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  • 7/21/2019 Edition du Jeudi 5 Fevrier 2015

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    LESANNONCESDELASEINE

    JOURNALOFFICIELDANNONCESLGALES- INFORMATIONSGNRALES, JUDICIAIRESET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilit pour les dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

    FONDATEUREN1919 : RENTANCRDE- DIRECTEUR: JEAN-RENTANCRDE

    Pour sa quatrime dition, le rapport dactivitdu Conseil Suprieur de la Magistrature(CSM) a t rendu public le 28 janvier2015 au cours dune confrence de presse

    laquelle sigeait pour la premire fois en qualit dePrsident de la formation plnire et de Prsident dela formation comptente lgard des Magistrats duSige Bertrand Louvel, install dans ses fonctions dePremier Prsident de la Cour de cassation le 16 juillet 2014(Les Annonces de la Seine du 17 juillet 2014 pages 1et suivantes). ses cts se trouvaient aussi le Procureur

    gnral prs la Cour de cassation Jean-Claude Marin,Prsident supplant de la formation plnire et Prsidentde la formation comptente lgard des Magistrats duParquet ainsi que les personnalits extrieures dsigneset les Magistrats lus.Ce rapport comprenant cinq chapitres (budget, activit desformations, examen des plaintes des justiciables, analysedes dcisions disciplinaires et missions transversales duCSM) est le dernier de la mandature 2011/2015 qui aachev ses travaux le 22 janvier 2015. Il comporte des enseignements que ses membres sortants ont cru pouvoirtirer de leurs mandats notamment dans le domainedes nominations et de la discipline des Magistrats ainsique dans celui de lexamen des plaintes des justiciables ;treize recommandations droit constitutionnel

    constant ont ainsi t dtailles en pages 102 104.

    Le 22 janvier 2014, le CSM a dsign Bruno CottePrsident du futur collge consultatif de dontologiede la Magistrature qui a pour vocation de rpondreaux questionnements de chaque Magistrat enmatire dontologique. Ce collge est une grandenouveaut qui aura galement pour mission deproposer un rglement intrieur au CSM.Cest Martine Lombard, Professeure agrge dedroit public lUniversit Paris I Panthon Sorbonne,quil revenait de prsenter le thme choisi cetteanne : Le rle des Chefs de Cour et de juridiction et

    les attentes leur gard. A propos de graves mises en cause de laction deMagistrats, elle a parfaitement expliqu commentdeux avis du CSM rendus les 26 novembre et4 dcembre 2014 mettaient laccent sur limportancedes responsabilits qui psent sur les Chefs dejuridiction.

    La formation plnire du CSM a donc prcis que lintervention des chefs de juridiction ou de courapparat comme une dimension essentielle de leurrle lorsque des Magistrats, agissant dans le ressortdu ribunal ou de la Cour, subissent des pressions.

    Ils doivent sexprimer publiquement avec clart,mesure et pondration, mais aussi dtermination pour

    garantir lindpendance des Magistrats lorsque cette

    dernire est mise en cause . Jean-Ren ancrde

    Jeudi 5 fvrier 2015 - Numro 5 - 1,15 Euro - 96eanne

    Conseil Suprieur de la Magistrature

    Paris, 28 janvier 2015

    Photo

    Jean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    VIEDUDROITlConseil Suprieur de la Magistrature (CSM)- Actions du CSM par Bertrand Louvel ..................................................... 2- Enseignements du CSM par Jean-Claude Marin ....................................2- Le rle des chefs de Cour et de juridiction

    et les attentes leur gard par Martine Lombard.................................3lConfrence des Btonniers- Lamour du mtier davocat par Marc Bollet.......................................11lCercle des constitutionnalistes........................................................ 26

    SOCITl70meanniversaire de lordonnance du 2 fvrier 1945

    relative lenfance dlinquante- Le rgime corrupteur des prisonspar Pierre Joxe ................................. 5- Plaidoyer pour un nouveau Code ddi la jeunesse

    par Dominique Attias ............................................................................. 9- Garantir la protection des enfants en conflit avec la loi

    par Laurence Rossignol ........................................................................ 10lConfrence de presse du Prsident de la Rpublique- Unit rpublicaine par Franois Hollande ...........................................14

    DCORATIONlJean-Jacques Forrer Chevalier de la Lgion dhonneur....................15

    ENTRETIENlJean-Michel HayatPrsident du Tribunal de Grande Instance de Paris.... 16

    VEILLELGISLATIVEProjet de loi Macron ............................17

    ANNONCESLGALES....................................................... 18

    AUDIENCESOLENNELLElCour dappel de Douai- Rendre la justice par Jean-louis Kantor ...............................................27- Administrer la justice dans des e juridictions par Bruno Cathala..........28- Harmoniser la politique pnale par Marie-Suzanne Le Quau ........... 30

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    Vie du droitLESANNONCESDELASEINE

    Sige social :12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS

    R.C.S. PARIS B 339 349 888Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15

    Internet : www.annoncesdelaseine.fre-mail : [email protected]

    Etablissements secondaires :

    l 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUSTTlphone : 01 34 87 33 15l 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNETlphone : 01 42 60 84 40l 7, place du 11 novembre 1918, 93000 BOBIGNYTlphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROITlphone : 01 45 97 42 05

    Directeur de la rdaction :Jean-Ren Tancrde

    Comit de rdaction :

    Thierry Bernard,Avocat la Cour, Cabinet BernardsFranois-Henri Briard,Avocat au Conseil dtatAgns Bricard, Prsidente de la Fdration des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrg des Universits de droitAndr Damien,Membre de lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit Paris I Panthon SorbonneBertrand Favreau, Prsident de lInstitut des Droits de lHomme des Avocats Europens,ancien Btonnier de BordeauxDominique de La Garanderie,Avocate la Cour, ancien Btonnier de ParisBrigitte Gizardin,Magistrat honoraireRgis de Gouttes, Premier avocat gnral honoraire la Cour de cassationSerge Guinchard,Professeur de Droit lUniversit Paris II Panthon-AssasGrard Haas,Avocat la Cour, Prsident de GesicaFranoise Kamara, Conseiller la premire Chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune,Avocat gnral honoraire la Cour de cassationBernard Lagarde,Avocat la Cour, Matre de confrence H.E.C. - Entrepreneurs

    Jean Lamarque, Professeur de droit lUniversit Paris II Panthon-AssasChristian Lefebvre, Prsident Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou,Prsident dHonneur du Conseil National des CompagniesdExperts de JusticeNolle Lenoir,Avocate la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit Paris II Panthon-AssasJean-Franois Pestureau,Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGrard Pluyette, Conseiller Doyen la premire Chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont,Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet,Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol,Ancien Prsident de lIFACFrancis Teitgen,Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol Xueref,Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor Inter national

    Publicit lgale et judiciaire : Didier Chotard

    Commission paritaire : n 0718 I 83461I.S.S.N. :0994-3587Tirage :13 804 exemplairesPriodicit :bi-hebdomadaire

    Impression :M.I.P.3, rue de lAtlas - 75019 PARIS

    Copyright 2015Les manuscrits non insrs ne sont pas rendus. Sauf dans les cas o elle est autoriseexpressment par la loi et les conventions internationales, toute reproduction,totale ou partielle du prsent numro est interdite et constituerait unecontrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du Code Pnal.

    Le journal Les Annonces de la Seine a t dsign comme publicateur officiel pourla priode du 1erjanvier au 31 dcembre 2015, par arrts de Messieurs les Prfetsde Paris du 30 dcembre 2014, des Yvelines du 16 dcembre 2014, des Hauts-de-Seinedu 16 dcembre 2014,de la Seine-Saint-Denis du 16 dcembre 2014 etdu Val-de-Marne du 22 dcembre 2014, de toutes annonces judiciaires et lgalesprescrites par le Code Civil, les Codes de Procdure Civile et de Procdure Pnaleet de Commerce et les Lois spciales pour la publicit et la validit des actes deprocdure ou des contrats et des dcisions de Justice pour les dpartements de Paris,des Yvelines, des Hauts-de-Seine ,de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne .N.B. : Ladministration dcline toute responsabilit quant la teneur des annonces lgales.

    - Tarifs hors taxes des publicits la ligneA) Lgales :

    Paris : 5,49 Seine-Saint-Denis: 5,49 Yvelines : 5,24 Hauts-de-Seine : 5,49 Val-de-Marne : 5,49

    B) Avis divers : 9,76C) Avis financiers : 10,86 D) Avis relatifs aux personnes :Paris : 3,83 Hauts-de-Seine : 3,83 Seine-Saint Denis : 3,83 Yvelines : 5,23 Val-de-Marne : 3,83 - Vente au numro : 1,15 - Abonnement annuel : 15 simple35 avec supplments culturels95 avec supplments judiciaires et culturels

    COMPOSITIONDESANNONCESLGALESNORMESTYPOGRAPHIQUES

    Surfaces consacres aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinas

    Titres :chacune des lignes constituant le titre principal de lannonce sera compose en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi 4,5 mm.Les blancs dinterlignes sparant les lignes de titres nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lannonce sera compose en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi 3,40 mm.Les blancs d interlignes sparant les diffrentes lignes du sous- titre seront quivalents 4 points soit 1,50 mm.

    Filets :chaque annonce est spare de la prcdente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lespace blanccompris entre le filet et le dbut de lannonce sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le mme principe rgira le blanc situ entre la dernire ligne de lannonce et le filet sparatif.Lensemble du sous-titre est spar du titre et du corps de lannonce par des filets maigres centrs. Le blancplac avant et aprs le filet sera gal une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.

    Paragraphes et Alinas :le blanc sparatif ncessaire afin de marquer le dbut dun paragraphe o dunalina sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces dfinitions typographiquesont t calcules pour une composition effectue en corps 6 points Didot. Dans lventualit o lditeurretiendrait un corps suprieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

    2014

    P R E S S EPAYANTEDiffusionCertifie

    Actions du CSMpar Bertrand Louvel

    Nous sommes un moment particulier de lavie du Conseil : la mandature 2011 - 2015 aachev ses travaux le 22 janvier dernier etles nouveaux membres vont, dans quelques jours,entrer en fonction.Pour autant, le Conseil ne connatra pas de rupturemais, je le crois, une continuit, favorise par lapermanence des Prsidents des formations du Sigeet du Parquet du Conseil.Sil tire le bilan et les enseignements de la mandatureen matire de nomination, plaintes des justiciableset discipline des Magistrats, le rapport dactivit quenous allons vous prsenter comporte aussi, danschaque section, des recommandations pour lavenir.Trois ides structurent ce rapport qui reflte plusgnralement laction du Conseil :lEn premier lieu,en ce qui concerne le principedindpendance,la formation plnire du Conseila notamment mis un avis suivant lequel ilappartient aux chefs de juridiction de dfendrelindpendance des Magistrats, lorsque celle-ciest mise en cause. Le Conseil sera cet gardsensible cette aptitude des candidats auxfonctions de chefs de juridiction.lEn second lieu,ce rapport est marqu par leprincipe de transparence :que ce soit en matirebudgtaire, en matire de nomination, dediscipline des Magistrats ou de traitement desrequtes, lensemble de la jurisprudence duConseil, de mme que ses pratiques, y sontdcrites de manire minutieuse.Il convient ici de souligner la remarquablevolution depuis quatre ans : aujourdhui, toutesles nominations de Magistrats rsultant du

    pouvoir de proposition du Conseil Suprieur dela Magistrature sont soumises la procdure detransparence alors quen 2011, les nominationsde premiers Prsidents de Cours dappel et deMagistrats la Cour de cassation drogeaient cette procdure. Cette procdure a t utiliseen 2014 dans la procdure de nomination duPremier Prsident de la Cour de cassation.lEn troisime lieu,je retiendrais le dialogueavecla Direction des services judiciaires pour toutesles propositions de nomination ne relevant pasdu pouvoir de proposition du CSM, dialogueexigeant et respectueux des prrogatives dechacun. Je laisserai Monsieur le Procureurgnral, pour le Parquet, voquer ce point.

    Enseignements du CSMpar Jean-Claude Marin

    T

    rois axes refltent plus particulirementles enseignements du CSM au cours dela mandature 2011/2015.

    1. Transparence :lactivit du Conseil en matire de nomination toutparticulirement, est marque, depuis 2011, par uneplus grande transparence.Lune des innovations de la loi constitutionnelledu 23 juillet 2008 a t de soumettre lavis du

    Conseil Suprieur de la Magistrature les projetsde nomination aux emplois de Procureurgnral prs la Cour de cassation et de Procureurgnral prs une Cour dappel. Cette innovationsest accompagne de deux avanceslEn 2011, le CSM Parquet a dcid de motiverses avis dfavorables, ports la connaissance duMagistrat et du Garde des Sceaux.En 2014, le CSM Parquet a, sur 719 propositions,mis 9 avis dfavorables. Lensemble de ces avisont t suivis par le Garde des Sceaux.Il faudrait maintenant que le droit entrine lespratiques et quune rforme intervienne pour

    que les avis pour les Magistrats du Parquet soientconformes et lient ainsi le pouvoir excutif.lLe CSM Parquet a souhait que soit assure uneprocdure de transparence pour les postes nonsoumis, dans les textes, de telles procdures :Cest en juillet 2012 que le Garde des Sceaux adcid de rendre transparent lensemble despostes, sagissant des Magistrats du Parquet de laCour de cassation, des Procureurs gnraux ou desinspecteurs gnraux adjoints. Cet largissementde la transparence sest accompagn dun pluslarge accs aux dossiers des MagistratsLe CSM Parquet sest flicit de cette dcision etsouhaiterait que cette avance qui doit tre salue,soit transcrite dans lordonnance statutaire.

    2. Dialogue :le CSM a dvelopp des instruments de dialoguequi permettent en quelque sorte de participer aupouvoir de proposition.Cest ainsi que le CSM peut mettre desrecommandations et des signalements, loccasion,

    Bertrand LouvelPhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Jean-Claude MarinPhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

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    Vie du droit

    soit dun avis dfavorable (non-conforme pour le Sige),soit dun avis favorable (conforme pour le Sige).Lon constate un taux de suivi trs important par leGarde des Sceaux : ainsi, sur 95 recommandationsau Sige, 92 ont t suivis par le Garde des Sceaux.Sur 59 recommandations au Parquet, 49 ont tsuivis par le Garde des Sceaux.Monsieur Tiberghien dveloppera ces lments maislon constate ainsi que le dialogue, la connaissance parla DSJ de la jurisprudence du CSM, dveloppe tout

    particulirement dans le rapport dactivit, a permisune baisse des avis non-conformes ou dfavorables,passant de 2014 2013 :lde 20 13 au Sigelde 15 9 au Parquet3. Unit du corps judiciaire :sil y a deux formations du Conseil, il ny quunseul ConseilDeux lments confortent cette unit :ldune part, des pratiques communes en matire

    de nomination. Sans parler des convergenceslies au fait que le Garde des Sceaux suit danstous les cas les avis dfavorables du CSM,lon constate des jurisprudences similaires,notamment sur la question de limpartialitobjective.ldautre part, en matire de discipline des Magistrats,lon constate une unit de jurisprudence et desqualifications quivalentes. Cette jurisprudence permetde dessiner les contours dune dontologie commune .

    Emmanuelle Perreux, Martine Lombard, Frdric Tiberghien, Bertrand Louvel, Jean-Claude Marin,Christophe Ricour, Christian Rayssguier, Danielle Druouy-Ayral et Daniel Barlow

    PhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Le rle des chefs deCour et de juridiction etles attentes leur gardpar Martine Lombard

    Pour clore ses travaux, le Conseil Suprieurde la Magistrature sortant a choisi demettre laccent sur lessentiel, cest--direle lien entre son activit la plus prenante entemps pass, celle qui a trait aux nominations deMagistrats et en particulier celles des chefs dejuridiction et de cour, et lenjeu fondamental questlindpendance de la Justice. Le dernier rapportdactivit du Conseil, portant sur lanne 2014, estainsi suivi, aprs le compte-rendu circonstanci deson activit gnrale en matire de nominationset de discipline, dune deuxime partie consacre,cette anne, au rle des Chefs de Cour et dejuridiction et plus spcifiquement aux attentes leur gard , notamment en cas de graves misesen cause de laction des Magistrats.Cette deuxime partie est constitue de deuxavis rendus par le Conseil respectivement les

    26 novembre 2014 et 4 dcembre 2014. Le premierfait suite la demande qui lui avait t adresse parle Garde des Sceaux portant spcialement sur lapossibilit, pour un chef de juridiction, de dlguer sesattributions en matire dadministration et de gestion,dans le contexte de laffaire parfois dite de Pornic .Elle a conduit le Conseil dfinir le rle des chefs dejuridiction, de faon plus large, dans toute sa richesseet sa complexit. La deuxime demande davis duGarde des Sceaux portait sur les mesures permettantdassurer la srnit de linstitution judiciaire face certaines attaques de personnalits politiques.

    Ce dernier avis est parfois dsign, par un raccourcide langage un peu critiquable, avis Guaino carla question pose tait lie originairement aux

    dclarations sur une radio de Monsieur Henri Guaino,dput, selon lesquelles un Juge dinstruction aurait,en procdant une mise en examen, dshonorun homme, les institutions, la justice , faits qui ontfait lobjet dune plainte pnale et sur lesquels le CSMnavait pas, quant lui, se prononcer.Les deux avis sont complmentaires en cequils mettent laccent sur limportance desresponsabilits qui psent sur les Chefs de Couret de juridiction. Sils sont nuancs, cest bien unvritable changement de culture que le CSM aappel le monde judiciaire.

    Lavis du 4 dcembre part en effet dun constatqui pourrait sembler une boutade, mais qui est,hlas, beaucoup plus que cela : en ltat actuel deschoses, la meilleure faon de se dbarrasser dunJuge, ou, plus largement, dun Magistrat, consiste linsulter publiquement. En effet, ce dernier na pasla possibilit de rpondre sauf risquer de manquerau devoir dimpartialit objective et il se trouvedonc dans une situation inextricable :lsoit le Magistrat rpond quand mme et il doitalors se dessaisir lui-mme ou prendre le risquedtre autoritairement dessaisi la suite duneprocdure de rcusation, la stratgie consistant linjurier montrant alors toute son effi cacit pourse dbarrasser de lui ;lsoit il ne rpond pas et, aux yeux du grand public,il est largement dcrdibilis car ce dernier, quine connat pas les contraintes de l impartialitobjective , en vient penser quil doit y avoir duvrai dans les attaques dont il fait lobjet et qui nesont pas contredites -puisquil est bien connu quilny a pas de fume sans feu !Tout en soulignant rgulirement limportancefondamentale de la libert dexpression, lajurisprudence de la Cour europenne des droits de

    lhomme tmoigne de ce quelle est consciente quilpeut tre une stratgie tentante que de dnigrer unMagistrat en ce que cela permet de le dlgitimersans quil ne puisse rien faire pour la contrer. LaCour Juge avec force que la libert dexpression estlune des valeurs les plus fondamentales dans unesocit dmocratique. Mme des propos insultantsne mritent pas ncessairement une condamnationpnale, car tout dpend des circonstances de fait.La jurisprudence de la Cour est toutparticulirement protectrice de la libertdexpression des parlementaires.

    Martine LombardPhotoJean-RenTancrde-Tlphone

    :01.42.60.36.35

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    Vie du droit

    4 Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5

    Ainsi que le rappelle rgulirement la Cour, les Magistrats peuvent faire lobjet dans lexercicede leurs fonctions de critiques qui demeurentacceptables dans une limite plus large que pour lescitoyens ordinaires .Mais elle ajoute rgulirement, et parexemple encore dans larrt Erdogan c/Turquie du 27 mai 2014 (un arrt rendu enSection, pas en Grand Chambre, qui nestdonc que la reprise dune jurisprudence bientablie, mais qui a lavantage dtre rcent) : Cela tant, la Cour a maintes fois soulignla mission particulire dans la socit du pouvoir

    judiciaire, dont laction, comme garant de la justice valeur fondamentale dans un tat de droit a besoin de la confiance des citoyens pour

    prosprer. Il peut donc se rvler ncessaire deprotger cette conf iance contre des attaquesdestructrices qui seraient pour lessentiel sans

    fondement, dautant que les Juges soumis lacritique sont tenus un devoir de rserve qui leurinterdit dy rpondre. Dans ce contexte, ce nest pas tant une rpressionpnale qui parat la mieux adapte, encorequelle puisse parfois trouver une place, selon lescirconstances.La solution retenue par la formation plnire duConseil consiste se placer sur le terrain mme dela libert dexpression pour ne pas laisser de gravesattaques sans rponse.

    Puisque ce ne sont pas les Juges directementconcerns qui peuvent le faire, cest uneintervention des chefs de juridiction qui savrencessaire, aussi longtemps que le CSM nepourra tre saisi par les Magistrats eux-mmes.Certes, celui-ci a parfois spontanment rendupublics des communiqus pour rappeler toutelimportance de la sparation des pouvoirs, enparticulier juste aprs les deux affaires qui sont lorigine des saisines dont il a ensuite bnfici.Lexemple de la pratique des Conseils suprieursde la Magistrature de pays voisins montre touteleffi cacit de tels avis spontans.En ltat, les Chefs de Cour et de juridiction doiventpleinement assumer leurs responsabilits et nepas laisser les Magistrats seuls face ladversit.Selon des termes dont chaque mot a t pes parla formation plnire du Conseil, linterventiondes chefs de juridiction ou de cour apparat commeune dimension essentielle de leur rle lorsque des

    Magistrats, agissant dans le ressort du ribunalou de la Cour, subissent des pressions.Ils doivent sexprimer publiquement avec clart, mesure et

    pondration, mais aussi dtermination pour garantirlindpendance des Magistrats lorsque cette dernireest mise en cause .Cest bien parce que les Chefs de juridiction ou deCour ont en ltat un rle essentiel et prioritaire

    pour protger lindpendance des Magistrats, quils doivent tre prpars, pour ce faire,

    diffrentes formes de communication publique la fois respectueuses de la dignit et de limpartialitncessaires leur mission mais rpondant auxbesoins dune information effective du public. Il nesagit pas en effet de sexprimer en termes gourms etabscons, mais dexpliquer calmement, sereinement,mais avec courage et dtermination ce quest le rledes Magistrats et pourquoi ils sont conduits agircomme ils le font, mme si cela peut dplaire.Le Conseil a t encore plus explicite en ajoutantdans son avis du 4 dcembre : Lorsque leConseil Suprieur de la Magistrature choisit des

    Prsidents ou des premiers Prsidents, de mmeque lorsquil examine les propositions faites parla Chancellerie pour des postes de procureurou de Procureur gnral, il doit ainsi sassurerde la capacit de ces derniers de sexprimer

    publiquement pour dfendre lindpendancedes Magistrats mis en cause.Ce sera dornavant nos excellents successeursde veiller ce que les chefs de juridiction, silssont confronts de telles situations, soientsuffisamment lucides, mesurs mais aussicourageux pour rpondre cette attente , selonle titre mme de la partie thmatique du dernierrapport dactivit du Conseil.Cest en toute confiance lgard de leur vigilanceque nous pouvons esprer, au moment de nousquitter, que, malgr leurs limites, nos avis ne servleront pas vains. 2015-056

    Aux termes de larticle 20 dela loi organique no 2010-830du22 juillet 2010, le Conseil Suprieurde la Magistrature publie tousles ans le rapport dactivit de

    chacune de ses formations.Depuis 2011, le parti pris dansla rdaction des rapports a tdlaborer un rapport commun etde reflter ainsi lunit du Conseilet surtout celle de la Magistrature.Tel est encore le cas cette anne.Ce rapport est le quatrime depuislentre en vigueur de la rforme duConseil Suprieur de la Magistrature,le 3 fvrier 2011. Il conserve lespritdes prcdents rapports dactivit,conus comme un outil de travailet de transparence pour toutela Magistrature.

    Dans sa premire partie,il prsente, dans un premier chapitre,le budget et les moyens du Conseil.Le deuxime chapitrerendcompte de lactivit des formationsen matire de nomination, en rappelantles principales caractristiques du corpsjudiciaire et en dcrivant lvolutiondes pratiques du Conseil.Il fait en particulier tat de lvolutiontrs positive du dialogue entrele Conseil et la Chancellerie.

    Le troisime chapitretraite de lexamen des plaintesdes justiciables et expose lesmthodologies de travail des

    commissions dadmission des requtes.Il tente de donner une explication aurelatif insuccs de cette procdureet formule quelques propositionsdvolution de cette procdure.

    Le quatrime chapitreanalyseles dcisions disciplinaires renduespar les formations, tant sur lesquestions de procdure que surle fond. Il dtaille en particulierle traitement qui a t rservaux premires questions prioritairesde constitutionnalit soumisesau Conseil et commente lesnombreuses dcisions rendues en 2014.Parmi les principales questionsabordes figurent celle du rapportentre obligations dontologiqueset faute disciplinaire, celle dela limite entre faute disciplinaireet acte juridictionnel et celle de labusde fonctions par des Magistrats duParquet ou du Sige en simmisantdans des procdures dont ils ntaientpas chargs.

    Un cinquime chapitrerendcompte des missions transversalesdu Conseil. On y trouvera en particulierlaboutissement des travaux duConseil quant la cration dun organede Conseil en matire de dontologie lusage des Magistrats.Ce dernier rapport de la mandature2011-2015 comporte les enseignementsque le Conseil sortant a cru pouvoirtirer de son mandat en matire denominations, dexamen des plaintesdes justiciables et de discipline desMagistrats. Chaque section comporteainsi, au fil des pages, une sriede recommandations ou desuggestions damlioration

    destination du Conseil suivant.Jusquici, en effet, il nexistait aucunecontinuit entre Conseils successifset aucune mmoire de linstitution.Chaque Conseil se retrouvait,

    en dbut de mandat, devant unepage blanche et avait dfinir tantses mthodes de travail que les rglesde gestion quil entendait respecteret appliquer au-del du statut.Pour nouvelle quelle soit, cetteformulation de recommandations lintention du Conseil entrantnest pas sans fondement et sansjustification. Elle traduit pleinementlesprit de rforme issue de laloi constitutionnelle n2008-274du 23 juillet 2008 de modernisationdes institutions de la VmeRpublique,mettant fin la prsidence duConseil par le Prsident de laRpublique et sa vice-prsidencepar le Garde des Sceaux.La prsidence des formationsdu Sige et du Parquet du Conseilayant t dvolue respectivement

    au Premier Prsident de la Courde cassation et au Procureur gnralprs ladite Cour, le nouvel article 65de la Constitution donne pour lapremire fois au Conseil suprieurde la Magistrature un lmentde permanence dans laction, savoir la continuit assurepar les Prsidents de formation.Sans lier le Conseil entrant,les recommandations livres en finde mandat par le Conseil sortantfournissent une base de travail trs utileet un tremplin pour le nouveau Conseil.Comme Prsidents de formation,nous veillerons la transmissionde cet acquis et la poursuitede lamlioration des mthodes detravail du Conseil pour renforcerlindpendance et la confiancedu public dans lautorit judiciaire.La seconde partie du rapport comporte

    les avis de la formation plnire duConseil en date des 26 novembre 2014et 4 dcembre 2014, qui portentsur le rle des Chefs de Cour et dejuridiction et les attentes leur gard .Le Conseil a notamment soulign dansces deux avis le rle incombant auxChefs de Cour et de juridictiondans les hypothses o un Magistratserait mis en cause.Sans dissimuler les difficults derecrutement des chefs de juridiction,ces deux avis formalisent aussipour la premire fois les critresde recrutement par le CSMdes titulaires de ces postes-cldans la Magistrature.Sur ce point aussi, nous tenons saluer leffort de transparenceconduit par le Conseil sortant.

    Rapport dactivit 2014

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    Socit

    Le rgime corrupteurdes prisons

    par Pierre Joxe

    Madame la Garde des Sceaux,Mesdames et Messieurs,Nous sommes en guerreNous sommes en guerre, ce

    2 fvrier Oui, nous sommes encore en guerre, ce2 fvrier 1945. Certes, Paris est libr mais la France

    est encore en guerre et encore en partie occupepar lennemi, Certes, lattaque dun millier de blindsallemands dans les Ardennes, la violente contreoffensive du Marchal Von Runstedt vient dchouer,mais les Allis y ont perdu 60 000 hommes 3 foisplus que pendant le dbarquement de Normandie,Ce 2 fvrier 1945 la guerre nest pas finie : il fait froid, on afaim, on a peur jtais un petit garon, je men souviens.Or Paris, ce jour l, ce 2 fvrier 1945lun offi cier de cavalerie longtemps connu surtoutpour ses thories stratgiques sur les blinds et surla guerre de mouvementlun colonel qui avait t nomm gnral de brigadele 6 juin 1940 titre provisoire ... et nomm aussi sous secrtaire dtat la guerre mais - ds le

    18 juin 1940 entr en rbellion contre les tratresqui soutenaient Ptain,lce gnral Charles de Gaulle devenu Londres lechef de la France Libre puis - dans Paris libr - Chefdu Gouvernement provisoire de la Rpubliquefranaise ;

    lce jour l, ce chef dun Gouvernement en guerre,signe une ordonnance ayant valeur lgislative,l ordonnance relative lenfance dlinquante dont la premire phrase claque comme un ordre

    du jour : Il est peu de problmes aussi graves queceux qui concernent la protection de lenfance, etparmi eux, ceux qui on trait au sort de lenfancetraduite en justice. La France nest pas assez richedenfants pour quelle ait le droit de ngliger tout cequi peut en faire des tres sains .

    Ce texte reflte un des aspects politiques etsociaux du Programme du Conseil National dela Rsistance, la veille de ce que lon va appelerbientt la Reconstruction, mais il a, outre sa porte

    juridique, un sens philosophique : La justice desmineurs est charge de la protection de lenfance,de lenfance traduite en justice.Un demi sicle plus tard a commenc -hlas ;lle bouleversement rgressif du systme de justicepnale des mineurs , dcrit par Christine Lazerges

    PhotoJean-RenTancrde-Tlpho

    ne:01.42.60.36.35

    Pierre Joxe

    Ordonnance du 2 fvrier 1945relative lenfance dlinquanteParis - Palais de la Mutualit, 2 fvier 2015

    Le Ministre de la Justice a organis une journe de dbats et de prospective, sur la justice des mineurs et le devenir des enfantset adolescents quelle prend en charge, le 2 fvrier 2015 au Palais de la Mutualit Paris. Ladolescence est la squence de lavie la plus ouverte aux volutions. Cest un temps dexprimentation qui expose aux transgressions et aux conduites risques.Ces dbordements suscitent linquitude de la socit qui porte des demandes fortes dautorit, dducation et de sanction.

    Lducation des enfants de la Rpublique est laffaire de tous.Lautorit des adultes et leur lgitimit sanctionner ces dbordements tiennent leur capacit transmettre des valeurs et remplir leur devoir dducation, en particulier lgard des plus fragiles.Ce devoir de la socit vis--vis de sa jeunesse est encore plus ncessaire dans une priode o lextrme violence des rcentsassassinats et prises dotages pourrait conduire une radicalisation des positions, qui oublierait les droits et liberts

    fondamentales sur lesquels repose notre Etat de droit et le bien tre de chacun. Lducation de tous, y compris des adolescentsdlinquants, est un enjeu national, il sagit de permettre aux enfants qui sen cartent de retrouver le chemin du respect desvaleurs qui fondent notre pacte rpublicain et de prvenir les risques de fractures radicales.Christiane aubira a ouvert cette passionnante journe qui a permis de faire le point sur ltat de la dlinquance juvnileet sur les rponses judiciaires y apporter. Sa brillante intervention a engag les dbats autour de deux tables rondes : Que savons-nous de ladolescence daujourdhui ? et Dlinquance juvnile : une figure connue ? et la poursuite desrflexions favorisant une meilleure prise en charge des mineurs dlinquants.

    La Ministre de la Justice a ensuite cd la parole Pierre Joxe ancien Ministre de lIntrieur puis Laurence Rossignol, Secrtairedtat charge de la Famille. Il revint Jacques oubon, Dfenseur des Droits, de clturer les travaux avant que Catherine

    Sultan, Directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, remercie toutes les personnes qui ont travaill la constructiondune rponse judiciaire adapte aux enfants et adolescents en diffi cult, au premier rang desquelles Sylvie Perdriolle, Prsidentede Chambre la Cour dappel de Paris, qui la Garde des Sceaux a confi la mission didentifier les volutions les plus

    caractristiques ainsi que les dfis contemporains auxquels doit faire face la justice des mineurs. Jean-Ren ancrde

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    Socit

    aujourdhui Prsidente de la Commission NationaleConsultative des Droits de lHomme (CNCDH)dans un article rcent(1)dnonant la frnsie dune rgression manifeste et gnrale de ce droit.En effet, entre 2002 et 2011, chaque anne, chaqueanne ! - une ou plusieurs lois sont venues grignoter,effriter et finalement dfigurer cette Ordonnancefondatrice qui nous runit aujourdhui,2 fvrier 2015 et qui raffi rmait lattnuation dela responsabilit pnale des mineurs en fonction delge, comme la ncessit de rechercher le relvementducatif et moral des enfants dlinquants par des

    mesures adaptes leur ge et leur personnalit,prononces par une juridiction spcialise ou selondes procdures appropries ;Ce bref rappel historique ma paru ncessaire pource 70meanniversaire , car pour commmorer,il faut dabord se remmorer,lse remmorer, afin de pouvoir aussitt se tournervers lavenir politique, vers la rforme juridique, versle progrs social,lcela exige de se placer dans le temps long delhistoire, de ne pas se laisser enfermer dans lesbrves squences des mandats lectoraux, mais aucontraire de les replacer dans les longues vaguessuccessives qui ont souvent fait alterner dans notrehistoire le progrs et la raction.1.je vais donc rapidement voquer le temps court celui de la premire dcennie de ce sicle, hachepar la rafale des lois qui nous ont dsols.2. Mais pour nous consoler, et pour nous clairer- je reviendrai sur le temps long du sicle prcdentqui peut nous rassurer et nous motiver dans cedomaine des droits des enfants qui progresse,dun sicle lautre ;3.Enfin, je vous inviterai jeter un regard sur un tempsplus long encore, depuis le Sicle des Lumires

    I. EN FRANCE, UNE DCENNIEFRNTIQUE CONTRELA JUSTICE DES MINEURSNous en sortons peine ! La frnsie, termemdical tir du grec (ancien) est une alination manifestation dlirante et violente. Elle sestmanifeste dans la rptition maniaque dinitiativeslgislatives rptitives sous des noms divers pourrduire ou dfigurer lordonnance de 1945.

    Je lai vcu de prs en sigeant alors au Conseilconstitutionnel. Cest cette succession delois rgressives qui donn envie de devenir,tardivement, avocat.lds 2002, la Loi du 9 septembre dite Perben 1inaugure le mouvement de dspcialisation de lajustice des mineurs avec durcissement de la rpression,requalifiant danciennes peines complmentaires en sanctions ducatives et rouvrant des Centresducatifs ferms supprims en 1979;len 2003, une loi Sarkozy du 18 mars vientstigmatiser les mineurs et organise leur fichagesans garantie srieuse ;len 2004, la loi Perben 2 du 9 mars permet unegarde vue prolonge 96 heures pour desmineurs complices ou coauteurs de majeurs, celanexiste nulle part ailleurs en Europelen 2005 la loi du 12 dcembre relative larcidive en largit le champ pour les mineurs etconduit laggravation des peines ;len 2007 la loi du 5 mars relative la prvention inaugure la prsentation immdiate devant lajuridiction pour mineurs, et facilite lexclusion dela diminution de peine pour les 16-18 ans dont lasituation se ainsi rapproche des majeurs ;len aot 2007, une seconde loi cre les peinesplanchers applicables aux mineurs et fait delexcuse de minorit lexception et non plus la rglelen 2008 la loi du 23 fvrier crant la rtention desret - inspire dune loi allemande de 1934nen exclut pas les mineurs ;Saisi par des dputs et des snateurs dopposition, leConseil constitutionnel va la valider, contre toute attente.lCette saisine je men souviens - tait signe entreautres, par les anciens ou futures Garde des Sceaux

    La justice des mineurs soccupede lenfance en danger et de ladlinquance juvnile. Le Juge des enfantsexerce une double comptence civile etpnale qui amne considrer lenfantdans sa personne et non uniquementau travers des actes quil a subis oucommis. Cette approche globale desenfants vulnrables est galement cellechoisie par la Convention internationaledes droits de lenfant, dont le25meanniversaire a t clbr en 2014.

    Lordonnance du 2 fvrier 1945La justice pnale des mineurs est prvuepar lordonnance du 2 fvrier 1945.Ce texte a t promulgu par le gnral

    De Gaulle alors que la guerre ntait pasacheve et que de nombreux enfantstaient orphelins et livrs eux-mmes.Il est fond sur trois principes essentiels,qui sappuient sur la convictionquun mineur ne dispose pas de lamme maturit quun adulte et quesa personnalit est en construction :lla primaut de lducation sur larpression : des mesures ducatives doiventtre prononces de prfrence des peinesdemprisonnement ou damende,llattnuation de la responsabilitdes mineurs par rapport aux majeurs : siune sanction pnale doit tre prononce,seule la moiti de la peine maximale

    prvue par la loi peut tre applique,sauf pour les 16-18 ans si les faits ou lapersonnalit de lintress lexige.lla spcialisation des juridictions :les mineurs sont poursuivis par desMagistrats du Parquet spcialiss,

    jugs par des Juges des enfants oudes Tribunaux pour enfants et, en casde crime commis par un 16-18 ans, parune Cour dassises des mineurs qui nediffre de celle des majeurs que par laparticipation de deux Juges des enfants.

    Les mineurs mis en causeLorsquun mineur commet un actede dlinquance, laffaire est transmiseau procureur de la Rpublique. Dans6 cas sur 10, lorsquil sagit dun dlitde moindre gravit commis par unmineur nayant aucun antcdentjudiciaire, le procureur traite laffairedirectement par une alternative auxpoursuites qui ne sera pas inscrite

    au casier judiciaire : rappel la loien prsence des parents, mesurede rparation confie un servicespcialis, injonction thrapeutique.

    Les mineurs poursuivisLorsque le procureur ne traite pasdirectement laffaire, il saisit un Juge desenfants qui convoque le mineur avec safamille, lui dsigne un avocat et recueilledes renseignements sur sa personnalit.Dans lattente du Jugement dfinitif,des mesures provisoires dducationpeuvent tre prises : rparation,placement en centre ducatif, libertsurveille(1). Lorsque la gravit des faits

    ou la personnalit du mineur lexigent,une mesure de sret peut tredcide : contrle judiciaire ou dtentionprovisoire, dcide pour une durelimite par le Juge des libertset de la dtention.

    Le procs pnal dun mineurLe Juge des enfants dcidera ensuite,au vu de lvolution du mineur pendantcette priode probatoire, selonquelle forme il y a lieu de le Juger :lsoit en Chambre du Conseil,cest--dire dans son bureau, pourprononcer une mesure ducative :avertissement avec inscription au casierjudiciaire, mesurede rparation(2), libert surveille,placement dans un centre ducatif ;lsoit de manire plus solennelledevant le Tribunal pour enfants,compos dun Juge des enfantsdiffrent et de deux assesseurs issusde la socit civile et qui se sont

    manifests pour leur intrt pourles questions de jeunesse.Le Tribunal pour enfants peut prononcerdes mesures ducatives, des sanctionsducatives(3)ou, pour les mineursde plus de 13 ans, des peines(4).Le Juge ou le Tribunal se prononcesur lindemnisation de la victime.Il existe galement des procduresdurgence permettant de Jugerimmdiatement devant leTribunal pour enfants des mineursqui ont dj t condamns.Depuis 2012, les mineurs de 16 18 ans en situation de rcidivedoivent tre jugs par un Tribunal

    correctionnel pour mineurs composdun Juge des enfants et dedeux Magistrats non spcialiss.Lorsquun crime a t commis, lenquteest ralise par un Juge dinstructionspcialis et la dcision rendue par

    la Cour dassises des mineurs pourles mineurs de 16 18 ans.

    Une procdure protectriceLassistance dun avocat estobligatoire et finance par ltat.Le procs pnal des mineursnest pas public, pour prserver leurschances dinsertion. Linscription aucasier judiciaire est allge afin dene pas compromettre les chances deces mineurs de trouver un emploi.

    Des services ddisLa protection judiciaire de la jeunesse(PJJ) excute les mesures dinvestigationsur la personnalit, les mesures

    ducatives (rparation, placement, milieuouvert), ainsi que les suivisdans le cadre de contrles judiciaireset de peines de prison avec sursiset mise lpreuve. Des associationssous contrat avec la PJJ peuvent exercerdes mesures de rparation et desplacements. Lorsquune incarcrationest dcide, les mineurs sont dtenussparment des majeurs, soit dans lesquartiers ddis des maisons darrt, soitdans les tablissements pnitentiairesspcialement conus pour eux.1.intervention dun ducateur domicile2.La mesure de rparation consiste faire raliserune action positive par le mineur au profit de lavictime ou de la collectivit, dans lobjectif duneresponsabilisation.

    3.Avertissement, confiscation, interdiction de sortirle soir, de se rendre dans certains endroits ou derencontrer certaines personnes (victimes, complices),rparation, stage de formation civique, excution detravaux scolaires, placement en internat.4.Emprisonnement avec ou sans sursis, amende,travail dintrt gnral. Un placement en CEFpeut tre prononc dans le cadre dune peinedemprisonnement avec sursis et mise lpreuve.

    A propos de la justice pnale des mineurs

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    Socit

    comme Robert Badinter, Elisabeth Guigou,Marylise Lebranchu et Christiane Taubira comme par Messieurs Franois Hollande,Manuel Valls et aussi Jean Jacques Urvoas aujourdhui Prsident de la commission des loisde lAssemble. On le sait, depuis son introductionen 1933 dans lAllemagne nazie, lartention de sret la mesure

    pnale la plus controverse.Pendant le dbat lAssemble, lancienneGarde des Sceaux,E l i s a b e t h G u i g o uinterpellait ainsi : Madamela Garde des Sceaux(Rachida Dati), Monsieur lerapporteur (George Fenech),anciens Magistrats, voustournez le dos Beccaria, nourride la philosophie des Lumires, vouschoisissez Lombroso et son homme criminel.Or, vous le savez, cest cette philosophie positiviste qui aconduit aux pires dbordements de lAllemagne nazie.

    Robert Badinter parla de drive dangereuse et dheures sombres de la justice .Malgr cela, le Conseil constitutionnel rejetace recours par sa dcision 2008-562 DC du21 fvrier 2008 qui fut bientt comment parla Professeur Christine Lazerges, sous le titre : Le malaise du Conseil constitutionnel dansla Revue de sciences criminelles (2008, p. 731)dont je ne citerai que la conclusion car ellerappelle que le lendemain, le Prsident dela Rpublique saisissait le Premier Prsident de laCour de cassation dune mission impossible : fournirles voies et les moyens de rendre la loi relative lartention de sret immdiatement applicable.

    Le Premier Prsident accepta : le principe dune

    rflexion sur la rcidive et la protection des victimesmais sans remettre en cause la dcision du Conseilconstitutionnel... (2)Il aura donc fallu attendre 2011, neuf annes aprsla loi Perben 1 pour que le Conseil constitutionnelpasse du malaise la censure.

    Par sa dcision 2011 625-DC du 10 mars, ilcensura partiellement ce qui sera promulgu le14 mars sous le titre ronflant de Loi dorientationet de programmation pour la performance de lascurit intrieure aprs amputation du 2 delarticle 37 en vertu du considrant suivant 27.

    Considrant quen instituant le principe de peinesminimales applicables des mineurs qui

    nont jamais t condamns pour crime oudlit, la disposition conteste mconnatles exigences constitutionnelles enmatire de justice pnale des mineurs ;que, par suite, le paragraphe II delarticle 37 doit tre dclar contraire la Constitution.

    Malheureusement, lanne 2011 futaussi celle de la cration des Tribunaux

    correctionnels pour mineurs...Une bienfaisante alternance au sommet

    de ltat a interrompu rcemment cetteimpressionnante srie de rgressions juridiques, dautantplus consternante que dans lEurope dmocratique cesont dans des directions opposes que sorientaient

    nos plus proches voisins (Exemple allemand : 21 ans.Exemple suisse Code pnal des mineurs).Cest pour cela quil faut se situer dans le temps long,pour jauger le pass et prparer lavenir.

    II. A TRAVERS LEUROPE, LE XXmeSICLEAURA T UNE RE DE PROGRS POURLES DROITS DES ENFANTSNon seulement dans la quasi totalit des droitnationaux, mais aussi en droit international.Issu des Etats unis et particulirement de Chicagoou fut institu en 1899 le Chicago juvenile Court, lepremier Tribunal pour enfants, (mres de lIllinois)unvaste mouvement de rformes traversa lAtlantiqueet se rpandit travers lEurope dmocratique ;

    len France la majorit pnale fut leve de 16 18 ans en 1906 et la loi du 12 juillet 1912 nona djlessentiel des principes qui seront systmatiss danslOrdonnance de 1945 qui en outre fut prolonge parla cration de la direction de lducation surveille,dtache de ladministration pnitentiaire.

    l1924 Dclaration de Genve ;l1948 Dclaration universelle des droits delhomme assistance spciale, encore de Gaullel 1958 Lordonnance du 23 dcembre 1958Considre que le mineur dlinquant est dabordun mineur en danger.lRenforcement de la spcificit de la justice desmineurs de 1970 aux annes 80 ;l

    Loi du 17 juillet 1970 : interdiction de la dtentionprovisoire en dessous de 13 ans sauf en matirecriminelle, et limite 10 jours de 13 16 ans ;lLoi du 30 dcembre 1987: suppression de ladtention provisoire en dessous de 16 ans enmatire correctionnelle ;lLoi du 6 juillet 1989 : interdiction de la dtentiondes mineurs en maisons darrt entre temps, le droitinternational progressait encore :l1985 Ensemble de rgles minima des Nations Uniesconcernant ladministration de la justice pour mineurs(Rgles de Beijing) Adopt par lAssemble gnraledans sa rsolution 40/33 du 29 novembre 1985 ;l1989 Convention internationale relative auxdroits de lenfant qui se rfre une assistance

    spciale et prcise : article 1, moins de18 ans ;article 3 :toutes dcisions : intrt suprieur de lenfant :considration primordiale ; article40, promouvoirladoption de lois... Spcialement conues ;l1990 Rgles des Nations Unies pour la protectiondes mineurs privs de libert Adoptes parlAssemble gnrale dans sa rsolution 45/113du 14 dcembre 1990 (La Havane).

    Perspectives fondamentalesLa justice pour mineurs devrait protger les droitset la scurit et promouvoir le bien-tre physiqueet moral des mineurs . Lincarcration devrait treune mesure de dernier recours.l1996 Convention europenne sur lexercice des

    droits des enfants art 8 : possibilit dautosaisineLvolution progressive et progressiste de la justicedes mineurs est donc un mouvement profond,ancien et continu ;- Ni la 1reguerre mondiale voyez la dclaration deGenve, alors Sige de la nouvelle Socit des nations,

    PhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Notre jeunesse aimele lux, elle est mal leve,

    elle se moque de lautorit et naaucune espce de respect de ses ans.

    Nos enfants daujourdhui sont des tyrans.Ils ne se lvent pas quand un vieillardentre dans une pice, ils rpondent

    leurs parents et ils sonttout simplement mauvais...

    Socrate (5mesicle avant JC)

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    Socit

    - Ni la Seconde guerre mondiale, nont pu linverser, nimme linterrompre puisque lordonnance franaisede 1945 fut bientt suivie on la vu - par la Dclarationde 1948 anne o dans toute lEurope libre on ftaitle Printemps des peuples de 1848,- Ni la Guerre froide qui sachve avec la chute du murde Berlin, lanne du bicentenaire de notre rvolution,1989 lanne aussi de la convention internationale desdroits de lenfant dont jai dj parl.

    Elle mme est suivie en 1994 dune conventioninteramricaine, en 1996 dune convention europenne,en 1999 dune Charte africaine des droits de lenfant.Aucune crise, aucune guerre fut elle rgionaleou mondiale na donc pu entraver longtemps cedveloppement du droit, mieux vaudrait dire cetapprofondissement des Dclaration des Droitsde lHomme.

    III A TRAVERS LES SICLESCar enfin, travers les sicles, ces droits delhomme ont heureusement profondmentvolu, au profit des travailleurs dabord, desfemmes ensuite et des enfants aussi.Absents de la Dclaration des Droits de

    lHomme(DDH) de 1789 - qui na pas abolilesclavage comme chacun le sait, que sont ces droitsde lhomme qui ignorent les femmes et les enfants ?Les droits de la femme, les droits de lenfant serontenfin cits dans les articles 3, 11, 13 du Prambulede la constitution de 1946 - comme les droits detravailleurs et des syndicats dans les articles 6, 7 et 8du mme texte 150 ans aprs la Loi le ChapelierAu sicle des Lumires, Voltaire ce gnie - taitesclavagiste et raciste !Et Jean Jacques Rousseau pour sa part philosophaitsur lducation des garons en oubliant les filles,mais tout en abandonnant aux enfants trouvs ses cinq enfants, garons et fillesEcoutez plutt comment ce philosophe caractrise,

    la crise des garons de 15 20 ans , dans le Livre 4de lmile, tout ce que dautres ont, il voudraitlavoir : il convoite tout, il porte envie tout le monde,il voudrait dominer partout ; la vanit le ronge,lardeur des dsirs effrns enflamme son jeune cur ;la jalousie et la haine y naissent avec eux ; toutes les

    passions dvorantes y prennent la fois leur essor ;il en porte lagitation dans le tumulte du monde ;il la rapporte avec lui tous les soirs ; il rentremcontent de lui et des autres ; il sendort plein demille vains projets et son orgueil lui peint jusque dans

    ses songes les biens dont le dsir le tourmente, et quilne possdera de sa vie. (3)

    On pourrait croire que cette citation est extraitedune confrence de presse de celui qui voulait

    nagure nettoyer au Karcher les banlieues etleurs racailles .Mais non, cest bien Rousseau - Rousseau Juge de

    Jean Jacques , comme on le saitAu sicle suivant, alors que le Code pnal de 1810 prcd par celui de 1791 amorce une volutionvers la spcificit du droit pnal des mineurs quise poursuivra durant un sicle, cest le problmede la prison et particulirement de la prison pourmineurs qui enflamme lopinion. Lisons ce passagede Tocqueville, jeune Magistrat qui avait t envoyen Amrique pour en tudier les prisons ;Nvoque t il pas nos dbats de ces derniers mois : On peut dire quen gnral les prisons qui, cheznous, renferment les jeunes dlinquants, sont des

    coles de crime : Aussi tous les Magistrats, quiconnaissent le rgime corrupteur de ces prisons,rpugnent ils condamner un jeune prvenu,quelle que soit lvidence de sa faute ; ils aimentmieux labsoudre et le remettre en libert que decontribuer le corrompre en lenvoyant dansune prison ; mais cette indulgence dont le motif

    se comprend facilement nest pas moins funesteau coupable, qui trouve dans limpunit unencouragement au crime .(4)

    Tocqueville hsite en revenant dAmrique,comme dans son trait sur le pauprisme (5)il hsite sur lois sur les pauvres en AngleterreComme la France hsite souvent au long dusicle et encore aujourdhui entre Beccariaet Lombroso, pour reprendre le raccourcidlisabeth GuigouJadis en 1899, cest dAmrique, depuis Chicago,que nous est venu le bon exemple. Plus tard,

    cest la France et de Gaulle avec lOrdonnancede 1945, qui a donn le bon exemple au monde.Depuis quelques annes, ce ntait plus le cas. Maisvoil quune Amazonienne , comme aime seprsenter elle mme Christiane Taubira, venue delAmrique et de lAmazonie franaise, se trouvecharge de remettre dans le bon chemin de lajustice et du progrs social notre systme judiciaireen gnral et celui des mineurs en particulier.Nul ne pouvait tre plus qualifi pour ces travauxdHercule quune Amazone comme Christiane Taubira,puisquelle est ne le saviez vous ? un 2 fvrier !Bon anniversaire ! Bon courage Christiane ! Nevous laissez ni dcourager, ni dsaronner ! Surtout,ne tombez pas de cheval ! Mme sil se cabre !

    1.Christine Lazerges, Sagesse et frnsie : De lordonnancede 1945 aux rformes Sarkozy, Aprs Demain, 3 me trimestre2011, n 19 NF.2.Christine Lazerges Labaissement insidieux de la majoritpnale 16 ans in Mlanges Koering-Joulin- Droits rpressifsau pluriel p.423, Anthmis, 20143.Jean Jacques Rousseau. Emile, livre 44.A de Tocqueville, Ecrits sur le systme pnitentiaire en Franceet ltranger, 1833,5.Cit par Laurent Muchielli, in : La dlinquance des jeunes,Paris, 2014, Documentation franaise Extrait de : Tocqueville,Mmoire sur le pauprisme . Cherbourg 1835

    Franois Feltz, ric Lucas, Christiane Taubira et Pierre Joxe

    PhotoJean-Re

    nTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Les rponses la dlinquance des mineurs ne sont pas uniquement pnales. Les Juges des enfants peuventdcider dune mesure ducative lorsquils Jugent une infraction. Selon les situations, les Juges peuvent ainsidcider dune admonestation, de la remise parents ou aux responsables lgaux, dune mesure de rparation,dune libert surveille. dun placement ou dune mise sous protection judiciaire.Le Tribunal pour enfants peut en outre prononcer une sanction ducative partir de lge de 10 ans : interdictionde se rendre dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes, confiscation, travaux scolaires,avertissement, rparation... Une peine peut tre inflige partir de lge de 13 ans : emprisonnement fermeou avec sursis, amende et, partir de 16 ans, travail dintrt gnral.

    Les mesures ducatives et les peines

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    Socit

    Plaidoyer pourun nouveau Code

    ddi la jeunessepar Dominique Attias

    Les droits des enfants ont volu demanire importante depuis le dbut duXXmesicle. Ce nest que depuis le dbutdu XXmesicle que le traitement pnal des

    mineurs est devenu diffrent de celui des adultes.Le point dorgue de cette volution : 1945.En fvrier 1945, alors que la France nest pas encorelibre, est promulgue par le Gouvernementprovisoire dirig par le Gnral de Gaulle, uneordonnance dsormais devenue clbre, lordonnancedu 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante.La Convention des Nations Unies relative auxDroits de lenfant en date du 20 novembre 1989ratifie par la France le 7 aot 1990, a fait voluerde manire importante les droits de lenfant demanire gnrale.Cette convention est dsormais adopte par192 pays (seuls les tats-Unis et la Somalie ne lontpas ratifie). Lenfant, en raison de son manquede maturit physique et intellectuelle a besoin dune

    protection spciale et de soins spciaux, notammentdune protection juridique approprie nous ditle prambule de la Convention Internationaledes Droits de lEnfant (CIDE). Larticle 3 de laCIDE rappelle que : dans toutes les dcisions quiconcernent les enfants lintrt suprieur de lenfantdoit tre une considration primordiale De surcrot, larticle 37 de la CIDE prvoitune primaut de laction ducative sur lerpressif puisque larrestation, la dtention,lemprisonnement dun enfant, doit tre en

    conformit avec la loi, ntre quune mesure dedernier ressort et dtre dune dure aussi brveque possible. Cette convention fixe dans son article 1,la dfinition du mot enfant qui sentend de tout tre humain g de moins de dix-huit ans

    sauf si la majorit est atteinte plus tt en vertu dela lgislation qui lui est applicable .La majorit civile de lenfant concide enFrance avec la majorit pnale fixe 18 anspuisque larticle 388 du Code Civil prvoit que : le mineur est lindividu de lun ou de lautre sexequi na point encore lge de 18 ans accompli .

    Lordonnance du 2 fvrier 1945 a inspir denombreuses lgislations tant en Europe que dansle monde par son humanit et sa modernit.Le principe instaur par lOrdonnance du2 fvrier 1945 tait que lenfant dlinquant est unenfant dont lducation sest rvle dficienteet la socit au nom du principe dgalit doitcompenser labsence dducation.La socit doit, par une action corrective positive,intgrer lenfant dans un collectif structur.Ces principes ont t mis peu peu mal par lelgislateur, surtout ces dix dernires annes.De nombreux textes liberticides applicables auxmajeurs comme aux mineurs ont vu le jour, tels quedes gardes vue de 96 heures, la prsence de lavocatauprs de son client pouvant mme tre diffre.lAlors que lexcuse de minorit est un principefondamental puisquun jeune en devenir ne peuttre trait comme un adulte, elle peut nepas sappliquer si les circonstances delespce et la personnalit du mineurlexigent ;l Alors que la justice doittre spcialise, un Tribunalcorrectionnel pour mineurs estcr o mineurs et majeurs sontjugs ensemble par des Juges nonspcialiss ;lAlors que la justice doit prendre sontemps pour comprendre lacte dun jeune, est crune procdure de prsentation immdiate ;lAlors que les jeunes devraient avoir le droit loubli, cration de nouveaux fichiers, inscriptionsur la casier judiciaire ds lge de 10 ans,inscriptions poursuivant ces jeunes parfois pendantvingt trente ans aprs la dcision rendue.Bref, une justice dnature, indigne de la France.Au vu de cette situation une mobilisation gnrale

    des avocats au soutien de la dfense des liberts etdes droits de ces enfants, a donc vu le jour.Puisque la spcialisation des acteurs est reprisedans tous les textes internationaux, puisquele Conseil Constitutionnel a reconnu en 2002comme un principe fondamental des lois de laRpublique, le fait que le relvement du mineurdlinquant doit tre recherch par des mesuresducatives adaptes son ge et sa personnalitet prononc par une juridiction selon une procdure

    juridictionnelle spcialise , les avocats en ordrede marche se sont structurs, forms et mobilisspour dfendre les droits des enfants.

    Les avocats denfants, tout en exerant une autreactivit -puisque celle davocat denfants nestpas rmunratrice, ceux-ci tant rgls pour laplupart du temps au titre de laide juridictionnelle-,revendiquent leur spcificit.Les avocats se sont regroups sous lgide desOrdres et ce dans toute la France.A lheure actuelle prs de 70 % des Barreaux sontdots de groupements davocats denfants, tanten mtropole que dans les territoires doutre-mer.Petites comme grands Barreaux se sont mobiliss.La Confrence des Btonniers a vot lunanimit,le 15 avril 2008, une charte de lavocat denfants.Au CNB a t cr un groupe de rflexion sur leDroit des mineurs compos de reprsentants denombreux Barreaux.La profession est dsormais consulte tant auniveau national queuropen sur toutes questions

    et textes concernant lenfance.Le Barreau de Paris sest inscrit dans

    ce mouvement.Les formations ont t renforces :ne peuvent tre intgrs lAntennedes mineurs que des avocats ayantsuivi une formation spcifique tant

    initiale que continue, tant thoriqueque pratique.

    Ces formations sont de surcrotpluridisciplinaires, afin de permettre aux

    divers professionnels qui interviennent auprsde lenfant, de mieux se connaitre et dintervenirchacun sa place.Une charte de bonnes pratiques a t labore parmatire, signe par les avocats intgrant lAntennedes mineurs.Ces avocats interviennent en effet, dans tous lesdomaines qui concernent lenfant.Il nexiste pas dun ct un mineur dlinquant et de

    lautre un enfant en danger ou victime.Cet enfant est souvent le mme, il peut se mettre endanger, commettre un acte de dlinquance, aprsavoir t auteur devenir victime, tre confront une situation familiale conflictuelle, son conseil,toujours le mme, doit tre systmatiquement ses cts.Les avocats denfants rclament de longue date,la cration dun Code de la jeunesse regroupanttant le pnal que le civil et tous les domaines qui

    jalonnent la vie dun enfant.La Chancellerie a propos dans un premier temps,une refondation de lOrdonnance du 2 fvrier 1945

    Au centre Dominique Attias et Jean-Pierre Rosenczveig

    PhotoJean-RenT

    ancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Notre mondea atteint un stade critique.

    Les enfants ncoutentplus leurs parents.

    La fin du monde nepeut tre trs loin.Prtre gyptien

    (2000 ans avant JC)

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    10/3210 Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5

    Socit

    Garantir la protectiondes enfants

    en conflit avec la loipar Laurence Rossignol

    Lordonnance du 2 fvrier 1945, dont nousclbrons aujourdhui le 70e anniversaire,est un acte fondateur qui pose les principesdune justice spcialise pour les enfants et

    les adolescents.Elle inscrit dans notre droit, et dansnotre modle rpublicain la primaut de lducatifsur le rpressif, et affi rme lmergence dune justicedes mineurs respectueuse des droits de lenfant.Il nest dailleurs pas inutile de rappeler quelle a,depuis, t prise pour modle par de nombreux pays.La Convention internationale des droits de lenfant,dont nous venons de fter le 25meanniversaire,porte ces principes et organise des garanties, enparticulier celle de voir respecter, dans toutes lesdcisions qui concernent les enfants (compriscomme toute personne ge de moins de 18 ans),son meilleur intrt.Le meilleur intrt de lenfant,le droit de tout enfant un traitement proportionnet individualis, adapt son ge et son bien-tre,propre faciliter son intgration dans la socit, doittre la considration premire.Ces normes supranationales fortes doivent guider

    les interventions de chacun de nous et, en signantle 20 novembre 2014 New-York le 3meprotocoleadditionnel la CIDE qui permet aux enfants ou leurs reprsentants de saisir directement le Comitdes droits de lenfant, la France sest engage plusencore. Le prochain examen en 2016 constitueraune autre tape importante.Dans ce contexte international, mais aussi europenau travers des recommandations du Conseil desMinistres de lEurope et de la Cour Europennedes Droits de lHomme (CEDH) qui a dveloppune jurisprudence protectrice de lintrt delenfant et de ses droits, nos politiques publiquesdoivent rsolument construire des repres et desoutils clairs et coordonns partir de constats

    partags et lucides sur la situation des enfants et deleurs familles.En ma qualit de Ministre de la Famille, desPersonnes ges et de lAutonomie, au sein duMinistre des Affaires sociales, de la Sant et Droitsdes femmes, je suis venue dire ici combien il estfondamental de dpasser les stratgies en tuyauxdorgue et les postures clives.Les acteurs des affaires sociales et de la sant et lesacteurs de la justice travaillent dj ensemble auquotidien, sur les territoires, avec les reprsentantsdes Conseils gnraux et le monde associatif poursoutenir les parents et protger les enfants. Nousavons une responsabilit commune lgard desenfants, depuis la petite enfance jusquau passage

    lge adulte qui va bien au-del de lge de la majoritcivile nous le savons, en passant par cette priode sidlicate de ladolescence.Le rcent rapport de lUNICEF consacr auxeffets de la crise doit nous interpeller comme lesnombreux signaux allums dans certaines zones

    gographiques sensibles. Partout, le message estclair commencer par celui des travailleurs sociaux,des enseignants : ladolescence est une priode demutation et dexprience des limites.Mais, comme le souligne le sociologue DavidLe Breton dans En souffrance. Adolescence et

    entre dans la vie (2007), elle ladolescence+ estaujourdhui percute par des manires radicalesdexister sans souci de lautre qui alimententsimultanment le peur et le rejet dans une spiralesans fin. Un sentiment dinjustice et dexclusionincite le jeune ramasser la pierre quon lui asymboliquement jete. Le respect des valeurs rpublicaines en tout lieudu territoire national est un principe essentielde la vie commune.Il nous faut donc aller delavant pour permettre aux enfants de construireprogressivement leurs capacits devenir descitoyens responsables. Comment ? Dabord enrflchissant la mise en cohrence de nos outilslgislatifs.

    Vos travaux daujourdhui aborderont le volet pnalde lordonnance de 1945 mais il est vident que lemiroir du Code civil sera bien prsent.Les enfants en conflit avec la loi, avec les rgles,avec les normes, ne peuvent pas tre rduits unstatut de dlinquant. Il nous appartient doserentrer dans la discussion autour des notions de discernement , de degr de maturit , avectoutes ses incidences sur la difficile question desresponsabilits des enfants et des adultes dans laconstruction des repres et dans lducation.Cest pourquoi la puissance publique doit aussisavoir tre prsente aux cts des parents, dansun souci vident de soutien la parentalit.Nous avons engag des discussions en 2014 dans

    le cadre de deux propositions de lois, celle surlAutorit Parentale et lIntrt de lEnfant (APIE)et celle sur la protection de lenfant (projet pourlenfant Dini- Meunier ).Nous avons commenc avancer sur la diffi cile mais essentielle question dela stabilit affective des parcours des enfants confis

    lAide sociale lenfance et sur lamliorationdes changes et des informations entre lesConseils gnraux, chefs de file de la protectionde lenfance depuis la loi du 5 mars 2007, et lesMagistrats, constitutionnellement garants desliberts individuelles et cls de vote dun systmecomplexe au sein duquel les enjeux peuventdiverger.La loi du 5 mars 2007 rformant la protection delenfance a confirm les comptences respectivesdes Conseils gnraux et de lautorit judiciaire enmatire de protection de lenfance, lintervention desJuges tant rserve aux situations les plus graves.Le rapport de lInspection gnrale des servicesjudiciaires et lInspection gnrale des affairessociales sur la gouvernance de la protection delenfance, noppose pas la protection de lenfanceet lenfance dlinquante, car une telle oppositionserait nfaste la continuit des parcours desjeunes. Pourtant, des diffi cults relles darticulationexistent sur le terrain entre les diffrents acteursdes politiques conduites, avec des consquencesdommageables pour les enfants.A ltat dassurer son rle, de garant de la protectionde lenfance et de lgalit de traitement sur sonterritoire, en affirmant un cadre compris et acceptde tous. La protection de lenfance relve, monsens, du pouvoir rgalien car elle sinscrit dans unepolitique globale de lenfant.

    Ainsi, de meilleures organisations doivent se mettreen place sur les territoires et ne plus dpendreuniquement de la bonne volont ou de larencontre dacteurs particulirement motivs.Tous doivent amliorer leur connaissance et leurcomprhension rciproques et se projeter dans lesenjeux des dcisions prises sur les personnes elles-mmes. Ainsi que le rappelait Pierre Rosanvallon, les dmocraties modernes attendent des institutionsquelles acceptent la discussion et la critique, quelles

    soient proches et accessibles car leur lgitimit est lie cette proximit. Jai engag depuis plusieurs mois une largeconcertation sur la protection de lenfance, avectous les acteurs dont les Prsidents des Conseils

    gnraux, les Magistrats de lenfance, les ex-enfantsde l Aide Sociale lEnfance (ASE), les parents et lesprofessionnels dont la prvention spcialise qui estun axe de rflexion fondamental.Cette concertation se mne videmment en parallleavec limportant travail de lInspection Gnrale desAffaires Sociales (IGAS) et de lInspection Gnraledes Services Judiciaires (IGSJ) que jvoquaisprcdemment. Ces travaux dmontrent dj quelorsque nos deux Ministres unissent leurs rflexions etleurs forces nous pouvons avancer vers des propositionsoprationnelles (attendues au cours de ce semestre).La remise prochaine du rapport de Franois de Singlydans le cadre des travaux de la commission enfancede France stratgie contribuera aussi nos rflexions

    sur le dveloppement des enfants et des adolescents.Ces rflexions portent lambition dune plus socitaccueillante, dune socit qui rende possiblelpanouissement de chacun ; ces rflexions, ellesportent une vision politique, au sens noble duterme, de lavenir. 2015-057

    PhotoJean-RenTancrde

    -Tlphone:01.42.60.36.35

    Laurence Rossignol

    pour lui permettre de retrouver son me et sonefficacit. Voil un grand projet de socit quesoutiennent les avocats.Or, aprs une journe anniversaire le 2 fvrier 2015ayant runi plus de 1.300 professionnels, faisantun tat des savoirs 70 ans aprs la promulgation de

    lordonnance du 2 fvrier 1945, ce projet serait enterr.Les avocats ne peuvent souscrire cettechronique dune mort annonce.Lavocat investi dans la cit, dont le serment estdexercer ses fonctions avec dignit, confiance,indpendance, probit et humanit a un devoir

    de bousculer les institutions en faveur de ceuxdont la voix nest pas entendue.Les avocats denfants continueront en appeler la conscience des politiques et se battre pourque ne soit pas abandonn ce grand projet desocit : un nouveau Code ddi la jeunesse.

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    11/32Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5 11

    Vie du droit

    Confrence des BtonniersParis - 30 janvier 2015

    Lamourdu mtier davocatpar Marc Bollet

    La barbarie, la sauvagerie, linfamie nous ontfrapps au cur en ce dbut danne.Lchement, des fanatiques ont tu17 personnes, des innocents, des journalistes

    et des policiers massacrs dans lexercice de leurmtier, des citoyens parce quils taient juifs.Les barbares ont voulu faire taire la presse libre.La libert dexpression est le corollaire de la libertde dfendre.

    Sans elle, pas de dmocratie et pas de libert.Ces attentats nous ont rappel que nos dmocratiessont fragiles face la lchet, labsurdit et la violencedes fanatiques.Cela nous incite ne jamais oublier, comme la critLaurent Joffrin, dans un quotidien du matin, que la libert cest comme lair. On le respire sans y penser.

    Ds quil vient manquer, chacun touffe et se dbatpour le retrouver Le Barreau, qui est lcole de la diffrence, delouverture desprit, de la solidarit et de la gnrosit,sest lev pour participer activement au mouvementdunit nationale en signe de rsistance.Les Avocats, sentinelles des liberts, sont toujoursau premier plan des combats pour la dfense et la

    protection des valeurs de la Rpublique.Il ny a pas de fatalit si ce nest celle du renoncement,les Avocats ne renoncent jamais.Les Avocats refusent le silence, refusent de se taireet rsisteront toujours la haine, ils seront toujoursles dfenseurs des liberts.Lanne 2015 sest ouverte dans ce contexte.Puissions-nous ensemble formuler le vu de releverle dfi de lobscurantisme et de plaider toujourspour un monde meilleur, un monde de respect etde tolrance. Nous le devons aux victimes, nous ledevons nos enfants.lMesdames et Messieurs les Hautes Personnalits,Votre prsence honore les Btonniers.Elle est le signe de votre considration et de votre

    attachement envers notre Confrence, soyez enchacune et chacun sincrement remercis.lMonsieur le Prsident du Conseil National desBarreaux,Vous avez rserv votre premire sortie offi cielle notre Assemble Gnrale aprs votre lection.

    Je nose vous dire que cest un bon choix car lesattentes que nous avons votre gard sont lahauteur des enjeux de la profession.Dans la priode actuelle qui nous impose je vouscite des turbulences , vos positionnementssont attendus.Je ne doute pas que lAncien Prsident de la

    Confrence des Btonniers que vous tes sauraconvaincre par les mots et par laction.lMesdames et Messieurs les Btonniers,Je suis toujours mu de madresser vous.Jprouve une grande fiert de voir autantdhommes et de femmes sengager sans compterau service de leurs confrres.Quelle chance pour les Avocats que de pouvoirsappuyer sur leur Btonniers et leurs Ordres !Quelle autre profession que la ntre pourraitdailleurs se targuer dun tel dvouement et duntel sens collectif !lMadame la Ministre,Jai envie pour introduire mon propos de vousparler du bonheur.

    Curieuse ide allez-vous penser ?Surtout en ce moment et surtout dans un pays oseuls 45 % de nos concitoyens se dclarent heureuxcontre 70 % dans nombre de pays dans le monde.Mieux encore il ny a que 17 % des franais pourpenser que lanne 2015 sera meilleure que 2014

    Alors pourquoi voquer le bonheur devant vous ?Tout simplement pour vous dire quun avocat estattach son mtier, ce mtier quil aime souventpar-dessus tout.Tout simplement pour vous dire ensuite quelamour du mtier fait dire aux Avocats quilssont globalement satisfaits de leur situation

    professionnelle.Tout simplement pour vous dire quen ce quiNous concerne, (contrairement dautres), nousnavons pas envie de changer de boulot ! Permettez-moi de vous dire pourquoi :Dabord car notre mtier est formidable, diffi cile,exigeant mais tellement passionnant,Ensuite, car notre profession est remarquable parses qualits.lOuverture et capacit daccueil sont des sujetsde fiert.lLe mrite personnel est gage de russite etlascenseur social y fonctionne encore.l Jeunesse rime avec avenir et tradition avecmodernit

    Enfin, nous aimons ce mtier parce que noussommes en phase avec notre temps ; des acteursengags dans lensemble du champ conomique,social et politique ; nous tissons et scurisons unlien social et nous contribuons laccs aux droits.Nous avons le sentiment, comme Madame Taubira

    PhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Marc Bollet

    Cette anne, en raison dun dplacement en Lettonie, la Garde des Sceaux na pu assister lAssemble gnrale de la Confrencedes Btonniers qui sest droule, selon la tradition, dans les salons de lhtel Westin de Paris. Les 160 Barreaux de France taientlargement reprsents ce rendez-vous annuel incontournable du monde du droit : lors des dbats il a t question du projet deloi sur la croissance et lactivit, de lEurope, du dcret du 26 dcembre 2014 modifiant le dcret du 27 novembre 1991 organisantla profession davocat, de la rforme J21 et de laide juridictionnelle.

    Sur tous ces sujets, le Prsident Marc Bollet a exhort ses confrres remettre louvrage sur le mtier car le calendrier est contraint et que les Btonniers sont les seuls pouvoir se lever partout en France pour interpeller les pouvoirs publics.

    Il a conclu sa remarquable intervention en affi rmant que lavenir de la profession davocat ne se dessinera pas et ne sedcidera pas sans nous, ni contre nous faisant siens les mots de Jean-Jacques Rousseau : il ny a point de bonheur sanscourage, ni de vertu sans combat. Jean-Ren ancrde

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    12/3212 Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5

    Vie du droit

    la rcemment crit dans une tribune publie par ungrand journal du soir, dappartenir une professionqui est un bien de la dmocratie .Mais, laune des critres marchands de performance,de productivit, de comptition, de prix, voil quelon fait croire que pour accrotre lactivit il faudraitdrglementer la profession davocat.Le droit peut-tre facteur de croissance et dedveloppement mais lAvocat au regard de sesmissions ne pourra jamais tre considr commeun prestataire juridique ordinaire.Si la profession sest toujours voulue dynamique etprospective, il nest pas de raison de succomber aux

    sirnes de lordre marchand et ainsi de bouleverser lapratique professionnelle et les rgles de fonctionnementdes avocats sans quen outre il puisse y avoir le moindreaccroissement de lactivit conomique.En plein cur des dbats parlementaires, je veuxprofiter de cette tribune pour rappeler les enjeux,pour tordre le cou quelques ides reues (ourpandues par certains) et pour formuler lespropositions de la profession.Dabord, je ne rsiste pas au plaisir de rappeler auxauteurs de la Loi sur la croissance et lactivit, ce quele philosophe et conomiste anglais Adam Smith,qui a pos les bases essentielles du raisonnementconomique, crivait au 18me sicle : toutesles propositions de Loi ou de rglementation du

    commerce proposes par la caste des marchandsdevraient tre accueillies avec la plus grandeprcaution et ne devraient jamais tre adoptesquaprs un long et mticuleux examen auquel il

    faut apporter lattention la plus scrupuleuse maisgalement la plus suspicieuse .En ralit, pas dexamen.Pas de concertation.Sous lil de Bruxelles, il faut aller vite, trs vite.Alors on transpose la hte une directive sansrflexion sur les sujets, sans tude dimpact, sansprise en compte des spcificits de la profession,sans cohrence. On amalgame la situation desuns et des autres pour mieux stigmatiser ceux quirefusent la ncessit de rforme ; on fait croire que

    la rglementation couvre des rentes de situationpour chercher un appui dans lopinion publique.Or, depuis quelle existe, la profession davocat estouverte ; elle ne connait ni numerus clausus, nilimitation quelconque linstallation ; elle est uneactivit librale ouverte la concurrence interne

    et trangre ; elle ne connait ni entente ni positiondominante.Elle sest adapte au monde moderne notammenten faisant face la rvolution numrique ; elleconnait une trs grande diversit de ses modesdexercice en relation avec les besoins du march.Elle est mme temps une activit professionnelle quilorsquelle sexerce dans la libert et lindpendanceest une des marques dun rgime dmocratique.Cette rgle fondamentale dindpendance qui vade pair avec le caractre libral de la profession estbattue en brche par le projet de loi relative lacroissance et lactivit.

    Je veux revenir sur quelques dispositions importantes :I. LA TERRITORIALITDE LA POSTULATION

    Cest lexemple parfait du sujet mal compris et malapprhend.Le texte prvoit la modification de la territorialitde la postulation pour ltendre dsormais auressort de la Cour dAppel.Cette rforme peut sembler simposer lheure de largionalisation et de la communication lectronique

    mais elle provoquera en ralit une dsertificationjudiciaire par la disparition des petits Barreaux dontles membres seront incapables de maintenir leuractivit dans les rgions peu peuples.Cette partie du projet repose la question dela carte judiciaire et elle ne peut tre traiteindpendamment de celle-ci. (Ayez le couragepolitique de continuer cette rforme et nousrglerons la question de la territorialit)Tous les rapports, celui de lInspection Gnrale desFinances (IGF) dabord, celui ensuite du Dput enmission Ferrand, mais galement ltude ralisepar la profession rvlent que la rforme aura unimpact direct sur lactivit conomique des cabinetset sur lorganisation des Barreaux dont certainsseront fragiliss.Cela va directement lencontre des objectifspoursuivis par le projet Justice du XXImesicle quiavait lambition de rapprocher le justiciable de sajustice pour lui en faciliter laccs.Comment cela sera-t-il possible si les Barreauxdisparaissent et si les Avocats se concentrent surles seules mtropoles urbaines ?Comment cela sera-t-il possible en ltat de cetteconcentration gographique dassurer la dfensedes liberts sur tout le territoire ?Enfin, la fragilisation conomique de nombreuxcabinets davocats qui vivent de chiffre daffairesde clientle institutionnelle se traduira pardimportantes difficults pour les professionnelset des pertes demploi au sein des cabinets.Il en rsultera obligatoirement une dcroissancede lactivit.Les derniers ajustements de la Commissionspciale dmontrent enfin une prise de consciencedes effets du texte et la volont den attnuer lesconsquences.Il nen demeure pas moins que nous poursuivons

    notre travail auprs des parlementaires pourles convaincre de linutilit de cette rforme quicotera en dfinitive fort cher laccs au droit etau maillage territorial.

    II. LA QUESTION DE LINDPENDANCEEST ENCORE PLUS CRUCIALE

    Louverture des capitaux extrieurs reprsentaitun risque majeur de dpendance conomique desavocats et de leur cabinet, de mme pour lexercicecomme salari dentreprise.

    PhotoJean-RenT

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    hotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

  • 7/21/2019 Edition du Jeudi 5 Fevrier 2015

    13/32Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5 13

    Vie du droit

    Il est heureux que ces dispositions aient t retiresdu texte par le Gouvernement qui sest sans doutesouvenu que la Cour de Justice des CommunautsEuropennes a dcid que lindpendanceconstituait une garantie essentielle pour lejusticiable et le pouvoir judiciaire.Sans doute le Gouvernement a-t-il entendu enfin

    que ces dispositions taient rejetes massivementpar les Avocats.Gageons, Monsieur le Prsident du ConseilNational des Barreaux, que lon y revienne plusjamais.Nos parlementaires doivent maintenant entendreque linterprofessionnalit dexercice avec le mondedu chiffre ne rpond pas un besoin du march,heurte en ltat nos principes essentiels et affaiblitlordre public conomique.Jajoute quil est aussi une ncessit de veiller ce quele primtre dintervention des experts comptablestel que dfini par lordonnance de 1945 ne soit pasremis en cause, rompant ainsi avec lquilibre djprcaire des activits des uns et des autres.

    Vouloir revenir sur la sparation du chiffre et dudroit est un recul et un danger pour nous mais aussiet surtout pour ceux pour qui nous travaillons.Cest ignorer aussi les leons de lhistoire.

    III. CONVENTION DHONORAIRES ETET SECRET PROFESSIONNEL

    Sagissant du contrle du respect de lobligationde la convention dhonoraires, il est indispensablede donner dabord comptence au Conseil delOrdre de vrifier le respect par les avocats deleurs obligations. Le contrle par des agents dela Direction Gnrale de la Concurrence, de laConsommation et de la Rpression des Fraudes(DGCCRF)devra tre strictement encadr pour

    prserver le secret professionnel.Le pouvoir denqute doit se limiter au seul accs la convention dhonoraires et lopration doit treeffectue en prsence du Btonnier.Cest dans ces conditions seulement que le secretprofessionnel sera prserv.

    Ce secret, il faut le dfendre et encore le dfendre.Et demain et dans les jours venir, il faudra sans doutelutter contre des tentatives de drives scuritaires.Lannonce dune loi sur le renseignement qui jecite donnera au service les moyens juridiques daccomplir leurs missions tout en garantissant uncontrle externe et indpendant de leurs activits nest

    pas forcment un bon signal qui nous soit envoy.Il faut une loi sur le secret, une grande loi, cest uneexigence dmocratique ; il faut que cette loi protge,dfende le secret en tant que rgle de vie.Il faut aussi que cette loi garantisse le secret du Btonnier,confident naturel de ses confrres, cest une ncessit.La profession toute entire, Monsieur le Prsidentdu Conseil National des Barreaux, doit faire ensorte de faire aboutir cette revendication, juste etindispensable.

    IV. JUSTICE DU 21meSICLE

    Nous devons aussi militer pour que les projets de lajustice du 21mesicle se concrtisent dans de vraiesrformes de notre organisation judiciaire ; allier

    effi cacit et proximit, comptence et rapidit.On voit se dessiner une organisation judiciaireautour de ples de comptence (trois dcretsen 2014) justifis par une rationalisation territorialeet matrielle de linstitution.En ralit, on fait ou on refait sans le dire la cartejudiciaire. Sans nous. Peut-tre contre nous.Il est crucial, Monsieur le Prsident du ConseilNational des Barreaux, pour tous les Btonniers,que vous puissiez considrer que ce dossier est undossier majeur pour nous tous et que vous puissiezfaire entendre notre voix la Chancellerie.Il est aussi dterminant, pour la place et le rle delavocat dans la Justice, que nous soyons coutset entendus sur nos propositions de rformes de

    fonctionnement.Tel na pas t le cas pour linstant ; nous devonsl aussi, trs vite, Monsieur le Prsident Eydoux,remettre louvrage sur le mtier car il est annoncune rforme de la procdure civile et une rformede la procdure dappel.

    Si le rapport Marshall avait prcis que le Barreaua toujours occup avec lgitimit une place essentielledans lorganisation judiciaire ,il serait de bon tonde passer aux actesIl serait aussi de bon ton de clore le dossier dufinancement de laide juridictionnelle.Jai regrett le retard pris par la mise en place de laconcertation avec la Chancellerie.Les groupes de travail sont dsormais en place ; laConfrence y contribue.Le calendrier est contraint.Aux contours du dossier que chacun connaitsajoute aujourdhui lindemnit drisoire fixepour lassistance des personnes auditionnes dansle cadre des auditions libres.De nombreux Btonniers ont dcid de ne pasorganiser de permanence.Il est regrettable de se retrouver dans cette situationet il est temps que les pouvoirs publics, sur la basedes propositions de la profession, prennent leursresponsabilits pour assurer enfin un gal accsau droit pour tous, ce qui, l aussi, est un impratifdmocratique.

    ConclusionJaborde la fin de mon propos. Cest Kant quiparaphrasant Voltaire crivait que rien de grandna t accompli sans enthousiasme dans le monde Alors mettons de lenthousiasme dans lexercicedes fonctions qui sont les ntres.Parce que vous les Btonniers tes les mieux placspour faire remonter les vnements du quotidien etainsi pouvoir agir sur laction collective.Parce que vous tes sur le terrain pour expliquerla norme et la faire respecter, vous tes les mieuxplacs pour concourir son laboration.Et puis parce que les Btonniers sont les seuls pouvoir se lever ensemble partout en France pour

    interpeller les pouvoirs publics.Pour dire et redire, que lavenir de la profession nese dessinera pas et ne se dcidera pas sans nous, nicontre nous.Alors faisons des mots de Jean-Jacques Rousseaunotre devise : il ny a point de bonheur sans courageni de vertu sans combat 2015-058

    PhotoJean-RenTancrde-Tlphone:01.42.60.36.35

    Gilles Le Chatelier et Marc Bollet

    Yves Mahiu (Rouen), a t lu le 30 janvier 2015 etsuccdera en janvier 2016 Marc Bollet (Marseille),qui prside la Confrence des Btonniers depuis

    janvier 2014.Nous lui prsentons nos amicales flicitations.

    Jean-Ren Tancrde

    Yves Mahiulu 1erVice-Prsident

    PhotoJ

    ean-RenTancrde

  • 7/21/2019 Edition du Jeudi 5 Fevrier 2015

    14/3214 Les Annonces de la Seine - Jeudi 5 fvrier 2015 - numro 5

    Socit

    Unit rpublicaineConfrence de presse du Prsident de la Rpublique - Palais de llyse, 5 fvrier 2015

    Nous nous retrouvons un moisaprs des vnements qui ontprofondment marqu la France etqui sont dsormais inscrits dans notre

    mmoire nationale. La France a t attaque dansce quelle avait de plus sacr : la libert dexpression,la Rpublique et lgalit humaine. La France a suragir avec dignit et fiert. L o les terroristesvoulaient la mettre genoux, elle a fait face. L oles fanatiques voulaient semer la peur, elle a faitmasse. L o les extrmistes voulaient la diviser, ellea fait bloc. Les rassemblements citoyens qui se sontmultiplis dans ces jours terribles ont impressionnle monde qui a exprim la France sa solidarit.Lesprit du mois de janvier 2015, cest lunit de laRpublique. Cette exigence et ce message neffacentpas les diffrences, les sensibilits, les clivages mais lesdpassent dans une force qui va lessentiel : assurerla cohsion du pays pour le faire avancer, pour lefaire russir. Cet esprit-l, je dois le prolonger avec leGouvernement car il lve nos responsabilits pourque la Rpublique soit plus forte et soit plus juste.La premire des responsabilits, cest dtre la

    hauteur de la menace.Elle na pas disparu. Elle a resurgi encore ces derniresh