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El´ ements de eom´ etrie diff´ erentielle pour la m´ ecanique analytique et la gravitation Version p´ eliminaire, ne pas diffuser. Ph. Spindel ecanique & gravitation Universit´ e de Mons-Hainaut

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Elements de

geometriedifferentiellepour la mecanique analytique et la gravitation

Version peliminaire, ne pas diffuser.

Ph. Spindel

Mecanique & gravitation

Universite de Mons-Hainaut

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Contents

I Elements de geometrie differentielle 5

1 Varietes differentiables 7

1.1 Rappels et definitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.2 Varietes differentiables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.3 Vecteurs tangents, espaces vectoriels tangents . . . . . . . . . 14

1.4 Champs de vecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.5 Differentielle (Push-forward) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.6 Crochet de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.7 Covecteurs et champs de covecteurs . . . . . . . . . . . . . . . 21

1.8 Tenseurs quelconques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.9 Produit interieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

2 Calcul differentiel exterieur 25

2.1 Formes differentielles exterieures, algebre exterieure . . . . . . 25

2.2 Pull-back . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

2.3 Differentiation exterieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

2.4 Theoreme de Frobenius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

2.5 Theoreme de Poincare . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

3 Integration des formes differentielles 41

3

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4 CONTENTS

3.1 Integration sur les varietes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

3.2 Formule de Stokes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

4 Groupes a 1 parametre de transformations 51

4.1 Derivee de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

II Formulation geometrique de la mecanique hamil-tonienne 59

5 Varietes symplectiques 61

5.1 Definitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

5.2 Un exemple : le fibre cotangent . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

5.3 Theoreme de Darboux (suivant Moser) . . . . . . . . . . . . . 62

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Part I

Elements de geometriedifferentielle

5

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Chapter 1

Varietes differentiables

L’objet fondamental etudie en geometrie differentielle est celui de variete.En premiere approximation une variete a n dimensions est un ensemble de

“points” relies entre eux de facon suffisamment reguliere. Ce lien est realise

en imposant localement l’existence de petites regions identifiables a (des ou-verts de) R

n et en recollant ces differentes regions. La correspondance ainsi

realisee entre une region d’un espace abstrait et Rn fournit un systeme de

coordonnees locales – une carte locale – grace auxquelles nous pourrons trans-

porter les regles du calcul differentiel et integral de l’espace Rn a des cadres

plus generaux.

Exemple : Considerons la sphere unite a 2 dimensions S2 de l’espace eu-clidien E3, c’est-a-dire l’ensemble des points de R

3 satisfaisant la relation :

x2 + y2 + z2 = 1. Nous pouvons construire une bijection locale ϕS de S2 surR

2 en projetant stereographiquement la sphere du pole sud (0, 0,−1) sur le

plan tangent au pole nord ΠN d’equation z = 1. En intervertissant les rolesdes poles, nous obtenons une autre bijection locale ϕN . Les domaines de

definition de ces deux applications recouvrent toute la sphere. D’autre parten considerant leur intersection nous pouvons construire deux applications :

ϕN ϕ−1S et son inverse : ϕS ϕ

−1N d’un ouvert de R

2 sur un ouvert de R2.

Exercices

1. Etablissez les expressions analytiques de ces applications.

7

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8 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

2. Etudiez les projections stereographiques sur le plan equatorial et reliez-

les aux precedentes.

De meme un ellipsoıde ou l’ensemble des demi-droites issues de l’origine

de R3 constituent d’autres exemples de varietes (a ce niveau identiques a

la sphere S2). Par contre le plan R2 ou le tore T 2 constituent des varietes

a 2 dimensions distinctes et differentes de S2 dans la mesure ou il n’existepas de bijections bicontinues entre-elles. D’un point de vue de mecanicien,

remarquons que le cercle est l’espace de configuration du pendule plan, lasphere S2 celui du pendule spherique, le tore T 2 celui du pendule double

plan, le produit S2 × S2 celui du pendule double. L’espace de configurationd’un solide en mouvement autour d’un point fixe est le groupe des rotations :

SO(3) dont la topologie non triviale est a la source tant de phenomenesquantiques que classiques (en robotique par exemple). Finalement notons

egalement qu’un objet geometrique aussi simple que le cone n’a pas le statutde variete (Pourquoi ?) contrairement au demi-cone ampute de son sommet.

1.1 Rappels et definitions

Un espace topologique est un ensemble E dont certaines parties ont ete dis-

tinguees : ce sont les ouverts. Ils obeissent aux axiomes suivants :

1. Toute reunion (finie ou non) d’ouverts est un ouvert.

2. Toute intersection finie d’ouverts est un ouvert.

3. L’ensemble vide ∅ et l’espace total E sont des ouverts.

Un sous-ensemble A deE est ferme si et seulement si (ssi) son complementaireE/A est ouvert.

Un sous-ensemble V est un voisinage du sous-ensemble X s’il existe un ouvert

O tel que X ⊂ O ⊂ V .

Un espace topologique est separe (au sens de Hausdorff) ssi deux points

distincts possedent des voisinages disjoints. Sauf mention contraire explicitenous ne considererons dans ces notes que des espaces de Hausdorff.

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1.1. RAPPELS ET DEFINITIONS 9

Un sous-ensemble A de E est compact ssi de tout recouvrement de A par des

ouverts on peut extraire un sous-recouvrement fini.

La topologie induite sur un sous-ensemble A d’un espace topologique E estdefinie en adoptant comme ouverts les intersections de A avec les ouverts de

E.

Une application d’un espace topologique X dans un espace topologique Y

est continue ssi l’image reciproque d’un ouvert de Y est un ouvert de X.

Si ϕ est une bijection entre deux espaces topologiques telle que ϕ et ϕ−1

soient continues, alors ϕ est un homeomorphisme et les deux espaces sont

homeomorphes (topologiquement indistinguables).

Si E est un ensemble, une application d : E ×E → R telle que

1. d(x, y) ≥ 0 et d(x, y) = 0 ssi x = y

2. d(x, y) = d(y, x)

3. d(x, z) ≤ d(x, y) + d(y, z)

est une distance et fait de l’ensemble E un espace metrique (E, d).

Sur un espace (E, d) une boule ouverte de centre x et rayon ǫ est definiepar B(x, ǫ) : y|y ∈ E, d(x, y) < ǫ. La collection des sous-ensembles de

E obtenue en considerant toutes les reunions de boules ouvertes definit unetopologie sur E.

Sur l’espace metrique (E, d) la suite xn est dite suite de Cauchy si pour

tout ǫ > 0 il existe un entier naturel N tel que si n et m sont superieurs aN , alors d(xn, xm) < ǫ. L’espace est dit complet ssi toute suite de Cauchy

converge.

Si X et Y sont deux espaces de Banach (espaces vectoriels normes et com-

plets) et f une application d’un ouvert U de X dans Y , nous dirons que fest differentiable au point x0 ∈ U s’il existe une application lineaire continue

de X dans Y (appelee la differentielle de f en x0 et notee dfx0telle que si

x0 + h ∈ U alors

f(x0 + h) = f(x0) + dfx0(h) + ‖h‖α (1.1)

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10 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

ou α est un vecteur de Y dont la norme, notee ‖ ‖, tend vers zero avec celle

de h.

L’application f est differentiable dans U si elle est differentiable en chaquepoint de U . La derivee de f est l’application

∇f : U → L(X, Y ) : x 7→ (df)x (1.2)

ou L(X, Y ) est l’espace de Banach des applications lineaires continues de

X dans Y . Si l’application ∇f est continue alors f est de classe C1 (oucontinuement differentiable) et si ∇f est elle-meme de classe C1, f est dite

alors de classe C2. Par induction nous pouvons definir

∇kf = ∇(∇k−1f) : U → L(X,Lk−1(X, Y )) = Lk(X, Y ) . (1.3)

Dans cette definition nous avons utilise l’isomorphisme naturel de

L(X,Lk−1(X, Y )) et Lk(X, Y ) ≡ L(X × · · · ×X︸ ︷︷ ︸k facteurs

, Y ) (1.4)

qui est l’espace des applications lineaires du produit de k copies de X dansY .

Exercice : Exhibez cet isomorphisme.

Rappelons au passage que si une application est de classe Ck elle est aussi declasse Ck−1 et d’autre part ∇kf est alors symetrique. Si f est une bijection

entre deux espaces de Banach telle que f et f−1 soient de classe Ck, alors fest un diffeomorphisme de classe Ck.

Pratiquement dans ce cours, nous aurons souvent a considerer des appli-cations de R

n dans Rp. On peut montrer qu’une application f d’un ouvert

U de Rn dans R

p definie par les p fonctions fα des n variables xi est declasse Ck ssi chacune des p fonctions admet des derivees partielles d’ordre k

continues. La differentielle de f est donnee par la matrice jacobienne p× n :

Jαi =

∂fα

∂xi; (1.5)

le rang de cette matrice definit en chaque point le rang de l’application f .Dans le cadre des espaces R

n nous avons le :

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1.2. VARIETES DIFFERENTIABLES 11

Theoreme des fonctions implicites

Si f est une application de classe C1 d’un ouvert X de Rn dans R

p, alors

• si n ≤ p tout point x0 de X tel que le rang de f y soit maximal (egala n) possede un voisinage U tel que la restriction de f a U soit un

homeomorphisme de U sur f(U),

• si n = p on peut preciser le resultat : f(U) est un voisinage de f(x0)et on peut choisir U de telle sorte que f−1 soit de classe C1 sur f(U).

1.2 Varietes differentiables

Une variete topologique de dimension n est un espace topologique separedont chaque point possede un voisinage U homeomorphe a un ouvert de R

n.

Notons ϕ l’homeomorphisme en question. Le couple (U, ϕ) est appele carte

locale ou systeme de coordonnees locales; l’ouvert U est le domaine de lacarte.

Pour parler de changements de coordonnees, il nous faut definir un atlas.Un atlas de classe Cp sur une variete Vn est un recouvrement de cette variete

par une famille Ui d’ouverts, domaines des cartes locales (Ui, ϕi) telles que siUi ∩ Uj 6= ∅, alors ϕj ϕ

−1i est un diffeomorphisme de classe Cp de l’ouvert

ϕi(Ui ∩ Uj) ⊂ Rn sur l’ouvert ϕj(Ui ∩ Uj) ⊂ R

n.

La donnee d’un atlas de classe Cp sur Vn muni Vn d’une structure differentiablede classe Cp. Deux atlas sont compatibles si leur reunion est encore un at-

las de classe Cp. La reunion de tous les atlas de classe Cp sur Vn constitueun atlas maximal A de Vn et le couple (Vn,A) une variete differentiable1 de

classe Cp. Deux cartes locales (U1, ϕ1) et (U2, ϕ2) definissent un changementde coordonnees de classe Cp au voisinage du point x0 ∈ U1 ∩ U2 si ces deux

cartes appartiennent a un meme atlas de classe Cp.

On construit facilement des cartes incompatibles sur des varietes. Con-siderons par exemple la droite reelle recouverte d’une part par la carte globale

(R, ϕ1) ou

ϕ1 ≡ Id : R→ R : x 7→ y = x

1Ou encore variete differentielle.

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12 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

et d’autre part la carte (R, ϕ2) ou

ϕ2 ≡ Cube : R→ R : x 7→ z = x3 .

Les formules de changement de coordonnees sont

ϕ1 ϕ−12 : R→ R : z 7→ y = z1/3

et

ϕ2 ϕ−11 : y 7→ z = y3 .

On verifie aisement que ces transformations sont continues mais que z 7→y = z1/3 n’est pas differentiable en z = 0.

Evidemment un atlas de classe Cp induit un atlas de classe Cq avec q ≤ p.

Inversement, Whitney a montre que si la variete est paracompacte2 toutatlas de classe Cp (p ≥ 1) peut-etre induit par un atlas de classe C∞. Par

la suite nous supposerons toujours travailler avec des varietes et des objetsgeometriques de classe C∞.

Une propriete geometrique d’une variete se doit d’etre intrinseque, c’est-

a-dire independante des coordonnees utilisees pour l’etablir, ce qui n’empechepas certains systemes de coordonnees de faciliter les calculs. Ainsi un champ

scalaire reel defini sur une variete V est la donnee d’une application f de Vdans R. Tres souvent nous decrirons localement f par sa representation f(x)

dans une carte locale : f = f(x) ϕ. Remarquons que bien que f soit unedonnee intrinseque, sa representation f(x) depend essentiellement du choix

des coordonnees.

Une fonction f sera de classe Cq ssi il existe une carte locale telle que sarepresentation soit une application de classe Cq, au sens usuel, d’un ouvert de

Rn dans R. On s’assure aisement du caractere intrinseque de cette propriete.

De meme par passage a des coordonnees locales on dit d’une application f

d’un ouvert U ⊂ V n dans W p qu’elle est differentiable – et sous peu nous

2Un espace topologique E est paracompact s’il est separe et si a tout recouvrementouvert Aα de E on peut associer un recouvrement ouvert localement fini Bβ (c’est-a-dire tel que pour tout point x de E il existe un voisinage de x qui ne rencontre qu’unnombre fini d’ensembles du recouvrement) tel que tout ouvert Bβ soit contenu dans unouvert Aα au moins.

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1.2. VARIETES DIFFERENTIABLES 13

definirons sa differentielle – de classe Cq au point x0 de U s’il existe des

cartes locales (Ui, ϕi) autour de x0 et (Vj, ψj) autour de y0 = f(x0) telles quel’application ψj f ϕ

−1j de R

n dans Rp soit de classe Cq au sens usuel. En

particulier si il existe une bijection Ψ entre les varietes V et W telle que Ψet Ψ−1 soient differentiables (de classe C∞ pour simplifier) Ψ est appele un

diffeomorphisme. Dans ce cas les deux varietes sont isomorphes du point devue de la geometrie differentielle; elles sont dites diffeomorphes.

Retournons un instant a l’exemple precedent. Nous avons muni R de deux

cartes incompatibles. Nous sommes ainsi en presence de deux varietes differentiables :(R,A1) et (R,A2) ou R, x 7→ y = x ∈ A1 et R, x 7→ z = x3 ∈ A2 pour

etre precis. Toutefois l’application f de (R,A1) → (R,A2) qui envoie x surx1/3 induit au niveau des images des cartes locales une application de R

dans R qui envoie y sur z = y et inversement. En consequence, f est undiffeomorphisme et les deux varietes sont equivalentes (ce qui est intuitive-

ment raisonnable).

Cet exemple conduit a la question suivante : est-ce que deux varietes differentiableshomeomorphes sont automatiquement diffeomorphes ? La reponse est non.

Milnor, le premier, a montre qu’il existe 28 classes de varietes homeomorphesa la sphere a 7 dimensions mais qui ne sont pas diffeomorphes entre elles. Bien

plus surprenant sont les resultats recents obtenus par Donaldson et Freed-man qui ont montre que toutes les varietes homeomorphes a R

n (n 6= 4) sont

diffeomorphes, sauf R4 qui admet au moins une infinite non denombrable de

structures differentiables inequivalentes!

Afin d’etre coherent ulterieurement, precisons qu’un sous-ensemble W

d’une variete V est une sous-variete differentiable ssi il existe un atlas de Vdont la trace sur W soit encore un atlas de W . Autrement dit W sera une

sous-variete – de dimension m – si au voisinage de chacun de ses points ilexiste une carte locale (U, ϕ) de V telle que ϕ(U ∩W ) = Om × A ou Om

est un ouvert de Rm et A un point fixe de R

n−m (dim V = n). Un exemplede sous-variete communement rencontre est le suivant. Soit V une variete et

f1, . . . , fm des fonctions differentiables telles que l’application F de V dans

Rm definie comme :

F : V → Rm : p 7→ (f1(p), . . . , fm(p)) (1.6)

soit de rang maximal m en tout point p ∈ V . Alors le sous-ensemble W de

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14 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

V defini par le systeme des m equations :

p ∈W ⇔ fi(p) = fi(p0) (1.7)

ou p0 est un point fixe de V est une sous-variete.

Preuve : Soit p un point de V appartenant a W et (U, ϕ) une carte locale

autour de p. Si xα sont des coordonnees locales, la matrice(

∂f i(x)∂xα

)est

de rang m. En changeant au besoin la numerotation des coordonnees nous

deduisons qu’en x0 = ϕ(p) le determinant∣∣∣(

∂f i(x)∂xα

)∣∣∣ ou i, α = 1, . . . , m est

non nul. En consequence, il existe un voisinage U ′ de p, inclus dans U , telque la transformation des coordonnees

yi = f i(x) , ym+1 = xm+1, . . . , yn = xn (i = 1, . . . , m)

soit admissible. Nous obtenons ainsi une carte locale (U ′, ϕ′) telle que

ϕ′(W ∩ U ′) = (a1, . . . , am, ym+1, . . . , yn)

avec ai = fi(p) et en consequence W est une sous-variete de dimension n−m.

Exercice : Verifiez que le concept de rang introduit en coordonnees localesa un sens geometrique.

Si W et V sont deux varietes differentiables, une immersion de W dansV est une application i de W dans V qui soit de rang constant. Si cette

application restreinte a son image est bijective (c’est-a-dire si i est injective),alors l’immersion est un plongement. Un plongement induit une structure

de variete de W vers i(W ) comme suit : si (Uα, ϕα) est un atlas de W , alors

(i(Uα), ϕ0i−1) est un atlas de i(W ). Si cette structure induite est equivalente

a une structure de sous-variete de V , alors le plongement est dit regulier.

1.3 Vecteurs tangents, espaces vectoriels tan-

gents

Les cours elementaires de geometrie et mecanique introduisent generalementle concept de vecteur tangent a une surface ou de vecteur vitesse d’un point

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1.3. VECTEURS TANGENTS, ESPACES VECTORIELS TANGENTS 15

en faisant reference a un espace lineaire, voire euclidien, dans lequel la surface

est plongee ou dans lequel le mouvement a lieu. En particulier, l’ensemble detous les vecteurs tangents en un point p d’une surface peut etre vu comme

l’ensemble de tous les vecteurs vitesses des trajectoires sur cette surface pas-sant par p. Ils constituent l’espace tangent en p a la surface. Si M est une

sous-variete de l’espace Rn, on peut generaliser la construction precedente et

dans la mesure ou on demontre que toute variete peut etre plongee dans un

espace Rn de dimension suffisamment grande, on pourrait ainsi finalement

etendre la construction precedente a n’importe quelle variete.

Il est cependant plus elegant et plus simple de proceder de facon in-

trinseque, sans recourir au plongement dans Rn. L’idee consiste a examiner

directement les trajectoires (arcs de courbe differentiables) sur les varietes.

Un arc differentiable (passant par le point p de la variete V ) est une

application differentiable C d’un intervalle ouvert I ⊂ R dans V

C : t→ C(t) (1.8)

(telle qu’il existe une valeur t0 ∈ I pour laquelle C(t0) = p). Si f est une

fonction differentiable definie sur V , la composee f C (la fonction induitepar f sur l’arc C) est derivable en t0. Cette derivee, au point p, sera notee

C(p)[f ] =d

dt(f C)

∣∣t=t0

(1.9)

et deux trajectoires C1 et C2 passant par p ont la meme vitesse en p ssi pourtoute fonction differentiable f , on a :

C1(p)[f ] = C2(p)[f ].

Ainsi, dans un premier temps, un vecteur tangent a V en p se presentecomme la classe d’equivalence de toutes les trajectoires ayant meme vitesse

en p. Toutefois cette definition n’est guere pratique au plan operationnel.Il est preferable de definir un vecteur tangent au point p comme etant un

operateur differentiel du premier ordre ~vp agissant sur l’anneau Fp des fonc-tions differentiables en p, c’est-a-dire un operateur qui associe a la fonction

f definie et differentiable sur un voisinage de p un nombre ~vp[f ] et qui verifieles proprietes suivantes :

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16 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

• il est lineaire :

~vp(af + bg) = a~vp[f ] + b~v[g] ,

• c’est une derivation :

~vp[fg] = f(p)~vp[g] + g(p)~vp[f ] ,

~vp[1] = 0 , (1.10)

ou a et b sont des nombres, f et g des elements de Fp et 1 l’applicationconstante qui envoie V sur 1.

Dans cette optique, la formule (1.9) definit le vecteur vitesse a la trajectoireC au point p, plus simplement la vitesse a l’instant t0.

En coordonnees locales, les points d’une courbe C sur une variete de

dimension n sont donnes par n fonctions xi = Ci(t). Si f est une fonction etf(xi) son expression dans les coordonnees choisies, la formule (1.9) devient :

C(p)[f ] =d

dtf(Ci(t)

) ∣∣t=t0

=dCj(t)

dt

∣∣∣t=t0

∂f(xi)

∂xj

∣∣∣xi=Ci(t0)

. (1.11)

On retrouve ainsi la definition usuelle des composantes d’un vecteur vitesse

de Rn en posant :

vi =dCi(t)

dt

∣∣t=t0

. (1.12)

Par analogie nous continuerons a appeler le n-uple de nombres vi les com-

posantes du vecteur C(p) dans les coordonnees xi. Ainsi un vecteur se

presente comme un operateur differentiel a valeurs dans R :

~v = vi ∂

∂xi(1.13)

agissant sur les fonctions via la formule (independante du choix des coor-

donnees)

~v[f ] = vi ∂f

∂xi(1.14)

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1.4. CHAMPS DE VECTEURS 17

Reciproquement, si L est un operateur verifiant les proprietes (1.10), il

peut etre assimile a un et un seul vecteur tangent au sens de la premieredefinition. En effet, a partir d’un developpement au premier ordre de l’expression

locale de f autour des valeurs xip des coordonnees de p :

f(xi) = f(xip) + (xi − xi

p)∂f(xj)

∂xi

∣∣∣xj=xj

p+θj(xk)

on deduit aisement que :

L(p)[f ] = Li(xkp)∂f(xj)

∂xi

∣∣xj=xj

p(1.15)

ou les nombres Li(xk0) = L(p)[xi−xi

0] sont les composantes – dans le systeme

de coordonnees xi – du vecteur defini par l’operateur L. Ce vecteur estegalement le vecteur tangent defini par la classe d’equivalence de courbes

ayant meme vitesse en p que la trajectoire definie en coordonnees locales par

les equations xi = xi0 + tLi(xk

0).

Il resulte immediatement de la definition meme des vecteurs tangents que

ceux-ci forment en chaque point un espace vectoriel sur les reels. Au pointp ∈ V , cet espace – note Tp – est appele l’espace vectoriel tangent a V en

p. Il est de dimension n, car tout vecteur ~v peut s’exprimer, a l’aide d’unsysteme de coordonnees xi, comme une certaine combinaison des n vecteurs

de base ~∂i =(

∂∂xi

), ses composantes etant donnees par vi = ~v(p)[xi − xi

0]ou xi

0 sont les coordonnees du point p ou le vecteur est considere. Cette

base de vecteurs~∂i = ∂

∂xi

est l’ensemble des vecteurs tangents aux lignes

de coordonnees du systeme de coordonnees adapte. Elle est appelee base

naturelle. Evidemment, il est toujours loisible d’adopter un ensemble dereperes locaux autres que ceux associes a des coordonnees. Dans ce cas, on

parlera de repere mobile. Les formules de transformation des composantesdes vecteurs lors d’un changement du choix de la base sont les formules

usuelles du calcul vectoriel.

1.4 Champs de vecteurs

La majorite des problemes abordes en physique theorique amene a considererdes vecteurs definis en tous les points d’une variete : des champs de vecteurs.

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18 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

Afin d’etendre a ces objets geometriques les proprietes de differentiabilite de

la variete sur laquelle ils sont envisages nous pouvons proceder comme suit.Designons par E(V ) l’ensemble des couples (p,~v(p)) ou p est un point de V

et ~v(p) un vecteur, un element de l’espace tangent a V en p. Un champ devecteur sera une application de V dansE(V ) telle que le point p est envoye sur

un couple (p,~v) (ou le meme point p apparaıt). Dans l’optique des discussionsprecedentes, il faut munir E(V ) d’une structure de variete differentiable afin

de pouvoir parler de champs de vecteurs continus et differentiables. Ceci

se fait de facon tres naturelle a partir de la structure de V . Soit un atlas(Ui, ϕi) de V , suppose de dimension n. On definit un atlas de E(V ) en

munissant les ensembles E(Ui) = (p,~v)p ∈ Ui et ~v ∈ Tp de la topologieproduit R

n×Rn ≃ R

2n, l’homeomorphisme de E(Ui) sur R2n etant realise par

le produit des homeomorphismes ϕi et ϕ′i qui associent au couple (p,~v) les

coordonnees ϕi(p) = (x1, . . . , xn) ∈ Rn au point p et les composantes ϕ′

i(~v) =

(v1, . . . , vn) ∈ Rn du vecteur ~v dans le systeme de coordonnees ϕi. Les ouverts

de E(V ) sont obtenus par les reunions et intersections finies d’ouverts des

E(Ui). La coherence de cette definition tient a ce que l’intersection de E(Ui)et E(Uj) est un ouvert dans E(Ui) et E(Uj), ce en vertu de la propriete

correspondante dans V . Les formules de transformation des coordonneesϕi ϕ

−1j et ϕ′

i ϕ′−1j de R

n en Rn sont differentiables; les premieres par

definition, les secondes d’apres la formule de transformation des composantesd’un vecteur.

Par construction, chaque point de E(V ) est un couple (p,~v) ou p est un

point de V . Ceci induit une projection π des E(V ) sur V qui associe a (p,~v)le point correspondant p. Cette projection est manifestement une application

differentiable. Un champ de vecteurs differentiables est une application ~v deV dans E(V ) telle que π ~v soit l’application identique sur V . En d’autres

mots, un champ de vecteurs differentiables revient a attacher a chaque pointde la variete un vecteur dont les composantes en coordonnees locales sont

des fonctions differentiables des coordonnees du point.

Remarques : L’espace E(V ), le fibre tangent a V , a ete construit en rec-

ollant des ouverts E(Ui) eux-memes homeomorphes aux produits cartesiensd’ouverts Ui avec R

n. Toutefois E(V ) n’est pas en general homeomorphe a

V ×Rn. En effet si c’etait le cas, il serait toujours possible de construire sur

V un champ continu de vecteurs ne s’annulant pas, ce qui par exemple est

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1.5. DIFFERENTIELLE (PUSH-FORWARD) 19

impossible sur S2.

1.5 Differentielle (Push-forward)

Si Φ est une application de V n dans W n, toute fonction f definie sur Wm

peut se ramener sur V n au moyen de la composition Φ⋆(f) = f Φ. Dememe, un vecteur ~v, defini en un point p de V n peut se transporter en Φ(p)

sur W ou il definit le vecteur Φ⋆(~v) par la formule

Φ⋆(~v)[f ] = ~v[Φ⋆(f)] ou f ∈ FΦ(p) (1.16)

Cette application Φ⋆ de Tp sur TΦ(p) est la differentielle en p de Φ. En effet,

si nous exprimons ces transformations en coordonnees locales xi sur V n au

voisinage de p et yα sur Wm au voisinage de Φ(p) nous obtenons en notantyα = Y α(xi) la representation de Φ en ces coordonnees, f celle de f et Φ⋆(f)

celle de Φ⋆(f)

Φ⋆(~v)[f ] = wα ∂f

∂yα

= vi∂Φ⋆(f)

∂xi

= vi∂Yα

∂xi

∂f

∂yα(quel que soit f)

aussi les composantes wα de Φ⋆(~v) sont-elles donnees par

wα = vi∂Yα

∂xi. (1.17)

En general, il n’est pas possible de transporter ainsi des champs de vecteurs,

sauf si Φ est injective.

1.6 Crochet de Lie

Si ~v1 et ~v2 sont des champs de vecteurs sur V , nous pouvons definir l’operateur

~v1~v2 comme(~v1~v2)[f ] = ~v1[~v2(f)] ;

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20 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

mais cet operateur n’est pas associe a un champ de vecteurs car il ne verifie

pas la regle de Leibnitz. Toutefois, il est aise de verifier que le commutateurdefini par

[~v1, ~v2] = (~v1~v2)− (~v2~v1) (1.18)

est un champ de vecteurs. En coordonnees locales, il s’ecrit :

[v1, v2]α = vβ

1

∂vα2

∂xβ− vβ

2

∂vα1

∂xβ.

Ce commutateur, encore appele crochet de Lie, verifie les relations suivantes :

[~v1, ~v2] = −[~v2, ~v1] (1.19)

[~v1, [~v2, ~v3]] + [~v2, [~v3, ~v1]] + [~v3, [~v1, ~v2]] = 0 (Jacobi) (1.20)

c’est-a-dire qu’il definit une algebre de Lie sur le module des champs de

vecteurs.

Si Φ est un diffeomorphisme entre V et W , Φ⋆ preserve le crochet de Lie en

ce sens que

Φ⋆([~v1, ~v2]) = [Φ⋆(~v1),Φ⋆(~v2)] . (1.21)

La preuve de cette identite peut s’etablir par un calcul en coordonnees locales,ou en recourant simplement aux definitions. En effet, si g : W → R, on a :

Φ⋆([~v1, ~v2])[g] = [~v1, ~v2][g Φ],

les points p et Φ(p) ou les actions de ces vecteurs sont considerees etant sous

entendus. D’autre part

[Φ⋆(~v1),Φ⋆(~v1)][g] = Φ⋆(v1) [Φ⋆(~v2)[g]]− 1↔ 2

= ~v1

[(Φ⋆(~v2)[g]) Φ−1

]− 1↔ 2

= ~v1[~v2[g Φ]]− 1↔ 2

= [~v1, ~v2][g Φ]

d’ou la propriete annoncee.

Exercice :Verifiez la relation (1.21) via un calcul en coordonnees locales.

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1.7. COVECTEURS ET CHAMPS DE COVECTEURS 21

1.7 Covecteurs et champs de covecteurs

En chaque point p d’une variete V n est defini parallelement a l’espace vec-

toriel tangent Tp, un espace vectoriel dual (de meme dimension finie) T ⋆p ,

l’espace cotangent, des applications lineaires de Tp dans R. Si ~ei est une

base de Tp, une base de T ⋆p sera donnee par les n applications lineaires θj

definies par3 :

〈θj, ~ej〉 = δji . (1.22)

Ces applications θj constituent la base duale a la base ~ei.

Toute forme lineaire ω peut alors s’ecrire ω = ωiθi, ou les ωi sont les com-

posantes de ω dans la base θi.

Si ~v = vi~ei, on a la formule immediate :

〈ω,~v〉 = ωivi .

Il resulte immediatement de la section (1.2) que la donnee d’une fonction surun voisinage du point p definit par sa differentielle un element de T ⋆

p , ce via

la formule (1.14) ou de facon equivalente – suivant la discussion de la section(1.4) – une fonction etant une application de V n dans R, sa differentielle

applique Tp sur un espace tangent a R, espace tangent naturellement identifiea R lui-meme.

En consequence, les differentielles des fonctions definies au voisinage d’un

point p constituent des elements de T ⋆p . En fait on engendre ainsi tous les

elements de T ⋆p car les n differentielles des fonctions coordonnees constituent

la base duale a la base formee par les n vecteurs tangents aux lignes descoordonnees (les n operateurs de derivation suivant ces coordonnees).

Nous pouvons ecrire l’egalite

df =∂f

∂xidxi

3Nous noterons indifferement la valeur du covecteur θ sur le vecteur par ~v par 〈θ, ~v〉 (ala facon des physiciens) ou θ(~v).

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22 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

car si ~v = vi∂i, nous avons

~v[f ] =∂f

∂xivi

=∂f

∂xivjδi

j

=∂f

∂xivj ∂x

i

∂xj

=∂f

∂xivj〈dxi, ~∂j〉

= 〈df,~v〉

1.8 Tenseurs quelconques

A partir de cette description des vecteurs et covecteurs, il est aise de con-

struire des tenseurs de rang quelconque en un point p. Ensuite, comme en lasection (1.4), nous pouvons introduire proprement des champs de tenseurs.

Un tenseur n fois covariants et m fois contravariants peut etre defini commeune application multilineaire dont l’argument est un element du produit di-

rect de n espaces Tp et m espaces T ⋆p . Si E et F sont deux espaces vectoriels,

u et v des applications lineaires definies respectivement sur E et F , le produit

tensoriel de ces applications, note u ⊗ v, est l’application lineaire de E × Fdans R obtenue par la relation

u⊗ v(~x, ~y) = u(~x)v(~y)

ou ~x ∈ E, ~y ∈ F . Les applications lineaires u et v sont des elements respectifs

des espaces E⋆ et F ⋆. L’espace des applications lineaires definie sur E×F estappele le produit tensoriel des espaces E⋆ et F ⋆; il est note E⋆ ⊗ F ⋆. Cette

notion de produit tensoriel s’etend a un nombre quelconque de facteurs. Leproduit tensoriel est associatif; si E, F et G sont trois espaces vectoriels

(E ⊗ F )⊗G = E ⊗ (F ⊗G) .

Un tenseur en p peut etre vu comme une application multilineaire dont les

variables sont des elements de Tp et T ⋆p . Lorsque plusieurs variables sont

de meme nature, il est possible de construire de nouveaux tenseurs par

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1.9. PRODUIT INTERIEUR 23

symetrisation ou antisymetrisation. En particulier si le tenseur est p fois co-

variants ou contravariants, nous pouvons le symetriser totalement et obtenirun nouveau tenseur St en posant :

St(~x1, . . . , ~xp) =1

p!

π∈sp

t(~xπ(1), . . . , ~xπ(p))

ou la sommation porte sur toutes les permutations de p objets. De meme,

nous pouvons construire un tenseur totalement antisymetrique At en posant :

At(~x1, . . . , ~xp) =1

p!

π∈sp

(−1)sgn[π]t(~xπ(1), . . . , ~xπ(p))

ou a present chaque terme de la somme est pondere par un facteur ± 1 fixe

par la parite de la permutation.

Enfin, si t est un (p, q) tenseur mixte4, nous pouvons construire des (p −1, q − 1) tenseurs en prenant la trace sur des paires de variables de naturedifferentes

Trt(. . .) =∑

i

t(. . . , ~ei, . . . , θi, . . .)

ou les ~ei et θi constituent des bases duales l’une de l’autre. Il est facilede verifier que la trace ainsi definie est independante du choix des bases.

Remarque : Au fil de ces deux dernieres sections, les formes differentiellesont ete notees au moyen de lettres soulignees, ce afin de les distinguer ex-

plicitement de leurs composantes. A partir de maintenant, nous abandon-nerons cette notation, le contexte devant permettre au lecteur de reconnaıtre

les formes differentielles et leurs composantes.

1.9 Produit interieur

Du point de vue algebrique une k-forme est une application multilineaire,antisymetrique, dont les k arguements sont des vecteurs. En consequence,

4Il existe (p+q)!p!q! espaces tensoriels distincts de (p, q) tenseurs mixtes!

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24 CHAPTER 1. VARIETES DIFFERENTIABLES

tout vecteur ~X permet de definir a partir d’une k-forme ω, une (k−1)-forme

σ comme suit:

σ(~v1, . . . , ~vk−1) = ω( ~X,~v1, . . . , ~vk−1) . (1.23)

Cette (k − 1)-forme est notee 5:

σ = i( ~X)ω (1.24)

et est appelee produit interieur de ~X et ω.

Le produit interieur verifie les propriete elementaires suivantes:

i( ~X)[f ω1 + g ω2] = f i( ~X)ω1 + g i( ~X)ω2 , (1.25)

i( ~X)[ω1 ∧ ω2] = i( ~X)ω1 ∧ ω2 + (−1)deg ω1ω1 ∧ i( ~X)ω2 , (1.26)

i( ~X)i(~Y ) = −i(~Y )i( ~X) . (1.27)

Les memes considerations s’etendent aux champs de vecteurs et formes differentielles.

5Si k = 0, nous poserons i( ~X)ω = 0.

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Chapter 2

Calcul differentiel exterieur

2.1 Formes differentielles exterieures, algebre

exterieure

Une forme differentielle exterieure de degre p, ou plus simplement une p-

forme, sur une variete V est un champ de tenseurs p fois covariants etcompletement antisymetrique. Les 0-formes – tenseurs sans indices – sont

identifiees aux fonctions, les 1-formes aux champs de covecteurs.

En chaque point p sont definis des espaces Λkp de k-formes en p, espaces

triviaux si k > dim V = n, sinon de dimension dim Λkp = n!

k!(n−k)!. L’ensemble

de k-formes sur V constitue un module Λk.

Ces modules Λk sont eux-memes des sous-modules du module Λ des tenseurs

covariants, totalement antisymetriques sur V . Nous pouvons munir Λ d’unproduit, le produit exterieur, defini par :

ω ∧ σ =(k + ℓ)!

k!ℓ!A(ω ⊗ σ) ∈ Λk+ℓ

ou ω et σ sont respectivement des k et ℓ formes. Si f est une 0-forme, onposera f ∧ ω = fω. Ce produit exterieur verifie les proprietes suivantes :

Bilinearite : (fω + gσ) ∧ ρ = fω ∧ ρ+ gσ ∧ ρAssociativite : (ω ∧ σ) ∧ ρ = ω ∧ (σ ∧ ρ)

Anticommutativite : ω ∧ σ = (−1)deg ω deg σσ ∧ ω

25

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26 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

ou f et g sont des fonctions sur V et ω, σ, ρ des formes quelconques sauf

dans la premiere relation ou ω et σ sont supposees etre de meme degre.

Exercice : Verifiez les proprietes attribuees au produit exterieur.

Remarque : Si θi est une base de l’espace Λ1, une base de Λk est obtenue

en considerant tous les n!k!(n−k)!

produits exterieurs

θi1 ∧ θi2 ∧ · · · θik avec 1 ≤ i1 < i2 < · · · < ik < · · · ≤ n.

En consequence, toute k-forme peut s’ecrire :

ω =∑

i1<···<ik

ωi1...ikθi1 ∧ · · · ∧ θik

ou les ωi1...ik avec i1 < · · · < ik, sont appeles les composantes strictes de ω.Ces composantes ne sont definies que pour les indices en ordre strictement

croissant; nous les supposerons nulles lorsque leurs indices sont dans un autreordre.

Nous pouvons egalement ecrire

ω = ωi1...ikθi1 ⊗ · · · ⊗ θik

avec ωi1...ik = ǫj1...jk

i1...ikωj1...jk

ou ǫj1...jk

i1...ikest l’indicateur de permutation de Kro-

necker, c’est-a-dire :

ω =1

k!ωi1...ikθ

i1 ∧ · · · ∧ θik

et par abus de langage, nous appelerons les coefficients ωi1...ik les composantesde la k-forme ω. Remarquons qu’ils sont totalement antisymetriques :

ωi1...ik = ω[i1...ik] .

2.2 Pull-back

Nous avons montre plus haut comment, a partir d’une application differentiableΦ d’une variete V sur W , il etait possible de ramener les fonctions definies

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2.3. DIFFERENTIATION EXTERIEURE 27

sur W a V et transporter un vecteur defini en p ∈ V vers l’espace tangent

en Φ(p).

Si ω est un tenseur k fois covariant en p sur W il est possible d’obtenir enchaque point q de V tel que Φ(q) = p un autre tenseur k fois covariants Φ⋆ω

defini par son action sur un k-uple de vecteurs tangent en q via la formule

Φ⋆ω(~v1, . . . , ~vk) = ω(Φ⋆~v1, . . . ,Φ⋆~vk) . (2.1)

La formule reste vraie pour les tenseurs completement antisymetrique et

defini donc une application Φ⋆ de Λkp vers Λk

Φ−1(p). Dans la litterature anglo-saxone, l’image de cette application est appelee pull-back, nous adopterons

ici cet anglicisme. On deduit immediatement de la definition meme de Φ⋆ etdu produit tensoriel que si ω et σ sont des formes sur W

Φ⋆(ω ∧ σ) = Φ⋆(ω) ∧ Φ⋆(σ) . (2.2)

2.3 Differentiation exterieure

Nous avons vu comment attacher a une fonction f une 1-forme df via larelation

df(~v) = ~v(f).

Ainsi on a associe a une fonction son gradient, lequel contracte avec un

vecteur donne la derivee de la fonction suivant la direction du vecteur.D’autre part, on montre au cours elementaire de calcul tensoriel que si les

derivees des composantes d’un tenseur ne sont pas en general des tenseurs,les derivees antisymetrisees (le rotationnel) d’un champ de vecteurs covariant

est un tenseur (nul si le champ a deriver est un gradient). Cette idee peut-etre etendue a toutes les formes differentielles. On definit d, un operateur qui

associe a une k-forme une (k+ 1)-forme, au moyen des proprietes suivantes :

1. Si f ∈ Λ0 alors df ∈ Λ1 est la differentielle de f .

2. Si ω = α + β alors dω = dα + dβ.

3. Si ω = α ∧ β avec α ∈ Λk, dω = dα ∧ β + (−1)kα ∧ dβ.

4. d2 = 0.

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28 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

Ces proprietes etablissent l’unicite de l’operateur de differentiation d.

Calculons l’expression de dω dans une carte locale :

Si ω = 1p!ωi1...ipdx

i ∧ · · · ∧ dxip, on a de facon univoque

dω =1

p!

∂ωi1...ip

∂xαdxα ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip ,

ce qui prouve l’unicite de d.

D’autre part, on verifie que d2 est nul. En effet

d2ω =1

p!

∂2ωi1...ip

∂xα∂xβdxα ∧ dxβ ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip

= 0

car∂2ωi1...ip

∂xα∂xβ=∂2ωi1...ip

∂xβ∂xα

est symetrique et dxα ∧ dxβ antisymetrique.

Enfin, comme df ∧ dg = −dg ∧ df si f, g ∈ Λ0, on a avec ω ∈ Λp et θ ∈ Λq :

d(ω ∧ θ) =1

p!q!d(ωi1...ipθj1...jq

dxi1 ∧ · · · ∧ dxip ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjq)

=1

p!q!

(∂ωi1...ip

∂xαθj1...jq

dxα ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjq

+ ωi1...ip

∂θj1...jq

∂xαdxα ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip ∧ dxj1 ∧ · · · ∧ dxjq

)

= dω ∧ θ + (−)pω ∧ dθ .

Il reste a s’assurer que dω est une (p+ 1)-forme.

Si ω = 1p!ωi1...ip(x)dx

i1 ∧ · · · ∧ dxip dans de nouvelles coordonnees yα(xi), on

a :

ω =1

p!ωj1...jp

(y)dyj1 ∧ · · · ∧ dyjp

avec ωj1...jp[y(x)]∂yj1

∂xi1. . . ∂yjp

∂xip = ωi1...ip(x) tandis que dω dans la base dyj est

donnee par

(dω)y =1

p!

∂ωj1...jp

∂yαdyα ∧ dyj1 ∧ · · · ∧ dyjp

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2.3. DIFFERENTIATION EXTERIEURE 29

et par rapport a la base dxi par :

(dω)x =1

p!

∂ωi1...ip

∂xβdxβ ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip

=1

p!

∂ωj1...jp

∂yα

∂yα

∂xβ

∂yj1

∂xi1· · ·

∂yjp

∂xipdxβ ∧ dxi1 ∧ · · · ∧ dxip

car ∂2yjm/∂xik∂xiℓ est symetrique en les indices ik et iℓ.

En consequence dω se transforme bien comme une (p+1)-forme et la definitionde d est independante du choix des coordonnees.

La differentiation exterieure possede une autre propriete remarquable. Elle

commute avec le pull-back. Si Φ est une application differentiable de V versW et ω une forme sur W , on a :

d(Φ⋆ω) = Φ⋆dω (2.3)

La demonstration de cette propriete peut se faire par recurrence sur le degrede la forme.

Si W = f ∈ Λ0W , on a df ∈ Λ1

W , Φ⋆df ∈ Λ1V et si ~v est un champ de vecteurs

sur V :

Φ⋆df(~v) = df(Φ⋆~v) = Φ⋆~v(f) = ~f(f Φ)

= ~v(Φ⋆f) = dΦ⋆f(~v)

quel que soit ~v aussi :

Φ⋆df = dΦ⋆f (2.4)

Vu la linearite de Φ⋆ et d il suffit de prendre ω = fdx1 ∧ · · · ∧ dxk ∈ Λk et

supposer la propriete vraie pour les (p− 1)-formes. On obtient alors :

dΦ⋆ω = d(Φ⋆fdx1 ∧ · · · ∧ dxk)

= d(Φ⋆(fdx1 ∧ · · · ∧ dxk−1) ∧ Φ⋆dxk

)

= dΦ⋆(fdx1 ∧ · · · ∧ dxk−1) ∧ Φ⋆dxk

+(−1)k−1Φ⋆(fdx1 ∧ · · · ∧ dxk−1) ∧ dΦ⋆dxk

= Φ⋆d(fdx1 ∧ · · · ∧ dxk−1) ∧ Φ⋆dxk + 0

(par hypothese de recurrence, et en vertu de (2.4) et de d2 = 0)

= Φ⋆d(fdx1 ∧ · · · ∧ dxk)

= Φ⋆dω

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30 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

Ce qui rend cet operateur remarquable est un resultat de Palais (Trans.

Amer. Math. Soc. 92 (1959), 125-141) qui dit que les operateurs D ap-pliquant Λk dans Λℓ et tels que le diagramme suivant commute lorsque

Φ : V →W

Φ⋆

ΛkV ←− Λk

W

D ↓ ↓ D

ΛℓV ←− Λℓ

W

Φ⋆

sont en general nuls (D = 0) sauf si k = ℓ auquel cas on a pour D les

multiples de l’identite, si k = ℓ + 1 pour lequel cas D est un multiple de ladifferentiation exterieure et enfin si k = dim V et ℓ = 0 auquel cas D est un

multiple de l’integration (concept que nous definirons plus loin).

Un corollaire immediat de ce resultat est que d2 = 0.

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2.4. THEOREME DE FROBENIUS 31

2.4 Theoreme de Frobenius

Nous avons rencontre au fil des lecons de mecanique de candidature dessystemes dynamiques soumis a des liaisons. Celles-ci se traduisaient par une

ou plusieurs relations lineaires et homogenes en les composantes des vitesses(generalisees via une reparametrisation arbitraire du temps lorsque les li-

aisons dependent du temps physique). Lorsque les liaisons sont holonomes,elles sont localement equivalentes a la donnee d’hypersurfaces dont l’intersection

definit la sous-variete dans laquelle s’effectue le mouvement. Dans ce cas,l’introduction de variables de Lagrange simplifie souvent notablement l’integration

des equations de la dynamique, aussi il est important de reconnaıtre quand un

systeme d’equations de liaisons est equivalent a la donnee d’une sous-variete.

Du point de vue geometrique adopte dans ces lecons, le probleme peut se

formuler comme suit. Sur une variete V de dimension n, les liaisons setraduisent par la donnee dem 1-formes Ωλ (λ = 1, . . . , m) qui en chaque point

p ∈ V definissent un sous-vectoriel des directions de mouvements possiblesvia le systeme d’equations (que nous supposons independantes) :

Ωλp(~v) = 0 (2.5)

ou Ωλp est l’expression de Ωλ au point p et ~v un vecteur de l’espace tan-

gent en p. L’integrabilite globale de ce systeme d’equation se definit commel’existence d’une variete W de dimension m et une application f de W dans

V telle que f ⋆(Ωλ) = 0.

C’est la un probleme tres difficile pour lequel il n’existe pas de methodegenerale de resolution. Localement le probleme peut se formuler, via le pas-

sage a des coordonnees, de facon beaucoup plus simple. Le systeme de formesdifferentielles (encore appele systeme de Plaff) :

Ωλ = 0 (2.6)

ou Ωλ ≡ Ωλadx

a λ = 1, . . . , ma = 1, . . . , n

est integrable si et seulement si il existe m fonctions fµ(xa) et une matriceinvertible Sλ

µ telles que

Ωλ = Sλµdf

µ .

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32 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

En effet dans ce cas les systemes d’equations Ωλ(~v) = 0 et dfµ(~v) = 0 sont

equivalents. Ils definissent en chaque point les memes sous-vectoriels del’espace tangent.

Une condition necessaire d’integration s’obtient directement en remar-

quant que :

dΩλ = dSλν ∧ df

ν

= dSλν ∧ S

−1νρ Ωρ ,

Si I est l’ideal engendre par Ωλ, l’ensemble des formes obtenues en con-

siderant toutes les combinaisons lineaires de produit d’une forme Ωλ avec

une p-forme quelconque :

I =

ω|ω =

λ

Ωλ ∧ σλ , σλ ∈ Λ

(2.7)

on a la condition necessairedΩλ ∈ I

ou encore

dI ⊂ I .

Remarquons que si ω ∈ I, on a :

ω ∧ Ω1 ∧ Ω2 ∧ · · · ∧ Ωλ = 0 .

Inversement si une forme ω verifie cette propriete, ω ∈ I. En effet, enchaque point p, nous pouvons completer l’ensemble des m formes (supposees

independantes) Ωλ au moyen de (m−n)-formes Ωλ de facon a obtenir unebase de T ⋆

p . Exprimons ω dans cette base. Si une de ses composantes se

refere a un produit exterieur de formes de base appartenant uniquement a

Ωλ il sera impossible d’avoir l’egalite precedente. En consequence ω doits’exprimer comme somme de produits exterieurs de formes de base faisant

tous intervenir au moins un element de l’ensemble Ωλ c’est-a-dire que :

ω ∧ Ω1 ∧ Ω2 ∧ · · · ∧ Ωλ = 0⇔ ω ∈ I .

En consequence, nous avons la condition necessaire :

Ωλ = 0 est localement integrable

ssi

dΩλ ∧ Ω1 ∧ Ω2 ∧ · · · ∧ Ωn = 0 .

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2.4. THEOREME DE FROBENIUS 33

C’est la le resultat que nous avons etabli en candidature, dans un formalisme

complique car inadapte.

Cette condition est egalement suffisante. Nous allons le demontrer par recurrencesur la dimension n de V .

Un systeme de rang m defini sur une variete de dimension m est evidemmentintegrable car l’independance meme des m 1-forme Ωλ implique que :

Ωλ = Ωλadx

a λ = 1, . . . , na = 1, . . . , n

avec det Ωλa 6= 0, aussi le systeme Ωλ = 0 est-il equivalent a dxa = 0.

Supposons avoir montre que si dI ⊂ I pour un systeme de rang m en di-

mension n − 1 alors le systeme est integrable. A partir d’un systeme derang m en dimension n > m, il est toujours possible, apres une eventuelle

renumerotation des coordonnees, de construire en Rn−1,m formes Ω

λdependant

des (n − 1) variables xi (i = 1, . . . , n − 1) et de xn vu a present comme un

parametre :

Ωλ

=

n−1∑

i=1

Ωλi dx

i ,

Ωλ = Ωλ

+ ωλdxn .

Notons d la differentiation exterieure sur Rn−1. Nous avons

d Ωλ⊂ I

ou I est l’ideal engendre par Ωλ sur l’algebre exterieure de R

n−1. En effet,

par hypothese :

dΩλ = d Ωλ

+∂Ω

λ

i

∂xndxn ∧ dxi + dωλ ∧ dxn

=∑

λ

Ωλ ∧ θλ

=∑

λ

Ωλ∧ θ

λ+ σλ ∧ dxn

aussi

d Ωλ

=∑

λ

Ωλ∧ θ

λ.

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34 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

Par l’hypothese de recurrence, Ωλ

= 0 est un systeme equivalent a d fλ

= 0

ou fλ sont m fonctions dependant des n− 1 variables xi (i = 1, . . . , n− 1)

et du parametre xn :

Ωλ

= Sλν d f

λ

aussi Ωλ = 0 est-il equivalent au systeme

d fλ

+ S−1 λν ωνdxn = 0

ou encore a

dfλ + bλdxn = 0 (2.8)

avec

bλ = S−1 λν ων −

∂fλ

∂xn. (2.9)

L’hypothese de Frobenius, dI ⊂ I, implique que :

dbλ ∧ dxn =∑

ν

(df ν + bνdxn) ∧ σλν

aussi

dxn ∧∑

ν

df ν ∧ σλν = 0

et l’independance sur Λ1(Rn) des 1-formes df ν et dxn conduit a conclure

que les 1-formes σλν sont des combinaisons lineaires de ces memes 1-formes

df ν, dxn, aussi les fonctions bλ ne peuvent dependre que des m+1 quantites

f ν et xn.

Localement le systeme differentiel du premier ordre

dfλ

dxn= −bλ(f ν , xn)

constitue un systeme usuel d’equations differentielles possedant m integralespremieres independantes :

Cλ = Cλ(f ν , xn)

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2.4. THEOREME DE FROBENIUS 35

et le systeme differentiel (2.8) est equivalent a

dCλ = 0

ce qui demontre l’integrabilite du systeme initial.

Le theoreme de Frobenius admet une interpretation duale. La donnee en

chaque point d’une variete des m equations (2.5) est equivalente a la donneeen chaque point d’un sous-vectoriel de dimension n−m de l’espace tangent.

Ce champ de sous-vectoriel (encore appele une distribution) est lui-meme

equivalent a la donnee locale de m − n champs de vecteurs engendrant unsous-module V. A partir de ce dernier, nous obtenons λ(V) le sous-ensemble

de Λ s’annulant sur V, c’est-a-dire que ωq sera une q-forme appartenant aλ(V) si et seulement si

ω( ~X1, . . . , ~Xq) = 0 ∀ ~X1, . . . , ~Xq ∈ V .

Evidemment λ(V) est un ideal : si ω ∈ λ(V), alors ω ∧ θ ∈ λ(V). Il coıncideavec l’ideal I defini en l’equation (2.7).

Lemme : Si ω ∈ Λ1 et ~X, ~Y sont deux champs de vecteurs

dω( ~X, ~Y ) = ~X[ω(~Y )]− ~Y [ω( ~X)]− ω([ ~X, ~Y ]) . (2.10)

Preuve :

Notons Dω( ~X, ~Y ) l’operateur agissant sur les champs de vecteurs ~X et ~Y

et defini par la relation

Dω( ~X, ~Y ) = ~X[ω(~Y )]− ~Y [ω( ~X)]− ω([ ~X, ~Y ]) .

Cet operateur verifie, par des calculs simples, les relations suivantes :

1. Dω( ~X, ~Y ) = −Dω( ~X, ~Y ).

2. Dω(f ~X + g~Y , ~Z) = fDω( ~X, ~Z) + gDω(~Y , ~Z),ou ~Z est un champ de vecteurs et f, g des fonctions. Ceci montre que

Dω est un tenseur (une 2-forme en vertu de l’antisymetrie mentionneejuste avant ceci). Cette relation est remarquable car si la definition de

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36 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

Dω ne semble s’appliquer qu’aux champs de vecteurs, son action en un

point ne depend que des valeurs des vecteurs du champ au point con-sidere. Autrement dit, a partir de deux vecteurs ~Xp et ~Yp, nous pouvons

envisager tous les champs coıncidant avec ces vecteurs en p, la valeur enp de Dω sur ces champs ne depend que de ~Xp et ~Yp, independamment

de la facon dont on les prolonge.

3. Dω+σ = Dω +Dσ, D est lineaire.

4. Dfω = df ∧ ω + fDω, D verifie la regle de Leibnitz graduee pour leproduit de 0 et 1-forme

Dfω( ~X, ~Y ) = ~X[fω(~Y )]− ~Y [fω( ~X)]− fω([ ~X, ~Y ])

= ~X(f)ω(~Y )− ~Y (f)ω( ~X) + fDω( ~X, ~Y )

= df ∧ ω( ~X, ~Y ) + fDω( ~X, ~Y )

5. Ddf s’annule sur les differentielles

Ddf ( ~X, ~Y ) = ~X[df(~Y )]− ~Y [df( ~X)]− df [ ~X, ~Y ]

= ~X(~Y (f))− ~Y ( ~X(f))− [ ~X, ~Y ](f)

= 0

AussiD a, sur les 1-formes, toutes les proprietes de la differentiation exterieuredont nous avons par ailleurs montre l’unicite. En consequence, nous obtenons :

Dω = dω . (2.11)

La formule 2.11 s’etend aux k-formes comme suit :

dω( ~X1, . . . , ~Xk+1) =

k+1∑

i=1

(−1)i+1 ~Xi[ω( ~X1, . . . , ~Xi, . . . , ~Xk+1] + (2.12)

1≤i<j≤k+1

(−1)i+jω([ ~Xi, ~Xj], ~X1, . . . , ~Xi, . . . , ~Xj, . . . , ~Xk+1)

ou le signe au-dessus d’un vecteur signifie qu’il n’apparaıt pas dans la liste

des arguments de la k-forme. Ce resultat peut servir de definition de la

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2.5. THEOREME DE POINCARE 37

differentiation exterieure. Il offre l’avantage d’etre explicitement invariant

par rapport aux changements de coordonnees.

Une autre verification de cette formule consiste a mener un calcul en coor-donnees et constater que

dω( ~X, ~Y ) =∂

∂Xaωb(X

aY b −XbY a)

~X(ω(~Y )) = Xa∂(ωbYb)

∂xa= XaY b ∂ωb

∂Xa+Xaωb

∂Y b

∂xa

~Y (ω( ~X)) = Y aXb∂ωb

∂xa+ Y aωb

∂Xb

∂xa

ω([ ~X, ~Y ]) = ωb

(Xa∂Y

b

∂xa− Y a∂X

b

∂xa

)

d’ou le resultat.

Retournons au systeme de Pfaff [eq. (2.6)]. Si il est integrable, on a

dΩλ ∈ I = λ(V) et d’apres le lemme

Ωλ([ ~X, ~Y ]) = 0 ∀ ~X, ~Y ∈ V .

En consequence [ ~X, ~Y ] ∈ V par definition meme de V.

Reciproquement si [ ~X, ~Y ] ∈ V ∀ ~X, ~Y ∈ V, alors dΩλ( ~X, ~Y ) = 0 ∀λ aussidΩλ ∈ λ(V) = I et le systeme Ωλ = 0 est integrable. En conclusion, nous

obtenons une version duale du critere d’integrabilite de Frobenius en termes

de distribution : une distribution V est integrable si et seulement si [V,V] ⊂V.

2.5 Theoreme de Poincare

Une p-forme differentielle ω est dite fermee si dω = 0, elle est dite exacte siil existe une (p− 1)-forme θ telle que ω = dθ. En consequence, toute forme

exacte est formee, la reciproque n’etant vraie que localement1. Toutefois, siune variete V est contractile, alors toute forme fermee sur V est exacte.

1Cette derniere assertion resulte de la preuve qui suit, car sur une variete V n tout pointpossede un voisinage diffeomorphe a une boule unite de R

n, laquelle est contractile.

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38 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

Une variete est contractile si elle peut etre deformee continuement en un

point. Plus formellement, si il existe une application Φ de [0, 1]× V dans Vtelle que

Φ(1, p) = p ∀p ∈ V

Φ(0, p) = p0

ou p0 est un point fixe de V .

Notons it la famille d’injections it : V → [0, 1]× V definies par it(p) = (t, p).

Si ω est une k-forme fermee sur [0, 1]×V , alors i⋆1ω−i⋆0ω est une forme exacte

sur V . En effet on a :

ω = ω + θ ∧ dt

ou ω et θ peuvent etre vus comme des formes sur V , dependant du parametre t,

et

dt ∧∂ω

∂t+ dθ ∧ dt = 0

car

dω = 0 .

D’autre part, comme i⋆tω = ω(t) (ou nous avons explicitement indique la

dependance de ω en t), nous avons :

i⋆1ω − i⋆0ω = ω(1)− ω(0)

=

∫ 1

0

∂ω

∂tdt

= (−1)k+1

∫ 1

0

dθdt

= d

((−1)k+1

∫ 1

0

θdt

).

Si V est une variete contractile, la composition des applications Φ i1 est

l’identite sur V et Φ i0 est l’application constante sur p0.

Il en resulte d’une part que :

ω = (Φ i1)⋆ω = i⋆1(Φ

⋆ω)

0 = (Φ i0)⋆ω = i⋆0(Φ

⋆ω)

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2.5. THEOREME DE POINCARE 39

et d’autre part que si ω est une forme fermee sur V , Φ⋆ω est une forme fermee

sur [0, 1]× V et en consequence exacte d’ou :

ω = i⋆1(Φ⋆ω)− i⋆0(Φ

⋆ω)

est une forme exacte car la differentielle exterieure commute avec le pull-back.

Remarquons que si l’application Φ est connue, la demonstration precedentefournit un procede explicite d’integration de la forme ω.

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40 CHAPTER 2. CALCUL DIFFERENTIEL EXTERIEUR

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Chapter 3

Integration des formesdifferentielles

On definit en analyse – au moyen d’un calcul de limite relativement delicat –

l’integrale curviligne

I =

C

f(x, y)dx+ g(x, y)dy (3.1)

le long d’un chemin C dans R2. Lorsque ce chemin est differentiable et

est donne par les equations parametriques x = C1(t), y = C2(t) ou t variesur l’intervalle [0, 1] le calcul de l’integrale curviligne se ramene a celui de

l’integrale de Riemann :

I =

∫ 1

0

(f[C1(t), C2(t)

]C1(t) + g

[C1(t), C2(t)

]C2(t)

)dt . (3.2)

D’un point de vue geometrique, nous pouvons interpreter ce resultat comme

suit. Au champ de force ~F = f∂x + g∂y defini sur R2, on associe une 1-forme

de travail elementaire dT = fdx+ gdy. Le calcul du travail de la force ~F le

long du chemin C defini par l’application de R dans R2

C : [0, 1]→ R2 : t 7→

(C1(t) · C2(t)

)(3.3)

s’obtient en interpretant t comme une coordonnee sur R, en calculant le

pull-back de dT sur R :

C⋆(dT ) = p dt (3.4)

41

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42 CHAPTER 3. INTEGRATION DES FORMES DIFFERENTIELLES

et en integrant finalement p sur l’intervalle [0, 1]. Cet exemple est a la base

de generalisations conduisant au concept d’integration sur des varietes. Pourcela, il nous faut introduire plusieurs definitions.

Un k-cube (unite) est le produit cartesien de k copies du segment [0, 1];

un zero-cube etant le singleton 0. Si (t1, . . . , tk) definissent un systeme decoordonnees sur R

k et ω = f dt1∧· · ·∧dtk est une k-forme differentielle definie

sur le k-cube [0, 1]k, l’integrale de ω sur ce k-cube est definie au moyen del’integrale de volume usuelle sur le cube unite :

[0,1]kω =

[0,1]kf(t1, . . . , tk)dt1 · · · dtk . (3.5)

Lorsque t1, . . . , tk sont des coordonnees cartesiennes, le calcul de l’integralede ω sur le cube unite se ramene a celui d’une integrale repetee. De facon

generale, si (τ 1, . . . , τk) sont des coordonnees globales sur [0, 1]k definissantla meme orientation que (t1, . . . , tk) – c’est-a-dire telles que le determinant

de la matrice jacobienne ∂ti

∂τj soit positif – alors on verifie aisement que la

definition de l’integrale d’une k-forme est independante de la parametrisationutilisee. En effet soit ti = T i(τ j) l’application de R

k dans Rk definissant la

transformation des coordonnees τ j en les coordonnees ti. On obtient, a partirdes formules de changement de coordonnees, pour les formes differentielles :

ω = f(t1, . . . , tk)dt1 ∧ · · · ∧ dtk

= f(T i(τ j)

) ∂t1∂τ i1· · ·

∂tk

∂τ ikdτ i1 ∧ · · · ∧ dτ ik

= f(T i(τ j)

)det

(∂tℓ

∂τk

)dτ 1 ∧ · · · dτk

= f(τ j)dτ 1 ∧ · · · ∧ dτk (3.6)

et d’autre part, a partir des formules de changement de variables d’uneintegrale multiple, on a egalement :

[0,1]kf(ti)dt1 . . . dtk =

[0,1]kf(T i(τ j))

∣∣∣∣det

(∂tℓ

∂τk

)∣∣∣∣ dτ1 . . . dτk (3.7)

ou∣∣∣det

(∂tℓ

∂τk

)∣∣∣ est le jacobien de la transformation, lequel est obtenu a partir

de la valeur absolue du determinant de la matrice jacobienne.

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43

L’integrale de formes differentielles sur les varietes se construit au moyen

d’un pull-back qui ramene le probleme a celui d’une integration sur un k-cube. Nous definissons un k-cube singulier sur une variete V n comme etant

une application differentiable C d’un k-cube dans la variete. Ici une remarques’impose : un k-cube est une application de [0, 1]k → V n. Ce n’est pas une

sous-variete de V n, meme si on convient de ne regarder que l’image de [0, 1]k

dans V n ! Le qualificatif singulier est la pour rappeler que l’image de [0, 1]k

dans V n peut presenter des points doubles et autres “pathologies” qui font

qu’en general ce n’est pas une sous-variete. Si C est un k-cube singulier et ωune forme differentielle sur V n, alors l’integrale de ω sur C, que nous noterons∫Cω est definie au moyen du pull-back de ω par l’application C comme

C

ω =

[0,1]kC⋆(ω) . (3.8)

Dans le cas particulier ou k = 0, on posera :∫

C

ω = ω[C(0)] (3.9)

ce qui a un sens car C(0) est l’image de 0 dans V n et ω est une fonction (une

zero-forme) sur V n. L’interet de cette definition est qu’elle est independante

de la parametrisation utilisee. Autrement dit si ϕ est un diffeomorphisme de[0, 1]k sur [0, 1]k conservant l’orientation, les integrales de ω sur C et sur C ϕsont identiques. En effet, on a a considerer les applications suivantes :

C : [0, 1]k → V n

ϕ : [0, 1]k → [0, 1]k et det dϕ > 0

C ϕ : [0, 1]k → V n

d’ou∫

ω =

[0,1]k(C ϕ)⋆ω =

[0,1]kϕ⋆(C⋆(ω))

=

ϕ[0,1]kC⋆(ω) =

[0,1]kC⋆(ω) =

C

ω (3.10)

ou la troisieme egalite resulte de la regle de changement de variables d’uneintegrale k-uple et les autres des definitions precedentes.

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44 CHAPTER 3. INTEGRATION DES FORMES DIFFERENTIELLES

Remarque : Pourquoi est-on amene a integrer des formes differentielles et

non des fonctions. Il peut etre tentant, a partir d’une fonction f :V n → R de definir ∫

C

f?=

[0,1]kf C .

Mais ceci n’a pas de sens car le membre de droite de cette “egalite”

depend de la parametrisation choisie. En general, on a :∫[0,1]k

f C 6=∫[0,1]k

f C ϕ .

3.1 Integration sur les varietes

Souvent l’on est amene a considerer des integrales de surfaces ou volumes,de fonctions sur des (sous)-varietes. Quelle est la signification de ces objets ?

Dans un premier temps, il faut se donner sur une variete V n une n-formeη qui sera appelee la forme element de volume1. Elle est souvent notee

dv, mais ici encore il convient de remarquer qu’elle n’est pas en general ladifferentielle d’un autre objet ! La forme de volume etant donnee, l’integrale

d’une fonction f est l’integrale de la n-forme differentielle fη.

L’integrale d’une n-forme ω sur une variete V n est bien definie lorsqueV n est orientable et ω est a support compact. Pour cela, on utilise le resultat

suivant :

Soit V n une variete et U = Ui un recouvrement ouvert de V n.

Il existe un autre recouvrement V = Vi et une famille Ψ = ϕide fonctions C∞ verifiant les proprietes suivantes :

1. Tout point de V n possede un voisinage ne rencontrant qu’un

nombre fini d’ouverts de V.

2. Tout ouvert de V est contenu dans un ouvert de U .

3. ∀iϕi ≥ 0 et ∀p ∈ V n∑i

ϕi(p) = 1.

4. Le support de ϕi est inclus a Vi.

1Les considerations conduisant a la definition de η peuvent etre metriques ou autres.

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3.1. INTEGRATION SUR LES VARIETES 45

Remarquons qu’en chaque point de V n seul un nombre fini de

fonctions de la famille sont non nulles. Cette famille de fonctionsest appelee une partition de l’unite subordonnee au recouvrement

U .

Admettons ce resultat. Au moyen de cartes locales, il est facile de construire

autour de chaque point p de V n un ouvert U contenu dans l’image d’unn-cube singulier, ce en preservant l’orientation. Ces ouverts constituent un

recouvrement de V n. Au moyen d’une partition de l’unite ϕi subordonneea ce recouvrement, on definit :

V n

ω =∑

i

Ci

ϕiω (3.11)

ou Ci est un k-cube singulier dont l’image contient Vi et donc le support deϕi. Cette definition a un sens car

1. Le support de ω etant compact, toutes les sommes considerees sontfinies.

2. La definition est independante du choix de la partition de l’unite. Eneffet :

• Si le support de ω est inclus a la fois dans les images de chaınes

C1 et C2, on a :∫

C1

ω =

C2(C−1

2C1)

ω =

C2

ω (3.12)

pour autant que C1 et C2 puissent etre etendus a des diffeomorphismesd’un voisinage de [0, 1]n dans R

n en preservant les orientations.

• La definition de∫

V n ω est independante du choix de la partition del’unite utilisee car si le support de ω est inclus dans l’image d’un

n-cube singulier C, nous savons que l’integrale est independantedu choix du n-cube, pour autant que l’orientation reste preservee.

Dans ce cas, on a :∫

C

ω =

V n

ω . (3.13)

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46 CHAPTER 3. INTEGRATION DES FORMES DIFFERENTIELLES

Nous pouvons donc ecrire que :

i

Ci

ϕiω =∑

i

V n

ϕiω .

D’autre part, si Ψ = ψα est une autre partition de l’unite, on

a :

i

V n

ϕiω =∑

i

Vn

α

ϕiψαω =∑

i,α

V n

ϕiψαω =∑

α

V n

ψαω .

Lorsque ω n’est pas un support compact, il convient d’examinerla convergence des sommes et integrales precedentes.

3.2 Formule de Stokes

Ayant defini les k-cubes singuliers, nous pouvons considerer les sommes

formelles finies a coefficients entiers de ces objets :∑i

aiCi (ai ∈ Z), les

k-chaınes. L’integrale d’une k-forme sur une k-chaıne est obtenue en posant

∫P

i

aiCi

ω =∑

i

ai

Ci

ω . (3.14)

L’interet de cette notion tient a la facilite qu’elle offre a l’introduction duconcept de bord. Dans un premier temps, nous allons definir les faces d’un

k-cube. La i-eme face avant (resp. arriere) Ik(i,1) (resp. Ik

(i,0)) d’un k-cube(1 ≤ i ≤ k) est une application d’un (k − 1)-cube dans le k-cube obtenue

comme suit. Si x = (x1, . . . , xk−1) est un (k−1)-uple de nombres representantun point de [0, 1]k−1, la i-eme face avant est l’application :

Ik(i,1) : [0, 1]k−1 → [0, 1]k

∣∣∣ x = (x1, . . . , xk−1) 7→ (x1, . . . , xi−1, 1, xi+1, . . . , xk−1)(3.15)

la i-eme face arriere etant l’application :

Ik(i,0) : [0, 1]k−1 → [0, 1]k

∣∣∣ x = (x1, . . . , xk−1) 7→ (x1, . . . , xi−1, 0, xi+1, . . . , xk−1)(3.16)

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3.2. FORMULE DE STOKES 47

La face (i, α) – Face avant si α = 1, face arriere si α = 0 – d’un k-cube

singulier C est donnee par :

Ci,α = C Ik(i,α) : [0, 1]k−1 → V . (3.17)

Il s’agit donc de (k − 1)-cubes singuliers. Le bord C d’un k-cube singulier Cest la (k − 1)-chaıne :

∂C =k∑

i=1

α=0,1

(−1)i+αC(i,α) (3.18)

lorsque k ≥ 0. Si k = 0, on pose ∂C = 1.

Le bord d’une k-chaıne∑i

aiCi est obtenu par linearite :

∂∑

i

aiCi =∑

i

ai∂Ci . (3.19)

Theoreme : Le bord d’un bord est nul :

∂2 = 0 . (3.20)

Demonstration : Il suffit de demontrer le resultat pour les k-cubes singuliers.

Soit x ∈ [0, 1]k−2, lorsque i ≤ j ≤ k − 1 la face de face :

(Ik(i,α)

)(j,β)

= Ik(i,α) I

k−1(j,β) : [0, 1]k−2→ [0, 1]k

qui applique le point x = (x1, . . . , xk−2) sur :

(x1, . . . , xi−1, α︸︷︷︸i-eme position

, . . . , β︸︷︷︸(j+1)-eme position

, xj, . . . , xk−2)

est egale a(Ik(j+1,β)

)

(i,α).

Cette egalite s’etend aux k-cubes singuliers C :(C(i,α)

)(j,β)

=(C(j+1,β)

)(i,α)

si i ≤ j ≤ k − 1 . (3.21)

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48 CHAPTER 3. INTEGRATION DES FORMES DIFFERENTIELLES

Finalement le bord du bord de Ci peut s’ecrire :

∂2Ci =k∑

i=1

α=0,1

(−1)i+αk−1∑

j=1

β=0,1

(−1)j+β(C(i,α)

)(j,β)

=∑

α=0,1

β=0,1

(k−1∑

j=1

j∑

i=1

(−1)i+j+α+β(C(i,α)

)(j,β)

+

k−1∑

j=1

k∑

i=j+1

(−1)i+j+α+β(C(i,α)

)(j,β)

)

=∑

α=0,1

β=0,1

(k−1∑

i=1

k−1∑

j=i

(−1)i+j+α+β(C(j+1,β)

)(i,α)

+

k−1∑

i=1

k−1∑

j=i

(−1)j+1+i+β+α(C(j+1,β)

)(i,α)

)

= 0 (3.22)

La premiere des egalites precedentes resulte de la definition meme de ∂ [eqs.

(3.18) et (3.19)], la seconde de la permutation de l’ordre des sommationssur i et j et la decomposition du domaine de l’indice de sommation i en

[1, j] et [j + 1, k], la troisieme egalite resulte a la fois de la permutation de

l’ordre des sommations et de l’application de la formule (3.21) a la premieredouble somme partielle et l’echange des noms des indices (j, β) et (i, α) dans

la seconde. Enfin le resultat nul tient a la difference de signe entre les deuxdoubles sommes partielles, sinon identiques, apparaissant lors de la troisieme

egalite.

Theoreme de Stokes : Si C est une k-chaıne et ω une (k − 1)-forme

differentielle exterieure sur V n :∫

C

dω =

∂C

ω (3.23)

Demonstration : Compte tenu des definitions precedentes, il suffit de con-

siderer le cas particulier ou V n = Rk, C = Ik est un k-cube de R

n etω = fdx1 ∧ · · · ∧ dxi−1 ∧ dxi+1 ∧ · · · ∧ dxk une (k − 1)-forme.

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3.2. FORMULE DE STOKES 49

On a2

[0,1]k−1

Ik⋆(j,α)(fdx

1 ∧ · · · ∧ dxi ∧ · · · ∧ dxk)

=

0 si i 6= j∫[0,1]k−1 f(x1, . . . , α, . . . , xk)dx1 . . . dxiCA . . . dxk si i = j

(3.24)

D’autre part

∂Ik

ω =

[0,1]k−1

k∑

j=1

α=0,1

(−1)j+αIk⋆(j,α)

(fdx1 ∧ · · · ∧ dxi ∧ · · · ∧ dxk

)

= (−1)i+1

[0,1]k−1

f(x1, . . . , 1, . . . , xk)dx1 . . . dxi . . . dxk

+(−1)i

[0,1]k−1

f(x1, . . . , 0, . . . , xk)dx1 . . . dxi . . . dxk

= (−1)i+1

[0,1]k

∂f

∂xi(x1, . . . , xk)dx1 . . . dxi . . . dxk

=

[0,1]kIk⋆(df ∧ dx1 ∧ · · · ∧ dxj ∧ · · · ∧ dxk

)

=

Ik

dω (3.25)

Aussi en general

C

dω =

Ik

C⋆dω =

Ik

dC⋆ω =

∂Ik

C⋆ω =

∂C

ω . (3.26)

2Nous conviendrons de noter durant les calculs suivants l’absence du facteur dxi dansun produit exterieur de differentielles par dxi.

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50 CHAPTER 3. INTEGRATION DES FORMES DIFFERENTIELLES

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Chapter 4

Groupes a 1 parametre detransformations

4.1 Derivee de Lie

Un groupe (global) a 1 parametre de diffeomorphismes sur une variete Vconsiste en une application C∞ de

R× V → V | (t, x) 7→ φt(x) (4.1)

ou les φt sont des diffeomorphismes de V tels que

φt φs = φt+s et φ0 = Id . (4.2)

Pour certaines questions ont est amene a se restreindre a des transformations

locales, ce de la facon suivante : on considere une famille φt de transforma-tions telles que pour chaque point p ∈ V , il existe un voisinage U de p et

un intervalle ouvert Ip de R, contenant l’origine 0, tels que φ soit une ap-plication C∞ de Ip × U → V , φ0 = Id et φt φs = φt+s lorsque les deux

membres de cette derniere egalite sont definis. Dans ce cas, bien que cettefamille de transformations ne definisse pas en general un groupe, nous par-

lerons de groupe local (de transformations locales). La donnee d’un groupelocal permet de construire un champ de vecteurs ~X sur V au moyen de la

51

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52CHAPTER 4. GROUPES A 1 PARAMETRE DE TRANSFORMATIONS

relation1 :

~Xp(f) =d

dtf [φt(p)]

∣∣∣t=0

(4.3)

que nous noterons encore

d

dtφt(p)

∣∣∣t=0

= ~Xp . (4.4)

Ce champ de vecteurs est appele le generateur infinitesimal du groupe local

a 1 parametre φt.

Inversement, la donnee d’un champ de vecteurs sur V permet de construire

un groupe local de transformation par integration du systeme differentiel

(4.4). En coordonnees locales, ce systeme s’ecrit :

dxα

dt= Xα(xβ) . (4.5)

Si xαp sont les coordonnees du point p, la solution X α(t) de ce systeme,

verifiant la condition initiale X α(0) = xαp definit un groupe local de transfor-

mations par la relation :

xαφt(p) = X α(t) . (4.6)

Les transformations de ce groupe local sont notees :

φt(p) = exp t ~X(p) , (4.7)

et appelees exponentielles du champ de vecteurs t ~X en p. Par chaque point pde V passe une et une seule courbe φt(p). Ces courbes definissent des sous-

varietes de dimension 1 de V : ce sont les orbites du groupe de transfor-mations. Il resulte du theoreme de Cauchy d’existence et unicite que ces

transformations definissent un groupe local et verifient en particulier la rela-tion :

exp t ~X(exp s ~X(p)

)= exp(t+ s) ~X(p) . (4.8)

lorsque |t| et |s| sont suffisamment petits.

1Ou ~Xp est la valeur du champ ~X au point p.

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4.1. DERIVEE DE LIE 53

Remarques : Si il existe un intervalle ouvert I inclus dans tous les intervalles

Ip, alors φt definit un groupe global a 1 parametre de diffeomorphismes carnous pouvons ecrire :

t = Nǫ + τ (4.9)

avec ǫ et τ appartenant a I et poser :

φt = φτ φǫ · · · φǫ︸ ︷︷ ︸N facteurs

. (4.10)

La transformation φt ainsi obtenue ne depend pas des valeurs de ǫ et τsatisfaisant a l’equation 4.9.

• Si V est compact, tout groupe local est global. Ceci resulte immediatement

de la possibilite d’extraire un sous-recouvrement fini de tout recouvrementd’ouverts.

• Sur une variete non compacte, il existe des transformations locales

n’engendrant pas de groupe de transformations globales. Ainsi sur R, enla coordonnee cartesienne x, le champ de vecteurs ~X = x2∂x definit des

transformations purement locales.

Nous dirons d’une fonction f qu’elle est invariante sous l’action du groupe

de transformations φt si et seulement si elle garde une valeur constante surles orbites du groupe, c’est-a-dire si et seulement si :

f(φt(p)) = f(p) (4.11)

quels que soient t et p, pour autant que φt(p) soit defini. Cette conditiond’invariance peut encore s’ecrire :

φ⋆tf = f . (4.12)

De meme nous dirons qu’un champ de vecteur ~Z est invariant si et seulementsi (sous les memes conditions)

φt⋆(~Zp) = ~Zφt(p) . (4.13)

Un champ de 1-forme θ sera invariant si et seulement si2 :

φ⋆−t(θp) = θφt(p) (4.14)

2Rappelons que φt⋆ : Tp → Tφt(p) et φ⋆−t : T ⋆

p → T ⋆φt(p) car φ

−t[φt(p)] = p.

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54CHAPTER 4. GROUPES A 1 PARAMETRE DE TRANSFORMATIONS

Enfin, un champ tensoriel K quelconque sera invariant si son image (resultant

de transport de p en φt(p) par φt⋆ et φ⋆−t des facteurs dont il est le produit)

coıncide avec sa valeur au point φt(p)

φ′t(K) = Kφt(p) . (4.15)

La non-invariance d’un objet se mesure en calculant son taux de variation,sa derivee. Ici nous parlerons de derivee de Lie du champ tensoriel K suivant

le champ de vecteurs ~X – generateur infinitesimal des transformations φt –comme

L ~XK = limt→0

Kφt(p) − φ′t(K)

t(4.16)

lorsque cette limite existe.

En passant a des coordonnees locales, on obtient avec X α(0) = xαp :

• Pour une fonction

L ~Xf = limt→0

f(X α(t))− f(X α(0))

t= Xα∂αf

∣∣∣xγ

p

.

• Pour un champ de vecteurs, en remarquant que :

X α(t) = xαp + tXα(xβ

p ) +O(t2) (4.17)

et que

∂X α(t)

∂xβp

= δαβ + t

∂Xα

∂x

∣∣∣xγ

p

+O(t2) (4.18)

L ~X~Z = lim

t→0

~Zφt(p) − φt⋆(~Zp)

t

= limt→0

1

t

(Zα(X γ(t))−

∂X α(t)

∂xβp

Zβ(X γ(0))

)~∂α

=

(Xp∂Z

α

∂xβ−∂Xα

∂xβZβ

) ∣∣∣xγ

p

~∂α . (4.19)

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4.1. DERIVEE DE LIE 55

• Pour un champ de covecteurs, on a de meme :

L ~Xθ = limt→0

θφt(p) − φ⋆−t(θp)

t

=

(Xβ ∂θα

∂xβ+∂Xβ

∂xαθβ

) ∣∣∣xγ

p

dxα . (4.20)

La derivee de Lie s’etend aux champs de (p, q) tenseurs quelconques. Elle lesapplique sur des champs de meme nature tensorielle :

L ~X : T ⋆p⋆q → T ⋆p

⋆q . (4.21)

Elle commute avec la contraction :

L ~X〈θ,~Z〉 = 〈L ~Xθ,

~Z〉+ 〈θ,L ~X~Z〉 (4.22)

et verifie la regle de Leibnitz vis-a-vis du produit tensoriel :

L ~Xt⊗ q = (L ~Xt)⊗ q + t⊗ (L ~Xq) . (4.23)

La derivee de Lie de k-formes differentielles verifie deux proprietes impor-tantes :

1. Elle commute avec la differentiation exterieure :

L ~Xd = dL ~X . (4.24)

Ceci est une consequence immediate de la meme propriete de commu-

tation du pull-back.

2. Si ω est une k-forme, on a :

L ~Xω = di( ~X)ω + i( ~X)dω (4.25)

Preuve : Notons DX l’operateur di( ~X)+i( ~X)d. Cet operateur commute avec

la differentiation exterieure, est une application de Λk dans Λk et verifie laregle de Leibnitz

D ~X(fω) = di( ~X)fω + i( ~X)dfω

= df ∧ i( ~X)ω + fdi( ~X)ω

+i( ~X)df ∧ ω − df ∧ i( ~X)ω + fi( ~X)dω

= fD ~X(ω) + ~X(f)ω .

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56CHAPTER 4. GROUPES A 1 PARAMETRE DE TRANSFORMATIONS

Enfin si ω (resp. σ) est une k-forme (resp. ℓ-forme) differentielle quelconque

D ~X(ω ∧ σ) = d[i( ~X)ω ∧ σ] + i( ~X)d[ω ∧ σ]

= d[(i( ~X)ω) ∧ σ] + (−1)kd[ω ∧ (i( ~X)σ)]

+i( ~X)(dω ∧ σ + (−1)kω ∧ dσ)

= d(i( ~X)ω) ∧ σ + (−1)k−1i( ~X)ω ∧ dσ

+(−1)kdω ∧ i( ~X)σ + (−1)2kω ∧ di( ~X)σ

+(i( ~X)dω) ∧ σ + (−1)k+1dω ∧ (i( ~X)σ)

+(−1)k(i( ~X)ω) ∧ dσ + (−1)2kω ∧ (i( ~X)dσ)

= D ~X(ω) ∧ σ + ω ∧D ~X(σ)

Il en resulte que L ~X − D ~X s’annule sur les fonctions, les differentielles de

fonctions (car L ~X et D ~X commutent avec d) et sur les produits exterieurs deces objets aussi ils coıncident (sur Λ).

Remarquons enfin que la derivee de Lie d’un champ de vecteur ~Y suivant

le champ ~X coıncide avec le crochet de Lie de ces deux champs (cf. section1.6) :

L ~X~Y = [ ~X, ~Y ] . (4.26)

Considerons les deux familles de transformations locales φt et ψs engendrees

respectivement par les champs ~X et ~Y . En general, ces deux familles detransformations ne commutent pas. Si f est une fonction, on aura :

f [φt(ψs(p)] 6= f [ψs(φt(p)]

Si nous developpons dans un systeme de coordonnees locales la difference

entre ces deux expressions, nous obtenons au second ordre

f [φt(ψs(p))]− f [ψs(φt(p))] == ts[ ~X, ~Y ]p(f) (4.27)

En d’autres termes, ts[ ~X, ~Y ] mesure la separation entre les points φt(ψs(p))

et ψs(φt(p)) c’est-a-dire la non-commutativite des transformations φt et ψs,ce qui se traduit par la propriete generale :

L ~XL~Y −L~YL ~X = L[ ~X,~Y ]

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4.1. DERIVEE DE LIE 57

etendant aux tenseurs quelconques la meme relation qui, appliquee aux fonc-

tions, a servi a introduire le crochet de Lie.

Il resulte en particulier de cette discussion que si l’on souhaite, a partirde deux ou plusieurs champs, de vecteurs ~Xi construire un systeme de co-

ordonnees telles que ces champs ~Xi soient les vecteurs tangents a certaineslignes des coordonnees, il faut necessairement que ces champs obeissent a la

condition d’integrabilite :

[ ~Xi, ~Xj] = ~O ∀i, j .

Exercices : Verifiez que sur Λ

L ~Xi(~Y ) = i(~Y )L ~X + i[ ~X, ~Y ] .

ou i(~Y ) : Λk → Λk−1 est la contraction avec le vecteur ~Y , operation lineaire

transformant une k-forme ω en une (k-1)-forme i(~Y )ω suivant la formule :

i(~Y )ω( ~X1, · · · , ~Xk−1) = ω(~Y , ~X1, · · · , ~Xk−1)

et annulant les 0-formes.

Verifier que ddtφ⋆

t (ω)|t = φ⋆t (L ~Xω) ou d

dtφt(p)|t = ~X(φt(p)).

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58CHAPTER 4. GROUPES A 1 PARAMETRE DE TRANSFORMATIONS

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Part II

Formulation geometrique de lamecanique hamiltonienne

59

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Chapter 5

Varietes symplectiques

5.1 Definitions

Une variete symplectique (V, ω) est une variete V sur laquelle est definie

une 2-forme differentielle ω fermee et non degeneree, c’est-a-dire telle que

en chaque point p ∈ V l’application bemol : TVp → T ⋆Vp : ~X 7→ X =i( ~X)ω definisse un isomorphisme d’espaces vectoriels entre l’espace tangent

et l’espace cotangent.

L’isomorphisme inverse est appele l’application dieze et est note #.

En coordonnees, on a les formules :

Xα = Xβωβα (definition de l’application bemol),

detωαβ 6= 0 (ω est invertible),ωαβΛβγ = δγ

α (Λ est l’inverse de ω),

θα# = Λαβθβ (definition de l’application dieze, remarquez que ( ~X)# = − ~X).

La dimension d’une variete symplectique est paire, notons-la 2n. Une variete

symplectique est toujours orientable, il suffit de prendre comme 2n-formeelement de volume :

Ω = ω ∧ · · · ∧ ω︸ ︷︷ ︸n facteurs

.

61

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62 CHAPTER 5. VARIETES SYMPLECTIQUES

5.2 Un exemple : le fibre cotangent

Soit V une variete et T ⋆V le fibre cotangent a cette variete. Sur T ⋆V estdefinie une projection, notee π, de T ⋆V sur V . D’autre part, si P est un point

de T ⋆V , il lui est associe une 1-forme σP au point π(P ) et en consequence la 1-forme π⋆(σ) appartenant a l’espace cotangent au point P du fibre cotangent :

π⋆(σ) ∈ T ⋆(T ⋆V )P . Si (qα, pβ) sont des coordonnees locales au voisinage deP , telles que qα soient des coordonnees sur V au voisinage de π(P ), on a

dans ces coordonnees :

σP = pαdqα ∈ T ⋆Vπ(P )

et

π⋆(σP ) = pαdqα ∈ T ⋆(T ⋆V ) .

Remarquons que σP ne definit pas une 1-forme differentielle sur V alors que

π⋆(σP ) est une 1-forme differentielle sur T ⋆V . Nous noterons cette derniereσ. Elle permet de construire, par differentiation exterieure, une 2-forme :

ω = dσ ,

fermee (car exacte) et reguliere car en les coordonnees locales precedentes,elle s’ecrit :

ω = dpα ∧ dqα .

La matrice de ses composantes en ces coordonnees et donnee par :

ωαβ =

(0 −IdId 0

).

En conclusion le fibre cotangent a une variete est toujours orientable car il

possede naturellement une structure de variete symplectique.

5.3 Theoreme de Darboux (suivant Moser)

Si (V, ω) est une variete symplectique, au voisinage de chaque point, il existe

un systeme de coordonnees (xα, yβ) telles que localement :

ω = dxα ∧ dyα . (5.1)

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5.3. THEOREME DE DARBOUX (SUIVANT MOSER) 63

Demonstration : Le resultat annonce etant local, nous pouvons considerer le

probleme – via un systeme de coordonnees – dans un voisinage de l’origine Ode R

2n. Notons 0ω la 2-forme a composantes constantes dans ces coordonnees

et egale a ω a l’origine. Introduisons d’autre part la famille a 1 parametrede 2-formes: tω = t ω + (1 − t) 0ω. A l’origine O, on a tω(O) = 0ω(O).

Le determinant de tω etant une fonction continue des coordonnees, il existepour chaque valeur de t une boule ouverte de rayon ρ(t) > 0 centree en O

dans laquelle tω est invertible et, en consequence de la compacite du segment

[0, 1], il existe une boule ouverte centree en l’origine O dans laquelle tω estinvertible pour toutes les valeurs de t comprises entre zero et un (bornes

inclues).

Le theoreme de Poincare assure que sur cette boule il existe une 1-forme

α telle que ∂ tω/∂t = 1ω − 0ω = dα et pour laquelle nous pouvons supposerque α(O) = 0. Considerons a present la famille des champs de vecteurs~Xt = −α#t

, c’est-a-dire tels que i( ~Xt)tω = −α. Les vecteurs de cette famille

s’annulent a l’origine ( ~Xt(O) = ~0 car α(O) = 0), et definissent – sous lacondition initiale ϕ0 = Id – une famille ϕt de diffeomorphismes locaux au

voisinage de l’origine, tels que l’origine en soit un point fixe. Il existe, envertu de la continuite des ϕt par rapport a t, une boule ouverte centree en

l’origine sur laquelle les diffeomorphismes sont definis simultanement pour0 ≤ t ≤ 1. Sur cette boule ouverte, on a :

d

dtϕ⋆

t (tω) = ϕ⋆t

(L ~Xt

tω)

+ ϕ⋆t

∂tω

∂t(5.2)

= ϕ⋆t

(di( ~Xt)tω + 1ω − ω

)

= ϕ⋆t (−dα + 1ω − ω)

= 0

Aussi ϕ⋆1(1ω) = ϕ⋆

0(0ω) = 0ω c’est-a-dire que (ϕ1)−1 est le changement des

coordonnees qui transforme ω en la 1-forme constante 0ω. Il reste alorsa effectuer une derniere transformation lineaire sur les coordonnees pour

obtenir la forme canonique (5.1) de ω. En effet, nous pouvons toujoursecrire en supposant ω12 non nul (quitte a devoir renumeroter les 1-formes de

Page 64: El´ements de g´eom´etrie diff´erentielle · Etudiez les projections st´er´eographiques sur le plan ´equatorial et reliez-les aux pr´ec´edentes. ... remarquons que le cercle

64 CHAPTER 5. VARIETES SYMPLECTIQUES

base) :

ω = ω1 2θ1 ∧ θ2 + ω1 3θ

1 ∧ θ3 + · · ·+ ω1 2nθ1 ∧ θ2n

+ω2 3θ2 ∧ θ3 + · · ·+ ω2 2nθ

2 ∧ θ2n

+ · · ·

=

(θ1 −

ω2 3

ω1 2θ3 − · · · −

ω2 2n

ω1 2θ2n

)∧(ω1 2θ

2 + ω1 3θ3 + · · ·+ ω1 2nθ

2n)

+ ω

ou ω ne depend que de θ3, . . . , θ2n.

Nous pouvons ainsi ecrire que :

ω = Θ1 ∧Θn+1 + ω

ou ω ne depend pas de

Θ1 =

(θ1 −

ω2 3

ω1 2θ3 − · · · −

ω2 2n

ω1 2θ2n

)

etΘn+1 =

(ω1 2θ

2 + ω1 3θ3 + · · ·+ ω1 2nθ

2n)

et reiterer la procedure sur ω. Dans la base des Θk–k = 1, · · · , 2n ainsiobtenue, on a finalement :

ω = Θ1 ∧Θn+1 + Θ2 ∧Θn+2 + · · ·

=n∑

i=1

Θi ∧Θn+i

Remarque : La relation (5.2) resulte directement de la definition meme de

la derivee de Lie. Evidemment, elle peut egalement etre etablie au moyend’un calcul local en coordonnees.