égalité professionnelle_an_juillet 2011

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N 3621

ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958TREIZIME LGISLATURE

Enregistr la Prsidence de lAssemble nationale le 5 juillet 2011.

RAPPORT DINFORMATIONFAIT

AU NOM DE LA DLGATION AUX DROITS DES FEMMES ET LGALIT DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES SUR lapplication

des lois sur lgalit professionnelle au sein des entreprises,

PAR

Mme MARIE-JO ZIMMERMANNDpute.

La Dlgation aux droits des femmes et lgalit des chances entre les hommes et les femmes est compose de : Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, prsidente ; Mmes Danielle BOUSQUET, Claude GREFF, Genevive LEVY, Brengre POLETTI, vice-prsidentes ; Mme Martine BILLARD, M. Olivier JARD, secrtaires ; Mmes Huguette BELLO, Marie-Odile BOUILL, Chantal BOURRAGU, Valrie BOYER, Martine CARRILLON-COUVREUR, Jolle CECCALDI-RAYNAUD, Marie-Franoise CLERGEAU, Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, Marie-Christine DALLOZ, Claude DARCIAUX, Marianne DUBOIS, Odette DURIEZ, M. Guy GEOFFROY, Mmes Arlette GROSSKOST, Franoise GUGOT, M. Gunhal HUET, Mme Marguerite LAMOUR, M. Bruno LE ROUX, Mmes Gabrielle LOUIS-CARABIN, Jeanny MARC, Martine MARTINEL, Henriette MARTINEZ, M. Jean-Luc PRAT, Mmes Josette PONS, Catherine QUR, MM. Jacques REMILLER, Daniel SPAGNOU, Philippe VITEL.

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SOMMAIRE___Pages

INTRODUCTION..............................................................................................................I. LA RECHERCHE CONTINUELLE DES CONDITIONS DE LGALIT PROFESSIONNELLE......................................................................................................... A. UN CADRE LGISLATIF FOISONNANT ..................................................................

5 7 7 7 8 15 15 16 17 18 21 21 21 23 24 25 26 27 28 29 29 30 32 32 33

1. Le lent processus lgislatif de la deuxime moiti du XXe sicle .................. 2. Les avances du XXI sicle .............................................................................B. UN DISPOSITIF RENFORC PAR LA JURISPRUDENCE ........................................e

1. Les grands principes europens ....................................................................... 2. Le systme binaire franais............................................................................... a) La conscration du principe : travail gal, salaire gal ............................. b) Lexigence dune non-discrimination entre les femmes et les hommes ...............II. LGALIT PROFESSIONNELLE NE CONSTITUE TOUJOURS PAS UNE NORME SOCIALE RECONNUE ...................................................................................................... A. UN DIALOGUE SOCIAL PEU VOLONTARISTE ........................................................

1. Les accords interprofessionnels et les confrences tripartites ...................... 2. La diversit des ngociations de branche........................................................ a) Une lente progression quantitative et qualitative des accords .......................... b) Un bilan pourtant peu satisfaisant .................................................................... 3. La multiplicit des ngociations dans les entreprises ..................................... a) Des accords des plus htrognes ..................................................................... b) De faibles effets sur les salaris ........................................................................B. DES CHEFS DENTREPRISE DIVERSEMENT MOTIVS ........................................

1. La situation ingalitaire des femmes dans les entreprises ............................. 2. Lanalyse peu clairvoyante des chefs dentreprise ......................................... 3. La carence constante de pratiques dentreprise galitaires ........................... a) Un outil de mesure des ingalits ddaign ...................................................... b) Une ngociation collective des plus poussives ..................................................

4 C. UNE ABSENCE REGRETTABLE DEXEMPLARIT DE LTAT ...............................

34 34 35 37 37 37 39 40 42 42 43 43 44 44 45 46

1. Les problmatiques de lingalit au sein de la fonction publique................. 2. Le manque criant de donnes chiffres ...........................................................III. LGALIT PROFESSIONNELLE DOIT DEVENIR UNE VALEUR PARTAGE DE TOUTE LA SOCIT ......................................................................................................... A. LA CONSOLIDATION DE LA LGISLATION EXISTANTE ........................................

1. Raffirmer limportance du rapport de situation compar .............................. 2. Simplifier la ngociation collective relative lgalit professionnelle .......... 3. Sanctionner vritablement labsence de politique dgalit dans les entreprises et dans les branches .....................................................................B. LA JUSTE REPRSENTATION DES FEMMES ........................................................

1. Assurer une reprsentation plus quilibre des genres dans les instances professionnelles et juridictionnelles.................................................................. 2. Aider la constitution de rseaux professionnels de cadres fminins..........C. LA PRISE EN COMPTE DES OBLIGATIONS FAMILIALES PAR LE MONDE DU TRAVAIL ...................................................................................................................

1. Concilier la maternit et le travail...................................................................... 2. Concilier la parentalit et le travail ....................................................................D. LA RECHERCHE DUNE EXEMPLARIT PLUS ACTIVE DE LA FONCTION PUBLIQUE ................................................................................................................

TRAVAUX DE LA DLGATION ET RECOMMANDATIONS ADOPTES ............ ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNES PAR LA DLGATION ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS ..................................................................

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ANNEXE 2 : CHRONOLOGIE NON EXHAUSTIVE DES LOIS SUR LGALIT PROFESSIONNELLE ..................................................................................................... 230 ANNEXE 3 : PROPOSITIONS DE MME FRANOISE GUGOT CONTENUES DANS SON RAPPORT SUR LGALIT HOMME-FEMME DANS LA FONCTION PUBLIQUE .................................................................................................. 237 ANNEXE 4 : ENQUTE DE L'IFOP SUR LAPPLICATION DES LOIS RELATIVES LGALIT PROFESSIONNELLE ENTRE HOMMES ET FEMMES........................................................................................................................... 238LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS .......................................................................... 238 LES RSULTATS DTAILLS ...................................................................................... 251

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MESDAMES, MESSIEURS,

Affirm en 1946 dans le Prambule de la Constitution, le principe de la non-discrimination des femmes par rapport aux hommes ne sest impos que progressivement dans la socit. Ainsi, dans le monde du travail, la ncessit dune dfense de lgalit des femmes et des hommes par le lgislateur ne sest rellement fait jour quen 1972 ; elle accompagnera de fait la progression continue du taux dactivit des femmes pass pour la tranche dge des 25 49 ans de 60 % en 1975 84 % en 2009. Cest en 1983 que la loi offre aux chefs dentreprise un outil concret de mesure des ingalits de genre existant au sein de leur propre entreprise : le rapport de situation compare (RSC) des conditions gnrales demploi et de formation des femmes et des hommes leur permet dtablir un diagnostic sur une base de constats chiffrs et de dfinir en consquence des actions pour mettre fin aux carts de traitement ainsi que des objectifs de progression. Prvue dans le cadre dun dialogue social, en labsence durant de longues annes de toute mesure coercitive permettant de limposer, llaboration dun RSC ne trouve sa vritable utilit que sil existe une relle volont de porter la question de lgalit entre les femmes et les hommes lintrieur des entreprises, que si les chefs dentreprise et les partenaires sociaux sen saisissent. Quelques trs belles russites attestent alors de la qualit de ses apports et des consquences bnfiques, directes ou indirectes, quentrane pour tous les salaris de lentreprise ltablissement dune galit de traitement entre les femmes et les hommes. Toutefois, prs de trente ans aprs linstitution de cette mesure et malgr les amliorations puis le caractre coercitif que lui a apports le lgislateur de 2001 2010, force est de constater que les entreprises ne se sont pas vritablement appropries cet outil de mesure. Alerte par cet tat de fait, la Dlgation aux droits des femmes et lgalit des chances entre les hommes et les femmes a dcid, la fin de lanne 2010, de procder une valuation de lapplication des lois relatives lgalit

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professionnelle entre les femmes et les hommes. Afin de disposer dune mesure de la situation telle quelle se prsente aujourdhui, elle a command lIFOP une enqute sur ce sujet. Elle a ainsi constat que 49 % des entreprises interroges se dispensaient de la rdaction dun RSC dont prs de la moiti (48 %) sen justifiaient en mentionnant labsence de problme dgalit des femmes et des hommes au sein de leur entreprise (1). Cette absence de prise de conscience pourrait sanalyser comme un dni de la ralit tant les disparits de traitement des femmes et des hommes perdurent de faon flagrante ainsi que la dmontr, de manire exhaustive, Mme Brigitte Grsy dans la premire partie de son rapport prparatoire la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes(2). De fait, la Dlgation a pu constater la suite des vingt-quatre auditions et de la table ronde quelle a organises au cours de ses travaux, que, si lgalit professionnelle a bien t le souci constant du lgislateur au cours de ces dernires dcennies, elle nest toutefois pas encore totalement reconnue au sein des entreprises. Elle doit aujourdhui sinscrire dans une reconnaissance plus globale de lgalit des genres.

(1) Voir B du II et annexe 4 Enqute de l'IFOP sur lapplication des lois relatives lgalit professionnelle entre hommes et femmes . (2) Inspection gnrale des affaires sociales (IGAS), juillet 2009.

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I. LA RECHERCHE CONTINUELLE DES CONDITIONS DE LGALIT PROFESSIONNELLE Depuis la fin de la Deuxime guerre mondiale, le lgislateur national et la communaut internationale ont mis en place un corpus juridique toff sur lgalit professionnelle et ont tabli pour les partenaires sociaux des cadres plus incitatifs que contraignants une ngociation cible dont les rgles dapplication ont t progressivement prcises par la jurisprudence.A. UN CADRE LGISLATIF FOISONNANT (1)Htez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le mtier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. Nicolas Boileau, L'art potique

1. Le lent processus lgislatif dans la deuxime moiti du XXe sicle

Ds 1946, le Prambule de la Constitution, proclame au nombre des principes politiques, conomiques et sociaux particulirement ncessaires notre temps , celui selon lequel La loi garantit la femme, dans tous les domaines, des droits gaux ceux de lhomme . De 1951 1972, seuls des grands textes internationaux vont garantir ces droits telles les conventions de lOrganisation internationale du travail (OIT). Le Trait de Rome du 25 mars 1957 affirme le principe dune galit de rmunration entre les travailleurs fminins et masculins. Ce nest que quinze annes plus tard que la loi n 72-1143 du 22 dcembre 1972 relative lgalit de rmunration entre les hommes et les femmes inscrit dans le code du travail (article L. 3221-2) le principe selon lequel tout employeur assure, pour un mme travail ou pour un travail de valeur gale, lgalit de rmunration entre les femmes et les hommes . Une dizaine dannes plus tard, sera adopte la premire des grandes lois relatives lgalit professionnelle des femmes et des hommes. La loi n 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pnal en ce qui concerne lgalit professionnelle entre les hommes et les femmes (dite loi Roudy ) prcise que le principe de lgalit sapplique en matire de recrutement, de rmunration, de promotion et de formation. Une mme rmunration devant tre octroye depuis 1972 aux personnes effectuant des travaux de valeur gale, la(1) Voir en annexe 2, un examen plus complet de lhistorique des lois sur lgalit professionnelle.

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loi de 1983 dfinit ces derniers comme tant ceux qui exigent des salaris un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacres par un titre, un diplme ou une pratique professionnelle, de capacits dcoulant de lexprience acquise, de responsabilits et de charge physique ou nerveuse (article L. 3221-4 du code du travail). Elle cre le contrat de mixit professionnelle(1) lequel ouvrira ensuite la voie au contrat pour lgalit professionnelle (article D. 1143-7 du code du travail)(2). Par ailleurs, la loi de 1983 oblige les chefs dentreprises laborer un rapport de situation compare (RSC) des conditions gnrales demploi et de formation des femmes et des hommes dans lentreprise et le transmettre pour avis au comit dentreprise ou dfaut au dlgu du personnel, puis pour information aux dlgus syndicaux et linspecteur du travail. Ce rapport comporte une analyse chiffre permettant dapprcier pour chacune des catgories professionnelles de lentreprise, la situation respective des hommes et des femmes en matire dembauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rmunration effective . Ce rapport doit galement recenser les mesures prises au cours de lanne coule et les mesures prvues pour lanne qui vient, accompagnes dune dfinition qualitative, quantitative et financire des actions mener. Afin dallger les obligations de consultation du comit dentreprise des entreprises de moins de trois cents salaris, la loi quinquennale n 93-1313 du 20 dcembre 1993 relative au travail, lemploi et la formation professionnelle intgrera le RSC (dont la prsentation sera simplifie en 2008) au sein du rapport de situation conomique (RSE), rapport unique annuel comprenant toute une srie de consultations priodiques obligatoires (article L. 2323-47 du code du travail).2. Les avances du XXIe sicle

La Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne du 7 dcembre 2000 consacre le principe de lgalit entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, et non plus pour les seules questions demploi, de travail et de rmunration. Elle prvoit la possibilit de mettre en uvre des actions positives en faveur des seules femmes. La loi n 2001-397 du 9 mai 2001 relative lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes (dite loi Gnisson ) constitue la deuxime des(1) Un tel contrat, rgi par une simple circulaire, permet ltat dapporter une aide financire lemployeur qui diversifiera au profit des femmes sa politique dembauche, de mutation ou de promotion. (2) Ce contrat, cr par la loi n 89-448 du 10 juillet 1989, autorise galement loctroi dune aide financire de ltat un chef dentreprise de moins de 250 salaris mais aussi une organisation professionnelle afin de les aider mettre en place au sein de lentreprise ou de la branche professionnelle, des actions promouvant des femmes, en matire dembauche, de formation ou de promotion.

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grandes lois relatives lgalit professionnelle ; elle tend mettre en place un dispositif plus efficace que celui de la loi de 1983 dont le bilan savrait plus que modeste par rapport aux espoirs quelle avait fait natre. Elle intgre dans le code du travail plusieurs dispositions protectrices sur le travail de nuit (articles L. 3122-29 et suivants) celui des femmes enceintes notamment (articles L. 1225-9 et suivants) , sur le harclement sexuel au sein des entreprises (articles L. 1153-1 et suivants), sur une reprsentation quilibre des femmes et des hommes aux lections prudhomales, aux lections professionnelles dans lentreprise (L. 2324-6), au sein des organismes consultatifs ainsi que dans les jurys de recrutement ou de promotion interne des fonctions publiques. La loi de 2001 renforce lgalit professionnelle mise en place en 1983 : en compltant le contenu obligatoire du RSC qui doit dsormais comporter une analyse fonde sur la base dindicateurs pertinents, reposant notamment sur des lments chiffrs, dfinis par dcret et ventuellement complts par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulire de lentreprise (article L. 2323-57 du code du travail). Ces indicateurs doivent tre ports la connaissance des salaris des entreprises de plus de 300 salaris par voie daffichage (article L. 2323-59 du mme code). Dans les entreprises dau moins 200 salaris, le comit dentreprise se doit de constituer une commission de lgalit professionnelle, charge de prparer ses dlibrations sur le RSC (article L. 2325-34 du mme code) ; en instaurant une obligation triennale pour chaque branche professionnelle de ngocier sur lgalit professionnelle sur la base dun RSC tabli notamment pour les domaines suivants : conditions daccs lemploi, formation, promotion professionnelle, conditions de travail et demploi dont celles des travailleurs temps partiel (article L. 2241-3 du code du travail) ; en obligeant les entreprises dau moins 50 salaris ngocier chaque anne sur lgalit professionnelle. Dclenche linitiative de lemployeur ou, dfaut, la demande dun syndicat reprsentatif, la ngociation est engage partir des lments figurant dans le RSC, ventuellement complt dindicateurs qui tiennent compte de la situation particulire de lentreprise. Si elle dbouche sur un accord, la priodicit de la ngociation est porte trois ans (article L. 2242-5 du code du travail). Labsence dun engagement de la ngociation par lemployeur et non pas le dfaut de conclusion dun accord peut tre assimile un dlit dentrave et puni dun emprisonnement dun an et dune amende de 3 750 euros ; en intgrant des objectifs dgalit professionnelle dans les ngociations de branche obligatoires annuelles sur les salaires et dans les ngociations de branche quinquennales sur les classifications (articles L. 2241-7 et L. 2241-9 du code du travail) ainsi que dans les ngociations annuelles obligatoires des entreprises lesquelles, outre la ngociation prcite sur lgalit

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professionnelle, portent sur les salaires et la dure du travail, le rgime de prvoyance maladie, lintressement, la participation et lpargne salariale et les travailleurs handicaps (article L. 2242-6 du mme code). La loi de 2001 comporte galement un chapitre entier consacr la fonction publique aux termes duquel ladministration se doit notamment de composer ses jurys de faon concourir une reprsentation quilibre des femmes et des hommes . Par ailleurs, il est fait obligation au Gouvernement de dposer tous les deux ans sur les bureaux des assembles parlementaires un rapport sur la situation compare dans la fonction publique des conditions gnrales demploi et de formation des femmes et des hommes (article 6 quater de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). La loi n 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative la lutte contre les discriminations institue au profit des dlgus du personnel, un droit dalerte en matire de discrimination directe ou indirecte en raison du sexe et permet aux organisations syndicales dengager une procdure la place du salari victime de discrimination. Par ailleurs, renversant la charge de la preuve devant la juridiction prudhomale, cette loi impose lemployeur de justifier la mesure suppose discriminante par des motifs lgitimes, cest--dire des motifs professionnels objectifs. La loi n 2006-340 du 23 mars 2006 relative lgalit salariale entre les femmes et les hommes constitue la troisime grande loi pour lgalit entre les sexes. Elle vient son tour renforcer la loi de 2001 dont une enqute de la Dlgation aux droits des femmes du Snat (1) avait fait apparatre le bilan mitig en matire de ngociation : 72 % des entreprises navaient jamais organis les ngociations annuelles obligatoires sur lgalit professionnelle et 60 % dentre elles navaient jamais tabli de RSC. Quelques mois plus tard, la Dlgation aux droits des femmes de lAssemble nationale soulignait en outre que perduraient les carts de salaires entre les femmes et les hommes (25 %) et que se dveloppaient les emplois temps partiels des femmes (30 %) (2), dont elle avait soulign les dangers (3), un an auparavant. Dans la loi de 2006, les parlementaires avaient souhait mettre fin labsence manifeste des femmes dans les instances dirigeantes des socits, dans celles des organisations reprsentatives des salaris, au sein des commissions administratives paritaires de la fonction publique et au sein des conseils de prudhommes en adoptant des mesures obligeant une certaine parit, mais le Conseil constitutionnel, jugeant ces dispositions contraires au principe(1) Voir le rapport dinformation sur les rsultats du sondage tlphonique sur la situation professionnelle des femmes au titre du bilan de la loi n 2001-397 du 9 mai 2001 relative lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes (Snat, n 103), dcembre 2004. (2) Rapport dinformation sur le projet de loi relatif lgalit salariale entre les femmes et les hommes (n 2243), avril 2005, p. 5 et 6. (3) Rapport dactivit 2003-2004 (n 1924), novembre 2004.

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constitutionnel dgalit des citoyens devant la loi, les a censures. Par ailleurs, la loi de 2006 garantit un accs quilibr des femmes et des hommes aux filires de formation initiale et continue (articles L. 6112-1 et suivants du code du travail) et inscrit lintressement ou les distributions dactions dans la liste des moyens pouvant constituer des discriminations salariales indirectes (article L. 1132-1 du mme code). Mais surtout, elle entend assurer une galit professionnelle des genres aux moyens de plusieurs leviers : imposer aux employeurs des entreprises de moins de 50 salaris de prendre en compte les objectifs en matire dgalit professionnelle entre les femmes et les hommes dans lentreprise et les mesures permettant de les atteindre (article L. 1142-5 du mme code). Pour les accompagner dans leur dmarche, la Caisse nationale dassurance vieillesse leur transmet, gratuitement et sans formalit supplmentaire, un document, dit diagnostic galit professionnelle (1), tabli partir des donnes que contiennent leurs dclarations automatises des donnes sociales (DADS) ; encadrer plus prcisment la ngociation sur lgalit professionnelle en dfinissant les domaines sur lesquels elle doit notamment porter : les conditions daccs lemploi, la formation professionnelle et la promotion professionnelle, les conditions de travail et demploi et en particulier celles des salaris temps partiel, et larticulation entre la vie professionnelle et les responsabilits familiales. Les indicateurs, prcisment dfinis pour les entreprises de plus de 300 salaris (article D. 2223-12 du code prcit), ont t simplifis pour les entreprises de moins de 300 salaris (article R. 2223-9 du mme code) ; favoriser la conciliation de lactivit professionnelle avec la vie personnelle et familiale en insrant dans le plan de gestion prvisionnel des emplois et des comptences des mesures favorisant cette articulation (article D. 5121-4 du code du travail), et en prenant en compte les priodes dabsence pour congs parentaux (maternit, paternit, prsence parentale) pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel la formation (article L. 6323-2 du mme code). Par ailleurs, les impacts ngatifs de la maternit sur les salaires sont neutraliss, la personne qui rentre dun cong maternit ou dadoption ayant le droit de bnficier des augmentations gnrales de salaire accordes pendant son absence et de la moyenne des augmentations individuelles de salaires perues par les salaris de sa catgorie (article L. 1225-44 du mme code) ; les congs auxquels elle peut prtendre son retour lui sont assurs (article L. 3141-2 du mme code) ; supprimer avant le 31 dcembre 2010, les carts de rmunration(1) Ce document, prsente la situation compare des salaris, femmes et hommes, dans diffrents domaines : effectifs, catgories professionnelles, embauches, dparts, ge moyen, type de contrats, dure du travail, rmunrations... Ce tableau assez simple permet aux petites entreprises de mettre en vidence les ingalits qui peuvent exister en leur sein.

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existant au niveau de la branche entre les femmes et les hommes par une ngociation spcifique tendant ladoption de mesures idoines dfinies et programmes au cours des ngociations annuelles sur les salaires et au cours des ngociations quinquennales sur les classifications, sur la base du rapport de situation compare (RSC) de branche. Lorsque la ngociation de branche na pas eu lieu, le ministre charg du travail peut runir une commission mixte pour lengager (articles L. 2241-9 L. 2241-12 et D. 2241-2 du code du travail) ; supprimer avant le 31 dcembre 2010, les carts de rmunration existant dans les entreprises dau moins 50 salaris entre les femmes et les hommes, par ladoption de mesures dfinies et programmes au cours des ngociations annuelles sur les salaires. Cette ngociation complmentaire est fonde sur un diagnostic des carts existants, tabli sur la base des lments figurant dans le RSC de lentreprise. Les accords sur les salaires ne peuvent tre dposs auprs de lautorit administrative comptente que sils sont accompagns dun procs-verbal attestant que lemployeur a bien ouvert, srieusement et loyalement, des ngociations sur la rsorption des carts de rmunration (article L. 2242-7 du code du travail). Lorsque cette ngociation na pas eu lieu, les peines du dlit dentrave au bon fonctionnement du comit dentreprise devraient pouvoir sappliquer. Toutefois, ainsi que le reconnaissait, en 2007, le ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarit (1) : Aujourdhui, nous avons une sanction pnale, qui est prvue, et pas applique. Nous navons pas de statistiques en la matire, mais on a recherch des exemples de mise en uvre de cette sanction, nous nen avons pas trouv. Un bilan de la loi de 2006 devait tre tabli mi-parcours entre sa promulgation et lchance du 30 dcembre 2010 , le lgislateur ayant prvu quen fonction des rsultats quil contiendrait, le Gouvernement pourra(it) prsenter au Parlement, si ncessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires , applicable aux entreprises ne satisfaisant pas leur obligation dengager des ngociations. Ainsi que le constatait alors la Dlgation, ladoption dune telle disposition consistait dj prjuger dune possibilit dchec du texte, mettant ainsi en doute sa crdibilit ds le dpart (2). En contrepartie des sujtions imposes aux entreprises, la loi mettait en uvre des aides ou exonrations financires, telle laide forfaitaire accorde aux entreprises de moins de cinquante salaris recrutant un travailleur temporaire pour remplacer la salarie partie en cong de maternit (3). En 2010, loccasion de lexamen du projet de loi portant rforme des retraites, le gouvernement, constatant que lamlioration de la situation des(1) Discours du 26 novembre 2007 de M. Xavier Bertrand, clturant la confrence tripartite sur lgalit salariale entre les hommes et les femmes. (2) Rapport dinformation prcit (n 2243), avril 2005, p. 15. (3) Cette aide a t supprime par la loi de finances pour 2008.

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femmes au regard des droits la retraite ncessitait une rduction des ingalits qui se crent au cours de leur activit tant en matire de carrire quen matire de salaire, dcidait de conforter le dispositif du RSC, seul instrument mme de rduire ces carts. Il entendait par consquent sanctionner labsence dudit rapport dans les entreprises de plus de 300 salaris par lobligation pour ces dernires de verser une somme dont le montant tait gal au maximum 1 % de la masse salariale brute . En dfinitive, larticle 99 de la loi n 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant rforme des retraites constitue le quatrime grand texte en matire dgalit professionnelle. Il institue une sanction financire dun montant maximum de 1 % des rmunrations et des gains lencontre des entreprises dau moins 50 salaris qui nauraient pas conclu daccord dgalit professionnelle ou, dfaut daccord, qui nauraient pas dfini les objectifs et les mesures constituant le plan daction de leur RSC. Larticle prcise le contenu de ce plan daction (1) et en organise la publicit en direction des salaris par laffichage sur le lieu de travail ou par tout autre moyen dune synthse de ce plan devant au minimum comprendre des indicateurs et des objectifs de progression. Par ailleurs, larticle aligne le RSC simplifi contenu dans le rapport sur la situation conomique (RSE) des entreprises de moins de 300 salaris cr en 1993, comme il la t dit auparavant sur le RSC des entreprises de plus de 300 salaris (2). En contrepartie de ces nouvelles mesures contraignantes et afin de mnager la grande majorit des entreprises qui navaient pas observ leur obligation de supprimer leurs carts salariaux , la date butoir du 31 dcembre 2010, laquelle auraient d, aux termes de la loi de 2006, tre conclues toutes les ngociations de rattrapage des carts de salaires, est supprime. Il convient ici de rappeler que contrairement lintention premire de la Dlgation aux droits des femmes (3), le montant de la sanction applicable en cas dabsence daccord ou de plan daction dun RSC peut tre modul par lautorit administrative, dans des conditions prvues par dcret en Conseil dtat, en fonction des efforts constats dans lentreprise en matire dgalit professionnelle entre les femmes et les hommes ou des motifs de sa dfaillance quant au respect de ses obligations. Or, la rdaction actuelle du projet du dcret dapplication de larticle 99 apparat comme trs en retrait par rapport lesprit de la loi. Alerte sur les(1) Objectifs de progression fonds sur des critres clairs, prcis et oprationnels, dfinition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et valuation de leur cot. (2) Comme ce dernier, le RSE comporte dsormais une analyse de la situation respective des femmes et des hommes dans huit mmes domaines : lembauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, les conditions de rmunration effective et larticulation entre lactivit professionnelle et lexercice de la responsabilit familiale. (3) Voir le rapport dactivit 2010 (n 3516), juin 2011, p. 18.

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conditions de cette rdaction par plusieurs des personnes entendues au cours de ses auditions (1), la Dlgation ritre son opposition toute forme dindulgence excessive lgard des entreprises qui, depuis prs de 30 ans, ne respectent pas la loi. Elle rappelle que si le lgislateur a effectivement prvu une modulation de la sanction, il nen a jamais autoris la dispense totale. Lopposition de la Dlgation se comprend dautant plus que larticle 99 nentrant en vigueur qu compter du 1er janvier 2012, les entreprises dfaillantes se sont dj vu accorder un nouveau sursis dun an depuis la promulgation de la loi. La loi constitutionnelle n 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve Rpublique constitue le cinquime grand texte rgissant lgalit professionnelle. Elle complte, la suite des pressions insistantes de la Dlgation, larticle 1er de la Constitution. Prcisant que la loi favorise lgal accs des femmes et des hommes aux mandats lectoraux et fonctions lectives, ainsi quaux responsabilits professionnelles et sociales , cette nouvelle rdaction constitutionnelle ouvre le champ ladoption de lois mettant en uvre cet objectif et censures jusqualors par le Conseil constitutionnel comme contraires au principe dgalit des citoyens devant la loi, comme il a t vu prcdemment. Enfin, en application des nouvelles dispositions constitutionnelles, le dernier grand texte en date parfait les conditions de lgalit professionnelle. La loi n 2011-103 du 27 janvier 2011 relative la reprsentation quilibre des femmes et des hommes au sein des conseils dadministration et de surveillance et lgalit professionnelle prvoit tout dabord que devront nommer une femme dans les six mois suivants sa promulgation, les conseils dadministration et les conseils de surveillance des principales entreprises prives et des entreprises publiques relevant de la loi n 83-675 du 26 juillet 1983 relative la dmocratisation du secteur public si ces conseils nen comptaient pas parmi leurs membres. Ces conseils devront ensuite comprendre des minima de 20 % (2) de personnes dun mme sexe dans les trois ans suivant cette promulgation puis de 40 % dans les six ans qui la suivent. Le non-respect de ces quotas entranera la nullit des nominations (sauf celles des femmes). Un mcanisme de sanctions financires est galement prvu, avec notamment la possibilit dune suspension temporaire des "jetons de prsence" (cest--dire les rmunrations pour participation auxdits conseils). La loi rend, en outre, obligatoire un examen annuel du rapport de situation compare (RSC) par les conseils dadministration ou de surveillance. Le caractre(1) Voir dans lannexe 1 Liste des personnes auditionnes par la Dlgation et comptes rendus des auditions , les interventions des reprsentants syndicaux au cours de la table ronde du 1er mars 2011. (2) Alors que les adversaires au projet de loi opposaient limpossibilit de trouver des femmes, faute dun vivier suffisant, la part des femmes au sein des conseils dadministration des socits faisant partie de lindice boursier CAC 40 vient de franchir, avec un an et demi davance sur le calendrier fix, un seuil de 20 % en moyenne.

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extrmement positif de cette disposition doit tre soulign : il parat en effet vraisemblable que ces conseils dont la composition sera lavenir plus fminine, veilleront davantage aux bonnes pratiques des directions excutives en matire dgalit professionnelle et salariale. Il doit cependant ici tre regrett que lors de son examen du texte, le Snat ait abrog deux dispositions importantes : lobligation de mixit dans la composition des conseils dadministration des tablissements publics industriels et commerciaux et des tablissements publics administratifs de ltat et la transmission annuelle du rapport de situation compare (RSC) des femmes et des hommes lassemble gnrale des actionnaires de la socit concerne. Toutefois, la loi franaise a connu des rpercussions internationales trs importantes ; la Belgique examine ainsi la possibilit dimposer un tiers de femmes dans les conseils dadministration des socits prives et publiques les plus importantes tandis que le Parlement europen devrait prochainement examiner une proposition de rsolution sur ce mme sujet.B. UN DISPOSITIF RENFORC PAR LA JURISPRUDENCE

Alors que la Cour de justice des communauts europennes (devenue depuis lors la Cour de justice de la communaut europenne - CJUE) tait assez rapidement saisie de recours relatifs lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, la Cour de cassation ne consacrait ce principe que plus tardivement.1. Les grands principes europens

La CJUE a tout dabord rappel que, par son inscription dans les traits europens, lgalit professionnelle constituait un principe dapplication directe tant au niveau des lgislations nationales qu celui des conventions collectives et des contrats entre particuliers (1). Dans cette dernire hypothse, il revient lemployeur de prouver que sa pratique salariale nest pas discriminatoire ni contraire au droit europen (2). Sans reprendre toute la jurisprudence europenne tablie sur le sujet (3), il peut tre rappel que la CJUE sest notamment prononce en faveur de : linterdiction des discriminations directes (pour cause de grossesse (4), ou en raison de concours rservs uniquement aux veuves non remaries (5)), indirectes (notamment lorsque les discriminations sappliquent des femmes(1) Defrenne, aff. 43/75, 8 avril 1976. (2) Danfoss, aff. 109/88, 17 octobre 1989. (3) Voir ltude Le droit communautaire et europen et la prohibition des discriminations en matire demploi et de travail , Observatoire du droit europen, Service des tudes et de la Documentation de la Cour de cassation, fvrier 2009. (4) Pacifica Dekker, C-177/88, 8 novembre 1990. (5) Briheche, C-319/03, 30 septembre 2004.

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travaillant temps partiel, telles que lattribution dun moindre salaire horaire (1) ou lexclusion dun avantage de retraite (2)), ou apparentes (lorsque la rmunration moyenne dune profession trs fminise est sensiblement infrieure celle dune profession principalement exerce par des hommes, alors que les deux professions sont de valeur gale (3)) ; lattribution dun avantage aux seules femmes qui partent en cong de maternit ds lors que lallocation forfaitaire ainsi attribue est destine compenser les dsavantages professionnels qui rsultent pour ces salaries de leur loignement du travail (4) ; la ncessit de prvoir des grilles de classification fonde sur des critres communs aux travailleurs masculins et fminins, et non sur des critres qui auraient tendance survaloriser le travail des hommes (5) ; la comptence du juge national pour valuer si deux personnes accomplissent un travail de valeur gale, ce qui ne peut rsulter dune classification dans une mme catgorie professionnelle (6), ni dune formation professionnelle ayant dbouch sur des titres professionnels diffrents (7). Ces apports et prcisions relatives au droit applicable ont partiellement t intgrs par le droit jurisprudentiel franais, qui a, par ailleurs, construit ses propres interprtations sur la rglementation applicable en matire dgalit professionnelle.2. Le systme binaire franais

En France, ainsi que le note Mme Brigitte Grsy(8), aussi bien les femmes discrimines que les organisations syndicales reprsentatives (9) qui pourraient se substituer leur action, ne saisissent quinsuffisamment les tribunaux. Pourtant, prcisant les textes lgislatifs portant sur ce sujet, les devanant parfois, diffrentes volutions jurisprudentielles ont progressivement contribu affirmer le principe de lgalit des femmes et des hommes dans le monde du travail en oprant une vritable distinction entre les deux obligations qui le constituent savoir, la rgle travail gal, salaire gal et lexigence dune nondiscrimination. La Cour de cassation considre en effet quune juridiction(1) Jenkins, aff. 96/80, 31 mars 1981. (2) Bilka, aff. 170/84, 13 mai 1986. (3) Enderby, C-127/92, 27 octobre 1993. (4) Abdoulaye, 16 septembre 1999. (5) Gisela Rummler, aff. 237/85, 1er juillet 1986. (6) Brunnhofer, C-381/99, 26 juin 2001. (7) Danfoss, prcit. (8) Voir le rapport prparatoire la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, prcit, p. 78. (9) Au cours de son audition du 1er fvrier 2011 devant la Dlgation, le professeur Michel Min soulignait lexistence dun manque de formation la reconnaissance des discriminations que rencontrent les femmes, notamment parmi les reprsentants des organisations syndicales - Voir lannexe 1 Liste des personnes auditionnes par la Dlgation et comptes rendus des auditions .

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uniquement saisie dun recours relatif lune des deux obligations na pas se prononcer sur la seconde (1) et que lexamen de lune ou de lautre ne rpond pas aux mmes critres. a) La conscration du principe : travail gal, salaire gal En application de larticle L. 3221-2 du code du travail, tout employeur doit assurer entre les femmes et les hommes une galit de rmunration pour un mme travail ou un travail de valeur gale. En vertu de larrt Ponsolle du 29 octobre 1996, la Cour de Cassation (2) confre cette galit de rmunration la valeur dune rgle imprative : lemployeur est tenu dassurer lgalit de rmunration entre tous les salaris de lun ou lautre sexe, pour autant que les salaris en cause sont placs dans une situation identique. Le salari nest pas tenu de prouver les raisons pour lesquelles il doit percevoir un mme traitement ; il lui suffit dtablir que celui-ci est ingal et cest ensuite lemployeur de justifier la situation en dmontrant quelle est lie des facteurs objectifs (3). Aucune rgle stricte ntant tablie, les juges valuent, au cas par cas, lidentit des situations ainsi que les justifications, objectives et vrifiables, de la diffrence de salaires que lemployeur doit ncessairement apporter ; pour justifier une diffrence de traitement, ils doivent ainsi vrifier soit labsence de situation identique (les conditions demploi ne sont pas les mmes ou ne sont pas de mme valeur), soit que la diffrence de rmunration comprenant le salaire ainsi que les diffrents avantages et accessoires sy rapportant na pas pour cause une diffrence de sexe. Peuvent ainsi tre autorises des diffrences de traitement entre une femme et un homme occupant le mme travail lorsque lun ou lautre sexpatrie (4), a t recrut en urgence dans un contexte de pnurie de candidats (5), occupe un emploi plus pnible incluant le port de lourdes charges (6), possde une plus grande exprience ou comptence (7) ou encore ne rencontre pas les mmes difficults relationnelles que sa collgue (8). Au contraire, doivent bnficier de la mme prime de crche attribue aux mres salaries, des pres salaris exerant un travail de valeur gal celui de leurs collgues femmes (9) ; de mme, doivent toucher un mme salaire, les poux recruts tous les deux comme gardiens dimmeuble sans spcification des tches(1) Cass. soc., 5 juillet 2005. (2) Cass.soc., n 92-43.680. (3) Ce renversement de la charge de la preuve, dj admis par la jurisprudence europenne, sera consacr par loi du 16 novembre 2001. Cf. supra. (4) Cass. soc., 9 novembre 2005, n 03-47.720. (5) Cass. soc., 21 juin 2005, n 02-42.658 et 16 mars 2011, n 09-43.529. (6) Cass. soc., 18 mars 1981, n 79-41547. (7) Cass. soc., 16 fvrier 2005, n 03-40.465. (8) Cass. soc., 28 juin 2000, n 98-41.278. (9) Cass. soc., 27 fvrier 1991, n 90-42239.

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de chacun (1) ou bien encore lhomme et la femme qui exercent les mmes fonctions mme si leurs diplmes, dun niveau quivalent, sont diffrents (2). Si de nombreuses dcisions ont ainsi pu sanctionner des carts injustifis de salaires et permettre des reconstitutions de carrires, la condition dexercice de fonctions identiques pour permettre une galit de salaires, est nanmoins interprte de faon trs rigoureuse par la Cour de cassation : si des hommes portant des charges et des femmes triant des champignons doivent effectivement tre considrs comme accomplissant un travail gal de manutentionnaires dont la pnibilit des tches est quivalente (3), une responsable dagence ne grant quun seul site ne peut pas prtendre exercer un travail gal celui de son collgue grant quatre sites (4) ; de mme, une directrice des ressources humaines de mme niveau hirarchique que des directeurs spcialiss (directeur industrie, directeur tudes-projet, directeur commerce) nexerce pas les mmes fonctions et ne peut exiger ni la mme rmunration ni lusage dune voiture de fonction (5). Cet examen attentif dune identit des fonctions exerces, lie une identit des situations professionnelles, semble aujourdhui moins protecteur des intrts des femmes et des hommes que ne lest celui du respect de lgalit des droits de chacun des deux sexes, notamment lorsque peut tre prouve lexistence dune discrimination lie au genre. b) Lexigence dune non-discrimination entre les femmes et les hommes Aux termes du code du travail, en matire de rmunration, de formation, de classification, daffectation, de promotion, de mutation, un(e) salari(e) ne peut faire lobjet dune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en fonction, notamment de son sexe (articles L. 1132-1 et L. 3221-1 du code du travail) ou de sa grossesse (article L. 1142-1). A ainsi t sanctionne comme mconnaissant le principe de lgalit de rmunration entre les femmes et les hommes lattribution aux seules mres salaries de deux jours de congs supplmentaires par enfant charge (6), dune prime de naissance ou dadoption visant les indemniser des dpenses lies la prsence de lenfant au foyer, dpenses auxquelles un homme doit faire face au mme titre quune femme (7) ou dune bonification au moment de leur dpart en retraite (8).

(1) Cass. soc., 19 fvrier 1992, n 88-45217. (2) Cass. soc. 16 dcembre 2008 n 07-42107. (3) Cass. soc., 12 fvrier 1997, n 95-41694. (4) Cass. soc., 23 mars 1999, n 96-43767. (5) Cass. soc., 26 juin 2008, n 06-46204. (6) Cass. soc., 9 avril 1996, n 92-43841. (7) Cass. soc., 8 octobre 1996, n 92-42291. (8) Conseil dtat, 18 dcembre 2002, n 247224.

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De mme sont contraires au principe de lgalit entre les femmes et les hommes : le refus de promotion dune salarie de retour de cong de maternit alors quelle avait exerc les fonctions correspondantes pendant plus dun an avant son cong (1) ; la diffrence de traitement constate par une salarie stant arrte de travailler pendant dix ans pour lever ses enfants avec ses collgues masculins ayant des diplmes et une exprience professionnelle analogues. son retour de cong parental dducation, elle navait pas retrouv un poste similaire mais avait t affecte un poste moins valorisant, avec une rmunration infrieure et elle navait en outre pas pu bnficier de formation de remise niveau, ni de bilan de comptences (2) ; loctroi une responsable des ressources humaines, du juridique et des services gnraux , dun salaire discriminant par rapport celui touch par ses collgues masculins chargs de la mise en uvre de lactivit commerciale et des finances. Contrairement larrt prcit du 26 juin 2008, la Cour de cassation na pas rechercher si les fonctions sont ou non identiques et si elles justifient ou non la diffrence de rmunration. Elle constate quune ingalit de traitement est avre lorsque dans les trois domaines dactivit nettement distincts, les fonctions de direction prsentaient une identit de niveau hirarchique, de classification, de responsabilits ainsi quune importance comparable dans le fonctionnement de lentreprise et que chacune delles exigeait en outre des capacits comparables et reprsentait une charge nerveuse du mme ordre (3). Malgr ladoption des lois relatives lgalit professionnelle et en dpit des apports de la jurisprudence, il convient de constater quaujourdhui comme hier, la mixit et lgalit professionnelle sont loin dtre assures et que les organisations syndicales et les chefs dentreprise ne se sont pas saisis de tous les instruments mis leur disposition pour dfinir des politiques actives dgalit professionnelle entre les femmes et les hommes. Ainsi que le dmontrent amplement les chiffres cls 2010 que vient de publier le ministre des Solidarits et de la cohsion sociale, en 2009, les femmes salaries taient plus nombreuses que les hommes :

(1) Cass. Soc., 16 dcembre 2008, n 06-45262. (2) Cour dappel de Paris, 5 mai 2010, BNP Paribas. (3) Cass. soc., 6 juillet 2010, n 09-40021.

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- avoir le baccalaurat (87,4 % contre 84,8 %) ; - sinscrire dans les filires universitaires de lettres et sciences humaines (o elles sont 70 %) et dlaisser les sections universitaires scientifiques (o elles sont 47,9 %), ainsi que les filires slectives de lenseignement suprieur (les filles ne reprsentent que 30,5 % des inscrits dans les classes prparatoires scientifiques, 27,3 % dans les coles dingnieurs et 40,1 % dans les instituts universitaires de technologie ; - tre sous reprsentes dans les fonctions dencadrement des secteurs priv et public (30 %), parmi les dirigeants salaris dentreprise (17,1 %) et les emplois de direction des trois fonctions publiques (27,3 %), au sein des conseils dadministration (15,3 % en 2010) ainsi quau sein des conseils de prudhommes (28,4 %) ; - prendre en charge le mnage (passant quatre fois plus de temps que les hommes le faire) et les enfants ou un adulte charge la maison (sen occupant deux fois plus). Elles consacrent, en moyenne, 3 h 48 par jour aux tches domestiques contre 1 h 59 pour les hommes ; - occuper des contrats de travail souvent prcaires (10,7 % des femmes actives sont sous contrats dure dtermine contre 5,9 % des hommes et 29,9 % dentre elles travaillent temps partiel contre 6 % pour les hommes) ; - tre touches par le sous-emploi (1) (8,3 % contre 3 %). Cest notamment pour ces raisons que leurs salaires, tous temps de travail confondus, sont infrieurs de 27 % ceux des hommes (et de 19,2 % en moyenne pour les salaires des travailleurs temps complet des secteurs priv et semipublic) tandis que le montant moyen de leurs droits directs de leurs pensions de retraite (825 euros en 2008) est infrieur de 42 % celui des hommes (1 426 euros), les femmes validant deux fois moins souvent de carrires compltes que les hommes (respectivement 41 % contre 86 %).

(1) Le sous-emploi comprend les personnes actives occupes au sens du Bureau international du travail qui remplissent lune des conditions suivantes : elles travaillent temps partiel, souhaitent travailler davantage pendant la priode de rfrence utilise pour dfinir lemploi et sont disponibles pour le faire, quelles recherchent activement un emploi ou non ; elles travaillent temps partiel (et sont dans une situation autre que celle dcrite ci-dessus) ou temps complet, mais ont travaill moins que dhabitude pendant une semaine de rfrence en raison de chmage partiel, ralentissement des affaires, rduction saisonnire dactivit ou mauvais temps.

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II. LGALIT PROFESSIONNELLE NE CONSTITUE TOUJOURS PAS UNE NORME SOCIALE RECONNUE Pour les organisations syndicales, le thme de lgalit professionnelle constitue moins une ncessaire reconnaissance de la place des femmes dans les entreprises quune revendication sinscrivant parmi toutes celles, bien plus urgentes leurs yeux en ces temps de crise conomique, qui tendent dfendre les intrts des salaris. Pour les chefs dentreprise, ce thme parat surtout constituer une contrainte, voire parfois une tracasserie administrative et une source de dpenses salariales supplmentaires. Semblant ignorer les lois qui entendent mettre en place cette galit et les acquis de la jurisprudence, les principaux acteurs du monde du travail ne reconnaissent donc ni les rpercutions bnfiques des politiques dgalit professionnelle sur lensemble des salaris ni la corrlation, tablie par diffrentes tudes, entre la place des femmes dans le monde du travail et la performance des entreprises (1). Mais comment vritablement leur reprocher ce manque de reconnaissance quand ltat, lui-mme manque son devoir dexemplarit en la matire ? Quand les politiques menes en faveur des femmes ne sont pas portes par les autorits administratives de ltat ou des tablissements hospitaliers ni par les lus responsables de collectivits territoriales ?A. UN DIALOGUE SOCIAL PEU VOLONTARISTE

Paralllement la volont dinstituer des instruments pour lgalit salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, le lgislateur a toujours entendu laisser toute sa place au dialogue social. Pourtant, pendant de longues annes, les partenaires sociaux ne se sont jamais rellement investis sur le thme de lgalit professionnelle ainsi quen tmoigne le bilan encore insuffisant de la ngociation collective en cette matire et ce, tous les niveaux.1. Les accords interprofessionnels et les confrences tripartites

Un premier accord national interprofessionnel (ANI) sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, sign le 23 novembre 1989, a invit les branches professionnelles promouvoir lemploi fminin en veillant au respect de lgalit des droits et en facilitant ladoption de mesures de rattrapage destines contribuer lgalit des chances. Par ailleurs, il les incitait tablir un constat de la situation, dfinir des objectifs concrets et favoriser leur mise en uvre.

(1) Voir, sur ce point dans lannexe 1 prcite, le compte rendu de laudition de Mme Sandrine Devillard, directrice associe senior du cabinet McKinsey & Compagnie, prsentant le rapport Women matter 2010.

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Mais cet accord est largement rest lettre morte, une seule branche (celle de la cimenterie) layant repris entirement (1). Quinze ans plus tard, laccord national interprofessionnel (ANI) sur la mixit et lgalit professionnelle du 1er mars 2004 est sign lunanimit des organisations syndicales et patronales reprsentatives. Dans son prambule, il est soulign que : lemploi des femmes est un facteur de dynamisme social et de croissance conomique. Observant que la rsorption des disparits qui subsistent entre les femmes et les hommes dans le monde du travail relve au principal dune volont politique de tous les acteurs, laccord traite de nombreux domaines : lvolution des mentalits et la remise en cause de certains strotypes sans laquelle lgalit professionnelle ne pourra pas se raliser, lorientation scolaire, le recrutement, la formation professionnelle, les promotions et la mobilit, enfin lgalit salariale. Sa mise en application par les branches va, l encore, tre assez lente : les accords exclusivement consacrs lgalit des femmes et des hommes ont t successivement de : 2 sur 1 046 accords et avenants en 2004, 2 sur 1 044 en 2005, 1 sur 1 096 en 2006 et 9 sur 1 012 en 2007, soit un total de 14 accords exclusifs en quatre ans. Prs de deux ans aprs ladoption de la loi n 2006-340 du 23 mars 2006 relative lgalit salariale entre les femmes et les hommes, se tenait la Confrence tripartite sur lgalit professionnelle et salariale du 26 novembre 2007, laquelle avaient t invites les deux Dlgations aux droits des femmes de lAssemble nationale et du Snat. Consacrant une vision commune et partage par tous les participants, cette confrence a ainsi dcid que des outils de mesure fiables des carts de situations entre les femmes et les hommes seraient mis la disposition des entreprises compter du 1er juin 2008 pour les aider tablir leur rapport de situation compare (RSC). Sur la base de ce RSC, toute entreprise dau moins 50 salaris devait dfinir et transmettre avant le 31 dcembre 2009 la direction dpartementale du travail, de lemploi et de la formation professionnelle comptente, un plan de rsorption des carts salariaux entre les femmes et les hommes comportant les mesures de rattrapage salarial ncessaires et accompagn de lavis motiv du comit dentreprise. Un accord avait, en outre, t trouv pour que des pnalits financires, ventuellement exprimes en pourcentage de la masse salariale, soient cres par le lgislateur afin de sanctionner les entreprises nayant pas satisfait leur obligation. la suite de la confrence tripartite, une campagne dinformation sur les enjeux de lgalit salariale entre les femmes et les hommes a t engage dans chaque rgion afin de susciter lmergence de bonnes pratiques.(1) Rapport dinformation (n 347) de M. Grard Cornu, Dlgation aux droits des femmes, Snat, 17 mai 2000, p. 6.

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Malheureusement, il a pu tre constat quen 2008, 43 % des branches navaient toujours pas conclu un accord ou engag des ngociations sur lgalit salariale des femmes et des hommes. Toutefois, depuis cette date, ces ngociations semblent commencer progresser : 19 et 35 accords spcifiques ont t respectivement signs sur ce sujet en 2008 et en 2009. Une confrence sur le partage des responsabilits professionnelles et familiales, organise par le ministre des Solidarits et de la cohsion sociale, sest tenue le 28 juin 2011 en lieu et place dune table ronde sur le temps partiel annonce la fin de la confrence tripartite de 2007 et puis nouveau, au dbut de lanne 2011. Cette journe, ddie aux strotypes de genre , lorganisation du travail et aux congs familiaux , a abord au travers de diffrents tmoignages des sujets dj maintes fois discuts et dont les tenants et aboutissants sont dsormais bien connus. Il peut donc tre regrett que les consquences du dveloppement actuel du temps partiel ny aient quasiment pas t traites alors quelles sont dnonces par lensemble des reprsentants des organisations syndicales comme lun des risques les plus graves de discrimination envers les femmes (1).2. La diversit des ngociations de branche

Au niveau des branches, les partenaires sociaux lis par une convention ou des accords professionnelles se runissent tous les trois ans, pour ngocier sur les mesures tendant assurer lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant remdier aux ingalits constates (article L. 2241-3 du code du travail) sur la base dun rapport de situation compare de branche. En outre, chaque anne lors de la ngociation sur les salaires ainsi que tous les cinq ans lors de la ngociation sur les classifications ils doivent intgrer des objectifs dgalit professionnelle dans ces ngociations mais galement dfinir et programmer des mesures permettant de supprimer les carts de rmunration entre les femmes et les hommes (article L. 2241-9 et suivants du code prcit). Ces ngociations annuelles, triennales et quinquennales supposent du temps, des moyens et, pour les accords des branches les plus importantes, des expertises et des ngociateurs pouvant y consacrer des heures et parfois des nuits. De ce fait, ainsi que la constat M. Jean-Denis Combrexelle, directeur gnral du travail (2), considrant que les femmes prennent majoritairement leur charge diffrentes responsabilits familiales, on trouve davantage dhommes que de(1) Voir sur ce sujet le rapport dinformation sur le temps partiel (n 3602) que la Dlgation a adopt le 29 juin 2011. (2) Audition du 10 novembre 2010 de M. Jean-Denis Combrexelle, directeur gnral du travail, au ministre du Travail, de la solidarit et de la fonction publique, et de M. Benjamin Raigneau, chef du bureau des revenus et de la dure de travail.

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femmes autour de la table de ngociation ; par consquent, les accords relatifs lgalit professionnelle sont signs en majorit par des hommes. a) Une lente progression quantitative et qualitative des accords la suite de laccord national interprofessionnel du 1er mars 2004, voqu prcdemment, des accords collectifs sur lgalit ont t conclus dans une branche sur deux(1). Progressant quantitativement, la ngociation collective samliore galement dun point de vue qualitatif puisque la direction gnrale du travail (2) constate quil est de plus en plus frquent quelle nait aucune rserve mettre sur les textes signs contrairement ce que lon constatait il y a trois ans et elle impute ce progrs au fait de diffuser et de faire connatre les bonnes pratiques. Sur ce dernier point, il convient ici de saluer le concours important quapporte lObservatoire sur la responsabilit sociale des entreprises (ORSE), qui, en tenant une liste des diffrents accords collectifs consultables en ligne (3), fournit divers exemples de ces bonnes pratiques. De la toute premire convention des industries des tuiles et brique (29 avril 2002) qui entend fminiser un secteur trs masculin travaillant beaucoup de nuit (4), la convention de lindustrie pharmaceutique (24 mars 2011) (5), prs dune centaine daccords ont ainsi t mis en ligne. Parmi ces conventions, peuvent encore tre cits les exemples des accords de branche intervenus dans les secteurs des tlcommunications (23 septembre 2005) (6), de la banque (15 novembre 2006) (7), de la fabrication et le commerce des produits usage pharmaceutique et vtrinaire (16 octobre 2007) (8), des industries lectriques et gazires (24 avril 2008) (9), de la mtallurgie (avenant du

(1) Audition du 3 novembre 2010 de Mme Rachel Silvera, matre de confrence lUniversit Paris-OuestNanterre, co-auteur de larticle Comparez les emplois entre les hommes et les femmes . (2) Audition prcite du 10 novembre 2010 de MM. Jean-Denis Combrexelle et Benjamin Raigneau (3) Voir : http://www.egaliteprofessionnelle.org/index.php?p=dialogue&r=accord-branche. (4) Laccord tend mettre en place des politiques galitaires dembauche, de rmunration, de formation et dvolution professionnelle et adopter des mesures de protection spcifiques pour les femmes enceintes dont une garantie de rmunration pendant leur cong de maternit. (5) Laccord prvoit notamment que chaque anne, la branche remettra aux partenaires sociaux un rapport dtaill sur la situation de lemploi et lvolution des salaires par groupe de classification et par sexe afin de prendre les mesures ncessaires pour rduire les carts de situation qui pourront tre constats entre les femmes et les hommes. (6) Laccord prvoit que les priodes de suspension du contrat de travail, notamment pour cong de naissance ou dadoption sont prises en compte pour le calcul des droits au droit individuel de formation (DIF) ; il autorise les entreprises initier des dmarches de reprage et daccompagnement des potentiels fminins pour faciliter leurs candidatures des postes de responsabilit. (7) Premier accord de branche postrieur la loi du 23 mars 2006, il prvoit notamment des mesures de rattrapage visant rduire les carts de rmunration constats afin de les supprimer dici la fin 2010 et se fixe pour objectif de compter 40 % de femmes dans leffectif total de ses cadres dici fin 2010. (8) Laccord permet de majorer de 10 % lallocation de formation due aux salaris se formant en dehors de leur temps de travail, sils ont des frais supplmentaires de garde denfants de moins de seize ans. (9) Afin de fminiser des mtiers fortement masculiniss et rciproquement, lObservatoire des mtiers de la branche est appel monter des partenariats avec lducation nationale pour informer les collgiens et favoriser lorientation des filles vers lesdits mtiers.

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30 juin 2009) (1) ou des entreprises de prvention et de scurit (23 avril 2010) (2). b) Un bilan pourtant peu satisfaisant Si les exemples choisis sont, certains points de vue, exemplaires, il doit tre constat que depuis lANI de 2004, seules 68 des 1 000 branches recenses par la Direction gnrale du travail (3) ont sign un accord spcifique sur lgalit des femmes et des hommes. Quant aux 400 500 accords salariaux signs annuellement, le rapport La ngociation collective en 2009 (juin 2010) de la direction de lanimation de la recherche, des tudes et de la statistique (Dares) constate que seuls un peu plus de 10 % de ces accords prennent en compte un objectif dgalit professionnelle. En outre, selon le rapport prparatoire prcit de Mme Brigitte Grsy (4) les accords abondent en rappels de la loi et en dclarations de bonnes intentions et ne contiennent pas suffisamment de mesures concrtes, dindicateurs et de diagnostics . Cest pour ces raisons que Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrtaire confdrale de Force ouvrire (5), souhaiterait que ladministration du travail ne se contente plus dmettre des rserves sur tous les accords inconsistants mais les renvoie la ngociation ; dans un mme ordre dide, Mme Laurence Laigo, secrtaire nationale de la CFDT en charge de la politique en direction des femmes (6) propose que les rapports annuels de la Dares sur la ngociation collective prennent davantage en compte laspect qualitatif des accords de branche afin de mieux dterminer ceux qui ne traitent pas rellement de lgalit entre les genres. Ces mmes critiques ont t formules devant la Dlgation par plusieurs des personnes quelle auditionnait. Certaines dentre elles ont galement regrett que ces accords nabordent jamais la question des mtiers , une composante essentielle dans les branches o certains secteurs dactivit trs fminiss sont dvaloriss (7), quils ne sattaquent pas aux discriminations indirectes vhicules par les grilles de classification (8) construites sur des prsupposs de(1) Laccord prvoit la rdaction dun guide explicatif et incitatif portant sur les attitudes facilitant lintgration des femmes (accueil, locaux mis leur disposition, codes de langages et attitudes) et encourage la cration de crches. (2) Laccord prvoit que le recours une mobilit professionnelle ne doit pas tre discriminatoire et ne doit pas en consquence mettre en pril lquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Il incite par ailleurs les organisations syndicales reprsentatives respecter les diffrents principes daccs et dexercice partag des responsabilits lors de la mise en place des lections professionnelles : une reprsentation quilibre des femmes et des hommes sur les listes lectorales doit tre recherche en fonction de la proportion respective des femmes et des hommes employs par lentreprise. (3) Audition prcite du 10 novembre 2010 de MM. Jean-Denis Combrexelle et Benjamin Raigneau. (4) Rapport prparatoire la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, p.59. (5) Voir dans lannexe 1 : Liste des personnes auditionnes et comptes rendus des auditions , le compte rendu de la table ronde syndicale du 1er mars 2011. (6) Ibidem. (7) Audition de M. Franois Fatoux, dlgu gnral de lORSE du 21 dcembre. (8) Audition de M. Michel Min, professeur du droit du travail, du 1er fvrier 2011.

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comptences sexues et sur un modle masculin qui aboutissent ce que les emplois prdominance fminine soient les moins valoriss limage de lexprience tente par les infirmires suisses du canton de Genve qui comparant leurs conditions de travail (niveau dtudes, temps de travail, risques et responsabilits) celles des gendarmes ont dmontr quelles taient sousrmunres par rapport eux (1). Or, le contenu des accords de branche revt une importance dautant plus dterminante que dans les petites entreprises o les organisations syndicales ne sont pas forcment prsentes, ils sont les seuls accords collectifs qui soient applicables aux salaris. Ces accords sont ainsi majoritairement applicables dans les entreprises de 1 9 salaris dont il convient de rappeler quelles constituent 82,2 % du total des entreprises et quelles emploient 24,8 % de lensemble des salaris (2). Dans les entreprises plus importantes, la question de la ngociation est galement essentielle. Mais, l encore, on doit dplorer des rsultats trs faibles.3. La multiplicit des ngociations dans les entreprises

Deux ngociations annuelles imposes aux entreprises ont pour objet lgalit des femmes et des hommes : lune spcifique est fonde sur le rapport de situation compare des femmes et des hommes dans lentreprise (RSC) et doit porter sur les objectifs dgalit professionnelle entre les genres ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre (article L. 2242-5 du code du travail) ; la seconde sinscrit dans la ngociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires (L. 2242-6 du mme code) et doit dfinir et programmer les mesures permettant de supprimer les carts de rmunration entre les femmes et les hommes (article L. 2242-7 du mme code). Ce double systme qui nous vient de la coexistence des dispositions des lois des 9 mai 2001 et 23 mars 2006 ne facilite pas le processus de ngociation. Il mobilise par deux fois sur des sujets proches les partenaires sociaux qui, de surcrot ne sont souvent pas suffisamment forms la dtection des discriminations pouvant exister dans leur entreprise (3). Il rend galement difficile la distinction, par les administrations charges de les recenser, des accords relevant de la ngociation spcifique, de ceux relevant de la ngociation annuelle obligatoire sur les salaires. Notons quen outre, ce double systme sajoute, ainsi que nous lavons indiqu prcdemment, aux diverses autres NAO portant sur la dure du travail, le rgime de prvoyance maladie, lintressement, la participation et lpargne salariale et les travailleurs handicaps lesquelles doivent intgrer des objectifs(1) Audition prcite de Mme Rachel Sivera. (2) Voir lemploi salari en 2009 , Repres et analyses statistiques, n 17, Direction Enqutes et prvisions de Ple Emploi, aot 2010. (3) Audition du professeur Michel Min, prcite.

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dgalit professionnelle. Lobligation de ngocier, dont linitiative revient lemployeur ou sil ne le fait pas une organisation syndicale qui rclamerait cette ngociation, nest assortie daucune obligation de conclure un accord. Toutefois, rappelons qu compter du 1er janvier 2012, les entreprises qui ne seront pas couvertes par un accord relatif lgalit professionnelle ou qui nauront pas dfini des objectifs et des mesures sur ce sujet dans le plan daction dun RSC, seront soumises une pnalit de 1 % au maximum des rmunrations et des gains verss par lentreprise (1). a) Des accords des plus htrognes Le contenu des accords spcifiques lgalit professionnelle diffre profondment dune entreprise lautre : certains ne contiennent que des rappels de la loi et des dclarations de principe tandis que dautres posent un diagnostic et mettent en place de vritables mesures. Par ailleurs, ainsi que le note Mme Brigitte Grsy (2), certains thmes pnibilit, horaires atypiques, sant, harclement et violences ne sont que peu ou pas abords. Les analyses de lObservatoire sur la responsabilit socitale des entreprises (ORSE) sur les accords spcifiques dgalit professionnelle dans les entreprises (3) font apparatre plusieurs tendances rcurrentes traiter certains sujets (carts de salaires, enjeux de la parentalit, strotypes sur les femmes et sur les hommes, fminisation de lencadrement) mais notent aussi lmergence de nouveaux thmes sur les questions de llargissement des modes de recrutements et de mixit afin que les hommes entrent dans des mtiers trs fminiss (4) ou sur les conditions dexercice de la parentalit (5). En tout tat de cause, quil traite spcifiquement de lgalit professionnelle ou quil porte sur la suppression des carts de rmunration entre les femmes et les hommes, un bon accord pour lentreprise et pour lensemble des salaris qui la composent il ne sera jamais suffisamment rpt que les(1) Voir supra 2 du A du I. (2) Rapport prparatoire prcit la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, p. 59. (3) Voir Bilan quantitatif et qualitatif des accords signs en 2008 , juin 2009, publi ladresse internet suivante : http://www.orse.org/newsletter/PDF_fevrier2/Analyse_des_accords_egalite_professionnelle_0309.pdf , et La place des hommes dans les accords dentreprise sur lgalit professionnelle , publi ladresses internet suivante : http://www.egaliteprofessionnelle.org/maj/_files/upload/documents/type6/La_place_des_hommes_dans_les_accords_d_entreprise_sur_l_egalite_professionnelle.pdf. (4) Par exemple, se sont engages, lentreprise Castorama accrotre la part des hommes dans la filire Caisse et accueil de 2 points par an (accord de 2009), lentreprise Schneider Electric faciliter le positionnement dhommes sur des mtiers trs fminiss en changeant certains intituls de postes ou en favorisant des formations (2004), et lentreprise Alcatel-Lucent rechercher en priorit une candidature fminine pour pourvoir, en interne, un poste de mangement (2011). (5) Ces conditions peuvent consister en lorganisation de parcours spcifique pour les pres (Bayer Sant SA, 2004), la rdaction dun guide ou dune plaquette dinformation sur les droits des pres (Accenture et AFPA, 2006) ou encore le maintien du salaire pendant le cong paternit (prvu par 63 % des accords en 2010) ou la transformation du 13e mois en 22 jours de congs supplmentaires.

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mesures en faveur de lgalit sont des mesures non pas discriminantes lgard des hommes mais des mesures dont les rpercussions sont bnfiques pour tous ne peut se ngocier que sur la base dun diagnostic de la situation existante fond sur des donnes chiffres et sexues, cest--dire sur la base dun rapport de situation compare (RSC) des femmes et des hommes au sein de lentreprise. Car ainsi que lnonce trs justement Mme Cristina Lunghi, prsidente-fondatrice dArborus, porte parole du Club label galit et du Club label diversit (1) : Il faut en effet commencer par raliser une photographie de la situation des femmes et des hommes dans les entreprises pour, ensuite, pouvoir lanalyser et mettre en place, si ncessaire, des mesures correctives ou des plans daction. Outre son rle de diagnostic incontestable de la situation de lentreprise, le RSC est un lment de prise de conscience dune situation qui est presque toujours dnie au sein des entreprises et il oblige ces dernires prendre conscience de discriminations involontaires et inconscientes souvent produites par des manires habituelles de faire ou des faons strotypes de penser. De fait, tant les chefs dentreprises que les salaris femmes (pour 30 % dentre elles) et hommes (pour 50 %) sont convaincus que lgalit professionnelle est assure au sein de leur entreprise. La Dlgation a elle-mme constat limportance quavaient pu jouer et que jouent encore les RSC dans les politiques dgalit professionnelle menes au sein des entreprises PSA Peugeot Citron (2), ERDF-GRDF (3) et du Groupe Le Figaro (4) et lincidence positive de ces politiques de mixit sur ces entreprises. b) De faibles effets sur les salaris Les ngociations ntant obligatoires que dans les entreprises de cinquante salaris au moins, elles ne concernent de fait en 2009 que 3,1 % des tablissements affilis lassurance chmage et 46,2 % des effectifs salaris (5). De 2004 2009, le pourcentage des accords contenant le thme de lgalit professionnelle, quils soient ou non spcifiques, est pass de 0,7 % (soit 129 accords sur un total de 19 300) 6,9 % (soit 1 531 accords sur prs de 22 204 textes). Une progression sensible apparat ds 2007, qui semble rpondre lobligation fixe par la loi du 23 mars 2006 aux entreprises de conclure des accords de rattrapage des carts salariaux avant le 1er dcembre 2010 ; cette progression se constate essentiellement dans les grandes entreprises puisquen 2009, 40 % de ces textes concernaient des socits de plus de 300 salaris. Enfin, normalement fonds sur un RSC rdig par le chef dentreprise, un(1) (2) (3) (4) (5) Audition du 5 octobre 2010. Audition du 8 fvrier 2011. Audition du 6 avril 2011. Audition du 12 avril 2011. Voir lemploi salari en 2009 , Repres et analyses statistiques n 17, Direction Enqutes et prvisions de Ple Emploi, aot 2010.

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certain nombre de ces accords sont en fait ngocis sans ce bilan pralable, tandis que les autres le sont sur la base de documents dont la qualit est extrmement variable dune entreprise lautre, allant dun rapport bien document et lisible un rapport volumineux mais illisible parce que compos de donnes brutes non analyses et non commentes (1). Alors que ces RSC devaient tre remis linspection du travail, permettant ainsi un contrle a minima sinon de leur contenu, au moins de leur existence, la loi n 2009-526 du 12 mai 2009 portant mesures de simplification en faveur des citoyens et des usagers de ladministration a supprim cette obligation : le rapport doit simplement tre tenu la disposition de lautorit administrative, 15 jours aprs la consultation des reprsentants du personnel. Constatant que, selon le rapport prparatoire la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes (2), plus de la moiti des entreprises ne ralisaient pas de RSC prs de 25 ans aprs son instauration par la loi, la Dlgation a dcid, fin 2010, de faire procder un sondage auprs des entreprises de cinquante salaris au moins : cette enqute avait pour but de dterminer les raisons pour lesquelles les lois sur lgalit professionnelle taient si peu appliques et de comprendre pourquoi le RSC, dont la rdaction a t simplifie en 2008 lattention des petites et moyennes entreprises, nest toujours pas majoritairement adopt par les chefs dentreprise.B. DES CHEFS DENTREPRISE DIVERSEMENT MOTIVS

Dans le cadre dune procdure de passation de march public, Mme et MM. les questeurs de lAssemble nationale ont retenu, au cours de leur runion du 26 janvier 2011, la socit IFOP pour interroger par tlphone 602 dirigeants dentreprises, reprsentatifs des entreprises franaises de 50 salaris au moins (3). Lenqute sur lapplication des lois relatives lgalit professionnelle entre hommes et femmes a t mene du 10 septembre au 16 fvrier 2011. Elle produit des rsultats trs rvlateurs de la persistance des ingalits au sein des entreprises et dmontre que, malgr une volont affiche des chefs dentreprise de les combattre, elles restent sous-estimes en raison notamment de la persistance de reprsentations strotypes lies aux genres (4).1. La situation ingalitaire des femmes dans les entreprises

Si, en moyenne, les femmes reprsentent 38,5 % des effectifs globaux des entreprises de plus de 50 salaris, leur prsence chute au fur et mesure que lon monte dans la hirarchie o elles ne reprsentent que 27 % des cadres et 19,3 %(1) Voir table ronde syndicale prcite. (2) Rapport prcit, p. 61. (3) La reprsentativit de lchantillon a t assure par la mthode des quotas (taille et secteur dactivit). (4) Voir dans lannexe 4, les rsultats dtaills du sondage.

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des personnels de direction (directeurs et directeurs-adjoints). La parit dans les postes de cadres et de direction nest respectivement atteinte que par 23 % et 17 % des entreprises interroges mais 14 % dentre elles ne comptent aucune femme cadre et 39 % aucune femme un poste de direction. Par ailleurs des clivages importants se constatent non pas selon la taille des entreprises mais selon les secteurs dactivit - avec une mention spciale pour le secteur du btiment et des travaux publics (BTP) qui saffirme comme le seul secteur o lon ne note aucune sous-reprsentation des femmes aux postes dencadrement (13,5%) et de direction (11,6%) par rapport leur poids dans leffectif global (11,1%) ou selon la fminisation des entreprises puisque les entreprises les moins fminises (de 1 % moins de 20 % de femmes) et les plus fminises (plus de 50 % de femmes) comprennent le plus grand nombre de femmes cadres (32 % pour les premires et 23 % pour les secondes) ou dirigeantes (soit respectivement, 23 % et 17 %).2. Lanalyse peu clairvoyante des chefs dentreprise

Au cours de lenqute, les dirigeants interrogs taient appels valuer (1) limportance pour leur entreprise de six enjeux diffrents. Avec une moyenne de 7,7 lgalit professionnelle entre hommes et femmes apparat comme le deuxime enjeu le plus important, galit avec lintgration des jeunes . Ces deux proccupations arrivent juste aprs laccs la formation pour toutes les catgories de salaris qui obtient 8,1 et devancent le maintien dans lemploi des seniors , lemploi des personnes en situation de handicap et lemploi des seniors . Cette proccupation de lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes concerne assez galement tous les types dentreprises et de secteurs avec une prdominance pour les entreprises de services, les PME de moins de 100 salaris, les entreprises les plus fminises notamment parmi les fonctions dirigeantes et les entreprises qui ont dj mis en place une politique galitaire (adoption dun accord spcifique lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes ou organisation de formations sur le sujet). Ces rsultats montrent nanmoins un fort dcalage entre limportance accorde par les dirigeants des entreprises lenjeu de lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes et les ralits observes au sein des entreprises. En effet, appels valuer limportance des ingalits entre les genres dans leur entreprise, les dirigeants interrogs : jugent peu importantes lesdites ingalits, attribuant des notes qui ne varient que dun maximum de 3,3 sur 10 attribu litem laccs des femmes des postes de direction un minimum de 2,5 sur 10 pour le dveloppement des comptences et des formations . Les ingalits en termes de salaires et damnagement du temps de travail ne viennent quen troisime position avec(1) En attribuant une note de 0 10 (0 signifiant quil sagit dune ralit qui nest pas du tout importante, 10 dune ralit trs importante).

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une note gale 3 ! Ces valuations prouvent une faible prise de conscience des dirigeants, voire un dni de lexistence dingalits professionnelles dans leur entreprise : rappelons en effet que parmi les entreprises interroges, seules 17 % voient leurs effectifs dirigeants composs plus de moiti de femmes et que lcart moyen des salaires constat en France entre les femmes et les hommes est aujourdhui de 27 % ! Il doit tre not que la reconnaissance des ingalits professionnelles augmente avec la taille de lentreprise, la prsence de femmes cadres ou dirigeantes ou encore avec la mise en place par lentreprise dun rattrapage des carts de rmunration entre les femmes et les hommes. Au contraire, il nexiste pas de lien entre une telle reconnaissance et la prsence dun rapport de situation compare (RSC) ou dun accord spcifique, lexistence de ce dernier semblant mme inciter lentreprise o il sapplique moins bien percevoir les ingalits professionnelles entre les sexes, au motif, peut-tre que la signature dudit accord aurait rgl tous les problmes. expliquent prioritairement les ingalits professionnelles qui frappent les femmes par les ruptures de carrire du fait des congs maternit et parentaux (73 %), la plus forte proportion de travail temps partiel parmi les femmes , souvent associe la garde des enfants (70 %) et les difficults articuler vie professionnelle et vie prive (69 %). Les personnes interroges ont trs peu voqu les facteurs structurels dingalit mme si 40 % dentre elles ont estim que les diffrences dorientation lors de la scolarit pouvaient constituer un lment dexplication dune telle situation ; participent spontanment (1) la persistance des reprsentations associes aux genres en leur accordant des qualits et des comptences trs diffrentes chaque sexe : les hommes se caractrisent par leur force physique et leur endurance (25 %) et par leur disponibilit (22 %) tandis que les femmes sont consciencieuses et rigoureuses (33 %), possdent un sens de lcoute et un bon relationnel (18 %) ainsi quun bon sens de lorganisation (13 %). Ces apprciations strotypes semblent indiquer de faon sous jacente que pour bon nombre de chefs dentreprise, les femmes, du fait de leur nature, ne peuvent pas occuper des postes responsabilit. Ce dni des ingalits et cette persistance des strotypes rvlent quen fait la problmatique de lgalit entre les femmes et les hommes ne fait pas partie des priorits des entreprises, voire quelle nest pas un problme pour elles ; ils expliquent en partie les raisons pour lesquelles peu dactions concrtes sont mises en place au sein des entreprises, malgr les mesures lgislatives en vigueur.

(1) La question tait ouverte et ne comportait pas de rponse suggre.

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3. La carence constante de pratiques dentreprise galitaires

Alors quau 1er janvier 2012, sous peine dune sanction correspondant au versement dune pnalit dun montant de 1 % de lensemble des salaires et des gains, les entreprises de 50 salaris au moins devront tre couvertes par un accord spcifique relatif lgalit professionnelle ou tre dotes du plan daction contenu dans leur rapport de situation compare (RSC) des conditions gnrales demploi entre les hommes et les femmes (1), plus des 4/5 des entreprises interroges ne sont pas couvertes par un accord (87 %) et un peu moins de la moiti dentre elles (49 %) nont pas labor leur RSC 44 % dclarent expressment ne pas avoir effectu cette dmarche et 5 % ne rpondent pas la question. a) Un outil de mesure des ingalits ddaign Parmi les 51 % dentreprises ayant rdig un RSC, 38 % le mettent jour tous les ans. Lexistence dun RSC dpend largement de la taille de lentreprise puisque si seules 38 % des entreprises de 50 99 salaris ont rpondu leur obligation lgale, cette proportion monte 84 % parmi les entreprises de plus de 500 salaris. La rdaction du RSC se fait en interne dans 91 % des cas, le recours des consultants extrieurs tant davantage, mais de faon minoritaire, le fait des petites entreprises (11 %), des entreprises du secteur du commerce (14 %) et des entreprises les plus fminises (18 % des entreprises comptant plus de 50 % de femmes cadres et 17 % de celles comptant plus de 50 % de femmes parmi les personnels de direction). Le jugement sur lefficacit du rapport varie selon la taille des entreprises : 66 % des entreprises comptant entre 250 et 499 salaris et 63 % de celles en comptant plus de 500 considrent quil a permis de raliser une analyse efficace des questions lies lgalit entre les femmes et les hommes dans lentreprise tandis que 60 % des entreprises de 50 99 salaris et 55 % de celles de 100 249 salaris estiment le contraire. De ce fait, lintention de mettre en place des actions concrtes suite la rdaction du RSC est galement plus prsente parmi les plus grandes entreprises (57 % des entreprises de plus de 500 salaris et 27 % des entreprises entre 300 et 499 salaris) alors quelle savre en retrait parmi les entreprises comptant entre 50 et 299 salaris (20 %). Parmi les 44 % dentreprises ayant dclar navoir pas rdig de RSC, prs de la moiti (48 %) lexpliquent par labsence de problmes dgalit entre les femmes et les hommes dans leur entreprise, sinscrivant ainsi en cohrence avec leur perception de faibles ingalits analyse prcdemment. Parmi les autres raisons voques, les entreprises mentionnent labsence de(1) Voir supra 2 du A du I.

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sanction (15 %), un manque de connaissance de la lgislation (7 %) et une taille salariale antrieure de moins de 50 salaris (17 %). Il est par ailleurs assez tonnant de constater que 74 % des entreprises de plus de 500 salaris dotes en gnral de services de relations humaines toffs invoquent la trop grande complexit du dispositif et le manque de moyens pour le raliser contre 20 % seulement des entreprises de 50 99 salaris, mme si la vrit oblige rappeler que la rdaction dun RSC a t simplifie pour ces dernires. b) Une ngociation collective des plus poussives Seules 13 % des entreprises de plus de 50 salaris ont mis en place un accord spcifique relatif lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes, dont 23 % des plus grandes entreprises, mais 12 % des entreprises qui ne lont pas encore fait affirment quelles mettront en place un tel accord en 2011. En outre, 39 % des entreprises qui ont tabli cet accord spcifique ont de surcrot inclus un rattrapage de rmunration dans leur ngociation annuelle obligatoire. Quant aux 85 % dentreprises nayant pas mis en place un accord spcifique dgalit, 30 % le justifient par le fait que ce thme est trait lors des ngociations obligatoires annuelles , mais 43 % affirment quil nest pas trait et nest pas prvu . Cette faiblesse constate de la ngociation sur lgalit professionnelle se retrouve dans la ngociation annuelle obligatoire (NAO) sur le rattrapage des carts de rmunration entre les femmes et les hommes (1). En effet, seules 20 % des entreprises interroges lont ouverte au cours de ces trois dernires annes (dont 9 % lont fait chaque anne et 11 % une fois au cours des trois annes). Ces accords sont plus frquemment mis en uvre dans les entreprises les plus grandes (29 % des entreprises de 500 salaris et plus mais seules 7 % le font chaque anne) et dans lindustrie (25% des entreprises). En revanche, ils sont moins prsents dans les entreprises les plus fminises parmi les cadres et les personnels de direction (respectivement 16 % et 17 % des entreprises). Les indicateurs ayant servi de base la ngociation sont suivis, anne par anne, par 69 % des entreprises ayant mis en place un accord spcifique et par 63 % des entreprises ayant mis en place des accords relevant de la ngociation annuelle obligatoire. Nanmoins, le jugement port sur les consquences des ngociations sur lgalit professionnelle entre les femmes et hommes savre assez ngatif : 76 % des dirigeants dentreprises et directeurs des relations humaines interrogs estiment que ces ngociations nont pas dbouch sur des avances(1) Voir, supra, 3 du A du II.

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significatives, 46 % jugeant mme ces avances pas du tout importantes . Pour autant, le dispositif nest pas totalement rejet, les deux tiers des personnes interroges (65 %) jugeant quune simplification du dispositif de ngociation sur lgalit professionnelle permettrait de la rendre plus efficace. Si les rsultats de lenqute ainsi mene par lIFOP semblent indiquer que prs dune entreprise sur deux se dsintresse des ingalits professionnelles pouvant exister en son sein, il convient den dduire que la rduction de ces dernires doit donc avant tout passer par un changement des mentalits dans lentreprise et dans la socit plus gnralement. En ce domaine, ltat se devrait dtre le promoteur de vritables politiques dgalit et devrait donc tre le modle suivre. Il doit malheureusement tre not que tel nest pas le cas.C. UNE ABSENCE REGRETTABLE DEXEMPLARIT DE LTAT

Au sein des trois fonctions publiques dtat, territoriale et hospitalire lgalit entre les femmes et les hommes fait lobjet de multiples discussions depuis de nombreuses annes. Mis en uvre par les lois des 13 juillet 1983, 9 mai 2001 et 23 mars 2006 puis par plusieurs chartes et de protocoles daccord entre 2004 et 2008, cet objectif na cependant pas t atteint.1. Les problmatiques de lingalit au sein de la fonction publique

Il est commun de penser que la fonction publique ne saurait tre ingalitaire puisque dans les textes, une galit est statutairement assure en termes de recrutement et de salaires. Or, si la fonction publique est fortement fminise ( 60 % pour le total de ses trois branches), notre collgue Franoise Gugot (1), membre de la Dlgation, a bien dmontr dans son rapport Lgalit professionnelle homme-femme dans la fonction publique (janvier 2011) que des ingalits existaient bel et bien : la rpartition des femmes au sein des mtiers reflte une reprsentation encore traditionnelle du rle de la femme cantonne aux activits ducatives, sanitaires