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ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE, SANTÉ ET ACTIVITÉS PHYSIQUES : DIFFICILES CONJONCTIONS Geneviève Cogérino S.F.S.P. | « Santé Publique » 2016/HS S1 | pages 179 à 183 ISSN 0995-3914 DOI 10.3917/spub.160.0179 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2016-HS-page-179.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour S.F.S.P.. © S.F.S.P.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © S.F.S.P. | Téléchargé le 18/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © S.F.S.P. | Téléchargé le 18/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

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Page 1: Education physique et sportive, sante et activites

ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE, SANTÉ ET ACTIVITÉSPHYSIQUES : DIFFICILES CONJONCTIONS

Geneviève Cogérino

S.F.S.P. | « Santé Publique »

2016/HS S1 | pages 179 à 183 ISSN 0995-3914DOI 10.3917/spub.160.0179

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2016-HS-page-179.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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4e partie — territoires, dispositifs et dynamiques professionnelles Opinion et débat

éducation physique et sportive, santé et activités physiques :difficiles conjonctionsPhysical education, health and physical activities: difficult relationshipsGeneviève Cogérino1

ûrésuméL’éducation physique et sportive (EPS) est une discipline privi-légiée pour questionner les liens entre activité physique (AP) etsanté. Les formations actuelles des enseignants d’EPS tendent àvaloriser le lien de la pratique physique avec la conditionphysique, au détriment des autres composantes de la santé. Lesdimensions occupationnelles, environnementales, culturelles del’AP sont fréquemment négligées. L’article liste quatre thèmesrelatifs aux liens AP-santé qui pourraient être davantage inclusdans la formation initiale des professeurs d’EPS, alors que lalittérature scientifique correspondante est abondante. Il s’agit :1. de la diversité des motifs d’agir relatifs à l’AP, en fonction dessujets (âge, genre, compétence, conditions de vie, etc.) ; 2. du rôlede l’imagedu corps sur l’orientation ou les réticences des adoles-cents vis-à-vis de l’AP ou de certaines activités physiques etsportives ; 3. de l’évolution des motivations envers l’AP au fil dela vie ; 4. de l’impact des conceptions masculinistes des ensei-gnants, consubstantielles de l’EPS en raison de son lien avec lesport. Ces thèmespourraient contribuer àunemeilleure analysede ce que les individus cherchent au travers de l’AP et des liensAP/Santé qu’ils valorisent ; ils pourraient aider les professeursd’EPS àmoduler leurs enseignements pour contribuer à la santédes élèves autrement que sur le seul registre de la conditionphysique.Mots-clés : Corps enseignant ; Éducation physique et entraîne-ment physique ; Étudiant ; Exercice physique ; Programmed’études ; Santé.

ûSummaryPhysical education (PE) is an appropriate subject to investigatethe links between physical activity (PA) and health. The currenttraining of PE teachers tends to emphasize the link between PAand physical fitness, to the detriment of other health components.The occupational, environmental, cultural dimensions of PA arefrequently overlooked. This article lists four topics related toPA-health links, which could bemore extensively included in initialPE teacher training, on the basis of abundant scientific literature:1. the diversity of exercise motives, according to the subject’s age,gender, ability, competence, living conditions, etc.; 2. the role ofbody image on the desire or reluctance of teenagers to performPAor certain physical activities; 3. the evolution of motivationstowards PA throughout life; 4. the impact of the PE teachers’masculinist conceptions, consubstantial of PE, due to its link withsport. These topics could contribute to a better analysis of whatindividuals seek through PA and the PA-health links they value.They could help teachers to adjust their teaching to contribute tothe pupils’ health and not solely their physical fitness.

Keywords:Physicaleducationandtraining;Exercise;Curriculum;Faculty; Students; Health.

1 CRIS EA L-ViS Université Claude Bernard Lyon 1 – Bâtiment R. Dubois – Campus universitaire de La Doua – 69622 Villeurbanne cedex.Correspondance : G. Cogerino Réception : 31/08/2015 – Acceptation : 14/01/[email protected]

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Afin de faire bénéficier l’organisme des bienfaits de l’ac-tivité physique (AP), les recommandations de l’OMSportent notamment sur la fréquence, l’intensité, la durée etle type de cette AP [1]. Celle-ci est définie comme toutmouvement corporel produit par lesmuscles squelettiqueset occasionnant une dépense énergétique.Mais le lien entrel’AP et la santé concerne tout autant les dimensions psycho-logique, relationnelle, émotionnelle, mentale, occupation-nelle de la santé. En France, la contribution de l’Éducationphysique et sportive (EPS) à la santé des élèves est ques-tionnée, celle-ci se limitant le plus souvent à la seule condi-tion physique.Il s’agit ici de pointer comment les formations actuellesdes enseignants d’EPS limitent la thématique AP-santé,théoriquement et professionnellement. La première partiede cet article livre un bref historique des relations EPS/Santé, puis résume des données relatives à la formationinitiale des enseignants d’EPS. La seconde partie présenteplusieurs thèmes relatifs aux liens AP-santé qui pourraientêtre davantage inclus dans la formation initiale des profes-seurs d’EPS.des liens eps-santé constants mais divers

Les liens entre EPS et santé ont été constantsmais diverset fluctuants,depuis l’apparitiondecettedisciplineà l’école,auXIXesiècle [2,3].Lasantéaétéàcertainesépoques l’argu-mentmajeur justifiant sa présence ; à d’autres périodes lesenseignants tendaient à prendre plus de distance avec elle,revendiquantleuractionéducativesurleterraindesappren-tissagesmoteurs, de l’ouverture culturelle à la pratique des« sports », ou activités physiques et sportives (APS). Àl’heure actuelle, un des débats est de savoir si la santé, lebien-être relèvent des apprentissages au sein de certainesAPS ou de n’importe laquelle, y compris non-compétitive.Dans la littérature internationale, deux conceptions sontidentifiées à propos des liens entre EPS et santé. Lemodèlebiomédical (pathogenic) est centré sur la seule conditionphysique. Il cible la fréquence et l’intensité de l’AP commegage de santé, indépendamment de la nature de l’APS. Lemodèle renvoyant à une conception élargie (salutogenic),holistique, de la santé valorise la prise en compte d’indica-teurs psychologiques, émotionnels, relationnels, cognitifsen relation avec l’AP [4]. Des études récentes auprès desenseignants d’EPS français [5]montrent qu’ils ont des diffi-cultés à prendre en compte dans leurs enseignements l’ob-jectif de santé que promeuvent les programmes de l’EPS.

Les deux modèles EPS-Santé cohabitent au sein de la disci-pline, le premier étantmajoritaire.Mais la santé joue plutôtun simple rôle d’affichageque celui d’unguidedespratiquesprofessionnelles, celles-ci étant pilotées par desprogrammes qui définissent avant tout des groupes d’APSet les apprentissages spécifiques qui y sont liés. Ce constatconduit à questionner la formation des enseignants d’EPS.une formation initialedes enseignants dichotomisée

La formation initiale des enseignants d’EPS à l’université1comprend deux parties distinctes. Durant la licence, lesétudiantssuiventdescoursmajoritairementassuréspardesenseignants-chercheurs spécialistes de leurs domaines,maisparfoismoinsconnaisseursde l’EPS,pour la formationgénérale pluridisciplinaire. Les cours concernant lespratiquesphysiquessontassuréspardesenseignantsd’EPS,spécialistes d’une APS. Durant l’année de préparation auxépreuvesécritesduconcoursderecrutement, lescourssontmajoritairement assurés par des enseignants du seconddegré, considérés « spécialistes » des épreuves écrites. Or,ces enseignants, en forteproportiondesprofessionnels, ontune connaissance moins approfondie des données scienti-fiques. Les rapports annuels des jurys déplorent régulière-mentl’inadéquation,voirel’obsolescence,desconnaissancesscientifiques mobilisées par les étudiants. Tout se passe unpeu comme si les conditions de préparation au concoursconduisaient les futurs enseignants à négliger les connais-sancesactuelles, qu’ils avaientàdispositionen licence,pour« revenir » à des connaissances souvent périmées oupartielles, celles des formateurs dits « de terrain ». La suitede leur formation2 est ciblée sur lesmodalités concrètes del’enseignement dans les classes et la conformité auxprogrammesdisciplinaires.Cecinepermetplusdetisserdesliens entre les comportements des élèves à l’égard de lapratique physique et les cadres théoriques psychosociolo-giques, sociologiques, etc. permettantd’analyser les phéno-mènes : attrait ou désintérêt à l’égard de la pratiquephysique ;mobilesd’actionorientant lesbutsvisésà traversla pratique physique ; raisons potentielles éclairant les1Dans les Unités de formation et de recherche en sciences et techniquesdes activités physiques et sportives (UFR STAPS), ou Facultés dessciences du sport.2 Dans les Écoles supérieures du professorat et de l’enseignement(ESPE).

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comportementsdifférenciésdes fillesetdesgarçons ; spéci-ficité de l’adolescence à l’égard de la pratique physique, etc.Dans ces conditions, la santé est parfois objet de discours,de justifications a posteriori de tels choix d’APS, contenusd’enseignement ou modalités d’apprentissage. Elle estbeaucoup plus rarement à la source-même de ces choixprofessionnels [5]. La contribution de l’EPS à la santé estsouvent limitée à celle de l’AP au système cardio-respira-toire, chez les étudiants comme chez les enseignants d’EPS.Cette situation n’est pas spécifique à la France. Une abon-dante littérature internationale s’y consacre, sur le thème«HRPE, health related physical education », et évoque desconstats très proches de ceux concernant les étudiantsfrançais [6, 7].des thèmes stratégiquesnégligés dans les formations

Toutd’abord, lesdivers composantsde la santé (physique,psychologique/émotionnel, social, intellectuel/cognitif,spirituel, occupationnel, environnemental, culturel) sontgénéralement limités à trois (physique, mental, social) etpeu opérationnalisés.Au regard de la littérature psychologique relative auxliens AP/santé, plusieurs thèmes s’avèrent stratégiquespour comprendre l’orientation envers l’AP. Ces thèmesauraient toute légitimité à faire systématiquement l’objetd’un enseignement lors des formations initiales des ensei-gnants d’EPS. Par exemple :La variété des motifs d’agir des sujets (dont les adolescents)à l’égard de l’AP, en lien avec la quantité et la naturede l’AP, et leur décalage avec la classification des APSdans les programmesLes travaux portant sur les «motifs de pratique »3 revi-sitent la question du choix d’APS que valorise l’individu,compétitives ou non, énergiques ou apaisantes.Dix-septmotifs ont été identifiés : diminuer le stress, main-tenir son poids, être énergique, être en forme, ressentir dubien-être, avoir des relations sociales, obtenir des bénéfices3 L’expression «motifs de pratique » fédère ici plusieurs expressionsvoisines, présentes chez différents auteurs, pour désigner les inten-tions visées par le sujet au travers de sa pratique physique : reasons forexercise, goals, exercise motives…

globaux sur sa santé, prévenir les maladies, passer dutemps en famille, se faire plaisir, améliorer son systèmecardiaque, sa force, son endurance, ressentir du fun, perdredu poids, s’affronter à autrui… [8, 9]. Cesmotifs de pratiquene se limitent pas à la seule condition physique et abordenttoutes les dimensions de la santé. En outre, un individu estpoussé par un « cluster de buts » et non par un seul :plusieurs motifs de pratique sont simultanément investisavec une intensité variable [8]. Les recherches ont établique la quantité de pratique (durée x fréquence), et l’inten-sité de la charge physiologique variaient avec les motifs depratique. Ceux-ci sont diversement associés aux régulationsmotivationnelles, ce qui permet de comprendre les varia-tions dans l’engagement vers l’AP [10]. Enfin, aborder lesmotivations à la pratique en distinguant les précurseurs,les médiateurs, les corrélats de l’AP suggère des voies d’in-tervention avec les élèves, en permettant de mieuxcomprendre l’attirance ou le rejet de l’AP.La prise en compte du rapport au corps, de l’image du corpsdes adolescents et leurs liens avec la nature, l’intensité,la constance de l’AP [9]La poursuite de la santé et du bien-être par le moyen del’AP est devenue selon certains sociologues un impératifculturel, résultant de la responsabilité et rationalité de l’in-dividu [11]. L’impératif de santé est combiné avec une pres-sion sociale vers la minceur et l’apparence. Les étudesqualitatives auprès de jeunes adultes [12] pointent lescontradictions vécues : un corps d’apparence en « bonnesanté » peut être le fruit de «mauvaises raisons », commeles distorsions de l’image du corps, ou un sentiment deculpabilité ; il peut aussi générer des pratiques défavo-rables à la santé (pratiques alimentaires inappropriées,exercice excessif...). Prendre soin de son corps pour desraisons fonctionnelles est un « bon » motif s’il ne devientpas obsessionnel. Les participants de l’étude citée évoquentun trianglemoral entre santé, apparence et bien-être, géné-rant chez eux une difficulté à séparer et identifier leursmotivations. Ceci incite à considérer demanière dynamiqueles relations AP-perceptions de santé et à envisager uncontinuum entre des pratiques de santé modérémentsaines à nettement «malsaines ».L’évolution des motivations pour l’AP tout au long de la vieLes programmes de l’EPS stipulent une liste d’APS, sansprendre en compte que le choix d’APS varie au fil de

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l’avancée en âge. Les activités les plus demandées par lesadolescents (les sports collectifs, par exemple) sont demoins en moins pratiquées dès la sortie du systèmeéducatif. Les enjeux que les adultes associent à leur AP deloisir prennent de plus en plus en compte la lutte contre lestress, le besoin de se recentrer sur soi. Or, les APS idoinesne sont pratiquement pas abordées en EPS. Par ailleurs, lapression des programmes disciplinaires conduit à négligertout autant l’impact des conditions d’accès à l’AP. En effet,les APS enseignées en EPS se pratiquent dans un cadrequelquefois contraignant pour les adultes salariés, astreintsà des horaires, nécessitant des moyens de locomotion. Deplus, l’accès à certaines structures s’opère au prix d’unecontribution financière. D’autres activités, pourtantgratuites, suscitent des freins : par exemple, courir réguliè-rement après ses horaires de travail engage parfois à prati-quer à la nuit tombée, ou dans un endroit non entièrementsécurisé (jardin public, bois, etc..; éclairage absent). Cescirconstances éloignent de la pratique, pourtant « bonnepour la santé », une fraction des femmes. Réfléchir auxmodalités d’accès aux activités pour proposer des voiesvisant le maintien/entretien de sa santé permettrait unregard plus critique sur le choix des APS enseignées ou desconnaissances nécessaires à une pratique autonome.Outre l’impact des programmes, on peut relever l’impactsensible de conceptions « masculines » du rapport à l’APchez les formateurs, telle que la valorisation de la seulecondition physiqueCeci conduit à une faible prise en compte des spécificitésdes publics différents et de leurs rapports aux enjeux del’AP [13]. Une très abondante littérature a amplementdétaillé lesspécificitésdesmodesd’engagementà l’égarddel’AP selon les sexes. Du fait des pressions sociales, des idéo-logies ayant cours dans une société, les individus intério-risent des normes, des attentes relatives au corps, sescapacités et ressources à valoriser, selon leur sexe : leshommes tendent à associer santé et condition physique,mettent en avant les capacités fonctionnelles; les femmesassocient la santéavec laminceur, la gestionde la silhouetteet conjuguentAPetalimentation [14,15].Or, les formateurset les enseignants sont confrontés au « sport », par les biaisdes APS de leur formation initiale ; beaucoup continuent àpratiquer personnellement, à être engagés dans le mouve-ment sportif [16]. Pour ces raisons, l’EPS est envisagée d’unregard masculin, valorisant affrontement, engagement,prise de risque, recherche de victoire et performance. C’estune conception du lien à l’AP qui engage un certain type de

santé et de rapport au corps : l’effort plutôt que l’équilibre,ladépenseplutôt que lebien-être, l’affrontementplutôt quel’écoute.L’ensembledecesdonnéescontribueau faitque lesenseignants d’EPS, hommes et femmes, sont plus sensibles,comprennent plus facilement le rapport des garçons à lapratique physique (turbulents, intensément engagés) quecelui des filles (plus réticentes,moins actives) [17]. Les APSet leursmodesd’enseignement,avec lechoixet larégulationdes situations d’apprentissage, les commentaires formulés,parexemple,sontplusenphaseaveclesattentesdesgarçons.Ceci contribue à maintenir puis entériner l’éloignementprogressif d’une proportion non négligeable de filles àl’égard de l’AP.Ces thèmes, trop brièvement évoqués ici, pourraientcontribuer à une meilleure analyse de ce que les adoles-cents cherchent au travers de l’AP et les liens AP/Santéqu’ils valorisent; ils peuvent surtout aider les enseignantsàmoduler leurs enseignements pour contribuer à la santédes élèves autrement que sur le seul registre de la conditionphysique, en leur donnant des outils pour comprendre lestypes de liens Santé-AP, leur diversité, tant en fonction desindividus que des périodes de la vie, des milieux sociaux,de l’âge ou du genre. À condition que ces thématiquessoient abordées en formation…Aucun conflit d’intérêt déclaré

références

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