et de sa diversité. l'Échec scolaire un dÉbat historique
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« L'EPS n'existe que dans, par et pour l'école » (Arnaud P.). Selon cette perspective, l'analyse de l'échec dans cette discipline d'enseignement est à resituer dans le thème plus vaste de l'échec scolaire.
Notion centrale du champ éducatif aujourd 'hui , l'échec est devenu une problématique au cœur des débats scolaires. Si la perspective historique montre son lien intime à l'école, elle témoigne autant de son intérêt récent que de sa relativité et de sa diversité.
L'ÉCHEC SCOLAIRE U N DÉBAT HISTORIQUE
CONTRASTÉ PAR M. ATTALI, T. BELLIER
L'échec est un produit de l'évaluation « comme pratique régulière de l'organisation scolaire et de ses agents, pratique conforme à des procédures plus ou moins codifiées, sous-tendue par des normes d ' exce l l ence et des niveaux d'exigence institution-nellement définis » [11. Un élève est donc en échec lorsqu'il n'atteint pas l'objectif défini, lorsque l'école juge ses résultats insuffisants. Etudier la notion d'échec ne saurait donc se satisfaire de la seule approche institutionnelle. Depuis son apparition au milieu du X X e siècle et l'intérêt accru qu'elle suscite dans les années 1960 [ 2 ] , la notion d 'échec semble désormais avoir dépassé les seuls résultats scolaires pour embrasser un large spectre de conduites réprehensibles [3]. De fait, les définitions diffèrent considérablement, suivant que
l'accent est mis sur l'épanouissement de l'enfant ou sur la référence à une norme institutionnel le . L e curseur permettant d'identifier l 'échec n'est alors pas mis au même niveau et les raisons qui en dépendent diffèrent. Parmi ces dernières, trois paraissent prépondérantes : celles propres à l'élève (capacité d'apprentissage, comportement et personnalité), celles liées au système (organisation, attitude pédagogique, démarche didactique) et enfin celles induites par l'environnement (essentiellement en raison des facteurs soc io lo giques).
L'inexistence de l'échec ?
Au moment où l 'école devient obligatoire, publique et ouverte à tous, elle intègre le principe de ségrégation sociale. En effet, à la fin du X I X e siècle et au début du
X X e , la structuration des qualifications et des positions sociales est pyramidale : la masse des individus est peu ou pas qualifiée, un nombre restreint occupe des positions intermédiaires et une minorité constitue l'élite. Lo in de s'attaquer à cet état, l ' idéal républicain prôné par Jules Ferry n'affiche pas de prétention de modification de l'ordre social [2]. Il vise à faire accéder l'ensemble des Françaises et des Français à un savoir de base constituant une culture citoyenne minimale. Et si des différences de réussite existent, elles ne sont pas apparentées à un échec car elles n'influent pas sur l'avenir scolaire des élèves concernés. Les raisons incombent soit au manque de travail de l'élève soit au déterminisme social qui conditionne les niveaux des réussites des élèves [4].
La finalité « réadaptative » de l'EP C'est alors autour du principe d'inadaptation scolaire, d'anor-malité que se forge l'idée d'échec scolaire à laquelle adhère la gymnastique. Bien qu'instituée autour de préoccupations militaires, l'ЕР affiche des prétentions rééducatives, de corrections des attitudes mais aussi de réadaptation par l'exercice. Par la réalisation de leçons de gymnastique suédoise, son objet vise à rectifier les anormalités de rectitude de l'axe central. Sous l'impulsion de certains de ses promoteurs, elle s'inscrit dans la lutte contre le surmenage scolaire comme en témoigne l'expérience lyonnaise, en 1923. Cependant, tiraillée entre l'organisation d'un enseignement par tranche d'âge et les divergences d'aptitudes des élèves, l'ЕР campe sur sa finalité
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rééducative, de réadaptation par l'exercice physique. Son enseignement comme son évaluation sont cloisonnés à partir de groupes physiologiques où fonctionnent des référentiels anato-miques ou énergétiques au gré des déterminismes. Véri table « impensée » pédagogique , l'échec, par l'intermédiaire de la déviance à une norme préconçue, structure l'enseignement de l'EP sans toutefois être référé à l'appropriation de savoirs communs.
Le tournant de la Libération
Au lendemain de la Libération, les aspirations scolaires deviennent plus importantes et les voix s'élèvent pour rendre plus juste l 'accès aux études. Emblématique à bien des égards, le rapport Langevin-Wallon, rendu public en 1947, proclame ainsi le droit égal de tous les enfants au « développement maximum que leur personnalité comporte » . L 'évo
lution n'est pas mince et témoigne d'un renversement de logique important, tout au moins sur le plan idéologique. Car si la démocratisation devient le leitmotiv des années 1950, la dimension quantitative [5] est privilégiée en vue de faciliter un large accès à l'école. La réduction des échecs ne fait pas l'objet d'analyse approfondie et le rôle de l'inné reste prégnant.
L'EPS et l'idéologie des dons En EPS, l'utilisation de plus en plus importante du sport durant les années 1950, au moment-même où les portes de l ' école s'ouvrent au plus grand nombre, participe à ce processus de démocratisation [6]. Néanmoins seule l'accessibilité à ces pratiques, le plus souvent considérées comme intrinsèquement éducatives, fait l'objet d'attention. Rares sont en effet les analyses portant sur l'échec que ces dernières peuvent
provoquer. Reprenant les préceptes scolaires en vigueur, les enseignants d'EPS assignent les résultats essentiellement aux dons naturels des élèves. La méri-tocratie sportive se veut un gage d'équité et de rationalité dont l ' ob jec t iv i t é impose l 'échec comme marqueur de différences irrémédiables.
L'attitude dominante reste déterministe comme en témoigne le maintien de la représentation de l'existence de l'élève doué. Les réformes de 1959 et 1963 lui donnent une légitimité institutionnelle conséquente en instaurant une orientation reposant pour une large part sur des aptitudes innées : « Il faut détecter les plus doués, quel que soit l'endroit où ils se trouvent pour leur donner immédiatement les plus larges accès aux enseignements longs » (circulaire du 17 novembre 1961). La détection des talents passe par une orientation rapide et n'a nullement besoin d'une rénovation des procédures pédagogiques . L'enseignement de l 'EPS est ainsi en adéquation avec la log ique scolaire à l'œuvre. En effet, à l'initiation sportive qui permet de détecter les aptitudes des élèves succède un entraînement maximisant les potentialités de chacun en vue de participer à des compétitions où seuls les plus brillants pourront faire valoir leurs qualités. Un tri s'effectue donc au cours de la scolarité sans que des voies de rattrapage ne soient instaurées puisque le rôle de l 'école est davantage de hiérarchiser que d'égaliser.
L'interpellation sociologique
Cependant les premières analyses sociologiques vont contribuer progressivement à faire évoluer la perception des parcours scolaires. En 1952, René Zazzo s'intéresse au redoublement et constate qu'à Paris, 27 % des enfants redoublent la 6e. En 1959, les données statistiques recueillies montrent la constance du taux de doublement du cours préparatoire (25 % ) , l'importance du retard scolaire (60 % des élèves de CM2 sont en retard), la faiblesse de l'admission en 6e (moins de 50 % des élèves de CM2 passent en 6 e) et la rareté de l'accès au bac (7 % environ d'une génération). Le milieu social d'origine est alors peu à peu désigné comme facteur de réussite ou d'échec d'une sco
larité structurée autour d'un enseignement exclusivement disciplinaire.
L'apparition de la notion d'échec scolaire
Une démocratisation « inéquitable »
La transformation structurelle d'envergure du début des années 1960 conduit en effet une cohorte d 'élèves à être accueillis dans l'enseignement secondaire sans y être véritablement préparés. Car, si l 'organisation de l ' éco le se modifie sensiblement, les modes pédagogiques évoluent peu malgré l'afflux d'élèves qui bousculent les habitudes. À l'image des autres disciplines, l 'enseignement de l'EPS reste organisé sur des progressions techniques dispensées uniformément à tous les élèves [6] . Sur un autre plan, la mixité, par exemple, consécutive de la démocratisation de l'école, entraîne peu de renouvellement et la reconduction de schémas anciens participe à la reproduction des inégalités [7]. Bien que la massification soit défendue afin d'assurer l'égalité de tous devant l 'école, force est de constater qu'elle ne suffit pas à établir l 'équité entraînant par conséquent dans son s i l lage l'échec de plus en plus d'élèves. L'ampleur du phénomène et les difficultés qu'il provoque anime une réflexion nouvelle sur un sujet ancien.
D'un fatalisme à l'autre
Désormais, on considère que l'échec est de moins en moins dû à la seule responsabili té de l'élève mais de plus en plus le fait de déterminismes sociologiques prégnants. Les données statistiques montrent que, selon les f i l ières, l ' o r ig ine sociale des élèves change et qu'en fonction des positions de chacun les taux de réussite se modifient. Les travaux de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, initiés en particulier avec Les Héritiers [8] , font ainsi l'effet d'un électrochoc dans la communauté scolaire, au cours des années 1970. Les auteurs mettent en évidence que la composante essentielle de l'échec, chez les sujets observés, est de n 'avoi r pas hérité des savoir-faire intellectuels omniprésents et essentiels dans les attentes institutionnelles conduisant au succès. Les élèves issus des catégories sociales les plus
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Une séance de gymnastique corrective à l'École de Joinville devant une section de la division des instituteurs (vers 1920).
Une séance d'éducation physique : initiation au saut en hauteur (vers 1950).
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élevées s'identifieraient ainsi davantage aux maîtres, leur permettant une meilleure adhésion aux valeurs et normes de l'institution. Les travaux sur l'effet Pygmalion sont ainsi régulièrement évoqués pour montrer combien tout apprentissage est chargé de significations [9 ] . Un basculement des logiques s 'effectue alors pour faire de l'échec le facteur de régulation essentiel du système éducatif. Les syndicats enseignants s'emparent de la question dénonçant notamment son iniquité et les revues pédagogiques multiplient les dossiers à son égard en vue de trouver des solutions pratiques à son dépassement. Les travaux sociologiques permettent alors de mettre en exergue ce qui va vite devenir des évidences : - la massification, en multipliant le nombre d'élèves en échec, a provoqué une prise de conscience de l'extrême difficulté à laquelle étaient confrontés les enfants issus de catégories sociales habituellement exclues de ces niveaux d'enseignement ;
- le maintien des références culturelles d'une élite et des procédés pédagogiques fonctionnant quand une infime minorité était scolarisée, pose problème aux nouveaux venus de l'enseignement secondaire.
Ainsi s'effectue le passage d'un fatalisme psychologique/biologique à un fatalisme sociologique qui sclérose les chances de faire régresser l'échec scolaire.
1970-1980 : des remédiations possibles
Au cours de cette décennie, deux
mouvements se dessinent pour tenter de remédier à ce qui devient la préoccupation essentielle de l'école. • Une perspective de reformulation de la notion de démocratisation. A la fréquentation de l'école doit s'associer l'assimilation par l'ensemble de la collectivité de ce qui est désormais nommée une culture commune. Une adaptation de l'institution aux publics qu'elle accueille devient incontournable pour dépasser les écueils précédents. La loi Haby. en 1975. en établissant le collège unique et surtout en mettant en avant cette notion que certains assimileront à un SMIG culturel, vise ainsi à dépasser les limites de la démocratisation issue de 1959.
• Un questionnement de la logique « économiste » , apparue avec les réformes Berthoin et Fouchet. Dans la phase de croissance de la scolarisation, liée à la prolongation de l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans, le bénéfice en terme de qualification s'accompagne de bénéfice en terme d'accès à l'emploi. Mais avec la crise des années 1970. et la montée du chômage, notamment celui des jeunes, l'insertion redevient, malgré 15 ans de démocratisation de l'accès à l'enseignement secondaire, un processus complexe et difficile. L'école se retrouve interpellée : sa fonction « d'ascenseur social » serait en panne.
L'échec : une donnée structurelle du système éducatif
L'échec comme « un obstacle à franchir »
Au début des années 1980,
l'échec devient une donnée centrale des politiques éducatives surtout avec l'avènement d'un gouvernement de gauche qui en fait l'étendard de sa politique scolaire. Les mesures ne se font pas attendre et le 1er juillet 1981, les zones d'éducation prioritaire (ZEP) sont créées afin d'adapter le système aux élèves et non de forcer ces derniers à s'adapter à un système dont ils ne comprennent pas la logique. Pouvant être considérée comme un véritable gap philosophique, cette initiative vise à neutraliser la variable soc io log ique appréhendée comme la principale cause d'échec. Elle initie ainsi des dispositifs pédagogiques, des contenus d'enseignement, visant non pas à réduire les exigences mais à emprunter d'autres voies pour les atteindre. Désormais, l 'échec scolaire ne doit plus être considéré comme une fatalité mais comme un obstacle que tous les élèves doivent pouvoir franchir. Les Z E P ne constituent pas d'ailleurs la seule réflexion sur ce sujet. La série de rapports commandée par Ala in Savary y consacre une part importante des analyses. Celui que Louis Legrand remet, en 1983, est à ce sujet sans ambiguïté : « Le collège réalise une scolarisation de masse par un enseignement uniforme : c'est un premier facteur d'échec car il ne tient pas compte de la diversité des élèves » [10]. Antoine Prost de son côté relève que « cet enseignement uniforme est en porte-à-faux par rapport à sa clientèle effective [ . . . ] . Le collège a répondu par un enseignement uniforme et de type secondaire à une demande qui était du type primaire supérieur » [11].
À la mobilisation des enseignants sont ainsi associés des dispositifs de soutien scolaire et de différenciation des pédagogies qui ne permettent pas, loin s'en faut, d'éradiquer l'échec. Ils doivent inviter chaque élève rencontrant de grandes difficultés à mieux vivre sa scolarité. Dès lors, comme un véritable raz-de-marée, les initiatives se succèdent, se télescopent pour favoriser tant la curiosité de l'élève que son investissement dans des apprentissages qui doivent devenir « palpables » .
L'EPS, moyen privilégié ?
La didactique comme la pédagog ie d i f férenciée inondent le champ de l 'EPS dans un but de réduire les fortes différences dues à une utilisation du sport que certains jugent inconsidérée. Confrontée d'une part à l'hétérogénéité des apprentissages moteurs et toujours en mal de reconnaissance scolaire, les enseignants d'EPS s'auréolent de pouvoir apporter leur contribution à la généralisation de ces outils, perçue alors comme une thérapie incontournable au malaise de l 'école. L ' E P S se forge ainsi une place de choix dans le second degré et ses enseignants deviennent des référents dans la compréhension des élèves en situation d'apprentissage. A l'heure de la rénovation des collèges, ils portent les projets pédagogiques disciplinaires et interdisciplinaires et sont à l'initiative des projets d'action éducatives. Portée par une dimension ludique, tout en démontrant des vertus propédeutiques et un
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Une séance d'éducation physique mixte : un parcours sur portique (vers 1960).
Une séance d'escalade en ZEP (2004).
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attachement aux savoirs académiques, l 'EPS apparaît comme un moyen privilégié pour récréer une attractivité de l 'école chez des élèves rejetant les apprentissages traditionnels. Mais en EPS, comme dans les autres matières, les groupes de niveaux, de besoins, la différenciation des procédés pédagogiques, voire d'évaluation, ne suffisent pas à assurer la réussite de tous les élèves. Séduisantes à bien des égards, les ZEP, la généralisation d'outils et d'interfaces didactico-pédagogiques se heurtent aux habitudes scolaires et se détournent de leurs buts initiaux fondés sur le principe d'égalité des objectifs malgré une inégalité des procédures adoptées pour les atteindre. Ces distorsions interpellent les fondements de l 'homogénéité nationale de l'enseignement et des diplômes en conduisant à transiger sur les savoirs en fonction des lieux d'enseignement [12] et donc des publics concernés [13]. L'échec pourrait ainsi être plus faible non en raison des seules adaptations pédagogiques mais parce que les objectifs à atteindre seraient différents.
Donner du sens aux apprentissages
Cette situation prend une résonance particulière au milieu des années 1990 lorsque s'accroît la force du lien entre diplôme et capacité d'insertion professionnelle. Trop éloigné, pour certains, d'une utilité sociale et professionnelle effective, le système scolaire favoriserait la diffusion de savoirs théoriques, non porteurs de sens pratique générant un désengagement des élèves. Pour
y remédier sont organisés alors des travaux personnels encadrés [14], des parcours diversifiés [ 1 5 ] , des itinéraires de découverte [ 1 6 ] , invitant les é lèves , par un enseignement interdisciplinaire, à donner du sens à leurs apprentissages mais aussi à en devenir des acteurs à part entière. « La réussite d'une école tient d'abord à ce qu'elle arme tous les élèves et les futurs citoyens de connaissances, de compétences et de règles de comportement jugés aujourd'hui indispensables à une vie sociale et personnelle réussie [ . . . ] . Une école de la réussite est une école utile aux élèves, même et surtout aux plus faibles d'entre eux, qui, tous, devront nécessairement entrer dans la vie professionnelle » [17].
Souvent portées par les équipes EPS, ces réalisations doivent favoriser l'attractivité scolaire, la réadaptation au métier d'élève. Si l'engagement des enseignants d'EPS leur permet d'éclairer leur contribution scolaire mais aussi de redonner du sens à leur discipline devenue très cogni t ive , générant à son tour de l 'échec [ 3 ] , il renoue avec des images d'antan. L'EPS est repositionnée comme thérapie des maux de l'école sans qu'il lui soit reconnue une réelle valeur éducative liée à des savoirs propres. Durant cette dernière décennie, les variables pédagogique et situationnelle pour expliquer et réduire l'échec ont pris le pas. Il s'agit de prendre en compte la situation qui voit naître l'échec et plus seulement l'institution et l'enfant. La pédagogie est devenue un médiateur de l'échec sur
lequel les enseignants peuvent agir pour en réduire la portée. Elle contribue ainsi à réduire le fatalisme qui a longtemps marqué l'école : « Si l'on transforme les facteurs psychologiques, culturels, structurels, socio-économiques en lois d'airain et en déterminismes implacables, l'intervention éducative ne peut être qu'une sorte de « soins palliatifs » ou de « mystification » des pédagogues » [18]. Les débats à l'occasion du vote de la loi d'orientation dite Fi l lon en 2005, ont néanmoins montré la résurgence d'un ordre établi des savoirs à enseigner dont les élèves auraient à s'approprier sans autre forme de procès pédagogique.
Si l ' éco le a considérablement amélioré sa capacité à instruire, former, éduquer, orienter un nombre de plus en plus important d ' é l èves , jusqu'à conduire la quasi-totalité d'une classe d'âge au-delà même de la scolarité obligatoire, elle n'a pas réussi à égaliser les chances de réussir. La massification du système scolaire n'a pas été accompagnée d'un accroissement de même ampleur de l'égalité des chances. Le maintien d'une organisation et d'une pédagogie propres à un enseignement secondaire conçu pour une élite sociale et culturelle a engendré, chez les jeunes dont les parents n'avaient pas fréquenté le secondaire, un échec scolaire significatif. Il aura fallu près d'un siècle pour accepter l ' idée que l'élève ne pouvait porter l'entière responsabili té de son échec et plus de trente ans pour envisager une redistribution des attributions de l'école et de ses modes de fonctionnement : « La réforme des co l l èges n'a pas seulement consol idé la stratification sociale : elle l'a légitimé, puisqu'elle l'a fait reposer sur des critères apparemment scolaires et non plus ouvertement sociaux » [12].
À une élimination préalable, faite essentiellement à l'extérieur du système scolaire, s'est substituée une élimination progressive réalisée depuis l ' intérieur. Ains i sommes-nous revenus au point de départ : l 'élève, avec sa famille, porte la responsabilité de sa carrière scolaire comme il portait
autrefois la responsabilité de son échec qui prend désormais la forme d'une démobilisation marquée par l 'absentéisme et la déscolarisation.
Michaël Attal i , Thierry Bellier,
UFRAPS Grenoble 1 (38) [email protected] [email protected]
Notes bibliographiques
[ I ] Perrenoud P.. La triple fabrication de
l'échec scolaire, Genève. 1992.
[2] Isambert-Jamati V., « Quelques rappels
de l 'émergence de l'échec scolaire dans les
milieux pédagogiques français » in Pierre-
Humbert B. . L'échec à l'école : échec de
l 'école, Neuchâtel, Delachaux & Niest lé .
1992.
[3] Lê-Germain E., « Échec scolaire : place
et fonction de l 'EPS à travers l'histoire » .
Revue ERS, n° 289, mai-juin 2001.
[4] Hutmacher W . , « L ' é c o l e peut-elle se
considérer partie prenante du problème de
l'échec ? » in Pierrehumbert B. , L'échec à
l'école : échec de l'école, op. cit.
[ 5 ] R o b e r t A . , Système éducatif et
réformes, Paris : Nathan, 1993.
[ 6 ] At ta l i M . , Saint-Mart in J., l'EP de
¡945 à nos jours. Les étapes d'une démo
cratisation, Paris ; A . Colin, 2004.
[7 ] Attali M . , Ot togal l i -Mazzacaval lo C. ,
Saint-Martin J.. « École et égalité sexuée
(1959-1975) : les résistances de l 'EPS » ,
Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, Tou
louse : P U M , 2007 (sous presse).
[81 Bourdieu P., Passeron J.-C., Les Héri
tiers : les étudiants et la culture. Paris : Éd.
de Minuit. 1964.
[9] Ferrandez G., « L'attente du milieu ou
l'effet Pygmalion » in G F E N , L'échec sco
laire. Doué ou non doué ? Paris : Éd .
sociales, 1975.
[ 1 0 ] L e g r a n d L . , Pour un changement
démocratique, rapport au ministre de l 'É
ducation nationale. Paris : La documenta
tion française, 1983.
[11] Prost A . , Éducation Société et poli
tiques. Une histoire de ll'nseignement en
France de ¡945 à nos jours, Paris : Seuil. 1992.
[12] Combaz G., « Décentralisation, auto
nomie des établissements scolaires et éga
lité des chances » . in Revue Française de
Pédagogie n° 115. 1996.
[13] P o g g i - C o m b a z M.P . , « Distribution
des contenus d 'enseignement en EPS au
col lège selon les caractéristiques sociales
du public scolaire : des différences non
aléatoires » in Revue Française de Pédago
gie. n°139, 2002.
[14] B O E N n° 14 du 8 avril 2000.
[15] B O E N n ° 2 4 du 14 juin 2001.
[16] B O E N n° 16 du 18 avril 2002.
[17] Thélot C., Pour la réussite de tous les
élèves. Rapport de la commission du débat
national sur l'avenir de l'école, Paris : La documentation française, 2004
[18] Dictionnaire encyclopédique de l'édu
cation et de la formation, Paris : Retz, 2005
( 3 e éd . ) .
50 POUR VOUS ABONNER AUX REVUES EP.S ET EPS 1 TEL 01 55 56 71 28 EMAIL [email protected]
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