entretien avec béla tarr - l'avant scene cinema

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7/23/2019 Entretien Avec Béla Tarr - l'Avant Scene Cinema http://slidepdf.com/reader/full/entretien-avec-bela-tarr-lavant-scene-cinema 1/28 45 QUAI DES GRANDS AUGUSTINS 75006 PARIS - 01 47 70 30 20 DEC 11 Mensuel Surface approx. (cm²) : 9571 Page 1/28 SORBONNE2 3682660300507/GDF/OTO/2 Eléments de recherche : PUPS ou Presses de l'Université de Paris Sorbonne : toutes citations .ES  HARMONIES  WERCKMEISTER  4. Entretien avec Bêla Tan,  par Laurent Aknin. 8. Un conte politique, par Estelle Bayon. ll.  Les Harmonies Werckmeister et  L'Homme de Londres :  esthétique dè l'adaptation, par Antony Fiant. 14. Comment fonc- tionnent les plans-séquences dans  Les Harmonies Werckmeister ?,  par Jean-Marie Samocki. 17. Revue de presse. 18. Bêla Tarr, l'humanité perdue, par Raphaëlle Pireyre. 22. À propos du Cheval de Tarin, par Laurent Aknin. 24. Filmographie de Bêla Tarr. 25. La belle his- toire du cinema hongrois, par Yoana Pavlova. 28. La fiche technique du film. 30. Découpage integral rédige par Sylvain Angiboust et dialogues français.

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Eléments de recherche : PUPS ou Presses de l'Université de Paris Sorbonne : toutes citations

.ES HARMONIES WERCKMEISTER  4.  Entretien avec Bêla Tan, parLaurent Aknin. 8. Un conte politique, par Estelle Bayon. ll.  Les Harmonies Werckmeister 

et L'Homme de Londres :  esthétique dè l'adaptation, par Antony Fiant. 14. Comment fonc-

tionnent les plans-séquences dans  Les Harmonies Werckmeister ?,  par Jean-Marie Samocki.17. Revue de presse. 18. Bêla Tarr, l'humanité perdue, par Raphaëlle Pireyre. 22. À proposdu  Cheval de Tarin,  par Laurent Aknin. 24. Filmographie de Bêla Tarr. 25. La belle his-toire du cinema hongrois, par Yoana Pavlova. 28. La fiche technique du film. 30. Découpageintegral rédige par Sylvain Angiboust et dialogues français.

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La rétrospective qui vous est consacrée auCentre Georges Pompidou est intitulée : « Bêlalan, l'alchimiste ». Considérez-vous que ce termevous corresponde ?Bêla Tarr : Ce n'est certainement pas mon idée Onm'a déjà attribué de nombreux qualificatifs et denombreux noms, maîs jamais encore celui d'alchi-miste C'est vraiment la première fois i Maîs je suishabitué à des qualificatifs bien plus graves que ça

Je posais cette question, car l'alchimiste tra-vaille la matière, mais ce mot introduit néces-sairement une idée de mysticisme qui est assezétrangère à votre travail...

B. T. : Vous avez tout à fait raison i Maîs il y a peut-être, quand même, quelque chose à voir, dans lamesure où un alchimiste produit quelque chose àpartir de quelque chose d'autre Un cinéaste fait unpeu de même II prend la réalité comme matière pre-mière, la travaille, et, à la fin, ça doit devenir un filmEnsuite, savoir si ce film vaut de l'or ? C'est letemps qui en décidera i Si un film est regardablevingt ans plus tard, alors c'est qu'il était fait dansune matière noble

"Un cinéaste prend la réalité com mematière prem ière, la travaille, et, à la fin ça

doit deven ir un film."

En parlant de matière préexistante : vous faitespartie de cette sorte de cinéastes « démiurges »...

B. T. : ou « monstres », aussi i Comme je le disais,on m'a attribué beaucoup de qualificatifs'

Ou bien, si vous préférez, vous êtes considérécomme un archétype de l'auteur complet. Pour-tant, comme d'autres, de Stanley Kubrick à Tar-kovski, vous vous basez sur des œuvres littérairespréexistantes : Lâszlô Krasznahorkai, bien sûr,mais aussi Shakespeare ou Simenon. Pourquoidevez-vous passer par une œuvre littéraire pré-existante ?B. T. : Effectivement, j'aime bien trouver quelquechose qui puisse me servir de matière de base Celam'inspire, en quelque sorte, de rencontrer une pensée

déjà bien rédigée Sur ce plan, la littérature est un trèsbon moyen pour présenter des idées sous une formeadéquate Maîs je peux aussi être inspiré par lamusique, par les arts plastiques ou l'architecture,ou encore par d'autres éléments que je rencontre iciou là Bien sûr, cela doit toujours être confronté à laréalité quotidienne C'est cela qu'il faut chercherpour trouver la base d'une nouvelle création Maîsau demeurant, il faut savoir et comprendre une chosequand on prend une matière littéraire c'est que lalittérature n'est pas transformable directement enfilm Celui qui pense qu'elle sera simplement« adaptée » au cinéma, et que c'est ainsi une voieaisément praticable, se trompe II ne comprend pas

vraiment la transformation de ce langage qu'est lalittérature, vers le cinéma qui est un autre langageLa différence fondamentale est en fait que la litté-rature est une langue propre, le cinéma un langageII y a donc une toute autre grammaire, un autre voca-bulaire, d'autres conditions d'expressions

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Par exemple, quand nous faisions Sâtàntango (maîs

c'était aussi le cas pour Les Harmonies Werckmeis-tei),  Lâszlô Krasznahorkai parlait clairementde l'Alfo ld, la grande plaine hongroise, qui est lesujet de son roman C'est un très beau roman quinous a vraiment touchés Maîs nous avions bienconscience que nous ne pouvions pas adapter direc-tement ce roman Nous devions nous rendre nous-mêmes dans l'Alfold, pour connaître et expérimenterla même réalité, afin de trouver la forme adéquate àdonner à cette matière, par le langage du cinémaC'est seulement après que nous pouvions revenirau roman, reprendre le propos original, les douzechapitres, etc Nous avons donc conserve les cha-pitres, maîs pour y parvenir, nous devions préala-

blement posséder la même réalité

Précisément, vous avez créé en quelque sortevos propres règles, votre propre grammaire. Parexemple, vous êtes célèbre pour vos plans delongue durée. Maîs vous vous privez aussid'autres figures : vous ne faites jamais de champ/ contrechamp. Du coup, il y a toujours une conti-nuité spatiale dans vos films, alors que d'ordi-naire le spectateur est obligé de reconstituerl'espace. Est-ce aussi en raison de ce travail surla réalité que vous plongez le spectateur dansun espace total ?B. T. : Eh bien, c'est intéressant ce que vous dites Si

on examine les choses de plus près, on constatecependant que les plans-séquences sont constituésd'une série de petites prises D'abord un plan deprès, ensuite nous ouvrons, puis nous refermons, ettout cela a un rythme

C'est une autre forme de montage.B. T. : Oui, forcément, maîs nous faisons ce montagedans la caméra Et ainsi, il est possible d'y inclure uneautre dimension, celle du temps et de l'espace Notrevie elle-même se déroule dans le temps et l'espaceSi nous nous limitions à observer la succession dutemps, et des événements, nous ne ferions que du« story tolling » Nous ne saurions pas parvenir à

faire sentir simultanément et le temps, et l'espaceII faut aussi voir que ces longs plans-séquences ontune tension particulière, et dans ces plans, les comé-diens ont une autre sorte de présence C'est toutecette combinaison d'éléments qui justifie ce type detechnique de travail

"Sans tension, il n'y a pas de scène, etdonc il n'y a pas d e film."

Cette notion de tension paraît particulièrementimportante chez vous. Est-ce cela que vous cher-

chez en « dilatant » de cette manière la tempo-ralité ?B. T. : Oui tout à fai t Sans tension, il n'y a pas descène, et donc il n'y a pas de ulm Par conséquent,la tension d'une scène est vraiment la question-clé

Pour le sentiment de la perception du temps, maîs

aussi pour la présence des comédiens La vibrationinterne de la scène dépend de cette tension

Ce travail sur le temps, dont vous parlez, conduitpresque à des paradoxes. Par exemple, vous avezfilmé Macbeth en deux plans, l'un avant le géné-nque, l'autre après, qui compose tout le reste dufilm, soit environ une heure. D'où la question :toute cette tragédie ne dure-t-elle vraimentqu'une heure, en « temps réel » ?

B. T. : Non, la tragédie se déroule dans un espaceMaîs en même temps, nous sortons de ce tempsprésent, continu Nous y incluons quelque chose,nous la relâchons Le drame lui-même, naturelle-ment, se déroule Maîs le drame véritable, dans cetexemple, est celui qui se produit entre un hommeet une femme G'est ça qui nous a intéressé recréerce lieu continu et permanent pour faire comprendrecette course permanente contre l'impossible

Avec la même technique, vous aboutissez doncà un résultat à l'inverse de celui d'Hitchcock avecLa  Corde...B. T. : C'est exactement l'inverse j'aimerais bienarriver au même résultat qu'Hitchcock, maîs avecd'autres techniques

  ]

Comment organisez vous le travail chorégra-phique avec la caméra, qui est un « acteur » aumême titre que les comédiens ?B. T. : Voilà comment ça se passe D'abord, on parten repérage, et on choisit le ou les lieux Ensuite jereste seul, tout seul et très longuement Je m'assoiset je m'imprègne de l'endroit , de sa totalité Que j'aibien vu tout le film dans mon esprit, de la premièreprise de vue jusqu'à la dernière, je fais alors appel àmon équipe et je leur explique « C'est ici que jecompte placer les comédiens, je compte placer lacaméra ici, elle se déplacera, elle se trouvera fina-lement à un troisième endroit », etc Tout ça se fait

en même temps II serait faux de dire que je prévoisd'abord les mouvements et que je construis la scènedessus, maîs il serait tout aussi faux de dire que jeprévois d'abord la scène et que je fais venu la caméraaprès Tout se construit simultanément

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Faites-vous des dessins préparatoires ?

B. T. : Non, jamais, je déteste les storyboards

Dans Les  Harmonies Werckmeister,  on trouvedeux séquences particulièrement mémorablesqui sont exemplaires du film entier, et peut-êtrede toute votre oeuvre. La première, c'est le pland'ouverture, qui donne une dimension cosmo-gonique au film...B. T. : Tout à fait, maîs elle a été construite exacte-ment de la même manière que celle que je viensd'expliquer, c'est une construction globale

L'autre est la séquence d'assaut de l'hôpital parla foule. Dans celle-ci, je suppose que le direc-

teur de la photographie, ou l'éclairagiste, ont dûpresque devenir fous en raison des difficultéstechniques.

un film On parle là de quelqu'un qui se lève le matin,

qui se prépare, qui se rend à son travail, et quipartage son désespoir avec les spectateurs II le fait,naturellement, dans l'espoir que par ce geste, cedésespoir pourrait être à l'origine de quelque chosede meilleur On n'en devient donc pas plus faible,maîs plus fort

Le postulat de départ du  Cheval de Turin  estminimaliste, puisqu'il s'agit d'une sorte d'anec-dote de l'histoire de la littérature et de la philo-sophie : Nietzsche qui, juste avant de perdre laraison, enlace un cheval d'attelage épuisé...B. T. : Pensez plutôt à la question que pose Rrasz-nahorkai à la toute fm de l'anecdote, à savoir « Et

le cheval, qu'est-il devenu ? » Car ce qui était inté-ressant dans cette histoire, c'était le cheval, n'est-ce pas ? Imaginer ce qui a pu lui arnver Et au cocherEt à la fille du cocher Leur destin à tous les trois

B. T. : On peut le dire, oui Je ne vous dirai pas quia dirigé la prise de vue de cette scène, maîs c'estvrai qu'il a failli devenir à moitié fou D'ailleurs il riapas pu terminer le film, il a dû abandonner le travail

Le thème principal de vos films est la Catas-trophe, générale ou individuelle. Cependant, sauf peut-être dans le dernier, on y trouve une sortede beauté, même si « tout va mal ». On ne trouvepas la classique « lueur d'espoir finale », maisen même temps, vous instaurez un climat desérénité. En tout cas, pas de résignation. .

B. T. : Surtout pas de résignation, c'est même tout lecontraire, bien sûr On peut dire que ça part, peut-être, d'un désespoir face à la situation du mondeC'est un grand désespoir, maîs quand même, aussi,

Et où condu ira toute cette histoire C'était ça, laquestion primordiale

La réponse que vous donnez est assez terrible :c'est pratiquement la fin du monde. Le film est

divisé en six jours, comme ceux de la création,sauf qu'il s'agit ici de la dé-création. La catas-trophe est totale.B. T. : Ce n'est pas la catastrophe qui est totale, c'estla vie qui dépérit, qui disparaît

C'est un peu pareil...

B. T. : Dans ce sens-là, oui, c'est vrai Le problèmen'est pas là Quand on parle de catas trophe, onimagine toujours un événement à grande échelle,une ajpocalypse, sous la forme d'un grand show télé-

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visé, avec l'arrivée des Cavaliers de l'Apocalypse,

du feu venu du ciel Or nous sommes dans laréalité, et dans la réalité la vie ne se termine pasainsi, sous une forme apocalyptique Maîs tout dou-cement, en silence, ça s'amincit, ça s'affaiblit, sansbruit, sans publicité, et ça s'arrête

"De l'autre côté de la colline, il n'y a riende différent. Je roule p as m al m a b osse

à travers le monde et je peux vous le dire,c'est partout pareil. "

Pourtant, on se demande bien évidemment cequ'il y a de l'autre côté de la colline, pour crue lepère et la fille qui cherchent à quitter les lieux yreviennent finalement...B. T. : De l'au tre côté de la colline, il n'y a rien dedif férent Je roule pas mal ma bosse à travers lemonde et ]e peux vous le dire, c'est partout pareilJe suis allé voir, exprès, de l'autre côté de la colline,et je peux vous certifier quec'est exactement la mêmechose i

Vous traduisez aussi

l'arrêt de la vie par l'arrêtde vos mouvements decaméra. Par exemple, il ya un extraordinaire plan-séquence en mouvementlorsque le cocher revientau début du film et quesa fille l'aide à toutdécharger. Par contre,vers la fin, quand ilsdéchargent la petitecharrette, il s'agit d'unplan fixe.B. T. : Exactement Et ça, c'est très important Lefilm devient de plus en plus statique À la fm, on estencore debout, tant qu'on peut

Rétrospectivement, cela éclaire aussi votre tech-nique et le sens des mouvements de caméra :ce serait un signe de vie, de vitalité...B. T. : Oui, effectivement Sa découverte, en toutcas La découverte de la vitalité Maîs il y a autrechose qui justif ie ces plans c'est que nous aimonsbien regarder une chose d'un côté, et aussi de l'autrecôté Et tout ceci doit avoir une certaine ondulationNéanmoins, il faut se concentrer fortement, sévère-ment, stnctement, sur l'essentiel.

On arrive avec Le Cheval de

  Turin à une formeradicale. Plus de ville, m de foule, à la différencede vos films précédents. Trois personnages entout et pour tout si l'on excepte la visite des bohé-miens...

B. T. : C'était bien sûr une volonté délibérée dès le

début de la conception du film On n'a pas aban-donné de la figuration en route, si c'est ce que vousvoulez dire Faire un film coûte cher, on ne peut paschanger en cours de route

Quel est le texte que le personnage de Bernharddit lors de sa visite pour acheter de l'eau-de-vie ?C'est un superbe monologue.B. T. : C'est un très beau texte de Lâszlo Kraszna-horkai, issu d'une autre nouvelle de lui, et que j'aiintégré dans le film Maîs en fait la situation est trèssimple le voisin vient acheter de l'eau-de-vie Etpendant qu'on lui verse son eau-de-vie, il parle C'estun peu comme quand vous entrez dans une auberge

aujourd'hui, il y a un « bruit de fond », comme aucomptoir

Dans Les Harmonies..., comme dans beaucoupde vos films, domine un sentiment de peur. Tbutela population est inquiète. Elle est moins pré-sente dans Le Cheval de  Turin.B. T. : Si, c'est la crainte de la mort Chaque jour, cequi reste de la vie diminue Le premier jour, le seul

problème est que le cheval n'a pas envie d'aller tra-vailler , le deuxième, il ne veut plus manger, ensuite,il ne boit plus Finalement, l'eau disparaît Le chevalmeurt Moi je suis cocher, je n'ai plus de cheval, doncplus de travail, donc plus à manger, donc je meursC'est aussi simple que ça

Vous avez annonce que Le Cheval de Turin seraitvotre dernier film. Et il se termine dans l'obscu-rité. C'est, littéralement, la fin du cinéma...B. T. : Non, l'art cinématographique ne connaîtrapas de fm, j'espère i Moi, j'arrête de tourner des films,maîs c'est ma décision personnelle Lart du cinémacontinue dans le monde, et je ne souhaiterais pasle contraire Simplement, je clos quelque chose J'ai

tout nettoyé dernère moi •PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT AKNIN

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n paraît que le Prince pèse dix kilos.Que la troupe est composée de troiscents personnes, ou seulement dedeux. Que la baleine est responsablede tout, ou de rien. Précédée de sarumeur, l'arrivée du cirque menépar un énigmatique Prince dans levillage qui accueille Les HarmoniesWerckmeister, alimente fantasmeset peurs, ragots insensés quiassimilent d'emblée le film à unconte emprunt de surnaturelglaçant, porteur de tensions commed'un espoir que les familiers ducinéma de Tarr savent illusoire.

Le conte est un récit de tradition orale destinéau peuple Maîs ici le peuple manque, il s'en-ivre dans les bars et disparaît à la nuit tombée,

laissant Valuska rentrer seul chez lui dans un e villetotalement déserte Comment mettre en scène lepeuple, surtout s'il vient à manquer ? Cependant, lepeuple est bien là, ruminant dans le  hors-champ dela petite ville humide, condensation d'une fantas-matique cité mitteleuropéenne que Tarr a recom-posé sur des bribes hongroises, ne demandant qu'àprendre possession du cadre pour s'affirmer enfin etavancer pour écnre son histoire de ses propres pasCar sous le joug totalitaire aussi interminable queles paysages de la Puszta chers au réalisateur de

Satantango  puis sous les drx années d'u n libéra-lisme exalté qui n'a guère tenu ses promesses, Pro-logue1 d une misère capitaliste, il a emmagasinéune rage qui ne demande qu'à exulter«  Ce constat d'un peuple qui manque n'est pas unrenoncement au cinema politique, maîs au contrairela nouvelle base sur laquelle il se fonde I ] Ufautquel'art, particulièrement cinématographique, participea cette tâche non pas s'adresser a un peuplesupposé, dé jà la, maîs contribuer à l'invention d'un

 peuple  » 2  Le peuple ici est là, quelque part, m aîsmanque, cmématographiquement  Pour rompre cetteinsupportable vacance, pour do nner figur e à ce

1 Ce court-métrage du program me Visions of Europe  offrait en2004 une tnste vision tarnenne de I Europe file d attente d hommesvenus quêter une soupe travelling arnere sur la faim2 Gilles Deleuze limage-temps Pans Les Editions de Minuit1985 p 281

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peuple piétinant aux bords du cadre, Tarr crée -

adaptant le roman de Lâszlô Krasznahorkai3

 - unétrange Prince au pouvoir magnétique et aux pro-messes révolutionnaires, qui installe sur la placecentrale du village une attraction foraine aussi impro-bable que fastueuse, le cadavre d'une baleine géanteAllégorie organique, elle vient donner corps à cepeuple qui, littéralement attiré, s'amasse petit à petitautour d'elle, s'immisce peu à peu dans le champLe peuple ainsi formé se met alors en marche Lespetits attroupements deviennent une foule impla-cable, une masse grégaire et terroriste qui envahittout le plan, enfin, et avance avec une sombre ferveurqui oblige la caméra, impressionnée face à cetteforce implacable, à reculer Le travelling arrière qui

accompagne cette scene magistrale indique un che-minement régressif vers la barbarie ordinaire Carle peuple part là saccager un hôpital et ses malades,

son rôle et limite à la première manière possible de

conquérir une cité définie par Machiavel « détruire »4

Semant le désordre dans les villes traversées, il appelleau massacre « fes adeptes mettront tout en ruine »dit-il, « nous nous emparerons de leurs maisons ' » car« dans la ruine, tout est complet  »Toute cette organisation n'est que mise en scène,une « théatrocratie », telle que théorisée par Balan-dier, selon qui « tout univers politique est une scene,ou plus généralement un lieu dramatique où sont 

 produits des  e f f e t s   »6  Qu'elle soit théâtrale, audio-

visuelle, médiatique, la mise en scène fonde l'orga-nisation du pouvoir L'imaginaire éclaire lephénomène politique « Tout système de pouvoir est un  dispositif  destiné  à  produire  des  e f f e t s ,  dont ceux

qui se comparent aux illusions créées par la machi-nerie du théâtre »6 Annonce par une affiche, figuréeau coeur de son cadre cérémomel tel un théâtre

s'autodétrmsant en s'en prenant aux symptômes deson inertie qui, dans leur lit, ne peuvent faire quebarrage au violent désir d'avancer qui submerge ceshommes Répondant platement à une demande sanslui donner sens, sans le moindre projet politique,uniquement guidé par son appétit délirant de pouvoir,seul le Prince emporté dans son délire d'identifica-tion à ce titre souverain usurpé pour le spectacle asu mettre en scène ce peupleEn effet , l'inertie massive du mammifère sidère lecrédule Valuska, le seul à venir payer ses IOU forintspour lui rendre visite, et s'extasier devant les beautéscosmiques qu'elle incarne Maîs là, dans son camion-cercueil, il surprend les paroles ravageuses du Princecaché  dans le champ sous la forme d'une ombreminuscule, découvrant la mascarade le « Pnnce »,comme l'a appelé le directeur du cirque pour étofferson show, n'est qu'un simple acteur, pns au jeu de

d ombres par un Prince que les hommes ne verront jamais et qui joue d'abord sur la parole, le Princefonde essentiellement sa force sur le dire,  revenantà l'essence première du théâtral7

3 Laszlo Krasznahorkai La Melancolie de la resistance (Azellenallasmelankohaja,  1989) Had du hongrois par Joëlle DufeuillyGallimard Pans 20064 Nicolas Machiavel  Le Pnnce  in  Œuvres  Paris RobertLaffont 1987 p 1205 Georges Balandier Le pouvoir sur scènes Pans Balland 1980p 1516 Ibid p 137 Pour un developpement de cet aspect nous renvoyons a notrearticle « (Des)ordre corps ordinaires et figures politiques dans LesHarmonies Werckmeister  de Bêla Tari» rn Raison Publique n°12« Figures et figurations du pouvoir politique » Presses de I Universite de Pans-Sorbonne, mai 2010 p 385-397

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Maîs à la découverte du jeu machiavélique qui se

trame en coulisses, la sideration du petit postierdevient révélation Longme latine sideiatio, désignel'influence subite, génératrice le plus souvent d'unesorte d'apoplexie, attribuée à un astre,  sidus ,  sabaleine incarne un désastre que tous ignorent encore,bien qu'il s'impose comme une évidence elle estune Cetus à terre, une constellation dés-astréeActivé par les diaboliques paroles du faux messie

8,

le peuple bercé par le conte de la baleine - le conteétant associé aux arts oratoires du spectacle - croîtse mettre en marche, alors qu'il ne s'agit là que d'unedangereuse sidération transformant le  dire  en unagir funesteEmportés par le ballet de violence absurde que Tarr

filme dans un silence aussi glacial que le carrelagequi les environne, les hommes sont soudains arrêtésbrusquement lorsque deux d'entre eux ouvrent unrideau qui les met face à un vieillard debout, nu,

silencieux, immobile Tous s'interrompent alors, ycompris la caméra transportée jusqu'a lors dans leurinfâme chorégraphie, nouveau tango sataniqueEhomme désarmé au centre de l'image illumine lesagresseurs devenus les ombres d'eux-mêmes, et saprésence les relaye déjà au bord du cadre, au bord del'éjection, de l'abjection

9

Ce terrible lever de rideau dévoile la mascarade, lamise en scène du Prince, jette l'ob-scène sur ledevant de la scène Le peuple découvre la vérité nueface à celui qui dénué de parole, ne porte aucunmasque  Laga et 7e  due  tombent devant l'être  de

celui qui n'incarne pas maîs est carne, chair de larésistance - re-sistere, « se placer, s'arrêter » -, véri-table figure d 'autorité qui met fin à cette impulsionaberran te et enragée II n'incarne guère un espoirnaissant, il n'est pas un nouveau messie II leur rend

 jus te la vue dans l'évidence de son être-là10

Alors, le plan se vide Les hommes, courbés par lahonte, s'éparpillent, quittent lentement les lieux etle cadre sous le regard d'une caméra impuissantequi glisse avec eux sous le poids de l'humiliation enun panoramique vers le bas, qui se redoublera auplan suivant dans les ruines d'un centre commer-cial délabré Après l'insupp ortab le silence ducarnage , la troublante musique de Mihaly Vig se fait

de nouveau entendre, enfin, exutoire d'un trop-pleind'émotions et de tension, qui réceptionne la ragequi s'effond re, la honte qui se répand Nous ne lesreverrons pas Le peuple, de nouveau viendra à

manquer dans le plan final sur la place du villagedéserté où ne demeurera que l'imposante baleinesur la carcasse de son catafalque de tôles éventré

Qu'est-ce qui n'a pas fonctionne ? Où est le Prince,qui a finalement fui et n'a été qu'une fantasmagonesans corps rn visage ? A-t-il même existé ? Où estle général qui s'enivre, indif férent, à coups de JohanStrauss pendant que ses enfants jouent à frapperValuska ? Où est sa maîtresse, Mme Estzer, autremanipulatrice assoiffée de pouvoir qui tente defédérer les notables autour d'un parti de l'ordre etde la propreté au coeur de ce chaos ? Face à l'hyper-présence du peuple, ou du moins son intense désirde présence, les figures du pouvoir demeurent invi-sibles, ont déserté l'image Cette vacance a fmi paraveugler les hommes, qui ne voient plus nen car il n'ya plus rien à voir Or le politique est un dialogue quis'instaure entre un peuple et ceux qui le gouvernent,donnent un sens à leur marche, il garantit une unitédans un désir de vivre ensemble Comment résisterà, ou constru ire avec un pouvoir qui lui-même vientà manquer ? Comment occuper le plan, c'est-à-direla scène filmique et politique ? Question éminem-ment politique que pose le film de Tarr qui pourtantrejette ce discours

11 i

Eœuvre tarnenne crée de la dé-faite, du dés-oeuvre-ment, du dés-astre, de la dé-réliction Dès ses pre-miers films, le groupe, le nid, d'abord familial, puiscommunautaire, se décompose Maîs sur la destruc-tion de l'être-ensemble, son cinéma du « dé- » dit quetout reste encore à faire Létrange conte hongrois de

Bêla Tarr, sombre et long, s'adresse alors à un autrepeuple, celui qui se forme de l'autre coté de l'écran età qui il narre ce récit d'une politique défigurée qui nepeut que se maténaliser sous la forme d'un désastre«  B faut apprendre au peuple à s 'effrayer de lui-même,afin de lui donner du courage   »

12  •

ESTELLE BAYON

8 Une figure manipulatrice que l'on rencontrait déjà dans Satan-tango9 Du latin  abjectus abjiœre  « ce qui est jeté au lom de soi » « cequi est jeté à terre »10 D'ailleurs ce - fragm ent de - plan sur le vieil homme, absentdu roman a ete ajoute par le cinéaste, pourtant fidèle au textel i n Quant a  la politique^ pense que c'est un sale boulot etqu'eEe

n'a pas sa place dans une   œuvre  d ait Nous ne ferons jamais de film s po litique s Nou s avons mieux  à   fane  » interview de BêlaTarrr, http //www pierregnse com /distnbution/les-harm onies-werckmeister12 Karl Marx, Oeuvres, tome III, Gallimard, La Pleaide, p 386

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Les deux films de Bêla Tari dont il est ici ques-tion sont des adaptations écrites par lecinéaste en collaboration avec l'écrivain

Laszlo Krasznahorkai Les Harmonies Werckmeis-ter  (2000) d'après La Mélancobe de la resistance, dumême Krasznahorkai (le roman date de 1989) ,

 LHomme de Londres d'après un roman éponyme deSimenon (le film date de 2007, le roman de 1933) Sidans les deux films la trame narrative est globale-ment respectée, les partis pris esthétiques ducinéaste, affirmés de longue date, sont ngoureuse-ment appliques Les écueils de l'adaptation sontainsi amplement évités, non seulement en termesde reconstitution maîs aussi, et peut-être surtout,en matière de récit Ce qui permet de l'af firmer tientau mouvement, à ce point pnvilégie que la compo-sition des plans est constamment remise en causeII s'impose par rapport à l'intrigue, réduite auminimum (ce qui n'est pas sans surprendre dans lecas de l'adaptation de Simenon) La caméra vient àla rencontre des personnages des deux films, tourneautour d'eux, dessine les contours de terntoires kaf-kaïens saisis en noir et blanc grâce au remarquabletravail des chefs opérateurs (pas moins de six sontcrédités pour Les Harmonies Werckmeister  i, alorsque Pied Kelemen signe seul la photographie de

 LHomme de Londres)On aura tôt donné pour exemple de cette dynamique

esthétique la fameuse séquence inaugurale des Har-monies Werckmeister  Présente dans le roman, maîspas au début, elle ne prend jamais l'importan cequ'elle a dans le film en agissant de manière diffuseValushka y chorégraphie le mouvement des planètesautour du soleil en manipulant les corps des clients

enivres du bar où il se trouve Maîs on peut aussi

renvoyer à la manière dont le cadre physique - dontla composition est constamment remise en ques-tion par l'intermédia ire des corps - parvient à tra-duire le sentiment de culpabilité animant Maloindans LHomme de Londres dès qu'il est témoin d'unmeurtre, que ce soit à travers son propre point devue inquiet ou bien celui que porte Tarr sur lm, res-serrant son cadre comme on ressert un étauLe cinema de Bêla Tarr est donc affaire d'espace àcombler par les corps Sans doute pourrait-on le direde beaucoup de cinéastes, maîs ici le corps, inno-cent (Valushka) ou coupable (Maloin), gravite autourd espaces matriciels désignés qui sont aussi descages la remorque du corps de la baleine exposéepour le premier, la cabine d'aiguillage de la garemaritime où il travaille pour le second Et l'attrait deces espaces particuliers révèle une même réflexiond'ordre existentiel De plus, en se jouant de l'identi-fication, Tarr accompagne des personnages qui sontaussi de grands marcheurs, si bien qu'on ne saitplus très bien qui, de l'un (le personnage) ou del'autr e (le cinéaste), donne l'impulsion Et peuimporte car c'est la dynamique imprimée qui compteet elle rend infondée toute accusation de passivitédans ce cinéma Certes les aspirations des person-nages demeurent le plus souvent floues maîs il sepasse énormément de choses dans chaque plan et

la composition n'est jamais figéeAprès avoir analyse l'un des nombreux plans-séquences des Harmonies dans un très beau texteconsacré à ce film, Corinne Rondeau conclut « C'estcomme si les durées des Harmonies Werckmeisteréprouvaient la distance toujours à recommencer, m

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La tour de contrôle de

L'Homme cle Londres.

début ni fm, trouver la juste distance dans le mou-

vement continu Des surfaces à peine changeantes,maîs toujours opaques et lisses malgré les striesd'ombre et de lumière et les jeux de gus Ce plan-séquence est le paradigme de chaque plan à venir voir l'image en mouvement, entrer lentement dansl'illusion du déplacement, donner l'immobilité dansun autre mouvement Le plan-séquence est le plande l'événement, un transformateur imperceptible Dn'est possible qu'à la condition d'une distance, orga-msatnce de forces On peut alors envisager que, dansla lenteur de cette camera en mouvement continu,cette juste distance soit a saisir au risque de perdrele reste, les autres distances

1 » Dans cette conden-

sation narrative par excellence qu'est le plan-

séquence on peut voir un geste démiurgique passantcertes par la maîtnse absolue maîs jamais par la sur-charge, ombre et lumière suffisant largement aucinéaste Au final, il est clair quel'adaptation devient avec Tarr enjeuesthétique plutôt que narratif, chaqueplan (séquence ou non), chaquescène contribuant à un édifice formelet une ambiance singulière invitantà la réflexion, davantage qu'ils n'ali-mentent un récit en événementsPour dire le déni de récit à l'oeuvredans ces deux adaptations littéraires,envisageons Les Harmonies Werck-meister  dans sa globalité Entre le

long plan-séquence inaugural oùValushka, jeune illuminé, met enscène une étrange danse en deman-dant à des piliers de bistrot de mimerles mouvements des astres autour dusoleil et celui où Eszter, musicologued'âge mûr et confident de Valushka,laisse ce dernier dans un asile, ques'est-il passé ? Le monde autourd'eux s'enfonce dans l'étrangeté (cette baleineempaillée exposée sur la place principale en seraitcomme l'allégorie) et le chaos (un inexpliqué climatd'insurrection mène par exemple au saccage d'unhôpital par la population) maîs tous les deux restent

fidèles à leurs idéaux, l'un, Valushka, à sa capacitéd'émerveillement et à son innocence devant unmonde en pleine déliquescence, l'autre, Eszter, à safascination pour les théones d'Andréas Werckmeis-ter, compositeur allemand du XVII

e siècle, qu'il

étudie C'est précisément de la conjugaison de cetenvironnement bouleversé et de cette stabilité desaspirations des personnages que Bêla Tarr tire l'on-gmalité de sa dramaturgie comme de son travaild'adaptation, l'un et l'autre traversant une histoiresans véritablement peser sur elle alors qu'ils sontau centre de chaque scèneLeffet d'ouverture ainsi produit par le film montrebien le type d'affranchissement narratif qui le régit,

la nouvelle dramaturgie qui en découle, reléguantl'événement au second plan, et ce, quand bien mêmele film, comme le suivant (L'Homme de Londres etson improbable disculpation du personnage alors

que celui de Simenon est condamné à cinq ans de

prison), repose sur l'adaptation d'un romanOn parle beaucoup, et à juste titre, de la conceptiondu temps dans les films de Tarr Lespace, commenous l'avons vu précédemment, ne doit cependantpas être négligé Les espaces urbains des deux films- espaces désolés tranchant avec les plaines desprécédents et du suivant, Le Cheval de Tunn (2010)- sont représentés par des atmosphères pesantes etmenaçantes Entre le chaos imprégnant les ruesdans Les Harmonies Werckmeister  et le climat desuspicion croissant au fur et à mesure de l'enquêtepolicière dans L'Homme de Londres, les personnagesprincipaux trouvent à s'isoler, à se retrancher dumonde dans des espaces confinés, d'abord dans des

bistrots où ils rejoignent d'autres marginaux, ensuitedans des endroits plus spécifiques à chacun Valu-shka rend ainsi régulièrement visite à ce musico-

,j||hiiL r

logue obstiné et obsédé par les harmoniesWerckmeister qu'est Eszter ou bien il visite, on l'adit, cette étrange baleine exposée sur la place cen-trale de la ville dans la remorque d'un camion Quantà Malorn dans L'Homme de Londres il se réfugie soit

dans la tour de contrôle depuis laquelle il aiguilleles trams sur le port de la ville (on sait que, sans lanommer, le film a été tourné à Bastia), soit à sondomicile, et plus particulièrement dans sa chambreoù il fuit les reproches de sa femme Les causescomme les éventuelles conséquences des actes deces deux personnages sont très différents maîs leurfuite du monde révèle une commune inadaptation àtout modèle de société Bêla Tarr ne propose d'ailleurspas de contrepoint pour appuyer leur marginalité enles insérant tous les deux dans des sociétés opaquesnon propices à l'harmonie •

ANTONY FIANT

I Connue Rondeau, « Le gns du monde » Tiaùc n°49 pnntemps2004, p 25

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Commen̂ ,.. ̂fonctionnent lesplans-séquences^dans LesHarmonies ?

Werckmeis V i d é o g ra mme e x t ra i t d up lan 10 des   H arm onie s 

W erckm e is ter .

Monades et systèmes Les Harmonies Werckmeister   est entièrementcomposé de plans-séquences Comme Bêla Tan neraccorde pas souvent entre eux par un geste ou parla continuité d'une action, le spectateur a l'impressionde contempler des blocs d'espace-temps ou de sen-sation ce sont des blocs intangibles, presqueétanches les uns aux autres, denses, qui paraissentrefermés sur eux-mêmes L'image immédiate quivient à l'esprit est celle de la monade1, qui existeindépendamment des autres monades maîs enlaquelle toutes les autres monades se reflètent Elleest seule, les contient toutes et toutes la contiennentCe n'est sans doute pas dans ce film que Tarr est

allé le plus lom dans ce sens dans Damnation

 (1988),le rapport narratif entre deux plans-séquences estbeaucoup plus lâche, au point de donner le senti-ment de pouvoir déplacer et réarranger beaucoupplus facilement chaque plan-séquence Dans Les

 Harmonies Werckmeister, Tarr trouve un équilibreentre l'importance formelle et la ligne narrative Pourautant, les plans-séquences fonctionnent toujourscomme un système Si leur usage est systématiqueet si le film lui-même met en avant la maîtrise ducinéaste, Tarr trouve étrangement une forme deliberté et de vanété Chaque plan-séquence est extrê-mement travaillé, chorégraphié À chaque fois cepen-dant, il prend en compte différemment l'espace,modifie la durée de chaque plan, adapte la caméra

I La monade est une substance de nature spirituelle simpleactive et indivisible dont le nombre est infini et dont les êtres sontcomposes (Larousse des noms communs)

au nombre de personnages présents dans le plan,règle ses mouvements en fonction des objets àmontrer La réaction du spectateur, contrairement àce qu'on aurait pu imaginer au premier abord, estprimordiale, et Tarr s'amuse à jouer avec ses attentes,prolongeant un mouvement de caméra ou la faisantvirevolter alors qu'on aurait cru le plan achevé Leplan-séquence renvoie aussi à lui-même, à cet objetqui n'existe que par le cinéma et pour un spectateurballotté, pensif, hypnotisé, parfois rétif, parfoiscontemplatif Les décadrages et surcadrages insis-tants, les regards prolongés, figés, émgmatiquesainsi que ces constructions dévorées par une mise enplace abstraite sont tous des mises en abyme oùTarr désigne et commente les images qu'ils fabri-quent , en même temps, ils lui permettent d'inven-ter une hypnose moderne et sophistiquée je penseà la valeur des profondeurs de champ, à la précisionminutieuse des zones de lumière, aux défilementsdivers qui renvoient aux défilements des images etqui servent à fixer le regard et à susciter la rêverieéveillée du spectateur La bande sonore devient unguide qui appelle le spectateur à venir s'enfouir ouse noyer dans ces matrices symboliques

InterprétationsCela donne lieu à des effets de fermeture et de com-pacité spectaculaires Chaque plan-séquence est à

la fois clos sur lui-même et libre, très ordonné etimprévisible II se cale sur le motif de la ligne droitemaîs peut aussi se développer selon des arabesquestrès élaborées C'est en effet un objet d'art, que lespectateur pourrait presque se projeter en boucle,déconnecté d'une ambition narrative, tant le for-

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malisme est poussé à bout Maîs c'est lom d'être

seulement cela On peut y voir une affirmation demaîtnse c'est l'aspect parfois kubnckien du film,C[ui oppose l'ordre donné au monde par le cinéasteau désordre et au chaos qui émergent de la fouleOn peut aussi rattacher cette esthétique du frag-ment (morceau de l'univers et univers absolu) à laphilosophie des romantiques allemands, qui recher-chent dans l'œuvre d'art à la fois un microcosme etun macrocosme II se donne à lire comme unedémarche expénmentale (un ensemble de vanationsgéométriques et chorégraphiques) qui permet des'opposer à un relevé naturaliste du monde (puisquele regard devient une expénence hypnose, épreuvede résistance quasi physique, ennui, fascination)

De là, il est facile de voir dans ce film une immer-sion mentale, maîs il ne s'agirait pas de s'immergerdans le cerveau ou la pensée d'un unique person-nage - au contraire, Tarr organise très fréquemmentdes décrochages de points de vue à l'intérieur duplan le spectateur se sent traversé alors par de nom-breux affects sans pouvoir toujours les distinguernettement Ce n'est pas étonnant dès lors de voirdans chaque plan-séquence une déclaration méta-physique, où la durée du plan renforce la désolationdu paysage, accentue cette position d'exilé les vil-lageois paraissent en-dehors de l'Histoire et inca-pables d'y faire face lorsqu'elle surgit étrangementsous la forme désabusée, maîs pas dérisoire, d'un

spectacle de foire C'est peut-être ici qu'il faut recher-cher l'origine de l'admiration de Gus Van Sant pourTarr, le fait qu'il le cite dans Gerry et certainement

r

aussi dans Elephant   ils approfondissent tous lesdeux une violente solitude existentielle et pour cela,ils utilisent à la fois le plan-séquence et le motif dela marche en suivant un personnage souvent de dos,en l'accompagnant faire sa traversée sensorielle dumonde Plus leurs personnages marchent, plus ilss'extraient de la collectivité sociale Lorsque Tarrfilme la foule en marche, ce n'est plus la marchequ'il filme, maîs un état de guerre, une invasion, lesprémices de la destruction

Mécanismes et organisations

La métaphore musicale n'est pas mutile pour appré-hender ces plans-séquences souvent, elles peuventressembler à des symphonies visuelles, tant ellesfrappent par leur ampleur, leur effet de masse, le

rythme qui leur donne forme, le passage d'un

élément à un ensemble global Ils peuvent se décom-poser en plusieurs mouvements, qui correspondentaussi aux mouvements de la caméra travellingarnère - plan fixe - travelling avant C'est une façonpour Tarr de s'appuyer sur l'ordre musical qui jux-tapose des moments allegro à des phases andante ou piano Ces effets de symétrie et d'équilibre se retrou-vent dans l'alternance d'espaces totalement sombresà d'autres, violemment éclairés, ou dans la distanceentre la caméra et le personnage, parfois très proche,parfois, quèlques secondes plus tard, beaucoup plusà distance Dans cette construction, Tarr place unpoint de rebroussement ou un point d'inflexion,intégré au plan lui-même (qui lui permet de s'af-

franchir des raccords attendus - entre deux regardsou entre le champ et le contrechamp) II ordonnetout en décentrant À l'intérieur du plan, Tarr faitcohabiter des rythmes différents ainsi que des effetsde rimes et de reprises qui donnent au plan unegrande consistance À la fin du plan, il prolongemême plus qu'il n'est attendu le plan, le redémarreou le complexifie pour rendre la construction de l'en-semble moins homogène, moins clairement ternaireet installer un peu de déséquilibre Tantôt, c'est lacaméra qui est le centre du plan (panoramique cir-culaire) , tantôt, c'est elle qui se perd dans l'espaceextérieur (par des effets de décalages latéraux oudes travellings circulaires)

Cette architecture ne cherche pas qu'à créer uneforme de beauté uniquement formelle C'est tou- jours un rapport à l'Homme qui guide ses construc-tions cinématographiques Les mouvements de grueservent alors, avec beaucoup de virtuosité, moins àfixer les personnages ou les silhouettes dans unpaysage morne et à l'horizon plombé qu'à réussir àpasser d'un regard à l'autre, à rendre compte d'une ffe t de masse très compact et en même temps, dansle même plan, à s'attacher à la singularité d'unhomme anonyme II passe dès lors d'une ombre àl'incarnation de la révolte, d'une violence sans visageà un visage pris par le désespoir et la solitude Leregard de la baleine correspond alors à un moment-clé par sa récurrence dans le film, par sa positioncentrale au sem du plan-séquence où il apparaît IIest un climax formel comme l'affi rma tion d'unemélancolie insondable face à une société sans chairni fonds C'est un instant mystérieux que l'interpré-tation allégonque n'épuise pas C'est aussi cet instantoù le monde paraît avoir un sens, même fragile oupessimiste, maîs qui est aussitôt emporté par le fluxde la caméra qui est incapable de s'arrêter long-temps sur un objet À ce titre, il n'est pas plus impor-tant que la demi-brume opaque et fade qui noie lafin du plan-séquence •

JEAN-MARIE SAMOCKI

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Les Cahiers du CinémaCe cinéma, qui tient d'une sorte de naturalisme fan-tastique pns dans l'étau d'une rigueur kubnckienne,couve littéralement ses personnages, donnant à voirle monde non à travers les yeux d'un démiurge omni-scient, maîs dans celui, bouleversant, d'un simplebohémien contemplateur de la chute des astresVincent Malausa

L'Humanité

C'est assez dire qu'on n'est ni dans un film réalistern dans une de ces oeuvres où l'allégorie est si évi-dente qu'elle « mange » le sens, maîs dans cet entre-deux des dissonances où s'écnt un film Et dire aussiqu'on n'en verra sans doute pas de si tôt un autrede cette force, où se déploie avec une telle ampleurla jubilation « d'écrire en cinéma »Émile Breton

Les InrockuptiblesLa plupart des cinéastes occidentaux sont descinéastes de situation Ils font du théâtre Tarr, lui,prélève un élément dans un espace donné et l'exa-cerbe, parfois en y adjoignant un son perturbateur lecliquetis qui accompagne le travelling avant sur unepostière qui déblatère tout au fond de l'image Oubien on se focalise sur un événement l'interminableremorque de la baleine qui défile en faisant un raffutinfernal Pas de tours de passe-passe narratifs, justede l'insistance, des accents, dont certains grotesquesVoir le gros plan du baiser obscène et gouluqu'échangent la cuisinière et le réceptionniste del'hôtel Bêla Tarr déforme, exagère, appuie C'est un« transfigurateur » de réalité MagnifiqueVincent Ostna

LibérationÀ son contexte épouvantablement pessimiste, BêlaTarr ne cesse pourtant de donner une très impres-sionnante hauteur la majesté du noir et blanc, lanoblesse des visages défaits, la rigueur presque inti-midante de la mise en scène confèrent à ces  Har-monies une drôle de texture, à la fois fellimenne etnihiliste La séquence d'ouverture reste inoubliable

un long ballet d'ivrognes célestes recomposant deleurs corps notre système solaireOlivier Séguret

Le MondeLes Harmonies Werckmeister   en impose par sabeauté, et aussitôt fait place à chacun, pour habitercet espace paradoxal, puisque à la fois tragique etcomplexe La raison en est très simplement donnéedans la scène d'ouverture, ballet guilleret et pro-

gramme philosophique indépassable Au bistrot,sous l'influence inspirée du poète, les hommes sont- littéralement - l'univers À eux revient d'en danserles éclipses - et le rayonnementJean-Michel Prodon

Studio MagazineÀ l'heure où le montage des films est de plus en plusdynamique, la mise en scène composée de longsplans-séquences du Hongrois Bêla Tarr fait figured'ovni cinématographique Dans Les HarmoniesWerckmeister,  d'après La Mélancolie de la résis-tance, de Laszlo Kranahorkai, la caméra épouse, eneffet, les mouvements de l'objet filmé (un person-nage, une foule ?), avec fluidité Un parti pris quis'accorde parfaitement avec cette histoire mysté-rieuse aux allures de conte cruelThomas Baurez

TéléramaCes Harmonies Werckmeister, chargées parfois desymboles un peu démonstratifs, n'atteignent pas lasplendeur décadente du Tango de Satan On admiremoins Bêla Tarr en conteur allégorique qu'en poètematénaliste, ce qu'il est dès qu'il délaisse la logiquedu récit pour s'arrêter devant un paysage, unemaison délabrée ou le visage hagard d'un errantTout peut alors devenir un motif de pure contem-plation On ne sait ce qui restera après que leshommes se seront entretués Maîs Bêla Tarr auraété là pour saisir ce lent moment de basculementen offrant dans le même temps, à travers ses imagesde recueillement profane, un peu de paixJacques Monce

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De la fiction sociale à la tragédiemétaphysiqueG est en amateur que Bêla Tan a fait son entree dansle cinema Apres un premier tournage qui inter-rompu par la police lui valut de se voir interdireI acces a I universite il réalise en 1977 son premierlong metrage Produit dans le giron du Bêla BalazsStudio et fidèle aux principes de I ecole de Buda-pest Le Nid familial est élabore a partir d etudes deterrain sur les problèmes de logement et tourne encamera a I epaule et son direct avec des acteursnon professionnels qui improvisent a partir de situa-tions simplement esquisséesApres ce premier long metrage Tarr va cesser les

emplois alimentaires d ouvrier ou de portier pourintégrer I Ecole de Cinema et de Theâtre de Budapestdont il sortira diplôme en 1981 La dimension socialesert de toile de fond dans LOutsider  (1980) et Rap-

 ports préfabriqués  (1982) récits faits de longuesséquences trouées d ellipses sur des personnagesqui ne trouvent pas leur place au sem du couple dela famille ou de la societeCe n est qu au début des annees 2000 que les filmsde Bêla Tair ont ete distribues en France et e est arebours que les oeuvres nous sont arrivées deHongrie présentant les heros mutiques de fm decarnere avant les personnages volubiles du début Onne peut donc qu être surpris par I omniprésence de

la parole dans I oeuvre des annees 80 Dans leurscadres tres serres les personnages n ont d autreéchappatoire que les mots muée en monologue parI absence systématique de contrechamp Etouffespar la promiscuité les personnages ne cessent des enjoindre a quitter la piece jusqu a I expulsion du

vieil homme de Hotel Magnezit   (1978) rejeté par sesvoisins de foyer On comprend que les personnagesdes films plus tardifs ne deviennent avares d uneparole utilisée comme arme de defenseDeux virages majeurs s opèrent avec Macbeth (1982)et Almanach d Automne  (1984) les non profes-sionnels font place a des comédiens de theâtre et ledrame social glisse vers la tragédie métaphysiqueLom d être une simple captation  Macbeth  réalisepour la television met en scene en deux plansséquence la piece de Shakespeare dans un decorunique sous sol fait de galènes sinueuses Jouant surI architecture de ce dédale Bêla Tarr ouvre la voie auxdispositifs de plans et mouvements de camerasfuturs Si les plans du manege dans Nid familial ou

bien le travelling embarque final de Rapports pré- fabriqués  témoignaient déjà de cette pensée du plancomme cellule autonome ils intervenaient encorecomme de petits interludes

Dramaturgie de l'espaceRompant avec la breve incursion dans la couleurdes films précédents et la tradition tres documentaire du son direct Damnation (1988) marque unenouvelle etape dans I oeuvre et constitue un doubletournant e est le premier film produit apres ladémantèlement par le regime hongrois des studiosTarsulas fondes en 1980 par des cinéastes unis par

une même « haine du langage du cinema officiel etdu systeme » Esthétiquement il dénote d unnouveau rapport au decor apres les inteneurs corrfines place aux terrains vagues Si I espace défini parle mouvement de camera devient prédominant apartir de ce ulm la il ne faut pas oublier néanmoins

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que tous les motifs des films suivants étaient déjàprésents dans la première période Les scènes debanquet ou de beuverie, de musique et de danse,appartiennent à chaque film, même si elles bascu-lent progressivement dans la monotonie ambiante

L'esprit d'équipe« Un film, ce n'est pas un roman-photo Pour moi, lebout d'un mur, lapluie, ce sont des informations qui

 font partie d'une grande histoire dont l'histoire deshommes n'est qu 'une partie Dans mes premiers

 films, je pensais que les bens du couple suffisaient  pour penser le monde J'ai changé, je suis devenu plus sensible à la notion du temps  », confie le

cinéaste Imprégné de cette volonté d'insuffler aucinéma le rythme de la vie, Sâtântangô a nécessitéHO jours de tournage (contre quatre pour le Nid 

 familial)  La méthode de travail, avec une longuemise en place des plans, se consolide d'autant mieuxque chaque nouveau tournage convoque les mêmescollaborateurs Lobservation de l'incohérence desdéplacements humains, jusque là cantonnée aux

 jeux (football, patins à roulettes, ou un intéressant jeu de balle sur chaises de bureau dans Rapports préfabriqués) donne dorénavant un sens pascalienau divertissementMême si Les Harmonies Werckmeister  a « usé » pasmoins de sept chefs-opérateurs, la fidélité est demise dans l'entourage de Bêla Tarr Lécnvam LâzslôKrasznahorkai comme scénariste, Agnès Hramtzky,sa femme, monteuse, et coréalisatnce, le composi-teur Mihâli Vig, les comédiens, aussi, professionnelsou non, construisent ensemble une oeuvre, danslaquelle chaque film s'insère comme une nouvellefacette Cette conception de l'équipe de tournagecomme une troupe de forains se confirme au fil desannées, au point que l'ultime Cheval de Tunn (2011)soit signé d'une seule voix

Le système du planUn postier, joué par un musicien de rock, faisantincarner le système solaire à des piliers de comptoir

interprétés par des SDF de Budapest l'ouverturemagistrale des Harmonies Werckmeister  a tout dumanifeste esthétique Si le plan est pensé pour s'in-tégrer dans l'économie générale de la narration, ilfonctionne aussi bien comme une entité autonome,et pourrait aussi se concevoir comme un courtmétrage indépendant1  Si l'on y ajoute une baleinegéante, un prince invisible, un musicologue à laretraite et Hannah Schygulla, on conçoit bien le désirde « faire monde » à travers une sélection hétéro-gène de personnages et d'acteurs Lambition estdouble représenter des personnages de la marge,désocialisés, esseulés, étrangers au monde, maîsaussi figurer l'Homme comme un être marginal à

l'échelle d'un univers bien plus vaste que lui« Je ne réalise pas un scénario, je ne cherche pasd'acteur Je veux parler de la vie, de personnages  »Totalement détaché du système des auditions, BêlaTarr demande à ceux qu'il fait jouer de se montrer

« amis avec le ulm et d'incarner les personnages au

sens fort  », prêtant leur physique et leur façon d'être,leur personnalité  K Ne jouez pas, contentez-vousd'être D'être là » leur souffle-t-il« Le temps, le décor sont aussi des personnages »,revendique Bêla Tarr Ce qui peut avoir tendance àsingulièrement compliquer un tournage Trouverdans le port de Bastia le bon « personnage » de

 LHomme de Londres (2007) fut assez ardu, maîslutter contre les imprévus devint catastrophiqueDédié à Humbert Balsan, son producteur disparupendant le tournage, le film fit face à une longueinterruption suite aux importants dépassements debudget nécessités par le démontage des échafau-dages couvrant la façade de la cathédrale corse

Suivant Maloin, le gardien de phare, pendant vingt-quatre heures où sa vie simple bascule dans la ten-tation, L'Homme de Londres oseille sans arrêt entrepoint de vue rapproché, et prise de champ Les gestesdu quotidien contre la liberté de faire le mal, lesplans larges à l'échelle du phare face au « petit pande mur » de la cabane en bois

Devenir animalFidèle au refus d'un cinéma anthropocentré, LeCheval de lunn (2011) l'est aussi, qui dépeint le quo-tidien d'un homme et de sa fille, perdus dans unenature hostile, isolés de la société, et vivant comme

des bêtes dans une dépendance absolue à leurcheval Ce rapport de lutte avec l'animal fait resur-gir deux souvenirs glaçants Enka Bok, la petiteEstrke de Sâtântangô, qui se bagarrait avec son chat,et Karrer (Damnation), à quatre pattes dans une pluiebattante, aboyant sur un chien Bêla Tarr mettaitdéjà en scène ce que Gilles Deleuze qualifierait de« rapport animal à l'animal », maîs, au-delà, souli-gnait un lien d'identité entre Homme et AnimalDans un même jeu de miroir, la fille habille et désha-bille le père comme elle installe et ôte le harnais aucheval Le principe de révolution qui fait se succéderles journées mornes, consacrées aux tâches néces-saires à la survie, l'attention portée aux gestes et à

leur répétition enivrante nous rappellent que nousdevons à Bêla Tarr non seulement drx longs métrageset quèlques courts magistraux, maîs aussi l'impactqu'ils ont produit sur Gus Van Sant, son illustre« groupie » qui écnt « Les oeuvres de Bêla ont unedémarche organique et contemplative ( ) Elles sont tellement plus proches des vrais rythmes de la nequ'il nous semble assister à la naissance d'unnouveau cinéma Bêla Tarr est l'un des cinéastesréellement visionnaires  »

2

RAPHAELLE PIREYRE

1 C'est d ailleurs le cas de Prologue  qui ouvre le film collectif 

Visions of Europe  (2004) travelling sur la file d attente mterminable qui mené a la soupe populaire et reaffirme I ambition socialede Bêla Tarr, dans le sujet maîs aussi dans le recrutement de sans-abns pour jouer cette séquence2 Gus Van Sant « La camera est une machine » Trafic n°50, p

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Bêla Tari a annonce que Le Cheval de Turin

sera son ultime réalisation II ne faut pas voirlà une coquetterie ou un simple effet d'an-

nonce, maîs sans aucun doute une décision profon-dément mûrie et réfléchie, surtout après l'épreuvequ'a représenté pour le cinéaste la réalisation de sonfilm précédent (L'Homme de Londres), expériencerendue catastrophique par le suicide de son pro-ducteur, Humbert Balsan Plus qu'un « testamentartistique », Le Cheval de Turin se présente doncavant tout comme une somme et comme une conclu-sion, une manière d'achèvement dans tous les sensdu terme Cet achèvement se traduit par une expé-rience cinématographique d 'une force proprementhallucinante, comme si, au moment de clore sonœuvre, Bêla Tarr avait opéré une fo rme de conden-sation et de cristallisation de tout son travail passé,réduit et précipité en une œuvre uniqueLe synopsis proposé par le cinéaste tient en troisphrases « A Turin, en 1889, Nietzsche enlaça uncheval d'attelage épuisé puis perdit la raisonQuelque part dans la campagne, un fermier, sa fille,une charrette et le vieux cheval Dehors le vent selève » Pour sibyllin qu'il soit, ce bref résumé donneune des clés du film, repnse d'ailleurs par la voix off ,qui de temps à autre relaie la narration le cheval quiapparaît dans le film est bien celui de la célèbreanecdote, connue de tous les admirateurs du philo-sophe Bêla Tarr ne la rappelle que pour en prendrele contrepied philosophique À l'inverse de la penséenietzschéenne, il pose une question basique qu'est-il arrivé au cheval?

La réponse, si on peut la nommer ainsi, est délivréedans ce fulgurant film métaphonque Lors du premier

plan-séquence, qui constitue l'ouverture du film, lacharrette menée par le vieux fermier et le chevalavance dans la campagne Lhom me regagne saferme Sa fille l'aide à dételer l'animal et à se soignerlui-même, car il a un bras mort Tout est montré entemps réel, avec des plans-séquences chorégraphiésà l'extrême, selon le procédé d'énonciation récur-rent de Tarr On ne sortira plus jamais de cettemasure misérable, dans laquelle on mange dans uneécuelle des pommes de terre bouillies, sans couvert,rien qu'avec les doigts Presque aucun dialogue Levent qui se déchaîne et qui emplit la piste sonoreDes plans d'une duree interminable À partir dumoment de ce retour et de cet enfermement, BêlaTarr filme une chronique de la « dé-création », de

l'anéantissement progressif Le film est découpe ensrx jours, chacun annonce par un carton À chaque

 jour, l'univers se rétrécit Le cheval ne veut plus partirtravailler Puis il ne s'alimente plus Le puits ne donneplus d'eau Progressivement, les six jours, qui cor-respondent bien évidemment, sous une forme inver-sée, aux srx jours de la Création selon la Genèse,conduisent à une manière d'extinction progressiveet inéluctableBêla Tarr parvient sans doute avec ce film à l'es-sence même de son cinéma Tout y est réduit à uneform e minimale une intrigue scénanstique prati-quement absente, un décor unique, trois person-nages (dont le cheval) et, par deux fois, des visiteursII y déploie également son art paradoxal, fait de l'al-liance entre le réalisme et la matérialité la plusrugueuse qui soit (on ressent physiquement le vent,le poids des tissus, la chaleur des patates), et d'autrepart une forme de fantastique métaphonque tou-

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 jours renouvelé, et d'autant plus sidérant qu'il nes'appuie sur aucune explication C'est ainsi que l'onne sait pas pourquoi le père et la fille, tentant de fuirleur maison, sont finalement ramenés à leur pointde départ Les forces élémentaires, comme le vent,ou la lumière (qui finit, littéralement, par disparaître)participent ainsi aux deux régimes réalisme et fan-tastiqueDans le même temps, le langage cinématographiquebien particulier de Bêla Tarr, si célèbre que l'on peutreconnaître immédiatement l'un de ses plans, semet lui-même à subir des modifications Les plans-séquences en mouvement, à la chorégraphie com-plexe, de la première partie du film, font

progressivement place à des plans tout aussi longs,maîs dont la fixité s'accentue de plus en plus, signi-fiant ainsi, de manière purement cinématographique,le retrait graduel de la force vitaleC'est ainsi une forme d'apocalypse lente que BêlaTarr filme et traduit en plans d'une force immense,rappelant à chaque plan le potentiel de puissance ducinéma II est difficile de déterminer si c'est l'uni-vers qui s'écroule et que la ferme est le seul lieuencore debout, ou au contraire si c'est cet universinfime qui dépérit et meurt à la suite de l'épuise-ment du cheval, Tarr, reprenant de manière voilée lesclassiques correspondances entre macrocosme etmicrocosme, semble indiquer qu'il s'agit au final de

la même chose Maîs chez lui, cette apocalypse prendune forme lente, presque tranquille, en même tempsqu'elle traduit une angoisse profonde et universelleLa sidération hypnoide provoquée par le film tient

d'ailleurs sans doute autant à la densité des images,à la nchesse du son, et à son art de la dilatation tem-porelle, qu'à cette projection du spectateur vers desarchétypes universels Au sens propre, Tarr nousramène vers des situations élémentaires, et faitrejaillir une douleur portée par l'ensemble de l'hu-manité la conscience de la mortalité, la dureté del'incarnation dans un univers matériel, l'mexorabi-lité des cycles naturels En même temps que la find'un cycle vital, Tarr, et c'est encore plus boulever-sant, filme également la fm de son cinéma, signi-fi ant la corrélat ion entre l'art et la vie Lesmouvements de caméra disparaissent, puis finale-ment la lumière elle-même Tout finit par s'éteindre

C'est, tout simplement, la Fin •LAURENT AKNIN

LE CHEVAL DE TURIN

 Le Cheva l de Tunn (A Tonnô i Lô )  France-Smsse-Hongne-Allemagne Réal Bêla TarrScén Bêla Tarr et LaszloKrasznahorkai Phot FredKelemen Mus MihalyVigDéc Sândor Lâllay ProdVega Films Productions, TT

Filmmûhely, Zero Fiction FilmDist France Sophie Dulac Distnbution AvecEnka Bok, Mihâly Kormos, Janos Derzsi Durée2h26 Sortie France 30 novembre 2011

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Filmographie dèBêla TarrBêla Tarr est né le  21  juillet 1955 àPées (Hongrie).

1978 Hôtel Magnezit (Court-métrage)Durée lû mn

1979  Le Nid familial  (Csalâdi tuzfészek)Avec Laszlone Horvath, Gabor Kun, Jânosné Sze-keres, Irén Râcz

1981  L'Outsider  (Szabadgyalog)Avec Andréa Szabô, Jolan Fodor, Imre Donko, IstvanBolla, Ferenc Jânossy

1982 Macbeth (Téléfilm)

Avec Gyorgy Cserhalmi, Erzsébet Kûtvolgyi, FerencBencze, Imre Csuja, Jânos Derzsi

1982  Rapports préfabriqués (Panelkapcsolat)Avec Judit Pogâny, Robert Koltai, Kyn Ambrus, Jânos

Fàbiân

1984  Almanach d'automne (Oszi almanach)Avec  Hédi Temessy, Enka Bodnâr, Miklôs SzékelyB , Pel Hetényï, Jânos Derzsi

1988  Damnation  (Kârhozat)Avec Gabor Balogh, Jânos Balogh, Péter BreznyikBerg, Imre Chmelik, Gyorgy Cserhalmi

1990  The Last Boal (Az Utolsô hap)(Court-métrage) Avec Miklôs Székely B , MichaelMehlmann, Lâszlô Gâlffi, Lâszlô Kistamâs

1990  City Life  (Documentaire)Réalise la partie consacrée à Budapest dans ce filmcomposé de 12 court-métrages signés par réalisa-teurs différents

1994  Le Tango de Satan (Sa tan tango)Avec Mihâly Vig, Putyi Horvath, Lâszlô feLugossy,Éva Almâssy Albert, Jânos Derzsi

1995  Voyage sur la plaine hongroise (Utazés az Al fo ldon )(Court-métrage) Avec Mihâly Vig

2000  Les Harmonies Werckmeister (Werck-

meister harmômàk)Voir générique complet dans ce numéro

2004  PrologueSketch du film Visions of Europe,  composé de 24court-métragesCo-réalisé avec Agnes Hramtzky Avec KrysztmaTomka, Zoltan Agost, JuditAndrési, Akos Eged, AttilaGal, Sandor Kertész, Miklôs Szigo, Melinda Szakai

2007  L'Homme dè Londres (A London!  férti)

Co-réalisé avec Agnes Hramtzky Avec MiroslavKrobot, Tilda Swinton, Agi Szirtes, Jânos Derzsi,Enka Bôk

2011 Le Cheval de Turin (A Tonnôi 16)Co-réalisé avec Agnes Hramtzky Avec Jânos Derzsi,Enka Bôk, Mihàly Kormos, Ricsi •

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Bien que la Hongrie se trouve aucœur de l'Europe, son histoire et saculture lui ont toujours donné uneposition particulière par rapport auxautres pays du continent. Ceci estparticulièrement vrai dans ledomaine du cinéma. Pour beaucoup,le cinéma hongrois diffère assez peudes cinématographies des autrespays de l'ex-bloc communiste. U y aen réalité davantage de différencesque de points communs entre celui-

ci et celles-là.

Depuis le début du XXe siècle, la Hongrie estun foyer majeur sur la carte du cinémamondial On a souvent plaisanté en disant

que pour réussir à Hollywood, il fallait être hongroisl'homme derrière la Twentieth Century Fox senommait Wilhelm Fuchs et il était né à Tblcsva, Para-mount a été fondé par Adolph Zukor (sa phrase estrestée célèbre  «   II ne  s u f f i t   p as  d'être hongrois  ») ,Michael Curtiz est né Manô Kertész Kammer, BêlaFerenc Dezso Blasko est devenu Bêla Lugosi Sansmême parler de la contribution de la famille Kordaau cinéma bntannique La tradition se poursuit mêmeaprès la terreur stalinienne en 1956 le producteurAndrew G Vajna  (Nixon, Total Recall, Angel Heart),le réalisateur et producteur Peter Medak (Dieu et mondroit, LÂge de vivre) et le scénariste Joe Eszterhas(Flashdance, Basic Instinct), né Jôzsef Eszterhas, ont

tous fait une carnère impressionnante aux États-Unisaprès avoir fui le régime totalitaire hongrois Aujour-d'hui le réalisateur Nimrôd Antal travaille aussi bienen Hongrie  (Kontroll,  2003) gu'à Hollywood  (Motel,2007, Blindés, 2009, Predator, 2010)Maîs l'histoire du cinéma hongrois ne se résume évi-demment pas à celle de ces célèbres émigrantsAprès la nationalisation du cinéma, en 1948, et sonorganisation en monopole (Compagnie de Cinéma-tographie Nationale Hongroise), les premiers filmsfurent réalisés selon les canons stricts du réalismesocialiste Maîs cela ne dura pas très longtempstrès vite il fut possible de repérer l'influence du néo-réalisme et des signes de critique sociale voilée Laréponse sanglante au soulèvement de 1956 ne

déboucha pas sur une répression équivalente dansle champ artistique Le début des années 60 voit aucontraire la naissance d'une Nouvelle vague hon-groise, illustrée par quèlques grands noms tels queMiklos Jancsô et Istvân Szabô « Réaliser des films est devenu le prototype de lactivité politique en Hongnecar la censure a été moins sévère que pour d'autres

 formes cultu relle s ( ) Le réal isa teur pouvait se consi-dérer comme un important agent de libertés poli-tiques dans un sens, puisque beaucoup de cinéastesavaient un contact direct avec les hauts dirigeants

 politiques, qui leur ont permis de fonctionnel commeun groupe depression intellectuelle i)1

I  The BF! Companion to Eastern European and Russian Cinema,Richard Taylor Nancy Wood, Julien Giaffy Dina loidanova BFIPublishing, 2000

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Aujourd'hui, l'industne cinématographique hongroise

a plus prouvé sa capacité à survivre et s'adapter queses voisins d'Europe de l'Est À partir des années 90,le documentaire et l'industrie pornographique s'épa-nouissent, alors qu'une cnse financière bat son pleinet débouche sur une baisse de la production ciné-matographique Maîs le cinéma est soutenu par unepolitique gouvernementale active un pourcentagesur la vente des tickets est prélevé par l'État, l'argentétant ensuite redistribué au bénéfice de l'industriecinématographique Et pendant ses presque vingtans d'existence (1992-2011), le Magyar Filmunio afait en sorte que les films hongrois soient produits,promus et distnbués à un niveau internationalContrairement à d'autres pays ex-communistes, la

Hongrie n'a pas complètement fermé son réseau decinémas Art et essai ni ses ciné-clubs, m pnvatisé sesplus importants studios de cinéma, tel le Bêla BalâzsStudio À son zénith il y a quèlques années, laSemaine du film hongrois à Budapest présentait plusde trente longs métrages dans des genres différents,permettant à l'industrie locale de se maintenir, offrantun cadre séduisant aux productions étrangèresComme l'indique le site Internet FilmNewEurope,« La Hongrie est devenue l'une des plaques tour-nan tes de l'Europe pour la coproduction rn lema tio-nale ces six dernières années, suite a l'adoption delois importantes qui mettent en place un systèmede crédit d'impôt permettant aux producteurs derécupérer 25% du coût de la production »2

Ainsi la Hongne, traditionnellement connue commedrapée dans sa propre histoire et pour ses films socio-philosophiques, s'ouvre maintenant à des copro-ductions, avec de bons résultats dans les festivalsParmi les exemples les plus récents  Adnenn Pald'Agnes Kocsis (Hongne-France-Autnche-Pays-Bas),Le  Cheval de Turin  de Bêla Tarr (Hongrie-France-Allemagne-Suisse-États-Unis),  Womb de BenedekFliegauf (Allemagne-Hongne-France) ou Retrace parJudit Elek (Hongrie-Roumanie-Suède) Sans oublierquèlques coproductions géographiquement aty-piques, comme The Maiden Danced to Death,  deEndre Hules (Hongne-Canada-Slovéme) ou Istanbul,de Ferenc Torok (Hongne-Pays-Bas-Irlande-Turqme)

II arnve même que certains cinéastes étrangers soientséduits par l'âme hongroise  Katalm Varga (2009),réalisé par l'Anglais Peter Stnckland, est imprégnéde ce qui fait la spécificité hongroise, tant sur le plangéographique que sur celui des thèmes retenus

II est intéressant de voir ce qui arrive aux auteursdans cet environnement très créatif Contrairementà des pays comme la Russie, où le financement publicinsuffisant conduit souvent à des conflits entre dif-férentes générations de cinéastes, les Hongrois onttoujours travaillé en harmonie Miklôs Jancsô conti-nue de tourner ses films histonques, et de travaillersur la question de l'identité nationale La générationde Bêla Tarr n'a pas renoncé aux expérimentations for-melles et autres allégories philosophiques, et de

 jeunes cinéastes trouvent leur identité en faisant lelien entre cinéma de genre et auteunsme S'il y a

conflit générationnel, il est plus symbolique Bêla

Tarr est ainsi apparu dans les années 70 comme unenfant terrible, alors que Miklôs Jancsô et IstvânSzabô étaient à leur apogée De la même façon les

 jeunes artistes d'aujourd'hui essaient de se différen-cier des pratiques établies par la génération précé-dente N'oublions pas que Bêla Tarr a tourné sonpremier long métrage Nid familial à l'âge de 22 ans,avant même d'être accepté comme étudiant à l'Aca-démie de cinéma, puis a réalisé des films au styleconstamment changeant Chacun d'eux est devenuinstantanément culte Tarr a ensuite persisté dansl'expérimentation, acquérant une sorte de statut derock star (non seulement en Hongrie maîs aussi enOccident) Les interviews qu'il a accordées lors de

la promotion internationale de son Cheval de Tunnsont dignes de celles d'une idole de la scène musicaleLidée d'un réalisateur pour qui tout est permis (sujetartistique comme vie privée) a longtemps existé enEurope de l'Est Maîs les jeunes cinéastes de Rou-manie, de Pologne ou de Serbie préfèrent se concen-trer sur des sujets de la vie quotidienne, moinsgourmands sur le plan du budget, tout en conser-vant de bonnes perspectives de distribution Lecinéma hongrois, qui a toujours défendu l'autoré-flexion, a été largement libéré de la nécessité de sepencher sur les questions d'actualité Les jeunes réa-lisateurs hongrois d'aujourd'hui ne pratiquent pasl'autocensure, rn ne se courbent sous les fourchescaudmes de la tradition Les registres politique ethistorique ont été trop longtemps visités les jeunescinéastes préfèrent jouer avec des notions moinsabstraites comme les tabous familiaux ou sociétauxou encore jongler avec les genres

Parmi les auteurs contemporains de premier plan,Kornél Mundruczô, dont Johanna (2005), Delta (2008)et Tender Son The Rankenstem Project  (2010) pour-raient être considérés comme une réflexion sur lesfrontières de la moralité Ou Gyorgy Palfi, dont lestrois longs métrages ne pouvaient pas être plus dif-férents  Hic - de crimes en crimes (2002) est unecomédie policière, Taxidermie (2006) un mix entrela parodie de drame familial et l'horreur viscérale, et

 I Am Not YourFhend  (2009) comprend des séquencesdocumentaires dans un école maternelleAu vu des coupes budgétaires récentes, le gouver-nement hongrois a tendance à souscrire à l'opiniondu journaliste Tibor Fischer « Quand je pense aux

 films hongrois, je pense au désespoir et à la désola-tion, et qui plus est, à un désespoir et une désola-tion d'une durée indéfendable  »3  Maîs en 1952,Georges Sadoul soulignait déjà, dans son livre « Pano-rama du cinéma hongrois 1896-1953 »4, les atoutset les faiblesses du cinéma hongrois Celui-ci n'apas fmi de faire parler de lui •

Y O A N A P A V L O V A

2 http //www filmneweurope corn/news/hungary/fne-visegrad-2010-coproductioris-in hungary3 Tibor Fischer The Guardian samedi 7 Octobre 20064 Editeurs Français Reums

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7/23/2019 Entretien Avec Béla Tarr - l'Avant Scene Cinema

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45 QUAI DES GRANDS AUGUSTINS75006 PARIS - 01 47 70 30 20

DEC 11Mensuel

Surface approx. (cm²) : 9571

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SORBONNE23682660300507/GDF/OTO/2

Eléments de recherche : PUPS ou Presses de l'Université de Paris Sorbonne : toutes citations

Arte France cinéma

Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF)RaiTreStudio BabelsbergMagyar TelevizioEunmages (Fonds du Conseil de I Europe)présentent

WERCKMEISTERHARMÔNIÂK

Lars Ru dolp h Peter Fitz Han na Schygu ïla

Regia di Tarr Bêla

Dal tacoon to "The Mela ncho ly of Resistence" di Lâs/lô Kras /nah oi kaiKotogiifîa: Mihlos Gurbân, Envin I.an/cnsbcrgcr, Gabor Medvigy,

Emil Novâk, Rob Tregen/a, Patrick dc Kanter.Musica: Mi hâ ly Vig. Montaggio: Agnes Hr anit/ky. Suuno: Gyorgy Kovacs

Sccnografia: Sândor Katona, Gyula Pa\ cr. Bêla Zsolt Tolh

Coess Film (Bu dapest) ^ 13 Production (Marsiglia),Von Victin^hofl Filniproduktion (Berlin)

LES HARMONIESWERCKMEISTER( Werckmeister harmômâk)

Un   film  de Bêla Tarr,  co-réalisé par Agnes Hranitzky

Scénario de  Bêla Tarr et Lâszlô Krasznahorkai,d'après son roman La Mélancolie de la résistanceDialogues additionnels de Péter Dobai, Gyuri Dosa Kiss et Gyôrgy Fehér

Durée  2hl9

Format  1.66 :1, 35 mm, noir et blanc, Stéréo

Tourné entre  1997  et  2000Sortie France  13 février 2003

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LISTE ARTISTIQUE

Jânos ValuskaLars Rudolph(voix hongroiseTamâs Bolba)

Gyun EszterPeter Fitz(voix hongroisePéter Haumann)

Tunde EszterHanna Schygulla(voix hongroiseMarianna Moôr)

Lajos Harrer Madame HarrerAlfréd Jàrai Irén Szajki

Ehomme au longmanteauJânos Derzsi

Lhomme aubonnet de mannTamâsWichmann

Lhomme auxbottes de cow-boyDjoko Rosic

Le directeur ducirqueFerenc Kâllai

Lhomme à toutfaire

Mihàly Kormos

Et avec

Le capitainePéter Dobai

Le réceptionnistePutyi Horvâth

Monsieur HagelmayerGyula Pauer

Lhomme au chapeau de fourrureMâtyâs Dràfi

Tante PinÉva Almâssy Albert

Monsieur ArgyelânAndrâs Fekete

Le PrinceSandor Bese

Monsieur VolentLajos Dobak

Monsieur NadabânGyôrgy Sarko

Monsieur MâdaiBélaMàriàss

LISTE TECHNIQUE

ProducteurFranz Coess, Paul Saadoun,Miklos Szita, Joachim VonVietinghoff, Bêla Tarr

MusiqueMihàly Vig

PhotographiePatrick de Kanter, MiklosGurbân, ErwinLanzensberger, Gabor

Medvigy, Emil Novâk, RobTregenza

Opérateur SteadicamJôrg Widmer

Assistants réalisateurJeroen Frantzen, SebestyénKodolânyi, Roland Vranik,Csaba Bagossy

MontageAgnes Hranitzky

SonCsaba Erës, Lâszlô Gyôrffy,Gabor Erdélyi BrigittaKajdâcsi, Gyôrgy Kovacs

DécorsSandor Katona, ZsuzsaMihalek Bêla Zsolt Tôth

CostumesJânos Breckl

Creation de la baleineIvan Pohârnok

MaquillageErzsébet Râcz