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En couverture : parachutistes français devant Port-Saïd, 6 novembre 1956.

Cliché E.C.P.A.

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LA FRANCE ET L'OPÉRATION DE SUEZ DE 1956

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e ADDIM 1997

Dépôt légal mai 1997

ISBN n° 2-907341- ISSN n° 1159-652 X

Conçu et réalisé pour l'ADDIM par l'E.I.A.T. à Saint-Maixent-l'École

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Ministère de la Défense

Centre d'études d'histoire de la défense

LA FRANCE ET

L'OPÉRATION DE SUEZ DE 1956

Actes d'une table ronde organisée sous la direction de Maurice Vaïsse

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SOMMAIRE

Avant-propos 11 Les auteurs 13

Cartes 16

Chronologie 18

PREMIÈRE PARTIE : LES ASPECTS POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES

Georgette ELGEY Le gouvernement Guy Mollet et l'intervention de Suez . . . . 27 Débat : interventions de Bernard Destremau, Bertrand Goldschmidt, Édouard Sablier, Georgette Elgey et du géné- ral André Martin.

Charles-Robert AGERON

L'opération de Suez et la guerre d'Algérie 43 Débat : interventions de Bernard Destremau, du général André Martin et de Georges Gorse.

David CARLTON Great Britain, France and the Suez Crisis 61 Débat : interventions de Georgette Elgey et du général André Martin.

Klaus-Jürgen MÜLLER L'Allemagne, la France et la crise de Suez 69

Maurice VAÏSSE Les relations franco-italiennes et la crise de Suez 85

Mordechai BAR-ON

The Relationship between France and Israel and the Crisis of Suez 97 Débat : interventions d'Edouard Sablier, Bernard Destremau, Mordechai Bar-On, Bertrand Goldschmidt, capitaine de fré- gate Le Chalony, Mordechai Bar-On et Georgette Elgey.

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Charles COGAN

De la politique du mensonge à la farce de Suez : appréhen- sions et réactions américaines 117

Intervention de Georgette Elgey 139

Vadim Alexeïevitch KIRPITCHENKO

Les Soviétiques et la crise de Suez 143

DEUXIÈME PARTIE : LES ASPECTS MILITAIRES DE L'OPÉRATION

Frédéric GUELTON 156

L'action psychologique dans l'opération de Suez Débat : interventions de Jean Planchais et du lieutenant-colo- nel Frédéric Guelton

Philippe VIAL 181 La Marine et l'opération de Suez Débat : interventions de l'amiral Marcel Duval, de l'amiral George Lasserre, du capitaine de frégate Robert Coëffin, de Jean Planchais et de l'amiral Guirec Doniol

Patrick FAÇON 227

L'armée de l'Air et l'opération de Suez Débat : interventions du général Saint-Martin, du colonel Bouley, du général Perceval, du général Vaujour et de Vadim Alexeïevitch Kirpitchenko

Philippe MASSON 259 Les leçons de l'affaire de Suez

Philippe VIAL, Nicolas VAICBOURDT De soldat à soldat : Juin, Eisenhower et les leçons de Suez 267 (novembre-décembre 1956) Débat : interventions de Charles Cogan et de Georgette Elgey

Maurice VAÏSSE Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333

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AVANT-PROPOS

Quarante ans après, fallait-il revenir sur l'opération de Suez ? On a tout écrit sur cette crise, et tout semblait dit. Les journalistes ont été les premiers à en révéler les dessous (1), les acteurs ont levé un coin du voile (2). Puis vint le temps des historiens. Du côté britannique et aussi américain, les biographies d'Anthony Eden, les colloques orga- nisés à Oxford et Washington, et l'ouvrage magistral de Keith Kyle apportent beaucoup de lumière sur cette crise majeure des relations anglo-américaines (3). Quant au rôle de la France, à part les chapitres des ouvrages anglais et quelques articles, peu de livres y ont été consacrés (4). C'est pourquoi il nous a semblé opportun de réunir quelques historiens, ainsi que les acteurs et les témoins qui ont bien voulu répondre à notre invitation, à une table ronde qui s'est tenue le vendredi 18 octobre 1996 au Palais abbatial de Saint-Germain-des- Prés.

Je tiens à remercier tous ceux qui en ont facilité l'organisation : les Services historiques des Armées pour leur active participation, en parti- culier dans le choix des acteurs appelés à apporter leur témoignage, comme pour l'intérêt qu'ils ont pris à cette initiative et le rôle joué par les intervenants. Plusieurs membres du CEHD, stagiaires ou perma- nents, ont joué un rôle actif : Alexis Troussicot, Emmanuelle Voirin, Agnès Bedel ont successivement assumé le suivi de la préparation, de l'organisation, de la publication, à laquelle Laurent Henninger a donné le coup de patte final ; comme toujours, Christophe Girard, l'adjudant Sylviane Roux et Madame Laurence Leturgez ont permis que tout se passe bien. Cet ouvrage, fondé sur les communications et les témoi- gnages de la table ronde, est complété par deux textes, l'un sur les rela- tions franco-allemandes, de Klaus-Jürgen Müller, et l'autre sur les rela- tions franco-italiennes relatives à l'affaire de Suez. Tel quel, ce livre ne prétend pas couvrir l'ensemble des questions qui se posent . Il apporte une pièce supplémentaire pour bâtir une histoire plus complète de l'une des plus graves crises de l'après-guerre.

Maurice Vaïsse

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NOTES

(1) Henri AZEAU, Le piège de Suez, Robert Laffont, 1964. Merry et Serge BROMBERGER, Les secrets de l'expédition d'Egypte, Paris, Éditions des Quatre fils Aymon, 1957. Jean-Raymond TOURNOUX, Secrets d'État, Plon, 1960.

(2) Amiral BARJOT, " Réflexions sur les opérations de Suez Revue de la défense nationale, n° 22, 1966. Général André BEAUFRE, L'expédition de Suez, Grasset, 1967. Général CHALLE, Notre révolte, Presses de la Cité, 1968. Jean CHAUVEL, Commentaires 1952-1962, Fayard, 1973. Général Moshe DAYAN, Journal de la campagne du Sinaï 1956, Le livre de poche, 1966.

Général Paul ÉLY, Mémoires - Suez... le 13 mai, Robert Laffont, 1969. Colonel de FOUQUIÈRES, " Guerre de six jours ", Forces aériennes françaises, n° 126, mai 1957. Mohamed HEYKAL, L'affaire de Suez : un regard égyptien, (traduction de l'an- glais), Ramsay, 1987. Général JOUHAUD, Ce que je n 'ai pas dit, Fayard, 1974. Général Jacques MASSU et Henri LE MIRE, Vérité sur Suez 1956, Plon, 1978. Christian PINEAU, 1956 Suez, Robert Laffont, 1976. Abel THOMAS, Comment Israël fut sauvé, Albin Michel, 1978.

(3) David CARLTON, Anthony Eden, a Biography, Londres, Allen Lane, 1981. David CARLTON, Britain and the Suez Crisis, Oxford, Blackwell, 1988. Philip DARBY, British Defence Policy lost of Suez : 1947-1968, Oxford University Press, 1973. Roy FULLICK, Suez : The Double War, Londres, Hamish Hamilton, 1979. Roger William Louis and Roger OWEN (Eds.), Suez, the Crisis and the Consequences, Oxford, Clarendon Press, 1989. Keith KYLE, Suez, Weidenfeld and Nicolson, 1991. W. Scott LUCAS, Divided We Stand - Britain, the US and the Suez Crisis, John

Curtis Hodder and Stoughton, Londres, 1991.

(4) Marc FERRO, Suez, naissance du tiers-monde, Bruxelles, Complexe, 1982. Paul GAUJAC, Suez 1956, Paris, Lavauzelle, 1987. Dossier de la revue L'Histoire, n° 38, octobre 1987. Dossier de la Revue historique des armées, décembre 1986. À l'occasion du 40ème anniversaire de l'événement, des dossiers ont été publiés dans Air-actualité, n° 493 (juin 1996) et dans la Revue historique des armées, n° 2, 1997.

Denis LEFEBVRE, L'affaire de Suez, Bruno Leprince Éditeur, collection " Synthèse ", 1996, 176 p. Philippe MASSON, La crise de Suez (novembre 1956-avril 1957), Marine natio- nale, État-major général, service historique, 1966, 272 p.

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LES AUTEURS

AGERON, Charles-Robert : professeur émérite à l'université de Paris XII-Val-de-Marne, il a enseigné l'histoire contemporaine à Alger, à la Sorbonne et à l'université de Tours. Il a publié entre autres, une Histoire de l'Algérie contemporaine, 1914-1954 (PUF, 1979) ; a collaboré à L'histoire de la France coloniale, 1914-1990, (Armand Colin, 1990) ; et est l'auteur de La décolonisation française (Armand Colin, 1991).

BAR-ON Mordechai : colonel ayant servi dans les forces armées israé- liennes pendant vingt-deux ans, il fut, en 1956-1957, aide de camp de Moshe Dayan, alors chef d'état-major. Membre de la commission exécu- tive de l'Organisation sioniste internationale de 1968 à 1978, il représenta également le Mouvement des Droits civils à la Knesset. Il milite active- ment pour le mouvement La paix maintenant. Après des études à l'univer- sité hébraïque de Jérusalem et à la Columbia University de New York, où il soutint sa thèse de PhD. En 1986, il fut professeur associé à l'université hébraïque jusqu'en 1989. De 1989 à 1991, il fut chercheur au Centre de recherches Ben Gourion à Sdeh Boker, puis à l'Institut américain pour la Paix, à Washington, de 1992 à 1993. Historien et chercheur à l'Institut Ben- Zvi de Jérusalem, ses travaux portent principalement sur l'histoire d'Israël durant les années 1950-1960. Il a publié Peace Now : A Profile of a Protest Movement (Tel-Aviv, 1985, en hébreu), Etgar ve Tigra : Israel's Road to Suez (Beer Sheva, 1991, en hébreu), The Gates of Gaza : Israël's Defense and the Foreign Policy, 1955-1967 (New York, 1994), et In Pursuit of Peace : The History of Israel's Peace Movements (Washington DC, 1996).

CARLTON, David : ancien élève de la London School of Economics and Political Studies, il enseigne, depuis 1988, les relations internationales à l'université de Warwick. Sa thèse, Foreign Policy of the Second Labour Government in the United Kingdom, 1929-1931, a été publiée sous le titre Macmillan versus Henderson. Il est aussi l'auteur de Anthony Eden : a Biography (1981) et de Great Britain and the Suez Crisis (1988). Il pré- pare actuellement un livre sur Churchill and the Soviet Union.

COGAN, Charles : chercheur à l'Institut Olin (études stratégiques) et au Centre Charles Warren, à l'université de Harvard, après avoir été agent de la CIA pendant trente-sept ans, de 1954 à 1991. En 1989, il a été affecté au projet Intelligence and Policy à la Kennedy School. Il a publié chez Praeger (1994) Oldest Allies, Guarded Friends : the United States and

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France since 1940, et chez Saint-Martin's Press (1996) Charles De Gaulle : a Brief Biography with Documents. Ses recherches portent essentielle- ment sur les relations franco-américaines, sur la France contemporaine, et sur les questions stratégiques, la défense et le renseignement. Il participe actuellement, au sein du Center for European Studies, à Harvard, au pro- jet d'étude sur le rôle de l'Union européenne dans le monde.

ELGEY, Georgette : journaliste et historienne de la IVe République, elle a publié en 1965 La République des illusions (1945-1951 ). Le tome pre- mier de La République dans la tourmente a paru chez Fayard en 1992.

FACON, Patrick : directeur des recherches au Service historique de l'ar- mée de l'Air. Auteur de nombreuses études et communications sur la poli- tique aérienne militaire, il prépare actuellement une thèse sur L'armée de l'Air de 1942 à 1962, de la reconstruction à la dissuasion. Parmi les nom- breux ouvrages qu'il a consacrés à la question, citons Le bombardement stratégique publié aux Éditions du Rocher en 1995.

GUELTON, Frédéric : lieutenant-colonel, directeur des recherches au Service historique de l'armée de Terre, il dirige le séminaire d'histoire de l'É- cole spéciale militaire de Saint-Cyr, à Coëtquidan, sur les conflits périphé- riques. Il a fait sa thèse sur Le général Weygand et le Conseil supérieur de la Guerre, 1931-1935, et a publié, entre autres, Sedan 1940 (SHAT, 1990), et La Guerre américaine du Golfe (Presses universitaires de Lyon, 1996).

KIRPITCHENKO, Vadim Alexeïevitch : ancien vice-directeur du rensei- gnement soviétique, premier vice-directeur de la première direction prin- cipale du KGB jusqu'en 1991, il est actuellement chef du groupe des consultants du Service du renseignement extérieur de la Fédération de Russie. Il est l'auteur des Archives d'un agent secret et de nombreux articles et essais sur les problèmes du renseignement. Il dirige également l'édition des six volumes des Essais sur l'histoire du renseignement russe.

MASSON, Philippe : agrégé d'histoire, docteur ès-Lettres, membre de l'Académie de Marine, il a été chef de la section historique du Service his- torique de la Marine de 1964 à 1994, et professeur d'histoire maritime à l'École supérieure de Guerre navale de 1969 à 1993. Outre sa thèse sur La Marine française et la mer Noire, 1918-1919, il a publié de nombreux ouvrages d'histoire navale et contemporaine parmi lesquels La crise de Suez de 1956, La Marine française et les débarquements de Normandie et de Provence, La Marine et la mer au XX' siècle. Il a dirigé le Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale, paru chez Larousse en 1979-1980, et pré- pare actuellement un livre sur L'homme en guerre au XX' siècle, à paraître aux Éditions du Rocher.

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MÜLLER, Klaus-Jurgen : professeur émérite d'histoire moderne et contemporaine à l'université de la Bundeswehr, il enseigne également à l'université de Hambourg. Il a été président du Comité de la R.F.A. d'histoire de la Seconde Guerre mondiale de 1982 à 1985, et président du Comité franco-allemand des historiens de 1988 à 1990. Il est l'auteur du General

Ludwig Beck (Harald Boldt Verlag, Boppard, 1980), de Das Heer und Hitler (DVA, Stuttgart, 1968, 2e édition 1989), de Armee, Politik une! Gesellschaft in Deutschland, 1933-1945 (Schoningh, Paderborn, 1981 ; version anglaise : Manchester University Press, 1991), et de The Military in Politics and Society in France and Germany in the Twentieth Century (Oxford, 1995).

VAICBOURDT, Nicolas : ancien élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, agrégé d'histoire, il enseigne actuellement à l'uni- versité de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Spécialiste des questions diploma- tico-stratégiques, il a effectué de nombreux séjours de recherche aux États-Unis et prépare une thèse sur John Foster Dulles à l'heure de la pre- mière détente, 1953-1959.

VAÏSSE, Maurice : professeur à l'université de Reims et directeur du Centre d'études d'histoire de la Défense. Président du Groupe d'études français d'histoire de l'armement nucléaire (GREFHAN), il a organisé plu- sieurs colloques sur les relations nucléaires internationales et la politique de défense de la France. Il a publié, entre autres, en collaboration avec Jean Doise, Diplomatie et outil militaire, 1871-1991 (Imprimerie natio- nale, 1987 ; réed. Le Seuil, 1992), et un ouvrage sur Les Relations inter- nationales après 1945 (Armand Colin, 5e éd., 1996). Il a dirigé la publi- cation de La crise de Cuba et l'Europe (Armand Colin, 1993), de La France et l'atome (Éditions Bruylant, 1995), et de La France et l'OTAN, 1949-1996 (Éditions Complexe, 1996).

VIAL, Philippe : agrégé d'histoire, il dirige actuellement la section des travaux historiques du Service historique de la Marine, où il se consacre à l'histoire des forces navales françaises depuis 1945. Spécialiste des pro- blèmes politico-militaires, il prépare actuellement une thèse sur " Les chefs militaires et la politique extérieure de la France de 1950 à 1954 ". Il a déjà publié plusieurs études sur les armées de la IVe République et sur la politique européenne de la France à l'époque de la C.E.D.

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APERÇU DE LA CARTE POLITIQUE DE LA MÉDITERRANÉE EN 1956

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CAMPAGNE DU SINAI - 1956

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CHRONOLOGIE

17 novembre 1869 : Ouverture du canal de Suez.

18 décembre 1914 : Protectorat britannique établi sur l'Égypte.

28 février 1922 : Indépendance de l'Égypte déclarée par la Grande-Bretagne.

23 juillet 1952 : Le roi Farouk est renversé par un coup d'État militaire.

avril 1954 : Nasser devient Premier ministre.

juillet 1955 : À la suite du refus américain de fournir des armes à Nasser, l'Égypte conclue un accord avec l'Union soviétique prévoyant la livraison de blindés, matériels d'artillerie et avions MiG 17, via la Tchécoslovaquie.

21 novembre 1955 : Des discussions s'ouvrent à Washington entre l'Égypte, les États-Unis et la Grande-Bretagne sur la question du financement du barrage d'Assouan.

29 janvier 1956 : Formation en France d'un gouvernement de Front républicain dirigé par Guy Mollet (socia- liste) avec Christian Pineau (socialiste), ministre des Affaires étrangères, et Maurice Bourgès- Maunoury (radical), ministre de la Défense nationale.

21 juillet 1956 : La BIRD renonce à financer le barrage d'Assouan après le retrait des offres de prêt des États-Unis.

26 juillet 1956 : Dans un discours prononcé à Alexandrie, Nasser nationalise la Compagnie du canal de Suez, douze ans avant la fin prévue de la concession du Khédive à Ferdinand de Lesseps.

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31 juillet 1956 : Entretiens militaires franco-britanniques à Londres.

Khrouchtchev met en garde les Occidentaux contre toute menace " d'agression " à l'égard de l'Égypte.

1er août 1956 : Le secrétaire d'État américain Foster Dulles

repousse l'idée d'une intervention militaire amé- ricaine.

2 août 1956 : Américains, Français et Britanniques, réunis à Londres, affirment le caractère international du canal, tandis qu'en France, l'Assemblée natio- nale recommande au gouvernement une poli- tique de fermeté par 422 voix contre 150.

3 août 1956 : L'escadre française de la Méditerranée est ras- semblée dans la rade de Toulon alors que le gou- vernement britannique rappelle 20 000 réser- vistes.

8 août 1956 : Le président Eisenhower suspend l'aide améri- caine à l'Égypte.

11 août 1956 : Sir Charles Keightley est nommé commandant suprême des forces franco-britanniques appe- lées à intervenir en Égypte.

15 août 1956 : Mise au point du plan Mousquetaire qui envi- sage un débarquement à Alexandrie et une marche sur Le Caire.

16 août 1956 : Foster Dulles propose de créer un organisme international du contrôle et de la gestion du canal.

18 août 1956 : Nasser repousse la proposition d'un contrôle international.

23 août 1956 : Fin de la conférence de Londres : les usagers du canal acceptent de proposer à l'Égypte un plan visant à transférer l'administration du canal à un

" bureau " où seraient représentés les usagers et les autorités égyptiennes.

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26 août 1956 : Débarquement à Chypre des premiers éléments de la base aéroportée française.

2 septembre 1956 : Eisenhower écrit à Anthony Eden pour le dis- suader d'intervenir militairement en Égypte.

9 septembre 1956 : Nasser rejette le plan Dulles de règlement sur Suez.

12 septembre 1956 : Anthony Eden et Guy Mollet annoncent la créa- tion, en accord avec les États-Unis, d'une

Association des usagers du canal.

19-22 sept. 1956 : Ouverture de la deuxième conférence de Londres. Approbation de la charte de l'Association des usagers du canal et publication d'une déclaration sur l'éventualité d'un recours à l'ONU.

20 septembre 1956 : Shimon Peres fait savoir à Bourgès-Maunoury qu'Israël est d'accord sur le principe d'une colla- boration militaire.

Un nouveau plan, Mousquetaire révisé, avec pour objectif le canal, est adopté.

24 septembre 1956 : La France et la Grande-Bretagne demandent la convocation du Conseil de sécurité de l'ONU.

5-15 octobre 1956 : L'ONU définit à l'unanimité six principes sur la liberté de travail, le respect de la souveraineté égyptienne, la fixation des droits de péage et la procédure d'arbitrage pour résoudre l'affaire de Suez.

16 octobre 1956 : Eden et Mollet prennent la décision d'une inter- vention militaire exécutée en accord avec Israël.

19 octobre 1956 : Abandon du plan Mousquetaire révisé et adop- tion de la variante Mousquetaire rénové.

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22-23 oct. 1956 : Accords de Sèvres : une conférence secrète a

lieu en présence de Ben Gourion et de Selwyn Lloyd pour mettre au point une action militaire et diplomatique commune contre l'Égypte. Il est convenu qu'Israël attaquera le 29 et que la France et la Grande-Bretagne, prenant prétexte des menaces pesant sur le canal, adresseront aux " deux belligérants " un ultimatum les invitant à retirer leurs troupes, à défaut de quoi elles occuperont la zone du canal.

29 octobre 1956 : Offensive israélienne déclenchée sur le Sinaï.

Des chasseurs et des chasseurs-bombardiers

français se posent à Lydda, en Israël.

30 octobre 1956 : Le Conseil de sécurité, saisi par les États-Unis, condamne Israël.

Ultimatum franco-britannique à Israël et à l'Égypte exigeant le respect d'une bande démili- tarisée de dix miles de chaque côté du canal.

31 octobre 1956 : Nasser rejette l'ultimatum.

Premiers bombardements britanniques sur les aérodromes égyptiens.

2 novembre 1956 : Les troupes israéliennes achèvent l'occupation de Gaza et du Sinaï.

L'Assemblée générale de l'ONU vote la résolu- tion américaine demandant le cessez-le-feu

immédiat en Égypte.

3 novembre 1956 : Les gouvernements français et britannique don- nent leurs conditions pour un cessez-le-feu.

Les Égyptiens bloquent le canal en coulant plu- sieurs bateaux.

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4 novembre 1956 : Les troupes soviétiques écrasent l'insurrection hongroise.

L'Assemblée générale de l'ONU exige le ces- sez-le-feu en Égypte et décide l'envoi sur le canal d'une force internationale.

Appareillage depuis Chypre du convoi maritime franco-britannique.

5 novembre 1956 : Début de l'intervention militaire franco-britan-

nique. Les parachutistes français du colonel Château-Jobert sautent au sud de l'usine des

Eaux de Port-Saïd, tandis que les Anglais sau- tent sur l'aéroport de Gamil. L'après-midi, nou- veau saut des parachutistes français du lieute- nant-colonel Fossey-François.

Dans la nuit du 5 au 6, le maréchal Boulganine menace la France, la Grande-Bretagne et Israël de représailles nucléaires s'ils poursuivent leurs opérations militaires.

6 novembre 1956 : Débarquement des troupes de l'opération Mousquetaire à Port-Saïd et Port-Fouad.

7 novembre 1956 : Cessez-le-feu à la suite de l'intervention des

États-Unis et de l'URSS. Les troupes franco-bri- tanniques sont bloquées devant El-Kantara.

12 novembre 1956 : L'Égypte accepte la force de police internatio- nale, sous réserve du respect de sa souveraineté.

15 novembre 1956 : Arrivée des premiers casques bleus (danois) en Égypte.

24 novembre 1956 : L'Assemblée générale de l'ONU enjoint à la France, à la Grande-Bretagne et à Israël d'éva- cuer " immédiatement " l'Égypte.

3 décembre 1956 : La France et la Grande-Bretagne annoncent le retrait de leurs troupes.

22-24 déc. 1956 : Les troupes franco-britanniques achèvent l'éva- cuation de Port-Saïd.

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5 janvier 1957 : Doctrine Eisenhower : les États-Unis utiliseront leurs forces armées dans le cas d'une agression soviétique ou du communisme international au Moyen-Orient.

21 janvier 1957 : L'Assemblée générale de l'ONU adopte une résolution afro-asiatique sur l'évacuation du Sinaï par les Israéliens.

7 mars 1957 : Fin de l'évacuation de la bande de Gaza par Israël.

8 avril 1957 : Réouverture du canal de Suez à la navigation.

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PREMIÈRE PARTIE

LES ASPECTS POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES

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LE GOUVERNEMENT GUY MOLLET ET L'INTERVENTION

Georgette ELGEY

Sans l'existence du gouvernement Mollet, sans la résolution inébran- lable de ce dernier, qui obtient en la matière l'accord sans réserves de tous ses ministres, il n'y aurait pas eu d'affaire de Suez, dans la mesure où ce terme ne désigne pas seulement la nationalisation du canal de Suez par le colonel Nasser mais aussi la réaction militaire franco-israélo-bri- tannique. Avant de retracer les deux circonstances dans lesquelles le rôle de la France fut décisif, il me semble utile d'évoquer les motivations du gouvernement français. Elles sont dictées par des " certitudes " diffé- rentes.

La première, la plus répandue, est liée à la guerre d'Algérie. Aucun ministre ne conteste l'analyse que le général Lorillot, commandant en chef en Algérie de juillet 1955 à novembre 1956, devait m'exprimer des années plus tard en ces termes :

" La guerre d'Algérie, il faut la comparer aux incendies de forêt dans le midi de la France. Une tempête de feu éclate brusquement, sans qu'on en voit l'origine. Elle est partie d'un petit brandon qui a formé le foyer de l'incendie. Il existait en Algérie des petits brandons de révolte : Nasser les a réveillés, il a tout déclen- ché..." (1).

Parmi les ministres les plus violents contre Nasser, on trouve les membres les plus importants du gouvernement : un radical socialiste, Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense nationale, et deux socialistes, Robert Lacoste et Christian Pineau, respectivement, pour le premier, ministre-résident et Gouverneur général de l'Algérie, et pour le second, ministre des Affaires étrangères. Pour Bourgès-Maunoury et Lacoste, les choses sont très simples : sans l'aide militaire que l'Égypte apporte aux rebelles algériens, pour employer la terminologie de l'époque, sans les philippiques quotidiennes contre la France de La voix des Arabes, la radio du Caire, sans ses exhortations quotidiennes à la lutte des Algériens pour leur indépendance, la guerre d'Algérie serait terminée, l'ordre rétabli dans les trois départements français qui constituent alors l'Algérie.

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Le cas de Christian Pineau est plus original. Il ne pardonne pas à Nasser de lui avoir prodigué au Caire, le 14 mars 1956, toutes les assu- rances souhaitées sur la neutralité égyptienne dans la guerre d'Algérie, lui donnant " sa parole d'honneur de soldat " qu'il n'existait pas en Égypte des camps d'instruction pour les rebelles algériens. Christian Pineau a l'imprudence de rendre public le serment de Nasser ; or, quinze jours plus tard il reçoit des services spéciaux français la preuve incontestable - et elle correspond à la vérité - du mensonge de Nasser. Il y a bien en Égypte des camps d'instruction à l'usage des Algériens. Dès lors, Christian Pineau, ayant le sentiment d'avoir été bafoué et ridi- culisé, considère le chef d'État égyptien un peu comme son ennemi per- sonnel.

Un autre socialiste, le ministre de la France d'Outre-mer, Gaston Defferre, dont la loi-cadre sur l'évolution de l'Afrique noire française atteste la volonté de décolonisation, est tout aussi déterminé contre

Nasser. C'est un esprit inventif. Il envisage de modifier les crues du Nil... Le 20 septembre, il écrit à Guy Mollet :

" Nous devons faire preuve d'imagination. Nasser a saisi le canal de Suez. Nous devons rechercher ce que nous pouvons faire, non seulement dans ce domaine, mais dans d'autres domaines pour lui porter atteinte. Le Nil et ses crues sont indispensables à la vie de l'Égypte. Les sources du Nil ne sont pas en terri- toire égyptien. Elles sont, si je suis bien renseigné, réparties entre trois territoires : l'Éthiopie, le Soudan et le Congo belge. Il paraît aussi qu'une modification, même légère, dans les cours d'eau qui sont à l'origine du Nil peut avoir des répercussions considérables sur le régime des crues. N'est-il pas possible de faire quelque chose de ce côté. Est-ce que cela a été envisagé ? (...) Si rien n'était possible du côté de l'Éthiopie, un raid peut être monté à partir du Tchad ou de l'Oubangui Chari, pour tarir certains affluents du Nil dans le Soudan anglo-égyptien. Je suis convaincu que d'autres opérations du même genre peuvent être envisagées, et je suis convaincu aussi que, si les Anglais et les Américains savaient que, quoi qu'il arrive, nous ne céderons pas et qu'avec eux ou sans eux nous ferons toucher les épaules à Nasser, ils modifieraient leur comportement " (2).

Aux raisons algériennes s'ajoute chez ces hommes, qui furent tous des résistants, l'obsession de Munich. Robert Lacoste compte d'ailleurs parmi les très rares syndicalistes de l'époque à avoir été un adversaire déclaré des accords de Munich. Pour tous les ministres, la conciliation avec Nasser après l'affront qu'il a infligé à la France en s'emparant du canal de Suez constituerait la répétition des errements et des faiblesses des démocraties devant Hitler.

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La résolution de Guy Mollet est sans faille. Peu après son arrivée à la Présidence du Conseil, il a découvert, sans doute par l'entremise de son ami et conseiller Jacques Piette, le livre que Nasser a publié l'année de sa prise de pouvoir : La Philosophie de la Révolution. Une traduction dactylographiée en a été établie à son intention. Il l'a lue et relue, en montre souvent à ses inter-

locuteurs des passages soulignés par lui. Dès le mois de mars 1956, il fait part au Premier ministre britannique, Sir Anthony Eden, de sa conviction :

" Tout ce que font les dictateurs, ils l'écrivent au préalable. Rappelez-vous Hitler et Mein Kampf. Toute la politique de Nasser est contenue dans son livre, comme celle d'Hitler l'était dans Mein Kampf " (3).

Or, Hitler, dans Mein Kampf, avait annoncé le génocide juif, et Nasser, dans La Philosophie de la Révolution, affirme sa volonté de détruire Israël.

Abattre Nasser devient donc pour Guy Mollet un devoir sacré. À ses yeux comme à ceux de très nombreux socialistes français, Israël, alors un État socialiste, est le symbole de la démocratie et du socialisme. Il l'ex- prime clairement à Shimon Peres, en ces temps lointains représentant offi- cieux d'Israël à Paris :

" Je considère qu'Israël est en train de mettre sur pied le véritable modèle de la société socialiste à laquelle nous aspirons, nous autres socialistes français " (4).

Sous des dehors modestes, Guy Mollet nourrit une ambition profonde : surpasser Léon Blum au regard de l'Histoire. Il le dit et le répète : le drame de Léon Blum, c'est de n'avoir pu, lorsqu'il dirigeait le gouvernement du Front populaire, sauver la République espagnole, c'est de n'avoir pu déci- der l'intervention de la France contre le coup d'État militaire du général Franco. Guy Mollet est, quant à lui, bien décidé à ne pas commettre une faute de même nature.

Aussi, à l'annonce de la nationalisation du canal de Suez qui lui semble le prélude à l'attaque de l'Égypte contre Israël, il juge indispensable une action militaire contre Nasser. Il n'est pas exclu cependant que, durant quelques heures ou même un ou deux jours, il l'ait regretté, car la natio- nalisation du canal de Suez, en elle-même, lui apparaissait comme " une mesure de caractère socialiste que lui même aurait bien pu prendre " (5). Mais ces réticences s'effacent très vite devant la certitude que la nationa- lisation du canal signifie la volonté de Nasser de détruire Israël. La lutte contre le Chef d'État égyptien représente une obligation à laquelle la France ne doit pas se dérober, d'autant que la chute de Nasser est censée régler le problème algérien.

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Cette analyse ne rencontre aucune opposition parmi les membres du gouvernement français. Un seul homme, au sein du pouvoir exécutif fran- çais, se désole d'un recours aux armes contre Nasser. Il s'agit du chef de l'État, le modéré René Coty. Mais, sous la IVe République, le président de la République, s'il signe les traités diplomatiques, ne détermine pas la politique, étrangère ou intérieure, de la France. Et René Coty doit se bor- ner à déplorer, dans son journal intime, la furia francese, la " volonté d'abaisser l'adversaire... ".

La Constitution de la IVe République ne donne pas à René Coty la pos- sibilité de s'opposer aux interventions françaises, qui furent décisives en deux occasions. Dès l'annonce de la nationalisation du canal de Suez, qu'ils ressentent comme un affront intolérable, les Chefs des gouverne- ments anglais et français envisagent le recours aux armes. Un vent guer- rier souffle à Londres comme à Paris. Mais il n'a pas dans les deux capi- tales la même force et la même durée. À Paris, Guy Mollet rencontre une adhésion proche de l'unanimité : à l'exception des communistes, tous les députés l'approuvent. À Londres, en revanche, une fois passé le choc de la nouvelle, l'hostilité contre un affrontement direct avec Nasser ne cesse de

gagner des partisans, non seulement chez les travaillistes, mais aussi dans le parti d'Anthony Eden, au sein même de son gouvernement et surtout dans les rangs de l'état-major britannique. Afin d'expliquer le rôle décisif de Paris, il fallait évoquer l'atmosphère londonienne.

Le gouvernement français, toujours partisan de la solution énergique, affronte une double difficulté : Guy Mollet ne veut rien entreprendre sans les Anglais, et Anthony Eden refuse à ce moment d'agir sans l'aval de Washington. Or, les Américains n'ont qu'une obsession déclarée : calmer les ardeurs belliqueuses de Londres et de Paris.

C'est alors que se produit la première intervention décisive de la France. Guy Mollet, son ministre des Affaires Étrangères et celui de la Défense nationale, expliquent à Anthony Eden et à leurs homologues britanniques qu'organiser une opération militaire n'implique pas forcément sa mise en oeuvre, mais que ses préparatifs constituent le seul moyen de faire pression sur Nasser. Pour vaincre les réticences anglaises, les Français leur propo- sent la direction de l'opération. Certains attribuent la paternité de cette recette miracle à notre attaché naval à Londres, l'amiral Amman. Elle veut se justifier par la connaissance exceptionnelle que les Anglais ont de l'Égypte, longtemps leur chasse gardée, et par leur disposition dans l'île de

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Chypre des bases qui en sont les plus proches. Les Anglais acceptent l'offre française. La décision est prise le 5 août. Un état-major secret, sous com- mandement britannique, est constitué. Le nom de code de l'opération, une invention anglaise, est à lui seul un symbole : Terrapin, ou tortue. Cet ani- mal n'est pas en effet connu pour sa rapidité de mouvement.

Confier le commandement d'une opération guerrière à des chefs qui ne cachent pas leur hostilité à son endroit, signifie, selon toute vraisemblance, sa condamnation, soit qu'elle reste dans les dossiers des projets mort-nés, soit que le manque d'enthousiasme des " patrons " ne se solde par l'échec. L'affaire est grevée d'un handicap difficilement surmontable. Les préparatifs militaires sont donc engagés. À chaque instant, les militaires britanniques montrent leur peu d'enthousiasme, annulant un plan à peine est-il terminé, pour le remplacer par une nouvelle stratégie qui connaît le même sort.

Cet été 1956 est vraiment celui des dupes, avec cette succession de conférences diplomatiques voulues par les Américains. Mais la volonté de Guy Mollet et de son gouvernement ne faiblit pas. Il s'oppose à Anthony Eden qui, en septembre, après l'échec de la conférence des Usagers, aurait voulu porter l'affaire devant les Nations Unies. Eden a beau plaider qu'une telle démarche lui est indispensable pour calmer son opposition travailliste, Mollet juge que l'enjeu ne vaut pas la chandelle : " Il y a un risque qui est trop grand de nous voir paralysés par une condamnation du recours à la force " (6). C'est alors qu'intervient la deuxième initiative française. Elle est essentielle. Conçue par le ministre de la Défense nationale, Maurice Bourgès-Maunoury, et son directeur de Cabinet, Abel Thomas, elle reçoit l'agrément immédiat de Guy Mollet. Excédés par les tergiversations amé- ricaines et les atermoiements britanniques, les Français décident de rem- placer l'intervention franco-britannique par une action combinée franco- israélienne. Au départ, ils n'imaginent pas que les Anglais puissent s'y asso- cier, tant les relations entre les deux pays sont mauvaises. Il suffit de lire les dépêches diplomatiques britanniques pour être édifié. Les Anglais trai- tent les Israéliens de " bêtes nuisibles ", de " délinquants primaires Mais Anthony Eden décide seul que la Grande-Bretagne participera à l'affaire. Ce qui donne lieu aux conférences secrètes de Sèvres, qui réunissent Anglais, Français et Israéliens, où l'opération est mise sur pied.

La première conférence de Sèvres a lieu le 22 octobre. Les Français présents, Guy Mollet, Maurice Bourgès-Maunoury et Christian Pineau, ont le sentiment de vivre un moment d'Histoire qui n'est pas sans leur rap- peler leur action clandestine sous l'occupation ennemie. Christian Pineau

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a d'ailleurs retrouvé ses réflexes de résistant. Le ministre des Affaires

étrangères est venu, seul, au volant de sa voiture, en empruntant des che- mins détournés afin de s'assurer que nul ne le suit... La réunion ne se déroule pas bien. Le climat est plus que tendu entre Israéliens et Anglais. Ben Gourion rejette même le plan élaboré par les Français et les Anglais. Pourtant, quarante-huit heures plus tard, au cours de la seconde rencontre, il l'accepte. Comment expliquer un tel revirement ?

Dans ses mémoires publiées près de quarante années après l'événe- ment, Shimon Peres apporte une information précise :

" Avant la dernière signature, je demandai une brève suspension de séance à Ben Gourion pendant laquelle je rencontrai Mollet et Bourgès-Maunoury seuls. C'est là que je mis au point avec eux un accord pour construire un réacteur nucléaire à Dimona dans le sud d'Israël (...) et la fourniture d'uranium pour l'ali- menter. Je leur soumis une série de propositions détaillées et, après discussion, ils les acceptèrent. Finalement le protocole fut signé " (7).

Le 25 octobre 1956 se tient à Paris un conseil ministériel ultra-secret

à la présidence du Conseil. Seuls y assistent Guy Mollet, Christian Pineau et Maurice Bourgès-Maunoury. Le conseil décide de donner au Commissariat à l'énergie atomique l'ordre de consentir aux demandes formulées depuis des mois par les Israéliens et qui doivent leur per- mettre d'accéder à la capacité nucléaire. Ils savent que, forts de cette capacité nucléaire, ils pourront obtenir des Américains " la garantie à l'existence " que Washington leur a jusqu'alors toujours refusée, de peur de heurter les Arabes. Faut-il voir dans cette décision française détermi- nante en matière atomique l'explication de l'accord israélien ? S'il demeure difficile de répondre, le respect de la chronologie oblige à se poser la question.

En septembre 1995, j'ai eu l'occasion d'interroger à ce sujet Shimon Peres, l'un des derniers témoins vivants des accords de Sèvres. Son

démenti fut catégorique mais ambigu. Selon lui, il n'y a pas eu le moindre marchandage, et tout ce qui renforçait le climat de confiance entre la France et Israël ne pouvait que resserrer encore l'alliance. Quatre jours plus tard, le 29 octobre, l'opération israélienne contre l'Égypte est lancée. Les accords de Sèvres entrent en action. Tout est joué. Guy Mollet a tou- jours affirmé ne jamais avoir regretté l'affaire de Suez, en dépit de ses graves conséquences pour la France. En effet, la perte de ses positions tra- ditionnelles au Moyen-Orient et aussi l'exaspération croissante de son

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armée contre le pouvoir politique, jouèrent un rôle dans la fin de la IVe République. Il disait encore, peu de temps avant sa mort : " ma prin- cipale fierté, c'est d'avoir sauvé Israël L'histoire ne nous donne pas le recul nécessaire pour juger une telle appréciation.

Sur les conseils de son ami Jacques Piette, lui-même inspiré par le Mossad (les services secrets israéliens), Guy Mollet décide qu'il convient, une fois Nasser abattu, de le remplacer par le général Néguib, son prédé- cesseur dans ces fonctions. Bien que ce dernier vive en Égypte, plus ou moins en résidence surveillée, le Mossad se charge d'organiser sa ren- contre avec les représentants de la France. Le 28 octobre, à la veille du déclenchement des opérations militaires, deux émissaires secrets de Guy Mollet, Georges Plescoff, un très proche collaborateur du ministre des Finances, le socialiste Paul Ramadier et Jacques Piette prennent l'avion pour le Soudan.

Muni d'un blanc-seing de son ministre, Georges Plescoff est chargé d'acheter " la neutralité du Soudan ". Jacques Piette a pour mission de voir le général Néguib et de lui proposer de succéder à Nasser à la tête de l'Égypte. Leur rencontre a lieu sur le Nil Bleu. Jacques Piette est venu seul sur un petit bateau que pilote notre ambassadeur à Khartoum. Néguib écoute avec intérêt les propositions françaises. Il met à son acceptation une condition préalable : qu'il ait l'assurance de l'accord des Britanniques.

La suite des événements a rendu caduque cette dernière intervention française dans l'affaire de Suez. Faute de pouvoir utiliser des moyens de transmission télégraphique ou téléphonique, Jacques Piette n'a pu en informer Guy Mollet qu'à son retour à Paris, le 6 novembre, le jour même où Français et Anglais, sous la pression russe et surtout américaine, ont ordonné le cesser le feu en Égypte. Guy Mollet n'a pas pu obtenir d'Anthony Eden que cette décision soit retardée même de vingt-quatre heures.

Pour conclure sur le rôle du gouvernement Guy Mollet, je citerai l'an- cien Président du Conseil :

" Eden et moi étions d'accord. Il n'était pas question d'occuper longtemps l'Égypte. Nos troupes devaient rester trois jours en Égypte. Le temps de mettre en l'air le régime nassérien..." (8).

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DÉBATS

Bernard DESTREMEAU :

Je suis arrivé au Caire au mois de juin 1955 comme premier secrétaire d'ambassade chargé du dossier du canal. Le pacte de Bagdad avait été signé en février 1955. Même si l'ambassade de France à Londres aurait vivement souhaité que les Français s'associent à ce pacte, nous n'avions pas voulu le faire pour diverses raisons. Il y avait également comme texte de base une déclaration du 25 mai 1950, signée par la France, l'Angleterre et les États-Unis, relative au statu quo et à l'équilibre des forces au Proche- Orient. Pendant toute l'année 1955, les relations étaient assez bonnes : on livrait des armes des deux côtés, et La voix des Arabes était assez modé- rée. L'action de Nasser dans l'affaire algérienne, qui n'a jamais été prou- vée d'une manière certaine, était le principal souci du gouvernement fran- çais. Évidemment, la radio était par moments très désagréable. Mais l'en- traînement des commandos a été un peu une invention. À l'occasion d'un passage à Tunis, j'ai demandé au général Gambiez si on avait vraiment surpris des caravanes de chameaux emmenant des armes légères. Il m'a répondu qu'on n'avait presque rien trouvé. Malgré tout, un comité inter- ministériel à Paris a décidé, aux environs de septembre 1955, l'arrêt des livraisons d'armes. La voix des Arabes est alors devenue de plus en plus violente. Les Égyptiens ont annoncé qu'ils signaient un contrat d'arme- ment avec la Tchécoslovaquie, alias la Russie, pour livrer des quantités très importantes d'armes. Je crois que les Soviétiques avaient alors un sur- plus d'armes classiques, dont ils se sont débarrassés en partie sur le Proche-Orient. Le dernier espoir d'apaiser la situation était l'affaire du bar- rage d'Assouan pour laquelle un consortium anglo-franco-allemand était en très bonne position. Mais il faut se souvenir qu'à l'époque, on manquait de dollars. Je suis allé voir le gouverneur de la Banque de France, W. Baumgartner, pour lui dire qu'il faudrait peut-être 250 millions de dol- lars. Évidemment, à ce moment-là, nous n'avions pas d'argent, ou tout du moins de devises étrangères. Les Américains nous ont alors proposés de nous prêter des dollars à condition qu'il y ait une adjudication. En effet, avec le consortium, c'était un marché de gré à gré, et une chance donnée aux grandes sociétés américaines, alors que régnaient des conditions assez draconiennes (en particulier, il existait un droit de regard sur l'orientation et les finances de l'économie égyptienne). Tout ceci a bien évidemment irrité Nasser.

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PUBLICATIONS DU C.E.H.D.

* La France face aux problèmes d'armement : 1945-1950, éditions Complexe, 1996.

* La France et l'OTAN : 1949-1996, éditions Complexe, 1996.

* L'image de guerre et son utilisation, coédition CEHD/SIRPA, 1996.

* La Liberté en Italie (1796-1797), coédition CEHD/Revue du Souvenir Napoléonien, 1996.

* Cahiers du Centre d'études d'histoire de la Défense, Cahier n° 1 - Histoire du renseignement, ADDIM, 1996.

* La défense de l'Europe - une perspective historique, ADDIM, 1997.

* Minerve, recueil des travaux universitaires soutenus ou déposés entre 1985 et 1995, ADDIM, 1997.

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