômage d’Île-de-France. Cet investissement est une opportunité unique de déve-loppement économique et de désen-clavement de ce territoire. »

Problème : le débat public aura été le théâtre d’une guerre de chiffres, avec trois études d’impact (2) contredisant ou amenuisant les ardeurs initiales. « EuropaCity ne tient absolument pas compte des 8.700 emplois commerciaux qu’il détruirait dans les centres-villes et les galeries marchandes des environs, notamment à Aéroville et O’Parinor, situées à moins de 3 km du site. Nous sommes déjà un territoire de friches industrielles, doit-on se préparer à être aussi celui des friches commer-ciales ? », s’inquiète Bruno Beschi-zza (LR), maire d’Aulnay-sous-Bois (93) et président de la communauté d’agglomération Terres d’Envol. Mandaté par la CNDP, l’économiste Arnaud Degorre est plus mesuré, tablant sur 7.400 à 8.100 créations nettes. Pas de quoi rassurer la Com-pagnie des Alpes, exploitant du parc Astérix, clairement préoccupée par l’accord passé entre Immochan et le leader chinois du loisir, le groupe

Dalian Wanda : « Cela pourrait remettre en cause la pérennité de certains sites de loisirs existants. »

Face au risque d’une concurrence majeure, Christophe Dalstein se veut rassurant : « D’abord, une cen-taine de milliers d’habitants supplé-mentaires vont emménager dans le nord-est francilien d’ici à 2030 »(3). Autrement dit, davantage de consommateurs. « Et puis, croyez-vous le groupe Auchan [propriété de la famille Mulliez], qui compte également des enseignes dans les centres proches, capable de se tirer une balle dans le pied ? L’objectif est de proposer un autre modèle, des show-rooms plutôt que des bou-tiques, et pas une offre identique ni une enseigne de grande distribu-tion alimentaire. » Une annonce qui laisse circonspect Bruno Beschizza : « Comment imaginer installer 500 à 600 enseignes totalement nouvelles ?Personne n’y croit. » Ce point sera sans doute éclairci dans trois mois,« avec une baisse possible des sur-faces commerciales, des programmes qui vont disparaître », concède le promoteur.

Regroupant une quinzaine d’asso-ciations locales, le collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG) s’in-quiète aussi de la spécialisation des postes prévus. « EuropaCity aurait besoin de 80 métiers diffé-rents, sur 1.200 emplois répertoriés, un nombre bien trop réduit pour imaginer recruter seulement dans le bassin local », souligne son coprési-dent, Bernard Loup. « Ici, on le sait d’expérience puisque l’aéroport de Roissy, avec sa centaine de métiers différents, doit recruter jusqu’en Picardie : cela ne règle en rien les problèmes sociaux. » Préoccupation entendue, assure Christophe Dals-tein : « Nous avons pris l’engagement d’accueillir et de former 3.500 per-sonnes aux métiers du commerce, de l’hôtellerie-restauration, du loisir et de la culture, grâce à la création d’EuropaCity Compétences dans les deux ans précédant l’ouverture. Puis, à compter de la mise en route, nous accompagnerons chaque année 1.000 personnes supplémentaires. »

Autre cause de l’hostilité des détrac-teurs : le lieu d’implantation. « À ••

t Vue aérienne du projet dessiné par l’architecte Bjarke Ingels, avec Paris en arrière-plan

s La grande halle d’exposition

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l’heure où la préservation des terres agricoles et l’autosuffisance alimen-taire sont des priorités, pourquoi ur-baniser les terres les plus fertiles de la région, qui plus est, à proximité du Bourget où a été signée la COP21 ? »,ne décolère pas Bernard Loup. « Aux yeux des opposants, nous sommes un formidable cheval de Troie, mais la possibilité d’urbaniser 300 hec-tares du triangle de Gonesse est une décision inscrite au SDRIF [schéma directeur de la région Île-de-France] en 2008, et donc préalable à notre projet, réplique Christophe Dals-tein. En clair, cela se fera, Europa-City ou pas. Nous ne sommes qu’une composante d’un développement économique plus large. » En lieu et place des champs de céréales, l’EPA (établissement public d’aménage-ment) Plaine-de-France prévoit ainsi la création d’un vaste quar-tier d’affaires de 299 hectares, lor-gnant sur le modèle de Schiphol, l’aéroport d’Amsterdam. « Sur les 15 premiers aéroports mondiaux, 11 d’entre eux ont totalement urbanisé leur corridor vers la métropole. Trois ne le peuvent pas car situés au bord de mer ou au pied de la montagne, et le dernier, c’est Roissy !, déplore Arnaud Bazin.

Pas de quoi désarmer le collectif, qui propose d’installer EuropaCity

sur l’ancienne friche PSA d’Aulnay-sous-Bois, non loin de là. Hypothèse balayée par Christophe Dalstein :« Notre choix repose aussi sur la décision de la Société du Grand Paris (SGP) d’installer une gare de la ligne 17 à proximité du triangle de Gonesse. Si nous voulons attirer 25 millions de Franciliens et 6 mil-lions de touristes dans un territoire aussi enclavé, cette station nous est indispensable. » D’autant plus que, pour encourager 46 % de ces futurs visiteurs à emprunter les transports collectifs, il prévoit un parking limi-té à 9.000 places. Une fois de plus, les chiffres font controverse : « Selon nos calculs, un tiers des personnes seulement emprunteront le Grand Paris Express. Conséquence : 35.000 voitures en plus par jour sur des axes déjà surchargés et la saturation de la ligne 17 aux heures de pointe ! », s’alarme Bruno Beschizza.

Conscient de l’écueil du dévelop-pement durable, le porteur du projet affiche d’autres aspirations :« Profitons de la taille du site pour créer un écosystème vertueux : en produisant sur place l’ensemble des besoins énergétiques, grâce notamment à la géothermie, au photovoltaïque et à la cogénéra-tion, en exploitant les 7 hectares de ferme urbaine ou en implantant une

station d’épuration et de récupération des eaux pluviales, par exemple. » Mounir Satouri, lui, raille cette ambition :« Comment pouvez-vous promettre l’exemplarité écologique et proposer une piste de ski en Île-de- France? Il n’y a pas plus énergivore ! » Le débat public une fois clos, aucun des deux camps ne semble prêt à rendre les armes. ♦

(1) Si elle n’a pas vocation à trancher sur son opportunité, la CNPD doit obligatoirement être saisie pour tout projet d’intérêt national supérieur à 300 millions d’euros.(2) Respectivement commandées par Terres d’Envol, le collectif pour le triangle de Gonesse et la CNDP.(3) Selon les données de l’institut d’architecture et d’urba-nisme (IAU-IdF).

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AU CŒUR DE LA MÉTROPOLE

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48 FUSION BOULOGNE/ISSY-LES-MOULINEAUX

Boulogne/Issy-les-Moulineaux, un mariage sous conditionsLes deux communes des Hauts-de-Seine lancent une vaste opération de communication pour convaincre leurs habitants des bienfaits de la fusion qu’elles envisagent au 1er janvier 2018 et qui pourrait aboutir à la création de la 12e ville la plus peuplée de France. Un projet qui vise à gagner en attractivité, peser auprès de l’État et réaliser des économies pour contrer les baisses de dotation. Il reste toutefois soumis à plusieurs aléas, à commencer par le bon vouloir de Bercy.

Vincent Michelon

Les deux communes ont scellé leur destin en juillet dernier. Enfin, presque. Car, pour l’heure, il s’agi-rait plutôt de simples fiançailles. Les conseils municipaux d’Issy-les-Moulineaux, 65.322 habitants, et de Boulogne-Billancourt, 117.126 habitants, ont adopté avant les va-cances une délibération commune posant les bases d’un processus de fusion censé intervenir au 1er janvier 2018. S’appuyant sur les lois du 16 décembre 2010 et du 16 mars 2015 favorisant la création de com-munes nouvelles, les deux édiles, André Santini, maire UDI d’Issy, et Pierre-Christophe Baguet, maire LR de Boulogne, politiquement proches, ont échafaudé un projet censé servir plusieurs objectifs :

dégager des marges de manœuvre budgétaires en rationali-sant leurs services, renforcer leur attractivité auprès des entre-prises et se faire entendre de l’État, coupable, à les entendre, de leur avoir siphonné – ainsi qu’à leur établissement public territorial de rattachement, Grand Paris Seine Ouest – près de 286 millions d’euros, tant en baisse de dotation et qu’en hausse de prélèvement.

Deux municipalités prudentes

Si l’ambition affichée est forte – créer la 12e plus grande ville de France –, la déclaration de principe reste cependant très prudente. Les deux municipalités précisent d’emblée que « la réalisation d’un tel projet suppose des délais et nécessite une préparation rigoureuse et méthodique afin de s’assurer que les objectifs recherchés pourront être atteints ». Et pour cause :en justifiant le mariage de leurs deux communes par un souci de bonne gestion, André Santini et Pierre-Christophe Baguet savent qu’ils marchent sur des œufs. Si la loi de 2015 prévoit bien, en cas de regroupement, que l’État s’engage à

maintenir un niveau de dotation identique durant trois ans, cette incitation a été conçue en théorie pour des municipalités... de moins de 10.000 habitants. D’où l’aver-tissement prénuptial du maire de Boulogne en juillet : « Nous sou-haitons créer la ville exemplaire du futur, intelligente, numérique et humaine, mais il faudra pour cela un véritable soutien des Boulonnais et des Isséens ainsi que des engage-ments clairs de l’État, notamment en matière de fiscalité. »

Or, ce dernier point semble loin d’être acquis, Bercy n’étant ma-nifestement pas convaincu de la nécessité de ce geste fiscal. En cette rentrée 2016, c’est même la pru-dence qui prévaut. « Notre principe est clair, argumente Paul Subrini, premier adjoint LR d’Issy et vice-président du conseil départemen-tal. Nous souhaitons éviter une hausse de la fiscalité et rechercher de nouvelles mécaniques de gestion. Si ce projet devait entraîner une nouvelle hausse des prélèvements et une baisse de la dotation globale de fonctionnement, on serait obligé de tout arrêter, poursuit l’élu. On est dans une mécanique financière contrainte. L’État considère que, dans une ville où il y a un nombre suffisant de ménages payant l’impôt sur le revenu, on peut faire payer davantage. » Côté Boulogne, la Mairie explique qu’il n’y a pas matière à communiquer davantage sur le projet. Les discussions sont manifestement loin d’avoir abouti.

Thierry Solère veutun référendum

Des difficultés qui n’ont pas échappé aux adversaires de ce mariage. Côté Boulogne, le dé-puté LR Thierry Solère – du côté de l’opposition bien qu’il soit du même parti politique que le maire – estime qu’un tel projet, qui ne figurait pas dans les programmes respectifs des deux édiles, ne peut être adopté sans référendum. Côté Issy, le chef de file des socialistes, Thomas Puijalon, est sur la même ligne : « Je ne vois pas en quoi on gagnera de l’argent dans cette fusion. Issy est en excédent budgé-taire, on voit mal pourquoi l’État

ferait un cadeau fiscal en gelant la dotation de fonctionnement », nous indique-t-il.

En outre, l’opposition souligne l’in-certitude qui pèse sur la capacité des deux entités à faire converger rapidement leur niveau de fiscalité et d’endettement. Si aucun em-prunt ne pèse sur la municipalité d’Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt doit encore éponger une ardoise plombée depuis plu-sieurs années par les lenteurs de l’aménagement de l’île Seguin.« P i e r r e - C h r i s t o p h e B a -guet a réduit la dette de 227 à 1 6 0 m i l l i o n s d ’ e u r o s » ,préfère retenir Paul Subrini, qui souligne les points communs entre les deux villes, comme les revenus médians presque identiques de leurs habitants. Malgré tout, le rapprochement de ces deux com-munes riches nécessite de mettre à plat de nombreux dossiers, comme celui de la police municipale (Bou-logne en possède une, pas Issy) ou encore le taux de logements sociaux au regard de la loi SRU (14,15% seulement à Boulogne, 23,66% à Issy).

Convaincre la population

Les deux maires le savent, le nerf de la guerre reste pro-bablement le soutien de leur population respective. Aussi brandissent-ils un sondage réalisé en 2015, quand les édiles de Grand Paris Seine Ouest avaient déjà envisagé une fusion collective (avant d’abandonner le projet) : plus de la moitié de la population y souscrivait, contre 40 % qui s’y montraient hostiles. En attendant la création des groupes de travail char-gés d’étudier l’impact du mariage programmé, ils ont lancé des appels d’offres pour des campagnes de communication auprès des administrés. « Deux marchés de communication lancés pour un budget plafonné à 500 millions d’euros », vitupère Thomas Puijalon, qui en vient à douter que le projet aboutisse un jour. « Ils auraient dû lancer un marché groupé, mais là encore, ils sont allés trop vite », estime l’élu socialiste. Ce dernier a fini par saisir le préfet de région pour trancher sur la question d’un éventuel référendum.

Face aux critiques, les promoteurs du projet en appellent à la sagesse populaire. « Cette fusion, c’est le sens de l’histoire »,assure Paul Subrini. « De très nombreuses communes se re-groupent. Tout le monde veut réduire le millefeuille admi-nistratif. Mais à côté de cela, on nous impose des intercom-munalités obligatoires et la nouvelle Métropole du Grand Paris. On croit rêver ! » On l’aura compris, il est encore trop tôt pour oser évoquer le nouveau nom du futur mastodonte des Hauts-de-Seine. Certains s’amusent déjà : Boulogne-les-Moulineaux ? Issy-Billancourt ? Issy-les-Boulineaux ? Le contrat de mariage doit encore être peaufiné. ♦

« Je ne vois pas en quoi on gagnera de l’argent dans cette fusion. »Thomas Puijalon

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Rs Le pont de Billancourt relie les deux villes séparées par la Seine

s Vue aérienne du pont de Billancourt

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50 EN BREF

UNE FEUILLE DE ROUTE POUR REDRESSER GRIGNYLa ville de Grigny a signé, début septembre, une feuille de route avec l’État et la communauté d’agglomération Grand Paris Sud, pour lutter contre « l’apartheid social et territorial » dont souffre cette commune de l’Essonne, une des plus pauvres de France, essentiellement composée de deux grands ensembles de plus de 10.000 habitants, Grigny 2 et la Grande Borne, deux cités gangrénées par les trafics et la délinquance. Une fois le diagnostic posé et les problèmes nettement identifiés, le document propose, à l’horizon 2030, une série de mesures concrètes tant sur le plan du logement et de la sécurité, qu’à celui de l’éducation, de l’emploi et de la formation.

LES ATTENTATS FONT FUIR LES TOURISTES Au cours des six premiers mois de l’année, le nombre de nuitées des touristes étrangers en France a baissé en moyenne de 10 % en raison des craintes suscitées par les attentats, a révélé le secrétaire d’État chargé de la Promotion du tourisme, Matthias Fekl, dans une interview au Journal du Dimanche publiée fin août. À Paris, par rapport à l’année dernière, la fréquentation hôtelière a chuté de 9,8 points, pour se fixer à 78,1 % en juillet, d’après les chiffres de l’observatoire économique du tourisme parisien. Les plus fortes baisses concernent la clientèle internationale, dite « long-courrier », plus sensible aux questions de sécurité que les touristes français.

LE GPE SUR DE BONS RAILS Le projet du Grand Paris Express monte en puissance sur le terrain, annonce la Société du Grand Paris. Après les phases administratives et les études techniques, place aux travaux préparatoires et aux opérations de génie civil qui vont s’intensifier durant les six prochains mois tandis que les démarches d’innovation se concrétisent. Le cycle des enquêtes publiques sur les projets de lignes s’est terminé en juin 2016. À ce jour, les commissions d’enquête ont délivré six avis favorables pour les lignes 14, 15 Sud, 16, 17 et 18. Le dernier rapport sera remis mi-septembre. Il concerne la ligne 15 Est.

UNE RÉNOVATION CLOPIN-CLOPANT POUR L’ARCHE DE LA DÉFENSE ?Mi-septembre, Emmanuelle Cosse a reçu les architectes Paul Andreu et Paul Chemetov, tous deux signataires d’une tribune dans Le Monde intitulée « Ne défigurons pas la Grande Arche de La Défense ». Des travaux sont en cours sur le pilier sud pour remplacer le parement en marbre blanc. Les architectes signataires pointent le risque d’une absence d’uniformité dans la façade du bâtiment, si les travaux à venir sur le pilier nord ne s’effectuaient pas dans le même esprit. « C’est une “presque Arche” qui va être inaugurée, une Arche béquillarde et claudicante, car les propriétaires de la paroi nord ont décidé de ne pas se coordonner avec les travaux menés par l’État », s’alarment les deux architectes.

RÉOUVERTURE DU PARC DE LA FOLIE-SAINT-JAMES Patrick Devedjian, député et président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, a inauguré en septembre le parc de la Folie-Saint-James, à Neuilly-sur-Seine. Après quinze mois de travaux, le site a rouvert ses portes au public le samedi 6 août. Propriétaire des lieux depuis 2009, le conseil départemental avait décidé de consacrer 2,5 millions d’euros à leur rénovation. Initiés en 2010 par l’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier qui a désigné une équipe pluridisciplinaire de maîtrise d’œuvre, les travaux ont débuté en avril 2015, après une série d’études préalables, tant sur le plan paysager, qu’historique et archéologique.

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COMMUNIQUÉ

Quelle est la spécificité de la société PERL ?Perl a créé un schéma juridique et financier de cofinancement permettant de drainer l’épargne privée pour l’affecter à la réalisation de logements à loyers abordables ou sociaux. Comment ?En dissociant la possession du bien de son exploitation : PERL propose aux particuliers d’acquérir un bien sans en avoir l’usage pendant 15 à 20 ans. Dans les faits, ils n’acquièrent que la seule nue-propriété, profitant d’une décote correspondant à la totalité

des loyers nets qu’ils auraient perçus durant ce laps de temps. Une période durant laquelle l’usufruit, lui, est cédé à un bailleur social. L’ambition, c’est de renforcer l’offre de logements pour les classes moyennes et modestes dans les zones tendues, c’est de développer cet investissement socialement responsable, c’est de créer ce lien intergénérationnel tissé entre des épargnants préparant leur retraite future et les jeunes ménages entrant dans la vie active et qui ont besoin de se loger à proximité des lieux de travail. Dans quels territoires ? partout où le prix du foncier est élevé, en raison notamment du dynamisme économique, de la qualité de l’environnement et des services publics. Notre modèle est ainsi gagnant-gagnant puisqu’il accélère la production d’une offre complémentaire venant combler les déficits constatés. En seize ans, PERL a ainsi orienté plus d’un milliard d’euros d’épargne retraite qui ont permis de livrer 6.000 logements en zone tendue, dont la moitié en Ile-de-France.

Un dispositif qui semble particulièrement adapté à la situation du Grand Paris ?A Paris et en petite couronne, on constate une bipolarisation du marché immobilier, avec d’un

Alain LaurierPrésident de PERL

côté des logements sociaux en nombre insuffisant, de l’autre côté des logements aux loyers libres, inaccessibles pour de nombreux locataires, notamment les classes intermédiaires et les jeunes actifs. Comment voulez-vous développer l’activité économique et l’emploi dans une métropole si les travailleurs ne peuvent s’y loger ? Ce dysfonctionnement, PERL se propose de le corriger en accélérant la production d’habitations abordables. Avec ce dispositif de cofinancement, nous pouvons équilibrer les programmes malgré les prix élevés de terrains particulièrement recherchés, dans des zone « Prime », centres urbains et quartiers proches des transports publics. A la fin de l’année, nous livrerons ainsi 65 logements réalisés dans le site de l’ancien hôpital Boucicaut (Paris 15e), où le statut locatif sera maintenu pendant vingt ans, avec un loyer fixé à 20 euros le m2, soit plus de 30% en-dessous du prix du marché. C’est une alternative à l’encadrement des loyers en somme. L’autre qualité du dispositif, c’est sa souplesse, qui nous permet d’intervenir aussi dans le parc existant. Cela a été le cas dernièrement d’un immeuble haussmannien dans le XIVe arrondissement de la

capitale où nous avons évité une revente à la découpe et l’éviction des locataires.

Deux opérations sont en cours aujourd’hui à Rueil-Malmaison (92)...« Les Terrasses de la Malmaison »et « Villa Gabriel » sont deux programmes immobiliers qui permettront de livrer 90 logements à loyers modérés d’ici la fin 2017. Dans un territoire au cœur du dynamisme de l’Ouest parisien, dans une ville symbole de la construction métropolitaine, ces opérations enrichissent les projets sociaux traditionnels. Cela témoigne de notre capacité à participer à la construction des quartiers de gare du Grand Paris Express ou à l’appel à projet « Inventons la métropole ». PERL en a d’ores et déjà fait la preuve en s’associant au projet « Mixité Capitale » du boulevard Morland (Paris 4e), l’un des lauréats du concours« Réinventer Paris ».

PERL« Etre un accélérateur de la réalisation de logements à loyers abordables pour la métropole du Grand Paris »

Operateur immobilier depuis seize ans, la société PERL (Pierre Epargne Retraite Logement) est le concepteur et développeur d’un schéma innovant de cofinancement du logement locatif par l’épargne privée, en partenariat avec les bailleurs sociaux institutionnels. Un moyen efficace d’accélérer la production de logements à loyers abordables en zones attractives, territoire métropolitain en tête, comme l’explique son président, Alain Laurier.

COMMUNIQUÉ

www.perl.fr

VILLA GABRIEL (Nexity) - Architecte Alain Derbesse - Crédit Ivan Milisic

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52 AU COEUR DE LA MÉTROPOLE LA MAGIE DE DISNEY

Val d’Europe ne veut pas être résumé à « Mickey »

Des champs, il n’y avait que des champs… Ça, c’était avant. Avant que la « magie de Disney » n’opère. Alors qu’elles ne comptaient qu’une centaine d’habitants au début des années 1980, les 5 communes du territoire Val d’Europe – Bailly-Romainvilliers, Chessy, Coupvray, Ma-gny-le-Hongre, Serris et Villeneuve-le-Comte – peuvent aujourd’hui se targuer d’abriter plus de 30.000 personnes et d’offrir 28.000 emplois, avec un ratio de deux postes par résident actif. Et qui remercier d’autre, sinon Mickey ? La signature en 1987 d’une convention de développement entre Euro Disney, l’État français, la région Île-de-France, le département de la Seine-et-Marne, l’établissement public d’aménagement (EPA) Epamarne-Epafrance et la RATP a permis au

Durant ces trente dernières années, le territoire de Marne-la-Vallée, où est établi le parc Disneyland, s’est appuyé sur la présence du géant américain des parcs de loisirs pour asseoir son spectaculaire développement économique. Les cinq communes constituant Val d’Europe tentent désormais de s’en émanciper en essayant de séduire de nouveaux acteurs.

Antoine Kalewicz

secteur IV de Marne-la-Vallée de connaître une croissance sans précédent.

Depuis l’implantation du géant américain il y a presque vingt-cinq ans, le territoire est devenu un« cluster » touristique majeur. Tandis que Disneyland et Walt Disney Studios drainent chaque année près de 15 millions de vi-siteurs, faisant des deux parcs à thèmes la première destination touristique d’Europe, les maga-sins de la « Vallée Village » attirent, eux, 6,5 millions de personnes par

Arnaud de BelenetPrésident de Val d’Europe

agglomération

an. Ajoutez à cela quelque 9.000 chambres d’hôtel et de résidences de tourisme : Val d’Europe a large-ment de quoi justifier son statut de locomotive touristique de la région.

« Cette vocation est appelée à se renforcer, dès 2017, avec la mise en œuvre à proximité du projet [porté conjointement par Eurodisney et Pierre & Vacances-Center Parcs] des Villages Nature, mais aussi avec de nouveaux programmes comme l’Arena, promet le président de Val d’Europe Agglomération, Arnaud de Belenet (LR), également maire de Bailly-Romainvilliers, rappelant que l’économie du tourisme est un atout pour la France et le Grand Paris ; et que le cluster tourisme Paris-Val d’Europe accompagne cette filière. » Pourtant, le territoire aspire à être davantage qu’une simple terre de loisirs. Et alors que le parc pourrait être bientôt concurrencé par le groupe Auchan et son « Disneyland du commerce »que sera EuropaCity (lire notre article).

Visible et accessible

Val d’Europe semble avoir plu-sieurs atouts pour devenir un pôle économique de la métropole parisienne. « Pour commencer, le territoire a une très forte visibilité au niveau international grâce à Disney. Vous pouvez vous rendre en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, tout le monde connaît Val d’Europe, contrairement à Issy-les-Moulineaux, par exemple, assure Nicolas Ferrand, le directeur géné-ral des EPA de Marne-la-Vallée. À cette visibilité s’ajoute une très forte accessibilité. Il y a de très gros enjeux en matière de transports », ajoute-t-il. Arnaud de Belenet confirme :« Le Val d’Europe c’est, aux portes de Paris, un foncier disponible, fléché, entièrement maîtrisé et sécurisé, au cœur d’une agglomération en plein essor desservie par le premier hub TGV de France, avec 100 trains par jour à destination des princi-pales capitales régionales et euro-péennes et l’aéroport Roissy-CDG à sept minutes, mais aussi par le RER A, l’autoroute A4… » Un réseau de transport si performant que le secteur est de Marne-la-Vallée a

été retenu comme l’un des hubs internationaux du Grand Paris.

Autre atout que Val d’Europe en-tend faire valoir : « Une qualité de vie extraordinaire », affirme Nicolas Ferrand. « C’est une nouvelle ville à taille humaine qui dispose déjà d’une offre de services et d’équipe-ments rare : un golf, un hôpital, des salles de cinéma et de spectacle, des commerces de proximité, mais aussi une offre de logements diversifiée permettant de proposer une vie urbaine en centre-ville ou de village dans les bourgs », précise Arnaud de Belenet. Selon des études TNS Sofres et Ipsos publiées en mai, 90 % des résidents se disent en effet attachés au territoire, et 71 %d’entre eux sont même complète-ment satisfaits de leur qualité de vie.

Les entreprises semblent, elles aus-si, séduites par les atouts qu’offre Val d’Europe. Les deux instituts de sondages révèlent ainsi que 86 % d’entre elles assurent être satis-faites de leur implantation sur le territoire, et que plus de neuf patrons de Val d’Europe sur dix recommandent d’y installer une entreprise, jugeant que le potentiel de développement reste important sur le secteur. Mais pour réussir sa mutation, Val d’Europe a besoin d’attirer des grands comptes. Or, parmi les 2.200 entreprises ayant fait le choix de s’y installer, beau-coup sont des PME, des sièges régionaux, des back-offices et non pas des sièges sociaux. Si cer-tains poids lourds ont sauté le pas, notamment Ludendo (La Grande Récré) et Henkel Technologies, c’était déjà il y a trois ans. Mais Nicolas Ferrand reste optimiste, évoquant notamment à demi-mots « un espace de négociations exclu-sives sur deux très gros projets ».

Il faut dire que les équipements pour accueillir les entreprises ne manquent pas. Après les 2.500 m2

de bureaux du Plazza l’année der-nière, le Greenwich, composé de trois bâtiments pour un total de 11.300 m2 de bureaux et 2.200 m2 de commerces en rez-de-chaussée, a ainsi été inauguré en juin. Dans quelques mois, il sera suivi par les 5.300 m2 de bureaux du Vega, puis

du Bellini, un ensemble tertiaire de 22.300 m2 construit à 500 m du Greenwich. « Nous prévoyons, pour les deux prochaines années, la livraison de 80.000 m2 sur l’ensemble du pôle tertiaire du Val d’Europe et de la commune de Montévrain »,ajoute par ailleurs le directeur de l’Epamarne.

Bientôt une université Val d’Europe

Dans le cadre de la nouvelle phase de développement du territoire lancée en 2014 par Epafrance, les collectivités locales et Euro Disney, un centre de congrès est également annoncé. « Il ne faut pas uniquement voir Disney comme un parc pour les enfants et leurs parents. Il est important de se rappeler que Disney, c’est aussi l’organisation de près de 1.000 événements par an pour les entreprises. C’est un marché en pleine croissance, et Val d’Europe entend bien développer l’activité d’accueil d’événements professionnels »,explique Nicolas Ferrand.

Autre équipement de taille planifié dans le cadre de ce secteur IV : la construction d’un bâtiment universitaire. Pour assurer sa place au sein du Grand Paris, Val d’Europe mise en effet aussi sur l’enseignement supérieur. « Nous allons lancer le concours architectural pour la construction d’un premier bâtiment censé accueillir 2.500 étudiants. Cet immeuble, prévu pour 2020, constituera la première tranche d’un programme plus large d’une capacité de 15.000 inscrits. Cette nouvelle université Val d’Europe est attendue pour 2025 ou 2030 », indique le président de l’Epamarne.Pour Arnaud de Belenet, cela ne fait aucun doute : les projets prévus à Val d’Europe ces prochaines années feront de ce territoire « une des centralités capitales du Grand Paris ». Cette université sera-t-elle baptisée « Mickey », en hommage au bienfaiteur de ce territoire ? Ce ne serait que justice… ♦

t Place d’Ariane, dans le quartier de la gare Val d’Europe (77),l’immeuble Le Plaza abrite 2500m2 de bureaux, 60 logements etun cinéma.

t La gare est le premier hub TGV de France

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54 AU COEUR DE LA MÉTROPOLE ENLARGE YOUR PARIS

Les « go zones » culturelles à l’honneur

Enlarge your Paris est né il y a quelques années, sous la forme d’un blog associatif consacré à la vie culturelle du Grand Paris. Le site au titre inspiré, s’il est encore nourri par une équipe bénévole, est désormais un vrai journal en ligne qui possède sa page sur liberation.fr et une rubrique hebdomadaire sur France 3 Île-de-France. Son objectif : « remettre la banlieue au cœur de Paris ». Car, selon Vianney Delourme, président fondateur, la capitale abrite une telle profusion d’activités culturelles, avec ses salles de concert et autres théâtres mythiques, qu’elle produit l’effet d’une « étoile noire », éclip-sant tout se qui se passe dans sa périphérie.

À l’origine d’Enlarge your Paris : l’expérience personnelle d’une poignée de journalistes partis s’installer dans diverses banlieues parisiennes, constatant à quel point l’offre culturelle locale, qu’il s’agisse de concerts, pièces de théâtre, spectacles de danse, lectures, festivals, ateliers, activités jeune public… était dense, et souvent peu coûteuse. Mais aussi très méconnue ou difficilement accessible. « Autour de Paris, il y a 1.500 lieux culturels proposant une offre événe-mentielle », détaille Vianney Delourme qui, avec son équipe, va patiemment à la rencontre de chacun d’eux depuis un an, « pour comprendre, apprécier si leur offre présente un intérêt local, départemental, régional ou international ». Avant d’entamer cette odyssée banlieusarde, Enlarge s’était déjà fait remarquer début 2015 :quand la chaîne de télé américaine Fox News avait évoqué les « no go zones » parisiennes, le site avait publié une carte des « go zones » culturelles de banlieue, y incluant notamment « le pays des impressionnistes » et « Vitry, capi-tale du street art ». Le New York Times l’avait jugée assez pertinente pour la publier à son tour.

Média en ligne dédié à la vie culturelle, le site Enlarge your Paris propose des initiatives innovantes, comme la création d’un « Grand Pariscope », d’un itinéraire dédié au street art ou d’une randonnée reliant les sommets panoramiques de l’agglomération… Objectif : créer un « imaginaire du Grand Paris », à mille lieux du fantasme des « no go zones ».

Sonia Desprez

La banlieue paraît d’autant plus riche lorsqu’on étend l’acception du mot « culture » à l’agriculture, en intégrant le dossier de l’auto-nomie alimentaire de la région. Sur Enlarge, il est régulièrement question de bergers et de vignes urbaines, et autres productions locales appétissantes. « Le thème de la richesse agricole en Île-de-France est fondamental, avec la probléma-tique de l’épuisement des sols, l’ur-banisation, le renouvellement des agriculteurs céréaliers, dont beau-coup atteindront l’âge de la retraite dans vingt ans. Le sujet devrait être davantage intégré dans la réflexion politique, revendique Vianney De-lourme. Paris a été le centre mon-dial de la productivité maraîchère !poursuit-il avec enthousiasme. Sous Louis XIV, il y avait des poires et des pêches toute l’année : les maraîchers livraient les halles le matin, et repartaient chargés de crottin de cheval, qu’on appe-lait d’ailleurs “l’or des rues”, avec lequel ils pouvaient faire de la

culture sous cloche ou en serre. Les guides de production maraîchère parisienne du XVIIe siècle ont été ressortis aujourd’hui par des adeptes de la permaculture dans le monde entier ! »

Le site est donc soucieux de politique urbaine au sens noble, et toujours en ébullition sur la manière de penser Paris en « grand ». En té-moignent ses prochains projets. Un « Grand Pariscope » doit être lancé, fruit du minutieux répertoire collecté par les journalistes d’Enlarge, fédérant les informations sur toutes les activités et lieux culturels disponibles dans le Grand Paris, mais avec une réflexion indispensable sur la

« Autour de Paris, il y a 1.500 lieux culturels proposant une offre événementielle . »Vianney Delourme

« Un “Grand Pariscope” doit être lancé, fruit du minutieux répertoire collecté par les journalistesd’Enlarge, fédérant lesinformations sur toutes les activités et lieux culturels disponibles dans leGrand Paris . »

mobilité et les mœurs urbaines :« Il faut, bien sûr, que notre agenda soit géolocalisé. Nous souhaitons aussi intégrer tous les transports, y compris le covoiturage culturel et de loisir, sur lequel nous parions sérieusement. Si j’aime la marche et que je suis à Clamart, une ran-donnée dans la vallée de Chevreuse m’intéresse quand même, et je sais comment y aller instantanément. Et puis le facteur sociabilité est très important : entre deux concerts, je choisirai celui où je sais pouvoir retrouver des amis. C’est aussi une information qu’on doit pouvoir partager. » Le média s’appuie sur des travaux précédant sa créa-tion. Vianney Delourme cite, par exemple, le rapport de Daniel Janicot commandé par Nicolas Sarkozy sur l’offre culturelle dans le Grand Paris, ou les travaux des mairies communistes de Seine-Saint-Denis, ou encore le projet Vallée de la culture du conseil dé-partemental des Hauts-de-Seine.

La création d’un GR street art, au-trement dit d’un sentier de randon-née dédié à l’art urbain – graffitis, pochoirs, mosaïques, affiches… ,– reliant Arcueil, Paris, Ivry et Vitry (94), est aussi au programme. L’idée a été soumise au budget participatif

de la mairie de Paris. « L’itinéraire est ponctué de nombreuses richesses culturelles et architec-turales telles que la Cité universitaire, la BnF, la galerie Itinerrance, la Manufacture des œillets, les constructions de l’architecte Jean Renaudie à Ivry, le MAC/VAL et l’Exploradôme à Vitry. À Paris, la Halle Freyssinet (13e) est en passe de devenir le plus grand incubateur de start-up au monde. À Ivry, le futur centre dramatique national du Val-de-Marne est actuellement en plein chantier, tandis qu’à Vitry, les travaux de la ligne 15 du métro ont débuté. Le GR street art doit servir de prétexte à la découverte de ce Grand Paris en racontant son histoire, son présent et son futur ! »

Et puisque, pour ces explorateurs extra-muros, la marche est le meilleur moyen de découvrir un territoire, ils ont lancé fin septembre l’ouverture d’un sentier de randonnée de 100 km reliant tous les sommets du Grand Paris, et permettant aux promeneurs de « s’arrêter là où il y a des

panoramas magnifiques, les cartes postales de demain, les Montmartre du Grand Paris, accom-pagnés par des bergers urbains et leur troupeau, un spécialiste qui signalait toutes les plantes comestibles sur le chemin, un documentariste, de grands photographes à chaque étape pour en faire ensuite une expo... » L’enthousiasme de Vianney Delourme est sincère, sans être naïf :« Les Grand-Parisiens sont nombreux, jeunes, ils disposent d’infrastructures, de lieux privés, publics ou associatifs. Mais les budgets des col-lectivités locales baissent. Nous pensons que c’est un risque car les pouvoirs publics investissent dans la culture depuis soixante ans et c’est ce qui fait l’attractivité de Paris et sa banlieue. »

Or la banlieue en question, ou plutôt l’agglomé-ration parisienne, est à la veille d’une révolution : « L’urgence, c’est de créer un imaginaire du Grand Paris. On parle beaucoup du Grand Paris Express, mais autour de ce projet, on va construire l’équi-valent d’une fois et demi Paris en matière de loge-ments », note Vianney Delourme. « C’est comme Hausmann, ça va durer le temps d’une généra-tion, on va d’abord connaître les aspects négatifs, les chantiers, les embouteillages, mais c’est un projet politique considérable qui va relancer Paris ! Le Grand Paris lieu de fête, avec le Weather

« L’urgence, c’est de créer un imaginaire du Grand Paris. On parle beaucoup du Grand Paris Express, mais autour de ce projet, on va construire l’équi-valent d’une fois et demi Paris en matière de logements. »

s Parcours du sentier de randonnée reliant les «Montmartres du Grand Paris»

t La grande arche de la Défense

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t Tracé du GR Street Art

Festival et autres réjouissances extra-muros, c’est un sujet remâché, mais ça a redynamisé l’image de Paris auprès des jeunes de toute l’Europe. »

Ces réflexions stratégiques sont une consé-quence naturelle du parcours de Vianney De-lourme, formé à Sciences-Po, ancien journa-liste devenu ensuite éditeur, et qui a travaillé sur des livres et DVD remarqués : Valse avec Bachir (d’Ari Folman, 2008), L’Abécédaire de Gilles Deleuze, mais aussi à la restauration des œuvres de Jean Rouch ou Max Linder... Un pas-sionné, maintenant au service de la métropole. ♦

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PLATEAU URBAIN 56 AU COEUR DE LA MÉTROPOLE

Quelque 4 millions de mètres car-rés de bureaux vides, dont 800.000 m2 laissés à l’abandon depuis plus de cinq ans : l’Île-de-France détient là un triste record. Effarés par ces chiffres – « C’est l’équiva-lent de 44 tours Montparnasse ! »,notent-ils – les fondateurs de Plateau Urbain y ont cependant perçu un filon : et si ces espaces vacants – bureaux donc, mais aussi espaces industriels, entrepôts, ZAC... – étaient investis tempo-rairement par des associations naissantes, des entreprises bal-butiantes ou des acteurs de l’éco-nomie sociale et solidaire ? Simon Laisney, président de l’association, explique qu’en exploitant ces« dents creuses, temporelles et

spatiales » par le biais d’une convention d’occupation tem-poraire, ces exclus du marché immobilier classique, faute de moyens ou de garanties suffisants, s’acquittent dès lors, non pas d’un loyer, mais de simples charges foncières. « Quant aux proprié-taires de ces biens ayant vocation à être réhabilités, restructurés ou détruits, ils ne perdent plus d’ar-gent pendant la vacance, en amor-tissant les taxes et en économisant les frais d’entretien, de sécurisation et de gardiennage. Et minimisent ainsi le risque de squat », soutient Simon Laisney.

Avant de s’improviser chasseur de lieux en déshérence, ce titulaire

d’un master d’urbanisme et d’aménagement a fourbi ses pre-mières armes professionnelles au sein du groupe immobilier DTZ. Chargé d’études économiques, il est confronté trois ans durant à la vacance structurelle du parc tertiaire francilien. « En moyenne, la durée du portage du foncier dure six ans. Six ans pendant lesquels il ne se passe pas grand-chose dans ces immeubles vides », constate-t-il. « Dans le même temps, je voyais pas mal d’amis tenter de créer des boîtes mais ayant beaucoup de mal à trouver des lieux où développer leur activité. L’idée est née ainsi. »Un licenciement économique plus tard et Simon Laisney, égale-ment influencé par le mouvement

À la conquête des mètres carrés perdusPlateau Urbain est une association qui milite pour l’occupation des bâtiments abandonnés et des bureaux inoccupés de la métropole par des exclus du marché immobilier classique (associations, start-up naissantes…). Elle propose à des propriétaires d’espaces vacants de signer une convention d’occupation temporaire ; en contrepartie, les locataires à titre précaire doivent s’acquitter des charges foncières. Un jeune homme de 29 ans, Simon Laisney, est à l’origine de cette brillante idée. Son métier : promoteur de squats légaux.

Julien Descalles

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Occupy London installé dans un bâtiment de la banque UBS au cœur de la City, pose les jalons de Plateau Urbain en juillet 2013 avec treize anciens camarades de promo.

Comment ? « D’abord en met-tant en relation deux mondes qui s’ignorent, voire se méprisent. Notre premier atout, c’est de par-ler le langage des promoteurs et agents immobiliers, de connaître leurs contraintes. Plutôt que de les pointer du doigt, on leur propose une solution clé en main, témoigne Simon Laisney. Surtout, on les ras-sure sur la durée limitée du bail : car leur vraie inquiétude, c’est de ne jamais voir partir ceux à qui ils ouvrent la porte. » Une fois les propriétaires convaincus, reste alors à investir les lieux. En cal-culant d’abord l’ensemble des charges du bâtiment et en dia-gnostiquant les espaces pouvant être utilisés, puis en lançant les appels à candidatures, en prio-rité au niveau local – auprès des collectifs d’artistes, des maisons des associations, du Réseau En-treprendre... Dernière mission : accompagner les occupants dans la gestion des lieux. L’association, elle, se rémunère, en faisant payer une adhésion annuelle de 10.000 € aux propriétaires. « En contrepar-tie, peu importe ensuite le nombre d’immeubles ou de mètres carrés qu’ils souhaitent mettre à dis-position sur un même territoire. Notre volonté n’est pas d’être un agent immobilier fonctionnant à la commission mais d’assurer un vrai rôle de service public », assure son président.

En trois ans, Plateau Urbain a aidé à investir une quinzaine de sites à travers l’Île-de-France, pour des baux précaires s’étalant

de quelques jours à quelques an-nées. Une résidence d’artistes a ainsi vu le jour dans un pavillon inhabité d’Arcueil (94), une autre dans des locaux de Sciences-Po Urba voués à la démolition dans le 13e arrondissement de Paris. À Malakoff (92), c’est un espace de coworking qui a pris ses quartiers dans un ancien cabinet d’archi-tectes, tandis qu’à Ivry-sur-Seine (94), start-up numériques, artisans et artistes du Nucléus ont investi une friche industrielle.

Mais pour l’association – qui figure parmi les huit lauréats du palma-rès national des jeunes urbanistes 2016 –, le projet de plus grande envergure reste, sans conteste, le site des Grands-Voisins, où, depuis mai 2015, 133 structures cohabitent à une encablure de la place Denfert-Rochereau (14e), en lieu et place de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, fermé en 2011. Soit 16 bâtiments répartis sur 3,4 hectares mis à disposition au tarif imbattable de 17 € par mètre carré ! Chacune y restera au moins jusqu’à la mi-2017, date à laquelle doivent émerger les premiers chantiers d’un futur écoquartier. Plateau Urbain y a d’ailleurs son bureau dans une ancienne salle de radiologie, aménagée de quelques meubles abandonnés par l’ancien propriétaire, l’AP-HP.

« La gestion des lieux a été confiée à Aurore, une association de lutte contre l’exclusion, qui s’est chargée

de trouver un toit à 600 personnes en situation précaire. Puis, confrontés au poids des charges qui s’élèvent à 1,5 millions d’euros, les membres du bureau nous ont appelés à la rescousse pour leur trouver des “colocataires” » , témoigne Simon Laisney. Seuls impératifs : « Mixer au maximum les activités accueillies et que tous s’investissent dans le vivre-ensemble et la réinsertion des hébergés. » Ressourcerie, céramiste, bottier de luxe, chocolatier, start-up, fleuriste, graphiste, association de jeux de rôles..., tous s’engagent à animer des ateliers ludiques, là une conciergerie soli-daire, ici un jardin partagé, là encore des cours de français à destination des migrants. Troisième larron en charge de l’animation des lieux, Yes We Camp a, de son côté, installé un bar-cafétéria, un camping ou encore une auberge de jeunesse. « De quoi faire du lieu un laboratoire pour faire accepter l’hébergement social en milieu urbain », se réjouit le patron de Plateau Urbain.

Tandis qu’un site Internet – « sorte d’Airbnb cartographiant les immeubles vacants disponibles » – devrait voir le jour d’ici à la fin de l’année, Plateau Urbain aspire désormais à s’investir pleinement dans la construction métropoli-taine. « S’ouvrent quinze années de grands chantiers, avec des périodes où certains sites resteront inutilisés : pourquoi ne pas les investir ? On favoriserait ainsi la découverte des nouveaux territoires du Grand Paris et l’émergence d’une identité métropolitaine », argue Simon Laisney. L’ex-ado-lescent de Gentilly et d’Arcueil en est persuadé : « Toute mon enfance, j’ai souffert du manque d’animations de ce côté du périphérique. Or, avec ces surfaces vides, on dispose d’un vivier extraordinaire de lieux éphémères pour redonner vie à des banlieues à l’abandon et conserver des entreprises sur place. » Chiche ? ♦

« Notre volonté n’est pas d’être un agent immobilier fonction-nant à la commission mais d’assurer un vrai rôle de service public. »

« Mixer au maximum les activitésaccueillies et que tous s’investissent dans le vivre-ensemble et la réinsertion des hébergés. »

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s Au sein de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul (14e), le site Grands-Voisins accueille 133 associations, entreprises et ateliers.

s Simon Laisney, à la tête de l’association Plateau Urbain

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59VISAGES DU GRAND PARIS

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

58 ROBIN REDA

Robin RedaLES AMBITIONS DU PLUS JEUNE MAIRE D’ÎLE-DE-FRANCEIl a conquis la mairie de Juvisy-sur-Orge (91) à 22 ans, il est devenu conseiller régional LR à 23 ans et, pour 2017, il projette son entrée à l’Assemblée nationale. Ce qui l’obligerait à renoncer à son mandat de maire… à 25 ans, non-cumul des mandats oblige. Ses opposants comme ses amis politiques ne sont pas tendres à son égard. « La politique n’est pas qu’un milieu d’hommes, c’est surtout un milieu d’hommes âgés », répond-il.

Tristan Quinault Maupoil

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Robin Reda ne semble jamais rassasié. Élu municipal en 2014 à Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne, le plus jeune maire d’Île-France caresse maintenant le rêve de devenir député en 2017. Entre-temps, cet espoir de la droite à la carrure imposante est devenu conseiller régional en 2015. Ces deux premières années d’exercice ? « Rapides et passionnantes, répond l’intéressé. Je ne nie pas les difficultés mais ce n’est pas plus difficile que ce que j’avais imaginé », confie-t-il, tranquillement attablé, un grand café à la main, dans une brasserie parisienne. Son élection avait été une surprise. Installés à la mairie depuis quarante-trois ans, les socialistes ont été balayés dès le premier tour. Le jeune homme, alors étudiant à Sciences-Po Paris, s’est vu propulser du jour au lendemain à la tête de 300 agents municipaux au service de 15.500 habitants. Il avait 22 ans.

« Il a profité d’une majorité fatiguée et de la vague bleue », objecte Nicolas Gonnot, conseiller municipal PS d’opposition.

Des débuts parfois balbutiants, captés par des caméras de télévi-sion attendries devant cet élu qui apprenait à célébrer des mariages en regardant des vidéos sur You-Tube… Une séquence qui semble aujourd’hui lointaine. Robin Reda est maintenant diplômé et manie à merveille le jargon technique des hommes politiques englués dans la gestion inextricable des comptes publics. « Le mot arbitrage est l’un des leitmotive que j’ai le plus en-tendus depuis l’élection, sourit-il. On a une mission qui consiste à aller chercher de l’argent partout où l’on peut en trouver. Il faut prendre le temps et parfois avoir

Robin RedaMaire LR de Juvisy-sur-Orge

s L’hôtel de ville de Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne

le courage de dire aux habitants qu’on se concentre sur certaines priorités sans délaisser les autres »,complète-t-il.

Son élection précoce et son ambi-tion, ce jeune homme pressé les explique par une volonté de faire ses preuves avant qu’il ne soit trop

tard. Il pense à sa mère, notam-ment, que l’on a vue fièrement as-sister son fils un peu éberlué le jour de son premier conseil municipal, et qui décéda quelques mois après. « Cela a compté dans ma volonté d’aller vite », glisse-t-il sobrement à l’évocation de ses parents. Il a dû se faire une place dans un milieu qui n’est pas connu pour être particu-lièrement amical. « Pour en parler parfois avec certaines collègues, on vit, quand on est jeune, la même chose que ce que peuvent décrire des femmes qui arrivent dans un milieu d’hommes. Il m’est arrivé d’être pris de haut ou regardé avec distance… La politique ce n’est pas qu’un milieu d’hommes, c’est sur-tout un milieu d’hommes âgés », ironise-t-il.

Dans son discours d’investiture, il n’avait réclamé aucune indulgence, ni des habitants, ni de l’opposi-tion. Cela tombe bien, elle n’est pas tendre : « Quand je l’ai vu arriver, je me suis dit que l’alternance n’était pas dramatique, qu’après tout il pourrait apporter quelque chose. Mais il m’a énormément déçu ! Il ne met pas son intelligence au service de la ville, mais au service exclusif de sa carrière ! », s’emporte Nico-las Gonnot. « J’ai passé le début de mon mandat à me nourrir des expé-riences de collègues plus âgés. Ça ne sert à rien de vouloir renverser la table en arrivant », pondère Robin Reda. Qui ajoute : « On fait tous des erreurs au début, quel que soit l’âge. Mais j’ai une opposition qui se com-porte en donneuse de leçons… »,

s’agace-t-il. « Mon prédécesseur [toujours membre du conseil municipal] est dans cette position de professeur. J’allais dire paterna-liste… Mais en fait, non, car il n’y a pas de bienveillance chez lui »,assène le jeune édile.

Robin Reda dit avoir beaucoup appris en juin dernier quand les inondations ont touché sa com-mune. « C’était intense psychologi-quement. Quasiment une semaine sans dormir. Dans ces situations, il faut, pour les habitants, une pré-sence sur le terrain quintuplée », dit-il. Il assure avoir démontré sa détermination quand il a demandé à intégrer la Métropole du Grand Paris. « Ça a été un an de lobbying. Aujourd’hui, nous sommes une des rares villes de grand couronne à y être », se félicite-t-il, tout en déplorant que « l’idée a été vidée de sa substance : d’un beau pro-jet qui devait créer des synergies, nous sommes arrivés à une lour-deur technocratique qui est plutôt défavorable aux communes. Mais les choses ne sont pas immuables »,espère-t-il.

À écouter l’opposition, son bilan est contrasté. « C’est une anguille. Il a changé sept fois d’avis sur le projet de tramway », tacle le PS.« Il manque d’ossature et de convic-tions… Et surtout de combativité. Il disait soutenir le maintien des bureaux de poste dans la ville. Deux ont été supprimés sans qu’il dise quelque chose », insiste Nico-las Gonnot. Pour ce dernier, « le personnage sait être sympathique, mais en réalité il a une haute idée de lui-même et cherche le coup de com’ ».

Étonnement, à droite, les avis sont aussi assez contrastés. Une conseillère régionale LR analyse son action : « Si je voulais être méchante, je dirais qu’il n’existe pas. Si je voulais être gentille, je dirais qu’il est gentil. » Pourtant, au moment de son élection à la tête de Juvisy-sur-Orge, toutes les huiles de la droite se ruaient vers ce jeune élu érigé en symbole. « J’ai eu la chance de rencontrer d’abord Nicolas Sarkozy, puis Alain Juppé et Bruno Le Maire qui m’ont, tous les trois, demandé de participer à leur équipe de campagne », se rappelle Robin Reda. Il a choisi l’ancien ministre de l’Agriculture « parce qu’il fait confiance à la jeunesse ».

Pourtant, le souhait du jeune homme de se présenter à la députation seulement trois ans après avoir conquis l’hôtel de ville laisse pantois le candidat à la primaire de la droite. « Je lui ai dit de se concentrer sur sa ville », confie Bruno Le Maire. Mais visiblement, invoquant l’importance d’offrir à sa commune un relais national, Robin Reda ne l’a pas écouté. Depuis, il a été investi par le parti et espère maintenant qu’un accord avec le centre ne l’empêchera pas de s’aligner sur la ligne de départ. S’il est élu, il devra laisser son fauteuil de maire, interdiction du cumul des mandats oblige. « Il y a suffisamment de solidité dans cette équipe pour mener à bien les projets », commente-t-il sans s’émouvoir outre mesure. L’interdiction du cumul ? Il est sceptique, alors que la mesure est âprement défendue par Bruno Le Maire. « Elle mériterait d’être retravaillée dans un registre moins déma-gogique », dit-il. Ce qui fait dire à un très proche conseiller de Bruno Le Maire que Robin Reda est « un jeune vieux ». Pour autant, personne n’oserait prétendre qu’il avance à un train de sénateur. ♦

« La politique ce n’est pas qu’un milieu d’hommes, c’est surtout un milieu d’hommes âgés. »

« J’ai passé le début de mon mandat à me nourrir des expé-riences de collègues plus âgés. Ça ne sert à rien de vouloir ren-verser la table en arrivant . »

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

STEPHANE TROUSSEL 60 VISAGE DU GRAND PARIS

«À l’évidence, l’image du département reste trop négative. Mais les choses évoluent. Les responsables politiques nationaux, les investisseurs, les représentants de la culture, du sport, les promoteurs, chacun se dit que les oppor-tunités sont ici. »

«Ces JO seraient un coup d’accélérateur pour laSeine-Saint-Denis. »

Stéphane TrousselSON TERROIR, C’EST LE 9-3Le président PS du conseil départemental lance sa marque « made in Seine-Saint-Denis » pour promouvoir une nouvelle image de ce territoire populaire en plein bouleversement. Rien d’étonnant de la part d’un élu fier d’être enraciné depuis trois générations là où « se construit le monde de demain ». Rencontre.

Vincent Michelon

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défier la gauche départementale sur les sub-ventions réduites aux crèches ou aux collèges privés, plutôt que de se hasarder sur le thème de l’attractivité.

Successeur de Claude Bartolone (PS), le patron du 9-3 s’est engagé pleinement dans ce rôle de VIP institutionnel, au gré des mutations rapides de son département. En juin, il lançait son« made in Seine-Saint-Denis », une marque destinée à « porter la fierté de ce territoire qui n’est plus le miroir déformant de la France mais plutôt son miroir prospectif ». Le revoilà, en cette rentrée 2016, aux côtés d’Anne Hidalgo, en porte-parole de la candidature parisienne aux JO 2024, cherchant à attirer sur lui un peu de la

lumière captée par le projet. « Ces JO seraient un coup d’accélérateur pour la Seine-Saint-Denis »,plaide-t-il, citant la rénovation du Stade de France, la construction du centre nautique, du village olympique et de celui des médias. Pour lui, une occasion inespérée de briller devant les caméras du monde entier. En fin communicant, l’élu cisèle lui-même des slogans censés porter haut et fort les couleurs de son département.« Le monde de demain se construit ici », lâche-t-il. Ou encore : « Ici commence le Grand Paris. »Et de promettre que les grandes mutations de ces dernières années ne sont « rien par rapport à ce qui nous attend ».

À écouter Stéphane Troussel, on en oublierait presque les problèmes de la Seine-Saint-De-nis : département le plus pauvre de France, connu pour ses records d’abstention électo-rale, ses problèmes de délinquance et à l’égard duquel les Français, marqués par le souvenir d’émeutes qui remontent pourtant à plus de dix ans, conservent une certaine méfiance, comme

le montrait un récent sondage. « À l’évidence, l’image du département reste trop négative, concède le VRP du 9-3. Mais les choses évoluent. Les responsables politiques nationaux, les investisseurs, les représentants de la culture, du sport, les promo-teurs, chacun se dit que les oppor-tunités sont ici. » Des opportunités foncières, bien sûr, avec ces vastes friches industrielles qui tendent les bras aux investisseurs alors que Paris et les Hauts-de-Seine sont saturés. Mais aussi des opportuni-tés culturelles et humaines, assure l’élu, qui mise sur le carburant de la jeunesse et de la « diversité ».

De La Courneuve à… La Cour-neuve

« Il y a quinze ans, nous n’existions pas », répète Stéphane Troussel à propos de son département. C’est aussi ce qu’il dit de lui-même : avant de croiser Claude Bartolone, « je n’existais pas ». Il exagère un peu. Ses grands-parents sont nés à Aubervilliers et à La Courneuve. Ses parents, des « petits fonctionnaires municipaux », ont passé une vie entière biberonnés au « commu-nisme municipal » des banlieues rouges. Une enfance dans la barre Ravel (détruite en 2004) de la cité des 4.000 – où, affirme-t-il, la vie de quartier était alors « si riche »– avant de déménager pour un autre secteur de la ville à la fin des années 1970, au moment même où, sur fond de choc pétrolier, les tensions commençaient à monter dans les cités populaires. La crèche, la maternelle, l’école élémentaire, le collège et le lycée, toujours à La Courneuve. « Ce n’est qu’au moment des études que je me suis

Stéphane TrousselPrésident du département de

Seine-Saint-Denis

Il en deviendrait presque bravache. Stéphane Troussel, 46 ans, prési-dent socialiste du conseil dépar-temental de la Seine-Saint-Denis, s’enthousiasme lorsqu’il égrène avec gourmandise ses derniers trophées : le siège de Veolia bien-tôt inauguré à Aubervilliers ; la célèbre agence de pub BETC tout juste installée dans les entrepôts rénovés des Magasins généraux de Pantin ; le coffre-fort de la Banque de France qui pose ses valises à La Courneuve... Le voilà qui toise ses voisins des Hauts-de-Seine et des Yvelines, ces départements imbus d’eux-mêmes qui refusent de jouer la carte de la « solidarité » au sein de la nouvelle Métropole du Grand Pa-ris. « Récemment, un responsable de La Défense a juré qu’il “ne craignait pas la concurrence de la Seine-Saint-Denis”. Vous imaginez ? Quel aveu ! C’était impensable il y a quinze ans. Nous n’existions même pas pour eux. » Et ce n’est pas l’opposition locale de droite qui lui en fera reproche, préférant ©

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dit qu’il fallait aller voir ce qui se passait de l’autre côté du périph’, à Paris », plaisante-t-il. Mais son cœur est resté dans le 9-3. Sa vie professionnelle, il l’a commencée comme animateur à La Courneuve. Son militantisme aussi, en tractant pour Mitterrand devant le lycée Jacques-Brel – au grand éton-nement de sa famille, qui votait communiste depuis des lustres. Manifs contre la loi Devaquet en 1986, engagement à SOS Racisme,

il se reconnaissait, comme beaucoup de sa géné-ration, davantage dans le PS que dans un PCF en reflux, abîmé par les crises systémiques d’une URSS déjà chancelante.

Contrairement à Claude Bartolone, Stéphane Troussel s’est longtemps situé à « l’aile gauche »du parti, tendance Jean-Luc Mélenchon et Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est qu’en 2005 que l’élu municipal de La Courneuve, terrassant le communiste sortant aux cantonales, attire l’attention d’un « Barto » parti à la conquête du département. « Il s’est dit qu’il devait y avoir un enjeu d’implantation à La Courneuve, cette ville symbole qui accueillait la Fête de l’Huma. »

Après la victoire de Bartolone en 2008, les deux hommes deviennent très proches, et le ténor socialiste lui confie la vice-présidence du Loge-ment. Rebelote en 2011. Quelques mois plus tard, le patron du 9-3 accédera au perchoir de l’Assemblée et Troussel prendra sa place. Il parviendra – tout seul, cette fois – à garder le département sous pavillon socialiste en 2015, malgré le puissant vote sanction au profit de la droite. Mais « Barto » est encore considéré par beaucoup comme le véritable boss de la Seine-Saint-Denis.

« Hystérie » des débats

Aujourd’hui, c’est en socialiste mais aussi en ci-toyen séquano-dionysien que Stéphane Troussel

observe – avec appréhension – la campagne présidentielle qui démarre. Le débat de cet été sur le burkini, l’islam et le communautarisme ?« Grotesque, dangereux et contre-productif », évacue-t-il. Pour lui, cette « hystérie politique et médiatique » écarte les sujets de fond et n’est« pas à la hauteur des enjeux ». Les primaires de gauche et de droite qui vampirisent l’actualité politique ? « J’y suis plutôt favorable, mais la violence de certains débats, l’inflation des can-didatures au détriment des idées, tout cela est la preuve que le pays connaît une crise démo-cratique. Les institutions de la Ve République ne sont plus adaptées à la période actuelle. » Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ne le contrediront pas.

Malgré tout, le disciple de Claude Bartolone, qui assure n’avoir pas encore fait son choix, n’accable pas François Hollande. Il a, dit-il,« incontestablement un bilan à défendre », notamment dans l’éducation. Et de citer les créations de postes d’enseignant dans son département, qui lui font dire que « la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose ». Alors Stéphane Troussel, qui rêve d’un « projet de cohésion, de bienveillance, où le collectif est plus fort que le repli sur soi », conclut – en référence aux propos de Manuel Valls – qu’il n’y a « pas de gauches irréconciliables, sans quoi on perd à la fin ». ♦

t La Seine-Saint-Denis est le département le plus pauvre de France

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GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016 GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

ANNNE DEMIANS 62 VISAGE DU GRAND PARIS

Anne Démians« FAIRE DU PÉRIPH’ UN 21e ARRONDISSEMENT »Remarquée fin 2007 pour son travail sur la grande hauteur à Paris, Anne Démians a récemment remporté le concours de la restructuration de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville (ESPCI) de Paris à l’issue d’une compétition internationale où concouraient notamment Rem Koolhaas et Renzo Piano. Cette architecte cherche à rendre la ville réversible, militant pour que les bureaux puissent se transformer en logements et vice-versa. Elle rêve aussi d’un Grand Paris organisé de façon radioconcentrique.

Antoine Kalewicz

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Rien n’est laissé au hasard. À peine arrivée, Anne Démians pose un dossier sur la table de son bureau. Des notes, des articles, des croquis, pour illustrer sa pensée, et ne rien oublier du message qu’elle souhaite faire passer. « Le Grand Paris est un sujet important », souligne-t-elle, comme pour justifier d’avoir bien préparé notre entretien. Ses idées pour faire de la métropole parisienne un modèle de développement ne manquent pas. « En préalable à la question du Grand Paris, je place la notion de la ville mutable. Je considère qu’il faut mieux construire et moins construire. »

La mutabilité est un thème qui revient souvent dans la bouche de l’architecte. Elle est déposi-taire, avec Icade, du label IDI (immeuble à des-tination indéterminée) à l’origine de son projet strasbourgeois Black Swann : sur la presqu’île Malraux, Anne Démians – native de Colmar – a ainsi conçu trois immeubles de 50 m de haut qui intègrent la possibilité de changer de

destination. Pour y parvenir, cette visionnaire a « mis à mal la trame », c’est-à-dire le quadrillage qui établit les distances entre les poteaux ou les murs porteurs, le plancher et le plafond et qui est normalement différent selon qu’il s’agit d’immeubles de bureaux ou de logements. La trame unique imaginée par Anne Démians per-met d’assurer la réversibilité des surfaces.

Trouver des réponses innovantes aux problèmes qui se posent aujourd’hui, inventer de nouvelles solutions pour lutter contre l’obsolescence… elle a fait de ces deux sujets son cœur de métier. « À chaque projet, on remet tout à plat », assure la lauréate du prix des femmes architectes dans la catégorie « œuvre originale ». Avant d’évoquer le siège social de la Société générale à Fontenay-sous-Bois (94) : « Je n’avais jamais fait de grands bureaux. On a abordé ce concours comme on l’aurait fait pour un musée… Cette construc-tion ne se réfère pas à ce qui est d’usage de faire dans ce type de projet. » Lumière, qualité de la

Anne DemiansArchitecte

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vue sur l’extérieur, « paysages plantés » installés au milieu de l’édifice, et intégration de la technique afin de préserver la fluidité des espaces définissent ce campus géant qui se présente comme un contrepoint du quartier de La Défense. Plutôt qu’une tour, l’architecte a fait le choix d’une densité horizontale sur trois bâtiments parallèles pour accueillir les 5.000 salariés de la banque.

Anne Démians n’a pourtant rien contre la grande hauteur. À l’initiative de la Ville de Paris et de la Semapa, l’architecte a participé en 2007 à un atelier sur ce thème. « La verticalité, je l’ai proposée au bord de la Seine. Il y avait une logique à construire le long de cet axe puisque tous les plus grands bâtiments s’y trouvent. Avec ses Duo, Jean Nouvel est d’ailleurs dans le dispositif de double tour que j’avais proposé », fait-elle remarquer en souriant. « J’ai défendu la tour Triangle car elle est à proximité du périphérique et permet de déplacer des bureaux du centre-ville, connus pour leur déperdition en énergie, dans un bâtiment plus vertueux. Mais je ne pense pas que la généralisation de la densité verticale aurait beaucoup de sens dans Paris. »

Si elle juge que la construction de tours dans la capitale ne se justifie pas toujours, l’architecte estime néanmoins que« des variations de hauteur dans la première couronne contri-buerait à créer des respirations, puisqu’on pourrait dégager davantage d’espaces verts ». La gagnante de la première édi-tion du concours « bas carbone » d’EDF ajoute : « Favoriser la biodiversité du territoire en portant plus d’attention aux espaces vides est capital. » Et d’imaginer « des portions de territoire sur lesquelles on choisirait de ne pas construire, laissées aux générations futures qui auraient alors la possi-bilité d’accroître, ou pas, la densité ».

Cet engagement écologique imprègne l’ensemble de ses œuvres architecturales. Le projet de la porte d’Auteuil (16e)

ne fait pas exception. Conçu avec Rudy Ricciotti, Francis Soler et Finn Geipel, cet ensemble de 4 immeubles d’habitation a été pensé dans la continuité de la coulée verte. En proposant les mêmes prestations pour tous les logements, qu’ils soient sociaux ou en accession à la propriété, Anne Démians défend un autre thème qui lui est cher : la mixité. « Heureusement qu’on se bat pour ce type de projet, mais ça ne chan-gera pas tout », reconnaît-elle, alors que l’implantation d’un habitat social dans ce quartier huppé de la capitale a provoqué la fronde des riverains.

Pour autant, l’architecte « ne croit pas à la mixité absolue », et se dit même « contre la mixité forcée : on pense qu’on peut faire habiter tout le monde avec tout le monde. Il y a des territoires catégoriels, il faut assumer la réalité et essayer de les assembler intelligemment. Il peut y avoir des mixités motivées, des incitations à habiter certains territoires, mais la mixité absolue est impossible. » Les architectes doivent ainsi proposer des espaces de rencontres et d’échanges que les populations investiraient par choix. C’est l’objectif de son pro-jet à Sarcelles (95). Pour la Caisse des dépôts, elle réfléchit, avec ses confrères Marc Barani et Francis Soler, à des projets de logements qui modifieraient l’image de la ville.

C’est également dans cette optique qu’Anne Démians imagine le pé-riphérique comme un nouveau quartier de la métropole. « J’ai

proposé de faire du périphérique un 21e arrondissement. Il faut le considérer comme un lieu de den-sification, de lien entre Paris et la première couronne », explique-t-elle. Cette idée de nouvel arron-dissement participe de son désir d’un Grand Paris organisé de façon radioconcentrique, et dont les différentes strates seraient reliées entre elles par des rayons trans-versaux. « La ville polycentrique ? Il faut repartir du centre et développer vers l’extérieur, limiter le champ d’action tout en anticipant les grands moyens de transport. Ima-giner un autre cercle, plus éloigné encore que le premier desservi par la future ligne de métro, diminuerait l’impact du premier “ring” parisien et apporterait à Paris une échelle où le plan radioconcentrique de la métropole serait valorisé et non pas conspué comme une des raisons majeures de l’exclusion sociale. »

Anne Démians l’assure : « À tra-vers le Grand Paris, il y aurait la capacité de proposer un modèle français. Il faut juste que le pou-voir politique s’en mêle et ne laisse pas les technocrates s’emparer du projet. » Mais l’architecte sait aussi que cela peut prendre du temps et n’entend pas rester les bras croi-sés. Entre le concours qu’elle a gagné pour rénover l’ESPCI Paris, les projets qu’elle souhaite déve-lopper à Marseille ou encore les cours d’architecture qu’elle dis-pense – notamment à un public de promoteurs – à l’université Paris Dauphine, Anne Démians, qui vient de célébrer les dix ans de son agence parisienne, a du pain sur la planche. ♦

s Projet pour l’ESPCI dans le quartier Latin à Paris

t Immeuble M9D4 de 55 logementsdans la ZAC Massena Chevaleret (13e)

t Les Dunes Société Générale, Val-de-Fontenay (94)

® ARCHITECTURE ANNE DÉMIANS

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COMMUNIQUÉCOMMUNIQUÉ

KIC RUEIL-MALMAISON

ENSEMBLE FAISONS BOUGER L’IMMOBILIER

KIC (Kieken Immobilier Construction) a ouvert ré-cemment une agence à Paris, et vous lancez votre premier programme immobilier en Ile-de-France. Pourquoi cette implantation ?Pendant 10 ans, nous avons beaucoup travaillé en deuxième et troisième couronne parisienne essentiellement en réalisant des programmes de bureaux comme promoteur ou contractant gé-néral. En parallèle, nous avons développé notre pôle Logement et c’est sur notre territoire his-torique, Lille et la Région Nord, que nous avons affiné nos expé-riences. Nous avons souhaité revenir sur Paris avec l’ouverture,

en 2015, d’une agence avenue Marceau.

Pourquoi réaliser vôtre première opération, une résidence de logements, à Rueil-Malmaison ?Odette, notre programme Rueillois, est d’abord une oppor-tunité. A l’origine, l’opération était menée par un confrère, et la qualité du projet initial nous a interpellé, et le fait qu’il soit situé à Rueil-Malmaison, aussi ! Cette commune est très bien si-tuée, très recherchée, et bénéfi-cie d’un cadre de vie agréable et d’une bonne accessibilité. Cela correspond complètement à nos critères. Je dois dire également que nous avons eu de bons rap-ports avec les élus et les services de la ville dans notre démarche, ainsi qu’un excellent accompa-gnement. Pour notre retour sur Paris, c’est une très belle pre-mière opération !

Les qualités architecturale et environnementale semblent être au cœur de ce pro-gramme...En effet, c’est une résidence plutôt haut de gamme de 47 lo-gements, avec une très grande

“Construire la ville et le cadre de vie avec un regard différend est notre ADN” Cédrick Delelis, Président du directoire de KIC

Cédrick Delelis Président

Géraldine Taieb directrice agence ile de France

COMMUNIQUÉ

Kieken Immobilier Construction - crédits photos : © LD3D

crédits photos : © LD3D

qualité de matériaux, pierre, bois, et une intégration idéale au site, qui propose de nom-breux espaces verts... et des rez-de-chaussée avec jardins en jouissance privative, critères es-sentiels pour nos programmes. Les espaces communs sont aus-si très travaillés, avec de belles prestations. Ce sont des points très importants pour nous, et qui sont au cœur de nos préoc-cupations.

Cette résidence est un programme mixte, avec des appartements en accession et en location. Pour KIC, cette accessibilité des programmes est une valeur importante ?Il y a en effet 15 logements en lo-cations, disposant d’une entrée distincte à l’immeuble, qui sont rétrocédés à Logement Franci-lien, un bailleur social soucieux de son patrimoine. Travailler avec les bailleurs sociaux est très habituel dans nos pro-grammes Lillois, nous en avons une grande expérience.

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proximité des nouvelles gares. Multi-modalité, densification douce, réponses constructives innovantes… toutes ces préoc-cupations sont au cœur de nos réflexions et de nos avancées.

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Quand Le Corbusier voulait raserla rive droiteEn 1925, le célèbre architecte urbaniste suisse dévoile son « plan Voisin », proposant de construire 18 gratte-ciel cruciformes de 200 m de haut, en lieu et place du Marais et d’une zone s’étendant jusqu’à la place de la République, aux gares de l’Est et de Saint-Lazare ou au rond-point des Champs-Élysées. Le tout traversé d’autoroutes urbaines de 120 m de large. Cauchemar absolu ou bonnes idées un peu trop radicales ?

Julien Descalles

Le CorbusierArchitecte urbaniste

Un choc et des sueurs froides. Tel est, en ce printemps 1925, le sentiment partagé par les visiteurs du Grand Palais qui se pressent à l’exposition internationale des Arts décoratifs de Paris. Sur un pan du mur du « pavillon de l’esprit nouveau », ils découvrent les ébauches du schéma de modernisation du centre de la capitale, baptisé « plan Voisin » et imaginé par Le Corbusier. De la place de la République au rond-point des Champs-Élysées, des gares de l’Est et Saint-Lazare à la rue de Rivoli, l’architecte urbaniste suisse fait table rase de la rive droite. Adieu le Marais, les quartiers du Temple et de la Madeleine. Exit les halles Baltard et les Grands Boulevards.

À l’est du périmètre dessiné par le chef de file du « mouve-ment moderne », 18 gratte-ciel cruciformes se dressant à 200 m de haut crèvent le ciel parisien et dominent de vastes parcs ; ils constituent un gigantesque quartier d’affaires de 240 hectares. À l’ouest, « la cité de résidences » est dédiée aux bâtiments administratifs et aux immeubles d’habitation à la taille plus modeste, hauts tout de même d’une cinquantaine de mètres (15 étages). Enfin, sur un axe ouest-est allant de Levallois (92) à Vincennes (94), et du nord au sud du plan, deux artères surélevées anticipent le règne alors naissant de la voiture, imposant deux véritables autoroutes urbaines

de 120 m de large en plein cœur de la cité.

Première antienne de l’architecte urbaniste – dont 17 réalisations viennent, en juillet dernier, d’être inscrites par l’Unesco au patri-moine mondial de l’humanité :« La circulation automobile intro-duit un système nouveau et qui bouleverse totalement le système cardiaque de la ville », souligne-t-il dès 1922, en marge de la pré-sentation de son esquisse pour« Une ville contemporaine de trois millions d’habitants », dont le plan Voisin est une version appliquée au territoire parisien. Le Corbusier fait donc la part belle au tout-voi-ture, bannissant carrefours et tout dispositif de régulation du trafic, prévoyant d’immenses parkings à ciel ouvert, éventrant la ville pour

mieux l’irriguer. Ce n’est donc pas un hasard s’il se tourne vers les constructeurs automobiles afin de financer ses études : « L’automobile a tué la grande ville. L’automobile doit la sauver », répète-t-il à Louis Renault, André Citroën et à Gabriel Voisin – fabricant de voitures et pionnier de l’aéronautique –, le seul à répondre favorablement à ses sollicitations, laissant son nom au plan. Déjà très en vogue à cette époque, cette focalisation sur le tout-voiture aboutira plus tard à l’ouverture, en 1967, de la voie Georges-Pom-pidou sur les quais de Seine ou les projets – abandonnés in extremis – de prolongement des autoroutes jusqu’au cœur de la capitale.

Aujourd’hui, près de quatre-vingt-dix ans plus tard, la Mai-rie de Paris fait machine arrière : elle piétonnise ses rives, programme l’éradication du diesel en 2020, interdit l’accès aux véhicules les plus anciens et les plus polluants… « Mais attention, Le Corbusier ne négligeait pas le rôle des transports en commun : simplement dans les années 1920, le métro est déjà construit, prospère, et pour lui, la question est réglée », rappelle Jacques Sbriglio, architecte urbaniste spécialiste de l’œuvre du « Corbu » (1). Ainsi, sur ses ébauches, une gare centrale souterraine se trouve à la croisée des deux routes, chaque tour étant desservie par une station de métro.

Autant de dessertes qui révèlent l’ambition première de l’urbaniste suisse : revitaliser le centre-ville, y concentrer les activités plutôt que les éparpiller en périphérie. « Il est fou d’aller en banlieue, d’équiper la banlieue, de consentir l’effroyable gaspillage des banlieues, d’imposer le martyre des banlieusards à 2 millions d’habitants. Il faut rentrer en ville. Telle est la tendance et non pas celle de l’exode », réaffirme-t-il en 1937, considérant que l’on peut loger 8 millions d’habi-tants dans le Paris des fortifications. Pour Le Corbusier, à qui les constructions des villes nouvelles et d’un quartier d’affaires exilé à La Défense a semblé une hérésie (2), il faut « reprendre possession de l’éternel centre de la ville. On

ne peut créer de toutes pièces des villes neuves à côté des anciennes ».De son côté, Jacques Sbriglio fait malicieusement remarquer que« l’on reproche souvent à l’initia-teur de la Charte d’Athènes (3) d’avoir voulu dissocier les fonc-tions de la ville ; or le plan Voisin défend l’inverse : les immeubles d’habitation se trouvent au pied des gratte-ciel d’affaires pour éviter de séparer bureaux et cités-dor-toirs. »

Pour lutter contre l’étalement urbain et raccourcir les distances de transport, Le Corbusier fait le choix de la densification et de la verticalité avec ses 18 gratte-ciel – véritables « postes de comman-dement de la France » – pouvant rassembler jusqu’à 700.000 travail-leurs. S’agit-il pour autant de la promotion d’un « Manhattan-sur-Seine » ? « Au contraire, New York est davantage un contre-exemple pour lui, avec ses rues étroites, sans lumière, ses buildings serrés les uns contre les autres et son dévelop-pement anarchique », rétorque Antoine Picon, président de la fondation Le Corbusier. Ainsi, en 1925, lorsqu’il explicite son pro-jet dans Urbanisme, l’architecte écrit-il qu’« une ville en hauteur [est] offerte à l’air et à la lumière, étincelante de clarté, radieuse ». Et

de décrire ses gratte-ciel comme « des cristaux purs de verre, mon-tant à 200 m de hauteur et à grande distance les uns des autres, leur pied étant entouré de frondaisons d’arbres ».

Si l’ombre de ces gigantesques tours érigées à deux pas de Notre-Dame effraie encore aujourd’hui, elle ne doit cependant pas en cacher l’une des vertus, large-ment visible sur les différents schémas du plan Voisin : la créa-tion d’immenses espaces verts en plein cœur de la capitale. « Le sol, recouvert jusqu’ici de mai-sons serrées […], n’est plus bâti que sur 5 %. Le reste est consacré aux grandes artères, aux garages de stationnement et aux parcs […] qui, en réalité, font du sol de cette nouvelle ville un immense jardin »,écrit-il encore dans Urbanisme.« On l’a oublié, car les aménageurs n’ont jamais été au bout de ses plans, mais la place de la nature au cœur des villes est primordiale dans tous les projets du “Corbu”, même dans les grands ensembles aujourd’hui si contestés », rappelle Jacques Sbriglio.

Parcs, cités-jardins, toitures végétalisées : la préoccupation environnementale est ici omni-présente. De même dessine-t-il pour les immeubles d’habitation des lotissements à redents, dans le but d’abolir « des rues en corridor bourrées de tumulte, envahies de poussière », et d’offrir « des fenêtres donnant sur des parcs étendus » et non « sur des cours obscures ».Un choix précurseur des îlots ou-verts de Christian de Portzamparc dans le 13e arrondissement. « Il y a le désir chez lui de loger tout le monde avec dignité. C’est pour lui une question philosophique : il considère l’espace urbain comme bruyant, fatiguant, dangereux, il faut donc réconcilier l’homme et la nature », assure Antoine Picon. Et de prendre en exemple la végé-tation tropicale et luxuriante de Chandigarh, en Inde, seule réali-sation aboutie d’un urbaniste qui, au fil des plans, n’aura cessé de militer pour une refonte drastique des villes : Alger, Brasilia, Buenos Aires, Moscou...

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t Le plan Voisin prévoit de remplacer le Marais par 18 tours de 200m de haut

t Les gratte-ciel dominent des parcs immenses et des autoroutes urbaines

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Reste que pour faire basculer Pa-ris dans la modernité, Charles-Édouard Jeanneret – son nom à l’état civil – paraît prêt à faire table rase du passé. De quoi en faire le fossoyeur du patrimoine parisien ?« Le procès est un peu biaisé, car on a aujourd’hui une vision pit-toresque, idyllique de ces quar-tiers. Mais dans les années 1920, c’étaient de véritables taudis ! Et Le Corbusier est loin d’être le seul à faire le choix du confort moderne plutôt que de la conservation du patrimoine », rappelle Jacques Sbriglio. En ce début des Années folles, Auguste Perret, futur archi-tecte en chef de la reconstruction du Havre, n’a-t-il pas proposé de bâtir une succession de gratte-ciel le long d’un axe Paris-Saint-Germain-en-Laye ? Et au tournant des XIXe et XXe siècles, le « casier sanitaire », vaste enquête publique sur les problèmes d’insalubrité de la capitale, a recensé 17 îlots

propices aux épidémies de toutes sortes. En tête de liste : le plateau Beaubourg et le quartier Saint-Merri (4e). Même inquiétude dans le Marais, cible privilégié du plan Voisin : le réseau d’assainissement y est alors quasi inexistant, la ma-jorité des hôtels particuliers en péril, la tuberculose galopante…

Dans Urbanisme, Le Corbusier s’improvise ainsi guérisseur : « Ce plan s’attaque aux quartiers les plus infects, aux rues les plus étri-quées [...], Paris étant malade, ma-lade. » Et de dévoiler son leitmotiv :« De la chirurgie au centre. De la médecine en dehors. » Aucune ten-tation chez lui de laisser la capitale s’enfoncer dans un destin de ville-musée : « Toute l’histoire des villes est faite de destruction et de recons-truction. Le centre, constamment refait depuis la période romaine, moyenâgeuse, des princes et de la République […], peut redonner une

vitalité incroyable à Paris », soutient-il, en appelant à la rescousse la figure tutélaire d’Haussmann pour justifier son remède de cheval : « [Il] fit dans Paris les plus larges trouées, les saignées les plus effrontées […]. Or Paris ne vit-elle pas aujourd’hui de ce que fit cet homme téméraire et courageux ? »

S’il reconnaît la radicalité du projet, Jacques Sbriglio tempère :« Non seulement, il s’interdit de toucher à la rive gauche et à l’île de la Cité, mais il prévoit aussi de laisser intact de nombreux monuments de la rive droite, à commencer par la tour Saint-Jacques, les portes Saint-Denis et Saint-Martin, la place Vendôme... » En outre ambitionne-t-il de préserver certains hôtels du Marais et les édifices religieux :« Les églises anciennes seraient sauvegardées. Elles se pré-senteraient au milieu des verdures ; rien de plus séduisant ! »

Subsiste un dernier mystère : « Dans quelle mesure était-ce de la provocation ? Croyait-il en sa réalisation ? Je pense qu’il voulait d’abord provoquer un sursaut, provoquer le débat, ré-veiller Paris », veut croire Antoine Picon. Les autorités, elles, n’auront de cesse d’ignorer les préceptes d’un architecte qui continuera pourtant toujours à réactualiser ses ambitions pour la capitale. En témoigne cette nouvelle mouture de 1937, où ne subsistent plus que 4 gratte-ciel, un tunnel routier nord-sud sous la Seine et des unités d’habitation de 50 m de haut. Après-guerre, une autre ébauche relègue les tours derrière les portes Saint-Martin et Saint-Denis. Mais, en 1962, la loi Malraux de protection du patrimoine historique rend impossible toute destruction du Marais. Le plan Voisin a fait long feu. ♦

(1) Auteur de Le Corbusier – Habiter : De la villa Savoye à l’Unité d’habitation de Marseille, Cité de l’architecture et du patrimoine/MMF/Aristeas/Actes Sud, 2009.(2) Le Corbusier est mort en 1965, année de lancement des villes nouvelles. En juillet 1958, dans une lettre adressée à André Malraux, alors ministre de la Construction, il qualifie La Défense de « non-sens, véritable propos anarchique et destructeur ! »(3) Rapport de synthèse sur le thème de « la ville fonction-nelle » rédigé en 1933 sous l’égide de Le Corbusier à l’issue du IVe congrès international d’architecture moderne.

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t Les buildings sont espacés les uns des autres au profit de vastes espaces verts

s Le Corbusier ne touche ni à la rive gauche ni à l’île de la cité

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UN AUTRE REGARD 70 UN AUTRE REGARD

Le Grand Istanbul UNE CONSTRUCTION TRÈS POLITIQUE

Située à cheval sur deux continents, l’Europe et l’Asie, la métropole occupe une place centrale dans l’organisation du pouvoir turc. Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, ancien maire de la ville, se charge directement de son aménagement. Plusieurs grands chantiers ont été lancés, dont la construction d’un troisième pont sur le Bosphore. L’ambition est de faire émerger, y compris de manière autoritaire, une ville-monde.

Vincent Dozol

« Se promener dans Istanbul était, quel que soit le but de l’expédition, un déchirement de beauté dans la frontière – que l’on voie Constantinople comme la ville la plus à l’est de l’Europe ou la plus à l’ouest de l’Asie, comme une fin ou un commencement, comme une passerelle ou une lisière, cette mixité est fracturée par la nature, et le lieu y pèse sur l’histoire comme l’histoire elle-même sur les hommes. » La Nouvelle Rome, ainsi qu’est surnommée Istanbul, a inspiré de nombreux voyageurs et écrivains, jusqu’au dernier lauréat du prix Goncourt, Mathias Enard, dans Boussole (Actes Sud, 2015). Plus prosaïquement, la cité millénaire, aujourd’hui hérissée de grues, se transforme très rapidement, en proie à une urbanisation galopante qui bouleverse des quartiers entiers, n’épargnant encore que quelques sites. Si elle n’est pas le centre du pouvoir politique (une place occupée par Ankara), la capitale économique et culturelle fait l’objet de toutes les attentions de l’État turc. Avec ses projets tita-nesques, l’aménagement du Grand Istanbul est une priorité pour les ambitions géopolitiques de la Turquie moderne. Objectif affiché : faire de la métropole située entre la mer Noire et la mer de Marmara une ville-monde.

L’ancienne Byzance, devenue Constantinople, est au-jourd’hui composée de 39 districts sous l’autorité de la muni-cipalité métropolitaine d’Istanbul. La ville, qui s’étend sur 1.830 km2 et dont la province couvre 6.220 km2, représente à elle seule environ 27 % du PIB de la Turquie. « Istanbul occupe une place cardinale dans les dispositifs du parti au pouvoir depuis plus de dix ans à l’échelle nationale, dont bon nombre de cadres ont auparavant (à partir de 1994) été à la tête des instances municipales stambouliotes », écrit l’anthropologue Yoann Morvan, coresponsable de l’Obser-vatoire urbain d’Istanbul et chercheur associé à l’Institut

français d’études anatoliennes (1).Président de la République de Turquie depuis 2014, après avoir occupé les fonctions de Premier ministre de 2003 à 2014, Recep Tayyip Erdogan, fut maire de la ville de 1994 à 1998. Depuis son accession à la tête de l’État, c’est son gouvernement qui se charge directement des grands projets d’aménagement, en collaboration avec le conseil municipal placé sous la houlette de Kadir Topbaş, maire depuis 2004.

Pour moderniser cette métropole de 14,6 millions d’habitants, le Parti de la justice et du développe-ment (AKP) au pouvoir a lancé une série de grands travaux urbains fortement imprégnés de natio-nalisme néo-ottoman. L’exécutif s’appuie sur une double structure :Toki, l’agence gouvernementale de construction de logements col-lectifs, et Kiptas, son équivalent au niveau municipal. De gré ou de force, quitte à recourir à des évic-tions brutales, des quartiers en-tiers sont vidés de leurs occupants. L’AKP semble favoriser davantage le développement économique de la métropole que la justice sociale.

Une série de nouveaux arrondis-sements a été créée en 2008, dans une logique de redécoupage poli-tique et de création d’une clientèle électorale favorable au parti au pouvoir. De fait, sur les huit nou-veaux arrondissements créés, sept sont contrôlés par l’AKP.

C’est d’ailleurs un projet d’infras-tructure urbaine qui, en 2013, a déclenché la révolte d’une partie de la jeunesse autour de la place Taksim et du parc Gezi. Ce der-nier, l’un des rares espaces verts du centre d’Istanbul, devait dis-paraître dans le cadre du projet de piétonisation de la place Taksim pour permettre la reconstruction d’une caserne ottomane. Le réa-ménagement du site fut perçu comme un retour de l’ordre ur-bain moral et conservateur dans un quartier plutôt libéral et pro-gressiste. Le tribunal administratif ayant rejeté le plan de la muni-cipalité, il est, pour le moment, suspendu. Les autres grands pro-jets annoncés doivent être réalisés d’ici à 2023, date du centenaire de la République turque. Priorité est donnée à la mobilité.

Un troisième pont sur leBosphore

Deux millions de Turcs traversent chaque jour le Bosphore qui coupe la ville en deux. Annoncé en 2012 par le ministre des transports Binali Yildirim (désigné Premier ministre en mai der-nier), un troisième pont sur le détroit a été inauguré le 26 août dernier. Situé au nord de la ville, vers l’embouchure de la mer Noire, c’est le pont de tous les records, l’un des plus grands ouvrages suspendus et haubanés au monde, sur 1,4 km. Conçu par le Français Michel Virlogeux et le Suisse Jean-François Klein, ce viaduc, dont les travaux ont été assurés par İçtaş-Astaldi, un consortium italo-turc, pour un budget compris entre 800 et 900 millions de dollars, est destiné à réduire le trafic intra-muros et à fluidifier la circulation sur les deux ponts existants, déjà saturés. Huit voies autoroutières et deux voies ferrées l’empruntent sur une largeur de 59 m. D’une longueur de 1.275 m, le pont s’inscrit dans un axe autoroutier de 260 km entre la Thrace et l’Anatolie.

Le choix de son nom – Yavuz Sultan Selim, en hommage à Selim Ier, père de Soliman le Magnifique – a suscité nombre de polémiques. Connu pour sa politique d’expansion de l’Em-pire ottoman au XVIe siècle, ce sultan est aussi resté célèbre pour ses persécutions à l’encontre de la minorité confessionnelle des alévis, qui compose aujourd’hui 10 à 15 % de la popu-lation turque. Regroupé autour des experts de la Chambre des planificateurs urbains, le principal groupe d’opposants à l’ouvrage sou-ligne aussi la menace d’étalement urbain qu’il induit et s’indigne contre la primauté donnée à l’automobile au détriment d’autres moyens de transports collectifs moins polluants. En outre, le chantier a été lancé sans études préalables d’impact environnemental, ce qui est contraire à la loi. Enfin, en amont du pont, l’autoroute traverse la forêt de Belgrade, considérée comme le « poumon vert » de la métropole.

Avec la construction de cette infrastructure, la Sublime Porte lance un nouveau cycle urbain marqué par une « planification volontariste »soutenue par le parti islamo-conservateur. En plus du nouveau pont, le Marmaray, un RER inauguré en octobre 2013, jour du 90e anniversaire de la République, permet déjà d’aller d’une rive à l’autre grâce à un long tun-nel, qui a coûté 3 milliards de dollars, creusé sous le Bosphore. Quelque 75.000 passagers peuvent l’emprunter chaque heure dans les deux sens. La construction d’Avrasya, un tunnel autoroutier plus au sud, a également débuté en 2011 et un troisième ouvrage souterrain de 6,5 km, combinant rail et voies routières,

est en projet. Istanbul doit encore se doter d’un troisième aéroport, le plus grand de Turquie avec 6 pistes, qui devrait pouvoir ac-cueillir 150 millions de passagers par an et devenir le point de tran-sit principal entre les Balkans, le Caucase et le Proche-Orient. Les travaux doivent s’achever en 2018.Enfin, promise par Erdogan en 2013 et financée par des dons à hauteur de 43 millions d’euros, la plus grande mosquée du monde est également en cours de construction. Elle est située côté asiatique sur la colline Çamlica, l’une des plus hautes de la ville, afin d’être visible depuis n’importe quel point de l’agglomération. Près de 15.000 m2 permettront d’accueillir 30.000 fidèles. Le com-plexe comprendra aussi un musée de l’islam, une bibliothèque et une galerie d’art islamique. Là encore, la Chambre des planificateurs ur-bains dénonce une construction illégale au regard de la loi sur la protection du patrimoine naturel.

Le canal du sultan

C’est le « projet fou et magnifique » annoncé par le président Erdogan en personne en 2011, un projet qui, souligne-t-il, avait déjà germé au XVIe siècle, sous le règne de Soliman le Magnifique, un projet comparable aux grandes œuvres de l’architecte Sinan (1489-1588) pour le sultan : le percement d’un canal de 50 km de long, 25 m de profondeur et 150 m de large, re-liant la mer Noire à celle de Mar-mara. Estimé pour un coût total compris entre 10 et 20 milliards de dollars, il devrait faire l’objet d’un appel d’offres avant la fin de l’année. Chaque jour, près de 130 navires – dont des supertankers

aux chargements hautement dangereux – fran-chissent le Bosphore, voie d’eau internationale où la libre circulation est garantie, depuis 1936, par la Convention de Montreux.

Pour désengorger le trafic, l’État turc prévoit donc l’ouverture de cette seconde voie mari-time à l’ouest du détroit, ainsi que la création de deux villes nouvelles. Le troisième pont sur le Bosphore et ce projet de canal inaugurent un redéploiement de la métropole vers le nord, moins urbanisé pour l’instant. Pour convaincre de la pertinence de ce projet, le gouvernement a mis en avant la protection de l’écosystème du Bosphore et la lutte contre les risques sis-miques. Pour autant, une réduction de la cir-culation sur le chenal actuel et l’imposition d’une taxe sur les navires empruntant le futur canal risquent de susciter de nouvelles tensions diplomatiques, notamment avec la Russie.

Si ces projets gigantesques témoignent des ambitions régionales et internationales de la Turquie, la participation citoyenne est mal-heureusement quasi inexistante concernant l’élaboration de ces aménagements. Dans l’éducation et l’urbanisme, « nous assistons, impuissants, aux manœuvres du pouvoir pour réécrire l’Histoire, créer une société sans mémoire, déplore ainsi l’universitaire Maya Arakon (2). Istanbul se transforme en démo-lissant la plupart des traces du passé. Toutes celles qu’Erdogan ne revendique pas. Le patri-moine des minorités qui ont fait notre richesse, notre diversité. » Les Stambouliotes ont souvent l’impression qu’une raison supérieure d’État prévaut sur les intérêts locaux. ♦

(1) Yoann Morvan, L’Aménagement du grand Istanbul : entre ambition géopolitique mon-diale et enjeux fonciers locaux. Le troisième pont sur le Bosphore, Hérodote, n° 148, La Découverte, 1er trimestre 2013.(2) Mon pays est en train de devenir un monstre, texte en ligne consultable sur le site Les Jours, https://lesjours.fr/obsessions/la-charniere/ep32-maya-arakon. Présentation d’Olivier Bertrand

s Le 3e pont enjambant le Bosphore (ici lors de sa construction) a été inauguré le 28 août

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MON GRAND PARIS

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

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Le Grand Paris de... François-Xavier DemaisonLe comédien et humoriste s’est trouvé une nouvelle maison à deux pas de la place de Clichy : le théâtre de l’Œuvre, qu’il a repris cet été avec le metteur en scène Benoît Lavigne. Ils s’affichent en hommes de goût dès leur première pièce programmée, Avant de s’envoler (à partir du 5 octobre), écrite par Florian Zeller, avec Robert Hirsch dans le rôle principal. François-Xavier Demaison, lui, a déjà pris son envol depuis bien longtemps. Il sera bientôt à l’affiche de deux films – Les Têtes de l’emploi, aux côtés de Franck Dubosc, et Comment j’ai rencontré mon père, avec Isabelle Carré – avant de monter, en janvier prochain, sur la scène de l’Olympia avec un nouveau spectacle.

Valérie Beck

Le Grand Paris, cela vous dit quelque chose ?Il s’agit bien, à la base, d’un projet politique et architectural ? Il n’y pas eu Jean Nouvel à un moment donné ? En fait, je n’en ai aucune idée ! Je ne vois pas trop ce que le Grand Paris pourrait représenter : Paris est Paris, la banlieue reste la banlieue, non ?

Que pourriez-vous en attendre ?Justement plus de proximité entre Paris et la banlieue, peut-être. J’en suis un parfait exemple. Je suis né et j’ai grandi à Asnières-sur-Seine (92). J’étais dans ma petite enclave, je ne me sentais pas du tout parisien. Je me souviens de l’expédition à chaque fois que je voulais monter à Paris : je devais attendre le 164 à Neuilly, dix sta-tions de bus, ensuite je marchais, je prenais un autre bus qui était beaucoup plus rare, et ensuite je remarchais. Conduire ma voiture a été une libération ! Mes attentes ? Créer justement plus de proximité grâce aux transports et résoudre le problème lié au périphérique qui enclave Paris. Il faudrait le recou-vrir et créer des tramways rapides

qui le traverseraient. Il faudrait aussi plus de taxis. À New-York, il suffit de se retourner pour en voir passer dix, c’est bien loin d’être le cas chez nous. Je devrais peut-être me mettre au vélo…

Quelle personnalité pour l’incar-ner ?Cela ne peut pas être le maire de Paris ou le président de la Région. Il faut une vraie personnalité, comme un artiste, pour insuffler de l’esprit, de la philosophie et de l’art de vivre.

Votre vision du Grand Paris en 2050 ?Le périphérique recouvert d’es-paces verts, j’y reviens. Je crois que le périphérique est le vrai problème. Aujourd’hui, le lieu est glauque, il faut y remédier impé-rativement.

Un endroit préféré ?J’adore les quais de Seine et les canaux. Pour la tranquillité, le romantisme. J’aime y rêvasser en traversant ainsi tous les quartiers jusqu’au 19e. C’est une de mes balades favorites.

Un bâtiment ?J’aime beaucoup le Louvre. Je passe devant la Pyramide, sous les ar-cades. C’est magnifique !

Un endroit qui vous inspire ?Montmartre, lié à un imaginaire collectif. Ce que ça a été, ce que ça n’a jamais été, ce que c’est de-venu dans notre tête, les artistes, les peintres, toute cette époque-là.

Le lieu le plus surprenant ?Toutes ces petites portes, ces pe-tites cours intérieures qu’on ne soupçonne pas. Il y a des endroits incroyables, il suffit de pousser une

porte pour tomber sur un jardin, tous ces endroits cachés, ces impasses avec des trésors d’architecture ou de végétation cachés des rues bruyantes. L’avenue Frochot à Montmartre par exemple, une enclave de verdure et d’hôtels particuliers entre la place Pigalle et une rue très bruyante, bourrées de bars.

Le plus bel espace vert ?J’adore le jardin du Luxembourg. Là-bas, j’essaie de faire des footings. Je dis bien « j’essaie » car je sature très vite et je suis crevé. Finalement, j’y marche beaucoup plus que je n’y coure !

Un lieu découvert lors d’un tournage ?J’ai découvert récemment, dans les Yvelines, la petite ville d’Andrésy, mais c’est trop loin, non ? Sinon, j’ai tourné Le Petit Nicolas à la Butte-aux-Cailles, dans un coin du 13e arrondissement où il n’y avait que des maisons incroyables en meulière. On se serait cru dans les années 1950. Tu met-tais deux bagnoles anciennes, et d’un seul coup, on était transporté dans une autre époque !

La plus belle scène ?Celle du théâtre de l’Œuvre, évidemment, le plus bel endroit de Paris, un des trésors du patrimoine théâtral français, car c’est l’un des plus vieux théâtres, fondé en 1893. C’est là où a vraiment été inventé le théâtre privé, avec Antoine, Baty et Lugné-Poe. Ce sont des visionnaires, c’est là qu’ils ont créé Ubu roi, de Jarry. Le plus important, pour nous, c’est de garder son âme.

Un Grand Paris culturel ?J’attendrai que Paris puisse redevenir une fête avec de vrais endroits de fête bon enfant. Je pense au quartier de Saint-Germain-des-Prés qui s’est beaucoup transformé. Je ne veux pas paraître nostalgique ou passéiste, mais que les boulan-geries ne deviennent pas des distributeurs de banque, que les charcuteries ne deviennent pas des grandes enseignes de vêtements. Ce qui me fait peur, c’est cette uniformisation des quartiers avec des grandes chaînes de marque. Qu’on préserve cette culture parisienne unique, véhiculée à travers certains bistrots ou commerces !

Une chanson ?À Paris, d’Yves Montand. Ou plutôt, La Complainte de la Butte : « Petite mendigote/ Je sens ta menotte/ Qui cherche ma main… » Vous la connaissez ? « Je sens ta poitrine/ Et ta taille fine/ J’oublie mon chagrin... Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux. »Montmartre toujours ! ♦

Page 37: Et si l'Ile-de-France fusionnait avec la Normandie ?

GRAND PARIS DÉVELOPPEMENT • #016 • AUTOMNE 2016

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L’Agenda du Grand Paris

LES 8 ET 9 NOVEMBRE

Baptisé Smart City/Smart Grid, le salon de la ville et territoires intelligents, durables et connectés se tiendra à la Porte de Versailles (15e), pavillon 2.2. « Des transports à l’approvisionnement en énergie, de la gestions des déchets aux services urbains innovants, [les collectivités] doivent optimiser leur fonctionnement tout en réduisant leurs coûts », expliquent les organisateurs. smartgrid-smartcity.com

DU 30 NOVEMBRE AU 2 DÉCEMBRE

Le salon de l’immobilier d’entreprise se tiendra au Palais des congrès de Paris (Porte Maillot). L’édition 2015 du SIMI avait rassemblé pendant trois jours plus de 26.000 visiteurs et 420 exposants représentant l’intégralité de l’offre immobilière et foncière, et l’ensemble des services associés à l’immobilier et l’entreprise.salonsimi.com

JUSQU’AU 16 OCTOBRE

C’est un rendez-vous à ne pas manquer pour tous les professionnels du secteur. Plus de 250 marques de tous les continents se donnent rendez-vous au parc des expositions de la porte de Versailles à l’occasion du Mondial de l’automobile de Paris. Événement incontournable et de renommée internationale, il est l’occasion pour les constructeurs de dévoiler et de promouvoir leurs dernières innovations, nouveaux modèles et avancées technologiques.mondial-automobile.com

10 OCTOBRE

C’est ce jour-là que seront dévoilés plus de la moitié des sites candidats à l’opération Inventons la Métropole du Grand Paris, un appel à projets innovants d’aménagement urbain. Le président de la Métropole, Patrick Ollier, s’est réjoui du « succès considérable » remporté par ce concours qui, depuis son lancement en février, avait déjà recueilli début septembre les candidatures de 75 mairies et 112 sites. « Nous étions dix au moment du lancement du concours, le 18 février », a-t-il précisémetropolegrandparis.fr

JUSQU’AU 27 NOVEMBRE

Pour la première fois en France, une exposition est consacrée à l’agence d’architecture Wilmotte & Associés et au studio de design Wilmotte & Industrie SAS. Sur 1.000 m² et trois niveaux, dans une chapelle du XVIIIe siècle réhabilitée au cœur de Versailles, seront présentés les projets emblématiques de l’agence qui en mène actuellement plus de 100 dans 27 pays : stades, tours, musées, chais, design, projets urbains, etc. Le Centre spirituel et culturel orthodoxe russe et la halle Freyssinet, rebaptisée Station F, doivent être inaugurés prochainement.wilmotte.fr

JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE

Le Théâtre de la Nuit avec la Région Ile-de-France et l’Association nationale des Conseils d’enfants et de jeunes lancent une opération « Grand Paris vu de nos fenêtres ». Chaque habitant de la métropole est invité à prendre des photos de ce qu’il voit de sa fenêtre et à les envoyer accompagnées d’un petit commentaire. Le résultat de cette collecte fera l’objet, à partir de mars 2017, d’expositions (dans des villes du Grand Paris, des gares...) et d’événements variés.