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1 ÉQUILIBRE INTÉRIEUR ET RÉGULATION DES ÉTATS D’ÂME : UN APPRENTISSAGE DE LA SÉRÉNITÉ ? Christophe André Service Hospitalo-Universitaire Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris « Partout où je suis allé, un poète était allé avant moi… » Sigmund Freud « Je me suis levé, j’ai bu un verre d’eau, et j’ai prié jusqu’à l’aube. C’était comme un grand murmure de l’âme. Cela me faisait penser à l’immense rumeur des feuillages qui précède le lever du jour. Quel jour va se lever en moi ? » Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne SONDAGES 1) Quand je vais mal, sur quel registre ? Inquiétudes ? Abattement ? Irritation ? 2) Ai-je des stratégies délibérées pour limiter mes états d’âme négatifs ? 3) Et des stratégies délibérées pour augmenter mes états d’âme positifs ? PLAN 1) À la poursuite de l’équilibre intérieur 2) Stratégies de régulation 3) Cultiver les états d’âme positifs 4) Limiter la part évitable de nos souffrances : travailler sur les états d’âme négatifs 5) Sérénité : un bonheur subtil PLAN 1) À la poursuite de l’équilibre intérieur 2) Stratégies de régulation 3) Cultiver les états d’âme positifs 4) Limiter la part évitable de nos souffrances : travailler sur les états d’âme négatifs 5) Sérénité : un bonheur subtil À la poursuite de l’équilibre intérieur • Définitions. Grandes platitudes à rendre « sexy » (motivation du patient à s’y engager). Pratique personnelle du thérapeute. • Psychoéducation. La vie intérieure : entraves et auto- observation. DÉFINITIONS Bien-être subjectif • Bonheur • Sérénité Équilibre intérieur Travail avec le patient : Que signifient ces termes pour vous ? Exemples actuels ? Comment cela se passait dans votre famille ? Discours, attitudes ? Souvenirs ? Les « grandes platitudes » et la motivation du patient • Évidences. Et absence de pratiques régulières. Comment motiver ? En inscrivant dans un courant, et surtout en racontant des histoires : science, personnelles, autres patients, métaphores…

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ÉQUILIBRE INTÉRIEUR ETRÉGULATION DES ÉTATS D’ÂME :

UN APPRENTISSAGEDE LA SÉRÉNITÉ ?

Christophe AndréService Hospitalo-Universitaire

Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris

« Partout où je suis allé,un poète était allé avant moi… »

Sigmund Freud

« Je me suis levé, j’ai bu un verre d’eau, etj’ai prié jusqu’à l’aube. C’était comme ungrand murmure de l’âme. Cela me faisaitpenser à l’immense rumeur des feuillages quiprécède le lever du jour. Quel jour va se leveren moi ? »

Georges Bernanos,Journal d’un curé de campagne

SONDAGES

1) Quand je vais mal, sur quel registre ?Inquiétudes ? Abattement ? Irritation ?

2) Ai-je des stratégies délibérées pourlimiter mes états d’âme négatifs ?

3) Et des stratégies délibérées pouraugmenter mes états d’âme positifs ?

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

À la poursuite del’équilibre intérieur

• Définitions.• Grandes platitudes à rendre « sexy »

(motivation du patient à s’y engager).• Pratique personnelle du thérapeute.• Psychoéducation.• La vie intérieure : entraves et auto-

observation.

DÉFINITIONS• Bien-être subjectif• Bonheur• Sérénité• Équilibre intérieur

Travail avec le patient :• Que signifient ces termes pour vous ?• Exemples actuels ?• Comment cela se passait dans votre famille ?

Discours, attitudes ? Souvenirs ?

Les « grandes platitudes »et la motivation du patient

• Évidences.• Et absence de pratiques régulières.• Comment motiver ?

En inscrivant dans un courant, etsurtout en racontant des histoires :science, personnelles, autres patients,métaphores…

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Pratique personnelledu thérapeute

Vos pratiques personnelles ?

En tant que thérapeute ?En tant qu’être humain ?

Psychoéducation

• Information sur le modèle cognitif (situations,émotions, cognitions ; et conséquences surnous).

• Information sur les états émotionnels et lesétats d’âme.

• Positifs et négatifs.• Relative autonomie, voire états d’âme mixtes.• Intérêt des états d’âme négatifs si bien

utilisés.

ÉTATS ÉMOTIONNELS

• Émotions franches (coping).

• Humeurs (mood regulation).

• Sentiments ou états d’âme (intelligence de soi) .

DÉFINITION DES ÉTATS D’ÂME• Mélanges de pensées vagabondes, d’émotions discrètes

(humeurs) et de sensations physiques.

• Discrets mais constants, souvent subconscients.

• Effet de rémanence.

• Vont influencer notre vision du monde et nos comportements.

Comparaison patient : le film et l’après-film…

« Tout ce qui reste en nous après que le trainde la vie est passé. »

« Le lieu de notre réception du Monde. »

« Tout ce qui continue de tourner dans ma têteaprès que je me sois dit : c’est bon, stop,arrête, n’y pense plus. »

« Ce que j’observe en moi lorsque je m’extraisde mes automatismes du quotidien : lorsqueje m’arrête de faire pour être. »

« Sentiments d’arrière-plan»et conscience de soi…

Antonio Damasio,Le Sentiment même de soi

ÉMOTIONS ET ÉTATS D’ÂMEÉMOTIONS

IntensesUne seule à la foisRepérablesRéaction à des

événementsLiées au présentUniverselles« Agitateurs externes »

ÉTATS D’ÂME

DiscretsSouvent mixtesParfois subconscientsRéaction à des

contextesÉchos du passéIdentitaires« Agitateurs internes »

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Effets des TCC sur affects négatifs(AN) et positifs (AP)

• Peu d’études ont suivi les fluctuations quotidiennesdes affects durant la thérapie.

• En général, diminution de la présence d’AN et de laréactivité AN aux stresseurs quotidiens.

• Mais aussi augmentation des AP (mécanisme ?), etde la conscience du lien AN et pensées tristes(clarification émotionnelle, même négative).

Parrish BP et coll. Effects of cognitive therapy for depressionon daily stress-related variables.

Behaviour Research and Therapy 2009, 47 : 444-448.

La notion de vie intérieure.

Exercice avec le patient :• fermer les yeux et observer ce qui se passe

en soi ;• puis le raconter au thérapeute ;• information du thérapeute et consignes

(observer état du corps, état émotionnel,mouvements de l’attention, nature despensées…) ;

• intérêt (nécessité) d’un « entraînement del’esprit ».

« Je sais ce que vous allez me dire. Il faut rentrer envous-même… Je suis rentré en moi-même plusieursfois. Seulement, voilà, il n’y avait personne. Alors, aubout d’un moment, j’ai eu peur et je suis ressorti fairedu bruit dehors pour me rassurer… »

Jean Anouilh, La Valse des toréadors

ENTRAVES À UNEVIE INTÉRIEURE

• Sociétésmatérialistes…

• Parfoisdouloureux…

• Pas de méthode…

Exemples d’états d’âme :

spleen,irritabilité,culpabilité,intranquillité,

bonne humeur,sérénité,confiance,énergie…

Techniques d’auto-observation• Prendre conscience.

(recueil données 6 fois par jour : éveil, débutjournée, midi, fin journée, soirée,endormissement)

• Écrire.(les faits et les états d’âme)

• Décrire.(préciser les expériences ; encourager auxcomparaisons et métaphores).

Variations diurnesdes affects positifs et négatifs

(Thayer, The origins of everyday moods, 1993)

Variations des affects positifs et négatifset de la température corporelle

(Thayer, The origins of everyday moods, 1993)

Variations dans la semainedes affects négatifs

(Thayer, The origins of everyday moods, 1993)

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Variations dans la semainedes affects positifs

(Thayer, The origins of everyday moods, 1993)

Mise en motset pacification émotionnelle

• La mise en mot facilite le traitement desinformations à tonalité émotionnelle.

• Cela s’accompagne de modifications dans ladynamique fonctionnelle cérébrale :diminution de la réponse amygdalienne etd’autres régions limbiques (CPFVLD).

Lieberman LD et coll. Putting feelings into words.Affective labelling disrupts amygdala activity in response to

affective stimuli. Psychological Science 2007, 18 (5) : 421-428.

« Une bonne journée »(Peterson, 2006)

• Sur 2 à 4 semaines.• Noter les activités concrètes.• Puis le bilan émotionnel global de la journée

(0 à 10, ou EVA).• Ne pas relire les fiches déjà remplies.

Sondages sur le bonheuren population générale

(Myers, the pursuit of happiness, Avon books, 1993)

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

Stratégies de régulation

• Quelle marge de manœuvre ?• Familles de stratégies de régulation.• Le thermostat émotionnel.• Entraînement de l’esprit.• Étapes du changement.• Équilibre intérieur.

Trois facteurs influençant le niveau du bien-être subjectif(Lyubomirsky et al.Review of General Psychology 2005, 9 : 111-131) STRATÉGIES DE RÉGULATION

DES ÉTATS ÉMOTIONNELS

• Centrées sur la situation.• Centrées sur l’attention.• Centrées sur l’évaluation.• Centrées sur l’autocontrôle

(« tendances à l’action »).

Gross & Thomson, 2007.

Thermostat émotionnelLarsen RJ. Toward a science of mood regulation.

Psychological Inquiry 2000, 11 (3) : 129-141.

État actuel Régulation

Comparateur

État souhaité

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L’entraînement del’esprit

« Nous sommes ceque nous répétonschaque jour. »

Aristote

4 étapes du changement personnel

• Avoir l’information.• Adopter l’information.• Tester et pratiquer.• Sur la durée, passer des efforts aux

automatismes.

Attention aux attentes d’efficacité immédiate…

L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR

L’équilibre mathématique :• 2/3 d’états d’âme positif• pour 1/3 d’états d’âme négatifs.

(Schwartz & Caramoni. Cognitive balance and psychopathology : evaluation of aninformation processing model of positive and negative states of mind. ClinicalPsychology Review 1989, 9 (3) : 271-274.)

L’équilibre dynamique :• acceptation des états d’âme négatifs, compréhension et

action ;• réceptivité, conscience et culture tranquille des états d’âme

positifs .

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

Cultiver les états d’âme positifs

• Bénéfices des états d’âme positifs.• Développer les états d’âme positifs.• Extension à la gratitude.• Tout le temps ou de temps en temps ?• Bonheurs subtils.• Ne pas attendre l’heure de sa mort…

CONSÉQUENCES DUBIEN-ÊTRE ÉMOTIONNEL (1)

Fredrickson BL. The role of positive emotions in positive psychology : thebroaden and built theory of positive emotions. American Psychologist2001, 58 : 218-226.

CONSÉQUENCES DUBIEN-ÊTRE ÉMOTIONNEL (2)

Fredrickson BL. The role of positive emotions in positive psychology : thebroaden and built theory of positive emotions. American Psychologist2001, 58 : 218-226.

Trouver la sortie…

Créativité diminuée de50% environ en cas defuite de la chouette plutôtque recherche dufromage.

Friedman et al. The effects of promotionand prevention cues on creativity.Journal of Personality and Social

Psychology 2001, 81 : 1001-1013.

HUMEUR ET COOPÉRATION

L’induction d’une humeurpositive facilite lesajustements automatiquespositifs (réciprocité,recherche de consensus…)au sein des groupes.

L’humeur négative facilite lesévaluations systématiquesdes bénéfices à secomporter positivement.

Hertel et coll. Mood effects on cooperation insmall groups:Does positive mood simply lead to morecooperation ?Cognition and Emotion 2000, 14 : 441-472.

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AFFECTS POSITIFS ET RÉCUPÉRATIONFACE AUX STRESSEURS

Positive emotions speed recovery from the cardiovascular sequelae of negative emotions.Fredrickson & Levenson,

Cognition and Emotion 1998, 12 : 191-220.

Développer les états d’âme positifs

• Augmenter la fréquence des moments agréables.

• Augmenter la conscience des moments agréables.

• Augmenter la disponibilité aux moments agréables(savourer pour « capitaliser »).

• Obstacles.

Échelle (48 items)des activités agréables

25) Voir de vieux amis

14) Lire

13) Écouter de la musique

10) Être assis au soleil

9) Voir un beau spectacle ou un beau paysage

8) Rire

7) Avoir du temps libre

4) Passer une bonne nuit

2) Bien manger

1) Respirer du bon air

Satisfaction(P x F)

Fréquence(0 à 2)

Plaisir(0 à 2)

(Lewinsohn & Graf. Pleasant activites and depression.Journal of Consulting and Clinical Psychology 1973, 41 : 261-268.)

CONSCIENCE ET DISPONIBILITÉENVERS LES MOMENTS AGRÉABLES

Obstacles :

• Ne pas les voir (esprit déjà occupé :« préoccupé ». Cf. études sur la chance.).

• Ne pas les rechercher (« trop de soucis »).• Ne pas leur accorder d’importance (« petites

choses par rapport à mes problèmes »).• Ne pas prendre le temps de les savourer.

SENTIMENT DE BONHEUR

• Relative stabilité sur de longues périodes.• Fréquence plus importante qu’intensité.

(Diener & Larsen, 1993)

Difficultés à spécifier lesmoments agréables

• Si on leur demande de se souvenir d’un moment agréable,les personnes déprimées ont du mal : discours général,catégorie d’expérience (« quand je suis dans la nature »). Etnon mémoire autobiographique détaillée (« à tel moment,avec telle personne… »). (Williams 1996)

• Facteur de risque plus que conséquence du trouble del’humeur. (Williams et coll. 1999)

• Amélioré par l’entraînement à la pleine conscience.(Heeren et coll. The effects of mindfulness on executive processes anautobiographical memory specificity. Behaviour Research and Therapy2009, 47 : 403-409.)

Exercice

Faire raconter au patientdans le détail

(situation, ressentis, pensées, suivi…)des souvenirs agréables.

Extension à la gratitude

• Bénéfices émotionnels à la pratique de lagratitude. (Emmons 2008)

• La plupart des états d’âme positifs peuventêtre connectés à de la gratitude.

• Exercices sur prise de conscience :intentionnel, non intentionnel ou marchand,pas de contact direct...

• Y penser, le dire, l’écrire à la personne…

1) Lyubomirsky & al2005 : 5 actes degentillesse parsemaine en 1 ou 5jours, évaluation à 6semaines.

2) Emmons & al 2003 :réflexions degratitude 1 ou 3 foispar semaine,évaluation à 6semaines.

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Bonheurssubtils :

tristesseet bonheur ?

« La mélancolie, c’est lebonheur d’être triste »

Victor Hugo

WatteauPèlerinage à l’île de Cythère

(détail)

À l’heure de ma mort

• Nous savons parfaitement ce qui nousrend heureux et ce qui est importantpour nous.

• Nous n’en prenons conscience qu’àl’occasion de crises existentiellesgraves.

(Ben Shahar 2008)

L’urgent etl’important

important

pas important

pas urgent urgent

États d’âme positifset sens de la vie

• Les états d’âme positifs sont un desprédicteurs les plus robustes dusentiment que notre vie a un sens.

King LA et coll.Positive affect and the experience of meanig in life.

Journal of Personality and Social Psychology 2006, 90 : 179-196.

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

Limiter la part évitable de nos souffrances :travailler sur les états d’âme négatifs

• Le négatif plus fort que le positif ?• Deux erreurs : s’enliser et refuser les états

d’âme négatifs.• Rappel sur l’approche cognitive.• L’acceptation.• Liens corps-esprit.

« On n’est pas heureux : notre bonheur,c’est le silence du malheur »

Jules Renard

« BAD IS STRONGERTHAN GOOD »

• Plus de mots pour décrire les états émotionnelsnégatifs que positifs, dans toutes les langues.

• Joie vs. Colère, peur, tristesse.• Plus de stratégies spontanément citées pour

diminuer les états émotionnels négatifs que lespositifs.

• Etc.

Baumeister et al.Review of General Psychology 2001, 5 (4) : 323-370.

DEUX ERREURS FACE ÀNOS ÉTATS D’ÂME

DOULOUREUX

• Enlisements.

• Évitements.

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RUMINATIONS

« Se focaliser de manière répétée,circulaire, et stérile, sur les causes, lessignifications et les conséquences denos problèmes, de notre situation, denotre état… »

Miranda R, Nolen-Hoeksema S. Brooding and reflection.Behaviour Research and Therapy 2007, 45 : 3088-3095.

Images et métaphores àpropos de la rumination

• Elle étale nos soucis dans le temps.• Elle double la dose de souffrance.• Elle est comme une inflammation

chronique de la douleur.• Elle invite le passé au présent.• Elle est une « infusion » de négatif…. Centrée sur la solution, la réparation, la

prévention (« que faire et commentréparer ? »).

Centrée sur le problème (« quellecatastrophe, quel malheur, quelle erreur, quelgâchis.. »).

Plutôt tournée vers le futur, le « commentfaire ? ».

Plutôt tournée vers le constat, le« pourquoi ? ».

Tentative pour aborder les situations demanière précise et pas-à-pas (« commentfragmenter mon gros souci en une successionde petits problèmes ? »).

Tendance à aborder les situations de manièregénérale et globale (« malheur, malheur ungros problème ! »).

Le but est de résoudre le problème ou de s’endésengager.

Pas de but précis (d’où enlisement).

Tentative de comprendre.Tendance à juger.

Tendance à relativiser, à donner au problèmeson importance, sans en rajouter.

En général, tendance à amplifier le problème.

Recherche des solutions :« Comment faire maintenant ? »

Recherche des fautes, des erreurs, descoupables : « Qui doit être critiqué ou puni ? »

RéflexionRumination

Sources de rumination :les croyances

• « Je devrais… » ou « J’aurais dû… »

• « Les autres devraient… » ou « Lesautres auraient dû… »

• « Le monde devrait… » ou « Le mondeaurait dû… »

Stratégies anti-rumination(Lyubomirsky 2008)

• Les entraver : distraction, stop mental, temps pour ruminer,soutien social, écriture.

• Action : en lien avec l’objet de la rumination (« s’attaquer àun petit bout du problème »). Ou activités de distraction, enconscience.

• Vigilance envers les contextes « ruminogènes » (personnes,lieux, activités).

• Méditation de pleine conscience.• Voir large (temps, espace).

Ne pas simplement évoquer ces stratégies avec le patient.Proposer de les tester, en séance puis au dehors.

Rappel sur lesinterventions cognitives

• Modifier le rapport aux cognitions : « Ce sont despensées ».

• Ajouter des cognitions (diversifier, élargir) : « Il y ad’autres façons de voir les choses ».

• Modifier et discuter les cognitions : « Est-ce sûr ?Est-ce grave ? »

« Si tu n’acceptes pas ta maladie, tuajoutes l’angoisse à tes symptômes, ette voilà malade de l’être.»

André Comte-Sponville,De l’autre côté du désespoir.

L’acceptation vise la sérénité plus que laplacidité.

Elle n’est pas destinée à remplacerl’action, mais à la précéder et à lasuivre ; pour les plus doués, àl’accompagner (action sereine).

« Mon Dieu, donnez-moi la sérénitéd'accepter ce que je ne peux changer,le courage de changer les choses queje peux changer, et la sagesse d’enconnaître la différence.”

Reinhold Niebuhr (1892-1971)

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Acceptation

• Une grande source de malentendus.Alors, « accepter » ou « accueillir » ?

• Accepter les expériences intérieuresdouloureuses ou désagréables.

• Accepter l’adversité en général.• Accepter les autres.• S’accepter.

Métaphores et exemples sur l’acceptation

• « On ne peut quitter un endroit où l’on n’ajamais accepté d’arriver… »

• On ne peut observer et comprendre quelquechose que l’on rejette : et si ce quelque choseest déjà en nous…

• Le nageur pris dans une vidange de baïne.

• Le train ou l’avion que l’on va peut-êtremanquer.

• La discussion contradictoire.• L’observation d’incivilités.

Negativeaffect

Emotionperceived asintolerable/

unacceptable

Efforts tosuppress

SuppressionFails

From: Campell-Sills, L., Barlow, D.H., Brown, T.A., & Hofmann, S.G. (In preparation). Appraisal and regulation of emotion in anxiety and mood disorders.

Model of the persistence of emotional distress featuringperceived acceptability of emotions and emotional suppression

Emotionperceived as

tolerable/acceptable

No suppression Mood recoversnaturally

Self-reported negative affect for acceptance and suppression groups duringanticipation, exposure, and recovery periods of the second emotion induction

Campell-Sills, L., Barlow, D.H., Brown, T.A., & Hofmann, S.G. Appraisal and regulation of emotion in anxiety and mood disorders. BRAT 2006, 44 : 1251-1263.

Nombreuses études sur les bénéfices cliniques del’acceptation des ressentis émotionnels désagréables

• Hofmann G et coll. The effects of reappraisal,acceptance, and suppression on anxiousarousal. Behaviour Research and Therapy2009, 47 : 389-394.

Accepter de plonger dans sesexpériences intérieures désagréablessuppose d’avoir appris au préalable ànager : entraînement à la pleineconscience.

Exercices sur l’acceptation

Dans chacune des 4 catégories (émotions,adversité, relations, soi) :

• Ce qu’il serait facile d’accepter.• Ce qu’il serait difficile d’accepter.• Ce qu’il serait impossible d’accepter.

Que faire alors ? Et comment ?

« Ce concombre est amer ; jette-le. Il y ades ronces dans le chemin ; évite-les.Cela suffit. N’ajoute pas : “Pourquoicela existe-t-il dans le monde ?“ »

Marc-Aurèle,Pensées pour moi-même, VIII, L.

Acceptation de soi

• Métaphores : le meilleur ami,l’enseignant bienveillant mais exigeant.

• Trois niveaux de non-acceptation(critiques, privations et évitements,agressions).

• Exercice : lister ses qualités et sesdéfauts ; en parler au thérapeute.

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AUTOCOMPASSION

• Dans de nombreux troubles (dépression,mésestime de soi, anxiété sociale…) : déficitd’autocompassion.

• D’où déficit d’attitudes réparatrices.

• Trois points : acceptation de soi, connexion àexpérience humaine universelle, consciencede ses programmes de rumination.

Gilbert 2005.

APPROCHES CORPS-ESPRIT

« Mets ton corps de bonne humeur… »« Tristesse : la fatigue qui entre dans

l’âme. Fatigue : la tristesse quientre dans la chair. »

Christian Bobin,L’Autre visage

« Le contraire de la dépressionn’est pas le bonheur ni la joie :c’est la vitalité. »

Andrew SolomonLe Diable intérieur,

Anatomie de la dépression

Mettre son corpsau service de son esprit (1) :

l’activité physiqueTrois niveaux :

• Activité physique.• Exercice physique.• Sport.

Rapport INSERM 2008

Thayer RE. Problem perception, optimism,and related stress as a function of time of day

(diurnal ryhtm) and moderate exercise.Motivation and Emotion 1978, 11 : 19-36.

Sujets sans pathologie.

Un même problème est considérémoins préoccupant après unemarche rapide d’un quartd’heure.

Et moins préoccupant l’après-midique le matin(pendant 10 jours,6 évaluations quotidiennes).

Exercice etconscience

Crum AJ, Langer EJ.Mind-set matters :

exercise and theplacebo effect.

Psychological Science2007, 18 (2) :165-171.

Inégalités sociales, santé et espaces verts(Mitchell & Popham, Lancet 2008, 372, 9650 : 1665-1660.)

Mettre son corpsau service de son esprit (2) :

la relaxation

• La relaxation (et toutes techniques depacification corporelle).

• Exercices prolongés, exercices brefs,attitudes au quotidien.

11

Mettre son corpsau service de son esprit (3) :

l’exemple du sourire

« En résumé, j’aimerais avoir un message unpeu positif à vous transmettre. Je n’en ai pas.Est-ce que deux messages négatifs, ça vousirait ? »

Woody Allen

SOURIEZ…

Nombreuses études sur le« feed-back facial » et sonimpact sur différents aspectsdu fonctionnementpsychique.

(Izard. Facial expression andthe regulation of emotions.JPSP 1990, 58 : 487-498)

Le sourire comme élémentde régulation émotionnelle et de facilitation sociale

• La photo de classe.• Bon prédicteur, 30 ans après, du bien-

être personnel et conjugal.

(Harker LA & Keltner D. Expressions of positive emotions inwomen’s college yearbook pictures and their relationship topersonality and life outcomes across adulthood. Journal ofPersonality and Social Psychology 2001, 80 : 112-124.)

PLAN

1) À la poursuite de l’équilibre intérieur2) Stratégies de régulation3) Cultiver les états d’âme positifs4) Limiter la part évitable de nos

souffrances : travailler sur les étatsd’âme négatifs

5) Sérénité : un bonheur subtil

Sérénité : un bonheur subtil

• De la psychothérapie à la psychologiepositive.

• Bonheur et adversité.• La lutte contre le matérialisme.• Sauvons l’intériorité.

La sécurité apprise(Pollack DD et coll. An animal model of behavioral intervention

for depression. Neuron 2008,60 : 149-161.)

• Il est possible de conditionner des souris à des signaux desécurité (signal sonore garantissant l’absence de chocsélectriques, après premier conditionnement aversif).

• Effet ultérieur sur peurs innées et apprises, et sur« dépression » (nage forcée).

• Modifications cérébrales (gyrus dentelé de l’hippocampe).• On peut conditionner le cerveau des souris (et probablement

des humains) aux « bonnes choses » afin de s’en servircomme ressources face à l’adversité. Mais il faut faire leboulot…

De la psychothérapie à lapsychologie positive

Du négatif vers le positif :• De la gestion du stress à la psychologie

positive.• De l’affirmation de soi à la communication

non-violente.• De l’acceptation à la bienveillance comme

attitude de base (« mode par défaut »).

Puis du simple au complexe…

LA PSYCHOLOGIEDU BONHEUR

Bonheur = bien-être + conscience

Le meilleur moyen pour diminuer son bonheur :ne pas vivre l’instant présent.

Mais pas toujours facile :nécessité des bonheurs subtils.

Le bonheur et l’éphémère…

• Prendre conscience que l’on vit un moment heureux pour ladernière fois modifie la nature qualitative du bonheurressenti : « émotion subtile », état d’âme mêlé detristesse…(exemple : penser à un lieu que l’on aime vs. y penser ense disant que c’est la dernière fois que l’on s’y trouve)

• Capacité qui se développe avec l’âge.

Ersner-Herschfield et coll.Poignancy : mixed emotional experience in the face of meaningful endings.

Journal of Personality and Social Psychology 2008, 94 : 158-167.

12

Bonheurs doux-amers(Kurtz & Wilson, Psychological Science, in press 2009)

• Étudiants de 3ème cycle invités à écrire leurquotidien deux fois par semaine.

• Un groupe CBF « c’est bientôt la fin », et un groupeELT« j’ai encore le temps ».

• En fin d’étude, les CBF se montrent plus heureux etplus dans l’instant présent que les ELT.

BONHEUR ET ÂGES DE LA VIEINSEE 2008

SOURIRESET CINÉMA

• Après la projection de films drôles ou tristes,des volontaires parlent de leurs états d’âmeface aux difficultés de leur vie actuelle.

• L’entretien est filmé, on évalue le nombre desourires, vrais (Duchenne) ou plaqués.

• Au suivi à un an, le meilleur prédicteur debien-être subjectif était la présence de vraissourires, et seulement après le film triste.

Papa et al. Smiling in the face of adversity.Emotion 2008, 8 : 1-12.

SOURIRES ETVEUVAGES

• Les personnes veuves depuis peu (moyenne 6 mois) qui arrivent àsourire en évoquant leur conjoint disparu seront souvent celles qui seseront mieux « remises » deux ans plus tard.

• Cet effet protecteur de la capacité à sourire malgré la tristesse n’existeque si le sourire est sincère (sourire de Duchenne, évaluation surenregistrements vidéo).

• Bonnanno et al. Facial expressions of emotion and the course of conjugal bereavment.Journal of Abnormal Psychology 1997, 106: 126-137.

• Keltner ert al. A study of laughter and dissociation: distinct correlates of laughter and smiling during bereavement.Journal of Personality and Social Psychology 1997, 73: 687-702.

Exercices

• Lister des expériences de bonheursfinissants, de pensées mélancoliques…

« Rien de ce qu’il possédaitne l’enrichissait… »

Éric-Emmanuel Schmitt

« La surabondance n’a rien à voiravec la fertilité… »

Louis-René des Forêts

Avoir ou être ?

Les expériences de vie procurent plus debonheur que les possessions matérielles :

• Effet prolongé ou bonifié avec le temps.• Suscitent moins d’envie.• Plus valorisées socialement.

Van Boven L. Experientialism, materialism and the pursuit ofhapiness. Review of General Psychology 2005, 9 : 132-142.

« Mais je me le demande avec une secrète inquiétude : des âmes aussi

totalement consacrées à l’art lyrique seront-elles possibles à notre

époque, avec les conditions nouvelles de notre existence, qui arrachent

les hommes à tout recueillement et les jettent hors d’eux-mêmes dans

une fureur meurtrière, comme un incendie de forêt chasse les animaux

de leurs profondes retraites ? »

Zweig, à propos de Rilke

« Dieu nous rend souvent visite, mais laplupart du temps, nous ne sommes paschez nous. »

Maître Eckhart, Conseils spirituels

13

Paradoxe de l’intériorité :l’ouverture au monde.

L’exemple de la chance.(Wiseman 2003)

Les « chanceux » sontplus extravertis, plussouriants, moins prisdans leurs ruminations…

« Je m’apaise enfin, oui, je m’apaise. Un calmeprofond, aussi doux qu’une chose inutile,descend jusqu’au tréfonds de mon être…Cela ne vient pas du jour doux et lent, tendreet nuageux. Ni de cette brise à peineébauchée - presque rien, à peine plus quel’air qu’on sent déjà frémir. Ni de la teinteanonyme du ciel, tacheté de bleu ici ou là,faiblement…»

Fernando Pessoa,Le Livre de l’intranquillité

« Par-delà les fenêtres se dressent degrands arbres sombres ; j’entends avecémotion le murmure secret et frais desfeuilles. Je crois l’entendre pour lapremière fois. Que ce bruissement desfeuilles me touche ! »

Evguénia Guinzbourg,citée par Tzvetan Todorov dans

« Face à l’extrême »

« J’ai ouvert devant toiune porte que nul

ne peut refermer »

Saint Jean, Apocalypse

MonetFemme à l’ombrelle

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Ouvrages sources• Ben Shahar T. L’apprentissage du bonheur. Belfond 2008.• Cottraux J. La force avec soi. Odile Jacob 2007.• Einhorn S. L’art d’être bon. Belfond 2008.• Emmons R. Merci ! Belfond 2008.• Goleman D. Surmonter les émotions destructrices. Laffont 2003.• Hahusseau S. Tristesse, peur, colère. Odile Jacob 2006.• Lyubomirsky S. Comment être heureux et le rester. Flammarion 2008.• Philippot P. Émotion et psychothérapie. Mardaga 2007.• Ricard M. Plaidoyer pour le bonheur. NiL 2003.• Rosenberg MB. Les mots sont des fenêtres. La Découverte 1999.• Seliigman M. La force de l’optimisme. InterÉditions 2009.• Wiseman R. Notre capital chance. Lattès 2003.

In english…• Elliott R et coll. Learning emotion-focused therapy. APA 2004.• Gross JJ (ed). Handbook of emotion regulation. Guilford 2007.• Kahneman D et coll (eds). Well-being : the foundations of hedonic psychology.

Russell Sage 1999.• Lopez SJ et Snyder CR (eds). Positive psychological assessment. APA 2003.• Niemec RM et Wedding D. Positive psychology at movies. Hogrefe 2008.• Snyder CR et Lopez SJ (eds). Handbook of positive psychology. Oxford

University Press 2002.• Sternberg RJ et Jordan J. A hanbook of wisdom. Cambridge University Press

2005.• Thayer RE. The origin of everyday moods. Oxford University Press 1996.• Worthington ER (ed). Handbook of forgiveness. Routledge 2005.

PRINCIPALES PUBLICATIONS DE CHRISTOPHE ANDRÉ

• Les états d’âme. Un apprentissage de la sérénité. Odile Jacob, 2009.• Petits pénibles et gros casse-pieds. Seuil, 2007 (avec le dessinateur Muzo)• De l’art du bonheur. L’Iconoclaste, 2006.• Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi. Odile Jacob, 2006.• Psychologie de la peur. Craintes, angoisses et phobies. Odile Jacob, 2004• Petits complexes et grosses déprimes. Seuil, 2004 (avec le dessinateur Muzo)• Vivre heureux. Psychologie du bonheur. Odile Jacob, 2003.• Petites angoisses et grosses phobies. Seuil, 2002 (avec le dessinateur Muzo)• La force des émotions. Odile Jacob. 2001 (avec François Lelord)• La peur des autres. Trac, timidité et phobie sociale. Odile Jacob, 2000 (2ème édition, avec

Patrick Légeron)• L'estime de soi. Odile Jacob, 1999 (avec François Lelord)• Comment gérer les personnalités difficiles. Odile Jacob, 1996 (avec François Lelord)

Contributions communes

• Films ?• Musiques ?• Livres ?• Peintures ?• …