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A LI B I S Polar, Noir & Mystère Au sommaire : 145 Camera oscura (XVIII) Christian Sauvé / Daniel Sernine 161 L’Académie du crime Norbert Spehner 168 Encore dans la mire Christine Fortier Norbert Spehner François-Bernard Tremblay L E VOLET EN LIGNE Gratuit N ˚ 18 L’ A NTHOLOGIE PERMANENTE DU POLAR

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ALIBISPolar, Noir & Mystère

Au sommaire :

145 Camera oscura (XVIII)Christian Sauvé / Daniel Sernine

161 L’Académie du crimeNorbert Spehner

168 Encore dans la mireChristine FortierNorbert SpehnerFrançois-Bernard Tremblay

LE VOLET EN LIGNE

GratuitN˚ 18 L’ANTHOLOGIE PERMANENTE DU POLAR

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Alibis est une revue publiée quatre fois par année par Les Publications delittérature policière inc.

Ces pages sont offertes gratuitement. Elles constituent le Supplément enligne du numéro 18 de la revue Alibis .

Toute reproduction – à l’exclusion d’une impression unique en vue de joindrece supplément au numéro 18 de la revue Alibis –, est strictement interdite àmoins d’entente spécifique avec les auteurs et la rédaction.

Les collaborateurs sont responsables de leurs opinions qui ne reflètent pasnécessairement celles de la rédaction.

Date de mise en ligne : mars 2006

© Alibis et les auteurs

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Camera oscura( XVIII )

Dans les salles obscures, l’hiver a sa propre trame dramatique.On y entre triomphant, profitant des excellents films dans la courseaux Oscars. Puis vient la dure réalité des premières parutions del’année, souvent des nullités qui ne sortent sur écran que pournettoyer les tablettes des studios. Mais la saison s’achève habi-tuellement sur une note d’espoir, comme l’annoncent les quelquesfilms à demi potables de la fin février. Laissez donc Camera oscuravous guider à travers l’hiver cinématographique du début à la fin,en compagnie de Daniel Sernine qui saura tout vous dire sur(Truman) Capote et Karla (Homolka)…

Les favoris de l’oncle OscarPour le cinéphile sombre, il y a de quoi se réjouir quand on

contemple les œuvres en nomination aux Oscars 2006: outrel’attention portée à des films tels The Constant Gardener,Syriana et A History of Violence, déjà commentés dans deséditions précédentes de Camera oscura, on remarquera égalementdes mentions pour Munich et Match Point, deux œuvres surpre-nantes de réalisateurs bien établis.

Munich , par exemple, nous livre un Steven Spielberg pluspolitiquement engagé que jamais. Docu-fiction traitant du contre-terrorisme israélien durant les années 1970, le dernier film deSpielberg trouve toute sa résonance dans les enjeux du présent,un lien que rend explicite le tout dernier plan du film.

Mais il y a plus dans Munich [v.f.] qu’une simple déclarationidéologique. En premier lieu, il y a surtout un thriller d’espionnageà l’européenne, tourné avec une facture tout à fait crédible. Fidè-lement basé sur le livre Vengeancede Gerald Jonas, Munichraconte l’incroyable histoire d’un commando israélien chargé parson gouvernement de punir les responsables de l’assaut terroriste

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des Olympiques de 1972. Mais tout devient beaucoup plus com-pliqué lorsqu’on s’enfonce dans le piège de la vengeance…

Pour un cinéaste réputé sentimental, Spielberg peut être impi-toyable, et Munich n’est pas sans sa part de moments choquants.C’est une des raisons d’être du film, bien sûr : il n’y a pas deréponses faciles au terrorisme, et le fait de voir comment un pèrede famille peut planifier de sang-froid une série d’assassinats aunom de la patrie n’est pas sans une certaine résonance. Munichmédite sur le sens de lavengeance personnelleet nationale, établissantdes parallèles clairs avecles événements d’au-jourd’hui. L’atmosphèredu film dépasse la simplerecréation de l’époque ;pour un moment, on re-vient également à l’au-dace politique des filmsdes années 70, à lavolonté de discuterd’enjeux encore vifs.Aucune surprise si,malgré quelques ratésdurant le troisième acte,l’académie a su consi-dérer Munich commeun des meilleurs filmsde l’année.

Aucune surprise non plus au fait que l’académie ait voulusaluer le renouveau de Woody Allen avec Match Point [Ballede match]. Loin des comédies anémiques que le légendaire réali-sateur avait pris l’habitude de réaliser au cours des dernièresannées, Match Point est un thriller romantique qui passe del’amour au crime, pour se terminer avec une conclusion bourréede suspense ironique. Histoire d’une passion qui tourne mal,Match Point nous amène dans les recoins de la haute sociétéanglaise pour nous montrer les sacrifices requis pour en fairepartie. Quittant son New York habituel pour un environnementlondonien, Allen livre ici un film bien réfléchi et parfois doté

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CAMERA OSCURA (XVIII)

Photos : Universal Pictures

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d’humour savammentdosé. Une bonne his-toire bien racontée,Match Point n’est peut-être pas un film noir dudébut à la fin, mais c’estun retour triomphantpour Allen, et un petitcadeau pour son public.

Ailleurs dans les fa-voris de l’oncle Oscar, on notera Enron: The Smartest Guys InThe Room [Enron : Derrière l’incroyable scandale] dans lacatégorie du meilleur long-métrage documentaire. Bien que leprocès des têtes dirigeantes d’Enron ait toujours lieu au moment

où ces lignes sont écrites, le filmne se gêne pas pour expliquer lesracines criminelles de la plusspectaculaire faillite de l’histoiredes États-Unis d’Amérique.Histoire de fraude, d’ambitiondémesurée et de fortes person-nalités déterminées à gagner àtout prix, ce documentaire il-lustre avec beaucoup d’adressece qui a mal tourné chez Enron,et l’effet d’une telle escroqueriesur des gens ordinaires. Nesoyez pas surpris de sentir votresang bouillir au visionnementde ce film : pourquoi se taper

des thrillers financiers fictifs quand un tel crime est bien réel? Peuimporte votre degré d’astuce financière, Enron : The SmartestGuys In The Room vous intéressera, c’est garanti ! Un autresplendide exemple du renouveau du long-métrage documentairesous forme de cinéma populaire.

Suave cynismeJe dois avouer que je ne connaissais de Truman Capote que

son nom et (un peu) sa réputation, mais pas son œuvre, pourtantcapitale dans la littérature américaine, malgré sa relative minceur.

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A L I B I S 18 CHRISTIAN SAUVÉ

Photo : DreamWorks Pictures

Photo : Magnolia Pictures

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Il faut donc se fier au scénariste Dan Futterman et à GeraldClarke, l’auteur du roman qui l’a inspiré, qui ont désigné lesannées 1959 à 1966 comme étant la période charnière de sa car-rière. Cette période, c’est celle où Capote a fait la recherche etles interviews pour son livre In Cold Blood, « le premier romande non-fiction » comme il le qualifiait. L’auteur Capote, en pas-sant, avait signé divers scénarios, livrets de comédie musicale,nouvelles, novellas, grands reportages, mais seulement deuxromans jusque-là, et il n’en a jamais terminé d’autre par la suite.

Journaliste, Capote lit en 1959 un court article sur le meurtrecrapuleux de la famille Clutter, au Kansas : papa, maman, fils etfille, ligotés puis tirés à bout portant dans leur maison. Ce qui ànotre époque ne serait qu’un fait divers un peu plus sordide quela moyenne avait alors quelque chose de plus monstrueuxencore. Le film commence alors que Capote est envoyé à Holcombpar le magazine TheNew Yorkerpour écriresur la sordide affaire.Les coupables, Smith etHickock, deux récidi-vistes arrêtés quelquesmois plus tard, avaientfaussement cru que M.Clutter gardait chez luiun magot substantiel.

Dans un film au rythme posé, à l’antithèse du sensation-nalisme, on suit Philip Seymour Hoffman dans une hallucinantecomposition de Capote, alors qu’il rencontre et interviewe voisins,policiers, copains des adolescents tués, le tout en compagnie deson amie la journaliste et auteure Harper Lee. Le projet de repor-tage devient graduellement une intention de roman.

Le talentueux Hoffman interprète un Capote efféminé et pré-cieux, dont la réputation (on présume) le protège des lapidationsauxquelles pourraient le soumettre les très conservateurs villageoiset fermiers du Kansas (Capote, semble-t-il, ne faisait aucun effortpour dissimuler sa différence). L’histoire (signée Dan Futterman,un acteur dont ce semble être le premier scénario porté à l’écran)suit Capote et ses manœuvres pour s’introduire dans la vie car-cérale des meurtriers, en particulier Perry Smith, allant jusqu’àleur trouver un bon avocat pour épuiser tous les appels et recours

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CAMERA OSCURA (XVIII)

Photo : Sony Pictures

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légaux, repoussant ainsi d’année en année la date de leur exécution.L’habileté de Seymour Hoffman (qui a mérité un Golden Globepour ce rôle) et du cinéaste Bennett Miller (qui n’avait signéjusqu’ici qu’un documentaire) est de laisser planer jusqu’à la finun doute sur la sincérité de Capote : a-t-il au fil des ans développéun réel attachement en-vers Smith, qui (dans lefilm du moins) est douéd’un certain charme, oul’a-t-il amadoué jusqu’àla fin pour obtenir saconfession sur ce quimanquait à son romanen chantier, le récit à lapremière personne et lamotivation des meurtreseux-mêmes? Cette rela-tion complexe et ambiguëest jouée jusqu’à la fin,Capote oscillant entrelâcheté et courage, im-plication et indifférence,égocentrisme et géné-rosité, tandis qu’on voits’amorcer sa longuedescente dans l’alcoolisme et l’abus de stupéfiants (il en mourravingt ans plus tard, en 1984, sans avoir pu réitérer le succès d’InCold Blood, apparemment le premier livre où des crimes étaientrelatés avec une certaine empathie pour les meurtriers).

Artifice dramatique ou chronologie réelle, c’est seulementquelques mois (semaines?) avant sa pendaison que Perry Smithlivre enfin à l’écrivain le récit du drame sordide.

C’est donc sans surprise que l’Oscar du meilleur acteur mas-culin dans un premier rôle est allé à Philip Seymour Hoffman.Les Oscars pour le meilleur film, le meilleur réalisateur et lemeilleur scénario adapté ont toutefois échappé à Capote [v.f.](mais pour aller au remarquable Crash et à l’émouvant BrokebackMountain , en cette année particulièrement riche où Syriana etThe Constant Gardeneront aussi brillé d’une manière ou d’uneautre). [Daniel Sernine]

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Photos : Sony Pictures

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Les surgelés de l’hiverL’ennui avec les films favoris de l’académie, c’est que le

retour à la réalité cinématographique peut être brutal après unediète de films primés. Si l’horaire de janvier est gonflé de filmsen nomination pour diverses récompenses, il s’y trouve aussiquelques films que les studios se doivent de faire paraître ensalle, préférablement au moment où personne n’y porte attention.Faire face à un de ces films sans se douter qu’Hollywood estpassé abruptement de l’art au commerce peut être décevant.

The Matador [Le Matador] , par exemple, est un excellentexemple d’un film liquidé en douceur au moment où toute l’at-tention est portée à la course aux Oscars. On y retrouve une excel-lente performance, une idée avec du potentiel, une cinématographieadéquate et quelques moments divertissants, mais guère plus :voilà un film destiné au marché vidéo.

La meilleure chose au sujet du film est sans doute PierceBrosnan, qui se moque de son image de James Bond en y incarnantun assassin professionnel au bord de la crise de nerfs. Asocial, ilse lie pourtant d’amitié avec un homme tout à fait ordinaire. Maiscet homme pourrait lui être utile…

Cette prémisse aurait pu être fascinante, d’autant plus queBrosnan se jette dans lerôle avec un abandontout à fait admirable.Son personnage a beauêtre repoussant sous samauvaise moustache etson manque de grâcesociale, il est impossiblede s’en détourner. Mais

l’interprétation coura-geuse de Brosnan estgaspillée dans un filmqui ne sait trop quoi fairede cet assassin sympa-thique. La comédie noiredu film est trop gentille,trop terre à terre : un

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CAMERA OSCURA (XVIII)

Photos : The Weinstein Company

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traitement tout aussi loufoque que son protagoniste aurait pufaire des merveilles. Mais non ; le film reste prisonnier de sonpetit budget et d’une écriture qui manque d’audace. Dommage,parce que The Matador n’était pas complètement dépourvu depotentiel.

Hélas, il est impossible d’êtreaussi généreux à propos de WhenA Stranger Calls [Terreur surla ligne], un remakeadolescenttout à fait inutile qui repique lepremier acte du film de 1974 dontvous vous rappelez sans doute leretournement. Ce choc, éventrésans retenue par la bande an-nonce (« …inside the house! »),prend maintenant une heure etcinq minutes à survenir dans lefilm – beaucoup trop long, sur-tout quand on connaît l’impa-tience des publics d’aujourd’hui.

Mais même une patienceexemplaire ne saurait pardonner le manque d’intérêt de toute laproduction, affublée comme elle l’est d’un scénario qui se con-tente d’imiter les conventions du genre sans aucun flair. Ceteffort minime se reflète également dans la réalisation à peinecompétente de Simon West, qui ne fait strictement rien pourrehausser la vitalité du film. La faible densité narrative du scénariodonne amplement le temps au spectateur de penser plus rapidementque la protagoniste : la découverte d’un corps noyé sera plus uneconfirmation qu’une surprise. On en vient à admirer les décors –

ce qui n’est peut-êtrepas aussi ridicule qu’ilne pourrait le sembler aupremier abord, puisquela maison dans laquellese déroule l’essentiel deWhen A StrangerCalls est un petit joyaud’architecture domici-liaire.

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Photo : Screen Gems

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Pourtant, même une mention d’honneur dans Architectured’aujourd’hui n’est vraiment pas suffisante pour faire de ce filmrien de plus qu’un autre slasherennuyeux strictement dédié auxadolescents. C’est à la mi-film que l’on en vient à réfléchir àl’infrastructure hollywoodienne et à la conséquence inévitabled’une telle chaîne d’assemblage : il faut que la machine roule,peu importe la qualité ou l’importance du produit livré aux spec-tateurs. S’il faut étirer une simple prémisse sur une heure trente,pourquoi pas ? Au mieux, il s’agit d’un film d’horreur mimétique,confortablement évacué de suspense de façon à donner uneoccasion aux plus jeunes l’impression inoffensive d’avoir eupeur.

Parallèlement, Fir e-wall [Le Coupe-feu]est aussi conçu pourdonner l’impressiond’un thriller malgré unmanque complet de sur-prises. L’histoire est bêteà en gémir, mettant envedette Harrison Fordcomme heureux prére-traité œuvrant dans le domaine de la sécurité pour une petitebanque. Tout se déroule bien jusqu’à ce que des criminels kid-

nappent sa famille pour l’obligerà commettre une escroquerietout en douceur. Le reste estévident : on peut presquecompter les minutes qui nousséparent du moment où Fordse mettra à cogner sur ses ad-versaires. Le film se terminesous un air de léger ridicule,alors que la doublure de Fordse fait malmener et tabasseceux qui ont osé s’attaquer à safamille.

Au mieux, on dira deFir ewall qu’il s’agit d’unthriller potable, réalisé selon

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CAMERA OSCURA (XVIII)

Photo : Warner Bros

Photo : Warner Bros

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les règles du métier et capable de combler de faibles attentes.Les détails techniques sont ridicules, mais ils ont une patine deplausibilité que partage la réalisation sans artifice. Si certainspersonnages secondaires sont oubliés au passage, le tout n’estpas aussi mauvais qu’il pourrait le sembler au premier abord.Néanmoins, il est évident qu’un tel film mettant en vedette unautre acteur que Harrison Ford aurait été relégué tout droit auxtablettes du vidéoclub sans même l’illusion d’une sortie augrand écran.

Ce qui résume assez bien le vide hivernal qui s’installe aucinéplex sitôt terminée la saison des fêtes : une occasion de voirdes films tout à fait ordinaires, dans l’inconfort des salles decinéma.

Cappuccino KarlaIl serait presque aussi intéressant d’interpréter les réactions

des critiques au film Karla [v .f.] que de commenter le film lui-même. (Qu’on se rappelle comment il avait été inscrit puis retirédu programme du FFMen août 2005.) À enjuger par la demi-dou-zaine de spectateursprésents lorsque je l’aivu la première fin desemaine, Karla ne serapas resté longtemps àl’affiche.

Le relatif inconnuJoel Bender livre iciun film qu’on pourraitqualifier de correct,sans plus. Pour uneœuvre consacrée à unsujet aussi dramatique,ce qui frappe surtoutc’est sa linéarité(j’évite le mot « plati-tude », car il y a toutde même une certaineintensité). Sans son

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contenu sexuel (pas visuellement explicite, mais omniprésent),Karla aurait toutes les allures d’un téléfilm. Hormis PatrickBauchau dans le rôle du psychiatre, la distribution comportesurtout des acteurs de télévision, notamment la curieusementnommée Laura Prepon (That Seventies Show) et Misha Collins(le vilain Serbe Alexis Drazen dans la première saison de 24).

En passant, si le choix de ces deux acteurs est convenable,Collins n’a pas le visage juvénile (baby face, faute d’un meilleurterme) de Paul Bernardo, qui contrastait tellement avec la violenceet l’opiniâtreté de ses crimes.

L’angle choisi par le scénariste est celui des entretiensd’Homolka avec le psychiatre mandaté pour établir son éligibilitéà une libération sur parole, quatre ans avant le terme de sa sen-tence. Ces entretiens sont prétextes aux flashbacksqui nous ferontrevivre, dans l’ordre chronologique, le début de la relation de Karlaavec Bernardo, les années précédant et suivant leur mariage, indis-sociablement liées à leur carrière criminelle. À part quelquesremarques guère appuyées du psychiatre et un bref commentaireécrit juste avant le générique final, le scénario s’aligne sur lathèse de la défense : Karla Homolka, victime exemplaire du« syndrome de la femme battue », aurait été une complice plutôtpassive, motivée par un amour absolu et la peur d’être tuée par unmari agressif. (Qu’elle ait été une épouse violentée a été parfai-tement documenté, y compris par des photos prises à l’hôpital.)C’est quant à la nature et à l’envergure de sa complicité que diverstémoignages et preuves contredisent cette thèse. Par exemple, il

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n’est fait aucune mention de l’adolescente mineure, une amie ouconnaissance de Karla, qui fut droguée et violée à deux reprisesaprèsla mort de Tammy Homolka. (Je présume ici que tous noslecteurs connaissent les grandes lignes de la célèbre affaire ; le casde la jeune « Jane Doe » a cependant eu moins de notoriété.)

Scénariste et réalisateur ont laissé de côté des éléments dra-matiques dont des metteurs en scène et monteurs plus talentueuxauraient tiré profit. Le fait, par exemple, que les « Ken et Barbiedu crime » ont reçu les parents Homolka pour un souper de la fêtedes Pères tandis que le cadavre de la jeune Leslie Mahaffy gisaitencore dans leur cave. Ceci, treize jours avant leurs noces. Lefait aussi que le « couple maudit » s’était rendu à un dîner pascalfamilial pendant que le corps de Kristen French refroidissaitdans leur chambre à coucher.

L’aspect enquête est presque entièrement négligé, alors qu’ilrecelait lui aussi de forts éléments de suspense, en particulier àcause des diverses gaffes et négligences policières. Ainsi, on atardé vingt-six mois avant d’analyser les échantillons biologiquesvolontairement soumis par Bernardo lorsqu’il avait été interrogécomme suspect de la série de viols de Scarborough en 1987-1989(le détail est mentionné dans le film, sans plus). Élément plusdramatique : à deux reprises, dont une fois pendant que KristenFrench était captive mais toujours vivante, la voiture de Bernardoavait été identifiée par des victimes de tentatives de viol, dontune fois avec le numéro exact de sa plaque, et ces informationsavaient été portées à l’attention de la police… Et ne parlons pas

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CAMERA OSCURA (XVIII) A L I B I S 18

des fameuses cassettes vidéo tournées puis dissimulées par lesbourreaux ; les tribulations judiciaires autour d’elles pourraient àelles seules faire l’objet d’un film. (On en a d’ailleurs fait l’enjeud’un épisode d’une émission télévisée.)

Finalement (peut-être pour des raisons légales ?), le filmn’aborde ni de près ni de loin l’attitude paradoxale – sinon am-biguë – des parents Homolka, qui ne renient pas leur fille aînéemême après que sa culpabilité a été établie dans la mort de sa sœurcadette Tammy (droguée l’avant-veille de Noël pour être « offerte »à Paul Bernardo) dans la maison familiale.

L’interprétation de Laura Prepon arrive presque à faire passerHomolka pour une victime, ce qui est bien la cause de l’outrageexprimé par la plupart des détracteurs du film. Beaucoup moinsévidente, quoique évoquée, est sa propension à la manipulation,doublée d’une égale disposition à se laisser manipuler, commel’ont montré les circonstances ayant entouré puis suivi sa libérationdans la région montréalaise à l’été 2005.

Si la veine true crimevous intéresse, il n’y a pas de raison debouder le film lorsqu’il sortira en DVD. Toutefois, la matière estlà pour qu’un meilleur film soit réalisé sur le couple Bernardo-Homolka, d’ici quelques années, lorsque le public (en particulierle public ontarien) aura fait sa catharsis et pris assez de distancepour comprendre qu’un film sur des meurtriers n’est pas néces-sairement une apologie du meurtre. [Daniel Sernine]

L’espoir d’une meilleure annéeMais après l’hiver vient le printemps… et après une bordée

de mauvais films, le printemps annonce habituellement un dégeldes possibilités. Sans rien révolutionner, quelques films avancenttimidement hors de leur trou, et les cinéphiles peuvent surveillerleur ombre pour savoir s’il reste seulement six semaines de critiquesglaciales ou un peu plus.

Freedomland [La Couleur du crime], par exemple, donnemomentanément l’impression d’être un bon film. Mélange am-bitieux de critique sociale et d’enquête policière, le film confrontepréjugés et tension raciale en s’intéressant à une histoire de kid-napping. Le tout commence alors qu’une femme (Julianne Moore)entre à l’urgence, les mains teintées de sang. Un homme noir vientde lui voler son automobile, dit-elle, sauf que son fils est toujoursà l’intérieur ! Le policier chargé de l’affaire (Samuel L. Jackson)

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CHRISTIAN SAUVÉ

trouve qu’il y a quelque chose de louche dans cette histoire,mais il est déjà trop tard pour calmer les esprits, alors qu’unquartier noir est barricadé par ses confrères policiers…

Mais Freedomlandne réussit pas à faire detous ces éléments unensemble cohérent. Lesmoments dramatiquessont mal greffés à l’en-quête policière (à moinsque ça ne soit le con-traire?), et les questionssociales sont à peineexplorées au-delà des évidences. Le jeu familier des acteurs renforceaussi un fort sentiment de déjà-vu : Moore a souvent interprétédes mères dépassées par les événements et Jackson a bâti saréputation sur des rôles de policier intense. Réalisé de manièredisjointe par Joe Roth, Freedomland hésite et laisse filer debonnes opportunités.

Si Running Scared [Traqué] est tout aussi décevant, c’estpour des raisons complètement différentes. Dès le montage fré-nétique des premières secondes, on comprend qu’il s’agira d’unexercice de style où l’intrigue prendra un second rang bien distant.Vaguement structuré autour d’une traque nocturne pour un fusilcompromettant, Running Scared devient rapidement une quasi-parodie tordue du genrecriminel. Coïncidencesabominables et retourne-ments absurdes ne sontque la pointe de l’ice-berg : on imagine fortbien Running Scaredtel qu’écrit par un non-Américain avec une idéede l’Amérique fondéeexclusivement sur desactualités criminelles.Fusillades, proxénètes, tueurs d’enfants, policiers tordus, mafiasitaliennes et russes ne sont que quelques-uns des éléments d’unfilm qui doit être interprété au deuxième degré pour être cohérent.

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Photo : New Line Cinema

Photo : Columbia Pictures

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A L I B I S 18

Ce n’est jamais à prendre au sérieux, et ce malgré quelquesmoments tout à fait troublants.

Mais au-delà de l’intrigue (intentionnellement?) loufoque, ily a le style : Running Scared utilise une variété de techniques etde trucs pour nous en mettre plein la vue : les amateurs du cinémaun peu plus expérimental seront agréablement surpris par certainesdes trouvailles du réalisateur Wayne Kramer. Chose certaine,Running Scared ne plaira pas à tout le monde : par momentsimmature et éparpillé, par moments saisissant et efficace, ce films’adresse – dans une lignée pas trop éloignée de Snatch, Kill Billet Sin City – à ceux qui ont l’estomac requis pour digérer de telsexcès cinématographiques.

En revanche, il n’y a aucune distanciation ironique néces-saire pour apprécier 16 Blocks [16 Rues], un pur thriller façonnéà l’ancienne par le vieux routier Richard Donner. La prémisse dedépart est une merveille de simplicité : un policier brûlé (BruceWillis) a un peu moins de deux heures pour amener un suspect(Mos Def) du poste de police à la cour fédérale ; une distance deseize pâtés de maison. Mais tout se complique quand on tented’assassiner le suspect et que Willis réalise que ce sont d’autrespoliciers qui tentent de faire taire sa charge. Alors que toute leNYPD se ligue contre eux, la simple mission de transport setransforme soudain en course à obstacles.

Chose certaine, 16 Blocksn’est pas un film parfait : entreautres carences, on remarque certaines longueurs qui auraient puêtre pardonnées si le films’en était tenu plus rigi-dement à une approcheen temps réel. Le per-sonnage de Mos Def està la fois agaçant et at-tendrissant, dans desproportions qui ne sontpas toujours optimales.L’intrigue comporte une bonne part de trous, y compris untroisième acte un peu brouillon. Il n’y a, finalement, que très peud’éclats dans ce film : ceux qui auront été bernés par la bandeannonce suggérant un film d’action seront déçus du résultat.

Mais il y a tout de même quelque chose de satisfaisant dansce thriller peu prétentieux: ici, pas d’ambitions sociales démesurées

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CAMERA OSCURA (XVIII)

Photo : Warner Bros

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ou bien de lecture ironique, seulement des conventions de filmpolicier, légèrement retapées dans le cadre d’une intrigue quisait maintenir l’intérêt. Le film réussit également là où plusieursautres thrillers échouent, en arrivant à créer un lien d’amitié per-ceptible entre deux protagonistes qui peuvent apprendre l’un del’autre. La performance de Mos Def est à prendre ou à laisser,mais on ne dira pas suffisamment de bien de Bruce Willis dansle rôle d’un policier inutile qui parvient finalement à envisager sarédemption. Willis, au moins, sait jouer son âge : il devrait sansdoute en discuter avec Harrison Ford.

Pour le reste, 16 Blocks livre la marchandise tel que prévu,alliant technique et inspiration. N’est-ce pas, au minimum, ce quel’on attend d’un film? Oui, après un long hiver parfois maigre, leprintemps revient… et l’art recommence à fréquenter le commerce.

Hollywood à la françaiseDécidément, le cinéma français continue d’apprendre des

succès hollywoodiens. Un de ses derniers grands succès, LesChevaliers du ciel,a toute l’allure d’un Top Gun pour le marchégaulois. Projeté dans les salles européennes en novembre 2005,le film a fini par aboutir en Amérique du Nord (mais seulementau Québec) durant l’hiver 2006. Dire que l’attente en valait lapeine ne sera vrai que pour un certain type de spectateurs : ceuxqui veulent embarquer dans un techno-thriller militaire européenréalisé à la Bruckheimer.

Car il semblebien que le réalisa-teur Gérard Pirèsavait des objectifsprécis en concevantce film. Sur le plantechnique il s’en tiretrès bien : les scènesd’aviation sont àcouper le souffle etoffrent même desimages saisissantes de chasseurs manœuvrant à toute vitesse au-dessus de Paris. (Elles sont tournées, dit-on, sans l’aide de trucagesnumériques.) Les férus de quincaillerie militaire seront comblés devoir, finalement, des jets français prendre la place des modèlesaméricains habituels.

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C’est sur le plancher des vaches que tout se gâche un peu.Comme ses protagonistes, Les Chevaliers du ciel n’est jamaisaussi vivant, aussi à l’aise que dans les airs. Sur le sol, on doitsubir une intrigue parfois banale et incohérente, se déroulant dansun univers où il est parfaitement naturel que les aviatrices travaillentà temps partiel comme danseuses exotiques… Le scénario n’est pasbête, sauf quand il l’est intentionnellement : toute la justificationdu cannonball run est ridicule, et la finale donne l’impressiond’avoir été conclue en vitesse pour permettre une suite.

Et pourtant, le film laisse une impression plaisante. Il y al’aspect techno-thriller, bien sûr : en la matière, Les Chevaliersdu ciel est de loin supérieur à Stealth. Mais il y a aussi la mé-canique d’un thriller bien rodé, bien réussi, bien français. Lesférus d’aviation seront tout simplement emportés par le résultat :bouclez vos ceintures !

Bientôt sur vos écransL’année 2006 étant ainsi lancée en matière de cinéma à sus-

pense, voici qu’avancent les gros canons. À tout seigneur touthonneur, le thriller qui fera le plus jaser de lui au prochain trimestresera sans doute The Da Vinci Code: gardons-nous de tout com-mentaire jusqu’à la sortie du film. Avouons tout de même que c’estun exploit pour le best-seller planétaire de Dan Brown que de re-léguer au second plan des suites et remakesà saveur estivale telsBasic Instinct II , Mission Impossible III ou bien la nouvelleversion du film-catastrophe Poseidon. Dans un registre plusréaliste, on notera le documentaire Why We Fight, au sujet du« complexe industrio-militaire » américain, ainsi que le docu-drameFlight 93 – le premier film hollywoodien directement basé sur lesévénements du 11 septembre 2001. Ceux qui préfèrent des œuvresplus fictives auront le plaisir de se taper Inside Man ou bien TheSentinel. En attendant l’été… bon cinéma !

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CAMERA OSCURA (XVIII)

■ Christian Sauvé est informaticien et travaille dans la région d’Ottawa. Sa fascination pour le cinémaet son penchant pour la discussion lui fournissent tous les outils nécessaires pour la rédaction decette chronique. Son site personnel se trouve au http://www.christian-sauve.com/.

■ Daniel Sernine est écrivain, critique, directeur de la revue Lurelu et directeur littéraire de la collectionJeunesse-pop chez Médiaspaul. Membre régulier de la chronique « Sci-néma » de la revue Solaris,sa grande connaissance des genres et son amour du septième art en font un invité de marquepour cette chronique.

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L’Académie du crime

NORBERT SPEHNER

LITTÉRATURE

ADLER, DickDreams of Justice: Mysteries as Social Docu-mentsScottsdale (AZ), Poisoned Pen Press, 2005, 241pages.

BREMER, Thomas (ed.)Schwerpunkt: Blut im Chianti? Italiens KrimiHeuteTübingen, Stauffenburg Verlag (Zibaldone 39),2005, 166 pages.Sur le polar italien contemporain.

CHANDLER, RaymondPhilip Marlowe’s Guide to LifeNew York, Albert A. Knopf, 2005, 78 pages.Recueil de réflexions diverses du détectiveMarlowe.

CYPERT, RickAmerica’s Agatha Christie: Mignon GoodEberhard, Her Life and Works,Selingsgrove (Pa.), Susquehanna UniversityPress, 2005, 319 pages.

DEAN, James & Elizabeth FOXWELLThe Robert B. Parker CompanionNew York, Berkley Books, 2005, 224 pages.Tout sur le créateur de Spenser.

Quoi de neuf à propos du roman et du film policiers ? Cette nouvellerubrique, qui se veut le pendant « non-fiction » de celle que vous trouvezdans le volet papier d’Alibis, « Le Crime en vitrine », vous propose unchoix d’études internationales sur divers aspects du récit et du filmpolicier.

La bibliographie est divisée en deux parties : les études littéraires, quiportent donc sur la littérature policière proprement dite, et les essaisqui traitent du cinéma ou de la télévision.

Note importante : afin d’éviter les dédoublements, les études et les essaisqui, jusqu’à maintenant, étaient recueillis et ajoutés aux dossiers biblio-graphiques disponibles sur le site Internet, seront désormais répertoriésuniquement dans cette nouvelle rubrique.

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L’ACADÉMIE DU CRIME

DUBOIS, JacquesLe Roman policier ou la modernitéParis, Armand Colin (Le texte à l’œuvre), 2005,235 pages. Réed. : 1992, 1996.Édition remise à jour.

GREENSLADE, William & T. RODGERS (eds.)Grant Allen: Literature and Cultural Politicsat the Fin de SiècleAldreshot (UK), Burlington (VT), Ashgate Pubs.,2005, viii, 252 pages.Grant Allen, 1848-1899, est, on l’oublie souvent,un ancêtre du polar… canadien ! Il est né àKingston, en Ontario. Son recueil An African Mil-lionaire (1897) met en scène le colonel Clay, unvoleur/escroc sympathique, maître du déguisement.

GUNN, Drewey WayneThe Gay Male Sleuth in Print and Film: AHistory and Annotated BibliographyLanham (MD), Scarecrow Press, 2005, vi, 328 p.Le détective homosexuel dans le polar et au cinéma.

HORSLEY, LeeTwenty Century Crime FictionOxford, Oxford University Press, 2005, xii, 313 pages.Ouvrage de référence majeur.

JANSSENS, ChristianLa Fascination SimenonParis, Le Cerf, 2005, 193 pages.

KAMINSKY, Stuart (ed.)Behind the MysteryCohasset (Ma), Hot House Press, 2005, 237 pages.Rencontre et entrevues avec 18 auteurs majeurs.

LACHMAN, MarvinThe Heirs of Anthony Boucher: A History ofMystery FandomScottsdale (AZ), Poisoned Press, 2005, 200 pages.

LAYMAN, RichardDiscovering The Maltese Falcon and SamSpade: The Evolution of Dashiell Hammett’sMasterpieceSan Francisco, Vince Emery Productions, 2005,352 pages.Tout sur le livre et le film.

LORD, GrahamDevil’s Advocate: the Unauthorized Biographyof John MortimerLondon, Orion Books, 2005, 352 pages.Biographie du créateur de Rumpole.

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MEAKER, MarijaneMeine Jahre with Pat. Erinnerungen an PatriciaHighsmithZürich, Diogenes Verlag, 2005, 324 pages.

MOREL, GérardArsène LupinParis, Le Nouveau Monde (Les petits illustrés),2005, 31 pages.

OULLION, Jean-MichelAnges et Démons: autopsie d’une mystificationParis, Le Félin, 2005, 206 pages.

PERRIAM, Geraldine [Avec Catherine Aird]Josephine Tey: A Celebration (A Festschrifton the Life and Work of Josephine Tey)Baldernock east, Dunbartonshire, 2005, 77 pages.La chose coûte 4,50 £ et se commande auprès del’auteur: The Mill House, Dowan Road, BaldernokEast, Dunbartonshire, Scotland, G62 6HB.

PRICE, Robert M.The Da Vinci Fraud: Why the Truth is Strangerthan FictionAmherts (NY), Prometheus Books, 2005, 296 p.

PYKETT, LynWilkie CollinsOxford & New York, Oxford University Press(Authors in Context), 2005, 272 pages.

RANKIN, IanRebus’s Scotland: A Personal JourneyLondon, Orion Books & Toronto McArthur,2005, 160 pages.

REHAK, MelanieGirl Sleuth: Nancy Drew and the Women whoCreated HerOrlando, Harcourt, 2005, xviii, 364 pages.

RENNISON, NickSherlock Holmes: The BiographyLondon, Atlantic Books, 2005, 280 pages.

RENZI, Thomas C.Cornell Woolrich from Pulp Noir to Film NoirJefferson (NC), McFarland, 2005, 192 pages.L’auteur analyse 22 récits et 29 films. Je ne vousferai pas l’insulte de vous rappeler que CornellWoolrich, c’est aussi William Irish !

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L’ACADÉMIE DU CRIME

RIVIÈRE, François, Anne MARTINETTI &Philippe ASSETCrèmes et Châtiments: les recettes délicieuseset criminelles d’Agatha ChristieParis, JC Lattès, 2005, 164 pages.L’art de cuisiner les suspects pour qu’ils semettent à table…

RODRIGUEZ, RALPH E.Brown Gumshoes: Detective Fiction and theSearch for the Chicano IdentityAustin, University of Texas Press (MexicanAmerican Series), 2005, 192 pages.L’auteur étudie les polars de Rudolfo Anaya,Lucha Corpi, Rolando Hinojosa, Michael Navaet Manuel Ramos.

RUAUD, André-FrançoisLes Nombreuses Vies d’Arsène LupinLyon, Les Moutons électriques, 2005, 328 pages.

RUAUD, A.-J. & Xavier MAUMÉJEANLes Nombreuses Vies de Sherlock HolmesLyon, Les Moutons électriques, 2005, 386 pages.

RZEPKA, Charles J.Detective FictionLondon, Polity Press/Blackwell, 2005, 273 pages.

SLOAN, Dephine & Gaston CLAIRESur les traces de Dan BrownGrainville, City, 2005, 197 pages.Biographie et trivia sur l’auteur à succès.

TULARD, JeanDictionnaire du roman policierParis, Fayard, 2005, 768 pages.Beaucoup trop d’erreurs et d’imperfections : àmanier avec énormément de précautions (cri-tique détaillée dans ce numéro, p. 141-142).Pour un autre commentaire critique :

www.lelitteraire.com/article2108.html

WAGNER, E. J.The Science of Sherlock Holmes: from TheBaskerville Hall to the Valley of Fear, theReal Forensics behind the Great Detective’sGreatest CasesHoboken (NJ), Wiley, 2005, 256 pages.

WORTHINGTON, HeatherThe Rise of the Detective in Early Nineteenth-Century Popular FictionNew York, Palgrave Macmillan, 2005, 216 pages.

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CINÉMA & TÉLÉVISION

BÄCHLER, OdileLaura (Otto Preminger): étude critiqueParis, Armand Colin (Synopsis 25), 2005, 127 p.

BARTHEL, KorinnaDas Quentchen Gewalt: heisse und kalteGewalt in den Filmen Quentin Tarantinos,Marburg, Tectum Verlag, 2005, 104 pages.La violence dans l’œuvre de Quentin Tarantino.

BIESEN, Sheri C.Blackout: World War II and the Origins ofFilm NoirBaltimore (MD), Johns Hopkins University Press,2005, 243 pages.

BOULD, MarkFilm noir : from Berlin to Sin CityLondon, Wallflower Press, 2005, 144 pages.

BOSCHI, AlbertoAlfred Hitchcock, intrigo internazionaleTorino, Lindau, 2005, 214 pages.

CONARD, Mark T. (ed.)Philosophy of Film NoirUniversity Press of Kentucky, 2005, 280 pages.Préface de Robert Profino.Recueil d’études.

DODUIK, Véronique & Blandine SERRE-ÉTIENNELe Film noir américainParis, Bibliothèque du film, 2005, 199 pages.

DRÜGH, Heinz J., & V. MERGENTHALER (eds.)Ich ist ein Agent. Ästhetische und politischeAspekte des SpionagefilmWürzburg, Königshausen & Neumann, 2005,216 pages.Étude esthétique et politique du film d’espionnage.

GRAMS, MartinGang Busters: The Crime Fighters of AmericanBrodcastingChurchville (MD), OTR Publishing, 2004, 690 p.Émission radiophonique, 1935-1958, créée parPhilips H. Lord, 1902-1975.

HAEFFNER, NicholasAlfred HitchcockHarlow (UK) & New York, Pearson Longman,2005, ix, 125 pages.

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L’ACADÉMIE DU CRIME

INCE, KateGeorge FranjuManchester & New York, Manchester UniversityPress (French Film Directors), 2005, xii, 172 pages.

INDICK, WilliamPsycho Thrillers: Cinematic Explorations ofthe Mysteries of the MindJefferson (NC), McFarland, 2006, 192 pages.

JACOBS, DavidThe Shield: Notes from the BarnNew York, New American Library, 2004, 224 p.Étude de la série télévisée The Shield.

KACKMAN, MichaelCitizen Spy: Television, Espionage, and ColdWar CultureMinneapolis, University of Minnesota Press,2005, 236 pages.

KALAT, DavidThe Strange Case of Dr. Mabuse: A Study ofthe Twelve Films and Five NovelsJefferson, McFaland, 2005, 305 pages.

LEITCH, Thomas M.Perry MasonDetroit, Wayne State University Press (Con-temporary Approaches to Film and Television),2005, 125 pages.Sur la série télévisée du même nom, qui mettaiten vedette Raymond Burr.

LINFORD, Laurance D.Tony Hillerman’s Navajoland: Hideouts,Haunts, and havens in the Joe Leaphorn andJim Chee MysteriesSalt Lake City, University Press, 2005, xvi, 318 p.

LOACKER, Armin (ed.)Austrian Noir: Essays zur osterreichisch-ameri-kanischen Koproduktion “Abentueur in Wien”Wien, Filmarchiv Austria, 2005, 183 pages.

MARIE, MichelM le maudit: étude critiqueParis, Armand Colin (Synopsis 4), 2005, 127 p.

MONTCOFF, FrancisFenêtre sur cour: étude critiqueParis, Armand Colin (Synopsis 6), 2005, 127 p.

PAPPAS, CharlesIt’s a Bitter Little World: the Smartest, Toughest,Nastiest Quotes from Film NoirCincinnati (Ohio), Writer’s Digest Books, 2005,230 pages.

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PFEIFFER, Lee & Dave WORRALLJames Bond: le guide officiel de 007Paris, Flammarion, 2005, 227 pages.

PFLÜG, Helmut (ed.)Pierrot le fou: ein Film von Jean-Luc Godardals cineastische EntdeckungsreiseWien, Filmarchiv Austria, 2004, 90 pages.

PONTUSO, James F. (ed.)Political Philosophy comes to Rick’s: Casa-blanca and American Civic CultureLanham (MD), Lexington Books, 2005, vi, 200 p.

REUTER, VibekeAlfred Hitchcock’s Handschrift: vom liter-arischen zum filmische TextTrier, Wissenschaftlischer Verlag, 2005, 203 p.

RICH, NathanielSan Francisco Noir: The City in Film Noirfrom 1940 to the PresentNew York, The Little Bookroom, 2005, 180 p.

ROBSON, EddieFilm NoirLondon, Virgin Books, 2005, 298 pages.

SARAT, Austin (ed.)Law on the ScreenStanford (CA), Stanford University Press, 2005,264 pages.La loi sur les écrans de cinéma.

SILVER Alain & James URSINIL.A. Noir : The City as CharacterSanta Monica (CA), Santa Monica Press, 2005,176 pages.

TOPIN, TitoLe Système NavarroParis, Kubik, 2005, 243 pages. Préface de RogerHanin.Sur la série télévisée Navarro.

VILLEZ, BarbaraSéries télé, visions de la justiceParis, Presses Universitaires de France, 2005, 193 p.

WAGER, Jans B.Dames in the Driver’s Seat: Rereading FilmNoirAustin, University of Texas Press, 2005, 208 p.

WERNER, PaulFilm Noir und Neo-NoirMünchen, Vertigo, 2005, 334 pages.

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Point trop de déception, même si c’est du Brown !

Avertissement aux inconditionnels : sivous avez aimé Da Vinci Code, vous risquezd’être déçus en lisant Deception Point, letroisième roman de Dan Brown (publié en2001, entre Anges et Démons et Da VinciCode). Ici, pas de mystère antique, occulteou autre, pas de sectes secrètes, deméchants religieux, ni même d’élémentshistoriques, mais un techno-thriller dans laplus pure tradition de Michael Crichton.Comme il m’est arrivé de lire État d’urgencede cet auteur la même semaine que lebouquin de Brown, j’ai fini par confondreles deux intrigues à cause de certainsparallèles : les deux livres parlent d’uncomplot avec des composantes scientifiques,dans les deux romans il y a un héros etune belle héroïne et des tas d’explications

scientifiques intégrées avec plus ou moinsd’adresse dans une intrigue de thriller. J’aiapprécié la plupart des romans (surtout lespremiers) de Crichton, Da Vinci Code m’adonné des boutons, mais en toute honnê-teté, techniquement parlant, le bouquin deBrown est plus intéressant que celui deCrichton, littérairement pourri, probablementce qu’il a écrit de pire. Mais revenons aupoint de déception !

Alors que la NASA est menacée d’êtredémantelée pour être revendue à des in-térêts privés, un de ses nouveaux satellitesdécouvre la trace d’une météorite géantesous les glaces du cercle polaire. Une foisrécupérée, on s’aperçoit que cette pierrevenue de l’espace en l’an 1716 contientdes fossiles d’insectes géants, preuveirréfutable que la vie existe ailleurs. Unedécouverte extraordinaire qui va certai-

ENCOREDANS LA MIRE

deChristine Fortier, NorbertSpehner, François-Bernard

Tremblay

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A L I B I S 18 ENCORE DANS LA MIRE

plusieurs fois, ça devient lassant, on n’ycroit plus. Bref, les ficelles narratives sontgrosses, mais reconnaissons que pour unefois, Brown maîtrise assez bien une in-trigue qui ne s’éparpille pas à travers milleénigmes ésotériques, avec un vrai début etune vraie fin. Et le débat sur la pertinenceou pas d’investir des milliards dans larecherche spatiale est toujours d’actualité.

Je le répète : pas de Marie-Madeleine,encore moins de Templiers, mais plein devilains politiciens machiavéliques et meur-triers ! Divertissant. (NS)Deception PointDan BrownParis, JC Lattès, 2006, 576 pages.

Le blues mossad du VaticanJ’implore toutes les pleureuses mé-

diatiques qui ont décrété la mort du romand’espionnage de cesser de proférer desâneries. L’espionnage et la prostitution sedisputant le privilège d’être le plus vieuxmétier du monde, des putes, il y en auratoujours (faites confiance aux politiciens) ;quant aux espions, ils sont apparus dèsqu’il y a eu plus d’une famille, plus d’ungroupe, un clan, une tribu ou une nation.Ils ne sont pas prêts de disparaître, leroman d’espionnage non plus. Et ça n’estpas la chute d’un mur, d’un rideau quel-conque qui y changera quelque chose.Après la chute du Mur de Berlin et l’ef-fondrement de l’Union Soviétique, leroman d’espionnage s’est modifié, denouveaux thèmes sont apparus et la pro-duction, il est vrai, a marqué le pas. Il y amoins de titres, mais il arrive parfois que laqualité compense la quantité. Tant pis s’il y

nement relancer l’agence spatiale et couperl’herbe sous les pieds de ses détracteurs !Comme les États-Unis sont à la veille d’uneélection présidentielle, le Président envoieRachel Sexton, une bril lante et sexyanalyste des Services secrets, vérifierl’authenticité de la découverte. Le hasardromanesque faisant bien les choses, Rachelest aussi la fille du plus redoutable adver-saire politique du président, ce qui compliqueévidemment une situation déjà épineuse.Sur place, elle rencontre Michael Tolland,un océanologue brillant et sexy lui aussi,un expert dans son domaine. Ce qu’ilsdécouvrent est une mystification auda-cieuse, un complot ourdi par des per-sonnages très puissants qui n’hésiterontpas à tenter de supprimer ceux qui semettent en travers de leurs projets.

Les péripéties abondent, les invrai-semblances aussi. Qu’on puisse se tirerune fois d’une situation potentiellementmortel le, soit, mais quand ça arr ive

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a moins d’OSS 117 et autres barbouzades,il nous reste tout de même des RobertLittell, Percy Kemp. Andy McNab, HenryPorter, ou Daniel Silva dont je viens de finirLe Confesseur qui aborde un thème aussi,sinon plus explosif, que l’affaire descaricatures de Mahomet : le rôle et laresponsabilité de l’Église catholique, duVatican et de Pie XII face à l’Holocauste.Pourquoi le Pape est-il resté silencieux ?Par calcul politique ? Par lâcheté ? Parceque dans le fond, il n’était pas vraimentcontre ce qui se passait ? Un peu de toutcela?

Quand l’agent secret israélien GabrielAllon enquête sur la mort suspecte d’unvieil ami, il est loin de se douter qu’il vientde donner un sérieux coup de pied dans unsacré nid de frelons. En effet, son ami Stern,un spécialiste de l’histoire de l’Holocauste,était en train de rédiger un livre dont lecontenu pouvait ébranler la hiérarchie du

Vatican et menacer l’équilibre des relationsinternationales. Il a été abattu par LeLéopard, un terroriste recyclé en tueur àgages de haut niveau, responsable de lamort de la femme et de la fille d’Allon(L’Assassin anglais). La lutte qui opposeles deux hommes sera sans merci alorsqu’au Vatican, un nouveau pape se pré-pare à faire une annonce extraordinaire : ilveut reconnaître officiellement les torts del’Église, demander pardon au peuple juif.Mais les puissants membres de la CruxVera, une organisation secrète du Vaticanqui défend les intérêts supérieurs de l’Église,vont tout faire pour que cela échoue.

Le dénouement est à la fois dramatiqueet ingénieux. Daniel Silva mélange demanière habile les éléments historiques(certains réels, dont il donne les sources)et les péripéties d’une action menée à untrain d’enfer. Tout le monde y trouve soncompte ! Recommandé. (NS)Le ConfesseurDaniel SilvaParis, Presses de la Cité, 2006, 416 pages.

Panier de crabesRien n’est plus agréable que de lire un

roman qu’on ne veut pas terminer, parcequ’on n’a pas envie de se séparer de sespersonnages. Cavalier Seul, le douzièmelivre de la prolifique écrivaine américaineTami Hoag, rassemble tous les critèresd’un bon roman accrocheur : du suspense,un crime assez tordu pour qu’on ne par-vienne pas à trouver le coupable avant lafin, et des personnages forts et attachants.

D’entrée de jeu, on sent un lien puissantentre Tami Hoag et son personnage central,

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Plusieurs chevaux de l’écrivaine, qui parti-cipe chaque année à des compétitions dedressage, ont même des petits rôles dansCavalier Seul ! L’amour de l’auteur pour lemonde équestre rend le roman d’autantplus intéressant qu’elle est bien placéepour décrire le milieu dans lequel Elenaévolue.

Quant à Elena, c’est avec un réel dédainqu’elle entreprend une enquête qu’ellen’aurait jamais cru mener un jour. Maisvoilà, du plus profond de son désespoir,elle cherche une nouvelle raison de vivre,et c’est la jeune Molly Seabright qui va lalui donner en lui demandant de retrouversa sœur Erin, qui ne donne plus signe devie. Devant l’indifférence des parents d’Erinet de la police, Molly s’est résigné à con-tacter Elena, qu’elle prend pour une détec-tive privée. Incapable de refuser d’aider lafillette, Elena retrouve ses instincts depolicière et plonge dans un univers auxapparences trompeuses. Son objectifpremier : accumuler juste assez d’indicespour convaincre la police de s’impliquerdans le dossier, mais une fois que c’estfait, elle est incapable de faire marchearrière et continue d’embarrasser de saprésence les multiples suspects ; Don Jade,un dresseur de chevaux soupçonné d’avoirtué des bêtes pour toucher à l’assurance ;Thomas Van Zandt, un acheteur sansscrupule qui se croit irrésistible : BruceSeabright, le beau-père d’Erin qui voudraitbien que l’embarrassante adolescente neréapparaisse jamais, et Trey Hugues, unrichissime propriétaire de chevaux inca-pable de réfléchir par lui-même.

Tout en talonnant James Landry –l’enquêteur de la police de Palm Beach quifinit par s’occuper du dossier lorsqu’il de-

Elena Estes, un ancien flic désabusé etestropié par la vie. Durant une mission quia mal tourné, Elena a provoqué la mortd’un de ses collègues, en plus de passerelle-même à deux doigts de la mort. Pourpanser ses plaies, elle s’est réfugiée dansle ranch de son ami Sean Avadon à PalmBeach, en Floride. Chaque jour, elle prendun flacon de Vicodin, le vide et compte lescachets qui pourraient la libérer définiti-vement de la souffrance physique et mentaledans laquelle elle se trouve. Mais son amourdes chevaux l’aide à continuer.

Sur son site officiel, www.randomhouse.com/bantamdell/tamihoag/index.html etdans la préface du roman, Tami Hoag assurequ’elle se ressemble pas du tout à Elena,mais qu’elle partage son grand amour deschevaux : « Ils sont ma passion loin dutravail ; ma joie, mon refuge, ma thérapie,mon salut et mon réconfort », écrit-elle.

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un exalté du cortex qui ne jure que lareligion, laisse dans les mains de ses vic-times, un rosaire. D’où le titre original, TheRosary Girls. Sur les traces du tueur, KevinByrne, un vétéran de la police criminelle dePhiladelphie, qui doit faire équipe avec unejeune et jolie recrue Jessica Balzano dontle mari est aussi policier.

La narration passe régulièrement dupoint de vue du tueur (sans identité, ofcourse) à un point de vue plus général.Quand la fille de Balzano devient la cibledu tueur, on se dit qu’on a déjà lu ça millefois et on n’aura pas tort. Il n’y a rien denouveau ici, rien d’original dans ce romanpourtant bien ficelé et que j’ai lu d’unetraite, non sans agacement. Déjà en 1980,William Kienzle avait écrit une histoire unpeu semblable intitulée The Rosary Murders.Je n’insinue pas qu’il y a eu plagiat, loinde moi cette idée, c’est juste que tout çamanque vraiment d’oxygène. Tout est pré-

vient clair qu’Erin a bel et bien été enlevée–, Elena poursuit ses propres recherchessur ses pistes toutes plus dangereuses lesunes que les autres. Les dialogues remplisd’humour acerbe et la tension sexuelle quine manque pas de naître entre James etElena rendent la traque encore plus palpi-tante. Assez pour qu’on souhaite que leduo de choc revienne dans une nouvelleenquête, mais comme l’explique encoreune fois Tami Hoag sur son site, c’est trèsimprobable. (CF)Cavalier SeulTami HoagParis, Robert Laffont (Best-Sellers), 2005,479 pages.

Les déviances du critiqueDéviances, de Richard Montanari, est le

quatrième polar de cet auteur, mais lepremier qui soit traduit en français. Et,comme disent les cousins transatlantiques,ce bouquin me cause du souci. Supposonsque vous soyez un lecteur de polars occa-sionnel et pas un mordu qui dévore sestrois ou quatre titres dans la semaine :vous aimerez probablement ça. Montanaria du métier, il sait raconter une histoire,ménager ses effets et sait vous accrocherau bon moment. Supposons maintenantque vous soyez un lecteur aguerri, un ama-teur pur et dur… Il y a de fortes chancesque vous soyez, comme moi, partagéentre une certaine admiration pour letalent indéniable de l’écrivain sur le plande l’écriture, et la vive déception de lireune histoire qui reprend allégrement tousles poncifs du genre : un tueur en sérieenlève puis assassine des adolescentes enles mutilant atrocement. Le fêlé en question,

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visible dans cette histoire, sauf l’identité dutueur. À la manière de Patricia Cornwelldans Postmortem, son premier roman, oùle tueur apparaissait seulement à la toutefin, celui de Montanari arrive comme ça, àl’improviste, alors que la liste des suspectsétait déjà relativement limitée. Premiermanquement aux règles (non écrites) dupolar. Par ailleurs, selon une mauvaisehabitude qui a malheureusement tendanceà faire boule de neige, l’auteur utilise aumoins une fois une astuce retorse pournous induire en erreur. Désolé, mais j’ap-pelle ça tricher… Deuxième manquementaux règles. Il y a là un manque de fair playévident ! Bilan mitigé donc : a priori un bonthriller, sur le plan technique en tout cas,mais qu’on a l’impression de relire ! (NS)DéviancesRichard MontanariParis, Le Cherche Midi, 2006, 476 pages.

Ces romans qui tuent…Jaloux, de Sandra Brown, appartient à

ce sous-genre du polar qu’on appelle« biblio-mystery » chez nos voisins anglo-phones, c’est-à-dire un récit policier où ilest question de livres, de bibliothèques, delibraires, de manuscrits et autres accessoiresqui gravitent autour de l’édition. Il s’enpublie des dizaines tous les ans. Malgré untitre peu invitant et un auteur qui écrit plusvite que son ombre des polars à suspenseromantique, ce roman m’a séduit dès lespremières pages et s’est avéré être une desbonnes surprises des dernières semaines.

Quoique parfois prévisible – il y a unestructure sous-jacente de roman Harlequin– l’histoire est assez ingénieuse, les per-

sonnages assez forts pour nous entraînerdans l’aventure de Maris, une éditrice new-yorkaise qui a reçu un manuscrit d’uncertain P.M.E. Comme l’auteur n’est paspassé par un agent, son manuscrit a finisur la « trash pile ». C’est par le plus granddes hasards (le destin, dans les récitsd’amour !) que Maris a lu quelques pages.Elle comprend tout de suite que c’est unbest-seller potentiel et cherche à entrer encontact avec le mystérieux expéditeur dumanuscrit. Elle va le retrouver sur une îleperdue en Géorgie (étrange démarche pourun éditeur) où il vit en reclus dans uneancienne et inquiétante demeure coloniale.On aura reconnu la petite touche gothiquesouvent présente dans ce type de récit.

L’ intrigue évolue ensuite sur deuxplans : le roman que Parker Evans écrit,(dont il faut soigneusement lire les extraits)et l’aventure des personnages du livre quenous tenons entre nos mains. Un lecteur

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aguerri aura vite compris qu’entre la fictionqu’écrit Parker, et les personnages de l’his-toire, il y a des liens, des rapports que l’onva découvrir au fur et à mesure de laprogression de l’intrigue. C’est assez corséet passablement machiavélique ! Je ne suispas un grand amateur d’intrigues senti-mentales, je laisse les romans Harlequinaux dames qui en raffolent (il y en a quandmême quelques millions), mais j’ai beaucoupaimé cette histoire qui se déroule en partiedans le monde de l’édition. Exception faitedu « méchant », qui frise la caricature, lespersonnages principaux sont intéressants,la joute amoureuse entre la belle éditriceet l’homme des cavernes de Géorgie nemanque pas de piquant (comment fairejouir madame dans une chaise roulante etautres galipettes), la trame policière estbien ficelée.

La belle Sandra Brown (elle a déjà étémannequin) a écrit plus d’une cinquantainede polars, principalement des suspensespsychologiques, auxquels il faut ajouterquelques romans sentimentaux : bref, ellea du métier. Recommandé pour passer unbon moment… (NS)JalouxSandra BrownParis, JC Lattès (Suspense), 2006, 522 pages.

Un polar fantastiqueA-t-il encore besoin qu’on le présente?

Brussolo est assurément aujourd’hui undes maîtres des littératures de l’imaginaire.Il a reçu de nombreuses distinctions trèsimportantes, rappelons seulement le prixRTL-Lire, le prix du Roman d’aventures etle prix Paul Féval remis à un auteur pourl’ensemble de son œuvre.

1963. Sarah Katz est la fille d’uneancienne starlette hollywoodienne qui estmorte assassinée. Elle est née de pèrejusque-là inconnu et élevée par un ami desa mère, un technicien de plateau detournage qui l’a peu à peu intégrée aumétier. Pour Sarah, les contrats se fontrares, en fait presque autant que leshommes qui la côtoient et qui fuient devantson corps marqué pour la vie par un in-cendie criminel. Aussi, quand le richissimecollectionneur Adrian West l’engage pourinventorier les décombres de l’anciennedemeure du grand acteur Rex Feinis, unêtre qui semble abriter plusieurs secretspas très rassurants, elle n’a d’autre choixque d’accepter le contrat. Même si elle ade drôles de pressentiments face à cettehistoire, elle recrute tout de même uneéquipe pour l’accompagner, et ce malgré lefait que certaines expéditions précédentes

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n’en sont jamais revenues. Sarah se retrouvedonc en plein désert en compagnie de sameilleure amie Antonia et de deux beatniksplutôt occupés à se défoncer qu’à chercher.Quatre conteneurs hermétiquement scellésrenferment les restes de la maison desmurmures, l’étrange demeure Rex Feinis,engloutie par un séisme à Beverly Hills.Que contiennent ces sarcophages du passé?Qui était vraiment Feinis? Un grand acteur?Un tueur psychopathe? Comment le passéde Sarah se retrouve-t-il mêlé aux histoiresdu dieu vivant d’Hollywood, Rex Feinis ?Est-ce parce qu’à Hollywood, les morts pos-sèdent le pouvoir de revenir à la vie?

Avec La Maison des murmures, SergeBrussolo revient au genre policier avec unroman à suspense qui survole, de manièretrès consciente cependant, la littérature fan-tastique. Dangereux mélange des genres,diront certains, mais quand on a le métierque cet écrivain français possède, il fauts’abandonner et se laisser guider.

Pari intéressant que ce roman à ten-dance historique qui se situe temporellemententre le décès de Marilyn Monroe (5 août1962) et l’assassinat du 35e présidentaméricain John F. Kennedy (22 novembre1963). Recommandé pour ceux qui rêventde chevaucher leur polar bien en selle surun fantastique quelque peu fringant. (FBT)La Maison des murmuresSerge BrussoloParis, Plon, 2005, 329 pages.

Une nouvelle reine du crime? Peut-être…

Il y a parfois des éditeurs qui ne doutentde rien et se lancent dans des aventures

risquées. Maxime Chattam ayant quittéMichel Lafon pour aller chez Albin Michel,l’éditeur a décidé de miser sur un nouvelauteur, une jeune Irlandaise nommée AlexBarclay, dont il a publié le premier roman,Darkhouse, avec un t irage init ial de50 000 exemplaires et un budget promo-tionnel de 200000 euros, rien de moins.Alex Barclay (née à Dublin en 1974) a,paraît-il, créé une certaine commotion dansle monde de l’édition anglo-saxonne où,commerce oblige, on l’a intronisée d’officenouvelle reine du crime. Je me méfie deplus en plus de ces campagnes de « hype »ultra-sophistiquées, où volent les superlatifs,les stéroïdes sémantiques, les points d’ex-clamation et autres orgasmes éditoriauxdestinés à endormir notre sens critique et àconvaincre les gogos. Très souvent, le plussouvent, « y a rien là »… Du vent, avecjuste de la pub hyper-super-toomuch autour,et une déception en bout de ligne. Qu’enest-il avec Darkhouse? Pour le moment, nil’un, ni l’autre…

Pas de quoi se rouler par terre, les yeuxdans le beurre, pas de quoi non plus fi-gurer dans notre rubrique redoutée etredoutable « Ici on flingue » ! Darkhouseest une zillionième variante sur le thèmeéculé du tueur en série et raconte l’histoired’un flic de New York, Joe Lucchesi, qui aquitté la police après une mésaventureprofessionnelle particulièrement atroce. Ils’installe dans un petit village irlandaisavec sa femme (une conne de première !)et son fils (pas plus brillant que la mère)pour trouver la paix. Mais, coquin de sort,quelqu’un a la mauvaise idée de trucider lapetite amie de son fils et voilà tout ce beaumonde plongé en plein drame. Les flicslocaux soupçonnent le fils (faut dire quel’imbécile n’aide pas sa cause), détestent

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sauce chez Patricia Cornwell, Thomas Harris,André Japp et quelques autres. Un serialkiller est un être d’exception (au sensnégatif du terme, dois-je le préciser).Faites-le revenir (avec des petits oignons)et ça devient juste du mauvais grandguignol ! Barclay est en train d’écrire undeuxième roman qui s’intitulera The Caller.À suivre, donc… (NS)DarkhouseAlex BarclayParis, Michel Lafon, 2006, 370 pages.

Rebus et le politicienPiège pour un élu est un roman inédit

de Ian Rankin, paru au Livre de Poche, dontle titre original est Strip Jack (1992) etqui met en scène l’inspecteur John Rebusdont c’est ici la quatrième enquête.

À Édimbourg, John Rebus est présentlors d’une descente de police dans un bordeldiscret de la capitale écossaise. À sa grandesurprise, et à celle de ses collègues, il ytrouve Gregory Jack, un jeune et brillantdéputé pour lequel Rebus a une certaineadmiration. La présence d’un nombre inha-bituel de journalistes et de photographes,arrivés rapidement sur les lieux de la rafle,met la puce à l’oreille du détective. Il soup-çonne le coup monté. Quelqu’un a intérêtà démolir la réputation du député, venuengueuler sa sœur qui o(ri)fficiait dans leslieux ! La thèse du complot semble seconfirmer quand on découvre peu après lecadavre d’Elizabeth, la femme du mêmedéputé, flottant dans la rivière. Cependant,ce meurtre ressemble à celui d’une autrevictime, morte dans des circonstances sem-blables quelque temps auparavant. La police

le flic new-yorkais et ses grands airs. Parailleurs, le pauvre Joe (quand ça va mal,ça va mal) se rend compte que sa femmelui ment, que son fils se drogue et lui ment,et qu’il a un psychopathe revanchard auxtrousses (séquelle du drame new yorkais).

Diantre ! À vrai dire, il n’y a là rien debien nouveau sous le soleil, mais pour unpremier roman, c’est quand même assezprometteur. Par contre, si Alex Barclay veutvraiment mériter son titre de reine, elledevra nuancer davantage ses personnages,et surtout trouver une façon plus subtile dedénouer son intrigue. Car voilà un romanqui ne finit qu’en partie. Il y avait deux« méchants » : dans un cas, justice serafaite, dans l’autre, il faudra probablementattendre son retour dans une suite éven-tuelle. Pour ma part, les tueurs en série quiont la fâcheuse idée de revenir dansplusieurs romans, je n’y crois tout sim-plement pas. Ce gadget narratif a gâté la

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trouve un suspect qui se vantait du premiermeurtre mais celui-ci leur fausse compagnieaprès avoir donné une adresse fictive.

Occupé par une affaire de livres raresvolés, Rebus ne peut s’empêcher de mettreson nez dans l’affaire du député et dumeurtre de l’épouse. Pour ce faire, il doitrencontrer le clan qui entoure GregoryJack, dans l’espoir de trouver des indices.Mais toute enquête qui touche au mondede la politique comporte sa part de diffi-cultés supplémentaires : la hiérarchie devientnerveuse et tatillonne, les journalistes bour-donnent comme des mouches (arrêtons làla métaphore), l’entourage du député estun univers de faux-semblants, et tout cebeau monde marche sur des œufs.

Chose remarquable, le très solitaireRebus semble amoureux. Il y a une femmedans sa vie. Prénommée Patience, elle n’apas vraiment le prénom approprié pour

vivre avec un homme aussi imprévisibleque l’inspecteur John Rebus, avec sonobsession du métier, ses sautes d’humeuret ses horaires de fou ! Mais ça a l’air defonctionner…

Encore une fois, Ian Rankin nous en-traîne dans une enquête qui nous accrochedès les premières pages. Le livre n’a riend’un thriller haletant, mais comme l’intérêtne faiblit jamais, on ne voit pas le tempspasser, en grande partie à cause des per-sonnages forts qui peuplent les polars deRankin, décidément un des grands maîtresdu genre. (NS)Piège pour un éluIan RankinParis, le Livre de Poche, 2006, 412 pages.

Avec Batya, on ne se Gour pas !Barya Gour, que l’on a surnommée la

« P. D. James israélienne », née à Tel Aviven 1947 et décédée en 2005, a publié sixpolars mettant en scène le commissaireMichaël Ohayon. Ces livres ont été traduitsen au moins douze langues. Meurtre sur laroute de Bethléem, cinquième titre de lasérie, publié par Fayard en 2003, vient desortir en édition de poche, conjointementavec le sixième, Meurtre en direct qui, lui,paraît dans la Série Noire revampée.

Sous-titré « une enquête du commis-saire Michaël Ohayon », Meurtre sur laroute de Bethléem est un roman de pro-cédure policière dont l’action se passe àBethléem et à Jérusalem, en pleine Intifada.Un peu comme les polars de HenningMankell, ce livre est à la fois un polar,dans la bonne tradition du genre, et uneétude de mœurs car Batya Gour, qui était

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professeur de littérature, a toujours jeté unregard très critique et sans concession surles mult iples facettes de la sociétéisraélienne. Cette fois, une enquête surmeurtre débouche sur l’un des secrets lesplus honteux, les plus enfouis de l’histoired’Israël : l’adoption (après kidnapping)d’enfants yéménites arrachés à leurs familleset faussement déclarés morts.

Par ailleurs, si comme moi, un peunaïvement, vous vous dites qu’après cequ’ils ont subi un peu partout dans lemonde, les Israéliens doivent être vaccinéscontre toute forme de racisme ou de discri-mination, vous vous trompez joyeusement.Ce roman met en lumière de façon crue,brutale, les nombreuses disparités de lasociété israélienne, les fractures dou-loureuses comme le mépris, la haine, lapersécution et l’exploitation éhontée desPalestiniens, et, encore plus surprenant la

« guerre » des clans entre juifs dits « ashké-nases » (venus principalement de l’Europede l’Est) et les juifs dits « séfarades », ori-ginaires du bassin de la Méditerranée etd’Afrique du Nord. Pas facile, dans cesconditions, de garder la tête froide et demener une enquête efficace sur le meurtreatroce d’une belle jeune femme défiguréeà coups de planche, quand les suspectsappartiennent à deux familles qui se dé-testent à mort depuis leur arrivée en Israël.

Ce roman, très instructif et mené demanière professionnelle, est mon premiercontact avec l’univers littéraire de BatyaGour. Je compte bien récidiver… (NS)Meurtre sur la route de BethléemBatya GourParis, Gallimard (Folio Policier 400), 466pages.

Le blues de l’alchimiste…Appelons ça le « syndrome Da Vinci

Code ». De façon régulière, et de plus enplus fréquemment, nos éditeurs favorisnous présentent des polars avec l’inévi-table poncif, l’argument de vente déjàéculé (souvent mensonger) : « dans la tra-dition de Dan Brown et d’Umberto Eco ».D’une part, mettre sur le même plan unlittéraire érudit comme Eco et un tâcheroncomme Brown relève de l’ignorance crasse,voire de l’insulte, d’autre part, si c’étaitvrai, les auteurs concernés seraient tousmultimillionnaires, ce qui n’est pas le cas,que je sache. Or donc, dans ce type debouquin, il y a généralement deux parties :une énigme historique (manuscrit rare con-tenant un grave secret historique, reliquemystérieuse, etc.) et une intrigue contem-

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poraine : quelqu’un a eu vent ou découvertl’existence du secret. Cela a des consé-quences dramatiques, il va de soi, le secretmillénaire ne devant pas être révélé. Larecette consiste à tricoter serré les deuxhistoires tout en sachant doser habilementle suspense et l’érudition, ce qui n’est pasdonné à tout le monde. Même si je ne suispas un admirateur de Brown, force est dereconnaître que son succès est dû en partieà son habileté de conteur, alors que laplupart de ses imitateurs cassent le rythme,engluant de façon malhabile leur intriguedans une érudition lourde et empesée.

C’est le principal point faible du premierroman de l’Américain Jon Fasman, La Biblio-thèque du géographe, qui a tous les in-grédients de base de la formule. Unepremière histoire commence en 1154, àPalerme, quand un voleur dérobe un sacdans la bibliothèque d’al-Idrisi (un per-sonnage qui a existé), le géographe du roi

Roger II de Sicile. Le sac contenait quinzeartefacts mystérieux qui sont dispersés depar le monde, retrouvés par des collec-tionneurs qui connaissent tous une fintragique. L’histoire de chacun des objetsoccupe un chapitre, c’est la partie la pluslonguette de cette histoire. En alternance,nous suivons les tribulations d’un jeunejournaliste, un peu naïf et ambitieux, quidoit rédiger la notice nécrologique d’unprofesseur excentrique d’origine estonienne.Ce qui semblait n’être qu’une affaire deroutine, expédiée en quelques heures, setransforme en périlleuse enquête policièreà laquelle se trouve mêlée la mystérieuseHannah, une amie du défunt qui devient lamaîtresse de Tom, le journaliste. Selon lesrègles éprouvées de la formule, les deuxhistoires vont se croiser, se confondre, pourdéboucher sur une intrigue où l’alchimie etle fantastique apportent une dimensionnouvelle et insolite à cette drôle d’histoire.

La Bibliothèque du géographe n’est pasun mauvais roman, loin de là. Il souffre dequelques longueurs, certains des objetsn’ayant qu’un intérêt mineur. Par ailleurs,l’identité des personnages est parfois difficileà saisir (il y a des immortels qui traversentles âges en changeant de nom). Quant aupersonnage et au rôle d’Hannah, il estplutôt invraisemblable. On a du mal àcomprendre ses motivations, surtout à lafin. Mais dans l’ensemble, et à conditiond’être patients (ça n’est pas haletant !), lesamateurs de polars historiques, occultes maispas incultes, y trouveront leur compte. (NS)La Bibliothèque du géographeJon FasmanParis, Seuil, 2005, 394 pages.

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Le Prix ALIBISs’adresse aux auteurs du Québec et du Canada francophoneet récompense une nouvelle de polar, de noir ou de mystère

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Les textes doivent être inédits et avoir unmaximum de 10000 mots (60000 ca-ractères). Ils doivent être envoyés en troisexemplaires (des copies, car les originauxne seront pas rendus). Afin de préserverl’anonymat du processus de sélection, ilsne doivent pas être signés, mais êtreidentifiés sur une feuille à part portant letitre de la nouvelle et les nom et adressecomplète de l’auteur, le tout glissé dansune enveloppe scellée. La rédactionn’acceptera qu’un seul texte par auteur.Les textes doivent parvenir à l’adresse dela rédaction d’Alibis :

Prix ALIBIS, C. P. 85700, Succ. Beauport,Québec (Québec) G1E 6Y6

Il est très important de spécifier la mention« Prix ALIBIS ».La date limite pour les envois est le vendredi 9 février 2007, le cachet de laposte faisant foi.

Le lauréat ou la lauréate recevra unebourse en argent de 1000 $. De plus, ilou elle pourra s’envoler pour la Franceafin d’assister à un prestigieux festival depolar, voyage offert par le Consulat généralde France à Québec. Le nom du gagnantou de la gagnante sera dévoilé lors del’édition 2007 du Salon internationaldu livre de Québec. L’œuvre primée serapubliée en 2007 dans le numéro d’étéd’Alibis.

Le jury est formé des membres de ladirection littéraire d’Alibis. Il aura le droitde ne pas accorder le prix si la partici-pation est trop faible ou si aucune œuvrene lui paraît digne de mérite. La partici-pation au concours signifie l’acceptationdu présent règlement.

Pour tout renseignement supplémentaire,contactez Bärbel Reinke, coordonnatricede la revue, au courriel suivant :

[email protected]

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