eloge de loisiveté

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BERTRAND RUSSEL ÉLOGE DE LOISIVETÉ (D’après la traduction de Michel Parmentier) Ce livret est gratuit ! Fais le tourner sans pitié !

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  • BERTRAND RUSSEL

    LOGE DE LOISIVET (Daprs la traduction de Michel Parmentier)

    Ce livret est gratuit ! Fais le tourner

    sans piti !

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  • 2

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    marchand !

  • 3

    Sommaire

    Sur Bertrand Russel ........................................................................ 4

    loge de l'oisivet ............................................................................ 7

  • 4

    Sur Bertrand Russel

    Bertrand Russel, 1872-1970, mathmaticien, logicien, philosophe,

    pistmologue, homme politique et moraliste britannique est un

    digne reprsentant de la philosophie analytique, considr avec

    Gottlob Frege, et Alfred North Whitehead comme l'un des

    fondateurs de la logique contemporaine. Il reut par ailleurs le prix

    Nobel de littrature en 1950.

    Mais ce docte professeur sest galement signal par ses convictions

    socialistes et libertaires et par son engagement pacifiste qui lui valut

    plusieurs sjours en prison. Il sopposa ainsi la premire guerre

    mondiale, lutta avec Albert Einstein contre le maccartisme et contre

    les armes nuclaires et fonda avec Jean Paul Sartre, le tribunal

    Sartre/Russel , pour condamner les crimes de guerre perptrs

    durant la guerre du Vietnam par larme amricaine.

    Sa verve de libre penseur lui inspira de froces critiques de la

    religion. Dans Pourquoi je ne suis pas chrtien, paru en 1927, il

    crivait : Jaffirme, en pesant mes termes, que la religion

    chrtienne, telle quelle est tablie dans ses glises, fut et demeure

    le principal ennemi du progrs moral dans le monde. L'ide de

    Dieu, avec tous les concepts qui en dcoulent, nous vient des

  • 5

    antiques despotismes orientaux. C'est une ide absolument indigne

    d'hommes libres. La vue de gens qui, dans une glise, s'avilissent en

    dclarant qu'ils sont de misrables pcheurs et en tenant d'autres

    propos analogues, ce spectacle est tout fait mprisable. Leur

    attitude n'est pas digne d'tres qui se respectent. [...] Un monde

    humain ncessite le savoir, la bont et le courage; il ne ncessite

    nullement le culte et le regret des temps abolis, ni l'enchanement de

    la libre intelligence des paroles profres il y a des sicles par des

    ignorants. La Bible dit : "Tu ne laisseras point vivre la

    magicienne" (Exode XXII, 18) [...] Les chrtiens libraux de notre

    temps, qui continuent soutenir que la Bible a une grande valeur

    morale, ont tendance oublier de tels textes, et les millions de

    victimes innocentes qui sont mortes dans les supplices parce que les

    hommes de jadis rglaient effectivement leur comportement d'aprs

    la Bible. .

    Cest donc tout naturellement que Bertrand Russel sattaqua lune

    des valeurs phare de la morale chrtienne : le travail. Il le fit avec

    une mordante ironie, dans ce cours essai intitul L'loge de

    l'oisivet (In Praise of Idleness en anglais) paru en 1932.

    Esprit68, octobre 2011

  • 6

  • 7

    loge de l'oisivet

    Ainsi que la plupart des gens de ma gnration, j'ai t lev selon

    le principe que l'oisivet est mre de tous vices. Comme j'tais un

    enfant ptris de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me

    suis ainsi dot d'une conscience qui m'a contraint peiner au travail

    toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours t soumises

    ma conscience, mes ides, en revanche, ont subi une rvolution.

    En effet, j'en suis venu penser que l'on travaille beaucoup trop de

    par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort

    immense, et qu'il importe prsent de faire valoir dans les pays

    industrialiss un point de vue qui diffre radicalement des prceptes

    traditionnels. Tout le monde connat l'histoire du voyageur qui,

    Naples, vit 12 mendiants tendus au soleil (c'tait avant Mussolini),

    et proposa une lire celui qui se montrerait le plus paresseux. 11

    d'entre eux bondirent pour venir la lui rclamer : il la donna donc au

    12ime. Ce voyageur tait sur la bonne piste.

    Toutefois, dans les contres qui ne bnficient pas du soleil

    mditerranen, l'oisivet est chose plus difficile, et il faudra faire

    beaucoup de propagande auprs du public pour l'encourager la

    cultiver.

    J'espre qu'aprs avoir lu les pages qui suivent, les dirigeants du

    YMCA lanceront une campagne afin d'inciter les jeunes gens

    honntes ne rien faire, auquel cas je n'aurais pas vcu en vain.

  • 8

    Avant d'exposer mes arguments en faveur de la paresse, il faut que

    je rfute un raisonnement que je ne saurais accepter. Quand

    quelqu'un qui a dj suffisamment d'argent pour vivre, envisage de

    prendre un emploi ordinaire, d'enseignants ou de dactylos par

    exemple, on lui dit que cela revient ter le pain de la bouche

    quelqu'un d'autre et que c'est donc mal faire. Si ce raisonnement

    tait valide, nous n'aurions tous qu demeurer oisifs pour avoir du

    pain plein la bouche. Ce qu'oublient ceux qui avancent de telles

    choses, c'est que normalement on dpense ce que l'on gagne, et

    qu'ainsi on cre de l'emploi. Tant qu'on dpense son revenu, on met

    autant de pain dans la bouche des autres en dpensant qu'on en

    retire en gagnant de l'argent. Le vrai coupable, dans cette

    perspective, c'est l'pargnant. S'il se contente de garder ses

    conomies dans un bas de laine, il est manifeste que celles-ci ne

    contribuent pas l'emploi. Si, par contre, il les investit, cela devient

    plus compliqu, et divers cas se prsentent.

    L'une des choses les plus banales que l'on puisse faire de ses

    conomies, c'est de les traiter l'tat. tant donn que le gros des

    dpenses publiques de la plupart des tats civiliss est consacr

    soit au remboursement des dettes causes par des guerres

    antrieures, soit la prparation de guerres venir, celui qui prte

    son argent l'tat se met dans une situation similaire celle des

    vilains personnages qui, dans les pices de Shakespeare, engage

    des assassins. En fin de compte, le produit de son conomie sert

    accrotre les forces armes de l'tat auquel il prte ses pargnes.

    De toute vidence, il vaudrait mieux qu'ils dpensent son pcule,

    quitte le jouer ou le boire.

  • 9

    Mais, me direz-vous, le cas est totalement diffrent si l'pargne est

    investie dans des entreprises industrielles. C'est vrai, du moins

    quand de telles entreprises russissent et produisent quelque chose

    d'utile. Cependant, de nos jours, nul ne peut nier que la plupart des

    entreprises chouent. Ce qui veut dire qu'une grande partie du

    travail humain aurait pu tre consacre produire quelque chose

    d'utile et agrable s'est dissipe dans la fabrication de machines

    qui, une fois fabriques, sont rests inutilises sans profiter

    personne. Celui qui investit ses conomies dans une entreprise qui

    fait faillite cause donc du tort aux autres autant qu' lui-mme.

    Si, par exemple, il dpensait son argent en ftes pour ses amis,

    ceux-ci (on peut l'esprer) en retireraient du plaisir, ainsi d'ailleurs

    que tous ceux chez qui il s'approvisionnerait, comme le boucher, le

    boulanger et le bootlegger. Mais s'il le dpense, par exemple, pour

    financer la pose de rails de tramway en un endroit o il n'en a que

    faire, il a dvi une somme de travail considrable dans des voies

    o ce travail ne procure de plaisir personne. Nanmoins, quand la

    faillite de son investissement l'aura rduit la pauvret, on le

    considrera comme la victime d'un malheur immrit, tandis que le

    joyeux prodigue, malgr le caractre philanthropique de ses

    dpenses, sera mpris pour sa btise et sa frivolit.

    Tout ceci n'est que prambule. Pour parler srieusement, ce que je

    veux dire, c'est que le fait de croire que le TRAVAIL est une vertu

    est la cause de grands mots dans le monde moderne, et que la voie

    bonheur et de la prosprit passe par une diminution mthodique

    du travail.

    Et d'abord, qu'est-ce que le travail ? Il existe deux types de travail :

    le premier consiste dplacer une certaine quantit de matire se

  • 10

    trouvant la surface de la terre, ou dans le sol mme ; le second,

    dire quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est

    dsagrable et mal pay ; le second est agrable et trs bien pay.

    Le second type de travail peut s'tendre de faon illimite : il y a

    non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui

    donnent des conseils sur le genre d'ordres donner. Normalement,

    deux sortes de conseils sont donnes simultanment par deux

    groupes organiss : c'est ce qu'on appelle la politique. Il n'est pas

    ncessaire pour accomplir ce type de travail de possder des

    connaissances dans le domaine o l'on dispense des conseils : ce

    qu'il faut par contre, c'est matriser l'art de persuader par la parole et

    par l'crit, c'est--dire l'art de la publicit.

    Partout en Europe, mais pas en Amrique, il existe une troisime

    classe d'individus, plus respecte que ne l'est aucune des deux

    autres. Ce sont des gens qui, parce qui possdent des terres, sont

    en mesure de faire payer aux autres le privilge d'tre autoriss

    exister et travailler. Ces propritaires fonciers sont des oisifs et on

    pourrait donc s'attendre ce que j'en fasse l'loge.

    Malheureusement, leur oisivet n'est rendue possible que par

    l'industrie des autres ; en fait, leur dsir d'une oisivet confortable

    est, d'un point de vue historique, la source mme du dogme du

    travail. La dernire chose qu'ils voudraient serait que d'autres

    suivent leur exemple.

    Depuis le dbut de la civilisation jusqu' la Rvolution industrielle,

    en rgle gnrale, un homme ne pouvait gure produire par son

    labeur plus qu'il ne lui fallait, lui et sa famille, pour subsister

    mme si sa femme peinait la tche au moins autant que lui, et si

    ses enfants se joignaient eux ds quils en taient capables. Le

  • 11

    peu d'excdent qui restait lorsqu'on avait assur les choses

    essentielles de la vie n'tait pas conserv par ceux qui l'avaient

    produit : c'taient les guerriers et les prtres se l'appropriaient. Par

    temps de famine, il n'y avait pas d'excdent, mais les prtres et les

    guerriers prlevaient leur d comme si de rien n'tait, en sorte que

    nombre de travailleurs mourait de faim. C'est le systme que connut

    la Russie jusqu'en 1917 et qui perdure encore en Orient. En

    Angleterre, malgr la Rvolution industrielle, il continua svir tout

    au long des guerres napoloniennes et jusque dans les annes

    1830, qui virent la monte d'une nouvelle classe de manufacturiers.

    En Amrique, il prit fin avec la Rvolution, sauf dans le Sud, o il se

    perptua jusqu' la Guerre de Scession. Un systme qui a dur

    aussi longtemps et qui n'a pris fin que si rcemment a naturellement

    laiss une marque profonde dans les penses et les opinions des

    gens.

    La plupart de nos convictions quant aux avantages du travail sont

    issus de ce systme : tant donn leurs origines pr-industrielles, il

    est vident que ces ides ne sont pas adaptes au monde

    moderne. La technique moderne a permis aux loisirs, jusqu' un

    certain point, de cesser d'tre la prrogative des classes privilgies

    minoritaires pour devenir un droit galement rparti dans l'ensemble

    de la collectivit.

    La morale du travail est une morale d'esclave, et le monde moderne

    n'a nul besoin de l'esclavage.

    De toute vidence, s'ils avaient t laisss eux-mmes, les

    paysans des collectivits primitives ne se seraient jamais dessaisis

    du maigre excdent qui devait tre consacr la subsistance des

    prtres et des guerriers, mais aurait soit rduit leur production, soit

  • 12

    augment leur consommation. Au dbut, c'est par la force brute

    qu'ils furent contraints de produits ce surplus et de s'en dmunir.

    Peu peu cependant, on s'aperut qu'il tait possible de faire

    accepter bon nombre d'entre eux une thique selon laquelle il

    tait de leur devoir de travailler dur, mme si une partie de leur

    travail servait entretenir d'autres individus dans l'oisivet. De la

    sorte, la contrainte exercer tait moindre, et les dpenses du

    gouvernement en taient diminues d'autant. Encore aujourd'hui,

    99 % des salaris britanniques seraient vritablement choqus si

    l'on proposait que le roi ne puisse jouir d'un revenu suprieur celui

    d'un travailleur. La notion de devoir, point de vue historique

    s'entend, fut un moyen qu'ont employ les puissants pour amener

    les autres consacrer leur vie aux intrts de leurs matres plutt

    qu'aux leurs.

    Bien entendu, ceux qui dtiennent le pouvoir se masquent cette

    ralit eux-mmes en se persuadant que leurs intrts concident

    avec ceux de l'humanit tout entire. C'est parfois vrai : les

    Athniens qui possdaient des esclaves, par exemple, employrent

    une partie de leurs loisirs apporter la civilisation une contribution

    permanente, ce qui aurait t impossible sous un rgime

    conomique quitable. Le loisir est indispensable la civilisation, et,

    jadis, le loisir d'un petit nombre n'tait possible que grce au labeur

    du grand nombre. Mais ce labeur avait de la valeur, non parce que

    le travail est une bonne chose, mais parce que le loisir est une

    bonne chose. Grce la technique moderne, il serait possible de

    rpartir le loisir de faon quitable sans porter prjudice la

    civilisation.

  • 13

    La technique moderne a permis de diminuer considrablement la

    somme de travail requise pour procurer chacun les choses

    indispensables la vie.

    La preuve en fut faite durant la guerre. Au cours de celle-ci, tous les

    hommes mobiliss sous les drapeaux, tous les hommes et toutes

    les femmes affects soit la production de munitions, soit encore

    l'espionnage, la propagande ou un service administratif reli la

    guerre, furent retirs des emplois productifs. Malgr cela, le niveau

    de bien-tre matriel de l'ensemble des travailleurs non spcialiss

    ct des Allis tait plus lev qu'il ne l'tait auparavant ou qu'il ne

    l'a t depuis. La porte de ce fait fut occulte par des

    considrations financires : les emprunts donnrent l'impression

    que le futur nourrissait le prsent. Bien sr, c'tait l chose

    impossible : personne ne peut manger un pain qui n'existe pas

    encore. La guerre a dmontr de faon concluante que

    l'organisation scientifique de la production permet de subvenir aux

    besoins des populations modernes en n'exploitant qu'une part

    minime de la capacit de travail du monde actuel. Si, la fin de la

    guerre, cette organisation scientifique (laquelle avait t mise au

    point pour dgager un bon nombre d'hommes afin qu'ils puissent

    tre affects au combat ou au service des munitions) avait t

    prserve, et si on avait pu rduire quatre le nombre d'heures de

    travail, tout aurait t pour le mieux. Au lieu de quoi, on en est

    revenu au vieux systme chaotique o ceux dont le travail tait en

    demande devaient faire de longues journes tandis qu'on

    n'abandonnait le reste au chmage et la faim. Pourquoi ? Parce

    que le travail est un devoir et que le salaire d'un individu ne doit pas

    tre proportionn ce qu'il produit, mais proportionn sa vertu,

    laquelle se mesure son industrie.

  • 14

    On reconnat la morale de l'tat esclavagiste, mais s'appliquant

    cette fois dans des circonstances qui n'ont rien voir avec celles

    dans lesquelles celui-ci a pris naissance. Comment s'tonner que le

    rsultat ait t dsastreux. Prenons un exemple. Supposons qu'

    un moment donn, un certain nombre de gens travaillent fabriquer

    des pingles. Ils fabriquent autant d'pingles qu'il en faut dans le

    monde entier, en travaillant, disons, huit heures par jour. Quelqu'un

    met au point une invention qui permet au mme nombre de

    personnes de faire deux fois plus d'pingles auparavant. Bien, mais

    le monde n'a pas besoin de deux fois plus d'pingles : les pingles

    sont dj si bon march qu'on n'en achtera gure davantage

    mme si elles cotent moins cher. Dans un monde raisonnable,

    tous ceux qui sont employs dans cette industrie se mettraient

    travailler quatre heures par jour plutt que huit, et tout irait comme

    avant. Mais dans le monde rel, on craindrait que cela ne

    dmoralise les travailleurs. Les gens continuent donc travailler

    huit heures par jour, il y a trop d'pingles, des employeurs font

    faillite, et la moiti des ouvriers perdent leur emploi. Au bout du

    compte, la somme de loisirs est la mme dans ce cas-ci que dans

    l'autre, sauf que la moiti des individus concerns en sont rduits

    l'oisivet totale, tandis que l'autre moiti continue trop travailler.

    On garantit ainsi que le loisir, par ailleurs invitable, sera cause de

    misre pour tout le monde plutt que d'tre une source de bonheur

    universel.

    Peut-on imaginer plus absurde ?

    L'ide que les pauvres puissent avoir des loisirs a toujours choqu

    les riches. En Angleterre, au XIXe sicle, la journe de travail

    normal tait de quinze heures pour les hommes, de douze heures

  • 15

    pour les enfants, bien que ces derniers est parfois travaill quinze

    heures eux aussi. Quand des fcheux, des empcheurs de tourner

    en rond suggraient que c'tait peut-tre trop, ont leur rpondait

    que le travail vitait aux adultes de sombrer dans l'ivrognerie et aux

    enfants de faire des btises. Dans mon enfance, peu aprs que les

    travailleurs des villes eurent acquis le droit de vote, un certain

    nombre de jours fris furent tablis en droit, au grand dam des

    classes suprieures. Je me rappelle avoir entendu une vieille

    duchesse qui disait : Qu'est-ce que les pauvres vont faire avec

    des congs ? C'est travailler qu'il faut. De nos jours, les gens sont

    moins francs, mais conserve les mmes ides reues, lesquels sont

    en grande partie l'origine de notre confusion dans le domaine

    conomique.

    Examinons un instant cette morale du travail de faon franche et

    dnue de superstition. Chaque tre humain consomme

    ncessairement au cours de son existence une certaine part de ce

    qui est produit par le travail humain. Si l'on suppose, comme il est

    lgitime, que le travail est dans l'ensemble dsagrable, il est

    injuste qu'un individu consomme davantage qu'il ne produit. Bien

    entendu, il peut fournir des services plutt que des biens de

    consommation, comme un mdecin, par exemple ; mais il faut qu'il

    fournisse quelque chose en change du gte et du couvert. En ce

    sens, il faut admettre que le travail est un devoir, mais en ce sens

    seulement.

    Je n'insisterai pas sur le fait que dans toutes les socits modernes,

    mis part l'URSS, beaucoup de gens chappent mme ce

    minimum de travail, je veux parler de ceux qui reoivent de l'argent

    par hritage ou par mariage. Je pense qu'il est beaucoup moins

  • 16

    nuisible de permettre ces gens-l de vivres oisifs que de

    condamner ceux qui travaillent se crever la tche crever de

    faim.

    Si le salari ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait

    assez de tout pour tout le monde, et pas de chmage (en

    supposant qu'on ait recours un minimum d'organisation

    rationnelle). Cette ide choque les nantis parce qu'ils sont

    convaincus que les pauvres ne sauraient comment utiliser autant de

    loisirs. En Amrique, les hommes font souvent de longues journes

    de travail mme s'ils sont dj trs l'aise ; de tels hommes sont

    naturellement indigns l'ide que les salaris puissent connatre le

    loisir, sauf sous la forme d'une rude punition pour s'tre retrouv au

    chmage. En fait, ils excrent le loisir, mme pour leurs fils. Chose

    pourtant curieuse, alors qu'ils veulent que leur fils travaille tellement

    qu'ils n'aient pas le temps d'tre civiliss, a ne les drange pas que

    leurs femmes et leurs filles n'aient absolument rien faire. Dans

    une socit aristocratique, l'admiration snobisme voue l'inutile

    s'tend aux deux sexes, alors que, dans une ploutocratie, elle se

    limite aux femmes, ce qui n'est d'ailleurs pas pour la rendre plus

    conformes au sens commun.

    Le bon usage du loisir, il faut le reconnatre, est le produit de la

    civilisation et de l'ducation. Un homme qui a fait de longues

    journes de travail toute sa vie s'ennuiera s'il est soudain livr

    l'oisivet. Mais sans une somme considrable de loisir sa

    disposition, un homme n'a pas accs la plupart des meilleures

    choses de la vie. Il n'y a plus aucune raison pour que la majeure

    partie de la population subisse cette privation ; seul un asctisme

  • 17

    irrflchi, entretient notre obsession du travail excessif prsent

    que le besoin s'en fait sentir.

    Quoi que le nouveau dogme auquel est soumis le gouvernement de

    la Russie comporte de grandes diffrences avec l'enseignement

    traditionnel de l'Occident, il y a certaines choses qui n'ont

    aucunement chang. L'attitude des classes gouvernantes, en

    particulier de ceux qui s'occupent de propagande ducative, quant

    la dignit du travail, est presque exactement celle que les classes

    gouvernantes du monde entier ont toujours prche ceux que l'on

    appelait les bons pauvres . tre industrieux, sobre, disposs

    travailler dur pour des avantages lointains, tout cela revient sur le

    tapis, mme la soumission l'autorit. D'ailleurs, l'autorit

    reprsente toujours la volont du Matre de l'Univers, lequel,

    toutefois, est maintenant connu sous le nom de Matrialisme

    Dialectique.

    La victoire du proltariat en Russie a certains points en commun

    avec la victoire des fministes dans d'autres pays. Durant des

    sicles, les hommes avaient concd aux femmes la supriorit sur

    l'chelle de la saintet et les avaient consols de leur infriorit en

    faisant valoir que la saintet est plus dsirable que le pouvoir. la

    fin, les fministes ont dcid qu'elles voulaient les deux, puisque les

    premires d'entre elles croyaient tout ce que les hommes leur

    avaient racont sur l'excellence de la vertu, mais pas ce qu'ils

    avaient dit quant l'insignifiance du pouvoir politique. Quelque

    chose d'analogue s'est produit en Russie en ce qui a trait au travail

    manuel. Pendant des sicles, les riches et leurs thurifraires ont fait

    l'loge de l'honnte labeur , ont vant la vie simple, ont profess

    une religion qui enseigne que les pauvres ont bien plus de chances

  • 18

    que les riches d'aller au paradis. En gnral, ils ont essay de faire

    croire aux travailleurs manuels que toute activit qui consiste

    dplacer de la matire revt une certaine forme de noblesse, tout

    comme les hommes ont tent de faire croire aux femmes que

    l'esclavage sexuel leur confrait une espce de grandeur. En

    Russie, toutes ces leons portant sur l'excellence du travail manuel

    ont t prises au srieux, tant et si bien que le travailleur manuel est

    plac sur un pidestal. On lance ainsi des appels une

    mobilisation, au nom de valeurs essentiellement passistes, mais

    pas des fins traditionnelles, plutt dans le but de recruter des

    travailleurs de choc pour des tches dtermines. Le travail manuel

    est idal que l'on prsente aux jeunes, il est aussi la base de toute

    leon de morale.

    Pour l'instant, il est possible que ce soit trs bien ainsi. Un pays

    immense, regorgeant de ressources naturelles, attend d'tre

    dvelopp, et ce dveloppement doit s'effectuer sans qu'on puisse

    recourir au crdit. Dans de telles circonstances, un travail acharn

    est ncessaire et portera probablement ses fruits. Mais que va-t-il

    se passer lorsqu'on aura atteint le point o il serait possible que tout

    le monde vive l'aise sans trop travail ?

    l'Ouest, nous avons diverses manires de rsoudre le problme.

    En l'absence de toute tentative de justice conomique, une grande

    proportion du produit global va une petite minorit de la

    population, laquelle compte beaucoup d'oisifs.

    Comme il n'existe pas de contrle central de la production, nous

    produisons normment de choses dont nous n'avons pas besoin.

    Nous maintenons une forte proportion de la main-duvre en

    chmage parce que nous pouvons nous passer d'elle en

  • 19

    surchargeant de travail ceux qui restent. Quand toutes ces

    mthodes s'avrent insuffisantes, nous faisons la guerre : nous

    employons ainsi un certain nombre de gens fabriquer des

    explosifs et d'autres les faire clater, comme si nous tions des

    enfants venaient de dcouvrir les feux d'artifice. En combinant ces

    divers procds, nous parvenons, non sans mal, prserver l'ide

    que le travail manuel, long et pnible, est le lot inluctable de

    l'homme du commun.

    En Russie, tant donn qu'il y a plus de justice conomique et de

    contrle centralis de la production, le problme sera rsolu

    diffremment. La solution rationnelle serait, aussitt qu'on aura

    subvenu aux besoins essentiels de chacun et assurer un minimum

    de confort, de rduire graduellement les heures de travail, en

    laissant la population le soin de dcider par rfrendum, chaque

    tape, s'il vaut mieux augmenter le loisir ou la production. Toutefois,

    comme les autorits en place ont fait du labeur la vertu suprme, on

    voit mal comment elles pourront viser un paradis o il y aura

    beaucoup de loisirs et peu de travail. Il semble plus probable

    qu'elles trouveront continuellement de nouvelles raisons de justifier

    le sacrifice du loisir prsent au profit d'une productivit future. J'ai lu

    rcemment que des ingnieurs russes ont propos un plan assez

    ingnieux pour augmenter la temprature de la mer Blanche et du

    littoral septentrional de la Sibrie en construisant un barrage sur la

    mer de Kara. Projet admirable, mais qui risque de reporter d'une

    gnration le confort des proltaires, pendant que l'effort laborieux

    dploie toute sa noblesse parmi les champs de glace et les

    temptes de neige de l'ocan Arctique. Si une telle entreprise devait

    voir le jour, elle ne saurait rsulter que d'une conception du travail

  • 20

    pnible comme fin en soi, plutt que comme moyen de parvenir

    un tat de choses o ce genre de travail ne sera plus ncessaire.

    Le fait est que l'activit qui consiste dplacer de la matire, si elle

    est, jusqu' un certain point, ncessaire notre existence, n'est

    certainement pas l'une des fins de la vie humaine. Si c'tait le cas,

    nous devrions penser que n'importe quel terrassier est suprieur

    Shakespeare. Deux facteurs nous ont induits en erreur cet gard.

    L'un, c'est qu'il faut bien faire en sorte que les pauvres soient

    contents de leur sort, ce qui a conduit les riches, durant des

    millnaires, prcher la dignit du travail, tout en prenant bien soin

    eux-mmes de manquer ce noble idal. L'autre est le plaisir

    nouveau que procure la mcanique en nous permettant d'effectuer

    la surface de la terre des transformations d'une tonnante

    ingniosit.

    En fait aucun de ces deux facteurs ne saurait motiver celui qui doit

    travailler.

    Si vous lui demandez son opinion sur ce qu'il y a de mieux dans sa

    vie, il y a peu de chances qu'ils vous rpondent : j'aime le travail

    manuel parce que a me donne l'impression d'accomplir la tche la

    plus noble de l'homme, et aussi par ce que j'aime penser aux

    transformations que l'homme est capable de faire subir sa

    plante. C'est vrai que mon corps a besoin de priodes de repos,

    o il faut que je m'occupe du mieux que je peux, mais je ne suis

    jamais aussi content que quand vient le matin et que je peux

    retourner la besogne qui est la source de bonheur. Je n'ai

    jamais entendu d'ouvriers parler de la sorte. Ils considrent, juste

    titre, que le travail est un moyen ncessaire pour gagner sa vie, et

    c'est leurs heurs de loisir qu'ils tirent leur bonheur, tel qu'il est.

  • 21

    On dira que, bien qu'il soit agrable d'avoir un peu de loisirs, s'ils ne

    devaient travailler que quatre heures par jour, les gens ne sauraient

    pas comment remplir leurs journes. Si cela est vrai dans le monde

    actuel, notre civilisation est bien en faute ; une poque antrieure,

    ce n'aurait pas t le cas.

    Autrefois, les gens taient capables d'une gaiet et d'un esprit

    ludique qui ont t plus ou moins inhibs par le culte de l'efficacit.

    L'homme moderne pense que toute activit doit servir autre

    chose, qu'aucune activit ne doit tre une fin en soi. Les gens

    srieux, par exemple, condamnent continuellement l'habitude d'aller

    au cinma, et nous disent que c'est une habitude les jeunes au

    crime.

    Par contre, tout le travail que demande la production

    cinmatographique est respectable, parce qu'il gnre des

    bnfices financiers. L'ide que les activits dsirables sont celles

    qui engendrent des profits a tout mis l'envers. Le boucher, qui

    vous fournit en viande, et le boulanger, qui vous fournit en pain,

    sont dignes d'estime parce qu'il gagnait de l'argent ; mais vous,

    quand vous savourez la nourriture qu'ils vous ont fournie, vous

    n'tes que frivole, moins que vous ne mangiez dans l'unique but

    de reprendre des forces avant de vous remettre au travail. De faon

    gnrale, on estime que gagner de l'argent, c'est bien, mais que le

    dpenser, c'est mal. Quelle absurdit, si l'on songe qu'il y a toujours

    deux parties dans une transaction : autant soutenir que les cls,

    c'est bien, mais les trous de serrure, non. Si la production de biens

    a quelque mrite, celui-ci ne saurait rsider que dans l'avantage

    qu'il peut y avoir les consommer. Dans notre socit, l'individu

    travaille pour le profit, mais la finalit sociale de son travail rside

  • 22

    dans la consommation de ce qu'il produit. C'est ce divorce entre les

    fins individuelles et les fins sociales de la production qui empche

    les gens de penser clairement dans un monde o c'est le profit qui

    motive l'industrie. Nous pensons trop la production, pas assez la

    consommation. De ce fait, nous attachons trop peu d'importance au

    plaisir et au bonheur simple, et nous ne jugeons pas la production

    en fonction du plaisir qu'elle procure aux consommateurs.

    Quand je suggre qu'il faudrait rduire quatre le nombre d'heures

    de travail, je ne veux pas laisser entendre qu'il faille dissiper en pure

    frivolit tout le temps qui reste. Je veux dire qu'en travaillant quatre

    heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont

    essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu'il devrait

    pouvoir disposer du reste de son temps comme bon lui semble.

    Dans un tel systme social, il est indispensable que l'ducation soit

    pousse beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la

    plupart des gens, et qu'elle vise, en partie, dvelopper des gots

    qui puissent permettre l'individu d'occuper ses loisirs

    intelligemment. Je ne pense pas principalement aux choses dites

    pour intellos . Les danses paysannes, par exemple, ont disparu,

    sauf au fin fond des campagnes, mais les impulsions qui ont

    command leur dveloppement doivent toujours exister dans la

    nature humaine. Les plaisirs des populations urbaines sont devenus

    essentiellement passifs : aller au cinma, assist des matchs de

    football, couter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs nergies

    actives sont compltement accapares par le travail ; si ces

    populations avaient davantage de loisir, elles recommenceraient

    goter des plaisirs auxquels elles prenaient jadis une part active.

  • 23

    Autrefois, il existait une classe oisive assez restreinte et une classe

    laborieuse plus considrable. La classe oisive bnficiait

    davantages qui ne trouvaient aucun fondement dans la justice

    sociale, ce qui la rendait ncessairement despotique, limitait sa

    compassion, et l'amenait inventer des thories qui pussent justifier

    ses privilges. Ces caractristiques fltrissaient quelque peu ses

    lauriers, mais, malgr ce handicap, c'est elle que nous devons la

    quasi-totalit de ce que nous appelons la civilisation. Elle a cultiv

    les arts et dcouverts les sciences ; elle a crit les livres, invent les

    philosophies et affin les rapports sociaux. Mme la libration des

    opprims a gnralement reu son impulsion d'en haut. Sans la

    classe oisive, l'humanit ne serait jamais sortie de la barbarie.

    Toutefois, cette mthode consistant entretenir une classe oisive

    dcharge de toute obligation entranait un gaspillage considrable.

    Aucun des membres de cette classe n'avait appris tre

    industrieux, et, dans son ensemble, la classe elle-mme n'tait pas

    exceptionnellement intelligente.

    Elle a pu engendrer un Darwin, mais, en contrepartie, elle a pondu

    des dizaines de milliers de gentilhomme campagnard dont les

    aspirations intellectuelles se bornaient chasser le renard et punir

    les braconniers. prsent, les universits sont censes fournir,

    d'une faon plus systmatique, ce que la classe oisive produisait de

    faon accidentelle comme une sorte de sous-produits. C'est l un

    grand progrs, mais qui n'est pas sans inconvnient. La vie

    universitaire est si diffrente de la vie dans le monde commun que

    les hommes dans un tel milieu n'ont gnralement aucune notion

    des problmes et des proccupations des hommes et des femmes

    ordinaires. De plus, leur faon de s'exprimer tant priver leurs ides

  • 24

    de l'influence qu'elle mriterait d'avoir auprs du public. Un autre

    dsavantage tient au fait que les universits sont des organisations,

    et qu' ce titre, elles risquent de dcourager celui dont les

    recherches empruntent des voies indites. Aussi utile qu'elle soit,

    l'universit n'est donc pas en mesure de veiller de faon adquate

    aux intrts de la civilisation dans un monde o tous ceux qui vivent

    en dehors de ses murs sont trop pris par leurs proccupations

    s'intresser des recherches sans but utilitaire.

    Dans un monde o personne n'est contraint de travailler plus de

    quatre heures par jour, tous ceux qu'anime la curiosit scientifique

    pourront lui donner libre cours, et tous les peintres pourront peindre

    sans pour autant vivre dans la misre en dpit de leur talent. Les

    jeunes auteurs ne seront pas obligs de se faire de la rclame en

    crivant des livres alimentaires sensation, en vue d'acqurir

    l'indpendance financire que ncessitent les uvres

    monumentales qu'ils auront perdues le got et la capacit de crer

    quand ils seront enfin libres de s'y consacrer. Ceux qui, dans leur

    vie professionnelle, se sont pris d'intrt pour telle ou telle phase de

    l'conomie ou du gouvernement, pourront dvelopper leurs ides

    sans s'astreindre au dtachement qui est de mise chez les

    universitaires, dont les travaux en conomie paraissent souvent

    quelque peu dcolls de la ralit. Les mdecins auront le temps de

    se tenir au courant des progrs de la mdecine, les enseignants ne

    devront pas se dmener, exasprs, pour enseigner par des

    mthodes routinires des choses qu'ils ont apprises dans leur

    jeunesse et qui, dans l'intervalle, ce sont peut-tre rvls fausses.

    Surtout, le bonheur et la joie de vivre prendront la place de la

    fatigue nerveuse, de la lassitude et de la dyspepsie. Il y aura assez

  • 25

    de travail accomplir pour rendre le loisir dlicieux, mais pas assez

    pour conduire l'puisement. Comme les gens ne seront pas trop

    fatigus dans leur temps libre, ils ne rclameront pas pour seuls

    amusements ceux qui sont passifs et insipides. Il y en aura bien 1

    % qui consacreront leur temps libre des activits d'intrt public,

    et, comme ils ne dpendront pas de ces travaux pour gagner leur

    vie, leur originalit ne sera pas entrave et ils ne seront pas obligs

    de se conformer aux critres tablis par de vieux pontifes.

    Toutefois, ce n'est pas seulement dans ces cas exceptionnels que

    se manifesteront les avantages du loisir. Les hommes et les

    femmes ordinaires, deviendront plus enclins la bienveillance qu'

    la perscution et la suspicion. Le got pour la guerre disparatra,

    en partie pour la raison susdite, mais aussi parce que celle-ci

    exigera de tous un travail long et acharn. La bont est, de toutes

    les qualits morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la

    bont est le produit de l'aisance et de la scurit, non d'une vie de

    galriens. Les mthodes de production modernes nous ont donn la

    possibilit de permettre tous de vivre dans l'aisance et la scurit.

    Nous avons choisi, la place, le surmenage pour les uns et la

    misre pour les autres : en cela, nous sommes montrs bien bte,

    mais il n'y a pas de raison pour persvrer dans notre btise

    indfiniment.

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