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Cahier des thèmes transversaux ArScAn I 1998/1999 Thème Environnement s Responsables Stéphanie Thiébault (UMR ArScAn - Protohistoire européenne) Sander Van der Leeuw (UMR ArScAn - Archéologie et systèmes d'information)

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Cahier des thèmes transversaux ArScAnI

1998/1999

Thème

Environnement s

Responsables Stéphanie Thiébault

(UMR ArScAn - Protohistoire européen ne) Sander Van der Leeuw

(UMR ArScAn - A rchéologie e t systèm es d'information)

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Environnement Sociétés, Espaces

L’a d a p ta tio nà un environnement

Éleveurs de rennes de Sibérie e t élev

Catherine Baroin (UMR ArScAn - Afrique) & Claudine Karlin (UMR ArScAn - Ethnologie préhistorique)

Ceci est in exposé à quatre mains : l'ethnologue vivant dans un milieu d 'a rchéo logues et les préhistoriennes ayant toujours eu envie de regarder du cô té des ethnologues. La première travaillant depuis d e longues années dans l'extrême chaud du Sahara chez les gens du cham eau, la seconde com m ençant à travailler dans l'extrême froid de la Sibérie chez les gens du renne (programme soutenu par l'IFRTP avec la collaboration des Affaires étrangères e t du CNRS). Le résultat d e cet exposé commun : des convergences e t des différences. En tout cas, la satisfaction d 'une réflexion commune, pour l'occasion, qui s'organise sur les axes suivants : la situation géographique et le milieu naturel, les ressources et l'exploitation du milieu, le m ode d'organisation des groupes sociaux qui en découle, le moins polluant des m odes d e vie, la relation homme — animal.

Situation géographique

La Sibérie

Eh c e qui concerne la Sibérie, nous avons, avec Francine David (UMR ArScAn — Ethnologie préhistorique), travaillé avec deux groupes culturels différents e t dans trois contextes géographiques. Le Taïmyr est o ccu p é par les Dolganes qui constituent un groupe relativement récent, mélange de plusieurs cultures. S'ils n'ont pas d es traditions fortement affichées, ils ont conservé un nomadisme traditionnel e t des familles de chasseurs éleveurs circulent avec leur troupeau de rennes. Au Kamtchatka, les Koriaks sont au contraire une culture ancienne qui a gardé ses traditions, alors que ses modes d e vie ont changé puisque les familles sont sédentarisées tandis que, seuls, des pasteurs nomadisent avec les troupeaux d e rennes.

Les variations du paysage traduisent un positionnement différent sur ia latitude. La toundra plate, autour d e 70° d e latitude, repose sur le permafrost. L'été, pendant quatre à cinq mois, x dégel d e surface ne perm et qu'une fragile végétation d 'h e rb acées e t de lichens, au mieux buissonnante, m êlée d 'e a u stagnante. L'hiver, pendant sept à huit mois, x épais tapis de neige efface le végétal et il n'y a plus d 'e a u liquide. L 'absence d e reliefs importants conduit à une uniformité des conditions climatiques. La toundra forestière, autour d e 68° d e latitude, connaît des hivers aussi longs, mais le dégel est suffisant pour permettre à certains arbres de s'implanter. Par ailleurs, les variations d e relief donnent des secteurs plus abrités que d'autres. Enfin, vers 60° d e latitude, au milieu d e plateaux et m ontagnes d e type toundra, des couloirs forestiers à végétation plus tem pérée permettent, le long des fleuves, une variété text des herbacées que des ligneux.

Le désert saharien e t ses marges

Les enquêtes ont porté sur les Toubou ou Téda-Daza, éleveurs de drom adaires (abusivem ent ap p e lés « cham eaux »), de petit bétail e t de bovins dans l'est du Sahara e t sur ses marges sahéliennes. Voisins orientaux des Touaregs qui occu p en t x environnement naturel com parable, les Toubou occupen t environ un quart du Sahara, centré sur la moitié nord du Tchad. Les Téda, situés les plus au nord, sont avant tout des éleveurs d e dromadaires, tandis que les Daza, au sud, élèvent aussi des bovins. Téda e t Daza sont

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apparen tés e t parlent deux dialectes d'une m êm e langue. Très schém atiquement, ils occupent trois types de milieux :

- Le désert au nord e s t le plus vaste, mais le moins riche en ressources : les éleveurs de dromadaires le parcourent à la recherche du pâturage rare mais d'excellente qualité qu 'apportent d 'occasionnelles averses.

- Les quelques oasis p lantées de palmiers dattiers, qui croissent g râce à la proximité de la n a p p e phréatique : il s'agit en particulier des vastes oasis du Borkou (région de Faya-Largeau), où vivent à dem eure quelques familles qui cultivent des jardins irrigués, tandis que la récolte des da ttes en juillet août provoque l'arrivée massive des propriétaires de palmiers.

- La zone sahélienne au sud, où se regroupent les effectifs humains et animaux les plus importants. C 'est là en effet que la végétation naturelle est la plus abondan te : les pluies, apportées par la remontée vers le nord du front intertropical en é té (juin à septembre), sont aléatoires. Elles sont insuffisantes pour cultiver, certes, mais elles perm ettent le renouveau annuel d'un pâturage d e graminées peu dense e t rapidement sec, brouté tout au long d e l'année ; tandis que quelques arbres disséminés, épineux pour la plupart, fournissent une om bre parcimonieuse et apporten t un com plém ent de fourrage arboré. Les Toubou s'y trouvent, par endroits, en concurrence avec divers groupes arabes et peuls ; et la compétition des troupeaux et des hommes pour des ressources limitées prend parfois des dimensions conflictuelles, d 'au tan t que ces groupes sont puissamment armés à la suite d e la longue guerre civile qu 'a connue le Tchad.

Ressources offertes et exploitation

Alors qu'il est d e tradition de mettre une frontière entre chasseurs-cueilleurs e t éleveurs agriculteurs, les populations des régions extrêmes intègrent les deux. En Sibérie, le sauvage est dominant, et le dom estique s'inscrit dans les contraintes du sauvage e t s'y ad ap te . Cet équilibre est une sorte d 'assurance contre une fragilité d e l'approvisionnement qui m enace chaque instant. Au Sahara, par contre, la faune sauvage a é té si abusivem ent chassée — pendan t e t après la colonisation, en particulier— qu'elle ne joue plus qu'un rôle d e second plan.

La Sibérie

Le VÉGÉTAL

Dans le Nord sibérien, les paysages sont, du fait de la prédation, « a m én ag és » par l'homme ; ils ne sont jamais « créés ». En toundra rase ou forestière, la fragilité de la végétation n'autorise que l'exploitation du milieu naturel par cueillette/ram assage ou exploitation pastorale par un troupeau mobile ; elle exclut tout travail agricole. Dans les couloirs tempérés, outre la cueillette largem ent pratiquée, une agriculture embryonnaire a c co m p a g n e la sédentarisation, limitée à de petits espaces où l'on fart pousser pom m e d e terre e t choux.Les Dolganes, en toundra rase, n'exploitent que faiblement le végétal à fins alimentaires. Seule se pratique, à l'autom ne, la cueillette des baies, nourriture végétale laissée aux enfants e t aux femmes. Si, au Kamtchatka, la cueillette reste le dom aine des femmes, l'agriculture est une activité p a rta g ée qui renforce la présence du végétal dans l'alimentation, avec des valeurs différenciées entre sauvage e t domestique, et entre e s p è c e s consom m ées.À l'inverse de l'utilisation à fins alimentaires, l'utilisation à fins techniques est très importante. Les matériaux végétaux, surtout ligneux, sont largement utilisés. Si l'approvisionnement ne pose pas de problème, en toundra forestière ou taïga, en toundra rase, c'est une denrée précieuse que l'on va chercher en expédition, e t que l'on transporte d e halte en halte en consom m ant avec économie, en particulier le bois d e chauffe. On choisit d e préférence le bois mort et, à la belle saison, on utilise le bois de flottage — deux prélèvements qui correspondent à une gestion d e la végétation ligneuse, pour une prédation minimum.

Les animaux autres q u e le renne

Dans tous les cas, l'exploitation d e la faune migrante est plus valorisée que celle de la faune sédentaire. Par ailleurs, en toundra rase, les conditions environnementales excluent toute domestication autre que celle du renne, e t encore, n'est c e qu'une domestication relative où l'homme ne se pose pas en maître d e la relation animal/environnement. Dans les vallées du Kamtchatka, on trouve un embryon d 'é le v a g e bovin e t une présence d e chevaux.

La p ê c h e est une activité importante d'un point d e vue économique car le poisson se vend mieux que le renne. Pratiquée pour la consommation familiale, elle équilibre la consommation carnée pour les Dolganes,

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permettant de réduire le prélèvem ent sur les troupeaux pendant l'été. Elle est essentielle chez les Koriaks, dans la mesure où le troupeau est plus ou moins accessible. C 'est une activité d 'autant moins valorisée q u e le renne est proche ; av ec pourtant une valeur ajoutée pour les migrants, com m e les saumons qui font partie du bestiaire artistique. Toutes les espèces disponibles, à valeur nutritive ou gustative différentes, ne sont p as exploitées au m êm e m om ent; et aucune n'est p ê c h é e durant toute la saison. Pour assurer les protéines d e l'hiver, le poisson est séché, gelé, fumé ou salé.

Le lagopède est le seul oiseau sédentaire chassé au fusil ou au collet. 1 s'agit d'une acquisition d e complément. Les oiseaux migrateurs — oies e t canards — sont, quant à eux, recherchés ; c 'est une ch a sse valorisée, d 'au tan t que l'arrivée des vols signe la fin d e l'hiver.

Les mammifères sauvages, autres que le renne ou l'élan, sont essentiellement chassés pour la fourrure. La capture se fait au p iège ou au fusil. Un territoire à pièges, qui associe pièges à masse, construction fixe e t pièges métalliques mobiles, est mis en exploitation l'hiver par un chasseur qui en est l'unique exploitant. Ceci relève toujours d'un souci d e gestion des ressources : le chasseur doit pouvoir subvenir à ses besoins, sans mettre en danger l'équilibre naturel.

Sauvage ou domestique, le renne est le partenaire essentiel des gens du Nord ; l'équilibre alimentaire se fait autour de lui ; il est source d e matière première e t assure la nécessaire mobilité.

Le renne

Le renne, Rangifer tarandus, est présent dans toute la Sibérie. Quelques troupeaux sauvages circulent encore, qui connaissent des fluctuations de volume. Le troupeau migrant parcourt plus de mille kilomètres par petites étapes, selon m m êm e parcours, sans que soient exclus des changem ents d'itinéraire. Le mouvement migratoire est déclenché par des facteurs climatiques identifiables par les hommes. C 'est une migration à rythme d e m arche différent selon les moments de la migration ou selon qu'elle est d e sc e n d a n te ou montante, à la fois en raison des événements de la reproduction, de l'é ta t du troupeau e t d e l'accès à la nourriture. Le troupeau se constitue différemment selon les moments de l'année, en fonction des événem ents qui marquent la reproduction. Certains animaux se sédentarisent en route. Toutes ces facteurs influent, bien évidemment, sur les m odes d e chasse.

Qu'il soit sauvage ou domestique, le renne se nourrit d 'herbes e t de lichens, d e buissons e t d'arbustes nains, d e baies e t de champignons. Pendant l'été, I va faire sa graisse. Durant l'hiver, il vivra sur ce tte graisse, se nourrissant d e la végétation qu'il peut atteindre en creusant du sabot la couche d e neige, fri c e qui concerne l'animal domestique, l'homme influe l'été en poussant son troupeau vers des endroits favorables à végétation riche, l'hiver en recherchant un couvert d e neige le moins épais possible e t non gelé.Les troupeaux d e rennes domestiques doivent êtres mobiles pour exploiter sans l'épuiser le milieu vég é ta l. L'orientation et l'amplitude des mouvements, dép en d an t du volume du troupeau et de la niche éco log ique à exploiter, sont organisées selon in compromis entre les besoins des animaux et ceux des hommes. La gestion des paysages conduit à un système de rotation des pâturages d 'une année sur l'autre, pour laisser au lichen le temps d e se reconstituer. Gestion aussi selon les besoins du troupeau qui varient en fonction d e s moments d e l'année e t qui peuvent être alimentaires, trouver l'hiver des zones où la neige n'est pas trop épaisse, ou d e confort, lieu des mises bas. Ces troupeaux connaissent les mêmes fluctuations d e composition que le troupeau sauvage, accom pagnées ou dirigées par les pasteurs.

La relation homme/animal est, dans l'ensemble, une relation distanciée. L'homme est présent dans l'environnement, mais l'animal se débrouille seul, sans apport alimentaire autre que le sel. Cette distanciation n 'em pêche pas, d e la part des pasteurs, une connaissance individuelle des animaux du troupeau.

La fragilité d e ce tte domestication est sensible dans l'attention que les pasteurs apportent à maintenir une distance entre troupeau sauvage et troupeau domestique. Il n'est pas rare en effet que des animaux sauvages entraînent av ec eux des animaux domestiques, parfois en nombre. Lorsque des fem elles domestiques saillies par des mâles sauvages ont é té récupérées, les éleveurs ont des avis partagés. S'ils pensent que rennes sauvages et domestiques relèvent d'une origine commune, ils considèrent que c e t apport de sang sauvage revitalise leur troupeau. Au contraire s'ils estiment qu'il s'agit d e deux e s p è c e s différentes, c e qui paraît le fait d'une majorité, ils affirment que le sauvage finit toujours par revenir au sauvage, e t qu'il ne faut pas rompre les équilibres institués.L 'élevage du renne est l'activité principale car s'il appelle la mobilité, I assure ce tte mobilité en toute saison, monte ou traction. D représente 80% de l'alimentation qui est donc essentiellement carnée (le lait est utilisé d e façon extrêmement variée selon les groupes) ; la peau, mêm e détrônée par les textiles, reste le matériau essentiel du vestimentaire, en particulier pour la tenue d e travail des pasteurs et elle est le seul matériau auquel les nom ades sibériens font confiance lorsqu'ils circulent l'hiver en toundra. La peau est le constituant essentiel de la literie et, en couverture, elle est le com plém ent du ligneux pour l'habitation mobile. Sans poils.

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elle est utilisée dans la fabrication d 'élém ents techniques, sellerie ou lassos. Sans oublier les tendons utilisés dans la couture. Les bois, quant à eux servent à faire des pièces de harnachem ent ou des m anches.

Le désert saharien e t ses marges

Com m e en Sibérie, la vie des hommes au Sahara e t au Sahel est conditionnée par la présence d e ressources naturelles essentielles pour les animaux : il s'agit ici non seulement du pâturage, mais aussi de l'eau.

L 'eau

L'eau est quasi inexistante au désert, en dehors de quelques rares puits sur le trajet des caravanes. C ep en d an t la n ap p e phréatique est, par endroits, proche d e la surface du sol, c e qui perm et à quelques palmiers d 'y plonger leurs racines. Tel est en particulier le cas au Borkou, où elle autorise la poussée d e palmiers dattiers plantés par les hommes, e t l'irrigation de quelques jardins. Ces derniers sont protégés des vents chauds, secs e t violents du désert par des palissades en feuilles de palmier, e t bénéficient d e l'ombre procurée par les dattiers. Sans ce tte protection contre le soleil et le vent, et sans c e tte irrigation, aucun légume ou céréa le ne pourrait pousser au Borkou : le spectacle verdoyant de ces jardins est entièrement le fruit d e l'intervention humaine. Les palmiers eux-mêmes, irrigués ou non, sont plantés e t fécondés par les quelques paysans qui restent sur p lace tout au long de l'année.

En dehors d e ces oasis et de quelques rares puts, l'eau n'est présente au désert qu 'à titre exceptionnel. Mais une pluie suffit, ici e t là, à faire pousser un pâturage d'excellente qualté, très recherché par les dromadaires. Tout l'art du pasteur consiste donc à conduire ses animaux sur ces pâturages propices, c e qui implique bien sûr un m ode d e vie constamment mobile.L'eau est plus ab o n d an te au Sahel : les puits sont plus nombreux, e t les pluies éga lem en t bien qu'elles se concentrent sur la période de l'hivernage (au mieux de juin à septembre). Les puits perm ettent l'abreuvage régulier du bétail (bovins et camelins), tandis que les pluies, bien que peu régulières, provoquent chaque année le renouveau du pâturage, e t m êm e par endroits la présence de mares tem poraires qui suppriment, pour quelques semaines, la harassante corvée de l'abreuvage : hommes et troupeaux se concentrent autour d e ces mares e t s'y abreuvent, jusqu'à leur assèchement.

S ELS MINÉRAUX

Outre l'eau et l'herbe, les animaux ont besoin de sels minéraux pour suppléer leur alimentation. Les éleveurs veillent donc régulièrement à leur procurer du natron (carbonate de sodium), qu'ils ramassent à l'état naturel dans certains bas-fonds ou achètenf au marché. La nécessité de c e t apport en natron est donc un motif supplémentaire de déplacem ents pour les pasteurs.

L 'exploitation du miueu suppose la m obiuté

Les besoins du cheptel obligent donc les éleveurs saharo-sahéliens à une mobilité constante. L'amplitude e t la périodicité des déplacem ents varient à la fois en fonction du type de bétail, et de la répartition dans le tem ps et l 'espace d e ces deux ressources naturelles indispensables que sont le pâturage et l'eau. Certains font d e la grande transhumance, d'autres des migrations saisonnières plus ou moins longues. Les troupeaux d e bovins se dép lacen t sur d e plus courtes distances e t nécessitent un ab reuvage quotidien en période très ch aude (avril mai), moindre quand i fait froid. L 'abreuvage par contre est moins fréquent pour les camelins. Les pâturages du Sahel ne suffisent pas à ces derniers, qui sont conduits vers le nord en hiver, afin d e bénéficier des « pâturages salés », plus riches en minéraux, du désert. C 'est là aussi que les chamelles sont saillies e t qu'elles m ettent bas, un an plus tard.

D es ressou rces mineures : chasse et cueillette

Si le souci majeur des hommes est de répondre aux besoins de leurs troupeaux, ces derniers en retour sont la ressource essentielle des pasteurs. La faune sauvage, com m e nous l'avons signalé plus haut, est presque résiduelle. Les antilopes ont é té abondam m ent chassées dans le passé, y compris par les Toubou dont les artisans forgerons, les Aza, organisaient de grandes chasses au filet qui perm ettaient d 'abattre d e s troupeaux entiers. Tel n'est plus le cas d e nos jours. La chasse peut demeurer une activité ludique, pratiquée surtout pour d e petites espèces par les enfants, elle n'est jamais la garantie d'un apport alimentaire si gnificatif. Quant à la cueillette, les hommes la considèrent comme une activité indigne, e t seuls les enfants, voire les femmes, s'y adonnent (cueillette d e quelques baies ou fruits, com m e les jujubes, ou d e gom m e notamment). Dans le passé, les graminées sauvages étaient récoltées en période de disette, mais ce tte pratique est a b a n d o n n ée aujourd'hui. La chasse et la cueillette sont donc devenues des activités économ iques d 'im portance négligeable. C'est le bétail qui assure la subsistance des hommes.

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L 'exploitation alimentaire du bétail _

Mais contrairement aux rennes d e Sibérie, élevés surtout pour la viande, base d e l'alimentation d e s hommes du grand nord, en zone saharo-sahélienne les animaux sont élevés avant tout pour ie lait et le croît. Les troupeaux sont essentiellement composés de femelles (vaches e t chamelles), à l'exception d e quelques mâles gardés pour la reproduction, le bât ou la monte. Les vaches e t les chamelles sont traites pour la consommation familiale, avec ce t avan tage que leurs laits ne présentent pas les m êm es qualités nutritives, e t ne sont pas abondants aux mêmes périodes de l'année.

Quant à la consommation de viande, elle est très occasionnelle. On ne tue un gros animal que dans d e s circonstances exceptionnelles, telles qu'un mariage ou un décès. C 'est le petit bétail, dont on dédaigne le lait, qui tient lieu d e stock de viande sur pied. On tue un bouc ou un mouton pour une naissance ou la circoncision d 'un fils, pour une grande fête musulmane ou pour honorer un hôte d e passag e .

Outre le lait que l'on boit frais ou caillé, la base de l'alimentation des éleveurs est le mil. I est acheté sur les marchés a v e c le produit de la vente d'animaux, surtout les mâles puisque les femelles sont gardées en priorité. La vie des éleveurs saharo-sahéliens est donc au total assez rude, e t leur alimentation sobre mais équilibrée, sauf en période de soudure quand les pluies tardent à revenir, ou s'il y a une année d e sécheresse. Le seul luxe qu'ils s'autorisent est de boire du thé, très fort e t très sucré. C e stimulant, a c h e té comme le sucre sur les marchés, est si prisé que les Toubou, durs à la fatigue et sachant se nourrir de peu, préfèrent bien souvent se priver de mil plutôt que de thé, en période de pénurie.

L 'exploitation technique du bétail et du miueu

Com m e chez les éleveurs d e rennes, la culture matérielle des pasteurs toubou tire parti avant tout d e s ressources des troupeaux et de l'environnement. L'armature d e la tente est faite d e gaulettes végétales recouvertes d e nattes en feuille de palmier doum. Le cuir entre dans la fabrication d e quelques objets usuels : outres en p e a u d e chèvre, cuir des sacs d e voyage, peau d e vache pour renforcer la protection contre le soleil sur le toit des tentes, tapis d e cuir emporté par chaque voyageur, sans com pter la corne de vache scellée d 'un bouchon de vannerie, où chaque femme conserve le beurre parfumé qui sert à sa toilette.

D épendance ou indépendance

Les modalités d'exploitation du milieu naturel arctique induisent une certaine autarcie des groupes humains, le renne assurant une partie fondam entale d e ce tte indépendance. Sans lui, la vie n'est p a s possible : toute diminution de son utilisation doit être com pensée par un apport extérieur, c e qui rend les groupes dépendan ts des réseaux de communication e t des valeurs d 'éch an g es que ces réseaux imposent. L 'indépendance, pour être importante, n'est pas totale et, depuis longtemps, il existe des éch an g es avec les groupes voisins pour acquérirthé. farine, sucre, sel, pâtes, ainsi que ta b a c e t alcool, vêtem ents. Autrefois, ces échanges fonctionnaient entre groupes à systèmes d e valeurs similaires. Lors d e la collectivisation, en échange des matières animales qu'ils produisaient, par é lev ag e ou par chasse, les autochtones obtenaient régulièrement ces denrées. Aujourd'hui, la mondialisation qui les fait se tourner vers l'Occident, e t la crise qui déstructure les réseaux d 'échanges et de commerce, conduisent à abandonner les gens du Nord à leur isolement.La situation est bien différente pour les éleveurs saharo-sahéliens. Contrairement aux éleveurs d e rennes d e Sibérie, il est clair que leur économie est largement tournée vers l'extérieur e t n 'a rien d 'autarcique : la vente de bétail est indispensable pour procurer à ces pasteurs des éléments clés de leur alimentation : mil, thé e t sucre, sans com pter le sel e t quelques condiments. De tout temps, ils ont entretenu des liens indispensables avec les sédentaires établis aux marges du désert, e t l 'époque où ils se vêtaient d e peaux de bêtes est depuis bien longtemps révolue : c 'est grâce à la vente d e bétail qu'ils achèten t leurs vêtem ents d e coton e t quelques récipients culinaires.

Fluidité d e l’organisation des groupes

L 'élevage joue un rôle important dans l'organisation du groupe, aussi bien dans le cas des pasteurs sibériens q u e chez les Toubou.

La Sibérie

La mobilité

La mobilité est essentielle, imposée par l'environnement e t servie par le renne. La fréquence d e s mouvements com m e la distance parcourue sont d 'abord liées aux besoins du troupeau. L'hiver les haltes

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sont plus longues e t les distances plus courtes : exploitation minimum d'une végétation sous la neige par un animal qui vit en partie sur ses propres réserves. L'été les haltes sont plus courtes et les distances plus longues pour une exploitation la plus extensive possible d 'une végétation libre d 'a c c è s . L'habitat est a d a p té à cette mobilité, qu'il soit entièrement dém ontable e t transporté d 'une halte à l'autre, partiellement dém onté, ou transportable en l'état. Quel qu'il soit, il s 'ad ap te aussi aux fortes différences d e tem pérature saisonnières.

Les territoires : souplesse des m odes d ' o c c u p a t io n

Les territoires d 'é levage, de chasse ou d e p êch e ont des dimensions liées à une notion de production. Ils supposent, entre autres, d 'ê tre assez vastes pour que le chem inem ent des troupeaux puisse varier.

Le nomadisme des Dolganes n'est pas un circuit immuable. 1 y a un point fixe : le lieu de d é p ô t des baloks (habitation à armature d e bois parallélépipédique, tendue d e peaux d e renne et montée sur patins) d'hiver à plancher ou des carcasses d 'é té sans plancher. La route du troupeau sauvage m arque une zone d'attraction vers laquelle tend le cheminement, com m e le territoire des pièges maintenu à proximité pendant tout l'hiver. Ajoutons un dernier pôle : pouvoir rejoindre le lieu où se déroule la fê te du renne qui m arque la fin de l'hiver. Pour le reste, le choix se fait par évaluation constante d e la situation.

L 'accès aux différents e spaces du territoire varie selon le type d'exploitation recherché. Un territoire d 'é levage appartient à une famille. L 'espace où sont posés les pièges est investi par un seul chasseur qui viendra les relever entre novembre e t février. L 'espace traversé par la migration au printemps e t à l'automne est accessible à tout chasseur qui peut y aller seul ou avec des mem bres d e sa famille ou d e son clan, chasse collective qui est l'occasion d'entretenir les rapports sociaux à travers une circulation des services et des biens en matières animales.

S OUPLESSE DE LA COMPOSITION DES GROUPES

Hors les sovkhozes, le troupeau est propriété collective d e l'unité familiale dans la mesure où chaque individu peut avoir des rennes à sa marque. La dimension du groupe est en adéquation avec le nombre d e bêtes, tant pour des raisons alimentaires que techniques. Dans un contexte d e croissance, la famille était élargie parallèlement aux possibilités du troupeau. Aujourd'hui, la famille dolgane vit en unité nucléaire restreinte sur une centaine d e bêtes, seuil en dessous duquel un troupeau ne peut pas se maintenir. Pour assurer son équilibre, une cellule familiale nom ade est liée à d e la famille sédentarisée ou nomadisant ailleurs, e t des relations de clans se traduisent par un très fort réseau d 'é c h an g e .

L'hiver, le renne est paisible, à la recherche d e nourriture e t économ isant son énergie. La cellule familiale vit seule avec son troupeau facile à garder, que la femme peut surveiller quand l'homme part chasser. L'environnement n'offre aucune ressource autre que le renne e t la niche écologique ne perm et pas une exploitation cynégétique importante, d 'où la solitude du chasseur, sauf pour les animaux migrants dont la chasse peut susciter des regroupements masculins.

Dès que les beaux jours arrivent, les rennes deviennent agités. Les hommes regroupent leurs troupeaux pour en faciliter la surveillance, regroupant aussi leurs habitats. Ces regroupem ents concernent des éléments d 'une même famille ou d 'un même clan.

Le désert saharien e t ses marges

La mobilité

De même que l'élevage du renne en Sibérie, l'élevage en zone saharo-sahélienne contraint les éleveurs à la mobilité, pour la recherche des pâturages. Les éleveurs répèten t chaque année plus ou moins les mêmes parcours, av ec des variantes liées à la pluviosité. Le pâtu rage est en principe accessible à tous, mais il y a des habitudes e t les nouveaux venus risquent d 'être mal accueillis, surtout si les troupeaux sont trop nombreux en un lieu donné. Les puits sont la propriété de ceux qui les creusent e t les entretiennent, e t d e leurs familles : ces personnes ont un droit d e priorité sur l'usage du puits, mais non l'exclusivité. Tout autre pasteur peut aussi venir y abreuver son troupeau, en attendant parfois d e longues heures que l'accès au puits ait é té libéré par ses « propriétaires ».

Les territoires : souplesse des m od es d ' o c c u p a t io n

Les espaces parcourus par les éleveurs sont, au moins en théorie, la propriété d e clans patrilinéaires dont les membres pourtant sont disséminés e t peuvent être établis très loin de là, sur des territoires appartenant à d'autres. C ette grande souplesse e s t a c c e p té e par tous ; elle est d'ailleurs indispensable à la survie dans ces régions où la pluviosité est si aléatoire. Les droits sur les territoires ne concernent donc pas les

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pâturages, mais si un étranger au clan entreprend d 'y couper les arbres, il pourra avoir maille à partir avec l'un des membres du clan propriétaire s'il se fait surprendre.

La mobilité physique des éleveurs e t de leurs troupeaux, que nécessite la précarité du milieu qu'ils exploitent, a une conséquence directe sur l'habitat : la tente de natte et tout son mobilier peuvent être transportés par un seul cham eau. Le mobilier est très sommaire : il se limite à un Sf de gaulettes végétales assemblées par d es lanières d e cuir, à quelques sacs de voyage, un trépied et un canari pour cuire le mil, un service à thé, une cantine métallique, une « peau d e bouc » ou un canari pour l'eau. La forme e t la dimension de la ten te varient selon la saison : elle est courbe quand soufflent les vents précurseurs des pluies, petite quand il pleut car on cherche à économ iser les nattes qui sont abîm ées par l'eau, elle prend la forme d'un parallélépipède rectangle en hiver car c e tte forme, dit-on, est celle qui protège le mieux du froid.

Les structures : souplesse de l ' o rg a n isa tio n

L'unité d'exploitation est le troupeau, dont la taille ne saurait être trop importante pour ne pas nuire à sa mobilité. Par conséquent, les unités sociales sont elles aussi de taille limitée. Le groupe social de base est la famille restreinte, com posée d 'un couple e t de ses enfants. Ces familles s'associent dans des cam pem ents, généralem ent d e petite taille, dont la composition est très variable. Des frères par exemple peuvent choisir d e vivre proches les uns des autres, mais ils sont libres d e se séparer quand ils le veulent. Les nécessités d e l'élevage ou d e la vie sociale peuvent entraîner l'éclatement tem poraire de la famille : tel est le cas notamment quand les chamelles vont au désert, tandis que les vaches restent sur place. Alors le père d e famille, ou bien le fils aîné s'il e s t assez â g é , part av ec les chamelles tandis que la femme reste à sa tente avec les vaches e t les jeunes enfants.

Le moins polluant des genres de vie

Le b a g a g e des nom ades sibériens est réduit à l'essentiel car tout poids supplémentaire suppose un effort supplémentaire d e traction. Cela n'exclut pas un « superflu », devenu essentiel par la valeur attribuée : chez les nom ades d e Sibérie les tasses en porcelaine sont le symbole d 'une hospitalité fondam entale. Mais cela signifie qu'ils jettent très peu d e choses, tandis que la rareté des matières premières réduit les déchets d e fabrication. Habitat d 'é té ou d'hiver, à m êm e le sol ou sur plancher, nous avons bien affaire au moins polluant des genres d e vie. C am pem ent d 'é té ou cam pem ent d'hiver, rien ne s'ancre dans la terre. Les traces d e l'habitation sont très légères e t les abandons sont exceptionnels. Le résultat en est une marque au sol très fugitive.Le carac tè re très sommaire d e la culture matérielle est aussi une caractéristique commune à tous les éleveurs d e la zone saharo-sahélienne. On peut, ici aussi, parler, dans cette partie d e l'Afrique, d'un m ode d e vie très peu polluant. Après leur départ d'un lieu d e cam pem ent, les éleveurs toubou ne laisseront com m e trace d e leur passage que les cendres du foyer, et une concentration de déjections animales desséchées. C e seraient là, pour les archéologues du futur, d e bien maigres éléments pour imaginer quel pouvait être le m ode d e vie d e ces populations.

La relation « homme/animal »

Toute la culture des éleveurs des régions arctiques est fondée sur le renne, tant les savoirs techniques, que l'économ ie e t le symbolique. Le lien privilégié entre l'homme et le renne se manifeste à deux niveaux. Au plan individuel, par une relation symbiotique entre l'homme et l'animal : l'homme nourri e t vêtu par le renne s'approprie les attributs d e l'animal. Au niveau du groupe, I y a parallélisme entre le groupe humain et son troupeau : le clan se définit, entre autres, par des échanges de service liés au renne et un troupeau qui va bien est l'image d 'un groupe qui va bien. Ce parallélisme est si fort qu'un groupe sédentarisé peut entretenir un troupeau qui ne lui rapporte économ iquem ent plus grand chose, uniquement parce que la disparition du troupeau signifierait l'éclatem ent symbolique du groupe qui s'identifie à lui. Mais aussi étroite que soit la m arge d e m anœ uvre des hommes, elle est cep en d an t suffisante pour que s'expriment des différences entre groupes. Ces cultures, qui ont à nos yeux une large majorité de points communs, affichent e t revendiquent leurs différences, m êm e dans c e qu'ils ont de plus partagé, leur lien av ec le renne.

On n 'a pas chez les Toubou d e « symbolique du cham eau » ou de « symbolique du bovin » com parable à la « symbolique du renne », ou à la très forte i dentification des pasteurs peuls ou nuer avec leurs bovins, pour ne citer que ces exemples très classiques. Mais les animaux n'en occupent pas moins une p lace primordiale dans la vie sociale, qui s'exprime essentiellement au travers de droits sur le bétail. Les droits d e propriété sur les animaux sont très élaborés chez les Toubou, ch aq u e individu exerçant des droits différents sur divers types d'animaux, e t chaque animal pouvant appartenir simultanément à plusieurs propriétaires, qui ont sur lui des droits différents. Naturellement, le statut social d'un individu est directem ent lié à la nature des droits qu'il

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exerce sur le bétail, e t les relations sociales passent avant tout par des dons et contre dons de bétail. Dans ce tte tram e d 'éch an g es incessants, le mariage joue un rôle essentiel dans la mesure où S est l'occasion d e très nombreux dons e t contre dons de bétail non seulement avant, mais aussi bien longtemps après le m ariage. La nature d e ces droits e t d e ces échanges m arque une différence essentielle entre les Toubou e t les autres pasteurs d e la zone saharo-sahélienne, dont la culture matérielle est par ailleurs assez com parab le .

Conclusion

Dans le Nord sibérien, l'homme occupe un territoire qu'aucun progrès humain ne sait maîtriser et le tribut payé par le groupe humain à l'occupation de cet environnement est une forte mortalité. Conscient d e sa fragilité, il se sent à égalité av ec les autres occupants d e ce mêm e territoire, percevant fortement l'in terdépendance des espèces. Tout son système symbolique est fondé sur ce tte notion: les différentes e spèces sont organisées à l'image du groupe humain e t leurs relations sont codifiées pour qu'il n'y art p a s surexploitation d e l'une au détriment des autres. Le non-respect de ces codes entraîne obligatoirement punition.

En zone saharo-sahélienne égalem ent, la relation entre l'homme et son environnement procède d 'un délicat équilibre. Mais c e t équilibre, b eau co u p plus semble-t-il qu'en Sibérie, est aujourd'hui m enacé. Les grandes sécheresses qui se sont abattues périodiquement sur le Sahel, surtout à partir des années soixante-dix, ont entraîné des pertes de bétail considérables. On s'est interrogé sur la cause d e ces désastres. Le dessèchem ent progressif du climat lui-même est indubitable si l'on considère que le lac Tchad n'est plus actuellement, sur la majeure partie d e sa surface, qu'une vaste étendue sans eau. On a aussi incriminé le com portem ent des éleveurs qui cherchent toujours à accroître la taille de leurs troupeaux, en dépit d e l'insuffisance des pâturages. On y a vu une contradiction entre une logique collective, celle des pâturages, e t une logique individuelle, celle d e l'éleveur. Mais d'autres sécheresses s'étaient produites avant, sans entraîner les m êm es dram es : les pasteurs alors pouvaient aisément se replier vers le sud, dans la zone cultivée. C e repli est devenu plus difficile d e nos jours, en raison d e l'intensification du peuplem ent de cette zone sédentaire. Pourtant, c 'est là actuellement que les pasteurs du Nord ont tendance à s'implanter d e plus en plus, voire d e se sédentariser, en nouant avec les cultivateurs des liens nouveaux e t en profitant d e la proximité des agglom érations pour écouler les produits d e leurs troupeaux.

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