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LAB’INSIGHT L’intelligence artificielle comme terrain de ren- contre entre industriels et académiques DOMINIQUE JONCKHEERE L’homme-orchestre du 175 e anniversaire de l’ULB ESPRIT MAGAZINE DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES BELGIQUE-BELGIE P.P. - P.B. 1099 BRUXELLES X BC1587 17 - AVRIL 2011 LIBRE PÉRIODIQUE - PARAÎT 5 FOIS PAR AN L’OCÉAN EN MODE ACOUSTIQUE De la biologie à la glaciologie : l’acoustique comme méthode d’exploration unique LES VOYAGEURS DU SAVOIR Étudiants d’ailleurs… vies d’ici. Témoignages & expo La CHIMIE DANS TOUS SES ÉTATS

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Page 1: ESPRIT MAGAZINE DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES LIBRE · terfaces(CHANI)enFacultédesSciences:lelaboratoiredeFran-çois Reniers tente de comprendre les mécanismes réactionnels

LAB’INSIGHTL’intelligence artificiellecomme terrain de ren-contre entre industrielset académiques

DOMINIQUEJONCKHEEREL’homme-orchestredu 175e anniversairede l’ULB

ESPRITM A G A Z I N E D E L ’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L L E S

BELGIQUE-BELGIEP.P. - P.B.

1099 BRUXELLES XBC1587

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L’OCÉAN EN MODEACOUSTIQUEDe la biologie à laglaciologie : l’acoustiquecomme méthoded’exploration unique

LES VOYAGEURSDU SAVOIRÉtudiants d’ailleurs…vies d’ici.Témoignages & expo

La CHIMIEDANS TOUS SES ÉTATS

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12édito

N° 17 - AVRIL 2011

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LA CHIMIE DANS TOUS SES ÉTATS

Panorama de la Chimie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 05

Structures et interactions moléculaires . . . . . 06

Quand la chimie mélange les fluides . . . . . . . . . . 07

À l’ère des plasmas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 08

Un expérimentarium de chimie à la Plaine . 09

Nanomatériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Revendiquer le « mariage gay » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Mères monstrueuses

L’infanticide, au-delà du geste criminel . . . . . . 12

À la rencontre de l’intelligence artificielle . 13

Conseil européen de la recherchePolitique et économie primées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

ULBcdaire : L’UNIF EN BRÈVES...

L’océan en mode acoustique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Physique nucléaire. Priorités stratégiques . 20

Été austral et scientifique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Case Prison. L’éternel surplace . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Fondation Reine Elisabeth

Le cerveau passe aux aveux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Dominique Jonckheere

L’homme orchestre du 175e anniversaire . . . 24

Repenser la démocratieÊtre gouverné au XXIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Issa Some. Entre Ouaga et Bruxelles,son cœur balance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Les voyageurs du savoirÉtudiants d’ailleurs… vies d’ici . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

LIVRES

À VOIR, À FAIRE À L’ULB… OU AILLEURS

C’est en nous-mêmes que nous devons puiserles forces vives qui continueront à assurerle développement de notre université.

Construire ensembleune université ouverte

Chère lectrice, cher lecteur,

Comme vous avez pu le constater, l’Université libre de Bruxelles connaît actuel-lement un nouvel essor. Les bâtiments qui apparaissent sur les campus et lacréation de la Faculté d’Architecture à partir des Instituts supérieurs d’archi-tecture Victor Horta et la Cambre constituent deux exemples qui ne trompentpas : l’ULB se développe !

Dans ce contexte, en janvier, le Conseil d’administration m’a accordé sa confiancepour la présidence de l’Université. Ma candidature se fondait sur un pro-gramme dont le fil rouge est que l’avenir de l’ULB réside dans le potentiel desa communauté (étudiantes et étudiants, membres du personnel, alumni). C’esten nous-mêmes que nous devons puiser les forces vives qui continueront àassurer le développement de notre Université.

L’ULB est une Université unique parce qu’elle se fonde sur le double engagementde défendre une totale liberté de recherche et d’enseignement et d’œuvrer auprogrès social. La liberté académique permet la qualité et la vitalité de notrerecherche, dont ce numéro d’Esprit libre témoigne abondamment: des domainesde la chimie au mariage gay, des neurosciences aux prisons, nos chercheuseset chercheurs abordent sans tabou et en profondeur une multitude de thèmes.

La contribution de l’Université au progrès social s’opère évidemment par lestravaux de recherche mais aussi par la refonte de nos pratiques d’enseignementet le développement progressif d’une pédagogie innovante, visant à l’éman-cipation intellectuelle de toutes nos étudiantes et tous nos étudiants, sanspréjudice de leur origine socioculturelle. La multidisciplinarité, la transmissionde savoirs et savoir-faire issus de notre recherche constituent deux piliers denos enseignements qui permettent à nos diplômés des parcours certes souventatypiques (d’ingénieur civil à chef d’orchestre, par exemple) mais ô combienenrichissants pour la société.

Cependant, il ne peut être question d’en rester là. C’est par sa force de pro-position que notre Université pourra continuer à se déployer ! Tout doit être misen œuvre pour que de nouveaux projets émergent de la communauté ulbisteafin de construire ensemble notre idéal institutionnel. Dès lors, la porte de laprésidence est grande ouverte : je me tiens à la disposition de toute personnedésireuse de proposer une initiative.

Chère lectrice, cher lecteur, je vous lance donc un appel : toutes et tous ensem-ble, mettons-nous dès à présent au travail pour construire notre Université.

> Alain Delchambre,Président du Conseil d’administration

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La chimiedans tousses états

Du Nobel de chimie décerné à IlyaPrigogine à la coordination du projeteuropéen One-P en passant par lesnombreuses publications dans desrevues scientifiques internationales,la chimie à l’ULB est reconnue.

Désormais pluridisciplinaire, larecherche en chimie est souvent étroi-tement liée à la biologie, la physiqueou encore l’environnement. En Facultédes Sciences, plusieurs chercheurstentent par exemple d’élucider lesmécanismes moléculaires qui sous-tendent le fonctionnement des orga-nismes vivants ; d’autres sontspécialisés dans l’étude de la réacti-vité des plasmas atmosphériques auxinterfaces ; d’autres encore veulentcomprendre dans quelles conditionsdes systèmes réaction/diffusion/convection peuvent se structurerspontanément dans l’espace. Desquestions souvent fondamentalesmais aussi étroitement liées à desapplications multiples.

En cette Année internationale de lachimie, Esprit libre a poussé les portesde laboratoires du Département dechimie de l’Université et s’est inté-ressé aussi à ces chercheurs quiprésentent leur discipline au grandpublic…

04ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE|

ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE|

05Panorama de la ChimieÀ l’occasion de l’Année internationale de la chimie, Esprit libre est alléà la rencontre du Département de chimie de l’ULB. Une promenadede la chimie à la biochimie avec Fabrice Homblé, Président duDépartement et responsable du service Structure et fonction desmembranes biologiques.

Esprit libre : La chimie àl’ULB, c’est déjà une longuehistoire…Fabrice Homblé : En effetpuisque la chimie est une desdisciplines qui composent laFaculté des Sciences dès lacréation de l’Université en1834. Très appréciés parl’ensemble de la communautéscientifique, les travaux enchimie menés à l’ULB bénéfi-cient très tôt de l’interventiongénéreuse d’Ernest Solvay,perpétuée jusqu’à nos jourspar ses héritiers, la familleSolvay. Aujourd’hui, la chimieest devenue pluridisciplinaire ;des laboratoires de recherchese sont développés nonseulement en Faculté desSciences, son « berceau »mais aussi dans les Facultésdes Sciences appliquées, dePharmacie et de Médecine.

Esprit libre : Lorsqu’onévoque la chimie à l’ULB, unnom vient immédiatement surles lèvres : Ilya Prigogine.Fabrice Homblé : C’est certain ;les travaux réalisés en chimiethéorique à l’ULB ont eu unretentissement mondiallorsqu’en 1977, Ilya Prigoginea reçu le Prix Nobel de Chimiepour ses travaux en thermo-dynamique de non équilibreet en particulier la théorie desstructures dissipatives. Lesconcepts développés par IlyaPrigogine continuent à influen-cer les nouvelles générationsde chercheurs non seulementen chimie mais égalementdans les autres disciplines,tant dans les sciences« dures » que dans lessciences « molles » et ce dansle monde entier.

Esprit libre : Vous avez pris en2011 la présidence du Dépar-tement de chimie de la

Faculté des Sciences.Présentez-le-nous enquelques mots...Fabrice Homblé : Notre Dépar-tement est constitué de 11services et unités de rechercheorganisés autour de cinqthématiques générales : lachimie quantique et la photo-physique, la chimie organiqueet les polymères, la chimie desinterfaces et des nanostruc-tures, la chimie et la biologiethéoriques, la biochimie.Les thèmes de recherchesdéveloppés au sein du Dépar-tement de Chimie reflètent lecaractère pluridisciplinaire decette discipline et en parti-culier ses interconnexionsavec la biologie, la physiqueet l’environnement. Si nostravaux sont régulièrementpubliés dans des revues inter-nationales prestigieuses,si nous participons à desprojets importants soutenusnotamment par l’Union euro-péenne et la Politique scienti-fique fédérale, nous sommeségalement très actifs dans lacommunication à destinationdu grand public, en particulierà travers des expositions.

Esprit libre : Votre rechercheporte sur la biochimie. C’est-à-dire ?Fabrice Homblé : Le rôle de lachimie dans la compréhensiondumonde vivant est central carl’émergence de la vie est unprocessus de nature chimique.De plus, la formation d’unemembrane qui limite l’espaceoccupé par une cellule et lesorganites cellulaires qui lacomposent est un événementmajeur dans l’apparition desorganismes vivants. La mem-brane est constituée de lipides(phospholipides et stérols) etde protéines qui contrôlentles échanges sélectifs de

matière, d’énergie et d’infor-mation entre la cellule et sonenvironnement. De cettemanière, elle joue un rôle clédans la régulation de la phy-siologie des êtres vivants. Laproduction d’énergie essen-tielle à notre métabolisme,l’absorption d’éléments nutri-tifs ou l’influx nerveux qui estle vecteur de l’information lelong de notre système nerveuxsont quelques exemples nonexhaustifs de fonctionscontrôlées par la membrane.Les protéines membranairesreprésentent 30% des pro-téines codées dans lesgénomes séquencés et plus de60% desmédicaments sontdirigés contre des protéinesmembranaires. On comprenddès lors l’importance desmembranes dans le fonction-nement des organismesvivants et leur intérêt pour lesindustries pharmaceutiques.

Esprit libre : Vous évoquiezla pluridisciplinarité de lachimie. Est-elle égalementprésente au sein du serviceStructure et fonction desmembranes biologiques(SFMB) que vous dirigezavec Erik Goormaghtigh ?Fabrice Homblé : Oui, notreservice regroupe une cinquan-taine de chercheurs issus dela chimie mais aussi de labiologie, de la physique ainsique des bioingénieurs. Cettecomplémentarité de compé-tences permet une approchepluridisciplinaire où deschercheurs de formationsdifférentes conjuguent leurcréativité pour élucider desmécanismes moléculaires quisous-tendent le fonctionne-ment des organismes vivants.

Esprit libre : Quellesquestions étudiez-vous ?

Fabrice Homblé : Le SFMBdéveloppe des projets derecherche fondamentale etappliquée dans des domainesde pointe tels que le diagnos-tic et le traitement du cancer,les mécanismes de résistanceaux agents anticancéreux,la maladie d'Alzheimer,la transfection des cellules,le mode d’action d’agentsimmuno-modulateurs, ladétoxication de métauxlourds, l’élucidation de lastructure et de la fonction desprotéines membranaires. Cestravaux ont conduit à la publi-cation de nombreux articlesdans des revues scientifiquesinternationales de haut niveauet à un brevet sur le dévelop-pement de bio-senseurs enpartenariat avec l’UMONS etl’UCL. Je citerai deux exemplesde publications récentes : larésolution au niveau atomiqued’une des unités du transpor-teur impliqué dans la résis-tance auxmétaux lourds desbactéries d’une part et unmodèle montrant le rôle desprotéines membranairesimpliquées dans l’émergencede la croissance apicale descellules végétales d’autrepart.

> Nathalie Gobbe

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En savoir plusSur le Départementde Chimie :http://www.ulb.ac.be/facs/sciences/chim/index.html

Sur la Biochimie :http://sfmb.ulb.ac.be

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

06ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE

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Que se passe-t-il quand on mélange une molécule rouge et unemolécule bleue? Vont-elles se repousser? Ou au contraire s’at-tirer pour donner une molécule verte? Par quels mécanismesles liaisons vont-elles se faire et se défaire? Qu’on travaille avecun solvant ou un gaz, dans un bécher ou dans l’atmosphère, unemême question se pose : comment ça fonctionne? Et la réponseultime se trouve dans la structure interne des molécules et leursinteractions.

Le Laboratoire de Chimie quantique et photophysique de laFaculté des Sciences centre sa recherche sur cette questionpurement fondamentale, qui rassemble sa trentaine de cher-cheurs. Ici, on traite des phénomènes de taille microscopique– 10-10 mètres – , qui se déroulent en un temps de 10-15 secondes:des échelles purement quantiques.

INVESTIGATION«Toute réaction chimique est une réaction entre différentsatomes, différentes molécules qui composent la matière et quiinteragissent entre eux. Pour comprendre ces réactions, notrelaboratoire les observe par spectroscopie notamment à l’aide delasers très performants, à l’échelle microscopique et les modé-lise théoriquement requérant un usage intensif des plus grossescapacités du centre de calcul ULB/VUB», explique le professeurNathalie Vaeck. «Une de nos priorités est d’améliorer nosmoyens d’investigation», poursuit Michel Herman, co-directeur

du Laboratoire, « Jean Vander Auwera et moi-même, avec noséquipes, développons en interne nos instruments expérimen-taux tandis que Michel Godefroid, Jacky Liévin et Nathalie Vaecks’attaquent aux codes informatiques, en fonction des propriétésque nous voulons mettre en évidence. La qualité et la compéti-tivité de notre recherche au niveau international sont à ce prix».

DES AURORES BORÉALESAUX ÉRUPTIONS VOLCANIQUESPurement fondamentales, les questions étudiées pourraient nousaider à mieux comprendre des phénomènes multiples, commepar exemple les aurores boréales nées d’une interaction entre lesions des vents issus d’une éruption solaire et l’atmosphère ter-restre : le Laboratoire de Chimie quantique et photophysique estcapable de modéliser les réactions chimiques entre ces ions etles molécules ou atomes neutres de notre atmosphère. Plusproche de l’application mais adoptant la même approche et lesmêmes technologies au sein du Laboratoire, l’équipe de Pierre-François Coheur a, grâce au satellite à infrarouge IASI, établi lapremière cartographie globale de l’ammoniac, un polluant pri-maire encore trop mal connu ou encore lors de l’éruption du vol-can islandais Eyjafjöll, les chercheurs ont suivi le panache decendres et mesuré les concentrations en dioxyde de soufre, encristaux de glace et en poussières de cendre.

> Nathalie Gobbe

Structures & interactions moléculairesLe Laboratoire de Chimie quantique et photophysique de la Faculté des Sciences tente decomprendre la structure interne des atomes et des molécules et leurs interactions. Deuxmots-clefs pour ces chercheurs : microscopique et quantique.

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE|

07Quand la chimiemélange les fluides

Au sein du service de Chimie physique et Biologie théorique, Anne De Wittente de comprendre dans quelles conditions des systèmes réaction/diffu-sion/convection peuvent se structurer spontanément dans l’espace. Unquestionnement qui s’inscrit dans la tradition d’Ilya Prigogine – connu pour sacélèbre théorie d’auto-organisation des structures chimiques hors d’équilibre– et qui pourrait aboutir à différentes applications environnementales.

Prix Nobel de chimie en 1977, Ilya Prigogine a formé des géné-rations de chimistes à l’ULB. Il a aussi ses héritiers en recherche– « l’ École de Bruxelles » –, parmi lesquels Anne De Wit, à latête, avec Albert Goldbeter, du service de Chimie physique etBiologie théorique, en Faculté des Sciences. Les chercheurs dece service s’intéressent à l’étude des structures dans le tempset dans l’espace, structures dissipatives qui se créent et opè-rent dans un environnement car elles échangent en permanencede l’énergie et de la matière avec celui-ci. Cette auto-organisa-tion du système est donc possible s’il est maintenu loin del’équilibre. Elle engendre des rythmes et des oscillations dans letemps et dans l’espace observés dans de nombreux systèmesphysico-chimiques et biologiques différents.

Anne De Wit s’inscrit dans ce courant pour s’interroger sur unphénomène qu’elle étudie à l’échelle macroscopique : le cou-plage entre réactions chimiques et les mouvements de convec-tion. Ces mouvements ont des origines multiples : c’estclassiquement la solution chimique qu’on agite dans une éprou-vette, ce peut aussi être le courant d’une rivière, le vent qui souf-fle sur un plan d’eau, etc. La question à laquelle tentent derépondre Anne De Wit et son groupe est double : Comment cesmouvements de convection vont-ils modifier le rendement d’uneréaction ? Une réaction chimique peut-elle générer elle-mêmespontanément un mouvement organisé spatialement au départd’un système initialement au repos ? Ou pour prendre un exem-ple, mettez en contact une base et un acide, laissez-les au reposet observez. Que va-t-il se passer ? Les fluides vont entrer enmouvement et former des structures de toute beauté évoluantdans le temps et l’espace. Se profile dès lors une série de ques-tions fondamentales pour le chimiste : quelles formes se dessi-nent-elles ? Quelles symétries se brisent-elles ?

APPLICATIONSSi le questionnement est théorique, les applications sont éga-lement bien présentes, comme l’explique Anne De Wit : « Lesapplications environnementales sont multiples. Prenons l’exem-ple de la séquestration du CO2 qu’on présente aujourd’huicomme une réponse à la pollution industrielle. On envisage decapturer le CO2 à la sortie des cheminées d’usines, de le liqué-fier et ensuite de l’injecter dans le sous-sol. Mais que se pas-sera-t-il si ce CO2 séquestré entre en contact avec une nappeaquifère ? Le CO2 va acidifier l’eau, entraînant l’acidification derivières, la mort de poissons, etc. Et que se passe-t-il dans lesous-sol ? A l’heure actuelle, on l’ignore. Or, comprendre lesmouvements et les formes qui se créent entre fluides réactifs etles modéliser devrait aider à prédire ce qui se passerait dans lesous-sol ».

En combinant modèles théoriques, simulations numériques etexpérimentation, l’équipe d’Anne De Wit étudie l’influence deréactions sur les mélanges entre fluides et tente de prédire lesconditions pour empêcher ou limiter le mélange ou encore pourinfluencer la réaction chimique entre espèces enfermées dansdes milieux poreux. Des expériences menées également en mi-crogravité, en collaboration avec l’Agence spatiale européenne,ESA. « Les réactions chimiques peuvent jouer sur la densité, laviscosité ou la tension de surface pour créer un mouvement. Surterre, les trois sources de convection sont possibles, ce qui rendle phénomène d’autant plus complexe à étudier. En apesanteur,en revanche, nous ne rencontrons plus que deux sources quenous pouvons modéliser », précise Anne De Wit.

> Nathalie Gobbe

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

08ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE

| À l’ère des plasmasLe laboratoire des Plasmas du service de Chimie analytique et chimie des interfaces(CHANI) est spécialisé dans l’étude de la réactivité des plasmas atmosphériques auxinterfaces. Une chimie nouvelle aux perspectives appliquées nombreuses, en particulierpour l’environnement.

Près de 99% de la matière de l’univers se présente sous formede plasma, à savoir de la matière partiellement ou totalementionisée. De quoi attiser la curiosité de nombreux scientifiques,parmi lesquels le service de Chimie analytique et chimie des in-terfaces (CHANI) en Faculté des Sciences : le laboratoire de Fran-çois Reniers tente de comprendre les mécanismes réactionnelsqui se produisent à l’interface entre plasmas et surfaces. Plusprécisément, l’expertise du laboratoire porte sur une nouvellechimie, celle des plasmas opérant à pression atmosphérique.

CHIMIE VERTEUne recherche qui ouvre des perspectives appliquées immé-diates : mieux comprendre ces phénomènes aidera à synthétiserde nouveaux matériaux, de nouvelles couches, aux nouvellespropriétés. Des matériaux intelligents multifonctionnels, desmatériaux hydrophobes ou antibactériens, des surfaces auto-nettoyantes ou «barrières», des couches photocatalytiques ouanti-corrosion, etc.

Une approche qui s’inscrit dans ce qu’on réunit aujourd’hui sousle label «chimie verte» puisque les plasmas atmosphériquessont non-polluants et très intéressants sur le plan énergétique.Une approche qui n’a pas manqué d’intéresser le pôle de com-pétitivité MECATECH: CHANI et ses partenaires participent auprojet MIRAGE qui vise la mise au point de revêtements de sur-face actifs pour une meilleure gestion de l’environnement. Uneexpertise qui devrait également séduire le nouveau pôle de laRégion wallonne, GREENWIN focalisé sur le cycle de vie de lamatière et visant à réduire notre empreinte environnementalepar le développement technologique et l'innovation.

INTERDISCIPLINAIRESpécificité de CHANI : son interdisciplinarité, comme l’expliqueFrançois Reniers : «Notre expertise porte sur les plasmas at-mosphériques et sur la caractérisation fine des surfaces et in-terfaces solides ; nous sommes capables de créer de nouvellescouches avec de nouvelles propriétés et ainsi de répondre à une

diversité de problèmes. Mais ces problèmes, ce n’est pas nousqui les posons mais bien des collègues qui peuvent être des in-génieurs, des médecins, des biologistes, etc ; ou encore, trèssouvent, des partenaires industriels. Et ce sont eux qui valorisentles nouvelles propriétés de «nos» plasmas».

CHANI participe par exemple au Pôle d’attraction interuniversi-taire (PAI) «Physical Chemistry of Plasma-Surface Interactions -PSI» coordonné d’ailleurs par l’ULB ( Marie-Paule Delplancke,Faculté des Sciences appliquées) et qui a pour but de fédérer ungrand nombre de groupes belges dont les recherches portentsur les plasmas réactifs. CHANI est également partenaire avecla VUB du projet GREENCOAT soutenu par la Région deBruxelles-capitale et qui a pour objectif de déposer par plasmaatmosphérique des films sur des surfaces métalliques utiliséesdans le domaine de la construction, avec propriétés multifonc-tionnelles et respect de l’environnement. Le laboratoire estaussi impliqué avec l’Institut de biologie et de médecine molé-culaires (IBMM, David Perez-Morga) dans une recherche sur lesfilms biocompatibles, à savoir des films où les cellules refuse-raient de se fixer…

> Nathalie Gobbe

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ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE

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Un expérimentariumde chimie à la PlaineÀ l’occasion de l’«année internationale de la chimie, pourquoi ne pas créer un expéri-mentarium de chimie à l’ULB ? Voilà l’idée qui a germé dans les esprits d’un quatuor dechimistes particulièrement actifs dans la vulgarisation de leur domaine, Claudine Buess,Jean-Christophe Leloup, CécileMoucheron et Nathalie Vaeck. Rendez-vous nous est donnécet automne pour son inauguration sur le campus de la Plaine.

Esprit libre : Pourquoi vulga-riser la chimie ?Nathalie Vaeck : Plus de 90%des produits qui nous entou-rent au quotidien sont passésdans les mains de chimistes:le plastique, la peinture, lemobilier, les routes, les pneus,les médicaments, l’alimenta-tion etc. Or, malgré la placeimportante occupée par lachimie dans notre société,les jeunes s’en détournent.

Cécile Moucheron : Paradoxa-lement, il y a de très nombreuxdébouchés dans le secteur del’industrie chimique qui est le2e employeur en Belgique. Ony cherche des gens qualifiésque l’on trouve de plus enplus difficilement aujourd’hui.Si nous n’avons plus degrands professionnels dans ledomaine, cela risque de poser,à terme, un réel problème desociété.

Esprit libre : Vous avezconstaté une diminution desinscriptions en chime ?CécileMoucheron :Nous avonseu deux années exception-nelles avec 90 inscrits en pre-mière année mais nous tour-nons plutôt autour de 60 étu-diants en BA1. Et il faut savoirque malgré ce chiffre nousreprésentons le départementde chimie le plus importantde la Communauté française.C’est donc inquiétant !

Esprit libre : A quoi attribuez-vous ce désintérêt ?Nathalie Vaeck : La chimie aune image négative dans legrand public. On l’associe à lapollution, aux herbicides, auxdangers type Seveso. Quandj’étais petite, je jouais avec« Le parfait petit chimiste ».Lorsque j’ai voulu acheter« La chimie amusante » à mes

filles, j’ai été ahurie de lire surle couvercle de la boîte « sansproduits chimiques » … or il ya déjà de la chimie dans l’eauou dans le sel … donc on nesort pas de cette connotationnégative.

Esprit libre : Comment donnerle goût de la chimie auxjeunes ?Cécile Moucheron : Dans lesclasses du secondaire où lesprofesseurs sont excellents etpassionnés et réalisent desexpériences avec leursélèves, nous ne constatonspas de désaffection pour lachimie. Ce sont eux qui moti-vent les jeunes et les amènentvers les bancs de l’Université.Il nous faut plus d’enseignantsde cette trempe; c’est ce quiaurait l’effet le plus immédiat.

Esprit libre : Les labos de chi-mie, c’est important ?Cécile Moucheron : La notiond’expérimentation est fonda-mentale en chimie, or il y a ena de moins en moins dans lesecondaire. Cela explique trèscertainement le succès deslabos que nous organisonsdans le cadre du Printempsdes Sciences. Plus d’un mil-lier d’élèves accompagnés deleurs enseignants fréquententcet événement. Au cours desannées, nous avons mis aupoint toute une série d’expé-riences très explicites pour lesenfants du primaire et du se-condaire : comment extraireles parfums, comment fairedu savon, la cuisine molécu-laire, les états de la matière…

Nathalie Vaeck : Il est impor-tant que les élèves puissent« maniper » eux-mêmes, dèsle primaire si possible, car lesenfants petits sont trèscurieux et retiennent bien.

Jean-Christophe Leloup :Dans le cadre de cette annéeun peu particulière, une actioninternationale va être entre-prise cet automne pour distri-buer des kits de manipulationsur l’eau dans les écoles.C’est Claudine Buess de notredépartement qui va coordon-ner l’action au niveau belge.L’objectif est que les enseig-nants intègrent à leur cursusdes expériences adaptées aumilieu scolaire.

Esprit libre : C’est ce typed’expériences que les élèvespourront faire dans le futurexpérimentarium de chimie ?Cécile Moucheron : Oui, nousavons accumulé des expé-riences simples ces dernièresannées qui nous permettentd’expliquer une foule de

choses. C’est notamment ceque nous avons valorisé der-nièrement à travers l’exposi-tion de la chimie sans lesyeux (une reprise de 1999 !).En outre, nous avons demandéaux étudiants de BA 3 de réa-liser un projet dans le cadrede leur nouveau travail de finde cycle. Cela permettrad’offrir de nouveaux proto-coles d’expériences pour lePrintemps des Sciences quipourront prendre place à côtédes autres au sein de notreexpérimentarium.Ce dernier aura donc un rôledouble : celui d’expliquer lachimie tant aux élèves du pri-maire que du secondaire touten impliquant nos étudiantsde BA3.

> Isabelle Pollet

VU LE SUCCÈS REMPORTÉ, L'EXPOSITION « LA CHIMIE SANS LES YEUX »A DÛ JOUER LES PROLONGATIONS !

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

10ANNÉEINTERNATIONALEDELACHIMIE

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Nanomatériaux

PodcastsParolesde chercheurs

Envie de prolonger votre découvertede la chimie à l’ULB ?Anne De Wit (Chimie physique etBiologie théorique), Cédric Govaerts(Structure et Fonction des mem-branes biologiques) et Thierry Visartde Bocarmé (Chimie physique desmatériaux) vous présentent leursrecherches dans les podcasts Parolesde chercheurs.

A écouter sur :www.ulb.ac.be/actulb/podcast.php

Week-endde la Chimie etdes Sciences de la Vie

Dans le cadre du week-end de la Chimie et des Sciences de la Vie organisé parEssenscia, le Biopark Charleroi Brussels South de l’Université libre de Bruxellesouvre ses portes le dimanche 22Mai après-midi, de 13h à 17h.

L’occasion de venir découvrir, en famille, un campus universitaire et industrielde pointe dédié aux Sciences de la Vie. Des stands d’informations et des ani-mations scientifiques menées par le Centre de culture scientifique accueillerontles visiteurs dès 13 heures, au Point Centre de l’Aéropole (avenue Lemaître 19,Gosselies). Ils pourront ensuite visiter des laboratoires de biotechnologie encompagnie de chercheurs du Biopark et découvrir les activités innovantes qui ysont menées dans le domaine biomédical et les métiers qui y sont réunis.

Des questions ?Appelez le 071 600 300 ou envoyez un e-mail à l'adresse [email protected]

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Le projet ONE-P - Organic Nanomaterialsfor Electronics and Photonics – a pourobjectif de positionner l’Europe dans ledomaine de l’électronique et de la pho-tonique en développant les matériauxorganiques adéquats ainsi que les pro-cédés de leur mise en œuvre.

Ces nouveaux matériaux organiques,pour la plupart imprimables, auront unimpact énorme pour quatre grandes ca-tégories d’applications de notre vie quo-tidienne : les transistors, les cellulesphotovoltaïques et photodétecteurs, les

écrans et ampoules, les senseurs. «Les2 premières années du projet, les cher-cheurs ont beaucoup progressé dans laconnaissance scientifique de ces nou-veaux matériaux organiques, moinschers en prix et en énergie que des ma-tériaux classiques et présentant de nou-velles propriétés telles que la flexibilité,la légèreté, etc. Les chercheurs ont tra-vaillé sur le design des molécules et lasynthèse d’une première génération dematériaux qui ont été testés. La deuxièmeannée a permis de fabriquer de nou-velles molécules et d’améliorer les pro-

priétés de ces matériaux. Plus d’unecentaine d’articles scientifiques ont étépubliés dans le cadre du projet ; plu-sieurs brevets ont été soumis. Désor-mais, nous entamons la 3e et dernièreannée du projet et nous allons nousconcentrer sur le potentiel d’exploitationindustrielle des résultats de la recherche»,précise Véronique de Halleux, en chargede la gestion technique et scientifiquede ONE-P.

> Nathalie Gobbe

En savoir plus :www.one-p.eu

Le laboratoire de Chimie des polymères (Faculté des Sciences) dirigé parYves Geerts coordonne le projet ONE-P, un projet d’envergure qui réunit28 partenaires, soit plus de 150 chercheurs et qui est financé par l’Unioneuropéenne (7e programme-cadre) pour un budget total de 26 millionsd’euros sur 3 ans.

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ENJEUXDESOCIETÉ|

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Nouvelle étape dans le processus de reconnaissance légaledes unions de même sexe, le «mariage gay» est aujourd’huidébattu dans de nombreux pays. David Paternotte, chargé derecherches du FNRS à l’ULB et co-directeur de l’Atelier genre(s)et sexualité(s) (Faculté des Sciences sociales et politiques),s’est penché sur l’émergence de cette revendication dans Re-vendiquer le «mariage gay». Belgique, France et Espagne. TroisEtats dans lesquels les militants gays et lesbiens exigèrenttrès tôt le droit de se marier.

«Ce n’est pas un ouvrage sociologique sur les transformationsde la famille», prévient le chercheur à propos de ce livre issude sa thèse. «Ma recherche est vraiment axée sur le travaildes militants : comment ont-il agi ? Pourquoi ? Car ce sont euxqui ont élaboré l’exigence d’ouverture du mariage aux unionsdu même sexe, l’ont transformée en revendication et ont contri-bué à la diffuser dans les trois pays étudiés», poursuit-il.

TRIANGLE DE VELOURSLa Belgique, la France et l’Espagne «partagent certes des ra-cines catholiques et un Code civil inspiré du Code Napoléon(dans lequel le mariage est central, NDLR)», rappelle-t-il. Tou-tefois, des différences existent, notamment, peut-on lire, au ni-veau de « la structuration du système et du jeu politiques, desrapports entre État et mouvements sociaux ou de l’histoire del’homosexualité». David Paternotte a donc voulu savoir «pour-quoi, dans des pays a priori différents, les associations gayeset lesbiennes ont abouti aux mêmes revendications et pour-quoi l’adoption de ces dernières a suivi un rythme relative-ment similaire».

Pour répondre à ces questions, il ne suffisait pas d’appréhenderles pays individuellement mais il convenait de s’intéresser auxréseaux transnationaux, notamment aux réseaux des juristes quiont aidé à cadrer le débat. Les acteurs impliqués (militants, res-ponsables politiques et juristes) fonctionnent selon un «trianglede velours» a pu observer l’auteur. «C’est un très petit mondeavec des relations étroites entre des personnes qui se connais-sent bien. Les juristes et politiques peuvent ainsi être d’anciensmilitants. Comme ces thématiques au niveau politique restentpeu institutionnalisées, cela fonctionne encore fort par relations,selon une logique souvent informelle», déclare-t-il.

RUPTURE DANS LES DISCOURSPour fonder la revendication du mariage, les militants fontappel aux principes d’égalité et de non-discrimination. En effet,si l’on établit qu’il y a discrimination lorsque deux personnesse trouvant dans la même situation sont traitées différemment,le refus de l’ouverture au mariage pour les couples de mêmesexe apparaît dès lors discriminatoire. Ce que revendiquent lesmilitants c’est la liberté de pouvoir se marier ou pas. Pour

David Paternotte, «cette revendication du droit au mariageconstitue une rupture par rapport aux discours des premièresgénérations de militants. Cette rupture s’explique par le faitque les militants ont changé mais aussi par les transforma-tions qui ont eu lieu au niveau des familles et du mariage. Unedifférenciation s’établit ainsi entre le mariage et la procréation.Ces changements ont permis aux militants de revendiquerl’accès au mariage et au législateur de pouvoir l’autoriser».

NORMALISER PAR LE MARIAGEEn dépit des points de convergence entre les trois pays, il se-rait illusoire de ne pas prendre en compte l’histoire individuellede ceux-ci. L’auteur traite largement de cet aspect. Il montre parexemple le rapport à la dictature en Espagne qui s’exprime parla volonté de réparer ce qui a été commis précédemment. L’ou-verture au mariage gay a aussi permis à la péninsule ibériquede passer du statut de «pays à la traine» au niveau européen -une étiquette qui lui est souvent apposée - à celui d’exempleà suivre. Et si l’on peut d‘ailleurs s’étonner que les avancéesaient été plus rapides dans un pays comme l’Espagne considérécomme davantage conservateur, selon le chercheur, «le mariagepermet de réinscrire l’enfant homosexuel dans sa famille en luioffrant un statut au même titre que les autres couples. Doncl’ouverture au mariage gay est peut-être révolutionnaire maisc’est aussi un moyen de normaliser l’homosexualité».

> Violaine Jadoul

Espagne, Belgique et France: trois pays a priori différents, danslesquels la revendication du mariage gay s’est faite au mêmemoment et avec des arguments similaires. David Paternotte,chargé de recherches du FNRS, explique ce phénomène en unouvrage issu de sa thèse.

Revendiquer le«mariage gay»

ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

+Infos :www.ulb.ac.be/is/ags

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

12 MèresmonstrueusesL’infanticide, au-delà du geste criminelElles tuent. Et surtout, elles tuent leurs enfants. Cas de figure impardonnable etincompréhensible pour le commun des mortels. Et pour nos sociétés qui, à traversl’attention toujours croissante des médias, stigmatisent de plus en plus un comportementsans pour autant aider à le décrypter. Un colloque du Centre SAGES (Savoirs, Genre,Sociétés), proposait récemment un éclairage sur l’évolution des représentations de cesmères « monstrueuses ». Rencontre avec trois des organisatrices : Muriel Andrin,Vanessa d’Hooghe et Barbara Obst.

Esprit libre : Est-on face àune recrudescence des cas demères infanticides ? L’actua-lité récente aux Pays-Bas, enAllemagne ou en France,tendrait à le faire croire. Lesmédias, en tous les cas, enfont de plus en plus écho...Muriel Andrin : Je crois quece phénomène a toujoursexisté. Ce colloque, organiséle lendemain de la Journéede la femme, était l’occasiond’apporter un éclairage pluri-disciplinaire sur ses représen-tations à travers les siècles,et l’évolution du personnagede la« mère monstrueuse » àtravers la création artistiqueet les médias.Il y a une dimension mythiquede la femme infanticide ;parce que le phénomène estspectaculaire, qu’il poseénormément de questions entermes de morale, mais aussi– et c’est là où cela nous inté-resse plus particulièrement –,en termes de représentationsféminines, d’attentes concer-nant les femmes, leur fémi-nité, leur « rôle de mère »...

Barbara Obst : …Je réaliseactuellement mon doctoratsur les romans policiers écritspar des auteures allemandes.À cette occasion, je me suisplongée dans les statistiquesde criminalité chez lesfemmes. Elles sont en légèrehausse en Allemagne ; parcontre, les cas d’infanticides,liés à des dénis de grossesse,sont en régression. Je me suisalors demandé pourquoi onen parlait autant à travers lesmédias… Je pense que celan’est pas anodin, qu’on es-saie de remettre les femmes

‘à leur place’, au foyer, à lamaison. Il y a 30 ans, Elisa-beth Badinter sortait sonlivre « Et l’amour en plus » etdéconstruisait le mythe del’amour maternel. L’annéedernière, elle publiait unnouvel ouvrage, « Le conflit »,dans lequel elle démontrequ’en temps de crise écono-mique, on essaie de renvoyerles femmes à leur ‘rôle clas-sique’ ; ce qui permet entreautres de faire baisser lesstatistiques du chômage…On joue d’ailleurs sur desaspects inattendus pour jus-tifier ce retour en arrière.L’écologie par exemple,permet de justifier le retour àl’allaitement maternel.

Esprit libre : L’acte d’infanti-cide reste difficilementreprésentable…Muriel Andrin : Le cinéma,pour ne citer que ce domaine,a eu du mal à représenter legeste fatidique. L’ellipse,l’allégorie, les masques, ontsouvent été utilisés pour évo-quer la monstruosité, l’actetransgressif, sans la montrerde façon explicite.

Esprit libre : La démarche duCentre SAGES consiste enune approche transversale ettrandisciplinaire…Vanessa d’Hooghe : Il réunitdes spécialistes de diffé-rentes disciplines: cinéma,histoire, philosophie, littéra-ture, information et commu-nication… Ce type de colloqueest un moment idéal pournous rassembler autourd’une thématique complexeen permettant des éclairagesvariés. En l’occurrence ici, le

questionnement sur les as-pects éthiques ou bioéthiques,sur les droits de l’enfant, surles implications médicales,psychiatriques ou psychana-lytiques…

Muriel Andrin : Notre centreexiste depuis à peine deuxans mais se construit autourd’une approche d’ouverture.SAGES est un lieu où toutesles disciplines viennent éclai-rer notre propre recherche.Cette multiplication depoints de vue fait sa plus-value, sa richesse.

Esprit libre : Quelles ont étéles premières conclusions dece colloque ?Vanessa d’Hooghe : Nousnous sommes rendues compteque l’on avait finalement peuévoqué la mère monstrueuseen termes de scandale etd’exception, pour se focalisersur ce qu’est une ‘mauvaise’ou une ‘bonne’ mère, auquotidien, sur l’obligationsociale de ‘faire des enfants’,etc. Que la définition de la‘mauvaise mère’ était d’ail-leurs souvent extérieure à lafemme. Nous avons parexemple reçu deux responsa-bles d’un collectif de femmesqui a édité un ouvrage intitulé« Réflexions autour d’untabou – l’infanticide », ou-vrage abordant l’infanticidesous l’aspect social et poli-tique, et non sous sesapproches imposées, qu’ellessoient judiciaires, psychia-triques ou autres.

Barbara Obst : Nous aurionsaimé pouvoir embrasser unevision moins occidentale de

l’infanticide mais il était im-possible d’aborder tous lesaspects culturels. En Chine,en Inde, cet acte est relative-ment excusé, voire acceptépar la société qui ne punitpas ces mères. Nous sommesdonc loin d’avoir épuisé lesujet ou les approches quel’on peut en faire.

> Alain Dauchot

En savoir plus

SAGES :[email protected]

« Réflexions autourd’un tabou - l’infanticide »,Ouvrage collectif,Presses de la SCOP,Toulouse, février 2011.Pour l’obtenir :[email protected]

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CETTE PHOTO ILLUSTRAIT L’AFFICHE DU COL-LOQUE SUR LES MÈRES MONSTRUEUSES, QUIS’EST TENU LE 7 MARS DERNIER À L’ULB.PHOTO : © BARBARA HARSCH.

ÉTUDEDEGENRE

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�RECHERCHEDEPOINTE&INDUSTRIE|

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Des collaborations avec l’entreprise, IRIDIA (Institut de re-cherches interdisciplinaires et de développements en intelli-gence artificielle) en a noué dès sa création dans les années80. Et avec de beaux succès à la clef pour cet institut de la Fa-culté des Sciences appliquées. «Dans les années 80, l’intelli-gence artificielle concernait la prise de décision : on essayaitd’automatiser le raisonnement humain, comme l’illustrel’exemple de l’ordinateur qui joue aux échecs avec un cham-pion», se souvient Hugues Bersini, co-directeur d’IRIDIA,«Notre institut a, à l’époque, développé des systèmes expertsnotamment pour le milieu bancaire, capables de décider, enimitant le raisonnement du banquier, par exemple si un créditpouvait être attribué à un client».

BIOLOGIELes années 90 ont vu l’intelligence artificielle délaisser lecognitif et s’orienter vers la biologie : les chercheurs se sontalors intéressés aux réseaux de neurones et ont développéde nouveaux algorithmes inspirés de la biologie. Et les col-laborations entre IRIDIA – qui compte aujourd’hui une qua-rantaine de chercheurs – et le monde industriel se sontpoursuivies. « Les algorithmes existent, les entreprises fontsouvent appel à nous pour trouver une solution « sur me-sure », pour utiliser correctement certains algorithmes oupour se former », explique Hugues Bersini. «Nous avons parexemple développé pour une multinationale alimentaire, unalgorithme permettant de prédire l’impact d’une publicité ;pour une autre, nous avons mis au point un algorithme dereconnaissance de défaut vitreux qui lui permet de réorien-ter sa production selon le type de défaut ; pour une troi-sième, IRIDIA a développé un algorithme d’optimisation ducar sharing ; etc. ».

IRIDIA a aussi joué un rôle – petit ou grand – dans la créationde plusieurs spin-offs : Mentis active en bioinformatique, Opti-mal Design ou encore Vadis tournée vers le secteur bancaire. Etprochainement, Enlighten Bioscience. Soutenu par le pro-gramme «Spin-off in Brussels» de la Région de Bruxelles-Capi-tale, le projet « Enlighten Bioscience » (qui associe IRIDIA etIRIBHM de l’ULB et une équipe de la VUB) s’inscrit dans la conti-nuité du projet In Silico, également soutenu par la Région :conduit par David Weiss, « Enlighten Bioscience » vise à valo-riser des outils bioinformatiques que développe IRIDIA en vuede structurer et standardiser des données génétiques issues,par exemple, de cancers. Ces ressources « bases de données »jouent aujourd’hui un rôle essentiel à la fois pour augmenter lapuissance statistique (les chercheurs peuvent croiser différentesdonnées d’études éparses) et pour ouvrir de nouvelles possi-bilités de recherche pour la médecine personnalisée.

CRÉATIVITÉAlors, les relations entre laboratoire académique et entreprisesont au beau fixe ? «L’intelligence artificielle est un secteurpropice aux collaborations avec l’entreprise ; d’ailleurs l’infor-matique est un outil à la disposition d’autres sciences aveclesquelles nous collaborons ; néanmoins, c’est avant tout unequestion de personnalités», observe Hugues Bersini, « Inter-agir avec l’entreprise, cela signifie pour le chercheur de de-voir résoudre un problème donné, dans un temps limité, avecun souci de rentabilité à court terme; cela implique de fairepreuve de créativité mais cela nécessite aussi d’alterner cetype de recherche avec de la recherche académique pure parceque l’une et l’autre se nourrissent mutuellement».

> Nathalie Gobbe

Le 30 mai se tient à l’ULB, un «Lab’InSight» dédié à l’intelligence artificielle. Ou commentfaire se rencontrer chercheurs académiques et industriels… Parmi les participants, IRIDIA quiaffiche déjà à son actif quelques collaborations fructueuses avec l’entreprise.

À la rencontre del’intelligence artificielle

Lab’InSightNé d’une collaboration entre les ré-seaux LIEU (réseau des interfaces en-treprises-universités francophonesbelges) et SPOW (Science Parks ofWallonia), le Lab’InSight vise à favo-riser les collaborations entre entre-prises et laboratoires en réunissantl’ensemble des acteurs pendant unedemi-journée. Au programme, visitesde laboratoires virtuelles et in situ,échanges de questions et expertises.Le prochain Lab’InSight, sur le thèmede l’intelligence artificielle, a lieu lelundi 30 mai 2011, à l’ULB.

Infos : www.reseaulieu.be/labinsight�

+ Cette image illustre la thématique de recherche «neural networks», abordée par Code IRIDIA I.

ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

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14RECHERCHE&RECONNAISSANCE

| Conseil européen de la recherchePolitique et économie primées

Justine Lacroix (Département de science politique) etBram De Rock (ECARES) ont décroché un prestigieuxStarting Grant du Conseil européen de la recherche.

Si la littérature sur les Droits de l’homme est aujourd’hui prolifique, il existe peud’analyses des critiques des Droits de l’homme issues du sein même de la pen-sée politique. C’est cette approche originale qu’a choisi de soutenir le Conseil eu-ropéen de la recherche en attribuant à Justine Lacroix un Starting Grant pour sonprojet «Human Rights versus Democracy? Towards a conceptual genealogy ofskepticism about human rights in contemporary polital thought».

Par ce projet, la chercheuse du Département de Science politique de l’ULB en-tend d’abord étudier les critiques adressées par six penseurs aux Droits del’homme et en particulier à la Déclaration de 1789, à savoir : Burke, De Maistre,Bentham, Marx, Comte et Schmitt. L’intérêt de cet échantillon est d’illustrer la trèsgrande diversité des critiques adressées aux Droits de l’homme puisqu’on y trouvedes auteurs conservateurs, réactionnaires, progressistes ou révolutionnaires.

Dans un second temps, Justine Lacroix croisera ses observations sur les auteursclassiques avec le questionnement contemporain sur la domination du discoursdes Droits de l’homme dans nos sociétés.

«Grace au soutien de l’ERC, je pourrai dégager du temps pour ma recherchependant 5 ans et accueillir un doctorant et un post-doctorant qui viendront ren-forcer l’équipe existante. Mon objectif est de mettre sur pied à l’ULB un centrede théorie politique, inspiré de ce qui existe déjà dans le monde anglo-saxon oùla théorie politique constitue un champ de recherche à part entière, situé aucroisement de la science politique, de la philosophie et de l’histoire des idéespolitiques», explique Justine Lacroix.

ÉCONOMIEBram De Rock a lui aussi décroché un Starting Grant du Conseil européen de larecherche. Chercheur au sein d’ECARES (European Centre for Advanced Researchin Economics and Statistics), son projet de recherche porte sur les modèles deconsommation des ménages («A revealed preference analysis of householdconsumption models»).

Les chercheurs s’accordent aujourd’hui pour dire que les comportements deconsommation des ménages sont dictés par des préférences individuelles (quipeuvent diverger entre membres du ménage) et par le processus de décision ausein-même du ménage. Néanmoins, les modèles alternatifs prenant en compteces différentes dimensions divergent entre eux.

Avec le soutien de l’ERC, Bram De Rock va développer des méthodologies depréférence révélées complémentaires (RP) qui évitent les biais des modèlesalternatifs : il va déduire des caractéristiques de préférence révélée - une « boîteà outils » - pour l’ensemble des modèles de comportement de consommationdes ménages. Dans un second temps, il confrontera sa méthodologie à des don-nées empiriques.

«L’objectif final de ce projet de recherche est de démontrer l’utilité de la boîte àoutils RP dans diverses recherches économiques liées à la consommation desménages», souligne Bram De Rock.

> Nathalie Gobbe

Chercheurs à découvrir...

Rien ne prédestinait Justine Lacroix à larecherche. Diplômée de Sciences Po Paris,elle entame une carrière dans le secteurpublic et associatif européen. A 27 ans,elle décide de se réorienter vers uneactivité qui lui donnera une plus grandeliberté de pensée: elle entame une thèsede doctorat en science politique à l’ULB.Aujourd’hui, elle est professeur au Dépar-tement de sciences politiques de l’ULB.

Ses premières années de recherche, Jus-tine Lacroix les consacre aux débats intel-lectuels contemporains autour de l’Europe.Elle publiera sur ces questions plusieurslivres dont le dernier, European Stories.Intellectual Debates on Europe in NationalContexts (édité avec Kalypso Nicolaïdis)est sorti en novembre 2010, aux Pressesde l’Université d’Oxford.

Bram De Rock entame une licence enmathématique à la KULeuven. En paral-lèle, il réalise un post-graduate programmeen Business Administration, ensuite, ilenchaîne avec un master en économie etil décroche en 2006 un doctorat en ma-thématique et en 2007 un doctorat enéconomie. Le tout à la KULeuven.

Ses premières recherches, Bram De Rockles effectue à la KULeuven, avec unthème qui l’occupe toujours aujourd’hui :les choix collectifs. En 2007, deux doc-torats en poche, Bram De Rock arrive àl’ULB, comme chargé de cours. Il estnommé à titre définitif trois ans plus tard.Il poursuit aujourd’hui ses recherches ausein du centre ECARES.

Découvrez leur portrait surwww.ulbruxelles.be,rubrique Actualités, Portraits.

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L’UNIFEN

BRÈVES…

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

Deux bioingénieures auRallye des GazellesElles sont ambitieuses, déterminées etaventurièresmais elles sont également…de l'ULB. Anne Richelle et Camille Vassartsont parties défier les centaines deconcurrentes venues du monde entier, àl'édition 2011 du Rallye Aïcha des Ga-zelles qui se déroulait auMaroc du 19Mars au 4 Avril 2011. Cette course en horspiste est un rassemblement sportif 100%féminin avec un concept simple: pour ga-gner, il faut faire le moins de kilomètres.Mais l'événement ne se résume pas qu'àla course, il développe un aspect humani-taire à travers l'association «Cœur de Ga-zelles» avec sa caravanemédicale et sesdifférents programmes de scolarisation,d'aides au développement durable, deréinsertion professionnelle, etc.

Écouter Noam ChomskyLe linguiste et philosophe américainNoam Chomsky était l'invité du Centred’Histoire et de Sociologie des gauchesde l’ULB, du Comac, de Bxl laïque etd’Aden, le 16 mars dernier au Solbosch.Connu pour ses critiques de la politiqueétrangère des États-Unis, du néo-libéra-lisme et de la globalisation, NoamChomsky est considéré comme une desgrandes figures intellectuelles dumonde contemporain.Écoutez sa conférence sur :www.ulb.ac.be/actulb

L’ULB et BoumerdèsDepuis de nombreuses années, une coo-pération se construit entre notre Univer-sité et celle de Boumerdès (Algérie). Unprojet PIC financé par la CUD porte surl’allergie aux acariens des poussières de

maison (partenaire belge: l’ULg).Un se-cond projet financé par le WBI (WallonieBruxelles International) a suivi et portequant à lui sur la microbiologie des eauxhyper-salées des chotts et sebkhras ethyper-polluées de l’extraction pétrolière(recherche d’extrèmophiles). Les projetsde biologie financés par WBI se poursui-vent sans discontinuité depuis 2003.Par ailleurs, en matière de gouvernanceuniversitaire, un second projet européenTempus a récemment été conclu avecBoumerdès. Intitulé «Optimisation del’accès à l’informatique scientifique ettechnique (IST) dans les universités duMahgreb», il associe quatre universitéseuropéennes, trois algériennes, troismarocaines et trois tunisiennes.

L'ULB accueilleJostein GripsrudLe Pr. Jostein Gripsrud de l'Université deBergen, séjournera en Belgique jusqu'à lafin juin dans le cadre de la Chaire Franc-qui au titre étranger 2011. Obtenue surune initiative conjointe de l'ULB, de laVUB et de l'UGent, elle est accordée parla Fondation Francqui afin de permettre àdes savants étrangers, de faire part de ré-sultats de recherches originales. JosteinGripsrud est depuis de nombreuses an-nées un professeur de renommée inter-nationale dans le domaine desmédias etdes études en communication. Il a publiéune série d'ouvrages traitant dessciences de la communication: la sphèrepublique, les médias et la politique cultu-relle, la télévision, l'histoire du cinéma, lejournalisme, le théâtre, la littérature po-pulaire, etc.

André Jaumotteà l’honneur…Le 3mars dernier a eu lieu l’inaugurationde la Salle et du Fonds André Jaumotte,à l’occasion de la remise, à l’Université,de ses archives et bibliothèque, par leBaron Jaumotte.Ce fut aussi l’occasion d’un vernissagedes tableaux de l’ancienne Salle duConseil d’administration, restaurés parl’Atelier de restauration de l’ENSAV LaCambre (notre photo), avec le mécénatdu Fonds Léon Courtin – Marcelle Bouchégéré par la Fondation Roi Baudouin.

Un petit goût de BrésilLe 28 janvier dernier, une délégation del'Université de São Paulo - USP (Brésil) arendu visite à l'ULB afin d'y présenter lenouvel Institut d'Etudes européennesqui vient d'y être créé, avec le soutiende la Commission européenne et le par-rainage de plusieurs universités euro-péennes, dont l'IEE de l'ULB. Premier dugenre dans ce pays, il ne se contentepas de considérer l'Europe en tantqu'objet d'étude : il poursuit égalementl'objectif de maximiser la coopérationentre le Brésil et l'Union européennedans tous les domaines de l'enseigne-ment supérieur et de la recherche scien-tifique et technologique. Des groupesde travail se pencheront notamment surl'organisation de colloques, la recon-naissance des diplômes, la mise enplace de formations conjointes et deco-diplômation…

Le drainage lymphatique(suite)Nous évoquions, dans le n° précédent,les avancées technologiques relativesau drainage lymphatique (Équipe duProf. Belgrado, FSM). Une lecture troprapide de notre texte aurait pu fairecroire qu’il s’agissait de la première foisque l’on pouvait quantifier le drainagede la lymphe. Ce n’est évidemment pasle cas : le professeur Albert Leduc (pr.honoraire ULB et pr. émérite VUB) rap-pelle qu’il fut à la base du développe-ment d’une méthode de traitement del’œdème il y a de nombreuses annéesdéjà ; collaborant entre autres avec laFaculté de Médecine de Buenos Aires :«Les effets du drainage lymphatiquemanuel ont été mesurés avec lesmoyens mis à notre disposition à cetteépoque et notamment avec la lympho-scintigraphie (en collaboration avec leprof. P.Bourgeois, Bordet) qui est tou-jours d’actualité et qui réalise une ap-proche quantitative et qualitative dudrainage de la lymphe», précise-t-il. Cedrainage est aujourd’hui reconnu dansle monde entier et le Prof. Leduc a parailleurs toujours le plaisir de l’ensei-gner. Cette activité s’étale de l’Europeaux USA, de l’Amérique du Sud auJapon, ainsi qu’à certains pays du Ma-ghreb, où il était encore récemment (àMarrakech) pour dispenser un cours àdes kinésithérapeutes.

ULBcdaireRetrouvez toutel’actualité universitaireau quotidien sur

www.ulbruxelles.be

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Tout mot peut devenirune insulte!Attention! Un podcast pourrait choquerles oreilles sensibles! Et pour cause, ledomaine d'études de Laurence Rosier,directrice du Centre de linguistique (Fa-culté de Philosophie et Lettres) portesur… les insultes. Qu'est-ce qu'une in-sulte? Dans quels contextes sont-ellesutilisées? Quels messages véhiculent-elles? Voilà diverses questions aux-quelles répond Laurence Rosier,professeur de linguistique, d'analyse dudiscours et de didactique dans un despodcasts mis en ligne sur le site Web del’ULB.Écoutez-la, écoutez-les, ici :http://www.ulb.ac.be/actulb/podcast.php

Le coup de plume - Cécile Bertrand

ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

16L’UNIFEN

BRÈVES…

|Fonds Érasme,appel à candidatureLe Fonds Erasme a lancé au mois demars un appel à candidatures dans lecadre de la convention de rechercheEdouard et Suzanne Jacobs 2012, dédiéeà la promotion de la recherche en patho-logie digestive (don de 300.000¤). Laconvention de recherche a pour objectifde permettre à un jeune médecin de réa-liser des recherches cliniques et fonda-mentales en gastro-entérologie ouhépato-pancréatologie dans des labora-toires facultaires ou services hospitaliersagréés de l'ULB. En 2009-2010, le projetde recherche a porté sur "L’étude de ladifférentiation, du recrutement et du rôledes lymphocytes Th17 dans les maladiesalcooliques du foie".Le projet de re-cherche retenu démarrera le 1er janvier2012 et se verra attribuer un montant de20.000¤. La date limite de dépôt descandidatures est fixée au 30 juin 2011.Infos : www.fondserasme.org

Cultures d’EuropeLe cycle Cultures d'Europe de l'ULBaccueillait le 3 février dernier la philo-sophe Myriam Revault d'Allonnes(photo) pour une conférence sur lethème « La crise est-elle un phénomènemoderne ? Philosophe, professeur desuniversités à l'École Pratique des HautesÉtudes (EPHE), spécialiste de philosophiemorale et de philosophie politique, ellepoursuit son travail de vulgarisation enmettant en relation la pensée politiquehéritée des Anciens avec l'actualité. Elleest l'auteur du tout récemment paruPourquoi nous n'aimons pas la démocra-tie. Le 17 mars c’est l'historien et philo-sophe Yves Charles Zarka qui posaitquant à lui la question suivante : «Quiveut prendre le pouvoir sur le savoir?»Prochaine invitée le 11 octobre : JeanneFavret-Saada, qui parlera de «Sorcelleriebocaine : une contribution locale auxcultures d’Europe».Infos : http://www.ulb.ac.be/culture-europe/culture-europe.html

Coopération : une journéepas comme les autresLe 24 mars, c'était la Journée de la coo-pération de l'ULB, qui comme l’an derniers’est déroulée dans le cadre général deCampus Plein Sud (Projet de sensibilisa-tion et d'éducation au développementinitié en octobre 2002 par la plupart desuniversités francophones de Belgique etplusieurs ONG actives en leur sein).Au menu : des tables ronde, débats,conférences, expositions... Cette jour-née était aussi à nouveau un momentde solidarité avec Haïti avec laquellel'Université coopère activement depuisde nombreuses années dans différentsprogrammes interuniversitaires.L'ensemble des bénéfices dégagés le24 mars (petit déjeuner, TD, etc.) seraconsacré à l'aide à Haïti et versé sur uncompte interne.

Cécile Massart &le nucléaireDurant les mois de février et de mars,une exposition produite par le CIVA encollaboration avec la Faculté d’Architec-ture La Cambre Horta, ULB, s’est tenue auCentre international pour la ville, l’archi-tecture et le paysage. Le questionnementde Cécile Massart, artiste plasticienne,sonde notre conscience. «Commenttransmettre quelque chose qui nousdépasse et qui pourtant dépend de noschoix?» Ce quelque chose est le résultatd’un siècle de production nucléaire. Cetaspect, guère édifiant, de notre patri-moine nucléaire, doit être assumé ettransmis aux générations suivantes.Quelle politique adopter pour l’avenir ?Cette question, essentielle, passionneinlassablement Cécile Massart depuisplus de dix ans. Notre siècle s’apprête àstocker les résidus du nucléaire. A l’ave-nir, ces résidus permettront d’identifiernotre culture, nos modes de vie. Quelpatrimoine voulons-nous transmettre,interroge l’artiste? Les récents événe-ments de Fukushima offrent à ce travailun écho étrange.

L’archi & KinshasaUne délégation de la Faculté d'Architec-ture de l'ULB, conduite par son doyen, leProf. Francis Metzger, a conclu un projetd'accord de coopération avec l'Institutd'architecture et d'urbanisme (ISAU) etl'Institut national des bâtiments et travauxpublics (INBTP) de Kinshasa (RépubliqueDémocratique du Congo). Cet accordporte principalement sur la création d'uneécole doctorale en art de bâtir et urba-nisme à Kinshasa que la Faculté d'Archi-tecture, en collaboration avec la Facultédes Sciences appliquées, s'engage àsoutenir. Au cours de la même semaine,la délégation a également apporté sonconcours à une formation continue or-ganisée par la Société des architectescongolais (SAC) portant sur les thèmes dupatrimoine et de l'aménagement urbain.Enfin, la Faculté s'intéresse, sous l'impul-sion du Prof. Yves Robert, expert auprèsde l'UNESCO, au patrimoine congolais ensoutenant son inscription au patrimoinede l'humanité.

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L’UNIFEN

BRÈVES…

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Prix François DelorUn jury composé d'académiques desuniversités et hautes écoles franco-phones a décerné le Prix François Delorà Mademoiselle Yang Yang. Ce prix, quirécompense un mémoire de fin d'étudestraitant de manière originale et enrichis-sante des questions LGBTI (lesbiennes,gays, bis, transgenres et intersexués),lui a été remis mardi 15 février dernierpar Yves Roggeman (représentant le mi-nistre de l’Enseignement supérieur,Jean-Claude Marcourt) en présence deJean-Charles Luperto, président duParlement de la Communauté française.Ce mémoire de gestion culturelle, réalisésous la direction de Kim Oosterlinck,comparait de manière critique et originalel'organisation des festivals «Queer» enBelgique et en Chine.

Prix Lavalleye-CoppensValentine Henderiks,Maître de conférenceau sein de la Faculté de Philosophie etLettres (Département histoire, art etarchéologie), a reçu le Prix Lavalleye-Coppens de l'Académie royale dessciences, des lettres et des beaux-arts deBelgique. Le prix créé en 1976 et décernétous les deux ans récompense V. Hende-riks pour son manuscrit : Catalogue cri-tique de l'œuvre d'Albert Bouts et lespratiques de son atelier. Ce manuscrit estle manuscrit de sa thèse de doctorat.

Reconnaître visageset voixDes chercheurs de l'ULB - SalvatoreCampanella, Laboratoire de psychologiemédicale, alcoologie et toxicomanie - etde l'UCL ont montré par imagerie parrésonance magnétique fonctionnelle lesrégions cérébrales actives pour recon-naître des visages et des voix, séparémentet conjointement. Dans cette étudepubliée dans la revue Cortex de mars,les chercheurs montrent que l'identifica-tion d'associations visages-voix entraînenon seulement l'activation de régionsuni-modales visuelles et auditives, liéesau traitement des visages et des voixseuls, mais aussi de régions hétéro-mo-dales intégratrices telles que le gyrusangulaire gauche et l'hippocampe.

Fonds Nihoul :appel aux donsLe Fonds Nihoul a été créé en mémoirede Nicolas Nihoul, comptable au sein duDépartement de l'Administration finan-cière de l'ULB, décédé accidentellementen 2010 à l'âge de 24 ans. Ses parents,collègues et amis ont voulu lui rendrehommage en créant ce Fonds qui a pourobjet l'octroi d'une bourse annuelle à unétudiant de la Communauté françaiseinscrit (ou désirant s'inscrire) dans uneinstitution d'enseignement supérieur.Les revenus du Fonds permettent d’aiderfinancièrement un jeune à allier étudessupérieures et sport de haut niveau;d'accéder à l'Université alors qu'il n'enaurait pas les moyens; ou de poursuivreses études supérieures dans une villesituée « loin » de chez lui.

Pour alimenter ce fonds :compte 210-0429400-33 avecen communication « Don Fonds NicolasNIHOUL 5.F03.A.000017 ».[IBAN : BE79 2100 4294 0033 –BIC (Swift) : GE BA BE BB]ou en établissant un ordre permanentsi minime soit-il.

Autres prix &nominations…

� Le professeur de préhistoireMarcGroenen a été nommé membre de lacommission scientifique pour la réalisa-tion de l'Espace de restitution de lagrotte Chauvet-Pont d'Arc et pour l'ins-cription de la grotte Chauvet sur la listedu Patrimoine mondial de l'UNESCO.Découverte en 1994, Chauvet est au-jourd'hui la grotte ornée paléolithique

la plus ancienne connue. Les représen-tations animales et humaines dessinées,peintes et gravées sur ses parois remon-tent, en effet, à au moins 30 000 ansavant notre ère.

� Stefano Pironio du Laboratoire d'Infor-mation Quantique (Faculté des Sciences,ULB) a obtenu un financement du Foun-dational Questions Institute (USA) pourétudier la notion de temps en physiquequantique. C'est le seul Belge au palma-rès de cet organisme américain qui ouvretous les deux ans un appel à projets auniveau mondial sur des questions fon-damentales en physique. Le projet pré-senté par Stefano Pironio en collaborationavec Jonathan Barrett (Royal Holloway,University of London) est intitulé : «Timeand the Structure of Quantum Theory».Le but du projet est de s'intéresser auxliens entre la nature du temps et le for-malisme mathématique de la théoriequantique.

� Peter Praet, docteur en Sciences éco-nomiques de l'ULB et chargé du cours dethéorie monétaire à la Faculté SolvayBrussels School of Economics andManagement, a été choisi à l'unanimitépar les ministres des Finances de lazone euro (Eurogroupe) pour succéder àl'autrichienne Gertrud Tumpel-Gugerellau directoire de la Banque centraleeuropéenne basée à Francfort. C'est lapremière fois qu'un Belge accède audirectoire de la BCE.

� Bruegel, groupe de réflexion basé àBruxelles, se classe 4e du palmarès des20 think tanks économiques les plusinfluents au niveaumondial. Parmi sesmembres, Bruegel compte André Sapir etBruno van Pottelsberghe, deux chercheursde la Faculté Solvay Brussels School ofEconomics andManagement. À noter quele Center for European Policy Studies,groupe belge également, se classe lui à la11e place. Le classement a été établi parl'Université de Pennsylvanie d'après uneenquête annuelle réalisée auprès dejournalistes, universitaires, représentantsde la société civile, organisations gouver-nementales, etc.

� Le professeur André Sapir a pour sapart également été nommé membre etvice-président de l'Advisory ScientificCommittee ainsi que membre du GeneralBoard présidé par Jean-Claude Trichetdu European Systemic Risk Board, lenouvel organe en charge de la stabilitéfinancière en Europe. André Sapir estprofesseur d'économie à la Solvay Brus-sels School of Economics and Manage-ment (SBS-EM), membre du EuropeanCenter for Advanced Research in Econo-mics and Statistics (ECARES) et duthink-tank Bruegel.

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MONDEDUSILENCE?|

Entre les chants des baleines, le bruit des vagues, les clapotisde la pluie, les klaxons des poissons crapauds, l’environne-ment sonore de l’océan tient de la cacophonie. Sans parler dessons d’origine anthropique : des bateaux aux exploitationspétrolières. L’idée est «d’utiliser le son pour caractériser lesenvironnements aquatiques», explique Jean-Pierre Hermand,directeur du Laboratoire d’hydroacoustique environnementale(Faculté des Sciences appliquées, ULB).

Les ondes électromagnétiques des satellites ne pénétrant pasle milieu aquatique, ceux-ci ne donnent à voir que la couchesuperficielle de la colonne d’eau. Les ondes sonores ont doncun rôle essentiel pour l’exploration de la profondeur desocéans. Les mammifères, poissons et invertébrés marins s’ysont parfaitement adaptés ; eux qui utilisent les sons pourcommuniquer, attirer un partenaire, se nourrir… Ainsi, « les cre-vettes claquantes émettent un bruit couvrant une gamme defréquences de l’audible aux ultrasons (jusqu’à 300 kilohertz).Dotées d’une grande griffe asymétrique, elles l’ouvrent telle-ment rapidement qu’elles créent une bulle de cavitation dontl’implosion génère un son bien plus puissant que les gronde-ments de l’éléphant et provoque une onde de choc étourdissantses proies. Enfin, du tapis qu’elles forment sur le fond marin,s’échappe un son continu de poêle à frire», raconte le cher-cheur. L’équipe de Jean-Pierre Hermand s’intéresse de manièregénérale à une bonne partie de la chaîne trophique: de l’ima-gerie ultrasonore du plancton à l’écoute des grands mammifèresmarins. Même si, étudiant plus particulièrement les environne-ments côtiers, c’est surtout les petits cétacés, poissons et in-vertébrés marins qui sont au cœur de leurs recherches.

De la mer du Nord aux régions tropicales, de labiologie à la glaciologie, l’acoustique est une mé-thode d’exploration aux innombrables applications.En milieu aquatique, elle «voit» ce qui échappe àl’optique.

L’océanen modeacoustique

Du 24 au 30janvier dernier,l’ULB participait à lapremière édition belgede la Semaine du Son.

Un événement qui avaitpour but d'initier le publicet l’ensemble des acteursde la société, à une meil-leure connaissance dessons et à l'importance dela qualité de l'environne-ment sonore.

En savoir plus :www.lasemaineduson.be

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MONDEDUSILENCE?|

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VERS UNE APPROCHE PASSIVE

D’emblée, il convient de différencier les approches passive etactive. La première consiste à écouter le bruit ambiant haute-ment dynamique résultant de cette multitude de sources so-nores d’origines très diverses. L’enjeu est ensuite d’extraire etd’interpréter ces sources continues ou transitoires et marquéespar une proximité plus ou moins grande. Cette méthode si elles’avère la plus intéressante puisqu’elle tire parti des sons déjàprésents dans l'environnement est aussi plus compliquée étantdonné la variété et la quantité d’informations récoltées etl'incertitude sur les caractéristiques précises des sons émis.L’approche active se réalise, elle, par l’émission contrôlée d’unsignal sonore. Les chercheurs étudient alors la propagationdes ondes pour obtenir, entre autres, des renseignements sur lechamp de température dans les océans et son évolution (unedonnée importante en matière de réchauffement climatique).

LES FONDS MARINS REVISITÉS

«Aujourd’hui, des sonars à hautes fréquences permettent decréer des images du fond marin avec des résolutions équiva-lentes à celles qu’on peut obtenir sur la terre au moyen des

images satellitaires», explique le chercheur. Au Brésil, à l’em-bouchure du fleuve Amazone, c’est la dynamique sédimentaireque les chercheurs vont étudier lors d’une campagne prévuefin 2011. Développé par le laboratoire, un système de carac-térisation «géo-acoustique» devrait permettre d’observer, surune zone étendue, l’évolution de la structure d’une couche desédiments et d’en caractériser la composition en associantd’autres mesures de nature plus ponctuelle.

DES GRANDS AUX PETITS ÉCOSYSTÈMES

Sur la façade des continents, le phénomène de remontée deseaux froides du fond des océans vers la surface, dû à de fortsvents généralement saisonniers, est aussi étudié à l’ULB.Grâce à la lumière, ces eaux riches en nutriments vont favori-ser le développement du phytoplancton contribuant ainsi, parle jeu de la chaîne alimentaire, à une augmentation sensiblede la quantité de poissons à ces endroits. L’acoustique contri-bue à observer et à prévoir ce type de phénomène côtier. Desinformations d’un intérêt majeur pour les pêcheurs.

Au niveau biologique, en étudiant la propagation du son dansles herbiers de Posidonie, sortes de prairies sous-marines, leschercheurs peuvent aussi «écouter » la photosynthèse deceux-ci. Et, grâce à l’écoute passive sur un réseau de capteurs,«observer» la population animale de ces herbiers qui serventde frayère et de nurserie pour les poissons. Ce qui nous ren-seigne in fine sur la biodiversité de ces milieux. Enfin, l’acous-tique autorise un «monitoring» continu de l’environnementque ce soit pour suivre les évènements sismiques, les préci-pitations ou le vêlage des glaciers.

> Violaine Jadoul

En savoir plus?Écoutez le podcast Paroles de chercheursavec Jean-Pierre Hermand surwww.ulb.ac.be/actulb/podcast.php

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20RECHERCHEDEPOINTE

| Physique nucléaire. Priorités stratégiquesL’European Science Foundation a présentéà Bruxelles son Plan à long terme 2010 pourla physique nucléaire. Le point avec le seulBelge parmi les six experts chargés de rédi-ger le rapport, Paul-Henri Heenen, servicede Physique nucléaire et Physique quan-tique (Facultés des Sciences et des Sciencesappliquées).

Esprit libre : Vous êtes le seulBelge à siéger au NuPECC(Nuclear Physics EuropeanCollaboration Committee) del’European Science Founda-tion. Quel est son rôle ?Paul-Henri Heenen : Le Nu-PECC a été créé à la fin desannées 80 par les directeursdes principaux laboratoireseuropéens de physique nu-cléaire. La physique nucléairenécessite d’importants inves-tissements: 1 milliard d’eurospour le nouveau complexeFAIR à Darmstadt en Alle-magne, 250 millions d’eurospour la construction de Spiral2 en France… Le NuPECC viseà coordonner ces investisse-ments et à planifier lesstratégies.

Esprit libre : Que couvre laphysique nucléaire ?Paul-Henri Heenen : La phy-sique nucléaire vise à mieuxcomprendre les noyaux ato-miques et leurs constituants.Elle a réellement débuté en1932 après la découverte duneutron, le noyau atomique

étant constitué de neutronset de protons. Au cours des10 années qui ont suivi, laphysique nucléaire a pro-gressé très rapidement, cequi a permis de construire lepremier réacteur nucléairemais aussi la premièrebombe… et l’image de la phy-sique nucléaire en a pâti.Pourtant, le noyau atomiqueest un des meilleurs systèmespermettant d’étudier lesinteractions fondamentaleset la physique nucléaire a denombreuses applicationsnotamment en astrophy-sique, en archéologie,en médecine, en productiond’énergie, etc.

Esprit libre : Que peut-onépingler dans le Plan à longterme 2010 pour la physiquenucléaire ?Paul-Henri Heenen : Le Planrésume les questions scienti-fiques majeures de notre sec-teur, les défis à relever, lestechnologies à développer,les étapes-clefs des années àvenir… On y reprend par

exemple un projet majeurpour la Belgique : le projetMYRRHA, un nouvel accéléra-teur de protons qui devraitêtre construit sur le site duSCK-CEN à Mol d’ici 2022. LeNuPECC l’a retenu parmi lesprojets stratégiques.

Esprit libre : En quoi un telaccélérateur peut-il vous in-téresser comme chercheur ?Paul-Henri Heenen : Le but deMYRRHA est de produire unfaisceau de protons trèsintense et de haute énergiepour étudier des problèmesliés aux réacteurs nucléaires.La physique fondamentalepourrait disposer d’une petitefraction de ce faisceau pourmener des expériences dephysique nucléaire ciblées.Les physiciens nucléaires del’ULB sont des théoriciens quidéveloppent des méthodesde mécanique quantiquepour étudier la structure desnoyaux. Nous ne réalisonsdonc pas nous-mêmes desexpériences mais nous tra-vaillons en étroite collabora-

tion avec des expérimenta-teurs, en particulier de laKUL dans le cadre d’un projetPAI, dans le but de planifierles expériences et d’interpré-ter leurs résultats. Le travailen réseau est essentiel dansnotre discipline de recherche.

Votre laboratoire participeaussi au projet européenENSAR ?Paul-Henri Heenen : Oui, véri-table mise en réseau, le pro-jet ENSAR a pour premier butde faciliter l’accès des cher-cheurs à sept accélérateurseuropéens parmi les plus per-formants du monde qui four-nissent des faisceaux denoyaux atomiques stables etsurtout instables, à très courtedurée de vie, permettantd’effectuer des recherchesdans trois domaines impor-tants de la physique nu-cléaire : la structure du noyauatomique, l’astrophysiquenucléaire et les applicationsdu nucléaire pour la société.

> Nathalie Gobbe

Du côté des étoilesPlusieurs chercheurs de l’Institut d’astronomie et d’astrophysique (IAA) s’appuient sur la physique nucléairepour étudier les différents stades de la vie des étoiles et comprendre leur composition chimique.

« Appréhender l’évolution d'une étoile implique de s’interrogersur sa source d’énergie et pour cela, nous avons besoin de laphysique nucléaire », explique Nicolas Chamel, chercheur qua-lifié FNRS à l’IAA et membre du sous-groupe du comité euro-péen d'experts NuPECC chargé des recommandations enastrophysique nucléaire, «L'évolution d'une étoile est modéli-sée grâce à des simulations hydrodynamiques développées àl'IAA. Les résultats de ces calculs sont confrontés à des obser-vations spectroscopiques». Nicolas Chamel s’intéresse à lamort des étoiles massives qui achèvent leur existence sous la

forme d'objets extrêmement compacts dont on ignore encorela composition exacte, mais qui présentent la particularité decontenir beaucoup plus de neutrons que de protons commedans certains noyaux atomiques dits «exotiques». Ces derniersproduits dans de grands accélérateurs fournissent ainsi des in-dications précieuses pour décrire les cadavres d’étoiles. Laconnaissance des propriétés de ces noyaux exotiques est éga-lement nécessaire pour comprendre l'origine des éléments pluslourds que le fer dans l'Univers, un sujet cher à Stéphane Go-riely, chercheur qualifié FNRS à l’IAA.

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CAPAU

PÔLESUD|

21Été australet scientifiqueDe la détection de neutrinos au Pôle Sud à lacollecte de météorites depuis la station Prin-cesse Elisabeth, des chercheurs de la Facultédes Sciences ont mis le cap sur l’Antarctique.

MissionextrêmeIngénieur de formation,doctorant à l’IIHE, ErikVerhagen rentre d’unemission de 4 mois à lastation belge PrincesseElisabeth, après avoirpassé 14 mois sur laAmudsen-Scott SouthPole Station.

Esprit libre : Quelle a été votremission en Antarctique?Erik Verhagen : Sur la Amud-sen-Scott South Pole Station,je veillais à ce que IceCubeproduise bien des données24 heures sur 24. Sur la basePrincesse Elisabeth, j’étais encharge de la gestion de l’éner-gie et des systèmes électriquesainsi que de l’informatique, latélécommunication et la coor-dination scientifique.

Esprit libre : Ces missionsétaient similaires ?Erik Verhagen : Non, la baseaméricaine existe depuis1957, elle est très grande etconfortable mais les condi-tions climatiques sont trèsrudes : j’ai passé là 14 mois,à des températures allantde -18° à -73°, sur une baseisolée du monde puisque lesavions ne peuvent y atterrirque 4mois par an. J’avais subiau préalable des évaluationspsychologiques et médicalesapprofondies; j’ai aussi suivides formations pompier, 1ers

soins, etc. La mission sur labase belge était plus courte etse déroulait pendant l’étéaustral, donc avec des tempé-ratures plus «clémentes».

Esprit libre : Quelle est votremotivation pour cesmissions?Erik Verhagen : C’est sansdoute une manière de s’éva-der, de fuir la routine quoti-dienne. Voir le dernier avions’envoler de la base améri-caine a étémagique. La stationPrincesse Elisabeth m’attiraitaussi pour le défi technolo-gique «zéro émission»:s’adapter à son environne-ment en Antarctique et utiliseruniquement le soleil et le ventpour produire l’énergie, c’estfabuleux.

Quelque 5160 capteurs optiques enfouis dans un km³ de glaceau Pôle Sud: la construction du détecteur IceCube s’est termi-née fin 2010. Véritable prouesse technologique, IceCube a pourbut de détecter des neutrinos, particules très discrètes qui pour-raient constituer une partie de la «matière noire» de l’Universet qui sont aussi les messagers fidèles de phénomènes lointainstels que les cataclysmes stellaires.

Les neutrinos fascinent nombre de physiciens dont ceux du La-boratoire de physique théorique et du Service de physique desparticules élémentaires (IIHE). Ce dernier a d’ailleurs participéà la conception du télescope à neutrinos IceCube. «Pensé dès1999, le projet a été déployé au Pôle Sud de 2006 à 2011, il seraexploité probablement jusqu’en 2026», précise Daniel Ber-trand, une des «chevilles ouvrières» du projet au sein de l’IIHE.Et de préciser : « IceCube a nécessité un niveau de qualité, deprécision similaire à celui d’expériences spatiales : enfoui dansla glace à une température ambiante pouvant descendre jusqu'à-55 ° C, le détecteur est désormais inaccessible, toute panneconstituerait une catastrophe. Actuellement, le détecteur fonc-tionne à 99%, ce qui est au-delà de nos prévisions. Toutefois, labande passante étant limitée, nous ne recevons par satellitequ’une partie des données collectées ; la Amudsen-Scott SouthPole Station est accessible par avion seulement quatre mois etdemi par an: à la mi-septembre, nous devrions recevoir les don-nées collectées au cours des derniers mois».

PRINCESSE ELISABETHCet hiver, la station belge Princesse Elisabeth a accueilli aussison lot de chercheurs, parmi lesquels Vinciane Debaille, du Dé-partement des Sciences de la Terre et de l'Environnement. Pouren apprendre davantage sur notre planète et son histoire, lachercheuse s’intéresse aux météorites, ces restes de la nébu-leuse primitive qui a donné naissance au système solaire voici4,5 milliards d’années. On retrouve beaucoup de ces «caillouxde l’espace» en Antarctique, sur les champs de glace bleue oùVinciane Debaille est allée les colleter cet hiver... L’expéditionULB-VUB-Japon a permis de récolter quelque 218 météorites quivont maintenant être classifiées au Japon. Coupées en deux,les météorites seront ensuite réparties entre la Belgique et leJapon pour des recherches plus approfondies.

Pour les chercheurs en glaciologie, l’Antarctique constitue biensûr un véritable laboratoire à ciel ouvert. Frank Pattyn et Jean-LouisTison ont effectué cet hiver des recherches sur les plateformes deglace flottante (Ice Shelf) le long de la côte Est de l’Antarctique, à200 kilomètres de la base Princesse Elisabeth. Respectivementpar radio-écho sondage/modélisation et carottages, les deux cher-cheurs du Laboratoire de glaciologie essaient de comprendre lephénomène d’écoulement de la glace continentale dans l’océan,un phénomène susceptible de s’accélérer à la suite du réchauffe-ment climatique et contribuant à la montée des eaux.

> Nathalie Gobbe

© INTERNATIONAL POLAR FOUNDATION - RENÉ ROBERT

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ESPRIT LIBRE | AVRIL 2011 | N° 17

22RECHERCHE&SOCIÉTÉ|

Aux valves du Centre de recherches en criminologie de l’ULB, unarticle d’un hebdo satirique (de droite) bien connu est punaisé,avec dérision, comme un fait d’arme revendiqué : il « allume »Philippe Mary pour ses analyses sur notre système carcéral. Lechercheur – qui occupe depuis le 3 mars la Chaire Francqui au titrebelge 2011 aux Facultés St-Louis – ne fait, il est vrai, pas vraimentpartie de ceux qui prêchent pour le tout répressif. Rencontre.

encore. La prison a toujoursété prioritairement la peine dupauvre, de personnes issuesde classes défavorisées.

Esprit libre : Vous êtes trèscritique face aux réponsesdu monde politique…PhilippeMary : La seule ré-ponse actuelle à cette situa-tion est l’augmentation duparc pénitentiaire, augmen-tation dont on sait qu’elle nerésoudra rien, voire aggraverale problème à terme… ouplus récemment, l’exportationde nos prisonniers aux Pays-Bas, système qui montredéjà ses limites.

Esprit libre : Quelles seraientles solutions ?PhilippeMary : Rien n’estsimple, évidemment. Lespeines alternatives du type« peines de travail » ne dimi-nuent pas les taux de déten-tion, pour diverses raisons. Ilfaudrait réformer le droitpénal pour que les magistratsne puissent plus prononcerdes peines de prison pourcertains délits et envisager ladépénalisation de comporte-ments qui pourraient toutaussi bien être traités d’uneautre manière (commel’usage de drogues). La Fin-lande l’a fait. Mais je ne suispas sûr qu’une majorité poli-tique pourrait encore sedégager aujourd’hui pour yarriver chez nous. On estdans une fuite en avant quisurfe sur un contexte généralfavorable au tout répressif.Malheureusement.

> Alain Dauchot

Case PrisonL’éternel surplace

75% durant la même période,le nombre de personnes en-voyées en prison augmentepeu. Ce qui signifie en réalitéque des peines plus longuessont appliquées, en compa-raison avec d’autres pays.Mais attention : cela ne veutpas dire pour autant que lesjuges sont plus sévères. Et onne peut donc pas non plusconclure de l’augmentation dunombre de prisonniers qu’elleest liée à l’augmentation dela criminalité...

Esprit libre : La lecture de ceschiffres n’est pas simple...PhilippeMary : Effectivement,il faut être très prudent avecces données. Et les regarderen tenant compte aussi del’environnement politique,économique, social. En pé-riode de crise, la punitivité estplus grande et le sentimentd’insécurité s’élève, ce quiinfluence le fonctionnementde la justice. En réalité, lechercheur manque cruelle-ment d’outils statistiques,encore moins de statistiquesfiables chez nous. Le retardde la Belgique en ce domaineest inimaginable du fait, jepense, d’un désintérêt dupolitique pour la question.

Esprit libre : De même, dites-vous, que la question de lasurreprésentation de détenusétrangers ou d’origine étran-gère au sein de nos prisons ?PhilippeMary : Le prisme delecture de ces données esttronqué dans la mesure oùl’on occulte totalement l’as-pect socio-économique. Unerécente recherche en sciencepolitique à la KUL le confirme

Esprit libre : La question del’enfermement carcéral sepose-t-elle de la même façonpartout en Europe ?PhilippeMary :On peut parler,dans toute l’Europe, d’uneaugmentation généralisée dutaux de détention (qui corres-pond au nombre de détenuspar 100.000 habitants), saufdans les pays scandinaves,et en Finlande en particulieroù le taux est plus faible.Mais les situations peuventvarier d’un pays à l’autre : onconstate, en 25 ans, uneexplosion de la populationcarcérale aux Pays-Bas ; enBelgique, l’augmentation estconsidérable mais moindre.Par contre, en Hollande s’il ya beaucoup de détenus, ilsrestent moins longtemps enprison. La peine moyenne yétant quasiment la moitié dela peine moyenne belge. Toutdépend donc des politiquespénales menées.

Esprit libre : De quoi souffrenotre système carcéral enparticulier ?PhilippeMary : Outre le dou-blement du nombre de déte-nus en 30 ans, et un taux dedétention qui a augmenté de

Philippe Mary

*Résumé des faits…

« La critique de la prisonet la démonstration deses impossibilités ont ra-rement été aussi nourriespar les expériences etanalyses de ceux qui, àdivers titres, côtoientl’univers carcéral. Les en-jeux contemporains de laprison se déclinent autourde ce paradoxe.Mise en chantier en 1996,une législation destinée àencadrer l’exécution despeines privatives deliberté a été adoptée en2005, mettant l’accent surle droit des détenus ; de-puis, elle attend toujoursd’entrer en vigueur (…) Lasurpopulation ne peutêtre le seul horizon de laréflexion sur les prisons :outre qu’elle ne fait pasobstacle à tout, elle estloin d’être le seul obstacleau développement d’unepolitique pénitentiaire etpénale respectueuse, no-tamment, des instrumentsinternationaux. L’examencritique des principes gé-néraux de la loi – répara-tion, responsabilisation,réinsertion, neutralisation– permet de mettre enévidence d’autres obsta-cles, parfois même plusdéterminants. (…) il fautalors revenir sur la ques-tion de l’abolition de laprison. »

> Philippe Mary

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SANTÉ&RECHERCHEDEPOINTE

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Rien ne semble relier la maladie de Par-kinson à la toxicomanie. Et pourtant, cesdeux pathologies sont des affections quiimpliquent une même zone du cerveauappelée le striatum. Celle-ci est au cœurd’un projet de recherche mené par le La-boratoire de neurophysiologie dirigé parSerge Schiffmann (Faculté de Médecine)et bénéficiant du soutien de la Fondationmédicale Reine Elisabeth. «Le striatumest le véritable point d’entrée d’un grandsystème cérébral qu’on appelle lesnoyaux de la base. Constituant la struc-ture d’entrée, il va intégrer l’essentiel desinformations qui arrivent dans ce sys-tème», explique le Dr Schiffmann.

«Une petite population de neurones ap-pelés dopaminergiques envoie son neu-rotransmetteur (la dopamine) vers lestriatum. Un patient souffrant de la ma-ladie de Parkinson est peu à peu dé-pourvu en dopamine qui ne peut dès lorsplus activer efficacement les récepteursse trouvant sur ces fameux neurones dustriatum. Ceux-ci deviennent tout à faitdysfonctionnels puisqu’ils ne reçoiventplus les messages qu’il leur faut pourpouvoir générer un apprentissage moteuradéquat», poursuit le chercheur.

LE CERCLE VICIEUXDES TOXICOMANIESLes toxicomanies affectent, elles, unsegment particulier du striatum nomméle striatum ventral qui abrite la fonctionde la motivation ou de la récompense.«Longtemps étiquetée comme la régiondu plaisir, cette zone est activée suite àun comportement qui procure effective-ment du plaisir », reprend Serge Schiff-mann. Et de citer l’exemple de l’alimen-tation : «en situation de déficit énergé-tique, nous avons une propension àrechercher de la nourriture; qui, une foistrouvée et consommée, va faire naître unsentiment de plaisir précédant la sensa-tion de satiété». Le plaisir ressenti per-met d’avoir cette propension à rechercherde la nourriture, répondant ainsi à unbesoin vital.

Dans le cas des toxicomanies, ce sys-tème est complètement court-circuité.«Toutes les molécules qui donnent lieuà de la toxicomanie vont en fait activerde manière artificielle cette région paraugmentation de libération ou d’actionde la dopamine (« l’hormone du plai-sir »). S’enclenche alors un système derenforcement qui, ici, est un cercle vi-cieux», continue-t-il. Cela explique lafaçon dont la toxicomanie s’installe. Tou-tefois, la manière dont elle persiste n’estpas encore comprise. « Le fait qu’onpuisse rechuter plusieurs années aprèsavoir arrêté, cela signifie que quelquechose s’est inscrit dans le cerveau et enparticulier dans cette zone-là. C’est ceque nous essayons d’identifier», préciseSerge Schiffmann.

ALLUMER ET ÉTEINDREDES NEURONESConcrètement le projet se divise en deuxgrands axes. Le premier nécessite lamise en place d’une nouvelle technique:l’optogénétique. «C’est une approchequi permet, au sens large, d’allumer oud’éteindre l’activité d’une population deneurones spécifiques à la demande ; demanière extrêmement précise dans letemps et dans l’espace. Et d’ensuite étu-dier les résultats de cette activation surles comportements de l’animal étudié,comme l’apprentissage moteur ou lescomportements addictifs», enchaîne-t-il.Les chercheurs ont donc développé desmodèles de souris transgéniques quivont permettre l’expression de canauxqui sont activables par la lumière.

IDENTIFIER LES GÈNESRESPONSABLESL’autre grand axe est l’identification denouveaux gènes qui seraient spécifique-ment présents dans ces systèmes neu-ronaux et dans le striatum en particulier.«Nous sommes partis d’une notion sim-ple qui est de se dire que les fonctionsdifférentes de ces populations de neu-rones seraient la conséquence du fait

qu’elles expriment des gènes qui eux-mêmes seraient très différents», avancele chercheur. Par une technique de pro-filage génétique, son équipe a pu iden-tifier plusieurs centaines de gènesexprimés soit par une population deneurones striataux de type A soit parune population de type B. Et de conclure,«nous allons essayer de comprendre lafonction d’une petite dizaine de cesgènes qui, de par leur rôle connu dansd’autres organes ou d’autres régions cé-rébrales, pourraient être intéressants ; etexaminer s’ils subissent une modifica-tion en cas de pathologies évoquées ci-dessus ou si le fait de les activer ou deles inhiber peut avoir des conséquencessur ces dysfonctionnements».

> Violaine Jadoul

Quel est le rôle du cerveau dans les maladies dégénérativesou les toxicomanies ? Le striatum, une zone particulièrede celui-ci, est visé par les recherches du laboratoire duDr Schiffmann ; soutenu par la Fondation médicale ReineElisabeth.

Fondation Reine ElisabethLe cerveaupasse aux aveux

La Fondation médicale ReineElisabeth soutient égalementdeux autres projets ; menés parle Laboratoire de génétique dudéveloppement (IBMM) et par legroupe de Pierre Vanderhaeghen(IRIBHM).

Découvrez-les surwww.ulb.ac.be(onglet recherche).

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Durant l’année académique 2009-2010, l’ULBa fêté son 175e anniversaire à travers unesérie de manifestations et d’événementsembrassant divers registres. Aux manettesde la coordination académique de ce vastechantier, aux côtés du jeune professeur KimOosterlinck, un opérateur enthousiaste, auxtalentsmultiples: Dominique Jonckheere.

Qu’est ce qui vous projettedans l’aventure du 175e anni-versaire de l’ULB ?Dominique Jonckheere :Comme je gère des stages,notamment en Master de ges-tion culturelle, je suis colla-borateur de Kim Oosterlinckqui est à l’époque le seulcoordinateur académique du175e anniversaire. Cumulantcette lourde mission avec sescharges d’enseignant, dechercheur et de président defilière, il cherche quelqu’unsur qui s’appuyer.Et comme on sait parfois, àl’intérieur de l’Université,que j’organise des spectacles,mon nom arrive presque na-turellement…

Esprit libre : Que retirez-vousde votre expérience dans lesfilières gestion culturelle etspectacle vivant ?Dominique Jonckheere : Jesuis frappé et réjoui de voirle nombre de jeunes artistesqui empruntent ces filières.La gestion culturelle est uneformation salutaire tant poureux que pour le milieu cultu-rel. Aujourd’hui, les jeunesse rendent bien compte de laconcurrence importante dansleur secteur et de la nécessitéd’acquérir les compétencesnécessaires pour gérer leurcarrière. À mes yeux, d’ail-leurs, cumuler les deux for-mations en Spectacle vivantet en gestion culturelleconstituerait une sorted’idéal.

Esprit libre : Quels souvenirsgardez-vous du 175e anniver-saire ?Dominique Jonckheere : Leformidable enthousiasmeque j’ai rencontré autour duprojet !D’emblée, j’ai trouvé une vo-lonté stimulante au rectoratet à la présidence, une formi-dable envie au sein des fa-cultés, porteuses de projetsoriginaux, et pour promou-voir tout cela, une joyeuseénergie au service de com-

munication ; sans compter lerôle-clé de l’Union des an-ciens étudiants : leur soutienà la pièce «1834», leur parti-cipation déterminante à lamise sur pied de la Nuit desLumières, sans parler deleurs propres productions,comme le livre «ULB une fic-tion vivante » et le CD des«Fleurs du Mâle». Ce qui m’aplu également, c’est quedans ces circonstances notreuniversité s’est donnéquelque moyen de réussirson projet !

Esprit libre : À côté de votrerôle de coordinateur, vousavez porté des projets à titrepersonnel pour le 175e?Dominique Jonckheere : Oui,c’est vrai. J’ai tout de suite eudes envies fortes. La pièce«1834» est née d’ailleursd’une sorte de malentendu liéà mon enthousiasme. J’avais

Dominique JonckheereL’homme-orchestre du 175e anniversaire

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24PORTRAIT

activité professionnelle, etj’éprouvais un malaise crois-sant dans le monde des af-faires. Sans habileté pour lecommerce, je ne suis pas cequ’on peut qualifier un«homme d’affaires». Je suisenthousiaste mais mon goûtpour l’indépendance fait quej’ai du déplaisir à gérer detrop grandes équipes, etc’était devenu le cas. En1998, la vente de ma société,fruit de mon travail, m’a per-mis de tourner une page etde me consacrer pleinementà la musique.

Esprit libre : Dominique,vous êtes ingénieur de for-mation. À 43 ans, vous ven-dez votre société et sortezdu monde entrepreneurial.Surprenant, non ?Dominique Jonckheere : Pasvraiment. Ma passion musi-cale a toujours été concur-rente de mon métierd’ingénieur. À 22 ans, jecréais un chœur et à 27,un orchestre classique.Avec le temps, cette passionm’amenait à diriger de plusen plus, de dix à quinze foispar an, tout en menant mon

Le dvd du spectacle est toujours en vente.Contact UAE : 02 650 51 52

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entendu dans les couloirs quele président de l’Université,Jean-Louis Vanherweghem,avait l’idée de faire revivre lesdiscours de l’époque. J’enavais donc immédiatementdéduit qu’il fallait écrire unepièce de théâtre à monterdans un lieu prestigieux.«Pourquoi pas?», me dit leprésident lorsque je le ren-contrai, « Je n’y avais passongé!» Et me voilà donclancé dans un travail d’histo-rien amateur, et d’écriture…et j’ai adoré ça.Même envie de création pourla séance académique deremise du titre de docteurhonoris causa à une série dePrix Nobel. Lorsqu’on m’aparlé de prestige et de solen-nité, j’ai pensé orchestre et,afin de convaincre, j’ai pré-paré rapidement quelques va-riations musicales sur lethème du Semeur, le chant del’Université. L’idée d’une va-riation par lauréat a plu, et j’aipu dès lors me plonger avecdélice dans la préparation del’événement.

Esprit libre : On l’a constatéde visu : vous avez des com-pétences dans de nombreuxregistres.

Dominique Jonckheere : Lesort d’un «musicien entrepre-neur» est sans doute de navi-guer entre tous les débouchéspossibles: à certainsmomentsdominent les compositionsmusicales, à d’autres lesconcerts classiques ou devariété. Parfois la créativitépeut amener à déborder ducontexte purement musical.J’ai donc souvent écrit desscénarios, des pièces, desdialogues, dessiné des décorsde théâtre ou mis en scènedes spectacles musicaux.Voilà, d’ailleurs, pourquoij’étais très tenté par l’écriturede «1834».

Esprit libre : Et vous aveztravaillé en famille si ma mé-moire est bonne… ?Dominique Jonckheere : C’estvrai, ce fut pour moi un plaisirsupplémentaire de travailleravec ma compagne, PatriciaHouyoux. «1834», vous vousen souvenez, fut mise enscène par elle, de façon trèsastucieuse, eu égard, notam-ment, à nos conditions detravail précaires au Palais desBeaux-arts. J’ai donc écrit lapièce en partie sous soncontrôle de professionnelle.Par ailleurs, côté récréation sije puis dire, nous noussommes aussi beaucoupamusés à réaliser ensembledans mon studio la douzainede spots publicitaires qui ontété nécessaires à la promotiondu 175e !

Esprit libre : À quoi vousoccupez-vous depuis la finde cet anniversaire ?Dominique Jonckheere : Àpart ma charge à l’Université,je me suis remis à mon travailde musicien à temps plein enreprenant les projets inter-rompus pendant 18 mois. Jeviens d’achever la réalisationd’un premier album avec unami chanteur sénégalais, etnous préparons nos premiersconcerts. L’album s’appelle«Touki»(1), ce qui signifie«Voyage!» en Wolof.

À part ma chargeà l’Université,je me suis remisà mon travail demusicien à tempsplein en reprenantles projetsinterrompuspendant 18 mois.Je viens d’acheverla réalisation d’unpremier album avecun ami chanteursénégalais, et nouspréparons nospremiers concerts.

PORTRAIT|

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DominiqueJonckheere,de profil

Ingénieur UCL (1978),Dominique Jonckheere atravaillé dans le domainede l’informatique jusqu’en1998. En 1984, il fondela filiale bruxelloise d’ungroupe informatiquefrançais. Avec quelquesassociés, il rachète cettefiliale en 1992.

En 1998, il vend sasociété «Expert FinanceConsulting» forte de150 employés et d’unchiffre d’affaire de500 millions (FB).

Depuis lors, il se consacreà sa passion de toujours :la musique.

*Esprit libre : Pourquoi lamusique africaine ?Dominique Jonckheere : Celaremonte à l’été 2006. Il faisaitchaud, et j’ai eu envie decomposer des chansons desoleil, dansantes et rythmées,avec des chœurs exubérantset la guitare acoustiquecomme instrument dominant.Par cette chaleur, je me suislaissé inspirer par la musiqueafricaine telle qu’elle vivaitdansmes souvenirs d’enfanceà Kinshasa. C’est amusant depuiser en soi, et de voir ceque restitue la mémoire : untambour, des voix haut per-chées qui sont une espèce dechant crié, des riffs de guitarestypiques de l’Afrique… toutcela uniquement à travers lefiltre de ses souvenirs. Voilàcomment sont nées dansmon studio vingt maquettesde chansons.Ensuite, j’ai eu envie deconcrétiser cela en allant ren-contrer des musiciens auSénégal et confronter mesfantasmes à la réalité. Detout cela est sorti cet album«Touki». Et voici maintenantle temps de la rencontre avecle public belge puisque les 5et 6 mai prochains, mon amiAbdou Guité Seck et moiallons nous produire pour lapremière fois à Bruxelles, auCentre Culturel d’Auderghem,entourés de huit musiciens.

Esprit libre : Vous verserezles bénéfices des concerts àune association qui œuvre auSénégal…Dominique Jonckheere : Oui,à l’association belge «WithThem» qui développe auSénégal des projets dans lesdomaines de la santé et del’éducation, et qui a décidéde soutenir à Dakar uneécole pour handicapés, par-rainée par… Abdou Guité !

> Isabelle Pollet

(1) Informations sur le sitewww.toukimusic.com

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26RECHERCHEENSCIENCEPOLITIQUE|

Le peuple est trop souvent le grand absent des analysesde la science politique, sauf lorsque des électionss’annoncent… ou que des révolutions éclatent. C’estdonc en partie pour remédier à cet état de fait que lequatrième Congrès international des associationsfrancophones de Science politique a choisi de mettre aucœur de ses débats le citoyen lambda, acteur à partentière, mais acteur occulté, de la gouvernance.

Repenser ladémocratieÊtre gouverné au XXIe siècle

D’autre part, le françaispermet aussi de rendre nosrecherches plus accessibles àun grand public, non spécia-lisé en science politique :cela favorise la vulgarisation.

Esprit libre : Parmi lesproblématiques abordées,la Belgique se taille une joliepart des débats…Marie-Hélène Schrobiltgen :Le cas belge sera discutédans un certains nombre desections thématiques, mêmesi d’autres cas d’étude sontégalement très bien repré-sentés… quoiqu’il en soit,cela n’est pas surprenant,pour des raisons pratiques(c’est organisé en Belgique,le projet est porté cetteannée par des chercheursbelges, etc.) mais aussi pourdes raisons scientifiques !Les institutions politiques dela Belgique et leur évolution(par exemple son modèle defédéralisme), les dispositifspour (tenter de) réguler lesconflits communautaires,son ordre juridique, la seg-mentation (aujourd’hui surbase linguistique) de lasociété belge, le type d’éco-nomie qui caractérise laBelgique ou encore la relationdes Belges à la constructioneuropéenne, etc. Ce sontautant d’aspects qui font dela Belgique un cas d’étudepassionnant pour leschercheurs.

Esprit libre : Vous êtesco-secrétaire de l’Associationbelge de Science politique-Communauté française,assistante au Départementde Science Politique de notreUniversité et membre duCEVIPOL. La Belgique et lesite de l’ULB en particulieraccueillent ce congrèsinternational. Quelles ensont les spécificités ?Marie-Hélène Schrobiltgen :La première spécificité estsans doute la grandeur del’évènement : 21 sectionsthématiques, c'est-à-direautant de groupes de travailqui vont aborder sous desangles différents le thèmegénéral « Être gouverné auXXIe siècle ». Cela représentepas moins de 350 spécia-listes en science politique quiseront rassemblés pendanttrois jours sur le campus del’ULB. La seconde spécificité,c’est la langue. La sciencepolitique est dans une cer-taine mesure dominée parl’utilisation de l’anglais.Pourtant, il est important depublier et de travailler égale-ment en français. D’une part,certaines régions du mondeont gardé la tradition du fran-çais (je pense par exemple àl’Afrique) et pouvoir utilisercette langue lors de grandsCongrès internationauxbénéficie au développementde la recherche en sciencepolitique dans ces régions.

« Être gouverné au XXIe siècle »Le 4e congrès international francophone des associationsde science politique se tiendra du 20 au 22 avril à l'ULB.La science politique étudie traditionnellement le pouvoirpolitique vu sous l'angle des grands acteurs décisionnels.Le congrès du 20 avril change de perspective et choisit defaire le point, non pas sur les décideurs, mais sur la po-pulation gouvernée, le simple citoyen et son comportementpolitique, son statut et le traitement politique dont il faitl'objet. Les mouvements populaires de contestation enAfrique du Nord et au Moyen-Orient ou la situation poli-tique belge seront, notamment, au cœur des discussions.

Lieu : Salle Dupréel (bâtiment S - Campus du Solbosch),44 av. Jeanne, 1050 Bruxelles.

Trois conférences sont ouvertes au public :le mercredi 20 avril à 17 h, « Le destin collectif des peuples :l'auto-gouvernement fait-il encore partie des utopiescontemporaines? » - Orateurs : Samir Amin et Chantal Mouffe

le jeudi 21 avril à 17h20, « Ces femmes et ces hommes quel'on gouverne. Europe, Afrique : un regard croisé » - Orateurs :Yves Deloye, Patrice Bigombe Logo, Philippe Poirier, AbdallahSaaf.

le vendredi 22 avril à 14h, « Être gouverné et vivre ensemble.La crise belge face à d'autres pays sous tension entre com-munautés » - Orateurs : Daniel Bochsler, Kris Deschouwer,Apollinaire Malu Malu, Carole Simard, Pierre Verjans.

Tarif : 10 euros par conférence, 15 euros pour les 3 confé-rences. Veuillez s'inscrire à : [email protected]

Publications :En plus de la publication des traditionnels actes, de nombresautres publications naîtront de ce congrès. Il faut aussi sig-naler qu’une nouvelle revue de science politique verra lejour dans la foulée, sur base d’une publication annuelle. Leréseau francophone des associations de science politiqueorganisant une rencontre internationale tous les deux ans,la revue qui paraitra l’année du Congrès reprendra une sé-lection de ses papiers. L’année suivante permettra de pour-suivre et d’ouvrir les débats à de nouveaux participants.

En savoir plus : www.sciencepolitique.be

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ANCIENS,AUXQUATRECOINSDUMONDE…

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Comment en suis-je venu à poursuivre des études de pharma-cie à Bruxelles? Dès mon adolescence j’ai été attiré par le do-maine de la santé. Une fois mon Baccalauréat en poche, plutôtque la médecine, j’ai préféré suivre des études de pharmacieà Dakar, sur les conseils d’un ami qui depuis est devenu un col-lègue à l’Université de Ouagadougou. Nous avons donc suivila même formation ensemble. Or vers la fin des années 80, àDakar, il y avait beaucoup de troubles sociaux et politiques. LeSénégal a décidé à l’époque de fermer l’Université, en invali-dant l’année en cours. Notre gouvernement a alors tenté detrouver des solutions pour nous permettre de poursuivre notrecursus. C’est comme cela que nous sommes venus en Bel-gique, à l’Université libre de Bruxelles, pour poursuivre nos li-cences.

Il faut préciser que les relations entre l’Université de Ouaga etcelle de Bruxelles étaient soutenues, grâce aux professeursLéopold Molle et Michel Hanocq, qui fut président de l’Institutde pharmacie à l’ULB, et ainsi qu’au ministre burkinabé del’Enseignement supérieur de l’époque, le professeur Mou-houssine Nacro. De ce fait, l’ULB a accepté de nous admettredirectement dans l’année en cours, sans nous obliger à re-commencer les candidatures.

SPÉCIFICITÉS DES ÉTUDES…À Dakar, les études de pharmacie étaient beaucoup plus axéessur la biologie, adaptées à nos réalités de terrain, à nos patho-logies… À Bruxelles, l’orientation était plus centrée sur la chimieet la chimie-physique, qui mènent à la fabrication de médica-ments. En Belgique, j’ai pu bénéficier d’un encadrement tech-nique et de TP beaucoup plus poussés qu’à Dakar.En 1991, j’ai enchaîné avec une licence spéciale en Chimie ana-lytique et je suis rentré ensuite au pays pour revenir peu detemps après à l’ULB, effectuer mon doctorat. Ce choix de la chi-mie analytique correspond à ma volonté initiale de revenir tra-vailler et vivre au Burkina Faso. C’est précisément l’époque oùl’ULB a aidé notre Université à monter sa section « pharmacie ».Des professeurs belges sont donc venus chez nous pour assu-rer les enseignements et ont dans le même temps formé la re-lève burkinabè. Ma thèse, consacrée à la modélisation descinétiques chimiques, concernait l’affinement du mode de trai-tement de données des études de stabilité sur les médicaments.

…GUINDAILLES INOUBLIABLES AUSSI !Concernant mon passage à l’ULB, ce qui m’a beaucoup mar-qué - d’un point de vue plus social et culturel - et même si jen’ai pas été baptisé, c’est… le folklore estudiantin! Ce sont lesguindailles auxquelles j’ai pu participer. J’ai particulièrement

Formé à l’Institut de Pharmacie de l’ULB, Issa Some est depuis une dizaine d’annéesprofesseur dans son pays d’origine, le Burkina Faso, à Ouagadougou. Il était récemmenten Belgique pour quelques semaines, dans le cadre de la Chaire Coopération du BRIC.Qu’a-t-il conservé comme souvenirs et comme liens avec son Alma Mater belge ? Quel estle sens de ses recherches et des collaborations internationales auxquelles il participe?

Issa SomeEntre Ouaga et Bruxelles,son cœur balance

Je suis plus que jamaispersuadé de l’importancede ce type de coopérationsentre Nord et Sudtant pour nos pays quepour les universités du Nord.Imaginer par exemplela compréhensiondes changements climatiquessans une coopération entrenos spécialistes des forêts équatorialeset les spécialistes du Norden climatologie ?

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28ANCIENS,AUXQUATRECOINSDUMONDE…

|apprécié cet aspect qui marque le début de l’année à l’ULB.Côté moins drôle, si tout se passait pour le mieux sur le cam-pus universitaire, je me rappelle avoir subi pas mal de contrôlespoliciers dès que je m’aventurais vers le centre-ville. Je suis entous les cas devenu un peu Belge de cœur grâce à l’Université !

RETOUR À OUAGADepuis la fin des années 90, j’enseigne la chimie analytique àOuagadougou où j’ai repris les cours du professeur Van Dammeainsi que le cours de bromatologie. J’étais il y a quelques moisà Bruxelles en tant qu’unique titulaire de la Chaire de coopéra-tion internationale du BRIC. Objectif : analyser les potentialitésd’un Projet interuniversitaire ciblé (PIC) de la Commission uni-versitaire pour le développement (CUD) relatif aux métauxlourds sur sites pollués. Ce problème est aigu chez nous ; ilconcerne très concrètement l’accès à l’eau potable. Dans leNord du pays, environ 2000 forages ont été effectués pourmettre des puits à disposition des populations. Des problèmesde dermatose ont été détectés, parce que ces puits ont étécontaminés à l’arsenic. Nous avons donc entamé l’analyse decette eau. L’intérêt de mon séjour en Belgique était de voir com-ment disposer de méthodes simples, peu chères et efficacespour réaliser ce type d’analyses de terrain. Le second aspectconsistait à envisager une manière de disposer de technolo-gies relativement simples pour éliminer l’arsenic contaminant.Ce sont les deux axes de travail sur lesquels le Prof. Jean-Mi-chel Kaufmann (par ailleurs doyen de la Faculté de Pharmacie)et moi-même travaillons. Concernant ce problème des nappesaquifères, je pense que le travail doit se poursuivre sur d’au-tres sites également. Le Burkina est un pays aurifère et j’ail’intime conviction que d’autres contaminations par métauxlourds sont en cause.

COOPÉRATION INTERNATIONALEJe participe par ailleurs à une collaboration internationale avecla France, le Mali et le Sénégal (Unité mixte internationale –équipe pollution/santé/environnement/société). Ce projet doitpermettre de comprendre la dynamique de la pollution et l’im-pact sur la santé et sur le vécu des populations. Des anthro-pologues, des géographes, des chimistes, des médecins, despharmaciens travaillent en synergie pour tenter d’apporter desréponses à des problématiques similaires à toute une régiond’Afrique.

Je suis plus que jamais persuadé de l’importance de ce typede coopérations entre Nord et Sud tant pour nos pays quepour les universités du Nord. Imaginer par exemple la com-préhension des changements climatiques sans une coopéra-tion entre nos spécialistes des forêts équatoriales et lesspécialistes du Nord en climatologie ?Certaines problématiques sont transversales. Les poussièresen provenance du Sahara remontent vers le Nord ; les cher-cheurs d’or du Brésil chauffent du mercure pour extraire l’or etprovoquent une pollution atmosphérique qui s’échappe et seretrouve au gré des courants en Norvège ou en Suède… Le se-cond aspect est l’aspect humain : abaisser les barrières entreles peuples ne peut se faire qu’au travers d’une compréhen-sion mutuelle et par l’échange. La recherche, à sa manière,peut aussi y contribuer.

> Issa SomeProfesseur de Chimie analytique et de Bromatologie à la Faculté de Pharmaciede l'Université de Ouagadougou, Burkina Faso

Ils sont venus chez nous. Certains sont repartis chez eux, d’autres sont restés… D’autresencore ont migré ailleurs. Ils sont venus se former dans une université ou une Haute écolesupérieure de notre pays. Qui sont-ils? Comment ont-ils vécu leur passage dans notre pays?Comment ont-ils participé au brassage des savoirs, des idées et des compétences entreNord et Sud…? Uneexposition, qui s’inscrit dans le cycle «HistoiresdesSavoirs», fait la partbelle aux parcours humains de ces ex-étudiants, et aux savoirs itinérants qui les traversent.

Les voyageurs du savoirÉtudiants d’ailleurs… vies d’ici

Esprit libre : Comment est venue l’idéede cette exposition ?Andrea Rea : C’est un projet qui est né àl’initiative d’Ahmed Medhoune et d’ULBCulture et auquel le Groupe d'études surle racisme, les migrations et l'exclusion(GERME) a été associé pour le voletscientifique. Nous nous sommes essen-tiellement basés sur les données quenous avions récoltées pour un projet néà l’initiative du Centre pour l’égalité deschances et la Politique scientifique. Lesrésultats étaient parus sous la forme

d’un ouvrage d’abord édité en néerlan-dais et dont la version française sort àl’occasion de cette exposition. Trois di-mensions ont été analysées : un aspecthistorique sur les échanges d’étudiantsavec la Belgique ; une dimension quan-titative « francophones-néerlando-phones» sur l’ensemble du pays ; etenfin, une partie qualitative quiconcerne les carrières de ces étudiantsvenus se former chez nous et qui re-trace un certain nombre de parcourspersonnels.

Esprit libre : L’exposition évoque autantdes parcours d’Ulbistes que d’étudiantsqui se sont formés dans d’autres insti-tutions en Belgique…Andrea Rea : C’est exact. Le matériau del’exposition est également constitué surbase d’entretiens que nous avons menésavec de nouveaux étudiants, de diversesuniversités belges. Le photographeBernard Boccara a, quant à lui, suivi uncertain nombre de ceux-ci dans leurréalité quotidienne. L’exposition seconstruit donc autour de leurs portraits

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Témoignagesen images. Un film est en outre proposédans le cadre de cette exposition.Nous avons surtout voulu synthétiserles axes de notre travail de recherche enfaisant apparaître, de façon visuelle, lesproblématiques des étudiants étrangersaujourd’hui en Belgique. Le titre est assezexplicite sur le sens de notre démarche :l’accroissement des connaissances, descompétences et des savoirs se nourritde la mobilité.

Esprit libre : La mobilité, pour desétudiants étrangers non européens,relève souvent du «parcours ducombattant»…Andrea Rea : Chacun sait que la mobi-lité d’étudiants ou d’académiques,lorsqu’elle concerne des Européens,est relativement aisée. Un billet d’avionet un passeport en règle suffisent laplupart du temps. Ce n’est pas du toutle cas lorsque des collègues du Suddésirent venir chez nous…En dévoilant les parcours de ces étu-diants du Sud qui viennent se formerchez nous, nous avons voulu montrerleur réalité quotidienne. Nous avonscherché à parler d’un phénomène peuet mal évoqué jusqu’ici, en dépassantles clichés et fantasmes habituels en-core trop souvent colportés. Commel’idée que beaucoup d’entre eux sontde « faux étudiants» venus pour se fixerchez nous, etc. Le phénomène n’est pasocculté dans l’exposition pour autant,mais il est ramené à sa juste proportion.Elle est surtout centrée sur les per-sonnes venues de pays en voie de déve-loppement. Beaucoup expliquent lesraisons de leur venue chez nous. L’ex-position, tout comme l’étude réalisée,montrent d’ailleurs un phénomène ré-cent : le nombre de cesétudiants-là diminuent alors que lamobilité intra-européenne, elle, sedéveloppe. Cela pose dès lors desquestions sur le devenir de notrecoopération au développement enmatière d’enseignement.

Esprit libre : Pour ces étudiants, laquestion financière est particulière-ment épineuse…Andrea Rea : Venir étudier chez nouscoûte très cher. La question du coût dela vie est un problème aigu pour eux ;en particulier pour ceux qui ne bénéfi-cient pas de bourses et doivent travail-ler pour payer leur séjour. Cetteexposition aborde aussi la probléma-tique de l’isolement, tout comme lerôle des associations étudiantes et desdivers réseaux sociaux d’entraide quiles encadrent.

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RÉALITÉSSOCIALES&UNIVERSITÉ

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�Martine

Martine Cecile, Camerounaise, a poursuivi un 3e cycle en études du Déve-loppement à l’UCL. Elle y mène depuis 2008 sa recherche doctorale sur lathématique du genre et développement : lancement d'un projet de micro-financement et de formation des femmes Bayam-sellam, de dix marchéspopulaires de Yaoundé.«Nous avons eu une bonne scolarisation. Ma mère se privait pour nousdonner des répétiteurs, ce qui est exceptionnel dans ce contexte. Elle aélevé ses 9 enfants quasiment seule. Le savoir a plusieurs visages, il estspirituel, humain, et ma mère, qui n’est pas allée à l’école, est l’encyclopé-die universelle du savoir. J’ai hérité de ce système de débrouillardise dansun contexte de dépouillementmatériel, je viens d’un univers de femmes quise sont toujours débrouillées.»

�Ahmad

Ahmad Aminian, Iranien, a teminé un 3e cycle en Philosophie à l'ULB; il estmédiateur scolaire et formateur en pédagogie interculturelle auprès de laVille de Bruxelles.« J’avais rencontré une femme, elle était en philologie classique, elle faisaitgrec. Moi j’étais en philologie orientale donc déjà on était, Orient/Occident.Elle m’a beaucoup aidé, c’était en deuxième candi, elle était mon diction-naire. Quand j’avais une question sur un mot de vocabulaire, elle me disaitça signifie ça, et je le notais, je ne devais plus aller chercher dans le diction-naire. Alors c’est comme ça que je me suis marié avec elle. »

�Wilfried

Wielfried, Ivoirien, Master Complémentaire en Développement, Environ-nement et Société. Faculté universitaire des Sciences agronomiques deGembloux.«Pour moi, si j’obtiens la distinction et que j’ai la bourse, je fais le doctoratet je rentre au pays pour faire passer le savoir. Ça c’est mon objectif, pro-fesseur à l’Université, dansmon pays. Chaque jour j’y pense et çame donnede la force pour aller de l’avant.»

BERNARDBOCCARA©DROITSRÉSERVÉSULB.

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Esprit libre : Au fil de l’exposition seprofile la question de la mobilité, au-delà de la problématique des études…Andrea Rea : Nous avons voulu montrerdes projets de vie et leur évolution. Oncompte chez nous beaucoup de Maro-cains, de Congolais, de Camerounaismais aussi des étudiants vietnamiens,boliviens, iraniens, etc. Nombreux sontceux qui désirent retourner chez euxaprès leur formation ; certains veulentrester mais sont confrontés à des légis-lations très strictes qui les en empê-chent ; d’autres se marient, etc. Ce quiveut dire que des trajectoires de viepeuvent changer parce que la vie en adécidé ainsi. Une troisième possibilitéaprès les études est de partir ailleurs :aux USA, en Allemagne, au Japon...C’est s’inscrire dans l’idée, très dansl’air du temps, de la mobilité. Ce phéno-mène est relativement neuf.Sur le devenir de ces étudiants, l’expo-sition rend compte, je pense, d’une cer-taine variété de destins. Elle montre,par l’exemple, qu’il y a rarement des«plans» prévus de longue date dans lechef de ces étudiants étrangers quienvisageaient dès le départ de s’ancrerchez nous… C’est un message qu’il estutile de rappeler, ou plus simplementde faire connaître.

> Alain Dauchot

�Luis

Luis, Bolivien, a terminé cette année son Master in Microfinance à Solvay.Aujourd'hui, il est expert indépendant en microfinance dans un projet enHaïti. Ici avec son amie belge, qui l'a suivi en Bolivie.

�Ahn

Ahn vient de terminer un Master en micro finance à Solvay ; elle est repar-tie travailler au ministère de l'agriculture au Vietnam, son pays d’origine.

�Walid

Walid Ammar, est ancien étudiant en médecine de l'ULB, libanais, actuelle-ment directeur du ministère de la santé publique dans son pays. Commis-saire à l'OMS, professeur en faculté de médecine au Liban, il a fondé lasection Liban de l'UAE et est membre fondateur de la maison laïque de Bey-routh.«Je me suis intéressé au Cercle du libre examen et j’y suis toujours. C’est unclimat de diversité culturelle, de tolérance et d’ouverture. On ne peut paspasser par l’ULB sans être touché par la philosophie de l’ULB (…) Je continueavec quelques collègues à transmettre cette philosophie de libre examen etde laïcité ici au Liban, c'est une chose dont on besoin dans ce pays.»

�Khiti

« Je suis d’une reconnaissance absolue pourmon père et mamère, vraimentils ont fait tout ce qu’il fallait pour nous pousser à étudier, à être autonome,pour les filles hein, pour les garçons il n’y avait pas de problèmes on les fai-sait étudier le plus loin possible, mais les filles bon, elles devaient juste sa-voir lire et écrire et puis c’est tout. Mon père et mamère disaient : il faut quevous soyez indépendantes, il ne faut pas que vous tendiez la main à votremari pour avoir de l’argent, pour aller au Hammam, au bain. »

�Housni

Housni, Marocain, est étudiant en Master ingénieur civil en gestion et tech-nologies à l’école Polytechnique de l’ULB.

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BERNARDBOCCARA©DROITSRÉSERVÉSULB.

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Exposition«Les voyageurs du savoir.Partir pour un diplôme»Du 28 avril au 16 juillet 2011Salle Allende, ULBCampus du Solbosch - Bâtiment F1 -22-24 av. Héger - 1000 Bruxelles.Entrée gratuite

Colloque«Migration, Ethnicisation and theChallenge of Diversity : The ‘Others’in Europe and Beyond».Organisé par le Centre de rechercheinterdisciplinaire migration-asile-mul-ticulturalisme (MAM) les 28 et 29avril 2011. Inscription obligatoire :[email protected] : http://is.ulb.ac.be

À lireMigrer pour un diplôme. Les étudiantsétrangers, Franck Caestecker &Andrea Rea, Éditions E. Bruylant, 2011.

Un catalogue proposant photos et té-moignages sera également disponible.

En savoir plus :www.histoiredessavoirs.ulb.ac.be

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LIVRES

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Nous ontégalement étésignalés :

De stemmen van het volkDeschouwer Kris, Delwit Pascal,Hooghe Marc, Walgrave Stefaan,Editions VUBPress, 2010, 272pages.

Vers de nouvelles pratiquesparticipatives ?Ouvrage collectif sous la direc-tion de Bingen Aline, HamzaouiMejed, Revue Les politiquessociales, 2010.

La production des espaceséconomiques. La formationdes territoires, vol IIVandermotten Christian, Maris-sal Pierre, Van Hamme Gilles,Éditions de l'Université deBruxelles, 2010, 380 pages.

Les démocraties européennes.Approches comparées dessystèmes politiques nationaux(2e édition)Ouvrage collectif sous la direc-tion de De Waele Jean-Michel,Magnette Paul, Édition ArmandCollin, 2010, 464 pages.

Livres

Hubert Pierlot, une vie

Dans la mémoire collective,Hubert Pierlot est le Premierministre qui a rompu avec leroi Léopold III en mai 1940.Le chef de Gouvernementqui, avec plusieurs de sesministres (Albert De Vlee-schauwer, Camille Gutt etPaul-Henri Spaak), a décidéde poursuivre la lutte contrel’Allemagne nazie en Grande-Bretagne, aux côtés desAlliés. Un choix dont il paierale prix fort, après-guerre. Laprésente biographie – qui sebase sur une impression-nante quantité d’archives etde papiers personnels iné-dits – raconte cependantbien davantage. Elle brosseégalement le portrait duPierlot privé : le temps de laformation, les voyages dejeunesse (au Canada). Ouencore l’époque décisive del’engagement volontaire, aunom du devoir et pendant 52mois, sur le Front de l’Yserlors de la Première Guerremondiale... Un Pierlot inédit,à (re-)découvrir…

Hubert Pierlot (1883-1963), La Loi,le Roi, la Liberté, Van Den DungenPierre, Collection biographie,Édition Le Cri, 2011, 452 pages.

Arrête de me dire que jesuis marocain !

Double identité, métissage,syncrétisme, hybridation...Les termes ne manquent paspour désigner l'identité deceux que l'on nomme tantôtMarocains, tantôt Belges, ouencore les deux à la fois(Belgo-marocain, Belge d'ori-gine marocaine, Marocain deBelgique, «Maghrébelge»...).Cette identité qui pose tantquestion est d'ailleurs surin-vestie par les médias, lepolitique, l'opinion publiqueet la recherche. Ce que l'au-teure propose ici, c'estd'aborder cette probléma-tique en opérant un renou-vellement du regard. Sonchoix a été de sortir l'étudede la question identitairedes descendants d'immigrésde la catégorie «étude surl'immigration» et de la faireentrer dans une sociologiegénérale de l'identité. Lesrésultats présentés ici repo-sent sur une enqûete de ter-rain et le recueil d’entretiensbiographiques.

Arrête de me dire que je suismarocain ! De Villers Johanna, Coll.Sociologie et anthropologie,Éditions de l'Université deBruxelles, 2010, 240 pages.

Le fonctionnement del'Union européenne

Depuis la chute du mur deBerlin, l'Union européenne aconnu une série de boulever-

sements qui ont affecté tout àla fois sa composition territo-riale, son mode de fonction-nement, ses compétences etson cadre constitutionnel.Dans le même temps, laquestion de ses rapportsavec les citoyens, qui étaitjusqu'alors un impensé de laconstruction européenne, aété posée avec force et estvenue compliquer aussi bienla réforme des traités que lefonctionnement courant del'Union. L'entrée en vigueurdu traité de Lisbonne clôt pro-visoirement cette phase chao-tique. Ce nouveau texte,malgré ses faiblesses, aapporté des réponses à desquestions restées en suspensdepuis le traité de Maastricht.Il n'a en revanche pas clarifiéla nature de l'Union. Cet ou-vrage a pour ambition defournir une analyse concisede l'Union et de ses dyna-miques, en accordant uneattention particulière à sonfonctionnement concret.

Le fonctionnement de l'Unioneuropéenne, Costa Olivier, BrackNathalie, Collection UBlire Réfé-rences, 13, Éditions de l'Universitéde Bruxelles, 2011, 256 pages.

Revendiquerle «mariage gay»

Nouvelle étape dans le pro-cessus de reconnaissancelégale des unions de mêmesexe, le «mariage gay» estaujourd'hui débattu dans denombreux pays. Ce livrepionnier se penche surl'émergence de cette revendi-cation en Belgique, enEspagne et en France, troisEtats où les militants gayset lesbiens exigèrent très tôtle droit de se marier (voiraussi page 11).

Revendiquer le «mariage gay»Paternotte David, Collection Sciencepolitique, Éditions de l'Universitéde Bruxelles, 2010, 216 pages.

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32LIVRES

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Partis et systèmesde partis

Le livre de Giovanni Sartorisur les partis politiques et lessystèmes de partis est au-jourd'hui l'un des plus grandsclassiques de la littérature po-litologique. Dans cet ouvragefondé sur une méthodologierigoureuse et un matériau em-pirique d'une exceptionnellerichesse, Sartori analyse l'his-toire des partis, leurs défini-tions possibles et, surtout, lesrelations qu'ils nouent entreeux pour former un systèmede partis. Publié une premièrefois en 1976, ce chef-d’œuvredans l'étude des partis resteune, sinon la référence incon-tournable sur la question. Satraduction française combleune énorme lacune.

Partis et systèmes de partis: uncadre d'analyse, Sartori Giovanni,Collection UBlire Fondamentaux,14, Éditions de l'Université deBruxelles, 2011, 528 pages.

L'enfant terriblede la littérature

Des écrivains qui ont subi laShoah, enfants, ont gardélongtemps le silence. Le pré-sent livre montre commentces révoltés silencieux bous-culent souvent les codes de lalittérature dans leurs autobio-graphies, comme Perec enFrance, Raymond Federmanaux États-Unis, Appelfeld enIsraël. Traqués, cachés auxquatre coins de l'Europe, lesjeunes, qu'on a toujours cruchanceux d'avoir échappé à

l'horreur de la déportation,révèlent, en faisant œuvre demémoire et dans les languesles plus diverses, une souf-france spécifique, farouche.On verra mieux comment,malgré la pudeur derrièrelaquelle ils continuent à secacher, les auteurs arrivent,par leur art du récit, à fairepasser le vécu indicible de lapériode où l'on a voulu leurmort.

L’enfant terrible de la littérature,Autobiographies d’enfants cachés,Nysenholc Adolphe, Didier DevillezÉditeur, 2011, 320 pages.

La Monnaie entre-deux-guerres

À la fin de la Première Guerremondiale, un nouveau trium-virat directorial se met enplace à la Monnaie: Jean VanGlabbeke assure la gestionfinancière, Paul Spaak estconseiller littéraire et Corneilde Thoran directeur musical.Ce dernier devait présider auxdestinées de l'institution du-rant plus de quarante ans. Lesproductions s'organisent au-tour du régisseur Dalman, dudécorateur Delescluze et ducostumier Thiriar. Pour l'aiderdans ses fonctions de chefd'orchestre, de Thoran faitappel à des chefs commeRuhlmann et Bastin. Mais cesannées sont difficiles. La mul-tiplication des salles de spec-tacle ou l'arrivée du cinémaplongent l'art lyrique dans ledésarroi… De Thoran multipliealors les initiatives : dévelop-pement de saisons d'opé-rette, ouverture au publicscolaire, élargissement du ré-pertoire auxœuvres du passéou vers la Russie et l'Italie. Unlivre abondamment illustré.

La Monnaie entre-deux-guerres,Ouvrage collectif sous la directionde Couvreur Manuel, Dufour Valérie,Cahiers du Gram, Le Livre Timper-man, 2010, 399 pages.

Questionnementet historicité

La révolution problématolo-gique interroge le question-nement à partir de lui-même.Elle ne part ni de l'être, qui fitles beaux jours de la penséeancienne et médiévale, ni dusujet, qui fut au travers de laconscience de soi le fonde-ment de la pensée moderne.L'être est un concept tropflou pour fonder quoi que cesoit, et c'est la science qui,depuis Galilée, s'est chargéede dire ce qui est et pourquelles raisons, déterminantainsi l'être dans ses diverscontenus. Quant à la subjec-tivité, loin d'être encore unquelconque originaire, elleest traversée par les pulsionset par l'Histoire ; en un mot,elle est plus problématiqueque jamais au même titreque l'être. Où trouver alorsun nouveau fondement ?s’interroge Michel Meyer,dans cette nouvelle synthèsedes savoirs.

Questionnement et historicité,Meyer Michel, Quadrige EssaisDébats, Presses Universitaires deFrance, 2011, 600 pages.

Allo la science ?

Aujourd'hui, il sembleraitque la science ne passe plusauprès du grand public. Dansles grands débats médiatisésde notre époque, la commu-nauté scientifique est d'ail-leurs souvent aux abonnésabsents. Alors que cher-

cheurs et citoyens prônent unvrai dialogue entre la scienceet la société, celui-ci peine àse mettre en place. Où estdonc le problème ? Du côtédes médias, que l'on dit trai-ter ces sujets avec trop desuperficialité ? Du côté desscientifiques, que l'on saittrop peu engagés dans lacommunication publique ?La science paie-t-elle là leprix d'une trop grande proxi-mité avec les pouvoirs poli-tico-industriels ? Pour tenterde répondre à ces questions,l’ouvrage décortique les ca-naux de l’information et de lacommunication scientifique.

Allo la science ? Analyse critiquede la médioscience, ClaessensMichel, Édition Hermann, 2011.

Pour une culturedu changement

Il ne faut pas être grand clercpour s’en rendre compte :l’enseignement supérieureuropéen est en pleine muta-tion. Il se transforme sous lapression externe du proces-sus de Bologne, ou bien il sesent tenu d’évoluer parceque l’environnement socio-économique et politiquedans lequel il est ancréchange lui aussi ; ou encoreil doit prendre en considéra-tion de nouvelles réalitéstelles qu’un rapport neuf àl’apprenant «client» ou undéploiement inconnujusqu’ici de nouvelles tech-nologies. De cet état de fait,naissent une multitude dechangements, infimes oustructurels, de résonnanceplus ou moins grande, quirévolutionnent ou, à tout lemoins, dérangent l’ordrejusqu’ici accepté.

Pour une culture du changement,Ouvrage collectif sous la directionde Defoin Christine, Qualité etEnseignement vol 2, 2011,176 pages.

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LIVRES

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Politique migratoirede l’UE

Le traité d'Amsterdam com-munautarise les matières re-levant des visas, de l'asile etde l'immigration. Le traité at-tribue donc compétence à laCommunauté européennepour adopter des règles quiprennent la forme d'une poli-tique commune de l'immigra-tion. Seulement, le bascule-ment de matières régaliennesdans l'orbite communautairea été difficile. Les Étatsmembres, pour conserver lamaîtrise du domaine, ontnotamment accompagnécette communautarisationd'aménagements importants.Dans ces conditions, la ques-tion se pose de savoir dansquelle mesure une politiquemigratoire de l'Union euro-péenne peut émerger, voireexister. L'analyse du cadred'action et des actes adoptésdans le domaine au cours desdix années suivant l'entrée envigueur du traité d'Amsterdampermet d'y répondre.

La politique migratoire de l'Unioneuropéenne - De Schengen àLisbonne, Pascouau Yves, LibrairieL. G. D. J., 2011.

Transmettre

Que ce soit en Europe ou dansdes sociétés plus lointaines,les discours « de crise » sur ladisparition des sociétés, desvaleurs, des identités, des ra-cines ou des langues abon-dent aujourd'hui, poussantles ethnologues à développer

leurs analyses de la notion detransmission et d'apprentis-sage (qu'il s'agisse de pra-tiques, de représentations oud'émotions). Et, ce faisant, àpenser les mécanismes com-plexes qui lient les individuset rendent possible la perpé-tuation du culturel.

Transmettre, Revue Terrain N° 55,FMSH Éditions, coordonnée parBerliner David, 2010, 168 pages.

Ordres et désordresau Caucase

Vingt ans après le déclenche-ment des premiers conflitsarmés qui ont embrasé la ré-gion, la violence ne s'est pastue au Caucase : elle persistede façon diffuse au Nord,tandis qu'éclatait en août2008 sur le territoire géor-gien une guerre qui remettaitpour la première fois encause les frontières interna-tionales issues de l'effondre-ment de l'URSS. Cetteinstabilité persistante ne doittoutefois pas occulter lestransformations profondesqui ont affecté la région.Avec l'accession des États duCaucase du Sud à l'indépen-dance et leur entrée dans lamondialisation, et la redéfi-nition des relations entreMoscou et les entités nord-caucasiennes, les conflitsont changé. Cet ouvrages'attache à analyser les évo-lutions historiques et poli-tiques qui déterminent lesconflits, en mettant l'accentsur les effets des mobilisa-tions identitaires et des tu-telles extérieures, mais aussisur leurs ressorts internes.

Ordres et désordres au Caucase,Ouvrage collectif sous la directionde Merlin Aude, Collection Sciencepolitique, Éditions de l'Universitéde Bruxelles, 2010, 232 pages.

La Belgique gauloise

Peu après son indépen-dance, la Belgique se met àchercher des Pères pour cettenouvelle Patrie. Ils sontimmortalisés sous forme destatues et de peintures sur laplace publique, entre autresà des fins éducatives. Ambio-rix, Clovis, Charlemagne, Go-defroid de Bouillon sont tousporteurs du même message:ceci était la Belgique ou,mieux, ceci est la Belgique !Boduognat le Nervien etAmbiorix l'Éburon prennentune place de choix : ils repré-sentent les «anciens», les«premiers» Belges. LaBelgique ne porte-t-elle pasun nom que Jules César, sonpremier chroniqueur, lui adonné? Très vite, cependant,une question quelque peufallacieuse naît : nos hérossont-ils Gaulois ou Germains?D'où viennent-ils, à quelle« race» appartiennent-ils ?

La Belgique gauloise. Mythes etarchéologies,Warmenbol Eugène,Édition Racine, 2010, 208 pages.

L’Iran contemporain

Étrange pays que cet uniqueÉtat chiite, qui n'a jamaisrompu avec son passé préisla-mique et qui, malgré son par-ticularisme, a toujours exercéun rayonnement culturel bienau-delà de ses frontières.Curieux destin que celui de cevieil empire aujourd'huientouré de jeunes États, objetpendant tout le XIXe et le

début du XXe siècle de rivali-tés entre puissances russe etbritannique, et qui est aussi lapremière nation duMoyen-Orient à s'être dotée d'uneConstitution moderne obte-nue à la suite d'une révolutiondès 1906. Précurseur dans lanationalisation de ses res-sources pétrolières, l'Iran estégalement le premier pays àconnaître une révolution isla-mique qui provoque unséisme politique sans précé-dent à travers le mondemu-sulman et au-delà.Aujourd'hui, alors que sesvoisins tentent d'endiguer lamontée de l'islamisme radi-cal, il cherche la voie pour sor-tir d'une révolution religieuse.

Histoire de l'Iran contemporain,Kellner Thierry, Collection Repères,La Découverte, 2010, 128 pages.

Mauvais genres…

Classer implique un juge-ment. On sous-entend dansces taxinomies qu'il y a debons et de mauvais livres,une manière de lire distin-guée et des appropriationsdifférenciées, condamnables,des personnes cultivées etd'autres qui manquent declasse et de raffinement. Onfeint de croire que cette iden-tification obéit à des qualifi-cations scientifiques. Ainsi seforment les hiérarchies cultu-relles. Ceux qui maîtrisent lescodes culturels ont un verdictassuré quand ils s'arrogent ledroit de trouver ridicules lesaspirations d'évasion et dedétente que procure lalecture facile des mauvaisgenres non légitimés : bandedessinée, roman policier,sentimental, d'espionnage,novélisation, roman-photo,roman historique...

Mauvais genres, mauvaiseslectures, mauvaises gens,Jean-Maurice Rosier, Éditions duCerisier, 2010, 127 pages.

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34ÉPINGLÉPOURVOUS|

Les philosopheset le futurDepuis la Renaissance et les débuts dela Modernité, puis toujours davantageaux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, le thème dufutur n’a cessé de gagner en importancesous des formes très diverses et ambi-valentes. Comment les philosophes mo-dernes et contemporains ont-ils exprimécette insistance croissante et commentdes philosophies antérieures ont-ellesabordé ou ignoré le futur? Le fil directeurdes conférences du colloque internationalproposé par le Centre de recherchesinterdisciplinaires en bioéthique (CRIB)est d’interpeller des philosophes sur laquestion du futur. Ce colloque est orga-nisé en l’honneur du Professeur GilbertHottois. Le « futur » est un thème derecherche au centre de ses intérêts : ilhabite l’ensemble de ses écrits.

Quand ? Du 28 au 30 avril 2011Où ? Campus du Solbosch,bât. H 2214 et Salle 2-VisAv. F.D. Roosevelt, 50 - 1050 BruxellesEntrée gratuite

Objectif « musées » :concours photo !Vous avez jusqu’au 15mai pour participerau concours photo du Réseau desmusées de l’ULB. Deux thèmes voussont proposés. Le premier : « Un objet,une collection ». La photo illustrera uneœuvre ou un objet particulier de l’undes 12 musées de l’ULB. Le second :« Ambiance/Atmosphère ». La phototentera de rendre l’ambiance qui règnedans le musée choisi. Les photos récom-pensées seront publiées sur tous lessupports du Réseau des musées et fe-ront l'objet d'une exposition itinérante.Par ailleurs, ne ratez pas le Printempsdes musées, avec comme thème cetteannée : Élémentaire, mon cher Public !Le 14 mai, de 17h à 22h.

Règlement & infossur la page Facebook du RéseauContact : [email protected] savoir plus : www.ulb.ac.be//musees

Dimanche des sciencesLe Centre de culture scientifique de l’ULB,la Ligue des Familles et CHArleroi NAtureasbl vous donnent rendez-vous auDimanche des Sciences, le 1er mai. Àl’occasion de cette édition, les « Bois etForêts » sont à l’honneur. Pourquoi nepas débuter votre journée par un petit-déjeuner Matin-Malin, de 9h à 10h30,au prix de 4€ (réservation indispensa-ble). Ensuite, place aux animationsscientifiques et culturelles proposéespar une vingtaine d’associations. CeDimanche des Sciences est une belleoccasion de découvrir les sciences autre-ment, de manière ludique et interactive,dans un cadre convivial. Venez égalementdécouvrir les expériences réalisées parles enfants dans le cadre des « ClassesSciences 2011 » ! Entrée libre et gratuite,petite restauration.

Infos : www.ulb.ac.be/ccs/

À voir,à faireà l’ULB…ou ailleursRetrouvez toutes les activités de l’ULBdans l’agenda électronique sur :www.ulbruxelles.be/outils/agenda/

Mais aussi…Jusqu’au 18/12/2011 - ExpositionDynaMath… des maths pour tous !De l'architecture aux sports en passant parl'art et les jeux, les mathématiques sontpartout. L'exposition DynaMath vous feradécouvrir les mathématiques comme vousne les avez jamais vues. Elle a été conçuepar le Centre de culture scientifique del'ULB à Charleroi et la Maison de laScience (ULg). Infos : www.ulb.ac.be/ccs/

Le 26/04/2011 - Rencontre-débatElio Di Rupo & Johan Vande LanotteUn événement organisé par la Faculté desSciences sociales & politiques. À 19h30auditoire 2215. Infos : www.fsp-ulb.be

Le 27/04/2011 - Ciné-débatFilm documentaire «Main basse sur le riz »De Jean Crepu, avec Faliry Boly (Secrétairegénéral du Syndicat des exploitationsagricoles de l'office du Niger) et BenoîtDave, chercheur au Centre d'études de lacoopération internationale et du dévelop-pement (CECID-ULB). Organisé par leCEMUBAC dans le cadre de 'Campus PleinSud 2011'. Où ? ULB, Campus du Solbosch,Bâtiment H, Auditoire H1301, 1050 Bruxelles.Quand ? À 18h30.Infos : [email protected]

Du 29/04/2011 au 27/11/2011Événement - Charleroi 1911-2011« L’industrie s’associe à la culture »7 mois d’événements ! Expositions, spec-tacles, concerts, événements, projections,colloques, conférences, documentaires, ré-sidences d’artistes en entreprises, ateliers,parcours, visites guidées et virtuelles, etc.Où l’ULB sera fortement associée….Infos : www.charleroi1911-2011.be/

Le 03/05/2011 - Colloque« Art et Psychanalyse »Organisé par la Faculté des Sciences psy-chologiques et de l'Éducation - Journéescientifique en hommage à Alex Lefebvre.Où ? ULB, Campus du Solbosch, Institutde Sociologie, Salle Dupréel, av. Jeanne44, 1050 Bruxelles. Quand ? De 9h à 18h.Infos : [email protected]

Le 11/05/2011 - ÉvénementConférence de Stephane HesselIndignez-vous – Engagez-vous !Un événement du CAL, de l’UAE & l’ULB.Auditoire P.E. Janson, 20h. Entrée libre,sans inscription préalable.Infos : www.ulb.ac.be

*Biopoly ou commentse former aux biotech-nologies en WallonieAfin de pallier les difficultés des entre-prises biopharmaceutiques et biotech-nologiques à recruter des technologuespolyvalents, le Biopark de Charleroi pro-pose une formation sur mesure en mai2011. Mis en place l'année dernière encollaboration avec le Forem, ce programmetransdisciplinaire a été élaboré en tenantcompte des besoins tant industrielqu'institutionnel du secteur. La formationproposée pour la 1re fois en 2010 à 12demandeurs d'emplois avait rencontréun vif succès: l'objectif final (trouver unjob de biotechnologue de laboratoiredans le domaine des biotechnologies)ayant été atteint grâce à la qualité despartenariats tissés avec le Forem, leschercheurs académiques de l'ULB(IBMM, IMI), le centre de compétenceCEFOCHIM et les acteurs industriels.

Le programme aura lieu du 16 maiau 16 septembre 2011.Infos : http://www.biopark.be/formations/index_9.html

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PÉRIODIQUE D’INTÉRÊT GÉNÉRALPÉRIODIQUE - PARAÎT 5 FOIS PAR ANN° d’agréation P201028Campus du Solbosch CP 13050, av. F.D. Roosevelt1050 Bruxelles

Éditeur responsable :Anne Lentiez,Départementdes relations extérieures

Rédacteur en chef :Alain Dauchot

Rédacteur en chef adjoint :Isabelle Pollet

Comité de rédaction :Alain Dauchot,Nathalie Gobbe,Violaine Jadoul,Isabelle Pollet,Anne Lentiez

Secrétariat :Christel Lejeune

Contact rédaction :Service communication,ULB: 02 650 46 [email protected]

Mise en page :Geluck, Suykens & partnersChiquinquira Garcia

Impression :Corelio Printing

Routeur :The Mailing Factory SA

Esprit libre sur le Web :ulbruxelles.be/espritlibre/

14/05/2011 - ÉvénementMatinée d'infos pour les parentset les futurs étudiants (MIPFE)Organisé par l’ULB, Campus du Solbosch,Institut de Sociologie, avenue Jeanne 44,1050 Bruxelles, de 9h à 12h30.Infos : InfOR-etudes : 02 650 36 36E-mail: [email protected]://www.ulbruxelles.be/matinee

Du 20/05/2011 au 02/10/2011ExpositionBruxelles, prouesses d’ingénieursLa première exposition d’envergureconsacrée à la valorisation du patrimoined’ingénierie en Région bruxelloise.Infrastructures, pontages, fonctionnementdes bâtiments : un large panorama seraprésenté au travers de maquettes,d’échantillons, de photos et de films.Un événement mis sur pied par le CIVA,avec la VUB et l’ULB (Service BaTIR).Lieu : CIVA, rue de l’Ermitage 55 - 1050Ixelles. Infos : www.civa.be

Àvoir,à

faireàl’ULB…ouailleurs

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