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Eine Welt Un solo mondo Un seul monde N o 3 / SEPTEMBRE 2009 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch Changement climatique : le Nord pollue, la pauvreté augmente au Sud Mozambique : un pays modèle, mais la croissance économique ne profite qu’à quelques-uns Nous serons bientôt 9 milliards – combien d’êtres humains la Terre peut-elle supporter ?

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Page 1: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council€¦ · L’écrivain sud-africain Zakes Mda se montre critique à l’égard de l’aide alimentaire 29 Réconciliation par la culture dans

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

No3 / SEPTEMBRE 2009LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATIONwww.ddc.admin.ch

Changement climatique : le Nord pollue, la pauvreté augmente au SudMozambique : un pays modèle, mais la croissanceéconomique ne profite qu’à quelques-uns

Nous serons bientôt 9 milliards – combien d’êtreshumains la Terre peut-elle supporter ?

Page 2: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council€¦ · L’écrivain sud-africain Zakes Mda se montre critique à l’égard de l’aide alimentaire 29 Réconciliation par la culture dans

Sommaire

DOSSIER

DDC

FORUM

Un seul monde No 3 / Septembre 20092

CHANGEMENT CLIMATIQUE

La pollution émise par le Nord pèse lourd sur le Sud Les conséquences néfastes du réchauffement planétaireplacent la communauté internationale devant de nouveaux défis

6Le climat intégré dans tous les projets Le problème climatique revêt une importance cruciale dans les projets de la DDC

11« Nous avons perdu énormément de temps »Entretien avec Thomas Stocker, professeur de physiqueclimatique

12La fonte des glaciers menace les paysans péruviens Sur les hauts plateaux du Pérou, les paysans doivent adapterleurs modes de culture à l’évolution du climat

14Dans le village branché de Doña Delia Au Nicaragua, la Suisse soutient la production d’énergiealternative dans les zones rurales

15

« Nous avons la liberté, mais à peine de quoi vivre » Le Mozambique affiche des taux de croissance réjouissants.Pourtant, plus de la moitié de la population vit encore dans lapauvreté.

16Des pêcheurs victimes du changement climatique Bernardo Tovela parle de son village, près de Maputo, qui nepeut plus vivre de la pêche

20

Nous avons beaucoup à offrir et encore plus à gagner Martin Dahinden, directeur de la DDC, évoque les défisimmenses posés par le changement climatique

21

Les aînés paient le prix du sidaDans cinq villages de Tanzanie, l’association suisse KwaWazee finance des rentes de vieillesse

22Des médecins de famille plutôt que des spécialistes En Bosnie-et-Herzégovine, la Suisse contribue àaméliorer le système de santé

24

Combien d’êtres humains la Terre peut-elle supporter ?Malgré la raréfaction des ressources, freiner l’explosiondémographique n’est pas une priorité de la coopération

26Des écrivains qui demandent la charité L’écrivain sud-africain Zakes Mda se montre critique à l’égard de l’aide alimentaire

29

Réconciliation par la culture dans les Balkans Des projets culturels suisses encouragent la coopérationtransfrontalière dans les Balkans occidentaux,contribuant ainsi à apaiser les tensions ethniques

30

Éditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, qu’est-ce que le commerce des droits d’émission ? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de lacoopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’estcependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinionsy sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

HORIZONS

CULTURE

Page 3: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council€¦ · L’écrivain sud-africain Zakes Mda se montre critique à l’égard de l’aide alimentaire 29 Réconciliation par la culture dans

e Le climat réagit aux activités des hommes, obligeant cesderniers à réagir à leur tour. Les principales causes du ré-chauffement planétaire sont aujourd’hui connues : la com-bustion d’énergies fossiles, le déboisement d’immensessurfaces forestières et l’émission de gaz à effet de serrepar l’agriculture. Les conséquences en sont perceptiblespartout dans le monde et elles placent la communauté in-ternationale face à d’énormes défis.

Les pays pauvres sont – une fois encore – particulièrementtouchés. Or, ce sont justement ceux qui ont contribué lemoins au dérèglement du climat. La coopération au déve-loppement a depuis longtemps pris conscience de cetteproblématique et en tient compte dans ses activités. Ellese trouve toutefois devant un dilemme : comme on l’a vudans les pays industrialisés, l’amélioration de la qualité devie et la réduction de la pauvreté ont toujours eu pour co-rollaire un accroissement de la consommation d’énergie etde ressources, ce qui accélère encore le changement cli-matique. Il faut donc s’y prendre autrement.

Le problème va continuer de s’aggraver, parce que laconsommation d’énergie par habitant augmente partoutet que la population mondiale ne cesse de croître : d’ici2050, la Terre devrait compter plus de 9 milliards d’habi-tants. C’est là une évolution dont on se préoccupe encoretrop peu (voir page 26).

D’un côté, la planète subit donc les effets du changementclimatique : sécheresses, inondations, épuisement desressources, forte réduction de la biodiversité et des terresarables. De l’autre, la population ne cesse d’augmenter.Elle est tributaire de ressources toujours plus rares, mais

consomme toujours plus d’énergie, contribuant ainsi audérèglement climatique. Ce cercle vicieux nous conduit-iltout droit à la catastrophe ?

Les scientifiques qui planchent sur la question se répar-tissent entre optimistes et pessimistes. James Lovelock,chercheur à la Nasa, fait partie des seconds. Il prévoit ainsique d’ici cinquante à cent ans, une portion infime de lasurface terrestre sera encore cultivable, tandis que lesautres zones seront soit trop sèches, soit immergées. Ilconclut : « L’humanité se trouve en très mauvaise postureet je crains qu’elle ne soit pas assez intelligente pour ré-soudre les problèmes qui l’attendent. À la fin de ce siècle,seuls un milliard d’êtres humains, voire moins, auront sur-vécu. »

Hans Joachim Schellnhuber, directeur de l’Institut de re-cherche sur le climat de Potsdam, voit les choses tout àfait autrement, mais seulement « si l’humanité considère lasituation actuelle comme une chance et parvient à opérerun changement radical ». C’est aussi l’avis du climato-logue suisse Thomas Stocker (voir page 12), membre duGroupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution duclimat (GIEC), qui déclare : « Nous avons besoin de nou-velles technologies et devons nous comporter de manièrebeaucoup plus parcimonieuse à l’égard de toutes les res-sources. D’autre part, il faut redéfinir la notion de ‹qualitéde vie›, en donnant si possible la priorité à des cycles fermés de matériaux et d’énergie. »

La rédaction

(De l’allemand)

Le climat réagit… Que fait l’Homme?

Un seul monde No 3 / Septembre 2009 3

Éditorial

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Retour à la terre au Nigeria( jls) Le Nigeria a décidé d’inves-tir dans l’agriculture afin de seprémunir contre une crise ali-mentaire. Depuis la découvertedu pétrole, au début des années70, il s’était désintéressé de cesecteur de l’économie. L’or noir,devenu sa principale source dedevises, finançait l’importationmassive de denrées alimentaires.Ces dernières années, les financespubliques ont toutefois été misesà mal par l’effondrement descours mondiaux du pétrole et lesviolences dans le delta du fleuveNiger, où se concentrent les gi-sements. Le gouvernement adonc pris des mesures pour di-versifier l’économie et relancerl’agriculture. Il encourage la pro-duction de maïs, de riz et de ma-nioc. En un an, plus de 50 000kilomètres de pistes rurales ontété construites ou réhabilitées.Au début de 2009, l’État a distri-bué gratuitement 850 000 tonnesd’engrais et d’insecticide auxpaysans à travers tout le pays.Puis il a réussi à mobiliser, avecl’aide du secteur privé, 200 mil-liards de nairas (env. 1,5 milliardde francs) qui financeront descrédits aux exploitations agrico-les. En outre, un vaste program-me d’irrigation est en cours dansle nord et le sud-ouest du pays.

L’esclavage moderne(bf ) L’esclavage reste largementrépandu dans le monde entier.Telle est la conclusion d’un rap-

port publié en février dernierpar l’Unesco et l’Office desNations Unies contre la drogueet le crime (Onudc). Ce docu-ment, qui se fonde sur lesdonnées de 155 pays, constateégalement que la traite des per-sonnes, la prostitution et le tra-vail des enfants présentent lesmêmes structures que le com-merce d’esclaves au 18e siècle.Dans 79% des cas, le trafic d’êtreshumains relève de l’exploitationsexuelle. Les victimes sont le plussouvent des femmes et des filles.La deuxième forme de traite laplus répandue est le travail forcé,avec une proportion de 18%.Mais les données recueillies netiennent compte que des cas dé-tectés et signalés, de sorte que laréalité est sans doute plus sombreencore. À l’échelle mondiale, lesenfants constituent près de 20%des victimes de la traite.Toute-fois, dans certaines parties del’Afrique et dans la région duMékong, ils en sont même les

premières victimes. Par ailleurs,environ 46 pays ont fourni desdonnées relatives au sexe des auteurs de la traite. Contre touteattente, ceux-ci sont majoritaire-ment des femmes, révèle le rap-port.www.unesco.org/shs/humantrafficking

L’eau sous pression(bf ) La crise financière interna-tionale nous le ferait presqueoublier, mais une pression tou-jours plus forte s’exerce sur lesressources en eau. La demanden’a jamais été aussi importanteen raison notamment de la crois-sance démographique, de l’évo-lution des modes de consomma-tion alimentaire et des besoinsaccrus en énergie. C’est ce queconstate le troisième Rapportmondial des Nations Unies surl’évaluation des ressources eneau. Les auteurs de cette étude, àlaquelle ont collaboré 26 agencesonusiennes, montrent que l’eauest aussi cruciale pour le déve-loppement économique que lesprogrammes conjoncturels. Descatastrophes, telles que des inon-dations ou des sécheresses, peu-vent en effet coûter à un paysjusqu’à 14% de son produit in-térieur brut. L’irrigation inten-sive des cultures consomme déjàenviron 70% de toute l’eaudouce disponible et la tendanceest à la hausse. Le triste reversde la médaille, c’est que près de13% de la population mondiale,soit 884 millions de personnes –

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dont 340 millions en Afrique –

n’ont toujours pas accès à de

l’eau potable.

www.unesco.org, «Natural Sciences»,«Freshwater », «WWAP »

Travailler par sms(gn) Les nouvelles technologies

créent des formes inédites de

travail. En janvier dernier, la so-

ciété Txteagle a lancé au Kenya

une initiative novatrice : des mil-

liers de détenteurs de téléphones

portables pourront gagner de pe-

tites sommes en participant à des

travaux de traduction. Chacun

d’eux reçoit par sms une tâche à

effectuer, s’en acquitte et envoie

le résultat à la centrale. Nokia

est le premier client : le fabricant

finlandais de portables entend

proposer les menus et les fonc-

tions de ses appareils dans les

soixante langues parlées au

Kenya.Txteagle cherche donc

des personnes prêtes à traduire

les expressions anglaises dans leur

langue maternelle. « Nous en-

voyons le même mot ou la

même phrase à plusieurs utilisa-

teurs et considérons comme cor-

recte la réponse que nous rece-

vons de la majorité d’entre eux »,

explique le chercheur américain

Nathan Eagle, fondateur de la

société. La rémunération em-

prunte aussi la voie des ondes :

l’opérateur kenyan Safaricom, qui

joue le rôle de banque, convertit

en espèces les crédits d’appel ob-

tenus pour la tâche effectuée.

www.txteagle.com

La pomme de terre malme-née par la crise(bf ) Ces dernières années, la cul-

ture de la pomme de terre est

devenue une activité fort lucra-

tive pour quelques pays en déve-

loppement. L’assèchement du

crédit, provoqué par la récession

mondiale, risque cependant

d’entraver cet essor. Selon

l’Organisation des Nations Unies

pour l’alimentation et l’agricul-

ture (FAO), la pomme de terre

est l’aliment le plus cultivé dans

le monde après les céréales. En

2007, on en a récolté 325 mil-

lions de tonnes, dont plus de la

moitié dans les pays en dévelop-

pement. Si la Chine se classe en

tête des pays producteurs, le

Bangladesh, l’Inde et l’Iran figu-

rent parmi les plus importants

consommateurs. Ces échanges

Sud-Sud se ressentent gravement

Un seul monde No 3 / Septembre 2009 5

Paysage

de la récession, qui a fait chuter

les investissements consacrés à la

culture de la pomme de terre, de

même que le commerce et les

crédits à l’agriculture. NeBambi

Lutaladio, de la FAO, préconise

dès lors d’adopter des mesures

concrètes, comme la promotion

de la recherche et du développe-

ment, afin de stimuler la produc-

tion de la pomme de terre et de

protéger la sécurité alimentaire.

www.potato2008.org

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Contrairement aux pays en développement, tel le Mali (en bas), les pays industrialisés et émergents, comme la Chine (en haut), sont obligés d’adapterleurs pratiques aux nouvelles conditions climatiques, car nous sommes tous tributaires du bon fonctionnement des écosystèmes

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Changement climatique

La pollution émisepar le Nord pèselourd sur le SudLa Terre se réchauffe et ce dérèglement climatique place lacommunauté internationale devant de nouveaux défis. Une ré-glementation mondiale sur la réduction des émissions de gazà effet de serre est actuellement en discussion. Elle jettera lesbases d’une politique climatique équitable à l’échelle planétai-re. De Gabriela Neuhaus.

Il ne se passe pas un jour sans que les médias par-lent du problème climatique. Le réchauffement dela planète reste au cœur du débat politique. Et ily a longtemps que ce n’est plus un sujet réservéaux climatologues et aux écologistes. Le change-ment climatique pose également de nouveaux etsérieux défis à la coopération au développementnotamment. La température moyenne de la pla-nète a augmenté de 0,74 degré au cours des centdernières années, en raison de la concentration ac-crue de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cephénomène est imputable à des activités humaines,la principale étant la combustion d’agents éner-gétiques fossiles. D’autres facteurs sont le déboi-sement à grande échelle et les gaz rejetés parl’agriculture.

Multiplication des catastrophes naturelles

Les statistiques montrent que le réchauffement cli-matique s’est accéléré ces dernières années. Et latempérature continuera d’augmenter, prédisent lesexperts. Même s’il ne s’agit que de quelques de-grés, cela impactera fortement la vie sur Terre : lamoitié environ des surfaces agricoles se situentdans les zones tropicales et subtropicales, où les es-paces désertiques continueront de s’étendre. Maiscette évolution frappe aussi des archipels et des ré-gions côtières, qui risquent de disparaître sous lesflots car la fonte des glaces polaires fait monter leniveau des mers.Le recul des glaciers dans les Andes ou l’Himalayaproduit déjà des effets sur les microclimats locauxet sur le régime hydrique de grands systèmes flu-viaux.Au niveau mondial, on assiste à une multi-plication d’événements extrêmes – vagues de froidou de chaleur, cyclones et ouragans – qu’il fautégalement attribuer au réchauffement climatique.Plus les températures augmentent rapidement, plusle risque est grand de voir des écosystèmes entierss’effondrer.Les répercussions négatives du bouleversement

climatique frappent particulièrement les pays endéveloppement. Cela tient notamment à leur si-tuation géographique, puisqu’une grande partied’entre eux se trouvent dans des zones vulnérablessur le plan climatique. Mais la principale raison estque le changement menace des populations quisont directement tributaires du bon fonctionne-ment des écosystèmes et qui n’ont guère la possi-bilité de s’adapter à de nouvelles conditions envi-ronnementales : un petit paysan du Sahel ne peutpas s’offrir une pompe électrique et creuser à 200mètres de profondeur pour trouver de l’eau ; et les pêcheurs du Bangladesh n’ont ni les moyens nile savoir-faire requis pour construire de hautes di-gues contre la mer qui monte.

Des conséquences sociales explosives

Si des terres aujourd’hui habitées et cultivées serecouvrent d’eau ou se transforment en déserts,des centaines de milliers de personnes seront chas-sées de chez elles. Si la nourriture ou l’eau se ra-réfient, il en résultera des famines et des guerres.Ces conséquences prévisibles du changement cli-matique ne font pas que compromettre la réalisa-tion des Objectifs du Millénaire pour le dévelop-pement. Elles risquent bien d’anéantir les progrèsdéjà réalisés et de provoquer une recrudescence dela pauvreté.Tout cela met en lumière le caractère à la fois com-plexe et explosif des problèmes climatiques. Lesprincipaux responsables de la situation actuellesont les pays industrialisés, dont les activités ontaugmenté depuis un siècle la concentration de gazà effet de serre dans l’atmosphère.Aujourd’hui, ilscontinuent de produire la moitié des émissions deCO2 de la planète alors qu’ils ne représentent que20 pour cent de sa population. Les pays industria-lisés qui ont signé le Protocole de Kyoto se sontcertes engagés à réduire leurs rejets de CO2, maisle niveau visé reste bien supérieur à la moyennemondiale.

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Un seul monde No 3 / Septembre 20098

Les émissions augmentent avec le niveaude vieC’est principalement la pauvreté qui explique leniveau relativement modeste des émissions pro-duites par les pays en développement ou émergents :au Rwanda, par exemple, 90 pour cent des mé-nages n’ont pas encore l’électricité ; dans des paysémergents tels que l’Inde ou la Chine, une bon-ne partie de la population vit encore au-dessousdu seuil de pauvreté. Les efforts entrepris pour éle-ver le niveau de vie – électrification de villages,augmentation de la production dans l’agricultureet l’industrie, amélioration de l’accès au marché etde la mobilité, utilisation courante de l’ordinateuret du téléphone portable, etc. – entraînent inéluc-tablement une consommation accrue d’énergie.Vu la menace que fait planer actuellement le ré-chauffement climatique, on recherche des moyensde combattre la pauvreté en dissociant ces deuxparamètres.Les avis sont extrêmement partagés sur la perti-nence de cet objectif et sur la manière de l’attein-

dre. Différents organismes, allant de petites asso-ciations villageoises à la Banque mondiale, exami-nent une multitude d’options. Ils misent, parexemple, sur le développement et l’adaptation deméthodes décentralisées traditionnelles ou sur l’in-vestissement dans de nouvelles technologies sus-ceptibles de produire à grande échelle des éner-gies propres.Mais on a pu constater que certaines innovationssoulèvent elles-mêmes des problèmes. C’est le casdes agrocarburants « climatiquement neutres », dontla production entre en concurrence avec la cultu-re de plantes vivrières. La promotion de l’énergienucléaire et la poursuite de son développementsont également des solutions controversées, demême que le recours au génie génétique pour sé-lectionner de nouveaux végétaux destinés à laproduction d’énergie.

Des incitations à protéger la forêtDe nombreuses agences de développement, dontla DDC, misent plutôt sur des stratégies décen-

L’effet de serreL’atmosphère terrestre re-tient une partie de la cha-leur renvoyée par le sol.Cet effet de serre naturelest provoqué par la vapeurd’eau et par des gaz telsque le dioxyde de carbone(CO2), le méthane ou leprotoxyde d’azote (gaz hi-larant). Il augmente de plusde 30 degrés la tempéra-ture terrestre, qui serait de-18 degrés s’il n’y avaitpas d’atmosphère. C’estce phénomène qui rend lavie possible sous sa forme actuelle. La concentrationdans l’atmosphère de gazdits « à effet de serre » atoujours été soumise à des fluctuations naturelles.Mais depuis une centained’années, ces variationssont de plus en plus mas-quées par les répercus-sions des activités humai-nes qui accroissent laconcentration de gaz, cequi renforce l’effet de serre.Voir également la rubrique« Au fait, qu’est-ce que »,p. 25

L’amélioration de notrebien-être passe inévitable-ment par une consomma-tion accrue d’énergie, cequi accélère le changementclimatique. Or, les consé-quences du réchauffementplanétaire sont beaucoupplus graves dans les paysen développement quedans le monde industria-lisé, comme le montrentces deux exemples :Sumatra après le tsunami(en bas, à gauche) et Haïti,un pays périodiquementdévasté par des tempêtestropicales.

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Climat et genreDans de nombreux pays, le changement climatiquefrappe plus durement lesfemmes que les hommes.En Afrique, par exemple,les femmes doivent par-courir des distances tou-jours plus longues pourtrouver de l’eau et du boisde feu, puisque c’est à ellesqu’incombe cette corvéeselon la répartition tradi-tionnelle des tâches. Maisce sont aussi les femmesqui trouvent des réponsesaux situations difficiles : auBangladesh par exemple,elles ont mis au point desfourneaux mobiles afin depouvoir déplacer leur cui-sine dans les collines lors-que l’inondation menace.Ces méthodes pragma-tiques à l’échelle locale risquent d’être annihiléesdans le contexte des négo-ciations actuelles sur laquestion climatique. C’estpourquoi la DDC soutient le réseau mondial « GenderCC – Femmes pour la jus-tice climatique », qui doitnotamment permettre àcinq expertes du Sud departiciper aux négociationsde Copenhague. www.gendercc.net

tralisées qui ont fait la preuve de leur durabilité.Beaucoup de projets réalisés par le passé, notam-ment dans l’agriculture ou la gestion forestière, te-naient compte de l’aspect climatique. Les forêtsremplissent une fonction vitale pour le climat, dufait qu’elles stockent le CO2 durant leur croissan-ce. Mais le déboisement fait actuellement dispa-raître chaque année 13 millions d’hectares de fo-rêts – soit des superficies équivalentes à la Grèceou au Nicaragua. Cela libère 2 milliards de tonnesde carbone sous forme de CO2.Pour juguler ces pertes, l’ONU a lancé le Pro-gramme pour la réduction des émissions provenantde la déforestation et de la dégradation des forêts(Redd). Son but est d’associer la protection des fo-rêts et celle du climat. L’idée est d’attribuer unevaleur économique à la forêt, en tant que puits decarbone, et de permettre aux pays qui la protègentactivement de monnayer ces efforts sur le marchéinternational. C’est ainsi que la Suisse et l’Alle-magne soutiennent conjointement, dans le cadredu Redd, un projet pilote du gouvernement mal-

gache dont le but est d’encourager le reboisementet l’entretien de forêts sur l’île à l’aide d’incitationsfinancières.Ce n’est pas une approche nouvelle que d’utiliserdes instruments propres à l’économie de marchépour promouvoir la coopération internationale enmatière de protection du climat : le Protocole deKyoto autorise déjà les pays industrialisés à com-penser leurs émissions excédentaires de CO2 ensoutenant des projets de protection du climat oude la forêt dans des pays du Sud. Ce Mécanismede développement propre (MDP) devrait égale-ment assurer le financement des mesures néces-saires par les principaux responsables du problè-me et accélérer le transfert de technologie ainsique la mise en place d’une économie respectueu-se du climat dans les pays du Sud.

L’écueil des bénéfices immédiatsMalheureusement, les résultats se font attendre :beaucoup des projets financés dans le cadre duMDP n’ont guère apporté de progrès en termes

Changement climatique

Chaque année, le déboise-ment fait disparaître 13millions d’hectares de fo-rêts et libère 2 milliards detonnes de CO2. Les Étatsqui protègent activementleurs forêts doivent avoirdésormais la possibilité de monnayer ces efforts.

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Ces efforts, entrepris partout dans le monde, sontcependant en flagrante contradiction avec ce quise passe réellement : pour les milieux économiqueset politiques, la recherche de bénéfices immédiatsreste souvent prioritaire – au détriment d’un dé-veloppement durable et axé sur le long terme.C’est pourquoi les émissions de CO2 ont conti-nué d’augmenter l’année passée, par exemple.Pour restreindre autant que possible les coûts fu-turs du réchauffement climatique, il serait indis-pensable d’adopter des approches courageuses tantlocalement qu’à l’échelle planétaire. Cela ne sem-ble pas être le cas, alors même que se prépare laconférence de Copenhague qui doit jeter les basesd’une politique climatique équitable et durable. �

(De l’allemand)

de protection du climat. Il faudra adopter de nou-velles dispositions, plus sévères, pour éviter que lespollueurs riches s’achètent des crédits peu coûteuxsur le marché des droits d’émission (voir page 25)aux dépens du climat et des pays pauvres, et qu’ilsréalisent même des bénéfices dans certains cas.Cela suppose toutefois que l’on trouve un consen-sus international sur la manière de protéger dura-blement le climat mondial, par des méthodes à la fois efficaces et socialement équitables. Il s’agitd’une part de limiter l’augmentation des émissionsde gaz à effet de serre, d’autre part d’atténuer lesdégâts inévitables engendrés par le changementclimatique. La communauté internationale s’em-ploie actuellement à maîtriser cette problémati-que globale en instaurant une réglementation adé-quate.

De Rio à CopenhagueLe Sommet de la Terre, organisé par l’ONU en 1992

à Rio, a dessiné les contours d’une politique clima-

tique mondiale en adoptant la Convention-cadre sur

les changements climatiques. Cet accord internatio-

nal a pour objectif de stabiliser les concentrations de

gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau

« qui empêche toute perturbation anthropique dan-

gereuse du système climatique ». Son article 3 stipule

qu’il incombe aux parties de « préserver le système

climatique dans l’intérêt des générations présentes

et futures, sur la base de l’équité et en fonction de

leurs responsabilités communes mais différenciées

et de leurs capacités respectives ».

Quant au Protocole de Kyoto, adopté en 1997, il dé-

finit les mesures qui doivent être prises notamment

par les nations industrialisées durant la première

période d’engagement 2008-2012. Mais ce texte

n’a jamais été signé par les États-Unis, qui ont émis

jusqu’ici plus de CO2 qu’aucun autre pays. L’étape

suivante consiste à adopter une nouvelle convention,

afin que la politique climatique mondiale soit basée

sur des engagements réciproques. Cet accord sera

négocié lors du sommet de l’ONU sur le climat,

du 7 au 18 décembre prochain à Copenhague. Les

points particulièrement délicats qui restent à régler

sont le niveau des réductions d’émissions, la manière

d’y associer les pays émergents, ainsi que la concré-

tisation d’un système de calcul universellement ac-

cepté pour les coûts et les résultats de la protection

du climat.

Pour en savoir plus à propos du Sommet mondial surle climat, à Copenhague : www.unfccc.int

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Émissions de gaz à effet de serre

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Une mine d’informationsLe site Internetwww.climate-l.org estd’une grande utilité pourtous ceux qui s’intéressentaux activités menées au niveau international en matière de réchauffementplanétaire et de préserva-tion du climat. Placé sousla responsabilité del’Institut international dudéveloppement durable(IIDD), il fournit une multi-tude d’informations et dedocuments concernantprincipalement des projetsde l’ONU, des conféren-ces, des déclarations etdes publications qui trai-tent du changement clima-tique. Ce matériel, destinéau grand public, est actua-lisé chaque jour. La plate-forme est financée par les organismes qui sont à l’origine de sa création, àsavoir la DDC, le ministèrebritannique des affairesétrangères et l’IIDD.www.climate-l.org

(gn) Depuis peu, un spécialiste du climat travailleà l’ambassade de Suisse à Pékin. Mandaté par laDDC, il soutient et accompagne sur place des pro-jets innovants dans le domaine de l’énergie, quicontribuent à préserver le climat. Le bureau de lacoopération suisse à New Delhi compte désor-mais, lui aussi, un responsable des questions cli-matiques. En revanche, la DDC a réduit les autresformes d’aide à l’Inde qui ne fait plus partie de sespays prioritaires.« Les pays émergents jouent un rôle clé dans notreprogramme global Changement climatique », sou-ligne Anton Hilber, coresponsable de ce program-me à la DDC. La présence d’experts sur le terrainest bien entendu liée à l’augmentation fulgurantedes émissions de gaz à effet de serre dans ces deuxpays, ce qui fait d’eux de gros pollueurs. Mais elletient surtout au fait que, avec un appui ciblé duNord, la Chine et l’Inde peuvent devenir les fersde lance d’une politique climatique durable au ni-veau régional.

Partenariats climatiques équitables Un autre pilier du programme global est l’enga-gement de la DDC, tant au niveau national qu’in-ternational, en faveur de partenariats climatiques

équitables et d’une réglementation favorisant undéveloppement durable et respectueux du climat.La plupart des activités menées jusqu’ici par laDDC, par exemple dans l’agriculture, la sylvicul-ture ou la promotion des petites entreprises, ré-pondaient déjà aux exigences d’un bilan clima-tique positif.Dorénavant, toute activité de développement seraévaluée à l’aune de son impact sur le climat : dansla lutte contre la pauvreté, tant la capacité d’adap-tation au changement climatique que l’accès à desénergies propres et durables constituent de nou-veaux critères importants. Le programme met éga-lement l’accent sur la protection et la préservationd’écosystèmes vitaux ainsi que sur la préventionde conflits dus au climat.« Dans la coopération au développement, le chan-gement climatique ne doit plus être un aspect par-mi d’autres du dossier environnemental », affirmeAnton Hilber. Le lancement du programme glo-bal Changement climatique, qui dispose d’un bud-get de 20 millions de francs pour multiplier les ef-forts de la DDC en la matière, illustre clairementce credo. �

(De l’allemand)

Changement climatique

Le climat intégré dans tous les projets

La DDC a lancé un programme global pour soutenir des projetsénergétiques et des mesures d’adaptation au changement cli-matique dans les pays émergents, tels que l’Inde et la Chine. Elleencourage par ailleurs la conclusion de partenariats climatiqueséquitables à l’échelle mondiale et tient compte ainsi, au-delà dela coopération classique, de l’urgence de ce problème.

L’accès à des sourcesd’énergie propre et du-rable – comme ici au Mali– constitue pour la DDC un critère central de lalutte contre la pauvreté

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Un seul monde: Comment voyez-vous votrerôle de scientifique dans l’élaboration de lafuture politique mondiale en matière de cli-mat ?Thomas Stocker : En tant que chef du Départe-ment de physique climatique et environnementalede l’Université de Berne, je suis chargé d’assurer une recherche scientifique de qualité. Et en tant quevice-président du groupe de travail « Science » duGIEC (voir en marge), il m’incombe de présenterles connaissances scientifiques actuelles de telle sorte que les décideurs disposent de repères à la foisfiables et intelligibles sur le changement climatique.

Quelle est la plus grande menace, selon vous ?Le quatrième rapport du GIEC a démontré claire-ment que le réchauffement climatique déclencheune série de réactions en chaîne. Diverses étudesnous ont appris que les écosystèmes s’adaptent dif-ficilement à une élévation rapide des températures.Je suis personnellement convaincu depuis un cer-tain temps que les transformations subies par le cyclede l’eau sont celles qui auront les répercussions lesplus étendues : le réchauffement accélère ce cycle,entraînant une évaporation plus rapide de l’eau dansles zones arides. Les régions qui souffrent déjà de

sécheresse deviendront encore plus sèches et il pleu-vra davantage dans les zones humides.

Le cinquième rapport du GIEC doit paraîtreen 2013. Qu’apportera-t-il de nouveau ?On attend de la recherche des données encore plusprécises et d’autres résultats sur divers sujets. Pourde nombreuses régions côtières, il est vital de savoirà quel point le niveau de la mer va monter. Pour leprévoir, nous devons mieux comprendre commentles calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarc-tique vont évoluer dans un environnement qui seréchauffe.Le mécanisme des changements climatiques régio-naux est un autre thème qui nous tient particuliè-rement à cœur, en tant que chercheurs: la sciencen’arrive toujours pas à établir des corrélations entrecertains phénomènes locaux – tels que la série desécheresses estivales en Espagne – et le réchauffe-ment climatique global. Pour que des décisions po-litiques soient prises au niveau local, il faudra prou-ver que l’assèchement du puits dans votre proprejardin est lié au changement climatique planétaire.On est plus enclin à prendre des mesures pour pro-téger le climat si cela nous touche directement etsi les pollueurs sont clairement identifiés.

Cela fait vingt ans déjà que Thomas Stocker, professeur de phy-sique climatique, étudie la corrélation entre les concentrationsde gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’augmentation glo-bale de la température. Membre du Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il en coprési-de le groupe de travail chargé des aspects scientifiques. De Gabriela Neuhaus.

« Nous avons perdu énormément de temps »

Thomas Stocker a étudiéla physique environnemen-tale à l’École polytechniquefédérale de Zurich. Dès les années 80, il s’est inté-ressé au développementde modèles climatiques efficaces et à l’étude desvariations climatiques ra-pides. Il dirige depuis 1993le Département de phy-sique climatique et environ-nementale de l’Universitéde Berne, leader mondialen ce qui concerne la défi-nition des concentrationsde gaz à effet de serredans l’atmosphère durantles 800 000 dernières an-nées. Pour réaliser cesanalyses, les chercheursbernois utilisent des ca-rottes de glace prélevéesau Groenland et dansl’Antarctique. ThomasStocker fait partie depuis1997 du Groupe d’expertsintergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC).Aux côtés du Chinois QinDahe, il en copréside ac-tuellement le groupe detravail « Science », qui pré-pare le cinquième rapportd’évaluation sur le climatmondial.

Une version longue de l’in-terview de Thomas Stockerse trouve sur le site de laDDC :www.ddc.admin.ch/climat

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En matière de réchauffement climatique, lespays industrialisés passent aujourd’hui pourles principaux coupables. En sera-t-il toujoursainsi ?Il est certain que les pays industrialisés sont res-ponsables du changement climatique à la fois ac-tuel et futur : lorsque j’émets dans l’atmosphère unetonne de CO2, cela produit des effets qui vont du-rer plusieurs siècles. En raison de leur croissance

rapide, les pays émergents portent cependant uneresponsabilité analogue, non pas par rapport au passé, mais à l’avenir. Ils doivent recourir à des tech-nologies innovantes pour éviter de faire, commenous, un détour par des produits inefficaces. S’il fautvraiment que la majorité de la population roule envoiture, des sociétés comme celles de l’Inde ou dela Chine ont intérêt à adopter d’emblée des mo-dèles qui ne consomment que deux litres aux centkilomètres.

Les émissions de CO2 augmentent aujour-d’hui de façon impressionnante dans certainspays en développement ou émergents. Est-cejustifiable ?Leurs émissions par habitant restent beaucoup plusfaibles que les nôtres : la plupart de ces pays se si-tuent nettement au-dessous d’une consommationde 2000 watts par année ; en Suisse, par contre, nousdevons ramener nos émissions de gaz à effet de ser-re à 2 tonnes par habitant, ce qui représente une di-minution de deux tiers. Je ne dis pas que c’est im-possible, mais nous ne pouvons pas nous prélasserdans la situation actuelle. Car il est évident que lesémissions des régions actuellement peu industria-lisées vont augmenter.

Quelles mesures faudrait-il prendre pour li-miter les répercussions du réchauffement cli-matique ?Nous avons besoin de nouvelles technologies et de-vons nous comporter de manière beaucoup plusparcimonieuse à l’égard de toutes les ressources.D’autre part, il faut redéfinir la notion de « qualitéde vie », en donnant si possible la priorité à des cyclesfermés de matériaux et d’énergie.

Combien de temps nous reste-t-il pourconcrétiser des mesures de protection du cli-mat ?Le réchauffement fera disparaître des écosystèmes.Bien des gens ne se rendent pas compte que la viesur Terre dépend de ces écosystèmes qui nous four-nissent jour après jour des prestations gratuites. Laplanète se moque au fond de savoir si nous allonsprendre des mesures, et lesquelles, pour limiter cette dégradation. Cela fait déjà trente ans que lascience dispose de toutes les informations requisespour prendre des décisions. Il aurait été relativementfacile, à l’époque, de limiter le réchauffement à 2degrés au-dessus de la température moyenne pré-valant durant l’ère préindustrielle. Nous avons per-du énormément de temps et cet objectif est au-jourd’hui extrêmement ambitieux. Un seul degréen plus peut avoir de lourdes conséquences. Laquestion est maintenant de savoir combien de dom-mages notre planète surpeuplée est encore capablede supporter. Ce qui est en jeu, c’est une « habita-bilité » que notre comportement réduit commepeau de chagrin. �

(De l’allemand)

Le GIECLe Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évo-lution du climat (GIEC) areçu en 2007 le prix Nobelde la paix, conjointementavec l’ancien vice-présidentdes États-Unis Al Gore.Cette distinction récom-pensait ses efforts en vued’étendre et d’approfondirles connaissances scienti-fiques sur le changementclimatique d’origine an-thropique. Le GIEC a étécréé en 1988 par l’Orga-nisation météorologiquemondiale et par le Pro-gramme des Nations Uniespour l’environnement. Il estrenommé au niveau inter-national pour ses rapportspériodiques d’évaluationsur les changements cli-matiques, qui sont élabo-rés par des experts et sou-tenus par l’ensemble despays. Son quatrième rap-port, paru en 2007, fournitla base des négociationsactuelles sur la politiqueclimatique mondiale. Lecinquième est prévu pour2013.

Changement climatique

À cause du réchauffementclimatique, des régions qui souffrent déjà de sécheresse, comme auBurkina Faso, deviendrontencore plus arides et il pleuvra davantage dans les zones humides,comme au Bangladesh

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(gn) La température monte sur les hauts plateauxdu Pérou et les glaciers se sont mis à fondre. À pre-mière vue, les paysans des Andes ont tout à y ga-gner, car cela signifie que la limite de la végétations’élève. Mais cette évolution présente aussi des in-convénients : les cultures de pommes de terre souf-frent de maladies jusqu’ici inconnues ; les périodessans pluie sont de plus en plus longues et engen-drent des sécheresses ; l’intensité croissante des pré-cipitations et les événements météorologiques ex-trêmes (vagues de froid ou orages violents) ne me-nacent plus seulement les récoltes, mais aussi lasurvie des habitants.Bien sûr, les gens se débrouillent : comme ils l’ontfait depuis des siècles, ils adaptent leurs modes devie aux modifications de l’environnement. Mais cen’est pas suffisant, surtout dans une région où unegrande partie de la population vit toujours en des-sous du seuil de pauvreté. C’est pourquoi la DDCa lancé, en collaboration avec des partenaires péru-viens, un projet qui vise à améliorer les stratégiesd’adaptation.

Prévoir l’évolution du climat« Nous voulons allier le savoir traditionnel et les pré-visions basées sur des connaissances scientifiques »,explique Janine Kuriger, initiatrice et responsable

du projet. Dans quel objectif ? Des modélisations dela situation climatique et la collecte de donnéesscientifiques doivent fournir des prévisions à longterme, sur la base desquelles pourront être élabo-rées des stratégies efficaces d’adaptation. Le projetconsiste donc principalement à créer un systèmed’information qui permettra de prévoir l’évolutiondu climat et donc d’améliorer les moyens de s’adap-ter aux nouvelles conditions.Lancé en été 2008, le projet se limite tout d’abordaux départements de Cuzco et d’Apurimac, où lacoopération suisse est active depuis de nombreusesannées. Ces deux régions ont été choisies parce quela proportion de pauvres au sein de la population yreste élevée et que les fragiles écosystèmes d’altitu-de subissent de plein fouet l’impact du changementclimatique.« Nous entendons diffuser ces expériences localestant au niveau régional que national, et ainsi influersur le dialogue politique », prévoit Janine Kuriger.« Nous espérons bien sûr des résultats rapides, car lemanque d’instruments et de stratégies d’adaptationà l’évolution du climat se fait aujourd’hui cruelle-ment sentir dans le monde entier. » �

(De l’allemand)

La fonte des glaciers menace les paysans péruviens

Les paysans des hauts plateaux péruviens doivent déjà main-tenant adapter leurs modes de culture à l’évolution du climat.Un projet suisse teste les enseignements que l’on peut en tirerpour l’avenir.

L’eau se raréfieL’augmentation de lasécheresse constitue unegrave menace pour la ri-che biodiversité des hautsplateaux péruviens. Auxcôtés de la préventiondes catastrophes et de lasécurité alimentaire, l’eauconstitue dès lors l’unedes trois priorités du pro-jet helvético-péruviend’adaptation aux effets duchangement climatique.L’un des objectifs consis-te, par exemple, à amélio-rer les méthodes d’irriga-tion et de stockage del’eau. Il s’agit égalementd’instituer de nouvellesformes d’organisationdans la gestion de l’eau,afin d’assurer une réparti-tion équitable de cetteressource qui se raréfie.Le projet s’attachera aussià rechercher des variétésde pommes de terre résis-tant mieux à la sécheresse.

Le changement climatiqueperturbe les écosystèmes.Au nombre des effets né-fastes, des maladies jus-qu’ici inconnues apparais-sent dans les cultures depommes de terre.

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Dans le village branché de Doña Delia

Un vaste potentiel à exploiterEn matière d’énergie dura-ble, le Nicaragua recèle unpotentiel énorme : selon les calculs du ministèrede l’énergie, il pourrait pro-duire au total 3000 méga-watts à partir de l’eau(électricité hydraulique), dubois (biomasse), de la va-peur volcanique (géother-mie) et de l’énergie éolien-ne. Aujourd’hui, il exploiteseulement 12% de ce po-tentiel. Le pays produit70% de son énergie à par-tir de combustibles fossi-les. Or, l’importation depétrole pèse lourd sur lesbudgets de l’État et n’estni durable ni rentable. Desurcroît, la demande d’énergie devrait doublerau cours des dix prochai-nes années. Le gouverne-ment a donc décidé de ré-duire la dépendance faceau pétrole de 70 à 46%d’ici 2012 – notamment enencourageant la produc-tion d’électricité hydrauli-que. Dans le même temps,la part de la populationdisposant d’électricité de-vrait passer à 70%.

Près de la moitié des Nicaraguayens vivent sans électricité. Encollaboration avec le gouvernement et d’autres donateurs, la DDC soutient la construction de petites centrales hydro-électriques dans les provinces rurales. Ces usines ne doiventpas seulement fournir de la lumière aux communes reculées,mais aussi attirer des investisseurs. D’Anita Cassese*.Chauffer du charbon pour le fer à repasser, termi-ner les travaux domestiques à la lueur d’une bou-gie ou caresser le rêve impossible d’une limonadebien fraîche ? Pour Delia Valle Ortega, une habitantede Wanawás (nord du Nicaragua), tout cela appar-tient au passé. Depuis deux ans, la petite centrale deBilampí, construite sur la rivière qui traverse lacommune, transforme la force hydraulique en cou-rant électrique. Celui-ci ne sert pas seulement à fai-re fonctionner les fers à repasser et à éclairer les mai-sons.Il ouvre de nouvelles perspectives en matièred’économie, de formation et de santé.Au Nicaragua, 45 pour cent des habitants n’ont tou-jours pas accès à l’électricité, surtout dans les régionsrurales du nord et les provinces de la côte Atlantique.Le pays est l’un des plus mal lotis d’Amérique cen-trale dans ce domaine. En collaboration avec d’au-tres donateurs internationaux, le ministère de l’éner-gie et les communes concernées, la DDC soutientdepuis 2004 la production d’électricité hydraulique.

Respect de l’environnementLes centrales hydroélectriques produisent une éner-gie durable et réduisent les émissions néfastes de gaz

à effet de serre. Les responsables du projet sur pla-ce ont observé que les utilisateurs prennent de plusen plus conscience des problèmes écologiques.Ain-si, ils exhortent les propriétaires de terrains situésdans le bassin d’alimentation d’une centrale à pren-dre soin de la forêt et de la rivière. Ils savent en ef-fet que la pollution ou les déboisements compro-mettent l’approvisionnement en eau et la produc-tion de courant.Dans le village de Doña Delia, la centrale fournitde l’électricité à 380 familles, de sorte que son potentiel de 320 kilowatts est loin d’être épuisé. Leprochain grand défi consistera donc à élargir saclientèle : elle compte sur l’arrivée d’investisseursdans l’artisanat rural et sur l’implantation de nou-velles entreprises, comme des abattoirs ou des me-nuiseries, dont le fonctionnement dépend de lafourniture d’électricité. �

*Anita Cassese est une journaliste libre domiciliée à Ber-ne. Elle a visité ce projet de la DDC dans le cadre d’unstage de formation au Nicaragua.

(De l’allemand)

Changement climatique

La petite centrale hydrau-lique de Bilampí ne fournitde l’électricité qu’à 380 familles, mais elle chercheégalement des clientscommerciaux

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En Afrique, le Mozambique fait figure de modèle : il affiche untaux de croissance impressionnant et poursuit un développe-ment pacifique depuis des années. Cela n’allait pas de soiaprès la longue guerre civile qui a pris fin en 1992 seulement.Malheureusement, les couches les plus pauvres de la popula-tion sont loin de tirer profit de ce « miracle économique ». DeJean-Pierre Kapp*.

Ces dernières années, le Mozambique a reçu for-ce louanges pour son taux élevé de croissance éco-nomique. Depuis 1994, le produit intérieur brut aaugmenté de près de 8 pour cent en moyenne. Legouvernement n’a cessé d’annoncer l’arrivée denouvelles grandes entreprises qui se mettent à ex-ploiter les matières premières ou qui s’installentdans le pays pour bénéficier des conditions d’in-vestissements fort attrayantes. Même en cette pé-riode de récession mondiale, le Mozambique peutencore compter sur une croissance de plus de 5pour cent.L’entreprise Mozal a construit près de Maputol’une des plus grandes fonderies d’aluminium duMozambique. On exploite désormais des gise-ments de gaz au centre du pays. Dans le nord, des

travaux sont en cours pour extraire du charbon etdes sables minéraux contenant du titane. La cultu-re de canne à sucre a également stimulé l’écono-mie. Dans les prochaines années, le Mozambiquedevrait en outre commencer à produire des bio-carburants.Ces résultats impressionnants ne parviennent tou-tefois pas à occulter le fait que la majeure partie dela population vit toujours dans la pauvreté. La plupart des Mozambicains sont des paysans et ilsproduisent juste de quoi subsister. Au cours des dernières années, de nombreux habitants des cam-pagnes ont émigré vers les grandes villes dans l’espoir d’y trouver une existence meilleure. La plupart ont dû déchanter, car il n’y a pratiquementpas d’emplois.

« Nous avons la liberté,mais à peine de quoi vivre »

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suit : « Les affaires vont mal ; les clients n’ont presquepas d’argent. De plus en plus de gens quittent lacampagne pour venir chercher du travail en ville.S’ils n’en trouvent pas, ils dressent un étal au mar-ché. Certes, le gouvernement du Frelimo (Frontde libération du Mozambique) nous a apporté lapaix, mais nous ne profitons en rien de la crois-sance. La vie est toujours plus chère et si on tom-be malade, il faut verser des pots-de-vin pour sefaire soigner à l’hôpital. »Dans le fond,Arone Machava admet que les chosesne vont finalement pas si mal. Le gouvernementdu Frelimo a fait en sorte que l’école soit gratuitejusqu’à la fin du cycle primaire et que les gens aientassez à manger. Cependant, rares sont ceux quijouissent d’une bonne situation.Ces propos sont confirmés par Aida Finias, 30 ans,qui tient une cuisine dans le marché des « Barracasdo Museu », un quartier plus aisé de la ville. Ellen’a rien perçu d’un quelconque essor économique.Elle ne profite pas du tout de la prospérité et duluxe qui règnent dans le centre commercial de Po-lana, à quelques centaines de mètres de son échop-pe. « Ceux qui ont de l’argent, explique-t-elle, neviennent pas se perdre dans les ruelles étroites desBarracas. » Mais Aida n’a pas abandonné tout espoir.Ses deux fils étant scolarisés, elle espère que plustard la vie leur sourira. En attendant, la situation nes’est améliorée que pour une petite partie de la po-pulation. Depuis quelques années, seuls les milieuxproches de la direction du parti et du gouverne-ment vivent dans l’aisance.

La liberté, la paix et l’école gratuite, maispas d’argent« Nous avons la liberté, mais à peine de quoi vivre »,explique Arone Machava, avec un sentiment defrustration. Âgé de 32 ans, il vend des chaussureset des vêtements usagés dans la partie informelledu grand marché de Xipamanine, à Maputo.Aprèsavoir avalé une gorgée de bière au goulot, il pour-

Mozambique

Le sida ne fléchit pas L’épidémie du sida sévittoujours au Mozambique,comme dans les autrespays d’Afrique australe.Selon le Programme com-mun des Nations Unies surle VIH/sida (Onusida), envi-ron 12,5% de la popula-tion mozambicaine estporteuse du virus et la tendance est à la hausse.Le taux est légèrementsupérieur à 16% parmi lapopulation sexuellementactive. Ces dernièresannées, l’accès aux médi-caments appropriés s’estcertes amélioré, mais il de-meure relativement faible,puisqu’un peu plus de30% des malades bénéfi-cient d’un traitement. Avec100 000 victimes par an, lamortalité due au sida resteélevée, mais elle sembles’être stabilisée à ce ni-veau au cours des derniè-res années. Comme dansd’autres pays de la région,la propagation du virus estprobablement imputable àl’insuffisance des mesuresde prévention et à l’exclu-sion sociale des maladesdu sida. Dans les régionsrurales en particulier, oncontinue à associer cettemaladie à la sorcellerie.

Encore une moitié de pauvresArone et Aida expriment l’avis de nombreux Mo-zambicains. Jusqu’ici, rares sont ceux qui ont pro-fité de la croissance économique. Depuis 1992, legouvernement de Maputo a pacifié le pays. Avecl’aide des bailleurs de fonds occidentaux, il est par-venu à réhabiliter la plupart des infrastructures dé-truites par la guerre de libération et la guerre civile.

Plusieurs millions de réfugiés et de personnes dé-placées ont pu retourner dans leurs villages, où ilstravaillent à nouveau la terre. Grâce à ces résultats,la proportion de la population vivant dans unegrande pauvreté est passée de 70 à 54 pour cent,la production agricole a légèrement augmenté etle taux d’analphabétisme a diminué.Malgré tout,Arone et Aida ne sont pas les seuls àtrouver que les choses n’ont guère changé. Ce sen-timent s’explique sans doute par le fait que 54 pourcent de la population, cela représente encore beau-coup de monde. Et pourtant, le gouvernement aabaissé le seuil de pauvreté à un niveau inférieur àcelui fixé par l’ONU, qui est d’un dollar par per-sonne et par jour. En appliquant le critère onusien,les Mozambicains vivant dans la pauvreté seraientplus nombreux encore. De plus, beaucoup d’entreeux sont touchés par l’épidémie de sida, qui conti-nue à faire des ravages et entrave le développementdu pays.

Promouvoir la création d’entreprises Il convient de préciser aussi que les taux de crois-sance impressionnants sont surtout dus à la réali-sation de quelques projets d’envergure mention-nés plus haut. Ceux-ci mobilisent certes de grandessommes d’argent, mais ils ne créent guère d’em-plois. De surcroît, la plupart des prestations, des ma-tériaux et des machines nécessaires sont importésd’Afrique du Sud. Enfin, les entreprises chargéesdes travaux ne paient pratiquement pas d’impôts,parce que le gouvernement mozambicain a tout

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Deux destins imbriquésLe destin du Mozambiqueest étroitement lié à celuide son puissant voisin.L’Afrique du Sud est lepremier importateur de biens et de servicesmozambicains, puisqu’elleen achète 41,4%. Elle estaussi l’un des pays qui exportent le plus vers leMozambique. Ses mar-chandises dominent large-ment sur les rayons dessupermarchés de Maputo.Les grandes entreprisesmozambicaines importentd’Afrique du Sud pratique-ment tous les biens, ma-chines et services dont elles ont besoin. Le grandpays voisin est aussi leprincipal investisseur auMozambique : presquetous les fonds étrangersinvestis dans le développe-ment de l’agriculture com-merciale et dans le secteurdu tourisme proviennentdu Cap. Enfin, l’Afrique duSud est également un em-ployeur de premier plan :selon les estimations, quel-que 300 000 Mozambicainsy travaillent, dont 30 000 légalement dans les mineset 270 000 illégalement en tant qu’ouvriers occa-sionnels ou marchandsambulants, principalementdans l’agglomération deJohannesburg.

mis en œuvre après la guerre civile pour relancerla machine économique.En revanche, le secteur des petites et moyennes en-treprises, qui joue un rôle crucial pour le dévelop-pement, ne s’est toujours pas reconstitué. Le Mo-zambique n’a donc pas vu émerger une nouvelleclasse moyenne, indépendante des milieux diri-geants, relève l’économiste Carlos Nuno Castel-Branco. C’est pourquoi le directeur de l’Institutd’études sociales et économiques préconise d’uti-liser autrement l’argent des pays donateurs.Jusqu’ici, l’appui des États occidentaux a surtout prisla forme d’aides budgétaires destinées à la recons-truction des secteurs de la santé et de l’éducationainsi qu’à la réhabilitation des infrastructures. « Main-tenant, nous avons besoin de ressources afin de pro-mouvoir la création d’entreprises et la formation »,explique M. Castel-Branco. Pour stimuler le déve-loppement, il importe qu’une partie des biens etdes services consommés au Mozambique soientproduits sur place. La création d’entreprises localespermettrait aussi au pays d’être moins dépendantde l’exportation de matières premières.

Corruption et abus de pouvoirPour favoriser l’émergence d’entreprises, il ne fautpas seulement de l’argent, mais aussi des réformes.L’État doit, par exemple, simplifier les procéduresrégissant la fondation de sociétés. Les petites en-treprises doivent également bénéficier d’un meil-leur accès au crédit. En effet, les grandes banquessont très réticentes à octroyer des prêts en l’absen-ce de garanties suffisantes. Enfin, il importe ausside lutter contre la corruption et le népotisme quisévissent au Mozambique. Les principaux secteursde l’économie sont contrôlés par les dirigeants duFrelimo et leurs familles. Les gardiens de l’ordre,les fonctionnaires et les juges ont tendance à abu-ser sans scrupules de leur pouvoir. « Les policiersnous rackettent chaque fois qu’ils en ont l’occa-sion », se plaint Arone Machava.Il serait aussi bon qu’un peu de sang neuf vienne

animer la vie politique mozambicaine, sur laquellele Frelimo règne sans partage. Depuis quelques an-nées, l’influence du parti d’opposition, la Résistancenationale du Mozambique (Renamo), s’est en ef-fet amenuisée.Au cours des derniers mois, la for-mation d’Afonso Dhlakama a perdu quatre des cinqmunicipalités et mairies qu’elle détenait encore.Certes, des irrégularités ont apparemment entachéles élections, mais la défaite de la Renamo seraitaussi à mettre sur le compte de la personnalité deson chef qui ne tolère aucune contestation.

Une lueur d’espoirVu la faiblesse de l’opposition, le Frelimo et le pré-sident Armando Guebuza ont toutes les chances deremporter les élections parlementaires et présiden-tielles qui se dérouleront en octobre 2009. Ils se-ront ensuite encore moins enclins à entreprendreles réformes que les pays donateurs ont jusqu’iciréclamées en vain.Une lueur d’espoir subsiste néanmoins, car unetroisième formation vient de faire son entrée surla scène politique. Exclu de la Renamo en 2008,le maire de Beira Daviz Simango avait été brillam-ment réélu à ce poste en tant que candidat indé-pendant. En mars dernier, il a fondé son propre parti, le Mouvement démocratique du Mozam-bique (MDM), et se présentera à l’élection prési-dentielle. Le MDM devrait remporter une part nonnégligeable des voix aux élections parlementaires.Cependant, il a peu de chances d’ébranler la positiondominante du Frelimo.Arone Machava ne se faitpas d’illusions à ce sujet : « Il faudra encore quelquesannées avant que les choses ne bougent vraiment. » �

* Jean-Pierre Kapp a été pendant de longues années cor-respondant de la NZZ en Afrique australe. Depuis leprintemps dernier, il travaille à Genève en tant que jour-naliste libre.

(De l’allemand)

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Un seul monde No 3 / Septembre 2009 19

(bf ) Pour le Mozambique, la Suisse est bien plusqu’un pays donateur parmi d’autres, notammentparce qu’elle a été l’un des premiers États occi-dentaux à le soutenir. En 2009, la coopération offi-cielle avec ce pays d’Afrique australe fête d’ailleursson 30e anniversaire. Elle témoigne d’un engage-ment à long terme, caractérisé par sa fiabilité, sacrédibilité et sa capacité d’adaptation (voir texteen marge).Si le soutien suisse a initialement pris la formed’une aide humanitaire et de projets dans les do-maines de l’eau et de la santé, le programme s’estau fil du temps adapté à l’évolution de la situationsur place.Ainsi, la Suisse a largement contribué àl’application de l’accord de paix conclu en 1992.Ses efforts ont porté principalement sur la démo-bilisation et la réinsertion d’anciens soldats ainsique sur l’accompagnement du processus électoral.Après les terribles inondations survenues en 2000,elle a fourni des secours d’urgence et une aide àla reconstruction.

Un des principaux pays partenaires de laSuisseAvec un budget annuel de 30 millions de francs,financé conjointement par la DDC et le Secréta-riat d’État à l’économie (Seco), le Mozambiqueoccupe aujourd’hui une place de choix dans la co-opération suisse au développement. Le program-me couvre trois domaines interdépendants – dé-veloppement économique, santé et gouvernancelocale –, dans lesquels les activités s’inscrivent aus-

si bien au niveau national que local. D’une part,la Suisse finance des projets réalisés en collabora-tion directe avec la population rurale dans les pro-vinces les plus pauvres (Nampula, Cabo Delgadoet Niassa), toutes situées au nord du pays. D’autrepart, elle fournit une aide budgétaire générale.Dans ce cadre, elle appuie des projets au niveaunational, d’entente avec le gouvernement central,et elle participe avec 18 autres donateurs à un dia-logue intersectoriel sur les efforts de développe-ment du pays.La promotion du développement économiquecomprend, à l’échelle nationale, l’aide budgétaire,la réforme du système fiscal et l’encouragementdu secteur privé.Au niveau local, la Suisse réalisedes projets ayant trait à la microfinance et à la dé-centralisation fiscale.Dans le domaine de la santé, la Suisse soutient desprojets de services « de proximité » destinés à pro-mouvoir des soins de santé directement accessiblesaux communautés. Les activités sont menées aus-si bien avec la population locale qu’en collabora-tion avec des organisations non gouvernementalesmozambicaines et suisses.En matière de gouvernance locale, les activités s’ar-ticulent autour du processus de décentralisation.Dans ce domaine, les projets ont pour but d’assu-rer l’accès de la population à l’eau potable, de ga-rantir des processus de participation dans les com-munes, de renforcer la société civile et de décen-traliser les structures dans les districts. �

La Suisse et le Mozambique Fiabilité, crédibilité et capacité d’adaptation

Mozambique

Trente ans de coopérationSaviez-vous que leMozambique compte prèsde quatre-vingts ethnies etplus de quarante langues ?Que le pays n’est indépen-dant que depuis 1975 etqu’en l’espace de deuxdécennies, il a traversé une terrible guerre civile et connu deux profondschangements de système(passant d’abord du colo-nialisme au socialisme,puis du socialisme au capi-talisme) ? Ou encore que la coopération avec leMozambique constitue uncas exemplaire dans l’his-toire de l’aide au dévelop-pement ? Et que la Suissey a apporté une contribu-tion non négligeable ? À l’occasion du 30e anni-versaire de la coopérationavec le Mozambique, laDDC et le Seco publientune brochure intituléeSuisse – Mozambique : 30 ans de coopération bilatérale de 1979 à 2009.Loin d’être un exercice d’autocongratulation, cedocument réunit une fouled’exemples, d’auteurs etde chiffres qui illustrent demanière convaincante,mais aussi avec un espritcritique, l’évolution d’unecoopération ayant connudes hauts et des bas. La brochure donne égale-ment la parole à d’émi-nents acteurs de la sociétémozambicaine et à desvoix critiques, comme celledu biologiste et écrivainMia Couto.Disponible en français, enallemand et en portugais,la brochure peut être commandée par courriel([email protected]) ouen ligne :www.ddc.admin.ch, « Documentation », « Nouveautés et archives »

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Bernardo Tovela, 70 ans,est pêcheur et vit à Bairrodos Pescadores. Il est ma-rié et père de six enfants – quatre d’entre eux sontdomiciliés en dehors deMaputo et deux vivent en-core avec leurs parents. Il est arrivé à Bairro aprèsavoir fui les ravages de laguerre civile qui opposaitl’armée gouvernementale àla Renamo. Ces dernièresannées, Bernardo Tovela aété obligé de se concen-trer sur d’autres activitésque la pêche pour faire vi-vre sa famille. Il s’est lancédans l’agriculture et a ou-vert un petit commerce deboissons. Tout en sachantque c’est une activité frus-trante et difficile, il prendencore la mer de temps entemps. La pêche est de-venu son violon d’Ingres.

Des pêcheurs victimes du changementclimatique

Mozambique

Je vis à Bairro dos Pescadores, un village proche deMaputo, depuis que j’ai quitté le district voisin deMarracuene, en 1980, pour fuir la guerre civile.Lorsque je suis arrivé ici, il n’y avait pratiquementpersonne, car l’endroit était dépourvu de toute in-frastructure de base : ni eau potable, ni dispensaire,ni école, ni marché. La ville se cachait derrière lesdunes et des barrières de protection se dressaientsur la côte.

Peu à peu, les lieux se sont peuplés. Des gens sontvenus d’autres régions, fuyant la guerre qui faisaitde plus en plus de ravages dans tout le pays. Àl’époque, Maputo offrait une certaine sécurité, carc’était la capitale. Ce village a été fondé par des pê-cheurs. La plupart d’entre eux doivent pêcher poursurvivre, mais ce métier n’est plus rentable. Il neme permet pas d’assurer joie et bonheur à ma fa-mille.

Il y a plus de 29 ans que je pêche. Si j’avais pu, j’au-rais appris un autre métier. Depuis quelques années,les prises ont considérablement diminué, tant pourles petits pêcheurs que pour les bateaux industriels.Les eaux se réchauffent, poussant les poissons à seréfugier dans des zones plus profondes, où nous nepouvons pas les atteindre.Au moins 250 pêcheursvivent ici et chacun possède son propre bateau.Mais aucun ne peut se vanter de faire vivre sa fa-mille. Les autorités nous disent que c’est à causedu changement climatique. Nous le sentons dansnotre ventre lorsque la nuit tombe et nous souf-frons quand nos enfants demandent quelque cho-se à manger, avant de partir pour l’école. Les ca-

tastrophes de ces dernières années sont effective-ment un signe inquiétant de ce phénomène. Ceuxqui nous gouvernent devraient s’y attaquer de toute urgence. Ils ne peuvent plus rester indifférentset inactifs.

Je voudrais que le gouvernement et les gens debonne volonté nous apprennent à gérer ce chan-gement et à nous y adapter, qu’ils nous aident àtrouver d’autres moyens de subsistance que lapêche, devenue improductive et dangereuse.

La sécheresse et l’érosion côtière s’aggravent dansnotre pays. Bairro dos Pescadores est le type mêmedu village où l’érosion devrait être prise au sérieux.Il faut d’urgence entreprendre quelque chose pouren éviter les conséquences catastrophiques. Lesmauvaises expériences du passé devraient nouspousser à prendre sans attendre des mesures pourprotéger l’environnement, la population et les in-frastructures.

Les inondations de 2000, qui ont dévasté des ré-gions entières dans le nord, ont montré à quel pointil est important pour le Mozambique de s’attaquersérieusement au problème du dérèglement clima-tique. Ici, à Bairro, cette catastrophe a accélérél’érosion côtière et nombre de maisons ont dispa-ru sous les eaux, car elles étaient trop proches desrivières. Les violents orages de 2007 n’ont faitqu’accroître les dégâts. C’est la première fois, demémoire d’homme, que la mer a franchi les dunes.

L’eau salée et la sécheresse ont causé de sérieux dé-gâts aux cultures. Les petits propriétaires ont étéobligés d’acheter de la nourriture. Certains se sonttournés vers la pêche, déjà mal en point, d’autressont obligés de parcourir de longues distances pourcultiver des terres à l’intérieur du pays. Bairro, toutcomme le reste de la région de Maputo, a été lethéâtre d’émeutes causées par la hausse des prix dela nourriture et des transports.

Bref, mon village illustre bien à quel point le chan-gement climatique affecte la vie des gens et aggra-ve la pauvreté parmi les habitants de Maputo. �

(Propos retranscrits par Egidio Vaz Raposo – texte tra-duit de l’anglais)

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Un seul monde No 3 / Septembre 2009 21

Dès ce printemps, le choix du thème de la DDCpour 2009 s’est imposé de lui-même : l’année se-rait placée sous le signe de la crise économique etfinancière. Celle-ci dicte actuellement l’agenda po-litique suisse et la population en ressent toujoursplus fortement les effets.

La crise a quelque peu repoussé au second plan lesgrands défis à long terme qu’affronte la planète :les changements climatiques, la destruction d’éco-systèmes, la pénurie de denrées alimentaires, d’eau,d’énergie. Le présent numéro d’Un seul mondeconsacre son dossier au réchauffement climatique,avec ses interactions, ses répercussions et les ré-flexions qu’il suscite.

Le récent rapport de la Commission sur les chan-gements climatiques et le développement, intituléClosing the gaps, met en évidence le point névral-gique de cette problématique : les causes et les ef-fets des changements climatiques sont à des mil-liers de kilomètres et à des siècles de distance. Notresystème politique n’y est pas préparé, pas plus quenos principes éthiques (solidarité entre généra-tions). Les médias n’ont pas non plus l’habitude deréfléchir à aussi long terme.

Comme pour la crise économique, le risque estgrand que l’on se contente d’une gestion au couppar coup au lieu de procéder à des réformes en profondeur. On se concentre sur des mesures ur-gentes et non sur ce qui est important.

Le changement climatique est aujourd’hui unepréoccupation permanente de la DDC. Ce n’estpas une thématique parmi d’autres, mais un enjeuglobal qui concerne tous nos domaines d’activité.La DDC se trouve ainsi confrontée à de nouveauxdéfis.

Il est important de secourir les victimes d’inonda-

tions, d’apporter une aide alimentaire et d’élabo-rer des programmes respectueux de l’environne-ment. Mais cela ne suffira pas pour obtenir des ef-fets durables, susceptibles de combler des distanceset des périodes considérables.

Le défi à relever comporte trois dimensions. La ré-glementation et les institutions existantes au niveaumondial sont insuffisantes – elles doivent être amé-liorées. Il faut prendre des mesures pour réduire lesémissions de gaz à effet de serre. Enfin, il s’agit d’ai-der les pays et les peuples concernés à surmonterles répercussions du changement climatique ; cesoutien serait indispensable même si l’on parvenaità diminuer rapidement les émissions polluantes.Des termes quelque peu abstraits définissent cettetriple tâche : la gouvernance (gestion des affairespubliques), la mitigation (réduction) et l’adaptation.

Le débat sur le changement climatique ne doit tou-tefois pas nous faire sombrer dans un pessimismeapocalyptique.Au contraire, nous devons considé-rer les risques comme une chance et agir à bon es-cient.

Lors du Forum économique mondial, en janvierdernier, le secrétaire général des Nations Unies BanKi-moon a parlé d’un New Deal écologique. Croi-re qu’il y a incompatibilité entre des mesures contrele changement climatique et la relance de l’écono-mie, c’est avoir raté le train du 21e siècle.

Avec son savoir technologique et sa tradition de ré-solution de problèmes, la Suisse a beaucoup à of-frir et encore plus à gagner dans ces domaines. �

Martin DahindenDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Nous avons beaucoup à offrir et encoreplus à gagner

Opinion DDC

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Un seul monde No 3 / Septembre 200922

( jls) Amina a déjà enterré devant sa hutte quatrede ses dix enfants, tous emportés par le sida. Âgéede 74 ans, elle vit avec sa petite-fille de neuf ans.Aurelia, une autre septuagénaire, a perdu sa fille ily a deux ans. Elle partage ses maigres ressourcesavec trois petits-enfants qui n’ont plus de contactavec leur père. Quant à Eufrazia, bientôt centenaireselon son estimation, elle s’occupe de cinq petits-fils, âgés de huit à treize ans, qui l’aident à cultiverun peu de maïs, de haricots et de bananes. De sesonze enfants, seuls quatre sont encore en vie, maisils ne lui donnent plus de nouvelles.Ces trois bibis (terme swahili pour « mémés ») viventà Nshamba, dans le nord-ouest de la Tanzanie, unerégion fortement touchée par le sida. La pandémieles a obligées, comme des millions d’autres grands-mères africaines, à assumer de nouveau des tâcheséducatives. « Nous ne pouvons pas abandonner nospetits-enfants, c’est impossible. En revanche, abso-lument personne ne s’occupe de nous, les vieux.Sauf Kwa Wazee », confie Amina. En l’absence d’unrégime étatique de retraite, les aînés étaient tra-ditionnellement pris en charge par leurs enfants.

Mais cette solidarité familiale ne fonctionne plus,à cause de la pauvreté croissante, des migrations etsurtout du sida qui a décimé la génération desadultes actifs.

Une bouffée d’oxygène

Kwa Wazee (qui signifie « pour les vieux » en swa-hili) est active à Nshamba et dans quatre autres vil-lages du même district. Cette association, fondéepar un coopérant suisse à la retraite (voir texte enmarge), réalise un projet peu courant dans l’aide audéveloppement : grâce à des dons privés collectésen Suisse, elle finance le versement de rentes àquelque 720 personnes âgées particulièrement dé-munies.Environ 90 pour cent des bénéficiaires sont desfemmes, dont la moitié ont des petits-enfants àcharge. Kwa Wazee leur verse une rente mensuel-le de 6000 shillings tanzaniens (5,30 francs) et uneallocation de 3000 shillings (2,65 francs) par en-fant. « Ces sommes très modiques soulagent énor-mément le budget du ménage. Elles correspondentgrosso modo au minimum vital en Tanzanie, qui

Les aînés paient le prix du sidaDans cinq villages de Tanzanie, l’association suisse Kwa Wa-zee verse une rente de vieillesse à 720 personnes particulière-ment démunies. La moitié des bénéficiaires sont des grands-mères qui ont recueilli un ou plusieurs de leurs petits-enfants,orphelins du sida. Ce soutien financier, quoique modeste, aconsidérablement amélioré leur qualité de vie.

Des parrains suissesKwa Wazee a été fondéeen 2003 par le Bâlois KurtMadörin. Auparavant, cetancien collaborateur deTerre des Hommes avaitdirigé durant plusieursannées un projet d’aideaux orphelins du sida àNshamba. Il avait alors prisconscience de la situationextrêmement précaire despersonnes âgées qui sechargent de ces enfants à la mort de leurs parents.Lorsqu’il a pris sa retraite,Kurt Madörin s’est installédans ce village tanzanienet a décidé d’aider lesgrands-mères en leur versant une rente de vieil-lesse. Quelques-uns deses amis ont créé enSuisse une association de soutien qui récolte desfonds auprès de person-nes privées, de commu-nes et de fondations. Lamajeure partie des donsproviennent de « parrains »et de « marraines » quis’engagent à verser régu-lièrement 100 francs parannée. www.kwawazee.ch

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Un seul monde No 3 / Septembre 2009 23

néficiaires interrogés disent aujourd’hui manger àleur faim. Leurs repas sont également plus variés,donc d’une meilleure qualité nutritive. La diffé-rence se fait sentir aussi sur le plan psychologique :les grands-mères ont retrouvé l’estime de soi et repris confiance ; elles ne sont plus tenaillées parl’angoisse de ne pas pouvoir nourrir leurs proté-gés ou payer le matériel scolaire.

Objectif : la rente universelleMalheureusement, le projet ne touche qu’une mi-norité de vieillards. Or, la pauvreté est tellementrépandue dans la région que presque tous les autresauraient également besoin d’aide. « Il serait beau-coup plus judicieux d’accorder une rente à tous àpartir d’un certain âge. Cela éviterait le processusde sélection, qui est forcément subjectif. Mais notrebudget ne nous le permet pas », déplore Stefan Hof-mann.Kwa Wazee espère que les résultats de son enquê-te alimenteront le débat politique en Tanzanie surles mesures à prendre pour lutter contre la pauvreté.Le gouvernement a en effet promis d’assurer d’ici2010 une protection sociale à 40 pour cent des aî-nés. Les auteurs de l’étude recommandent d’intro-duire plutôt une rente universelle, en la limitantdans un premier temps aux personnes très âgées.Le but serait d’abaisser ensuite progressivementl’âge donnant droit à la pension. �

équivaut à environ 20 centimes suisses par jour »,explique Stefan Hofmann, secrétaire de Kwa Wa-zee à Berne.Dans bien des cas, cette rente représente au moins80 pour cent des ressources financières dont dis-posent les bibis. Leurs autres revenus proviennentsoit de la vente des denrées qu’elles cultivent surleur lopin de terre, soit du travail journalier pourd’autres paysans, une activité fort mal rémunérée.Il leur arrive aussi souvent de demander l’aumôneà des voisins.

La cagnotte de crise Si la pension permet d’échapper à la pauvreté ex-trême, elle ne suffit pas à affronter les coups du sort.C’est pourquoi Kwa Wazee a encouragé la créa-tion de groupes d’entraide entre voisins, qui inter-viennent par exemple en cas de maladie, de décèsou de dégâts dus aux aléas de la nature. Chaquemembre prélève un petit pourcentage de sa rentepour alimenter une caisse commune et Kwa Wa-zee double ce montant. Quand une bibi doit êtrehospitalisée, ce fonds de crise sert à payer le trans-port, les médicaments et les soins. Les voisins s’or-ganisent pour lui apporter régulièrement de lanourriture, travailler son champ et prendre soin deses petits-enfants.Avec une contribution financière de la DDC, KwaWazee a évalué en 2007 l’impact de son projet.L’étude a montré que le versement d’une aide enespèces avait sensiblement amélioré la qualité de viede ces familles. Une bonne partie de la rente estconsacrée à l’achat de nourriture. Alors qu’aupa-ravant tous étaient sous-alimentés, la moitié des bé-

Versements cash contre la pauvretéÀ ce jour, très peu de paysafricains ont mis sur pieddes systèmes nationauxde rentes de vieillesse.L’Organisation internatio-nale du travail estime tou-tefois que même un paystrès pauvre est en mesurede financer un modeste régime de retraite. Pour la Tanzanie, le versementd’une petite pension à toutes les personnes deplus de 60 ans représen-terait 1,1% du produit na-tional brut. Ces dernièresannées, quelques paysd’Afrique australe ont dé-cidé de recourir à des ai-des en espèces pour com-battre la pauvreté. Ainsi, laNamibie, le Botswana et leLesotho allouent une tren-taine de francs par moisaux citoyens âgés respec-tivement de plus de 60, 65et 75 ans. Le Mozambique,lui, soutient financièrement70 000 ménages urbainsdirigés par des personnesâgées ou malades. Plu-sieurs études ont montréque de telles aides moné-taires ont un impact trèspositif sur les conditions de vie.

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Un seul monde No 3 / Septembre 200924

(mr) « En Bosnie-et-Herzégovine, le système desanté a fait de grands progrès depuis la fin de laguerre », constate Rose-Marie Henny, cheffe sup-pléante du bureau de la coopération suisse à Sara-jevo. Cette évolution doit beaucoup à un projet fi-nancé par la DDC et mis en œuvre depuis dix anspar la fondation locale FaMi dans les régions deDoboj, Foca,Tuzla et Sarajevo.Auparavant, les personnes malades ou blessées al-laient directement à l’hôpital ou consultaient àgrands frais un médecin spécialiste. Elles n’avaientguère d’autre choix, puisque, dans ce pays, le nom-bre de spécialistes dépassait largement celui des gé-néralistes. Cette politique de santé mal conçueavait pour conséquence une surcharge chroniquedes hôpitaux, un accès difficile aux soins pour lesclasses sociales les plus démunies, ainsi que des coûtsexcessifs.

Mieux exploiter le potentiel humainDans le cadre de la réforme en cours, la Bosnie en-tend revaloriser le travail des médecins de familleet les placer au centre du système de santé. « À cejour, le projet a déjà permis de réhabiliter ou decréer 161 centres de traitement ambulatoire, tenus

par des généralistes, dans les quatre régions cou-vertes. Cela a considérablement facilité l’accès despersonnes vulnérables aux soins de santé de base »,explique Rose-Marie Henny.Instruire le personnel médical constitue un voletessentiel du projet : depuis 1998, plus de 800 mé-decins et infirmières ont suivi une formation enmédecine de famille. L’enseignement met l’accentsur la promotion de la santé et la prévention. Il viseen outre à donner des responsabilités accrues auxinfirmières. Rose-Marie Henny : « Nous avonsconstaté que les médecins sous-estiment souventles aptitudes des infirmières. C’est pourquoi leséquipes ont été formées dans l’idée d’exploiter àfond le potentiel du personnel soignant. » Il va de soi que si les infirmières peuvent assumerelles-mêmes certains actes médicaux et fournir desconseils aux patients, cela décharge les médecinsqui ont ainsi davantage de temps à consacrer auxcas plus difficiles. Un autre volet important du pro-jet est la remise en état des infrastructures médi-cales – hôpitaux et dispensaires – dont une gran-de partie a été détruite par la guerre. �

(De l’allemand)

Une priorité de la politique étrangèrePendant et après la guerre(1992-1995), la Suisse a fourni à la Bosnie-et-Herzégovine des secoursd’urgence et une aide à la reconstruction pour unmontant de 365 millions de francs. À partir de1999, ces activités ont étéremplacées par un soutiende longue durée aux réfor-mes politiques et économi-ques, ainsi qu’à la réconci-liation entre les différentsgroupes ethniques. La participation aux effortsmenés à l’échelle interna-tionale pour stabiliser laBosnie-et-Herzégovine estdevenue une tâche priori-taire de la politique ex-térieure suisse – notam-ment en raison du grandnombre de réfugiés bos-niaques dans notre pays.

Des médecins de famille plutôt que desspécialistes

La Bosnie-et-Herzégovine s’emploie actuellement à renforcerson système de santé. Les médecins de famille sont appelés ày jouer désormais un rôle central. Par ailleurs, un projet finan-cé par la Suisse contribue à rendre les soins plus équitables,plus efficaces et meilleur marché.

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Hausse progressive de l’aide( jtm) À la fin de 2008, le Parle-

ment a demandé au Conseil

fédéral de lui soumettre un pro-

jet en vue de porter progressive-

ment l’aide publique au déve-

loppement à 0,5% du revenu

national brut (RNB) d’ici 2015.

Tenant compte des prévisions

conjoncturelles incertaines, le

Conseil fédéral a décidé le 20

mai dernier d’élaborer d’abord

un rapport à ce sujet. Sur la base

des perspectives économiques

les plus récentes, celui-ci éva-

luera les effets de la hausse de-

mandée sur les finances et sur la

politique de développement. Il

sera remis au Parlement d’ici fin

septembre.

Contribution en faveur de laBulgarie et de la Roumanie(lrf ) Le 5 juin dernier, le Conseil

fédéral a transmis au Parlement

le message concernant le crédit-

cadre pour la contribution à

l’élargissement en faveur de la

Bulgarie et de la Roumanie. La

contribution de la Suisse à la ré-

duction des disparités économi-

ques et sociales se monte à 257

millions de francs, répartis sur

cinq ans. De cette somme, 76

millions de francs sont destinés

à la Bulgarie et 181 millions à la

Roumanie. La mise en œuvre

de la contribution sera assurée

conjointement par la DDC et le

Secrétariat d’État à l’économie

(Seco). Cet argent doit financer

des projets et des programmes

dans quatre domaines princi-

paux : sécurité, stabilité et appui

aux réformes ; développement

humain et social (champs d’ac-

tion de la DDC) ; environne-

ment et infrastructures (Seco et

DDC) ; promotion de l’écono-

mie privée (Seco). La Suisse a

tout intérêt à voir la Bulgarie et

la Roumanie s’intégrer harmo-

nieusement au sein de l’Union

européenne. Son engagement

n’est donc pas seulement un

gage de solidarité, mais favorise

aussi les relations économiques

et politiques avec ces deux nou-

veaux États membres et avec

l’UE.

Égalité des sexes sous la loupe(mqs) Après avoir évalué les me-

sures prises par la DDC pour

promouvoir l’égalité des sexes,

des experts indépendants ont

conclu que la coopération suisse

offre un cadre favorable à cette

thématique. Les domaines d’ac-

tivité abordant les questions de

genre sont des plus variés et,

dans les pays où les rapports de

pouvoir entre les sexes sont très

inégaux, la DDC défend plus

particulièrement les droits des

femmes. Elle pratique aussi le

gender mainstreaming, soit l’appro-

che intégrée de l’égalité.Autre-

ment dit, tous les projets qu’elle

finance tiennent compte de la

dimension de genre et contri-

buent à renforcer l’influence des

femmes. D’autre part, la DDC

s’efforce d’assurer un équilibre

entre hommes et femmes dans

sa politique du personnel. Le

groupe d’experts estime qu’elle y

parvient particulièrement bien :

le programme de promotion de

la relève a privilégié les candida-

tures féminines, la parité est réa-

lisée parmi les responsables de

programmes et les femmes sont

plus nombreuses qu’auparavant

à occuper des postes de cadres.

L’approche intégrée porte aussi

ses fruits dans les pays prioritai-

res. Les experts relèvent toute-

fois des lacunes au niveau de la

définition systématique des ob-

jectifs et des indicateurs lors de

la conception de projets et de

stratégies par pays. La DDC

prévoit de remédier à ces fai-

blesses en examinant l’impact

sexospécifique de chaque nou-

veau projet avant de le financer.

DDC interne

(gn) La possibilité de négocier des certificats d’émission vientd’une idée de John H. Dales. En 1968 déjà, cet économiste ca-nadien proposait d’instaurer un marché de « droits à polluer »,afin de réduire la pollution des eaux par les rejets industriels.Selon ce principe, les autorités politiques sont habilitées à pla-fonner certaines émissions sur un territoire donné et pour uncertain laps de temps. Elles mettent en circulation des certifi-cats qui quantifient le droit de polluer. Ceux-ci peuvent se né-gocier.Ainsi, une entreprise « propre » a la possibilité de gagnerde l’argent en vendant à une autre son quota d’émissions.Ce qui intéresse la politique de développement, c’est le marchémondial des certificats de CO2 instauré par le Protocole de Kyo-to. Alors que les quantités de gaz à effet de serre rejetés par laplupart des pays en développement ou émergents sont large-ment inférieures à la moyenne mondiale, les pays industrialisésdoivent réduire les leurs de manière draconienne. Pour accélé-rer ce processus, des États ou des entreprises peuvent compen-ser le dépassement de leurs quotas en soutenant financièrementdes projets d’énergie durable dans le Sud.Avec le commerce desdroits d’émission, on sait sur quel volume portera la réduction,puisque la limite est fixée par décision politique, mais le coût

Au fait, qu’est-ce que le commerce des droits d’émission ?des opérations dépend des mécanismes du marché.Avec le pré-lèvement d’une taxe sur les émissions, en revanche, la situationest inversée : on connaît les coûts, mais pas l’ampleur effectivede la diminution que cet impôt permettra d’obtenir.

25Un seul monde No 3 / Septembre 2009

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née un quart de ressources de plus que ce que lanature parvient à régénérer.Ce pillage écologique est lourd de conséquences :changement climatique, pénurie d’eau et d’éner-gie, érosion de la biodiversité et crises alimentaires.« La surpopulation est l’une des principales causesde la dégradation de l’environnement », constateEcopop. Pour l’association, il faut stopper la crois-sance démographique et ramener la populationmondiale à un niveau « écologiquement et socia-lement supportable ».Vers la fin du 18e siècle, on se demandait déjà com-bien d’êtres humains la planète pourrait nourrir. Àl’époque, l’économiste britannique Thomas Mal-thus affirmait que la surpopulation menaçait gra-vement l’économie et la prospérité, car la produc-tion alimentaire était loin de pouvoir répondre àla croissance exponentielle de la population. Sesthéories ne peuvent certes plus s’appliquer à la so-ciété contemporaine, mais la question demeure :combien de personnes et d’activités humaines laTerre peut-elle supporter ?Une hausse démographique rapide aggrave lecercle vicieux de la pauvreté et de la faim. C’est cequi a poussé l’Inde et la Chine à prendre des me-sures draconiennes dans la seconde moitié du 20e

siècle. Pour ralentir l’accroissement de sa popula-

Toutes les heures, la population mondiale s’accroîtde 10 000 personnes, car on enregistre 10 000 nais-sances de plus que de décès. La Terre compte au-jourd’hui 6,8 milliards d’habitants et l’ONU pré-voit que leur nombre passera à 9,2 milliards d’ici2050.C’est là l’annonce d’un avenir radieux pour les mi-lieux qui, fondés sur des considérations écono-miques, se réjouissent de toute forme de croissan-ce : une étude de la banque Goldman Sachs voitpar exemple dans la forte hausse démographiquede l’Inde la base d’une prospérité économique àvenir. Et des multinationales comme Syngenta, legéant de l’agro-industrie, n’hésitent pas à exploi-ter cette nouvelle dans leur publicité : « Il faudra pro-duire plus d’aliments pour nourrir le monde. »

Contrôle des naissances en Inde et en

Chine

Leur calcul est simple : du point de vue écono-mique, la croissance démographique engendre unehausse de la consommation. Dans l’autre camp, lesorganisations environnementales, telle l’Associationécologie et population (Ecopop) basée en Suisse,annoncent que la densité actuelle de la populationgrève déjà les ressources vitales des générations fu-tures : nous consommons aujourd’hui chaque an-

Combien d’êtres humains la Terre peut-elle supporter? La population mondiale devrait dépasser 9 milliards d’âmes d’ici 2050. Pourtant, même si les ressources se font rares, ni lacroissance démographique ni la planification familiale ne comp-tent parmi les priorités de la coopération au développement.De Gabriela Neuhaus.

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Santé reproductiveLa notion de « santé sexuelle et reproductive » a vu le jour en 1994, lorsde la Conférence interna-tionale sur la population au Caire. Elle désigne « lebien-être général, tant phy-sique que mental et social,de la personne humaine ».Le plan d’action adoptédans la capitale égyptiennefixait certains principes enla matière. Les program-mes de promotion de lasanté reproductive doiventavoir aussi pour objectif depermettre à toute per-sonne de mener une viesexuelle satisfaisante etsans danger pour la santé,et de garantir à toutefemme la liberté de choisirsi elle souhaite procréer et,si oui, quand et comment.

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tion, l’Inde a lancé des campagnes de stérilisation,surtout parmi les femmes des castes inférieures.Mais elle n’a obtenu que de maigres résultats. LaChine a eu plus de succès avec sa politique de l’en-fant unique : le nombre d’enfants par femme est passé de 6,2 en 1950 à 1,8 aujourd’hui.

Le libre choix est un droit humain Du point de vue des droits de l’homme, il est in-admissible qu’une loi interdise de procréer. De tellesmesures suscitent donc la critique. Cependant, il nefaut pas sous-estimer le fait qu’en Chine, elles ontpermis d’éviter quelque 400 millions de naissanceset donc de freiner l’explosion démographique.« La contrainte et la violence ne servent à rien », dé-clare Alec Gagneux, activiste suisse du développe-ment. « En matière de planification familiale, le librechoix relève des droits humains. Toute personnedisposant des informations et des moyens requischoisira d’elle-même, sans aucune forme de pres-sion, d’avoir moins d’enfants, afin d’améliorer seschances de développement. » Il déplore que la co-opération au développement n’aborde ce problè-

Un seul monde No 3 / Septembre 2009 27

me que dans le cadre de ses activités ayant trait àla santé.En marge de projets qu’il suit en Inde, Alec Ga-gneux a mis au point un système de distributionde préservatifs. Les utilisateurs reçoivent en mêmetemps des informations et des explications sur desmaladies comme le sida et sur la contraception.« L’objectif est d’améliorer la qualité de vie grâce à la prévention », explique M. Gagneux. Des dis-tributeurs ont déjà été installés dans des gares etdans des usines textiles qui approvisionnent deuxentreprises suisses, Migros et Switcher.Ce type d’activités va dans le sens des décisionsprises par la Conférence internationale sur la po-pulation, réunie au Caire en 1994 : pour réduire lestaux de natalité dans les pays en développement, ilfaut améliorer la sécurité humaine et consentir desefforts accrus en matière de santé reproductive.Quoique tous les États y aient souscrit, cet objec-tif s’est d’emblée heurté à des opposants de poids.Ainsi, l’Église catholique combat l’usage du pré-servatif, pourtant essentiel dans la prévention nonseulement du sida mais aussi des grossesses non dé-

Population mondialeSelon les estimations del’ONU, la Terre comptaitquelque 300 millions d’ha-bitants il y a 2000 ans. Vers l’année 1700, ce chif-fre avait doublé et le pre-mier milliard a été atteint en1804. Jusqu’au milieu du20e siècle, la croissance démographique s’estaccélérée, dépassant par-fois 2%, ce qui a provoquéune véritable explosion dela population : le nombred’habitants a atteint 2 mil-liards en 1927 et 6 milliardsen 1999. La barre des 7 milliards devrait être fran-chie en 2012. Bien que lestaux de natalité aient reculépratiquement partout cesdernières années, saufdans les pays en dévelop-pement les plus pauvres, lapopulation mondiale conti-nue de croître. Au début de 2009, elle comptait 6,75 milliards d’âmes et sacroissance se poursuit aurythme de 1,2% par an. Auniveau mondial, le taux denatalité s’élève à 21 nais-sances pour 1000 habitantset le taux de mortalité à 8décès pour 1000 habitants.

Que ce soit en Inde, auxîles Canaries, en Guinéeou au Pérou, la croissancedémographique se traduitpar une demande accruede denrées alimentaires,d’énergie et d’eau.Cependant, l’humanitéconsomme actuellementchaque année un quart de ressources de plus quece que la nature parvient àrégénérer durant le mêmelaps de temps.

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sirées. Sous l’administration de George W. Bush, lesÉtats-Unis ont par ailleurs suspendu leurs contri-butions au Fonds des Nations Unies pour la po-pulation (Fnuap) et à tous les projets de planifica-tion familiale qui ne suivaient pas le précepte del’abstinence.

Un domaine sensible Devant de telles résistances, qui se sont manifestéesaussi dans les pays en développement, la plupart desagences de coopération ont négligé les projetsayant trait à la planification familiale et à la crois-sance démographique. « Il n’est pas toujours faciled’aborder la planification familiale. La plupart despays possèdent leur propre politique, fondée sur desvaleurs locales, et ils n’apprécient guère que nousmenions dans ce domaine des activités qui ne cor-respondent pas à leurs principes », explique Fran-ziska Freiburghaus, spécialiste de la santé à la DDC.Les organismes de développement se doivent néan-moins d’appliquer des stratégies et de mener unepolitique démographique active dans le Sud. Celafait partie de leur cahier des charges : alors que lapopulation diminue dans le monde industrialisé, laplupart des quelque 2,3 milliards d’habitants sup-plémentaires que la Terre comptera d’ici 2050 vi-vront dans les pays les plus pauvres.Or la Société allemande pour la population mon-diale estime que, dans ces pays, une grossesse surdeux n’est pas désirée. Les taux élevés de natalités’expliquent par l’absence d’information, l’éduca-tion insuffisante des femmes et le fait que leur li-berté de choix est restreinte. De plus, des millionsde personnes n’ont toujours pas accès à des moyensde contraception.

Avec le soutien de maris avertis« La croissance démographique est un indicateur de la pauvreté », affirme la Saint-Galloise YvonneGilli, médecin et conseillère nationale. En mars der-

nier, elle a déposé une interpellation au Parlementpour demander que 10 pour cent au moins desfonds destinés au développement soient investisdans la santé reproductive. « L’éducation sexuelle,la planification familiale ainsi qu’un suivi médicalde base pendant la grossesse et à la naissance ne per-mettent pas seulement de réduire la mortalité ma-ternelle et infantile. Ce sont aussi les conditions dusuccès de la lutte contre la pauvreté », affirme-t-elle.Franziska Freiburghaus partage cet avis : « Si nousvoulons atteindre les Objectifs du Millénaire pourle développement, nous devons maîtriser l’accrois-sement de la population. » Pour illustrer l’une desvoies possibles, elle cite les cas du Mozambique etde la Moldavie, où des projets de soins de santé pri-maires sont parvenus non seulement à réduire lamortalité parmi les mères et les nouveau-nés, maisaussi à abaisser les taux de natalité : « Lorsque lesfemmes sont accompagnées, informées et encou-ragées durant la période délicate de la grossesse,elles peuvent ensuite éviter d’autres naissancesqu’elles ne désirent pas vraiment. Si, en plus, ellessont soutenues par des maris avertis, le succès estau rendez-vous. »L’approche paraît judicieuse. Reste à savoir si detelles initiatives suffiront pour empêcher la popu-lation d’atteindre les 9,2 milliards pronostiqués etsi la politique de développement entend effective-ment poursuivre cet objectif. �

(De l’allemand)

Le taux de féconditéLe nombre de naissancespar femme a chuté danspratiquement tous les paysdu monde. En revanche, ils’est accru dans une poi-gnée de pays très pauvresqui se distinguaient déjàpar une forte croissancedémographique. Selon lerapport de l’ONU sur l’étatde la population mondialeen 2008, le nombre d’en-fants par femme est deplus de 7 au Mali et auNiger (la tendance est à lahausse). Il est légèrementinférieur à 7 en Afghanistan,en Ouganda et au Burundi.En revanche, il ne dépassepas 1,44 en Suisse, 1,2 enCorée du Sud et même 1à Hongkong.www.unfpa.org, « State of the world population »

Les taux élevés de nata-lité dans les pays en dé-veloppement – à droite, laSierra Leone – sont dusau manque d’information,à l’éducation insuffisantedes femmes et au fait queleur liberté de choix estrestreinte

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Il y a quelques années, j’ai faitune tournée littéraire enGrande-Bretagne avec d’autresécrivains africains dont laGhanéenne Ama Ata Aidoo,considérée par beaucoup d’entrenous comme la doyenne de lalittérature africaine. Ce fut unvoyage agréable : nous lisions desextraits de nos ouvrages dans des festivals et des librairies ;nous répondions aux questionsde lecteurs enthousiastes.

En arrivant à l’une de ces ré-unions, nous avons été surprisde voir une série d’affiches. Ellesavaient été placardées par uneassociation caritative qui voulaitprofiter de notre présence pourcollecter de l’argent en faveur de l’éducation en Afrique – uneintention tout à fait louable.Nous y avons jeté un rapidecoup d’œil en allant prendreplace sur l’estrade. Les organisa-teurs nous ont alors demandéd’autoriser des membres decette association à prendre la pa-role pour inviter le public à fairedes dons. Cela nous a mis mal àl’aise : nous ne voulions passer nipour des écrivains quémandeursni pour des invités ingrats. Noussommes donc restés muets.

Ama Ata Aidoo a rompu le si-lence en notre nom. « Pourquoi

les gouvernements africainsn’éduquent-ils pas leurs propresenfants ? Pourquoi faut-il comp-ter sur la philanthropie euro-péenne pour que de petitsAfricains soient scolarisés ? »,a-t-elle demandé. Ama AtaAidoo savait parfaitement dequoi elle parlait.Ayant été mi-nistre de l’éducation du Ghana,elle avait compris que la charitédétruit son peuple et le reste del’Afrique. Elle savait que desgouvernements corrompus ins-crivent à leur budget des mon-tants ridicules pour l’éducation,la santé et le développement, ensachant que l’aide internationaleprendra le relais ; en mêmetemps, ils gaspillent des fortunesdans des projets inutiles, sans ou-blier de virer une partie de l’ar-gent sur des comptes secrets enSuisse. C’est parce que toutecette corruption lui était insup-portable qu’Ama Ata Aidoo arenoncé assez rapidement à sonportefeuille ministériel.

J’ai toujours été contre l’aide –surtout alimentaire – fournie par les pays riches. Sauf, bien entendu, en cas de catastrophenationale ou de crise humani-taire. Quand je travaillais dans le développement rural auLesotho, j’ai vu comment l’en-voi régulier de nourriture crée

une mentalité de dépendancedans la population. J’en parledans mon livre When People Play People, paru en 1993 (Zed Books, Londres) : « Lorsde leurs tournées dans les zones rurales, ils [les acteurs de matroupe de théâtre] avaient dé-couvert que les villageois semontraient souvent très réticentsà s’engager dans des projets dedéveloppement s’ils ne rece-vaient pas d’aide alimentaire.Parfois, les habitants refusaientmême de prévenir l’érosion dusol dans leurs propres champs sion ne leur donnait pas de l’huileet du maïs.Au fil des ans, legouvernement du Lesotho et les donateurs avaient mis enplace toute une culture de l’aidealimentaire, qui avait fait naîtreune mentalité d’assistés. »

Mon point de vue, qui se basesur des faits avérés, a été forte-ment contesté par l’industrie del’aide. Dans l’un de mes poèmes,j’ai écrit que l’Afrique est richede ses ressources minières, de seshabitants, de ses forêts et de sesfleuves. Il faut qu’elle se saisissede sa liberté et qu’elle nourrisseses enfants. Dans de nombreuxpays africains, l’aide est devenueun mode de vie plutôt qu’un secours temporaire. Elle paralysel’esprit d’initiative et les ambi-tions des gens. L’aide alimentairetue le paysan africain : comme ilsne peuvent de toute façon pasconcurrencer la nourriture gra-tuite en provenance d’Amériqueet d’Europe, les agriculteurs lo-caux perdent toute motivationde cultiver leurs terres.

Ce n’est pas d’aide dont l’Afri-que a besoin, mais de libre-échange et d’investissements. Cequi la sauvera, c’est de prendreses responsabilités pour échapperà sa situation de dépendance etd’endettement �.

(De l’anglais)

Des écrivains qui demandent la charité

Carte blanche

Zakes Mda (de son vrai nomZanemvula Kizito GatyeniMda) est l’un des écrivains lesplus connus d’Afrique du Sud.Né en 1948, il a grandi àSoweto et au Lesotho. Puis il a émigré aux États-Unis en1963, où il a étudié à l’Univer-sité de l’Ohio. De retour en1995, il devient écrivain en résidence au Market Theatrede Johannesburg. Après avoirécrit surtout des pièces dethéâtre dans les années 70 et80, Zakes Mda se tourne versle roman. Ses œuvres, cou-ronnées par de nombreuxprix, ont été traduites dans diverses langues. Trois de sessept romans ont été publiésen français : Le Pleureur(Dapper, 1999), La Madoned’Excelsior (Seuil, 2004) et Aupays de l’ocre rouge (Seuil,2006). Zakes Mda est aussipeintre, compositeur et ci-néaste. Par ailleurs, il dirige leSouthern African MultimediaAIDS Trust, à Sophiatown(Johannesburg) et élève desabeilles. Enseignant dans desuniversités américaines etsud-africaines, il vit aujour-d’hui entre Johannesburg etl’Ohio.

29Un seul monde No 3 / Septembre 2009

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Réconciliation par la culturedans les BalkansLa fondation Pro Helvetia, qui soutient l’art et la culture en Europe de l’Est de-puis 1990 sur mandat de la DDC, a recentré ses activités sur les pays des Bal-kans occidentaux. Ses projets encourageront désormais la coopération trans-frontalière. Cette nouvelle orientation devrait contribuer à apaiser les tensionsethniques. De Jane-Lise Schneeberger.

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À la chute du communisme, la

coopération suisse est intervenue

d’abord en Europe centrale.

Mandatée par la DDC, Pro

Helvetia a aidé la Pologne, la

Hongrie, la Slovaquie et la

Tchéquie à revitaliser leur vie

culturelle. Puis elle a déplacé ses

activités vers le sud-est du conti-

nent, où la transition démocra-

tique progressait plus lentement.

L’année 2008 a marqué un

nouveau tournant pour le pro-

gramme culturel suisse (plus

connu sous son nom anglais de

Swiss Cultural Programme –

SCP) : après avoir fermé ses bu-

reaux en Roumanie, en Bulgarie

et Ukraine, il se concentre dé-

sormais sur les Balkans occiden-

taux, plus précisément l’Albanie,

la Bosnie, le Kosovo, la Macé-

doine et la Serbie.Toutes ses ac-

tivités s’achèveront en 2012.

Pour cette phase finale, le SCP a

été entièrement restructuré. Pro

Helvetia, qui dirigeait jusqu’ici

les opérations depuis Zurich, a

transféré cette responsabilité à

un bureau régional à Sarajevo

(Bosnie), composé de quatre res-

sortissants de pays balkaniques.

« Ces personnes ont toutes une

expérience professionnelle dans

la coopération internationale.

Nous les soutenons sur le plan

de la gestion stratégique et fi-

nancière, sans pour autant inter-

venir dans le déroulement des

opérations au quotidien », note

Petra Bischof, de Pro Helvetia,

qui assure le relais entre Zurich

et Sarajevo ainsi qu’un appui

technique. Des bureaux locaux

existent encore dans les quatre

autres pays bénéficiaires, mais ils

seront fermés les uns après les

autres.

Apaiser les tensions ethniquesLa régionalisation concerne éga-

lement le contenu des activités.

Les futurs projets de coopération

ne se réaliseront plus au niveau

national, mais impliqueront au

moins deux pays. Cette nouvelle

orientation a été souhaitée par

la DDC dans le but de renforcer

la collaboration transfrontalière.

« Lorsque les gens se parlent,

qu’ils échangent des idées, les

clivages ethniques s’atténuent.

Nous espérons que la produc-

tion d’activités artistiques au ni-

veau régional contribuera à ré-

duire le potentiel de conflits et

facilitera le débat démocratique »,

explique Ralph Friedländer,

chargé de programme à la DDC.

Les ressentiments et les préjugés

ethniques sont encore vifs dans

la région. Ils n’épargnent pas la

sphère culturelle. La galerie

Kontekst, à Belgrade, en a fait

l’expérience l’an dernier : une

centaine de nationalistes serbes

ont attaqué une exposition

qu’elle s’apprêtait à ouvrir et

qui était consacrée à l’art visuel

contemporain au Kosovo. Ils ont

détruit une œuvre représentant

Adem Jashari, un leader de la

guérilla indépendantiste.

Une académie itinérante Sur les onze projets de coopéra-

tion qui sont actuellement sou-

tenus par le SCP, six revêtent

déjà une dimension régionale.

L’un d’eux, « Nomad », appuie

la professionnalisation de la

danse contemporaine. Dans les

Balkans, les chorégraphes se

formaient jusqu’ici sur le tas, en

l’absence de toute école. C’est

pourquoi des organisations spé-

cialisées de six pays de la région

ont créé l’Académie nomade de

danse. Chacune d’elles conçoit

et organise un module de for-

mation de trois semaines. Le

SCP finance ces activités en

Macédoine, en Serbie et en

Bosnie, les trois autres pays ne

faisant pas partie de son rayon

d’action. Les élèves, originaires

de tous les pays participants,

se déplacent d’une capitale à

l’autre. Lors d’un spectacle orga-

nisé à la fin du programme, ils

présentent quelques-unes des

chorégraphies qu’ils ont créées.

Car le projet vise aussi à sensibi-

liser le grand public à la danse

contemporaine et à lui faire dé-

L’Académie nomade de danse ou le projet « Villes créatives », avec ses façades et ses portes magnifiquement décorées, poursuivent le même objectif :mettre en valeur le talent et la créativité des gens par-delà les frontières

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32 Un seul monde No 3 / Septembre 2009

couvrir des artistes appartenant à des ethnies différentes.« Nomad, qui a démarré en 2007déjà, était un projet régionalavant la lettre », relève PetraBischof. « Son succès nous a in-cités à aller de l’avant. Il consti-tuait la preuve tangible que lacoopération régionale répond àune demande des organisationsculturelles. »

Recherche de projets régio-naux et novateursDepuis 2008, le SCP sélectionneses projets de coopération sur labase d’une mise au concourspublique. Le bureau régional de Sarajevo fait paraître des an-nonces dans les journaux descinq pays concernés et sur sonsite Internet, invitant les acteursculturels à soumettre des candi-datures. Parmi les conditions àremplir, les projets doivent ren-forcer la capacité des institutionsculturelles locales, promouvoir lacollaboration interethnique etcréer des structures ou des évé-nements qui s’adressent à unlarge public. En outre, leur ap-proche doit être novatrice. Celaimplique, par exemple, que le

projet utilise de nouvelles tech-nologies, qu’il fait connaître dejeunes artistes ou qu’il abordedes thèmes dérangeants. Le SCPpromeut également la bonnegouvernance et l’égalité dessexes.Sur les 45 candidatures déposéesen 2008, quatre projets remplis-saient tous les critères requis et ont obtenu un financement.Le plus régional d’entre eux re-groupe des partenaires de Macé-doine, de Bosnie, du Kosovo etde Serbie. Il vise à assurer uneanimation socioculturelle dansles zones rurales. Un autre se dé-roule en Serbie, en Bosnie et enAlbanie. Des artistes locaux pro-duiront des films vidéo sur « lesutopies individuelles d’hier etd’aujourd’hui ». Ils mettront enimages les rêves que nourris-saient les habitants de ces pays àl’époque du communisme, puisdurant la guerre et actuellement.

Des habitants qui font revivreleur villeParallèlement, les responsablesdu SCP ont décidé de réaliserune version régionale d’un an-cien projet, « Villes créatives »,

qui avait donné de bons résultatsau niveau national en Albanie.Des habitants de Shkodra et dePogradec avaient imaginé diffé-rents moyens de rendre leursvilles plus attrayantes et plusagréables à vivre. Ils avaient no-tamment repeint des façades enpanachant des couleurs vives etdécoré des portes de maisons.La deuxième phase de ce projeta commencé en mai dernier.L’objectif est le même : exploiterle talent et la créativité des habi-tants pour favoriser le dévelop-pement urbain. Mais cette fois,les activités ont lieu simultané-ment dans six villes d’Albanie,une de Macédoine et une duMonténégro, qui travaillent enréseau.Après avoir suivi une for-mation commune, des représen-tants de chaque cité se réunis-sent régulièrement pour discuterdes plans élaborés par les uns etles autres.

Soutien d’événements ponctuelsÀ côté de ses projets de coopé-ration, qui durent trois ans etimpliquent un engagement fi-nancier substantiel, le SCP sou-

tient ce qu’il nomme de « petitesactions », autrement dit des pro-jets à court terme réalisés pardes organisations locales. Lesmontants alloués sont générale-ment inférieurs à 10 000 francs.Plusieurs dizaines d’événementsponctuels bénéficient en 2009de tels subsides. Le SCP financeou cofinance par exemple lacréation de plusieurs pièces dethéâtre, la réalisation de docu-mentaires – dont un sur la ma-gie noire au Kosovo et un autresur l’impact psychologique dusida en Macédoine –, des expo-sitions de peinture ou de photo-graphie, des festivals de musique,la publication de livres ou en-core la production de CD. �

Les ressentiments et les préjugés ethniques sont encore vifs dans les Balkans. Des expositions et d’autres événements culturels devraient réduire lepotentiel de conflits et faciliter le débat démocratique.

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Chef-d’œuvre intemporel(er) Les poignantes ballades de

Lhasa de Sela, chantées en an-

glais, dégagent une douce mé-

lancolie. En les écoutant, on

a le sentiment d’être seul, perdu

dans l’immensité du monde. Il

en émane une fragilité diaphane,

à la fois mystérieuse et transpa-

rente, douce-amère, élégiaque.

En 2005, la chanteuse améri-

cano-mexicaine a été désignée

« Meilleure artiste des Amériques »

aux World Music Awards de la

BBC. Sa voix chaude au timbre

clair est pleine de douceur et de

fraîche limpidité. Des coups de

pinceau sonores en renforcent

l’extraordinaire présence : piano,

harpe, violon, guitare, basse et

percussions dessinent en fili-

grane leurs motifs planants –

toujours à cadence mesurée,

parfois avec des accents country

ou gospel, parfois dans l’esprit

de la chanson blues ou folk.

Ce troisième album de Lhasa

de Sela, âgée de 37 ans, est un

véritable chef-d’œuvre à la fois

aérien et profondément enra-

ciné, intemporel et parfaitement

moderne. Ces chants si expressifs

continueront pendant des an-

nées d’émouvoir sur-le-champ

ceux qui les écoutent.

Lhasa : « Lhasa »

(Audiogram/Warner Music)

Rumba en chaise roulante(er) Les membres du Staff Benda

Bilili vivent dans la rue à Kin-

shasa, capitale de la République

démocratique du Congo. La

plupart d’entre eux sont atteints

de poliomyélite et paraplé-

giques. Ils se déplacent dans des

chaises roulantes de leur propre

fabrication, parfois motorisées,

sur des tricycles ou sur des mo-

tos pour handicapés. Le groupe

répète dans les jardins du zoo

désaffecté. Les quatre chanteurs-

guitaristes sont accompagnés par

des enfants vagabonds. L’un

d’eux, un prodige de 17 ans,

joue d’un luth à une corde,

appelé satongé, qu’il a bricolé

lui-même avec une boîte de

conserve. Il en tire des sons mé-

talliques et perlés à vous couper

le souffle. Le Staff Benda Bilili,

dont le nom signifie « Regarde

au-delà des apparences », soulève

l’enthousiasme avec une rumba

congolaise électrisante et hyp-

notique, émaillée d’accents funk,

son, reggae et R&B. Ses chan-

sons parlent de la difficulté de

survivre dans la rue, dénoncent

la corruption ou sensibilisent à

la vaccination contre la polio-

myélite. Son premier album a été

enregistré en plein air

à l’aide d’un ordinateur portable

– on y distingue le coassement

des grenouilles.

Staff Benda Bilili : « Très très fort»,

CD et quatre vidéos (Crammed

Discs/Musikvertrieb)

Un hommage aux hauts plateaux tibétains(er) Soname Yangchen a eu la

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vice

Un seul monde No 3 / Septembre 2009

vie dure.Après une enfance de

semi-esclave au Tibet, elle dé-

cide à 16 ans de s’enfuir à

travers l’Himalaya vers le nord

de l’Inde. Elle y rencontre un

homme qui l’abandonnera

avec l’enfant né de leur relation.

Réduite à la misère, Soname

doit se séparer de sa fille pour

que celle-ci puisse connaître une

vie meilleure. Un jour, l’occa-

sion se présente de partir pour

l’Angleterre. Là, elle travaille

d’abord comme femme de mé-

nage, puis entame une carrière

de chanteuse. La jeune femme

décrit cette épopée dans le best-

seller Soname ou la bonne fortune :

Une enfance tibétaine. Ce livre et

ses mélodies ont fait d’elle cette

extraordinaire « voix du Tibet »

qui dessine de fascinants pay-

sages sonores. Son dernier

album, Plateau, conjugue des

chœurs d’inspiration sacrée, des

envolées planantes de harpe cel-

tique, de viole, de dranyien (luth

tibétain) et de sarangi (vielle in-

dienne) avec des accents mo-

dernes de clavier et de guitare,

des traits brillants de flûte et de

clarinette, le rythme discret des

percussions et le jeu virtuose du

tabla. Il s’en dégage un détache-

ment bouddhique et une fer-

veur presque lancinante, en

hommage aux hauts plateaux ti-

bétains, aux aigles qui décrivent

des cercles au-dessus des lacs sa-

crés, aux montagnes immenses.

Soname : « Plateau » (World

Village/Musicora)

Des hippopotames sacrés Le film Le fleuve Niger se meurt,

du réalisateur nigérien Adam

Aborak Kandine, expose les

répercussions dramatiques

du changement climatique en

Afrique.Alfari, qui habite au

bord du fleuve, raconte com-

ment il a renoncé au métier de

pêcheur pour se convertir à

celui de maraîcher. Comme le

fleuve s’assèche lentement, le

poisson se raréfie, ce qui a

Mus

ique

Film

s

Page 34: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council€¦ · L’écrivain sud-africain Zakes Mda se montre critique à l’égard de l’aide alimentaire 29 Réconciliation par la culture dans

conflit des Balkans alors qu’elleétait adolescente. C’est égale-ment le cas de sa consœur etcompatriote Jasmila Zbanic, quiraconte dans Grbavica – Sarajevo,

mon amour les blessures intérieureset la difficulté de vivre avec cequi s’est passé : à Grbavica, unebanlieue de Sarajevo, Esma élèveseule sa fille Sara de douze ans ;elle lui raconte que son pèreétait un héros de guerre; ellement pour se protéger elle-mêmeet pour éviter de confronter safille à l’atroce vérité : Sara est lefruit d’un viol. La cinéaste a ob-tenu pour ce film l’Ours d’or dela Berlinale en 2006.Aida Begic : « Snow»; Jasmila

Zbanic : «Grbavica – Sarajevo, mon

amour ». Ces deux DVD sont dis-

tribués par trigon-film. Informations

et commande : 056 430 12 30 ou

www.trigon-film.org

Le bio, c’est chic(bf ) Le commerce équitable etles produits durables sont en vo-gue. Les principes qui ont large-ment fait leurs preuves dans ledomaine alimentaire devraientmaintenant s’appliquer aussi à lamode. C’est pourquoi Helvetasinvite tous les acteurs de la fi-lière textile à se retrouver du 21 au 25 septembre à Interlakenpour un Congrès internationalsur le coton biologique, intitulé« Vers une mode durable ». Cetterencontre se tient dans le cadrede l’Année internationale des fi-

bres naturelles, lancée par l’ONU.De nombreux ateliers, une ex-position et diverses présentationsoffriront aux participants l’occa-sion de parler d’innovations etde problèmes actuels, de décou-vrir des modèles commerciauxcouronnés de succès et d’établirde nouveaux partenariats dans le domaine du textile durable.Helvetas organise le congrès encollaboration notamment avec le Centre du commerce interna-tional, la fondation Max Havelaaret le Secrétariat d’État à l’éco-nomie (Seco).Programme détaillé et inscription

en ligne :

www.fashiontosustainability.org

L’extase par la musique( jls) Les Ateliers d’ethnomusico-logie (Adem), à Genève, organi-sent chaque automne un festivalconsacré aux musiques et auxdanses traditionnelles d’un paysou d’une région du monde.Cette année, ils ont choisi deprésenter des expressions musi-cales encore mal connues enEurope ou qui font l’objet d’in-terprétations parfois fantaisistes.Sous le titre « L’extase et la transe », le festival éclairera en effet la dimension spirituelle descultures du monde islamique.Une troupe turque de dervichestourneurs exécutera le sema,danse extatique que pratiquentles membres de cet ordre soufipour entrer en communion avecDieu. Six artistes pakistanais interprèteront le qawwali, chant sacré soufi. La BangladaiseFarida Parveen chantera destextes du fakir Lalon Shah, unpoète mystique du 19e siècle.

Le public découvrira égalementla poésie chantée d’Iran, le zar

égyptien – un rituel de guérisonreposant sur la danse et les per-cussions – et le riche répertoiredes ensembles féminins fqiret quise produisent en Algérie lors defêtes religieuses et de réjouis-sances.Festival «L’extase et la transe»,

théâtre de l’Alhambra, Genève,

du 28 septembre au 3 octobre

Ce climat qu’on assassine (gn) Dans son ouvrage Tatort

Klimawandel (lieu du crime –changement climatique), le jour-naliste allemand Bernhard Pötterne laisse aucune place au doute :le changement climatique pro-voqué par l’homme est en courset bouleversera notre monde.Par le biais de 26 exemplesconcrets et très révélateurs, ildécrit les coupables, les victimeset les profiteurs qu’il a identifiésau cours de deux ans de recher-ches dans le monde entier.L’auteur a parcouru notammentdes champs pétroliers à Houston,des forêts amazoniennes et leBangladesh ; il a grimpé sur leSchilthorn, dans l’Oberland ber-nois. Il mêle habilement repor-tages, informations de base et ci-tations d’acteurs de tous leshorizons. Bernhard Pötter dé-signe clairement les responsableset examine d’un œil critique lessolutions proposées par la poli-tique, l’économie ou la re-cherche. Construit comme unroman policier, ce livre palpitants’en distingue en évitant le sté-réotype du bon et du méchantainsi que les affirmations sansnuances.Bernhard Pötter : «Tatort

Klimawandel », éditions oekom,

Munich 2008

Quatre brochures passionnantes(bf ) Cela vous intéresse-t-il desavoir ce que sont précisémentles droits de l’homme, comment

Un seul monde No 3 / Septembre 200934

contraint le pêcheur à se spécia-liser dans la culture de légumes.L’espace qui lui permet de vivreau bord du fleuve se réduit deplus en plus et les habitants sontobligés de défendre leur mo-deste récolte contre les hippo-potames. Car ces derniers sonteux aussi limités dans leur quêtede nourriture. Mais contraire-ment aux habitants, ils jouissentd’une certaine considération auxyeux de l’État : ils sont protégéset on n’a pas le droit de les chas-ser. De l’avis d’Alfari, les hippo-potames sont protégés pour sti-muler le tourisme, tandis que lesriverains luttent pour leur survie.Adam Aborak Kandine : « Le fleuve

Niger se meurt », Niger 2006,

documentaire, 7 minutes. Ce film

est disponible sur le DVD « Films

courts – Sénégal, Niger, Palestine,

Roumanie, Éthiopie,Afrique du

Sud ». Informations : Films pour un

seul monde, tél. 031 398 20 88,

www.filmeeinewelt.ch

L’après-guerre au fémininUne chose est particulièrementfrappante, dans les films récentsde Bosnie-et-Herzégovine : ilstraitent essentiellement defemmes qui se retrouvent seulesou en compagnie d’autresfemmes.Aida Begic a tournéSnow dans un petit village demontagne dévasté par la guerre,où six femmes s’organisent poursurvivre. Dans ce film émou-vant, son premier long métrage,la jeune réalisatrice bosniaqueraconte la vie de femmes qui sesont mariées et ont eu des en-fants. Mais la guerre leur a prisceux qu’elles aimaient et il s’agitmaintenant pour elles de retrou-ver un sens à leur existence.AidaBegic a vécu elle-même le

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fonctionnent le droit internatio-

nal public, le droit international

humanitaire ou la diplomatie ?

Le Département fédéral des af-

faires étrangères (DFAE) consa-

cre à chacun de ces thèmes une

publication explicative rédigée

de façon simple et claire à l’in-

tention du grand public. Une

introduction replace le sujet

dans son contexte historique,

social et juridique. La seconde

partie comporte un glossaire qui

donne une définition concise

de notions spécifiques. On y

apprend par exemple ce que re-

couvre concrètement le droit au

développement, ce qui distingue

une note diplomatique d’une

démarche diplomatique ou en-

core quelles sont les attributions

de la Commission internationale

humanitaire d’établissement des

faits.

Les quatre brochures « ABC des

droits de l’homme », « ABC du

droit international humanitaire »,

« ABC du droit international public »

et « ABC de la diplomatie » peuvent

être commandées gratuitement par

mail ([email protected])

ou par téléphone auprès du service

de l’information du DFAE

(031 322 31 53). On peut aussi

les télécharger en format pdf à

l’adresse www.dfae.admin.ch,

« Documentation », « Publications »

Les ailleurs cinématogra-

phiques

C’est en 1989 que la fondation

trigon-film a présenté pour la

première fois un film d’auteur,

Un seul monde No 3 / Septembre 2009 35

Service

Div

ers

ImpressumUn seul monde paraît quatre fois par année,en français, en allemand et en italien.

Éditeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Martin Dahinden (responsable) Catherine Vuffray (coordination globale) (vuc) Marie-Noëlle Bossel, Marc-André Bünzli, Beat Felber, Thomas Jenatsch, Roland Leffler,Sabina Mächler

Rédaction :Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho et impression :Vogt-Schild Druck AG, Derendingen

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements et changements d’adresse :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de : DFAE,Service de l’information, Palais fédéral Ouest,3003 Berne,Courriel : [email protected]él. 031 322 44 12Fax 031 324 90 47www.ddc.admin.ch

860215346

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 53 500

Couverture : Touaregs dans le Sahara ; Biosphoto/Thiriet Claudius/Still Pictures

ISSN 1661-1675

Zan Boko de Gaston Kaboré

(Burkina Faso). En 2009, elle

distribue La boîte de Pandore, du

TurcYesim Ustaoglu, qui décrit

une famille confrontée à la ma-

ladie d’Alzheimer. En vingt ans,

trigon-film a distribué plus de

280 productions en provenance

d’Afrique, d’Asie et d’Amérique

latine, contribuant de façon dé-

terminante à diversifier et à en-

richir les œuvres proposées dans

les cinémas et sur DVD. On a

pu ainsi admirer dans les salles

suisses des chefs-d’œuvre comme

Yi Yi d’Edward Yang, Bombón le

chien de Carlos Sorín, El viaje de

Fernando Solanas, TGV de

Moussa Traoré ou encore La vie,

c’est siffler de Fernando Pérez.

À l’occasion de ce vingtième

anniversaire, le directeur de tri-

gon-film Walter Ruggle vient

de publier un livre en allemand

dans lequel il expose ses ré-

flexions sur les films choisis et

sur les grands réalisateurs. Des

textes, des interviews, des cita-

tions et des images magnifiques

invitent à voyager dans d’autres

univers cinématographiques.

Ils plongent le lecteur dans les

thèmes, les attitudes et les ques-

tions qui préoccupent les cinéas-

tes du Sud.

Walter Ruggle : « Welt in Sicht »,

en librairie ou directement auprès

de trigon-film à Ennetbaden :

056 430 12 30

Reporter photographe

(bf ) Derrière une barrière, au

col du Khunjerab, deux soldats

et un chien errant surveillent

la frontière entre le Pakistan et la

Chine, avec un regard vague sur

les sommets de 8000 mètres qui

se dressent à l’horizon. Quatre

mains de femmes qui disposent

de la viande crue et sanguino-

lente dans une assiette, posée

sur une nappe à fleurs rouges.

Ce sont deux exemples des 165

photos à la fois sereines et poi-

gnantes que présente Daniel

Schwartz dans son nouvel album

Travelling Through the Eye of

History. On sait que ce photo-

graphe soleurois de réputation

internationale prépare ses repor-

tages longuement et avec une

grande minutie, qu’il n’appuie

sur le déclencheur de son appa-

reil qu’après s’être informé en

détail sur le lieu qu’il visite.

Les chemins qu’il a parcourus

ces quinze dernières années

l’ont mené jusqu’en Chine,

à travers le Turkménistan, le

Tadjikistan, le Kazakhstan et

l’Ouzbékistan. Il présente

maintenant un condensé de ses

voyages dans un ouvrage admi-

rable, qui est en lui-même une

véritable œuvre d’art.

Daniel Schwartz : « Travelling

Through the Eye of History»,

Thames & Hudson, Londres 2009

Des spécialistes du DFAE

viennent à vous

Souhaitez-vous obtenir des in-

formations de première main sur

la politique étrangère ? Des spé-

cialistes du Département fédéral

des affaires étrangères (DFAE)

sont à la disposition des écoles,

des associations et des institu-

tions, pour leur présenter des

exposés et animer des débats sur

divers sujets touchant à la poli-

tique étrangère. Le service de

conférences est gratuit.Toute-

fois, cette prestation ne peut être

offerte qu’en Suisse et trente

personnes au moins doivent

participer à la manifestation.

Service de conférences du DFAE,

Service de l’information, Palais

fédéral Ouest, 3003 Berne ;

tél. 031 322 31 53/ 35 80 ;

fax 031 324 90 47/48 ;

[email protected]

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Dans le prochain numéro :

La crise financière mondiale frappe les pays en développement beaucoupplus durement que les nations industrialisées. Notre dossier décrit sesrépercussions concrètes sur la population et montre pourquoi il est aussidans notre intérêt de faire en sorte que la situation ne se détériore pasencore davantage au Sud.

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Her

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