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13 I. Lahlou / Le journal marocain de cardiologie II (2010) Echo-Doppler cardiaque chez l’hémodialysé chronique Résumé Les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de mortalité chez les patients hémodialysés. La mortalité cardiovasculaire est 10 à 20 fois plus élevée que dans la population générale. Le diagnostic des anomalies du ventricule gauche par l’échocardiographie est une étape importante pour l’individualisation des patients à haut risque cardio-vasculaire. L’hypertrophie ventriculaire gauche et les calcifications cardio-vasculaires ont une prévalence élevée chez les patients dialysés et sont associés à un pronostic défavorable. Cette revue de la littérature vise à résumer l’état des connaissances actuelles concernant l’utilité de l’échocardiographie dans la détection d’une anomalie cardiaque infraclinique ou clinique, la stratification du risque cardiovasculaire et l’évaluation des stratégies thérapeutiques. Mots clés : Hémodialyse, échocardiographie Doppler, hypertrophie ventriculaire gauche, complications cardiovasculaires. Summary Cardiovascular complications are the main cause of death in patients with chronic kidney disease undergoing hemodialysis therapy. The cardiovascular mortality in these individuals is 10 to 20 fold more frequent than in the general population. The diagnosis of left ventricular abnormalities by Doppler echocardiography is an important step for the characterization of individuals with higher cardiovascular risk, Left ventricular hypertrophy and cardio-vascular calcifications are highly prevalent in dialysis patients and are associated to a clearly unfavorable prognosis. This review attempts to summarize recent evidence pointing to the usefulness of the echocardiography in the detection of clinical and subclinical cardiac dysfunction, stratification of cardiovascular risk and assessment of intervention strategies. Key words : Hemodialysis, Doppler echocardiography, left ventricular hypertrophy, cardiovascular complications. Introduction La mortalité annuelle des maladies cardiovasculaires chez les patients en dialyse est substantiellement plus élevée que dans la population générale. Elles sont responsables d’environ 50% des décès et de 30% des hospitalisations des patients en dialyse. L’insuffisance rénale chronique (IRC) est associée en effet à une véritable cardiomyopathie dite urémique associant des anomalies de la taille, de la géométrie et de la fonction cardiaque qui sont retrouvées chez 70 à 80% des patients hémodialysés. L’anomalie la plus fréquente est l’hypertrophie ventriculaire gauche dont la prévalence est corrélée au degré de l’insuffisance rénale. Echocardiography in chronic hemodialysis patients I. Lahlou, L. Ouaha, L. El Ouali, H. Akoudad Service de Cardiologie, CHU Hassan II – Fès

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I. Lahlou / Le journal marocain de cardiologie II (2010)

Echo-Doppler cardiaque chez l’hémodialysé chronique

Résumé

Les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de mortalité chez les patients hémodialysés. La mortalité cardiovasculaire est 10 à 20 fois plus élevée que dans la population générale. Le diagnostic des anomalies du ventricule gauche par l’échocardiographie est une étape importante pour l’individualisation des patients à haut risque cardio-vasculaire. L’hypertrophie ventriculaire gauche et les calcifications cardio-vasculaires ont une prévalence élevée chez les patients dialysés et sont associés à un pronostic défavorable.Cette revue de la littérature vise à résumer l’état des connaissances actuelles concernant l’utilité de l’échocardiographie dans la détection d’une anomalie cardiaque infraclinique ou clinique, la stratification du risque cardiovasculaire et l’évaluation des stratégies thérapeutiques.

Mots clés : Hémodialyse, échocardiographie Doppler, hypertrophie ventriculaire gauche, complications cardiovasculaires.

Summary

Cardiovascular complications are the main cause of death in patients with chronic kidney disease undergoing hemodialysis therapy. The cardiovascular mortality in these individuals is 10 to 20 fold more frequent than in the general population. The diagnosis of left ventricular abnormalities by Doppler echocardiography is an important step for the characterization of individuals with higher cardiovascular risk, Left ventricular hypertrophy and cardio-vascular calcifications are highly prevalent in dialysis patients and are associated to a clearly unfavorable prognosis. This review attempts to summarize recent evidence pointing to the usefulness of the echocardiography in the detection of clinical and subclinical cardiac dysfunction, stratification of cardiovascular risk and assessment of intervention strategies.

Key words : Hemodialysis, Doppler echocardiography, left ventricular hypertrophy, cardiovascular complications.

Introduction

La mortalité annuelle des maladies cardiovasculaires chez les patients en dialyse est substantiellement plus élevée que dans la population générale. Elles sont responsables d’environ 50% des décès et de 30% des hospitalisations des patients en dialyse.

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est associée en effet à une véritable cardiomyopathie dite urémique associant des anomalies de la taille, de la géométrie et de la fonction cardiaque qui sont retrouvées chez 70 à 80% des patients hémodialysés. L’anomalie la plus fréquente est l’hypertrophie ventriculaire gauche dont la prévalence est corrélée au degré de l’insuffisance rénale.

Echocardiography in chronic hemodialysis patients

I. Lahlou, L. Ouaha, L. El Ouali, H. Akoudad Service de Cardiologie, CHU Hassan II – Fès

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Elle avoisine 75% au stade terminal.

L’insuffisance cardiaque est la manifestation clinique la plus fréquente de cette cardiomyopathie. Le taux de mort subite est particulièrement élevé (35%). La chronicité de cette pathologie implique donc un dépistage et une surveillance continue. L’échocardiographie est l’outil de choix, grâce à sa disponibilité et sa facilité d’utilisation (1,2,3,4).

Physiopathologie

Au cours de l’IRC, le ventricule gauche subit des modifications structurelles et fonctionnelles secondaires à une surcharge de pression et de volume et à la mort cellulaire (figure 1).

La surcharge de pression est secondaire à l’hypertension artérielle, à l’artériosclérose et occasionnellement à une sténose aortique. Elle entraine une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) concentrique avec une augmentation de l’épaisseur myocardique et une diminution du volume cavitaire.

La surcharge volumétrique résulte de la rétention hydrosodée, de l’anémie et de la fistule artério-veineuse. Elle entraine une HVG dite excentrique avec augmentation de la longueur des cardiomyocytes et donc une dilatation du VG associée à un épaississement de la paroi.

Initialement, l’HVG est un processus de remodelage adaptatif dans les deux cas et bénéfique puisqu’elle permet de maintenir un niveau de stress pariétal stable. Cependant, elle peut devenir mal adaptée et délétère à cause de la mort cellulaire (apoptose) secondaire à une surcharge ventriculaire continue, à une réduction de la densité capillaire et à la fibrose myocardique.

L’hypertrophie, l’apoptose et la fibrose sont influencées par des facteurs génétiques, hormonaux, les facteurs de croissance et les cytokines (endothéline 1, angiotensine II, tumor necrosis factor….) d’où l’intérêt des antagonistes de l’angiotensine II dans la prévention cardio-vasculaire chez les insuffisants rénaux.

L’hypertrophie concentrique diminue la compliance ventriculaire gauche. La courbe de pression-volume est ainsi déplacée à gauche ce qui explique qu’une faible

augmentation de la volémie entraine une élévation importante de la pression télédiastolique du VG ce qui prédispose à la survenue d’une insuffisance cardiaque (IC) congestive.

La mort cellulaire entraine une dilatation du VG avec une hypertrophie compensatrice. Une dysfonction systolique peut alors survenir majorant ainsi le risque d’insuffisance cardiaque et de mort subite (instabilité électrique liée également à l’HVG et à la fibrose).

La mort cellulaire peut être également secondaire à une diminution de la perfusion coronaire, à l’hyperparathyroidie et à la malnutrition.

La surcharge volumétrique entraine également un remodelage vasculaire à l’origine d’une artériosclérose avec épaississement et dilatation des artères qui perdent leurs propriétés élastiques. Les calcifications valvulaires et coronaires sont fréquentes chez les patients hémodialysés. Ces dépôts calcaires sont le plus souvent associés à des désordres du métabolisme phosphocalcique (2,3,4,5,6).

HVG

HTAArtériosclérose

Sténose aortique

Fistule artério-veineuseSurcharge hydrosodée

Anémie

Surcharge de pression Surcharge de volume

CoronaropathieHyperparathyroidie

MalnutritionUrémie

Insuffisance cardiaqueDécès

Densité capillaireFibrose myocardique

Dysfonction diastolique

Dilatation du VGDysfonction systolique

Mort cellulaire

Figure 1. Physiopathologie de la cardiomyopathie urémique

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L’échocardiographie chez l’hémodialysé chronique

L’échocardiographie Doppler est un examen non invasif, largement utilisé dans l’évaluation de la structure et de la fonction cardiaque, intégrant plusieurs techniques ultra-sonographiques dans un seul examen. Les modes temps mouvement (TM) et bidimensionnel (2D) permettent le calcul de la masse ventriculaire et des volumes, avec une excellente précision pour le diagnostic de l’hypertrophie et de son type géométrique (concentrique ou excentrique) et l’estimation de la fonction systolique (qualitative ou quantitative).

Par ailleurs, les techniques dérivées de l’effet Doppler donnent des informations indirectes sur la relaxation et le remplissage ventriculaire. La constatation de modifications échocardiographiques, comme l’hypertrophie, la dilatation et la dysfonction systolique triple le risque d’insuffisance cardiaque chez les patients en dialyse (3,5).

L’hypertrophie ventriculaire gauche

Elle est présente chez environ 75% des patients hémodialysés. Elle est associée à un pronostic défavorable. Plus que 2/3 de ces patients mourront d’une IC congestive ou d’une mort subite. Ainsi, l’HVG en plus de la maladie coronaire constitue l’une des principales cibles thérapeutiques chez le patient dialysé.

L’échocardiographie est un outil assez précis pour le diagnostic de l’HVG. Elle permet ainsi de calculer la masse ventriculaire gauche (MVG) qui augmente avec l’âge, le sexe, le poids et la taille. Il est donc nécessaire de l’indexer pour éviter des erreurs d’interprétation.

Cependant, les patients hémodialysés sont sujets à de larges modifications du poids secondaires à une variation de la volémie et de l’état nutritionnel ce qui peut générer des erreurs quand la masse est indexée à la surface corporelle.

Ainsi, une indexation à la taille élevée à la puissance 2.7 proposée par Simone et al. semble être plus précise. En cas d’indexation à la surface corporelle, il faut tenir compte du moment de la dialyse et réaliser l’examen dans un état d’équilibre (entre deux dialyses).

Le monitoring de la masse ventriculaire gauche par des échographies sériées est un outil supplémentaire

pour évaluer le pronostic et le degré de succès des interventions thérapeutiques visant à réduire l’HVG.

Différentes valeurs ont été employées dans plusieurs études prospectives pour définir la présence d’une HVG. A titre d’exemple, Silberberg et al. ont utilisé 125 g/m 2 comme valeur de référence, tandis que Parfrey et al. ont utilisé les valeurs employées dans l’étude de Framingham (132 g/m2 pour les hommes et 100 g/m2 pour les femmes) (4,5,7,8).

La masse VG peut être mesurée selon la convention de Penn (ou méthode de Devereux) ou celle de l’American Society of Echocardiography. Cette formule assez compliquée est intégrée aux appareils d’échocardiographie. Elle tient compte de l’épaisseur de la paroi postérieure et du septum interventriculaire et du diamètre télédiastolique, d’où l’intérêt de faire des mesures précises et répétées (figure 2).

L’interprétation du résultat de la masse VG, couplée à l’analyse de l’épaisseur pariétale relative (EPR = 2 fois l’épaisseur de la paroi postérieure /diamètre télédiastolique du VG) va permettre une description géométrique de l’HVG (concentrique ou excentrique).

Figure 2. Incidence parasternale grand axe : hypertrophie ventriculaire gauche chez un patient hémodialysé âgé de 42 ans

(la masse VG indexée est de 220g/m2).

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La dysfonction systolique

La prévalence de la dysfonction ventriculaire gauche systolique varie de 15% à 18% chez les patients dialysés. Cette dysfonction est multifactorielle incluant l’insuffisance coronarienne, l’anémie, l’hyperparathyroïdie, les toxines urémiques, la malnutrition et la surcharge hémodynamique prolongée.

Chez les patients asymptomatiques, le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque de novo est de 5 à 20% dans la population générale. Ce risque est 4 à 7 fois plus élevé dans la population dialysée chez qui l’insuffisance cardiaque congestive offre une survie très courte.

Il est donc important de dépister précocement une dysfonction systolique au stade asymptomatique pour instaurer un traitement adéquat qui permettra de retarder la survenue d’une insuffisance cardiaque congestive. Une étude récente chez des patients dialysés a confirmé qu’une dysfonction systolique asymptomatique expose à un risque élevé de complications cardio-vasculaires.

L’analyse de la fonction systolique VG par l’échocardiographie est effectuée chaque année, par la mesure du pourcentage de raccourcissement et de la fraction d’éjection (9,10,11).

La dysfonction diastolique

La prévalence de la dysfonction diastolique chez les patients urémiques varie entre 50 et 65%. Elle est secondaire à l’hypertrophie ventriculaire gauche et à la présence d’une fibrose interstitielle.

Ainsi, malgré une fraction d’éjection normale, une légère augmentation du volume ventriculaire gauche peut entrainer une congestion pulmonaire alors qu’une déplétion volémique peut diminuer le remplissage ventriculaire causant une hypotension artérielle voir une instabilité hémodynamique. Il est donc important d’évaluer la fonction diastolique chez le patient dialysé afin de prévenir des épisodes d’œdème aigu du poumon et d’hypotension artérielle perdialyse.

L’utilisation des paramètres Doppler classiques dérivés du flux mitral sont très dépendant de la précharge. Les nouveaux indices Doppler, en particulier le Doppler tissulaire représentent une avancée diagnostique dans l’évaluation de la fonction diastolique (figure 3).

Figure 3. L’analyse du flux mitral et du Doppler tissulaire chez le même patient note une vitesse réduite au niveau de l’anneau

mitral avec un rapport E/E’ supérieur à 18

Par opposition au flux mitral, les vitesses diastoliques obtenues à partir du Doppler tissulaire (E’ et A’) sont relativement indépendantes de la précharge et varient peu après une séance d’hémodialyse (5,12).

Dans une étude récente intéressant 220 patients au stade d’insuffisance rénale terminale suivis pendant 4 ans, le ratio E/E’ est indépendamment prédictif de mortalité générale et cardiovasculaire en plus des données cliniques, biologiques, la masse VG et la fonction systolique (13).

La dilatation de l’oreillette gauche

La dilatation de l’oreillette gauche (OG) est un facteur prédictif puissant de complications cardio-vasculaires dans la population générale et dans plusieurs situations cliniques. Une quantification adéquate de la taille de l’OG est obtenue par la mesure de son volume en mode 2D et non par la mesure traditionnelle du diamètre antéro-postérieure en mode TM (figure 4).

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Figure 4. Dilatation importante de l’OG chez le même patient avec un volume indexé à la surface corporelle à 64 ml/m2

A la différence des indices de dysfonction diastolique qui fournissent des informations transitoires et momentanées sur le remplissage ventriculaire gauche, le volume de l’OG est un marqueur chronique de la fonction diastolique, reflétant une moyenne des pressions de remplissage du VG et témoignant ainsi de la durée et de la gravité de la dysfonction diastolique du VG.

Une étude récente avec les patients hémodialysés en rythme sinusal et sans valvulopathie mitrale a démontré que le volume de l’OG indexé à la surface corporelle > 35 ml/m2 est le paramètre le plus précis pour différentier un flux mitral pseudonormal d’un flux normal. Quelque soit la méthode d’indexation utilisée (la surface corporelle ou la hauteur à la puissance de 2,7, le volume de l’OG est un facteur prédictif indépendant de mortalité chez les patients hémodialysés.

De plus, l’augmentation de la taille de l’OG au cours du suivi échocardiographique est liée à une majoration du risque cardio-vasculaire. Il est donc recommandé que la mesure de la taille de l’OG soit intégrée à l’évaluation échocardiographique de routine de ces patients et de faire un monitoring régulier.

La fonction diastolique du VG étant compromise chez la plupart des patients traités par hémodialyse, la mesure du volume de l’OG permettra ainsi d’identifier de façon plus précise les patients à plus haut risque de développer une insuffisance cardiaque et des arythmies auriculaires (5,14,15,16).

La veine cave inférieure L’évaluation du statut volémique du patient urémique est difficile avec les outils cliniques traditionnels. Le poids

sec définit comme étant le poids post dialyse le plus faible est en effet faiblement prédictif de la volémie.

L’évaluation ultrasonographique de la veine cave inférieure (VCI) est une technique prometteuse. En effet, le diamètre de la VCI indexé et son index de collapsibilité reflètent de façon assez précise la pression auriculaire droite et le statut volémique du patient dialysé (figure 5).

Figure 5. Mesure du diamètre de la VCI et de son index de collapsibilité témoignant d’un état d’euvolémie

La titration du poids sec à un diamètre de la VCI indexé entre 8 et 11.5 mm/m2 (correspondant à une pression auriculaire droite entre 3 et 7 mmHg) diminue de façon significative les événements indésirables perdialyse (hypotension, douleurs thoraciques, crampes), la masse VG et la taille de l’OG et améliore la qualité de vie. Par ailleurs, L’évaluation de la VCI éviterait au patient de rester en état d’hypervolémie après une séance de dialyse ce qui permet de prévenir les complications cardiovasculaires au long court (17).

Les calcifications valvulaires

Environ deux tiers des patients hémodialysés ont des calcifications coronaires et plus de la moitié des calcifications au niveau des valves cardiaques (figure 6).

L’échocardiographie permet de dépister des calcifications valvulaires avec une prévalence d’au moins 30% des patients en dialyse. Ces calcifications intéressent essentiellement l’anneau mitral et les sigmoïdes aortiques. Leur présence est un puissant facteur prédictif de toute cause de mortalité et de mortalité cardio-vasculaire chez ces patients. Ce risque est d’autant plus élevé que le nombre de valves calcifiées augmente

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témoignant de l’étendue des calcifications. Le dépistage de ces anomalies permet également de stratifier la sévérité de la maladie athéromateuse.

La progression de ces calcifications est supérieure à celle observée chez les patients âgés avec une fonction rénale normale. Dans l’étude d’URENA, la progression annuelle moyenne du degré de sténose aortique est de 0,23 cm2/an contre 0,05 à 0,1 cm2/an chez les patients non urémiques.

Il est important de dépister ces calcifications souvent silencieuses afin d’instaurer des stratégies thérapeutiques pouvant prévenir ou retarder les calcifications vasculaires et valvulaires en corrigeant essentiellement les désordres du métabolisme phosphocalcique.

Du fait de l’évolution rapide du rétrécissement aortique chez l’hémodialysé, la présence de calcifications aortiques justifie un contrôle échographique deux fois par an afin de prévenir une décompensation cardiaque (18,19).

B

A

nt

Figure 6. Incidence parasternale petit axe (A) et incidence 4 cavités (B) : calcifications de l’anneau mitral et des sigmoides

aortiques chez le même patient

L’épanchement péricardique

Il s’agit d’une complication classique de l’insuffisance rénale chronique non traitée témoignant d’un mauvais pronostic. Il peut être diagnostiqué par l’échocardiographie avant ou au cours de l’hémodialyse chronique témoignant alors d’une dialyse insuffisante.

L’échocardiographie est la méthode de choix pour juger non seulement de l’abondance et de la tolérance de ces épanchements mais également de leur régression sous dialyse et de la nécessité d’un éventuel drainage. Enfin, La péricardite chronique constrictive est moins fréquente chez les patients hémodialysés (3,5).

Apport de l’échocardiographie de stress

La maladie coronaire est fréquente chez les patients hémodialysés le plus souvent en raison même de la cause de la néphropathie (comme le diabète) mais aussi à cause de l’athérosclérose accélérée et des calcifications coronaires.

L’épreuve d’effort n’est pas recommandée pour le dépistage de l’ischémie myocardique du fait de la mauvaise tolérance à l’effort des patients dialysés d’une part et de la prévalence de l’HVG d’autre part.

L’échocardiographie de stress pharmacologique (Dobutamine) est une méthode non invasive intéressante pour le dépistage d’une ischémie myocardique d’autant plus qu’elle permet d’évaluer la fonction ventriculaire gauche de base. La présence et l’étendue de l’ischémie myocardique a une valeur pronostique indépendante de la mortalité globale dans cette population.

Cependant, cette méthode est limitée par le risque de survenue d’une fibrillation auriculaire transitoire de 2 à 4% par rapport à un risque beaucoup plus faible (0.5%) dans la population générale (3,20,21).

En pratique

Quand réaliser l’échocardiographie chez le patient dialysé ?

La volémie étant très variable chez le patient dialysé, le moment de l’examen par rapport à la dialyse est important à préciser dans le compte rendu.

calcifications aortiques

calcifications mitrales

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En effet, l’échographie réalisée après la dialyse reflète l’état « sec » du patient c’est à dire avec la volémie la plus basse. Il convient toutefois de laisser un intervalle libre d’au moins 2 ou 3 heures après la dialyse pour que les données soient interprétables. Cette évaluation permet de vérifier que la dialyse a mis le patient à un niveau de volémie bas, pouvant expliquer une mauvaise tolérance des séances.

Si l’échographie est réalisée juste avant la séance de dialyse, on a un reflet de l’état du patient avec la volémie maximale. Ceci peut être intéressant pour expliquer des signes cliniques évoquant une surcharge mais il faut tenir compte des apports du patient. A l’inverse, une volémie basse à ce moment témoigne d’une faible nécessité de déplétion.

Le meilleur moment pour effectuer l’examen est probablement entre 2 séances de dialyse car on est alors à l’état d’équilibre du patient. C’est à ce moment que le calcul de l’index de masse ventriculaire gauche et de la taille des cavités cardiaques est le plus fiable.

La fondation américaine de néphrologie recommande de réaliser un examen de référence au début de la dialyse puis tous les 3 ans. Cependant, il parait logique de faire un contrôle annuel en cas d’anomalie cardiaque vu la fréquence et la gravité des pathologies cardio-vasculaires associées. Ce contrôle doit être plus rapproché en cas de sténose aortique par exemple ou en cas d’apparition de nouveaux symptômes.

Un monitoring par des échocardiographies sériées est d’autant plus intéressant que la régression des anomalies du VG est associée à une amélioration du pronostic cardiaque chez le patient hémodialysé (3,5,7,20).

Les données du patient

Il est important de recueillir certaines données concernant le patient, notamment la cause de l’insuffisance rénale (diabète, hypertension artérielle ..), la durée de la dialyse, le nombre de séances, le siège et le débit de la fistule artérioveineuse, le poids sec du patient, son âge, sa pression artérielle, les éventuels symptômes, certains paramètres biologiques (hémoglobine, ionogramme, métabolisme phosphocalcique…) (3,5).

Tableau 1. Les paramètres échocardiographiques à évaluer chez le patient hémodialysé

Mesure de la masse ventriculaire gauche indexée au poids ou mieux à la taille à la puissance 2,7

Mesure de l’épaisseur pariétale relative (< 0,45)

Mesure du volume ventriculaire gauche (< 90ml/m2)

Evaluation de la fonction systolique par la mesure du pourcentage de raccourcissement et de la fraction d’éjection (FE)

Analyse du flux mitral, mesure du rapport E/E’, analyse du Doppler veineux pulmonaire

Taille de l’OG, volume de l’OG indéxé à la surface corporelle ou à la taille à la fin de la systole ventriculaire

Recherche et quantification d’un éventuel épanchement péricardique

Recherche et quantification des calcifications valvulaires, retentissement hémodynamique d’une éventuelle sténose aortique

Mesure du diamètre de la VCI indexé et de son index de collapsibilité

Mesure de la pression artérielle pulmonaire grâce au flux d’insuffisance tricuspide ou d’insuffisance pulmonaire

Conclusion

L’échocardiograhie est un examen non invasif, disponible et reproductible qui permet de diagnostiquer avec précision une anomalie cardiaque. C’est un outil incontournable dans la prise en charge du patient hémodialysé qui décède une fois sur deux d’une cause cardiaque. C’est aussi une excellente technique pour stratifier le pronostic mais aussi pour orienter et évaluer les différentes stratégies thérapeutiques.

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I. Lahlou / Le journal marocain de cardiologie II (2010)