enver hoxha...enver hoxha premier secretaire du comite central du parti du travail d'albanie...

357
ENVER HOXHA PREMIER SECRETAIRE DU COMITE CENTRAL DU PARTI DU TRAVAIL D'ALBANIE RÉFLEXIONS SUR LA CHINE II 1973 — 1977 EXTRAITS DU JOURNAL POLITIQUE INSTITUT DES ÉTUDES MARXISTES-LÉNINISTES PRÈS LE COMITÉ CENTRAL DU PARTI DU TRAVAIL D'ALBANIE Ce second tome est la suite chronologique du premier volume des «Réflexions sur la Chine» du camarade Enver Hoxha. Ces notes, de même que celles du premier tome, sont extraites de son journal politique et embrassent les années 1973-1977. Les deux tomes ont été publiés pour la première fois en albanais en janvier 1978 et distribués au sein du Parti ; puis ils ont paru à l'intention du public, en albanais et en plusieurs langues étrangères, respectivement en juin et en septembre-octobre 1979. Edition électronique réalisée par Vincent Gouysse à partir de l’ouvrage publié aux Editions «8 NËNTORI» TIRANA, 1979 Titre original «SHËNIME PËR KINEN» WWW.MARXISME.FR

Upload: others

Post on 31-Jan-2021

6 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

  • ENVER HOXHAPREMIER SECRETAIRE DU COMITE CENTRAL DU PARTI DU TRAVAIL D'ALBANIE

    RÉFLEXIONS SUR LA CHINEII

    1973 — 1977

    EXTRAITS DU JOURNAL POLITIQUE

    INSTITUT DES ÉTUDES MARXISTES-LÉNINISTES PRÈS LECOMITÉ CENTRAL DU PARTI DU TRAVAIL D'ALBANIE

    Ce second tome est la suite chronologique du premier volume des«Réflexions sur la Chine» du camarade Enver Hoxha. Ces notes, demême que celles du premier tome, sont extraites de son journalpolitique et embrassent les années 1973-1977. Les deux tomes ont étépubliés pour la première fois en albanais en janvier 1978 et distribuésau sein du Parti ; puis ils ont paru à l'intention du public, en albanais eten plusieurs langues étrangères, respectivement en juin et enseptembre-octobre 1979.

    Edition électronique réalisée par Vincent Gouysse à partir de l’ouvrage publié auxEditions «8 NËNTORI» TIRANA, 1979

    Titre original «SHËNIME PËR KINEN»

    WWW.MARXISME.FR

  • 2

    Sommaire :

    1973

    1. — 15 janvier 1973. Déclarations antimarxistes de Chou En-laï — p.52. — 18 janvier 1973. En Chine on fait de la propagande religieuse — p.123. — 10 février 1973. Kissinger à Pékin — p.124. — 19 février 1973. La Chine a orienté son cours vers les Etats-Unis — p.145. — 9 mars 1973. En ce qui concerne les désaccords frontaliers les Chinois ont donné dans le piège des Soviétiques — p.156. — 13 mars 1973. Les «spécialistes» chinois se livrent à des provocations semblables à celles des révisionnistes soviétiques — p.167. — 7 avril 1973. Jusqu'où ira la froideur des officiels chinois envers nous ? — p.178. — 15 avril 1973. Mao Tsétoung réhabilite Teng Siao-ping — p.189. — 20 avril 1973. Les «guêpes» bourgeoises se muent en abeilles pour recueillir le miel et lâcher leur venin dans le jardin aux «cent fleurs» — p.2010. — 18 mai 1973. Une lettre de Mao Tsétoung à sa femme — p.2311. — 26 mai 1973. En Chine souffle un vent d'ouest — p.2512. — 27 juin 1973. Le banquier Rockefeller est reçu en Chine avec des banquets — p.2613. — 30 juin 1973. Les peuples ne pardonneront pas à la Chine ces attitudes dangereuses — p.2614. — 13 juillet 1973. Délégation formelle — p.3215. — 29 juillet 1973. Pourquoi les Chinois reportent-ils la convocation du Congrès de leur parti ? — p.3316. — 1er août 1973. Les Chinois sont plus froids dans leurs contacts politiques avec nous. Efforçons-nous de briser la glace ! — p.3517. — 21 août 1973. La tactique des nombreuses lignes en Chine, pratique érigée en principe — p.3618. — 23 août 1973. La Chine ne doit pas négliger l'Europe — p.3819. — 2 septembre 1973. Télégramme de félicitations au Xe Congrès du Parti communiste chinois — p.3920. — 8 septembre 1973. Le Xe Congrès du Parti communiste chinois — p.3921. — 30 septembre 1973. A la réception donnée par l'ambassadeur chinois à Tirana — p.40

    1974

    1. — 2 avril 1974. Pourquoi les Chinois ne veulent-ils pas que nous construisions la centrale hydro-électrique de Fierze ?! — p.412. — 10 avril 1974. La «tempête» à propos de Fierze s'est terminée pour la plus grande honte des Chinois — p.413. — 24 mai 1974. Teng Siao-ping est l'objet d'un grand battage — p.424. — 26 mai 1974. Les Chinois reportent à nouveau la visite de la délégation de notre Parti et de notre gouvernement — p.435. — 13 décembre 1974. La Chine n'applique pas une politique de soutien internationaliste entre pays socialistes — p.446. — 14 décembre 1974. Les Chinois veulent tâter notre pouls — p.457. — 23 décembre 1974. Non, camarades chinois, nous et les Yougoslaves ne sommes pas proches «comme les dents des lèvres» — p.46

    1975

    1. — 23 avril 1975. Les Chinois renvoient indéfiniment la visite d'une délégation albanaise en Chine — p.472. — 17 juin 1975. La pression économique chinoise a commencé à se faire fortement sentir, mais nous ne fléchirons pas — p.483. — 18 juin 1975. Les Chinois ne nous livrent pas toutes les unités industrielles promises — p.514. — 21 juin 1975. La Chine prise dans le jeu politique des deux superpuissances — p.525. — 25 juin 1975. Chou En-laï et son groupe engagés dans une voie hostile à l'Albanie — p.566. — 26 juin 1975. Les Chinois nous ont accordé deux unités industrielles, mais pour le reste, ils n'ont pas changé une virgule à la liste — p.587. — 4 juillet 1975. La Chine est entrée dans la danse politique de la bourgeoisie — p.588. — 7 juillet 1975. Li Sien-nien agit contre l'Albanie socialiste — p.619. — 31 juillet 1975. La politique chinoise est privée d'un axe de classe prolétarien — p.6210. — 5 août 1975. Les Chinois durcissent leur attitude à notre encontre — p.6511. — 21 août 1975. Actions chinoises déséquilibrées — p.6712. — 29 septembre 1975. La Roumanie et la Chine suivent la même ligne — p.6813. — 30 septembre 1975. Pas un mot en Chine à l'adresse des héros espagnols — p.7014. — 1er octobre 1975. Ne nous contentons pas de démasquer les impérialistes américains, mais combattons-les ! — p.7015. — 2 octobre 1975. La politique extérieure de la Chine n'est pas révolutionnaire — p.7216. — 7 octobre 1975. La Chine et la Yougoslavie — p.7517. — 10 octobre 1975. Mao Tsétoung reçoit Djemal Biyedic — p.7818. — 10 novembre 1975. Nous sommes préoccupés de ce qui se produira en Chine après la mort de Mao — p.7819. — 19 novembre 1975. La Chine et le Vietnam sont en froid pour des questions de frontières — p.7920. — 21 novembre 1975. Ils modifient leurs dires d'un jour à l'autre — p.7921. — 3 décembre 1975. Ford a été reçu par Mao Tsétoung — p.8022. — 16 décembre 1975. Le camarade Kang Cheng est mort — p.83

    1976

    1. — 1er janvier 1976. Les zigzags dans la ligne chinoise — p.832. — 8 janvier 1976. Chou En-laï est mort — p.913. — 22 janvier 1976. Les Chinois ne propagent pas la juste ligne de notre Parti — p.924. — 23 janvier 1976. Hésitations quant au remplacement de Chou En-laï ! — p.975. — 29 janvier 1976. Les Chinois vont vers le blocus de l'Albanie — p.986. — 11 février 1976. Mao seul propose et dispose — p.997. — 25 février 1976. Enigme chinoise, confusion maoïste — p.1008. — 3 mars 1976. Le présent est confus, qui sait ce qu'apporteront les lendemains — p.1039. — 1er avril 1976. Où était et où va la Chine — p.10410. — 24 mai 1976. Comportements déplacés de l'ambassadeur chinois à Tirana — p.11211. — 28 mai 1976. La «pensée-maotsétoung» — p.11312. — 12 juin 1976. La ligne chinoise est droitière — p.11413. — 24 juin 1976. En Chine n'agissent ni le parti ni l'Etat du prolétariat — p.11514. — 17 juillet 1976. Politique sans principes du grand Etat chinois — p.11815. — 29 juillet 1976. Avec nous les Chinois suivent une tactique de «temporisation» — p.119

  • 3

    16. — 17 août 1976. En Chine il y a eu «cent courants» et «cent écoles» — p.12017. — 24 août 1976. Les Chinois nous créent des difficultés — p.12118. — 30 août 1976. Cette situation n'est ni normale ni révolutionnaire — p.12319. — 4 septembre 1976. Les Chinois violent leurs engagements à propos des ouvrages du complexe métallurgique — p.12420. — 5 septembre 1976. Chantages et blocus économiques de la part de la Chine à rencontre de l'Albanie — p.12421. — 9 septembre 1976. Mao Tsétoung est mort — p.12622. — 12 octobre 1976. La tragédie de la Chine — p.12823. — 13 octobre 1976. Grand chaos en Chine — p.13024. — 14 octobre 1976. Pour un respect réciproque — p.13725. — 18 octobre 1976. Les Chinois entravent nos importations — p.13826. — 22 octobre 1976. Le voleur crie : «au voleur !» — p.13827. — 23 octobre 1976. C'est ainsi que les choses ont dû se passer avec les «quatre» — p.13928. — 28 novembre 1976. Lutte pour le pouvoir — p.14629. — 2 décembre 1976. Un parti désintégré — p.14730. — 6 décembre 1976. Direction non stabilisée — p.14931. — 9 décembre 1976. Une note chinoise sans adresse ni signature — p.15232. — 13 décembre 1976. Les laquais des Chinois échoueront dans leurs entreprises — p.15533. — 16 décembre 1976. Les agents de la Chine pointent les oreilles — p.15634. — 25 décembre 1976. Méthodes d'espionnage pour diviser le mouvement communiste mondial — p.16635. — 28 décembre 1976. Jugements sur le «décalogue» balliste de Mao Tsétoung — p.16736. — 31 décembre 1976. La stratégie chinoise fait fiasco — p.177

    1977

    1. — 2 janvier 1977. Une rencontre qui n'a duré que cinq minutes — p.1792. — 3 janvier 1977. La fraction proaméricaine en Chine semble devoir l'emporter — p.1803. — 4 janvier 1977. Respectons nos contrats dans un esprit de compréhension, mais sans faire de concessions idéologiques ni politiques — p.1814. — 5 janvier 1977. La direction chinoise glisse toujours plus vers l'abîme — p.1835. — 8 janvier 1977. Les révisionnistes chinois attaquent le Parti du Travail d'Albanie derrière son dos — p.1846. — 16 janvier 1977. Pourquoi ces variations dans la stratégie chinoise ? — p.1927. — 25 janvier 1977. La théorie des «trois mondes» ignore la lutte de classes — p.1958. — 2 février 1977. «Perles» de la presse chinoise — p.1979. — 7 février 1977. Après avoir semé le vent, ils récoltent maintenant la tempête ! — p.19810. — 12 février 1977. Arguments «célestes» ! — p.20011. — 14 février 1977. L'«avocat» charlatan de la ligne pourrie chinoise — p.20012. — 5 mars 1977. La Chine vise à devenir une superpuissance — p.20713. — 7 mars 1977. La direction chinoise a perdu sa boussole politique — p.21014. — 9 mars 1977. Les opportunistes chinois voudraient que le monde communiste chante leurs louanges — p.21215. — 14 mars 1977. La Chine soutient sa thèse opportuniste des «trois mondes» — p.21416. — 22 mars 1977. La théorie des «trois mondes» est contre la révolution prolétarienne — p.21517. — 5 avril 1977. Trois thèmes de la politique chinoise — p.21618. — 28 avril 1977. Les manifestations des partis marxistes-léninistes et l'attitude de la Chine — p.21619. — 29 avril 1977. Cela s'appelle oublier le loup pour combattre son ombre — p.21920. — 3 mai 1977. Un agent américain, grand ami de Mao Tsétoung — p.22221. — 5 mai 1977. Le jeu proaméricain de la Chine est très dangereux — p.22322. — 14 mai 1977. Saïfudin en Yougoslavie — p.22523. — 15 mai 1977. Servilité chinoise envers l'Amérique — p.22524. — 16 mai 1977. La délégation chinoise s'exprime avec beaucoup d'enthousiasme sur le régime titiste — p.22625. — 18 mai 1977. On abat un culte et l'on en édifie un autre — p.22726. — 20 mai 1977. Le peuple chinois garde son amour au peuple albanais et au Parti du Travail d'Albanie — p.22827. — 21 mai 1977. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es — p.22828. — 2 juin 1977. La Chine défend les partis qui jouent de son tambour — p.23129. — 3 juin 1977. La Corée et la Chine se préparent à recevoir Tito — p.23230. — 7 juin 1977. Pourquoi Tito se rend-il en Chine ? — p.23331. — 11 juin 1977. Les Chinois continuent de saboter l'économie de notre pays — p.23632. — 18 juin 1977. Les Chinois mènent un travail d'agence d'espionnage — p.23633. — 20 juin 1977. La Chine se rapproche toujours plus des Etats capitalistes — p.23934. — 22 juin 1977. De justes critiques et demandes de notre classe ouvrière — p.23935. — 23 juin 1977. La Chine cherche à jouer le rôle du «Vieux de la montagne» — p.24136. — 26 juin 1977. Brève information sur la situation en Chine — p.24237. — 5 juillet 1977. Le Parti communiste chinois organise ses satellites — p.24338. — 7 juillet 1977. Un article qui démasque une grande intrigue sur le dos des peuples — p.24539. — 9 juillet 1977. Panier de crabes — p.24640. — 11 juillet 1977. Quand et pourquoi le Congrès du Parti se réunira-t-il en Chine ? — p.24841. — 28 juillet 1977. La prise du pouvoir par Houa Kouo-feng et la réhabilitation de Teng Siao-ping sont une affaire scandaleuse — p.24942. — 1er août 1977. Le parti «père» et ses «fils» bâtards — p.25043. — 3 août 1977. L'écho de notre article sur «la Théorie et la pratique de la révolution» — p.25344. — il août 1977. La politique n'est pas un conte — p.25645. — 15 août 1977. Un document qui atteste la fermeté de notre attitude — p.25846. — 15 août 1977. Articles remplis d'«élucubrations» rebattues — p.25947. — 21 août 1977. Les idées essentielles du XIe Congrès du Parti communiste chinois — p.26148. — 22 août 1977. La Chine est guidée par les militaires — p.26349. — 27 août 1977. Taïwan laissé dans l'oubli — p.26450. — 30 août 1977. Les grands honneurs rendus à Tito en Chine constituent le comble de l'infamie — p.26551. — 30 août 1977. Tito «salue» Mao au mausolée de ce dernier — p.26552. — 30 août 1977. Les Chinois aussi s'efforceront de garder leur masque de couleur «marxiste» — p.26753. — 1er septembre 1977. Sur les questions capitales du marxisme-léninisme les dirigeants chinois sont des révisionnistes fieffés — p.26854. — 2 septembre 1977. Houa Kouo-feng et Tito falsifient l'histoire — p.27155. — 4 septembre 1977. Houa Kouo-feng à son tour à genoux devant Tito — p.27356. — 6 septembre 1977. Tito resserre les boulons du pont sino-américain — p.27457. — 7 septembre 1977. Qu'est-ce que le Bureau général en Chine ? — p.275

  • 4

    58. — 7 septembre 1977. Recommandations à l'intention du groupe d'ouvriers pétroliers qui se rendra en Chine — p.28459. — 8 septembre 1977. Le vent révisionniste de Tito souffle vers l'est — p.28460. — 8 septembre 1977. Manoeuvres révisionnistes. Structure antimarxiste — p.28561. — 15 septembre 1977. En Chine les calomnies de la bourgeoisie à notre encontre sont publiées à l'intention des cadres — p.29062. — 16 septembre 1977. Nous devons tout juger avec calme — p.29163. — 6 octobre 1977. Ce sont là des insanités — p.29264. — 9 octobre 1977. Nos prises de position démasquent les plans des révisionnistes — p.29365. — 14 octobre 1977. Révisionnisme hybride — p.29366. — 24 octobre 1977. L'interview de Teng Siao-ping est une interview de fasciste — p.29767. — 31 octobre 1977. Un document antimarxiste — p.29968. — 3 novembre 1977. Encore à propos de l'article chinois sur la théorie des «trois mondes» — p.30269. — 7 novembre 1977. Un jeu à trois — p.31370. — 9 novembre 1977. Un des mots d'ordre les plus réactionnaires des Chinois — p.31471. — 12 novembre 1977. Informons notre Parti de la déviation chinoise — p.31472. — 21 novembre 1977. Mao sur le centralisme démocratique — p.31673. — 22 novembre 1977. Ordures fabriquées par les révisionnistes — p.31674. — 23 novembre 1977. Poursuivons avec persévérance la construction de nos ouvrages — p.31775. — 27 novembre 1977. Nous ne pouvons modérer nos expressions contre le révisionnisme chinois — p.31876. — 2 décembre 1977. Les Chinois étendent les désaccords idéologiques aux rapports d'Etat — p.31977. — 2 décembre 1977. Des communistes sont tués dans le monde, les révisionnistes chinois ne s'en émeuvent guère — p.31978. — 8 décembre 1977. Sombre panorama chinois — p.32079. — 9 décembre 1977. La Chine a des visées néo-colonialistes — p.32680. — 10 décembre 1977. Les Chinois cherchent à réduire au minimum le commerce avec notre pays — p.32781. — 12 décembre 1977. Une orientation pour notre presse concernant la Chine — p.32882. — 18 décembre 1977. Incohérence de la politique extérieure de la Chine — p.32983. — 20 décembre 1977. Commentaires américains sur la Chine — p.33484. — 22 décembre 1977. En Chine le processus de dégénérescence se poursuit — p.33585. — 24 décembre 1977. Il ne faut pas perdre espoir dans le prolétariat et le peuple chinois — p.33686. — 26 décembre 1977. La révolution chinoise peut-elle être qualifiée de prolétarienne ? — p.340

  • 5

    LUNDI 15 JANVIER 1973

    DECLARATIONS ANTIMARXISTES DE CHOU EN-LAI

    Durant la première quinzaine de janvier, une délégation gouvernementale italienne, conduite par leministre des Affaires étrangères, Medici, et une délégation du Zaïre ayant à sa tête son président, legénéral Mobutu, se sont, entre autres, rendues en visite officielle en Chine.

    Elles ont été reçues par Chou En-laï, qui s'est naturellement entretenu avec elles sur des questionspolitiques et d'autres problèmes. Chou a fait des déclarations et a formulé certaines de ses vuespolitiques et idéologiques, d'une importance particulière à mes yeux, en raison même de leur caractère«spécifique». C'est ce qui me pousse à jeter ces réflexions sur le papier.

    Chou En-laï a eu avec l'Italien Medici une entrevue au cours de laquelle ils ont procédé à un échangede vues. Mais rien n'a été notifié par la presse chinoise, à part la nouvelle d'une rencontre «cordiale»,alors que la presse, la radio et la télévision italiennes ont non seulement fait un large écho au voyagede Medici et à ses conversations avec Chou En-laï, mais aussi et surtout mis en relief la déclarationsuivante de ce dernier :

    La Chine approuve le Marché commun européen, elle approuve et juge fondée la création d'une«Europe unie», que les Etats de l'Europe occidentale ont commencé à édifier.

    Au cours du banquet officiel qu'il a offert en l'honneur de Mobutu, Chou En-laï a affirmé sansambages que «la Chine, en dépit des différences de forme de son régime avec celui du Zaïre, faitpartie, naturellement comme le Zaïre, du tiers monde...» C'est là une déclaration officielle publiéepar la presse chinoise.

    A propos des déclarations de Chou En-laï à l'adresse de Medici, on a lieu de supposer que la presseitalienne a intérêt à y mettre du sien, en les déformant. Cela est fort possible, mais tant que la Chineelle-même n'y oppose aucun démenti officiel, ces déclarations doivent être considérées comme ayantété faites. Nous observons que les ambassadeurs de Chine dans les pays d'Europe ont exprimé à nosambassadeurs des vues analogues sur le Marché commun et l'«Europe unie». Il s'agit là d'uneorientation politique émanant du centre, de Pékin, d'une ligne et d'une directive émises par leC.C. du Parti communiste chinois et par le gouvernement chinois. Cette ligne est donc appliquéesans réserve. Quant à nous, loin de souscrire à cette ligne, à ces orientations, nous nous yopposons, parce qu'elles sont erronées sur le plan des principes et que dans la pratique elles nes'inscrivent pas dans la ligne marxiste-léniniste, mais y sont contraires. Ce sont des vuesrévisionnistes-opportunistes, qui ne favorisent pas la révolution, l'éveil et la lutte révolutionnairedes peuples contre l'impérialisme, le capitalisme et la bourgeoisie réactionnaire.

    Expliquons-nous. Comment les camarades chinois et en particulier le camarade Chou En-laï, leprotagoniste de cette ligne, motivent-ils ces attitudes politiques fondamentales dans la ligne ?Uniquement par «la mise à profit des contradictions existant entre l'impérialisme américain et lesocial-impérialisme soviétique» ? «Luttons pour approfondir ces contradictions», — dit Chou En-laï. Jusqu'ici nous sommes d'accord. Mais en faveur de qui devrions-nous les approfondir et n'ya-t-il que ces contradictions-là ? N'y en a-t-il pas d'autres, qui nous sont connues ou encoreinconnues, que nous devons mettre à nu, chercher à approfondir dans l'intérêt de la libertépolitique, économique, de la souveraineté, de l'autodétermination des peuples, dans l'intérêt dela révolution ?

    Ces contradictions qui existent et qui s'aggravent chaque jour davantage, qui est-ce qui les suscite ? Oùont-elles leur origine ? Sont-elles simples ou complexes ? Existent-elles seulement entre les deuxsuperpuissances, ou ont-elles des ramifications plus lointaines, plus profondes ? Devrions-nous nous

  • 6

    borner, nous, marxistes-léninistes, à n'approfondir que les contradictions existant entre l'Amériqueimpérialiste et l'Union soviétique révisionniste et oublier celles qui existent, et qu'il faut approfondir,entre les Etats-Unis d'Amérique et leurs «alliés», entre l'Union soviétique révisionniste et ses «alliés»,entre ces deux superpuissances et les Etats du «tiers monde» compris dans leur sphère d'influence ?Devrions-nous oublier la grande question de classe, la lutte du prolétariat, c'est-à-dire la solutionde la grande contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie capitaliste, entre le capital et leprolétariat, entre le prolétariat et le peuple, d'une part, et l'oligarchie capitaliste et son pouvoir,d'autre part ? Devrions-nous oublier qu'il convient de détruire de haute lutte le pouvoir de labourgeoisie pour instaurer à sa place la dictature du prolétariat, pour substituer au régimebourgeois capitaliste le régime socialiste ?

    Si nous négligeons et oublions tout cela, ou si nous employons des formules estompant la réalité etagissons pratiquement d'une autre manière, alors nous ne verrons pas les choses, nous ne jugerons nin'agirons en marxistes.

    Prenons les questions dans l'ordre. Il est vrai qu'il existe des contradictions entre les Etats-Unis etl'Union soviétique, des contradictions que nous devons approfondir. Où ces contradictions ont-ellesleur origine et sur quoi sont-elles fondées ? Leur source réside dans le caractère même et dans les butspermanents du capitalisme, dans l'exploitation impitoyable du prolétariat, dans l'asservissement despeuples. L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, est en putréfaction. Il se bat par le fer et par lesang, par la politique et l'idéologie, pour maintenir les peuples asservis, réprimer les révolutions etfrapper ses rivaux éventuels dans l'arène internationale. Ses ennemis décisifs, ceux qui finalement ledétruiront, ce sont les peuples, c'est le prolétariat mondial, c'est la révolution.

    L'histoire atteste que les rivalités entre groupements capitalistes d'un pays et groupements capitalistesd'un autre pays, ou entre groupes capitalistes de plusieurs pays et groupes capitalistes de plusieursautres pour dominer le monde, pour créer et étendre leurs empires coloniaux, pour se partager leszones d'influence et les marchés, ont provoqué des conflits et plongé le monde dans des guerressanglantes. Ce furent pour l'humanité de grandes crises, et ces guerres avaient pour but l'exploitation etl'oppression des hommes, des peuples, des Etats les plus faibles par les plus puissants. Par ladémagogie, les fauteurs de guerre et les asservisseurs trompaient les hommes et les peuples, exploitantleurs sentiments généreux, mais rien, malgré tout, ne pouvait étouffer leurs aspirations à la liberté, àl'indépendance, à la libération et à la révolution. La force de ces sentiments et de ces aspirations estallée croissant. Les masses travailleuses opprimées et exploitées devinrent la force motricedéterminante du mouvement de progrès, la force adverse la plus rigoureuse contre le capitalismeasservisseur, contre l'impérialisme. Ni la conversion de l'Union soviétique en un pays capitaliste, ni latransformation d'une série d'Etats de démocratie populaire en Etats bourgeois capitalistes, neparvinrent à modifier cette tendance du développement. La révolution avance, le socialisme démontreconstamment sa vitalité, l'impérialisme américain, qui exerce son leadership sur une série d'Etatscapitalistes, et le social-impérialisme soviétique, de son côté, sur une série de pays révisionnistes, sontplongés dans une profonde crise politique, idéologique, économique, financière, culturelle ainsi quemilitaire.

    Ces grandes crises fatales sont causées à ce monde pourri, sur le déclin, par les grèves, lesmanifestations, etc., par la révolution qui bouillonne partout, ainsi que par la lutte de libération despeuples sous toutes ses formes et à tous les stades où elle est menée dans le monde entier. C'est là queréside la base de notre lutte contre l'impérialisme et le social-impérialisme, ce sont là les armesdécisives que nous devons employer pour mettre ces forces à bas. C'est sur ce grand dessein quedoivent être édifices correctement notre stratégie et notre tactique de combat. Et pour accentuerles contradictions entre les ennemis, nous devons nous fonder sur ces principes et non pas surdes idées fantaisistes, sur des aventures ou des attitudes opportunistes.

    Comme on le sait, l'impérialisme américain est sorti de la Seconde Guerre mondiale puissant et pourvud'un potentiel militaire et économique agressif. Il a assumé le rôle de gendarme international et a

  • 7

    travaillé à remettre sur pied toutes les forces réactionnaires capitalistes en Europe, en Amérique latineet ailleurs. L'impérialisme américain voyait se dresser devant lui le grand camp du socialisme et tousles peuples du monde qui aspiraient à la libération et luttaient pour y accéder.

    En quelques années, les Etats-Unis remirent sur pied l'Allemagne de Bonn, l'Italie, l'économiecapitaliste française, anglaise et autre, mais ils ne manquèrent pas de veiller à se réserver, dans toutetransformation qui s'opérait dans ces pays, leur ration, c'est-à-dire la part du lion. Les Etats-Unis«allégèrent» ces pays de leurs colonies, qu'ils firent leurs par de nouvelles méthodes. En redressantsoi-disant ces Etats, les impérialistes américains renforcèrent leur hégémonie dans le monde, lièrentleurs «alliés» à leur char par toutes sortes de traités militaires et économiques. Tout cela servait àrenforcer en premier lieu l'hégémonie américaine, à renforcer la bourgeoisie réactionnaire dans chaquepays, à étouffer tout mouvement et toute aspiration populaire dans ces pays et dans le monde et à créerun bloc de fer contre l'Union soviétique socialiste, contre le communisme. La guerre froide, les guerresd'agression isolées et la menace de la bombe atomique que les Etats-Unis faisaient peser sur eux,n'effrayèrent à aucun moment ni les pays socialistes ni les peuples du monde.

    La grande trahison des révisionnistes soviétiques affaiblit le camp socialiste, mais elle ne pouvaitempêcher la révolution mondiale d'aller de l'avant, pas plus qu'elle ne pouvait détruire lesocialisme, comme régime économique et social, ni l'idéologie marxiste-léniniste, elle ne pouvaitétouffer les aspirations des peuples et leur désir de combattre pour le socialisme. Le marxisme-léninisme est immortel et toujours triomphant.

    Mais que s'est-il produit ? Avec la trahison des révisionnistes soviétiques les contradictions de notreépoque se sont-elles effacées dans leur ensemble ? Nullement. Elles se sont accentuées, tant pour lesEtats-Unis que pour l'Union soviétique, ainsi que pour leurs alliés, indépendamment des traités,accords, arrangements diplomatiques, etc. Les contradictions qui opposent les impérialistesaméricains et les révisionnistes soviétiques entre eux, ne peuvent être effacées, ni atténuées, ellesne cessent au contraire de se multiplier et de grandir. Elles ont toujours leur origine et leur basedans les phénomènes que je viens de mentionner. Actuellement, les deux superpuissances, endépit de leurs contradictions, se sont alliées pour combattre les pays véritablement socialistes,pour combattre les partis communistes marxistes-léninistes, pour combattre les aspirations despeuples à la liberté, à l'autodétermination et à la souveraineté, pour combattre et réprimer lesjustes luttes des peuples. En tout cela elles sont d'accord. Elles sont donc d'accord pourcombattre le socialisme et le communisme.

    Les Etats-Unis luttent pour conserver leur hégémonie dans le monde; l'Union soviétique lutte pour yétablir son hégémonie. Ces deux superpuissances sont donc en rivalité entre elles pour le partage dezones d'influence et elles tendent à se saper réciproquement leurs alliances avec d'autres pays. Cesmenées s'intègrent dans le jeu des zones d'influence, elles ont créé et créeront naturellement denouvelles contradictions, des frictions sérieuses, qui peuvent aller jusqu'à des affrontements armés.Jusqu'à présent, la bombe atomique a eu une fonction de dissuasion quant au déclenchement éventueld'un conflit entre les deux superpuissances.

    L'impérialisme américain et ses alliés européens souhaitent voir s'affaiblir la puissance impérialistesoviétique, et ils luttent opiniâtrement à cet effet, afin non seulement d'en atténuer la nocivitéidéologique, mais, si possible, de la rendre économiquement dépendante d'eux et de contrôler sa forcemilitaire d'agression, qui effraie les Etats-Unis et leurs alliés. Aussi visent-ils à liquider la dépendancedes pays du Pacte de Varsovie envers l'Union soviétique. Ils ont obtenu dans ce sens bon nombre desuccès et ils en obtiendront à coup sûr d'autres, car les satellites de l'Union soviétique en Europe, de laRoumanie à la Pologne, ont les yeux tournés vers les Etats-Unis, la République fédérale allemande, laFrance et l'Angleterre. Les marchandages dans les coulisses de la diplomatie secrète sont à l'ordre dujour. Les impérialistes ont une peur terrible des peuples.

  • 8

    En dépit de leur redressement économique, les pays capitalistes d'Europe sont plongés dans une crisegrave et les peuples qui y vivent sont opprimés par les oligarchies locales. Partout on assiste à desgrèves, des manifestations, des affrontements armés qui prennent parfois les dimensions d'unevéritable guerre, comme c'est le cas en Irlande du Nord. Qu'est-ce que cela prouve ? La putréfaction ducapitalisme et la montée des forces révolutionnaires. Toutefois, outre l'oppression et l'exploitation quiy sont exercées par l'oligarchie locale, dans ces pays règne aussi la botte sauvage de l'impérialismeaméricain. Dans cette situation, ces pays aussi veulent échapper à la botte des Américains. Mais dequelle manière ? Le retrait de De Gaulle de l'OTAN, la création par la France d'une force de frappeatomique indépendante, la constitution du Marché commun européen et l'idée lancée pour lacréation des «Etats-Unis d'Europe» ainsi que la lutte continue menée dans ce sens ne s'inspirentpas seulement du souci d'échapper au diktat américain. Ce n'est là qu'un aspect de cesphénomènes. Il en est un autre, à savoir que la bourgeoisie estime que l'union des grandsmonopoles de ces pays créera une force économique, politique et militaire compacte, mieux enmesure de réprimer les révoltes et les révolutions populaires, qui, dès maintenant, lui ont causédes difficultés insurmontables et qui, par la suite, en raison des crises chronique», luiapporteront des jours encore plus sombres. Mais tous ces plans réactionnaires ne résoudront aucunde ses problèmes. Les oligarchies de ces Etats souhaitent, jusqu'à ce qu'elles soient prémunies contre ledanger qui leur vient de l'Union soviétique, préserver l'OTAN, autrement dit préserver l'aide militairequi leur vient des Etats-Unis d'Amérique. Il y a ici toute une série de contradictions: les Etats-Unismaintiendront l'OTAN, mais ils ne veulent pas que le Marché commun européen devienne une barrièrepour eux, ni, pis encore, que les «Etats-Unis d'Europe» deviennent une grande puissance. Lequel desEtats appelés à se réunir dans cette organisation sera prépondérant ? La France, l'Allemagneoccidentale ou l'Angleterre ? Ainsi renaissent de nouvelles rivalités, de nouvelles «alliances», ainsisont alimentées des querelles continues, que nous, marxistes-léninistes, devons prévoir correctement,analyser correctement, et à l'égard desquelles nous devons adopter de justes attitudes.

    Venons-en maintenant aux déclarations de Chou En-laï, que je voudrais éclaircir. C'est précisémentpour cela que j'écris ces notes, peut-être un peu longues, mais néanmoins incomplètes.

    La presse et la radio italiennes parlent avec enthousiasme de l'attitude des Chinois, qui, par la bouchede Chou En-laï, appellent l'Europe «à réaliser son unité dans tous les domaines». Selon les dires deChou En-laï (encore d'après la presse italienne), «le processus d'intégration européenne constitueun élément essentiel pour réaliser une véritable détente». Chou En-laï, toujours selon cette presse,a mis l'accent «sur la nécessité que ce processus ne se limite pas au secteur économique, mais qu'ils'étende aussi aux domaines de la politique et de la défense». On ne peut être plus explicite, et dumoment que cela n'a pas été démenti, Chou En-laï l'a certainement dit.

    Ces jugements de Chou En-laï sont anti-léninistes et réactionnaires, en opposition avec les thèsesconnues de Lénine sur le problème des «Etats-Unis d'Europe». Ces vues de Chou En-laï s'alignentainsi sur celles de la réaction européenne.

    Chou En-laï est pour l'intégration européenne dans l'intérêt du grand capital cosmopolite,autrement dit pour la domination politique, économique et militaire de celui-ci sur les peuplesd'Europe, pour que la loi de fer du capital règne sur ces peuples. Par ses thèses, Chou En-laï,(qui se pose en théoricien de l'utilisation des contradictions), ignore complètement les grandes etinsurmontables contradictions entre le prolétariat et les peuples d'Europe, d'une part, et lesrégimes bourgeois réactionnaires de leurs pays et les oligarchies capitalistes, d'autre part, iloublie également les contradictions entre ces oligarchies elles-mêmes. Par conséquent, Chou En-laï appelle à l'extinction de la lutte de classe, il appelle à l'intégration européenne, il appelle à nepas approfondir les contradictions du capitalisme européen en faveur du prolétariat. A juste titredonc, la presse réactionnaire exalte Chou En-laï, elle a de bonnes raisons de le faire.

    Le prolétariat italien est presque tous les jours en grève et la 'bourgeoisie italienne cherche à desserrercet étau. L'Italie est convertie en une base américaine contre le prolétariat, mais sans résultat. La

  • 9

    réaction italienne use de la matraque policière, mais elle ne peut briser l'élan des grèves. Labourgeoisie lutte pour l'intégration européenne, pour la création des «Etats-Unis d'Europe» et l'oncomprend bien ce qu'elle en attend et les maux qui peuvent en résulter pour les ouvriers et les peuplesd'Europe. Et c'est alors que Chou En-laï vient en aide à la bourgeoisie, en recommandant auxpeuples et au prolétariat d'Europe de suivre avec confiance les dirigeants bourgeois, au lieu deleur dire : «Dressez-vous contre les ennemis de classe, creusez leur tombe et enterrez-les plutôtque de vous laisser enterrer par eux».

    Mais qu'est-ce qui pousse Chou En-laï à se prononcer si ouvertement contre le marxisme-léninisme? Ilpart d'une autre idée et se dit : «Encourageons ce bloc réactionnaire européen, car il se présentecomme étant contre le bloc américain, mais surtout contre le soviétique ; ainsi nous approfondissonsles contradictions entre les blocs impérialistes en faveur du socialisme». Mais alors la question se pose: en faveur de quel socialisme ces contradictions seraient-elles approfondies alors que les ouvriers etles peuples sont appelés à ne pas bouger, à se regrouper comme des moutons dans le bercail du pasteurcapitaliste ? Le socialisme se réduit dans ce cas à la seule Chine, qui s'inspire de ces idées de Chou En-laï.

    Chou En-laï doit être conséquent dans ses jugements. Du moment qu'il appelle les Etats européens às'intégrer sous leurs oligarchies capitalistes, il doit alors admettre et le Pacte de Varsovie etl'occupation de la Tchécoslovaquie. Mais il proclame qu'il est contre l'hégémonie soviétique sur cesEtats, et même en l'occurrence, il se prononce pour la «désintégration». Chou En-laï manque d'espritde suite, ou alors s'il est conséquent, c'est dans le sens que les satellites de l'Union soviétique enEurope s'en détachent et s'intègrent dans l'autre Europe «unie», à la création de laquelle appellent nonseulement la bourgeoisie monopoliste d'Europe, mais aussi Chou En-laï.

    Chou En-laï n'oeuvre pas à dresser les peuples pour la révolution, à affaiblir les divers maillonsde la chaîne capitaliste, il ne contribue pas à rompre les maillons les plus faibles de cette chaîneféroce pour les peuples, mais, sans le dire ouvertement, il prône la création, en faveur de laChine, de divers blocs pour réaliser l'équilibre des forces, et cela non pas par la voie marxiste-léniniste, ni par la voie révolutionnaire. Nous devons tous lutter en faveur d'une Chine socialiste,mais nous ne devons le faire que pour une Chine socialiste et dans la voie marxiste-léniniste.

    Chou En-laï et la direction chinoise prétendent combattre sur les deux flancs, à la fois contrel'impérialisme américain et contre le social-impérialisme soviétique. Oui, mais ils ont atténué la luttecontre les Etats-Unis. Et à quel moment ? Précisément quand ceux-ci mènent une guerre sauvagecontre le Vietnam et poursuivent leurs menées agressives ailleurs. En un pareil moment, Chou En-laïprétend que «la révolution frappe à la porte des Etats-Unis». En ces moments de crise pourl'impérialisme américain, lui tendre la main, comme l'a fait et le fait la Chine, c'est non seulement agirde façon non judicieuse, mais cela revient à l'aider. Cela confirme-t-il les thèses de Chou selonlesquelles «ces choses sont faites afin d'approfondir les contradictions entre les deux superpuissancesen faveur du socialisme» ? Le Vietnam ou le Moyen-Orient en ont-ils profité de quelque manière ? Lesliens des impérialistes américains et des social-impérialistes soviétiques se sont-ils affaiblis du fait quela Chine a accepté de recevoir Nixon ? Rien de tout cela ne s'est vérifié. Apparemment la politiquechinoise est pour la création de blocs fermés, qui naturellement seront en rivalité entre eux etqui seront rongés par de grandes contradictions.

    Il y a quelques mois, Ki Peng-fei, le ministre chinois des Affaires étrangères, a déclaré ensubstance ceci : «La Chine, la Corée, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et les autres paysd'Indochine, sont une grande famille...», etc. Ici, bien entendu, il ne s'agit pas de «bloc», de«camp», de «pays socialistes», mais on entend par là la «famille jaune», le «groupementasiatique». Ce vent qui souffle n'est pas marxiste-léniniste. Ainsi donc, aujourd'hui ils appellentà une «Europe unie», à une «grande famille», au «tiers monde», demain ils pourront appeler àl'intégration des pays d'Amérique latine ou des «peuples noirs d'Afrique». Voilà quelle est latendance qui apparaît dans la politique chinoise et celle-ci n'est pas marxiste-léniniste, elle n'est

  • 10

    pas révolutionnaire. Cela signifie détourner l'attention des peuples de la véritable lutterévolutionnaire.

    La déclaration de Chou au banquet donné en l'honneur de Mobutu est particulièrement flagrante à cetégard, elle est antimarxiste. Il a rangé la Chine dans le «tiers monde». C'est là nier le socialisme,cacher aux yeux du monde la véritable personnalité de la Chine et le caractère de son régimeéconomique et social. C'est un point de vue opportuniste et antimarxiste. On sait que ce sont Titoet ses compagnons, Soekarno, Nehru et Nasser, qui ont lancé l'idée d'un «monde» des pays soi-disantnon alignés, mais c'étaient des bourgeois capitalistes, et eux-mêmes, leurs Etats et leurs partis ont étéet sont liés aux impérialistes et aux social-impérialistes. Assurément, les pays socialistes doivent nouerdes liens avec beaucoup de ces Etats bourgeois que les Chinois intègrent dans le prétendu tiers monde,les aider dans leur lutte contre l'impérialisme, car ces Etats ont de profondes contradictions avec lui,mais ils ne doivent pas pour autant diluer le propre de la politique de notre régime socialiste,dissimuler le fait que nous sommes des pays socialistes et que nos partis sont des partis marxistes-léninistes, etc.

    Déclarer que l'on est dans le «tiers monde» c'est : ou bien faire de la démagogie et s'efforcer detromper les autres, ou bien ne pas être réellement un pays socialiste, mais un pays entièrementbourgeois capitaliste, comme la Yougoslavie titiste.

    Par une telle déclaration on dit au monde : «Que les révisionnistes gardent le drapeau des «payssocialistes», du «camp socialiste», de la «communauté socialiste», pour notre part, nous faisons partiedu «tiers monde»». Non, cette thèse est antimarxiste. Nous, Albanais, n'y souscrivons pas.L'Albanie socialiste est et sera socialiste, même si elle reste seule en tant que telle. Nousdemeurerons un pays socialiste, même si nous ne sommes qu'un îlot sur la carte mondiale, nouslutterons avec confiance selon notre idéologie marxiste-léniniste, avec confiance dans la révolution,dans le prolétariat mondial et dans les peuples jusqu'à ce que le socialisme et le communismetriomphent dans le monde entier.

    Nous, marxistes-léninistes, devons savoir distinguer dans un pays les transformations politiquesfondamentales de caractère véritablement démocratique, des changements dénués de cecaractère. Il nous faut appuyer les premières et non les seconds, et combattre les changementspolitiques réactionnaires.

    Les transformations politiques de caractère démocratique et progressiste aident la révolutionsocialiste. De sorte que nous, pays socialistes, ne pouvons ni ne devons nous isoler et nousabstenir d'aider les pays et les Etats du prétendu tiers monde, lorsque ceux-ci accomplissent destransformations et des réformes politiques démocratiques, lorsqu'ils sont en conflit et en lutteavec les impérialistes, les social-impérialistes et d'autres ennemis des peuples. Mais, en tant quepays socialistes, il ne nous est pas permis pour autant de nous identifier à eux.

    Les pays socialistes, comme l'Albanie et la Chine, doivent être constamment dressés dans la luttecontre le monde capitaliste et social-impérialiste. Nous avons pour devoir, par notre exemple etpar notre lutte militante, d'entraîner dans la juste voie les classes opprimées des autres pays, enconjuguant nos efforts avec les leurs afin qu'elles se lancent dans la révolution contre les régimesd'oppression et d'asservissement capitalistes.

    Je me persuade toujours plus que la Chine n'agit pas de cette manière. Cela apparaît clairement dansles deux cas que j'ai évoqués ici, mais il en est beaucoup d'autres. Le général Mobutu et sa clique sontréactionnaires, ce sont les assassins de Lumumba et d'autres hommes progressistes de leur pays. LaChine reçoit le représentant de cette clique antidémocratique africaine avec de grands honneurs et,pour lui faire plaisir, Chou En-laï déclare que «la Chine fait partie du tiers monde». Bref, il dit aupeuple congolais que «moi, la Chine, je suis amie de Mobutu, je soutiens Mobutu, car c'est undémocrate, un progressiste», etc., peu importe ensuite si Mobutu opprime le peuple et le prolétariat,

  • 11

    peu importe s'il déclare en plein banquet à Pékin devant Chou : «Nous, Congolais, nous sommes ceque nous sommes, nous resterons ce que nous sommes et nous ne voulons pas d'autres idéologies» etc.Belle perspective pour le socialisme au Congo, si l'on appuie monsieur Mobutu !

    C'est cette même sombre perspective qui sera réservée à la révolution et au socialisme si les marxisteset les pays socialistes appuient le Marché commun européen, les «Etats-Unis d'Europe», comme le faitla Chine, ou s'ils appuient le Comecon et le groupement révisionniste de l'Union soviétique avec sespays satellites en Europe. Non, l'Albanie socialiste et le Parti du Travail d'Albanie ne marcherontjamais dans cette voie erronée anti-léniniste des Chinois. Ceux-ci doivent renoncer au plus tôt à cettefausse voie, s'ils ne veulent pas s'y trouver enferrés.

    On ne saurait imaginer que les camarades chinois aient versé dans cette erreur à leur corps défendantou à leur insu. Pour le moment, ils mènent tant bien que mal la «lutte contre les révisionnistessoviétiques», même si, de toute évidence, ils le font non pas à partir de la véritable plate-formemarxiste-léniniste, mais d'une plate-forme chauvine, qui sent la politique de grand Etat, alorsque demain ils pourront même cesser cette lutte, à quoi il faut s'attendre de la part de gens qui,ou bien n'ont pas une claire compréhension des principes marxistes-léninistes, ou bien les voientclairement mais entendent appliquer les principes opposés.

    Les camarades chinois savent, comme nous le savons nous-mêmes, que «le capitalisme estinternational et monopoliste». Les grandes puissances capitalistes, celles d'hier comme cellesd'aujourd'hui, qu'elles soient impérialistes ou social-impérialistes, n'ont pas changé, elles ont toujourspillé et opprimé les autres peuples et nations. C'est ce que font les Etats-Unis, c'est ce que fait l'Unionsoviétique révisionniste, c'est ce que fait le Japon, c'est ce qu’ont fait et s'efforcent de faire lescapitalistes français, ouest-allemands, anglais et italiens. Les capitalistes européens, pour mieux yparvenir, ont créé le Marché commun européen et ils s'emploient à créer l'«Europe unie». Ils sontappuyés dans cette voie par la Chine socialiste, qui agit ainsi à rencontre des vrais devoirs d'un Etatsocialiste et des vues de Lénine, ces vues qui ont une résonance si actuelle :

    «Du point de vue des conditions économiques de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'exportation descapitaux et du partage du monde par les puissances coloniales «avancées» et «civilisées», lesEtats-Unis d'Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires». (V.Lénine, Oeuvres, éd. alb., t. 21, p. 370.)

    Cela est clair comme l'eau de roche.

    Que fait ce groupe de capitalistes modernes ? Il exporte des capitaux et investit dans d'autres pays pourexploiter et asservir les peuples de ces pays. Ce sont les néo-colonialistes de la période postérieure à laSeconde Guerre mondiale. Et les révisionnistes soviétiques sont aussi du même acabit. Nous assistonsà l'organisation d'un nouveau pillage colossal, sous des formes nouvelles, par les bandits impérialisteset social-impérialistes.

    Actuellement, avec la création des «Etats-Unis d'Europe» qu'appuie aussi Chou En-laï, les capitalistesd'Europe occidentale ne poursuivent pas d'autre but que de se partager tranquillement la sueur et lesang du prolétariat et des peuples européens. Les capitalistes s'appliquent à donner à ce partage unecouleur «pacifique», en l'«enjolivant» de termes comme «révolution technico-scientifique», «sociétéde consommation» et autres slogans fabriqués. Mais, comme le dit Lénine, ce partage ne peut se fairesur d'autres bases que celle de la force. Et c'est pourquoi ce bloc d'Etats est une source de guerresd'agression impérialistes pour la répartition du butin pillé.

    Lénine dit :

    «En régime capitaliste, le développement égal des différentes économies et des différents Etats estimpossible. Les seuls moyens possibles, en régime capitaliste, de rétablir de temps en tempsl'équilibre compromis, ce sont les crises dans l'industrie et les guerres en politique.

  • 12

    Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens,les Etats-Unis d'Europe sont également possibles, comme une entente des capitalistes européens...dans quel but ? Dans le seul but d'étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger encommun les colonies accaparées contre le Japon et l'Amérique, gravement lésés dans l'actuelpartage des colonies et qui se sont renforcés au cours de ces cinquante dernières années infinimentplus vite que l'Europe monarchique arriérée, qui pourrit déjà de vieillesse». (V. Lénine, Oeuvres,éd. alb., t. 21, p. 37.)

    Cela est clair comme le jour ; c'était actuel hier quand l'a dit le grand Lénine, cela reste vrai et actuelaujourd'hui, cela le sera également demain et tant que le monde capitaliste ne sera pas détruit etremplacé par le monde socialiste.

    JEUDI 18 JANVIER 1973

    EN CHINE ON FAIT DE LA PROPAGANDE RELIGIEUSE

    La propagande chinoise donne clairement à entendre qu'en Chine on ne combat pas la religion, aussiparle-t-elle des fêtes religieuses, de Pâques et du baïram, de la messe et des prières dans les églises etmosquées de Pékin. L'agence Hsinhua a fait savoir qu'à la mosquée de Pékin on a célébré le baïramavec pompe et qu'y participaient tous les ambassadeurs des pays musulmans accrédités en Chine. Onpoursuit la ligne tendant à montrer que la Chine fait partie du «tiers monde», qu'elle soutient lesArabes, les musulmans et leur religion ! Voilà ce que l'on appelle respecter les principes !!!

    SAMEDI 10 FEVRIER 1973

    KISSINGER A PEKIN

    Dans l'histoire des rois de France et précisément sous le règne de Louis XIII, le fameux cardinalArmand du Plessis, Richelieu, se servait de son frère en religion le père Joseph [En français dans letexte.] pour mener des négociations secrètes avec les autres Etats. C'est pour cette raison que celui-ciest connu dans l'histoire sous le surnom d'éminence grise [En français dans le texte.], l'éminence desténèbres. Il incarne les intrigues dans les coulisses, la diplomatie secrète.

    Actuellement, à la fin du XXe siècle, Kissinger a assumé ce rôle de diplomate diabolique. Il estdevenu «l'éminence grise» du président américain Nixon. Ce diplomate allemand (sans égard au faitqu'étant juif il a quitté l'Allemagne nazie parce qu'il y était en danger) sert fidèlement l'hitlérien le plussauvage qui ait accédé au pouvoir après la Seconde Guerre mondiale, le président Nixon, le chef defile de l'impérialisme américain.

    Dans la pratique de leurs liens et de leurs accords, l'impérialisme américain et le révisionnismesoviétique, ces deux superpuissances impérialistes, ont recours à la diplomatie secrète. Bienentendu, ils y sont contraints par le fait que leur politique et leurs actions sont dirigées contre lesintérêts des peuples dans le monde, qu'elles se traduisent par des complots de bandits tramésdans les ténèbres. Ils ne veulent pas voir exposés leurs plans et leur collusion pour le partage dumonde et l'exploitation des peuples, ils tiennent à éviter les soucis et les tracas que leur cause larésistance de ces peuples. Autant que possible, ils veulent aplanir secrètement et sur le dos des autresles contradictions qui les opposent. C'est seulement lorsqu'ils tombent d'accord ou que leurscontradictions sont insurmontables, qu'ils laissent apparaître quelque chose des manoeuvres qu'ils

  • 13

    mènent dans les ténèbres. Cette odieuse diplomatie secrète, les deux superpuissances s'efforcent del'imposer aussi aux autres, qui, tantôt de bon gré, tantôt de mauvais gré, suivent cette voie.

    La Chine socialiste aussi a commencé de son propre chef à pratiquer cette diplomatie secrète, enparticulier avec les Américains, et c'est là que réside le danger. C'est une pratique incorrecte etcondamnable. Personne, ami ou ennemi de la Chine, ne sait ni ne peut apprendre ce qui se passe entreelle et les Etats-Unis. Et les amis de la Chine surtout n'en savent rien. Kissinger y fait voyage survoyage, secrètement ou ouvertement, mais quant à ce qui se dit, se discute, se décide, il n'en filtre rien,même pour nous ; tout est maintenu secret. Nixon va en Chine, en revient, mais qu'y a-t-il été dit, qu'ya-t-il été fait, qu'y a-t-il été décidé ? Pour nous tout reste obscur. Le monde entier n'a qu'à se contenterde lire les slogans des communiqués de paille. Mais naturellement nous ne mangeons pas de paille etnous avons pleinement le droit de penser, et en cela nous pensons juste et ne nous trompons pas, queles Chinois discutent avec les agents de l'impérialisme américain et prennent des décisions dont ils nenous font part ni à nous ni aux autres, car ils n'y ont pas intérêt, parce que ce sont des choses à ne pasdire, qu'elles sont condamnables et inacceptables par les peuples. On ne peut expliquer autrement cesprocédés.

    Les Chinois ont beau prétendre que ce dont ils discutent et ce qu'ils décident avec les Américainscontribuera à approfondir les contradictions entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. Peut-on gobercela ? Il est tout aussi probable que, de leur côté, les Etats-Unis agissent ainsi pour approfondir lescontradictions entre la Chine et l'Union soviétique. Alors, toi, Chine de Mao Tsétoung, disouvertement ce que tu fais, pour que l'opinion mondiale te juge et voie si tu utilises correctement ouerronément les contradictions et quel est le prix que tu paies pour ces actions !

    La direction chinoise dira peut-être que si elle mène ces négociations avec les Américains au grandjour, les Soviétiques en auront connaissance. Pourquoi alors ne dit-elle pas ouvertement qu'elle est aumieux avec les Américains et qu'elle leur fait plus confiance qu'à nous, ses amis ? Ou bien les amis nesont plus maintenant que des amis entre guillemets, des amis «encombrants» ? Mais mener un teltravail secret, c'est s'empêtrer dans les filets des intrigues et des intrigants et changer complètementd'attitude d'esprit, changer sa façon de juger et d'apprécier les autres peuples, leurs problèmes et leurssoucis.

    Les dirigeants chinois pourront dire: «Nous sommes avec les peuples, nous ne changeons pas de ligne;tout ce que nous faisons, nous le faisons dans l'intérêt du socialisme». Il est facile de lancer desslogans, mais la diplomatie secrète va son train. Les Chinois attaquent les Soviétiques parce que ceux-ci s'entendent en secret avec les Américains. Mais que font les dirigeants chinois eux-mêmes? Ils ontcommencé à en faire autant et ils avancent au galop dans cette voie. Ils sont en rivalité avec lesSoviétiques pour s'assurer les «bonnes grâces» [En français dans le texte.] du fasciste Nixon.Kissinger, le «Ribbentrop» de Nixon, est reçu à Moscou, à Pékin et ailleurs comme le Messie, et onattend de lui la «manne» [En français dans le texte.] salvatrice, la bonne parole du «bon dieu» de laMaison Blanche. C'est scandaleux !

    Que pensent, que disent les autres peuples qui luttent contre l'impérialisme américain et ses laquais,lorsqu'ils voient les dirigeants chinois agir de la sorte ? Ces accords abjects aideraient-ils leur lutte ?Qu'en disent les Vietnamiens, les Laotiens, les Cambodgiens, les Arabes, les peuples de continentsentiers, les révolutionnaires, les marxistes-léninistes authentiques ? Ils disent : Honte ! Trahison !Compromis révisionniste ! Violation des principes qui défendent la liberté, l'indépendance et lasouveraineté des peuples !

    Durant la Seconde Guerre mondiale, on pouvait encore comprendre que le président Roosevelt, étantinfirme et en raison aussi des dangers de l'état de guerre, envoyât à Londres et à Moscou son conseillerprivé, Hopkins. Mais actuellement Nixon, en usant de cette tactique avec «Ribbentrop» Kissinger,poursuit des desseins déterminés. Ne voulant pas compromettre dans ses marchandages leDépartement d'Etat, autrement dit son Etat, il use d'un émissaire, qu'il envoie de-ci de-là pour faire des

  • 14

    sondages politiques, tenter de créer des réseaux d'espionnage, «tâter» les poches, les têtes, et si jamaiscet émissaire commet quelque erreur, le rejeter comme un citron pressé, et apparaître lui-même«innocent» et «pur». Et tous ceux qui reçoivent ce héraut du président, ont l’impression d'avoirdécroché la lune.

    Kissinger s'est rendu chez ce satellite des Etats-Unis qu'est la Thaïlande, il a donné à la clique de cepays toutes les assurances et lui a fait miroiter «les brillantes perspectives qui attendent l'Indochine».De là il est passé au Laos, il a parié, intrigué, manipulé, promis et déclaré que là aussi la guerre cesserabientôt.

    Aujourd'hui le représentant de Nixon et de l'impérialisme américain, qui, des années durant, amassacré, incendié et ruiné l'héroïque Vietnam, est entré dans Hanoï avec à la main un rameaud'olivier... On n'avait jamais vu ni entendu que les criminels et les vaincus sur le champ de bataillesoient reçus par les vainqueurs comme d'honnêtes gens, comme des hommes qui luttent pour «la paixet le bonheur de l'humanité»...

    De Hanoï, le Messie américain se rendra à Pékin. Les conversations, les déjeuners et les dîners avecChou En-laï, Ki Peng-fei, peut-être aussi avec Mao, se poursuivront pendant quatre ou cinq jours. Toutse fera dans le plus grand secret, comme si les questions dont ils discuteront ne regardent qu'eux.

    Néanmoins, les secrets seront dévoilés un jour et alors se répandra l'odeur du «pot aux roses». [Enfrançais dans le texte.]

    Toutefois, l'attitude des Chinois envers nous est, dans toute l'acception du terme, inamicale, vile etantimarxiste. Avant le voyage de Kissinger au Vietnam, notre ambassadeur à Pékin a demandé à avoirune rencontre officielle avec Wou Tchan afin de discuter avec lui des événements du Vietnam. Il nelui en a pas été donné la possibilité, mais un petit fonctionnaire lui a dit : «Nous non plus ne savonsrien de ce qui se passe au Vietnam, nous sommes en train d'étudier les traités, mais n'avons pas encoretiré de conclusion, nous ne savons pas pourquoi Kissinger se rend à Hanoï ; il viendra aussi à Pékin,mais nous ignorons quels problèmes il abordera avec nous. Nous discuterons des questions qui nousconcernent et de rien qui concerne les autres. On nous a invités à participer à la Conférence de Parissur le Vietnam, nous avons répondu que nous y participerions, mais nous ne savons pas quand elle seréunira ni ce qui y sera discuté», etc.

    Même le représentant d'un Etat hostile ne nous aurait pas répondu ainsi. En fait, nous avons été mis aucourant de ces problèmes par d'autres qui ne sont pas nos amis. Néanmoins, même si nous ne sommespas informés, nous n'avons pas perdu la tête et nous jugeons les situations au vu de chaque événement.Mais la façon d'agir des Chinois envers nous confirme ce que j'ai dit plus haut. Ce sont eux qui ne sontpas dans la juste voie. Quant à nous, nous suivrons la nôtre sans défaillance. Le temps confirmera lajustesse de nos jugements. L'alliance sino-américaine suit son cours. Nous verrons jusqu'où elle ira.

    LUNDI 19 FEVRIER 1973

    LA CHINE A ORIENTE SON COURS VERS LES ETATS-UNIS

    De Hanoï, Kissinger s'est rendu à Pékin, où il est resté cinq jours. Aujourd'hui où j'écris cette note, ildoit avoir quitté la capitale chinoise.

    Il a eu de longs entretiens «francs et cordiaux» avec Chou En-laï et Mao. De part et d'autre, on estsatisfait et les agences de presse étrangères définissent les résultats de ces conversations comme «trèsencourageants et offrant de bonnes perspectives pour le monde».

  • 15

    Mais tout est maintenu dans le secret absolu, surtout de la part de la Chine, et cela estscandaleux. S'entretenir avec l'ennemi le plus sauvage des peuples, du socialisme et du communismeet garder le secret sur ces entretiens et décisions, est anti-léniniste. Cacher aux communistes, à sesamis, aux peuples, des choses que l'ennemi des communistes et des peuples connaît parfaitement c'estpactiser théoriquement et pratiquement avec l'ennemi et dissimuler ces accommodements, car ils sontinavouables et l'opinion les condamnerait si elle en avait connaissance. Lénine ne permettait pas detelles attitudes hostiles et obscures. Il déchirait le masque à toute action de ce genre.

    La Chine a orienté son cours vers les Etats-Unis. Elle considère l'Union soviétique comme l'ennemiprincipal, alors qu'elle atténue le danger que présentent les U.S.A. Pourquoi ? Quels sont ses plansstratégiques et ses tactiques ? Elle ne révèle rien, ne dit rien, elle donne seulement à entendre qu'elle«sait ce qu'elle fait, qu'elle est un pays socialiste, que le Parti communiste chinois est un partimarxiste-léniniste». Mais le monde ne se contente pas de formules, il lui faut des actes, il veut despreuves, il veut pouvoir juger lui-même les attitudes des uns et des autres. Ces actions dans le noir nepeuvent s'expliquer aussi facilement que le pensent les Chinois par «l'utilisation des contradictions».

    Qu'ils nous disent concrètement comment ils utilisent les contradictions entre Américains etSoviétiques. S'imaginent-ils que nous sommes assez sots et naïfs pour croire aveuglément à desformules génériques ? Pourquoi gardent-ils le secret sur leurs conversations avec les Américains et nenous permettent-ils pas à nous aussi de juger comment et jusqu'où ils utilisent ces contradictions ? Cesentretiens sont-ils seulement en faveur des Chinois ? Les Américains, eux, n'en tirent-ils aucunavantage ?

    La formule «il a été discuté de problèmes intéressant les deux pays» est devenue courante. C'est là unemystification. Discuter avec les impérialistes derrière le dos des peuples est une attitude anti-léniniste.Comment est-il possible que ces conversations n'intéressent pas les peuples, la révolution ? Commentpeut-on admettre que les ennemis des peuples et de la révolution aient connaissance de ces entretiensjusque dans leurs moindres détails et que les peuples et les révolutionnaires, eux, n'en sachent rien ?

    Non, camarades chinois, ici une seule chose est certaine : les entretiens que vous menez «à huisclos» sont condamnables et vous le savez, c'est pour cela que vous ne les rendez pas publics.Vous avez abouti là-dessus à un arrangement avec les Américains, ils vous ont imposé leurvolonté et leur tactique, et vous avez accepté, vous vous êtes soumis. Vous avez donc fait desconcessions pour en tirer un avantage éphémère, ce qui, par ailleurs, est fort préjudiciable etdangereux pour la Chine, pour le socialisme et pour la paix.

    VENDREDI 9 MARS 1973

    EN CE QUI CONCERNE LES DESACCORDS FRONTALIERS LESCHINOIS ONT DONNE DANS LE PIEGE DES SOVIETIQUES

    Les révisionnistes-impérialistes soviétiques, suivant la voie dans laquelle ils se sont engagés et animésdes sentiments social-chauvins qui les caractérisent, ont entrepris une tapageuse activité provocatrice,supprimant tous les anciens noms chinois des villages ou des cours d'eau de certaines zonessibériennes et leur donnant do nouvelles appellations russo-soviétiques. Nul doute que ces agissementss'inscrivent dans la campagne antichinoise et dans la mobilisation des peuples soviétiques sous desslogans chauvins contre la Chine, contre les revendications territoriales des Chinois au détriment de«leur patrie socialiste». De la sorte et par ces méthodes, les révisionnistes soviétiques excitent dessentiments chauvins chez les peuples de l'Union soviétique sous le slogan : «les frontières de l'Unionsoviétique sont en danger, nous devons les défendre». C'est ainsi qu'ils justifient aussi le fait qu'ils ontmassé un million d'hommes en Mongolie et dans les autres zones frontalières avec la Chine.

  • 16

    La Chine ne se fait pas faute de leur répondre, mais j'estime qu'elle use des mêmes méthodeschauvines qu'eux, donnant ainsi prise à la provocation montée par les révisionnistes soviétiques. LesChinois soutiennent que dans ces zones, les villages et les cours d'eau dont les Soviétiques changentaujourd'hui les noms, sont chinois, que ces lieux appartiennent donc à la Chine, que les régimestsaristes les lui ont enlevés et que Brejnev et consorts cherchent à perpétuer l'état de choses actuel. Dela sorte, le conflit s'envenime, mais à partir de positions idéologiques incorrectes, car les Chinois aussise mettent sur des positions chauvines, ce qui fait l'affaire des révisionnistes.

    Ainsi, la direction chinoise au lieu d'attaquer à partir de positions idéologiques de principe pourdémasquer les révisionnistes soviétiques, et d'oeuvrer pour rapprocher les peuples soviétiques etchinois contre l'ennemi commun, part au contraire de positions chauvines, elle suscite donc l'inimitiéentre les deux peuples et les pousse à la guerre entre eux. Et ce qui est encore plus grave, c'est que lapresse chinoise, pour défendre ses thèses, apporte, à l'«appui», des citations de journaux américains.L'impudence ici est sans voile, et l'on ne peut non plus prétexter «l'utilisation des contradictions» ! LesChinois veulent dire par là aux Soviétiques que «les Etats-Unis sont avec nous et non pas avec vous».

    Arc-boutez-vous bien, les uns et les autres, car les impérialistes américains sont en train de vousmonter sur le dos !

    MARDI 13 MARS 1973

    LES «SPECIALISTES» CHINOIS SE LIVRENT A DESPROVOCATIONS SEMBLABLES A CELLES DES REVISIONNISTES

    SOVIETIQUES

    Il y a longtemps que les camarades chinois ont commencé à ralentir l'envoi en Albanie de matériel, demachines, de projets, etc. Ils «justifient» cette inexécution des contrats par toutes sortes de prétextescomme : «Chez nous tout a été saboté par Lin Piao, c'est pourquoi nous travaillons à y remédier, etbeaucoup de choses que nous devions vous envoyer seront refaites» ; «Nous sommes techniquementen retard, mais dans trois ou quatre ans nous aurons rattrapé ce retard et nous serons alors en mesured'aider l'Albanie davantage, car nous l'avons peu aidée jusqu'à présent» ; «Le transport jusqu'enAlbanie est très long, et les moyens dont nous disposons sont insuffisants» ; «La Chine doit aider leVietnam dans sa reconstruction, ainsi que beaucoup d'autres pays», etc.

    De même, les Chinois ne nous répondent pas lorsque nous leur demandons à envoyer en Chinecertains de nos techniciens, pour qu'ils s'intéressent là-bas à ces questions. A propos de ce problème,l'ambassadeur de Chine à Tirana, lui aussi, ou bien répond par la formule habituelle «je n'ai pas denouvelles», ou bien répète les mêmes formules sur les «difficultés», ou encore prétend que «beaucoupde travailleurs chinois s'intéressent en Chine aux problèmes de l'Albanie», par quoi il entend dire qu'ilest inutile que nous envoyions nos spécialistes en Chine.

    En outre, l'ambassadeur chinois emploie maintenant une tactique nouvelle. Il dit à nos travailleurs :«Vous avez des capacités incomplètement exploitées» et il leur donne certains exemples qui ne sontpas fondés, mais il les utilise pour «motiver» leurs propres attitudes et nous dire : «ne vous plaignezdonc pas si les autres fournitures n'arrivent pas à temps». Par ailleurs, les spécialistes chinois, y étantpoussés, ont commencé à faire des provocations à nos camarades. L'un d'entre eux (qui y étaitcertainement incité) a dit à l'un de nos camarades : «As-tu un commentaire à faire sur la réception deKissinger par Mao ?» Notre camarade lui a répondu «Non». «Mais quelle est ton opinion personnelle?» a repris ce Chinois. Notre camarade a répondu : «L'impérialisme est notre ennemi juré et il lerestera tant que nous ne l'aurons pas supprimé». L'autre a dit : «C'est pour cela que Mao, comme «levieux de la fable», a mis le loup dans le sac et l'a lié pour mieux le tuer». Notre camarade n'a pas

  • 17

    répondu, mais a changé de conversation. Ce Chinois toutefois est revenu à la charge : «Pourquoi vous,Albanais, n'avez-vous pas confiance dans notre aide ?» Notre camarade a fermement réfuté cetteassertion. Naturellement, l'autre entendait dire que nous n'avons pas confiance dans leur politique(chinoise).

    Prenez garde, camarades chinois, car c'est ainsi que les révisionnistes soviétiques ont, eux aussi,commencé à agir contre nous et contre le marxisme-léninisme ! Nous nous comportons bien avecvous, nous vous parlons ouvertement, en camarades, mais nous ne nous inclinons ni devant lespressions, ni devant les chantages. Nous sommes vigilants !

    SAMEDI 7 AVRIL 1973

    JUSQU'OU IRA LA FROIDEUR DES OFFICIELS CHINOIS ENVERSNOUS ?

    Nous ne pouvons que qualifier de froides les relations que les principaux officiels chinoisentretiennent à l'égard de notre pays, surtout ces derniers temps.

    Notre ambassadeur à Pékin ne reçoit aucune information d'importance internationale ou intérieure. Cen'est qu'occasionnellement, dans une réception, entre deux portes, comme en passant, ou dans la salled'attente de l'aéroport, que quelque fonctionnaire de deuxième ou troisième rang lui touche un mot desévénements que toutes les agences étrangères ont déjà claironnés quatre ou cinq jours auparavant, maissans rien lui dire sur le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Corée, sur l'Union soviétique et sur lesrapports de la Chine avec les Etats-Unis.

    Mystère et silence sur tout le front. C'est d'ambassadeurs étrangers à Pékin que nous apprenonsdes choses que leur ont confiées les Chinois.

    Mao, «souffrant de rhumatismes», n'a pu recevoir le chef de notre délégation gouvernementale,membre du Bureau politique. Chou En-laï, lui, était «très fatigué», aussi n'a-t-il pas reçu Reiz Malile.En fait, ni Mao ni Chou n'étaient souffrants ni fatigués, car le même jour, tant l'un que l'autre ont reçudes représentants étrangers, ils ont offert des banquets et ont visité l'exposition anglaise.

    Mao lui-même se devait de recevoir le chef de la délégation albanaise, au nom de l'amitié entre nosdeux peuples, mais il appartenait particulièrement à Chou En-laï, en signe de réciprocité, de recevoirnotre vice-ministre des Affaires étrangères, car Mehmet avait bien reçu le vice-ministre chinois desAffaires étrangères, lorsque celui-ci était venu dans notre pays. Auparavant Chou et même Maorecevaient jusqu'à de nos simples fonctionnaires. Ces comportements ne peuvent naturellementmanquer d'attirer notre attention et nous en prenons note pour voir jusqu'où les Chinois iront dans cetteattitude qu'ils ont adoptée envers nous.

    Néanmoins, nous garderons notre sang-froid, nous continuerons de nous comporter en bons amis et encamarades avec le peuple et les camarades chinois, s'ils se comportent eux-mêmes en marxistes-léninistes envers le Parti du Travail et notre pays. Cela est dans l'intérêt des deux parties et conforme àla juste voie internationaliste.

  • 18

    DIMANCHE 15 AVRIL 1973

    MAO TSETOUNG REHABILITE TENG SIAO-PING

    Teng Siao-ping est à nouveau apparu sur la scène en qualité de vice-premier ministre du Conseil desAffaires d'Etat.

    Non seulement la «grande Révolution culturelle prolétarienne», conçue et conduite par le «grandprésident Mao Tsétoung», a été achevée «avec succès», mais on a commencé maintenant à réhabilitertour à tour tous les cadres condamnés par elle comme «ennemis et agents numéro deux, numéro trois»et ainsi de suite, comme «contre-révolutionnaires, kuomintanguistes», etc. Naturellement, laRévolution culturelle, qui commença contre Liu Shao-chi, Peng Chen, Teng Siao-ping et autres, s'estterminée par la découverte du «complot monté par Lin Piao» et par la suppression de celui-ci. Pourconclure, les auteurs de la Révolution culturelle ont été mis dans l'ombre et proclamés «réactifs»(comme les avions à réaction ; quant au sens de cette expression employée par les Chinois, ilssont seuls à le savoir !), alors que ceux que cette Révolution culturelle avait mis dans l'ombre etqu'elle avait proclamés «réactifs», ont été promus à de hautes fonctions, et Teng Siao-ping, parexemple, est devenu vice-premier ministre du Conseil des Affaires d'Etat ! Liu Shao-chi, PengChen et quelques autres chefs demeurent encore dans l'ombre. Jusqu'à quand ? Peut-être jusqu'à cequ'ils «se corrigent», car c'est là la «méthode infaillible» des camarades chinois. Teng Siao-ping estapparu pour la première fois à la réception officielle donnée en l'honneur de Sihanouk, lorsque celui-ciest revenu des territoires libérés du Cambodge. Il figurait juste après Li Sien-nien et avant Ki Peng-fei.Il a donc repris maintenant son poste au gouvernement. Par la suite, il se peut qu'il reprenne unefonction à la direction du parti. Le «petit joyau», comme Mao l'a appelé avant la Révolution culturelle,l'«ennemi numéro deux du Parti communiste chinois», comme il a été qualifié au cours de cetterévolution, s'est maintenant, après la révolution, «corrigé», il «a reconnu ses erreurs».

    La version officielle communiquée aux ambassadeurs des pays socialistes, entre autres à notreambassadeur, c'est que «Teng, au début de la Révolution culturelle, a commis de graves erreurs etqu'avec Liu Shao-chi il a appliqué la ligne réactionnaire bourgeoise». Mao lui-même en a jugé ainsi,mais il aurait dit que «nous devons distinguer ces erreurs de celles de Liu Shao-chi». Et c'est ainsi quele 14 août 1972 (après le voyage de Kissinger) l'«ami» Teng, qui est intelligent et sait prendre le vent,«a écrit une lettre au président, il reconnaît ses erreurs, il fait son autocritique et promet de bientravailler».

    A cette occasion, la version officielle qui nous a été communiquée dit textuellement que «le présidentMao a écrit une note, qui constitue un document-directive, et qui porte entre autres : «A lire par lepremier ministre et Wang Tung-hsing» (membre suppléant du Bureau politique et qui fait aussifonction de secrétaire du Bureau politique). Les erreurs de Teng Siao-ping sont graves, mais celui-cidoit être distingué de Liu Shao-chi pour les raisons suivantes :

    1) Dans les zones libérées, Teng a été condamné une fois pour avoir défendu la ligne de Mao lorsquecelui-ci a été attaqué par le Comité central, c'est-à-dire par Wang Ming.

    2) II ne comporte pas de problèmes hérités de son passé, il n'a pas capitulé devant les ennemis, il a desmérites pour son comportement dans la guerre, il a conduit la délégation à Moscou contre lesrévisionnistes soviétiques.

    Je vous ai parlé plus d'une fois de cette question» dit le président à la fin de sa note.

    Apparemment, le président Mao a donc donné l'ordre que Teng Siao-ping soit réhabilité, et le Bureaupolitique, naturellement «après en avoir discuté», a approuvé cette directive.

  • 19

    La personne qui nous a communiqué cela, Ki Peng-fei lui-même, ministre chinois des Affairesétrangères, a conclu par la version officielle selon laquelle «c'est là la grande politique éclairée duprésident Mao à l'égard des cadres. La réhabilitation de Teng Siao-ping est un grand enseignementpour le Parti communiste chinois qui s'instruira du marxisme-léninisme et des sages enseignements duprésident». Rien de plus, rien de moins, c'est lui qui l'a ôté et c'est lui qui l'a remis.

    D'abord, on est frappé par le fait que le président n'est pas allé lui-même soulever ces questionsimportantes au Bureau politique, mais qu'il en a fait part aux membres avec une «note-directive».

    Le second fait qui frappe, c'est que cette note est expressément adressée au premier ministre d'abord.

    Le troisième fait c'est que dans sa note Mao dit : «Je vous ai parlé plus d'une fois de cette question», cequi suppose qu'on n'a pas voulu écouter le président.

    Qui n'a pas été d'accord ? Peut-on penser que Chou En-laï n'ait pas été d'accord avec cetteréhabilitation de Teng Siao-ping ?! Peut-être Chou En-laï ne voudrait-il qu'une ligne, qu'un bâton, lessiens, alors que Mao veut deux lignes dans le parti, et c'est pourquoi il lui faut trouver un «concurrent»à Chou et lui intimer un ultimatum pour redonner sa place au «petit joyau». Teng Siao-ping n'y vientnaturellement pas seul, mais avec tous ses régiments, et tous retrouvent leurs anciennes places.Ces régiments qui étaient au service de Liu Shao-chi ont été rabaissés au cours de la Révolutionculturelle, puis ils se sont «corrigés», et sont maintenant devenus des «moutons». Ainsis'accroissent le chaos et l'anarchie sous le drapeau du «grand marxiste-léniniste», Mao Tsétoung. EnChine sont au pouvoir plusieurs courants : le courant de Mao, les courants de Chou, de Liu, deWang Ming, de Teng, de Lin Piao, du Kuomintang (et arrêtons-nous ici, car un carnet ne noussuffirait pas à les énumérer tous). Est-ce que ce sont là des pratiques marxistes ?!!!

    Les ambassadeurs chinois dans les divers pays chantent un autre refrain : «Ce n'est pas Teng Siao-pingqui a commis des erreurs, c'est au contraire à ses dépens que ces erreurs ont été commises. Teng Siao-ping est un bon et fidèle camarade du président Mao».

    Mais pourquoi a-t-on fait tout ce tintamarre et qu'est-ce qui en résultera ? Je peux me tromper, mais cen'est pas une question aussi simple. C'est là certainement une «chinoiserie» de plus.

    A présent le porte-parole officiel affirme que Teng Siao-ping a été «un adversaire résolu desrévisionnistes soviétiques» ! Il était peut-être aussi «résolu» que l'était son compagnon d'idées LiuShao-chi, ou que l'était avant le début de la Révolution culturelle son ami Chou En-laï.

    Actuellement, en Chine, on suit un cours proaméricain conduit par Chou En-laï. La Chine amaintenant à Washington deux représentants: l'un est l'ambassadeur de Chou En-laï, et l'autre, l'envoyéde l'agence Hsinhua. Les Etats-Unis manoeuvrent à leur guise. Le président a fait une «grandepolitique» et, au lieu d'«approfondir les contradictions entre l'Union soviétique et les Etats-Unis», il alié les deux superpuissances encore plus étroitement entre elles, il s'est mis lui-même entre deux feuxet, à présent, il ne sait pas comment en sortir. Il se peut alors que le «génial» président ait eu une deses idées fécondes : il a tiré Teng Siao-ping de son tiroir pour entreprendre une politique du sourire etsur un flanc et sur l'autre. Les Anglais ont montré au «génial» président la manière d'appliquer leurpolitique de bascule [En français dans le texte.] ou la politique du funambule : «Etre en bons termesavec tous les deux et pas seulement avec l'un, ni être en mauvais termes avec tous les deux». Mao nepeut vivre avec le nombre un, il vit toujours avec le nombre deux. Ainsi, un beau matin peut-êtreverrons-nous même un glissement vers les Soviétiques, qui commencera par de petites choses, en vuede réaliser rééquilibre». Et cette tactique, sans aucun doute, sera claironnée comme étant «géniale».

    Alors la Chine en viendra à appliquer la norme de sa «politique géniale» de coexistence pacifique, dela «troisième force» tant vantée par Chou En-laï au cours d'une interview ou d'un banquet, je n'en aiplus le souvenir. Autrement dit, on suivra l'exemple des «communistes» Tito et Ceaucescu : «Etre en

  • 20

    bons termes avec les deux superpuissances, avec les Etats-Unis et avec l'Union soviétique», s'affairerd'un côté et de l'autre, mener des intrigues d'un côté comme de l'autre, en utilisant soi-disant lescontradictions, et en recouvrant tout cela de l'idée que «je suis une grande puissance et rien ne peut sefaire sans moi dans le monde». «Puis nous continuerons sur cette voie jusqu'à ce que nous devenionsune troisième superpuissance, avec tous les traits qui lui sont propres», et cela sans aucun masque, carune telle manière d'agir conduit à ce que tour à tour tous vos masques soient déchirés, comme ils l'ontété à l'Union soviétique.

    VENDREDI 20 AVRIL 1973

    LES «GUEPES» BOURGEOISES SE MUENT EN ABEILLES POURRECUEILLIR LE MIEL ET LACHER LEUR VENIN DANS LE JARDIN

    AUX «CENT FLEURS»

    Avec la plus grande impudence, Keng Piao, le chef de la Direction des relations extérieures près leComité central du Parti communiste chinois, a dit à notre ambassadeur à Pékin et à l'un de noscamarades (qui est allé se faire soigner là-bas), devant tout le personnel principal de sa direction :

    «Le mouvement marxiste-léniniste dans le monde ne cesse de progresser, mais il faudra encore dutemps aux groupes et partis marxistes-léninistes pour affirmer leur existence. Nous ne publions pasdes matériaux de propagande des journaux des partis communistes marxistes-léninistes pour lesdeux raisons suivantes :

    a) Si nous publiions dans notre presse des articles de ce genre pour faire connaître quelque succèsnouvellement obtenu par un parti marxiste-léniniste, nous attirerions l'attention de l'ennemi, quiprendrait des mesures et cela serait à notre désavantage et bien entendu au désavantage de ce partimême.

    b) L'expérience de notre travail de plusieurs années enseigne qu'il n'est pas nécessaire declaironner beaucoup les actions de ces partis, car l'ennemi agit, comme il l'a fait par exemple àl'encontre de la plupart des dirigeants du Comité central du Parti communiste de l'Inde, qui ont ététués ou emprisonnés».

    Selon Keng Piao, les dirigeants de ces partis ne peuvent se rendre en Chine, car ils sont surveillés parla police de leurs pays, l'ennemi a mis en place un dense réseau d'espionnage, etc. «En ce qui concernele Japon, par contre, a dit Keng Piao, le problème se pose différemment». «Les représentants de cespartis et de ces groupes, a-t-il poursuivi, veulent venir chez nous en pensant que cela pourra les aider àrenforcer leur travail à l'intérieur. Nous ne pouvons pas les en dissuader. Nous les invitons donc enamis. Et c'est ainsi que nous recevons également chez nous des personnes de partis qui nous ontcombattus et vilipendés. Du moment que Nixon et Tanaka sont venus, pourquoi d'autres aussi n'enferaient-ils pas autant ? Nixon lui-même est venu pour les besoins de sa campagne électorale. Noussommes prêts à recevoir aussi Tchiang Kaï-chek, s'il le veut».

    Cet homme s'exprime ouvertement et cyniquement en antimarxiste, il avoue de sa bouche que laChine a renoncé à la révolution, qu'elle n'aide plus la révolution, ni les partis et groupesmarxistes-léninistes qui luttent dans le monde. La Chine se camoufle en prétendant qu'elle a lesouci de ne pas compromettre ces partis et ces groupes devant les ennemis, alors qu'en réalitéelle veut elle-même montrer à l'impérialisme et à la bourgeoisie qu'elle n'aide pas, qu'elle nesoutient pas les communistes, leurs ennemis. Quelle bassesse ! Dans divers pays du monde lescommunistes ont déclenché la lutte révolutionnaire, légale et illégale, ils ont accepté la mort, et lesChinois ont l'impudence de dire que «ces communistes veulent venir en Chine pour renforcer leurspositions à l'intérieur». Si ces camarades demandent l'aide de la Chine, c'est qu'ils pensent qu'elle est

  • 21

    socialiste, alors que la Chine de Mao Tsétoung ne parle pas d'eux, ne fait pas de propagande sur leuraction, ne publie pas leurs articles, ne les aide pas, mais se borne à constater que tous les dirigeants detel ou tel parti ont été tués. Quelle impudence !!

    La «Chine socialiste» fait aux camarades communistes le même accueil qu'elle réserve à Nixon,Tanaka, Tchiang Kaï-chek, ou aux révisionnistes. C'est le comble de la trahison. Les Chinoisagissent à l'égard des partis communistes marxistes-léninistes et des groupes révolutionnaires de lamême manière que le font les Soviétiques. Les Chinois ont peur de se discréditer, de perdre la «bonneréputation» qu'ils se sont acquise au sein de la bourgeoisie américaine et mondiale.

    C'est pourquoi les Chinois ne sauraient être d'accord avec la ligne marxiste-léninisterévolutionnaire de notre Parti. Ils ne souscrivent pas à toute notre politique intérieure etextérieure. Et ils le manifestent. Chou En-Iaï, Li Sien-nien et Mao ont rompu les contacts avecnous ; ceux qui subsistent sont purement formels, diplomatiques. L'Albanie n'est plus «l'amiefidèle préférée», elle est passée maintenant pour eux au dernier rang, après la Roumanie et laYougoslavie en Europe, après la Corée, le Vietnam et le Cambodge en Asie. La Chine ne participeplus à nos manifestations politiques, car elle craint de se compromettre ! Elle nous envoie,(puisqu'elles font des tournées en Europe), des troupes de cirque, des équipes de football, de volley-ball et rien de plus. Elle respecte, tout en les faisant traîner, les accords économiques, mais il est clairque la «première flamme» s'est éteinte.

    Comment la Chine pourrait-elle être d'accord avec notre politique extérieure alors qu'elle conclut desaccords avec les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne fédérale, l'Espagne de Franco, en un temps où nonseulement nous ne concluons aucun accord avec eux, mais que nous démasquons sans cesse leurpolitique impérialiste et fasciste ? Comment la Chine pourrait-elle approuver la révolutionnarisation denotre pays, la lutte qui y est menée contre la religion et le Vatican, alors que Wou Tchan, hautfonctionnaire du ministère chinois des Affaires étrangères, dit à notre ambassadeur que «nous nepouvons pas agir comme vous le faites, car les éléments des classes renversées en Chine dépassent lescinquante millions» ? Cela est dans l'ordre des choses car, alors que chez nous on combat la religion,l'église et le Vatican, en Chine, à Pékin, on ouvre des églises et des cathédrales, catholiques etorthodoxes, et la presse chinoise engage à les fréquenter.

    La presse catholique mondiale a orchestré partout une campagne calomniatrice contre nous et ellenous met en opposition avec la Chine ; la presse bourgeoise-capitaliste nous attaque pour ne pas avoirnoué de relations diplomatiques avec les Etats-Unis et nous oppose à la Chine.

    La presse capitaliste mondiale, de son côté, faisant le bilan des attitudes opportunistes de la Chine surde nombreux problèmes internationaux, ne manque pas de mettre en relief nos attitudes sur les mêmesproblèmes, et naturellement elle aboutit à la conclusion que la Chine et l'Albanie ont descontradictions, que «l'Albanie a été complètement isolée et abandonnée par la Chine», etc.

    La Chine adopte maintenant envers la République Populaire d'Albanie et le Parti du Travail d'Albaniela même attitude qu'elle a observée à rencontre des partis communistes marxistes-léninistes et desgroupes révolutionnaires, en ne publiant rien à leur propos par crainte de se «compromettre». Elle nepublie rien non plus nous concernant, à part la réception chez nous de leurs footballeurs, volleyeurs etde la troupe de cirque chinoise. N'importe quoi d'autre ayant trait à l'Albanie a été maintenantsupprimé de la presse chinoise. Par cette attitude les Chinois entendent dire ouvertement au mondecapitaliste et révisionniste qu'ils n'ont pas de relations particulières avec l'Albanie socialiste et le Partidu Travail d'Albanie ; qu'ils mettent désormais l'Albanie sur le même plan que la Yougoslavie et laRoumanie. Mais, de leur côté, l'Albanie socialiste et son Parti du Travail disent au mouvementcommuniste mondial, aux Chinois et au monde capitaliste-révisionniste qu'ils s'en tiennentfermement, comme un roc de granit, à la voie marxiste-léniniste, révolutionnaire, qu'ils n'ontbougé ni ne bougeront d'un pouce de ces positions et qu'ils vaincront. C'est bien la Chine quis'est identifiée à la Yougoslavie titiste et à la Roumanie révisionniste et non pas l'Albanie.

  • 22

    La politique d'ouverture des portes de la Chine se poursuit «avec succès» non seulement dans lesrelations d'Etat, mais aussi «dans la large voie de l'internationalisme prolétarien». En même temps quela Chine, en tant qu'Etat, ouvre ses portes aux étrangers de tout acabit, depuis Nixon et Tanaka, etmême Tchiang Kaï-chek s'il le veut, jusqu'aux antimarxistes qui l'ont combattue et injuriée, le Particommuniste chinois ouvre lui aussi ses portes. Oui, oui, il les a ouvertes aux étrangers.

    On a en effet distribué aux spécialistes étrangers qui travaillent dans des établissements chinois, en lesoumettant à leur approbation, un projet de directives intitulé «Sur l'amélioration du travail auprès desspécialistes étrangers employés en Chine». Ce projet porte le sceau du discours prononcé quelquesjours auparavant par Chou En-laï, et à propos duquel il a été publié un article dans la presse chinoise.Il a donc été