equipements et services : la métropole au quotidien

92
Équipements et services : la métropole au quotidien N° 157 - janvier 2011 trimestriel - 20 ISSN 0153-6184 www.iau-idf.fr IAU île-de-France

Upload: others

Post on 23-Jun-2022

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Equipements et services : la métropole au quotidien

Équipements et services :

la métropole au quotidien

N° 157 - janvier 2011trimestriel - 20 €ISSN 0153-6184www.iau-idf.fr

IAU île

-de-F

rance

Page 2: Equipements et services : la métropole au quotidien

PrésidentM. Jean-Paul HUCHONPrésident du conseil régional d’Île-de-France

• Bureau1er vice-présidentM. Daniel CANEPAPréfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris

2e vice-présidentM. Jean-Claude BOUCHERATPrésident du conseil économique et social régional d’Île-de-France

3e vice-présidenteMme Mireille FERRI, conseillère régionale

Trésorier : Mme Françoise DESCAMPS-CROSNIER

Secrétaire : M. François LABROILLE

• Conseillers régionauxTitulaires : Suppléants : Jean-Philippe DAVIAUD Judith SHANChristine REVAULT d’ALLONNES Aurore GILLMANNFrançoise DESCAMPS-CROSNIER Halima JEMNIMuriel GUÉNOUX Daniel GUÉRINJean-Luc LAURENT Éric COQUERELFrançois LABROILLE Marie-José CAYZACAlain AMÉDRO Thibaud GUILLEMETMireille FERRI Marc LIPINSKIClaire MONOD Jean MALLETPierre-Yves BOURNAZEL Frédéric VALLETOUXJean-Pierre SPILBAUER Martine PARESYSDenis GABRIEL Sophie DESCHIENSFrançois DUROVRAY Patrick KARAM

• Le président du conseil économique et social régionalM. Jean-Claude BOUCHERAT

• Deux membres du conseil économique et social régionalTitulaires : Suppléants :M. Pierre MOULIÉ Mme Nicole SMADJAN. M. Jean-Pierre HUBERT

• Quatre représentants de l’ÉtatM. Daniel CANEPA, préfet de la Région d’Île-de-France, préfet de Paris ;Mme Sylvie MARCHAND, directrice régionale de l’Insee, représentant le ministrechargé du Budget ;M. Jean-Claude RUYSSCHAERT, représentant du ministre chargé de l’Urbanisme ;Monsieur le représentant du ministre chargé des Transports : N.

• Quatre membres fondateursLe gouverneur de la Banque de France, représenté par M. Bernard TEDESCO;Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,représenté par M. Patrick FRANÇOIS, directeur interrégional ;Le gouverneur du Crédit foncier de France,représenté par M. Florent LEGUY ;Le président du directoire du Crédit de l’équipement des PMEreprésenté par M. Christian FOURNET.

• Le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, représenté par Mme Valérie AILLAUD.

Composition du conseil d’administration de l’IAU îdFau 1er janvier 2011

PUBLICATION CRÉÉE EN 1964

Directeur de la publicationFrançois DUGENY

Directrice de la communication Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) [email protected]

Responsable des éditionsFrédéric THEULÉ (01 77 49 78 83) [email protected]

Rédactrice en chefSophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) [email protected]

CoordinateursSéverine ALBE-TERSIGUEL (01 77 49 77 08) [email protected] MANGENEY (01 77 49 78 23) [email protected]

Secrétaire de rédactionAgnès FERNANDEZ

Contact presse01 77 49 79 05 - 01 77 49 78 94

FabricationSylvie COULOMB (01 77 49 79 43) [email protected]

Maquette, illustrationsAgnès CHARLES (01 77 49 79 46) [email protected]

CartographieJean-Eudes TILLOY (01 77 49 75 11) [email protected]

Notes de lectureChristine ALMANZOR (01 77 49 79 20) [email protected] DE BERNY (01 77 49 76 16) [email protected] GALLET (01 77 49 79 63) [email protected] GALOPIN (01 77 49 75 34) [email protected] MARIOTTE (01 77 49 75 28) [email protected]

Médiathèque – photothèqueClaire GALOPIN (01 77 49 75 34) [email protected]élie LACOUCHIE (01 77 49 75 18) [email protected]

ImpressionPoint 44

CouverturePhoto : Olivier Pasquiers/le bar Floréal photographie/Région ÎdF

Crédits photographiquesp. 1 : Jean-Luc Comier/le bar Floréal photographie/Région ÎdFp. 2 : Christian Lauté

ISSN 0153-6184

© IAU île-de-FranceTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Les copies, reproductions, cita-tions intégrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement privée et individuelle, sont illicitessans autorisation formelle de l’auteur ou de l’éditeur. La contrefaçon sera sanctionnée par les articles425 et suivants du code pénal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41).Dépôt légal : 1er trimestre 2011

Diffusion, vente et abonnement :Olivier LANGE (01 77 49 79 38) [email protected]

France ÉtrangerLe numéro : 20 € 23 €Le numéro double : 33 € 35 €Abonnement pour 4 numéros : 79 € 89 €(Étudiants, photocopie carte de l’année en cours, tarif 2011) : remise 30 %

Sur place : Librairie ÎLE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguière, Paris 15e (01 77 49 77 40)

Par correspondance :INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE15, rue Falguière - 75740 Paris Cedex 15Abonnement et vente au numéro : http://www.iau-idf.fr

Bulletin d’abonnement annuelSouhaite s’abonner pour un an (3 numéros + 1 numéro double)

aux Cahiers de l’IAU île-de-France

Nom

Organisme

Adresse

Code postal Localité

Pays

Mél.

Tarifs abonnementFrance : 79 € Étranger : 89 €

Étudiant : remise 30 % (photocopie de la carte de l’année en cours)

Commande d’anciens numérosFrance : 20 € – n° d. : 33 € Étranger : 23 € – n° d. : 35 €

N° 156 - Économie N° 155 - Sécurité

N° 154 - Maroc (n° double)

www.iau-idf.fr

IAU île

-de-F

rance

Page 3: Equipements et services : la métropole au quotidien

Garantir un accès équitable aux équipementset services

La densité urbaine d’une ville ne se mesure pas aux seulseffets de seuils démographiques. Ce serait alors confondre la carte et le territoire, la ville administrative et la ville vécuepar ses habitants. La définition d’une conditionmétropolitaine équitable doit intégrer les besoins en équipements et en services de nos concitoyens. Elle doit surtout les penser aux différentes échelles

de l’Île-de-France, du quartier à la région métropole en passant par l’agglomération.

C’est tout l’enjeu de ce numéro 157 des Cahiers de l’IAU île-de-France. Les dynamiques urbaines ne recoupent pas nécessairement les évolutionsdémographiques des villes. Des petites cités riches en équipementspeuvent ainsi rivaliser avec des communes de plus grande taille mais pauvres en services à la population.

L’expérience ordinaire du vivre ensemble urbain est la bonne grille de lecture du développement territorial francilien. On habite la ville tout autant qu’on habite une ville. Les équipements et les services créent de l’urbanité, au sens propre comme au sens figuré. Ils permettent de transformer les villes décors en villes acteurs. L’oublier c’est prendre le risque de bâtir des villes incomplètes. Les équipements et les servicesparticipent de l’attractivité de la région, mais ils sont aussi porteurs de liensocial.

La Région Île-de-France se veut la garante de la qualité des services publicset d’une meilleure équité territoriale. Pour contrer la réduction des budgetsdes collectivités engendrée par la crise et le gel des dotations d’État, elle intervient financièrement dans la réalisation d’équipements publics de niveau régional et national, en valorisant auprès de tous ses partenairesla démarche contractuelle et le passage de conventions.

C’est en agissant ainsi que la Région Île-de-France peut lutter efficacementcontre les ségrégations urbaines. La ville du futur se dessine aujourd’hui. De nos choix présents dépendront les manières que nous aurons d’y vivre.

Éditorial

1

Jean-Paul HuchonPrésident du conseil régional d’Île-de-FrancePrésident du Syndicat des transports d’Île-de-FrancePrésident de l’IAU île-de-France

IAU île

-de-F

rance

Page 4: Equipements et services : la métropole au quotidien

2

Pour une approche globale de l’offre en équipements et services

Les travaux de l’IAU île-de-France couvrent un large éventailde domaines et de compétences et lui permettent de menerune réflexion novatrice sur la problématique des équipements et services, dans une approche globale et transversale.

L’aménageur ou l’urbaniste se confrontent souvent au morcellement de la gestion des équipements et des services par thématique (planification hospitalière, équipements sportifs, scolaires,universitaires…). Aujourd’hui, la planification urbaine intègre la dimensionde la proximité, de « l’humain» et de la qualité de vie, en abordant de frontles problèmes de centralité, d’animation, de cohésion sociale, de besoinsdiversifiés qui mettent l’habitant, le citoyen, au cœur de la réflexion. Cette évolution impose un renversement du mode de pensée avec une vision globale et transversale de l’ensemble de la gamme des équipements et services auxquels tous les habitants doivent avoiraccès. Cette vision est la seule qui permette d’identifier clairement les enjeux d’adaptabilité et les contraintes physiques, temporelles,financières, sociales et culturelles.

Pour aller dans ce sens, notre institut travaille actuellement à l’élaborationd’une base de données homogène et hiérarchisée pour construire une vision régionale de l’offre d’équipements et de services permettantd’identifier les zones de carence et les inégalités d’accès à l’offre, et de dégager les polarités d’équipements pouvant être le fruit d’un équipement structurant ou de la concentration d’équipements de taillepetite ou moyenne.

Ce numéro des Cahiers s’inscrit dans cette recherche évolutive et pose les premiers jalons de diagnostic, de méthodologie à construire, d’enjeux à ne pas oublier et de défis à relever pour le bien-être et le mieux-vivre de tous les Franciliens. Il constitue ainsi l’une des premières publications à traiter des services à la population sans spécificité thématique.

Avant-propos

François DugenyDirecteur général de l’IAU île-de-France

IAU île

-de-F

rance

Page 5: Equipements et services : la métropole au quotidien

ComprendreLes équipements et services à la population: quelles questions?Catherine Mangeney . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Équipements, urbanisme et aménagement au fil de l’histoirePhilippe Montillet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Programmation des équipementset services de 1920 à nos joursChristine Corbillé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Équipements et services : une offre disparateSéverine Albe-Tersiguel, Catherine Mangeney . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Sur l’accessibilité aux ressourcesoffertes par la villeFrancis Beaucire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

L’accessibilité et la desserte des équipements franciliens, quel constat?Interview de Jérôme Bertrand . . . . . . . . . 23

Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximitéCatherine Mangeney . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

AgirLes politiques d’équipement : un foisonnement d’acteursCorinne de Berny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Commerce, la difficile conciliationentre liberté et régulationCarole Delaporte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Pour une intervention publiqueforte et concertéeInterview de Francis Parny . . . . . . . . . . . . 36

Qualité de vie, la proximité au confluent des enjeuxmétropolitainsInterview de Jean-Yves Le Bouillonnec 37

Les équipements en bonne place dans le PLU de Boulogne-BillancourtInterview de Gauthier Mougin . . . . . . . . 38

Arcueil, une ville en mouvement,porteuse de projetsInterview de Denis Weisser . . . . . . . . . . . . 39

L’Île-Saint-Denis, terred’expérimentations alternativesInterview de Michel Bourgain . . . . . . . . . 40

Finances locales : les collectivités remises en cause?Jean-Pierre Chauvel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Les fonds structurels européens, un outil d’aide aux équipementsGeneviève Danchin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Équipements, projets de territoireet documents de planificationJean-François Vivien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Déclin de l’urbanisme opérationnel,quel impact?Amélie Darley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

Le pôle aquatique, un équipementemblématique au Val FourréInterview de Arnaud Belan, Stéphanie Rolland et Carol Landes . . . . 52

Vers une répartition plus équilibréedes équipements à Pontault-CombaultInterview de Sébastien Podevyn et Brigitte Vergnaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

Politiques contractuelles, quel rôledans l’équipement des territoires?Interview de Coralie Deshaies . . . . . . . . . 55

L’université aménageuse : le « rêve américain»?Hélène Dang Vu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Le Centre Pompidou-Metz, un équipement culturel porteurd’imageInterview de Laurent Le Bon . . . . . . . . . . 60

AnticiperProspective d’équipements et services : les enjeux temporelsJean-Yves Boulin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Le Val d’Europe, un territoire de grands projets?Interview de Francis Borezée . . . . . . . . . . 67

Un quartier urbain en construction:le campus universitaire CondorcetInterview de David Bérinque . . . . . . . . . . 68

Le rôle des PPP dans le financement des équipements vu par la CDCInterview de Arnaud Voisin et Grégory Bertrand . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Développement des contrats departenariat, la spécificité sportiveInterview de Patrick Bayeux . . . . . . . . . . . 70

Adaptabilité des équipements : les leçons des villes nouvellesVincent Fouchier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

Évaluer les équipements et les services au publicThomas Delahais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

Quelle gouvernance pour unearmature urbaine en mutation?Jean-Pierre Palisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

Les équipements participent-ils de l’attractivité de la région?Marc Knoll . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Les équipements dans une approche métropolitaineMartine Liotard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

Ressources

À lire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 863

SommaireÉditorial : Garantir un accès équitableaux équipements et servicesJean-Paul Huchon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Avant-propos : Pour une approcheglobale de l’offre en équipements et servicesFrançois Dugeny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

Prologue: Équipements et services :la métropole au quotidienChristine Corbillé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

IAU île

-de-F

rance

Page 6: Equipements et services : la métropole au quotidien

PrologueLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

4

Équipements et services : la métropole au quotidien

Facteurs de qualité urbaine et d’attractivité, les aménités abordées dans ce numérodes Cahiers concernent les équipements et services à la population, qu’ils soientde proximité (crèches, écoles, médiathèques, centres sportifs, cinémas, commerces,médecins, assistantes maternelles…) ou d’échelle plus large. Les problématiquesdes infrastructures de transports, de traitements des déchets, d’assainissement, autrevolet des services au quotidien, ne sont pas abordées ici.

S’adapter aux modes de vie et aux pratiques et les anticiperL’Île-de-France bénéficie globalement d’un haut niveau d’équipements et services.Pourtant des disparités dans la répartition de l’offre entraînent des inégalités d’accèsentre territoires. Répondre au mieux aux attentes des Franciliens est une préoccu-pation majeure pour une grande métropole comme l’Île-de-France. Pour ce faire,une lecture continue des évolutions des modes de vie, des pratiques individuelleset collectives, des usages notamment temporels des territoires est nécessaire. D’autrepart, la prise en compte des changements dans l’offre et des innovations technolo-giques favorisant les développements en réseaux s’impose également. Des initiativeslocales, en France ou ailleurs, méritent d’être réexaminées pour prévoir des réponsesaux besoins et aux attentes de demain. Veille permanente, anticipation et évaluationdoivent donner toute leur place aux équipements et services dans l’organisationde la métropole.

Aménager à toutes échelles au plus près des habitantsTrès tôt, les équipements ont pris place dans la ville et ont participé à sa constructionet à sa structuration. Aujourd’hui encore, les équipements ont une fonction«urbaine», du quartier à la région en passant par les bassins de vie. La problématiquedes équipements liée aux besoins des habitants et à leur nécessaire renouvellements’inscrit-elle suffisamment dans les documents d’urbanisme ? Quelle place tient-elle dans la création des nouveaux quartiers, dans la mutation de la ville existante ?Comment est-elle un élément de réponse aux objectifs de ville compacte ?

Contribuer à la qualité de vie en villeLes besoins des jeunes, des familles ou des personnes âgées ne sont pas les mêmes.Améliorer l’accessibilité pour tous nécessite d’adapter le plus finement possibleles équipements et services offerts à la population, à ses caractéristiques et donc àses besoins et à ses attentes. Mais au-delà des réponses quantitatives, la qualité del’offre doit aussi être mise en avant. Ne conditionne-t-elle pas la fréquentation et lebénéfice que peut en tirer l’usager mais également l’image et l’attractivité du terri-toire dans lequel elle s’inscrit ? L’enjeu est désormais celui de la qualité de vie enÎle-de-France.

Tisser des liens entre usagers mais aussi entre territoiresLes équipements ont une fonction d’animation, de mise en relation des usagers etde création d’identité d’un territoire. Leur répartition équilibrée au sein des territoiresest une préoccupation constante, des élus notamment. La réponse à cette fonctiond’animation et de brassage des populations est souvent à trouver à une échelle quidépasse la commune, d’autant que les attentes sont de plus en plus variées. Lesvoies et moyens pour plus de solidarité et d’égalité entre les territoires ne sont-ilspas à rechercher aussi à l’échelle métropolitaine, pour garantir à tous les Franciliensun accès équitable aux équipements et services ? D’autant que la crise que l’ontraverse risque d’aggraver les inégalités entre territoires aisés et pauvres.

Christine CorbilléIAU île-de-France

Équipements et services : la métropole au quotidien

IAU île

-de-F

rance

Page 7: Equipements et services : la métropole au quotidien

Comprendre

5

La qualité de vie des habitants d’un territoire repose sur de nombreux éléments, en partie subjectifs. L’accès à des équipements et services, qu’ils soient de proximité ou de rayonnement plus important, en est une composante importante. Cette notiond’équipements et de services à la population a émergé dès le Moyen Âge et a vu son champ de définition s’élargirau fur et à mesure que le paysage urbain s’est développé.Participant à la construction et à la structuration des villes,les équipements ont ainsi acquis au cours de l’histoire une véritable « fonction urbaine » qu’ils conservent encoreaujourd’hui.L’Île-de-France est richement dotée en équipements et services et dispose, du fait de son statut de métropole, de très nombreux équipements de rayonnement national ou international. Elle n’en connaît pas moins de fortesdisparités, aussi bien quantitatives que qualitatives, dans la répartition de cette offre, notamment celle de proximité, et dans son accessibilité.La diversité des besoins de la population et ses éventuellesdifficultés à accéder aux équipements nécessitent une réflexion élargie intégrant toutes les dimensions de l’accessibilité (économique, socio-culturelle et cognitivenotamment).

IAU île

-de-F

rance

Page 8: Equipements et services : la métropole au quotidien

Les Franciliens utilisent une gamme plusou moins diversifiée d’équipements etde services, publics ou privés, de proxi-

mité ou d’accès plus lointain : gardes d’enfants,écoles, commerces, espaces verts, de loisirs, deculture ou sportifs, services sociaux, médico-sociaux ou sanitaires, services administratifs oujudiciaires… Tout le monde y a recours, chacunà sa manière, selon ses envies ou ses besoinsmais aussi en fonction de ses contraintes (phy-siques, temporelles, financières, cognitives…),de la disponibilité de l’offre, de son aptitude àse mouvoir [F. BEAUCIRE] mais aussi en fonctionde l’usage personnel ou professionnel qu’il ena [J. BERTRAND].Or, la répartition de l’offre en Île-de-France estassez inégale, structurant le territoire autour depolarités attractives, mais laissant égalementcertaines zones dans une situation d’accessibi-lité à renforcer, notamment les zones rurales oudéfavorisées mais pas uniquement et pas sys-tématiquement [S. ALBE-TERSIGUEL et C. MANGE-NEY], [C. MANGENEY]. De fait, fruits de l’histoire,les équipements et services se sont développésdans des endroits stratégiques, accompagnantl’émergence des villes, au fur et à mesure dudéveloppement démographique et des liaisonsintervilles [P. MONTILLET]. Par la suite, les pro-blèmes de pénurie de logements ont conduità construire massivement et à créer des villesou des quartiers de toutes pièces, dans deszones vierges ou presque [C. CORBILLÉ]. Laconstruction des équipements, l’organisationdes services s’est faite alors d’une manière mas-

sive et synchrone, selon des normes d’équipe-ments qui tentaient de systématiser en ratiosnormalisés les besoins que ne manqueraientpas d’avoir les futurs habitants.Les problèmes actuels, français et étrangers,montrent les dangers d’une telle constructionmassive : effet de mode, problème d’adaptabilitédes équipements aux évolutions démogra-phiques, sociales et économiques des quartiers[V. FOUCHIER]. Les enjeux de flexibilité, d’adap-tabilité et d’évolutivité sont posés. De fait, lapopulation évolue, ainsi que sa mobilité, sesmodes de vie, ses usages du temps, ses pra-tiques quotidiennes, ses besoins et ses attentes[J.-Y. BOULIN]. Le contexte économique, social,environnemental change également et de nou-velles potentialités sont offertes par les innova-tions technologiques. Qui aurait pu anticiper,ne serait-ce qu’il y a 50 ans, que nous pourrionsaujourd’hui disposer, partout ou presque et entemps réel, des informations et services dessmartphones? Que l’on pourrait consulter unmédecin à distance ?Comment faire ? Toujours rechercher l’adapta-bilité et la flexibilité, anticiper la reconversiondes équipements et services, imaginer et expé-rimenter des solutions techniques ou organisa-tionnelles innovantes, mais aussi généraliser lerecours à des évaluations pérennes et antici-pées pour réorienter la barque au fil de l’eau[T. DELAHAIS]. Poursuivre le processus d’intégra-tion croissante des équipements et servicesdans les documents de planification à tous leséchelons géographiques [J.-F. VIVIEN], [G. MOU-

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les équipements et services à la population: quelles questions?

Centralité, animation, structurationurbaine, cohésion sociale, équité,attractivité, qualité de vie… Autant de notions qui interpellentles équipements et les services.

Les équipements et services sont le plus souvent envisagés de façon thématique. Les considérerde manière globale et en lien avec les questions d’aménagementpose toute une série de questionsabordées au fil des articles de ce numéro des Cahiers.

Catherine MangeneyIAU île-de-France

6

C. M

ange

ney/

IAU

îdF

Équipements et services : la métropole au quotidien

IAU île

-de-F

rance

Page 9: Equipements et services : la métropole au quotidien

GIN], concilier liberté et régulation pour les équi-pements et services privés [C. DELAPORTE] etréinterroger sans cesse les concepts fondateursde la planification régionale, en cherchant àarticuler les échelles territoriales, à coller auxterritoires fonctionnels et aux bassins de vietout en s’appuyant sur des projets de territoires[J.-P. PALISSE] sont également des axes quidevraient permettre d’assurer un développe-ment durable à notre région métropole. Maisce dernier se jouera aussi sur la qualité de viede tout le territoire francilien, enjeu de cohé-sion sociale et d’équité, mais aussi d’attractivité.La création de Nouveaux quartiers urbains, lapréservation de certains atouts franciliens oufrançais (offre importante en équipements detourisme d’affaire, mais aussi accès à la santéou à l’éducation par exemple), le développe-ment d’une offre dans certains secteurs défici-taires (logement étudiant, campus universi-taires, lieux d’accueil adaptés aux besoins desentreprises), ainsi qu’un travail sur l’image por-tée par notre territoire régional sont autantd’éléments qui devraient aider à renforcer l’at-tractivité internationale de l’Île-de-France [M.KNOLL]. De fait, c’est un défi spécifique posé àtoute grande métropole que d’arriver à conci-lier les enjeux de proximité, de qualité de vieau quotidien partout et pour tous, et les enjeuxmétropolitains. C’est une richesse aussi, repriseà des degrés divers dans les réflexions en courssur le devenir de la métropole francilienne [M.LIOTARD].Plus concrètement, il conviendra également dese doter d’outils renouvelés d’analyse [C. MAN-GENEY], de concertation [D. WEISSER], d’action etde gouvernance : par exemple, impliquant sousdes formes diversifiées des universités [H. DANG

VU], [D. BÉRINQUE] ou de grands groupes privés[F. BOREZÉE] dans les questions d’aménagement,ou encore le secteur privé dans la constructiond’équipements via les partenariats public-privé[A. VOISIN et G. BERTRAND], [P. BAYEUX]. Cela ren-voie incidemment à la question du servicepublic qui n’est pas abordée en tant que telledans le présent numéro des Cahiers mais appa-raît en filigrane [J.-P. CHAUVEL] et notammentdans les propos de certains élus qui revendi-quent la prise en compte de l’intérêt généralet du coût global (y compris sociétal) pourdépasser une vision purement comptable dela question des services publics [D. WEISSER].Ces acteurs nous enseignent également que, aujour le jour, la ville se construit avec les habi-tants, selon un projet global mais aussi au grédes opportunités, du contexte local ou plusgénéral, ainsi que de la situation héritée d’unpassé plus ou moins récent [J.-Y. LE BOUILLON-NEC], [G. MOUGIN], [D. WEISSER], [M. BOURGAIN],que le rééquilibrage territorial se fait à toutes

les échelles [F. PARNY], [S. PODEVYN et B. VER-GNAUD], et que les projets de territoires peuventparfois être valorisés par un équipement emblé-matique [A. BELAN, S. ROLLAND, C. LANDES], [L. LE

BON]. Certains soulignent également que la qua-lité de vie de tous, pour être améliorée, doitaussi passer par une mise en cohérence régio-nale de projets partagés [F. PARNY], [J.-Y. LE

BOUILLONNEC], [C. DESHAIES], [D.WEISSER], dans uncontexte où les compétences en termes d’équi-pements et services sont portés par une multi-tude d’acteurs, et où se développent les cri-tiques sur les interventions enchevêtrées etparfois redondantes des différentes collectivités[C. dE BERNY]. La grande majorité des acteurslocaux interrogés s’en inquiète et réaffirme l’im-portance des processus de contractualisationet des financements croisés pour la réalisationdes investissements et la concrétisation des pro-jets. D’autant que, aujourd’hui à l’origine deprès des trois quarts des investissements publicsen matière d’équipements, les collectivités setrouvent confrontées d’une part au déclin del’urbanisme opérationnel [A.DARLEY], et d’autrepart à la réduction de leur marge de manœuvrefinancière, du fait de la refonte de la fiscalitélocale et du gel des dotations de l’État [J.-P.CHAUVEL]. L’octroi des subventions euro-péennes, même si elle a pu avoir un effet accé-lérateur sur la réalisation de certains équipe-ments dans des secteurs particulièrement endifficulté, reste toutefois d’un tout autre ordrede grandeur [G. DANCHIN].

7

Inpe

sIn

pes

Inpe

sIn

pes

La campagne publicitaire actuelle en faveur de l’activité physique

illustre bien la notion d’équipements et services de proximité.

Elle met aussi en avant la diversité des besoins des individus en fonction de leur profil

sociodémographique.

IAU île

-de-F

rance

Page 10: Equipements et services : la métropole au quotidien

La notion « d’équipement » s’est affirméeet développée peu à peu depuis le débutdu Moyen Âge. Elle a englobé progressi-

vement des éléments toujours plus nombreuxet diversifiés allant de l’artisanat (forgeron, char-ron) à des infrastructures lourdes (équipe-ments routiers et ponts notamment), complé-tant l’offre d’équipements de premièrenécessité (commerces par exemple) par d’au-tres équipements de loisirs ou de confort,publics ou privés, relevant de la proximité oud’un rayonnement plus large. Au cours des siè-cles, à mesure que le nombre d’équipementscroissait, ces notions, elles-mêmes très floues etrelatives, ont évolué. Une approche à la fois mor-phologique(1) et fonctionnelle(2) met en évi-dence le lien fort entre l’organisation des socié-tés et des institutions de gouvernance,l’implantation et la diffusion des équipementset la structuration de l’espace qui en découle.Cette approche historique permet de mieuxcomprendre tout un volet de l’aménagementde notre territoire.

Les équipements ont fait la villeL’origine des villes modernes montre bien lelien étroit entre la ville et la notion d’équipe-ments. Il n’y a pas de ville ou village – qui, ence sens, ne serait qu’une petite ville – sans équi-pements contribuant au service de tous. Telleest bien encore la distinction entre le village etle hameau, ce dernier (sauf exception) ne dis-posant d’aucun équipement.L’équipement a recréé la ville à partir du XIIe siè-

cle lorsque le premier âge féodal, basé sur ledomaine, a peu à peu cédé la place à un nou-vel ordre social dans lequel l’urbain a retrouvéun rôle. Répondant aux besoins et aux nou-veaux usages générés par l’évolution des rap-ports au temps et à l’espace, les équipementsse sont «naturellement » installés là où on avaitbesoin d’eux(3). D’autre part, comme ils ne peu-vent être viables sans être assurés d’un nombresuffisant d’utilisateurs (seuil critique), ils ontcontribué très rapidement à la hiérarchisationdes villes. Ainsi s’explique toute l’armatureurbaine de l’Île-de-France avec son quadrupleréseau : les villages (ou anciennes paroisses)avec leur minimum d’équipements – ceux quipermettent à une communauté de vivre auquotidien – ; les gros bourgs rayonnant sur plu-sieurs villages et offrant plus de services, notam-ment ceux qui ne sont plus d’usage quotidienmais d’usage régulier ; les petites villes repre-nant le même rôle que les gros bourgs mais enl’élargissant à de nouveaux équipementsnotamment qui représentent le pouvoir (tribu-naux, bailliages, etc.) ; et enfin Paris avec seséquipements à la fois métropolitains et natio-naux. À chaque strate, c’est-à-dire à chaque

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Équipements, urbanisme etaménagement au fil de l’histoire

La petite boutique du XIXe siècle est le reflet d’une sorte d’âge d’or d’un commerce de proximité qui structurait l’espace et favorisaitle lien social.

L’approche historique, et l’analyse de l’évolution de l’acception même du terme « équipement » au cours de l’histoire, permettent de comprendrela forte interaction qui existe encoreaujourd’hui entre les équipements, la ville, les hommes et l’aménagementdu territoire.

Philippe MontilletIAU île-de-France

8

Coll.

par

t./IA

U îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) L’approche morphologique envisage les équipementscomme des objets dont la matérialité est l’élément principal :un four, un pressoir, un pont, un commerce…(2) L’approche fonctionnelle analyse les équipements selonleurs usages et les services qu’ils rendent, notamment dansun espace et un temps donné.(3) La greffe en sens contraire, à savoir l’équipement qui pré-cède la concentration humaine, n’a que peu existé histori-quement.

Coll.

par

t. /I

AU îd

F

À partir du XIIe siècle, des équipements urbains comme les halles se développent.

IAU île

-de-F

rance

Page 11: Equipements et services : la métropole au quotidien

espace, existaient des équipements différentspar leur taille, leur nature, leur fonction et la fré-quence de leur utilisation, reflétant la complé-mentarité de nos espaces urbains tous articulésles uns aux autres autour de la métropole.(4)

Les premiers équipements, de l’église aux pontsPour n’en rester qu’aux dix derniers siècles, plu-sieurs périodes ou étapes peuvent être distin-guées, correspondant à des rapports au tempset à l’espace qui ont évolué.

Les équipements de subsistance au Xe siècleLe monde du haut Moyen Âge, autour du Xe siè-cle, ne connaissait pour ainsi dire qu’un uniqueéquipement : l’église. Présente dans toutes lesvilles et tous les villages, elle remplissait un dou-ble rôle religieux et social. Cet équipement faitd’emblée ressortir les notions d’usage perma-nent et de proximité dans un double rapportau temps et à l’espace(5), au point que lesparoisses étaient dédoublées dès lors que lapopulation croissait. Le rapport au temps et àl’espace était très court, se limitant essentielle-ment aux distances pouvant être parcourues àpied en quelques heures(6). Avec le développe-ment de la féodalité et la réorganisation desrapports sociaux apparaissent d’autres typesd’équipements qui vont préfigurer une certainehiérarchie entre les bourgs. Les plus connussont le four, le pressoir ou le moulin banal. Ilssont liés à un espace «social», celui du ban (res-sort de l’autorité du seigneur). Ils sont large-ment répandus et descendent relativement basdans l’organisation de l’armature urbaine.Néanmoins, en Île-de-France, terre où les micro-fiefs sont nombreux, seuls les seigneurs d’unecertaine importance (sans doute ceux qui ontaussi le droit de haute justice) peuvent créerde tels équipements « collectifs ». Trop onéreuxpour une famille et disproportionnés pour lesplus petites exploitations de subsistance (lestenures), ils sont le fait du seigneur qui le metensuite à disposition de tous ceux dont il a lacharge sociale, en échange d’une taxe. Ainsi, dès le Moyen Âge, on note que l’équipe-ment demande un investissement émanantd’un pouvoir(7).

Le développement des équipements de commerce au XIIe siècleLes premiers équipements cités précédemmentse situent dans le cadre d’une société essen-tiellement rurale, vivant beaucoup en autosub-sistance et connaissant peu le commerce. Lesquelques échanges, qui existent tout de même,vont s’organiser de deux manières : le com-merce forain, avec des colporteurs qui vont delieu en lieu ; le marché, dont les droits sont pro-

gressivement organisés à mesure que les vil-lages croissent. Ils obtiennent un jour, voiredeux, pour l’échange et le troc de produits.À partir du XIIe siècle, avec le renouveau de lavie économique et celui des villes, des équipe-ments d’un nouveau type vont se développeret s’installer progressivement. Les premiers équi-pements sont liés à des activités marchandes(halles couvertes par exemple). Ces équipe-ments sont beaucoup plus urbains : leur aire dechalandise est plus importante, ils n’ont pasbesoin d’être accessibles quotidiennementmais de l’être régulièrement, et leur nombrecroît avec la taille des bourgs. Si ces équipe-ments correspondent encore largement à lasociété rurale où la terre demeure le pivot del’armature sociale, ils ont aussi un rayonnementqui dépasse le lieu de leur implantation, et mar-quent donc un tournant. D’autres étapes vontsuivre.

Les équipements d’aménagement, une priorité d’utilité publiqueDès le Moyen Âge, d’autres équipements se met-tent en place : ce n’est plus la «vie quotidienne»qui prime mais l’utilité publique. Ils sont de troistypes : ceux de sécurité et de défense ; ceux liésaux grands déplacements réguliers qui com-mencent aussi à renaître à cette époque ; ceuxd’exclusion. Ces équipements eurent un rôleimportant dans l’organisation globale du terri-toire, et la situation issue du monde médiévala perduré peu ou prou jusqu’au XIXe siècle.- les équipements de défense sont essentielle-

ment des murailles dont certaines villes s’en-touraient. Elles ont joué un tel rôle que ce sontsouvent par elles que les villes se sont identi-fiées, notamment à travers leur sceau. Par l’investissement qu’ils représentaient enhommes, en temps, en matériaux et en mon-naie, ces équipements ne pouvaient existerqu’en des lieux stratégiques, qui étaient bienévidemment des lieux de pouvoirs. Ainsi, seu-lement certaines villes et bourgs étaient forti-

9

Équipements et patrimoineCertains équipements anciens, nés d’unsouci d’architecture de prestige et du désirde monumentalité, ont laissé de beauxbâtiments (hôpital des Invalides, Val-de-Grâce, halles de Méréville ou de la Roche-Guyon…). Certains, devenus obsolètes, ontdisparu. D’autres sont aujourd’hui protégésau titre des monuments historiques. Mais leur sauvegarde pose la question de la pérennité de leur fonctionnalité(1)

(mise aux normes difficile et/ouincompatible avec la préservation de l’architecture originelle) ou de leurreconversion (à Paris par exemple, lapartie historique des hôpitaux Saint-Louisou de la Salpêtrière n’ont plus de fonctionhospitalière). Pourtant, leur préservationest importante car ils sont, la plupart dutemps, partie prenante du développementde la ville où ils sont situés et deséléments forts de son identité. Certainsfondent même leur spécificité : lescitadelles dans certaines villes fortifiéespar exemple.Cette question de la sauvegarde estdésormais étendue à des équipementsplus humbles. Ainsi, depuis quelquesannées, elle concerne également descommerces témoins d’une époque ou d’un style, notamment pour les devanturesou les décors et installations intérieurs. Ce mouvement qui s’inscrit certes dans le cadre de la patrimonialisation du bâtitémoigne de la volonté de sauvegarded’une mémoire… La petite boutique du XIXe siècle demeureune sorte d’âge d’or d’un commerce deproximité que les dernières années ont vugrandement disparaître ou remplacer pardes magasins de chaînes à l’imagestandardisée.Le patrimoine des équipements mérite une réflexion comme celle initiée depuisune trentaine d’années sur le patrimoineindustriel.

(1) Il ne faut pas oublier que, par le passé, ilsétaient régulièrement reconstruits pour s’adapteraux usages.

Coll.

par

t. IA

U îd

F,

Les ponts, comme d’autreséquipements utiles à la mobilité et aux échanges commerciaux ontfleuri sur tous les grands passages, participant à la création decentralités et de pôlesd’attractivités.

(4) Les équipements de nature métropolitaine ne sont pasrécents. Par le passé, il y eut notamment ceux de nature poli-tique ou judiciaire. Le siège du Parlement de Paris avait ainsiun vrai ressort métropolitain, dépassant même les limites del’actuelle Île-de-France.(5) L’église rythmait la journée en ponctuant les heures dela journée (Angelus), comme la semaine (repos dominicalet jours fériés…). Quant au rapport à l’espace, les clochersle symbolisent parfaitement en étant visibles de toute l’éten-due du finage.(6) C’est le temps de marche jusqu’aux bestiaux qu’il fautrejoindre à heure fixe pour la traite, le temps viable pourrejoindre un champ.(7) Cette notion d’investissement d’équipement lié à un pou-voir (seigneur d’abord, puis commune ou État…) est impor-tante car le Moyen Âge a connu d’autres formes de servicesmis en commun qui ne demandaient pas d’investissementsspécifiques et qui alors étaient gérés par les communautésvillageoises, d’où leur nom de communs ou communaux :pâtures, mares, bois etc.

IAU île

-de-F

rance

Page 12: Equipements et services : la métropole au quotidien

fiés. Villes de pouvoirs, abritant de ce fait cer-tains services judiciaires ou politiques – bail-liage, subdélégation d’intendance – elles sontamenées progressivement à concentrer d’au-tres équipements comme les hôpitaux (appe-lés hospices(8), sous l’Ancien Régime), etautres équipements spécifiques s’adressant àdes collectivités humaines plus qu’à des indi-vidus. Ce sont déjà des équipements collectifsd’intérêt public ;

- les ponts ont également beaucoup comptédans l’organisation du territoire : le renouveaudes villes de foire a donné une nouvelle étapeà la mobilité qu’il a fallu organiser autourd’échanges à la fois nationaux et internatio-naux. Les grands chemins ont retrouvé leurintérêt. S’il a fallu attendre plusieurs siècles(Sully d’abord, puis Colbert et surtout la créa-tion de l’École nationale des ponts et chaus-sées au milieu du XVIIIe siècle) pour voir desroutes vraiment entretenues et « pensées», lesponts en revanche ont été créés sur tous lesgrands passages afin d’assurer la liaison desvilles entre elles. Pour toute l’Île-de-France, onn’en a compté, durant des siècles, qu’une dou-zaine dont le poids était d’autant plus grandqu’ils étaient rares. Les villes-ponts ont ainsieu une importance non négligeable dansl’aménagement du territoire. Ce sont autantde lieux de passage obligé qui concentrentdes populations, des chalands, les ponts étantaussi jusqu’au XVIIe siècle des lieux d’activités(commerce, artisanat…). L’exemple de Parisest bien connu avec ses ponts de bois cou-verts d’échoppes. Ainsi, dès l’origine, certains

équipements participent totalement à ce quel’on qualifie aujourd’hui de centralité et depôle d’attractivité ;

- mais tous les équipements d’aménagementn’avaient pas cet objectif d’attractivité. D’au-tres ont été conçus pour exclure, reléguer, pré-server les villes et leurs habitants. À la diffé-rence des hospices, les maladreries et, demanière générale, tous les établissementsdevant recevoir des malades incurables,étaient placés en dehors des villes et dans deslieux maintenus isolés. Encore au début duXVIIe siècle, sous Henri IV, c’est ainsi que futconçu l’hôpital Saint-Louis, non seulementhors les murs, mais aussi hors des grands axes.Cet autre rapport à l’espace mérite d’êtresignalé car, s’il a évolué, il continue d’existersous diverses formes, notamment en matièrede nuisances liées à l’industrialisation.

L’essor des équipements publics et privés à partir du XVIIe siècle

Les premiers équipements de mobilité au XVIIe siècleAvec la reprise du début du XVIIe siècle (fin desguerres de religion – période Henri IV-Sully), etla croissance des villes, les besoins de mobilitédans la ville mais aussi de liaison entre les villesgénèrent le développement de nouveaux équi-pements, dont les « services » routiers, en pre-mier lieu desquels, celui de la « poste à che-vaux » mis tout d’abord en place pour lescourriers officiels et très vite ouvert aux activi-tés publiques. Ce service en requerrant d’autres,les grands axes vont vite se ponctuer de nom-breux relais, eux-mêmes jumelés avec desauberges, ou des maréchaleries pour ferrer leschevaux…, conduisant, surtout dans la zonedense, à des extensions urbaines, voire à denouveaux quartiers (par exemple sur la RN 7,extension de Vitry-sur-Seine autour du relais dela Saussaye, de Paray-Vieille-Poste…).Simultanément, il faut résoudre les problèmesinternes de déplacement découlant de la crois-sance urbaine de Paris : la capitale double sasuperficie entre 1635 (enceinte dite des FossésJaunes) et 1672 (boulevards de Louis XIV), pas-sant de 567 à 1 103 hectares. Naissent ainsi les« carrosses à trajets fixes » de Blaise Pascal(1662), puis très vite les fiacres (déjà au nombrede 600 en 1702), ancêtres des transports encommun et notamment des autobus.Enfin, ce sont les routes elles-mêmes qu’il fautsouvent développer, voire rendre payantes pouraccélérer leur construction, comme la célèbreroute dite de 40 Sous, qui double à partir du

10

Équipements, urbanisme et aménagement au fil de l’histoireComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les équipements hospitaliersLes équipements sociaux méritent une mention particulière car leur évolutionsuit le développement de la médecine etde l’hygiène. Le Moyen Âge connaît deux typesd’établissements :– les hospices ou « hôpitaux » recevant

des hôtes indigents (malades ou non),souvent fondations religieuses ou royales, sont situés dans les villes où les cas sont nombreux ;

– les établissements de relégation, situésen milieu rural isolé, où sont astreints àrésidence les contagieux et notammentles malades de la peste ou de la lèpre.Ces établissements sont placés dans deshameaux et en principe associés à uneexploitation agricole pour assurer lasubsistance des pensionnaires vivantainsi en autarcie.

Au XVIIe siècle, époque où la maladie n’étaitpas jugulée mais où les mœurs et lesconnaissances avaient déjà évolué, l’idéed’une relégation stricte pour les maladesest abandonnée. L’hôpital Saint-Louis de Paris est ainsi créé en 1607 en dehorsde Paris intra-muros, mais en rapport avecla ville d’où viennent les vivres. Puis,progressivement durant le XIXe siècle, les grands hôpitaux de soins, par naturetemporaires, sont édifiés plutôt dans les villes ou à leur périphérie en cas de manque de place. Les hospices pourindigents ou malades de toutes sortes,notamment psychiatriques pour lesquels la seule « thérapie » a été longtempsl’isolement, sont reportés hors des murs(Charenton-Saint-Maurice, Charles Foix à Ivry, Corentin Celton à Issy, Hospice de Nanterre, asile de Ville-Evrard…).

Au XVIIe siècle, les établissements hospitaliers devant recevoir des malades contagieux sont construits en dehors des villes et dans des lieux maintenus isolés. L’hôpital Saint-Louis est ainsi créé en 1607 en dehors de Paris intra-muroset des grandes voies rayonnantes.

Plan

de

«Lut

etia

», M

athi

eu M

éria

n

(8) Il s’agissait de recueillir – au nom de la charité chrétienne– tous les estropiés de la vie (indigents, malades incurables,vieillards plus ou moins séniles…).

IAU île

-de-F

rance

Page 13: Equipements et services : la métropole au quotidien

milieu du XVIIIe siècle la route reliant Paris àRouen.Ainsi, les équipements changent peu à peu denature et la distinction entre public et privé,entre équipements de proximité et infrastruc-tures, est de plus en plus forte. Le mouvements’amplifie au XIXe siècle.

Les équipements au XIXe siècle, témoins d’uneévolution démographique et institutionnelleAvec la révolution industrielle apparaissentdeux concepts nouveaux : la multiplication deséquipements de proximité et la mise en placed’un nouveau rapport au temps qui va bouscu-ler le rapport à l’espace et donc la répartitiondes équipements.Tous les équipements ne font que croître,notamment sous la pression du contexte démo-graphique, des améliorations techniques et del’élévation du niveau de vie. Parallèlement auxéquipements de proximité d’ordre privé (telsles commerces qui ont connu une longue BelleÉpoque entre la fin du XIXe siècle et les années1950), se développent ceux d’ordre public(mairies, écoles, bureaux de poste…). LeXIXe siècle voit ainsi naître la mairie qui se dif-férencie progressivement des autres bâti-ments(9). Puis, avec les lois Ferry de 1881 et 1882,l’école communale devient obligatoire, engen-drant souvent la création d’une «mairie-école»,fréquemment située au centre-bourg, devenantainsi le repère le plus visible dans la commune.Si une mairie existe dans les 36 000 communesfrançaises, la nouvelle organisation administra-tive (arrondissements et départements) issuede la Révolution entraîne la création de toutun réseau d’équipements publics – mais aussiprivés – liés au découpage administratif. Ledécoupage départemental de 1790 crée eneffet, une hiérarchie urbaine entre les chefs-lieux de canton accessibles en quelques heures(aller retour à pied), les chefs-lieux d’arrondis-sement en une journée et les chefs-lieux dedépartement en deux jours, favorisant ainsi ledéveloppement des hôtels dits de préfecture.Si certains ont survécu lorsque les villes onttrouvé une autre vocation, touristique par exem-

ple, les autres ont perdu tout intérêt lorsque lamobilité a changé avec le développement dela voiture individuelle.À partir du milieu du XIXe siècle, les équipe-ments ne cessent de se développer, notammentpour se rapprocher du service, collectif ou à lapersonne : cantines, crèches, dispensaires, etc.Ce rapide survol historique des équipementsmontre que, dès l’origine, les questionsactuelles, même si les termes ont évolué, sontdéjà posées : le partage entre les intérêts publicset privés, le financement, le rapport au tempset à l’espace. Mais, au-delà de cette constata-tion, la principale leçon pour l’aménageur estcelle du lien très étroit et de la forte interactionqui existent depuis toujours entre la ville (etses alentours) et les équipements. À mesureque la société s’urbanise, la question des équi-pements devient toujours plus prégnante pourla ville en développement.

(9) Les premières mairies ne se distinguent guère des autresbâtiments. Ce sont souvent des maisons de notable ou debourg transformées. Ce n’est qu’avec la IIIe République qu’unstyle « mairie » et notamment « mairie-école » apparaît.

11

Sur certains grands axes (ici, la RN 34 en Seine-et-Marne près de Coulommiers), la trace des services routiers anciens (relais de poste) est encore présente. Leur toponyme rappelle leur ancienne fonction.

Cart

e de

Fra

nce

type

192

2, d

ress

ée p

ar l’

I.G.N

.

Les équipements apparaissent déjà clairement sur cette carte du XVIIIe siècle dérivée de celle de Cassini.

Références bibliographiques

• BEZANÇON Xavier, 2000 ans d’histoire dupartenariat public-privé pour la réalisationdes équipements et services collectifs, Paris,Presses de l’École nationale des ponts etchaussées, 2004.

• DUBY Georges (dir.), Histoire de la Franceurbaine, Paris, Seuil, 5 volumes, 1980.

• ESQUIEU Yves, La ville au Moyen Âge,l’exemple français, Joué-les-Tours,Éditions Alain Sutton, 2001 (lirenotamment chapitre 5 : les équipementsindividuels et collectifs).

• LAVERGNE de François, Économie politiqueet équipements collectifs, Paris,Économica, 1979.

• POMMELLET Pierre, «Histoire deséquipements publics : défense etillustration», Le financement deséquipements publics de demain, Paris,Économica, 1986, pages 47 à 75.

Coll.

par

t.

IAU île

-de-F

rance

Page 14: Equipements et services : la métropole au quotidien

Cet article s’attache à retracer la manièredont s’est produit l’essor des équipe-ments collectifs et des services d’accom-

pagnement au cours du développement del’agglomération parisienne depuis les années1920, en lien avec l’histoire de l’urbanisme etl’évolution institutionnelle.

Des années 1920 aux années 1940Au début du XXe siècle, l’extension de l’agglo-mération parisienne s’est faite au rythme duprolongement des moyens de transport. Il fallaitrépondre à la crise du logement due à la Pre-mière Guerre mondiale, à l’afflux de provin-ciaux, à l’arrivée d’étrangers en provenance despays méditerranéens (Italie, Espagne, Afriquedu Nord), ainsi qu’au mouvement de départsde Paris vers la banlieue. L’urbanisation s’estdéveloppée dans le désordre ou sous contrôlede la puissance publique : les lotisseurs privésont urbanisé des milliers d’hectares de ban-lieue parisienne sans concertation et sanscadre réglementaire, conduisant à la réalisationd’immenses zones pavillonnaires sans voirie,infrastructures ou équipements tels quecrèches, écoles… et commerces. À l’opposé, etau cours de la même période, la réalisation descités-jardins(1) (antilotissement selon certains)est promue par les sociétés HBM(2). Elle est orga-nisée et encadrée par l’État au moyen de fondspublics et de plans concertés. Les cités-jardinss’installent sur l’emplacement des anciennesfortifications, à proximité immédiate de Paris(Les Lilas, le Pré-Saint-Gervais) et en périphérie

(Suresnes, Cachan, Dugny, Drancy, Stains, Argen-teuil…). Des services communs y sont toujoursprévus (service social, dispensaire, buanderie,patronage…) mais leur desserte en transportspublics et la proximité des emplois ne sont pasprises en compte.

Une période à part, la reconstruction : de 1940 au milieu des années 1950Dès 1940, les pouvoirs publics prennentconscience qu’il faut construire dans le cadred’une vision à long terme et de manière concer-tée. Toute nouvelle construction devient sou-mise à des prescriptions et des règlements, quiseront repris dans la grande loi d’urbanisme du15 juin 1943, dans laquelle apparaissent lesnotions d’aménagement du territoire et de pro-jets d’ensemble.À la sortie de la guerre, face à l’urgence de lareconstruction et à la pénurie de logements,des groupes d’habitations(3) sortent de terre àla hâte sans préoccupation d’implantation ou

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Programmation des équipementset services de 1920 à nos jours

La programmation des équipements et services a longtemps reposé sur la définition de «besoins » plus ou moins normés. Mais peu à peu est apparue la nécessité de prendre en compte l’état des équipementsexistants, la diversité des attentes des usagers, la qualité de vie dans son ensemble et de réinterroger la notion de proximité au regard du développement de la mobilité, des pratiques et de la diversification de l’offre d’équipements et de services.

Christine CorbilléIAU île-de-France

12

C. M

ange

ney/

IAU

îdF

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Les cités-jardins (ou «banlieues-jardins») se développenten France sous l’impulsion de Henri Sellier. Délégué de l’Of-fice public départemental d’HBM de la Seine en 1916, il lanceune grande opération d’acquisitions foncières et conçoit unmodèle global de cités-jardins traitant les logements, lesespaces communs, les équipements et prévoyant même l’ap-prentissage de l’urbanité, reprenant en cela un concept d’Er-vin Howard de « ville autonome » notamment sur le plan dudéveloppement économique, aménagée pour une vie saine,largement pourvue d’espaces verts.(2) Habitations à bon marché.(3) Opérations Logeco (logements économiques), Lopofa(logements pour familles), LEPN (logements économiquesde première nécessité) ou cités d’urgence, et Million (mon-tant que devait coûter un logement).

Les cités-jardins, ici, celle de Cachan (94), sont conçuesselon un modèle global intégrantlogements, espaces verts et équipements.

IAU île

-de-F

rance

Page 15: Equipements et services : la métropole au quotidien

de présence d’équipements, de commerces, detransport ou d’emplois. D’ailleurs, rien n’estprévu pour les financer : les prêts aux HLM, lesprimes d’État ou les prêts du Crédit foncier nepeuvent financer que du logement. Ce sont lesfonds des Caisses d’allocations familiales pourl’aide au logement qui seront reconvertis encrédits en faveur d’équipements sociaux : cen-tres sociaux, haltes d’enfants, permanencesd’assistante sociale.

Les grands ensembles et les villesnouvelles, à partir des années 1960Face à la pénurie de logements qui se prolongeet à l’oubli des équipements, l’État décide d’in-tervenir massivement : c’est l’époque des« zones à urbaniser en priorité » (Zup)(4), dontla localisation est en grande partie déterminéepar le Padog(5), très malthusien en termes dequestion foncière.Les Zup, dans lesquelles naîtront les grandsensembles(6), sont conçues pour accueillirsimultanément logements et équipements ; laloi-cadre du 7 août 1957 permettra d’obtenir lamaîtrise des moyens fonciers, financiers et tech-niques pour ces opérations. Ainsi, les finance-ments pour ce vaste programme et les créditsnécessaires pour les équipements collectifssont inscrits dans le texte. Deux autres textessuivront en 1961 contraignant les constructeursde nouveaux ensembles urbains à les équiperde locaux socio-éducatifs et culturels et d’équi-pements sportifs.D’autre part, des normes d’équipements sontélaborées : la « grille Dupont » de 1959 définitdes normes et des ratios d’équipements devantaccompagner la construction de logements etêtre répartis selon l’importance de plusieurséchelons urbains : l’unité résidentielle, le voisi-nage et le quartier. Cette grille sera actualiséeà plusieurs reprises en s’appuyant sur desenquêtes auprès des ménages pour définir lesnormes de besoins. En 1969, un rapport(7) pré-sente les différentes normes utilisées à l’époquepar les services publics pour dix types d’équi-pements : enseignement, espaces publics, équi-pements sportifs et socio-éducatifs, équipe-ments culturels, équipements de caractèresocial, équipements de santé, équipementsadministratifs, équipements commerciaux, par-king, équipements divers.Pourtant, l’urgence de construire conduit audéveloppement de nombreux programmes degrands ensembles dans les interstices de l’ag-glomération, sur des terrains mal desservis (etpeu chers) et négligeant les équipements(8). Lesopérations, très souvent imposées par l’État sansconcertation avec les communes, ont fait explo-ser la population communale et ont entraînédes transformations urbaines, sociales et cultu-

relles que les villes n’avaient pas anticipées etauxquelles elles n’avaient pas les moyens defaire face. La « sarcellite » fait son apparition. En1973, une circulaire finit par les « interdire» maisbeaucoup vont continuer à sortir de terre dansle but d’achever la réalisation des Zup enga-gées.Malgré tout, entre 1960 et le milieu des années1970, les équipements collectifs d’accompagne-ment du logement se sont développés, initiés,réalisés ou impulsés par l’État qui s’appuie surla croissance économique de ces années. Il pro-duit ainsi les CES (collèges d’enseignementsecondaire), les piscines (programme 1000 pis-cines), les gymnases, les maisons des jeunes etde la culture, etc. Il réalise dans le même temps,de grands équipements universitaires en ban-lieue comme Orsay, Nanterre, Saint-Maur oudans Paris (Jussieu), culturels (Maisons de laculture de Nanterre, Créteil et Bobigny) et deloisirs (bases de plein air et de loisirs).Mais l’ère des grands ensembles est terminéeet l’État lance une nouvelle grande politiqueurbaine, celle des villes nouvelles. Ces dernièresse sont inscrites dans une dynamique régionaleportée par le SDAURP(9) de 1965 avec la ques-tion primordiale des transports et celle de lahiérarchisation des systèmes urbains. Elles doi-vent offrir à leurs habitants l’ensemble des fonc-tions qu’une ville doit assurer pour leur bien-être (logements, équipements et emplois), etpermettre le développement de quartiers nou-veaux articulés entre eux et avec une centralitéà créer. L’État en est l’initiateur et le réalisateurà travers les établissements publics d’aména-gement mis en place, mais dialogue avec lescollectivités locales concernées.Les villes nouvelles sont lancées dans lesannées 1970 à un moment où les pratiques d’urbanisme deviennent plus modérées. On

13

Les unités de voisinage américaines Au début du XXe siècle, la notion d’unité de voisinage(1) apparaît aux États-Uniscomme instrument de planificationurbaine. À une époque où l’on parle peu de mobilité, l’unité de voisinage revient à définir les dimensions d’un quartier en ne prenant en compte que les fonctionsliées à la vie quotidienne et à l’école. Les relations sociales à l’intérieur de l’unité de voisinage sont supposéesaller de soi.Le cœur de l’unité est constitué par unespace vert communautaire accompagnéd’une école et de deux autresconstructions. Le nombre d’habitants est calculé en fonction de la capacité del’équipement scolaire et la taille de l’unitéde voisinage est structurée par lesdéplacements de l’enfant (rayon d’unquart de mile soit 400 mètres autour du centre, c’est-à-dire de l’école). Les voiesde circulation de transit aux abordsdesquelles sont installés les commercesaccessibles à pied, forment les limites del’unité. Celle-ci accueille 10 % d’espaceslibres destinés aux enfants et n’esttraversée que par des voies de dessertelocale.Cette notion d’unité de voisinage, critiquéepar la suite, s’est diffusée en Europe dans les années 1930 sauf en France oùelle sera reprise mais transformée à partirde 1945.

(1) Le concept de « neighborhood unit » ou « unitéde voisinage » a été formalisé par Clarence A. Perry.

(4) Créées par l’arrêté ministériel du 31 décembre 1958, quidonne aussi naissance aux secteurs de rénovation urbaine(SRU).(5) Plan d’aménagement et d’organisation générale de larégion parisienne, 1960.(6) La réalisation des grands ensembles, combinant tours etbarres, sans continuité urbaine et desservies par des voiesprivées, souvent en impasse, est encore sous l’influence dela Charte d’Athènes qui a défini le principe du zonage desfonctions d’habiter, de se récréer, de travailler, de circuler, etde Le Corbusier qui prône de « libérer les villes de lacontrainte, de la tyrannie de la rue ».(7) Rapport intitulé Normes d’équipements et publié parl’IAURP, 1969.(8) Tous les grands ensembles ne sont pas dans ce cas. Ainsi,la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, a puéchapper en partie à ces deux difficultés. Elle avait en effetacquis des terrains à proximité de Paris et bien desservis parles transports en commun. Et par la maîtrise des finance-ments (prêts aux SEM qui construisaient et aux collectivitéslocales), elle pouvait prévoir la création d’équipementssociaux et culturels et réserver des logements à l’exercicede professions libérales.(9) Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de larégion parisienne.

Dans les années 1970, l’urgence de construire conduit à la réalisationde grands ensembles dans les interstices de l’agglomération.

J.-C.

Pat

taci

ni/U

rba

Imag

es/I

AU îd

FM

inis

tère

de

l’Équ

ipem

ent

IAU île

-de-F

rance

Page 16: Equipements et services : la métropole au quotidien

passe des Zup aux zones d’aménagementconcerté(10) (Zac) qui vont être favorables à laréalisation des équipements en rendant possi-bles la mixité des financements publics et pri-vés et les péréquations entre habitat, immobilierd’entreprises et équipements. Elles seront l’outilprivilégié des villes nouvelles.La programmation des équipements collectifsqui relèvent de l’échelle du quartier se faitcomme précédemment. La liste et les normesd’équipements issues de la grille Dupont actua-lisée sont toujours en vigueur. À partir de l’ana-lyse des équipements existants disponibles, oncalcule les besoins complémentaires liés à l’ac-cueil des nouveaux habitants. Le Sdaurif(11) de1976 introduit même une norme en matièred’environnement : le nombre de mètres carrésd’espaces verts par habitant.Les équipements programmés dans les « nou-veaux centres » doivent être calibrés pouraccueillir un large public, les villes nouvellesétant conçues pour 500 000 habitants à termeet pour être accessibles aisément. Elles offrentainsi en général de grands équipements spor-tifs, culturels, de loisirs, de commerce, de santé,administratifs… Évry innove en France encréant un complexe culturel et de loisirs asso-cié à un centre commercial : l’Agora.

L’engagement des collectivités après les lois de décentralisationLe premier choc pétrolier de 1973 et la crisequi s’installe vont changer le cours des choses.L’État se désengage des équipements collectifset passe le relais aux collectivités locales queles premières lois de décentralisation (1982 et1983) impliquent fortement dans la program-mation et l’entretien des équipements.Les communes, déjà engagées dans la réalisa-tion des équipements de quartier notamment,vont investir dans des équipements d’échellesplus importantes et de natures diverses selonles compétences transférées. Les départementset les régions sont également concernés. Ainsi,la lecture publique est transférée aux com-munes et aux départements qui réalisent biblio-thèques et médiathèques. Les lycées et les col-lèges sont confiés respectivement aux régionset aux départements qui vont devoir assurerl’entretien des établissements existants et encréer de nouveaux là où sont recensés lesbesoins. Les bases de plein air et de loisirs sontconfiées à la région. Plus récemment, apparaîtun nouvel acteur, l’intercommunalité qui peutfaciliter la mise en réseaux d’équipements cul-turels, sportifs ou sociaux et prendre en chargela réalisation et la gestion de certains équipe-ments de proximité.Par la mise en place de contrats régionaux (en1977), et de contrats ruraux (en 1983), le conseil

régional crée un partenariat avec les conseilsgénéraux et les communes qui permettra la réa-lisation de nombreux équipements sportifs,sociaux, culturels et comblera, en partie, lesmanques d’équipements dans certains terri-toires de la région.Le secteur privé, en partenariat ou non avec lescollectivités locales, investit aussi le domainedes équipements. Cela concerne les golfs, lescentres aquatiques, les parcs d’attractions puisde nouveaux complexes qui associent sallesde cinéma, espaces de jeux et restaurants, les« multiplexes ».

L’offre d’équipements s’est ainsi beaucoupdéveloppée et diversifiée au cours des annéesmais elle reste inégalement répartie sur le ter-ritoire francilien. L’Île-de-France bénéficie pour-tant d’un haut niveau d’équipements qui contri-bue à l’attractivité des territoires. Un sondageBVA pour la FNTP(12), en mars 2010, révélait que« 92 % des Français estiment essentiel d’avoirdes équipements publics de qualité et bienentretenus ; 74 % que les élus doivent les déve-lopper et les entretenir, à commencer par leséquipements de santé et sociaux »(13). L’adapta-tion aux usagers obéit de plus en plus à desanalyses fines de la composition de la popula-tion, de ses modes de vie, de ses pratiques d’uti-lisation qui engendrent de nouvellesdemandes. Les équipements se regroupent,deviennent polyvalents, en même temps queleur gestion s’assouplit pour répondre à desdemandes de plus en plus individuelles liéesaux nouveaux temps de la ville et aux nou-velles pratiques.

(10) Les Zac ont été créées par la loi d’orientation foncièrede 1967.(11) Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme dela région Île-de-France.(12) Fédération nationale des travaux publics.(13) Sondage commenté par BEIDELER Julien, « Qualité deséquipements publics, les Français se montrent pragma-tiques », dans Le Moniteur des travaux publics, n° 5548,26 mars 2010.

14

Programmation des équipements et services de 1920 à nos joursComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Références bibliographiques

• AWADA Fouad, 40 ans en Île-de-FranceRétrospective 1960-2000, Paris, Iaurif,2000.

• CAHIERS DU CREPIF, Quel avenir pour lesgrands ensembles?, décembre 1986.

• FOURCAUT Annie, «La cité-jardin contre lelotissement?», Urbanisme, n° 309,novembre-décembre 1999.

• FOURCAUT Annie et VADELORGE Loïc(dossier préparé par), «Villes nouvelles etgrands ensembles», Histoire urbaine,n° 17, décembre 2006.

• GÉRARD Annelise, Quartier et unité devoisinage dans la pratique urbanistiquefrançaise, 1919-1973, thèse de 3e cyclede géographie, université Paris VII, 1977.

• JANNIÈRE Hélène, «Planifier le quotidien.Voisinage et unité de voisinage dans laconception des quartiers d’habitation enFrance (1945-1965)», Strates 14, 2008.

• LES CAHIERS DE l’IAURP, Le quartier et laville, n° 7, 1967.

• LES CAHIERS DE l’IAURP, Évry, centre urbainnouveau et ville nouvelle, n° 15, 1969.

• LES CAHIERS DE L’IAURIF, Vivre dans lesgrands ensembles, n° 45, mars 1977.

• TAJAN Daniel-H, «Ensembles moyens etgrands», Le Visiteur, n° 7, automne2001.

• SOULIGNAC Françoise, La banlieueparisienne, cent cinquante ans detransformation, La Documentationfrançaise, 1993.

• VOLDMAN Danièle, «Reconstruire pourconstruire ou De la nécessité de naîtreen l’an 40», les Annales de la rechercheurbaine, n° 21, janvier 1984.

Christine Sèvres chante la déception et l’amertume des premiers habitants des grands ensembles« Béton armé, soleil en berneHommes de nouvelles cavernesVoilà ce que nous devenons.Et pardonnez-moi si j’en trembleJ’avais rêvé de grands ensemblesEnsemble est un si joli nom.

Du ciment à l’horizontaleDu ciment à la verticaleEt puis le vacarme s’est tu.Ces grands ensembles sont si rudesQue je rêve de solitudeComme d’un paradis perdu.Dieu qui voulez la vie si belleAllez un peu voir à SarcellesSarcelles était un nom d’oiseau.

Aujourd’hui l’oiseau est en cageEt moi je trouve ça dommageSi vous vous le voyez de haut… »

« Béton armé » (paroles de H. Gougaud/Rongier),1968, extrait

P. Da

caza

La Maison du temps libre au Clos Saint Lazare à Stains réunit plusieurs équipements de proximité(crèche, ludothèque, médiathèque…).

IAU île

-de-F

rance

Page 17: Equipements et services : la métropole au quotidien

Assurer à tous les Franciliens un égalaccès aux équipements et services estun des grands enjeux de l’aménage-

ment régional. Or, si l’on sait qu’il existe defortes inégalités d’accès aux équipements etservices, localiser les besoins et mesurer leurniveau de satisfaction est complexe, d’autantqu’interviennent des facteurs qualitatifs que lesoutils d’observation peinent à prendre encompte. Cet article tente, néanmoins, de propo-ser une première lecture de la répartition deséquipements et services sur le territoire, auregard des besoins diversifiés des habitants.

Des équipements franciliens nombreux et générateurs de déplacementsimportantsL’Île-de-France apparaît souvent, en tant querégion capitale, comme une région bien dotéeen équipements et services. Elle dispose demultiples équipements de renommée nationaleet internationale : les douze musées français lesplus fréquentés sont localisés dans la région,ainsi que quatre des cinq théâtres nationaux,cinq des neufs plus grands centres commer-ciaux français, trois des cinq universités fran-çaises les plus fréquentées, etc. Par ailleurs, entermes d’équipements plus quotidiens, elle pré-sente également une offre relativement denseet diversifiée : environ 2400 structures d’accueilde jeunes enfants et 54 000 assistantes mater-nelles ; plus de 10 000 établissements de forma-tion initiale et de nombreux établissements deformation continue; environ 650 établissements

hospitaliers spécialisés ou non, et plus de 56000professionnels de santé libéraux ; plus de 10000équipements sportifs ; 73000 petits commerceset 7 millions de mètres carrés de grandes sur-faces, etc.Ces équipements et services génèrent des fluxconsidérables de déplacements que l’on peutévaluer très schématiquement par l’Enquêteglobale transport (EGT, 2001). D’après celle-ci,chaque semaine, les équipements et servicesfranciliens seraient la destination – au senslarge(1) – d’environ 86 millions de déplace-ments, soit près des deux tiers des déplace-ments hebdomadaires totaux observés dans larégion hors retour au domicile, devant lesdéplacements consacrés à l’emploi et auxaffaires professionnelles (25 %).Ce constat positif doit cependant être nuancé.En premier lieu, parce qu’il ne se vérifie pasdans tous les domaines. En second lieu parcequ’il existe de fortes disparités infrarégionalesentre les territoires.

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Équipements et services :une offre disparate

Tous les Franciliens ne bénéficientpas d’un égal accès aux équipements et services.

Séverine Albe-TersiguelCatherine Mangeney

IAU île-de-France

L’Île-de-France, en tant que régioncapitale, est relativement bien dotéeen équipements et services.Néanmoins, elle connaît de fortesdisparités quantitatives mais aussiqualitatives dans les niveauxd’équipements entre les domainesd’activités, ou entre les territoires.Disparités qui ne sont pas sans interaction avec les dynamiquesurbaines à l’œuvre dans la région.

15

J.-C.

Bar

dot/

le b

ar F

loré

al/R

égio

n ID

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) L’EGT décrit l’ensemble des déplacements des Franci-liens à l’intérieur de l’Île-de-France selon leur destination(motif). Elle distingue les motifs liés à l’emploi, aux affairesprofessionnelles et visites à la famille ou aux amis des autresmotifs qui peuvent être liés à des équipements et services(études, loisirs, y compris sport, promenades, spectacles, res-taurant…, achats, affaires personnelles dont santé, accompa-gner ou « aller chercher quelqu’un »….). L’ensemble de cedernier groupe a été retenu. Ont donc pu être comptabiliséscertains déplacements qui n’ont pas comme destination unéquipement ou un service (pratique sportive libre…). Néan-moins ces chiffres donnent un ordre de grandeur du volumedes flux.

IAU île

-de-F

rance

Page 18: Equipements et services : la métropole au quotidien

Des domaines déficitairesLe recensement national organisé par le minis-tère des Sports à partir de 2006 a permis de met-tre en lumière un déficit au niveau des infra-structures sportives franciliennes, avec un tauxd’équipements pour 1 000 habitants le plus fai-ble de France métropolitaine, même si cettesituation est évidemment à nuancer selon lescatégories d’équipements et les territoires ausein de la région. Des efforts importants ont étéportés dernièrement sur certains types d’équi-pements, comme les piscines par exemple.Cependant, pour d’autres, comme les terrainsde grands jeux (football, rugby…), la situationfrancilienne et notamment dans le cœur del’agglomération reste problématique.Il en allait de même en matière de lecturepublique : avant les années 2000, la région Île-de-France était déficitaire dans ce domaine.Aujourd’hui, ce n’est plus le cas car, depuismaintenant dix ans, un effort important, notam-ment appuyé par le conseil régional, a été faitdans ce domaine et a conduit à la constructionet à la rénovation de médiathèques et de biblio-thèques d’une part, mais aussi à l’informatisa-tion de celles-ci et à la promotion du livre etde la lecture en général.Des constats sensiblement similaires pour-raient, par ailleurs, être déclinés dans d’autresdomaines, médico-social et social notamment.

De fortes disparités infrarégionales entre les territoiresEn matière de distance à parcourir pour accé-der aux équipements, la situation des départe-ments de grande couronne – où l’habitat estplus dispersé – est moins favorable que celledes départements plus centraux et plus denses.Ainsi, les Seine-et-Marnais sont en moyenne trèsnettement plus éloignés que les autres Franci-liens des grands sites universitaires, mais aussides autres services, qu’ils soient sanitaires, com-merciaux, de loisirs…

16

Équipements et services : une offre disparateComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Territoires à moins d’une heure d’un des principaux sites universitaires par les transports en commun*

Portée moyenne des déplacements en semaine selon le motif et le département (en km)

Sour

ce : E

GT 2

001

Paris Hauts-de-Seine Seine-Saint-Denis Val-de-Marne Seine-et-Marne Yvelines Essonne Val-d’Oise Île-de-France

Achats 1,5 2,0 2,4 2,5 5,2 3,8 3,9 3,4 2,9Loisirs (participation : sports, culture…) 2,7 2,4 2,7 3,1 5,2 3,5 3,8 3,8 3,3Spectacles 3,7 5,4 6,6 5,9 9,5 7,6 11 6,6 5,8Autres loisirs (restaurant…) 1,9 2,3 2,6 3,4 7,3 4,3 4,1 3,3 3,0Santé 2,4 2,8 3 3,9 8,2 5,1 4,6 4,5 4,0Enseignement primaire 0,7 0,7 0,7 0,7 1,4 1,4 1,0 0,7 0,9Enseignement secondaire, technique 1,6 1,9 1,9 2,2 4,8 3,5 3,0 2,8 2,7Enseignement supérieur 4,1 5,4 7,1 8,6 20,4 13,4 12,6 10 8,5

Travail 5,2 5,9 7,6 7,6 14,2 10,7 11,6 10,1 8,7Affaires professionnelles 5,7 6,5 8,3 7,2 16,6 10,1 9,5 11,0 8,7

Certains territoires, notamment dans le cœur de l’agglomération, sont encore insuffisammentéquipés en terrains de grands jeux. Ici, terrains de jeux à Ivry-sur-Seine (94).

C.Dé

grem

ont/

IAU

îdF

(2) MOTTE-BAUMVOL Benjamin, «L’accès des ménages aux ser-vices dans l’espace périurbain francilien », Strates, n° 14,Ladyss, CNRS, 2008.

IAU île

-de-F

rance

Page 19: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’analyse de Benjamin Motte-Baumvol(2), à par-tir de l’inventaire communal de 1999, va dansle même sens. Les services sont inégalementrépartis dans l’espace : «concentrés au cœur del’agglomération et autour de la petite couronne,en doigts de gant autour des principales infra-structures ferroviaires ou regroupés autour decentres anciens (Meaux, Fontainebleau…) etdes villes nouvelles, ils n’équipent qu’environune commune sur trois dans les espaces péri-phériques de la grande couronne au lieu dequatre sur cinq dans les espaces centraux ». Ilajoute cependant que la répartition des ser-vices suit assez bien celle de la population. Siseules 50 % des communes de grande cou-ronne disposent de services, ces dernièresregroupent 90 % de la population et plus de80 % des habitants de grande couronne rési-dent à moins de cinq kilomètres d’un «bouquetde services »(3).L’analyse du seul indicateur de présence estcependant loin de pouvoir rendre compte duniveau d’accessibilité, d’autant que proximiténe signifie pas accessibilité : cette dernièredépend également – entre autres – du nombred’individus potentiellement utilisateurs del’équipement (ainsi, le nombre limité de placesen crèche peut rendre cet équipement inac-cessible même aux populations voisines ; unmédecin peut être présent mais ne plus avoirde créneau horaire disponible…).Or, rapporté à la population, le niveau d’offreen équipements et services est très variable ausein de la région, non seulement entre la zonecentrale et dense et les zones plus rurales oupériphériques, mais aussi entre les zones socia-lement favorisées et les autres.

Ainsi, les zones denses, urbaines et socialementfavorisées se caractérisent schématiquementpar un suréquipement par rapport auxmoyennes régionales ou nationales dans cer-tains domaines (petite enfance, court séjour

17

Les établissements scolaireslocalisés en Zus, construits dans les années 1970, sont bien souvent extrêmementvétustes et non adaptés aux usages actuels.Ici, l’école maternelle Jean Lurçat de la cité du Chaperon vert à Gentilly (94) avant sa démolitionen 2010.B.

Gui

gou/

IAU

îdF

(3) Benjamin Motte-Baumvol classe les communes selontrois niveaux emboîtés. Le premier est constitué d’un magasind’alimentation générale : supérette ou épicerie. Le secondest constitué d’une grande surface : supermarché ou hyper-marché. Enfin, le troisième niveau offre l’intégralité d’un bou-quet de services : une grande surface, cinq commerces deproximité (boulangerie, café, coiffeur, journaux, tabac), quatrecommerces spécialisés (vêtements, chaussures, grande sur-face spécialisée, librairie), trois services de santé (médecingénéraliste, dentiste, pharmacien) et deux services généraux(poste et banque). Une analyse de l’inventaire communal avalidé son hypothèse de co-présence de différents services :la présence d’un service s’accompagne souvent de la pré-sence d’autres services.

Quel que soit le motif du déplacement, la distance parcourue est plus importante en grande couronneet notamment en Seine-et-Marne.

IAU île

-de-F

rance

Page 20: Equipements et services : la métropole au quotidien

hospitalier, médecins spécialistes, commercesde proximité, culture…) et par un sous-équipe-ment dans d’autres domaines (médico-social,sports de plein air…). En revanche, les dépar-tements de grande couronne sont mieux équi-pés en services médico-sociaux (historique-ment relégués en périphérie), ou encore encommerces de grande taille et en équipementssportifs consommateurs d’espace. Quant auxdépartements fortement touchés par des diffi-cultés sociales comme la Seine-Saint-Denis, ilssont dans une position défavorable pour unegrande partie des indicateurs. La densité demédecins spécialistes libéraux par exemple,alors qu’elle est en Île-de-France très largementsupérieure à la moyenne française, est, en Seine-Saint-Denis, presque deux fois moindre. Et leconstat qui peut être fait au niveau des dépar-tements se décline au niveau des communeset même entre différents quartiers d’une mêmecommune.Ainsi, au début des années 2000, une analysede l’inventaire communal et de l’enquête Viede quartier(4) montrait que l’offre de servicesde proximité n’était pas uniformément répartiesur le territoire français, avec un taux d’équipe-ment, notamment en services marchands,dégressif entre, d’une part, les villes-centre, lesbanlieues, les petites agglomérations et leszones rurales, et, d’autre part, entre les quartiersaisés et les quartiers HLM ou les grands ensem-bles. Le rapport 2009 de l’Observatoire nationaldes zones urbaines sensibles (Onzus)(5), mon-tre, quant à lui, un déficit en équipements com-merciaux et sanitaires, mais aussi en équipe-ments relevant du secteur public comme les

équipements sportifs, ou liés aux services deproximité (marchands ou non) dans les quar-tiers prioritaires. En ce qui concerne les équi-pements scolaires, ce dernier rapport note unerépartition plus homogène entre les quartiersprioritaires et le reste des zones urbaines, toutau moins en termes quantitatifs. Toutefois, uneanalyse plus qualitative sur un certain nombrede sites en rénovation urbaine montre que laplupart des établissements scolaires localisésdans le périmètre des Zus ont été construitsdans les années 1970 et sont bien souvent extrê-mement vétustes et non adaptés aux usagesactuels(6).Si l’exemple des Zus permet de pointer cer-taines inégalités infracommunales, ces der-nières ne se limitent pas bien sûr aux seulsquartiers prioritaires.Les analyses citées précédemment mettentd’ailleurs en avant l’élément essentiel qu’est ladifficulté à construire le diagnostic. D’une part,parce que les données statistiques intègrent trèsrarement des informations qualitatives ; d’autrepart, parce que les besoins sont très variablesselon les habitants.

18

Équipements et services : une offre disparateComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Quelques taux d’équipements en Île-de-France (nombre par habitant en ‰)

* Dans le cas des équipements pour la petite enfance ou les personnes âgées, les tauxsont respectivement rapportés à 1 000 enfants âgés de moins de trois ans, et à 1 000habitants âgés de 75 ans et plus.

** Nombre de lits et places*** Commerces de moins de 300 m2 de surface de vente**** ND : non disponible

Sour

ces:

STA

TISS

2007

; CCI

P, BD

COM

, CCI

et C

ham

bre

des M

étier

s et d

e l’A

rtisa

nat 2

002-

2003

; Dre

es 2

006;

CNC

2007

; Rec

ense

men

t du

min

istèr

e du

Spo

rt, 2

006.

(4) MARTIN-HOUSSARD Géraldine et TABARD Nicole, « Les équi-pements publics mieux répartis sur le territoire que les ser-vices marchands », France, portrait social 2002-2003, Insee,2002.(5) OBSERVATOIRE NATIONAL DES ZUS, Rapport 2009, Les éditionsdu CIV, Paris, novembre 2009.(6) COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE SUIVI DE L’AGENCE NATIONALE POUR

LA RÉNOVATION URBAINE, La rénovation urbaine à l’épreuve desfaits – Rapport 2009 d’évaluation, La Documentation fran-çaise, Paris, 2010.

Taux d’équipement France Île-de- Paris Hauts-de- Seine-Saint- Val-de- Seine-et- Yvelines Essonne Val-d’Oiseou densité pour 1 000 France Seine Denis Marne Marnehabitants concernés*

Petite enfanceAccueil collectif 108 164 261 246 118 200 92 141 99 69

Santé et médico-socialHôpitaux court séjour** 4,13 4,2 7,42 5 3,1 4,31 2,73 2,82 2,92 3,03Hôpitaux moyen séjour 1,58 1,42 1,01 1,27 1,03 1,85 1,47 1,65 1,76 1,71Généralistes libéraux 112 109 176 101 86 98 88 96 93 92Spécialistes libéraux 88 124 278 126 69 94 62 98 82 76Hébergement personnes âgées 123 112 66 111 84 104 177 147 152 150

Culture et loisirsFauteuils de cinéma 18,4 18,7 34,3 15,3 14,9 18,7 16,6 15,7 11,9 11

CommercesPetits commerces*** ND**** 6,6 13,4 5,5 4,9 5,1 5,7 4,1 4,1 5,2

SportEnsemble équipements 5,5 2,6 1,3 2,5 1,8 2,2 3,4 3,4 3,6 3,5Courts de tennis 0,69 0,54 0,22 0,61 0,25 0,4 0,71 0,91 0,83 0,63Gymnases 0,27 0,21 0,16 0,21 0,23 0,22 0,23 0,21 0,24 0,22Terrains de grands jeux 0,72 0,3 0,07 0,2 0,22 0,21 0,55 0,45 0,51 0,45

IAU île

-de-F

rance

Page 21: Equipements et services : la métropole au quotidien

Les éléments qualitatifs difficilementpris en compteParce que ces éléments sont difficilement quan-tifiables et compliqués à recueillir de manièresystématique et actualisée, les données statis-tiques régionales ne prennent pas en compte,le plus souvent, la notion de qualité, ni d’autresfacteurs qualitatifs que sont les horaires, les dis-ponibilités, les tarifs, la desserte, ou encore larenommée, les services associés… La simpleanalyse, par exemple, de l’étendue des airesd’attraction de différents lycées en fonction deleur localisation, de leur spécialisation ou deleur renommée montre les limites des analysesbasées sur des éléments purement comptables.De plus, de nombreuses études montrent queles établissements les plus prestigieux sont trèsconcentrés en zone dense, ou dans les com-munes aisées. Ainsi, les travaux de Marco Obertiréalisés dans les Hauts-de-Seine(7) indiquent,par exemple, que les établissements scolairespublics et privés les plus prestigieux sont trèslargement concentrés dans les communes lesplus aisées du département, alors que les éta-blissements les moins performants sont situésdans des communes défavorisées, par ailleursdépourvues d’établissements privés.Une autre étude réalisée sur le territoire pari-sien met en évidence une relation causaleentre la renommée des collèges publics et laformation des valeurs immobilières, les parentsétant prêts à acheter un peu plus cher leur loge-ment si celui-ci est sectorisé dans un collègequ’ils jugent de qualité(8).Ce constat se décline dans tous les domaines :que ce soit dans le secteur hospitalier, où larenommée et la spécialisation de certaineséquipes génèrent une aire d’attractivité élar-gie(9) ; dans le secteur culturel, où la qualité descollections, le prestige de la programmation,etc. influent sur la fréquentation ; dans ledomaine des équipements sportifs, où la pré-sence d’installations spécifiques ou d’espacesludiques génère des aires de chalandise tout àfait différentes…

Des besoins différenciés selon les habitantsLes besoins sont variables selon les habitants :les jeunes ont des besoins différents des per-sonnes plus âgées, les familles avec jeunesenfants ne recherchent pas les mêmes équipe-ments que les célibataires en début de cyclede vie, les cadres se distinguent aussi des popu-lations précaires dans ce domaine… Or lesindicateurs classiques de taux d’équipementpar habitant (sans distinction) ne tiennent pascompte de cette variabilité des besoins et gom-ment une grande partie des inégalités d’accèsaux équipements et services. Pourtant, la litté-

rature est relativement abondante à ce sujet. Parexemple, dans le domaine sanitaire, on sait bien– pour ne citer que quelques exemples – queles personnes âgées, moins mobiles et doncplus tributaires de la proximité, consultent bienplus souvent que les plus jeunes et souffrent depolypathologies nécessitant une prise encharge pluridisciplinaire ; que les personnes lesmoins favorisées socialement sont égalementmoins mobiles et plus captives de l’offre deproximité…Ainsi, les indicateurs classiques doivent êtrenuancés, non seulement en les rapportant auxdifférents types de population, mais égalementen les confrontant à l’offre d’autres services(notion de «bouquet de services accessibles»),d’autant que le fait d’utiliser tel ou tel équipe-ment de proximité semble corrélé à l’impor-tance du niveau global d’équipements présentsà proximité(10). C’est donc une analyse globalede l’accessibilité qu’il conviendrait de meneren réinterrogeant les outils méthodologiquesmobilisables(11).

19

Le marché immobilier dépend de multiples facteurs parmi lesquels figure la renomméedes collèges et des lycées.C.

Man

gene

y/IA

U îd

F

(7) OBERTI Marco, « Différenciation sociale et scolaire du ter-ritoire : inégalités et configurations locales», Sociétés contem-poraines, n° 59-60, 2005.(8) FACK Gabrielle et GRENET Julien, « Sectorisation des col-lèges et prix des logements à Paris », Actes de la recherche ensciences sociales, n° 180, Seuil, mai 2009.(9) LASALLE Pascal, «L’attractivité des établissements de santés’accroît avec leur niveau de spécialisation», Atlas de la santéen Île-de-France, Iaurif-Drassif, 2005.(10) MARTIN-HOUSSARD Géraldine et TABARD Nicole, op. cit.(11) Voir dans ce numéro des Cahiers, MANGENEY Catherine,« Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximité », p 24.

IAU île

-de-F

rance

Page 22: Equipements et services : la métropole au quotidien

I l sera ici question d’une lecture ergono-mique de l’accessibilité [IGNAZI et KERAVEL,2000]. C’est-à-dire que nous nous attache-

rons à développer la notion d’effort à fournirpour atteindre une ressource localisée (energonomie : pour effectuer une tâche). Onentend par ressource, notamment urbaine, toutce qui constitue le but d’un déplacement : letravail, la résidence (quand on n’y est pas), lescommerces et les services, les sites et les pay-sages, la famille, les amis et d’une façon pluslarge, « les autres ». Mais il ne s’agit pas de l’ac-tion qui consiste à atteindre cette ressource,pour laquelle on dispose du terme de dépla-cement, et aussi d’un autre, la mobilité, quidésigne l’association en système des activitéscorrespondant aux ressources et des déplace-ments qu’elles impliquent. À noter que l’enviede bouger, d’« aller sans but au gré des che-mins », constitue aussi une ressource.

L’entrée en mobilité : arbitrage entre effort à fournir et bénéfice attenduIl s’agit donc d’un potentiel à disposition,moyennant un investissement en temps, enprix, mais aussi en peine physique, pour lequelon emploie le terme de pénibilité, et en com-préhension, ce que l’on peut appeler l’effortcognitif. Devant chaque projet d’activité impli-quant une ressource localisée, l’évaluation del’effort à déployer pour mener le projet à bienpeut conduire à sa réalisation ou à son aban-don. On comprend alors que l’évaluation del’investissement, intuitive ou calculée (ce qui

est toujours le cas des entreprises, mais plusrarement celui des individus), dépend desmoyens dont on dispose : assez de temps, assezd’argent, assez d’énergie et la capacité deconcevoir le déplacement du point de vue cog-nitif. Naturellement, c’est l’intensité du besoinou de l’envie d’atteindre une ressource spatia-lisée pour y effectuer une activité qui permetde choisir d’entrer en mobilité ou bien derenoncer, en comparant a priori l’investissementà ce qu’il rapportera : en d’autres termes, d’éva-luer si « le jeu en vaut la chandelle ». Envisagéesur le long terme, cette évaluation conduit àdes choix de localisation, aussi bien pour lesentreprises que pour les ménages. Au quotidien,elle joue un grand rôle dans la conception desprogrammes d’activité et par conséquent dansl’abondance des opportunités.

L’accessibilité, souvent réduite à un effort à la fois temporel, financier,et physiqueLa mesure de l’accessibilité est, le plus souvent,réduite à deux dimensions qui relèvent deregistres bien différents, celui de l’économie etcelui des politiques publiques de lutte contretoutes les formes d’exclusion. Comme on le saitbien, dans le registre économique, l’accessibi-lité est mesurée en temps et en coût. La dimen-sion technique de la logistique est transforméeen coût, et le temps est monétarisé. Dans les

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Sur l’accessibilité aux ressourcesoffertes par la ville

L’accessibilité passe aussi par la signalétique. Comment rendre lisible ce qui, par essence, est complexe ?

Trop souvent ignorée, la composantecognitive et culturelle de l’accessibilitéest pourtant constitutive du potentielde chacun à se mouvoir. Elle est fondamentale pour mesurer les inégalités d’accessibilité aux aménités offertes par le territoiredans son ensemble.

Francis Beaucire(1)

Université Paris 1

20

C.Do

utre

/BaS

oH/I

AU îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

Pour une ergonomie de la mobilité« Le déplacement d’un usager dans un environnement de transport peut s’étudier dans une démarcheergonomique, comparable à celle quiprévaut dans les activités professionnelles.[…] L’usager se donne un objectif :rejoindre son lieu de travail, de loisirs, sondomicile… Il réalise une tâche ; il se donneles moyens d’accomplir cette tâche, se déplace, fait des gestes, regarde,écoute : il déploie une activité tout au longd’une série de phases transitoires au coursdesquelles ses comportements,physiologique et psychologique, vont varieren fonction d’une charge de travail ; il utilise les moyens disponibles : un modede transport, un environnement de services, des supports d’informations, des circulations, etc. ; il tient compte desconditions d’environnement ou les subit :temps, horaires, espace, ambiancesphysiques. » [IGNAZI et KERAVEL, 2000]

(1) Francis Beaucire est géographe et professeur à l’universitéParis 1 Panthéon-Sorbonne.

IAU île

-de-F

rance

Page 23: Equipements et services : la métropole au quotidien

politiques publiques de lutte contre l’exclusion,l’accessibilité est traduite en équipements etprocédures destinés à aplanir les obstacles auxdéplacements des personnes à mobilité réduite(PMR), c’est-à-dire à faire baisser la pénibilitéqui contribue à rendre l’investissement insur-montable, même si le besoin ou l’envie d’attein-dre une ressource est très élevé. Toute unepalette de tarifs sociaux, forcément incomplèteet parfois insuffisante en termes de niveaud’aide, permet également de faire baisser l’ef-fort financier à déployer pour offrir à l’ensem-ble de la société les moyens de saisir ces oppor-tunités territorialisées, valorisantes pourl’individu.Tout particulièrement, l’accessibilité auxemplois offerts à des actifs à la recherche d’untravail est souvent médiocre (zones d’activitésnon reliées aux réseaux de transport collectifou bien inatteignables en horaires décalés).Cela constitue un obstacle à la recherche fruc-tueuse d’un emploi, qui touche particulière-ment les chômeurs les moins fortunés. On pres-sent là que la notion de personne à mobilitéréduite pourrait légitimement sortir du cadrefinalement étroit des handicaps physiques. Maisle prix du déplacement n’est pas le seul facteurde réduction de l’accessibilité.

L’accessibilité : une dimension cognitive,souvent oubliée mais fondamentaleEn adoptant une lecture élargie de l’accessibi-lité, plutôt centrée sur l’individu, psychologiqueet sociale, on comprend bien qu’il n’est pas suf-fisant d’être placé à proximité d’une ressource,en temps d’accès ou en prix de transport, pourque la mobilité s’ensuive. Cette dernière visant,en effet, la réalisation d’une activité a priori posi-tive, c’est-à-dire dégageant un profit, de quelquenature qu’il soit, en échange de l’investissementconsenti.

Un « amont » pesant, de nature d’abord phy-sique comme on l’a dit (ce qui est pris encharge, au moins en partie, par la loi relative àl’accessibilité des personnes à mobilitéréduite) mais surtout cognitive et culturelle,handicape des segments de la société urbaine.En effet, tout le monde n’est pas équipé desoutils indispensables à la valorisation desopportunités offertes par les ressources de laville, ordinairement abondantes, concurren-tielles mais dispersées dans un espace géogra-phique qui excède désormais le court horizonde la résidence et du quartier. C’est cette dimension que saisit l’enquête réa-lisée par Keolis auprès de citadins, qui montreque la difficulté à utiliser un plan de réseau detransport collectif est loin d’être marginale etconfinée à une niche d’inaptes : plus de 60 %des personnes interrogées et placées devantun exercice de mise en concordance de l’offrede transport collectif et de la localisation deressources éprouvent des difficultés, parfoisinsurmontées(2).Plus profondément même que des projetslatents non réalisés faute de moyens, c’est l’ab-sence de projet d’activité, faute d’un capitalcognitif relatif à ce que l’on pourrait appeler la« mouvance » (les projets ont une dimensionspatiale ineffaçable), qui rend l’accessibilitéfinalement sans intérêt pour certaines popula-tions. Cette absence de projet conduit au confi-nement au cœur de ressources pourtant abon-dantes et diversifiées, dont les opportunités nepeuvent être saisies. Le défaut de projet est unelacune cognitive qui mène à l’immobilité aussisûrement que le défaut de moyen.Mais renoncer à la mobilité signifie-t-il renoncerà toute activité, notamment à des activitéssédentaires, capables de se substituer sans perte

21

De la mobilité comme une ressourceinégalitaire« L’accès à la mobilité est loin d’être le même selon les individus, les groupessociaux, selon les niveaux de revenus. […]On observe des inégalités importantesentre les pratiques de mobilité des ménages pauvres et des ménagesaisés. […]. Ces disparités s’expliquentnaturellement par des différences face à l’usage de l’automobile […], mais aussi parce que les groupes dominantsdisposent d’une plus grande faculté dedélocalisation. Ils bénéficient de réseauxsociaux qui ne reposent pas uniquementsur la proximité spatiale. Leurs grilles de lecture de l’espace sont facilementtransposables d’un lieu à un autre. À l’opposé, les groupes dont l’aptitude à la mobilité est la plus faible courent le risque de l’isolement et de lamarginalisation. […] Ces différences dans les potentiels de mobilité ont conduitV. Kaufmann à introduire le concept de motilité, défini comme un capital, dont la distribution est inégalitaire. » [FOL, 2010]

(2) Enquête Keoscopie 2007, sur le site keolis.fr.

J.-C.

Pat

taci

ni/U

rba

Imag

es/I

AU îd

F

L’accessibilité, question urbaine.Comment tisser des ponts, au sens propre comme au figuré,entre les différentes composantesde la ville ?

IAU île

-de-F

rance

Page 24: Equipements et services : la métropole au quotidien

de profit global aux activités requérant la mobi-lité ? Certainement, en dépit des activités permises par l’usage des technologies de l’in-formation et de la communication (TIC), nom-breuses, et en pleine diversification. Toutefois,le plus souvent, ces dernières ne concernentpas les populations dépourvues de projet oude moyen de déplacement. Un usage de pleinexercice des TIC s’ajoute, en effet, aux pratiquesdéjà les plus variées d’activités et de mobilité,autorisant de multiples combinaisons en syner-gie, et non par substitution. Les « assignés aulieu » ne sont donc pas libérés de la pesanteurpar les apports des télécommunications.

Vers un nouveau concept, la motilité…En d’autres termes, la motilité, notion opportu-nément proposée par V. Kaufmann, et dérivéede la biologie et même de la pédiatrie, pourdésigner l’aptitude à se mouvoir en utilisant uncapital disponible individuellement, précèdel’accessibilité, qui précède elle-même la mobi-lité. L’accessibilité à la « géographie utile desressources » (l’espace vécu par chacun quireprésente le territoire connu, approprié, repré-senté, exploité grâce à la mobilité) se trouveainsi attachée à la personne et non d’abord àl’espace (les « cartes mentales » permettent dele dessiner) [FRÉMONT, 1976].

… et de nouveaux services :l’apprentissage à la mobilitéL’appréhension suscitée par la mobilité, toutcomme les lacunes de connaissances ou deméthodes qui font obstacle à un projet dedéplacement dont dépend l’exercice d’uneactivité (rechercher un emploi, saisir une offre

commerciale, profiter d’un équipementpublic), peut être surmontée par des apprentis-sages destinés à permettre l’appropriation desmoyens de déplacement. C’est justement lesens d’une extension des services proposés parl’association Voiture & Co (du covoiturage àl’origine) sous l’appellation Bougez vers l’em-ploi, « qui a pour but d’accompagner les per-sonnes en parcours d’insertion vers une mobi-lité autonome afin de favoriser leur accès àl’emploi », selon les propos du président de l’as-sociation, Ludovic Bu.Ainsi la dimension cognitive de l’accessibilitéest fondamentale. Elle est, néanmoins, perçuede façon très secondaire, par rapport auxdimensions matérielles mesurables comme letemps de trajet et le prix, ou même la pénibilitéphysique. Les politiques tarifaires et les poli-tiques d’accessibilité physique au profit des per-sonnes à mobilité réduite (et des autres), des-tinées à favoriser la mobilité de toutes lescatégories de la population urbaine n’ont pasde prise sur les obstacles cognitifs à la mobilité.Pourtant, l’enjeu semble de taille : on peut sedemander si la cohésion de la société urbaine,un objectif explicite des politiques publiques,peut se passer du décloisonnement des repré-sentations et des pratiques de la ville à l’ensem-ble et à la diversité de ses étendues géogra-phiques, sources d’expérience et de profitindividuel. Les équipements, les matériels, lestechnologies de la communication progressentà vive allure, mais l’inertie des comportementset l’inaptitude d’une partie des individus à s’ensaisir sont partie intégrante de la problématiquede la mobilité, a fortiori durable.

22

Sur l’accessibilité aux ressources offertes par la villeComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Références bibliographiques

• FOL Sylvie, «Encouragement ouinjonction à la mobilité?», Projet,n° 314, janvier 2010.

• FRÉMONT Armand, La région, espace vécu,Paris, Flammarion coll. « Champ », 1999(première édition : 1976).

• IGNAZI Gérard et KERAVEL Francine,«Ergonomie de la mobilitéquotidienne», Transports urbains, n° 102,janvier-mars 2000.

• KAUFMANN Vincent, Les paradoxes de lamobilité, Lausanne, Pressespolytechniques et universitairesromandes, coll. « Le savoir suisse », 2008.

• ORFEUIL Jean-Pierre, Transports, pauvretés,exclusions. Pouvoir bouger pour s’en sortir,L’Aube, 2004.

La motilité comme aptitude de la personne ou du groupe« Chaque personne ou groupe se caractérise par des propensions plus ou moins prononcées à se mouvoir dans l’espace géographique, économiqueet social. L’ensemble de ces aptitudes a été appelé la « motilité », en référence à l’acception de ce terme en biologie. La motilité se définit comme l’ensembledes facteurs qui permettent d’être mobiledans l’espace (…). La motilité se réfèredonc aux facteurs d’accessibilité, aux compétences et à l’appropriation. La motilité, c’est en fin de compte la manière dont une personne ou un groupe fait sien et utilise le champ du possible en matière de déplacements.»[KAUFMANN, 2008]

Illus

tratio

n Sa

mue

l Tel

ler,

créd

it Vo

iture

& c

o

IAU île

-de-F

rance

Page 25: Equipements et services : la métropole au quotidien

23

Les Cahiers – Vous avez réalisé plusieursétudes sur le thème de l’accessibilité aux équipements et services, que pouvez-vous nous dire de la situationfrancilienne?Jérôme Bertrand – L’accessibilité est désiréepar tous, mais elle est hétérogène dans l’espace.Généralement, l’accessibilité aux équipementsdécroît avec leur éloignement du centre deParis. Elle est disparate selon les modes dedéplacement en raison, d’une part, de la struc-ture des réseaux de transports et, d’autre part,de la performance des modes selon la périodedu déplacement. L’accessibilité dépend aussides contraintes spatio-temporelles de chaqueindividu, en fonction de l’offre et des moyensde transport dont il dispose au moment où ilsouhaite se déplacer.Par ailleurs, l’étalement urbain, les choix rési-dentiels en faveur du périurbain, les stratégiesd’implantation des activités et des équipementsselon le prix et le foncier, l’évolution du tempsde travail engendrent une dégradation duniveau d’accessibilité. Ils induisent, par ailleurs,davantage de déplacements en mode méca-nisé, notamment en voiture, et participent à l’al-longement des distances à parcourir.

L. C. – Vos travaux sur les hôpitauxmontrent la diversité des usagers. Quel impact cela a-t-il sur l’accessibilité?J. B. – Effectivement, chaque équipement estfréquenté par des publics variés avec desbesoins de desserte spécifiques. Un établisse-ment recevant du public ou une installationouverte au public, au sens de la réglementationde sécurité contre les incendies, accueille dansles faits « des » publics, soit l’ensemble des usa-gers des équipements quel que soit le motif deleur fréquentation.Il est possible d’identi-fier deux grandesfamilles de public, lesprofessionnels et lesvisiteurs, eux-mêmespluriels. Leur répartition varie selon la naturede l’équipement et leurs pratiques de déplace-ments sont hétéroclites.La catégorie des professionnels désigne les personnes venant travailler sur le site. Leuremployeur, leur fonction, leur statut sont diffé-rents. Leurs jours et horaires d’activité peuventfortement varier au cours de l’année (médecin,infirmière, administratif, agent de service, livreurpar exemple).

Les visiteurs, quant à eux, sont les personnesprofitant de l’équipement pour des raisons nonprofessionnelles : ils peuvent être des clients oudes utilisateurs de l’offre de services (étudiants,patients hospitaliers…), mais aussi leurs accom-pagnateurs (membres de la famille, amis…),des personnes en attente (l’équipementcomme lieu de rendez-vous) ou de passage (untrajet passant par l’équipement). Selon l’activitéproposée, les visiteurs peuvent avoir besoin detransporter du matériel, des sacs ou des colis,ce qui impacte leur mobilité.

L. C. – Comment répondre à ces besoinstrès diversifiés?J. B. – Ils appellent des réponses différenciées.Les politiques d’urbanisation et de transportsvolontaristes sont évidemment nécessairespour améliorer l’accessibilité aux services.Cependant, de nouvelles infrastructures exigentdes engagements financiers très importants etun temps de mise en œuvre relativement long.Des mesures portant sur la gestion des servicesde transport peuvent être menées rapidementpour faciliter, à moindre coût, la desserte deséquipements.La prise en compte de tous les publics, en par-ticulier les usagers à mobilité réduite et ceuxnon motorisés en raison de leur âge ou decapacités financières limitées, est primordiale.Dans ce contexte, le management de la mobi-lité prend tout son sens, par sa méthode multi-partenariale impliquant l’ensemble des acteursde la mobilité, et ses approches multimodales.Les actions d’amélioration de la desserte repo-sent le plus souvent sur l’adaptation de l’offrede transport collectif (ajustement des horaires,fréquence des passages, positionnement desarrêts…). Elles tendent également à valoriser

les modes de proximitéavec la réalisation deliaisons piétonnes etcyclables et la mise àdisposition de station-nement pour les vélos.

Conjointement, elles encouragent souvent l’op-timisation de l’usage de la voiture par la pro-motion du covoiturage ou de l’autopartage,mais aussi par la gestion différenciée des capa-cités de stationnement. Enfin, elles travaillent àl’amélioration de l’information et de la com-munication auprès des usagers.

Propos recueillis par Séverine Albe-Tersiguel et Catherine Mangeney

Jérôme Bertrand est chargéd’études au départementMobilité et Transports à l’IAU île-de-France.

Depuis 2007, l’IAU îdF mène des études portant surl’accessibilité et la desserte de différents types de grandséquipements en Île-de-France :bases de plein air et de loisirs(Amélioration de la dessertedes bases de loisirs,2007-2008), centreshospitaliers (Centreshospitaliers et déplacements,2008-2009), lieux touristiques(Aménagement et développement touristique,2009-2010). La prochainethématique traitée dans le cadre de ces analyses seracelle des zones d’activitéséconomiques.

L’accessibilité et la desserte deséquipements franciliens, quel constat?

Interview

Équipements et services : la métropole au quotidienComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»Chaque équipement est fréquenté par des publics variés.

Tous ont des besoins de dessertespécifiques et différenciés. «

B. B

asse

t/IA

U îd

F

IAU île

-de-F

rance

Page 26: Equipements et services : la métropole au quotidien

Chaque Francilien doit pouvoir à la foisse nourrir, se former, se soigner, se diver-tir… et avoir accès, dans la proximité,

à une diversité d’équipements et services. Le développement d’outils informatiques et de bases de données géolocalisées rendaujourd’hui possible la mise en place d’ana-lyses régionales visant à apprécier, à des éche-lons géographiques très fins, les niveaux d’ac-cès des habitants aux équipements et servicesde proximité. Cet article présente les premiersrésultats d’une méthodologie développée àl’IAU île-de-France.

Parler de proximité nécessite dedescendre à un niveau géographique finAvec le développement des systèmes d’infor-mation géographique (SIG) et de l’informatisa-tion des bases de données, la connaissance dela répartition des équipements et services surle territoire est facilitée : l’IAU île-de-France dis-pose notamment d’une base de données(1) qui,sans être exhaustive, positionne à l’adresse ungrand nombre d’équipements et services dansdifférents domaines tels que la petite enfance,l’éducation et la formation, les loisirs, les sports,la culture, les espaces verts, le tourisme, la santé,le commerce… D’autre part, associés auxrecensements de population, ces mêmes SIGpermettent de découper la région en «mailles »– ici, des carrés de 250 mètres de côté – et d’es-timer le nombre d’habitants résidant dans cesespaces géographiques très fins.La conjonction de ces deux sources d’informa-

tions permet de dépasser les diagnostics élaborés à partir de taux d’équipements com-munaux, de travailler à des niveaux géogra-phiques plus petits et moins contraints par leslimites administratives, et d’appréhender ainsil’accessibilité (et les inégalités d’accès) auxéquipements et services de proximité.

Les équipements retenusCet article propose une première vision infra-communale des différences d’accès aux équi-pements de petite enfance, de soins de premierrecours (médecins libéraux généralistes, den-tistes, pédiatres, gynécologues, ophtalmo-logues(2)), aux équipements sportifs les plus fréquemment utilisés (piscines couvertes, gym-nases, tennis et terrains de grand jeux tels queterrains de foot, de rugby…), aux espaces verts,et enfin aux cinémas et aux commerces ali-mentaires. Les équipements retenus l’ont étéde manière pragmatique selon leur disponibi-lité dans notre base de données. D’autres n’ontvolontairement pas été traités : les équipementsd’éducation, par exemple, dont l’accès est for-tement contraint par la sectorisation des affec-tations. Dans ce cas, la mesure de l’accessibilitéà l’école la plus proche n’a pas de sens, d’au-tant que les stratégies d’évitement développées

ComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximité

L’informatisation des bases de données et les nouveaux outilsinformatiques rendent possible la mesure de l’accès aux équipements et services de proximité.

Appréhender la proximité nécessite de mener des analyses à un niveau géographique très fin, ce que permettent aujourd’hui lesoutils informatiques. Cet articleprésente les premiers résultats de travaux allant dans ce sens. Il donne à voir les inégalités localesd’accessibilité à un certain nombred’équipements et services de proximité, considérés séparémentou de manière globale comme un «bouquet » d’offres.

Catherine MangeneyIAU île-de-France

24

J-C.

Pat

taci

ni/U

rba

Imag

es/I

AU îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Compilation de sources institutionnelles et privéesdiverses.(2) Y compris les médecins libéraux exerçant en cabinetsde groupe ou en maisons médicales pluridisciplinaires. Parmanque d’information les concernant, les médecins salariéstravaillant dans les centres de santé (municipaux, associa-tifs…) n’ont pas été intégrés, en tant que tels, dans l’analyse.

IAU île

-de-F

rance

Page 27: Equipements et services : la métropole au quotidien

par les familles notamment pour les collègeset lycées, montrent bien que, pour les Franci-liens et pour des raisons objectives ou subjec-tives, un établissement n’est pas systématique-ment équivalent à un autre. L’approchestatistique globale et quantitative trouve ici seslimites.

La qualification du niveau d’accessibilitéest forcément variable selonl’équipementDans tous les domaines retenus, a été calculé,pour chaque maille habitée, le même indica-teur synthétique d’accessibilité : très bonne,bonne, moyenne, mauvaise, très mauvaise.Néanmoins, s’appuyant sur des études théma-tiques statistiques ou sociologiques définissantdes seuils de fréquentation ou des freins à l’ac-cessibilité, les critères retenus pour qualifier laqualité de l’accessibilité (à vol d’oiseau) diffè-rent d’un type d’équipement à un autre.• En ce qui concerne la petite enfance, du faitdes modalités de financement et d’attributiondes places, l’offre en crèche est très largementlimitée à l’offre communale. Nous avons doncrepris une typologie communale élaborée àpartir de l’offre en accueil collectif, du recoursà des assistantes maternelles et à des auxiliairesparentales à domicile [ALBE-TERSIGUEL, 2009] etavons affecté à chaque maille le niveau de lacommune à laquelle elle appartient. Cette typo-logie est intéressante car elle intègre non seu-lement des éléments quantitatifs mais aussid’autres facteurs liés à l’accessibilité financière(l’emploi d’une nounou à domicile par exem-ple est de fait réservé aux familles les plusaisées en raison de son coût financier) et auxcontraintes générées par une absence d’offre(cessation d’activité professionnelle). Elle mon-tre une nette opposition entre zones denses etzones rurales, mais aussi entre secteurs aisés etsecteurs moins favorisés, qu’il s’agisse duniveau d’équipement ou des arbitrages desfamilles.• Pour l’offre de soins de premier recours, diffé-rentes études montrent que le recours aumédecin diminue avec la distance, mais aussique l’accessibilité peut être dégradée par l’en-gorgement des carnets de rendez-vous. C’estpourquoi l’offre constituée par les profession-nels de santé a été pondérée de façon inverse-ment proportionnelle à la distance et de façonproportionnelle à la population de chaquemaille (voir encadré méthodologique). D’autrepart, dans la littérature, la proximité aux méde-cins de premier recours est estimée à 5, 10 ou15 minutes à pied environ, ce que nous avonsconverti en 1 km. C’est donc sur la base de cerayon de 1 km que nous avons qualifié labonne ou mauvaise accessibilité des habitants

de chaque maille aux différents types de méde-cins. Les mailles ont ensuite été regroupéesselon leur niveau d’accessibilité globale auxcinq types de professionnels de santé étudiés.La cartographie des résultats laisse très claire-ment apparaître les inégalités d’accès, et notam-ment entre «quartiers» d’une même commune.• Une méthodologie sensiblement similaire aété adoptée pour mesurer l’accessibilité auxéquipements sportifs les plus courants. Pourchaque type d’équipement, l’offre (nombre dem2 de bassin pour les piscines, nombre decourts pour les tennis, nombre de « salles» pourles gymnases, nombre de terrains pour les ter-rains de grands jeux) a été répartie au proratade leur population entre chacune des mailleshabitées situées dans un rayon de 2,5 km del’équipement. Ce seuil a été retenu compte tenude la forte fréquentation de ces équipementsdans un « rayon » de 10 à 20 minutes [CHARDON,2010]. La comparaison de la carte obtenue aveccelle de l’accès aux médecins ou aux servicesde petite enfance met en évidence que, selonles domaines, les « carences » ne se situent pasdans les mêmes zones géographiques, le cœurd’agglomération étant, pour les équipementssportifs, moins bien doté en moyenne que d’au-tres secteurs de la région.• Pour les linéaires et espaces verts publics, lanotion de saturation de l’offre joue moins. Ainsi,n’a été calculée que la distance minimale sépa-rant chaque maille habitée d’un espace vertd’hyperproximité (petit square ou jardin public,aire de jeux), d’un espace vert de proximité(square et jardin public de superficie plusimportante, parc sportif…) ou d’un espace vertde niveau supérieur (grand parc ou bois, liaisonverte départementale, base de loisirs…).Comme les espaces verts de niveau supérieurpeuvent répondre aux besoins de proximitédes habitants voisins, ils ont été comptabiliséspour qualifier le niveau d’accessibilité auxespaces verts d’échelle inférieure. Les résultatsobtenus montrent que l’accessibilité auxespaces verts publics de proximité est relative-ment bonne en Île-de-France, avec un déficiten zone rurale ou périurbaine, compensé néan-moins en partie par le type d’habitat dominant(maisons individuelles avec jardins privatifs).Nous touchons là les limites de cet exerciceuniformisant les traitements pour la zone denseet les zones plus rurales.• L’accessibilité aux cinémas sera le seul indi-cateur d’accessibilité à l’offre culturelle. Il estencore assez succinct et mériterait d’êtreaffiné : la taille du cinéma (nombre de salles),ou sa nature (« art et essai », multiplexe) n’ontpas encore été intégrées à l’analyse. Les mailleshabitées sont pour l’heure simplement classéesselon le nombre de cinémas accessibles dans

25

Calcul de la densité médicale répartie :explicationsLa méthodologie adoptée pour calculerune densité d’offre médicale « accessible »par habitant s’inspire de l’indicateur de « densité répartie » imaginé par A. et A. Mizrahi [MIZRAHI, 2008 et 2009].Ainsi, dans un premier temps, chaquemédecin est considéré individuellement. Son carnet de rendez-vous est répartiselon la population des mailles habitées,selon la distance qui les sépare de cemédecin(1) : plus celle-ci augmente, moinsle médecin est considéré commeaccessible. Au-delà de 10 km, ce médecinn’est plus considéré comme une offreaccessible. Si bien que chaque maillehabitée reçoit une « part » de l’offreconstituée par un médecin résultant nonseulement de la distance qui l’en séparemais également du poids de la populationdes différentes mailles qui se partagentcette offre avec elle.Cette opération étant renouvelée pour tousles médecins exerçant en Île-de-France,chaque maille habitée se trouve ainsidotée de plusieurs « parts » d’offre plus ou moins importantes issues de chaquemédecin. Leur somme conduit à l’obtention d’un nombre synthétique de « médecins potentiellementaccessibles » (dans toutes les directions)par les habitants de la maille. Rapporté àla population de la maille, nous obtenonsune « densité répartie » par habitant.

(1) Nous avons fait l’hypothèse que chaquemédecin remplit son carnet de rendez-vous pour40 % avec des patients qui résident à 500 mètresou moins de son cabinet, puis respectivement 30,15, 10 et 5 % pour les rayons de 500 mètres à1 km, de 1 à 2,5 km, de 2,5 à 5 km, et de 5 et10 km. Des tests réalisés en modifiant sensiblementces paramètres n’ont pas affecté notablement lesrésultats.

IAU île

-de-F

rance

Page 28: Equipements et services : la métropole au quotidien

26

Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximitéComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

L’accessibilité aux équipements et services petite enfance

L’accessibilité aux médecins libéraux de premier recours

L’accessibilité aux équipements sportifs les plus courants

IAU île

-de-F

rance

Page 29: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’accessibilité aux linéaires et espaces verts publics

L’accessibilité aux cinémas

L’accessibilité de proximité aux commerces alimentaires

27

IAU île

-de-F

rance

Page 30: Equipements et services : la métropole au quotidien

un premier rayon de proximité (1 km) et dansun rayon un peu élargi (2,5 km). Mais cela per-met déjà d’intégrer la notion de choix dans leniveau et la qualité de l’accessibilité.• Enfin, l’accessibilité aux commerces a étéenvisagée d’une manière encore plus schéma-tique : limitée aux commerces alimentaires,seule la proximité a été visée, si bien que tousles commerces ont été pris globalement quelleque soit leur taille (y compris les centres com-merciaux dotés d’un magasin alimentaire et leshypermarchés intégrés ici, non pas pour leurrayonnement habituel, mais parce qu’ils peu-vent répondre à des besoins de proximité pourles habitants voisins). Du fait des contraintesde poids au retour des courses alimentairespour les personnes non-motorisées, le rayon deproximité retenu a été celui de 500 mètres. Ilmériterait peut-être d’être encore réduit.Comme pour les cinémas, la qualité de l’acces-sibilité tient compte de la quantité des offresaccessibles.

Les premiers enseignementsLes travaux présentés ci-dessus se sont inspirésd’une étude sur la qualité de vie lyonnaise[Saulnier, 2006]. Ils feront l’objet de publicationsultérieures après avoir été approfondis, notam-ment en les croisant avec les caractéristiquesurbaines et sociales des différentes mailles.Ainsi, les niveaux d’accessibilité pourront êtremis en regard des besoins et des contraintes :on sait par exemple que les personnes lesmoins favorisées sont celles qui dépendent leplus de la proximité. Les premiers résultats pré-sentés ici laissent penser que les inégalités déjàmises en évidence se verront renforcées parl’intégration de caractéristiques sociales. D’au-

tre part, les habitants des zones périurbaines etrurales ne peuvent pas avoir accès aux servicesde la même manière que les urbains. Il faudraen tenir compteMais cette première étape est déjà riche d’en-seignements : elle confirme en premier lieu lanécessité de dépasser les diagnostics commu-naux pour tenir compte des disparités locales.Elle confirme ensuite le réel intérêt à disposerd’informations géolocalisées les plus fines etqualitatives possibles. Elle donne égalementune nouvelle lecture des inégalités de réparti-tion des équipements et services sur le territoirefrancilien en tenant mieux compte, d’une part,de la répartition des besoins et de la saturationpossible de certains équipements et, d’autrepart, du véritable atout que peut constituer lechoix entre plusieurs équipements et servicesdu même type. Elle ouvre également la voie àune lecture complémentaire des inégalités ter-ritoriales, à savoir celle de l’accessibilité com-plète à l’ensemble de la gamme d’équipementset services.

Mesurer l’accès à un «panier »d’équipements et servicesLes indicateurs thématiques précédents ont étéconstruits de manière à être comparables. Celarend possible une approche synthétique ettransversale de l’accessibilité à l’ensemble dela gamme des services. Elle permet de ciblerles zones qui cumulent les situations favorablesou inversement. Première approche pour« quantifier » la qualité de vie mais aussi pouridentifier des polarités secondaires, elle pour-rait, à terme, aider à orienter et à territorialiserl’action publique.

28

Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximitéComprendreLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Références bibliographiques

• ALBE-TERSIGUEL Séverine, BLUM Emmanuel,BERNY DE Corinne, DELAPORTE Carole,MANGENEY Catherine, PARNAIX Agnès etPEUVERGNE Claire, Démarche exploratoirepour une hiérarchisation des équipementsen Île-de-France, IAU île-de-France,juin 2008.

• ALBE-TERSIGUEL Séverine, «Modesd’accueil des enfants de moins de 3 ans :l’hétérogénéité francilienne», Noterapide Société, IAU île-de-France, n° 482,juillet 2009.

• CHARDON Benoît, «Les équipementssportifs en Île-de-France : fréquentation,perception et attentes des Franciliens»,Les dossiers de l’IRDS, n° 11, juin 2010.

• CHRISTOPANOS Pierre, Enjeux conceptuels etméthodologiques des études surl’accessibilité spatiale de la population auxéquipements et services, Mémoire de find’étude et rapport de stage, mastergéomarketing et stratégies territoriales,université Paris 12 Val-de-Marne,promotion 2009.

• MIZRAHI Andrée et Arié, La densitérépartie : un instrument de mesure desinégalités géographiques d’accès auxsoins, ARgSES, septembre 2008.

• MIZRAHI Andrée et Arié, Mesure desinégalités géographiques d’accès aux soinshospitaliers : la densité répartie appliquée à la France en 2006, ARgSES, avril 2009.

• MORAIS Serge, «Géographie des recoursaux soins de ville en Île-de-France», dansÉléments de diagnostic sanitaire, UrcamÎle-de-France, décembre 2006.

• SAULNIER Natalia, De la qualité de vie audiagnostic urbain : vers une méthoded’évaluation, le cas de la ville de Lyon,Rapport d’étude du Certu, 2006 (notede lecture n° 2, page 87 de ce numérodes Cahiers).

L’accessibilité à l’ensemble de la gamme de services étudiés : première ébauche d’une cartographieIA

U île-de

-Fran

ce

Page 31: Equipements et services : la métropole au quotidien

Agir

29

Le champ des équipements et des services à la populationest marqué par la présence de nombreux acteurs, publics et privés, dont la coordination devient un enjeu majeur. Et si l’intervention publique se retrouve dans une majorité de secteurs, elle diffère selon la nature de l’équipement. La programmation de la majorité des équipements publicsest ainsi directement portée par les collectivités locales du fait des transferts de compétences de l’État depuis 1982.Toutefois, le contexte de crise générale, couplé à une volontéde l’État de maîtriser les dépenses des collectivités locales,fragilise les capacités d’investissement de ces acteursmajeurs et amplifie un mouvement de partenariatsmultipartites ou encore l’émergence d’intervenants nouveaux,sur le modèle de ce qui a pu déjà se pratiquer à l’étranger.Dans le domaine des services privés, l’intervention publiqueoscille entre respect du principe de liberté d’entreprendre et volonté de maîtrise des localisations.Depuis plusieurs années, un mouvement de fond s’est enclenché afin de mieux prendre en compte le rôlestructurant des équipements et services, au travers de leur intégration dans un plus grand nombre de documentsd’urbanisme ou d’aménagement. Les équipements font de plus en plus partie intégrante des projets de territoires et jouent souvent un rôle moteur dans le développement d’un quartier, d’une ville, d’une région.

IAU île

-de-F

rance

Page 32: Equipements et services : la métropole au quotidien

Au cours du XXe siècle et en particulier àpartir de 1945, l’État a été à l’initiativedu développement des services à la

population dans des domaines de plus en plusdiversifiés : éducation, santé, culture, sport, tou-risme… Mais à partir du milieu des années1970, sous l’effet de la crise notamment, il s’estprogressivement désengagé de l’effort d’équi-pement des territoires.Les lois de décentralisation, adoptées en 1982-1983 et en 2004, ont marqué le transfert de com-pétences de l’État aux trois niveaux de collec-tivités, réparties en principe par « blocs » :développement économique et formation pro-fessionnelle notamment pour les régions, actionsociale pour les départements, urbanisme pourles communes. Cependant, dans les faits, lesinterventions des collectivités sont très diversi-fiées et se croisent souvent sur les mêmesobjets. Le grand nombre d’acteurs impliquéspose la question de leur gouvernance, parfoisdifficile à mettre en œuvre. Divers outils tech-niques ont été développés à cette fin, dont lanature semble appelée à évoluer.

Des compétences très partagées en matière d’équipementsDans les différents domaines d’interventionpublique, les compétences sont souvent parta-gées entre les niveaux institutionnels. C’estnotamment le cas en matière d’éducation :communes, départements et régions ont la res-ponsabilité de la construction, de l’entretien etde la gestion d’une partie des personnels, res-

pectivement des écoles, collèges et lycées ; l’Étatgardant à charge les établissements d’enseigne-ment supérieur. Dans tous les cas, l’État conti-nue d’assumer la majeure partie du fonction-nement du service public d’éducation à traversl’affectation et la rémunération des personnelsenseignants. Toute nouvelle construction néces-site donc l’accord des services déconcentrésde l’État.Par ailleurs, les collectivités, au nom de leur« clause générale de compétence », peuventintervenir en toute matière qu’elles jugent d’in-térêt local. En particulier, mais pas seulement,dans les domaines du sport, de la culture et dutourisme, pour lesquels aucune loi n’établit derépartition claire des responsabilités. Elles sontégalement présentes dans des domainesd’équipements qui ne relèvent pas de leur com-pétence, mais auxquels elles souhaitent néan-moins contribuer : ainsi, la Région Île-de-Franceparticipe au financement de bâtiments univer-sitaires, de maternités ou encore de commissa-riats de police.La clause générale de compétence a été large-ment utilisée pour accélérer la mise en œuvrede projets d’équipements. Chaque collectivitédisposant d’un pouvoir de décision indépen-dant, ni l’assentiment ni même la consultationdes autres collectivités ne sont requis, en prin-cipe. Le rôle de « chef de file » introduit par larévision constitutionnelle de 2003 au profit desRégions en matière d’aide économique et desdépartements en matière d’action sociale n’apas été défini avec précision.

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les politiques d’équipement : un foisonnement d’acteurs

La coordination des acteurs revêtune importance stratégique.Ici, l’inauguration du lycée Jean-Lurçat à Paris (13e).

Le transfert de compétences de l’Étataux collectivités territoriales depuis 1982 s’est accompagné d’une extension des contributions de ces dernières dans les différentschamps de l’action publique : éducation,action sociale, loisirs, santé… L’Étatconserve néanmoins un rôle importantdans la détermination et le financementde nombreux services. L’équipement desterritoires mobilise ainsi une multituded’acteurs, dont la coordinationreprésente un enjeu d’actualité.

Corinne de BernyIAU île-de-France

30

© B

ertra

nd G

uito

n, S

vI –

Rég

ion

IDF

Équipements et services : la métropole au quotidien

IAU île

-de-F

rance

Page 33: Equipements et services : la métropole au quotidien

Enfin, cette même loi stipule que les collectivi-tés territoriales peuvent être autorisées à «expé-rimenter » de nouvelles compétences pour unobjet et une durée limités. La loi de janvier 2004relative aux responsabilités locales précise lesobjets visés : financement d’équipements sani-taires, organisation des écoles primaires, entre-tien du patrimoine notamment ; domaines danslesquels quelques collectivités s’étaient déjàengagées.

Des collectivités investies dans de nombreux domainesLes collectivités territoriales se sont emparéesà la fois des compétences transférées et de leurclause générale de compétence. La diversifica-tion de leurs interventions montre combien lesacteurs locaux prennent à cœur les enjeux dedéveloppement de leur territoire, d’améliora-tion de la qualité de vie des populations, et d’at-tractivité économique. En se regroupant au seinde structures intercommunales, les communesont ainsi pu dégager de nouvelles marges finan-cières et, dans certains cas, investir des champsd’intervention en dehors de leurs compétencespropres, comme le soutien aux établissementsd’enseignement supérieur et de recherche,dans le double objectif de stimuler l’activitééconomique et de faciliter l’accès aux étudessupérieures pour leurs administrés [BERNY etPARNAIX, 2010]. Cependant, l’enchevêtrementdes interventions des collectivités territorialesfait l’objet de critiques, fondées sur des critèresde coût et d’efficacité de l’action publique[COUR DES COMPTES, 2009]. Le risque de redon-dance ou d’incompatibilité des interventions,d’une part, et celui de contradiction avec leprincipe d’égalité d’accès des citoyens aux ser-vices publics, d’autre part, rendent nécessaireune bonne régulation des systèmes d’acteurs.

La recomposition de l’administrationd’ÉtatQuel que soit le type de service considéré, l’Étatconserve un certain nombre de prérogatives,comme l’autorisation d’ouverture et le contrôled’une partie des équipements sanitaires,sociaux ou éducatifs, ou la labellisation de cer-tains équipements culturels ou touristiques. Illes exerce au niveau local au moyen d’unréseau administratif déconcentré. Au niveaurégional par exemple, l’administration d’État estreprésentée par la direction régionale desaffaires culturelles, la direction régionale de lajeunesse, des sports et de la cohésion sociale(DRJSCS), la délégation régionale du tourisme,trois rectorats, trois antennes du Centre régionaldes œuvres universitaires et sociales, une direc-tion interrégionale de la protection judiciairede la jeunesse (pour l’Île-de-France et les

DOM), une Agence régionale de santé (ARS)…Un paysage institutionnel diversifié et com-plexe, en cours de remodelage sous l’effet dela réforme de l’administration territoriale del’État introduite dans le cadre de la révisiongénérale des politiques publiques, qui tend àregrouper les services dans des domainesconnexes et à un niveau régional(1).

Le rôle des opérateurs privés et associatifsLa mise à disposition et le fonctionnementd’une partie des équipements reposent enfin,en partie, sur des opérateurs privés ou associa-tifs auxquels les administrations publiques peu-vent confier la gestion d’un service dont ellesont la responsabilité, dans le cadre de contratsde «délégation de service public»(2). Par le biaisdes subventions, toutes les administrationspubliques contribuent, en outre, à des projetsd’investissements ou de services justifiés parl’intérêt général, mais initiés et montés par destiers. Des conventions peuvent alors définir l’ob-jet, le montant et les conditions d’utilisation dela subvention attribuée. Par exemple, la Région

31

Un système d’acteurs complexe : l’AIO en Île-de-FranceLa loi du 13 août 2004 a reconnu aux Régions la responsabilité de définir les priorités liées aux activités d’« accueil,information et orientation », autrement ditd’aide à l’élaboration d’un projetprofessionnel, de formation, d’accès àl’emploi ou de mobilité professionnelle*.En Île-de-France, vingt-deux réseauxd’acteurs, de taille très variable, ont une activité d’AIO, souvent imbriquée à d’autres prestations commel’accompagnement social des personnespour le réseau des missions locales, ou la fonction d’observatoire du réseaudes centres d’information et d’orientation.Les réseaux les plus représentés dans la région, outre les deux déjà mentionnés,sont ceux de l’information jeunesse et de Pôle emploi.Ces acteurs relèvent de différentes tutellesinstitutionnelles (ministères de l’Emploi, del’Éducation nationale, de l’Enseignementsupérieur, de la Jeunesse et des sports,collectivités territoriales, partenairessociaux…), et s’adressent à des publicssouvent spécifiques : demandeursd’emploi, salariés, cadres, jeunesscolarisés ou non, dont une partie est préalablement orientée par d’autrespartenaires (établissementsd’enseignement, services sociaux…). Leur fonctionnement est cloisonné : sur1 500 points d’accueil régionaux identifiés,7 % seulement sont communs à plusieursréseaux. Les financements mobilisésproviennent de partenaires diversifiés :État, communes et groupements de communes, conseils généraux, conseilrégional, Union européenne, entreprises,particuliers et partenaires sociaux.Le rôle de coordination de la Région au sein du système d’acteurs de l’AIOcommence à prendre forme depuis 2007au travers de contrats de partenariatsbilatéraux et d’un état des lieux réalisé en 2009. Celui-ci préconise notammentl’organisation de rencontres régionalesrégulières, la création d’un portail dédié, etla préparation d’un accord cadre inter-réseaux. [OPUS3 et CRIF, 2009]

* Définition retenue par le schéma régional de laformation initiale et continue d’Île-de-France.

En se regroupant au sein de structures intercommunales, les communes ont pu soutenir les établissements d’enseignementsupérieur et de recherche, dans le double objectif de stimulerl’activité économique et de faciliterl’accès aux études supérieures de leurs administrés. Ici, l’université de Cergy-Pontoise.

(1) Ainsi les DRJSCS regroupent les anciennes directionsrégionales de la jeunesse et des sports, des affaires sanitaireset sociales (pour partie), et de l’Agence nationale pour lacohésion sociale et l’égalité des chances. Créée en avril 2010,l’ARS regroupe tout ou partie d’anciennes structures traitantde la santé publique et de l’organisation des soins : la Direc-tion régionale des affaires sanitaires et sociales, l’Agencerégionale de l’hospitalisation, l’Union régionale des caissesd’assurance maladie, le Groupement régional de santépublique, la Mission régionale de santé, la Caisse régionaled’assurance maladie…(2) Loi Murlef n° 2001-1168 du 11 décembre 2001. Cescontrats prennent diverses formes selon le degré de déléga-tion : concession, affermage, régie intéressée, gérance, parte-nariat public-privé (voir dans ce numéro des Cahiers, l’inter-view de la Caisse des dépôts et consignations, p.69). Source :ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, La sub-vention publique, le marché public et la délégation de ser-vice public : mode d’emploi, www.associations.gouv.fr.

C. D

outre

/BaS

oH/I

AU îd

F

IAU île

-de-F

rance

Page 34: Equipements et services : la métropole au quotidien

Île-de-France subordonne les subventions d’in-vestissement qu’elle accorde à certaines struc-tures d’hébergement touristique privées à lasignature d’une « convention d’engagement »d’une durée de dix ans.

Des outils d’observation partagéeChaque domaine de service mobilise donc ungrand nombre d’acteurs, occupant diversespositions selon les cas : concepteurs, prescrip-teurs, (co)financeurs, porteurs de projets, opé-rateurs, usagers… La mise en cohérence desinterventions et la prise en compte des attentessociales nécessitent alors des outils techniquesde gouvernance.L’élaboration d’un diagnostic partagé desforces et faiblesses de l’offre de service sur leterritoire constitue souvent une première étapede coordination. De nombreux acteurs institu-tionnels disposent de leurs propres outils d’ob-servation et d’étude ; mais des instrumentspérennes et partagés d’expertise constituent lesocle d’une concertation plus durable :- l’Observatoire régional de santé, organisme

d’études ayant pour mission générale l’aideà la décision dans le domaine sanitaire etsocial, est financé et piloté par l’État et laRégion depuis les lois de décentralisation de1983 ;

- le Centre d’animation, de ressources et d’in-formation sur la formation en Île-de-France,créé en 1996, est financé principalement parla Région et l’État. Il rassemble des représen-tants des acteurs économiques, des parte-naires sociaux et des grands opérateurs enmatière d’emploi et de formation. Il a, notam-ment, pour missions d’apporter une aide à ladécision, à travers les études et expertises del’Observatoire régional emploi formation crééen 2005, d’informer les opérateurs sur l’offrede formation et les métiers, et de faciliter lespartenariats entre opérateurs ;

- l’Institut régional de développement du sporta été mis en place en 2007 à l’initiative de laRégion, de l’État et du Comité régional olym-pique et sportif d’Île-de-France pour améliorerla connaissance de l’offre et des pratiquessportives. Principalement financé par laRégion, son action est pilotée par un direc-toire où siègent les trois institutions, sous laprésidence du président du conseil régional.

Cependant, ces outils partagés n’existent pasau niveau régional dans les autres champs d’ac-tion publique.

Des outils de concertation et de planification stratégiqueLorsque la compétence de pilotage est claire-ment attribuée, la réalisation de documents deplanification stratégique est une nouvelle occa-sion pour les différents acteurs de définir etmettre en cohérence leurs objectifs. Dans ledomaine sanitaire par exemple, le plan régionalde santé publique constitue le cadre de réfé-rence de la politique de santé publique enrégion. Il est établi par l’État, administrationcompétente, en principe en concertation avecles acteurs régionaux. Dans le domaine de laformation professionnelle, c’est la Région, dési-gnée comme chef de file, qui conduit l’élabo-ration du schéma régional de la formation ini-tiale et continue, tout au long de la vie. Desschémas départementaux sont établis par lesDépartements dans les différents champs del’action sociale : insertion, enfance, handicap…D’autre part, des instances de concertationpérennes sont parfois mises en place : conseilsdépartementaux et académiques de l’Éduca-tion nationale réunissant élus, personnels etusagers, conférence régionale de santé et del’autonomie, conférences de territoires et com-missions de coordination des politiques desanté.Les relations entre acteurs sont moins organi-

32

Les politiques d’équipement : un foisonnement d’acteursAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les pôles touristiques régionaux, exempled’une politique d’équipement concertéeLa politique des pôles touristiquesrégionaux prioritaires a été inscrite auschéma régional du tourisme et des loisirs2000-2010 avec pour objectif principal de diffuser les flux touristiques dans l’ensemble de la région. Elle visaitégalement, d’une part, à concentrer les moyens d’intervention publique sur un choix raisonné de territoires, d’autrepart, à mieux intégrer l’activité touristiqueet de loisirs dans les politiques régionalessectorielles, notamment en matière de transport.Les pôles ont été déterminés en concertation avec les départements ; la création d’un pôle entraînantautomatiquement un engagement financierparitaire des deux collectivités. Un pôleétait d’abord prévu dans chaquedépartement, mais leur géographie a évolué en fonction des positionnementsdes acteurs.Différents outils ont permis la conduited’une politique concertée :- une étude préalable pour chaque pôle

définit une stratégie locale partagée ;- une convention annuelle formalise dans

chaque pôle les engagements des deuxparties et définit le périmètre concerné ;

- un poste de chargé de développementpar pôle est financé au sein du comitédépartemental du tourisme (CDT). Ilparticipe à l’animation du réseau locald’acteurs professionnels et apporte son aide aux porteurs de projets. Deséchanges sont régulièrement organiséspar la Région entre tous les chargés de développement ;

- les projets sont instruits par les CDT et présentés régulièrement au comité de pilotage du pôle, composé detechniciens et d’élus des deuxcollectivités financeurs, du CDT et du comité régional du tourisme, plus rarement du représentant de l’État.

Cette organisation alliant proximité etsouplesse a eu des effets très positifs : elle a notamment contribué à sensibiliserles élus locaux aux enjeux et à développer des dynamiques localesimpliquant tous les acteurs concernés,institutionnels et professionnels.Cependant, l’adhésion et la déterminationdes acteurs locaux, variables selon les pôles, expliquent des résultats inégaux.[BLUM, 2010].

Dans les territoires de la politiquede la ville, les projets d'équipement

engagent différents secteurs de l'administration, État, régions,

départements et communes. B. G

uigo

u/IA

U îd

F

IAU île

-de-F

rance

Page 35: Equipements et services : la métropole au quotidien

sées sur les autres champs d’interventionpublique. En ce qui concerne les équipementssportifs par exemple, le schéma national de ser-vices collectifs du sport préconisait en 2001 lacréation d’une conférence régionale réunissantles collectivités territoriales, l’État et le mouve-ment sportif, chargée d’élaborer un schémarégional de développement du sport. Cettestructure a vu le jour dans une minorité derégions ; sa création est annoncée en Île-de-France. En revanche, les structures régionalesde coordination prévues au schéma de servicescollectifs culturels de 2002 n’ont pas été misesen place.

Des partenariats en évolutionLe partenariat financier entre les différentesadministrations ou institutions publiques pourla réalisation de projets d’équipements ou derénovations a d’abord pris la forme de contratsnégociés. Les contrats de plan créés par la loidu 29 juillet 1982 portant réforme de la planifi-cation, devenus contrats de projet en 2006, ontainsi permis de formaliser les contributionsfinancières de l’État et des Régions à des inves-tissements précis dans le domaine des infra-structures de transport et des équipementspublics. En Île-de-France, celui couvrant lapériode 2007-2013 porte notamment sur l’en-seignement supérieur et les grands équipe-ments culturels et sportifs. D’autres collectivités,conseils généraux et communautés urbaines,ont été ponctuellement associées aux précé-dents contrats. Parallèlement, des contrats ontété conclus entre collectivités sur des projetsd’intérêt local. Une partie des contrats particu-liers liant la Région Île-de-France à chaquedépartement comprennent un volet relatif àdes équipements éducatifs, culturels, sportifsou de loisirs ; c’est le cas aussi des contratsrégionaux passés avec les communes de plusde 2 000 habitants et des contrats ruraux. Dansles territoires de la politique de la ville, lescontrats urbains de cohésion sociale engagentdifférents secteurs de l’administration d’État,communes, régions et départements. Enfin, desconventions sectorielles ont pu être mises enplace, comme les conventions de développe-ment culturel passées entre l’État et certainescollectivités au cours de la période 1982-1993.La juxtaposition de ces contrats négociés loca-lement est controversée. Elle conduirait à despolitiques parfois qualifiées « de guichet », sansvéritable articulation stratégique. Pour contour-ner cette difficulté, les administrationspubliques semblent désormais recourir à denouveaux types d’outils. L’État s’y est engagénotamment dans le domaine de la politique dela ville, avec la loi du 1er août 2003 d’orientationet de programmation pour la ville et la rénova-

tion urbaine, qui a organisé la mise en concur-rence nationale de projets locaux de rénova-tion urbaine [EPSTEIN, 2005]. Les pôles de com-pétitivité, les pôles de recherche etd’enseignement supérieur, les campus et initia-tives d’excellence relèvent du même registred’intervention. L’État définit les objectifs etsélectionne un nombre limité de projets. Poursa part, la Région Île-de-France tend à « critéri-ser » ses politiques d’appui aux projets d’inves-tissement locaux. Cette forme d’appel à projetpermettrait de tirer parti des initiatives locales,tout en imposant le respect des priorités cor-respondant aux objectifs stratégiques de laRégion.

Des fragilités et des perspectivesincertainesDans un environnement institutionnel com-plexe, la concertation rend certes possible laconstruction d’une culture commune et larationalisation des interventions. Mais elle com-porte des limites. De nombreux schémas stra-tégiques concertés n’engagent finalement quela collectivité qui les produit : le schéma régio-nal du tourisme par exemple, ou encore leschéma régional de la formation, présententessentiellement les axes prioritaires retenus parla Région et les moyens de les atteindre au tra-vers des politiques régionales. Ces schémas« positionnent » la collectivité dans le jeu d’ac-teurs, sans s’imposer aux autres partenaires(3).La loi de réforme des collectivités territorialesadoptée par l’Assemblée nationale le17 novembre 2010 fait peser de nombreusesincertitudes sur la répartition future des com-pétences et des capacités d’intervention finan-cière des différents partenaires. Elle prévoit unencadrement plus strict des interventions desdépartements et des régions(4). Les débatsqu’elle suscite montrent l’attachement des col-lectivités territoriales à leur liberté d’interven-tion, dans des domaines qu’elles jugent essen-tiels pour maintenir ou accroître leurattractivité, avec pour principaux arguments laproximité avec les usagers et la capacité d’ini-tiative, voire d’innovation.

(3) Pour remédier à cette difficulté, la création d’un docu-ment juridiquement opposable, engageant les acteurs concer-nés, a été préconisée dans le domaine de l’action sociale.Source : rapport public annuel 2005 de l’Igas.(4) À compter du 1er janvier 2015, la loi prévoit la suppressionde la clause de compétence générale dont bénéficient lesrégions et les départements. Leurs compétences leur serontattribuées à titre exclusif, sauf dans les domaines partagés(culture, tourisme et sport). Régions et départements sontinvités à élaborer conjointement un schéma régional d’or-ganisation des compétences et de mutualisation des services.À défaut, le cumul de subventions accordées par un dépar-tement et une région ne sera possible que dans les com-munes rurales.

33

Références bibliographiques

• ALBE-TERSIGUEL Séverine, BLUM Emmanuel,BERNY DE Corinne, DELAPORTE-BOLLÉROT

Carole, MANGENEY Catherine, PARNAIX

Agnès, PEUVERGNE Claire, Démarcheexploratoire pour une hiérarchisation deséquipements en Île-de-France, Paris, IAUîle-de-France, 2008.

• AUGUSTIN Jean-Pierre et LEFEVRE Alain (dir.),Culture en région, Perspectives territorialespour la culture, Maison des sciences del’homme d’Aquitaine, 2004.

• AWADA Fouad (dir.), 40 ans en Île-de-France, Rétrospective 1960-2000, Iaurif,2001.

• BERNY DE Corinne, PARNAIX Agnès, «Des intercommunalités d’Île-de-Francesoutiennent l’enseignement supérieur»,Note rapide, n° 516, IAU île-de-Franceseptembre 2010.

• BLUM Emmanuel, Aménagement etdéveloppement touristiques : Contributionau schéma régional de développement dutourisme et des loisirs en Île-de-France2010-2020, IAU île-de-France, juin 2010.

• CERTU, «L’analyse des systèmes d’acteurs,Diagnostics de territoires», Cahiers n° 1,avril 2001.

• COUR DES COMPTES, Rapport sur la situationet les perspectives des finances publiques,2009.

• EPSTEIN Renaud, «Gouverner à distance.Quand l’État se retire des territoires»,Esprit, novembre 2005.

• IGAS, Rapport annuel 2007-2008. Lespolitiques sociales décentralisées, LaDocumentation française,décembre 2008.

• MARCOU Gérard, «Un nouveau processusde décentralisation. Décentralisation :approfondissement ou nouveau cycle?Décentralisation, État et territoires»,Cahiers français, n° 318, janvier-février2004.

• MARIA DE Florence, GRÉMY Isabelle,Apports des collectivités territoriales à lapolitique de santé publique. Bilan depuis laloi du 9 août 2004, ORS,novembre 2008.

• MOULINIER Pierre, Où en est ladécentralisation culturelle? Observatoiredes politiques culturelles, janvier 2004.www.observatoire-culture.net/data/public/pdf124.pdf.

• OPUS3, État des lieux de l’offre de servicesAIO en Île-de-France et propositions en vued’une meilleure coordination régionale,Rapport pour le conseil régional d’Île-de-France, avril 2009.

• www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/

IAU île

-de-F

rance

Page 36: Equipements et services : la métropole au quotidien

Àla différence de la plupart des autrescatégories d’équipements pour les-quelles la sphère publique joue un rôle

déterminant, le commerce est régi essentielle-ment par des acteurs privés. Investisseurs, opé-rateurs, distributeurs, commerçants s’inscriventdans une logique économique commandéepar le marché. Pour contrer la montée en puis-sance de la grande distribution et protéger lesformes de commerce traditionnel, une législa-tion spécifique dite « d’urbanisme commer-cial » a été mise en place. Mais le bilan que l’onen tire près de quarante ans après est plus quemitigé : l’équilibre entre formes de commerceet qualité urbaine n’est pas au rendez-vous. Enraison des limites de cette réglementation etsous l’impulsion des instances européennes,des évolutions sont en cours. Une phase impor-tante est en train de se jouer, actant le passageà un régime de droit commun réglementé parles documents d’urbanisme. Mais leur réellecapacité à réguler le commerce pose question.

L’intervention publique sur le commerce :la mise en place d’une réglementationspécifiqueLa réglementation sur les implantations com-merciales s’inscrit dans un cadre contraignantancien, la liberté d’entreprendre et la libreconcurrence(1), conforté par le droit commu-nautaire(2). Elle a été mise en place à la fin desannées 1950 en vue d’améliorer la desserte encommerces des nouvelles urbanisations et desbanlieues totalement sous-équipées. Des

normes de création de commerces en fonctiondu nombre de logements ont été édictées.C’est vingt ans après que le corpus de règlesrégissant les implantations commerciales surlesquelles la France a fonctionné pendant qua-rante ans est apparu. Des commissions dépar-tementales (CDUC, CDEC, CDAC(3)), composéesnotamment d’élus, chargées de délivrer lesautorisations ont été créées. Cette réglementa-tion a évolué en réaction aux bouleversementsqui ont affecté le secteur du commerce : déve-loppement très rapide de la grande distribution,dépérissement commercial des centres-ville etdéclin du commerce de proximité, dégradationdu paysage des entrées de ville. Mais, contrai-rement à nos voisins britanniques, la dimensionspatiale a été délaissée au profit d’uneapproche économique fondée sur le niveaud’équipement. Pendant quarante ans, cette poli-tique nationale a perduré. Cette politique deréglementation des implantations, dénomméeurbanisme commercial, ne désigne au fondque la recherche, vaine, d’un équilibre entre lesdifférentes formes de commerce et de la maî-

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Commerce, la difficile conciliationentre liberté et régulation

Le commerce dans les centresurbains est fragilisé par les développementscommerciaux périphériques.

L’intervention publique sur le commerceest limitée par le respect des principesde liberté d’entreprendre et de libreconcurrence. Dans les années 1970, une législation spécifique avait été miseen place pour réglementer les implantations commerciales mais elle a montré ses limites. Des réformes privilégiant une approcheen termes d’aménagement du territoireet d’environnement sont en coursd’élaboration. Permettront-elles une meilleure maîtrise des localisations?

Carole DelaporteIAU île-de-France

34

C. L

oudi

er/I

AU îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Ce principe a été institué par le décret d’Allarde de 1791.En supprimant les corporations, il proclame le principe deliberté d’entreprendre c’est-à-dire de pouvoir créer librementune activité économique et exercer une profession. Il pro-clame aussi celui de libre concurrence qui implique que lesacteurs économiques doivent respecter une éthique qui nefausse pas la concurrence.(2) Directive Services 2006/123/CE, du Parlement européenet du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux servicesdans le marché intérieur.(3) CDUC, CDEC, CDAC: commissions départementales d’ur-banisme, d’équipement et d’aménagement commercial.

IAU île

-de-F

rance

Page 37: Equipements et services : la métropole au quotidien

trise du développement de la grande distribu-tion sur le territoire.

Le tournant : vers une réglementationintégrée au droit commun de l’urbanismeDes tendances de fond sont à l’œuvre depuisquelques années. Elles vont dans le sens d’unrapprochement des législations réglementantles implantations commerciales et d’un renfor-cement du rôle des documents d’urbanismedans ce domaine et donc d’une meilleure priseen compte des problématiques d’aménage-ment et d’environnement.Précédemment et de leur propre initiative,quelques villes et agglomérations s’étaient lan-cées dans l’élaboration de chartes ou de sché-mas dans lesquels la dimension urbaine n’estpas absente, mais la rareté et le caractère nonopposable de ces documents ne remettaientpas en cause l’indépendance des législations.En 1996, la loi Raffarin, avec l’instauration desschémas de développement commercial(SDC), obligatoirement compatibles avec lesScot, et surtout les lois SRU, LME, Grenelle 2, acréé des liens entre les deux législations. La loiSRU précise que les Scot définissent les locali-sations préférentielles des commerces(4) et queles décisions concernant les demandes d’au-torisation instruites par les commissions doi-vent être compatibles avec les Scot.La loi de modernisation de l’économie du4 août 2008 va encore un peu plus loin danscette voie. Elle a ouvert la possibilité d’intégrerau Scot un document d’aménagement com-mercial (DAC) dans lequel sont définies des«zones d’aménagement commercial » détermi-nées non pas sur des critères économiquesmais sur des critères d’aménagement du terri-toire, de protection de l’environnement ou dequalité de l’urbanisme. Quatre syndicats mixtesse sont saisis de cette opportunité et, sans atten-

dre la révision de leur Scot, ont adopté leurDAC(5). Le contenu de ces documents, assez dis-parates, vise à quantifier, localiser et qualifierl’offre commerciale. Parallèlement à ces dispo-sitions, les commissions d’équipement commer-cial, devenues commissions d’aménagementcommercial, continuent à jouer un rôle déter-minant dans la localisation des équipements,mais les critères économiques sur lesquels ellesfondaient leurs décisions ont été abandonnés.L’étape suivante de ce processus sera la loi rela-tive à l’urbanisme commercial votée par l’As-semblée nationale(6) en été et en débat prochai-nement au Sénat. Le texte contraint les EPCI àtraiter de l’urbanisme commercial, puisqu’obli-gation leur est faite d’élaborer un DAC, et sup-prime les commissions lorsqu’il en existe un.Mais, si le contenu de la proposition de loin’évolue pas, sa mise en œuvre risque d’êtredifficile. Mise à part la question récurrente dela faible cohérence des périmètres de Scotpour organiser le commerce, elle ne donne pasvéritablement les moyens aux collectivitéslocales de maîtriser leur urbanisme commer-cial et, par exemple, de choisir les catégoriesde commerce de détail qu’elles souhaitentinterdire ou développer en priorité. Mais laquestion de fond demeure la concurrenceentre territoires et la capacité des élus locauxà renoncer à des projets commerciaux créa-teurs d’emplois et générateurs de richesse.Ainsi, des décennies après la mise en place dela législation sur le commerce, le compromisentre logique économique et logique d’amé-nagement demeure difficile à trouver.

(4) Article L122-1 du code de l’urbanisme.(5) Il s’agit du DAC de l’agglomération bisontine approuvéle 16 juin 2009, de la grande agglomération toulousaineapprouvé le 17 juin 2009, du Pays de Brest approuvé le 23 juin2009 et du DAC du Scot Sud Loire adopté le 25 juin 2009.(6) Texte voté en première lecture le 15 juin 2010.

35

Les dispositions législativesactuelles vont dans le sens d'une meilleure prise en compte du commerce dans les documentsd'urbanisme.©

Lau

rent

Mig

naux

- M

EDDT

L

IAU île

-de-F

rance

Page 38: Equipements et services : la métropole au quotidien

36

Les Cahiers – Quel est le contexted’intervention de la Région en matièred’équipements et de services?Francis Parny – Depuis les premières lois dedécentralisation, le champ d’intervention descollectivités s’est considérablement élargi dansles textes et dans les pratiques. Les Régionsinterviennent sur de multiples champs etnotamment ceux des équipements et servicesavec l’ensemble des collectivités et dans un tra-vail partenarial. Mais la situation francilienneest originale. Nous sommes aussi la région capi-tale. L’État y joue un rôle important. Cela com-plexifie les choix. Pour les transports par exem-ple, la Région ne peut corriger les carencesnotoires dont elle hérite sans disposer demoyens financiers accrus et d’un partenariatmaintenu avec l’État. Dans le sport ou la culture,domaines de compétences partagées, l’État nepeut se retirer sans dommage. Les inquiétudessont aujourd’hui nombreuses : poursuite de larévision générale despolitiques publiques, gel des dotationsd’État pour les troisprochaines années,suppression de la taxeprofessionnelle qui diminue l’autonomie finan-cière des collectivités, menace d’une remise encause des financements croisés… Tout celaconduit à la réduction des budgets publics etrisque de renforcer la tendance déjà lourde àla marchandisation des services notamment,par la systémisation du partenariat public-privé.

L. C. – Quelles sont les prioritésrégionales en la matière?F. P. – La satisfaction des besoins de la popula-tion et la garantie d’un égal accès de toutes ettous doivent guider la Région et ses élus. Celapasse par un effort soutenu de réduction desinégalités géographiques et sociales.La Région intervient à différentes échelles : ellerépond à la demande de proximité expriméepar les Franciliens au travers de démarchescontractuelles avec des élus locaux. Ellefinance des équipements structurants portéspar les départements et les intercommunalités.Elle est également présente sur la programma-tion d’équipements de niveau régional ounational. Enfin, elle doit soutenir les candida-tures à certains grands événements sportifs ouculturels qui participent au développementéconomique de la région… L’ensemble de cesinterventions doivent être conduites avec la

volonté d’une satisfaction durable des besoins.La réalisation des équipements, par exemplepour un événement exceptionnel doit êtreconçue en fonction de l’offre de service à venir.La question de la démocratie devient essen-tielle. C’est à l’ensemble des acteurs concernésde définir les contours d’un développementdurable qui soit le fondement de l’interventionrégionale.

L. C. – Les modes d’intervention existantssont-ils adaptés ? Vont-ils évoluer?F. P.– Depuis plusieurs mandats, la Région s’estappuyée sur un principe de contractualisationavec les collectivités. Le développement descontrats régionaux et ruraux a largement contri-bué à renforcer le niveau d’équipement descollectivités territoriales. La Région a égalementmis en place des conventions d’objectifs avecles partenaires associatifs en capacité de rendrele service au plus près des habitants. Pour le

sport, il s’agit des ligueset comités sportifs régio-naux. Pour la culture, cesont les porteurs de pro-jets artistiques. Ces parte-naires associatifs travail-

lent avec les populations des territoires où ilsinterviennent, ils donnent du sens à l’actionrégionale d’équipement.En matière d’investissement, les dispositifs doi-vent être améliorés pour permettre une plusgrande réduction des inégalités territoriales.Pour cela trois notions-clés : structures démo-cratiques, schémas de cohérence des équipe-ments et services, « critérisation » des aides.La Région, comme elle est en train de le fairepour le sport en installant une « conférencerégionale du sport », gagne à mettre en placedes structures participatives où l’ensemble desacteurs sont présents. Outils pérennes, ils per-mettent de faire émerger des priorités d’actionet facilitent les choix de la Région. Ces struc-tures doivent s’appuyer sur la construction deschémas régionaux mettant en cohérence ceschoix à partir de diagnostics partagés. Enfin,pour corriger les déséquilibres observés ouprendre en compte l’évolution des besoins, laRégion doit «critériser » ses aides en s’appuyantsur divers indicateurs : richesse des communes,carences avérées, qualité environnementaledes projets, innovation…

Propos recueillis par Carole Delaporte,Gérard Lacoste et Claire Peuvergne

Francis Parny est conseillerrégional d’Île-de-France depuis1998. Il a été vice-présidentchargé du sport et du tourismeentre 1998 et 2004, à la culture et aux nouvellestechnologies entre 2004et 2010. Il est de nouveau,depuis 2010, en charge du sport et des loisirs.

Pour une intervention publique forte et concertée

Interview

Régi

on Il

e-de

-Fra

nce

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»La satisfaction des besoins de la population et la garantie d’un égal accès de toutes et tous

doivent guider la Région et ses élus. «

IAU île

-de-F

rance

Page 39: Equipements et services : la métropole au quotidien

37

Les Cahiers – Comment qualifieriez-vousles attentes des Franciliens par rapportaux services dont les collectivités ont la charge?Jean-Yves Le Bouillonnec – Une des spécifi-cités de l’Île-de-France par rapport à la provinceest une très forte imbrication des bassins de viequi dépassent fréquemment l’échelle commu-nale. D’où l’importance des enjeux en termesd’accessibilité et de mobilité.Mais dans le même temps, les Franciliens,notamment ceux résidant dans l’agglomérationdense, ont une exigence forte d’accessibilité àune gamme très large d’équipements à proxi-mité de chez eux, comme une sorte de com-pensation à la densité urbaine et à ses incon-vénients en terme de qualité de vie. D’autantque l’équipement est perçu à travers le servicequ’il procure, mais aussi à travers l’animationurbaine qu’il génère, àtravers l’«habitabilité» etla valorisation qu’ilconfère à leur quartier, àleur commune.Cela étant, l’usage de laproximité par l’habitant est très important danscertains domaines, notamment culturel(conservatoire, cinéma, théâtre). C’est un peumoins vrai dans le domaine du commerce.C’est vers le maire, plus que vers tout autre élu,que se tournent les habitants dans leurs reven-dications, même celles relevant d’un niveausupérieur de compétence. Confronté à lavariété de ces demandes et à leur caractèreparfois contradictoire, le maire doit arbitrermais aussi construire des réponses à un niveauqui dépasse l’échelon communal.

L. C. – La constitutiond’intercommunalités est-elle à même de répondre à ces arbitrages?J.-Y. L. B. – Les intercommunalités qui emprun-tent une forme très institutionnalisée n’appor-tent pas forcément les bonnes réponses. Ellessont souvent de trop petite taille en zone cen-trale, pâtissent d’une lourdeur administrativeavec un dédoublement des services adminis-tratifs, et n’ont pas de légitimité démocratique.Leur rôle a tendance à se limiter à la mutuali-sation de moyens et de gestion pour une péren-nisation des équipements et services sans véri-table projet d’ensemble. Il existe d’autres formesd’action collective. Les territoires de projetscomme la Vallée scientifique de la Bièvre(VSB), alors même ou parce qu’ils n’ont pas de

cadre institutionnel, sont plus spontanés et réus-sissent mieux à porter une stratégie commune,car reposant sur un projet commun.

L. C. – Quelle est la pertinence du territoire de Paris Métropole et celle du syndicat mixte vis-à-vis des équipements et des services?J.-Y. L. B. – Les limites du territoire de ParisMétropole sont «naturellement» définies par lapolarisation des flux vers Paris. Ce sont un ter-ritoire et une organisation pertinents pour orga-niser la cohérence, hiérarchiser les priorités,apporter des réponses aux enjeux de solidarité,ordonnancer les financements. Il manquait enÎle-de-France un porte-parole légitime pour por-ter les questions spécifiques de l’aggloméra-tion, de ses collectivités et de ses habitants, sur-tout aujourd’hui où l’État souhaite reprendre

de plus en plus la mainsur l’aménagement de larégion. Paris Métropolerépond à l’idée que leterritoire fonctionnel deshabitants de chaque

commune proche de Paris est lié à Paris et auxautres communes de cet espace, et que la qua-lité de vie des uns serait augmentée si celle desautres s’améliorait. Les habitants ont comprisque certains problèmes ne peuvent se régler àl’échelon purement local et qu’une stratégieglobale à l’échelle de cet espace métropolitainétait nécessaire, notamment dans le domainedes transports. Paris Métropole n’en est qu’à ses débuts. C’estun premier pas vers l’élaboration d’une straté-gie commune, d’une gouvernance spécifiqueet d’une solidarité effective. Pour éviter de som-brer dans un consensus mou, il faudra veiller àce que les enjeux de solidarité, de péréquationdes ressources financières, etc., se concrétisenteffectivement sous une forme qui reste à définir.Pourquoi pas en définissant, en fonction d’en-jeux métropolitains, des clés de hiérarchisationet de fléchage des financements extérieurs.L’important à ce jour, c’est de partager un projetcommun pour dépasser les clivages institution-nels. C’est pourquoi un axe fort de l’action deParis Métropole est l’appel à initiatives, où cha-cun porte des projets locaux s’inscrivant dansun cadre plus global de valorisation de lamétropole.

Propos recueillis par Carole Delaporte,Gérard Lacoste et Catherine Mangeney

Jean-Yves Le Bouillonnec est maire de la ville de Cachan(Val-de-Marne) depuis 1998. Il est aussi député de la 11e circonscription du Val-de-Marne. Il a été le premierprésident de Paris Métropole,syndicat mixte d’études créé en juin 2009, qui repose sur une démarche de coopérationentre environ 170 collectivitésd’Île-de-France de différentséchelons : communes,intercommunalités,départements, Région.

L’adhésion est ouverte auxcollectivités de l’agglomérationparisienne qui le souhaitent.Paris Métropole n’est pas une nouvelle collectivité, il s’agit d’une structure visant à partager entre collectivitésune perception des enjeuxauxquels est confrontée la métropole, à faire convergerles actions locales et à construire des projetscommuns. Cette démarchepoursuit celle engagéeprécédemment par la conférence métropolitaineinitiée en 2006.

Qualité de vie, la proximité au confluent des enjeux métropolitains

Interview

www.

le-b

ouill

onec

.net

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»Concrétiser une stratégiemétropolitaine globale

et partagée permettrait d’améliorer la qualité de vie de chacun. «

IAU île

-de-F

rance

Page 40: Equipements et services : la métropole au quotidien

38

Les Cahiers – Pourquoi la ville deBoulogne a-t-elle engagé une réflexionsur les équipements dans le cadre de larévision de son PLU?Gauthier Mougin – La très forte croissancedémographique et les besoins importants quis’expriment, en particulier dans le domaine dusport, ont conduit la ville de Boulogne à menerune réflexion spécifique sur cette catégoried’équipements à l’occasion de la révision deson PLU, adopté en 2004. Le sous-équipementque l’on constate aujourd’hui pour de nom-breux équipements sportifs – à titre d’exemple,il n’y a qu’une seule piscine pour 112 000 habi-tants – prendra toute sa dimension avec la finde la réalisation de la Zac sur le secteur du Tra-pèze qui accueillera entre 15000 et 18000 nou-veaux habitants d’ici 2018. En effet, la program-mation d’équipements liés à la Zac avait ététrès largement sous-évaluée, y compris dans ledomaine commercial. Nous devons aujourd’huitrouver des solutions pour y remédier.Un diagnostic, confié à un bureau d’étude, a étéréalisé dans le cadre du PLU. Il vise non seule-ment à évaluer les besoins actuels et de moyenterme mais également à identifier les pratiquesfutures. Dans de nombreuses disciplines spor-tives, on ne conçoit pas les équipementscomme il y a vingt ans, les concepts ont évolué.C’est particulière-ment vrai pour lespiscines qui doi-vent concilier pra-tiques sportives etludiques. C’estvrai égalementpour la gymnas-tique, domaine dans lequel la ville pourrait s’in-vestir, les salles de fitness relevant du seul sec-teur privé.Ces orientations devront ensuite être traduitesconcrètement dans le PLU par des emplace-ments réservés, sachant que ces prévisions sefont dans un cadre extrêmement contraint vule manque de disponibilité foncière et qu’ellesnécessitent la recherche de solutions au caspar cas peu consommatrices d’espaces.

L. C. – Quels sont les outils opérationnelsque vous utilisez pour la réalisationd’équipements?G. M. – Mis à part le projet de l’île Seguin quifait actuellement l’objet d’une révision simpli-fiée du PLU et dans lequel le département etla société d’économie mixte SAEM Val de Seine

aménagement jouent un rôle prépondérant, laville opte généralement pour la maîtrise d’ou-vrage directe. Elle s’entoure en amont de touteune série d’experts et de conseils. Sur le planopérationnel, la ville a défini deux périmètresd’étude et de réalisation qui permettent notam-ment de surseoir aux demandes de permis deconstruire dans l’attente des décisions munici-pales. Le plus important concernant les équi-pements est situé dans le sud de la communeet jouxte la Zac Renault. Sur cet espace, uneréflexion très large est engagée sur les équipe-ments sportifs, scolaires et commerciaux. Desscénarios sont en cours d’élaboration quiseront présentés et discutés avec les habitants.Ce cadre fixé, la réalisation se fera ensuite dansle cadre d’une maîtrise d’ouvrage directe.

L. C. – Dans le domaine des équipements,comment se fait l’articulation entre laville et la communauté d’agglomérationGrand Paris Seine Ouest (GPSO)?G. M. – GPSO est une communauté d’agglomé-ration (CA) très récente si bien qu’il n’y a pasencore de véritable travail en commun dans ledomaine des équipements. Pourtant, le choixdes compétences facultatives et optionnelless’est orienté pour les premières vers les équi-pements culturels et sportifs, et pour les

secondes vers lesenseignementsde la musique,de la danse, del’art dramatique,et le soutien auxclubs sportifs dehaut niveau. À ce

jour, le complexe sportif Marcel Bec de Meudonacheté à la société Renault est le premier équi-pement sportif communautaire.La mise en place de la CA a pour effet de dépla-cer le centre de gravité de la ville vers le sud :la Zac Renault sur le triangle avec une program-mation très importante de bureaux et de loge-ments, et l’île Seguin sur laquelle vont s’implan-ter de grands équipements culturels(notamment un grand ensemble musical portépar le conseil général, et des équipements inno-vants dans le domaine de l’art numérique).Avec une desserte appropriée, ces quartiersdeviendront le cœur d’une agglomération deplus de 300 000 habitants.

Propos recueillis par Corinne de Berny et Carole Delaporte

Gauthier Mougin est maireadjoint délégué à l’urbanisme, à l’aménagement urbain et aux grands travaux de la villede Boulogne-Billancourt.

Boulogne-Billancourt, communela plus peuplée d’Île-de-Franceaprès Paris, est rattachée à lacommunauté d’agglomérationGrand Paris Seine Ouest(GPSO), créée le 31 décembre2009 à partir de la fusion de deux communautésd’agglomération, Arc de Seineet Val de Seine.Dans la partie sud de la ville,sur les terrains anciennementoccupés par les usines Renault,un vaste projet urbain est développé sur 74 ha,l’opération Île Seguin - Rives de Seine. Ce projet porte sur la création d’un nouveauquartier mêlant habitat et bureaux sur le secteur dit du Trapèze, des équipementsculturels et d’enseignementd’envergure internationale sur l’île Seguin. Une opérationde rénovation urbaine du quartier de la tête du Pont-de-Sèvres en faitégalement partie.

Les équipements en bonne place dans le PLU de Boulogne-Billancourt

Interview

Bahi

/Mai

rie d

e Bo

ulog

ne-B

illan

cour

t

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

» L’accroissement démographique, le sous-équipement dans le domaine du sport,

l’évolution des pratiques nous ont amenés à avoir une réflexion spécifique

sur les équipements au moment de la révision de notre PLU. «

IAU île

-de-F

rance

Page 41: Equipements et services : la métropole au quotidien

39

Les Cahiers – Comment, au travers desnombreux projets sur la ville, répondez-vous aux besoins des habitants?Denis Weisser – Une ville se construit avec unprojet urbain porté par la municipalité, maisaussi des opportunités, des arbitrages, des par-tenariats et de la concertation. La ville, c’est lelieu de la démocratie locale, les projets doiventêtre faits avec les habitants. En 1999, nous avonsainsi organisé un référendum d’initiative localesur le projet des Portes d’Arcueil qui a été votéà 50,2 %. Malgré ce résultat, nous avons choisid’aller plus loin en faisant évoluer le projet ini-tial afin qu’il corresponde au plus près auxattentes de tous les Arcueillais. C’est ce qui nousa amenés, entre autres, à implanter un espacevert sur le toit du centre commercial de laVache noire. Tout projet qui marche est faitd’améliorations successives, fruits de discus-sions avec les habitants, les partenaires, lesentreprises, les associations, sans perdre de vuebien entendu les équilibres existants et larecherche d’une cohérence globale à l’échellede la ville.Ce souci de cohé-rence nous a pous-sés à utiliser lemoteur, notammentfinancier, qu’ont étéles Portes d’Arcueil, pour réhabiliter le quartierde la Vache noire situé juste en face, puis celuidu Chaperon vert. Nous avons aussi bénéficiéde l’accompagnement de l’Anru, opportunitéqui était à saisir. Et nous avons de nouveau faitvalider ces projets par un référendum local.

L. C. – À vous entendre, cela a l’air sisimple !D. W. – Non, bien sûr. Il n’y a pas de recettemiracle. Il faut se réadapter à chaque contextemicro-local, et ça ne prend pas aussi bien à tousles coups. D’autre part, il est toujours plus facilede porter des projets ambitieux et de ladémarche participative quand vous avez desmoyens que quand vous n’en avez pas. De plus,et bien qu’Arcueil soit dans une situation moinsdifficile que d’autres communes, nous n’au-rions jamais pu faire les choses tout seuls. C’estl’implication combinée de l’ensemble des par-tenaires institutionnels (notamment l’Anru, leconseil général ou le conseil régional) qui nousa permis de porter nos projets. Sans un de cesfinancements, nous n’aurions jamais pu fairela Vache noire et le Chaperon vert.Un autre partenaire important a été la Sadev 94,

notre aménageur public qui partage notrelogique de service public et nos stratégies. Leprivé, lui, ne place pas son intérêt forcément aumême endroit, même s’il peut aussi être un par-tenaire.Enfin, les habitants sont également des parte-naires par le poids qu’ils donnent aux projets,par exemple auprès de l’Anru, mais aussicomme co-élaborateurs, comme dans le cadrede notre projet de valorisation du quartier del’hôtel de ville. Bien sûr, au final, c’est l’équipemunicipale qui arbitre dans le sens de l’intérêtgénéral et sur la base du programme sur lequelelle a été élue.

L. C. – Vous renvoyez là à des questionsplus générales de choix sociétaux, deservice public, etc.D. W. – Tout à fait. C’est bien l’intérêt généralqui devrait permettre de dépasser la vision« court-termiste » et consumériste très forteaujourd’hui. D’ailleurs, le problème est qu’ac-tuellement les questions de service public sont

gérées en termesfinanciers. La nou-velle réforme descollectivités localesest à la fois meur-trière vis-à-vis des

ressources des collectivités, mais aussi vis-à-visdes habitants. Cela ne poserait pas de problèmesi ce manque à investir était compensé parl’État. Mais ce n’est pas le cas. Pourtant, le ser-vice public peut être avant-gardiste car il n’estpas guidé par une rentabilité de marché et qu’ilpeut intégrer les logiques de coûts globaux, quece soit en termes de cohésion, de développe-ment durable, etc.Cela ne veut pas dire non plus qu’il ne faillepas rendre le service public plus efficient. Parexemple, avant de construire de nouvellescrèches publiques, il faut optimiser l’utilisationdes crèches existantes dont certaines, du faitde problèmes techniques ou de difficultés derecrutement, ne sont pas utilisées de façon opti-male. Ainsi, plutôt que d’investir en infrastruc-tures, ne faudrait-il pas dans un premier tempsagir sur le régime indemnitaire des agents pourrendre le métier plus attractif ? C’est une ques-tion en soi, et une question de choix, d’arbi-trages.

Propos recueillis par Emmanuel Blum et Catherine Mangeney

Denis Weisser est adjoint au maire d’Arcueil en charge du développement urbain et des finances, et conseillerrégional d’Île-de-France.

Arcueil est une ville d’environ20000 habitants, dans le Val-de-Marne. Elle fait partie de lacommunauté d’agglomérationdu Val-de-Bièvre.Historiquement, c’est une villeouvrière de banlieue, avec un taux de logements sociauxatteignant 46 %. Elle compte un quartier en développement(les Portes d’Arcueil), deux quartiers Anru (la Vachenoire et l’opération de renouvellement urbain (Oru)du Chaperon vert) et connaîtune dynamique urbaineimportante, avec de nombreuxprojets associant desprogrammes de développementéconomique, de logementsprivés et sociaux ou encored’équipements publics.

Arcueil, une ville en mouvement,porteuse de projets

Interview

N. C

.

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»Une ville se construit avec un projet porté par la municipalité,

des opportunités, des partenariats et de la concertation. «

IAU île

-de-F

rance

Page 42: Equipements et services : la métropole au quotidien

40

Les Cahiers – Comment qualifieriez-vousle niveau d’équipement et de services de votre commune? L’offre répond-elleaux besoins des habitants?Michel Bourgain – La ville de L’Île-Saint-Denisgère 25 000 m2 de bâti dont 90 % directementdédiés aux Îlodionysiens (gymnases, écoles,salles de quartier, théâtre, centres de loisirs,école de danse et de musique, bibliothèque).L’offre répond de façon satisfaisante auxbesoins des habitants, hormis pour l’accueil dela petite enfance. Ne disposant que d’unecrèche départementale de 60 lits pour 140 nais-sances annuelles, la municipalité a décidé decréer des microcrèches, financées par la villeet la Caf et gérées par une association. La pre-mière vient d’ouvrir ses portes, deux autresdevraient voir le jour d’ici 2014. La principaledifficulté est le vieillissement des équipements,qui ne répondent plus aux normes et ont uncoût d’entretien élevé. Par exemple, la biblio-thèque, située au premier étage sans ascenseurd’un immeuble de logements sociaux, et notreécole de musique et de danse qui dispose desalles de petite taille, assez sombres, serontregroupées en centre-ville, dans un bâtimentneuf « basse consomma-tion », à côté de la futurestation du tramway. Autredifficulté, mais de plus fai-ble portée, l’évolution desdemandes dans lesdomaines sportifs, cultu-rels, de loisirs… nous apoussé à privilégier la polyvalence, c’est-à-diredes équipements qui peuvent évoluer dans letemps. La situation sociodémographique îlo-dyonisienne engendre des besoins en équipe-ments et services plus importants que lamoyenne alors que les rentrées fiscales sontmoindres.

L. C. – Comment identifiez-vous les besoins?M. B. – L’identification des besoins est une denos priorités car nous sommes confrontés àune forte augmentation de population du faitdu projet d’éco-quartier fluvial. Avec laconstruction à venir de 1 000 logements, soit2 600 nouveaux habitants, il était urgent de« remettre à plat » le programme de nos équi-pements pour savoir s’ils répondaient aux nou-velles attentes. Ainsi, une étude de programma-tion des équipements publics a été menée avecla participation des agents communaux et des

utilisateurs. L’une de nos priorités était de pou-voir faire se rencontrer les habitants actuels etfuturs dans les équipements, vecteurs de liensocial. Les habitants des différents quartiers doi-vent pouvoir se parler, échanger. Ainsi, un denos groupes scolaires verra sa capacité d’ac-cueil multipliée par trois pour que les enfantsdu quartier existant et d’une partie de l’éco-quartier fréquentent la même école. Le centrede loisirs élémentaire sera agrandi pour rece-voir tous les enfants de l’île. Le plan pluriannueld’investissement pour la période 2010-2020 aconsolidé cette étude.

L. C. – De quels outils disposez-vous pour développer l’offre au sein de votrecommune?M. B. – Notre principal tremplin a été le projetde l’éco-quartier fluvial. Il nous a permis nonseulement de poser la question du devenir etde l’évolution de nos équipements, mais ausside consolider nos partenariats avec des finan-ceurs classiques, la Région et l’État en particu-lier. Ainsi, nous finalisons actuellement uncontrat avec le conseil régional pour le finan-cement, d’ici à 2013, de trois équipements : l’ex-

tension d’une école, laréhabilitation d’un gym-nase et l’ouverture d’unemaison des initiativescitoyennes. Par ailleurs,nous développons despartenariats actifs avecdes associations issues

de l’économie sociale et solidaire. Par exemple,pour pallier au déficit annuel de 150 000 € denotre centre de vacances des Hautes-Alpes, unpartenariat a été créé avec la Fédération desœuvres laïques de l’Ardèche qui gère le chaletau quotidien. Idem pour la résidence de per-sonnes âgées, remplie au quart, qui accueilledorénavant personnes âgées et jeunes travail-leurs grâce à un partenariat avec l’Associationpour le logement des jeunes travailleurs. Idemencore pour notre première microcrèche quisera gérée par une association locale. Demême, nous privilégions les «coconstructions»afin de diminuer les coûts, comme nous l’avonsfait avec Plaine Commune pour les futuresmédiathèque et école des arts. En croisant éco-nomie publique traditionnelle et économiesociale, nous consolidons l’émergence de latierce économie plurielle.

Propos recueillis par Sophie Mariotte

Michel Bourgain est maire deL’Île-Saint-Denis, vice-présidentde Plaine Commune en chargede l’écologie urbaine et vice-président de l’Association des maires de France.

L’Île-Saint-Denis, seulecommune d’Île-de-France à êtreune île fluviale, développe un linéaire de 14 km de bergesainsi qu’un parc végétal de 23 ha. Elle dispose, en outre, de 22 ha de réserves foncières luipermettant une diversificationurbaine (projet de 1000logements et 1000 emplois sur l’éco-quartier fluvial) et une croissance démographiqueraisonnée pour atteindre10000 hab. maximum.

Ville populaire de Seine-Saint-Denis, L’Île-Saint-Denis compte7083 habitants, dont 21 % de nationalité étrangère. 48 %de la population est active (la moitié est employée ououvrière). Le taux de chômageest de 19,5 %. 29 % desfamilles sont monoparentales,soit la plus forte proportion du département, 50 % desménages ont un revenumensuel égal ou inférieur à 1000 € par mois. Le revenufiscal médian des ménages(12195 € en 2007) estinférieur aux médianesdépartementale (14517 €) et francilienne (20575 €). Sur 2918 logements, 66,4 %sont des logements sociaux et90 % des logements collectifs.

L’Île-Saint-Denis, terre d’expérimentations alternatives

Interview

Mai

rie d

e L’Î

le-S

aint

-Den

is

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»En croisant économie publiquetraditionnelle et économie sociale,

nous consolidons l’émergence de la tierce économie plurielle. «

IAU île

-de-F

rance

Page 43: Equipements et services : la métropole au quotidien

La situation financière des collectivités ter-ritoriales françaises est, aujourd’huiencore, globalement plus favorable

qu’elle ne l’est dans de nombreux pays euro-péens. L’autonomie fiscale (capacité à adapterles ressources fiscales aux besoins), et unecontrainte légale plus forte en matière d’em-prunt et de placement des fonds disponibles,ont épargné aux collectivités françaises lesdéconvenues des collectivités britanniques parexemple.Cependant, la crise économique et financièreactuelle fragilise les finances locales, à unmoment où l’État central, dans le cadre de soneffort de réduction des déficits publics, préco-nise aussi la maîtrise des dépenses des collec-tivités locales « dans un cadre modifié en pro-fondeur par le gel des concours financiers del’État et la réforme de la fiscalité locale(1) ». Lasituation budgétaire de l’État prévue pour lesannées à venir ne permettra certainement pasde desserrer cette contrainte. Des questionsimportantes se posent alors sur la capacité descollectivités, et notamment des plus fragiles, àpoursuivre leurs efforts d’investissement et deservice à la population. Sachant qu’elles sup-portaient, jusqu’à présent, les trois quarts de l’in-vestissement public en la matière, cette situa-tion interroge plus fondamentalement le niveaud’offre d’équipements et de services auquelpourront accéder les Franciliens, dans l’avenir.

Les collectivités territoriales financent73 % de l’investissement public(2)

En 2008, les administrations publiques localesont dépensé 221 Md€(3), dont 115 Md€ pour lefonctionnement courant des services (pourplus de la moitié, la rémunération des person-nels), 60 Md€ pour les subventions, et 45 Md€

pour l’investissement. Ce dernier montant repré-sente 73 % de l’investissement public (équipe-ments et infrastructures), les administrationscentrales de l’État – second investisseur en lamatière – n’en réalisant que 10,6 %.Parallèlement, ces administrations locales ontperçu, en 2008, 212 Md€ de recettes, dont113 Md€ de recettes fiscales. Ces recettes cor-respondent, tout d’abord, à la fiscalité directelocale : taxes foncières, taxe d’habitation et taxeprofessionnelle. Viennent s’ajouter diversestaxes comme la taxe d’enlèvement des orduresménagères ou la taxe d’électricité (pour lescommunes), la taxe sur les droits de mutation

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Finances locales : les collectivités remises en cause?

La crise économique et financièreactuelle fragilise les financeslocales, déjà mises à mal par l’effortde réduction des déficits publics.Cela ne pourra pas être sans conséquences sur les investissements publics et sur le service rendu aux populations.

Jean-Pierre ChauvelIAU île-de-France

Alors que les collectivités financent les trois quarts des investissementspublics, les restrictions qui portent sur leurs finances ne peuvent que fragiliser les décideurs locaux et les administrés.

41

O.Pa

squi

ers/

le b

ar F

loré

al/I

AU îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) CARREZ Gilles et THÉNAULT Michel, La maîtrise des dépenseslocales, rapport du groupe de travail sur la maîtrise desdépenses locales commandité par le Premier ministre,deuxième conférence sur les déficits publics, mai 2010.(2) Précisons qu’il s’agit des investissements d’infrastructureset de superstructures (ou «équipements» au sens du présentCahiers), hors charges de fonctionnement ou subventionsd’exploitation. Contrairement au champ spécifique déve-loppé dans ce Cahiers, cet article a une approche globale,faute de données plus détaillées en matière d’investissementsd’infrastructure et de superstructure.(3) MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITÉS

TERRITORIALES, Les collectivités locales en chiffres, 2010. Ce mon-tant représente 20 % de l’ensemble des dépenses publiqueset 10 % du produit intérieur brut (PIB).

IAU île

-de-F

rance

Page 44: Equipements et services : la métropole au quotidien

(pour les départements) ou la taxe sur lescartes grises (pour les régions).Au-delà des recettes fiscales, l’État a transféré àces administrations locales 60 Md€ sous formede subventions globales de fonctionnement(essentiellement une dotation globale de fonc-tionnement, DGF) ou d’investissement (notam-ment le fonds de compensation de la TVA,FCTVA). Le solde des recettes (39 Md€) corres-pond aux prestations facturées directementaux usagers des services locaux (transportsurbains, restauration scolaire, accès aux équi-pements culturels ou sportifs…).

Un effort d’investissement qui irriguaitun réseau d’entrepreneurs locaux…Jusqu’à aujourd’hui, les collectivités territorialesétaient donc des acteurs majeurs de l’investis-sement public dans le domaine des équipe-ments, et notamment les communes et groupe-ments de communes qui ont investi, toujours

en 2008, 30 Md€. Elles irriguaient de ce fait toutun réseau d’entrepreneurs au travers des terri-toires, les collectivités territoriales, à la diffé-rence des organes de l’État, s’adressant à desentreprises (PME-PMI) locales. Dans cette pers-pective, le plan de relance de l’économie, initiéà la fin de 2008, avait prévu d’encourager lemaintien, voire l’augmentation, de l’investisse-ment des collectivités territoriales via une accé-lération du remboursement au titre du fondsde compensation de la TVA (transfert financierde l’État aux collectivités correspondant à laTVA acquittée par celles-ci au titre de leursinvestissements). Dans ce cadre, en 2009, plusde 20 000 collectivités s’étaient engagées àaccélérer leur rythme d’investissement.

… mais que la crise pourrait remettre en questionCe rebond de l’activité pourrait cesser dès 2010.La Fédération nationale des travaux publics(FNTP)(4) note en effet, qu’après l’effort de 2009lié au plan de relance, les collectivités arbitrentdésormais entre dépenses de fonctionnement,dépenses sociales et dépenses d’investisse-ment. La FNTP recense, par exemple, dans lesbudgets des départements une baisse de 12 %des investissements consacrés aux travauxpublics pour 2010.D’autre part, les efforts d’investissement nepourront plus, désormais, se faire sans lerecours à l’emprunt(5) car la capacité d’autofi-nancement des collectivités, jusqu’à présenttrès satisfaisante et « dopée » en 2009 par l’ac-célération du remboursement de TVA évoquéprécédemment, devrait se réduire.

42

Finances locales : les collectivités remises en cause?AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Budget des communes de plus de 10 000 habitants (€ par hab.)

Sourc

e : m

inistè

re de

l’Inté

rieur

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

Autres

Emprunts

Subventions et dotations

Autres

Dépenses d'équipement

Remboursement de dette

Fiscalité

Dotations et participations

Produit de l’exploitation et du domaine

Autres charges courantes

Intérêts

Autres charges d’exploitation

Charges générales

Personnel

RecettesDépenses

Dépe

nses

cou

rant

esDé

pens

es

d’in

vest

issem

ent

Rece

ttes

d’in

vest

issem

ent

Rece

ttes c

oura

ntes

682

193

296

100

323199

149

809

399

119

Pour un buget total moyen de 1 700 euros par habitant, les dépenses de fonctionnement ou «dépenses courantes» des communes de plus de 10 000 habitants représentent en moyenne 1 200 euros et celles d'investissement environ 500 euros (dont 100 euros de remboursement de dette et 323 de dépenses d’équipement).

Dépenses courantes

Dépenses d’investissement

Recettes courantes

Recettes d’investissement

(4) Par la voix de son président Patrick Bernasconi, le 22 juin2010.(5) Avec le risque d’exposer la collectivité à la contractiond’emprunts dits « toxiques ».P.

Lecr

oart

/IAU

îdF

La réforme de la taxe professionnelleet le maintien en euros courants des dotations de l’État sont une contrainte forte sur l’évolution des dépenses locales, qui risque de se reporter sur les habitants.

IAU île

-de-F

rance

Page 45: Equipements et services : la métropole au quotidien

La crise impacte aussi les opérationscourantes des collectivitésLa crise a eu des effets conséquents sur les bud-gets des collectivités, soit en limitant, voire endiminuant les recettes, soit en augmentant lesdépenses. Ainsi, la dégradation du marchéimmobilier a, eu notamment, des effets négatifscertains sur les recettes des collectivités locales,certaines d’entre elles (droits de mutation)étant directement liées aux ventes immobi-lières. D’autre part, la taxe intérieure sur les pro-duits pétroliers (TIPP), destinée à financer lesdépenses liées au revenu minimum d’insertion(RMI), puis au revenu de solidarité active(RSA), se stabilise. Par contre, et notamment dufait de la crise, la précarité et par conséquentles bénéficiaires de ces aides augmentent, creu-sant l’écart entre recettes et dépenses. Il en vade même pour d’autres dépenses socialesincompressibles, car de nature obligatoire, aux-quelles les collectivités ont à répondre, tellesque l’allocation personnalisée d’autonomie(APA) ou la prestation de compensation duhandicap (PCH). Dans le contexte actuel et àvenir, cette tendance à l’accroissement desdépenses devrait se poursuivre, alors même queles recettes stagnent, voire diminuent. L’Assem-blée des départements de France (ADF) posed’ailleurs la question d’une prise en chargerecentralisée de ces prestations, relevant plei-nement de la solidarité nationale(6).

Affaiblissement de la capacitéd’adaptation des collectivités, du fait d’une refonte de la fiscalitélocale…La loi de finances pour 2010 prévoit la suppres-sion de la taxe professionnelle (TP) et l’instau-ration de la contribution économique territo-riale (CET) à compter de 2011.Cette réforme visait, en premier lieu, à favoriserla compétitivité des entreprises, et notamment

celles du secteur industriel, via un allègementde leur contribution fiscale. Cet allègement decharge (supporté par le budget de l’État)devrait représenter 6,3 Md€ par an (12,3 Md€

en 2010 du fait de la transition entre l’ancienet le nouveau système). Mais cette réforme aégalement comme conséquence une modifi-cation majeure du financement des collectivi-tés territoriales, spécialisant davantage la fisca-lité locale, et limitant la marge de manœuvrefiscale des collectivités (notamment régionaleset départementales).À titre d’exemple, sur un total de 29 Md€(7) detaxe professionnelle en 2009 (répartie jusque-là entre les communes, les départements et lesrégions), 17,3 Md€ étaient destinés au secteurcommunal. La TP étant supprimée à compterde 2011, d’autres recettes ont été définies parle législateur pour compenser cette perte :- la cotisation foncière des entreprises (CFE),

qui va en totalité au secteur communal. Cettecotisation est acquittée par les entreprises et

43

La réduction de la capacitéd’autofinancement des collectivitésrendra désormais nécessaire le recours à l’emprunt pour financerles investissements.J.-

C. P

atta

cini

/Urb

a Im

ages

/IAU

îdF

L’exemple du secteur communal pour résumer la réforme

Milliards d’euros Perte de recettes Ressources nouvelles

Taxe professionnelle 17,3

Nouveaux impôts locaux Cotisation foncière des entreprises (CFE) 5,9Cotisation veleur ajoutée des entreprises (CFE) 4,1Imposition forfaitaire des entreprises de réseaux(IFER) 0,4

Ressources transférées par l’État Frais de gestion 1,0

Transferts d’impôts locaux Taxe d’habitation (D) et TFNB (D et R) 5,6Dotations bugétaires 0,3

Total 17,3 17,3

Sour

ce : m

inist

ère

de l’

Écon

omie

et d

es F

inan

ces

(6) « Finances, les départements maintiennent l’état d’ur-gence », dans Les Echos, 19 octobre 2010.(7) Évaluation faite en juin 2010, ministère de l’Économie etdes Finances.(8) À noter que les différents concours financiers versés parl’État aux collectivités représentent aujourd’hui souvent,notamment pour le secteur communal, des montants équi-valents, voire supérieurs à la fiscalité directe locale.

IAU île

-de-F

rance

Page 46: Equipements et services : la métropole au quotidien

le taux d’imposition peut en être modulé parla commune ou l’intercommunalité ;

- la cotisation sur la valeur ajoutée des entre-prises (CVAE), qui va en partie (26,5 %) ausecteur communal. Elle est également à lacharge des entreprises, mais à un taux fixe de1,5 % ;

- une imposition forfaitaire des entreprises deréseaux (Ifer), dont les recettes seront parta-gées entre les régions, les départements et lesecteur communal, et qui sera également àtaux fixe ;

- l’ancienne part départementale (D) desrecettes de la taxe d’habitation est réorientéevers la commune, de même que les anciennesparts départementales et régionales (D et R)de la taxe foncière non bâtie ;

- enfin des dotations budgétaires provenant dubudget de l’État viennent compléter cesrecettes fiscales(8).

Cet apparent équilibre masque néanmoins troisévolutions majeures :- jusqu’à présent, 100 % de la TP étaient à la

charge des entreprises. En 2011, ce ne sera lecas que de 60 % des nouvelles recettes (CFE,CVAE et Ifer). Le solde sera à la charge desménages de la commune ;

- de même, 100 % de la TP dépendaient d’untaux d’imposition modulable par la collecti-vité. En 2011, ce ne sera le cas que pour lesdeux tiers de la recette seulement (CFE, THet TFNB). La collectivité perdant, de fait, unepart non négligeable de sa marge de manœu-vre ;

- en 2009, seuls 20 % de la base TP correspon-daient à la valeur locative foncière. En 2011,ce seront les deux tiers qui dépendront d’éva-luations/revalorisations forfaitaires des valeurscadastrales.

Cette réforme a donc pour conséquence d’af-faiblir la capacité d’adaptation des collectivitéslocales aux évolutions de la demande de ser-vices ou d’équipements. Or, cette capacité defaire varier le niveau des recettes au travers duvote de taux d’imposition constituait uneexception appréciable au niveau européenpour les collectivités territoriales françaises. Cesdernières se trouvent ainsi de plus en plusdépendantes, d’une part, de l’évolution écono-mique nationale et, d’autre part, des inflexionsde la politique de l’État.

… et de la stabilisation des concours de l’ÉtatPour endiguer un de ses postes de dépensesles plus importants, l’État prévoit de stabiliseren euros courants, sur la période 2011-2013, lemontant global de ses concours financiers auxcollectivités locales. Nombre de communes ont d’ores et déjà vu cemontant diminuer, ou progresser moins rapide-ment que la simple inflation.La réforme de la taxe professionnelle conju-guée au maintien en euros courants des dota-tions de l’État (les deux catégories de recettesconstituant 50 % à 60 % des recettes courantesdes collectivités territoriales) aboutissent doncfinalement à une contrainte forte sur l’évolutiondes dépenses locales, dans la mesure où, à ladifférence de l’État, les collectivités doiventvoter des budgets à l’équilibre. La réforme descollectivités territoriales, en limitant les finan-cements croisés, pourrait rendre la situationencore plus difficile pour certaines collectivi-tés, notamment celles qui n’ont pas les capaci-tés financières de supporter le minimum prévude 30 % à verser par le maître d’ouvrage (ici lacollectivité) pour l’investissement relatif à toutprojet d’équipement.Ainsi, si dans le cadre impératif de réductiondes déficits publics, la tentation est grande pourcertains de suggérer aux collectivités territo-riales de freiner la progression de leursdépenses courantes (souplesse dans la gestiondes effectifs territoriaux, ou plus généralementamélioration de la gestion locale), il ne faut pasoublier les risques que cela induit. Outre le faitqu’il s’avère extrêmement difficile d’évaluer labonne ou la mauvaise gestion d’une collecti-vité territoriale comme de tout autre organismepublic ou privé, il convient de garder à l’espritque le «moins disant» n’est pas nécessairementle « mieux disant », et que des économies decourt terme peuvent obérer la nécessité degarantir un service public de qualité dans ladurée. Si des gains en matière de gestion peu-vent et doivent toujours être recherchés, ils nedoivent pas aboutir à une fragilisation du ser-vice rendu aux populations.

44

Finances locales : les collectivités remises en cause?AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Il convient de garder à l’esprit que des économies de court terme

peuvent obérer la nécessité de garantir dans la durée un service

public diversifié de qualité. A.Pa

rnai

x/IA

U îd

F,

IAU île

-de-F

rance

Page 47: Equipements et services : la métropole au quotidien

De 2000 à 2006, la région Île-de-France abénéficié, pour la première fois, defonds structurels Objectif 2 destinés aux

zones en difficulté pour un total de 147 millionsd’euros. Cette subvention s’ajoute aux 48 mil-lions d’euros d’aide versée pour les quatre pro-grammes Pic urban, dont la finalité est proche :développer l’emploi, assurer un développe-ment durable, améliorer l’égalité des chancesentre hommes et femmes.Les actions financées par l’Objectif 2 devaientpermettre de « faciliter la reconversion écono-mique et sociale des zones en difficultés struc-turelles». Ces crédits «zonés(2) » ont été attribuésen Île-de-France dans tout ou partie du territoirede 27 communes situées dans les départementsde Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise et des Hauts-de-Seine. Marginal par rapport aux massesfinancières du contrat de plan État-Région(CPER) de la période (9 milliards d’euros),l’Objectif 2 a néanmoins apporté un complé-ment appréciable dans les territoires concer-nés, puisqu’il représentait sur la période300 euros par habitant, en complément des900 euros du CPER.

2000-2006 : les fonds européens ontaccéléré la production d’équipementsÀ l’origine, les deux tiers des crédits étaient destinés à des projets de nature économique– publics ou portés par des entreprises –, et letiers restant était destiné à l’amélioration ducadre de vie (espaces publics et équipements).Les conditions d’attribution de ces finance-

ments étaient très favorables (plus que cellesdes subventions nationales) : jusqu’à 50 % ducoût pouvait être financé pour les projetspublics, sans plafond (un projet a même béné-ficié d’une subvention de 12,5 millions d’eu-ros). De plus, l’autofinancement demandé a ététrès faible voire nul pour une dizaine de com-munes.Par ailleurs, les contraintes fixées par l’Unioneuropéenne (UE) ont joué en faveur des équi-pements publics et de formation :- pour les entreprises privées, pourtant une des

grandes cibles initiales, seules les PME pou-vaient être aidées, pour un taux faible (15 %maximum), et avec des critères juridiquescompliqués ;

- les crédits alloués devaient être rapidementutilisés (un septième chaque année), favori-sant les projets proposant un plan de finan-cement classique, sans incertitude juridiqueet prêts à démarrer. Des crédits non utiliséspar des entreprises privées ont été redirigésvers des projets publics et de formation.

Ainsi, suite à de nombreuses modifications dela maquette financière d’origine, près de la moi-tié des crédits ont bénéficié à des opérations

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les fonds structurels européens,un outil d’aide aux équipements

Les fonds structurels européens ontpermis la réalisation d’équipementsdans des zones inscrites en politique de la ville. Ici le centresportif Nelson-Mandela à Sarcelles.

Geneviève DanchinIAU île-de-France

Depuis 2000, l’Île-de-France bénéficie de fonds structurels européens(1)

visant au développement économique des territoires dans certaines zones en décrochage. Ces aides, souvent très favorables en montant et en taux, ont permis aux zones bénéficiairesd’améliorer largement leurs équipementspublics, même si ce n’était pas à l’origine l’objectif principal.

45

DRIE

A/Go

bry

Équipements et services : la métropole au quotidien

Les fonds structurels, de quoi parle-t-on ?Les fonds structurels sont des financements destinés à réduire les différences de développement entre lespays et les régions de l’Union européennedans le cadre des priorités (« objectifs »)fixées par l’Europe pour une périodedonnée.Le fonds européen de développementrégional (Feder) finance desinvestissements ; le fonds social européen(FSE) finance des actions de formation.Chaque pays ou région bénéficiant desfonds européens doit signer avec la DGRegio (direction générale de la politiquerégionale de la Commission européenne)un document de programmation quiprécise le type de projet, les bénéficiaireset les taux d’aide.

(1) L’Europe en Île-de-France, des projets au service des habi-tants, PRIF-CRIF, juin 2009.(2) La zone bénéficiaire devait répondre aux cinq critèresde l’Union européenne : un taux de chômage de longuedurée supérieur à la moyenne communautaire, un niveauélevé de pauvreté, un environnement particulièrementdégradé, un taux de criminalité élevé et un faible niveaud’éducation. Elle devait aussi disposer de friches industrielleset de facteurs de dynamisme et être d’un seul tenant.

IAU île

-de-F

rance

Page 48: Equipements et services : la métropole au quotidien

publiques d’amélioration du cadre de vie, dont40 % à des équipements. Ils ont, par ailleurs, sur-tout profité à certains maîtres d’ouvrage publicsde la zone. On peut classer ces derniers en troiscatégories :- ceux qui étaient prêts avec un programme

très complet réalisable dans un délai trèscourt (La Courneuve et Sarcelles par exem-ple) ;

- les opportunistes qui ont su profiter des nom-breux remaniements du programme ;

- ceux qui n’ont pas pu ou pas su profiter decette opportunité.

Des équipements de toute nature ont été financés72 équipements de toute nature(3) ont été finan-cés dans 21 des 27 communes retenues, avecdes montants d’aide européenne variant de4 200 euros à 12,5 millions d’euros.Six communes se sont partagées 75 % du totaldes financements :- Bobigny, avec quatre projets dont le plus gros

des projets financés, le Campus des métiers,et des équipements sportifs ;

- Garges-lès-Gonesse, avec huit projets dont lecentre commercial Arc-en-ciel et un parkingrégional ;

- La Courneuve, avec dix projets d’équipements(sport, activités, commerce, formation, équipe-ments de quartier) s’ajoutant à des projets deréhabilitation urbaine ;

- Sarcelles, avec neuf projets variés dont deuximportants (centre sportif Nelson Mandela etune maison de quartier) ;

- Saint-Denis, avec quatre projets dont deux uni-versitaires (halle Montjoie, Cnam) et l’aména-gement des berges de Seine ;

- Villiers-le-Bel, avec cinq projets dont un groscentre de formation.

La nouvelle génération de fondsstructurels aura-t-elle le même effetaccélérateur?Compte tenu d’une dérive assez générale de lagénération des fonds 2000-2006 vers des projetsnon directement liés au développement éco-nomique, et des nouveaux objectifs européenstournés vers l’innovation, l’UE a bâti un pro-gramme 2007-2013 très recentré sur la compé-titivité durable. Cependant, le lobby des villeseuropéennes a réussi à obtenir un « axeurbain », l’Axe 1. Bien que les nouveaux pro-grammes ne soient pas « zonés », les conditionsd’attribution de cet Axe 1 en Île-de-France(80 millions d’euros(4) sur 151 attribués) favori-sent les territoires de type « politique de laville ».Les équipements finançables devront favoriserl’innovation, ce qui en limite le champ par rap-port à la période antérieure. Les conditions,elles, restent les mêmes : taux avantageux de50 % mais avec la même contrainte de rapiditéd’utilisation des fonds.La programmation n’en est qu’à mi-chemin. Ilest donc trop tôt pour que l’on puisse en tirerle bilan. On constate cependant les tendancessuivantes :- un retard dans la programmation de l’axe

urbain dont les objectifs sont très ambitieuxcompte-tenu des territoires où ils s’appli-quent ;

- le financement de quelques projets d’aide àl’innovation (études ou équipements), cer-tains étant liés aux pôles de compétitivité : parexemple, infrastructures de recherche sur lesnano-technologies, incubateurs pour entre-prises innovantes, centres de formation et derecherche sur l’image, centres d’informationsur l’innovation dans les éco-industries… ;

- des projets de réhabilitation de zones d’acti-vités ou d’éco-parcs ;

- le financement d’équipements communauxassez traditionnels réhabilités ou créés.

De ce fait, on peut penser que ce programmepermettra aussi d’accélérer la réalisationd’équipements au sens large dans les zonesconcernées, d’où l’intérêt exprimé par beau-coup de grandes régions européennes de lespoursuivre dans l’avenir.

(3) Citons, en Île-de-France au-delà des équipements deproximité, des berges, parcs, ponts autour des canaux et dela Seine, des établissements de formation et de recherche detout niveau (du Cnam à « l’école de la deuxième chance »),de gros équipements communaux sportifs ou culturels, laréhabilitation de zones d’activités, la construction d’hôtelsd’entreprise et de pépinières…(4) En comptant les crédits « fléchés» venant des autres axes.

46

Les fonds structurels européens, un outil d’aide aux équipementsAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Zones concernées par les crédits Feder (2000-2006) en Île-de-France

Destination des crédits Feder par type de projet et réalisation

Les équipements financés selon leur nature

0

10

20

30

40

50

RéaliséDocup 2000*

structures de formation

cadre de vie équipements

entreprises-recherche

économie (ZA, pépinières,

etc.)

%

Sou

rce

: PRI

F-C

RIF,

juin

200

9So

urc

e : P

RIF-

CRI

F, ju

in 2

009

35 %

53,1

9,8

19,3

7,7

1,4

10

6,87

11

28

8

4

9

32 %

27 %

7 %

33 %

46 %

5 %

15 %

0

5

10

15

20

25

30

Millions Feder Nombre

sports

patrim

oine, c

ulture

grand

équip

ement

équipe

ment de

quart

ier

enseig

nement

/form

ation

commerc

es

activit

és

* Document unique de programmation

PRIF-

CRIF,

juin

2009

IAU île

-de-F

rance

Page 49: Equipements et services : la métropole au quotidien

La planification réglementaire a toujoursformaté une certaine approche des équi-pements. Qu’en est-il aujourd’hui? Qu’ap-

porte chaque niveau territorial ? Comment lesnouveaux concepts qui s’imposent dans la pla-nification interpellent-ils le domaine des équi-pements et des services ?

Les équipements et la planificationréglementaire

Le projet de Sdrif 2008, une évolution par rapport au Sdrif 1994Le schéma directeur de la région Île-de-France(Sdrif) de 1994 visait à « une organisationurbaine polycentrique comportant des pôlesurbains et des équipements forts, structurant larégion ». Il définissait donc principalement lesbesoins et la localisation des équipements àvocation régionale. Huit domaines d’équipe-ment étaient abordés spécifiquement(1) et sépa-rément.Aujourd’hui, affirmant la nécessité d’aborderl’ensemble de la gamme de services et d’équi-pements dans ses différentes échelles, du localau régional, en remettant les besoins des Fran-ciliens au cœur de la réflexion, le projet de Sdrifadopté par le conseil régional en septem-bre 2008 a une approche plus complète.L’objectif de « doter la métropole d’équipe-ments et de services de qualité » s’appuie surune triple stratégie : mettre en cohérence leséquipements métropolitains dans l’aggloméra-tion, structurer l’offre d’équipements et de ser-

vices, densifier l’offre d’équipements de proxi-mité. Le rôle structurant des équipements et ser-vices est abordé depuis le niveau régional etinterrégional jusqu’au niveau de proximité,avec pour objectif une offre équilibrée sur l’en-semble du territoire. « Privilégier l’implantationdes nouveaux équipements dans les secteurscarencés, conforter l’armature de pôles de ser-vices d’échelle régionale, assurer l’accessibilitédes équipements et services à l’ensemble dela population, accompagner les nouvelles opé-rations d’urbanisation, économiser la consom-mation d’espace en augmentant la densité,prendre en compte de nouvelles proximités »,sont autant de lignes d’actions affichées.

L’époque des schémas directeurs et des Pos : le tropisme de la destination des solsJusqu’à la loi Solidarité et renouvellementurbain (SRU) du 13 décembre 2000, la planifi-cation réglementaire, via les schémas directeurset les plans d’occupation des sols (Pos) issusde la loi d’orientation foncière de 1967, étaithistoriquement tournée vers la destination dessols qu’elle entendait réglementer. Sauf excep-tion, la programmation et notamment celle deséquipements intervenait peu. Elle était secto-rielle et visait essentiellement à décider in finede réserves foncières.

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Équipements, projets de territoireet documents de planification

Aujourd’hui s’affirme la nécessitéd’aborder l’ensemble des équipements et services dans une approche plus globale,intégrant les différentes échelles, du local au régional.

Jean-François VivienIAU île-de-France

À l’exception de leur programmationdans de grandes opérations, les équipements et services étaientjusqu’à présent peu pris en comptedans les documents de planification et dans les démarches de projet.Aujourd’hui, la réflexion évolue, et ils deviennent partie prenanted’approches plus transversales, plusconcertées, à différentes échelles. C’est un appel à la mise en placed’outils opératoires, en réponse à desdémarches et des concepts nouveaux.

47

J.-G.

Jule

s/Ae

rial/

IAU

îdF

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Universités et instituts universitaires de technologie,recherche ; commerce ; centres d’exposition, de congrès etd’hôtellerie ; équipements culturels ou d’intérêt touristiquemajeur ; équipements de sports et de loisirs ; équipementssanitaires et sociaux ; équipements de justice.

IAU île

-de-F

rance

Page 50: Equipements et services : la métropole au quotidien

Scot et PLU, une plus grande transversalitéLa loi Solidarité et renouvellement urbain, encréant les schémas de cohérence territoriale(Scot) et les plans locaux d’urbanisme (PLU),en remplacement des schémas directeurs etdes plans d’occupation des sols, a prôné la miseen cohérence des différentes politiques d’amé-nagement au sein d’un même territoire.À travers ces documents, et leur déclinaison duScot au PLU via les programmes locaux de l’ha-bitat (PLH), plans locaux de déplacements(PLD), etc., les équipements et services trouventplace dans une réflexion croisée entre diffé-rents domaines et politiques d’aménagement.Ils y sont interpellés dans leur diversité, leursdifférents niveaux de service, la géographie etla polarisation de leurs aires d’influence. Pourdes Scot ou des inter-Scot s’appliquant à desaires étendues, travailler à l’échelle du bassinde vie et s’accorder sur les grandes politiquespubliques, en partenariat avec l’État, la Régionet le département sont des pratiques désormaisrevendiquées. Sur l’aire métropolitaine de l’Île-de-France, le polymorphisme et la complexitéde la pratique de bassins de vie, la mosaïquedes Scot, leur faible étendue, leur couvertureterritoriale souvent qualifiée de « peau de léo-pard », rendent l’exercice plus complexe.

La montée en puissance des approches par projet de territoireCette tendance récente apparaît comme laconjugaison de deux phénomènes : le dévelop-pement des structures intercommunales (com-munautés d’agglomération et communautés decommunes) et la nécessaire affirmation, en Île-de-France, de projets de territoires au regard dela planification à échelle supérieure, départe-ment, région, Bassin parisien… Jusqu’à récem-ment, la démarche de planification était essen-tiellement descendante, de l’échelle régionaleà l’échelle locale. Les lois Voynet et Chevène-ment, qui ont donné une nouvelle impulsionaux regroupements territoriaux, ensuite soute-nus par le volet territorial du contrat de planÉtat-Région (2000-2006), puis aujourd’hui parle contrat de projet État-Région, offrent uncontexte où une conception des équipementset services trouve une place plus intégrée dansla planification à toutes les échelles et uneécoute des démarches ascendantes.Force est cependant de constater que les équi-pements ne sont pas les vecteurs principauxde la démarche des projets de territoire. Eneffet, ils restent souvent du ressort de la gouver-nance communale ou intercommunale et dela sphère de gestion technique par domained’équipement. Leur approche reste encore trèssectorisée et « éclatée ».

Les équipements selon les échelles de planificationLa manière dont sont traités les équipementset services varie selon les échelles de planifi-cation :• L’échelle régionale depuis le Sdaurp(2) de

1965 jusqu’au projet de Sdrif 2008 a connu unbalancement entre la planification stratégiqueet l’encadrement réglementaire.Jusqu’au Sdrif de 1994, elle visait principale-ment à définir les besoins et la localisationdes équipements à vocation régionale.Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur lanécessité d’aborder l’ensemble de la gammede services et d’équipements dans ses diffé-rentes échelles, du local au régional, en remet-tant les besoins des Franciliens au cœur de laréflexion.

• L’échelle des bassins de vie, la plus pertinentepour l’approche des équipements, est para-doxalement la moins pratiquée en planifica-tion. Les raisons sont multiples. Le bassin devie principal n’est souvent pas une référenceusuelle définie de façon partagée. Il est rare-ment couvert par un seul Scot. Aujourd’huipour y remédier, des démarches d’inter-Scotévoquées précédemment commencent à semultiplier(3). De plus, l’articulation des bassinsde vie secondaires avec le bassin de vie prin-cipal est complexe à aborder, y compris dansle domaine de la gouvernance. Enfin, dansune métropole comme l’Île-de-France, lanotion de bassin de vie est polymorphe encentre d’agglomération(4).

• Les intercommunalités deviennent peu à peudes espaces de négociation intéressants, per-mettant de porter des projets de territoire assissur de véritables études urbaines et de lesconcrétiser(5). Équipements et services trou-vent à cette échelle des aires de réflexion etde management plus pertinentes. Le passageà la phase contractuelle est facilité, progres-sant ainsi au-delà du réglementaire et du pres-criptif, tendance renforcée par l’encourage-ment de l’État à l’élaboration de PLUintercommunaux.

• L’échelle communale est la plus pratiquéedans le domaine de la planification locale, ycompris pour le regard porté sur les équipe-

48

Équipements, projets de territoire et documents de planificationAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

(2) Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de larégion de Paris.(3) Voir CONSTANTY Valérie, VALLÉE Stéphanie et BAREIRO San-drine, Les démarches inter-Scot en France, état des lieux en2009 et perspectives, IAU île-de-France, février 2010 etCONSTANTYValérie, «Les démarches inter-Scot : des expériencesqui se multiplient », Note rapide, n° 524, IAU île-de-France,octobre 2010.(4) Cela est plus simple en grande couronne. Voir dans cenuméro des Cahiers l’interview de Coralie DESHAIES, p.55.(5) Voir dans ce numéro des Cahiers, l’interview d’ArnaudBELAN, Stéphanie ROLLAND et de Carol LANDES de la commu-nauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines (Camy), p.52.

Un des axes d’action pour doter la région d’équipements et servicesde qualité vise à mettre en cohérence les équipementsmétropolitains dans l’agglomération. Ici, l’opéra de Massy, l’hôpital Henri-Mondor à Créteil et la base de loisirsde Saint-Quentin-en-Yvelines.

B. G

egau

ff/IA

U îd

FP.

Guig

nard

/La

docu

men

tatio

n fra

ncai

se/I

AU îd

F/Ré

gion

Île-

de-F

ranc

eJ.-

C. B

ardo

t/le

bar

Flo

réal

/Rég

ion

IdFIA

U île-de

-Fran

ce

Page 51: Equipements et services : la métropole au quotidien

ments et services. Les diagnostics sont faitsgénéralement à travers les PLU, et de façondétaillée. En revanche, partant du bilan, laprospective sur les besoins futurs et la pro-grammation qui en découle sont moins sou-vent présents. De fait, la démarche est com-plexe. Elle fait appel à des scénariosd’évolution de l’offre et des besoins à uneéchelle spatiale fine et nécessiterait, pour bienfaire, l’engagement d’un processus de suivi-évaluation pour ajuster les actions dans letemps. L’appui demandé à l’ingénierie localeest conséquent.

• L’échelle du quartier est généralement trèsprésente dans les études et la formalisationdes PLU et des PLH. Pour les équipements etles services, c’est l’échelle du vécu et de l’hy-perproximité. Dans ce cas, divers thèmes sontabordés qui interpellent les équipements àdes degrés divers : morphologie bâtie, fonc-tions urbaines, centralité, accessibilité, liaisonsinternes, liaisons avec les autres quartiers(6)…Si un pas est ainsi fait vers la gestion de lanotion de proximité, la démarche ne peutcependant pas rester cantonnée au quartier.Le bilan prospectif et opératoire doit être aussi vu à l’échelle de la commune et descommunes environnantes. Cette dernièreapproche est plus rarement pratiquée.

La montée en puissance de différentsconcepts fédérateursOffre urbaine, armature urbaine et proximitésont trois concepts de plus en plus présentsdans le paysage de la planification :• La notion d’offre urbaine comme concept

élargi de réponse aux besoins des habitantsest désormais mise en avant plutôt que celled’offre foncière. L’offre urbaine est la capacitéd’une agglomération de mettre à dispositiondes espaces existants ou issus du renouvelle-ment ou de l’extension de la ville, qui répon-dent à la demande de la population et desentreprises ou plus largement de la sociétécivile. Elle est constituée par le terrain, maisaussi par son environnement au sens large :emplacement, accessibilité, services et équi-pements, cadre de vie, etc. On attend de cetteoffre un certain nombre de qualités qui doi-vent répondre aux trois enjeux du dévelop-pement durable (compétitivité, solidarité, res-pect de l’environnement).Dans cette approche, que le projet de Sdrif de2008 a fait sienne, les équipements et servicestrouvent pleinement leur place à toutes leséchelles territoriales.

• L’expression d’une armature urbaine hiérar-chisée est une référence essentielle quiretrouve aujourd’hui une place centrale dansles documents de planification. Les types de

polarité, leur hiérarchie, leur fonctionnementen réseau, sont mis en évidence, les objectifset conditions d’évolution affichés. Les enjeuxde structuration sous-tendent alors les orien-tations concernant les fonctions urbaines etnotamment l’organisation des équipementset services.Dans ce contexte, l’organisation des équipe-ments et services peut être abordée à l’échellede l’ensemble d’un territoire. L’ajustemententre l’aire de ce territoire et l’aire de cohé-rence du fonctionnement des équipements(bassin de vie, aire d’un Scot) reste une ques-tion délicate.

• Le concept de proximité est aujourd’hui par-tie prenante de l’organisation des fonctionsurbaines, de la constitution et du renforce-ment des centralités, de la promotion de laville compacte et in fine de la définition del’armature urbaine d’un territoire.La revitalisation des fonctions de proximitéest un objectif désormais présent dans denombreux Scot, et apparaît également dansle projet de Sdrif face aux trois défis de cohé-sion sociale, de robustesse environnementale,de développement économique. Pour une Île-de-France durable, il estime en effet impératifd’améliorer l’accessibilité à tous les élémentsqui contribuent à la qualité de vie, logements,emplois, commerces, écoles, services sociauxet de santé, lieux de loisirs, d’activités sportivesou culturelles, espaces naturels…Mais la mesure de cette proximité reste déli-cate. Les géographies de la proximité sont mul-tiples, et les outils pour la cerner doivent êtremultidimensionnels(7).

Les équipements et les services sont donc appe-lés à trouver place à tous les niveaux de plani-fication et de projet. Les préoccupations de villecompacte, de développement durable, la pra-tique de la ville et des territoires, les obligationsde concertation et de débat public, ont ouvertla voie à une vision à toutes échelles du « bienvivre en ville pour tous ». Pour les équipements,le défi d’une réponse à ces aspirations est vaste.Une connaissance mieux partagée de chacundes domaines d’équipement, une coordinationdes actions suivant une vision plus globale, uneplanification partenariale à toutes les échellesde gouvernance et de gestion, sont des enjeuxd’avenir. C’est ainsi qu’en rétro-action ils pour-ront être les leviers d’une évolution des projetsde territoire et des documents de planification.

49

(6) Voir dans ce numéro des Cahiers, l’interview de SébastienPODEVYN et de Brigitte VERGNAUD, élus à Pontault-Combault,p.54.(7) Voir dans ce numéro des Cahiers, MANGENEY Catherine,« Mesurer l’accessibilité à l’offre de proximité », p.24.

La revitalisation des fonctions de proximité est un objectifdésormais présent dans de nombreux Scot.

J.-C.

Bar

dot/

le b

ar F

loré

al/I

AU îd

FB.

Bas

set/

IAU

îdF

C. D

outre

/BaS

oH/I

AU îd

FJ.-

C. P

atta

cini

/Urb

a Im

ages

/IAU

îdF

IAU île

-de-F

rance

Page 52: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’urbanisme opérationnel comprendtoutes les opérations de constructionprogrammées et réalisées dans un

cadre contractuel liant une collectivité et unopérateur constructeur ou aménageur. Ses prin-cipaux outils sont :- la zone d’aménagement concertée (Zac), pro-

cédure opérationnelle la mieux adaptée auxprojets complexes, nécessitant de recomposerle foncier et de partager entre plusieurs opé-rateurs et la collectivité les coûts des aména-gements et des équipements. La Zac est tou-jours d’initiative publique même si elle estconcédée à un opérateur privé ;

- le contrat de projet urbain partenarial (Pup),procédure récemment introduite par la loiMolle(1) de 2009, d’initiative privée à la diffé-rence de la Zac, est un contrat négocié entrel’opérateur et la collectivité définissant lesmodalités de participation aux équipementsdans le cadre d’un projet d’urbanisme. Cerécent outil, créé à la demande de la profes-sion privée, semble encore peu utilisé ;

- le programme d’aménagement d’ensemble(PAE), procédure non négociée et instauréepar la collectivité sur simple délibération duconseil municipal, définit un plan d’aména-gement et une liste d’équipements à réaliser.

L’urbanisme opérationnel : un outil-clefpour la réalisation d’équipements publicsLes besoins en équipements induits par la réa-lisation d’opérations d’urbanisme sont de deuxnatures : les équipements d’infrastructure (les

réseaux d’eau, d’assainissement, etc. et les voi-ries), et les équipements de superstructure(locaux de petite enfance, scolaires, de loisirs,socio-culturels, associatifs, sportifs, administra-tifs, commerciaux, etc.). Pour de nombreusescommunes franciliennes, l’insuffisance d’équi-pements de superstructure, et le manque definancement pour y remédier, justifient une poli-tique restrictive quant à l’accueil de nouvellespopulations. Pourtant, les différents outils d’ur-banisme opérationnel permettent de faire par-ticiper les opérations d’urbanisme au coût deces équipements. À travers un régime de parti-cipation spécifique exonérant de la taxe localed’équipement, ils offrent une source de finan-cement mieux adaptée, sous réserve que la col-lectivité sache évaluer de manière pertinenteet stratégique les besoins induits par les opéra-tions d’urbanisme.La Zac (ou le Pup) permet, en effet, de négocieravec les opérateurs les participations au finan-cement des équipements publics de la zone etde les ajuster au bilan financier de l’opération.Le programme prévisionnel des constructionset des équipements publics est défini dans ledossier de réalisation de la Zac ainsi que lebilan financier de l’opération et les participa-tions de l’aménageur. De même, le contrat dePup permet à un opérateur de prévoir avec lacommune la répartition de la prise en chargefinancière de tout ou partie des équipements.

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Déclin de l’urbanismeopérationnel, quel impact ?

Il est désormais devenu nécessairede trouver des solutions innovantesen matière d’équipements. Ici, l’école La Cigogne, réalisée dans l’ancienne souffleried’Hispano-Suiza, dans la Zac des Bruyères à Bois-Colombes.

Dans la définition de leur stratégied’aménagement, de très nombreusescommunes franciliennes sontconfrontées à la double difficulté de mobiliser le foncier indispensableaux équipements publics, et de réunir,à travers les procédures adaptées, les financements nécessaires. Cette difficulté n’est pas sans lien avecle déclin d’un urbanisme opérationnel,constaté depuis plusieurs années.

Amélie DarleyIAU île-de-France

50

A. D

arle

y/IA

U îd

f

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Loi de Mobilisation pour le logement et de lutte contrel’exclusion.

Références bibliographiques

• DGUHC, Urbanisme opérationnel etaménagement durable, 2008.

• OBSERVATOIRE RÉGIONAL DU FONCIER, Leséquipements publics comme leviers derelance de l’urbanisme opérationnel,atelier d’étudiants du magistère deParis 1 Panthéon Sorbonne, février 2010.

• OBSERVATOIRE RÉGIONAL DU FONCIER, Le PLU,premier outil de politique foncière descollectivités locales, février 2010.

• UNIVERSITÉ PARIS 10, Économie del’aménagement, Cycle de séminaires2006-2007.

IAU île

-de-F

rance

Page 53: Equipements et services : la métropole au quotidien

Dans les secteurs de PAE, à la différence desZac ou des Pup qui sont des procédures négo-ciées, il peut être imposé aux constructeurs deprendre en charge tout ou partie du coût deséquipements publics réalisés pour répondreaux besoins des futurs habitants ou usagers. Leconseil municipal détermine un secteur et unplan d’aménagement, la nature, le coût et ledélai prévus pour la réalisation du programmed’équipements publics, ainsi que la part desdépenses d’équipements à la charge desconstructeurs.Quel que soit l’outil opérationnel retenu, la par-ticipation des constructeurs peut être acquittéesous forme de contribution financière ou d’ap-port en foncier. Enfin, pour prévenir certainsabus, cette participation aux équipements estdésormais strictement encadrée juridiquement,et le coût des équipements publics mis à lacharge des opérateurs est limité aux équipe-ments induits par les besoins des futurs habi-tants ou usagers du périmètre opérationnel.Une fois l’opération d’aménagement réalisée,l’opérateur se rembourse de ces participationset de ses autres dépenses par la vente de ter-rains remembrés, équipés et constructibles. Cesont les charges foncières et elles correspon-dent à des droits à construire exprimés enmètres carrés à bâtir (voir encadré).

Un urbanisme opérationnel en déclin :quel impact sur la réalisation des équipements?Depuis le début des années 1990, en Île-de-France, on constate une diminution importantedu nombre de créations de Zac, et une baissesignificative de la part de constructions réali-sées en Zac. D’une part, la crise immobilièredes années 1990, puis la crise foncière de 2000ont fragilisé les conditions de mise en œuvredes Zac. D’autre part, la procédure de Zac aconnu ces dernières années des modificationsquant à ce qui pouvait la rendre attractive. Toutd’abord, la loi relative à la solidarité et au renou-vellement urbains (SRU) de 2000 a suppriméla possibilité de doter les Zac d’un règlementdérogatoire au document d’urbanisme. Ensuite,le droit européen a remis en cause le régimedes Zac, en exigeant que les opérateurs soientmis en concurrence selon les règles relativesaux marchés publics, ce qui a abouti, en 2006,à la modification du régime des concessionsd’aménagement.Cette désaffection des Zac, la méconnaissancedes PAE et le faible attrait pour le nouveau Pup,conjugués aux risques politiques et financiersencourus par les communes bâtisseuses ontconduit à une diminution du nombre d’opéra-tions d’urbanisme d’envergure engagées, lais-sant l’essentiel de la construction se réaliser en

diffus et au coup par coup au gré des opportu-nités foncières et des cycles de marché. Or, cesont justement ces opérations d’envergure quipermettaient jusqu’alors aux collectivités deprogrammer et de financer les équipementsnécessaires au développement urbain. Il estdonc indéniable que ces grandes opérationsdiminuant, la possibilité de renouveler l’offred’équipements se trouve de plus en plus limi-tée. En effet, plus les opérations d’urbanismesont petites, plus il est difficile de jouer sur lespossibilités de péréquations financières, quifont que les ventes de charges foncières élevéespermettent de sortir des charges foncièresacceptables pour la réalisation de logementssociaux, ou encore de financer des équipe-ments publics. De plus, dans un contexte deforte pression foncière, les fonds dégagés decharges foncières élevées ne sont pas sponta-nément réaffectés aux équipements publics. Parconséquent, la concurrence sur les charges fon-cières disponibles est telle que l’équilibre bud-gétaire d’une opération d’urbanisme est sou-vent atteint au détriment des équipementspublics, à moins d’une volonté politique forteet coûteuse. Enfin, la concurrence qui s’exercesur le foncier nécessite de prévoir, bien enamont des opérations d’urbanisme, les outilspour réserver le foncier destiné aux équipe-ments et en maîtriser les prix. Cela suppose dela part des collectivités locales d’avoir définiun projet de territoire accompagné d’une stra-tégie d’anticipation foncière ambitieuse.Le nombre croissant de petites opérationsconduites hors procédure de Zac rend com-plexe l’évaluation par les collectivités desbesoins qu’elles génèrent. Cette difficulté estrenforcée par le fait qu’il n’est plus concevablede programmer les équipements sur la base denormes, comme cela se faisait dans les grandeszones d’aménagement des années 1950 à 1970.La plupart des opérations se réalisantaujourd’hui dans le cadre du renouvellementurbain, il est désormais nécessaire de raisonneren termes d’adaptation progressive de l’offre,de polyvalence des équipements, de mise enréseaux à différentes échelles, etc. Dans cecontexte, les collectivités locales s’efforcent detrouver des solutions innovantes où la rénova-tion et l’adaptation priment sur la constructionneuve : mutualisation des équipements, finan-cements d’équipement hors opération de Zac,équipements polyvalents et évolutifs, etc.

51

La chaîne de l’aménagementUne opération d’aménagement consiste à transformer et à préparer les terrainspour les revendre, et les céder à des constructeurs sous forme de chargesfoncières qui correspondent, en fait, à des droits à construire.Il existe différents types d’opérateursaménageurs : les établissements publicsd’aménagement (EPA), les entreprisespubliques locales (EPL) parmi lesquelleson différencie les sociétés d’économiemixte (SEM) et les sociétés publiqueslocales (SPL) d’aménagement, et enfindifférents types d’aménageurs privés(aménageurs lotisseurs, promoteurs ou particuliers structurés en sociétésciviles immobilières).Les outils d’aménagement à dispositiondes collectivités sont de différents niveaux :- le permis de construire est la forme

la plus élémentaire des procédures ;- le permis d’aménager a remplacé

le lotissement ;- la zone d’aménagement concerté (Zac)

est la procédure la mieux adaptée aux projets complexes ;

- le contrat de projet urbain partenarialest d’initiative privée.

Une opération d’aménagement nécessited’acheter au préalable le foncier. Ce n’estpas une condition sine qua non, mais c’est le plus souvent le cas en France. La majeure partie des acquisitions dans le cadre d’une opération d’aménagementse fait à l’amiable. Mais le droit depréemption urbain (DPU) ou l’instaurationd’une zone d’aménagement différée (Zad)permettent à une commune ou à unorganisme délégataire (État, établissementpublic d’aménagement, communauté de communes…) justifiant d’un projetd’aménagement, d’acheter un bien foncierou immobilier en priorité devant tout autreacquéreur privé. Enfin, le dernier et ultimerecours reste l’expropriation pour caused’utilité publique.L’opérateur foncier procède auxacquisitions foncières préalables et restepropriétaire des terrains le temps quel’opération d’aménagement soit réalisée.C’est ce que l’on appelle le portagefoncier. L’aménageur joue souvent le rôled’opérateur foncier, mais dans le casd’opérations d’aménagement complexesqui peuvent prendre du temps et êtrecoûteuses, il est intéressant de faire appelà un opérateur foncier dont c’est le seulmétier. C’est dans ce but qu’ont été crééscourant 2006, en Île-de-France, quatreétablissements publics fonciers (EPF), qui disposent de moyens financiers et desavoir-faire adaptés. Les activités des EPFs’exercent dans le cadre de conventionspassées avec les collectivités locales, qui définissent les délais et les conditionsde portage foncier.

IAU île

-de-F

rance

Page 54: Equipements et services : la métropole au quotidien

52

Les Cahiers – Quelle est, en deux mots,l’ambition du projet de pôle aquatique et nautique de Mantes-la-Jolie?Arnaud Belan – C’est un projet d’équipementmajeur que la Camy, maître d’ouvrage, a conçupour être l’emblème du renouveau du Mantois.Implanté symboliquement dans le quartier desPeintres du Val Fourré, connu pour ses difficul-tés urbaines et sociales, cet équipement, dontla livraison est programmée pour la rentrée sco-laire 2011, s’insère dans le cadre des projets partenariaux de renouvellement urbain deMantes-en-Yvelines menés depuis quinze ans.Il constitue, pour l’agglomération et ses habi-tants, un très bel outil sportif, mais il est aussiun instrument d’intégration sociale, urbaine etpaysagère.

L. C. – Pourriez-vous préciser les motivations qui ont présidé à la conception d’un tel projet?Carol Landes – Ce projet est, tout d’abord, des-tiné à répondre aux besoins en bassins aqua-tiques des habitants de l’agglomération. LaCamy, devenue communauté d’agglomérationen 2000 après avoir abandonné son statut dedistrict, a pris en charge la gestion des équipe-ments sportifs et cul-turels d’intérêt com-munautaire au titrede ses compétencesoptionnelles. Unschéma d’orienta-tion global pour leséquipements nau-tiques de la communauté d’agglomération, éla-boré à partir de 2001, a démontré que l’offre depiscines sur le territoire ne répondait ni auxexigences des normes sanitaires ni aux attentesd’une population de 80000 habitants, très jeunede surcroît. Les besoins en plans d’eau pourl’apprentissage de la natation scolaire, forte-ment déficitaires, ont été évalués, en fonctiondes recommandations de l’éducation natio-nale, à 1 700 m2. Les élus ont choisi de comblerce déficit et d’offrir de nouveaux services à lapopulation en nuançant l’offre : deux équipe-ments ont été envisagés, l’un à dominanteludique à Mantes-la-Jolie dans le quartier duVal Fourré, l’autre privilégiant le parti sportifdans le nouveau quartier de Mantes Universitéà Mantes-la-Ville.Le choix d’implantation de l’une de ces pis-cines à proximité des rives de la Seine et faceau stade nautique traduit une double volonté

des élus : s’appuyer sur une identité déjà spor-tive du lieu et contribuer au renouveau du quar-tier du Val Fourré en instaurant une nouvellecentralité urbaine, lieu de vie et d’échanges. Lestade nautique, aménagé dans les années 1970,est exploité en régie directe par la Camy. Sonbassin accueille des compétitions de hautniveau en aviron et canoë-kayak. Avec l’implan-tation de la piscine, des complémentaritésseront exploitées. Deux bâtiments dédiés auxpratiques aquatiques et nautiques (stockagedes bateaux, atelier, club-house et administra-tion) sont construits au sein du pôle. Cetteimplantation a été possible grâce à l’opportu-nité foncière offerte par la démolition, en 2006,de trois tours d’habitations situées à l’extrémiténord-ouest du quartier des Peintres au ValFourré.

L. C. – Quelles sont les principalescaractéristiques de cet équipement?C. L. – Le caractère exceptionnel du site quiconstitue un très bel observatoire face au Vexinest évoqué par la morphologie en vagues desbâtiments, réplique des coteaux qui lui fontface de l’autre côté de la Seine. Le choix d’unprojet architectural audacieux et de grande

qualité est un actesymbolique : ce bâti-ment est embléma-tique du renouveaudu quartier. L’équipe-ment, performant surle plan énergétique,comprend 835 m2 de

plans d’eau avec, entre autres, un bassin sportifde six lignes d’eau et un bassin d’activités etde loisirs de 360 m2 pour une surface construitede 5000 m2. Il s’agit également du premier équi-pement sportif ayant obtenu une participationfinancière (1,575 M€) de l’Agence nationale derénovation urbaine (Anru). Son coût global, de28,4 M€, pris en charge aux deux tiers par laCamy, dépasse largement le montant habituel-lement dédié à ce type d’équipement. Le cahierdes charges du concours de maîtrise d’œuvreurbaine était en effet, particulièrement exigeanten termes de mise en valeur environnementale,urbaine et de développement de liens avec laville et ses habitants.

L. C. – Justement, au-delà de l’ambitionsportive, quels sont les grands enjeuxattachés à cet équipement?A. B. – Une synergie de compétences, d’acteurs

Arnaud Belan est directeurgénéral adjoint en charge du pôle Cohésion territoriale et Solidarité à la communautéd’agglomération de Mantes-en-Yvelines (Camy). Ce pôle comprend les services de l’habitat, de la politique de la ville, du sport et de la culture.

Stéphanie Rolland est responsable du service de la politique de la ville à la Camy.

Enfin, Carol Landes est chef de projet pour le pôle nautique,et responsable des grandsprojets au sein des servicestechniques de la Camy.

Le pôle aquatique, un équipementemblématique au Val Fourré

Interview

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»C’est un projet d’équipement majeur que la Camy a conçu pour être l’emblème

du renouveau du Mantois. Il est implanté symboliquement

dans le quartier du Val Fourré. «

A. P

arna

ix/I

AU îd

F

IAU île

-de-F

rance

Page 55: Equipements et services : la métropole au quotidien

et d’objectifs se décline tant sur le plan urbain,social, qu’environnemental. Cet équipements’inscrit dans la dynamique du projet Mantes-en-Yvelines, dont l’un des sites prioritaires estjustement le Val Fourré. L’établissement publicd’aménagement du Mantois Seine Aval(Epamsa), a été créé par décret en 1996, pourredresser les quartiers en difficulté du Mantois,à la faveur d’opérations de renouvellementurbain. La convention signée avec l’Agencenationale de rénovation urbaine (Anru), en2005, marque la poursuite de l’opération derestructuration et de développement territoriallargement engagée dans le cadre du grand pro-jet de ville. La Camy participe ainsi activement, aux côtésdes communes de Mantes-la-Jolie et de Mantes-la-Ville, au projet de rénovation urbaine pilotépar l’Epamsa, notamment au titre de ses com-pétences habitat, politique de la ville, aména-gement de l’espace communautaire (voirie,transports) et environnement (déchets).Le pôle aquatique s’inscrit pleinement dans lesévolutions impulsées par le projet urbain. Il par-ticipe à la dédensification du quartier, à la réin-troduction de la mixité des fonctions urbaines(renforcement de la fonction sportive, maisaussi soutien au commerce, retour de servicesadministratifs…) et surtout à la reconstitutiondes liens du quartier avec l’environnementnaturel et l’agglomération tout entière. Les mail-lages viaires(1) sont revus à l’occasion de l’im-plantation du pôle, afin de faciliter les ouver-tures vers le centre-ville, tout en limitant lacirculation de transit. Des extensions urbainessont programmées au-delà du quartier, à l’ouestde l’agglomération. Une ceinture verte longe lequartier, favorisant les flux de promeneurs etde sportifs. Ce projet est également l’occasiond’affirmer l’ouverture de la ville sur la Seine,par sa mise en valeur environnementale. De lamême façon, le parvis qui joint les bâtimentsaquatique et nautique sera un lieu d’échanges.

Stéphanie Rolland – La politique de la villeest une compétence partagée entre les com-munes et l’agglomération. La Camy, qui est sur-tout compétente en matière d’emploi et d’in-sertion, exerce un rôle très important pourl’appropriation de l’équipement par la popula-tion du quartier. La construction du pôle estl’occasion de développer, en s’appuyant sur letissu associatif local (médiateurs de quartier,centres d’animation et de loisirs), desdémarches de gestion urbaine de proximité etde concertation avec les habitants : informa-tions sur la vie du chantier, réservations d’unquota d’heures de travail pour les personnesoriginaires du quartier… Bien au-delà, la Camya, dans le cadre de la gestion déléguée de

l’équipement, introduit de fortes exigences enfaveur de l’insertion. Ainsi, le délégataire dési-gné, l’Union nationale des centres sportifs deplein air (UCPA), recrutera du personnel issudu quartier, dans les domaines de l’entretienou de l’accueil en particulier. Des parcours d’in-sertion, ponctués de formations aux métiers dusport et de l’animation, sont également àl’étude entre l’UCPA et la mission locale duMantois, financée par la Camy. Enfin, il faut noterque la tarification qui sera appliquée pour l’ac-cès à l’équipement est très attractive afin de nepas exclure les habitants du quartier. La pra-tique du sport constitue pour les jeunes duquartier un outil d’insertion, déjà éprouvé avecle stade nautique. Cet effet doit encore êtreamplifié grâce au pôle aquatique… Enfin lesloisirs, la détente sont des éléments fédérateurs(cheminements piétons, cyclistes, aires de jeux,espaces verts adossés au pôle), favorisant lamixité, la convergence et les échanges entrehabitants.La conception de cet équipement, qui renforcel’attractivité du territoire, se veut ainsi exem-plaire. Une telle ambition a pu se concrétisergrâce à la mise en synergie de compétencescommunautaires diversifiées et à leur articula-tion avec les actions des autres acteurs impli-qués dans le projet de Mantes-en-Yvelines. Laconception architecturale, la mise en valeurenvironnementale s’appuient sur un projetsportif intégré à un projet urbain et social ambi-tieux. Tout ce travail est avant tout mis au ser-vice des enjeux de mixité sociale.

Propos recueillis par Agnès Parnaix et Claire Peuvergne

(1) La voirie d’intérêt communautaire est une compétencefacultative de la Camy. Plusieurs critères d’intérêt commu-nautaire ont été définis, parmi lesquels : permettre la desserted’un équipement d’agglomération, la liaison entre au moinsdeux communes, le contournement des zones urbaines.

53

© A

genc

e Se

arch

Implanté symboliquement au Val Fourré, le pôle aquatique, outil sportif, est aussi un instrumentd’intégration sociale, urbaine et paysagère.

IAU île

-de-F

rance

Page 56: Equipements et services : la métropole au quotidien

54

Les Cahiers – Votre commune a enregistréune forte croissance démographique cesdernières années. Quelle a été son actionen matière d’équipements?Brigitte Vergnaud – La création d’un quartierrésidentiel a rendu nécessaire la constructiond’une école, calibrée selon les prévisions desservices de l’Inspection académique. Mais l’ac-croissement de la population n’est pas le seulmoteur de la politique municipale en matièred’équipements.Sébastien Podevyn – La ville de Pontault-Com-bault se caractérise par sa polycentralité. Bâtieà partir de trois anciens villages, elle s’articuleaujourd’hui autour de quatre centres urbainsdistincts. Les habitants sont attachés à leur quar-tier. C’est pour faire perdurer la vie de ses quar-tiers que la ville s’attache à équilibrer la répar-tition géographique des équipements, de sorteque les habitants puissent trouver à proximitéde chez eux les services urbains fondamen-taux. Cet équilibre existe dans les domaines del’accueil des jeunes enfants et des personnesâgées, de l’éducation, du sport, et des com-merces. En revanche, l’offre culturelle était,jusqu’à récemment, concen-trée au nord de la ville. L’ou-verture en janvier 2010 del’espace culturel Les passe-relles au sein du vieux Pon-tault a permis de la rééquili-brer. Outre une salle despectacle et une médiathèque, plusieursespaces aménagés sont dédiés aux pratiquesmusicales de la population.

L. C. – Quels sont les besoins qui restentà satisfaire?S. P. – Aujourd’hui, le niveau d’équipement dela ville de Pontault-Combault est très satisfai-sant. C’est ce qui fonde l’attractivité résidentiellede ce territoire et qui explique des prix immo-biliers parmi les plus élevés du département.Des besoins spécifiques peuvent ne pas êtresatisfaits : dans le domaine sportif par exemple,une piste d’athlétisme fait encore défaut ; maisla priorité a été donnée à des équipements obli-gatoires (l’école) ou destinés à un large public(le centre culturel). La commune dispose d’unepiscine, d’un cinéma indépendant et d’une mai-son de la justice et du droit. Deux futurs équi-pements devraient bientôt compléter cetteoffre : un centre de santé, mutualisé avec la villevoisine de Roissy-en-Brie, et un nouveau centrecommercial au sud de la commune.

B. V. – La croissance démographique sera limi-tée dans les prochaines années : dans le cadredu plan local d’urbanisme en révision, les ter-rains encore urbanisables seront consacrésprioritairement au développement d’activitéséconomiques. Aucun nouveau besoin en équi-pement n’en résultera. À la politique de bâtis-seur, qui a longtemps prévalu à Pontault-Com-bault et qui explique le niveau importantd’équipements, succède maintenant une poli-tique de gestionnaire, visant à améliorer et met-tre en cohérence l’offre de services existante.L’accent est déjà mis sur la qualité des servicesrendus : classes de découvertes, personnelsd’encadrement supplémentaires, soutien auxactivités culturelles et sportives pour les écoles,programmation culturelle ambitieuse.

L. C. – Sur quels dispositifs opérationnelset partenariaux la commune s’est-elleappuyée pour réaliser ses équipements?S. P. – Les extensions urbaines récentes de Pon-tault-Combault sont le fruit d’un urbanisme deprojet, sans recours à des outils opérationnelstraditionnels comme la zone d’aménagement

concerté (Zac) parexemple. Une fois mon-tés, les projets sont pré-sentés aux conseils géné-ral et régional et fontl’objet d’une négociationdirecte, hors politiques

de contrat. Région et Département ont toujoursapporté une contribution financière à la réali-sation des équipements, y compris scolaires,dans le cadre de leur clause générale de com-pétence et dans des proportions variables. Unsoutien du département au fonctionnement dunouveau centre culturel est même prévu.Préalablement à l’instauration de la commu-nauté d’agglomération avec Roissy-en-Brie enjanvier 2010, les deux communes fondatricesavaient déjà mis en œuvre des actions com-munes, comme la réalisation et la gestion,depuis 1996, du complexe sportif et aquatiquedu Nautil. Parmi les compétences optionnellesprises en charge figurent les équipements cul-turels et sportifs et l’action sociale ; la santé, lavalorisation de l’environnement et l’accueil desgens du voyage ont été retenus comme com-pétences facultatives.

Propos recueillis par Corinne de Berny,Carole Delaporte et Catherine Mangeney

Sébastien Podevyn est adjointau maire de Pontault-Combaultchargé de la culture.

Brigitte Vergnaud est adjointechargée de l’enfance et de l’éducation.

Située sur la frange ouest de la Seine-et-Marne, et desservie par une gare du RER E, la ville de Pontault-Combault compte environ34000 habitants en 2010. Elle a connu une très fortecroissance démographique au cours des vingt dernièresannées (+ 8000 habitantsentre 1990 et 2007).Elle présente un bon niveaud’équipements, nombreux,divers et de qualité. L’enjeu actuel de la communeest le rééquilibrage entre les différents quartiers.Depuis le 1er janvier 2010, la ville de Pontault-Combaultest membre de la communautéd’agglomération de La Briefrancilienne, qu’elle a fondéeavec Roissy-en-Brie.

Vers une répartition plus équilibréedes équipements à Pontault-Combault

Interview

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

C. D

elap

orte

/IAU

îdF

»C’est pour faire perdurer la vie de ses quartiers que la ville

s’attache à équilibrer la répartition géographique

des équipements. «

IAU île

-de-F

rance

Page 57: Equipements et services : la métropole au quotidien

55

Les Cahiers – Comment le départementintervient-il en matière d’équipements et de services à la population?Coralie Deshaies – Le département intervienten accompagnement des projets portés par lescollectivités, sauf pour les collèges et les routes.Les autres équipements s’inscrivent dans sapolitique de développement local, qui prendla forme de contrats pluriannuels. Comme l’in-tercommunalité est encore peu structurante enSeine-et-Marne, le département s’est appuyé surdeux types de contrats, communaux et inter-communaux. Parmi les premiers, deux sont cofi-nancés par la Région : le contrat rural, quis’adresse à des communes de moins de 2 000habitants et porte essentiellement sur la remiseà niveau du patri-moine, et le contratrégional, qui porte surles équipements spor-tifs. Deux autres sontpropres au départe-ment : le contrat Caducé s’adresse aux villes etrépond à des objectifs d’aménagement urbain,et le contrat Contact aux communes intermé-diaires qui connaissent des besoins d’équipe-ments. Né il y a une dizaine d’années, le contratlocal d’aménagement intercommunal rural(Clair) avait pour première vocation d’aider àstructurer l’intercommunalité dans les zonesrurales, et il y est parvenu. Son objectif est laremise à niveau des équipements à l’échelledes bassins de vie ruraux. Enfin, dernière géné-ration contractuelle, le contrat départementalde développement durable (C3D) s’adresse àdes agglomérations déjà équipées et porteusesd’une stratégie de développement écono-mique. Il est proposé aux territoires sortis d’uncontrat Clair, qui souhaitent poursuivre unenouvelle forme de contractualisation. La quasi-totalité du département est désormais couvertepar des contrats intercommunaux.

L. C. – Quels sont les principaux besoinsd’équipements identifiés dans lescontrats Clair?C. D. – En Seine-et-Marne, trois principales thé-matiques ressortent des contrats Clair : la petiteenfance, le transport et la santé. Les élus fontde la petite enfance une priorité. Le départe-ment les encourage à étudier d’abord lesbesoins : les places des assistantes maternellessont-elles toutes occupées ? L’outil le mieuxadapté en milieu rural est souvent le relais assis-tantes maternelles (Ram), complété par des

halte-garderies itinérantes et quelques micro-crèches. La deuxième thématique récurrenteconcerne les transports, notamment le trans-port à la demande, et le rabattement sur lesgares. La troisième, émergente, porte sur lesquestions de santé. Le département est trèsaffecté par la diminution du nombre de méde-cins généralistes : d’un côté, il accueille unepopulation vieillissante, et de l’autre, des popu-lations nouvelles qui ont des attentes fortesdans ce domaine. Depuis peu, une bourse estproposée aux étudiants en médecine encontrepartie d’un engagement à exercer cinqans sur le territoire. Le département souhaiteaussi engager une réflexion sur les maisonsmédicales, pour lesquelles les demandes

locales se multiplient.Sa participation à l’in-vestissement doit êtreconditionnée à lasignature d’une chartede qualité entre les dif-

férents partenaires. Un schéma départementalpourrait être établi.Le département accompagne les territoirescandidats à un contrat Clair en créant un posted’agent de développement local financé à 80 %pendant trois ans. Un réseau d’agents s’est ainsiconstitué, animé par le département.

L. C. – Quelles sont les perspectives du département pour les prochainesannées?C. D. – La Seine-et-Marne s’est dotée d’un projetde territoire qui prévoit la territorialisation deses actions. Elle a initié de nombreux dispositifscontractuels, dont l’analyse des effets est sou-haitable, au bout de dix ans, dans la perspectivede leur refonte. Cette réflexion gagnerait à êtremenée avec le conseil régional, qui partage lesmêmes ambitions, inscrites au Sdrif : encoura-ger un aménagement durable, éviter le décro-chage de certains territoires, ou leur dévelop-pement anarchique (notamment à proximitéde la ville nouvelle et du futur Village nature).Le département souhaite continuer à s’appuyersur une politique contractuelle, à traverslaquelle les collectivités apportent leur connais-sance fine des enjeux locaux, et le départementcelle des enjeux départementaux et régionauxqui peuvent les impacter, et donner une ambi-tion nouvelle aux projets.

Propos recueillis par Corinne de Berny et Carole Delaporte

Coralie Deshaies est directricechargée de l’aménagement et du développement des territoires au conseilgénéral de Seine-et-Marnedepuis janvier 2010.

Avec une densité moyenne de 202 habitants au km2, la Seine-et-Marne est le département le plus rurald’Île-de-France. C’est aussicelui qui connaît le plus fortdynamisme démographiquedepuis 1975. La structurationde bassins de vie autour d’une offre d’équipements et de services cohérente constitueun axe fort de la politiquedépartementale.Le contrat local d'aménagementintercommunal rural (Clair) est un dispositif contractuel signéentre le conseil général et unregroupement de collectivitéscorrespondant à un bassin de vie rural. Il a pour objectifd’accompagner ledéveloppement des secteurs à dominante rurale. Ce contratde cinq ans permet, sur la basedes enjeux et objectifsd’aménagement exprimés dans le projet de territoire, de financer à l’échelleintercommunale des actionsd’investissement et defonctionnement qui répondentaux besoins des habitants et ne pourraient voir le jour à l’échelle communale.

Politiques contractuelles, quel rôledans l’équipement des territoires?

Interview

C. D

elap

orte

/IAU

îdF

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»En Seine-et-Marne, trois principales thématiques ressortent

des contrats Clair : la petite enfance, le transport et la santé. «

IAU île

-de-F

rance

Page 58: Equipements et services : la métropole au quotidien

Bien que difficiles à quantifier, les exter-nalités des universités sur les territoiresne sont plus à démontrer. Les collectivi-

tés, et notamment les grandes agglomérationssavent bien que pour atteindre le rang demétropole elles doivent s’afficher comme degrandes villes universitaires. Mais, en France,contrairement à d’autres pays, les universitésne sont pas perçues comme des acteurs «natu-rels » de l’aménagement. De fait, leur engage-ment dans le développement local et leur inté-rêt pour l’aménagement des territoires sont trèsrécents. Cette attention nouvelle des universitéspour leur territoire résulte à la fois de l’affirma-tion de leur rôle dans la nouvelle économie etde la « longue marche des universités » fran-çaises à devenir des organisations de référencepour l’action [MUSSELIN, 2001]. Depuis leur créa-tion en 1968(3), elles se sont progressivementimposées comme intermédiaire entre leurscomposantes et le ministère, capables d’élabo-rer et de porter des politiques d’établissementet peut-être aujourd’hui des stratégies de déve-loppement. Comme premier gage d’un chan-gement en cours, l’opération Campus donnel’initiative aux établissements pour monter desprojets d’aménagement universitaire. Elle estalors l’occasion, pour ces nouveaux protago-nistes, de mobiliser l’ensemble de leurs parte-naires académiques et scientifiques, mais aussiterritoriaux et économiques, autour d’un projetcommun, qui dépasse parfois l’enjeu stricte-ment universitaire pour embrasser une stratégiede développement de l’agglomération, voire de

la région. C’est le cas, par exemple, du pôle derecherche et d’enseignement supérieur (PRES)de l’université de Lyon qui, au-delà de l’opéra-tion Campus, réalise avec la communautéurbaine un schéma de développement univer-sitaire (SDU) à l’échelle du Grand Lyon. Maisles universités françaises doivent trouver leurplace et leur légitimité dans un domaine d’ac-tion qu’elles connaissent mal. Aussi n’est-il pas inutile d’observer le compor-tement d’universités étrangères qui, comme auxÉtats-Unis, s’engagent dans la vie locale, amé-nagent, réhabilitent des quartiers ou même sepositionnent comme des acteurs stratégiquesdes métropoles.

Quatre raisons pour l’université d’être un acteur urbain

S’agrandirLa recherche de nouveaux locaux ou leuradaptation aux pratiques d’enseignement et derecherche actuelles sont des difficultés aux-quelles quasiment toutes les universités sontconfrontées. Pour répondre à ce besoin, l’uni-

AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

L’université aménageuse : le « rêve américain»?

L’opération Campus est peut-être unpremier pas vers une plus grandeimplication des universitésfrançaises dans l’aménagementmétropolitain, à l’instar des universités américaines. Ici, le campus George-Washington.

Après les plans U2000 et U3M,l’opération Campus remet en avant les questions relatives à l’aménagementdes sites universitaires. Le rôle des universités dans le développementdes villes est interrogé, alors qu’ellesprennent leur autonomie et que ladévolution de leurs biens immobiliers pourrait devenir une réalité(2). Cet article questionne les enjeux, la légitimité et la capacité des universités françaises et américainesà mener des projets urbains.

Hélène Dang VuUniversité Paris Est(1)

56

Cour

tesy

of G

WU

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Lab’Urba.(2) L’université Pierre et Marie Curie initie le mouvement enétant la première à demander à devenir propriétaire deslocaux qu’elle occupe en février 2010.(3) L’université devient personnalité morale et juridique avecla loi Faure du 12 novembre 1968. Auparavant, il n’y avait pasde niveau intermédiaire entre le ministère et les facultés. Leterme d’université était employé pour désigner l’ensembledes facultés d’une même ville, mais il ne correspondait pasà une réalité ni juridique ni organisationnelle.

IAU île

-de-F

rance

Page 59: Equipements et services : la métropole au quotidien

versité de Columbia à New York projette parexemple d’aménager un nouveau site de septhectares dans West Harlem, juste au nord deson campus d’origine, autrement dit dans uncontexte urbain extrêmement dense aux fonc-tions multiples et aux enjeux intenses. Plus queconstruire un nouveau campus, elle souhaiteréhabiliter ce quartier, anciennement industrielet encore populaire du nord de Manhattan.Outre la construction de bâtiments acadé-miques, sont aussi prévus l’implantation denouveaux commerces, la création de loge-ments, ainsi que le réaménagement desespaces publics, la rénovation des façadeslorsqu’elles sont conservées. L’université portedonc un projet qui dépasse la dimension ducampus pour endosser le rôle d’aménageur etde promoteur. C’est en tant que tel que les com-munautés locales interpellent l’universitélorsqu’elles l’accusent de «gentrifier(4) » le quar-tier. Les résidents craignent que ce projet deréhabilitation de West Harlem ait des effets infla-tionnistes sur le marché immobilier et les obli-gent à quitter le quartier. Regroupés en associa-tions, ils manifestent, alertent les médias, fontpression sur les élus pour bloquer l’extensionde l’université.

S’assurer la pax urbanaLes universités nord-américaines tentent évi-demment d’éviter ces conflits, qui retardentleurs projets de développement, en ménageantles acteurs locaux. Pour être perçues commede « bons voisins », elles ouvrent certains deleurs services aux communautés locales, parti-cipent à des actions culturelles ou d’éducation.Certaines, comme l’université George Washing-ton, consultent même les communautés localespour élaborer leur plan de développement. Ens’engageant de la sorte, elles atténuent aussil’animosité d’autorités locales qui, parfois, pré-fèreraient accueillir des résidents électeurs oudes entreprises plutôt que des non profit orga-nisations, exemptées de la plupart des taxeslocales. Le district de Columbia exerce ainsirégulièrement des pressions sur l’universitéGeorge Washington pour qu’elle déménage ducœur de la capitale vers des sites périphériquesmoins enviés. L’action des universités auprèsdes communautés locales est donc unemanière de compenser ce déficit fiscal et d’êtreen meilleure posture pour négocier leurs pro-jets de développement, obtenir des dérogationsde zoning, permis de construire, etc. Certaines grandes universités n’hésitent pas àacheter cette pax urbana en payant directe-ment une contribution à la ville, telle l’univer-sité de Harvard qui verse chaque année à laville de Boston près de 1,5 million de dollars[MARTEL 2006].

Soigner son image pour être attractiveLes universités ont aussi intérêt à s’engagerpour les quartiers environnant leur campus carils constituent le cadre de vie de leur proprecommunauté. L’université de Pennsylvanie àPhiladelphie a ainsi mené une politique de«revitalisation(5) » du quartier populaire de WestPhiladelphie à la fin de la décennie 1990 carla dégradation des conditions de vie dans cequartier avoisinant son campus commençait àporter préjudice à son image. Les actionsmenées furent multiples. Pour lutter contre l’in-sécurité, le nombre de postes de vidéosurveil-lance a été augmenté et des points relais assu-rés par les étudiants. Pour valoriser le quartier,des manifestations culturelles ont été organi-sées de manière à inviter de nouvelles popula-tions à se rendre dans le quartier. L’université aaussi incité sa communauté à s’installer dansle quartier pour brasser les classes sociales eninvestissant notamment dans les écoles pri-maires et en menant des campagnes de pro-preté de l’espace public et d’entretien des mai-sons. Aujourd’hui, l’université de Pennsylvaniecontinue à se positionner comme un acteururbain mais plutôt d’échelle métropolitaine. Leplan de développement qu’elle a rédigé en2006 associe les enjeux universitaires et métro-politains tout en les inscrivant dans les logiques

57

© E

ileen

Bar

roso

/Col

umbi

an U

nive

rsity

Offi

ce o

f Pub

lic A

ffairs

L’université de Columbia à New Yorkprojette d’aménager un nouveausite de sept hectares dans WestHarlem, en intégrant commerces,logements et réaménagement des espaces publics.

(4) Le terme de « gentrification » est celui employé par l’as-sociation de résidents de West Harlem Coalition to PreserveCommunity (CPC), mobilisée contre le projet de l’universitéde Columbia.(5) Le terme est emprunté à Judith Rodin (2007), présidentede l’université de Pennsylvanie entre 1994 et 2004.

© 2

007-

2010

Uni

vers

ity o

f Pen

nsyl

vani

a/ww

w.pe

nnco

nnec

ts.u

penn

.edu

/All

Righ

ts R

eser

ved

Plan d’aménagement du campus de l’université de Pennsylvanie

Le plan d’aménagement du campus de l’université de Pennsylvanie prévoit la création d’espaces publicset de nouvelles liaisons pédestres, automobiles et cyclistes. En rouge vif, les projets de rénovation ou de construction neuve.

IAU île

-de-F

rance

Page 60: Equipements et services : la métropole au quotidien

et les dynamiques de la conurbation de la côteEst des États-Unis.

S’autofinancerEnfin, pour financer ces projets de développe-ment, certaines universités américaines se lan-cent dans des opérations immobilières lucra-tives. L’université George Washington faitactuellement appel à un promoteur privé pourconstruire un complexe commercial, résiden-tiel et de bureaux sur un terrain de 7800 m2 quilui appartient, situé idéalement à dix minutesà pied de la Maison Blanche, juste à la sortied’une bouche de métro. Le promoteur loue leterrain à l’université pour un bail de 69 ans surlequel il construit le complexe commercialqu’il exploitera. L’université bénéficie ainsid’une rente régulière qui permet de financerune partie de son plan de développement phy-sique (13 hectares de bâtiments académiqueset 1000 lits). Bien que risqué(6), ce type de mon-tage est de plus en plus adopté par les univer-sités nord-américaines car il permet non seu-lement de bénéficier d’une source de revenusmais également, de contenter les autoritéspubliques qui, grâce à ces activités lucratives,perçoivent de nouvelles ressources fiscales.Ces quatre enjeux pour lesquels les universitésaméricaines sont amenées à jouer le rôle devéritables « développeurs urbains » [PERRY, WIE-WEL, 2005] pourraient être partagés par les uni-versités françaises. Mais à quel point ces pra-tiques sont-elles transposables en France ?Évidemment, les budgets des universités fran-çaises n’atteignent pas les montants de ceuxdes universités les plus prestigieuses des États-Unis. Cependant, cela ne suffit pas à expliquerles différences de posture. Sans promouvoir desaménagements d’envergure, certaines actionsportées par les universités américaines, commel’ouverture de services et de soins pour lescommunautés locales, n’exigent pas de

dépenses rédhibitoires. Plus avant, c’est doncla définition du rôle de ces acteurs qui diffère,ainsi que la légitimité des organismes auto-nomes et privés à agir sur l’espace public. C’estdonc le cadre même de l’action publique etses acteurs légitimes qui sont à questionner.

L’université privée américaine : un développeur urbain sans complexeAux États-Unis, l’action publique n’est pas ledomaine réservé des autorités publiques. Aucontraire, les acteurs privés n’hésitent pas inter-venir directement sur l’espace public. Les uni-versités, comme toute autre organisation ougroupe d’intérêt, ont la légitimité d’intervenirsur la ville et elles en sont d’ailleurs de trèsimportants développeurs. Elles interagissentdirectement avec l’ensemble des parties pre-nantes, comme n’importe quel autre acteurindépendant, et les instances publiques nejouent pas particulièrement le tampon entreles groupes d’intérêt. Les autorités publiquestranchent le débat au final, par exemple en déli-vrant ou non les permis de construire, maiselles ne le mènent pas directement. L’approchede l’action publique diffère donc complète-ment de celle de la France puisqu’elle émanede la confrontation des intérêts particuliers.C’est une approche décentralisée et relative del’intérêt général : il n’y a pas un intérêt unanimemais un ensemble contrasté d’intérêts multipleset divergents. Ce cadre d’action donne toute lalégitimité aux universités pour agir sur leur envi-ronnement.Plus encore, le statut des universités les obligeà agir dans l’intérêt général. Tout comme lesmusées, les orchestres et les hôpitaux privés àbut non lucratif, les universités privées améri-caines sont classées comme des associationsdites «501c3», en référence au code des impôtsaméricain qui traite des activités caritatives,scientifiques et éducatives. Pour obtenir ce sta-tut, il faut que les bénéfices réalisés soient direc-tement réinvestis dans les infrastructures oudans l’endowment(7) et que les organisationspoursuivent une mission d’intérêt général. Fré-déric Martel explique que les organisations nonprofit appartiennent à « l’économie sociale», ungenre mixte et hybride, mi-public, en raison ducaractère d’intérêt général des activités de cesorganisations, mi-privé en raison de son fonc-tionnement. Ce statut offre un privilège fiscaltrès avantageux puisqu’il soustrait les organisa-tions à l’impôt fédéral sur le revenu et à l’impôtde l’État sur les sociétés. Elles sont aussi exemp-

58

L’université aménageuse : le « rêve américain»?AgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

L’université de Pennsylvanie a mené une politique de revitalisation du quartierpopulaire de West Philadelphie,avoisinant son campus.

© A

ll rig

hts

rese

rved

by

Univ

ersi

ty C

omm

unic

atio

ns –

Web

(6) En 2007, l’opération immobilière de l’îlot Voyageur,contractée avec le promoteur Busac, a bien failli mettre enfaillite l’université du Québec à Montréal (UQAM).(7) C’est un capital placé en Bourse et dont seuls les intérêtssont utilisés chaque année. Aux États-Unis, les non profit orga-nisations possèdent pratiquement toutes un endowment.

IAU île

-de-F

rance

Page 61: Equipements et services : la métropole au quotidien

tées d’impôts fonciers locaux et ne payent pasles sale taxes(8). Enfin, énorme avantage, ce sta-tut leur permet de recevoir des dons, qui sontpour les donateurs déductibles des impôts, cequi dynamise particulièrement le marché desdonations. Ces avantages fiscaux exceptionnels expliquentpourquoi les universités américaines mènentdes actions d’intérêt général et pourquoi lesattentes des acteurs extérieurs, en particulierdes résidents et des autorités publiques, sont sifortes. Non seulement l’université a la légitimitéd’agir sur le domaine public, mais elle a ledevoir, de par son statut juridique et fiscal, d’êtresocialement responsable.L’engagement des universités dans le dévelop-pement urbain tiendrait donc à deux condi-tions : l’acteur et le contexte. Si les universitésprivées américaines sont des développeursurbains sans complexe, c’est qu’elles sont,d’une part, maîtresses de leur développementen tant qu’organisation autonome et, d’autrepart, qu’elles ont, plus que la légitimité, le devoirde s’engager dans la vie locale et même de par-ticiper à l’aménagement de leur ville. EnFrance, la situation n’est pas aussi nette. Les uni-versités sont en passe de prendre leur autono-mie mais elles ne savent pas dans quellesconditions tandis que leur légitimité en tantqu’aménageur n’est pas encore acquise eninterne comme à l’externe.

Les défis des universités françaisesEn France et contrairement aux États-Unis, ladichotomie acteurs publics et privés est trèsforte. En dépit de la crise de légitimité décritepar certains analystes [WORMS, 2005], l’État etles collectivités élues sont encore considéréscomme les meilleurs « instruments de la soli-darité » [RANGEON, 1986], tandis que les organi-sations autonomes et privées sont toujours sus-pectées de privilégier les intérêts particuliersau détriment des intérêts collectifs. Elles parais-sent, en conséquence, peu légitimes pour porterdes actions de portée générale comme il estattendu des projets d’aménagement. Toutefois,les cadres de l’action publique évoluent et lais-sent de plus en plus la place à de nouveaux« joueurs ». En effet, la généralisation du projetcomme mode de production de la ville, conju-guée à l’accélération des agendas urbains, fontémerger de nouveaux acteurs urbains auto-nomes et privés [PINSON 2006].Faut-il encore que les universités aient les capa-cités d’assumer un tel rôle. Pour passer du dis-cours à l’acte, il leur faut acquérir des outils etdes compétences pour maîtriser les opérationsqu’elles souhaitent porter. À l’occasion de l’opé-ration Campus, des équipes ad hoc ont étécréées au sein des pôles de recherche et d’en-

seignement supérieur (PRES), et d’universités.Elles mériteraient d’être pérennisées à l’instardes services immobiliers des grandes universi-tés américaines car les défis sont nombreux.Sans être exhaustifs, notons comme difficultésmajeures qu’elles héritent d’un parc immobilieren partie délabré et fortement dispersé, qu’ellesméconnaissent, tout comme leur tutelle, les sur-faces réelles dont elles disposent et encoredavantage la manière dont ces locaux sont uti-lisés [COUR DES COMPTES, 2009]. Les interlocuteursdes universités en charge de ces projets immo-biliers et d’aménagement sont, en outre, extrê-mement diversifiés. Ils fonctionnent chacunselon des modalités propres, sont soumis à descalendriers multiples, ce qui n’aide pas unacteur aussi novice que l’université à élaborerune politique globale pour se positionner etagir comme un acteur stratégique métropoli-tain.Malgré ces difficultés, l’engouement que l’opé-ration Campus a suscité auprès des établisse-ments montre leur désir de s’engager dans cesens. Il est, par contre, fort à parier que dans laphase opérationnelle les universités ne tien-dront pas les mêmes rôles car des profilscontrastés se dégagent déjà. Le projet de cam-pus du plateau de Saclay est largement pilotépar l’État et est contraint plus qu’ailleurs par lemorcellement du système d’acteurs territo-riaux, laissant peu de marges de manœuvre auxétablissements. D’autres opérations à Montpel-lier, Lyon ou Strasbourg ont été, en revanche,bien plus investies par les universités et embras-sent davantage une vision métropolitaine. Lafragmentation du système d’acteurs en Île-de-France, ainsi que le caractère concurrentiel deson système universitaire, et la proximité géo-graphique des établissements avec les pouvoirscentraux sont autant de facteurs limitant lepositionnement des universités comme unacteur stratégique des territoires. En raison decette complexité francilienne, un établissementpublic d’aménagement universitaire pour larégion (Epaurif) a été créé en juin 2010 pourdevenir l’interlocuteur unique de l’ensembledes acteurs engagés dans les projets, les aiderà monter ces projets, à rationaliser le parcimmobilier et, pour les établissements qui lesouhaiteraient, à devenir propriétaires de leurpatrimoine. D’autres outils devront certaine-ment être inventés pour que les universités pas-sent du statut d’agent à celui d’acteur urbain.Mais si les incertitudes demeurent nombreusesà ce sujet, les universités françaises montrentde réelles appétences à jouer ce rôle, cequ’elles n’avaient que très peu, voire jamaisexprimé avant l’opération Campus.

59

Références bibliographiques

• COUR DES COMPTES, «La gestion de leurpatrimoine immobilier par lesuniversités», dans Rapport public annuel2009, p. 439-477.

• MARTEL Frédéric, De la culture enAmérique, Paris, Gallimard, 2006.

• PERRY David C., WIEWEL Wim, Theuniversity as urban developer: case studiesand analysis, New York, M.E. Sharpe,2005.

• PINSON Gilles, «Projets de ville etgouvernance urbaine. Pluralisation desespaces politiques et recompositiond’une capacité d’action collective dansles villes européennes» Revue françaisedes sciences politiques, n° 56, 2006.

• RANGEON François, L’idéologie de l’intérêtgénéral, Paris, Economica, 1986.

• RODIN Judith, The university and urbanrevival: out of the ivory tower and into thestreets, Philadelphia, University ofPennsylvania Press, 2007.

• WORMS Jean-Pierre, «Crise de légitimitédes élites gouvernementales et politiquesfrançaises et conditions d’unerefondation de la république», Revue duMauss, n° 26, 2005.

Les universités françaises montrentde réelles appétences à jouer un rôle d'acteur urbain.Ici, l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, la première en février 2010 à vouloir devenir propriétaire de seslocaux.

UPM

C Pi

erre

Kitm

ache

r

(8) Les sale taxes sont une sorte de taxe sur la valeur ajou-tée.

IAU île

-de-F

rance

Page 62: Equipements et services : la métropole au quotidien

60

Les Cahiers – Pouvez-vous retracer le processus qui a conduit à la réalisationde ce musée d’un genre nouveau?Laurent Le Bon – Ce type de projet n’est passi nouveau. Au contraire, il s’inscrit dans la tra-dition du décret Chaptal (1801), qui a créé lesgrands musées en région.Dès 1977, à la création du Centre Pompidou deParis, la collection nationale, basée dans ce nou-veau monument à Paris, devait irriguer le terri-toire national par une politique de prêts ou decirculation des expositions qui fonctionna avecsuccès. En 2000, Jean-Jacques Aillagon(1) sou-haita pérenniser cette politique en créant cequ’on appelait encore une « antenne ». Le Gug-genheim Bilbao était ouvert depuis trois ans. Etnous avions un autre modèle en référence,celui des Tate britanniques.Le choix du site s’est fait de manière plutôtempirique, en fonction des terrains disponibleset de la volonté de collectivités locales de por-ter le projet dans sonensemble. C’est avec laville de Metz et la com-munauté d’aggloméra-tion de Metz Métropoleque cela s’est joué aufinal. La réalisation fut assez rapide, puisque sixans se sont écoulés entre le lancement duconcours et l’inauguration.

L. C. – Ce musée est bâti dans une fricheferroviaire, à l’entrée d’un quartiernouveau. Quel rôle joue-t-il dans ladynamique urbaine?L. L. B. – Le Centre Pompidou-Metz n’est pasun « Ovni ». Il se situe à proximité du quartierallemand, à quelques minutes à peine de lagare où arrivent les TGV et les TER. L’idée duprojet, c’est de faire du musée une « tête depont», avec son identité propre. Il est censé êtreun peu l’icône du quartier en développement.Et il s’inscrit dans une logique urbaine pluslarge, en lien avec d’autres équipements struc-turants situés à proximité, comme les Arènes,bâties par Chemetov dans le parc de la Seille,ou encore le projet de centre de congrès.Enfin, le musée a été conçu comme un outil delecture de la ville. Ses trois galeries superposéessont des moyens d’observer les différentesépoques urbaines. Ainsi, la première galerieregarde-t-elle la ville de demain, et notammentle quartier en construction. La deuxième estdirigée vers la gare de voyageurs, c’est-à-dire lequartier allemand, la ville du XXe siècle. Enfin,

la troisième galerie donne sur la cathédralemédiévale de Metz.Cette insertion locale se traduit aussi par unepolitique de participation à des événementsculturels dans la ville et dans la région.

L. C. – À quelles échelles territorialestravaillez-vous pour construire le rayonnement de ce musée?L. L. B. – Nous travaillons à plusieurs échelles.Aujourd’hui, près de 80 % de nos visiteurs sontLorrains et, parmi eux, un certain nombre depersonnes n’avait jamais visité de musée aupa-ravant. Le musée compte déjà 15 000 abonnés.Cela signifie à la fois une très bonne appropria-tion par le public local, et une véritable démo-cratisation culturelle. En revanche, les visiteursextérieurs sont encore peu nombreux.L’enjeu est donc, à la fois de faire revenir lepublic local, par une diversification de l’offre(programmes du soir, spectacles, etc.), et de

faire venir de nou-veaux publics, pluslointains. C’est impor-tant pour nous, maisaussi pour l’animationlocale. Les commer-

çants locaux annoncent depuis l’ouverture dumusée une augmentation de leur chiffre d’af-faires de 30 % à 40 %. Ils se sont, d’ailleurs, pro-gressivement adaptés aux attentes du public,par exemple en maintenant leur activité ledimanche.

Propos recueillis par Emmanuel Blum et Corinne de Berny-Riche

(1) Il était alors président du Centre Pompidou.

Laurent Le Bon, Commissaired’exposition et conservateur, est directeur du CentrePompidou-Metz depuis 2010,après avoir été conservateur en chef au Centre Pompidou de Paris.

Ce musée, bâti sur les plans de l’équipe du japonais ShigeruBan et du français Jean de Gastines, a ouvert ses portes en mai 2010. Le bâtiment de11000 m2 abrite le plus grandespace d’expositionstemporaires de France(5500 m2). L’accessibilité, la pluridisciplinarité, la transparence ont prévaludans sa conception.D’un coût d’environ 70 millionsd’euros, il a essentiellement été financé par les collectivitéslocales (communautéd’agglomération de MetzMétropole, conseil régional de Lorraine, conseil général de la Moselle, ville de Metz),avec une participation limitéedes fonds européens et de l’État. Son budget de fonctionnement, d’environ10 millions d’euros par an, est également majoritairementassuré par les collectivitéslocales.La fréquentation du musée a dépassé les 400000 visiteursen moins de six mois. Passél’effet nouveauté, l’objectifannuel que se fixent les acteurslocaux est d’environ200000 visiteurs.

Le Centre Pompidou-Metz, un équipement culturel porteur d’image

Interview

© M

artia

l Dam

blan

t

Équipements et services : la métropole au quotidienAgirLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

» Le Centre Pompidou-Metz, icône du quartier en développement,

porteur d’une véritable démocratisation culturelle. «

Le Centre Pompidou-Metz illustre le renouveaud’une région fortement marquée par son passémilitaire et industriel.

© S

hige

ru B

an A

rchi

tect

s Eu

rope

et J

ean

de G

astin

esAr

chite

ctes

, ave

c Ph

ilip

Gum

uchd

jian

Arch

itect

s po

ur la

conc

eptio

n du

pro

jet l

auré

at d

u co

ncou

rs/M

etz

Mét

ro-

pole

/Cen

tre P

ompi

dou-

Met

z/Ph

oto

Rola

nd H

albe

.

IAU île

-de-F

rance

Page 63: Equipements et services : la métropole au quotidien

Anticiper

61

Estimer les besoins des habitants pour les décennies à venirnécessite de bien anticiper les évolutions de comportementset de modes de vie des populations, en y intégrant les nouveaux usages du territoire et du temps. La prise en compte des opportunités offertes par les nouvellestechnologies est également indispensable pour apporter des réponses de qualité aux exigences des habitants. Mais cela doit aussi s’accompagner d’un travail d’évaluation des actions menées et des services rendus, d’un questionnement incessant des schémas de planification et d’une réflexion autour des questions de gouvernance. En tirant parti des expériences passées, la recherche de polyvalence, d’adaptabilité et de flexibilitédoit en outre conduire les projets.Ces réflexions prospectives s’accompagnent aussi d’un changement de lecture de la question de l’attractivitémétropolitaine. Il est désormais convenu que l’attractivitéd’un territoire ne se mesure pas uniquement en observantles « grands équipements » présents, mais en y ajoutant une évaluation de la qualité des services, en particulierpublics, qui y sont rendus. Cette conjonction des différenteséchelles devient garante de l’attractivité internationalecomme de la qualité de vie des habitants des territoires.

IAU île

-de-F

rance

Page 64: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’accès aux services demande de sedéplacer, de synchroniser son tempsavec les horaires d’ouverture des éta-

blissements qui en assurent l’offre. La vieurbaine ou suburbaine provoque une distancede plus en plus importante entre le lieu de tra-vail et le lieu d’habitation. On veut affirmer, ici,que les enjeux temporels, ceux qui relèvent del’accessibilité et de la mobilité, sont au cœurdu développement économique, social, écolo-gique de nos sociétés postindustrielles. Dès lors,il apparaît indispensable d’inscrire en amontd’une prospective des besoins en équipementset services des territoires une réflexion sur lesdimensions temporelles de leur accessibilité. Ilconvient, pour cela, d’appréhender les usageset les usagers, de mêler dans la démarche habi-tants-résidents, visiteurs et salariés non-rési-dents ; chaque public générant des demandesen matière d’équipements sportifs, sociaux, cul-turels de nature diverse sur des temps diffé-rents.

Modification profonde de la compositiondes temps sociaux et de leur articulationCette prise de conscience de l’importance desquestions temporelles au regard de l’aménage-ment du territoire résulte d’une profonde trans-formation du rapport entre les temps sociaux :un temps de travail professionnel divisé pardeux et une espérance de vie augmentée de40 % entre le milieu du XIXe siècle et le débutdu XXIe siècle [VIARD, 2002], engendrant uneextension du temps hors travail rémunéré sur

l’ensemble de la vie. Mais contrairement à cequi est parfois affirmé, il ne s’agit pas unique-ment de temps libre, d’un temps qui serait laisséà la discrétion des individus. Si le temps profes-sionnel est marqué par de fortes inégalités liéesà des conditions de travail très différenciéesqui se traduisent par des écarts substantielsd’espérance de vie selon la catégorie socialeet la nature de l’activité exercée(2), le temps horstravail est également porteur d’inégalités, sin-gulièrement entre les hommes et les femmesen raison d’une distribution asymétrique destâches domestiques et éducatives, mais aussientre catégories sociales (écarts de revenu,écarts de capital social, etc.).Ces inégalités tendent à être renforcées par lesévolutions qualitatives du temps de travail : unetendance lourde à la densification (dévelop-pement de la polyvalence, imbrication destâches) et à l’intensification (suppression/limitation des temps de pause, accélération desrythmes du travail) du temps de travail a puêtre observée au cours des vingt dernièresannées [FONDATION DE DUBLIN, 2007]. Cette évo-lution provoque des phénomènes de stress etaugmente les risques psychosociaux. D’unautre côté, la flexibilité du temps de travail s’estprofondément développée au cours des vingtdernières années à tel point qu’aujourd’hui seu-

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Prospective d’équipements et services : les enjeux temporels

Les politiques temporelles visent la concordance des tempsurbains et des temps sociaux, ainsiqu’une plus grande égalité socialedans les possibilités d’usage du temps. Ici, l’aménagement de Lyon Confluence intègre des usages et pratiques diversifiés.

S’interroger sur les besoins des populations en équipements et services à l’horizon 2020 ou 2030suppose d’appréhender la manière dont évolueront les comportements et les modes de vie, les pratiquesindividuelles et collectives, mais aussiles usages du territoire, du temps et de l’espace. Ainsi, nous voudrionsplaider ici pour la mise en œuvre d’un urbanisme temporel qui nous paraîtindispensable à une prospective des équipements et des services.

Jean-Yves Boulin(1)

CNRS

62

© H

erzo

g &

de

Meu

ron

– M

DP

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Jean-Yves Boulin est sociologue, chargé de recherche auCNRS, chercheur à l’Institut de recherche interdisciplinaireen sciences sociales (Irisso), université Paris Dauphine.(2) Il s’agit là d’un enjeu récurrent du débat sur la réformedes retraites.

IAU île

-de-F

rance

Page 65: Equipements et services : la métropole au quotidien

lement 37 % des salariés français sont enhoraires standards (horaires réguliers situés surla plage 8 h-18 h, connus à l’avance, sur cinqjours) [BUÉ, COUTROT, 2009]. Les autres travaillentsoit en horaires décalés, tôt le matin, tard le soir,soit durant la nuit (12 % des salariés en 2005),et/ou durant le week-end (30 % des salariés tra-vaillaient le dimanche en 2005 dont 13,5 % defaçon habituelle), soit en équipes, soit sur deshoraires changeants avec un faible délai de pré-venance.Ces transformations de la durée et de l’organi-sation du temps de travail, associées aux autresmutations, singulièrement celles qui touchentau travail des femmes et à la multiplication desménages bi-actifs et des familles monoparen-tales (cf. infra), génèrent des difficultés auregard de la vie quotidienne. Les constats dece point de vue sont éclairants : selon un son-dage TNS Sofres réalisé en 2003, 61 % des sala-riés avaient alors du mal à concilier leurs dif-férents temps de vie tandis que 67 % des cadressouhaitaient équilibrer vie professionnelle etvie privée. Des travaux empiriques semblentindiquer que les jeunes générations tendent àprivilégier les possibilités de développer unearticulation plus harmonieuse entre leurs dif-férents temps sociaux, notamment de façondynamique, sur l’ensemble du cours de la vie.

Urbanisation et transformation du système productifD’autres mutations à l’œuvre, depuis deuxdécennies, contribuent également de façonforte à la modification des modes de vie, desusages du temps, des pratiques quotidiennes.Elles sont de nature sociale, économique et cul-turelle, et incitent à penser que les rythmes tem-porels du territoire, ceux des services et deséquipements, ne peuvent plus être indexés uni-quement sur les horaires de travail mais doiventégalement tenir compte de la vie hors travail.Parmi celles-ci, nous retiendrons :• Le développement urbain et les phénomènes

associés de la ville diffuse et de l’étalementurbain qui génèrent des mobilités caractéri-sées par des distances plus longues et par lamultiplication des motifs de déplacement(travail, école, loisirs, consommation etc.). Cephénomène, qui s’est déroulé dans un tempsrelativement court, n’a pas été suffisammentsous-tendu par un développement correspon-dant (fréquences, conditions de transportnotamment en termes de confort, desserte deproximité) des transports en commun, eux-mêmes confrontés à une forte individualisa-tion des comportements de déplacement. Ils’ensuit notamment des phénomènes d’en-combrement et de pollution atmosphériquedus à l’usage croissant de l’automobile indi-

viduelle. Signe de la sensibilité croissante à ladimension temporelle, les distances sont deplus en plus souvent exprimées en temps.

• La transition des sociétés industrielles versdes économies de services et de la connais-sance dans lesquelles le temps joue un rôlestructurant puisque le service suppose unecoprésence, une coconstruction qui associele prestataire et le destinataire du service. Maisd’autres types de services soulèvent de mul-tiples problèmes, de par leur a-temporalité oudu fait qu’ils soient appelés à fonctionner encontinu, 24 heures sur 24, dans un contextede temps mondialisé. C’est le cas de nom-breux services aux entreprises (financiers,centres d’appels téléphoniques, etc.). Il en vade même du secteur des loisirs et de celui ducommerce, sujets à des demandes d’ampli-tude horaire plus large et surtout de celui, enplein développement, des services à la per-sonne qui concerne directement les collecti-vités locales(3) : les soins aux personnesâgées(4) ou les services d’accueil des jeunesenfants suscitent des horaires de plus en plusélargis, débordant largement sur la nuit ou leweek-end.

• Les modifications survenues dans les rapportsentre les genres, avec un nombre croissant defemmes intégrant le marché du travail(5),remettent de plus en plus fortement en ques-tion la division traditionnelle des tâches ausein des ménages (alors que deux tiers destâches ménagères continuent d’être assuméespar les femmes), dans la vie professionnelleet dans la société en général. Aujourd’hui,70 % des couples sont bi-actifs ce qui génèreune désynchronisation des temps conjugauxet des tensions fortes entre le temps du travailet le temps familial.

63

Les politiques temporelles locales, de quoi s’agit-il ?Les politiques temporelles locales, initiéespar les femmes italiennes au début desannées 1990, se sont diffusées en Francedepuis le tournant des années 2000[BOULIN, 2008]. Elles ont fait suite au constat que les contraintes temporellessont de plus en plus prégnantes dans les activités de travail comme dans cellesliées à la vie familiale ou à la vie sociale,c’est-à-dire celles du temps hors travail.L’urbanisme temporel, l’urbanistique des temps ou encore l’urbanismechronotopique [PAQUOT, 2010] s’interrogesur les pratiques, l’évolution des modes de vie et les usages qui seront faits duterritoire, mais aussi sur la manière dontse transforment les structures temporellesde la société et des individus, sur le hiatusexistant entre le temps des individus et l’organisation sociale du temps.Les politiques temporelles locales, encoreappelées politiques des « temps de la ville » s’affirment comme un axe de travail transversal qui fait du cadre de vie et des services aux habitants un desmoyens d’action d’une politique publiqueà part entière. La recherche deconcordance des temps urbains et des temps sociaux dépend de niveauxinstitutionnels différents (commune,communauté d’agglomération,département, région et État), et doitrépondre à des demandes d’ajustementstemporels entre obligations de la viequotidienne des citoyens et accessibilitéspatio-temporelle des équipements et des services urbains. Elle doit, également,répondre à des objectifs de solidarité et de lutte contre l’exclusion sociale à travers la mise en action concrète du concept d’accessibilité.

Les aménités urbaines doiventdésormais répondre à de nombreuxusages, qui peuvent varier selon la temporalité.C.

Dégr

emon

t/IA

U îd

F

(3) Ce secteur occupe aujourd’hui 1,2 million de salariés,dont 58 % sont des femmes de ménage, 31 % des assistantesmaternelles et 11 % des aides à domicile hors ménage (Cerc,2008).(4) 800000 personnes étaient dépendantes en 2000 et le Cercémet l’hypothèse qu’elles seront 1,2 million en 2040 (idem).(5) Selon l’Insee, le taux d’activité des femmes âgées de 25à 59 ans est passé de 60 % en 1975 à plus de 82 % en 2006(95 % pour les hommes de la même tranche d’âge). Lesfemmes représentaient 47 % de la population active françaiseen 2006.

IAU île

-de-F

rance

Page 66: Equipements et services : la métropole au quotidien

• L’individuation et la diversification croissantesdes modes de vie, notamment l’accroissementdu nombre de célibataires, de divorcés(6), deparents uniques, etc., affaiblissent la capacitéde résolution des problèmes par les « réseauxsubsidiaires » traditionnels (famille, voisins,etc.) et génèrent une demande forte de ser-vices. Par ailleurs, les rythmes collectifs et lestemps communs traditionnels tendent à sediluer (par exemple le dimanche et les acti-vités rituelles auxquelles il donnait lieu), tan-dis que d’autres temps collectifs et communs,souvent éphémères (les flash mobs, les apérogéants, les raves) ont émergé qui tendent àinstaurer une société qui fonctionne encontinu.

Une modification des représentationsporteuse de nouveaux usages et de nouvelles mobilitésCes modifications – plus de temps libre (oupour être précis, plus de temps hors travail nonrémunéré) et des structures temporelles mou-vantes et non homogènes selon les catégories –contribuent à modifier les représentations atta-chées aux différents temps sociaux ainsi qu’auxdifférentes séquences temporelles(7). Certes, letemps libre est très inégalement réparti selonle sexe, l’âge, la catégorie sociale [BOULIN, 2002],mais il joue désormais un rôle central dans lastructuration des identités individuelles et col-lectives des citoyens qui estiment ne pas avoirsuffisamment de temps pour leur famille et leurvie sociale et jugent que leurs structures tem-porelles sont encore surdéterminées par leurtemps de travail. Il convient de relier ces aspi-

rations au fait que, d’une part, le niveau d’édu-cation et la culture générale acquise tendent às’élever et que, d’autre part, et de façon corré-lative, les valeurs d’autonomie, de liberté ou desingularité sont en hausse tendancielle [OST,2003 ; MÜCKENBERGER, 2005]. Aujourd’hui, êtrecitoyen signifie participer activement à un nom-bre croissant d’activités qui demandent toutesdu temps et reposent sur la disponibilité de ser-vices et d’équipements : le travail, la vie domes-tique, les loisirs, la vie sociale, la consommation,la participation au débat public…Le temps hors travail participerait doncaujourd’hui de la construction des identitésindividuelles et collectives, conjointement autemps de travail, dans un équilibre que chacunindividuellement, mais aussi que la sociétédans son ensemble doivent construire, cocons-truire. Reste que le temps libre peut tout aussibien être subi et assimilé à un temps perdu, àun temps vide, dévalorisé : cela peut être le caspour le chômeur, le salarié en temps partielsubi, la femme inactive obligée de demeurerchez elle faute de trouver des modes de gardepour ses enfants, certains retraités. Mais cela estvrai également pour les individus qui ne peu-vent pas jouir pleinement de leur temps horstravail, soit du fait du poids excessif des tâchesdomestiques pour les femmes, soit du fait d’uneabsence d’opportunités due à une inadéqua-tion des horaires de fonctionnement des infra-structures socio-culturelles ou sportives(8), outout simplement de leur inaccessibilité spatiale(distances trop longues, absence de transport)ou économique (coût d’accès).Ainsi, la qualité et la disponibilité du temps ren-voient à plusieurs facteurs : le niveau de revenu,les agencements spatio-temporels des activitéshors travail qui conditionnent leur accessibilité,le système de valeurs et de représentations quicaractérise chacune des activités (les activitésdu temps libre sont-elles, à l’échelon de lasociété, inscrites dans les usages quotidiens,valorisées ou dévalorisées(9) ?). De ce point devue, jusqu’au début des années 1980, on pouvaitobserver une certaine homogénéité dans lescomportements qui unifiait les rythmes, y com-

64

Prospective d’équipements et services : les enjeux temporelsAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

(6) Le nombre de mariages est, après le boom de 2000, endiminution (266 000 mariages en 2007), mais le nombre dedivorces est en constante augmentation (155 000 en 2005,soit une augmentation de 15,3 % par rapport à 2004) [PLA,2008].(7) Être en repos par exemple un mardi modifie l’appréhen-sion respective des jours de la semaine et des jours de finde semaine [BOULIN, BONFIGLIOLI, MÜCKENBERGER, 2008].(8) Nos recherches consécutives à la mise en œuvre des35 heures ont, entre autres, mis en évidence, localement, cetype de dysfonctionnement [BOULIN/DU TERTRE, 2002].(9) Au cours des dix dernières années, on est ainsi passé, enFrance, d’une société dans laquelle le temps libre était valo-risé à une société dans laquelle il est perçu de manière néga-tive, comme signe de « paresse », notamment à travers le slo-gan « travailler plus pour gagner plus ».

Mar

ten

From

a

Les vensterscholenou « écoles fenêtres » aux Pays-Bas

sont conçues de façon à êtremodulables et ouvertes

pour accueillir des publics diversifiéstout au long de la journée.

Ici, une vensterschoolà Groningen.

IAU île

-de-F

rance

Page 67: Equipements et services : la métropole au quotidien

pris ceux du temps hors travail. Depuis, c’est ladiversification des rythmes qui semble s’impo-ser tant dans l’espace du travail que dans celuidu hors travail qui suscite des attentes et engen-dre des pratiques de plus en plus diversifiées.Des déséquilibres, des conflits, des tensions quitraversent chaque individu mais égalementchaque collectif (de travail, familial, urbain) enrésultent qui, en retour, suscitent une demanded’équilibre et d’articulation.Atteindre cet équilibre entre le temps de travailet le temps hors travail nécessite l’existenced’une maîtrise à la fois individuelle et collectivede l’articulation entre les temps sociaux. Celle-ci passe, d’une part, par la mise en œuvre, dansles espaces de travail, de politiques du tempsde travail qui tiennent compte des contrainteset aspirations des salariés au regard du hors tra-vail(10). Et, d’autre part, par une action sur l’or-ganisation sociale du temps fondée sur de nou-velles formes de synchronisation et la mise enconcordance des différents systèmes d’ho-raires. C’est là l’enjeu même des politiques tem-porelles dont l’objectif est avant tout l’amélio-ration de la vie quotidienne tout en favorisantla cohésion sociale.

L’apport des politiques temporelleslocalesLes politiques temporelles ont ouvert unchamp d’action nouveau qui dépasse le seulajustement fonctionnel de l’offre et de lademande en questionnant les modalités d’or-ganisation et d’articulation des temps indivi-duels et collectifs, en tenant compte des muta-tions sociales et culturelles, et en recherchantune harmonisation des systèmes d’horairespour une meilleure accessibilité à la fois géo-graphique et sociale afin de retisser le liensocial et d’améliorer la solidarité, notammentintergénérationnelle. Elles visent, à travers des

démarches de participation, de sensibilisation,de mobilisation, de co-construction du diagnos-tic et des recommandations, à doter les habi-tants, les utilisateurs temporaires du territoireet les responsables des «capabilités» [SEN, 2000]ou « conditions de possibilités » [CASTEL, 2001]leur permettant une compréhension et unecapacité d’action réflexives sur leur territoire.Les politiques temporelles locales stimulentainsi l’action publique dans la perspective d’undéveloppement durable, notamment en lienavec l’Agenda 21.Organiser, comme à Poitiers, un guichet uniqueitinérant de la rentrée scolaire permettant auxenfants et à leurs parents de chaque quartierde procéder, au même moment, à un horaireadapté (17 h-20 h et le samedi matin) à toutesles démarches et inscriptions aux activités sco-laires et parascolaires, a été perçu de façon trèspositive par les bénéficiaires. Il en va de mêmepour toutes les initiatives visant à favoriser l’ac-cessibilité horaire des structures d’accueil dela petite enfance (systèmes de garde à horairesdécalés pour les salariés travaillant en horairesatypiques ; modes de garde pour publics défa-vorisés afin qu’ils puissent accéder à des acti-vités culturelles ; accès pour parents travaillantà temps partiel…). On peut citer également lesinitiatives qui offrent de nouveaux services(paniers repas bio, cours de langues, cours degym, etc.) aux salariés du centre commercialde la Part Dieu à Lyon durant la pause méri-dienne, ou encore celles qui visent un désen-gorgement des transports en commun endésynchronisant les horaires du début descours à l’université (Poitiers, Montpellier…).Ces initiatives ont constitué une réelle amélio-

65

Stad

t Uel

zen

– Ar

chite

cte:

Hun

dert

wass

er

Les politiques temporelles incitent à créer des espaces polychroniques.La gare de Uelzen, en Allemagne,est un lieu à utilisateurs diversifiés qui la pratiquent de manièresynchrone.

(10) Ce qui renvoie à la question de savoir si le hors travailpeut être un élément de la négociation du temps de travail,de sa construction formelle, au même titre que l’emploi oula flexibilité productive.

IAU île

-de-F

rance

Page 68: Equipements et services : la métropole au quotidien

ration de la vie quotidienne, mais les politiquestemporelles visent plus fondamentalement uneplus grande égalité sociale dans les possibilitésd’usage du temps(11). Ainsi, en France, une col-lectivité comme la ville de Rennes a cherché àréduire les inégalités au regard du temps pourles personnes en charge du nettoyage deslocaux municipaux (horaires atypiques, condi-tions de transport difficiles alors même que cessalariés doivent se déplacer d’un site à l’autreà des horaires où les transports sont encore ensommeil…). La ville a donc initié, depuis 2003,pour ces salariés, le passage en horaire de jouret sur des prestations continues. Cette initiativeest reprise aujourd’hui, et portée par le bureaudes temps de la ville de Paris ainsi que par d’au-tres collectivités territoriales.

Les préoccupations des politiques temporelles– améliorer la vie quotidienne, faire « société »,réduire les inégalités sociales, de genre, oud’âge, promouvoir une ville durable – ont éga-lement pu, ici et là, percoler l’urbanisme, enincitant à la création d’espaces polychroniques.Ce sont ces lieux à usages multiples selon lesdifférents moments de la journée et à utilisa-teurs différenciés qui peuvent le pratiquer dediverses manières :- de façon synchrone : je peux être dans une

gare pour prendre mon train et côtoyer d’au-tres personnes venues la visiter (gare de Uel-zen en Allemagne réhabilitée par l’archi-tecte/artiste Hundertwasser) ;

- de façon asynchrone : c’est l’exemple desvensterscholen ou «écoles fenêtres» aux Pays-Bas, conçues de façon modulable et ouvertequi accueillent le matin à la fois (mixité syn-chronisée) des enfants dont l’âge varie detrois mois (crèche) à quinze ans (école) touten étant accessibles à des adultes pour des

formations ou, en fin d’après-midi, à desseniors qui viennent utiliser les infrastructuressportives, et le soir à des associations. Déve-loppées à Groningen, elles constituent pourleurs initiateurs, le «cœur battant » du quartier,l’épicentre de la cohésion sociale.

Dès lors, les urbanistes et architectes doiventintégrer ces dimensions des pratiques et desusages pour concevoir des projets modulableset adaptables, soit de façon diachronique (priseen compte de la transformation urbaine, duvieillissement des occupants d’une habitationou d’un changement de situation de leursoccupants tel un divorce par exemple), soit defaçon synchronique (diversité d’usagers etd’usages au même moment). Plusieurs opéra-tions urbaines, encore trop peu nombreuses (leprojet du Grand Paris passe totalement à côtéde la prise en compte des dimensions tempo-relles), telles que Cœur d’Agglo à Poitiers oul’aménagement de Lyon Confluence ou encorecelui de la place Sainte-Anne à Rennes, intè-grent ces dimensions temporelles liées auxusages et aux pratiques, qui par nature, sont for-tement diversifiées [TEMPO TERRITORIAL, 2010]. Defaçon plus significative, la ville de Dijon a inscritles politiques temporelles dans son plan locald’urbanisme (PLU), à l’image de ce que l’on apu observer à Bergame ou Crémone en Italie.De telles initiatives devraient conduire à de pro-fondes mutations de l’urbanisme et de l’archi-tecture afin de concevoir des équipementsmulti-usages, modulables et réversibles, s’adap-tant aux mutations des villes et à leurs diffé-rentes temporalités.

(11) Les femmes italiennes, qui les ont fondées au début desannées 1990, avaient clairement comme objectif l’égalitéentre les femmes et les hommes.

66

Prospective d’équipements et services : les enjeux temporelsAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Références bibliographiques

• BOULIN Jean-Yves et MÜCKENBERGER Ulrich,La ville à mille temps, La Tour d’Aigues,L’Aube, 2002.

• BOULIN Jean-Yves, «Pour une prospectiveraisonnée des usages du temps», dansBOULIN Jean-Yves ; DOMMERGUES Pierre ;GODARD Francis (dir.), La nouvelle aire dutemps, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2002.

• BOULIN Jean-Yves et DU TERTRE Christian,«Temps hors travail, loisirs et tourisme»,Cultures en mouvement, n° 50,septembre 2002.

• BOULIN Jean-Yves, Villes et politiquestemporelles, La Documentation française,2008.

• BOULIN Jean-Yves et ROYOUX Dominique,L’urbanisme temporel, Rouen, TempoTerritorial, 2010.

• BOULIN Jean-Yves, BONFIGLIOLI Sandra,MÜCKENBERGER Ulrich, Les politiquestemporelles locales en Europe, éditions del’Aube (et en italien chez Franco Angeli,et allemand, chez Sigma), à paraître,2011.

• BUÉ Jennifer et COUTROT Thomas, Horairesatypiques et contraintes dans le travail :une typologie en six catégories, Dares,Premières Synthèses, n° 22.2, mai, 2009.

• CASTEL Robert, HAROCHE Claudine,Propriété privée, propriété sociale, propriétéde soi. Entretiens sur la construction del’individu moderne, Paris, Fayard, 2001.

• CERC, Les services à la personne, Rapport,n° 8, Paris, La Documentation française,2008.

• EUROPEAN FOUNDATION FOR THE IMPROVEMENT

OF LIVNG AND WORKING CONDITIONS, FourthEuropean Working Survey, Eurofound,Dublin, 2007.

• MÜCKENBERGER Ulrich, «Politiquestemporelles, droit à son propre temps etnouveau lien social : temps de vie, tempsde travail, temps de la ville», dansBOUGET Denis et KARSENTY Serge, Regardscroisés sur le lien social, Journées de laMSH Ange Guépin, Nantes, Xe

anniversaire, (2003), Paris, L’Harmattan,2005.

• OST François, «Pour une temporalitécitoyenne» dans Figures du temps,Marseille, Parenthèses, 2003.

• PAQUOT Thierry, L’urbanisme c’est notreaffaire !, Nantes, L’Atalante, coll.« comme un accordéon », 2010.

• PLA Anne, « Bilan démographique 2007. Des naissances toujours plusnombreuses », Insee Première, n° 1170,janvier 2008.

• SEN Amartya, Repenser l’inégalité, Paris,Seuil, 2000.

• VIARD Jean, Le sacre du temps libre. Lasociété des 35 heures. La Tour d’Aigues,L’Aube, 2002.

• VIARD Jean, Éloge de la mobilité : essai surle capital temps libre et la valeur travail, LaTour d’Aigues, L’Aube, 2006. La place Sainte-Anne à Rennes a intégré les dimensions temporelles liées aux usages et aux pratiques.

Ville

de

Renn

es –

Dom

iniq

ue L

evas

seur

IAU île

-de-F

rance

Page 69: Equipements et services : la métropole au quotidien

67

Les Cahiers – Pouvez-vous nous expliquerla genèse du nouvel avenant à la convention et votre intervention sur le territoire concerné?Francis Borezée – Cet avenant est issu d’uneréflexion croisée des signataires sur l’avenir dupôle touristique de Disneyland Paris et plus glo-balement, du territoire de Val d’Europe. Il per-met la poursuite du développement touristiquegrâce, notamment, aux nouvelles attractions etau projet éco-touristique Villages Nature, menéen partenariat avec Pierre & Vacances. Il permetaussi de répondre aux attentes publiques,notamment de développement des capacitésd’accueil de populations nouvelles.Disney est « développeur », c’est-à-dire qu’il dis-pose d’un droit de première initiative et pro-pose, à l’intérieur du cadre fixé par la conven-tion et au travers de directives d’urbanisme, lephasage des opérations, ainsi que l’architecture,la composition et l’insertion urbaine des pro-jets. L’EPA intervient comme aménageur, c’est-à-dire qu’il cède lesterrains viabilisés et s’emploie à rendreconformes les docu-ments d’urbanismelocaux et les projetsportés dans le cadre de la convention. Bienentendu, ces derniers sont discutés, avant leurmise en œuvre, avec le syndicat d’aggloméra-tion nouvelle (San) du Val d’Europe.

L. C. – Le projet d’intérêt général (PIG)prévoit la construction de nombreuxlogements. Comment travaillez-vous sur l’offre d’équipements de proximitéqui doit les accompagner?F. B. – Grâce aux retombées fiscales significa-tives dont il bénéficie, le San du Val d’Europedéfinit et finance l’essentiel des équipementsde proximité. Disney participe indirectement àcet effort car, avec nos parcs et hôtels à thèmes,nous représentons 70 % de la fiscalité localedu territoire. Nous avons aussi obligation deréserver 67 hectares de notre périmètre à l’im-plantation d’équipements, surface que nousaménageons avec l’EPA et cédons gratuitementaux collectivités. Parallèlement à la fiscalité, leSan contracte avec l’État pour assurer un cer-tain niveau de recettes, l’enjeu étant bien d’ar-river à un aménagement équilibré, mettant encohérence développement urbain et niveaud’équipements avec développement touris-tique, économique ou commercial.

Nous intervenons aussi plus directement surl’activité commerciale. D’abord, au travers ducentre commercial Val d’Europe. Mais aussi endéveloppant une offre commerciale de proxi-mité dans certains quartiers. Sur la placed’Ariane par exemple, à la sortie de la gare RERdu Val d’Europe, nous avons confié l’ensembledes rez-de-chaussée d’immeubles à un seul pro-moteur spécialisé. Cela fonctionne plutôt bien.Nous travaillons à faire de même sur la placede Toscane, où le démarrage est plus difficile.

L. C. – Le PIG prévoit aussi des empriseslibres pour de «grands équipements».Pouvez-vous nous en dire plus?F. B. – Jusqu’à aujourd’hui, ces grands équipe-ments, et notamment l’université, ne se sont pasdéveloppés au rythme envisagé au départ : Vald’Europe accueille 1200 étudiants, mais l’enjeuest d’arriver à un campus universitaire de 10000étudiants à terme, comme à la Cité Descartes à Champs-sur-Marne. Nous travaillons aussi à

un projet de clustertourisme avec l’univer-sité de Marne-la-Vallée et d’autres acteurspublics.Nous sommes heu-

reux, par ailleurs, que les habitants de Val d’Eu-rope bénéficient de l’implantation, en limite denotre périmètre, de l’hôpital de Marne-la-Valléequi ouvrira en 2012. En revanche, nous ne dis-posons encore d’aucun équipement adminis-tratif, même si l’avenant fixe l’objectif d’enaccueillir plusieurs.Sur un autre plan, nous avions été approchéspour accueillir le Stade de France ou encorele Grand Prix de France de Formule 1. Val d’Eu-rope a vocation à être un « territoire de grandsprojets » étant donné le rayonnement nationalet international que lui confère, notamment, laprésence de Disneyland Paris. Ainsi, l’EPA et leconseil général de Seine-et-Marne sont candi-dats pour l’éventuelle décentralisation deRoland-Garros. Nous pourrions également envi-sager d’implanter un jour à Val d’Europe unearène de 15 000 à 20 000 places. Enfin, il fautnoter que la convention prévoit le doublementdes capacités de tourisme d’affaires de Disney-land Paris, avec la création d’un centre decongrès de 40 000 m2 à terme et d’un hôteldédié à proximité des gares TGV et RER.

Propos recueillis par Emmanuel Blum et Christine Corbillé

Francis Borezée est vice-président Développementimmobilier et touristique d’Euro Disney. Il dirige une équipe de 35 personnes spécialiséedans l’aménagement et le développement.

Euro Disney et l’ensemble des institutions publiques (État,région Île-de-France, conseilgénéral de Seine-et-Marne,établissement publicd’aménagement de Marne-la-Vallée et RATP) ont signé le14 septembre 2010 un nouvelavenant à la convention du 24 mars 1987, relative au projet Euro Disney.Cet avenant donne un nouveausouffle au développementurbain, économique, écologiqueet touristique du secteur, en prolongeant la durée de la convention de 2017 à 2030,et en modifiant le périmètre du projet d’intérêt général,porté de 1943 hectares à2 230 hectares.

Le Val d’Europe, un territoire de grands projets?

Interview

Disn

ey

Équipements et services : la métropole au quotidienAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»On parle ‘d’aménagement équilibré ’entre développement urbain et développement touristique, économique ou commercial. «

IAU île

-de-F

rance

Page 70: Equipements et services : la métropole au quotidien

68

Les Cahiers – Quels sont les partenairesimpliqués et comment est organisée la gouvernance du projet?David Bérinque – Les neuf établissements etécoles sont évidemment parties prenantes,notamment sur le plan financier. Au titre del’opération Campus, l’État apporte 450 millionsd’euros sous la forme d’une dotation « nonconsomptible », dont les intérêts doivent servirà rémunérer le titulaire d’un ou plusieurscontrats de partenariat. Bien entendu, les col-lectivités locales ont vocation à contribuer auprojet. Notre souhait est que la Région apporteune contribution significative, mais les discus-sions sont encore en cours. D’autre part, unefois identifiés les équipements utiles au cam-pus, les participations des autres collectivités,conseil général et communauté d’aggloméra-tion Plaine commune, ville d’Aubervilliers etVille de Paris, pourront être discutées. Des rela-tions étroites de travail ont déjà été instaurées.Nous nous appuyons aussi sur l’opérateur dupatrimoine et des projets immobiliers de la cul-ture (Oppic) pour la conduite des études, etsur l’AFTRP pour les acquisitions foncières. LaCaisse des dépôts cofinance des études sur lesservices numériques néces-saires au campus. Il est pos-sible qu’elle intervienneégalement dans le montageopérationnel, dans le cadre d’un contrat de par-tenariat, ou de tout autre dispositif. Toutes lespossibilités sont examinées, comme celle choi-sie par le campus de Bordeaux(1). Il n’est pas,par ailleurs, exclu que certaines opérations relè-vent d’une maîtrise d’ouvrage publique directe.

L. C. – Comment sont prises en compteles attentes des différents partenairesdans la programmation du site?D. B. – Condorcet est le seul projet du plancampus à s’implanter sur un territoire vierge.Le dispositif mis en place permet de travaillerde façon concomitante sur la programmation,l’insertion urbaine, le montage financier et leportage foncier. L’exercice de programmationa débuté en 2010. Il est d’autant moins simpleque les établissements sont impliqués à desdegrés divers. Aujourd’hui, on connaît assezbien les effectifs et les équipes qui seront ins-tallés sur le campus. Des équipements spéci-fiques sont à l’étude, tel que l’équipement documentaire, à la fois outil de travail fonda-mental et lieu de vie. La concertation avec lesétablissements est organisée sous la forme de

groupes de travail relatifs aux locaux d’ensei-gnement et de recherche, au grand équipementdocumentaire, aux services (logement, culture,restauration, sport, commerce), et aux fonctionssupports. La question de l’animation de la viede campus est plus délicate. Notre ambition estde créer un véritable quartier de ville. Premièredécision symbolique en la matière, les établis-sements ont décidé de réserver les rez-de-chaussée des futurs bâtiments à l’accueil deservices communs et de commerces, vecteursd’attractivité.

L. C. – Comment le projet sera-t-il intégréà son environnement urbain?D. B. – Le site du campus est environné de pro-jets d’aménagement, qui concernent notam-ment le centre-ville d’Aubervilliers et le secteurOuest-Canal. Il participe à une dynamique ter-ritoriale de renouvellement urbain beaucoupplus large. La fondation est associée aux comi-tés de pilotage des études urbaines en cours.L’objectif des collectivités est notamment d’évi-ter l’«effet Ovni», en favorisant une diffusion ducampus sur la ville, et une pénétration de laville dans le campus. L’appropriation du site

par les riverains passe par l’ouverture d’espacespublics de circulation, voirede certains équipements

implantés sur le campus. Ils pourront bénéficierde services de formation tout au long de la vie ;des relations privilégiées seront établies avecles établissements scolaires. Une concertationpublique sera organisée au printemps 2011.Inversement, le territoire environnant devrarépondre aux besoins de la communauté aca-démique, par la mise à disposition d’une offred’équipements et de services adaptés. Enmatière de logement par exemple, le projet necomporte qu’une faible capacité d’accueil surle site : 250 logements. Il ne s’agit naturellementpas de loger tous les publics à proximité du site,mais d’offrir la possibilité à ceux qui le souhai-teront de se rapprocher de leur lieu de travailen développant des programmes de résidencespour les étudiants et de location et d’accessionà la propriété pour les personnels.

Propos recueillis par Corinne de Berny et Emmanuel Blum

David Bérinque est directeurgénéral de la fondation CampusCondorcet. Il a été directeurgénéral adjoint de l’opération d’aménagementde Massy-Palaiseau, Saclay,Versailles, Saint-Quentin.

Le campus Condorcet est l’un des dix projets retenus parle ministère de l’Enseignementsupérieur et de la Recherchedans le cadre de l’opérationCampus, programmed’investissement immobilierdestiné à faire émerger descampus d’excellence. Il vise à créer un campus dédié auxsciences humaines et socialesde dimension européenne,regroupant sur deux sites, à Paris et sur la communed’Aubervilliers, tout ou partie de neuf établissementsd’enseignement supérieur et de recherche. Pour organiserleur coopération, une fondationde coopération scientifique,structure de droit privé, a été créée en décembre 2009.Environ 170000 m2 de Shon de bâtiments sont prévus, qui accueilleront à terme15000 occupants, dont10000 étudiants,3500 enseignants-chercheurset 1500 personnelsadministratifs.En cours d’étude, le projetdétaillé devrait être présenté à la Mission d’appui des partenariats public-privé en 2011.

Un quartier urbain en construction: le campus universitaire Condorcet

Interview

E. B

lum

/IAU

îdF

Équipements et services : la métropole au quotidienAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

(1) À Bordeaux, l’université, la Région Aquitaine et la Caissedes dépôts ont créé une société de réalisation immobilièresur fonds publics, qui leur permet de bénéficier, en conser-vant la mainmise sur leur immobilier, de la dotation accordéepar l’État. Strasbourg s’oriente dans la même direction.

» Notre ambition est de créer un véritable quartier de ville. «

IAU île

-de-F

rance

Page 71: Equipements et services : la métropole au quotidien

69

Les Cahiers – Qu’est-ce qu’un contrat de partenariat (CP)?Arnaud Voisin – Dans le cadre de la délégationde service public ou de la concession, deuxautres formes de PPP, le risque est a prioriassumé par le privé « à ses risques et périls ».Dans le contrat de partenariat à la française, lerisque est évalué en amont et partagé entre lepublic et le privé. Autre différence, il n’y a passubstitution du privé au public pour la réalisa-tion du service public, l’objectif étant de mettreà la disposition de la personne publique lesmoyens de remplir ses missions. Le servicepublic reste donc assuré par du personnel dela fonction publique.

L. C. – Dans quelles situations les CP sont-ils particulièrement indiqués?A. V. – À l’origine, le contrat de partenariat étaitdestiné à répondre aux besoins de constructionde bâtiments générés par les grandes politiquespubliques de l’État(santé, justice, défense).Par la suite, le champs’est considérablementélargi aux équipementsdes collectivités (sportifs, scolaires, éclairagepublic, réseau, infrastructures, etc.).Grégory Bertrand – En Grande-Bretagne, unecomparaison des coûts entre procédure demarché classique et PFI (Private Finance Initia-tive) est réalisée et la solution la moins oné-reuse est retenue. En France, la volonté de gar-der le CP comme un régime dérogatoire à lacommande publique habituelle a amené lelégislateur à imposer des critères d’éligibilitéd’abord juridiques : l’urgence ou la complexitédu projet, le premier critère étant en pratiquetrès peu utilisé. En 2008, un troisième critère aété ajouté, celui de l’avantage économique, quiest de plus en plus utilisé.

L. C. – Comment expliquer le faible tauxde pénétration des CP à l’échellemondiale(1) ?A. V. – Le CP n’a pas vocation à représenter unepart importante de l’investissement public. Lescontraintes sont importantes. Son montage estassez long et complexe. L’évaluation préalableest l’étape-clef qui définit le calendrier, déter-mine la répartition des risques entre les parte-naires et débouche sur la détermination duloyer que devra payer la collectivité publiqueet qui l’engage sur le long terme. Cela impliqueque la personne publique ait une lisibilité à

long terme de sa capacité financière à verserun loyer.

L. C. – Quels en sont les bénéfices et les limites?G. B. – Avant tout, ce sont les contraintes et arbi-trages budgétaires qui amènent l’État et les col-lectivités à avoir recours au CP.Aujourd’hui, malgré un manque de recul, onconstate que peu de projets ont été abandon-nés depuis 2005 et que le CP permet un meil-leur contrôle des coûts de réalisation, d’entre-tien et de maintenance et un meilleur respectdu calendrier de livraison. Le versement d’unloyer calculé sur le long terme permet par ail-leurs de lisser les pics de dépenses. De plus,l’évaluation préalable permet une véritableréflexion de la personne publique sur le projet.En outre, il faut reconnaître une plus grandecapacité du privé à évaluer et anticiper l’en-semble des dépenses pour un équipement

donné.La robustesse du mon-tage d’un CP est validéeen amont par laMAPPP(2) dont l’avis est

obligatoire pour les CP engageant l’État et géné-ralement demandé par les collectivités.

L. C. – Quel rôle joue la CDC dans leur développement?G. B. – La Caisse intervient en tant qu’investis-seur, en participant au tour de table des grou-pements privés. À ce titre, elle est présente prin-cipalement sur les gros marchés comme lesuniversités, les hôpitaux, les stades tout en veil-lant à intervenir dans les domaines où l’attrac-tivité pour le secteur privé paraît faible. C’estnotamment le cas sur les premiers contrats deperformance énergétique qui se développentactuellement.Elle intervient également en tant que financeuren proposant des prêts sur fonds d’épargne quipermettent de bénéficier de taux bonifiés.Enfin, dans le cadre de sa mission d’intérêtgénéral, elle joue un rôle d’expertise et deconseil auprès des personnes publiques.

Propos recueillis par Emmanuel Blum,Corinne de Berny et Carole Delaporte

Arnaud Voisin et GrégoryBertrand sont chefs de projetspartenariat public-privé (PPP) à la direction du développementterritorial de la Caisse des dépôts et consignations.

Le contrat de partenariat (CP),une des formes que peutprendre les PPP, est un régimedérogatoire au code des marchés publics créé parl’ordonnance du 17 juin 2004.Il permet à une collectivitépublique de confier à une entreprise privée la missionglobale de financer, concevoirtout ou partie, construire,maintenir et gérer des ouvragesou des équipements publics et services concourant auxmissions des services publics,dans un cadre de longue duréeet contre un paiement effectuépar la personne publique et étalé dans le temps. 389 CPont été initiés depuis 2004,77 % par des collectivitéslocales, 23 % par l’État. Ilsconcernent majoritairement laréalisation de bâtiments publics(31 %) et d’équipementsurbains (26 %). 60 % portentsur des investissementsinférieurs à 30 M€(1).

(1) Source : Mission d’appui à laréalisation des contrats de partenariat,sept. 2010.

Le rôle des PPP dans le financementdes équipements vu par la CDC

Interview

B. B

asse

t/IA

U îd

F

Coll.

par

t.

Équipements et services : la métropole au quotidienAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

»Le contrat de partenariat permet un meilleur contrôle des coûts

et un lissage des pics de dépenses. «

(1) Selon une étude réalisée par Siemens en 2007 à l’échellemondiale, les PPP ne représentent que quelque 4 % des inves-tissements du secteur public.(2) MAPPP : Mission d’appui à la réalisation des contrats departenariat.

IAU île

-de-F

rance

Page 72: Equipements et services : la métropole au quotidien

70

Les Cahiers – Les projets de grands stadesse font de plus en plus via les contrats departenariat (CP), pourquoi?Patrick Bayeux – Pour la réalisation des stadesde l’Euro 2016, les délais sont contraints. Or leCP permet de garantir des investissementsimportants sur un calendrier optimisé. Ensuite,il s’agit de limiter le coût pour la collectivité envalorisant des recettes annexes. Soulignons icila spécificité sportive des CP. En effet, contrai-rement à d’autres équipements (prisons…), lesgrands équipements sportifs sont à même degénérer des recettes par l’adjonction d’un pro-gramme immobilier ou par une exploitationmultifonctionnelle de l’enceinte : organisationde concerts ou de spectacles sportifs, exploita-tion des salons en dehors des matchs. Plus cesrecettes annexes seront importantes, plus leloyer payé par la collectivité sera diminué.

L. C. – Les CP semblent privilégiés à laconcession. Quels en sont les avantages?P. B. – La question centrale est celle du risque.Un grand stade est construit pour les besoinsd’un club résident, même si d’autres activitéspeuvent s’y dérouler. Dans le cas d’une conces-sion, le concessionnaireconstruit et exploite lestade, a priori à sesrisques et périls, avec leclub résident commeclient. Dans les faits néanmoins, si le club n’estplus à même de payer le loyer, en cas de relé-gation par exemple ce qui est fréquent surtrente ans, le concessionnaire se retourne versla collectivité qui, au final, paye pour le club.Dans le cas d’un CP, la collectivité garantit d’em-blée le risque en cas de relégation.

L. C. – L’avantage économique avancépour justifier le recours au CP est-il réel?P. B. – Le coût d’un stade sera plus importantdans le cadre d’un CP que lors d’une procé-dure classique, puisque les taux d’empruntaccordés au privé sont plus élevés que ceuxréservés aux collectivités. Mais l’intérêt du CPest de pousser l’opérateur à prendre des risquesen dehors du périmètre de service public, surles équipements et surfaces annexes qui géné-reront des recettes. L’important est de bien défi-nir le périmètre de ce service public (matchs,événements festifs à caractère populaire…) quisera porté par la collectivité et qui donnera lieuau versement du loyer en direction de l’opéra-teur. Il s’agit de bien positionner le curseur dans

la négociation : plus le service public sera pré-dominant plus le loyer de la collectivité seraélevé puisque l’opérateur aura moins de lati-tude pour réaliser des recettes grâce aux acti-vités annexes.Ainsi, il ne s’agit pas de prôner systématique-ment les partenariats public-privé (PPP), il fautavant tout vérifier que les conditions de créa-tion des recettes annexes peuvent être déve-loppées tout en conservant un équilibre avecle service public attendu.

L. C. – L’élément clé de ces contrats estl’évaluation du risque, de quoi s’agit-ilprécisément?P. B. – L’objectif est de transférer les risquesvers l’entité la mieux à même de les gérer. Lesrisques sont de natures très diverses : juridique(dépassement de coût, projet non conforme,problème avec le permis de construire…), ouencore de maintenance et de fonctionnement(dégradation du stade, sous-fréquentation del’équipement, etc.) La difficulté reste d’évaluer,sur la durée du partenariat (trente ans), desrecettes générées notamment par le marchédes loisirs culturels et sportifs, en évolution per-

manente. Peut-on direaujourd’hui si la nou-velle génération de stadeen CP, comme à Nice,Bordeaux ou Marseille

va doper le marché du spectacle ? En réalitépeu d’artistes sont en mesure de remplir desstades.

L. C. – Les PPP demandent une lisibilitéde la capacité financière des communes à long terme. Est-ce possible dans lecontexte actuel?P. B. – Certes, cela peut apparaître périlleux.Cependant, lorsqu’une collectivité est en maî-trise d’ouvrage publique, elle porte la dettegénérée par la construction de l’équipement.En outre, s’il est vrai que la collectivitéemprunte à des taux plus avantageux dans lecadre d’un marché public, en contrepartie leCP lui permet de ne pas porter le risque de laconstruction et de la maintenance. Après, c’estun choix politique de porter le loyer ou la dette.Finalement, la question est plus de savoir si lacollectivité considère l’équipement commeindispensable ou non.

Propos recueillis par Claire Peuvergne et Jean-Pierre Chauvel

Patrick Bayeux est aujourd’huiconsultant spécialisé enpolitique sportive locale et enéquipement sportif. Associé aucabinet ISC, il réalise desmissions d’assistance àmaîtrise d’ouvrage sur desprojets d’équipement sportif(stades de l’Euro : Lille, Nice,Nancy, Saint-Etienne, Bordeaux,Arenas Dunkerque,Villeurbanne, Orléans… ). Endisponibilité d’une fonction demaître de conférences engestion et droit du sport, il aenseigné dix ans à l’universitéde Toulouse après avoir occupéles fonctions de coordonnateurnational de la filière sportive auCentre national de la fonctionpublique territoriale (CNFPT).Il est l’auteur de nombreusespublications sur les politiquessportives locales et assure ladirection éditoriale des pressesuniversitaires du sport ainsi queles fonctions de rédacteur enchef du mensuel et du siteActeurs du sport.

Développement des contrats de partenariat, la spécificité sportive

Interview

Coll.

par

t.

Équipements et services : la métropole au quotidienAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

» Il ne s’agit pas de prônersystématiquement les partenariats

public-privé…«

IAU île

-de-F

rance

Page 73: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’analyse de la conception et de la pro-grammation des équipements en villenouvelle, au regard des difficultés qu’ils

rencontrent aujourd’hui, met l’accent sur troisdéfis à relever pour construire la ville durablede demain : intégrer, imaginer, maîtriser lesenjeux d’adaptabilité fonctionnelle, urbanis-tique et temporelle, surmonter la difficulté àanticiper les besoins futurs, et concevoir leséquipements de manière étale dans le tempset en lien direct avec les questions de peuple-ment, de mixité sociale et de mixité intergéné-rationnelle, mais aussi avec le contexte spéci-fique local.

Le modèle de l’équipement multifonctionsdu centre-villeLa plupart des villes nouvelles, de France etd’ailleurs, se sont organisées autour d’un cen-tre-ville puissant et richement doté en équipe-ments. Cette centralité, placée à proximité dela gare principale reliant la ville nouvelle à lamétropole la plus proche, était le lieu de conver-gence des lignes de transport en communinternes. Certaines villes nouvelles ont pousséassez loin ce concept de l’agora. La figureemblématique de ce modèle a été Dronten enHollande, avec le complexe polyvalent Meer-paal, installant dans un même bâtiment paral-lélépipédique à la fois une salle de sport et despectacle, un restaurant, et divers services à lapopulation et aux associations. Évry, Cergy-Pon-toise, Noisy-le-Grand Mont d’Est, Cumbernauld(Écosse), Shannon (Irlande), Milton Keynes

(nord de Londres), Almere (est d’Amsterdam),et bien d’autres l’ont adapté à leur contexte, endonnant à la fonction commerciale le rôle de« locomotive», à laquelle sont arrimées les fonc-tions administrative, culturelle, éducative, spor-tive, etc.

Le concept séduisant, mais difficile à gérer, des équipements intégrésDéclinés également à l’échelle des centralitésde quartier, les équipements dits « intégrés »visaient à regrouper et associer différents équi-pements sociaux, sanitaires, éducatifs et cultu-rels. Les maisons de quartier, parfois très inno-vantes, se sont multipliées. Le succès n’acependant pas toujours été au rendez-vous.Même le modèle initial du Meerpal de Drontens’est trouvé menacé de démolition, car son sta-tut de propriété complexe a rendu difficile lagestion commune des diverses activités ; il afinalement été classé monument « historique »,grâce à l’action mobilisatrice de la fille de l’ar-chitecte.De nombreux exemples montrent qu’il est rareque les mégastructures accueillant des équipe-ments intégrés résistent à l’évolution desbesoins et aux ruptures démographiques ouéconomiques. Le mégacentre urbain de Cum-bernauld (en Écosse, à l’est de Glasgow), parexemple, face au déclin de l’activité minière età l’arrêt de la croissance démographique, a rapi-dement posé problème, est resté partiellementinoccupé et a fini par être démoli sur un côté.De même, le quartier des Passages à Évry, le cen-

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Adaptabilité des équipements :les leçons des villes nouvelles

Les villes nouvelles se sont majoritairement organiséesautour d’une centralité, proche d’une gare. Ici, Noisy-le-Grand Mont d’Est, à proximité du RER.

Vincent FouchierIAU île-de-France

Les villes nouvelles – françaises et étrangères – sont des témoins«grandeur nature » de la complexitémais néanmoins de la nécessité de concevoir, dans les projets urbains,les équipements comme des espacesadaptables, flexibles et évolutifs. Cet article vise à tirer quelquesenseignements de l’expérience des villes nouvelles qui pourraient êtreutiles à d’autres contextes moins spécifiques.

71

O. P

asqu

iers

/Le

Bar F

loré

al/I

AU îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

Les équipements intégrésEn France, une Commissioninterministérielle des équipements intégrésavait été créée au début des années 1970pour faciliter la mise en place de telséquipements, avec les financementscroisés des ministères concernés qu’il fallait coordonner. Le rôle du Secrétariat général aux villesnouvelles a également été significatif dansla promotion des équipements intégrés.Dans les villes nouvelles franciliennes, on peut citer la programmation du quartierÉvry I (Les Pyramides), l’Arche Guédon et le Val Maubuée à Marne-la-Vallée, ou les 7 Mares à Saint-Quentin-en-Yvelines.

IAU île

-de-F

rance

Page 74: Equipements et services : la métropole au quotidien

tre de Vällingby (Stockholm) ou le centre deLelystad (70 km à l’est d’Amsterdam), ont tousdû fortement restructurer leurs équipementsintégrés, vingt ans environ après leur construc-tion. Ces exemples nous montrent les dangersdes effets de mode en urbanisme et desconcepts « hors-sols » et figés. Il faut, en effet,souligner que la « mode » de l’urbanisme surdalle explique une grande part des problèmesrencontrés dans ces quartiers : mauvaiseconnexion aux quartiers voisins, sécurisationdifficile, surdimensionnement, coûts de ges-tions, etc.

Équipements et expérimentationssociales?Pourtant, les équipements des villes nouvellesdevraient faire école au sens où ils ont fait l’ob-jet, dans la plupart des pays, d’une théorisationet d’apports méthodologiques qui ont fait datedans l’histoire de l’urbanisme, car ces villes ontgénéralement été pensées avec un projetsocial, voire sociétal. Sociologues, psycho-logues, ethnologues… ont été associés auxautres spécialistes de l’urbain pour que la pro-grammation des quartiers réponde aux attentesdes populations. Le volume considérabled’équipements à construire en peu de temps adonné l’occasion de mener des études de pro-grammation remarquables, foyers d’innovation,reposant sur une catégorie de professionnelspratiquement nés de cette politique, les « pro-grammateurs ». Animés par la pluridisciplina-rité, ils étaient en rupture avec la Charted’Athènes, qui encourageait jusque-là la ségré-gation des fonctions. La problématique de l’ani-mation (même de « pré-animation ») et laconcertation préalable avec les usagers ontguidé les éléments de programme des équipe-ments à créer.On projetait ainsi des modes de vie que la pro-grammation urbaine devait à la fois accueilliret encourager. Par exemple, les « locaux collec-tifs résidentiels » (LCR), forme de petits équipe-ments insérés dans les ensembles de loge-ments, devaient favoriser le lien social etfaciliter la vie quotidienne : mis à la dispositiondes habitants, ces locaux pouvaient servir pourdes réunions, pour des activités socio-éduca-tives ou pour… bricoler. L’expérience n’a hélaspas été concluante, faute d’une gestion pérennepar les habitants eux-mêmes, mais aussi à causede l’arrêt des financements publics initialementproposés aux associations porteuses de l’ani-mation sociale(1). Il faut souligner égalementqu’aux premiers habitants des villes nouvelles,parfois très impliqués dans la vie locale, ontsuccédé des habitants moins acteurs queconsommateurs de biens et de services. Le rap-port à l’espace et aux équipements « publics »

s’en est trouvé profondément modifié, parfoisen décalage avec les caractéristiques urbaineset architecturales.Les villes nouvelles nous montrent ainsi les dan-gers d’une construction massive concentréesur un temps court, malgré toute la qualité etla diversité de la concertation en amont (effetde mode et inadaptation aux nouveaux usages,apport massif de population et conséquenceslourdes en terme de vieillissement, de dépla-cement des besoins, et d’adaptabilité des équi-pements).

L’enjeu de l’évolution de la populationLes villes nouvelles japonaises, spécifiquement,rencontrent de sérieuses difficultés face auvieillissement des premières générations d’ha-bitants. Ceux-ci ont vieilli collectivement, sansun renouvellement progressif qui aurait pu« amortir » l’arrivée à un âge avancé de toute lacohorte des premiers arrivants. Cela se traduitpar un besoin d’équipements adaptés, alorsque les villes nouvelles et leurs équipementsétaient conçus davantage pour des famillesavec enfants. L’absence d’adaptabilité et lemanque d’anticipation imposent à présent detrouver des solutions à ce problème du déca-lage entre l’offre d’équipements et la popula-tion actuelle(2). Il faut noter qu’il vient aussid’une insuffisante mixité sociale. Cette dernièreaurait évité une telle spécialisation dans un pro-fil démographique «monolithique». Cet état defait se retrouve en Île-de-France, en villes nou-velles mais aussi dans certaines zones pavillon-naires, ou quartiers résidentiels.Les orientations de densification des zonesurbaines existantes préconisées dans le projetde Sdrif devraient donner un premier cadrepermettant d’éviter un grand nombre de cesécueils. Le recours plus fréquent à l’évaluation a pos-teriori est également un élément positif. Toute-fois, la capacité à concevoir et à construire deséquipements adaptables, flexibles et évolutifsest peut-être encore à développer.

(1) On peut citer l’exemple de l’association pour la promo-tion des activités socio-culturelles de Saint-Quentin-en-Yve-lines (Apasc), qui était sollicitée pour participer à la concep-tion des nouveaux quartiers et avait proposé un programmepour les locaux collectifs résidentiels comblant les lacunesdes équipements purement « publics » : ludothèques, centresde culture, permanences sociales, laveries, festivités, foyersde jeunes, etc., étaient ainsi prévus dans des locaux collectifsrésidentiels dans chaque projet urbain de plus de 2500 loge-ments.(2) Pour échapper à cet écueil, les villes nouvelles de HongKong (Shatin, Tuen Mun, Yuen Long…) ont appliqué le « flexidesign » des établissements scolaires, à partir des années1980. Il s’agissait de concevoir les écoles de manière à cequ’elles évoluent dans leur configuration (taille, équipementdes classes, types d’aires de jeux et de sport, hauteur…) enmême temps que la population des quartiers alentours.

72

Adaptabilité des équipements : les leçons des villes nouvellesAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Références bibliographiques

• KoRGANOW Alexis, L’interaction ville-équipement en ville nouvelle : réception etadaptation de la formule de l’équipementsocio-culturel intégré, Laboratoire ACS,École d’architecture, Paris, Malaquais,septembre 2005, 2 volumes.

• MENIGHETTI MENIGHETTI/BDIPROGRAMMATION, Les équipements etservices des villes nouvelles. Atlas, niveauxd’équipements comparés, rapport desynthèse, 2004.

• RAGU Denise et LÉCUREUIL Jacques,«Équipements culturels et socio-éducatifs. Analyse d’exemples français etétrangers», sous la direction de PierreMerlin, Les Cahiers de l’IAURP, n° 23,mai 1971.

• SALMON-LEGAGNEUR Guy et DAILLENCOURT

Christine, «Les équipements en villesnouvelles», Urbanisme, n° 170,mai 1979, pp. 96-101.

IAU île

-de-F

rance

Page 75: Equipements et services : la métropole au quotidien

Évaluer, c’est juger de la valeur d’uneaction du point de vue de la chosepublique. Il est donc possible d’évaluer

un équipement comme n’importe quelle autreintervention. Pour cela, il faut se doter de cri-tères de jugement explicites et partagés, etrecueillir des informations spécifiques pourvérifier l’atteinte des objectifs.

De l’évaluation a priori à l’évaluationrétrospectiveJusque dans les années 1980 en France, lesautorités publiques concevaient avant toutl’évaluation comme précédant une opérationafin d’en estimer les effets potentiels, son effi-cience, et s’assurer d’un certain consensus surles résultats attendus. L’évaluation rétrospectiveest restée, quant à elle, longtemps du domainedes chercheurs. Elle en est sortie à la fin de ladécennie : à la suite des initiatives lancées parplusieurs ministères, le rapport de Patrick Vive-ret(2) met l’État sur la piste de l’évaluation rétros-pective pour ses politiques publiques, et en par-ticulier pour le revenu minimum d’insertion(RMI). L’Union européenne, via les fonds struc-turels, va aussi beaucoup contribuer à la diffu-sion de ce type d’évaluation aux niveaux régional et local. Pour les équipements, ce mou-vement a été plus tardif et ces derniers ne sontencore souvent jugés rétrospectivement quesous l’angle juridique (via le contentieux) ousous celui de la bonne gestion (rapports de laCour des comptes ou des chambres régionales,enquêtes des médias).

L’évaluation rétrospective des équipements etdes services au public se développe néanmoinsaujourd’hui au travers de deux mouvements.D’une part, l’État et la Commission européenne,via leurs financements contractuels, ont rendul’évaluation obligatoire : souvent perçuecomme une contrainte et réalisée de manièreformelle et a minima dans les premiers temps,elle est de plus en plus prise en main par lesacteurs, et considérée comme une véritablesource stratégique et un vecteur d’améliorationde leurs politiques. D’autre part, les collectivitéslocales, maîtres d’ouvrage et gestionnairesd’une part croissante des équipements publics,sont familiarisées avec l’évaluation à laquelleelles ont recours pour affiner la connaissancede l’impact de leurs politiques dans l’objectiféventuel de les améliorer ou de les réorienter– y compris leurs nombreuses politiques terri-toriales comportant un volet d’équipement(3).

Évaluer l’équipement ou le service rendu?Évaluer un équipement nécessite tout d’abordde distinguer l’équipement (bâtiment, localisa-tion…) du service fourni. L’évaluation explora-toire des maisons de santé, menée récemment

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Évaluer les équipements et les services au public

La méthode et l’anticipation sont au cœur de la qualité de l’évaluation des services et équipements fournis aux citoyens.

Thomas Delahais(1)

Euréval

L’évaluation des politiques et actionspubliques s’est affirmée en Francedepuis quelques décennies. Pour les équipements et services au public, ce mouvement a été plustardif, mais il tend à se développeraujourd’hui. À travers de nombreusesétudes de cas, cet article décortique les enjeux, les outils et les écueils à éviter pour mener à bien de telles évaluations.

73

B. B

asse

t/IA

U îd

F

Équipements et services : la métropole au quotidien

Quelques définitionsÉvaluation ex-ante : Effectuée avant la mise en œuvre, elle vise à vérifierl’adéquation entre les objectifs de l’intervention publique et les besoins du territoire ou de la population ciblée, et à juger de la cohérence des effetsattendus. Une évaluation ex-ante peut êtreune bonne base pour le pilotage de l’intervention, et servira de référencepour les évaluations à venir.Évaluation rétrospective : Effectuéequelques années ou longtemps après la mise en œuvre, elle permet de vérifier si l’intervention publique a bien réponduaux besoins et si elle a atteint les objectifsqu’elle s’était fixés. Les enseignementsqu’elle contient peuvent contribuer au renouvellement d’une action publique,en particulier si elle est « routinisée ». Les évaluations intermédiaires et ex-postsont des évaluations rétrospectives.

(1) Directeur adjoint Innovation & développement, Euréval.(2) VIVERET Patrick, L’évaluation des politiques et des actionspubliques, rapport au Premier ministre, La DocumentationFrançaise, juin 1989.(3) Par exemple : contrats urbains de cohésion sociale, sché-mas régionaux d’organisation sanitaire, maisons de l’emploiou de la justice, etc.

IAU île

-de-F

rance

Page 76: Equipements et services : la métropole au quotidien

en Franche-Comté et en Bourgogne par exem-ple, fait la distinction entre les effets imputablesaux équipements financés, aux politiques d’in-citation qui les accompagnent et à la diversitédes services privés de santé proposés. Ainsi, afinde mesurer l’attractivité pour les professionnels,elle observe les soutiens publics à l’installation,la communication, la qualité de l’équipementimmobilier et la composition professionnelle ;pour la meilleure accessibilité des soins, l’éva-luation prend en compte le choix de l’implan-tation, l’amplitude des horaires et la composi-tion des équipes(4).Pour les équipements, l’évaluation ex-ante estd’autant plus utile qu’il est peu évident deremettre en cause un équipement une fois qu’ilest réalisé.Néanmoins, une évaluation rétrospective del’équipement, étroitement associée à la poli-tique publique qui a présidé à sa construction,sera également très utile. L’évaluation, en 2004,des agences technologiques rhônalpines entémoigne : ces six équipements autonomes derecherche et développement (R&D), normale-ment dédiés à un secteur d’excellence territo-rial, empiétaient les uns sur les autres et démar-chaient les mêmes PME sans pour autantcouvrir toute la région. Le conseil régional, alorsen pleine réflexion sur son schéma régional dedéveloppement économique (SRDE), en a tiréles conséquences en créant un dispositifunique chargé de la politique d’innovationrégionale, l’Agence régionale de développe-ment et de l’innovation (Ardi), dont lesanciennes agences sont devenues les antenneslocales.Ces éléments de réflexion montrent à quelpoint il est fondamental de ne pas oublier lesraisons qui portent l’évaluation et de réfléchiraux moyens qui permettront d’obtenir uneréponse correcte et utile aux questions que seposent les acteurs engagés sur le territoire.De la même façon, il est totalement légitimed’avoir des attentes pour un équipement quivont au-delà de ses objectifs intrinsèques, etd’évaluer par exemple les effets d’une biblio-thèque construite dans un quartier défavoriséen termes de valorisation du lieu, d’identifica-tion de l’endroit par les autres habitants de laville ou de flux de déplacements suscités. Danstous les cas, il est important de s’accorderensemble sur ce qui fera l’objet de l’évaluation.

Faire l’évaluation ensembleL’évaluation rétrospective permet de prendrele temps de se retourner, de se rappeler pour-quoi un équipement a été construit, de vérifierque son ambition première est respectée ouqu’il s’est adapté pour répondre au mieux auxbesoins des habitants. C’est aussi le moment de

croiser les perspectives ; la première étapedevant être la prise en compte des avis et desopinions de tous les acteurs concernés.Pour l’évaluation des nuisances nocturnes d’unaéroport par exemple, il faudra ainsi prendreen compte les autorités politico-administratives(ministères, autorités locales), les cibles de laréglementation (les compagnies aériennesvolant de nuit), les bénéficiaires finaux (les rive-rains), les « tiers lésés » (le gestionnaire de l’aé-roport, les travailleurs de nuit, les entreprisesexportatrices) et les « tiers gagnants» (les autresaéroports qui ne sont pas concernés, les opé-rateurs d’autres modes de transport)(5). Ainsi, l’évaluation donnera à voir aux acteursl’ensemble des positions existantes, et in fine,permettra d’aboutir à une compréhension par-tagée des points de blocage et des moyens deles résoudre.

Cibler l’évaluation sur un nombre choiside questionsPour évaluer l’action publique, des grilles stan-dardisées (du type RGPP(6)) font florès. Pour-tant, des évaluations ciblant, dès le départ, unpetit nombre de questions définies spécifique-ment sont souvent plus riches d’enseignementet plus utiles, d’autant que les ressources affec-tées aux évaluations sont généralement troprestreintes pour être diverties sur des questionspeu utiles. Différents axes de questionnementpeuvent structurer une évaluation :• La pertinence ou « Dans quelle mesure les

objectifs et les activités d’un équipementrépondent-ils ou répondront-ils aux besoinset aux attentes des parties prenantes ? ».Cette question est bien entendu cruciale dansune évaluation ex-ante. Elle sert égalementdans une évaluation rétrospective à vérifier lacontinuité de la réponse aux besoins : lorsqueles besoins sont connus et les équipementsclassiques, l’analyse consistera à vérifier si lediagnostic d’origine est toujours valide, parexemple en étudiant les évolutions de la zonede chalandise, ou l’adaptation de l’équipe-ment aux évolutions sociétales. Lorsque leséquipements sont innovants et les contexteschangeants, l’évaluation interrogera d’abordla persistance du besoin ou ses évolutionspour interroger la raison d’être des équipe-ments. Les cybercentres sont un bon exemplede ces équipements qui ont fleuri sur tout leterritoire à la fin des années 1990, quand l’ac-

74

Évaluer les équipements et les services au publicAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

(4) Une synthèse de l’évaluation est disponible à cetteadresse : http://www.irdes.fr/Publications/Qes/Qes147.pdf(5) Cet exemple est extrait d’une présentation de FrédéricVarone. Voir KNOEPFEL Peter, LARRUE Corinne et VARONE Frédéric,Analyse et pilotage des politiques publiques. Zürich/Chur,Rüegger Verlag (2de édition), 2006.(6) Révision générale des politiques publiques.

IAU île

-de-F

rance

Page 77: Equipements et services : la métropole au quotidien

cès à Internet est devenu un enjeu d’aména-gement et d’inclusion sociale pour les pou-voirs publics. Lorsqu’à partir de 2005, l’accèsà Internet s’est largement répandu en France,au domicile et dans l’entreprise(7), la perti-nence des cybercentres a été largementremise en question : si certaines Régions onttout simplement commencé à fermer cesespaces, d’autres ont privilégié la mutualisa-tion des équipements dans les bibliothèqueset autres lieux publics, et d’autres encoren’ont pas modifié leur politique. C’est le casde la Région Nord-Pas-de-Calais, qui, suite àune évaluation de ses cybercentres, a pour-suivi sa politique en la justifiant par desenjeux d’inclusion sociale.

• L’efficacité ou « Dans quelle mesure l’équi-pement a-t-il eu les effets attendus, et pour-quoi ? ».L’efficacité est souvent le thème phare del’évaluation, sans être le plus simple car elledemande souvent à reposer la question desobjectifs et de la façon dont ils devaient êtreatteints.Or, les objectifs liés à un équipement restentsouvent implicites lors de sa réalisation et évo-luent au cours du temps pour s’adapter à lasituation locale, aux politiques menées ou àdes évolutions sociétales, si bien que les iden-tifier constitue en soi une première phased’analyse. Le cas des maisons de l’emploi estun bon exemple. Ce dispositif s’est construità partir du terrain, avant d’être généralisé etréglementé. Les objectifs et populations ciblesdes différentes maisons de l’emploi pouvaientêtre fort variables d’une collectivité à l’autre,d’un territoire à l’autre : adaptation de la poli-tique nationale de l’emploi aux particularitésdes territoires, mise en cohérence des acteurs,implication des communes et des EPCI, ren-contre entre offre et demande d’emploi auniveau local, simplification de l’offre de ser-vices pour les usagers… Suite à la loi du13 février 2008 relative à la réforme de l’orga-nisation du service public de l’emploi, leministre du Travail, de la Solidarité et de laFonction publique a demandé à l’Assembléenationale de faire une évaluation du dispositifpour élaborer un cahier des charges pour cesmaisons de l’emploi. La première étape durapport d’évaluation, remis en juin 2008(8), aconsisté à identifier ces différents objectifs età se mettre d’accord, avec les différentes par-ties prenantes, sur les objectifs principaux etles logiques d’intervention (la chaîne d’ob-jectifs et d’actions qui va des effets sur lesbénéficiaires directs aux effets plus globaux).D’autre part, même une fois les objectifs iden-tifiés, il n’y a généralement pas de solutionsimple pour évaluer l’efficacité. Si certains

changements peuvent être mesurés en com-parant la situation d’un territoire avant etaprès la construction ou en comparant deuxterritoires appariés(9), cette analyse compara-tive ne permettra pas à elle seule de compren-dre les raisons pour lesquelles un impact aété obtenu ou non, et dans quels cas il est pos-sible de le reproduire. Il faudra donc souventrecourir à plusieurs outils et méthodes com-plémentaires.

• La cohérence ou «Dans quelle mesure l’équi-pement complète-t-il le dispositif existant etpermet d’obtenir des effets supplémen-taires ? ». Lorsque l’évaluation se porte auniveau d’un territoire, cette question devientessentielle pour que les parties prenantesprennent en compte l’existence d’autres équi-pements, s’adaptent pour éviter un effet mille-feuille et assurent l’usage optimal des servicesdans la zone considérée. La cohérence seraavantageusement traitée à l’échelle d’unepolitique publique, carte (carte judiciaire, hos-pitalière), schéma ou stratégie.

• L’efficience ou « En quoi l’équipement a-t-ilatteint ou pourra-t-il atteindre ses objectifs aumeilleur coût ? ». Question polémique parexcellence, et au cœur de l’évaluation ex-ante,elle est utile lorsque différents types d’équi-pement ou de service peuvent être valable-ment comparés l’un à l’autre. Attention cepen-dant, l’évaluation est loin d’être la panacéepour gérer des questions budgétaires, qui sontau contraire au cœur des démarches d’auditou de management.

En faire bon usageÉvaluer prend du temps et nécessite de mobi-liser des ressources humaines pour unepériode donnée. Aussi la collectivité qui lanceune évaluation aura-t-elle tout intérêt à prévoirla manière dont elle pourra s’en servir. Dans lemeilleur des cas, l’évaluation alimentera un pro-cessus de prise de décision. Il est alors essentielde prévoir suffisamment à l’avance cette éva-luation, parfois un an ou deux avant la prise dedécision réelle, et de la partager au-delà du cer-cle des techniciens avec toutes les parties pre-nantes : c’est dans ces conditions que l’évalua-tion aura le plus de chances de contribuerutilement à tous ceux qui y auront participé.

(7) En 2009, deux tiers des français de 16 à 74 ans utilisentInternet régulièrement et seul un quart ne l’a jamais utilisé.Source : Eurostat.(8) Le rapport est disponible à cette adresse : http://www.ville-emploi.asso.fr/uploads/Rapport_final_Mission_JP_Anciaux_17_Juin_2008.pdf.(9) Ce qui ne va pas sans difficultés. Il faudra ainsi prendreen compte les changements qui ne sont pas dus à l’équipe-ment, les mouvements de populations résidentes ou non,ainsi que les effets des autres équipements du territoire,anciens ou récents.

75

Maisons de l’emploi, maisons de santé, hôpitaux…autant d’équipements qui ont fait l’objet d’évaluations.

F. Ga

lan/

Diag

onal

esC.

Dég

rem

ont/

IAU

îdF

J.-G.

Jule

s/IA

U îd

FB.

Geg

auff/

IAU

îdF

IAU île

-de-F

rance

Page 78: Equipements et services : la métropole au quotidien

Jusqu’au milieu des années 1960, l’agglo-mération parisienne s’est spontanémentdéveloppée de manière radioconcen-

trique : Paris concentrait les équipements et ser-vices et était au centre d’un réseau rayonnantde transports s’étendant dans sa banlieue.Depuis, la planification ne cesse d’explorer denouveaux concepts pour assurer un dévelop-pement durable à notre région métropole.

Le polycentrisme au service de l’offreurbaineEn 1965, le Sdaurp(1) a mis en avant le conceptde polycentrisme appliqué à l’armatureurbaine métropolitaine. En créant les pôlesstructurants de banlieue (Créteil, Bobigny, etc.) et les villes nouvelles, les aménageurs dela région parisienne ont cherché à rapprocherl’offre d’équipements et de services desespaces d’habitat et d’activité. Cette stratégie,conduite pendant près de cinquante ans, n’apas effacé la domination de la centralité pari-sienne mais a permis l’émergence et l’affirma-tion de nouveaux pôles et de nouveaux centresurbains dans la proche banlieue et dans lagrande couronne.

Un nouveau paradigme pour une métropole plus durable : de l’arbre à la mailleAujourd’hui, la stratégie de polarisation deséquipements sur un nombre restreint de nœudsde l’armature urbaine nous semble avoir atteintses limites pour plusieurs raisons. D’une part,

parallèlement à d’incontestables bénéfices, ellea eu des effets pervers sur l’offre urbaine deproximité (étalement urbain et affaiblissementdes centres locaux historiques). D’autre part,l’évolution structurelle de l’organisation et dufonctionnement social et économique de lamétropole, la transformation des systèmes decirculation de l’information, la recherche demodes de fonctionnement urbain plus éco-nomes en espace et en énergie et plus propres,conduisent à mettre en question l’organisationhiérarchisée et la structure en arbre (modèled’armature urbaine du Sdaurp). Une concep-tion plus homogène et maillée de l’organisationdes services et des réseaux, telle qu’elle s’estdéveloppée dans Paris intra-muros, semble êtrela direction à suivre. Sans abandonner le prin-cipe de polycentrisme, il s’agit de reconsidérersa forme et sa nature afin de mieux couvrir l’es-pace métropolitain, ce qui interroge d’une partsur l’organisation et la localisation des équipe-ments et services, et d’autre part sur l’organisa-tion de la mobilité dans la métropole.

Proximité et qualité de service : des exigences paradoxalesAujourd’hui, tous les services publics ou privésrecherchent des économies d’échelles qui lesconcentrent et les éloignent d’une part crois-sante de leurs usagers et de leurs clients : lescommerces de village ou de centre-ville dispa-

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Quelle gouvernance pour unearmature urbaine en mutation?

L’offre urbaine doit reposer sur l’articulation des différenteséchelles et faisceaux, en constituantun réseau d’équipements et de services faisant système.

La qualité de l’offre urbaine, dont l’une des principalescomposantes est l’accessibilité à deséquipements et services de qualité, doit être aucœur des projets urbains. Cette problématique d’une extrêmecomplexité, particulièrement dans une grande métropole, appelledes approches et des réponses sans cesse renouvelées en termes de planification et de gouvernance.

Jean-Pierre PalisseIAU île-de-France

76

S.Ca

stan

o/IA

U îd

F - M

etz

- Arc

hite

ctes

: Sh

iger

u Ba

n et

Jean

de

Gast

ines

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de larégion de Paris.

Le concept d’armature urbaine,décryptageLe concept d’armature urbaine permet de décrire et de concevoir l’articulationentre les lieux de centralités urbaines, où sont situés et parfois concentréséquipements et services, et le réseau de transport qui relie entre eux tous ces lieux. Il permet de mettre en relation,d’une part l’importance et la diversitéinterne des centres ou des pôles urbainsqui forment les nœuds de l’armature,d’autre part l’efficacité et la capacité des liens de transport (routiers, ferrés ou autre) à porter les déplacements versou entre ces nœuds.

IAU île

-de-F

rance

Page 79: Equipements et services : la métropole au quotidien

77

raissent ou régressent au profit de grandes sur-faces commerciales périphériques, les hôpitauxde proximité sont fermés et les services spécia-lisés regroupés dans quelques sites drainant devastes territoires… Cette réponse à la contrainteéconomique conduit à de très fortes disparitésd’accès à l’offre urbaine. Elle nuit aussi à l’ani-mation et à la convivialité des lieux de rési-dence et de travail. Comme les territoiresruraux, les territoires métropolitains sont doncaujourd’hui à la recherche de solutions permet-tant de concilier proximité, accessibilité et qua-lité des services. Une conception plus mailléedes réseaux de transport pourra y contribuermais n’y suffira pas. Il faudra questionner lastructure et la localisation des services auregard de la géographie territoriale.

Bassin de vie : périmètre idéal, périmètre introuvableLe rêve de l’urbaniste est de délimiter des « bas-sins de vie », territoires pertinents dans lesquelsil pourrait organiser la ville, localiser ses équi-pements et ses services, en corrélation avec sestransports. En réalité, cette tentative est vainedans la mesure où la nature même d’unemétropole est de voir s’imbriquer et s’enlacerles territoires vécus par chacun de ses habi-tants. Selon son âge, ses activités, son éducation,ses moyens financiers, ses goûts et ses valeursculturelles, son groupe familial ou amical, etc.,chaque individu dessine son propre territoire.La superposition de ces géographies indivi-duelles fait cependant apparaître des lieuxd’échanges intenses, formant des polaritésurbaines et des couloirs plus faiblement traver-sés qui dessinent une géographie territorialeaux limites floues et poreuses pouvant aider àmieux comprendre le vécu de la métropole, età construire des stratégies urbaines adaptées àsa complexité systémique.

Articuler les échelles territorialesDans la recherche de la qualité et de la proxi-mité, l’échelle communale est intéressante. Pro-fondément intégrée à notre culture urbaine, ellepermet un contact direct entre les citoyens etles maires, qui peuvent ainsi saisir la diversitédes attentes et évaluer la réponse à donner.Mais, en Île-de-France, la commune ne repré-sente qu’une petite partie du territoire vécu parses habitants et ne peut pas offrir l’ensembledes équipements et services nécessaires. Uneapproche intercommunale de l’offre urbaines’est donc avérée indispensable. Si certainsregroupements ont été davantage motivés parla proximité politique ou l’aubaine fiscale quepar la recherche d’un territoire de solidarité,d’autres, comme Plaine commune ou Cergy-Pontoise, coïncident peu ou prou avec des bas-

sins d'habitat et d'emploi, ce qui leur permetde porter une politique d'offre urbaine cohé-rente et efficace. Ces communautés intercom-munales, appelées à paver l’ensemble de lamétropole, constituent des points d’appuisolides pour construire une offre métropoli-taine accessible à tous.Mais, plus généralement, l’aménagement de l’of-fre urbaine doit se faire en articulant différenteséchelles, celles des quartiers, de la commune,de l’intercommunalité, des bassins d’emploi oud’habitat, des faisceaux convergeant autour deParis, de la métropole, en constituant ainsi unréseau d’équipements et de services complé-mentaires formant système. L’organisation ins-titutionnelle des territoires ne peut être le seulcreuset de ce système urbain complexe et sub-til. D’autres modes et d’autres lieux de construc-tion, mais aussi de concertation, sont néces-saires pour réussir cette articulation.

Le projet de territoire, un nouveau modede gouvernance et de planificationDepuis quelques années, les démarches terri-toriales se multiplient en Île-de-France, permet-tant de construire des stratégies urbaines adap-tées aux enjeux locaux. Elles peuventdéboucher sur la planification spatiale, notam-ment sur l’élaboration de schémas de cohé-rence territoriale (Scot), ou sur l’établissementde contrats fixant des engagements plurian-nuels entre les acteurs du développement etde l’aménagement, comme par exemple lescontrats territoriaux du grand projet 3 ducontrat de plan État-Région ou les futurscontrats de développement prévus par la loidu Grand Paris. L’élaboration de ces projets deterritoire ne relève pas d’une procédure prédé-finie et peut être adaptée au contexte spéci-fique à chaque territoire. Elle peut ainsi mobi-liser l’ensemble des parties concernées,publiques ou privées, dans des géométries trèssouples permettant l’articulation des échelles,et contribuer à la construction progressived’une vision suffisamment partagée du terri-toire pour que soit trouvé un accord sur lesprincipales stratégies et actions à conduire.C’est par la multiplication et la confrontation àl’échelle régionale de ces démarches que l’onparviendra à construire, avec le soutien et laparticipation des Franciliens, une organisationrenouvelée de l’offre urbaine dans une métro-pole parisienne multipolaire, équilibrée etporeuse, capable d’affronter les défis sociaux,économiques et environnementaux de ce siè-cle : la « métropole durable » souhaitée par leSdrif(2) et rêvée par les équipes de la consulta-tion du Grand Pari(s).

(2) Schéma directeur de la région Île-de-France.

J.-P.

Palis

se/I

AU îd

FJ.-

P. Pa

lisse

/IAU

îdF

De l’arbre…

… à la maille.

IAU île

-de-F

rance

Page 80: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’attractivité – une des composantes dela compétitivité des territoires – peutêtre définie comme la capacité d’un ter-

ritoire à conserver et à attirer des ressources(entreprises internationales, personnes haute-ment qualifiées, capitaux, événements, etc.).Du point de vue des entreprises, le marché etla qualité de la main-d’œuvre constituent descritères essentiels de l’attractivité, mais les infra-structures de transports et de télécommunica-tions(2) constituent également des critères clés.L’Île-de-France dispose en ce domaine d’atoutsindéniables : très bonne couverture territorialeen matière de télécommunications, réseau detransport ferroviaire et routier très développéet présence de grands équipements aéropor-tuaires (hub de Roissy, premier aéroport d’Eu-rope continentale, Paris-Le Bourget, premieraéroport d’affaires d’Europe, et Orly qui dessertnotamment l’Europe du Sud et le Maghreb) oufluviaux (l’Île-de-France possède, à Gennevil-liers, le deuxième port fluvial d’Europe).

L’attrait de certains équipements est parfois décisif dans les décisionsd’implantationDes équipements spécifiques peuvent jouer unrôle décisif dans certaines décisions d’implan-tation. À titre d’exemple, l’existence du hubaéroportuaire de Roissy a été la raison princi-pale d’implantation de Fedex. De même, le plus gros investissement étranger en rechercheet développement (R&D) de ces dernièresannées en Île-de-France (environ 1 milliard d’in-

vestissements en cumul dont environ 200 mil-lions d’euros en R&D) a été réalisé notammentdans la perspective de mutualiser des capacitésde recherche entre Siemens (actionnaire d’Al-tis) et des équipements et compétences situéessur le plateau de Saclay.Il faut également souligner l’effet levier au ser-vice des filières économiques franciliennes deséquipements d’accueil de congrès et de salonsinternationaux : l’Île-de-France est la premièrerégion européenne en matière de rencontreset événements professionnels et tente de main-tenir son rang(3), même si sa position estaujourd’hui fortement attaquée par des com-pétiteurs très offensifs.Toutefois, venir en Île-de-France en raisond’équipements spécifiques reste exceptionnel.Les 200 entreprises étrangères qui s’installentchaque année dans la région font le choix del’Île-de-France avant tout pour son marché(clients, fournisseurs, mais aussi entreprises etorganismes de recherche avec qui construiredes projets collaboratifs), ses infrastructures ausens large et sa main-d’œuvre qualifiée. Pourautant, la qualité de vie au sens large constitue

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les équipements participent-ilsde l’attractivité de la région?

Le hub de Roissy, premier aéroportd’Europe continentale, est un atoutindéniable dans l’attractivitéfrancilienne.

Si le marché, l’accessibilité et la main-d’œuvre sont les moteurs essentiels de l’attractivité régionale auprès des entreprises étrangères, l’atout de certains grands équipements joue aussi. De même que la recherche etl’innovation, l’image, la qualité de vie et l’accessibilité à des services publics de qualité. L’Île-de-France est aujourd’hui très attractive. Quelques leviers d’action sont d’ores et déjà identifiés pour faire en sortequ’elle le demeure.

Marc Knoll(1)

Agence régionale de développement

Île-de-France

78

© A

érop

ort P

aris

Cha

rles-

de-G

aulle

© E

mile

Lui

der –

La

Com

pany

pou

r Aér

opor

ts d

e Pa

ris

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Marc Knoll est responsable du pôle Attractivité à l’Agencerégionale de développement Île-de-France.(2) En matière de connections Internet (haut débit et trèshaut débit), l’Île-de-France dispose d’un réseau de qualité.Le Sdrif prévoit d’ailleurs la couverture généralisée de larégion en THD. Le prochain défi étant celui de la diffusionlarge de la fibre optique.(3) En particulier avec la structuration de Viparis, les projetsd’aménagement du parc Villepinte, les activités de promotiondu type Paris Region Trade Shows, etc.

IAU île

-de-F

rance

Page 81: Equipements et services : la métropole au quotidien

un critère de plus en plus important dans lesstratégies d’implantation des entreprises.

Équipements et qualité de vie : éléments secondaires mais néanmoinsdéterminantsDans un contexte où l’avantage comparatifd’une entreprise sur le marché est souvent liéà la qualité de ses forces de travail, à leur créa-tivité et à leur bien-être, le choix de localisationet de maintien d’une entreprise sur un territoiredépend de l’attractivité au sens le plus large, end’autres termes, de la «qualité » globale du lieu.Pour l’entreprise, mais également pour le salariéet éventuellement sa famille. C’est donc l’en-semble des éléments liés aux aménitésurbaines(4) (transport, logement, éducation,santé, sécurité, coût de la vie, etc.) qu’il convientde prendre en compte pour bâtir une visionélargie des valeurs territoriales.Dans cette perspective, le développement durable et plus concrètement les politiquesurbaines durables (au sens d’un équilibre entreun environnement de qualité et la viabilité éco-nomique et sociale d’un territoire) constituentun levier essentiel et convergent de « l’attracti-vité élargie ». L’Île-de-France a sans doute prisdu retard dans ce domaine mais, avec 29 pro-jets en construction(5), elle disposera très pro-chainement de quartiers urbains exemplairespour accompagner son attractivité.

L’importance des services publicsDans le même ordre d’idée, l’accès à des ser-vices de qualité et à des coûts peu élevés, sontdes facteurs d’attractivité des territoires, mis enavant par la plupart des études de benchmarkinternational. À titre d’exemple, le Global Com-petitiveness Index 2010-2011 (du World Econo-mic Forum) classe la France (parmi 139 paysétudiés) en 15e place grâce à la qualité de sesinfrastructures, à l’innovation, mais aussi grâceà un relatif bon score en matière de santé et dequalité du système éducatif (la France est res-pectivement classée 16e et 17e). Le World Com-petitiveness Yearbook de l’IMD de Lausanne,classe, en 2010, la France en 24e position (parmi58 pays étudiés selon plus de 300 critères), avecdes scores de relativement bonne qualité pourses infrastructures de base, ses infrastructurestechniques, ses infrastructures scientifiques,mais aussi pour son système de santé et sonenvironnement (10e position) ainsi que pourson système éducatif (15e position). Ainsi,même si ce n’est pas toujours fait spontané-ment par les entreprises, les études de bench-mark territorial valorisent le fait que les salariésdes entreprises installées en France bénéficientd’un ensemble de services publics gratuits ouquasi gratuits et de qualité, comme l’éducation,

la santé, la petite enfance, etc. Une pression fis-cale élevée ne serait pas a priori un facteur denon-compétitivité si elle est utilisée pour finan-cer un ensemble d’équipements et servicesutiles aux entreprises et aux salariés. L’augmen-tation très importante du budget de l’éducationprévue en Allemagne – à l’inverse des choixrécents faits par la France – n’est certainementpas de nature à obérer sa compétitivité, bienau contraire. À l’inverse, la dégradation de cer-tains services peut avoir des impacts non négli-geables sur l’attractivité des territoires. Enmatière de santé par exemple, la France dispo-sait en 2000, selon le classement de l’Organisa-tion mondiale de la santé, du meilleur systèmede santé au monde. Les évolutions récentes ten-dent à remettre en question ce palmarès.Autre exemple : l’Île-de-France, sans conteste undes leaders européens de la R&D, perd desplaces en matière d’innovation. Dans uncontexte national et international déjà trèsconcurrentiel, la situation francilienne sedégrade, même à l’échelle de la France : la pro-gression des effectifs de recherche est trois foismoins rapide que sur le reste du territoire et leséquipes franciliennes sont vieillissantes (plusde 30 % des chercheurs ont plus de 55 ans). Uneffort est à faire dans ce domaine. Il passera,entre autres, par l’immobilier universitaire, quin’est pas en Île-de-France aux normes de l’ex-cellence internationale. Il y a là un enjeu detaille pour l’Île-de-France, en terme d’attractiondes étudiants et des chercheurs internationauxet des initiatives comme le plan Campus s’atta-quent à cet enjeu majeur. Enfin, il faudra agirsur le déficit de logements adaptés (en termesde taille, de prix, de localisation) pour étudiantset chercheurs. Les quelques initiatives exis-tantes ne sont pas, là non plus, à l’échelle desenjeux.

Autres critères importants : l’image portée par le territoire…Un territoire est également, pour les investis-seurs et ses résidents, un univers de représen-tation. Agir sur l’image des territoires estaujourd’hui un levier essentiel de leur attracti-vité et de leur compétitivité. Or, tandis que denouvelles métropoles tendent à intensifier leurvisibilité sur la scène internationale (Berlin,

79

(4) Selon le baromètre AmCham-Bain de 2009, la qualité devie, la situation géographique, la qualité des infrastructureset la qualification de la main-d’œuvre conditionnent priori-tairement les décisions des investisseurs américains enFrance. Viennent ensuite, dans l’ordre, la politique énergé-tique, la disponibilité de la main-d’œuvre, et la priorité don-née à l’innovation et à la R&D.(5) Ces 29 projets regroupent 4 labels : les Nouveaux Quar-tiers urbains du conseil régional d’Île-de-France, les EcoQuar-tiers de l’État, la démarche Ecocité, ainsi que les projets Eco-quartiers du contrat de plan État-Région.

Chris

toph

e M

erci

er/R

égio

n ID

FB.

Bas

set/

IAU

îdF

L’attractivité des territoires dépendaussi de la « qualité » globale du lieu pour l’entreprise, ses salariés et leurs familles.

J.-G.

Jule

s/Ae

rial/

IAU

îdF

A. L

acou

chie

/IAU

îdF

IAU île

-de-F

rance

Page 82: Equipements et services : la métropole au quotidien

Shanghai, Pékin, Bombay, Madrid, Milan, Franc-fort…), Paris et sa région souffrent d’une imageinternationale encore largement figée dans lesclichés de la ville capitale (Paris « ville roman-tique ») à l’étranger, mais également enFrance(6). Pourtant, au regard notamment del’ensemble des projets d’aménagement quiconcernent aujourd’hui la région parisienne,une vague de transformations est indéniable-ment en train de parcourir la métropole. L’enjeuest de le faire savoir.

… et la qualité de l’immobilierd’entrepriseLa rénovation entamée de certains lieux emblé-matiques (La Défense, premier quartier d’af-faires d’Europe…) et le développement d’uneoffre diversifiée (Marne-la-Vallée…) sont aussiessentiels. La requalification nécessaire des12 000 zones d’activités franciliennes constitueun autre défi. Mais pour continuer d’attirer enÎle-de-France des entreprises internationales, ilconviendra de développer des lieux d’accueild’entreprises réellement adaptés aux besoinsdes entreprises internationales. Plusieurs projetsperdus récemment par l’Île-de-France se sontimplantés à l’étranger, dans des zones d’activi-tés ou quartiers d’affaires à la vocation claire-ment marquée et comprenant des équipe-ments mais aussi des services adaptés. Ces lieuxoffrent un environnement efficace aux entre-prises et salariés, mais aussi des conditions devie facilitant les échanges humains (lieux devie, équipements sportifs, restauration, etc.). Àquelques exceptions près, ces lieux sont inexis-tants en Île-de-France alors que nombre demétropoles en disposent(7). De récentes initia-tives pour développer des pépinières inno-vantes vont dans le bon sens, de même quel’élaboration prochaine d’un label des lieuxd’accueil(8) soutenu par les pouvoirs publics.

Des équipements au service de l’innovation et de la conversionécologique de l’économieL’Île-de-France, région leader en Europe enmatière de recherche et d’innovation, prend etaccompagne de multiples initiatives nationales(plan Campus, IRT, Ter@tec…), régionales etlocales pour garder son rang.Pour autant, alors que l’Île-de-France est unacteur majeur de l’innovation sur le plan inter-national, les éco-innovations ne constituent pasaujourd’hui son domaine d’excellence alorsque l’Île-de-France dispose de tous les atoutspour devenir une des leaders des écotechno-logies du XXIe siècle. Le thème de l’innovationau service de la conversion écologique del’économie ne pourrait-il pas constituer un axefort de la stratégie d’attractivité de la région ?

Cela suppose notamment d’identifier avec lesentreprises et filières en reconversion écolo-gique les solutions éco-innovantes et de favo-riser l’implantation en Île-de-France de nou-veaux acteurs internationaux détenteurs de cessolutions (entreprises, chercheurs, designers).Une ambition à concrétiser, notamment autourdes enjeux sociétaux intégrant des préoccupa-tions de développement durable (par exemplehôpital durable, écoquartiers…). Autant d’équi-pements structurants au service de l’attractivitéet des Franciliens. Cela suppose notamment dese mettre au niveau des pays leaders en matièred’éco-innovation : le Japon, l’Allemagne ou lesÉtats-Unis. Les initiatives se multiplient pourprendre des places. En septembre 2010, Sie-mens annonçait un investissement de 47 mil-lions de dollars pour construire un grand équi-pement : le prochain flagship de Londres. Situédans l’East London sur le territoire des JO 2012,dans le London’s Green Enterprise District, cetéquipement a vocation à être un démonstrateuret un showroom des éco-innovations de la villede demain. À quand un grand projet public-privé de cette nature en Île-de-France ?

L’Île-de-France ne peut se dispenser d’une poli-tique d’attractivité partenariale et ambitieuse.Peut-on imaginer les équipements de demainnécessaires au développement d’une écono-mie renouvelée en faisant de l’Île-de-France ungrand cluster multisectoriel dont la diversité descompétences devient le trait d’union et le gaged’une attractivité renforcée ? Cela ne permet-ilpas d’imaginer l’émergence d’un modèle éco-nomique régional à vocation mondiale repo-sant sur un environnement dynamique etconvivial, véritable carrefour de l’innovation,notamment pour favoriser la conversion éco-logique de l’économie? Dans cette perspective,alors que l’attractivité et la compétitivité ren-voient en général à des notions de concurrenceentre territoires, ne peuvent-elles également êtrecoopératives si elles sont associées à un certainnombre de « bonnes pratiques » qui dessinentle développement économique « responsable»de demain ?

80

Les équipements participent-ils de l’attractivité de la région?AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Le développement de pôles d’excellence,une ambition partagée entre Sdrif et Grand ParisLondres ou d’autres grandes capitalespeuvent afficher une territorialisation de leurs grands domaines d’excellence et ceci constitue un atout important en termes d’attractivité. L’exercice est complexe à faire en Île-de-France et il est, à ce stade, peu lisible. Le projet du Grand Paris et le schéma directeurd’aménagement de la région Île-de-Francereposent tous les deux sur ledéveloppement de pôles d’excellence. Le regroupement d’activités innovantessous la forme de campus vise à renforcerl’attractivité du territoire. Les deux projetsconsacrent une attention particulière à l’adéquation nécessaire entre rechercheet innovation, d’une part, et renforcementde l’offre immobilière, d’autre part. Enfin, la promotion d’écosites est un axecommun aux deux projets.

(6) Ainsi, dans un récent dossier «Villes mondiales» (décem-bre 2009-janvier-février 2010), la revue française Scienceshumaines classe Paris dans les «métropoles de culture», maisl’exclut des « capitales économiques de la mondialisation »,ainsi que des « nouveaux pôles de la politique planétaire ».(7) À titre d’exemple : le dispositif Toutchdown London oule Séoul Global Business Center.(8) Ce dispositif sera prochainement élaboré par l’ARD Île-de-France, en lien avec la Région et les partenaires franci-liens.

IAU île

-de-F

rance

Page 83: Equipements et services : la métropole au quotidien

Les équipements de proximité sont aucœur de la gestion urbaine des territoireset donc au cœur des politiques

publiques et associatives locales et de dyna-miques privées inscrites dans des marchés.Dans un contexte métropolitain, la notion deproximité devient complexe. Des enjeuxexternes interfèrent, de rayonnement, d’attrac-tivité, voire de compétitivité pour les plusgrandes métropoles (New York, Tokyo, Londreset Paris mais aujourd’hui aussi des capitales depays émergents). L’Île-de-France, hyperrégion-capitale de la cinquième puissance écono-mique mondiale(1), joue de longue date un rôlede locomotive, tant en France que dans lemonde, que « Paris, Ville lumière », ne tient plusseule mais symbolise toujours à l’international.

Équipements et services, des spécificitésmétropolitainesLa mondialisation et la métropolisation(2) exa-cerbent les contradictions sociospatiales. Parles niveaux de valeur économique qu’ellesimposent, elles accentuent les écarts locaux(groupes sociaux, territoires) mais génèrentaussi une intensité, une ouverture au mouve-ment, aux croisements, aux mutations. L’Île-de-France se confronte à ces tendances contradic-toires, accentuées dans les métropoles, à partirde sa tradition de ville européenne, de sa cul-ture nationale d’un service public redistribu-teur, de la planification, du communalisme(3),etc.

Au regard d’autres villes-mondes, elle reste pluscompacte et mélangée mais résiste mal à lasegmentation générée par les valeurs foncièreset de fortes logiques de spécialisation socio-culturelle(4). Sa structure des activités et emploiset son attractivité (affaires, tourisme, immigra-tion) étirent le spectre social, avec plus depopulations(5) à revenus très élevés et à hautsniveaux de formation et revenus moyens, maisaussi des populations pauvres. La mixité dimi-nue au centre, se renouvelle en proche cou-ronne est ou dans les villes nouvelles. L’immi-gration renforce ces contrastes (quartiers lesplus ségrégés) mais participe aussi de la mixitéfrancilienne et des marchés immobiliers lesplus élitaires.

Les équipements, ensemble flou et discontinuLes équipements participent de ces évolutionsstructurelles, éléments d’une qualité de vie

AnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Les équipements dans une approche métropolitaine

L’auditorium symphonique, imaginé par Jean Nouvel sera financé par l’État, Paris et la Région (45 %, 45 %, 10 %). Le chantier, interrompu poursurcoûts (Le Monde du 2 octobre2010), devrait s’achever en 2013.

Martine LiotardIAU île-de-France

Cet article replace les équipementsdans une lecture du fait métropolitain,entre proximité et attractivité. Le fonctionnement social et spatialspécifique de l’Île-de-France et son rôle international les inscriventdans une géographie et une hiérarchiecomplexes, disjointes, évolutives. Leurs concepts fondateurs évoluentavec les pratiques et les offres, la planification tente de les adapter à une nouvelle donne qui soitspécifiquement métropolitaine.

81

Phot

o : G

asto

n &

Sep

tet -

arc

hite

cte

: Jea

n No

uvel

Équipements et services : la métropole au quotidien

(1) Hiérarchie mouvante : le Japon, deuxième derrière lesÉtats-Unis, vient de se faire doubler par la Chine, l’Allemagnereste quatrième (Le Monde du 17 août 2010).(2) La métropolisation illustre la tendance à l’agglomérationpar étalement autour de grands pôles urbains, avec renfor-cement économique, accroissement des déplacements etsegmentation spatiale.(3) Près de 1 300 communes pour 11,5 millions d’habitants,et une intercommunalité encore en développement.(4) Comme l’ont montré Monique et Michel Pinçon-Charlot,la spécialisation des banlieues les plus aisées induit en boutde chaîne celle des « quartiers » paupérisés et plutôt immi-grés.(5) Résidents permanents et temporaires, qui sont aussi usa-gers d’équipements.

Article écrit à l’issue d’un échange avec Étienne Berthon, Anne-Claire Davy,

Vincent Fouchier et Dominique Riou, de l’IAU îdF

IAU île

-de-F

rance

Page 84: Equipements et services : la métropole au quotidien

commune (intensité, densité, richesse patrimo-niale et paysagère) mais très hétérogène. Lesparticularismes franciliens (hypertrophie ducentre parisien, étalement de banlieues contras-tées, dispersion communale) inspirent leur géo-graphie et leur hiérarchie. D’un côté, l’offrelocale est très disséminée et peu mutualisée(6),émanant des collectivités locales ou d’une offreprivée régulée par la demande solvable et l’ini-tiative individuelle. De l’autre, les grands équi-pements (opéra Bastille, hôpital Pompidou,Stade de France, parc de la Villette…) sont sou-vent initiés par l’État, au nom du rayonnementinternational, avec la participation des collec-tivités. La hiérarchisation des équipements n’estpas un continuum rationnel mais un systèmeflou régi par des logiques non coordonnées. Lafloraison de l’offre privée de services divers,plus importante qu’ailleurs dans cette régionà fort pouvoir d’achat moyen, conforte encorela zone centrale, par la densité des usagers rési-dents et de passage (banlieusards, visiteursoccasionnels ou fréquents, touristes), par unsystème de déplacements qui converge large-ment vers elle.

La fabrique des grands projetsLa géographie des grands équipements relevantdu service au public est gérée à l’échelle de larégion (carte hospitalière, universitaire ou admi-nistrative), avec des effets de déconcentrationvolontaire (universités, administrations publi -ques, etc.) ou induite par des contraintes fonc-tionnelles (gares, aéroports). Ces grands équi-pements sont aussi parfois des grands projets,considérés par les collectivités comme deslocomotives du développement. Implantés par-fois dans des secteurs dévalorisés, ils servent etrendent visible leur espace d’accueil en modi-fient l’image et l’attractivité (parc de la Villette,Grand Stade). Néanmoins, le parachutage d’unéquipement ne suffit pas à un décollage terri-torial. Une dynamique locale, une fédérationdes acteurs, un projet territorial partagé, sontdes conditions indispensables à cet effet « loco-motive » qui fait tant rêver les planificateurs. LeGrand Stade a propulsé la Plaine Saint-Denissur fond d’un long travail stratégique local quia crédibilisé sa renaissance possible.Les plus grands projets deviennent, dans lamétropole, les vecteurs d’un nouveau « marke-ting territorial » mondialisé. Les cités d’affairesverticales sont l’étalon courant de la compéti-tivité économique, quelque peu émoussé parla crise et qui sera bientôt confronté aux défisécologiques et énergétiques. La culture est lenouveau sésame (le Louvre à Abou Dhabi, lemusée de Gehry à Bilbao, etc.), érigée en objetde communication et de consommation mon-dialisée. Les grands projets culturels sont pris

dans une recherche de sophistication (voir lagrande salle symphonique de Jean Nouvel à laVillette, dont les surcoûts ont retardé la réalisa-tion), qui risque, paradoxalement, d’uniformiserl’architecture et peut la décrocher des enjeuxde son usage.L’histoire de l’équipement locomotive de l’îleSeguin sur trois décennies montre la difficultéà donner sens à une commande métropolitainesoumise à ces enjeux de rayonnement interna-tional. Elle illustre la part croissante du secteurprivé dans le financement et la conception deces grands équipements, non plus dans unelogique d’entraînement du territoire d’accueilmais de macroprojet autonome, grand pôlemultithématique hors sol, comme dans d’autresmétropoles mondiales.

La planification spatiale et les équipementsL’Île-de-France fonctionne-t-elle comme unemétropole ouverte où, malgré les différentielsqui se creusent, la profusion de l’offre d’équi-pements couvre la diversité des besoins expri-més ou potentiels sur son territoire ?Le foisonnement d’équipements en Île-de-France est unique pour qui habite le centremétropolitain et/ou a le pouvoir de mobilité(accès confortable au réseau, information, désirde se déplacer, pouvoir d’achat). Le réseau fran-cilien de transports en commun, exceptionnelen zone centrale (du tramway au TGV) et enradial, s’effiloche dès la proche couronne et ledébat actuel sur les rocades (Arc Express pourle Sdrif, Grand 8 du Grand Paris), entre logiquede maillage et liaisons rapides interpôles, actela nécessité d’élargir la zone d’hyperaccessibi-lité.L’évolution de la structure métropolitaine endépend, à partir d’une zone centrale intense ettrès reliée. Un enjeu est de réduire le « trou noir»où sont maintenues de nombreuses villes, inter-stices invisibles par absence de desserte. Ce quisuppose, en complément de rocades rapides,un maillage fin de transports plus lents.

Polycentrisme et bassins de viePoursuivant une organisation polycentrique, leSdrif tente, avec les « faisceaux », un développe-ment équilibré par grands bassins de vie arti-culés à Paris, dont participeraient des équipe-ments hiérarchisés autour de grands pôlesurbains. La figure de la marguerite(7), portée parPatrick Braouezec dès 2008, trouve un échodans le schéma des 20 villes de l’équipe Des-

82

Les équipements dans une approche métropolitaineAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

L’Île SeguinProposée dès 1990 par un rapport de Jean-Eudes Roullier, étudiée par la villeen 1992 (une « cité lacustre »), décidée par l’État en 1993, la restructuration du site Renault sur l’île Seguin a donnélieu à concours et projets successifs autourd’un équipement-phare : parc en 1993,avec un premier concours international,pôle scientifique en 1998, musée privéd’art contemporain financé par laFondation François Pinault en 2000(finalement installé à Venise en 2007),Centre européen de la créationeuropéenne en 2005 poussé par leministre de la Culture, Maison de l’histoirede France (souhait présidentiel récent) et jardin de sculptures (souhait de l’ex-président du conseil général desHauts-de-Seine) en 2009, regroupementde projets autour des arts dans un projetrésidentiel et tertiaire en 2010, dans le cadre du projet de Jean Nouvelretenu à l’issue d’un nouveau concours en 2009.Pôle musical départemental de 32 000 m2

avec deux salles de concert, conservatoiremunicipal, restaurant, café et « commercesculturels » en aval et, en amont, pôle d’art contemporain de 20 000 m2

pour galeristes et artistes (avec la Fondation Cartier ?), transfert du Cubed’Issy-les-Moulineaux dédié aux artsnumériques, fonds d’art contemporain de Renault et lieu de la mémoire ouvrière,seraient reliés par une zone centrale avec hôtel de luxe, bureaux, complexecinématographique, école supérieure des arts numériques, cirque numérique,résidence pour artistes, rue commerçanteavec boutiques, bars et restaurants, et jardin exotique. Certains immeublescompteraient jusqu’à 50 étages. Rendez-vous en 2018.

(6) La Région incite à la mutualisation pour l’octroi de sesaides.(7) Patrick Braouezec, président de la communauté d’agglo-mération de Plaine Commune, préconise de grandes agglo-mérations autour de Paris.

IAU île

-de-F

rance

Page 85: Equipements et services : la métropole au quotidien

cartes pour le Grand Pari(s)(8). Les 20 villes oules 5 faisceaux et leurs transports de proximitésont supposés favoriser les équipements locauxet intermédiaires, à charge pour eux de susciterdes centralités fortes, d’intensité métropolitaine.Leurs modèles restent à inventer, en tenantcompte de l’hyperdensité parisienne.Quoi qu’il en soit, la confortation des échellesintermédiaires hors Paris (y compris pour leséquipements) est bien stratégique pour l’exten-sion qualitative de la métropole. Elle interpelleles pôles métropolitains éloignés (ex-villes nou-velles, Roissy, Saclay dans le futur) dans leurcapacité à fabriquer de l’intensité métropoli-taine urbaine à partir de leurs fonctions éco-nomiques.

Métropole, cet espace mental qui peine à s’étendreAcquis tardif des débats récents, la métropoledépasse le périphérique et même les 28 com-munes riveraines. Raisonnée comme systèmemultiscalaire et non comme périmètre, elle vade l’agglomération à ses franges rurales etconnexions urbaines, entre grands territoires etrégénération de formes locales. Mais la penséeradioconcentrique résiste, malgré les pôles éta-blis dans ses marges étales et la réticence à unevision métropolitaine élargie est un vraiarchaïsme francilien. Nombre d’experts depuis25 ans ont en vain réclamé une déconcentra-tion des grands équipements ou des ministères.Le Mac Val, dans un site encore sans logiqueglobale de projet sur la RN 305, est isolé malgrésa dynamique muséographique. Intéressantexercice métropolitain, l’extension du com-plexe tennistique de Roland Garros se discutedans le chausse-pied de la porte d’Auteuil. Ver-

sailles ou Marne-la-Vallée sont sur les rangs,avec des terrains disponibles mais selon quelprojet global ? Les blocages sont profonds,ancrés dans la géographie urbaine, révélateursde l’intégration difficile des marges sociospa-tiales et des banlieues stigmatisées où les 10équipes de la consultation du Grand Pari(s)

83

Atel

ier C

astro

Den

isso

f Cas

i

(8) Ne pas confondre le Grand Paris, porté par le secrétariatd’État chargé du développement de la région capitale, et lestravaux prospectifs de 10 équipes dans la consultation duGrand Pari(s), initiée par l’État en 2007. Descartes place surl’Île-de-France 20 villes européennes totalisant 11,5 millionsd’habitants.

Grou

pe D

esca

rtes

L’équipe Descartes entrevoit un grand Pari(s) formé outre Paris,d’entités urbaines plus fortes, et appuie sa démonstration par addition des populations de 20 villes européennes.

Roland Castro, pour le Grand Pari(s),imagine Rungis, hypercentre de grosalimentaire, comme un lieu aussiaccessible au public (restaurants,animations), un nouvel équipementmétropolitain.

IAU île

-de-F

rance

Page 86: Equipements et services : la métropole au quotidien

voient les germes d’une nouvelle identitémétropolitaine. Les projets moteurs forgent lavisibilité métropolitaine mais c’est aussi du ter-rain local, mobilisé depuis 2001 par la coopé-ration Paris-banlieue et, depuis 2009, par le syn-dicat Paris Métropole, qu’émergera peu à peuune identité métropolitaine vraiment partagée.

Les équipements métropolitains au défide la qualité de vieL’intensité métropolitaine cosmopolite, lavitesse, les contradictions, sont propices à lamutation. Des contraintes naissent aussi les nou-veaux modèles, pour la métropole et ses équi-pements, alors que la qualité de vie devient unélément d’attractivité des villes mondiales. Lesclassements intègrent des critères concernantl’agglomération : l’intensité parisienne, pré-cieuse pour les « inclus mondialisés», mais aussila thrombose des transports centraux, lesrythmes de vie écartelés ou la cherté au quoti-dien pour certains. Le dépassement de ces han-dicaps pourrait être plus facile en moyennecouronne urbanisée, moins dense et valoriséeque le centre, plus proche des franges naturellesmais mal structurée et desservie. LIN et AUC(9)

y imaginent, en complément de l’hyperdensitécentrale, une intensité urbaine spécifique,hybride, connectée, associant confort indivi-duel, fluidité de l’espace et mobilité. Des équi-pements multiservices, dont les prototypes sontjaponais (le Koban, poste de police de proxi-mité, l’épicerie ouverte 24 heures sur 24), sontsitués sur des nœuds de mobilité (location devélo, voiture électrique…). Renouvellementmétropolitain par les marges ?

Individualisation et défragmentationLa culture est un secteur où pointe la muta-tion des équipements : entre l’équipementpublic local et la salle de spectacle d’échelle

métropolitaine, la pratique et la consommations’aiguisent aussi dans des lieux hybrides, parfoispetits et excentrés, souvent privés, des festivalsrévèlent des espaces urbains inattendus. Desgroupes, générationnels ou communautaires,font réseau, produisent et atteignent une visibi-lité métropolitaine et internationale, par effetde niche. Les frontières se brouillent dans cettecréativité fragile et marginale (équipement oucommerce, culture ou loisir, espace physiqueou dématérialisé ?), comme dans certainsgrands projets (AUC imagine un « Très TrèsGrand Louvre » intégrant les Halles).La santé requiert des infrastructures lourdes aucœur d’un réseau de praticiens divers, publicset privés. L’offre de services privés et les sitesd’automédication par Internet, conjugués à labaisse des services et financements publics,sont de faibles palliatifs, très inégalitaires, alorsque la hiérarchie des équipements se resserredepuis le niveau local (suppression d’équipe-ments de proximité à des fins de rationalisationbudgétaire ou de sécurité). Le service publicet associatif (école, centre de soins, centre deloisirs) des zones déshéritées de la métropolereste l’ultime socle de droits et le rôle desurgences, substitut fréquent à la médecine deville, interroge cette évolution. Partout, l’indivi-duation des consommations progressera etbouleversera le service de proximité.Ce qui se substituera à un service public uni-versel en voie de dissolution n’est pas en placeet se devine dans le fourmillement d’offres plushybrides et dé-normées. Avec des risques dedélitement et d’évitement des moins inclusmais aussi de la souplesse, de l’inventivité, desrapports marchands d’un type nouveau. Le rap-port à la proximité en sera transformé positive-ment, à la condition expresse de la mobilité : sitout résident francilien peut accéder facilementaux aménités urbaines qu’il souhaite. Les cen-tralités urbaines historiques (Paris, les noyauxdes plus grandes villes franciliennes) offrent dela proximité physique par leur densité et leurmixité. D’autres modèles devront émerger dansla métropole moins dense. Des équipementsmieux répartis et intégrés, visibles et accessiblesen transports en commun doux, pourront-ilscréer cette intensité de lieux et de croisementsindispensable au développement harmonieuxde la métropole francilienne ?

84

Les équipements dans une approche métropolitaineAnticiperLes Cahiers de l’IAU îdF

n° 157 - janvier 2011

Crédits photographiques p. 85J. Boucherat/SPLA Lyon ConfluenceN. Mahadjer/le bar Floréal/région IDFJ.-C. Bardot/le bar Floréal/région IDFSan de Sénart/Ph. CaumesSan de Sénart/Ph. CaumesC. Pottier/le bar Floréal/région IDFN. Mahadjer/le bar Floréal/région IDFA. Lejarre/le bar Floréal/région IDFS. Carlier/le bar Floréal/région IDFS. Carlier/le bar Floréal/région IDFS. Carlier/le bar Floréal/région IDF

(9) Équipes du Grand Pari(s), l’une berlinoise, l’autre dejeunes architectes français.

Patrick Braouezec, président de Plaine Commune, milite pour une organisation polycentriquede la région à partir de communautésd’agglomération qui gèrent de grandspôles métropolitains.

IAU île

-de-F

rance

Page 87: Equipements et services : la métropole au quotidien

Ressources

IAU île

-de-F

rance

Page 88: Equipements et services : la métropole au quotidien

86

À lire

VINCENT KAUFMANN ENVISAGE LA MOBILITÉ

comme un phénomène social total quine doit pas être réduit aux seuls dépla-

cements dans l’espace ni au seul domaine destransports. Pour lui, aborder la mobilité néces-site de bien distinguer trois dimensions : le« champ des possibles », c’est-à-dire l’ensembledes possibilités offertes dans un certaincontexte pour un changement d’état ; la « moti-lité » des acteurs, c’est-à-dire l’ensemble desaccès, des compétences et des projets qui défi-nissent l’aptitude d’une personne ou d’ungroupe social à se mouvoir ; les déplacementseffectivement opérés par les acteurs dans l’es-pace et le temps. Être mobile, ce n’est pas for-cément se déplacer vite et loin. Bien aucontraire d’après Vincent Kaufmann. Travaillertrès loin de son domicile, c’est souvent unemanière d’éviter de changer d’état (de rési-dence principale, d’emploi…). De plus, sedéplacer vite et loin ne signifie pas nécessaire-ment être plus libre, car cela est souvent imposépour des raisons professionnelles ou sociales.La société qui offre la plus grande liberté demouvement est celle qui permet l’épanouisse-ment d’une pluralité de projets de mobilité.

Aujourd’hui, il faut être flexible, savoir se retour-ner, être ouvert aux opportunités, que ce soitdans le domaine professionnel, des loisirs ou dela vie familiale. La motilité devient une dimen-sion de la stratification sociale, au même titreque la formation ou le revenu. Selon l’auteur, laville même se déploie à partir de la motilité desacteurs. Elle est un milieu particulièrement pro-pice à l’épanouissement des personnes qui ontpour projet d’être mobile. Les espaces périur-bains sont au contraire privilégiés par ceux quirecherchent une certaine sédentarité. De cesconstats, l’auteur détermine le fait qu’agir sur lamobilité met en œuvre de nombreuses inter-ventions publiques qui n’ont rien à voir avec lestransports mais relèvent du «champ des possi-bles» : opportunités ouvertes en matière d’amé-nagement du territoire, de logement, etc. Maiscela implique aussi de considérer le déplace-ment comme un temps vécu à part entière dontil faut chercher à maximiser la qualité. VincentKaufmann utilise enfin le modèle suisse volon-tariste de réduction de la place de la voiturecomme un exemple des limites d’une actionpublique en faveur d’une mobilité vue unique-ment sous l’angle du déplacement.

VINCENT KAUFMANN

Les paradoxes de la mobilité.Bouger, s’enracinerLausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008.

LA PROXIMITÉ COMME ENJEU POLITIQUE ET SOCIAL,tel est l’objet de cet ouvrage reprenantles contributions de différents interve-

nants lors de débats sur les « politiques et lescollectivités locales » et sur la « constructionsociale de la proximité» en 2002. Si la proximitén’est pas une notion nouvelle, elle fait désor-mais partie intégrante de la rhétorique poli-tique prônant un rapprochement citoyens-élus,conforté par la loi sur la démocratie de proxi-mité de 2001. La décentralisation aidant, lasacralisation de la culture du terrain estaujourd’hui de rigueur : le politicien démontreainsi que les intérêts des politiques sont lesmêmes que ceux des électeurs tout en mar-quant une certaine distance, antonyme parfaitdu terme proximité, cette dernière étant le gaged’une égalité de traitement et d’impartialité. Ladistance est perçue comme une condition à lacommunication. La proximité, alors essentielle-ment spatiale et non plus exclusivement poli-tique, devient synonyme d’accessibilité et derelations de voisinage. Le rapport entre proxi-mité spatiale et relation sociale permet l’inter-

action (si la solidarité et le lien se créent), ouau contraire la confrontation, si différentsgroupes sociaux s’opposent.Les jeunes ayant répondu aux enquêtes ontune forme de communication de proximité quis’apparente plus à une «distance rapprochée» :en effet, la communication envers les jeunes sefait non pas par la concertation ou la négocia-tion, mais plus par compassion ou répression.Dès lors, le dialogue s’instaurera principale-ment par le biais d’un groupe. Les jeunes appar-tiennent à une communauté émancipée s’in-vestissant et s’engageant peu dans la vie dequartier. À l’inverse, les familles plus installéesfont partie de la communauté dite protégée,utilisant différents types de services de proxi-mité. Ces catégories, loin d’être généralisablesà tous les contextes urbains, semblent évolu-tives avec l’âge et l’envie de participer à la viesociale du quartier. Le quartier politiquedevient plus qu’un simple espace de proximitéet prend son sens en établissant un lien entreles acteurs de celui-ci, le municipal, le métro-politain, le régional et le national.

SOUS LA DIR. DE ALAIN BOURDAIN, MARIE-PIERRE LEFEUVRE

ET ANNICK GERMAIN

La proximité : constructionpolitique et expérience socialeParis, L’Harmattan, coll. « Villes etentreprises », 2009.

IAU île

-de-F

rance

Page 89: Equipements et services : la métropole au quotidien

87

À lire

RÉSEAU NATIONAL DES ACTEURS

DES DÉMARCHES TEMPORELLES

Les mardis de TempoSéminaire sur l’urbanisme temporel,Saint-Denis 6 et 7 décembre 2007Paris, 29 septembre 2009Paris, Tempo territorial, octobre 2010.

LA QUALITÉ DE VIE CONSTITUE UNE PRÉOCCUPA-tion politique et sociale majeure enmilieu urbain. Comment la définir et

comment l’apprécier localement ? Dans cetouvrage, qui s’appuie sur une thèse de doctoraten géographie, l’auteure propose une méthodeexpérimentale d’évaluation de la qualité de vieappliquée au territoire de la ville de Lyon. Cetteméthode intègre deux approches, subjective etobjective. Dans un premier temps, une enquêtesociologique menée auprès d’acteurs profes-sionnels et d’habitants permet de dégager deséléments subjectifs identifiés comme constitu-tifs de la qualité de vie lyonnaise. Trois de cescomposantes concernent le logement, l’envi-ronnement social et le cadre de vie, lui-mêmescindé ensuite en dix éléments structurantsrécurrents. Quatre d’entre eux caractérisent l’of-fre d’équipements et de services de proximité :le réseau de transports en commun, les poten-tialités commerciales, les équipements scolaireset les espaces verts. Chacun des éléments estensuite « objectivé » au travers d’un indicateursynthétique prenant en compte les donnéesdisponibles, quantitatives et qualitatives, et car-tographié à l’échelle de la ville. Ainsi, l’évalua-

tion des potentialités commerciales repose surle nombre et la diversité des commerces et ser-vices dont l’usage est quotidien et qui sontsitués dans un rayon de 100 mètres autour dechaque bâtiment. Celle des équipements sco-laires se fonde sur le nombre et la continuitéd’enseignement des établissements localisésdans un rayon de 300 mètres, en prenant encompte les contraintes de la sectorisation. Pourles espaces verts, des aires d’attractivité diffé-renciées selon la taille des espaces sont déter-minées et pondérées par la diversité des activi-tés disponibles : promenades, jeux, nature etautres ; chaque bâtiment cumule alors un cer-tain nombre de points selon sa situation parrapport à ces aires d’attraction. Outre uneméthode pratique d’appréhension de la qualitéde la vie sur un territoire donné, accompagnéed’une réflexion critique sur les sources de don-nées utilisables, l’ouvrage propose une lectureterritoriale très fine des points forts et des fai-blesses des différents espaces urbains lyonnais.Une typologie synthétique résume ensuite l’en-semble des indicateurs et fait l’objet d’unereprésentation cartographique.

NATALIA SAULNIER

De la qualité de vie au diagnosticurbain : vers une nouvelle méthoded’évaluationLe cas de la ville de LyonLyon, Certu, 2006.

L’ÉVOLUTION DE NOS MODES DE VIE A COMPLÈ-tement bouleversé les rythmes des indi-vidus. Le modèle de temps qui prévalait

il y a encore quelques décennies et qui faisaitdistinguer sans difficulté temps de travail ettemps de loisirs, journée et soirée, semaine etweek-end, n’existe presque plus. Aujourd’hui,les temps et les rythmes des individus et desterritoires se diversifient, se désynchronisent.Depuis une dizaine d’années, des collectivitéslocales ont mis en place des politiques tempo-relles pour rendre compte de ces phénomèneset proposer des solutions pour favoriser unemeilleure articulation entre les différents tempsde vies : personnelle, familiale, professionnelle,sociale… Les premières politiques temporellesont cherché surtout à aménager les horairesdes services (crèches, écoles, transports, ser-vices publics…) pour assurer une meilleureégalité entre hommes et femmes et permettrede mieux concilier, pour les femmes notam-ment, vie active et vie familiale. Ces politiquess’enrichissent aujourd’hui de la question dutemps. Au-delà de l’adaptation des horaires,elles abordent la complexité du vécu quoti-dien. Chaque habitant n’a pas la même percep-

tion de son espace environnant tout au longde sa vie. Cette perception se modifie avecl’âge, la situation sociale et familiale. Mais lesusages dans l’espace urbain varient eux aussien fonction du temps. L’intensité d’utilisationdes espaces change au cours de la journée, dela semaine, de l’année. Cette évolution estconditionnée par les pratiques, elles-mêmesliées à la localisation des équipements, destransports… L’étude de ces usages, dans lafinesse des pratiques des habitants, doit permet-tre par exemple, d’amener les politiquespubliques à mutualiser certains sites pour desusages différents, dans des temps différents, oubien encore, autre exemple, à adapter, modulerl’éclairage de certains sites en fonction desheures de la nuit, ou des saisons. Le mot« temps » est employé dans maintes acceptionsdifférentes : les temps de la personne, les tempssociaux, les temps du territoire vécu… et puisaussi, parfois de manière contradictoire, letemps linéaire des projets urbains. Ces « pré-sents successifs » ne peuvent se contenter deméthodes autoritaires. Les politiques tempo-relles nécessitent de nombreux temps de négo-ciation et de concertation.

IAU île

-de-F

rance

Page 90: Equipements et services : la métropole au quotidien

88

À lire

ÀL’HEURE DU DÉBAT SUR LA RÉFORME TERRITO-riale, la gestion des collectivités territo-riales, les niveaux de compétences et

les instances de décisions ne sont pas toujoursregardés avec l’objectivité nécessaire. Les cli-chés sont nombreux qui font planer un doutedans l’esprit des Français quant à la capacitédes 500 000 élus locaux de bien gérer leur col-lectivité. Cette suspicion nourrie d’idées reçuesà l’égard de l’organisation institutionnelle dela France et des représentants locaux n’est-ellepas un signe de jacobinisme? Cette réforme del’administration territoriale de la Républiquepermettra-t-elle véritablement de pérenniser,tout en le corrigeant et le modernisant, le mou-vement de décentralisation engagé au débutdes années 1980, ou bien est-ce une manièrede réaffirmer la prééminence du pouvoir cen-tral, cantonnant les collectivités locales à unrôle de mise en application technique, de décli-naison locale, des décisions prises à Paris ? Ceplaidoyer pour la décentralisation choisit dedémonter, chiffres à l’appui, dix principauxlieux communs : collectivités locales trop nom-breuses, trop dépensières, réclamant trop d’im-pôts, pas assez solidaires, bien moins efficaces

que nombre d’organismes privés, leurs compé-tences empêtrées dans un «millefeuille » admi-nistratif empêchent la prise de bonnes déci-sions… S’appuyant aussi sur de très nombreuxexemples européens, Philippe Laurent ne secontente pas de démonter ces idées reçues. Ilprend en compte les critiques portées à l’égardd’un système dont il ne nie pas la complexité.Il propose des solutions pour chacun des pointsabordés, des exemples qui ont réussi, des focussur des aspects particuliers et qui illustrent sonpropos. Les lois Deferre avaient permis de lan-cer le processus de décentralisation et de trans-férer des compétences au niveau local pourune meilleure prise de décision. Mais plus devingt ans ont passé avant qu’en 2004 ces pre-mières lois soient complétées. Depuis, lecontexte a encore changé, les deux premiersactes de la décentralisation ne sont plus suffi-sants pour encadrer une organisation des pou-voirs publics souple et réactive. Philippe Lau-rent plaide pour une décentralisation acte IIIqui permettrait notamment l’achèvement desintercommunalités, l’affirmation des métro-poles et surtout une véritable réforme fiscale.

L’attractivité des territoires :regards croisésActes des séminaires, février-juillet 2007Paris, Puca, février 2009.

PHILIPPE LAURENT

Décentralisation : en finir avec les idées reçuesParis, LGDJ, Lextenso éditions, coll. « Systèmes », 2009.

LA NOTION D’ATTRACTIVITÉ EST DEVENUE RÉCUR-rente dans les arguments visant à déve-lopper un territoire. Le travail réalisé par

le Puca, à travers une série de séminaires, a per-mis de donner un éclairage sur l’application dece concept dans des situations locales, des pro-jets d’aménagement ou de développement àl’échelon régional ou urbain en Île-de-France,dans l’Est londonien, le nord-est de Paris, àTurin, dans la Plaine Saint-Denis, à Saint-Ouen,le long de la Loire, à Séoul, à Lille.Le pouvoir d’attraction d’une ville se joue sursa capacité à attirer l’attention, à faire rêver et,à se distinguer. À toutes les échelles du terri-toire, l’attractivité est au cœur de la compétiti-vité économique, culturelle, sportive… quipousse les initiatives à fleurir, valorisées par dumarketing territorial pour donner envie d’inves-tir ou d’y vivre. Mais les projets de rénovationurbaine à vocation attractive ne seront réelle-ment considérés comme durables que s’ils par-viennent à maintenir la cohésion sociale entreanciens et nouveaux habitants/usagers, à pré-server les populations d’une perte d’identité,ou d’une relégation territoriale pour des ques-

tions de coûts. Les équipements et services, par-fois emblèmes ou porteurs de l’attractivité ter-ritoriale, doivent être accessibles à toute lapopulation, qu’elle soit pauvre ou riche, habi-tant le quartier ou non, régulière ou touris-tique… Les projets réussis ont su s’insérer dansle territoire, apporter une meilleure qualité dela vie, en considérant les phénomènes d’inter-action entre les échelles, les usages, lescontraintes physiques, temporelles, financières,sociales et culturelles. Ainsi, la notion d’espacesensible (la prise en compte des capacités decharge mais aussi des ambiances, de l’émotif,de l’accessible, du perceptible, de l’image) quiengage le territoire et sa population dans sonrapport au monde, doit être intégrée.Alors que les villes sont de plus en plus cloi-sonnées en raison de l’accroissement descontrastes sociaux entre les quartiers, ne faut-il pas d’abord favoriser le vivre ensemble ?N’est-ce pas aussi, sur le long terme, une condi-tion du renforcement de l’attractivité des terri-toires ? La question soulevée par Didier Paris,un des intervenants du séminaire, reste ouverte.

IAU île

-de-F

rance

Page 91: Equipements et services : la métropole au quotidien

ActualitéUne colonne dédiée

à l’actualité : les sujets à la une, les dernièresmises en ligne de nosétudes et publications.

RessourcesCette zone offre un accès

rapide aux ressources en ligne : des chiffres

sur l’Île-de-France, les outils de cartographie

interactive, nos tables rondesavec leurs contenus afférents,

des vidéos sur des thèmes d’actualité, le portail

documentaire de la médiathèque avec un accès

aux fonds photographique et bibliothèque.

Barre de navigationLa barre de navigation permet d’accéder aux sept grandes rubriques du site :L’INSTITUT : présentation de l’IAU îdF, son histoire, son fonctionnement, ses réseaux.L’ÎLE-DE-FRANCE : des données et des infor-mations sur la région, les intercommunalités.DÉBATS & ENJEUX : des grands sujets d’actualité sur lesquels l’IAU îdF se mobilise, notamment par l’organisation de tables rondes.ÉTUDES : la majorité de nos études téléchargeables en PDF.PUBLICATIONS : l’ensemble de nos publications (Cahiers, Note rapide, Atlas…) téléchargeables en PDF.CARTES : nos outils de cartographie interactive sur l’Île-de-France, des cartes et des données géographiques en télécharge-ment, des cartes papiers à commander.INTERNATIONAL : les actions de l’IAU îdF à l’étranger, l’historique de ses missions et les travaux en cours.

NewsletterSaisissez votre adresse électronique et recevezchaque mois notre lettre d’information. Elle est également consultable en ligne en cliquantsur

Moteur de rechercheIl interroge l’ensemble des contenus du site, y compris les PDF en ligne.

NewsletterLa

Le site internet de l’IAU île-de-France

Lieu ressource de nos travaux et publications

www.iau-idf.fr

IAU île

-de-F

rance

Page 92: Equipements et services : la métropole au quotidien

L’économie en mode actifseptembre 2010France : 18 €Étranger : 20 €

Les villes face à l’insécuritéjuin 2010France : 18 €Étranger : 20 €

le Maroc s’ouvre au XXIe sièclemai 2010France : 30 €Étranger : 32 €

Le Bassin parisien,une méga-région ?février 2010France : 18 €Étranger : 20 €

Composer avec l’environnementoctobre 2009France : 18 €Étranger : 20 €

Stratégies métropolitainesjuin 2009France : 18 €Étranger : 20 €

En vente à l’IAU île-de-France15, rue Falguière, 75740, Paris Cedex 15 - Tél. : 01 77 49 79 38 - www.iau-idf.fr

Derniers Cahiers parus

n° 154

n° 151

n° 155

n° 152

n° 156

n° 153

IAU île

-de-F

rance