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Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées Direction Laurent Pelly - Agathe Mélinand DOSSIER PEDAGOGIQUE Edgar Allan Poe - Extraordinaires Adaptation Agathe Mélinand D’après la traduction de Charles Baudelaire Mise en scène Laurent Pelly Création octobre 2013

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Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

Direction Laurent Pelly - Agathe Mélinand

DOSSIER PEDAGOGIQUE

Edgar Allan Poe - Extraordinaires Adaptation Agathe Mélinand D’après la traduction de Charles Baudelaire

Mise en scène Laurent Pelly

Création octobre 2013

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Sommaire

Distribution 3

Note d’intention 4

Sur le spectacle 5

Sur la mise en scène 6

Edgar Allan Poe : sa vie, son œuvre 7

Edgar Poe par Charles Baudelaire - extraits 12

Nouvelles choisies 18

Extraits choisis 19

Le mur d’images 25

Un spectacle en cours d’élaboration 28

Repères biographiques 31

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Distribution

Mise en scène, décor et costumes Laurent Pelly

Adaptation Agathe Mélinand

Lumières Paul Boggio

Son Aline Loustalot

Maquillage Suzanne Pisteur

Accessoires Jean-Pierre Belin

Assistante à la mise en scène Caroline Chausson

Réalisation des décors Ateliers du TNT, sous la direction de Claude Gaillard

Réalisation des costumes Ateliers du TNT, sous la direction de Nathalie Trouvé

Avec la promotion 2012-2013 de l’Atelier volant

Clément Durand

Gérôme Ferchaud

Antoine Raffalli

Jeanne Piponnier

Matthieu Tune

Sabine Zovighian

Durée estimée 1h30

Production TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

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Note d’intention

Après Cami, la vie drôle ! et J’ai examiné une ampoule électrique et j’en ai été satisfait de

Daniil Harms, Laurent Pelly et Agathe Mélinand inventent de nouveau un spectacle sur

mesure pour les six comédiens de l’Atelier volant. C’est dans les mondes surnaturels

d’Edgar Allan Poe qu’ils s’en vont voyager…

Des châteaux sinistres au milieu de paysages désertiques, des personnages solitaires,

déséquilibrés, pris dans des tempêtes effrayantes, des eaux mortes, des

ensevelissements prématurés, bref tout un décor à l’image du caractère névrosé de son

auteur… Mais il serait plus que réducteur de résumer ainsi l’univers de Poe. Car Edgar

Allan Poe rit avant tout, tantôt de lui-même, tantôt des autres, tantôt des deux à la fois,

il raille cette mode du conte fantastique du début du XIXe siècle tout droit venu du vieux

continent européen. Pour échapper à sa propre folie latente, il actionne la soupape de

sécurité de la drôlerie et compose une atmosphère étrange, calme, que rien ne trouble,

pas même l’horreur. Charles Baudelaire, son infatigable traducteur, l’appelait « l’écrivain

des nerfs ». Oui, avec Poe, on est constamment ballotté entre épouvante, fou rire, effroi

et incrédulité. Quand il hallucine, il ne délire jamais, sa logique est implacable et son

humour naît de l’art du constat du réel. Quoi de plus absurde que le réel ? En

détournant ses peurs et les nôtres, il serait l’inventeur de l’humour noir, déviant le

cauchemar vers le grotesque. On pourrait voir ce spectacle comme le côté sombre du

Songe d’une nuit d’été, comme le revers obscur de l’imaginaire. Là où Shakespeare

ramène l’onirisme dans la lumière, dans la joie, Poe le tire dans un romantisme sombre,

vers l’ombre et les ténèbres. Quand l’un nous entraîne dans un monde féérique et

merveilleux, l’autre nous invite dans un cauchemar sublimé, à la beauté mystérieuse et

envoûtante. Mais l’un et l’autre ont cet humour décalé, libre, satirique, pour raconter

l’Humain dans sa folie…

Agathe Mélinand – Laurent Pelly / mai 2013

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Note sur le spectacle

On fait souvent la connaissance d’Edgar Allan Poe à l’adolescence. Ce fut mon cas et je

me souviens qu’à dix-sept ans cela m’avait beaucoup excitée-fascinée.

Car Edgar Poe vit jeune et meurt jeune… Il a des peurs et des bonheurs exacerbés

comme les adolescents… C’est, comme dit Baudelaire, l’écrivain des nerfs mais c’est

avant tout, un poète … qui discute souvent avec le Démon.

D’où l’intérêt pour moi et mon désir de composer ce spectacle pour les jeunes acteurs

de l’Atelier volant.

En travaillant sur Poe maintenant que je n’ai plus dix-sept ans, je suis surtout frappée

par le génie éclatant, par l’humour, le grotesque, par la folie. Une sorte de folie froide à

l’anglaise pour l’un des tous premiers auteurs américains. Une folie mathématique que

Baudelaire qualifie de scientifique et dont la vague tout à coup explose charriant dans

les tourbillons du maelstrom le corps ballotté du vivant.

Le spectacle est composé comme des portes qui s’ouvrent tels des yeux sur des

cauchemars trop réels… Il est ce que m’évoque, d’une manière totalement subjective

l’œuvre protéiforme d’Edgar Allan Poe. Récurrence de thèmes obsessionnels arrachés à

la vie du poète, fantasmes, visions, délires, souvenirs, perte de la femme aimée et

irremplaçable enlevée par la mort, solitude, terreurs, alcool, magnétisme et

ameublement…

Et quelle chance d’avoir la traduction de Charles Baudelaire. Avec cette langue si ronde,

puissante, terrifiante, tendre, drôle… Rencontres de deux poètes, de deux génies…

En faisant ce travail, j’écoute les symphonies de Haydn surtout la London et The Clock et

cette musique, qu’aurait pu écouter Poe, est aussi mystérieuse, romantique et noire que

l’œuvre du poète.

Agathe Mélinand

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Note sur la mise en scène

Qu’est ce qui vous a séduit dans l’univers d’Edgar Allan Poe ?

Laurent Pelly : Dès l’origine, nous avons souhaité impliquer les comédiens de l’Atelier

volant à la fabrication d’une forme. Nous avons travaillé sur cette œuvre protéiforme à

la fois extrêmement riche et rêveuse reflétant des images infinies qui constituent

l’univers obsessionnel d’Edgar Allan Poe.

Quelles images se sont imposées à vous au moment de la création ?

LP : L’obscur, le mystère, la tension, la peur, l’obsession de la mort une certaine forme

d’humour. Plonger dans l’univers de Poe, c’est comme embarquer à bord d’un train

fantôme, nous pénétrons à grande vitesse dans un univers sombre et effrayant peuplé

de créatures étranges et nos cris de peurs se superposent à nos éclats de rire.

La présence du fantastique a-t-elle eu une influence sur vos choix esthétiques ?

LP : Bien sûr. Je suis dans une démarche de travail collectif avec les comédiens de

l’Atelier volant. Nous nous imprégnons ensemble de l’œuvre adaptée par Agathe

Mélinand puis nous imaginons une forme dramaturgique et scénographique.

Métaphoriquement, la forme de cette pièce est celle d’un « kaléidoscope onirique ». Le

kaléidoscope réfléchit à l’infini et de manière fortuite des images. A partir d’un nombre

fini d’éléments, nous pouvons créer un nombre indéfini de combinaisons. Dans ce

spectacle, les images sont des successions de visions. Nous ignorons si ces jeunes gens

sur le plateau sont des créatures, des esprits ou des fantômes.

Où est Edgar Allan Poe dans ce spectacle ?

LP : Il est partout. Il est dans les personnages et les survole.

Propos recueillis en septembre 2013

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Edgar Allan Poe : sa vie, son œuvre

Journaliste, inventeur, poète, romancier, Poe est

surtout connu comme auteur de contes, dans

lesquels une imagination morbide, inquiète,

jointe à l’emploi de la science-fiction, préfigure

certaines tendances de la littérature du xxe s.

Aux États-Unis, sa réputation fut longtemps

médiocre. C’est l’étranger, surtout la France, qui

fit sa fortune littéraire. Découvert en 1848 par

Baudelaire, qui le traduit et voit en lui son

double, Edgar Poe devient pour Baudelaire, puis pour Mallarmé et Valéry le prototype

de l’archange maudit. « Les États-Unis, écrit Baudelaire, ne furent pour Poe qu’une vaste

prison qu’il parcourait avec l’agitation d’un être fait pour respirer dans un monde plus

normal que cette grande barbarie éclairée au gaz ; sa vie intérieure, spirituelle de poète

et même d’ivrogne n’était qu’un effort pour échapper à cette atmosphère antipathique.»

Il y a chez Poe ce qui marque la littérature sudiste jusqu’à Faulkner : le flamboyant souci

«de l’agonie et de la rhétorique ».

Les expériences de la jeunesse

Poe naît d’une famille d’acteurs ambulants. Le père, alcoolique et tuberculeux, meurt

très tôt, léguant l’alcool, qui marque les trois enfants et hante Edgar. Quelques semaines

après sa naissance, sa mère quitte la puritaine Boston pour le Sud. Poe grandit dans la

misère et la splendeur des accessoires de théâtre. Chaque soir, sa mère revêt la pourpre

des héroïnes de Shakespeare. Cette mère éternellement réincarnée le hantera toute sa

vie. Poe a trois ans quand elle meurt de tuberculose. C’est son premier cadavre de

femme. Le théâtre de Richmond (Virginie), où elle jouait, brûle symboliquement

quelques jours plus tard. Le feu et la mort resteront les thèmes favoris de Poe.

Abandonné à la charité publique, celui-ci est recueilli par de riches négociants de

Richmond, les Allan. Il devient Edgar Allan – double identité décrite dans William Wilson

(1839), symbole d’un divorce intérieur. Cet introverti porte un double en lui, singularité

qu’il exploite sur le mode romantique : William Wilson le débauché porte en lui le

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double angélique.

L’adoption fait de Poe un sudiste. Les États-Unis ont alors à peine vingt ans. Ils ne sont

plus une colonie, mais ne sont pas encore une nation. Tout y dépend encore des liens

avec la Grande-Bretagne. Après Waterloo et la guerre ouverte contre l’Angleterre, M.

Allan, pour relancer ses affaires d’import-export, s’embarque en 1815 pour Londres avec

sa femme et Edgar. Ce dernier y restera quatre ans, dans une pension de Stoke

Newington, décrite romantiquement dans William Wilson. C’est déjà le décor de la «

maison Usher », du « vieux et mélancolique château héréditaire ». Quand il rentre à

Richmond, en 1820, ce fils de famille joue les esthètes et les dandys. À l’université de

Virginie, comme il le raconte dans l’autobiographique William Wilson, il joue, boit et

s’endette. M. Allan se fâche. Poe fugue en mars 1827. Poe a dix-huit ans et n’a rien dans

les poches ; il publie alors anonymement une plaquette de vers romantiques, Tamerlane

and Other Poems. « Je suis jeune, écrit-il, et je suis irrémédiablement poète. » En 1827,

Poe s’engage comme soldat dans l’armée fédérale sous le nom d’Edgar A. Perry. Il est

cantonné en Caroline du Nord, exactement où il situera l’action du Scarabée d’or.

Distingué par ses supérieurs, il entre à West Point, dont il est exclu en 1831. L’orphelin

chassé se réfugie chez une sœur de son vrai père, Maria Clemm, qu’il appellera toujours

« maman » et dont il épousera en 1836 la fille Virginia. Son second recueil de poèmes, Al

Aaraaf, n’a pas eu de succès. Poe vit très pauvrement, dans un garni de Baltimore.

Les contes d’un journaliste enquêteur qui préfigurent la littérature policière et la

science-fiction

Un journal local offrant un prix de 100 dollars pour une nouvelle, Poe, aux abois, envoie

six textes et gagne le prix pour Manuscrit trouvé dans une bouteille (1833). Puis il

devient directeur d’une revue de Richmond, The Southern Literary Messenger. « J’ai une

belle perspective de succès », écrit-il. Mais, pris d’une crise d’éthylisme, il déserte en

plein succès (1837). Sa vie connaît désormais ce rythme cyclothymique. Il dirige

successivement le Burton’s Gentleman’s Magazine, puis le Graham’s Magazine à

Philadelphie, et le Broadway Journal à New York. Il réussit toujours, mais doit chaque

fois s’en aller à la suite d’une crise d’alcoolisme. Il n’est pas un solitaire, comme le

prétend Baudelaire. Rédacteur en chef, journaliste lancé, il fréquente les salons de

Richmond, de Philadelphie, de New York. Il affiche, comme le Sud, des idées de droite,

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contre la démocratie nordiste (Dialogue avec une momie). Et son art, imité du gothique

européen, reflète les goûts de l’aristocratie sudiste. Ce qui n’empêche pas Poe de

discuter avec Dickens, en 1842, d’un projet de copyright international pour protéger la

jeune littérature américaine. Il peut paraître surprenant qu’un esthétisme décadent,

imité de l’Europe, soit aux origines de la jeune littérature américaine. Cela s’explique par

la présence d’une vieille société coloniale au cœur de la nouvelle nation. Pour plaire à

son public, Poe doit transposer et « faire Européen » : il transpose à Paris un fait divers

new-yorkais, l’affaire Mary Rogers, en le Mystère de Marie Rogêt. Mais ce goût du

déguisement, du « gothique » correspond aussi à son tempérament, comme sa

préférence pour la nouvelle trahit son sens de journaliste.

Reporter, chroniqueur, journaliste, Poe ne sait pas faire de roman. Après l’échec du

roman Gordon Pym (1838), il renonce à Julius Rodman. Il est homme de conte, épris de

rapidité : « Les hommes d’aujourd’hui, écrit-il, ont besoin de choses brèves, courtes, bien

digérées, en un mot de journalisme au lieu de dissertations. » La plupart de ses contes

ont d’abord été publiés comme des comptes rendus réels d’expériences scientifiques :

Révélation magnétique et le Cas de M. Valdemar. Fasciné comme tous ses

contemporains par les phénomènes électriques et magnétiques, par les sciences à la

limite de la physique et du spiritisme, Poe traite de la phrénologie, des tables

tournantes, de la cryptographie, de la médecine, de l’astrologie et rassemble dans le

Mille Deuxième Conte de Schéhérazade toutes les merveilles du monde moderne. Il aime

étonner, truffer ses textes de citations savantes, de mots rares. Ce goût de la sensation

le pousse même à démonter ses propres effets. En 1845, le poème le Corbeau connaît

un succès sans précédent, et son refrain,

« Nevermore » (jamais plus), inspire déjà acteurs et peintres. Mais Poe démontre dans la

Genèse d’un poème que le Corbeau résulte non pas d’une inspiration géniale, mais d’une

construction consciente à partir de certains effets de voyelles. « Pour moi, écrit-il, la

première des considérations est celle d’un effet à produire. » La forme devient l’essentiel,

art poétique qui séduira Mallarmé, puis Valéry, parce que définissant l’art comme la

conscience de l’adéquation parfaite de la rhétorique et de la volonté. S’avouant «

ingénieur littéraire », Poe est effectivement un poète rhétoricien dont les vers ont,

comme dans le Corbeau et dans Annabel Lee, la perfection d’une belle mécanique, d’une

boîte à musique assez artificielle.

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Chez lui, le journaliste se double d’un enquêteur. Dans le Mystère de Marie Rogêt ou

dans le Joueur d’échecs de Maelzel, Poe élucide des « affaires » célèbres. Cela le conduit

à devenir l’inventeur du roman policier dans ce qu’il appelle des « contes de

ratiocination » : La Lettre volée, Double Assassinat dans la rue Morgue ou Le Scarabée

d’or. Dans ces contes, selon un procédé repris plus tard par Conan Doyle et Agatha

Christie, l’auteur commence à accumuler les énigmes. Ni le public, ni le lecteur ne

comprennent plus. Mais Dupin, détective privé, démontre que l’invraisemblance même

du crime de la rue Morgue dicte la seule solution possible : le crime n’est pas l’œuvre

d’un homme. Le détective n’a plus alors qu’à encaisser les bénéfices.

L’application systématique d’une technique de la sensation poussée jusqu’au morbide

Pionnier de la science-fiction et du roman policier, Poe trouve à ces exercices de brio

intellectuel un plaisir qui le rassure. Cette maîtrise dans le crime, on la retrouve dans La

Barrique d’Amontillado et dans Hop-Frog, où l’auteur trouve dans la virtuosité l’oubli de

sa propre névrose. Mais Poe est aux abois. Ses soucis financiers, ses fugues, son

alcoolisme expriment une névrose qui inspire des contes de terreur. Publiées d’abord en

feuilletons, puis en volumes dans Tales of the Grotesque and Arabesque (1840) et dans

The Prose Romances of Edgar Poe (1843), ses meilleures nouvelles sont inspirées des

romans gothiques anglais. Le conte de terreur est au cœur du romantisme anglais. Le

héros est isolé dans une atmosphère angoissante (La Chute de la maison Usher ou Le

Puits et le pendule), qui crée un envoûtement, un suspens. Mais, au contraire des

romanciers gothiques, Poe ne cherche pas à faire croire à la réalité de ce monde, qu’il

présente comme « psychologique ». C’est un simple détail, l’éclat d’un sourire, l’œil d’un

vieillard, une tache blanche sur un chat noir, qui prend peu à peu, pour l’esprit malade

du héros, une signification anormale. Le héros charge l’objet d’une signification

terrifiante et se perd lui-même (Le Chat noir, Le Cœur révélateur). Le conte de Poe est le

contraire du conte de terreur classique : au lieu de jeter un individu normal dans un

monde inquiétant, l’auteur jette un individu inquiétant dans un monde normal. C’est la

névrose qui déclenche l’horreur : absorbé par les dents de sa femme, Ægus descendra

dans la tombe arracher au cadavre ses trente-deux dents (Bérénice).

Contre sa peur névrotique, Poe s’est construit un esthétisme de dandy (La Philosophie

de l’ameublement, Le Domaine d’Arnheim), où il se barricade en vain. Ce parfait

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décadent inspire les symbolistes, parce que son mal est à la fois sa perte et son génie.

Poe partage avec son époque l’idée que tout ce qui n’est pas clair est inquiétant et

suspect. À l’obscurité psychologique, il ajoute la noirceur morale. La névrose est pour lui

une « perversité » (Le Démon de la perversité) qui condamne à mort.

La mort est ce qui fascine et terrifie le plus Poe : parce que ce n’est pas un état stable. Il

y a la vie dans la mort des Enterrés vivants et la mort dans la vie des cadavres en

catalepsie (Le Cas de M. Valdemar). Poe est nécrophile par peur du néant. Dans Perte

d’haleine ou dans l’Homme qui était usé, il évoque le lent dépècement du corps expulsé

bout par bout vers une damnation où l’attend l’Enfer ou la Femme. Car la Mort et

l’Amour, Thanatos et Éros, sont indissolublement liés chez lui, qui écrit : « Je ne pouvais

aimer que là où la mort mêlait son souffle à celui de la beauté », ou encore : « Le plus

beau sujet du monde est la mort d’une jeune femme. » Poe attend de la mort une

transfiguration spirituelle de type platonique (Dialogue d’Eiros et Charmion). Dans Le

Portrait oval, un artiste tue sa femme d’épuisement, à force de la peindre pour qu’elle

devienne « telle qu’en elle-même enfin l’éternité la change ». Inspiré par Swedenborg, le

transcendantalisme, la vogue du spiritisme, Poe écrit Révélation magnétique, puis, à la

fin de sa vie, Eureka (1848), poème cosmogonique, à propos duquel il écrit : « J’ai résolu

le secret de l’univers. » Mais déjà, fasciné comme Gordon Pym par le blanc mystique, il

s’embarque en septembre 1849 pour l’une de ses errances alcooliques. Retrouvé

inanimé dans la rue, il meurt le 7 octobre 1849 à l’hôpital de Baltimore.

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Edgar Poe par Charles Baudelaire - extraits

La période créatrice d’Edgar Allan Poe dont le résultat fut quatorze volumes où se

trouvèrent réunis poèmes, nouvelles, romans, essais, critiques et correspondances, dura

vingt deux ans ; Charles Baudelaire, de son côté, passa près de dix-sept ans à traduire la

majeure partie de l’œuvre.

La famille de Poe était une des plus respectables de

Baltimore. Son grand-père maternel avait servi comme

quarter-master-general dans la guerre de l’indépendance

[…]. David Poe, père d’Edgar et fils du général, s’éprit

violemment d’une actrice anglaise, Élisabeth Arnold, célèbre

par sa beauté ; il s’enfuit avec elle et l’épousa. Pour mêler

plus intimement sa destinée à la sienne, il se fit comédien et

parut avec sa femme sur différents théâtres, dans les

principales villes de l’Union. Les deux époux moururent à

Richmond, presque en même temps, laissant dans l’abandon et le dénuement le plus

complet trois enfants en bas âge, dont Edgar.

Edgar Poe était né à Baltimore, en 1813. — C’est d’après son propre dire que je donne

cette date, car il a réclamé contre l’affirmation de Griswold, qui place sa naissance en

1811. — Si jamais l’esprit de roman, pour me servir d’une expression de notre poète, a

présidé à une naissance, — esprit sinistre et orageux ! — certes il présida à la sienne.

Poe fut véritablement l’enfant de la passion et de l’aventure. Un riche négociant de la

ville, M. Allan, s’éprit de ce joli malheureux que la nature avait doté d’une manière

charmante, et, comme il n’avait pas d’enfants, il l’adopta. Celui-ci s’appela donc

désormais Edgar Allan Poe. Il fut ainsi élevé dans une belle aisance et dans l’espérance

légitime d’une de ces fortunes qui donnent au caractère une superbe certitude. Ses

parents adoptifs l’emmenèrent dans un voyage qu’ils firent en Angleterre, en Écosse et

en Irlande, et, avant de retourner dans leur pays, ils le laissèrent chez le docteur

Bransby, qui tenait une importante maison d’éducation à Stoke-Newington, près de

Londres. […]

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Il revint à Richmond en 1822, et continua ses études en Amérique, sous la direction des

meilleurs maîtres de l’endroit. À l’université de Charlottesville, où il entra en 1825, il se

distingua non-seulement par une intelligence quasi miraculeuse, mais aussi par une

abondance presque sinistre de passions, — une précocité vraiment américaine, — qui,

finalement, fut la cause de son expulsion. […]

Quelques malheureuses dettes de jeu amenèrent une brouille momentanée entre lui et

son père adoptif, et Edgar — fait des plus curieux et qui prouve, quoi qu’on ait dit, une

dose de chevalerie assez forte dans son impressionnable cerveau, — conçut le projet de

se mêler à la guerre des Hellènes et d’aller combattre les Turcs. Il partit donc pour la

Grèce. — Que devint-il en Orient ? qu’y fit-il ? Étudia-t-il les rivages classiques de la

Méditerranée ? — pourquoi le trouvons-nous à Saint-Pétersbourg, sans passe-port,

compromis, et dans quelle sorte d’affaire, obligé d’en appeler au ministre américain,

Henry Middleton, pour échapper à la pénalité russe et retourner chez lui ? — on

l’ignore ; il y a là une lacune que lui seul aurait pu combler. La vie d’Edgar Poe, sa

jeunesse, ses aventures en Russie et sa correspondance ont été longtemps annoncées

par les journaux américains et n’ont jamais paru.

Revenu en Amérique en 1829, il manifesta le désir d’entrer à l’école militaire de West-

Point ; il y fut admis en effet, et, là comme ailleurs, il donna les signes d’une intelligence

admirablement douée, mais indisciplinable, et, au bout de quelques mois, il fut rayé. —

En même temps se passait dans sa famille adoptive un événement qui devait avoir les

conséquences les plus graves sur toute sa vie. Mme Allan, pour laquelle il semble avoir

éprouvé une affection réellement filiale, mourait, et M. Allan épousait une femme toute

jeune. Une querelle domestique prend ici place, — une histoire bizarre et ténébreuse

que je ne peux pas raconter, parce qu’elle n’est clairement expliquée par aucun

biographe. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’il se soit définitivement séparé de M.

Allan, et que celui-ci, qui eut des enfants de son second mariage, l’ait complètement

frustré de sa succession.

La misère le fit quelque temps soldat, et il est présumable qu’il se servit des lourds loisirs

de la vie de garnison pour préparer les matériaux de ses futures compositions, —

compositions étranges, qui semblent avoir été créées pour nous démontrer que

l’étrangeté est une des parties intégrantes du beau.

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Rentré dans la vie littéraire, le seul élément où

puissent respirer certains êtres déclassés, Poe se

mourait dans une misère extrême, quand un hasard

heureux le releva. Le propriétaire d’une revue

venait de fonder deux prix, l’un pour le meilleur

conte, l’autre pour le meilleur poème. Une écriture

singulièrement belle attira les yeux de M. Kennedy,

qui présidait le comité, et lui donna l’envie

d’examiner lui-même les manuscrits. Il se trouva

que Poe avait gagné les deux prix ; mais un seul lui

fut donné. Le président de la commission fut

curieux de voir l’inconnu. […] Il fit faire à Poe la connaissance d’un M. Thomas White, qui

fondait à Richmond le Southern Literary Messenger. M. White était un homme d’audace,

mais sans aucun talent littéraire ; il lui fallait un aide. Poe se trouva donc tout jeune, — à

vingt-deux ans, — directeur d’une revue dont la destinée reposait tout entière sur lui.

[…] Pendant près de deux ans, Edgar Poe, avec une ardeur merveilleuse, étonna son

public par une série de compositions d’un genre nouveau et par des articles critiques

dont la vivacité, la netteté, la sévérité raisonnées étaient bien faites pour attirer les

yeux. Ces articles portaient sur des livres de tout genre, et la forte éducation que le

jeune homme s’était faite ne le servit pas médiocrement. Il est bon qu’on sache que

cette besogne considérable se faisait pour cinq cents dollars, c’est-à-dire deux mille sept

cents francs par an. — Immédiatement, — dit Griswold, ce qui veut dire : « Il se croyait

donc assez riche, l’imbécile ! » — il épousa une jeune fille, belle, charmante, d’une

nature aimable et héroïque, mais ne possédant pas un sou, — ajoute le même Griswold

avec une nuance de dédain. C’était une demoiselle Virginia Clemm, sa cousine.

Malgré les services rendus à son journal, M. White se brouilla avec Poe au bout de deux

ans, à peu près. La raison de cette séparation se trouve évidemment dans les accès

d’hypocondrie et les crises d’ivrognerie du poète, — accidents caractéristiques qui

assombrissaient son ciel spirituel, comme ces nuages lugubres qui donnent

soudainement au plus romantique paysage un air de mélancolie en apparence

irréparable. — Dès lors, nous verrons l’infortuné déplacer sa tente, comme un homme

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du désert, et transporter ses légers pénates dans les principales villes de l’Union.

Partout, il dirigera des revues ou y collaborera d’une manière éclatante. […] Nous

apprendrons par des notes blessantes et scandaleuses insérées dans les journaux, que

M. Poe et sa femme se trouvent dangereusement malades à Fordham et dans une

absolue misère. Peu de temps après la mort de madame Poe, le poète subit les

premières attaques du delirium tremens.

Sans doute il gagnait de l’argent, et ses travaux littéraires pouvaient à peu près le faire

vivre. Mais j’ai les preuves qu’il avait sans cesse de dégoûtantes difficultés à surmonter.

Il rêva, comme tant d’autres écrivains, une Revue à lui, il voulut être chez lui, et le fait est

qu’il avait suffisamment souffert pour désirer ardemment cet abri définitif pour sa

pensée. Pour arriver à ce résultat, pour se procurer une somme d’argent suffisante, il

eut recours aux lectures. Il imagina cette fois de donner des lectures dans son pays, dans

la Virginie. Il comptait, comme il l’écrivait à Willis, faire une tournée dans l’Ouest et le

Sud, et il espérait le concours de ses amis littéraires et de ses anciennes connaissances

de collège et de West-Point. Il visita donc les principales villes de la Virginie, et

Richmond revit celui qu’on y avait connu si jeune, si pauvre, si délabré. Tous ceux qui

n’avaient pas vu Poe depuis les jours de son obscurité accoururent en foule pour

contempler leur illustre compatriote. Il apparut, beau, élégant, correct comme le génie.

[…] Le bel accueil qu’on lui fit inonda son pauvre cœur d’orgueil et de joie ; il se montrait

tellement enchanté qu’il parlait de s’établir définitivement à Richmond et de finir sa vie

dans les lieux que son enfance lui avait rendus chers. Cependant, il avait affaire à New-

York, et il partit le 4 octobre, se plaignant de frissons et de faiblesses. Se sentant

toujours assez mal en arrivant à Baltimore, le 6, au soir, il fit porter ses bagages à

l’embarcadère d’où il devait se diriger sur Philadelphie, et entra dans une taverne pour y

prendre un excitant quelconque. Là, malheureusement, il rencontra de vieilles

connaissances et s’attarda. Le lendemain matin, dans les pâles ténèbres du petit jour, un

cadavre fut trouvé sur la voie, — est-ce ainsi qu’il faut dire ? — non, un corps vivant

encore, mais que la Mort avait déjà marqué de sa royale estampille. Sur ce corps, dont

on ignorait le nom, on ne trouva ni papiers ni argent, et on le porta dans un hôpital.

C’est là que Poe mourut, le soir même du dimanche 7 octobre 1849, à l’âge de trente-

sept ans, vaincu par le delirium tremens, ce terrible visiteur qui avait déjà hanté son

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cerveau une ou deux fois. Ainsi disparut de ce monde un des plus grands héros

littéraires, l’homme de génie qui avait écrit dans le Chat noir ces mots fatidiques : Quelle

maladie est comparable à l’alcool !

[…] La vie de Poe, ses mœurs, ses manières, son être physique, tout ce qui constitue

l’ensemble de son personnage, nous apparaissent comme quelque chose de ténébreux

et de brillant à la fois. Sa personne était singulière, séduisante et, comme ses ouvrages,

marquée d’un indéfinissable cachet de mélancolie.

[…] De cette ivrognerie, — célébrée et reprochée avec une insistance qui pourrait

donner à croire que tous les écrivains des États-Unis, excepté Poe, sont des anges de

sobriété, — il faut cependant en parler.

Rancunes littéraires, vertiges de l’infini, douleurs de ménage, insultes de la misère, Poe

fuyait tout dans le noir de l’ivresse comme dans une tombe préparatoire. Mais, quelque

bonne que paraisse cette explication, je ne la trouve pas suffisamment large, et je m’en

défie à cause de sa déplorable simplicité.

J’apprends qu’il ne buvait pas en gourmand, mais en barbare, avec une activité et une

économie de temps tout à fait américaines, comme accomplissant une fonction

homicide, comme ayant en lui quelque chose à tuer, a worm that would not die. […]

Je lis d’autre part, dans un long article du Southern Literary Messenger, — cette même

revue dont il avait commencé la fortune, — que jamais la pureté, le fini de son style,

jamais la netteté de sa pensée, jamais son ardeur au travail, ne furent altérés par cette

terrible habitude ; que la confection de la plupart de ses excellents morceaux a précédé

ou suivi une de ses crises ; qu’après la publication d’Eureka, il sacrifia déplorablement à

son penchant, et qu’à New-York, le matin même où paraissait le Corbeau, pendant que

le nom du poète était dans toutes les bouches, il traversait Broadway en trébuchant

outrageusement. Remarquez que les mots : précédé ou suivi, impliquent que l’ivresse

pouvait servir d’excitant aussi bien que de repos.

[…] Si le lecteur m’a suivi sans répugnance, il a déjà deviné ma conclusion : je crois que,

dans beaucoup de cas, non pas certainement dans tous, l’ivrognerie de Poe était un

moyen mnémonique, une méthode de travail, méthode énergique et mortelle, mais

appropriée à sa nature passionnée. Le poète avait appris à boire, comme un littérateur

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soigneux s’exerce à faire des cahiers de notes. Il ne pouvait résister au désir de retrouver

les visions merveilleuses ou effrayantes, les conceptions subtiles qu’il avait rencontrées

dans une tempête précédente ; c’étaient de vieilles connaissances qui l’attiraient

impérativement, et, pour renouer avec elles, il prenait le chemin le plus dangereux, mais

le plus direct. Une partie de ce qui fait aujourd’hui notre jouissance est ce qui l’a tué.

Poe est l’écrivain des nerfs, et même de quelque chose de

plus, — et le meilleur que je connaisse.

Chez lui, toute entrée en matière est attirante sans violence, comme un tourbillon. Sa

solennité surprend et tient l’esprit en éveil. On sent tout d’abord qu’il s’agit de quelque

chose de grave. Et lentement, peu à peu, se déroule une histoire dont tout l’intérêt

repose sur une imperceptible déviation de l’intellect, sur une hypothèse audacieuse, sur

un dosage imprudent de la Nature dans l’amalgame des facultés. Le lecteur, lié par le

vertige, est contraint de suivre l’auteur dans ses entraînantes déductions.

Aucun homme, je le répète, n’a raconté avec plus de magie les exceptions de la vie

humaine et de la nature ; — les ardeurs de curiosité de la convalescence ; — les fins de

saisons chargées de splendeurs énervantes, les temps chauds, humides et brumeux, où

le vent du sud amollit et détend les nerfs comme les cordes d’un instrument, où les yeux

se remplissent de larmes qui ne viennent pas du cœur ; — l’hallucination laissant

d’abord place au doute, bientôt convaincue et raisonneuse comme un livre ; —

l’absurde s’installant dans l’intelligence et la gouvernant avec une épouvantable

logique ; — l’hystérie usurpant la place de la volonté, la contradiction établie entre les

nerfs et l’esprit, et l’homme désaccordé au point d’exprimer la douleur par le rire. Il

analyse ce qu’il y a de plus fugitif, il soupèse l’impondérable et décrit, avec cette

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manière minutieuse et scientifique dont les effets sont terribles, tout cet imaginaire qui

flotte autour de l’homme nerveux et le conduit à mal. Charles Baudelaire

Nouvelles choisies

Parmi le nombre très important de nouvelles d’Edgar Allan Poe, traduites en français par

Charles Baudelaire, voici la liste de celles qui ont été retenues pour l’élaboration du

spectacle. Il est à noter que ne seront mis en scène que des extraits de ces nouvelles.

Le Portrait ovale

La Chute de la maison Usher

Lionnerie

L’île de la fée

La Vie littéraire de Monsieur Machin Truc

Le Roi Peste

Une descente dans le Maëlstrom

L’Ensevelissement prématuré

Le Cœur révélateur

Philosophie de l’ameublement

Le Duc de l’Omelette

L’Ange du bizarre

Le Système du Docteur Goudron et du Professeur Plume

Silence

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Extraits choisis

Le Portrait ovale

C’était une jeune fille d’une très rare beauté, et qui n’était pas moins aimable que pleine

de gaieté. Et maudite fut l’heure où elle vit, et aima, et épousa le peintre. Lui, passionné,

studieux, austère, et ayant déjà trouvé une épouse dans son Art ; elle, une jeune fille

d’une très rare beauté, et non moins aimable que pleine de gaieté : rien que lumière et

sourires, et la folâtrerie d’un jeune faon ; aimant et chérissant toutes choses ; ne

haïssant que l’Art qui était son rival ; ne redoutant que la palette et les brosses, et les

autres instruments fâcheux qui la privaient de la figure de son adoré. Ce fut une terrible

chose pour cette dame que d’entendre le peintre parler du désir de peindre sa jeune

épouse. Mais elle était humble et obéissante, et elle s’assit avec douceur pendant de

longues semaines dans la sombre et haute chambre de la tour, où la lumière filtrait sur

la pâle toile seulement par le plafond. Mais lui, le peintre, mettait sa gloire dans son

œuvre, qui avançait d’heure en heure et de jour en jour. Et c’était un homme

passionné, et étrange, et pensif, qui se perdait en rêveries ; si bien qu’il ne voulait pas

voir que la lumière qui tombait si lugubrement dans cette tour isolée desséchait la santé

et les esprits de sa femme, qui languissait visiblement pour tout le monde, excepté pour

lui. Cependant, elle souriait toujours, et toujours sans se plaindre, parce qu’elle voyait

que le peintre (qui avait un grand renom) prenait un plaisir vif et brûlant dans sa tâche,

et travaillait nuit et jour pour peindre celle qui l’aimait si fort, mais qui devenait de jour

en jour plus languissante et plus faible. Et, en vérité, ceux qui contemplaient le portrait

parlaient à voix basse de sa ressemblance, comme d’une puissante merveille et comme

d’une preuve non moins grande de la puissance du peintre que de son profond amour

pour celle qu’il peignait si miraculeusement bien. Mais, à la longue, comme la besogne

approchait de sa fin, personne ne fut plus admis dans la tour ; car le peintre était devenu

fou par l’ardeur de son travail, et il détournait rarement ses yeux de la toile, même pour

regarder la figure de sa femme. Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il étalait sur

la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui. Et, quand bien des

semaines furent passées et qu’il ne restait plus que peu de chose à faire, rien qu’une

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touche sur la bouche et un glacis sur l’œil, l’esprit de la dame palpita encore comme la

flamme dans le bec d’une lampe. Et alors la touche fut donnée, et alors le glacis fut

placé ; et pendant un moment le peintre se tint en extase devant le travail qu’il avait

travaillé ; mais, une minute après, comme il contemplait encore, il trembla, et il fut

frappé d’effroi ; et, criant d’une voix éclatante : « En vérité, c’est la Vie elle-même ! » il

se retourna brusquement pour regarder sa bien-aimée : elle était morte ! »

L’Ensevelissement prématuré

Oui, je suis très nerveux, épouvantablement nerveux, je l’ai toujours été ; mais pourquoi

prétendez-vous que je suis fou ? La maladie a aiguisé mes sens, elle ne les a pas

détruits, elle ne les a pas émoussés. Plus que tous les autres, j’avais le sens de l’ouïe

très fin. J’ai entendu toutes choses du ciel et de la terre. J’ai entendu bien des choses de

l’enfer. Comment donc suis-je fou ? Attention ! Et observez avec quelle santé, avec quel

calme je puis vous raconter toute l’histoire.

C’est un mal de famille, une maladie génétique, quelque chose pour quoi il n’y a pas de

remède, ce sont les nerfs, je serai peut-être bientôt guéri, après tout. Non, je mourrai,

il faut que je meure de cette déplorable folie. C’est ainsi, ainsi, et non pas autrement,

que je périrai. Je redoute les événements à venir, non en eux-mêmes, mais dans leurs

résultats. Je frissonne à la pensée d’un incident quelconque, du genre le plus vulgaire,

qui peut opérer sur cette intolérable agitation de mon âme. Je n’ai vraiment pas horreur

du danger, excepté dans son effet positif, la terreur. Dans cet état pitoyable, je sens que

tôt ou tard le moment viendra où la vie et la raison m’abandonneront à la fois, dans

quelque lutte inégale avec le sinistre fantôme, avec la peur !

On peut affirmer sans hésitation qu’il n’y a pas d’événement plus terriblement propre à

inspirer le comble de la détresse physique et morale que d’être enterré vivant.

L’oppression intolérable des poumons – les exhalaisons suffocantes de la terre humide –

le contact des vêtements de mort collés à votre corps – le rigide embrassement de

l’étroite prison – la noirceur de la nuit absolue – le silence ressemblant à une mer qui

vous engloutit – la présence invisible mais palpable du ver vainqueur – joignez à tout

cela la pensée qui se rapporte à l’air et au gazon qui verdit sur votre tête, le souvenir des

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chers amis qui voleraient à votre secours s’ils connaissaient votre destin, l’assurance

qu’ils n’en seront jamais informés – que votre lot sans espérance est celui des vrais

morts – toutes ces considérations portent avec elles dans le cœur qui palpite encore une

horreur intolérable qui fait pâlir et reculer l’imagination la plus hardie. Nous ne

connaissons pas sur terre de pareille agonie – nous ne pouvons rien rêver d’aussi hideux

dans les royaumes du dernier des enfers.

L’Ange du bizarre

« Mein Gott ! Vaut-il hêtre pette bur tire zela ! » répondit une des plus remarquables

voix que j’eusse jamais entendues.

D’abord, je le pris pour un bourdonnement dans mes oreilles, comme il en arrive

quelquefois à un homme qui devient très ivre. Je levai simplement les yeux à loisir, et je

regardai soigneusement tout autour de la chambre pour découvrir l’intrus. Cependant,

je ne vis absolument personne.

« Humph ! il vaut gué phus zoyez zou gomme ein borgue, bur ne bas me phoir gand che

zuis azis isi à godé te phus. »

À ce coup, je m’avisai de regarder directement devant mon nez ; et, là, effectivement,

m’affrontant presque, était installé près de la table un personnage, non encore décrit,

quoique non absolument indescriptible. Son corps était une pipe de vin, ou une pièce de

rhum, ou quelque chose analogue, et avait une apparence véritablement falstaffienne. À

son extrémité inférieure étaient ajustées deux caques qui semblaient remplir l’office de

jambes. Au lieu de bras, pendillaient de la partie supérieure de la carcasse deux

bouteilles passablement longues, dont les goulots figuraient les mains.

En fait de tête, tout ce que le monstre possédait était une de ces cantines de Hesse, qui

ressemblent à de vastes tabatières, avec un trou dans le milieu du couvercle. Cette

cantine (surmontée d’un entonnoir à son sommet, comme d’un chapeau de cavalier

rabattu sur les yeux) était posée de champ sur le tonneau, le trou étant tourné de mon

coté ; et, par ce trou qui semblait grimaçant et ridé comme la bouche d’une vieille fille

très cérémonieuse, la créature émettait de certains bruits sourds et grondants qu’elle

donnait évidemment pour un langage intelligible.

« Che tis, - disait-elle, gu’y vaut gue phus zoyez zou gomme ein borgue, bur hêtre azis là,

et ne bas me phoir gan dche zuis azis isi, et che tis ozi gu’il vaut gue phus zoyez eine

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pette blis grose gu’ine oie bur ne bas groire se gui hait imbrimé tans l’imbrimé. C’est la

phéridé, la phéridé, mot bur mot. »

– Qui êtes-vous, je vous prie ? Comment êtes-vous entré ici ? Et qu’est-ce que vous

débitez là ?

« Gomment che zuis handré, za ne phus recarte bas ; et gand à ze gue che tépide, che

tépide ze gue che drouffe pon te tépider ; et gand à ze gue che zuis, ché zuis chistement

phenu bur gue phus le phoyiez bar phus memme »

– Vous êtes un misérable ivrogne et je vais sonner et ordonner qu’on vous jette à coups

de pied dans la rue.

– Hi ! hi ! hi ! – répondit le drôle, - hu ! hu ! hu ! bur za, phus ne le buphezez pas !

– Je ne puis pas ! - dis-je - que voulez-vous dire ? Je ne puis pas quoi ?

- Zauner la glauje ! , - répliqua-t-il en essayant une grimace avec sa hideuse petite

bouche.

Là-dessus, je fis un effort pour me lever, dans le but de mettre ma menace à exécution ;

mais le brigand se pencha à travers la table, et, m’ajustant un coup sur le front avec le

goulot d’une de ses bouteilles, me renvoya dans le fond du fauteuil, d’où je m’étais à

moitié soulevé. J’étais absokument étourdi, et pendant un moment je ne sus quel parti

prendre. Lui, cependant, continuait son discours :

Phus phoyez, - dit-il-, gue le mié hait de phus dénir dranguille ; et maindenant phus

azurez gui che zuis. Recartez-moâ ! che zuis l’Anche ti Pizarre.

– Assez bizarre, en effet – me hasardai-je à répliquer - mais je m’étais toujours figuré

qu’un ange devait avoir des ailes.

— Tes elles ! Gu’ai-che avaire t’elles ? Me brenez-phus bur ein boulet ?

– Non ! oh non ! répondis-je très alarmé, - vous n’êtes pas un poulet ; non certainement.

– À la ponne heire ! Denez-phus tonc dranguile et gombordez-phus pien. Z’est le boulet

gui ha tes elles, et l’ipou gui ha tes elles, et le témon gui ha tes elles, et le cran tiaple gui

ha tes elles. L’anche, il n’a bas t’elles, et che zuis l’Anche ti Pizarre.

— Et cette affaire pour laquelle vous venez, c’est… c’est…?

– Zette avaire ! – s’écria l’horrible objet – oh ! guelle phile esbesse de vaguin mal ellefé

haites-phus tongue, bur temanter à ein tchintlemane et à ine anche z’il vait tes avaires ?

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Ce langage dépassait tout ce que je pouvais supporter, même de la part d’un ange ;

aussi, ramassant mon courage, je saisis une salière qui se trouvait à ma portée, et je la

lançai à la tête de l’intrus. Mais il évita le coup, ou je visai mal ; car je ne réussis qu’à

démolir le verre qui protégeait le cadran de la pendule placée sur la cheminée. Quant à

l’Ange, il comprit mon intention, et répondit à mon attaque par deux ou trois vigoureux

coups qu’il m’asséna consécutivement sur le front comme il avait déjà fait. Ce

traitement me réduisit tout de suite à la soumission, et je suis presque honteux d’avouer

que, soit douleur, soit humiliation, il me vint quelques larmes dans les yeux.

– Mein Gott ! – dit l’Ange du Bizarre, en apparence très radouci - le boffre omme hait

drès-iffre ou drès-avliché. Il ne vaut bas poire zeg gomme za ; il vaut medre te l’eau tans

fodre phin. Denez, puffez-moi za ; puffez za, gomme un carzon pien zache, et ne blérez

blis maindenant, endentez-phus !

La Chute de la maison Usher

Oui, je suis très nerveux, épouvantablement nerveux, je l’ai toujours été ; mais pourquoi

prétendez-vous que je suis fou ? La maladie a aiguisé mes sens, elle ne les a pas

détruits, elle ne les a pas émoussés. Plus que tous les autres, j’avais le sens de l’ouïe

très fin. J’ai entendu toutes choses du ciel et de la terre. J’ai entendu bien des choses de

l’enfer. Comment donc suis-je fou ? Attention ! Et observez avec quelle santé, avec quel

calme je puis vous raconter toute l’histoire.

C’est un mal de famille, une maladie génétique, quelque chose pour quoi il n’y a pas de

remède, ce sont les nerfs, je serai peut-être bientôt guéri, après tout. Non, je mourrai,

il faut que je meure de cette déplorable folie. C’est ainsi, ainsi, et non pas autrement,

que je périrai. Je redoute les événements à venir, non en eux-mêmes, mais dans leurs

résultats. Je frissonne à la pensée d’un incident quelconque, du genre le plus vulgaire,

qui peut opérer sur cette intolérable agitation de mon âme. Je n’ai vraiment pas horreur

du danger, excepté dans son effet positif, la terreur. Dans cet état pitoyable, je sens que

tôt ou tard le moment viendra où la vie et la raison m’abandonneront à la fois, dans

quelque lutte inégale avec le sinistre fantôme, avec la peur !

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L’île de la Fée

Il me sembla que la figure d’une de ces Fées s’avançait lentement vers les ténèbres. Elle

se tenait droite sur un canot singulièrement fragile, et le mouvait avec un fantôme

d’aviron.

Tant qu’elle fut sous l’influence des rayons du soleil attardés, son attitude parut traduire

la joie mais le chagrin altéra sa physionomie quand elle passa dans la région de l’ombre.

Lentement elle glissa tout le long, fit peu à peu le tour de l’île, et rentra dans la région de

la lumière. La révolution qui vient d’être accomplie par la Fée, est le cycle d’une brève

année de sa vie. Elle a traversé son hiver et son été. Elle s’est rapprochée de la mort

d’une année ; car j’ai bien vu que, quand elle entrait dans l’obscurité, son ombre se

détachait d’elle et était engloutie par l’eau sombre, rendant sa noirceur encore plus

noire…

Et de nouveau le petit bateau apparut, avec la Fée ; mais dans son attitude il y avait plus

de souci et d’indécision, et moins d’élastique allégresse. Elle navigua de nouveau de la

lumière vers l’obscurité qui s’approfondissait à chaque minute, et de nouveau son

ombre, se détachant, tomba dans l’ébène liquide et fut absorbée par les ténèbres. Et

plusieurs fois encore elle fit le circuit de l’île, pendant que le soleil se précipitait vers son

lit, et, à chaque fois qu’elle émergeait dans la lumière, il y avait plus de chagrin dans sa

personne, et elle devenait plus faible, et plus abattue, et plus indistincte ; et, à chaque

fois qu’elle passait dans l’obscurité, il se détachait d’elle un spectre plus obscur qui était

submergé par une ombre plus noire. Mais à la fin, quand le soleil eut totalement

disparu, la Fée, maintenant pur fantôme d’elle-même, entra avec son bateau, pauvre

inconsolable ! Dans la région du fleuve d’ébène et, si elle en sortit jamais, je ne puis le

dire car les ténèbres tombèrent sur toutes choses, et je ne vis plus son enchanteresse

figure.

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Le mur d’images

Afin de bâtir un imaginaire commun, les comédiens et le metteur en scène partagent au

fil des répétions des images, dessins, photos ou peintures qui leur évoquent qui se

dégage de leur lecture des nouvelles d’Edgar Allan Poe.

Mannequins

fondus et

endommagés

après un

incendie au

musée de cire de

Madame

Tussaud à

Londres, en 1930

Crâne aux yeux exorbités

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Rivage avec

la lune

cachée par

les nuages,

Caspar

David

Friedrich

Inhumation

précipitée

Wiertz

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Intérieur d’atelier, Léon Frédéric

La femme de l’artiste Louise

Vernet sur son lit de mort,

Paul Delaroche