en deux mots elles ont des noms impro- remettent en cause

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ONSCIENCE C AUTOMATISMES qui nous gouvernent EN DEUX MOTS Elles ont des noms impro- nonçables – hémianopsie, akinétopsie... Elles se manifestent par des symptômes étonnants – voir bien qu’étant aveugle, percevoir le monde sous forme d’images fixes... Autant de pathologies qui remettent en cause la vision unifiée du monde que nous offre notre conscience. Du reste, plu- sieurs expériences suggèrent que cette dernière serait fragmentée, et que de nombreux aspects du traitement de l’information se feraient à son insu. À l’extrême, nos intentions d’agir seraient la conséquence de nos actions ! Mais attention : pas question, pour autant, de considérer que pro- cessus conscients et inconscients relèvent de deux systèmes distincts. zombies © ILLUSTRATIONS : CHLOÉE POIZAT Ces

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ONSCIENCECAUTOMATISMES

qui nous gouvernent

❚ EN DEUX MOTS ❚ Elles ont des noms impro-nonçables – hémianopsie, akinétopsie... Elles semanifestent par des symptômes étonnants – voirbien qu’étant aveugle, percevoir le monde sousforme d’images fixes... Autant de pathologies qui

remettent en cause la vision unifiée du mondeque nous offre notre conscience. Du reste, plu-sieurs expériences suggèrent que cette dernièreserait fragmentée, et que de nombreux aspectsdu traitement de l’information se feraient à son

insu. À l’extrême, nos intentions d’agir seraient laconséquence de nos actions ! Mais attention :pas question, pour autant, de considérer que pro-cessus conscients et inconscients relèvent dedeux systèmes distincts.

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Imaginez que vous soyez incapable de percevoir lemouvement. Quand vous versez du café dans unetasse, vous voyez le liquide monter par à-coups.Des gens qui étaient loin de vous apparaissent sou-dain à vos côtés, sans que vous ayez perçu leur

déplacement. La réalité visuelle vous apparaît comme unesuccession d’images fixes, disjointes les unes des autres…Vous présentez les symptômes d’un trouble neurologiquerare que l’on appelle akinétopsie. Un syndrome qui remeten cause l’impression subjective que notre conscience dumonde est unifiée. Par exemple, lorsque j’écris ces lignes,je suis dans le même instant conscient d’une multituded’expériences : le contenu des pensées que j’exprime enformulant les phrases que j’écris, les couleurs qui formentle fond de mon écran, le bruit du cliquetis rythmé queproduisent les touches de mon clavier alors que je lesenfonce successivement, celui du système de condition-nement d’air dans mon bureau, une vague douleur dansma cheville droite, et ainsi de suite. Chacune de ces expé-riences distinctes est néanmoins profondément intégréeavec les autres, dans un même tout. Pourtant, quand onanalyse la manière dont le cerveau traite l’information,en lieu et place d’unité, on ne trouve qu’une multiplicitéparfois déconcertante de réseaux neuronaux divers, désyn-chronisés et impliquant souvent de vastes régions du cortex. Il n’est donc point d’unité dans le cerveau, pas delieu particulier où se réaliserait une ultime convergence.Alors, comment se fait-il que, de façon subjective, notreconscience du monde soit unifiée ?

Double dissociationLe domaine dans lequel cette question a fait l’objet duplus grand nombre d’études est sans aucun doute celuide la vision. L’unité apparente qui caractérise notreconscience du monde est en effet mise à mal dans plu-sieurs pathologies mettant en jeu cette modalité senso-rielle, ce qui favorise l’étude des mécanismes sous-jacents.Les psychologues David Milner, de l’université de Durham(Angleterre), et Mel Goodale, de l’université du Western

Ontario (Canada), ont ainsi décrit la performance d’unepatiente, D. F., atteinte d’agnosie visuelle [1]. D. F. exécutecorrectement les mouvements nécessaires pour insérerune enveloppe dans une fente orientée arbitrairement.Néanmoins, elle est incapable d’indiquer l’orientation decette fente en traçant une ligne orientée dans la mêmedirection sur une feuille de papier. De leur côté, les patientssouffrant du syndrome de Bálint présentent le déficitinverse : ils peuvent évaluer la taille des objets mais sontincapables d’agir de façon adéquate en direction de cesmêmes objets. Cette double dissociation suggère donc queperception et action dépendent, dans la modalité visuelle,de deux systèmes distincts. Le premier rendrait possible laperception consciente des objets, et en particulier leuridentification. Le second contrôlerait en temps réel lesactions que nous dirigeons vers ces objets [fig. 1].Mise à mal dans ces pathologies, l’apparente unité quicaractérise notre conscience du monde peut égalementêtre prise en défaut chez des sujets sains, sous l’effet demanipulations expérimentales les forçant, par exemple, àrépondre très rapidement. En témoignent diverses expé-riences réalisées par le groupe de Marc Jeannerod, à l’Ins-titut des sciences cognitives de Lyon. L’une d’elles montraiten particulier que des sujets confrontés à un changementd’une cible visuelle modifiaient leur trajectoire d’approchede cette cible environ 300 millisecondes avant qu’ils n’an-noncent avoir perçu le changement [2]. Autrement dit, cespersonnes réalisaient le geste approprié sans l’avoir décidéconsciemment, ce qui suggèreque le traitement réalisé parnotre système de « vision pourl’action » peut s’effectuer sansaccès à la conscience.Une autre illustration de ce quel’état de conscience n’est quepartiellement unifié résulte des expériences que le psy-chologue anglais Anthony Marcel a réalisées en 1993 avecdes sujets adultes exempts de pathologies [3]. Ces per-sonnes devaient détecter la présence ou l’absence d’unstimulus visuel de très faible luminance, et signaler cettedétection à l’expérimentateur par un battement de pau-pière, en enfonçant une touche, ou verbalement. Danscertaines conditions, ils devaient répondre d’une seulefaçon et, dans d’autres, produire les trois types de réponsesimultanément. Un premier constat fut que les battementsde paupière étaient plus précis que les réponses digitales,elles-mêmes plus précises que les réponses verbales. Mais,au-delà de cette variation dans la précision des différentesmodalités de réponse, il apparut aussi que, quand ilsdevaient répondre des trois façons en même temps, lessujets indiquaient parfois la présence d’un stimulus parun battement de paupière alors que, à en croire l’absencede réponses digitale et verbale, ils n’avaient rien perçu !Ces observations illustrent le rôle important que joue letemps dans la prise de conscience. Les différentes régions

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Axel Cleeremansest maître de recherche au Fonds national de la recherche scientifique(Belgique). Il enseigne à l’Université librede Bruxelles, où il coordonne un DEA en sciencescognitives. Ses recherchesconcernent principalementle rôle de la conscience dansl’[email protected]://srsc.ulb.ac.be/axcWWW/axc.html

À en croire le dicton, mieux vaut réflé-chir avant d’agir. Pourtant, notre corpsfait souvent le geste qui s’impose sansque nous l’ayons décidé consciem-ment. Il sait même, parfois, s’affran-chir de certaines perceptions trom-peuses. L’impression que nous avonsde contrôler nos actions ne serait-ellequ’illusion ?

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L’apparente unité qui caractérise notre conscience du monde est subjective.Elle peut être prise en défaut

[1] A.D. Milner et M.A. Goodale, The VisualBrain in Action, OxfordUniversity Press, 1995.

[2] U. Castiello et al., Brain,114, 2639, 1991.

[3] A.J. Marcel, « Slippagein the unity of consciousness »,Experimental and Theoretical Studies of Consciousness (CibaFoundation Symposium174), G.R. Bock et J. Marsh(éd.), John Wiley & Sons, p. 168, 1993.

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de notre cerveau n’ont pas nécessairement accès aumême instant à des informations données, et la pressiontemporelle peut donc provoquer des dissociations. Endemandant aux sujets de répondre le plus rapidement pos-sible, on les force à prendre leurs décisions sur la base dereprésentations imparfaites, qui influencent seulement lessystèmes de réponse les plus sensibles [fig. 2]. La conscienceque nous, adultes, avons du monde dépend donc des inter-actions entre différents systèmes de représentation gra-duels dont la disponibilité à la conscience varie en fonctionde paramètres divers : la qualité des représentations impli-quées, le temps disponible pour répondre ou le systèmede réponse concerné.Que se passe-t-il chez les enfants dont le cortex préfrontal,qui joue un rôle essentiel dans le contrôle du compor-tement, n’est pas encore complètement développé ? Entoute hypothèse, on observera probablement chez eux desdissociations qu’on ne retrouve pas chez l’adulte. C’estprécisément ce qu’ont montré en 2001 Yuko Munakata etBenjamin Yerys, de l’université du Colorado, dans unesérie d’expériences réalisées auprès d’enfants de 3 ans [4].Ces derniers devaient classer des cartes sur lesquelles onavait dessiné des camions et des fleurs rouges ou bleus.Première phase : trier les cartes selon la couleur du dessin

en plaçant les rouges à gauche et les bleues à droite. Lesenfants réussissent cette tâche sans difficulté. Dans unedeuxième phase, l’expérimentateur annonce que les règlesont changé : il faut placer les camions à gauche et les fleursà droite, en ignorant la couleur. On ne joue donc plus le jeude la couleur, mais bien celui de la forme. Cette fois, sur-prise : lorsqu’un camion bleu apparaît, l’enfant se trompeet le classe à droite, comme s’il continuait à trier en fonc-tion de la couleur. Ces erreurs se répètent malgré le faitque l’expérimentateur réexplique la nouvelle règle à chaqueessai. Néanmoins, si l’on pose à l’enfant la question : « Oùfaut-il mettre les camions ? » , il répond correctement etmontre la gauche. Dans cette situation, il apparaît doncque l’enfant est conscient de la règle verbalement, tout endemeurant incapable de l’appliquer.

Libre arbitreIl s’agit d’un exemple de conscience partielle ou fragmen-tée, en tout cas d’un point de vue cognitif, dans la mesureoù la règle semble être exprimable seulement via certainesmodalités et pas d’autres. Comment comprendre ces résul-tats ? En supposant que les représentations que se font lesenfants des stimuli sont encore fragiles, bien plus fragilesque celles des adultes. Elles seraient de qualité suffisantepour répondre correctement aux questions concernant lescritères de classification, mais pas suffisamment fortespour répondre aux stimuli conflictuels que constituent lescartes. Ces dernières présentent en effet toujours les deuxdimensions (forme et couleur), alors que les questionsposées aux sujets ne mettent, elles, qu’une seule dimen-sion en jeu.Les expériences décrites ci-dessus suggèrent non seule-ment que divers aspects de nos expériences conscientespeuvent être dissociés, mais également – et peut-être sur-tout – que de nombreux aspects du traitement de l’infor-mation semblent prendre place sans conscience. Y aurait-il un zombie dans notre cerveau ? Benjamin Libet, del’université de Californie à San Francisco, a effectué il y aplusieurs années une expérience particulièrement parlanteà cet égard [5]. Il demandait à des sujets d’indiquer le plusprécisément possible le moment où ils décidaient de bou-ger un doigt et enregistrait simultanément l’activité élec-trique des aires prémotrices de leur cerveau. Les résultatssoulevèrent la controverse quand ils furent publiés, audébut des années quatre-vingt. Ils indiquaient en effet queles sujets rapportaient prendre conscience de l’intentiond’effectuer un mouvement environ 350 millisecondes aprèsque l’activité électrique des aires prémotrices était détectabledans leur cerveau. Exactement comme si la conscience quenous avons de nos propres intentions d’agir n’était enquelque sorte qu’un épiphénomène, une conséquence del’activité du cerveau plutôt que sa cause. Libet suggéra dèslors que l’étendue de notre libre arbitre semble limitée àinhiber l’action.Cette position renforce l’idée que nous ne sommes pas entiè-

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Les deux ressorts de la visionFig.1

Publiés en 1982 [1], les travaux fondateurs de Leslie Ungerleider et Mortimer Mishkin, duNational Institute of Mental Health, ont montré que le cortex visuel des primates est organisé en deux grands systèmes : la voie dorsale (qui connecte le cortex visuel primaire– aire V1, en bleu – au cortex pariétal postérieur, en violet) et la voie ventrale (qui relieV1 au cortex temporal inférieur, en vert). Les deux aboutissent, in fine, au cortex prémoteuret moteur. Sur la base de considérations anatomiques, Ungerleider et Mishkin ont initiale-ment proposé que la fonction principale de la voie ventrale soit de traiter l’identité desobjets perçus, la voie dorsale, elle, étant responsable de leur localisation dans l’espace.Divers travaux ultérieurs ont toutefois amené les chercheurs à réviser quelque peu cetteanalyse. C’est le cas, en particulier, des recherches neuropsychologiques de David Milner etde Mel Goodale concernant des pathologies dans lesquelles le traitement de chaque voie estsélectivement détérioré, ainsi que d’autres recherches concernant l’anatomie fonctionnelledes deux systèmes. Aujourd’hui, on pense que la fonction principale de la voie dorsale est de guider en temps réel les actions que nous dirigeons vers des objets du monde visuel – le

traitement réalisé par cettevoie étant largement incons-cient. La voie ventrale, quantà elle, semble plutôt impli-quée dans la formation dereprésentations conscientesde l’identité et dans la valen-ce affective des objets quenous percevons.

[1] L.G. Ungerleider et M. Mishkin,« Two cortical visual systems », Ana-lysis of Visual Behavior, D.J. Ingle,M.A. Goodale et R.J.W. Mansfield(éd.), Cambridge (MA),The MITPress, p. 549, 1982.

Cortex pariétal postérieur

Cortex prémoteur et moteur

VOIE DORSALE

VOIE VENTRALE

CortexvisuelprimaireV1

Cortex temporalinférieur

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rement aux commandes de notre comportement. Plusieursétudes contemporaines appuient la théorie de Libet, et sug-gèrent que notre perception de la durée séparant deux évé-nements est modulée par notre perception subjective desliens de causalité qui existent entre ces deux événements [6].Ainsi, la durée qui sépare deux événements est perçue comme étant plus courte qu’elle ne l’est réellement si lesecond événement est la conséquence d’une action délibé-rée de notre part. Toutefois, cette distorsion disparaît sinous ne nous percevons pas comme responsables de la survenue de ce deuxième événement. Ce rapprochement

subjectif entre nos intentionsd’agir et les conséquences de nosactes serait le mécanisme qu’utilise le cerveau pour nousdonner l’illusion de contrôler nosactions. Si les différentes étudesenvisagées jusqu’à présent indi-quent sans aucun doute quenous sommes capables, dans cer-taines conditions, d’agir sansconscience, il ne faut cependantpas pour autant conclure queprocessus conscients et incons-cients sont enracinés dans deuxsystèmes distincts de complexitééquivalente, comme le suggèrentcertaines lectures de la perspec-tive psychanalytique sur la viementale. Celles-ci supposent quel’inconscient est structuré exac-tement comme le conscient,mais sans la conscience. Nousaurions donc en chacun de nousune sorte de zombie inconscient(néfaste, ou en tout cas animé denos désirs et angoisses les plussombres) capable de gouvernernotre comportement à notreinsu. Dans une telle perspective,la conscience en tant que tellen’aurait donc aucune fonctionparticulière [7].

Un espace de travail neuralOn peut, heureusement, fairel’économie du zombie tout-puis-sant. En lieu et place, il faut plutôt imaginer de nombreuxmini-zombies qui coopèrentincessamment pour construireune représentation adaptée de laréalité avec laquelle nous inter-agissons. Comprendre comment

ces zombies fonctionnent, et surtout comment, ensemble,ils font émerger la conscience, est devenu le problème cen-tral des neurosciences cognitives. Un consensus sembleactuellement se former autour de l’idée que la consciencedépend de l’existence d’un « espace de travail neural », ausein duquel les résultats des traitements réalisés par lesmodules spécialisés que constituent différentes régions denotre cerveau peuvent diffuser globalement, et devenirainsi disponibles à de nombreux systèmes simultanément.Dans ce schéma, les résultats du traitement effectué parun module ne deviennent accessibles à la conscience

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[4] Y. Munakata et B.E. Yerys, Psychol. Sci.,12, 335, 2001.

[5] B. Libet et al., Brain, 106,623, 1983.

[6] P. Haggard et al., Br. J. Psychol., 90, 291, 1999.

[7] A. Cleeremans et L. Jiménez, « Implicitlearning and consciousness :a graded, dynamicperspective », ImplicitLearning and Consciousness:an Empirical, Philosophicaland ComputationalConsensus in the Making,R.M. French et A. Cleeremans (éd.),Psychology Press, 2002.➩

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Le cerveau nous donnerait l’illusion de contrôler nos actions, en rapprochant subjectivement nos intentions d’agir et les conséquences de nos actes

qu’à partir du momentoù ce dernier est recrutédans l’espace de travail glo-bal [8, 9].À cet égard, il apparaît deplus en plus clairement que le rôle de l’apprentissageest central dans la formationde l’expérience consciente.Grâce à la plasticité de notrecerveau, nous sommescapables d’anticiper lesconséquences de nos ac-tions, fournissant de ce faitdes réponses plus adaptéesà un environnement néces-sairement dynamique. C’estainsi que notre expériencede la conduite d’un véhi-cule, par exemple, changeprofondément entre lemoment où nous cons-truisons péniblement lesséquences d’actions néces-

saires à un démarrage sans ratés et celui où nous sommescapables d’effectuer les mêmes actions tout en conversantavec un passager. Mais, alors que dans un tel processusd’automatisation notre expérience consciente semble s’appauvrir au fur et à mesure que nous gagnons en exper-tise, elle semble au contraire s’enrichir de contenus nouveaux quand nous nous appliquons à maîtriser les distinctions qui caractérisent un domaine particulier(l’œnologie par exemple). Ce va-et-vient entre conscientet inconscient suggère que les représentations correspon-dantes dépendent des mêmes processus neuraux. Danscette perspective, conscient et inconscient représententles extrémités d’un continuum plutôt que deux systèmesdistincts. L’apprentissage, en modifiant la qualité des repré-sentations concernées, détermine le degré avec lequel cesdernières forment les contenus de notre conscience sub-jective. En retour, la prise de conscience joue elle-même unrôle fondamental dans l’apprentissage, en amplifiant lesreprésentations importantes pour le contrôle flexible del’action à un moment donné. ❚❚ A. C.Illustrations : Chloée Poizat

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POUR EN SAVOIR PLUS

❚ « Du regard au geste : comment le cerveau commande la main »,La Recherche, mai 1998.❚ Daniel C. Dennett, La Conscience expliquée, Odile Jacob, 1993.❚ John Searle, La Redécouverte de l’esprit, Gallimard, 1995 (éditionoriginale, 1992).❚ Axel Cleeremans (éd.), The Unity of Consciousness : Binding,Integration, and Dissociation, Oxford University Press, 2003.❚ John McCrone, Going Inside, Faber & Faber, 1999.

Imaginons de nombreuxmini-zombies, coopérant sanscesse pour construire unereprésentation de la réalité…

Illusions et actionFig.2

L’ILLUSION DE TITCHENER illustre à quel point notre perception d’un objet est influencéepar le contexte dans lequel il est présenté. Des deux disques centraux, lequel vous paraît leplus grand ? Celui de gauche, entouré de petits disques, ou celui de droite, entouré degrands disques ? Celui de gauche, sans doute, alors que, en réalité, les deux sont… de la même

taille ! Notre perception a beau être influencée parl’illusion de présentation, ce n’est pas le cas – ou alorsdans une moindre mesure – des actions que nous diri-geons vers ces deux disques (présentés cette foiscomme des objets concrets). Si l’on vous demande desaisir le disque central et que l’on mesure la distanceséparant vos doigts alors qu’ils exécutent le mouve-ment correspondant, on constate que cette distancereflète la taille réelle du disque central, quel que soitle contexte dans lequel il est présenté [1]. Ce résultat,qui indique clairement que perception et action sontdissociables, doit cependant être nuancé par d’autresétudes qui ont mis en évidence le rôle central que jouele temps dans l’émergence de l’illusion. Ainsi, si l’onimpose un délai entre le moment où le sujet voit lesdisques et celui où il doit les saisir, la distance séparantles doigts prêts à attraper leur cible devient sensible àl’illusion [2]. Ce résultat indique que, lorsque les sujetsdoivent maintenir l’information pertinente durant unintervalle temporel, l’information précise – mais incons-ciente – qui est initialement disponible pour le contrôlede l’action est perdue, et remplacée par l’informationconsciente – mais incorrecte – que nous fournit notresystème perceptif.

[1] S. Aglioti et al., Curr. Biol., 5, 679, 1995.

[2] M. Gentilucci et al., Neuropsychologia, 34, 369, 1996.

[8] S. Dehaene et L. Naccache, Cognition,79, 1, 2001.

[9] B.J. Baars, A CognitiveTheory of Consciousness,Cambridge University Press,1988.