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LE 6 DÉC. SUR NC1ÈRE
p. 27 Spécial
LES POÈMESDE MICHÈLE
MOLÉ
p. 10 Grande interview
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Directeur de la publication : Chris TatéossianRédactrice en chef : Gaëlle Bessaudou-Perrier ([email protected])Coordinatrice : Claire Thiebaut ([email protected])Rédaction : Léna Quillier, Frédérique de Jode, Aurélie Cornec, Claire Thiebaut, Sylvain Derne, Anne Bihan, Stéphane Camille, Coralie Cochin, Virginie Grizon, Jean Bessaudou, Virginie Soula.Photographies : Éric Dell’Erba, Marc Le Chélard, Erwan Morellli, Théo Rouby, Coralie CochinCouverture : Marc Le ChélardCorrections : César et RosaliePublicité : Rezo, tél. : 25 50 90Maquette, réalisation et couverture : Push&Pull, tél. : 24 22 49Impression : Choice Company Tirage : 15 000 exemplairesDistribution : TotemISSN : en coursLe Pôle Export de la Musique et des Arts de Nouvelle-Calédonie est une association à but non lucratif créée en décembre 2007. Il a pour mission de promouvoir la création locale à l’intérieur et à l’extérieur du territoire en accompagnant collectivement les artistes et en mettant à leur disposition des outils et un réseau-ressources local et international.
Le Poemart :Pôle Export de la Musique et des Arts de Nouvelle-Calédonie1, rue de la RépubliqueL'Orégon, 98800 NouméaNouvelle-CalédonieTél. : (687) 28 20 [email protected]
La Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie21, route du Port-DespointesFaubourg-Blanchot98800 NouméaNouvelle-CalédonieTél. : (687) 28 65 [email protected]
La bibliothèque Bernheim41, avenue du Maréchal Foch98800 NouméaNouvelle-CalédonieTél. : (687) 24 20 [email protected]
Endemix est publié par :
PALABRES D'ÉCRIVAINNicolas Kurtovitch : « La poésie est une forme de méditation »
LIENS CULTURELSLe chœur de l’Histoire
CRITIQUESMUSIQUE Enlightenment, Shaman Dub C’est mon monde, Loremx Hna Thatilo, Sumaele Inspiration, Djaliv
LITTÉRATURE L’Épreuve du masque, Christine Rousselle Le Prêtre et le juge, Le père Roch Apikaoua
s’entretient avec le magistrat Jean-Paul Briseul
ERA KANEKA« Thai vi kaneka » de Vamaley
MÉTIERChef d’orchestre PARCOURSGérard del Rio, rédacteur en chef de Mwà Véé
IL ÉTAIT UNE FOIS…La Maison du Livre de Nouvelle-Calédonie
LIEUCentre culturel Pomémie de Koohnê
FICHE PRATIQUEOrganiser un événement culturel
AGENDA
ANNUAIRE
LA CULTURE BOUGE
CULTURE WEB
CHRONIQUES D'AILLEURS
LA GRANDE INTERVIEWLes poèmes de Michèle Molé
LIRE UN PAYS
LE SELFIE DU PHOTOGRAPHEDerrière l'objectif de Marc Le Chélard
PORTRAITS Raïssa - La tête et les jambes Cinnamon - La pop folk épicée Ilie Poindipenda - Talentueuse jeunesse Louise Sawaza - Le visage du cinéma calédonien Calixte Ourignat - Le mouvement et l’immobile Burst - Métal extrême Paul Wamo et Théo Quillier - Ça tourne !
L'ART AUTREMENTTribu(te) to the jazz
LE GENRE IDÉALLe mapping
SPÉCIAL FLÈCHES DE LA MUSIQUE Les 24 nominés Les nouveautés des Flèches de la Musique Découvrez le jury international... … et les coaches Présentation du jury local
LE CRI DU CAGOUTournage
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éditoDernier numéro d'Endemix de l'année 2014.
Après la littérature et le Silo, c'est au tour de la musique d'être sous les feux de l'actualité et à l'honneur dans ce magazine. Au travers
notamment des Flèches de la Musique, qui reviennent avec leur lot de nouveautés et
permettront, nous l'espérons, une meilleure visibilité pour nos artistes, non seulement
au pays mais aussi à l'export. Nous ne cessons de dire que nos artistes ont du talent, il ne tient plus qu'à le confirmer aujourd'hui
sur scène. Souhaitons-leur, avec le prix Export Maison de la Nouvelle-Calédonie,
nos meilleurs vœux de réussite. Et puisque nous en sommes aux vœux, que 2015 soit
pour chacun d'entre vous, lecteurs, public, acteurs de la culture, une année riche en
découvertes et en émotions ! N'oubliez pas, la culture est à votre porte...
Chris TatéossianDirecteur du Poemart
S i le village de Koné n’a pas de cinéma, ses habitants n’en sont pas moins
attirés par le septième art. Pour la troisième année consécutive, l’association Konexcité organise son festival « Coup d’ciné » qui se déroulera fin novembre à Koné, à Pouembout et très probablement à Voh. À l’origine de cet événement, « il s’agissait de proposer une opportunité supplémentaire aux habitants de la zone de pouvoir assister à des projections en plus de celles programmées ponctuellement par la médiathèque », indique Claire Marty, l’une des trois bénévoles de l’association.Après la cuisine et le western, cette nouvelle édition s'intéresse au voyage. Des projections de films de fiction seront proposées autour de cette thématique, ainsi qu’un concours de courts-métrages, ouvert aux habitants des trois provinces. « L’idée est aussi de créer une ambiance conviviale autour de l'événement avec des spectacles de danse, des ateliers, des concerts et des stands de restauration », ajoute Claire Marty. Quatre prix seront décernés par le jury lors de la cérémonie de clôture, le 6 décembre prochain. Des projections en tribuEn province Sud, « Un été au ciné » poursuit sur sa lancée. Né il y a dix ans, ce dispositif offre un interlude culturel bienvenu pendant une saison estivale traditionnellement creuse. Cette pause dans la programmation est « heureusement
Par Coralie Cochin
Cette fin d’année s’annonce riche en cinéma. L’association Konexcité renouvelle son festival « Coup d’ciné », fin novembre, avec la projection de films et l’organisation d’un concours de courts-métrages sur VKP. En province Sud, l’opération « Un été au ciné » sera une nouvelle fois le principal événement culturel de la saison estivale.
de moins en moins vraie, car les pratiques culturelles des Calédoniens évoluent, la population augmente et tout le monde ne part pas en vacances durant deux mois à l’étranger ou en brousse », souligne Martine Lagneau, première vice-présidente de la province Sud, en charge de la culture. « 10 000 personnes ont assisté à ces projections en 2014, ce qui nous motive à prolonger cette opération », se réjouit l’élue.Inspiré du dispositif national « Passeur d’images », « Un été au ciné » propose une trentaine de séances en plein air dans les treize communes de la province, dont quelques-unes en tribu. Si la programmation est essentiellement tournée vers les fictions grand public, un documentaire (tel que Marley ou Sugarman, les années précédentes) sera présenté en partenariat avec l’ADCK-centre culturel Tjibaou.Les prestations artistiques, offertes en amont de la projection pour faire patienter le public, seront renouvelées cette année. La diffusion de courts-métrages locaux devrait également précéder certains films.Autres nouveautés, la province Sud souhaite proposer une séance de karaoké cinématographique, « comme cela se fait déjà à Paris », précise Jean-Baptiste Friat, le directeur de la culture de la province, ainsi que des séances mystères, pour lesquelles le lieu ou le titre du film ne seront dévoilés qu’au dernier moment.
du nord au sud
audiovisuel
le cinéma
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4 La culture bouge
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EXPOSITION
KNAM MA KEEN
À l’affiche au centre culturel Tjibaou
Renseignements : Tél. 41 45 45 www.adck.nc [email protected] jila, la maison des richesses
KO NÉVÂ – VANNERIEPEAUX ET CONTENANTS DE VIESalle Komwi
10 08DU AUMER. DIM.SEPT.2014 FÉV.2015
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netInter
La culture en
réalité augmentée
La réalité augmentée est en vogue.
Presque aussi bien qu’un cours
à Poudlard, elle permet,
par exemple, d’incruster
des images dans un paysage.
L’application CultureClic
en est un bon exemple.
La première fonction de cette
dernière est de proposer la
découverte virtuelle (en haute
définition) de 900 œuvres
(photos, gravures...) dans
Paris principalement, mais
aussi dans d’autres grandes villes de France.
Sur sa version iPhone (3G), elle propose de
découvrir les lieux où vous êtes tels qu’ils
étaient auparavant : l’ancien Louvre, Notre-
Dame de Paris en construction, la hauteur de
la butte Montmartre. Il suffit de diriger votre
téléphone sur un monument pour que sa
photo du passé surgisse sur votre smartphone.
Apprendre l’histoire et la culture avec l’aide
de la technologie... Vive le 21ème siècle !
Et si l’on réduisait son home studio à une simple
application ? Les beatmakers chevronnés ou
en herbe ont désormais le choix pour créer
leur musique du bout des doigts. Petite sélection.
Figure sur iPad
Pour les amateurs de musique électronique, Figure, c’est un
peu Noël toute l’année. Cette application permet de réaliser
en quelques clics son propre morceau de musique. Facile à
utiliser, ludique, elle manque cependant d’options. Pas sûr
qu'elle soit celle qui permette de lancer le tube de l'été.
Prix : environ 100 frs
DM1 sur iPad
Plus complète que Figure, DM1 est aussi plus complexe
d’utilisation. L’appli est en quelque sorte une boîte à rythme
qui permet de créer pendant des heures, à l’infini.
Prix : environ 200 frs
Looper sur Android
Le miaulement de votre chat, le bruit de la chasse d’eau ou
les ronflements de votre conjoint vous inspirent ? Looper
permet d’enregistrer des sons et d'en faire des boucles en toute
simplicité. L’appli propose également plusieurs mélodies pour
agrémenter vos petites folies sonores.
Prix : gratuite
FL Studio Mobile sur Android
FL Studio, soit Fruity Loops, est un logiciel bien connu
des beatmakers. 133 instruments, des drums kits, un séquenceur...
La version mobile transforme votre portable ou votre tablette en
véritable studio d’enregistrement. Attention ! L’application n’est
pas facile d’accès. Si vous ne connaissez pas FL Studio sur PC,
armez-vous de patience pour comprendre son fonctionnement
sur mobile.
Prix : environ 1 800 frs
De nouvelles
couleurs, une
ligne plus épurée,
une ergonomie
simplifiée,
le nouveau site de
la Maison du Livre
de Nouvelle-
Calédonie a
choisi de s’offrir
un nouveau
look. Ce changement est lié à la volonté de se recentrer sur
ses missions principales - à savoir aider les acteurs de la filière
du livre, l’association propose désormais sur son site un
espace dédié aux professionnels contenant des annuaires
et des fiches pratiques : déposer un manuscrit, comprendre
les droits d’auteurs, demander une résidence...
Quant au nouveau module de recherche, il est en lien avec
le catalogue de la bibliothèque Bernheim ou le catalogue
de la médiathèque de l'ADCK-CCT. D’autres nouveautés
vous attendent sur : www.maisondulivre.nc
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6 Culture web
La culture en
réalité augmentée
La réalité augmentée est en vogue.
Presque aussi bien qu’un cours
à Poudlard, elle permet,
par exemple, d’incruster
des images dans un paysage.
L’application CultureClic
en est un bon exemple.
La première fonction de cette
dernière est de proposer la
découverte virtuelle (en haute
définition) de 900 œuvres
(photos, gravures...) dans
Paris principalement, mais
aussi dans d’autres grandes villes de France.
Sur sa version iPhone (3G), elle propose de
découvrir les lieux où vous êtes tels qu’ils
étaient auparavant : l’ancien Louvre, Notre-
Dame de Paris en construction, la hauteur de
la butte Montmartre. Il suffit de diriger votre
téléphone sur un monument pour que sa
photo du passé surgisse sur votre smartphone.
Apprendre l’histoire et la culture avec l’aide
de la technologie... Vive le 21ème siècle !
De nouvelles
couleurs, une
ligne plus épurée,
une ergonomie
simplifiée,
le nouveau site de
la Maison du Livre
de Nouvelle-
Calédonie a
choisi de s’offrir
un nouveau
look. Ce changement est lié à la volonté de se recentrer sur
ses missions principales - à savoir aider les acteurs de la filière
du livre, l’association propose désormais sur son site un
espace dédié aux professionnels contenant des annuaires
et des fiches pratiques : déposer un manuscrit, comprendre
les droits d’auteurs, demander une résidence...
Quant au nouveau module de recherche, il est en lien avec
le catalogue de la bibliothèque Bernheim ou le catalogue
de la médiathèque de l'ADCK-CCT. D’autres nouveautés
vous attendent sur : www.maisondulivre.nc
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événements
Laneway Festival
Qui dit été, dit festival. L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont particulièrement friandes de ce genre d'événements et nos voisins anglo-saxons se sont forgés une solide réputation en la matière. La Polynésie n’est pas en reste avec le rendez-vous des amoureux de documentaires. Il ne reste plus qu’à choisir votre destination.
Qu’est-ce que tu fais pourles vacances ?
Sydney FestivalDu 9 au 26 janvier 2015 à Sydney, AustralieDu cirque, de la danse, du théâtre et de la musique, le Sydney Festival est l’un des rendez-vous les plus éclectiques de l’été. Chaque année, il propose plus d’une centaine de spectacles réunissant un millier d’artistes. Les représentations ont lieu dans une trentaine de sites répartis aux quatre coins de la ville. On pourra y retrouver entre autres, Björk, Grace Jones, Cate Blanchett...Toute la programmation de cette 38e édition est disponible sur le site : http://www.sydneyfestival.org.au
KiwiburnDu 21 au 26 janvier 2015 à Hunterville, Nouvelle-Zélande
Kiwiburn existe depuis dix ans et réunit chaque été un millier de participants entre rivière et colline dans un petit village nommé Hunterville, à cinq heures d’Auckland.
Si vous êtes dans la région, c’est le festival incontournable auquel il faut participer. À l’image du Burning Man des États-Unis, l’événement est le rendez-vous de nombreux artistes plasticiens et DJs dans une ambiance conviviale et champêtre. La fête se termine par un gigantesque feu d’une dizaine de mètres de haut, au cours duquel une statue géante en bois disparaît dans les flammes. De quoi réchauffer les cœurs.Plus d’informations : http://kiwiburn.com/
Le Festival international du film documentaire océanien, Fifo(12ème édition)Du 31 janvier au 8 février 2015 à Papeete, TahitiLe Fifo est le plus important festival de documentaires dans le Pacifique. Chaque année, il réunit les amateurs du genre et les plus grands réalisateurs de la région. Pendant le festival, de nombreux événements sont également organisés afin de faciliter les rencontres et le développement de projets communs.Plus d’informations : http://www.fifo-tahiti.com
Tout l’été dans les grandes villes du Pacifique SudDepuis 2004, le Laneway Festival sert de tremplin aux jeunes artistes internationaux. Environ 1500 spectateurs s’y retrouvent chaque année pour découvrir des groupes venus d’Helsinki, de Cuba ou
d’ailleurs. Le festival tourne dans plusieurs grandes villes du Pacifique Sud, d’Auckland à Adélaïde, en passant par Sydney et Melbourne. Il s’exporte également aux États-Unis, notamment à Détroit.Plus d’informations : http://lanewayfestival.com/
SploreDu 20 au 22 février 2015, au Tapapakanga Regional Park, à une heure d'Auckland, Nouvelle-ZélandeTrois jours de musique et de découverte à quelques encablures de la capitale économique de la Nouvelle-Zélande. Le festival se déroule au parc régional Tapapakanga, sur un lieu mythique et historique. Les artistes internationaux (DJ Shadow, The Ragga Twins, The Cuban Brothers...) côtoient les artistes locaux dans une ambiance décontractée. C’est aussi l’occasion de participer à des stages de DJing. Le festival propose même des séances de yoga !Plus d’informations : http://www.splore.net/
Soundwave FestivalDe février à mars 2015, dans les grandes villes australiennesLors de sa création en 2004, le Soundwave Festival avait lieu uniquement à Perth (il était nommé alors Gravity Soundwave). À partir de 2007, il quitte sa ville natale et prend d’assaut les plus grandes cités : Sydney, Adelaïde, Melbourne et Brisbane. Greenday, Placebo ou encore Rob Zombie ont fait partie du cru 2014. Une partie de la programmation est dévoilée : Faith No More, Soundgarden, Slipknot. Pour suivre l’actualité : http://soundwavefestival.com
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Chroniques d'ailleursp. 8
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Je suis sincère dansce que je ressens et ce que je souhaite transmettre
omment s'est passée la préparation de votre premier album ?Michèle Molé : Très bien. Durant toute la session studio, nous avons pu générer une créativité très stimulante avec mon producteur Patrick
Schoukroun, directeur de Music Station, et les musiciens qui m’accompagnaient. L’ambiance était conviviale et chaleureuse.
Que pouvez-nous dire de cet album ?Il comprend une dizaine de chansons et de musiques que j'ai composées. Des textes à la fois anciens et plus récents. C'est un album très acoustique ; beaucoup de guitare, mais aussi du piano et des cordes. Si je devais résumer le style musical, je dirais “soul” et “folk”. Vous écrivez vous-même vos chansons. Qu’est-ce qui inspire une jeune fille de 16 ans ?C'est surtout dans ma chambre que je prends le temps d’écrire et de composer. C'est dans cette pièce que les idées me viennent. Mes chansons parlent à la fois d'événements très personnels, de sentiments amoureux, de souffrances, de rêves, mais aussi de thématiques plus universelles comme les problèmes liés à l'adolescence et qui, par transversalité, évoquent les questions que peut se poser la jeunesse d'aujourd'hui. Je cherche d'abord à véhiculer à travers mes chansons des émotions et des sentiments pour toucher les gens. Je suis sincère dans ce que je ressens et ce que je souhaite transmettre. Une transmission que vous faites dans la langue de Shakespeare. Pourquoi ?Elle est en adéquation avec ce que je veux dire. Les mots me viennent plus facilement en anglais et s'accordent mieux avec la tonalité de ma musique. Vous avez été découverte récemment en remportant le Trophée des Jeunes Artistes en 2013, un concours qui s'adresse aux collégiens et lycéens du Territoire.Effectivement. D'ailleurs, pour l'anecdote, ce n'est pas moi, mais ma mère qui a pris l'initiative de m'inscrire à cette compétition.
Je ne sais pas vraiment quelle était son idée première, mais ce concours m'a permis de savoir ce que je valais musicalement et vocalement. Chanter devant un public et un jury, être récompensée, c’est sans aucun doute l’événement qui m’a donné envie de continuer. C'est un merveilleux souvenir. Surtout que ce prix vous a permis d’arriver à cette aventure musicale : l’album, les concerts...C’est vrai. J'ai notamment gagné un stage de perfectionnement musical et j'ai pu me produire lors du Festival Femmes Funk. Là également, ce fut une nouvelle expérience pour moi. Se présenter devant un public parmi des artistes de renom était stressant, mais tout aussi incroyable. Puis, il y a cet album. Je vis une belle aventure pour mon âge.
Est-ce que vous réalisez un rêve d'enfance ?Bien sûr. Depuis toute petite, je chante. Je me souviens que je chantais déjà en anglais alors que je ne comprenais pas la langue. J’avoue avoir été très surprise quand Patrick Schoukroun m'a proposé de faire un album. Mais depuis, je me suis investie totalement car c'est une fabuleuse opportunité. Le public est charmé par votre voix très particulière. Vous avez pris des cours de chant ?Je n'en prends que depuis récemment, pour m'améliorer, et des cours de guitare... Quand on vous dit qu’à votre âge vous avez un talent étonnant, plein de promesses, qu’est-ce que cela vous fait ? Ce serait prétentieux de ma part de dire tout de go que j'ai du talent car je crois que tout le monde en a. Il doit juste s’exprimer et se développer.
musique
Lauréate du Trophée des Jeunes Artistes en 2013, Michèle Molé est l’une des révélations de la scène musicale calédonienne. À tout juste 16 ans, la jeune femme originaire de la tribu de Luecila (Lifou) sort son premier album en novembre, dix titres empreints d'émotion et de sincérité qui révèlent une artiste prometteuse.
LES POÈMESDEMich Ele
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10 Grande interview
Je suis sincère dansce que je ressens et ce que je souhaite transmettre
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LA SLN AUSSISOUS LE CHARME
La personnalité de Michèle Molé et le timbre de sa voix ont séduit à l'unanimité le jury des Nickels de l'Initiative, lors de la 21e édition de ce programme
de mécénat porté par l'industriel. Le 29 novembre 2013, au musée de Nouvelle-Calédonie, l'artiste a reçu le « Prix de la Jeunesse 2013 ». La SLN continue
de croire au talent de Michèle Molé puisque, pour le lancement de la 22e édition, elle a organisé une conférence de presse le 16 juin dernier dans
le studio d'enregistrement Music Station, où la jeune artiste a enregistré son album.
L'AVIS DE PATRICK SCHOUKROUN, PRODUCTEUR
« Michèle a beaucoup de talent. C'est elle qui compose et qui écrit ses textes. Il se dégage d'elle une sincérité, une vérité et une sensibilité touchantes. Ses chansons
racontent des histoires avec beaucoup d'émotion et de pureté. Personnellement, je la vois faire une
carrière dans la musique, même si le chemin peut être long. Mais je pense que Michèle sera heureuse dans
ce monde artistique et créatif. »
Votre producteur évoque pour vous des opportunités à l'international. C'est ce que vous souhaitez également ?C'est paradoxal parce que je suis quelqu'un d'ambitieux et en même temps, je manque de confiance en moi. Et je pense qu’il est un peu trop tôt pour parler de carrière dans la chanson ; mon album vient juste de sortir. Est-ce que vous envisagez tout de même d'embrasser une carrière de chanteuse ?Je ne peux pas être si catégorique pour le moment. Je suis en Première S (au lycée Lapérouse, NDLR) et je souhaite poursuivre des études. J'envisage de faire médecine. Est-ce que je pourrais mener de front la musique et les études ? Est-ce que je dois seulement me consacrer à la chanson ? Je ne sais pas encore. L'avenir le dira...
Mich ElePar Frédérique de Jode
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Par Anne Bihan
Être accueilli en résidence, bien des écrivains de Nouvelle-Calédonie comme d’ailleurs en rêvent, parfois sans identifier, ni les chemins pour l’accomplir, ni ce que la réalisation d’un tel rêve implique. Sur l’autre rive, des acteurs de la vie littéraire souhaitent développer un projet de résidence eux aussi, sans toujours bien identifier ce qu’exigent l’élaboration et la mise en œuvre d’un tel dispositif.
u’est-ce qu’une résidence d’écriture ?Pour un auteur, sur la base d’un projet qu’il élabore et qui est retenu par la structure invitante, une résidence est
un lieu mis à sa disposition, endroit parfois exceptionnel qui implique a priori son déplacement, sa séparation temporaire d’avec le territoire familier. C’est aussi du temps, suffisamment long pour mener à bien ce projet. C’est enfin le plus souvent une bourse dite de résidence, qui lui permet d’interrompre son travail s’il est salarié et, s’il tente de vivre de son art, de faire halte dans sa quête matérielle. Pour une structure, c’est au préalable la définition d’un projet en lien avec un territoire et un lieu d’accueil singuliers. C’est la conviction que l’écrivain retenu offrira à ce territoire un « supplément d’âme » et par conséquent une qualité et un rayonnement accrus. En somme, c’est l’une des voies possibles de soutien et d’accompagnement d’une création contemporaine résolument présente au monde. Trouver résidence à son piedLa dénomination de résidence recouvre en fait des réalités très différentes, à propos desquels un travail de discernement est à conduire pour accompagner solidement les auteurs et les écritures calédoniennes qui souhaitent en bénéficier.Une lecture peut aider tout écrivain aspirant à faire acte de candidature : le mémoire de DESS de Yann Dissez,
dont le titre est en soi une belle invitation au voyage dans les arcanes des dispositifs existant : « Habiter en poète – La résidence d’écrivain, une présence de la littérature au monde ». (Ce dernier est disponible sur le web) Cette recherche a fait avancer la réflexion des structures régionales, regroupées au sein de la Fédération inter-régionale du livre et de la lecture (FILL) dont la Maison du Livre de Nouvelle-Calédonie est membre. Elle a, dans la foulée, donné naissance à plusieurs déclinaisons pratiques qui constituent des outils de référence pour les auteurs, comme pour les porteurs de projet. À retenir notamment, toujours de Yann Dissez, le guide Pourquoi et comment accueillir un auteur, associé à un Vademecum téléchargeable sur le site de la Maison de Livre, www.maisondulivre.nc. Autre site précieux pour les auteurs en quête de résidence, celui de la Maison des écrivains et des littératures (MÉL) :http://www.m-e-l.fr/rechercher-residences.php
Résidences
L’art et la manière « d’habiter en poete »
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12 Lire un pays
l fait partie de ces photographes qui regardent le monde avec plus d’intensité que les autres. Marc Le Chélard parvient à capturer pour toujours un moment fugace, un regard, une émotion, une lumière ; un conteur
d’histoires où l'Homme est au premier plan. « Une image vaut mieux que mille mots », disait Confucius.
Un simple déclicLa photo, Marc Le Chélard l'a apprise en autodidacte passionné dès l'âge de onze ans. En parallèle de ses études de sciences sociales, d'arts, de culture et de communication, il expose. Son premier sujet ? Des portraits de personnes démunies pris lors d’un séjour à Dublin. Curieux de nature, investi d’une envie insatiable d'explorer le monde, Marc pose ses valises et ses objectifs à Pouembout où il est embauché comme assistant social. « J'ai eu un coup de cœur immédiat pour ce pays dont je connaissais peu de choses. »
InspirationDeux ans plus tard, sa carrière prend un virage photographique avec son premier reportage au sein du district de Balade à Pouébo ; il est exposé au Festival de photo-journalisme à Perpignan. Depuis, Marc Le Chélard a embrassé définitivement son nouveau métier et jouit d’une excellente réputation sur le Caillou et en Métropole, puisqu’il collabore notamment avec l’AFP. Un succès qu’il attribue simplement à son environnement de travail : « La Nouvelle-Calédonie est une source d'inspiration infinie. Des paysages à couper le souffle, des lumières incroyables, un multiculturalisme qui offrent aux
photographes le bonheur de déployer leur potentiel créatif et de témoigner de la richesse de ce pays. »Tous les genres photographiques le séduisent : reportage, portrait et plus récemment la mode, « un univers stimulant qui demande de travailler en équipe alors qu'en général, le photographe est plutôt un solitaire ». Quant à son style, il traduit sa personnalité. « Mes photos reflètent le regard que je pose sur le sujet qui m'anime. Je suis aussi très attaché au graphisme dans l'image, aux lignes, à la belle composition. Une image doit dégager de la puissance, de l'émotion. »
Marc Le Chélard est un photographe très courtisé, mais entre deux prises de vue pour ses clients, il entend s’immerger très prochainement dans un nouveau projet qui lui est propre avec pour thème « le langage du corps ». Intriguant, non ?
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Son univers photographique navigue sur papier glacé entre le photo-reportage,le portrait ou encore la mode. Si Marc Le Chélard ne s'enferme pas dans un genre, son fil conducteur reste l'humain. Focus sur un homme talentueux.
Le selfie, autoportrait photographique, est tendance dans notre société. À l’occasion
de cet article, nous avons demandé à Marc Le Chélard d’en réaliser un.
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MICHÈLE MOLÉ EN COUVERTURE D'ENDEMIX PAR MARC LE CHÉLARD« Le shooting a été réalisé sur la plage de Magenta. Pourquoi ce lieu ? En référence aux origines de Michèle, née à Lifou, et pour une raison plus graphique avec en arrière plan les lignes de la mer et de la montagne. J'avais envie de créer une ambiance rock-folk pour coller avec son style de musique, la guitare était donc indispensable, le look de Michèle également. Avant la séance, je l'avais rencontrée pour lui expliquer ce que j'avais en tête et pour la mettre à l'aise. Pendant le shooting, je lui ai beaucoup parlé, je l'ai guidée sur la gestuelle, les poses. »
Par Frédérique de Jode
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p. 13Le selfie du photographe
première vue, Raïssa, de son nom de scène, a le look d’une grande sportive, legging, baskets, sweat... Mais des petits détails – des bijoux clinquants – font basculer la joggeuse dans l’univers du hip hop old school** des années 1980. Époque où la culture urbaine n’avait pas
bonne réputation. Avec Raïssa, ces mauvais mots s’effacent et c’est un monde street*** respectueux, artistique et travailleur qui apparaît. Un style métisséRien ne la prédestinait au hip hop. D’autres évolutions semblaient plus évidentes en raison de son enfance rythmée par la musique traditionnelle camerounaise de son père ou par le modern jazz qu’elle découvre dès 4 ans. Le hip hop arrive plus tard ; Raïssa est ado. « On a tous cette phase où on cherche à s’extraire de la rigueur qu’on inculque aux enfants », plaisante-t-elle. « Pour moi, le hip hop a été cette forme d’émancipation ». La jeune femme intègre plusieurs groupes, monte des projets dans une maison de quartier proche de Nantes, d’où elle est originaire. En 2008, c’est l’arrivée du new style**** dans la région. Raïssa en est et rejoint les Exceed Dancers. L’électron libre qu’elle souhaite rester se glisse aussi dans une troupe de dancehall. Multiplication des casquettes, au sens propre comme au figuré, elle compose son propre répertoire hip hop - afro house - dancehall.
La (bonne) étoile du Rex En 2012, la Nantaise arrive à Nouméa, « sans rien connaître de la scène hip hop en Calédonie ». L’inconnu ne l’émeut pas plus que ça. Pendant un an, elle continue ses entraînements. Sa deuxième passion, la coiffure, lui permet de gagner sa vie en travaillant dans un salon. Un an, sans rien savoir du temple de l’urbanité nouméenne : « Je n’avais jamais entendu parler du Rex, et c’est finalement un promeneur de Port Plaisance, où je dansais régulièrement, qui me conseille d’y faire un tour ». Un bon samaritain qui a contribué au lancement de sa carrière sur le Caillou. « Tout a été très vite ensuite. J’ai participé au Battle de Païta. Puis, j’ai commencé à donner quelques cours dans les maisons
de quartiers ». La jeune femme se rappelle être arrivée dans les rangs sans prétention, « juste pour danser ». Son genre hybride intrigue, plaît et pour le diffuser, elle s’associe avec huit autres artistes. Ensemble, ils créent le groupe
Funny Swarm. Une jolie traduction pour décrire « un drôle de mélange » de gens et de genres. « Dans le hip hop calédonien, les danseurs debout et au sol ne se côtoient pas vraiment. Avec Funny Swarm, on essaie justement de faire se rencontrer les deux techniques dans des chorégraphies mixtes ». La troupe est reconnue pour son sérieux, mais aussi pour l’humour qu’elle distille dans ses spectacles. De quoi définitivement mettre à mal le cliché du « mauvais garçon » du hip hop. * Affrontement dansé** Vieille école / désigne le hip hop des années 1980-1990*** Urbain**** Nouveau style / désigne le hip hop depuis les années 2000
La tête et les jambes
Agréée intervenante artistique en 2013, Raïssa a appris la pédagogie de la danse et la patience de l’enseignement. Étape suivante : devenir formatrice de formateur.
Le hip hop a été une forme d’émancipation
Humble. Paisible. Déterminée. Quelques adjectifs qui cernent bien Rosine Raïssa. Danseuse hip hop professionnelle, elle s’est forgée un style créatif et féminin dans un milieu d’hommes et de battle*.
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danse
Raïssa
Par Claire Thiebaut
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innamon s’impose lentement mais sûrement sur la scène musicale calédonienne. Créée en 2009, cette formation est née de la rencontre de deux artistes aux sensibilités communes : Elisa Barrow et Maxim Dassonneville. « À l’époque, nous évoluions dans des groupes différents, mais très rapidement nous avons
eu envie de travailler ensemble » se souvient la chanteuse et parolière. « Tout s’est fait naturellement même si, au début, nous avions un petit peu de mal à combiner nos agendas pour nous retrouver ». Autour d’une crêpe à la cannelle, le duo choisit son nom de scène : Cinnamon. « C’est doux et dans ma tête, ça donne envie de goûter », raconte Elisa Barrow, le sourire aux lèvres.
Un soupçon de cannellePetit à petit, le duo trouve ses marques. Maxim Dassonneville compose des mélodies à la guitare – teintées d’influences anglo-saxonnes –, Elisa écrit les textes en anglais, qu’elle maîtrise parfaitement grâce à ses études. « J’aime bien jouer avec les mots dans cette langue. Mais je n’exclus pas d’écrire en français dans le prochain album ». Leur premier “bébé” intitulé The Soul’s Seasons vient tout juste de sortir, il comporte une dizaine de titres originaux dont la chanson éponyme tourne déjà sur les ondes depuis le mois d’août. « Ce titre raconte l'histoire d'une petite fille appelée par la forêt pendant son sommeil. Elle se réveille, quitte la maison et s'enfonce dans les fourrés où elle rencontre l'esprit des bois. On parle ici de la peur de l'inconnu. Cette peur que l'on traverse tous dans nos vies et que l'on doit affronter malgré nos résistances. » Le reste de l’album continue dans ce style, sur des mélodies intimistes.
Des rêves d’ailleursCinnamon est avant tout connu pour ses balades acoustiques, mais pour The Soul’s Seasons, le groupe a mis les petits plats dans les grands et propose des compositions orchestrées. Une version qu'ils espèrent retranscrire sur scène, très prochainement. « Pour l’instant, nous ne sommes que deux, mais nous allons avoir besoin de musiciens pour les live ici ou ailleurs ». Car si Cinnamon tourne déjà depuis quelques années dans les bars de Nouméa, il aimerait passer à la vitesse supérieure et
se produire à l’étranger, sur des scènes de world music, en Australie par exemple.
La Pop Folk épicée
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musique
Par Virginie Grizon
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S’il arpente les scènes calédoniennes depuis de nombreuses années, le groupe Cinnamon s’est enfin posé en août pour sortir son premier album intitulé The Soul’s Seasons. Les chansons signées Elisa Barrow et Maxim Dassonneville sont à la fois douces et épicées.
UN CLIP AIGRE-DOUXLe premier clip « The Soul’s Seasons » a été tourné en juillet à la tribu de Saint-Louis. « Ce choix n’avait rien de politique,
mais nous avions envie de filmer dans une forêt et cet endroit est magnifique ». Pour l'anecdote, la petite fille du clip
s'appelle dans la vie Cannelle. Ça ne s’invente pas.
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La voix chaude d’Elisa Barrow et le talent de Maxim Dassonneville sont réunis pour
former le groupe Cinnamon.
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lie est initié à 13 ans au maillet* et aux pinceaux par son père, peintre et sculpteur. Très vite, il surprend par son habileté et la qualité de son travail. Sa famille l’encourage alors à intégrer l’EMI (École du Multimédia et de l’Image), basée à Koné, dont les missions sont d’informer, orienter, former et accompagner les élèves dans le domaine des arts visuels. « L’école m’a
beaucoup apporté. Notamment pour prendre mes marques dans le monde artistique et me professionnaliser » confie-t-il. En 2011, il est recruté par le collège de Poindimié en tant que professeur d’arts plastiques. Mais ses projets personnels prennent de l’ampleur, l’obligeant à quitter l’enseignement en 2013 pour se consacrer entièrement à ses œuvres. « Même si la transmission et le travail avec les élèves constituaient pour moi une bonne source d’inspiration, je devais passer à autre chose ».
Mixité artistique
Toujours en quête d’innovation, il monte, avec la troupe de danse de Poindimié, un spectacle où se mêlent performances scéniques et graphiques, à l’occasion du Festival des Arts du Pacifique aux Îles Salomon en 2012. Lors d’une résidence avec Teddy Diaké, pour l’inauguration du centre culturel Pomémie, il propose d’allier sculpture et graff. Enfin, en 2014, sous l’influence d’un projet impulsé par Graphynord, il illustre des livres pour enfants et se penche sur la création d’un jeu des 7 familles en paicî**. « Je suis en train de créer mon histoire et celle de ma culture » relate fièrement le jeune artiste.Et afin de créer, Ilie n’hésite pas à faire marcher la débrouille pour trouver
les supports qui l’intéressent. Du bois, de la tôle, des fibres naturelles… « Je suis plasticien, donc tout ce qui m’entoure peut servir dans mes créations. » Sa démarche artistique commence d’ailleurs dès sa rencontre avec la matière première. « Les éléments doivent se faire apprivoiser et cette recherche-là prend du temps. » Tout en étant résolument moderne, Ilie puise son imagination dans les récits des clans de la mer et de la terre, un patrimoine oral auquel il donne une autre vie, de bois et de couleurs.
* Le maillet est un outil à frapper utilisé en sculpture, rond ou carré en bois dur pour l’ébauche** Langue de Poindimié
IlieTalentueuse jeunesse Par Léna Quillier
27 ans, du talent, l’envie de découvrir, d’expérimenter de nouvelles choses… Ilie Poindipenda fait partie de cette jeunesse en parfaite osmose avec la modernité, mais profondément ancrée dans ses racines. L’artiste vit aujourd’hui de ses œuvres dans l’écrin de sa terre d’origine : Poindimié.
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arts plastiques
Un matériau doit se faire apprivoiser
et cette recherche-là
prend du temps
Ilie présente souvent ses œuvres à la médiathèque de Poindimié mais aussi à Koné, et Koumac.
D’EXPO EN EXPOEn 2012, le centre culturel
Tjibaou lui ouvre ses portes pour quinze jours de résidence afin de préparer une exposition
itinérante intitulée « L’Histoire de mon pays ». Deux ans plus tard, il participe au cinquième Festival des Arts Mélanésiens
en Papouasie-Nouvelle-Guinée ; une expérience riche en rencontres
qui lui permet de travailler avec des artistes papous sur des œuvres
collectives. Il expose actuellement avec d’autres artistes au centre culturel Pomémie, jusqu’au
13 décembre 2014.
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i sa sœur cadette n’avait pas insisté, en 2010, pour qu’elle s’inscrive au casting de Tchap Tchap TV, une création théâtrale avec des jeunes issus de divers quartiers de Nouméa, le destin de Louise aurait
sans doute été très différent. La jeune femme, qui a grandi à Pierre-Lenquette puis à Rivière-Salée, a quitté l’école dès la Seconde pour aider financièrement ses parents. Fast-food, contrats d’intérim... Louise Sawaza écume les petits boulots avant de tenter sa chance dans l’armée. Mais à son retour à Nouméa, elle enchaîne à nouveau les jobs sans lendemain.Le théâtre avait déjà croisé sa route, alors qu’elle était lycéenne à Jules-Garnier. « Mais je n’avais pas encore la petite étincelle ! confie-t-elle. On jouait des classiques. Je récitais des répliques auxquelles je ne comprenais rien. »C’est sous la direction d’Isabelle de Haas, de Pacifique et Compagnie..., que la jeune femme a « eu le déclic » pour la scène et l’impro.Tchap Tchap TV fut une révélation. « Louise est tout de suite rentrée dans le jeu. C’était presque devenu une évidence pour elle », se souvient la metteure en scène. En 2012, la compagnie renouvelle l’expérience avec une deuxième création théâtrale, Entre Terre et Mère. Le premier rôle est attribué à la jeune comédienne, qui se métamorphose chaque fois qu’elle monte sur les planches.
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Auxiliaire de proximité à Rivière-Salée, Louise Sawaza, 26 ans, a eu le déclic pour le théâtre il y a tout juste quatre ans. Le rôle d’Indy dans le film de Jeanne Vassard lui a valu le prix d’interprétation au Festival du Cinéma de La Foa.
LA DÉCOUVERTE DU THÉÂTRE-FORUM
Comédienne vacataire de Pacifique et Compagnie…,
Louise Sawaza sillonne régulièrement les routes de
la province Nord pour faire de la prévention en collège et lycée par l’intermédiaire du théâtre-forum.
Ce concept, inventé par le dramaturge brésilien
Augusto Bual dans les années 1960, est développé par
la compagnie depuis plus de huit ans et soutenu par la DPASS-Nord
et l’Agence sanitaire et sociale. Il aide les jeunes à s’exprimer
sur la sexualité et les addictions à travers des improvisations
théâtrales.
Louise SawazaLe sourire du cinéma calédonien
audiovisuel
*Le film a reçu le prix du meilleur court-métrage lors du Festival du Cinéma
de La Foa 2014
Je ne savais mêmepas qu’il y avait un prix
d’interprétation
Par Coralie Cochin
La vie au squatC’est au cours de ce deuxième projet que Louise fait mieux connaissance avec Jeanne Vassard, la fille d’Isabelle de Haas. Son expérience du squat – où vit son petit ami – va même inspirer une histoire
à Jeanne, la jeune réalisatrice. Sans hésiter, c’est Louise qu’elle choisit pour interpréter Indy, une jeune femme de Koné qui « descend » à Nouméa pour trouver du travail. Le film est intitulé Djeacutêê Gôrô Djawë,
histoire d'eau*. L’or bleu est le point central de ce court-métrage de 30 minutes. « Au squat, les maisons sont toutes reliées au même compteur. Quand une cabane ne paie pas sa facture, c’est toutes les familles qui se retrouvent privées d’eau », résume Louise, qui campe un personnage déterminé aux côtés de l’acteur Pierre Poudewa.Quand Louise est appelée à monter sur scène lors de la remise de prix à La Foa, elle tombe des nues. « Je ne savais même pas qu’il y avait un prix d’interprétation », admet-elle. Chaque jour, avant de partir travailler comme auxiliaire de proximité dans son quartier de Rivière-Salée, le précieux Nautile posé fièrement sur le buffet lui rappelle combien il est important de ne jamais oublier ses rêves.
Grande fan d’Élie Semoun, Louise Sawaza aime le théâtre qui aborde les sujets sensibles avec humour.
La province Sud soutient la création artistique.
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Publi-reportage
our quelqu’un dont le prénom est un superlatif – « le plus beau » en grec – Calixte est bien discret. Rencontré alors qu’il travaille sur un poteau sculpté à plusieurs mains, il lève les yeux de son ouvrage pour raconter son parcours en quelques
mots bien choisis. Après une formation sur le béton armé, il se souvient avoir eu « un déclic en manipulant le bois ». Dans sa famille, les artisans ne sont pas rares. Sa grand-mère était tresseuse et son grand-père fabriquait les fixations en fibres de coco des pirogues et des cases. Lui, en a fait son métier et vit aujourd’hui des commandes que lui
sculpture
Le mouvement et l’immobileOurignat Par Claire Thiebaut
Il y a quelque chose de très symbolique à travailler sur des « contraires ». Calixte Ourignat sculpte et danse. Il mêle ainsi, dans une sorte de vision artistique complète, l’art de figer ses motifs dans le bois et celui de mettre en gestes les légendes de sa tribu de Borendi, à Thio.
Il faut faire vivre ces objets […] qui appartiennent au"socle commun desvaleurs kanak"
POUR L’ART DE THIOPour valoriser le patrimoine de Thio, artistes et professionnels de la
culture de la commune ont créé l’association Art-Cöö. Calixte Ourignat en est le président et œuvre pour la diversité culturelle. « Nous invitons
tous les artistes, sculpteurs, peintres, tresseurs, conteurs, danseurs, etc. à venir nous rejoindre. Nous organisons des manifestations pour
leur permettre de présenter leur création et nous participons aux grands événements de la commune comme le festival du conte Tembeu ».
passent des particuliers et des institutions, « comme les deux chambranles placés à l’entrée de la mairie de Thio » cite-t-il. Une prédilection pour la traditionSes thèmes sont très majoritairement issus de la tradition kanak et de l’ancestralité. « J’aime tout particulièrement le motif de l’aigle pêcheur et celui de la pirogue, très courants pour nous, clan de la mer ». Il raconte s’impliquer tout particulièrement depuis quelques temps dans la fabrication d’artefacts anciens qui permettent de revenir à la coutume des Vieux. « Il faut faire vivre ces objets et ces thèmes qui appartiennent au "socle commun des valeurs kanak”. [...] La définition de ce concept a été mise en place par le Sénat coutumier qui a lancé en 2013 un grand recensement des fondements de la culture kanak et notamment du patrimoine matériel ». Il s’est formé seul, se nourrissant du quotidien, de l’observation des gens, des modes de vie et des cérémonies. Il a déjà participé à
trois festivals des arts du Pacifique – aux Îles Cook, en Micronésie et en Nouvelle-Calédonie. Plus tôt
cette année, il s’est envolé pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée à l’occasion du Festival des Arts Mélanésiens. Autant de moments de partage entre artistes qui alimentent ses réflexions. L’homme danse
Ses racines, Calixte Ourignat les met aussi en scène. Pour raconter la pêche, la construction des pirogues ou la légende de Boui-Tchi, le géant qui attaquait les tribus, il a créé la troupe Xxârâgurè. « Nous sommes en famille, hommes et femmes de tout âge.
Pour le moment, nous avons six danses dont deux de femmes. ». La petite compagnie commence à se faire connaître et a été invitée au festival Cebu Nyebi, à Canala, Houaïlou et Yaté. Pas de velléité à l’export pour le moment, mais un jour peut-être.
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À force de pratique, Calixte Ourignat s’est formé à la sculpture, jusqu’à maîtriser techniques traditionnelles et modernes, pour la création de petits et très grands formats.
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Les membres du groupe de gauche à droite : Arnaud (basse),
Christopher (guitare), Jonathan (batterie) et Mickaël, le chanteur.
Jonathan, Christopher, Mickaël et Arnaud, quatre musiciens qui ne font pas dans la dentelle. Leur groupe : Burst. Leur style : le grindcore, un courant du métal radical. Leur actu : un premier album qui envoie.
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C'est dans un studio à Koutio que les quatre musiciens se retrouvent pour composer et jouer. Un espace où se côtoient instruments et objets des plus hétéroclites, tels que des crânes ou encore une tête d’extraterrestre de Roswell... De quoi planter le décor pour comprendre d’où vient le groupe Burst. « Au départ, Christopher et moi, on a commencé adolescents à faire du black metal », se souvient Jonathan, le batteur du groupe. « Puis avec Mickaël, nous avons créé le groupe Necrosaint qui pendant dix années s'est affirmé dans cette mouvance. » Corps à corps avec la musiqueIl y a plus d'un an, l'envie de changer d’air (ou de notes) les dirige vers un autre courant du métal, le grindcore. Burst naît, un nom qui sonne parfaitement bien « puisque nous faisons une musique qui éclate justement », relève Mickaël, le chanteur. Le grindcore est sans concession : direct, radical, intense, extrême. Un chaos musical structuré, mais difficilement compréhensible pour les non-initiés. La voix gutturale et hurlante du chanteur s'accorde aux rythmes explosifs de la batterie et aux riffs de guitare ultra rapides. « C'est la musique que l'on aime, c'est notre moyen d'expression pour extérioriser ce que nous ressentons avec puissance et brutalité comme un sport de combat », insiste Christopher, le guitariste. À la différence du black metal qui navigue dans un univers occulte, le grindcore évoque la réalité du monde et surtout ses travers. « Nous dénonçons ce qui ne tourne pas rond dans le monde dans lequel nous vivons », explique Mickaël. « Les thèmes de nos textes abordent la guerre, la violence, la corruption et la vie de tous les jours. »
Jonathan tempère en évoquant tout de même « un texte qui parle du bien-être, de l'élévation, et du meilleur de nous. » Obscene extremeL'amitié est le ciment du groupe. Ils s’en servent pour alimenter la passion qui les anime malgré leurs vies professionnelles bien remplies. À force de persévérance, ils se sont produits en février dernier à Melbourne au Festival international de
grindcore, Obscene extreme. Le voyage – que chaque membre a dû payer en fonds propres – « était important, indispensable », confie Arnaud. « Nous avons pu prendre des contacts et nous espérons y participer à nouveau. » Pour l'instant, leur actualité, c'est la sortie de leur premier opus fin 2014 avec sur la pochette une quinzaine de titres. « On aimerait pour la sortie de cet album, créer un événement, un festival même afin de rassembler le public fan de métal qui existe en Nouvelle-Calédonie et celui qui nous suit », conclut Jonathan. Un petit pogo*, ça vous tente ?
*Le pogo est un style de danse où la foule saute de façon désordonnée et en se bousculant
Métal extrêmePar Frédérique de Jode
POUR LES NÉOPHYTESLe grindcore est influencé par le crust punk et le hardcore. Le genre a été créé au milieu des années 1980 par les groupes Napalm Death, Brutal Truth, Sore Throat et Repulsion. Le terme grindcore a été employé pour la première fois par le batteur de Napalm Death, Mick Harris, lors d'une interview, où il tentait une définition de sa musique extrême. L'engagement politique est aussi radical que l'est la musique.
C'est notre moyen d'expression pour extérioriser ce que nous ressentons
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Quand Paul Wamo, habile jongleur de mots, s’associe avec Théo Quillier, jeune vidéaste aux réalisations pleines de promesses, le résultat est « Aemoon », un très joli clip local qui a remporté, en juin dernier, un succès public et critique bien mérité. Récit d’une collaboration.
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Par Jean Bessaudou
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Il aura fallu un an et demi à Paul et Théo pour sortir le clip « Aemoon ».
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De nouvelles perspectives
Pour Théo, les possibilités de création artistique, libérée des contraintes propres
au court-métrage, furent une révélation. « Le clip permet de s’amuser, de mieux se
concentrer sur des aspects artistiques. Déjà la partie son est prête, on ne se prend pas
la tête avec le mixage. On peut aussi moins se soucier de raconter une histoire, avec un
début et une fin, même si ça n’excuse pas tout. Il faut quand même respecter les codes et avoir une progression. » Cette expérience
lui a donné des idées : « Je ne veux pas faire ça de ma vie, mais c’était une bonne expérience, et très formateur de marier la
musique et la vidéo. J’aimerais bien pousser ça plus loin, peut-être dans un spectacle
où le jeu des acteurs, la musique et la vidéo seraient utilisés ensemble. »
L’image donneun autre sens au texte, elle permetde le réinterpréter
estival du Cinéma de La Foa 2014 : « Aemoon » remporte le prix Sacenc du meilleur clip et le prix du public
NC 1ère. Cette double récompense ne manque pas de rassurer Paul Wamo, l’interprète et Théo Quillier, le réalisateur : « Quand tu fais le clip, tu te poses forcément beaucoup de questions, est-ce que c’est vraiment bien ce qu’on a fait ? », confie ce dernier. Mise en ligne une semaine avant sa présentation au Festival, la vidéo a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, Youtube et Facebook en tête, bénéficiant de la grande visibilité permise par le web. Cette force de diffusion permet surtout à Paul et Théo d’interpeller un public plus large qu’à l’accoutumée. « Les gens ont tous une interprétation du clip. Certains me font des thèses ; ils me disent qu'on a voulu illustrer ceci ou cela. » rajoute Paul, immédiatement suivi par Théo : « L’image donne un autre sens au texte, elle permet de le réinterpréter. Et c’est vraiment super que chacun arrive avec son ressenti. Lorsque le clip est diffusé, il appartient à celui qui le regarde. »
Il était une fois… un clip« Le texte, je l’ai écrit dans le bus » démarre Paul. « L’histoire est ordinaire : le gars arrive de la tribu, un lieu où il a l’habitude d’être cool, et ici tout va très vite, il est comme dans un jeu. Il tourne. » Il fait un cercle avec le doigt en l’air. « Cette expression vient des jeunes de Lifou ; quand je leur demande “vous faites quoi ?”, ils me répondent “on tourne”.»Une fois son texte mis en musique par David Leroy, Paul imagine le clip ; il est bien loin du résultat final : « Au début, on était partis sur quelque chose de plus sérieux, la caméra était fixe par exemple » nous raconte l’artiste de Lifou. « Au fur et à mesure, on a amené plein de légèreté. [..] C'est la musique
Fqui voulait ça », sans oublier la grande liberté que les deux amis s’accordent durant les dix-huit mois de tournage. « Les idées viennent spontanément » explique Théo Quillier, « on a commencé à faire des plans plus rapprochés, des trucs un peu rigolos, et à la fin on a eu envie de plans en fish eye, avec Paul qui regarde la caméra comme un fou. »C’est ainsi que le duo avance, au jour le jour ; car si l’idée générale du clip est restée la même dans le fond, il a aussi fallu faire avec les opportunités du moment. « On avait fait une liste de lieux et de métiers qu’on voulait », précise
le réalisateur « et puis il a fallu faire en fonction des autorisations. Une ou deux fois, on a eu le droit de filmer, puis on nous a demandé de ne pas utiliser
les images. » Ces petits imprévus n’ont pas écorné la volonté des deux artistes : « dans l’ensemble on n’a pas eu trop de difficultés à tourner ce qu’on voulait. »
Une association gagnantePour Paul Wamo, travailler avec Théo Quillier lui a ouvert des perspectives inattendues, des idées auxquelles il n’aurait pas pensé, une sensibilité nouvelle et surtout des débats, des confrontations de points de vue qui ont permis de faire avancer le projet. Sans oublier l’imagination déployée pour pallier le manque de budget et réaliser des prouesses techniques en mode système D. « La caméra embarquée, c’est Adjé, un artiste plasticien et ami, qui nous l’a fabriquée », raconte Théo. Une grande tige de métal accrochée à Paul à l’aide d’un corset, avec la caméra au bout. « Quand je devais me laisser tomber avec ça, je n’étais pas toujours rassuré » s’esclaffe le slameur.Les deux artistes disposent bientôt d’une quantité de rushs dans laquelle ils piochent pour illustrer leurs délires, sans l’aide d’un monteur ou d’un scénariste. Un projet commencé à deux, qui se finit à deux, une collaboration
riche, inspirante pour ce duo aux approches complémentaires. « Paul pensait à tous les détails », ajoute Théo, « il rajoutait des petits accessoires dans ses habits, il a aussi eu l’idée d’être habillé en chemise à Lifou et comme à la tribu dans Nouméa. » Paul conclut : « Heureusement qu’on a gagné, parce que j’ai pris des risques ! » (rires)
En route pour l’export« Le fait de réaliser un clip permet une meilleure visibilité, et rend le travail de
l’artiste plus accessible. Comme il passe à la télé, tout le monde le voit » explique
Paul. La suite, c’est le projet de réalisation d’un EP, dont la finalisation sera confiée
à un studio français, dirigé par Lionel Gaillardin. « L’enregistrement de la musique
et de la voix lead témoin se fait ici à Nouméa, mais le mixage, le mastering et le rajout de la voix lead finale auront lieu en Métropole.
On s’est octroyé deux ans pour essayer d'être reconnu. On n’a pas d’échéance, on ne nous attend pas là-bas. Mais c’est essentiel
de poser des limites pour ne pas traîner non plus. On a cependant le temps de tout
préparer et proposer un produit bien fini. »
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eux musiciens chevronnés amoureux de Jazz, Alain Guarese (directeur de l’AFMI) et Bruno Zanchetta**, ont imaginé le projet lors d’un concert à Houaïlou dans la tribu de Waraï. « Nous venions de passer un superbe
moment d’échange. Nous avons alors eu l’idée de renouveler ces instants de partage avec d’autres artistes et d’autres tribus. » L’AFMI prend ainsi les commandes de l’aventure en invitant la province Nord à soutenir le projet « Jazz en tribu ». Le célèbre batteur américain Georges Coleman Jr. ou encore le très apprécié Sergio Lopez Trio foulent ainsi pour la première fois les tribus de la côte Est à la côte Ouest. « Cette proximité entre musiciens et public n’est possible qu’en tribu. Les artistes n’en reviennent pas de vivre cette expérience exceptionnelle » remarque Alain Guarese. Pour la population, l'événement est désormais attendu. Tout le monde prête main forte pour accueillir les invités et, la nuit venue, sous le faré de la maison commune, les bruits de la nature laissent place aux rythmes jazzy et aux sonorités entraînantes. « C’est avant tout un projet de proximité », insiste-t-il. « L’enjeu premier est de démocratiser la culture dans des lieux isolés, loin des centres culturels où la population n’a pas l’habitude d’aller. »
Une organisation lourdeCes deux dernières années, avec l’expansion de la programmation de l’AFMI, « Jazz en tribu » a souffert d’un manque de temps et de moyens. « Difficile de tout organiser et de trouver des fonds pour tous les projets », regrette le directeur
de l’Association de formation de musicien intervenant. « Aussi, au lieu de solliciter un artiste international uniquement pour l’événement, nous avons choisi de profiter de la venue de musiciens dans le cadre d’autres projets comme le groupe Akpe Motion invité l’année dernière et cette année par le Vice-rectorat. » Les artistes locaux ont également intégré les rangs en octobre, dans une nouvelle formule enrichissante tant
pour les musiciens que pour le public. Car malgré les difficultés matérielles rencontrées, le concept est un vrai succès. D’autres projets similaires ont vu le jour comme « Danse en tribu » ou « Musique en tribu » organisés par le
complexe culturel de Koné. Avec un tel engouement, nul doute que ces rendez-vous musicaux ont encore de beaux jours devant eux.* Association de formation de musicien intervenant** Bruno Zanchetta est l’ancien directeur adjoint du Conservatoire de musique et de danse.
Édition 2014Du 6 au 26 octobre, le programme a rassemblé des musiciens locaux et le groupe Akpe Motion, une bande de joyeux musiciens qui parcourt le monde à la recherche de sonorités différentes. Pendant presque un mois, les artistes ont été en résidence à Koumac à l’antenne du conservatoire avec des collégiens. Ils ont participé à « Jazz en tribu » organisé cette année autour du Festival des moins grands dans cinq tribus de la région de Houaïlou et ont aussi donné une série de concerts dans les bars de Nouméa.
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TO MUSICPar Léna Quillier
Depuis 2009, l’AFMI* organise « Jazz en tribu », un rendez-vous musical unique au cœur de plusieurs tribus de la province Nord. Chaque année, de grands noms du jazz international jouent à ciel ouvert pour un public souvent néophyte, enchanté de pouvoir écouter, découvrir et partagerla musique sur le seuil de leur maison.
musique
C’est avant tout un projet de proximité
Tribu(te)Des projets comme « Jazz en tribu » permettent de faire vivre l’art au-delà des simples lieux de diffusion classiques, offrant à tout le monde la chance d’en apprécier la portée.
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24 L'art autrement
arts visuels
la grande illusion
epuis une petite dizaine d’années, un nouveau procédé artistique, le mapping, permet de transformer notre perception d’une surface ou d’un objet en y projetant un motif numérique. On se souvient ainsi des façades de la cathédrale
Saint-Joseph et de la caserne Gally-Passebosc, habillées en 2008 de couleurs virtuelles.Ce procédé n’est pas totalement nouveau puisque dès la fin des années 1970, l’architecte et prestidigitateur allemand Hans Walter Müller dessinait déjà des couleurs et des formes sur des monuments publics à l’aide de diapositives.
De la peinture numériqueAvec l’apparition des vidéoprojecteurs nouvelle génération et de logiciels adaptés, la technique du mapping s’est démocratisée, notamment dans l’univers de la musique électronique et du VJing, qui consiste à diffuser des images en rythme ou encore chez les plasticiens.L’artiste Nicolas Molé en fait régulièrement usage dans ses installations. « J’ai toujours été un peintre grand format et
Né dans les années 2000, le mapping superpose des textures numériques sur des corps, des objets ou des édifices par le biais d’un vidéoprojecteur. Cette nouvelle forme d’art multimédia joue sur l’illusion d’optique pour un résultat souvent spectaculaire.
MaPPing,
SYDNEY, LA NOUVELLE « VILLE LUMIÈRE »Chaque année, la ville de Sydney organise la plus grande fête de la lumière de tout l’hémisphère Sud. Pendant dix-huit jours, des artistes internationaux projettent des images en musique sur les bâtiments les plus célèbres de la ville. Chaque édition du Vivid Sydney Festival attire plusieurs centaines de milliers de spectateurs. La prochaine aura lieu du 22 mai au 8 juin 2015.Nouméa, aussi, pourrait fêter « la lumière » en fin d’année.
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Par Coralie Cochin
la projection lumineuse m’a toujours intéressé, sous toutes ses formes. L’avantage avec le mapping, c’est que l’on peut atteindre le très grand très rapidement. »Dans Hnapala ou Loup y es-tu ?*, Nicolas Molé s’est inspiré des bruits de la nature et des paysages luxuriants de Lifou, d’où est originaire son père, pour donner vie aux murs du centre culturel Tjibaou. « Pour moi, le mapping, c’est de la peinture numérique », résume l’artiste qui utilise des techniques telles que le clair-obscur pour donner de la profondeur à ses œuvres. Écrire dans l’espaceLe chorégraphe Soufiane Karim s’est intéressé lui aussi à cette technique de superposition. Dans Kaly-Graffyk, présenté en avril au centre d’Art, le danseur a travaillé avec la photographe Aude-Émilie Dorion pour utiliser le corps comme support de calligraphies arabes. « Tout a été mixé en live. C’était une sorte de mapping artisanal, avec un carton relié à une ficelle que j’actionnais pendant le spectacle », confie la jeune femme. « Mais finalement, cette méthode née de bric et de broc a rendu service au spectacle car l’univers collait au théâtre d’ombres d’Indonésie », un pays où s’est rendu Soufiane Karim pendant ses recherches artistiques. Pour Aude-Émilie Dorion, le mapping présente un attrait indéniable : celui de « nous transporter dans un univers onirique en ajoutant une texture aux corps et aux objets ». *Découvrez le travail de Nicolas Molé sur le-singe-vert.tumblr.com
L’avantage avec le mapping, c’est que l’on peut atteindre le très grand très rapidement
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Lors de l'exposition Loup y es-tu ? de Nicolas Molé en 2013, les spectateurs pouvaient, à l'aide d'une télécommande, tenter de débusquer des êtres fantasmagoriques cachés dans l’ombre de la forêt.
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25Le genre idéal
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CELENODNengone Ri 1841 ?
VEVELANMy Family
L’oreille attentive et critique des jurés locaux a été fortement sollicitée pour la sixième édition des Flèches de la Musique. En raison du report du concours l’année dernière, le jury a du écouter plus d’une centaine d’albums, sortis entre 2013 et 2014. Au final, ils ont tranché : 24 nominés dans six catégories (Kaneka, Electro-Jazz-Groove, Pop-Rock, Reggae, World Music et Variété-Musique du Pacifique). En attendant le verdict – divulgué au public lors de la cérémonie diffusée le 6 décembre prochain sur NC1ère, petit panorama des groupes et artistes en lice.
Fondé dans les années 1980, le kaneka ne cesse d’évoluer, entraînant en son sein de plus en plus d’adeptes. Plus de trente groupes étaient inscrits dans cette catégorie, un travail titanesque pour notre jury. Et les élus ne sont pas inconnus du public. Loin de là ! Celenod, Dick & Hnatr, Krys et Vevelan ; quatre groupes bien implantés dans le décor musical calédonien.
Par Claire ThiebautPhotos d'Éric Dell'Erba sauf mention contraire
Et lesnOMinessont…*
Kaneka
* Dans un souci d’équité, toutes les biographies express vous sont présentées par ordre alphabétique.
H ervé Waheo, plus connu sous son nom de scène Vevelan, profite de ses années d’études en Métropole pour diversifier sa culture musicale. Il intègre ainsi plusieurs
groupes réunissant des artistes du Pacifique.Quand il rentre au pays en 2011, l’artiste édite son premier album solo, Wawaly. Il récidive en 2013 avec My family,un disque riche en featurings (Wifi Konnexion et Landry, Sadro, Ada...) qui raconte l’importance de l’amour et de la famille,sur des mélodies joyeuses et entraînantes. Personnage agréable et souriant, Vevelan livre un kaneka tout aussi optimiste.
KRYSL’Arbre
C hristian Kona, artiste de Canala connu sous
le pseudonyme Krys, a une longue et remarquable discographie derrière lui. Membre fondateur
du kaneka, il fait partie de ceux qui ont su faire évoluer leur musique jusqu’à aujourd’hui.De ses créations, on découvre des influences variées telles que le rock des années 1970 et la soul. Après dix ans de retraite musicale, Krys fait son grand retour en 2011 ; trois ans plus tard, il est nominé aux Flèches de la Musique 2014 pour son album L’Arbre, sorti en 2013. Très attaché àson environnement, l’artiste puise ses inspirations dans la nature qui l’entoure. Un hommage musical à la beauté de son pays.
L 'album Nengone Ri 1841 ?sort en 2013 et Celenod renoue avec le succès de
ses deux premiers opus. Créée au début des années 2000, la jeune formation,qui compte sept membres habituellement, s’affirme avec un style caractéristique : un kaneka dynamique, acoustique, dansant, qui reste néanmoins fidèle aux origines de cette musique identitaire. D'ailleurs, Moïse Wadra, considéré comme le directeur artistique de la troupe, y veille. Forte de son identité maréenne, la fine équipe s’est lancée à l’export, notamment sur les scènes métropolitaines. Expérience internationale qui lui a permis, encore cette année, de parfaire son travail scénique et de proposer une musique intelligemment métissée.
DICK & HNATRDeko Pareu Ri Ci Ran
D ick&Hnatr, le duo de Maré entre en compétition avec l’album Deko Pareu Ri Ci Ran, paru
à la fin de l’année 2013. Artistes reconnus depuis plusieurs décennies, pères fondateurs du kaneka, le couple Buama est loin de se répéter et fait montre de recherches fertiles pour moderniser sa musique. Dans ce dernier opus, on retrouve l’empreinte du musicien et compositeur franco-algérien Camel Zekri, fruit d’une longue collaboration avec le duo. Depuis leurs débuts avec le groupe Gurejele, les îliens se sont exportés en Métropole et en Afrique, confrontant leur kaneka quotidien à bien d’autres sonorités.
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MICHEL BÉNÉBIGYellow Purple
STÉPHANE FERNANDEZBossamba
S a guitare, Stéphane Fernandezla met au service
de nombreux groupes et de bien des styles. Depuis son arrivée en 1999 en Nouvelle-Calédonie, il n’a de cesse de monter des collaborations entre artistes locaux et internationaux, alimentant ainsi sa palette de styles. Nominé avec l'album Nando, Stéphane Fernandez est un artiste
hétéroclite, touche-à-tout, qui s'est aussi bien illustré dans l'electro-jazz, qu'en tant que guitariste manouche ou bluesman fusion.
On ne va pas mentir : la catégorie Electro-Jazz-Groove n’est pas la plus fournie de cette édition des Flèches. Pourtant, la musique électronique, le groove et le jazz calédonien comptent quelques artistes très connus à l’image de Michel Bénébig, Mya ou encore Stéphane Fernandez. Mais les petits nouveaux ne sont pas loin, comme ClearStream Data nominé cette année. Et tous sont remis sur un pied d’égalité à l’occasion du concours.
Electro-Jazz-Groove
CLEARSTREAM DATAIs There a Brain Inside?
Q uand le délire de cinq amis musiciens prend forme, cela donne ClearStream Data. Au début, ils étaient trois amoureux d’electro, réunis pour quelques répétitions
hebdomadaires. Puis un guitariste et un bassiste expérimentés les ont rejoints. Les bœufs finissent finalement sur un projet fou : et si on sortait un disque ? ClearStream Data édite Is There a Brain Inside? en 2013, se montre sur quelques
scènes et diffuse sa musique electro principalement sur internet. Aujourd’hui, le groupe s’est un peu éparpillé, mais les amis sont restés fidèles.Et ils ont le sourire car leur petite lubie les a conduits à concourir pour les Flèches 2014 !
MYAMam
D ébut des années 1990. Alors que la Nouvelle-Calédonie est toute
offerte au kaneka, Mya auteur-compositeur-interprète de Lifou diffuse, lui, un son atypique :la soul. Son timbre de voix l’y destinait certainement : une tessiture chaude, ronde, envoûtante, dansla veine de Marvin Gayeet Billy Paul.Avec son nouvel album Mam, il poursuitses recherches de fusion, entre soul, jazz, blues et kaneka, combinant les différents rythmes et les langues. Quand le drehu remplace l’anglais, la soul américainese « pacifie »...
Q uand on parle de Michel Bénébig, on pense tout de suite à son orgue hammond et à son bonnet plat. L’homme et son univers blues-jazz titillent l’oreille de plusieurs
générations de Calédoniens. Depuis la fin des années 1980, il joue nuit et jour, et crée de petits groupes de jazzmen qu’il aide à se lancer sur le territoire et à l’international. Musicien accompli, il met au service des autres artistes sa connaissance des scènes européennes et américaines grâce à l'AMJ-BECA, l’association des musiciens de jazz & blues pour les échanges et la création artistique. Deux de ses albums ont concouru pour les Flèches, mais c’est finalement pour Yellow Purple qu’il est nominé en 2014.
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YKSONTu es mon soleil
Y kson fait partie de cette nouvelle génération d’artistes qui tirent des formes traditionnelles de quoi alimenter une musique résolument actuelle.
Le chanteur a choisi de donner de sa voix rauque et puissante sur des compositions blues-pop-rock. Se voulant porte-parole d’une société en transition, Ykson véhicule - à travers sa musique - les messages d’une jeunesse en construction et en perpétuelle recherche d’identité. En 2008, il rafle deux Flèches de la Musique dont le prix Révélation qui récompense son EP quatre titres Prête-moi tes ailes. Avec son nouvel album, Tu es mon soleil, l’artiste concourt pour un nouveau trophée dans une catégorie qui lui colle à la peau.
De plus en plus développée sur le territoire, la scène pop rock calédonienne recèle quelques talents notables. Darling & Co, Ykson, Patrice Prudent et King Biscuit Time donnent le tempo d’un courant musical diversifié dans ses influences et expressions.
Pop-Rock
DARLING & COClose Connection
PATRICE PRUDENTElectric Storm
KING BISCUIT TIMEAhead of Time
A u complet depuis 2013, la formation des cinq compères de Darling & Co est récente mais déjà performante.On perçoit dans leurs compositions les kilomètres
de cordes qu’ils ont déjà tous déroulés avec d’autres acolytes. Avec Close Connection, le groupe dévoile un rock où instruments et voix sont savamment équilibrés sur des mélodies largement inspirées par de grands noms comme U2, Incubus ou Pink Floyd. Sur scène, la jeune bande de quadras dégage une énergie communicative, de franche camaraderie qui rend chacune de leurs prestations chaleureuse etbon enfant.
M usicien accompli, Patrice Prudent est un fanatique de guitare, un perfectionniste du son. Professeur de musique, il transmet sa pratique rigoureuse
de technicien à ses élèves. À la fin des années 2000, il se forme à la scène avec plusieurs groupes comme Tama, Escape ou Daddy Kool et créera aussi, avec deux de ses amis musiciens, le groupe Trias ; autant d’occasions qui lui permettent de s’affirmer aussi comme chanteur. Il propose enfin un album solo en 2013, Electric Storm, dans lequel il pousse loin - très loin - ses recherches de virtuosité.
V ingt ans après Blues Staff, une bonne partie de membres du groupe s’est reformée sous le nom King Biscuit Time. Paul Dubois, Paul Mesanovic, Sébastien Mesnil et Karl
Baudoin offrent un nouveau groove à la musique pop-rock du Caillou. Inspirée par des groupes comme les BB King, les Rolling Stones ou encore par des chanteurs de renom tels que Bob Dylan et Rod Stewart, la "jeune" formation sort Ahead of Time en 2013. Les King Biscuit Time veulent avant tout faire de la musique sans artifice et pour le fun. C'est sûrement cette simplicité, qui comme une invitation à savourer ce groovy teatime, séduit et a tapé dans l'oreille des jurés.
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Que les amateurs du vert, jaune, rouge se rassurent, le reggae est bien vivant en Nouvelle-Calédonie ! Le grand frère du kaneka peut s’appuyer sur des groupes jeunes, dynamiques et inventifs. Parmi eux, Soul Sindikate & Dub Trooper, Stan and the Earth Force, Boagan et I&I sont sortis du lot.
ReggaeBOAGANPapillon Bleu
S a musique est comme son attitude sur scène : décontractée, sans prétention. Boagan vient de sortir Papillon Bleu, un EP en grande majorité reggae, bien
construit, délivré en français, ce qui permet au public de soutenir son chant. L’artiste est un jongleur de styles : kaneka, soul, reggae et musique traditionnelle s’entremêlent dans des arrangements maîtrisés. En 2011, le jeune homme remporte le concours 9 semaines et un jour, et s’envole vers la Métropole pour se produire aux Francofolies de La Rochelle. Son aisance scénique, son charisme emportent alors le public présent.
STAN AND THE EARTH FORCEJah Love is Evermore
SOUL SINDIKATE & DUB TROOPERSupa Green
I&ICommon Fate
© DR
E n 2013, la Calédonie a découvert le nouveau visage du groupe I&Iration. Connu depuis deux ans, grâce à leurs nombreux concerts de reprises de Bob Marley,
la formation fait peau neuve. Les cinq musiciens sont maintenant auteurs, compositeurs, interprètes. I&Iration devient I&I, l’EP Let Dem talk, est leur premier succès. On se souvient de leur show en première partie de Groundation à l'arène de Païta, date magique où le groupe a présenté devant un public très réceptif, les titres de son nouvel album Common Fate. 2014 est une très bonne année pour I&I, qui prend son ticket pour se frayer une place parmi les grands.
O n pourrait presque en faire
une question à 100 francs : qui est la voix la plus connue du reggae vanuatais en Calédonie ? Unanimement, les afficionados du genre s’écrieront Stan and the Earth Force. Sans se départir de son habituel sourire tranquille, Stan diffuse les ondes d’un reggae roots positif dans lequel il expose sa vision de la société et de la religion. Grand habitué des scènes calédoniennes, il était lauréat de la catégorie reggae des Flèches de la Musique 2012. Cette année, il est à nouveau nominé avec Jah Love is Evermore, un album à écouter pour se détendre et voir la vie en mode rasta.
T out est presque dans le titre : Soul Sindikate & Dub Trooper. De la soul et du dub. Mais il aurait fallu plusieurs autres lignes pour synthétiser poétiquement
toutes les influences du groupe. Depuis 2008, à l’aide de compos finement orchestrées, il montre une intéressante combinaison de styles qui gravite autour de l’electro et du reggae. Leur premier opus Human Project a reçu le prix du Meilleur album dub aux Victoires du Reggae 2012. Fort de cette belle récompense, Soul Sindikate & Dub Trooper a enregistré la même année son double CD Kingston-Nouméa, en Jamaïque, histoire de puiser l’inspiration à la racine. En 2013, ils reviennent avec Supa Green, un album résolument reggae, qui a su conquérir le jury local.
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ANYASHSiéj
World music ou musiques du monde est un terme générique pour désigner les diverses cultures du globe et leurs expressions musicales. Musique de fusion entre des formes traditionnelles et des expressions contemporaines, elle est très présente en Nouvelle-Calédonie comme le prouve le succès public des quatres nominés de cette catégorie : Ekoten, Gulaan, Kalaga’la ou encore un petit jeune - moins connu - Anyash.
World Music-Folk
KALAGA’LAAimons-nous
GULAANWa Angellah
EKOTENPetit d’homme
D e leur petite île de Tiga, Ekoten a emprunté le nom d’une plage pour baptiser leur formation où évolue tout de même neuf artistes. En 2013, après deux ans de scène,
leur premier album, Petit d’homme, est un franc succès sur les ondes et auprès du public ; électron libre de la world music en Nouvelle-Calédonie. Leur opus est le reflet de l’éclectisme des influences des musiciens. : jazz, funk, soul sans oublier, bien sûr, le son traditionnel de leur île.
I ssus du conservatoire de musique
de Lifou, quatre jeunes de 16 à 19 ans se sont retrouvés aux côtés de l’artiste Jean Haeweng pour former le groupe Anyash. En 2012, ils travaillent sur leur premier album, Siéj, avant de le présenter sur scène, au public calédonien l'année suivante en 2013. Centrés principalement sur la jeunesse - avec ses joies et ses peines -, leurs textes se chantent sur des rythmes reggae, jazz, kaneka, et parfois R'n’b.
E xpression wallisienne et futunienne de Calédonie, les trois artistes de Kalaga’la livrent dans leur second disque Aimons-nous, un beau mélange de musique
du Pacifique et de folk. Patrice Kaïkilekofe, Auto Lami et Tyssia plaident pour le destin commun et la valorisation d’un Caillou multiculturel, tout en asseyant solidement le renouveau de la musique wallisienne sur les scènes d'Océanie et particulièrement néo-zélandaises, une grande sœur polynésienne chez qui le groupe s’invite régulièrement.
L e maréen Gulaan, ancien chanteur du groupe Ok ! Ryos, se lance en solo en 2005. Son timbre de voix, ses mélodies de guitare arpégées et la sobriété de ses compositions
sont les marques de fabrique de cet artiste autodidacte. Dans la veine d’un Cabrel ou d’un Le Forestier, Gulaan met de la poésie dans ses textes et dans ses mélodies. L’amour, l’un de ses thèmes favoris, transparaît aussi sur scène, dans sa gestuelle et sa façon de s’adresser au public ; scène sur laquelle il accueille très régulièrement sa famille au chant et derrière les instruments.
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Vingt-six albums en compétition, des groupes de tous horizons. La catégorie Variété-Musique du Pacifique a fait le plein de bonnes sorties en 2013 et 2014. Le jury local s’est finalement arrêté sur trois groupes salomonais, DMP, Onetox et Small Jam et un groupe très connu de Nouvelle-Calédonie : les Koulnoue Boys Band.
Variété-Musique du Pacifique
SMALL JAMI Won’t Give Up
ONETOXAnother Day
KOULNOUE BOYS BANDHyewen
DMPSquare One
C réé en 2004, le groupe des
îles Salomon DMP, initales de Door Man’s Project, a connu des débuts difficiles. Refusé par plusieurs maisons de production, leur carrière se lance finalement en 2011 lors d'un concert en Nouvelle-Calédonie. Ils sont alors repérés par le studio Mangrove pour l’enregistrement de leur premier album. Sur des musiques qui oscillent entre le reggae et la musique des îles, ils abordent des sujets majoritairement issus de leur vie quotidienne. Leur dernier disque Square One est nominé aux Flèches de la Musique 2014.
F ormée au début des années 2000, une première troupe du Koulnoue Boys Band se fait connaître sur le territoire. Seul rescapé de cet ensemble d’origine, Patrick Tidjitte
remonte un nouveau groupe, dont les membres sont toujours issus de la tribu de Koulnoue, à Hienghène. Rapidement, ils deviennent des showmen très appréciés. Le public est sous le charme de leurs compositions qui mélangent avec subtilité des rythmes tahitiens et de la musique traditionnelle locale, le cada.
L es Salomonais du groupe Onetox se
sont fait un nom dans la région Pacifique avec leur single « Ramukanzi », tiré de leur premier album Affirmation. La formation combine les thèmes des îles de Mélanésie avec des sons hip hop, reggae, ragga. Ils concourent cette année avec leur deuxième opus, Another Day.
Small Jam est la réunion de deux voix très connues dans l'archipel des Salomons et la région Pacifique : Mostyn Hani aka Pussycat, chanteur de DMP, et Richard Kew
Yee aka J Kew, celui du groupe Onetox.La voix de « lover » de Mostyn associée à la voix « rageuse »
de J Kew donne un son unique à cette association. DJ Liamz, le faiseur de hits salomonais, a mis en musique leur premier album en commun : I Won’t Give Up.
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de nouvelles directions
a musique résonne partout, tout le temps en Nouvelle-Calédonie. Mais le petit pays est isolé et ne se fait guère entendre au-delà de la barrière de corail, notamment en Métropole.Sauf, quand soudainement, le territoire se retrouve dans la longue vue des médias, des programmateurs et diffuseurs extérieurs. Cette aubaine est arrivée en 2013 grâce à l’exposition Kanak, l’Art est une Parole, proposée
au musée du quai Branly puis au centre culturel Tjibaou.À cette occasion, le Poemart a organisé un plateau musical, le K-Muzik, qui a donné un avant-goût du Caillou, lors d’une tournée en France. Ces quelques dates ont mis une partie du monde médiatique en appétit : RFI, Outre-Mer 1ère, Nova, France Inter, Libération, Télérama, Les Inrocks, etc. Restait aux artistes et au Poemart de garder cette dynamique. Sortir la tête du CaillouAlors, le Poemart et la Sacenc proposent de se servir des Flèches 2014 comme vitrine des productions calédoniennes auprès des professionnels, séduits parle K-Muzik. Ainsi, cette année, un jury international a rejoint les jurés locaux et a élu les lauréats des catégories kaneka, reggae, pop rock métal, electro jazz, groove et world music.Chris Tatéossian, directeur du Poemart s’explique sur la venue de ces internationaux : « Nous avons cru intéressant d'inviter des professionnels de la culture, métropolitains, australiens et néo-zélandais. Nous inversons les rôles
du K-Muzik : ce ne sont plus quelques ambassadeurs qui se déplacent, mais une équipe de sept journalistes, programmateurs et diffuseurs qui vient s’immerger dans le vivier musical du pays ». Le prix Export-Maison de la Nouvelle-Calédonie« Le corollaire de la venue de ces invités, c’est une belle ouverture sur l’international pour nos artistes : le prix Export. » Car, le lauréat de ce prix remportera une tournée
en Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique eten Métropole, organisée par le Poemartet ses partenaires.Trente-trois artistes ont répondu présents. Six groupes ont été nominés sur écoute par ce jury. Suivra pour chacun d’eux, une audition live de trente minutes en province Sud et en province Nord. Avant ce casting, les candidats bénéficieront d’un accompagnement par un coach scénique, Juliette Solal et un coach
artistique, Christian Bordarier (voir p. 37).
Par Claire Thiebaut
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Créées en 2006, les Flèches de la Musique avaient trouvé leur rythme de croisière, récompensant chaque année les meilleurs artistes musicaux du pays. Pourtant en 2013, la cérémonie n’a pas eu lieu : les co-organisateurs, la Sacenc et le Poemart, avaient décidé d’une année de césure pour repenser le concept et l’enrichir. En 2014, les Flèches de la Musique reviennent avec leur lot de nouveautés.
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UN ENCADREMENT PROFESSIONNELParce que les Flèches de la Musique soutiennent la professionnalisation des artistes, plusieurs nouvelles mesures sont mises en place pour soutenir nominés et lauréats sur le chemin de la reconnaissance.Les gagnants des Flèches pourront être aidés pour valoriser leur communication et leurs disques seront mis en avant chez les distributeurs locaux.Neuf jours de formation sont également proposés par Fabrice Absil et Christian Bordarier qui tiendront des conférences, en province Sud et en province Nord, sur le management et les contrats ainsi que sur l’utilisation du numérique.
En 2012, la cérémonie des Flèches de la Musique avait récompensé onze groupes/chanteurs. Cette année, qui seront les lauréats ? Qui remportera le prix Export ?
Le prix Export, une belle ouverture sur l’international pour nos artistes
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LA MUSIQUE AVANT TOUTS’ils sont connus dans le domaine des arts plastiques, les deux artistes ont aussi fait une incursion dans le monde des notes et des rythmes. Petite, Paula Boi faisait de la musique avec son père. À 19 ans, elle rencontre Théo Menango et passe son temps dans les studios avec les précurseurs du kaneka. « C’est un honneur pour moi d’avoir participé à la création du trophée car cette récompense permet de tirer vers le haut les musiciens, de valoriser leur travail », explique la peintre. Quant à Adjé, on le connaît aussi comme slameur et selon lui, « ce trophée représente beaucoup pour les musiciens locaux ».
Le trophEe
e dessin du trophée a été réalisé par Paula Boi. Éminente artiste kanak, elle est connue notamment pour être l’une des conceptrices du célèbre drapeau FLNKS dans les années 1980, qui flotte aujourd’hui à côté du drapeau français en Nouvelle-Calédonie. L’artiste n’a pas son égal
pour imaginer des créations symboliques fortes et parlantes. Les premiers dessins qu’elle propose à l’époque à Jean-Marc Ventoume, ancien directeur du Poemart, représentent le rond d’un CD, deux bwanjep et la tête d'une flèche faîtière. « C’était la requête de Jean-Marc d’utiliser ces trois éléments. De croquis en croquis, j’ai stylisé et simplifié mes dessins. Au départ, le peigne évoquait aussi une portée musicale, mais j’ai encore épuré. De la tête de la flèche faîtière n’est resté finalement que le peigne. »Pour Paula Boi, cela ne faisait aucun doute : pour transformer son dessin en objet, il fallait utiliser des matériaux propres au pays comme le bois (kohu), le verre (la transparence de l’océan) et l’inox (le nickel) et renforcer ainsi la symbolique identitaire de la sculpture. « Au départ nous avions pensé à Norman Song mais finalement, cela n'a pas pu se faire avec lui. La seule personne que je voyais alors pour ce travail était Adjé » se remémore-t-elle. La collaboration entre les deux artistes marque une nouvelle étape de leur histoire artistique commune commencée des années auparavant.
Deux artistes, une seule œuvre
C’est dans les années 1990 que Paula Boi et Adjé font connaissance en partageant la même revendication, celle du statut des artistes calédoniens. « On a été les premiers guerriers avec Yvette Bouquet à manifester pour la condition des artistes au pays » se souvient le plasticien. Plus tard, c’est sur les bancs des écoles que les artistes se retrouvent en tant qu’intervenants artistiques dans
les maternelles de la Vallée du Tir. « Depuis, nous nous croisons pour des projets, des ateliers, des expositions, nous nous retrouvons toujours au hasard de nos parcours respectifs » racontent-ils d’une même voix. Le trophée des Flèches de la Musique s’est donc édifié au fur et à mesure d’une intense réflexion collective. La proposition graphique de Paula Boi a ensuite évolué en fonction des contraintes techniques de la sculpture. « Tout en restant fidèle au dessin
de Paula, je me permets de temps en temps de changer le verre, d’utiliser des ponçages différents, l’aspect de l’inox, etc. Chaque année je change des détails, c’est ma façon de m’exprimer. » Afin de poursuivre cette collaboration, et toujours dans l’esprit de continuer leur travail de création, les deux artistes espèrent un jour réinventer le futur trophée.
Passionnés et complices, Paula Boi et Adjé signent la réalisation des premiers trophées des Flèches de la Musique en 2008. Plus que de simples objets, ce sont des œuvres d’art qui récompensent chaque année la création musicale du pays.
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* percussions faites en écorce de figuier
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Responsable de la programmation du festival des Francofolies de La Rochelle, Florence Jeux apporte une vision dynamique de la scène en fête. Créées
en 1986, « Les Francos » valorisent la création musicale actuelle. Aujourd’hui, le festival va plus loin et accompagne les artistes vers la professionnalisation. Et, c’est bien cela que recherche Florence Jeux. « La cérémonie des Flèches n’est pas un projet éphémère mais bien la volonté de construire avec les artistes, une vraie carrière ». Cette grande voyageuse ne boude pas son plaisir de venir en Nouvelle-Calédonie. « Nous sommes très attachés à mettre en valeur les territoires francophones et les pays d’outre-mer participent grandement à la richesse culturelle de la France. »
Par Claire Thiebaut
La musique localedans l'œil du mondeAux côtés du jury local, sept jurés internationaux se prêtent au jeu des Flèches de la Musique 2014. Ils voteront pour chacune des catégories et désigneront le lauréat du prix Export. Quatre d’entre eux lèvent le voile sur leurs attentes.
D epuis dix ans à l’une des manettes de la musique de France Inter, Marion Guilbaud a l’ouïe affûtée. « C’est la radio qui m’a poussée à diversifier mes goûts.
Quand on programme pour un large auditorat, sur le service public qui plus est, il faut veiller à n’exclure personne et à proposer de tout. » Elle confie « rechercher l’émotion dans la musique, car c’est cela qui rassemble le public ».Plusieurs fois jurée, elle se dit exigeante, mais bienveillante. « Le gagnant va être très exposé, au public et à la presse.S’il n’est pas prêt, sa carrière peut tourner court. »À titre personnel, Marion Guilbaud confesse aimer tout particulièrement le rock, s'intéresser aussi au reggae et avoir entendu parler du kaneka.En tant que programmatrice, elle est aussi adeptede world music. « C’est un style qui se développe beaucoup, entre la création contemporaine et les sons traditionnels. »La musique africaine a déjà percé.Pourquoi pas l’Océanie ?
De sa plume indépendante, Gilles Renault remplit les pages culture du journal Libération. Liberté attisée par sa « curiosité quasi-insatiable », dit-il.
« Je m'intéresse à des sujets aussi variés que le cinéma, le théâtre, la photographie, le cirque ou l'art contemporain. » Mais son premier champ d’investigation reste la musique. « J’ai pu rencontrer Madonna, David Bowie ou U2, tout comme un grand nombre d'artistes peu connus, que je me suis efforcé – à mon modeste niveau – de promouvoir. » Le journaliste culturel s’intéresse de près à la Nouvelle-Calédonie, qu’il a déjà visitée lors d’un voyage professionnel pour l’exposition Kanak, l’Art est une Parole. Depuis Paris, Gilles Renault parfait aussi sa connaissance de la scène calédonienne grâce aux spectacles du quai Branly. « J’ai pu y voir une belle énergie qui ne demandait qu'à s'exprimer et à s'exporter ».
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Deux coaches accompagneront les six nominés du prix Export pendant un jour et demi chacun, jusqu’à leur audition live le 28 novembre prochain, au petit Théâtre du Mont-Dore et le 30, au centre culturel de Koné. Ils leurs donneront conseils et bottes secrètes pour le grand show.
BIENVENUE ÉGALEMENT À…Aurélie Montagnon,Antenne Rhône-Alpes du festival Printemps de Bourges, jurée. Isabelle Faure,Directrice générale des Alliances françaises d'Australie, jurée.Fabrice Absil,Éditions et distribution numérique Absilone, juré et formateur.
Les conseils de pros...
Connue pour être « la main de fer dans un gant de velours » de la Star Academy, Juliette
Solal est coach vocal et scénique. Elle-même auteur-compositeur-interprète, elle connaît « les difficultés du métier, les angoisses de la scène et le trac ». Très présente et engagée aux côtés des artistes, elle accorde une place privilégiée à la psychologie et à l’humain. « J’aime pousser les gens vers l’inconnu, leur donner envie d’essayer de nouvelles choses sur scène. Mais je reste très attentive à leur personnalité et leur univers artistique. Je me rends aussi le plus disponible possible pour les artistes en difficulté, tant technique que morale. » En contrepartie de cette empathie, la professionnelle est exigeante, pointilleuse, et cherchera toujours à mettre en valeur la singularité d’un artiste.
D irecteur artistique depuis trente-cinq ans, il a travaillé pour de nombreux labels indépendants. Le dernier en date et le plus
connu : Wagram. Sa vision de la prestation scénique est globale : « présenter un bon show, c’est trouver l’équilibre général entre la musique,la voix, la mise en scène, les lumières... ».Il souligne l’importance de « bien choisir son répertoire, avec les titres les plus représentatifs tout en gardant une cohérence. On recherche l’efficacité d’un concert, en version réduite. »
Juliette Solal Christian Bordarier
J ean-Marc Dépierre, directeur de l’Alliance française d’Auckland, Nouvelle-Zélande, vit d’expatriations. Danemark, Congo Brazzaville, Rwanda, Nigéria,
Botswana. Autant de voyages qui ont formé ses goûts musicaux. Aujourd’hui, sa mission est de faire rayonner la langue française et les cultures francophones. Lui-même musicien, il s’enthousiasme de travailler avec un groupe calédonien.« La chanson est un bon outil pour valoriser le français.Et, dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, un excellent vecteur de la diversité des langues locales. »Il confie que la programmation de musiques du Caillou en terre kiwi est un gros défi. « La plupart des Néo-Zélandais ne connaissent pas cette île. Pour eux, la France est plus une époque qu’un pays. C’est le Paris des années 1950 ! Il faudra les bonnes conditions pour présenter une France du Pacifique, avec sa culture traditionnelle et ses valeurs de 2014, mais c’est justement là une des missions de l’Alliance française. »
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es huit membres du jury se sont rencontrés lors de trois commissions d’audition au mois d’août afin de sélectionner les nominés de chaque catégorie. Un travail long et méthodique puisqu’il s’agit de prendre en compte tous les albums sortis entre le 1er octobre 2012 et le 31 juillet 2014. « Pour juger les musiques, j’essaye
d’écouter une première fois de la façon la plus objective possible, sans même regarder le nom de l’artiste. Puis, je fais un classement comparatif : un album par rapport à un autre, les différents parcours d’artistes, l’évolution entre deux albums, etc. » L’oreille de Bruno Rebel, responsable des programmes sur Radio Rythme Bleu, est aussi attentive à la musique qu’à la qualité des textes. « Les gens des îles sont souvent trop romantiques. Lorsque j’écoute un morceau, j’attends des textes plus recherchés » observe John Apock, responsable animation sur Radio Djiido. Chacun a son avis et les débats sont parfois animés lors des auditions, mais « c’est un moment privilégié pour les membres du jury car ils peuvent échanger et aussi approfondir des liens professionnels intéressants » rappelle Bruno Rebel. Pour Quentin Radigue, animateur sur Océane FM, le concours « permet avant tout de montrer aux artistes qu’il y a un suivi sérieux derrière leurs productions ». La diffusion, la plus belle des récompensesSans la télévision ou la radio, la musique aurait du mal à se frayer un chemin vers le public.
Il est donc indispensable que les médias en question jouent leur rôle de diffuseur. Chacun remplit cette mission à sa manière. « La musique qui illustre nos sujets n'est pas toujours locale, mais dès que l'on peut, on le fait » insiste Cloé Yentao, journaliste à NCTV. Quant à Radio Djiido, sur une heure d’antenne, la fréquence propose 60% de musique du Caillou, 30% de musique régionale et 10% de musique internationale. Pour Franck Weiss, programmateur musical de la radio NC 1ère, c’est la musique locale « qui donne le rythme [...] sur nos antennes. Le concours des Flèches est nécessaire pour reconnaître le talent et saluer tous les acteurs de la profession ». Malgré une rude concurrence entre les différents médias locaux, tous se retrouvent unis à l’occasion des Flèches de la Musique pour contribuer – ensemble – au développement de la musique du pays.
Mesdames et Messieurs,
Parce que la musique calédonienne a plus que jamais besoin de l’écoute du public, le Poemart et la Sacenc ont réuni cette année un jury composé des principaux diffuseurs du pays, télévisions, radios et distributeurs.
les jures
LES HUIT MEMBRES DU JURY LOCAL :Quentin Radigue, animateur à Océane FMJohn Apock, responsable animation de Radio DjiidoValérie Raffin, responsable communication pour Canal + Nouvelle-CalédonieFranck Weiss, programmateur musical de la radio NC 1ère
Bruno Rebel, responsable des programmes de RRBCloé Yentao, journaliste reporter d'images et chroniqueuse pour NCTVFabien Mouledous, responsable de Day One et responsable achat de Compact MégastoreNicolas Salvador, directeur général de Canl (GOTV)Lége
De gauche à droiteQuentin Radigue, John Apock, Valérie Raffin,
Franck Weiss, Bruno Rebel, Cloé Yentao et Fabien Mouledous. Seul absent sur la photo,
Nicolas Salvador.
Par Léna Quillier
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Renseignements au 25 07 50.Plus d’infos sur www.centredart.noumea.nc
SPeCTaCLeS au ThéâTre de PoChe
Théâtre comédieLES AMIS DU PLACARDPièce de Gabor RassovAdapté et mis en scène par Jean-Paul Smadja de la compagnie Les IncompressiblesSous forme de comédie loufoque, cette pièce illustre avec férocité et cocasserie des penchants pervers de notre société : le consumérisme, l’individualisme et un peu plus en profondeur sa monstruosité. Un couple un peu bourgeois qui s’ennuie pendant ses soirées, décide d’acheter un couple de jeunes lors d’une promotion dans un supermarché et l’enferme dans un placard quand ils ne s’en sert pas ! 20 et 21 novembre à 19h30 22 et 23 novembre à 18hDurée: 1h30Tout plublic à partir de 15 ans
Spectacle musical POLYSONG AU MÉDIPÔLE Présenté et mis en scène par le groupe vocal PolysongEusèbe, un broussard de la région de Témala, vient rendre visite à la famille Polysong à sa sortie de l’hôpital où il a été soigné pour une zikadengue. Dans un langage fleuri, il raconte à ses amis les épisodes délirants de son séjour hospitalier. Mais en raison de la fièvre et d’une malencontreuse erreur de branchement sur le réseau de protoxyde d’azote, il ne sait pas très bien s’il les a vécus ou rêvés. Dans cette confusion, il finit par se persuader qu’il s’est trouvé au Médipôle pourtant encore en construction. Un spectacle musical a capella humoristique 100 % calédonien. 27 et 28 novembre à 20h 29 novembre à 18hDurée : 1h45Tout public à partir de 16 ans
Théâtre solidaritéSÉRIEUX S’ABSTENIR Dans leur nouveau spectacle mis en scène parAlain Mardel, les membres de l’atelier théâtre de l’ACAPA vont camper des personnages inattendus dans des situations surréalistes.« À quelle sauce va-t-on manger les banquiers responsables de la crise ?Faut-il former les réceptionnistes de la CAFAT ? Est-ce que cela s’use quand on fait beaucoup l’amour, docteur ? » : autant de questions auxquelles vont tenter de répondre les comédiens à travers des sketches aussi délirants et drôles les uns que les autres. 12 décembre à 20h 13 et 14 décembre à 18hDurée : 1hTout public
160 ANS VILLE DE NOUMEA« Inside Out Nouvelle-Calédonie – Regards sur la Ville »
À l’occasion du 160e anniversaire de la Ville de Nouméa, des portraits grand format de Nouméens ont été réalisés dans le cadre du projet Inside Out Nouvelle-Calédonie – Regards sur la Ville. Projet porté par l’association Nice To Meet You (NTMY) qui souhaitait relayer l’action de l’artiste parisien JR, The Inside Out Project, projet d’art global et participatif qui permet à chacun de soutenir une démarche en prenant des photos et en les affichant sur les murs de la ville.Une partie de ces portraits ont été collés sur les murs intérieurs et extérieursdu centre d’Art, sur la Place de la Marne et au square Orly.
Dans la continuité de l’évènement, d’octobre à décembre,la Ville de Nouméa invite l’association NTMY à réunir les 160 portraitssur un format 16 x 9 m sur la façade de l’hôtel de Ville.
SoIréeSarT’PérITIfS
Deux à trois mardis par mois de 18h30 à 20h, le centre d’Art propose des spectacles gratuits en plein air accompagnés d’une collation.L’occasion de découvrir la diversité des approches artistiques : musique, théâtre, art visuels, histoire des arts… 18 novembre : Scène musicale Jam Session en
partenariat avec le café musiques Le Mouv’. 25 novembre : Art’P danse : Le costume. 9 décembre : Soirée de clôture de la saison.
* En extérieur sous réserve de bonnes conditions météorologiques.
Plein tarif : 2 500FTarif réduit : 2 000FCarte Pass : 1 500F
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Tarif unique : 1 500 F
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L’ASTUCECette photo a été prise avec une focale longue, un objectif à la fois adapté au portrait et qui permet de se tenir à distance du sujet. « Ce deuxième point était important dans le contexte d'un tournage », note Patrick Hamm, « pour éviter que l'on puisse entendre le bruit de mon déclencheur lors des prises de vues. » Dans ce portrait en action de Manuella Ginestre, l'acteur à gauche de la photo ne sert qu'à compléter le contexte de l'image.
Retrouvez TOURNAGEsur le Cri du Cagou : www.lecriducagou.org
STournage
ur les feuilles de service distribuées avant tournage, la réalisatrice a inscrit en gros le mot d’ordre de Tarantino, « Because we love making movies!!! » Faire des films, les membres du Five Club adorent. Le dernier week-end de juin et le premier week-end
de juillet, l’association née l’an dernier s’est plongée dans cette passion commune. À plusieurs endroits du Grand Nouméa, elle a mis en boîte de quoi mitonner le court-métrage Les Sondeurs.Non, ça ne cause pas de prospection minière. Plutôt d'un institut de sondage qui enquête dans un univers pas piqué des vers, avec de vrais morceaux de créatures bizarres. Mais chuuuut, le Five Club se veut discret sur ses personnages très... fantastiques. En attendant la diffusion sur Internet, notre photographe n'a immortalisé que l'équipe technique (rémunérée) en pleine « Action ! ». Sophie la scripte, Vincent au cadrage, Maxime le preneur de son, Sam le directeur photo, Karine la maquilleuse, Mose la coiffeuse, Laurie la costumière...Pour cette fois, Manuella Ginestre se chargeait de la réa. Mais l’assoc' comprend trois autres réalisateurs primés qui sont Erwann Bournet, Christophe Maunier et Lucas Genna. Fabien Dubedout assure le scénario et Benjamin Ramirez est devenu le sixième doigt de la main en acceptant de produire ce court de douze minutes.Il fera office de pilote pour le grand projet du Five Club : décliner Les Sondeurs en série pour le web. En attendant, le film doit être présenté au festival 2015 de La Foa et son tournage s’est déroulé sous de bons auspices puisqu'au même moment, l'édition 2014 du festival lui octroyait une bourse dans le concours Courts contre la montre.
Par dAwa!
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Les membres du Cri du Cagou se sont emparés d’une page d’Endemix pour parler, à chaque numéro, d’un thème qui leur tient à cœur.
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En 2013, Nicolas Kurtovitch s’est rendu à Sarajevo pour participer aux 52e Journées de la poésie, un « moment chargé d'émotion car ma famille paternelle était présente, ainsi que mon fils et ma fille. »D
Dans votre dernier recueil Ombre que protège l'ombre, vous écrivez « Je pose mes pas dans celui des Indiens ». Nous, lecteurs, nous posons nos pas dans ceux de Nicolas Kurtovitch.Nicolas Kurtovitch : Ce recueil peut se ressentir comme une invitation au voyage de facto, mais il n'est pas un carnet de voyage. Il explore les lieux que je traverse avec le maximum de sensibilité et de conscience possible pour avoir le sentiment d'être vivant. L'écriture est également liée au temps du parcours, plus ou moins long, mais les valeurs des perceptions, leur puissance et leur nécessité sont identiques. La poésie permet cette connexion active et dynamique car elle génère de la pensée, de l'émotion et de l'affectif. Vous êtes un homme de lieux, c'est une constante dans votre œuvre. Habiter un endroit signifie-t-il être en interaction avec lui, avec ses habitants, ses énergies ?C'est tout cela à la fois. Il n'est pas nécessaire d'ailleurs d'habiter un lieu sur le long terme. Par exemple, lorsque je suis allé à Uluru, je suis resté moins de quarante-huit heures. Mais, il est nécessaire d'être le plus vide
possible pour permettre à ce lieu et aux choses matérielles et immatérielles qui le constituent de venir en soi et de questionner son cœur et son esprit. Être perméable émotionnellement, intellectuellement et spirituellement. Et, si je traverse dans la durée un pays comme la Nouvelle-Calédonie, j'emploierais les mêmes termes mais dans des échelles spatio-temporelles différentes. Lorsqu'on habite un lieu, on est imprégné par lui, on s'en nourrit et on s'y investit. Pour vous la poésie, c'est d'abord votre chemin vers la connaissance du monde, de l'humanité et de vous-même.C'est le point de départ de ma démarche poétique. Je l'ai ressentie comme un besoin et, concomitamment, j'ai constaté que la poésie me propulsait vers un peu plus de connaissance et moins d'incertitude par rapport à ce que je suis en tant qu'individu. Vos écrits se nourrissent du taoïsme, du bouddhisme ; la poésie ne s'apparenterait-elle pas à une forme de méditation ? C'est assurément une forme de méditation. C'est surprenant car lorsque l'on médite, on observe et laisse
« La poésie est une forme de méditation »
passer ses pensées. Or, en poésie, il faut penser les mots, mais pas seulement. Si on ne fait que penser, on passe à côté, il me semble, de l'essentiel. Lorsque j'écris, je vis un équilibre entre penser et ne pas penser qui me donne un temps de méditation.
Vous avez écrit des essais, des nouvelles, des pièces de théâtre, des romans. Est-ce parce que vous ne souhaitez pas que l'on vous catalogue ?Ce n'est pas tant que je n'aime pas être catalogué. Il se trouve qu'à un moment donné, j'avais quelque chose à exprimer qui ne pouvait pas l'être sous forme de poésie. Je me suis tourné vers la prose à travers les nouvelles. La forme théâtrale s'est imposée ensuite. Il y a eu Le Sentier Kaawenya, Les Dieux sont borgnes, écrit avec Pierre Gope,
Propos recueillis par Frédérique de Jode
Il est l'une des voix majeures de la littérature calédonienne. Nicolas Kurtovitch est au cœur de l'actualité avec la sortie de son recueil Ombre que protège l'ombre et son roman en préparation. L’ancien directeur du lycée Do Kamo déploie une œuvre plurielle qui interroge la nature humaine et l'accompagne vers une meilleure connaissance de soi. Rencontre avec un poète qui habite le monde.
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La Commande écrite pour Nicole, ma femme, et jouée par elle. Les romans sont venus plus tard. Mais je reste un poète, bien que ce terme soit tellement dévalorisé dans le langage commun.
Dans Les Heures italiques, dont le récit se situe en Nouvelle-Calédonie et en Bosnie, pays de votre père, vous abordez les relations communautaires, le vivre ensemble, tout en montrant la violence de la nature humaine. Pourtant, vous croyez fortement à la capacité de l'homme à être meilleur.Je reste quelqu'un d'optimiste, de positif, d'utopiste. Je ne cherche pas à m'en défaire, même s'il m'arrive parfois de me sentir sans espérance. Pourtant, j'ai foi en l'espoir et en la réalisation des rêves.
Vous êtes très attaché à la notion de liberté. Être chargé de mission au sein du cabinet de la présidence du gouvernement ne la bride-t-elle pas ?Est-ce que je suis libre de dire publiquement ce que je pense ? Oui, bien entendu. Être libre, ce n'est pas seulement « dénoncer »; ce qui est salutaire lors d’une trajectoire humaine, c'est tout autant être capable et désirer s'investir dans des créations qui font avancer les choses. Travailler sur le statut des artistes, mettre en place l'École de la deuxième chance,
les Internats d'Excellence ou l’Espace Jeunes de la province Sud et la mise en application du 1% artistique dans les bâtiments publics, expriment aussi un acte de liberté.
Vous terminez un nouveau roman qui devrait sortir en 2015. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?Il s'inscrit dans la même veine que Les Heures italiques. Un roman polyphonique
dans lequel on retrouve en partie les mêmes personnages et qui ouvre des passerelles.
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BIBLIO EXPRESS1973 Sloboda, premier recueil de poèmes1993 Forêt, terre et tabac, Éditions du Niaouli1993 Homme montagne, Guy Chambelland2002 Autour Uluru, Au Vent des Îles2002 Les Dieux sont borgnes, Grain de Sable2003 Le Piéton du Dharma, Grain de Sable2004 La Commande, Traversées2006 Good night friend, Au Vent des Îles2009 Les Heures italiques, Au Vent des Îles,
prix Popaï en 20112010 Les Arbres et les rochers se partagent la
montagne, Vents d'ailleurs, Prix Vi Nimö des lycéens en 2011
2014 Ombre que protège l'ombre, Vents d'ailleurs
En 2008, Nicolas Kurtovitch reçoit le prix Antonio Vicario pour l'ensemble de son œuvre.
OMBRE QUE PROTÈGE L'OMBRE, ÉDITIONS VENTS D’AILLEURSDans ce recueil de poèmes, l'auteur donne à entendre, via les lieux qu'il traverse, ces deux sentiments incontournables de la vie, la joie et la tristesse. De Mexico à Sarajevo, du Canada à la Nouvelle-Calédonie, il observe d'un œil proche parfois du journalisme et habite l'espace qui l'entoure, tout en scrutant intérieurement ce que ce lieu éveille, suscite en lui. L'émotion est accrue lorsqu'il évoque Sarajevo et la Grande-Terre. Sa poésie interroge les notions d'exil et de liberté à travers une pratique « géopoétique » du monde.
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La fine équipe parcourt le Caillou à la recherche des textes traditionnels et leur traduction.
Richard Digoué y appose sa griffe de metteur en scène et chorégraphe.
Pourquoi ne pas chanter l’Histoire ? Quand on sait le poids de l’oralité dans le monde kanak et l’importance de connaître ses racines, on se dit que le challenge est intéressant. Le groupe de chant choral Vocal le relève avec La Rencontre des Mondes, un spectacle qui donne la parole à toutes les communautés du Caillou.
Par Claire Thiebaut
une vingtaine de chanteurs se retire de la grande chorale calédonienne Amadeus et crée Vocal. Ces artistes, ces « amateurs éclairés »,
comme les décrit Pascale Doniguian, vice-présidente et choriste de l’association, se baladent tout autour de la Nouvelle-Calédonie, donnant de la voix de-ci de-là. Un jour de concert à Maré, le 14 juillet 2013, ils innovent et glissent dans leur répertoire une chanson en nengone que des habitants leur ont apprise. « Les gens ne s’attendaient pas à ce que nous la chantions en spectacle. Ils étaient si flattés ! Tous très émus, nous nous sommes séparés en demandant l’autorisation de garder cet air dans notre répertoire », se remémore Pascale Doniguian. De retour sur la Grande Terre, la troupe se produit à Koné et c’est Hervé Lecren, directeur adjoint de l’annexe du conservatoire de musique de Nouvelle-Calédonie, qui les félicite personnellement de leur initiative. « Il nous a encouragés à intégrer plus de chants du pays dans notre corpus. Et par pays, il entendait la Calédonie dans toute sa richesse, avec toutes ses communautés. » Le projet La Rencontre des Mondes commence à germer. Il prendra la forme d’un spectacle mêlant des chants de langues différentes, de la danse, du mapping et de la comédie, sur un thème commun : l’Histoire de la Nouvelle-Calédonie.
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Le chœur del Histoire
UNE ANNÉE SYMBOLIQUEC’est presque un an en avance que Vocal annonce son grand spectacle, La Rencontre des Mondes, qui arpentera toute la Calédonie du 15 septembre au 31 octobre 2015. Année qui s’avère marquer le quarantenaire du festival Melanesia 2000. Ce dernier avait lui aussi mis en lumière, en son temps, la richesse de la culture kanak et de Nouvelle-Calédonie.
UN AVANT-GOÛT DU JOUR JImaginez une composition en cinq tableaux, durant lesquels le spectateur assiste à une discussion entre un vieux monsieur et une fillette. Ces deux personnages déroulent une grande fresque historique, dans laquelle chanteurs et danseurs se partagent une scène animée d’un fond de mapping (voir article p.25). Le tout mis en scène par Richard Digoué.
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Collecter le passéL’écriture commence. Les collectes aussi. Car pour compiler des textes en langues, encore faut-il en avoir dans sa besace. Le président de Vocal, Jean-Louis Benet, Pascale Doniguian et les deux chefs de chœur Tommy Manna et Edwige Kaysen, partent à la rencontre des chefs coutumiers, des associations de chant et chargés d’actions culturelles des mairies. « C’est un travail de longue haleine que nous avons commencé en novembre 2013. Avant d’arriver dans les tribus, nous avons beaucoup échangé avec nos partenaires pour préciser nos attentes : des chants traditionnels, si possible non religieux. » Pascale Doniguian se souvient de beaucoup d’émotion au moment du don des partitions et lors des coutumes. Même si une attention toute particulière est accordée aux langues kanak, les autres communautés ne sont pas en reste. « Nous avons des chants en vietnamien, en wallisien, en futunien, en japonais, ou ‟caldochesˮ, des textes qui parlent de l’univers de la mine... ». Au final, les artistes de Vocal chanteront à tue-tête en septembre et octobre 2015, une compilation de vingt morceaux interprétés en dix-huit langues.
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44 Liens culturels
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Endemix a sorti sa chaîne et ses enceintes pour écouter les nouveautés du marché musical calédonien. Verdict ?on Airmusique
a Nouvelle-Calédonie est une terre d'élection pour les amateurs de reggae roots, et il est parfois difficile de se repérer dans la profusion
de nouvelles formations qui émergent régulièrement. Shaman Dub, équipage de six jeunes prêcheurs monté voilà deux ans et demi, a acquis sur scène et au contact de sommités du genre, la confiance nécessaire à la sortie d'un premier album, Enlightenment. Le groupe revendique l'influence des Californiens de Groundation, qu'ils ont pu côtoyer sur scène à Nouméa en début d'année. La voix rauque, rugueuse, du principal chanteur Julien Dugardin, subtilement secondée par les chœurs masculins, n'est pas sans rappeler celle de Harrison Stafford. Abordant en anglais, français, voire espagnol, des thèmes assez sombres qui font
l'état des lieux de l'époque, le chant s'apparente même aux feulements des chanteurs de métal (comme sur les morceaux « Corruption » ou « Reborn »)... Portée par une grande qualité instrumentale (la combinaison classique : basses, claviers, guitares, avec l'intervention ponctuelle de cuivres), la bande de Gérôme Piétri (guitare et saxo) semble d'ailleurs parfois à la croisée des styles musicaux. La conscience de l'auditeur est invitée à quelques escapades (comme sur les pépites « New Generation », et surtout « Shaman History »). Peut-être manque-t-il simplement aux Shamans du Dub encore un peu de caractère pour nous proposer un brin supplémentaire d'originalité, notamment dans les thèmes abordés, mais cette première livraison est porteuse d'excellentes promesses.
Par Sylvain Derne
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SHAMAN DUB ENLIGHTENMENT
ersonnalité baroque et facétieuse, Lorenzo Nicolini, alias Loremx, nous propose une excursion dans son monde en dix titres, trois ans après un premier album solo, Melting
Pop. L'ancien bassiste professionnel, qui a longtemps officié en Métropole, rend une copie multicolore, nourrie de ses diverses expériences musicales, avec une prédilection pour le rock. Oscillant entre chansons à thèmes “sérieux” (« C'est mon monde » ou « Regarde ton île ») et galéjades endiablées, où Loremx joue le personnage de beauf énervé qu'il affectionne (« Yé soui pas oune machine », « Le Blaireau »), l'album séduit par sa qualité instrumentale. Mention spéciale à « Ma Blonde », précédemment sorti en single, pour
ses chaudes sonorités latino… La suave voix de Sänh aux chœurs apporte un zeste de douceur féminine sur quelques morceaux, et se mêle, dans une belle harmonie, au timbre voilé de l'interprète, qui rappelle parfois l’expressivité rageuse d'un Nino Ferrer. L'humour et l’auto-dérision sont omniprésents dans les textes de l'auteur-compositeur, par ailleurs membre des 3 Petits cochons ; il troque cette fois encore sa basse contre une guitare pour s'accompagner dans cet album personnel. On peut toutefois regretter la platitude de l'écriture de certains titres (par exemple « On nous avait dit » ou « Je sais ce que tu veux »), Loremx donnant l'impression d'enfoncer par accident quelques portes ouvertes. Mais en s’entourant
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LOREMXC’EST MON MONDE
d’affinités artistiques – comme Aline Mori ou Stéphane Fernandez – l’artiste parvient à faire de C'est mon monde un objet atypique et personnel dans le paysage musical calédonien.
Par Sylvain Derne
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ouveau venu sur la grande scène du kaneka-reggae calédonien, le groupe Djaliv sort son premier album Inspiration.
Les dix jeunes musiciens ont choisi de s'exprimer en français, excepté quelques mots en anglais et en xârâguré, langue de Thio d'où ils sont originaires, sur le morceau-titre de l'album. Les thèmes abordés concernent les traditions, les éléments naturels ou l'Histoire de la Nouvelle-Calédonie, mais on trouve également dans l'album un morceau comme « Israël » qui évoque un conflit international s’accrochant tristement à l'actualité. Les claviers constituent l’architecture mélodique principale, qui oscille donc entre un kaneka qu’on pourrait référencer « côte Est » et un reggae classique ; quelque part entre Cidori (groupe historique de Poindimié) et Nasio (chanteur de reggae dominicain
dont l’influence est notable sur le morceau « Roi du Monde » par exemple). Mais la filiation musicale la plus évidente reste celle qui lie Djaliv à JVDK, célèbre groupe de la région de Thio - Jacques Tieoue, l’un des deux principaux chanteurs, a fait partie de l’aventure JVDK. Si la recette semble prendre au début, avec des arrangements et un travail sur la voix intéressants, sur le morceau inaugural « La Pluie » qui pulse bien, « l’inspiration » du groupe s’essouffle malheureusement au fil des chansons. Les textes et l’instrumentation peinent à se renouveler. Peut-être Djaliv aurait-il gagné à nous proposer d'abord un EP, plus condensé et permettant de mieux apprécier les indéniables qualités de ce jeune groupe.
Par Sylvain Derne
DJALIV INSPIRATION N
Hna Thatilo, troisième album de Sumaele, marque le retour de l’un des groupes les plus constants et aventuriers de cette dernière décennie. Forts de leurs récentes collaborations avec des musiciens berbères
(au sein du collectif Enono Anya), les frères Wahnuhnu (Georges, François et Mathias) et leurs épouses (Messaline, Elisa et Rolande) livrent dix titres d'une grande maturité, qui opèrent une subtile alchimie entre fondamentaux et sonorités nouvelles. On reconnaît les arpèges acidulés, caractéristiques de l'époque où les musiciens de la tribu de Roh - dans le district de Guahma à Maré - participaient au groupe Gulianod, dont le meilleur exemple est le morceau « Ri Cerugoc ». Les harmonies vocales, empruntées aux taperas, continuent également de former l'ADN d’une proposition musicale enrichie des suggestions et arrangements de Camel Zekri, musicien algérien désormais bien connu sur
SUMAELEHNA THATILO
la scène kaneka. On remarque la présence de la basse sur la plupart des morceaux. Des titres comme « Waeleda » ou « Hna Thatilo » et sa base rythmique biguine, restent en mémoire grâce à leurs refrains entêtants. Quant à « Paekocelu », il emporte l’auditeur à l’aide d’un style dépouillé, serti de simples accords à la guitare, de quelques
percussions et du magnifique travail choral garant d’une profondeur pleine d’émotion. Les textes, en nengone, parlent principalement de religion : « nous faisons un lien entre la vie de nos ancêtres et l’arrivée de l’évangile », rappelle Mathias, le leader du groupe.À ceux qui penseraient que le kaneka perdrait son âme en s’aventurant à la rencontre des influences du vaste monde, Hna Thatilo apporte un superbe démenti.
Par Sylvain Derne
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La simplicité est une affaire complexe. C’est bien là que réside tout l’enjeu de la littérature pour enfant. Christine Rousselle, dans L’Épreuve du masque, ne parvient pas à réaliser ce tour de force nécessaire pour séduire le public.
Derrièrele masque
littérature
Par Virginie Soula
écriture pour la jeunesse est un parcours semé d’embûches. Autant sans doute que celui d’Ély, l’héroïne de L’Épreuve du masque, et de ses amis qui, n’écoutant que leur courage,
partent à la recherche non seulement d’un masque mystérieux, mais aussi d’une formule magique pour sauver des parents endormis. De l’installation du contexte, dans lequel se noue l’intrigue, à sa résolution, les pièges sont nombreux, et Christine Rousselle ne parvient pas à les déjouer avec autant d’adresse que ses personnages, car le public, même jeune, est exigeant. Or, on sent dans cet ouvrage une profusion de fils lancés qui, finalement, ne seront pas suivis, frustrant le lecteur et rappelant l’adage « qui trop embrasse mal étreint ». Une « cité » mystérieuse,
tout d’abord, première étape de l’aventure, se révèle être une forêt de kaoris et de banians. Les personnages découvrent ensuite des pétroglyphes. On soupçonne alors un indice, une information culturelle qui permettraient de percer le mystère... Mais non, ce sont juste des éléments de décors. On regrette encore les raccourcis qui soustraient les passages relevant véritablement du fantastique et l’absence
de contextualisation qui ne permet pas à la leçon de morale - censée intervenir à la fin de la quête - de jouer son rôle à plein. Dommage car le format et la maquette pourraient séduire, de même que les détails de l’illustration qui rendent joliment tout le mystère et la luxuriance de la végétation calédonienne.
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L’Épreuve du masque, les incroyables aventures d’ÉlyConte fantastique calédonien de Christine Rousselle, illustré par Maurine Morel, éditions Eteek, 2014.
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Par Stéphane Camille
Métis de Dieulittérature
Ce n’est pas vraiment à la critique littéraire qu’invite la lecture du livre Le Prêtre et le juge. Plutôt au débat d’idées. À cet égard, ces entretiens entre un magistrat et un homme d’église, pétris d’humanisme, nous éclairent effectivement sur les grands enjeux de la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui et de demain, grâce à la franchise salvatrice du père Apikaoua.
a plupart des leaders politiques kanak de plus de cinquante ans, sont issus des enseignements catholique et protestant, comme les hommes
politiques vanuatais du même âge. En effet, les structures mises en place par ces cultes ont fait bien davantage envers le peuple autochtone que l’ensemble des écoles coloniales et publiques jusqu’à la fin du XXe siècle. Cet état de fait, difficile à digérer pour un fervent laïque – mais la laïcité n’est-elle pas « une invention des Métropolitains » comme l’affirme un titre de chapitre ? – a produit son lot de célèbres prêtres défroqués et de pasteurs rebelles en se confrontant aux questions d’égalité et d’indépendance, de même que des ecclésiastiques fidèles au vœu mais non dépourvus d’esprit critique comme le père Appolinaire Anova ou... Roch Apikaoua. Ce dernier souligne d’ailleurs clairement que, les mains dans l’argile collante de la lutte politique, l’esprit des hommes et femmes retournés à l’état laïque ne s’est jamais complètement départi des valeurs à la fois chrétiennes et coutumières qui font que Jean-Marie Tjibaou n’appellera pas à la vengeance au lendemain de l’assassinat des Dix de « Tiendanite », ou encore que le pardon sera échangé des années plus tard entre les principales familles kanak impliquées dans les morts de Jean-Marie, YéYé et Djubelly à Ouvéa.
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Le Prêtre et le juge, Nouvelle-Calédonie 2014Le père Roch Apikaoua s’entretient avec le magistrat Jean-Paul Briseul
Éditions Le corridor bleu
Nos ombres à la Lumière
Au-delà des considérations spirituelles et philosophiques qui concernent davantage l’intime conviction que le débat public, nous avons surtout choisi de retenir de cet ouvrage l’alternance entre « pavés dans la mare » et messages d’espoir que lance la personnalité interrogée par Jean-Paul Briseul. En vrac : « la dimension calédonienne d’Ataï », « le marasme politicien de bas étage »
depuis la mort des leaders historiques, les dangers du communautarisme et du nombrilisme, le sénat coutumier comme « legs de la colonisation », l’obsolescence du concept d’indépendance, la diversité ethnique comme « humus » de la Calédonie, l’image catastrophique des bulldozers renversant les cases de la place de la Moselle, l’usine du Sud comme symbole de la capacité de l’homme à inviter le mal au cœur du paradis, la capuche « abat-jour » de la jeunesse, l’antagonisme entre travail et emploi, entre avoir et être, ...Alors, malgré un usage approximatif de la ponctuation, quelques coquilles et une multitude de « Jean-Paul » inutiles dans la retranscription des réponses du religieux au magistrat, enfin malgré une phrase finale plus incantatoire que logique, ce livre doit être lu, et doit se lire lentement, afin de laisser place à la réflexion personnelle ou aux débats entre nous, les humains, qui sommes
tous des « métis de Dieu ». Un livre « rythmeur de vie », comme le père Apikaoua aime à considérer la lecture.
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Par Léa Bouarat et l’Académie des Langues Kanak
Une invitation à danser LE KANEKA
Refrain (3x)Nemi li cagi thai vi kanekaO do li ga cagi pila-i ! Ru do beengTena vi bwanjepCaget tuutMa tu-jiwaAi wo matip vi kaneka. Refrain (3x)Nemi li cagi thai vi kanekaO do li ga cagi pila-i !
Eae ea o…
Ru do beengTena vi bwanjepCaget tuutMa tu-jiwaAi wo matip vi kaneka.
Refrain (3x)Nemi li cagi thai vi kanekaO do li ga cagi pila-i ! Eae ea o…
Refrain Nous allons tenter de jouer le kanekaAlors tu vas essayer de le danser ! Toi mon frèreEntends le bwanjepLève-toiTiens-toi deboutPour que vive le kaneka. Refrain Nous allons tenter de jouer le kanekaAlors tu vas essayer de le danser !
Eae ea o...
Toi mon frèreEntends le bwanjepLève-toiTiens-toi deboutPour que vive le kaneka. Refrain Nous allons tenter de jouer le kanekaAlors tu vas essayer de le danser ! Eae ea o...
Vous souvenez-vous de ce titre explosif lançant à plein régime le kaneka du Nord ?Pionnier en la matière, le style Vamaley se dévoile dans ce premier album Échos du passé, véritable best of du genre, sorti en 1993. Rétrospective d’une chanson phare de l’histoire du kaneka, qui contribuera indéniablement à populariser ce courant musical par-delà les récifs…
riginaire de Ouélisse, Vamaley se forme du côté de Témala entre 1986 et 1987. Leur nom désigne en fait un toponyme : celui d’une ancienne tribu, située entre Vook et Koohnê au nord-ouest de la Grande Terre, qui sera rayée de la carte par l’administration suite au
soulèvement de 1917.Dans l’ouvrage Kaneka, musique en mouvement publié par l’ADCK-CCT et le Poemart, Jean-Claude Ouedoy retrace l’origine du groupe : « Tous les soirs, on répétait chez un tonton. Il y avait une grand-mère qui nous écoutait de chez elle. Elle a demandé à son petit-fils si le groupe avait un nom. Comme on n’en avait pas, elle a dit : “Eh bien je vous propose de donner à ce groupe le nom de Vamaley.” [...] Et ce 1er janvier 1987 où on est venus à la tribu, on a dit à tous nos vieux, au Conseil des anciens, aux parents : “Voilà, on vous présente le groupe qu’on a formé, nous les jeunes de la tribu.” On a fait la coutume avec tous les vieux et les vieux nous ont fait la coutume. C’était comme si on avait créé un nouveau clan dans la tribu... Le clan des artistes : Vamaley ! »*
Le groupe compose principalement en pwaamei, l’un des dialectes kanak de la région de Voh, mais alterne aussi avec d’autres langues telles que le français, l'anglais ou le nemi entre autres, comme c'est le cas pour la chanson Thai vi kaneka. Né de la mouvance du kaneka de l’époque, ce titre connaît rapidement un vif succès, s’imposant sur les ondes et résonnant dans tout le pays.Une mélodie entraînante, calée sur le rythme des bwanjep et des bambous pilonnants... Une interprétation pulsée, ponctuée de sifflements, de chuintements et du son éclatant de l’harmonica... autant d’éléments explosifs invitant au déhanchement et à la danse !Cette chanson lancera le plein essor du kaneka par-delà les récifs puisque Vamaley se produira sur les scènes de Nouvelle-Zélande dès 1993, puis dans le cadre de nombreuses autres tournées à l’étranger...
* Dans Kaneka, musique en mouvement, p. 57
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Retrouvez toute l’histoire du kaneka
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Era Kaneka / chant de kanekA
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du répertoire à la répétition finale. Un poste crucial, central, particulièrement complexe, qui demande énormément de travail, de patience et de passion. « Il faut animer des répétitions dynamiques et efficaces, avoir des gestes lisibles et expressifs, des idées musicales à profusion, être économe en discours et permettre aux musiciens de jouer ensemble... », énumère Romain Dumas, chef d'orchestre calédonien vivant en Métropole. En clair, il faut être polyvalent et cela ne s'invente pas.
L'école de la vieIl n'y a pas véritablement d'école pour apprendre à diriger les musiciens. En réalité, il y a presque autant de formations que de chefs d'orchestre. « Il peut être utile de maîtriser un instrument à cordes, car la moitié d’un orchestre symphonique classique en est
composée, mais le piano peut compléter avantageusement cet apprentissage », observe le jeune homme de 28 ans. Il faut ensuite une solide pratique de la composition, de l’analyse musicale et de l’histoire de la musique. Sans oublier l’importance d’assister à beaucoup de concerts et d’opéras, de s’attacher à comprendre comment fonctionnent les différents instruments dont on ne joue pas et de décoder le mécanisme de la
voix chantée. Il est aussi conseillé de pouvoir diriger un chœur. « Si j'avais un conseil à donner, ce serait de
travailler énormément », résume le Nouméen mélomane.
Graine de star au conservatoireRomain Dumas, lui, a appris le violon dans le cours de Daniel Baudin, au conservatoire de Nouvelle-Calédonie. « Plusieurs
professeurs m’ont marqué, notamment Nicole Martin qui m’accompagnait au piano. Et par la suite, Jean-Pierre Cabée, l’actuel directeur du CDMNC*, m’a donné l’occasion de diriger des concerts. C’est une grande chance pour un jeune chef d’orchestre », se souvient-il.
Pourtant, ce métier n’était pas une vocation pour le jeune homme. « Je pense que l’idée d’embrasser cette profession est apparue à l’adolescence et s’est concrétisée quand j’ai commencé moi-même à jouer dans des orchestres ». Aujourd’hui à Paris, il est chef associé des Orchestres de Jeunes Alfred Lœwenguth et dirige les classes d’orchestres du conservatoire du 15e arrondissement. Il lui arrive aussi de mener des formations de façon plus ponctuelle. C’était le cas il y a quelques mois, lorsqu’il a travaillé avec l’orchestre de Chambre de Nouméa lors d’un programme réunissant Bach, Vivaldi, Tchaïkovski. Lorsqu’on lui demande ce qu’il préfère dans ce métier, Romain Dumas évoque la découverte d’une nouvelle partition ou encore « les concerts... Le temps semble alors s’arrêter. Simplement. »
*Conservatoire de Musique et de Danse de la Nouvelle-Calédonie
À labaguette !
Par Virginie Grizon
Romain Dumas, 28 ans, est né et a grandi à Nouméa où il a fréquenté les bancs du conservatoire.
C'est un métier fascinant, mais encore très méconnu du grand public. Le chef d'orchestre possède pourtant un rôle crucial dans l'univers de la musique classique. Un Calédonien – le seul actuellement – a embrassé cette vocation : Romain Dumas ; il dévoile, pour Endemix, les coulisses de sa profession.
Debout, le bras prêt à bondir armé de sa baguette, dos à la salle... Le public connaît mal le véritable rôle d'un chef d'orchestre. On pourrait le définir comme un coordinateur, un homme capable d'unir des dizaines de musiciens pour réaliser un ensemble harmonieux ; il doit également orienter l'interprétation des œuvres, du choix
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érard del Rio possède, depuis sa prime enfance, une fascination pour l’imaginaire, le voyage, l’aventure et la littérature ; fascination qu’il a puisée dans la lecture de Jules Vernes, de Jack London ou encore
d’Hergé. Elle se confirme un peu plus tard par l’engouement pour les États-Unis, qui se
propage à l’époque des yéyés, avec « les frémissements du rock US » et les écrivains de la Beat Generation. Pourtant, Gérard del Rio est loin d’être un baroudeur, adepte du journalisme touche-à-tout. Il préfère le fond ; chercher, creuser pour aller jusqu’au cœur des choses. C’est aussi un journaliste de terroir, le sien d’abord où tout juste diplômé de l’école de journalisme, il fait ses armes dans un hebdomadaire à Annemasse, tout près de la frontière suisse. Il se rapproche de Genève, véritable « poumon culturel » dans cette région de montagnes. Après un tour au Progrès, Gérard del Rio se tourne vers les ondes. Un média en pleine expansion avec l’avènement des radios libres. De cette incursion derrière le micro, il en gardera le goût de la proximité. Il poursuit sa carrière multipliant les expériences journalistiques et culturelles.
Une rencontre décisiveSon premier aperçu du monde kanak a lieu en 1995 alors qu’il est en vacances en Nouvelle-Calédonie. Il a l’intuition que la culture est un facteur déterminant de l’avenir de l’archipel et rédige un article dans ce sens pour le Journal de Genève. Un nouveau challenge s’offre à lui très vite car l’agence de développement de la culture kanak (ADCK) recherche un rédacteur en chef pour Mwà Véé. Gérard del Rio, pour qui l’appréhension d’une culture différente, représente un défi humain et professionnel particulièrement motivant, s’installe à Nouméa en 1996 et reprend le flambeau de la « revue culturelle kanak », créée trois ans plus tôt.
Passeur
MWÀ VÉÉ, REVUE CULTURELLE KANAKElle est fondée par Octave Togna et Marc Coulon en 1993.Le titre est issu de la langue drubéa et traduit l’idée d’un support contenant des paroles, des mots, des idées. En 2014, Mwà Véé devient semestrielle et s’éloigne du magazine pour devenir une revue spécialisée. Sa ligne éditoriale ne change pas cependant - elle reste très attachée aux spécificités de la culture kanak.
Gérard del Rio cultive un goût prononcé pour l’altérité culturelle, pour le partage entre les peuples.
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Faut-il être un fan d’exotisme pour passer, sans transition, des montagnes de Haute-Savoie aux rivages de la Nouvelle-Calédonie ? Pas forcément. Rien ne destinait en effet Gérard del Rio à quitter sa région natale sauf son intuition et une grande sensibilité. Parcours d’un journaliste pour qui la culture est au centre.
Son admiration pour les valeurs incarnées par Jean-Marie Tjibaou pousse le journaliste à s’investir plus que jamais dans son travail de rédacteur en chef. « Tjibaou se place pour moi aux côtés de Gandhi, de Mandela, de Martin Luther King... Ce sont des êtres rares car ils ouvrent des voies jusqu’au sacrifice. »La qualité de son engagement dans Mwà Véé permet un véritable tournant dans les médias où la culture kanak trouve désormais sa place. Aujourd’hui, grâce notamment au nouveau format (voir encadré), il souhaite asseoir la revue dans le paysage médiatique calédonien mais veut continuer à « donner la parole aux Kanak et à ceux qui se sentent concernés par cette culture. » Journaliste passionné, il mesure chaque jour « le privilège » - selon ses mots - qui lui a été offert de travailler aux côtés de personnalités telles que Marie-Claude Tjibaou, Octave Togna, Emmanuel Kasarhérou, Jean-Pierre Deteix, de vivre l’avènement du centre culturel Tjibaou, mais aussi d’aller toujours plus en avant avec « culture » pour seul maître mot.
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Par Virginie Soula
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Gérard del Rio, rédacteur en chef de la revue Mwà Véé
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La vieille demeure rajeunie accueille désormais le grand public littéraire et les curieux du patrimoine architectural calédonien.
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Patrimoine
LA MAISON DU LIVRE
Par Aurélie Cornec
Depuis 2009, la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie (MLNC) s’attache à fédérer tous les acteurs de la filière « livre et lecture » ; elle conquiert même le cœur du grand public. À l'avenir, la structure prévoit de renforcer ses dispositifs d'accompagnement des professionnels.
Début des années 2000. La filière du livre calédonien ne se porte pas bien. Après l’essor des années 1990 (et la création notamment de la maison d’édition Grain de sable), la chute semble inévitable : marché étriqué, impression coûteuse, manque de moyens. Les écrivains se tournent de plus en plus vers l’auto-édition, faute de choix. L’idée d’une Maison du Livre en Nouvelle-Calédonie germe en 2003,
mais sans étude sur la filière, impossible de la concrétiser véritablement. Et si l’association se crée 6 ans plus tard, elle n’est - en premier lieu - pas soutenue par les institutions. Suite à de nombreuses actions des professionnels du secteur - réunions de travail, sollicitations d’aide ou encore actions sur le terrain en faveur du livre et de la lecture, le gouvernement commande enfin, en 2008, cette étude à l’agence Tertius.
Une maison à la pageL’année suivante, en septembre, le rapport terminé est éloquent. « Non seulement, il dressait un état des lieux alarmant de la filière du livre, mais il a aussi permis de convaincre les partenaires de la raison d’exister d’une maison du livre et d’en définir ses missions » explique Jean-Brice Peirano, actuel directeur de la MLNC. En mars 2009, la ville de Nouméa met à disposition de l’association la Maison Célières. Une petite équipe, constituée de trois personnes, entre alors en action début 2010. « Entre la création de l’association et sa mise en place au sein de la Maison Célières, il y a eu une période de flottement. Les associations membres ont commencé à se poser des questions
sur notre rôle, nous avons donc mis l’accent sur l’événementiel et la communication en direction du grand public. C’est une démarche inédite au regard des autres structures régionales du livre. » commente Jean-Brice Peirano. Une maison qui vitLes trois premières années, la MLNC offre une programmation riche et variée. Le grand public retiendra le Scifimages, les soirées Itinérances, Poésies-voyage ou encore les LECtures gourmandes à l’heure du déjeuner. « Ces animations ont contribué à sensibiliser le public au monde du livre. À partir de 2012/2013, nous nous sommes recentrés sur nos missions de fond en organisant des ateliers, des concours et des résidences d’écriture. Aujourd’hui, la MLNC s’adresse d’avantage aux professionnels. Ses actions sont moins visibles certes, mais plus utiles pour la filière du livre. » souligne le directeur qui enchaîne : « Nous travaillons notamment avec plus d’ambition sur l’export et avons mis en place des ateliers destinés aux écrivains et des formations à l’édition. Notre site Internet vient d’être refondu pour mieux informer et accompagner les professionnels. » Cette volonté de développer le secteur s’accompagnera-t-elle d’un changement de statut pour la MLNC ? « L’association pourrait en effet devenir un Établissement public de coopération culturelle*, la question est posée mais reste, pour le moment, en suspens... » * Les EPCC permettent d'associer plusieurs collectivités territoriales et éventuellement l'État dans l'organisation et le financement d'équipements culturels importants. Ils offrent un cadre souple mais stable pour gérer des institutions permanentes.
UN ÉCRIN PATRIMONIALConstruite en 1898, classée puis restaurée, la Maison Célières, propriété de la Ville de Nouméa, abrite désormais la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie. Grâce notamment à la ténacité de l’association Témoignage d’un Passé, cette célèbre demeure, emblématique du patrimoine architectural calédonien, a retrouvé sa superbe d’antan.
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L’histoire du lieu-dit de Pomémie remonte aux temps immémoriaux de l’oralité kanak. La légende raconte que les hommes s’y sont férocement battus. Les tensions s’apaisant, un grand sorcier prédit que seule une force créatrice nouvelle pourra purifier les lieux du sang jadis versé. Cette force régénératrice, c’est celle des artistes
qui, par leurs œuvres, participent à la création du monde.Depuis, le temps a passé à Pomémie et chaque époque a laissé son empreinte, offrant un paysage où se superposent les histoires. Témoin tangible de la période coloniale, la Maison Caujolle, vieille bâtisse de 135 ans, se dresse toute pimpante, après ses multiples restaurations, face aux farés fraîchement rempaillés. Rachetée en 1996 par l’administration provinciale, la maison et son jardin sont devenus le premier cœur culturel de la côte Nord-Ouest ; des associations y élisent domicile de temps à autre. En 2001, la direction de la culture de la province Nord s’y installe. Deux ans plus tard, le centre culturel ouvre au public. Revitaliser la culture en province NordÀ cette époque, le nouvel espace fait figure de pionnier, unique établissement du Nord à encourager les pratiques artistiques. « Il a fallu sensibiliser les populations, les inviter à venir pour
qu’elles se rencontrent et échangent », se rappelle Sonia Mala Kondolo, directrice de 2003 à 2009. En 2010, un nouveau responsable est nommé : Sam Moinlaoupioh, fraîchement diplômé en sciences de l’information et de la communication avec un volet médiation culturelle qui plaît beaucoup au conseil d'administration. Ce dernier se rajoute naturellement aux trois axes stratégiques du projet originel : la création, la formation et la diffusion. « Après l’ouverture de l’usine, beaucoup d’artistes ont été attirés par les offres d’emploi qu’elle proposait, désertant leurs ateliers. Nous courions vers un appauvrissement de
la production artistique sur la côte Nord-Ouest. Pour éviter le pire, nous sommes allés à leur rencontre pour montrer que nous étions présents à leurs côtés, qu’un espace de travail et d’exposition leur était dédié. »Après trois ans de fermeture, le centre a rouvert, agrandi de deux farés rénovés, d’une salle d’exposition de 189 m2, d’une grande
scène fixe extérieure et d’un jardin de sculptures et de roches illustrant le cycle de la vie kanak. L’exposition inaugurale, L’art est passage, résultat d’un an de résidence, a donné un avant-goût très prometteur : Pomémie est assurément un centre d’émulation artistique. *Là où on marche sur des coquillages
LÀ OÙ ON MARCHE SUR
DES COQUILLAGESPar Claire Thiebaut
Au milieu d’une végétation fraîchement plantée, les gestes coutumiers se succèdent à l’occasion de la cérémonie d’inauguration, le 20 juin 2014.
MODERNITÉ, JEUNESSE ET MULTIMÉDIAAvec sa page Facebook et sa chaîne Youtube, le centre culturel s’est doté d’outils modernes pour s’adresser au public et toucher la jeunesse. L’artisan phare de cette communication dynamique, c’est Sari Oedin, qui a réalisé plusieurs petits films pour raconter l’histoire du site, présenter les équipes et dresser des portraits d’artistes. Mention spéciale pour La légende de Pomémie, sous forme de bande-dessinée animée à partir de dessins d’Ilie Poindipenda.
Le 20 juin 2014, le nouveau centre culturel Pomémie de Koohnê était inauguré, trois ans après sa fermeture pour travaux. Sous la houlette de l’assocation Poa Boa Vi Thila*, le lieu est plus que jamais ancré dans la coutume et son chemin semble toujours couvert des coquillages du passé.
Il a fallu sensibiliser les populations, les inviter
à venir, pour qu’elles se rencontrent et échangent
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Centre culturel Pomémie
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54 Lieu
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À la recherche du site idéalIl s’agit de faire correspondre le lieu aux objectifs du projet : quel type et combien de spectateurs attendus ? Quelle ambiance souhaitée (événement en extérieur ou en salle) ? Le site retenu doit également répondre aux besoins techniques, comme par exemple la puissance électrique. L’organisateur s’adressera de préférence aux lieux de diffusions publics et privés classés ERP (établissement recevant du public) qui répondent aux normes de sécurité et d’hygiène.
Négocier la venue des artistesLe choix de la programmation s’effectue naturellement en fonction du projet et de ses objectifs culturels. En sollicitant les artistes, il convient de leur décrire précisément le projet puis de négocier les cachets et différentes prises en charge (transports, hébergement, per diem*, frêt, besoins techniques des artistes).
Établir un budgetPour organiser un événement culturel, il est indispensable d’établir un budget rigoureux, en ne négligeant aucun coût : frais liés à l’artistique et à la communication, droits d’auteur, gardiennage, organisme de secours, sécurité, décoration ou encore location du matériel technique. Une fois les dépenses mises en lumière, il faut tâcher d’estimer les recettes – si l’événement est payant – et calculer le nombre d’entrées indispensables pour équilibrer le tout. Une aide financière est parfois possible, encore faut-il aller la chercher : subventions publiques, partenariats commerciaux avec des entreprises privées ou encore des échanges marchandises.
Comment communiquer ?Le choix des supports de communication dépend du public visé et du budget. L’offre culturelle étant importante, un événement doit se démarquer par un visuel soigné. Attention à ne pas compter sur un « effet d’annonce » avant que tout ne soit acté.
L’importance de la techniqueEn ce qui concerne les techniques de son et lumière, le plus judicieux reste de solliciter un régisseur professionnel qui définira les besoins pour le lieu mais aussi en fonction des fiches techniques des groupes et/ou des spectacles programmés.
Les obligations légalesLors de grands rassemblements, une réunion doit être établie avec la mairie qui héberge le site afin de prévenir les pouvoirs et les secours publics (policiers, pompiers, etc.) que l’événement aura lieu et qu’il répondra aux normes de sécurité et d’hygiène. L’organisateur fournira le déroulé de l’événement, les dates, les horaires... Il est souvent conseillé d’interdire l’alcool sur site (alcool qui sera parfois interdit à la vente selon la localisation et les mairies).
Garder un site propreLa propreté du site se prévoit à l’avance et s’effectue au cours de l’événement en vidant régulièrement les poubelles et en donnant suffisamment de sacs aux restaurateurs. Une société ou une équipe de bénévoles peut être sollicitée pour le ramassage des papiers, bouteilles et autres canettes.
À l’issue de l’événement, un bilan financier sera dressé afin de justifier des subventions perçues si tel est le cas et de mesurer l’accomplissement des objectifs.
*Indemnité journalière donnée en général pour couvrir les frais relatifs aux repas.
Organiserun evenementculturel
Par Aurélie Cornec
Festival de grande ampleur ou petit concert dans un établissement de nuit, toute manifestation doit être bien organisée pour être couronnée de succès.Entre gestion du public, communication ou éventuellement demande de subventions, un événement réussi nécessite une solide préparation.
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NOVEMBREDu 13 au 16/11 et du 20 au 23/11Théâtre
LES AMIS DU PLACARDCompagnie les Incompressibles, adaptation de l’œuvre originale de Gabor Rassov
Au centre d'Art
Du 17 au 24/11Rencontres
L’ADCK-CCT et la direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie accueilleront la 9ème édition du Carrefour des arts, une manifestation d’envergure dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté. Cet événement permet aux élèves des écoles primaires publiques des trois provinces de se retrouver et d’échanger autour d’activités artistiques.
Au centre culturel Tjibaou
Du 19 et 22/11Musique
LE GYPSY JAZZ FESTIVAL 2014Au centre culturel Tjibaou
Le 20/11Concert
RICHARD BONA
En partenariat avec l’Association de Formation de Musicien Intervenant (AFMI) dans le cadre du Gypsy Jazz Festival
à Koné, centre culturel Pomémie
Lancement 21/11Concours
Au Rex
DJ REX CONTEST
Les 21, 22 et 23/11 Musique
FESTIVAL AKAWANà Lifou, tribu de Xodre
Du 29/11 au 06/12Cinéma
COUP D'CINE – 3ÈME ÉDITIONà Voh, Koné, Pouembout
DÉCEMBREDu 02 au 13/12 Exposition
PREMIER FESTIVAL DES ÉMERGENTS
Arts mêlés, jeunes talents et concours de jeunes groupes de musique.
Au centre culturel de Dumbéa
Le 13/12Musique
CONCERT DE CLÔTURE DE SAISONA Koné, centre culturel Pomémie
CARREFOUR DES ARTS
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Académie des langues kanak Weniko Ihage 286015 Nouméa [email protected] www.alk.nc
Antenne du Conservatoire de musique et de danse de Koumac Alfred Haïno 423304 Koumac [email protected]
Centre musical Mêre â gâârâ Renaldo Nérhon 424221 Houaïlou [email protected]
Complexe culturel/Annexe du Conservatoire de Koné Hervé Lecren 473033 Koné [email protected] www.afmi.nc
Conservatoire Hnime ulane, antenne de Lifou Marie Hnanganyan 454575 Lifou [email protected] www.afmi.nc
Conservatoire de musique et de danse de la Nouvelle-Calédonie Francis Gaillot 246315/240206 Nouméa [email protected] www.conservatoiremusique.nc
Ecomusée du Café de Voh José Kabar 473736 Voh [email protected] FB/ecomuseeducafe.voh
EMI - École du Multimédia et de l'Image Pascale Gery 471275 Koné [email protected] www.emi.nc
Le Chapitô de Nouvelle-Calédonie Anne-Sophie Conan 275636 Nouméa [email protected] www.lechapito.unblog.fr
Le Rex Manuel Touraille 282629 Nouméa [email protected] www.noumea.nc/espace-jeunes/culture/le-rex-noumea
Café concert le Mouv' Christophe Ventoume 411518 Nouméa [email protected] www.lemouv.nc
Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie Jean-Brice Peirano 286510 Nouméa [email protected] www.maisondulivre.nc
Musée territorial de Nouvelle-Calédonie Solange Neaoutyine 272342 Nouméa [email protected] www.museenouvellecaledonie.nc
Théâtre de l'Île Marie-Ève Delatte 255056 Nouméa [email protected] www.theatredelile.nc
Théâtre de Poche (Centre d'art de la Ville de Nouméa) Lydie Gardet 250750 Nouméa [email protected] www.noumea.nc/le-centre-dart
Association de Formation de Musiciens Intervenants (AFMI) Alain Guarese 462000 [email protected] www.afmi.nc
Art'Café Olivier Petit 278003 Nouméa [email protected]
La Barca Thierry Frottier 281540 Nouméa [email protected] www.restocity.nc
La Bodega Del Mar Jean-Luc Deroin 261153 Nouméa www.bodega.nc
Le Bohème 286600 Nouméa FB/leboheme
Le Bout du Monde Eric Napierai 277728 Nouméa
La Fiesta Eddy 262133 Nouméa [email protected]
Le Flex Club Elisa Pulpito Nouméa [email protected] FB/flex.nc
L'Imprévu 241145 Nouméa
Le Malecon Café Antony 282805 Nouméa
Le MV Lounge Elodie et Romain 78 97 67 / 78 57 35
Nouméa [email protected] FB/mvlounge
Le Château Royal 230140 Nouméa [email protected]
Le Sweet Café Roxanne Hugeaud 442930 Bourail [email protected]
Le Toucouleur Zakia 765845 Koné
Les 3 Brasseurs Patrick Hogan 241516 Nouméa [email protected]
Le Groove Michel Trabelsi 26 28 80 Nouméa [email protected] FB/LeGroove
LIEUX DE DIFFUSION ET DE FORMATON
BARS
CONTACT TÉL. LIEU EMAIL SITE INTERNETCentre culturel de Dumbéa Alice Pierre 412307 Dumbéa [email protected] www.mairie-dumbea.nc
FOL (Fédération des Œuvres Laïques) Pascal Hebert 272140 Nouméa [email protected]
Centre culturel provincial de Hienghène Goa ma Bwarhat Édouard Wamai 428074 Hienghène [email protected]
Centre culturel Pomémie Sam Moinlaoupioh 471106 Koné [email protected] www.pomemie.nc
Centre socioculturel de La Foa Jean-Pierre Lafay 443301 La Foa [email protected]
Centre culturel du Mont-Dore Grégory Louzier 419090 Mont-Dore [email protected] www.mont-dore.nc
Dock socioculturel de Païta Marc Richer 354404 Païta [email protected] www.ville-paita.nc
Centre culturel Tjibaou Guillaume Soulard 414535 Nouméa [email protected] www.adck.nc
Centre culturel Yeiweine Yeiweine Noël Guanere 450137 Maré
Andemic Art Gallery Éric Morarin 286990 Nouméa [email protected]
Arte Bello Patrick Vaudelle 253100 Nouméa [email protected]
Artifact/DZ Galerie Didier Zanette 241385 Nouméa [email protected] www.art-tribal-online.com
Bibliothèque Bernheim Christophe Augias 242090 Nouméa [email protected] www.bernheim.nc
Galerie 11 & 1/2 Franck Chan San 289115 Nouméa [email protected] www.onzeetdemi.com
Le Chevalet d'Art Eric Valet 249242 Nouméa [email protected] www.lechevaletdart.nc
Lec Lec Tic Hélène Janet 825601 Nouméa [email protected]
Médiathèque du Nord Nicole Grochain / Mar-guerite Waly
426700 Poindimié [email protected] / [email protected] / [email protected]
www.mednord.nc
Tieti Tera Beach resort Stéphane Brun 436400 Poindimié [email protected] www.tera.nc
Médiathèque / complexe culturel de Koné Morgane Goromoedo 472065 Koné [email protected] www.bernheim.nc
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