dynamiser le télétravail

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Dynamiser le télétravail : un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi Rapport de Dominique DENIS 6 octobre 2011

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dynamiser le télétravail : un enjeu décisif sur la croissance et l'emploiétude de la CCIP (via le deoccedef) octobre 2011

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Dynamiser le télétravail :  un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi 

Rapport de Dominique DENIS 6 octobre 2011

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Dynamiser le télétravail : un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi

Rapport de Monsieur Dominique DENIS Avec la collaboration de Monsieur Renan FRIEDERICH Département de droit social Présenté au nom de la Commission de l’emploi et des affaires sociales Et adopté à l'Assemblée générale du 6 octobre 2011

Chambre de commerce et d'industrie de Paris 27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

http://www.etudes.ccip.fr

Registre de transparence N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

LES PROPOSITIONS DE LA CCIP INTRODUCTION

CHAPITRE 1 Clarifier la notion de télétravail 10

1. POUR UNE DEFINITION PLUS PRECISE 10 1.1. Les travers de la définition actuelle 10 1.2. Définir plus précisément le télétravail 12

PROPOSITION N°1 Définir plus précisément le télétravail en excluant expressément le travail nomade irrégulier, non substantiel, ou qui n’est pas expressément demandé ou accepté par l’employeur. 13

2. POUR UNE CONNAISSANCE PLUS APPROFONDIE DU TELETRAVAIL PAR LES EMPLOYEURS 13

PROPOSITION N°2 Élaborer un guide du télétravail à destination des employeurs, spécialement des PME : « Employeurs, recourez en toute sécurité aux avantages du télétravail ». 14

CHAPITRE 2 Sécuriser le régime du télétravail 15

1. POUR UNE ADAPTATION DU REGIME DU TELETRAVAIL A L’AUTONOMIE GEOGRAPHIQUE ET ORGANISATIONNELLE DES TELETRAVAILLEURS 15

1.1. Pour une adaptation du régime probatoire des accidents du travail 15

PROPOSITION N°3 Exclure les télétravailleurs à domicile du bénéfice de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. 17

1.2. Pour une adaptation de la réglementation sur le temps de travail 17

1.2.1. De l’incompatibilité de la réglementation sur le temps de travail

avec les caractéristiques principales du télétravail 18 1.2.2. Risques inhérents au recours au forfait-jours pour les télétravailleurs 19 1.2.3. Nécessité d’ajuster la réglementation sur le temps de travail aux spécificités

du télétravail 20

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PROPOSITION N°4 Exclure les télétravailleurs à domicile et les télétravailleurs nomades du champ d’application des dispositions réglementant la durée du travail pour la part de leur activité exercée en dehors de tout rattachement physique à des locaux appartenant à l’employeur ou mis à disposition par lui (télécentre). À défaut, ne pas soumettre l’employeur aux obligations de décompte du temps de travail et des jours de travail de leurs télétravailleurs. 21

2. POUR UNE STABILISATION DU REGIME DU TELETRAVAIL A DOMICILE 21

PROPOSITION N°5 Définir avec précision et exhaustivité les contreparties versées aux télétravailleurs à domicile 22

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LES PROPOSITIONS DE LA CCIP Il est consensuellement admis que le télétravail recèle un potentiel de croissance important qui n’est cependant que marginalement exploité en France. Cet insuccès s’explique principalement par un retard de la culture managériale française, trop centrée sur les rapports hiérarchiques, et par les inquiétudes qu’il suscite parmi les employeurs, ce qui occulte les bienfaits qu’ils pourraient en tirer. En effet, tant sa notion que son régime sont abscons et peu adaptés aux réalités socio-économiques. De fait, l’insécurité juridique qui se dégage de ce mode d’organisation du travail freine son développement, particulièrement dans les PME. C’est pourquoi, pour exploiter pleinement le potentiel de croissance du télétravail, la CCIP propose de remédier aux imperfections et aux carences de ce dispositif par l’adoption des cinq mesures suivantes :

Proposition 1 Définir plus précisément le télétravail en excluant expressément le travail nomade irrégulier, non substantiel, ou qui n’est pas expressément demandé ou accepté par l’employeur.

Proposition 2 Élaborer un guide du télétravail à destination des employeurs, spécialement des PME : « Employeurs, recourez en toute sécurité aux avantages du télétravail ».

Proposition 3 Exclure expressément les télétravailleurs à domicile du bénéfice de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail.

Proposition 4 Exclure les télétravailleurs à domicile et les télétravailleurs nomades du champ d’application des dispositions réglementant la durée du travail pour la part de leur activité exercée en dehors de tout rattachement physique à des locaux appartenant à l’employeur ou mis à disposition par lui (télécentre). À défaut, ne pas soumettre l’employeur aux obligations de décompte du temps de travail et des jours de travail de leurs télétravailleurs. Proposition 5 Définir avec précision et exhaustivité les contreparties versées aux télétravailleurs à domicile.

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INTRODUCTION

Initié dans les années 1970 par la Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR), sous l’angle particulier de l’aménagement du territoire, le débat sur la résilience du marché français du travail à l’égard du télétravail reste incontestablement ouvert. L’accord cadre européen du 16 juillet 2002 et l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 le transposant en droit français n’ont pas réussi à impulser la dynamique nécessaire à l’accroissement du télétravail dans l’hexagone. Or, le nombre de télétravailleurs stagne aux alentours de 7%. En réaction, de nombreux rapports ont préconisé une véritable refonte de son régime1. Tout récemment encore, deux rapports commandés par les pouvoirs publics2 témoignent, certes, de la persistance de ce débat, mais particulièrement du paradoxe qui le caractérise. Faisant écho à certaines de ces suggestions, des propositions de loi ont tenté de créer un régime juridique du télétravail. La dernière en date3, déposée le 8 avril 2009, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juin de la même année, puis renvoyée à la Commission des affaires sociales du Sénat, au sein de laquelle elle n’a toujours pas été débattue. Cependant, et à la surprise générale, un amendement à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives4 reprend des dispositions identiques. Pour autant, le lien avec l’objet de la proposition de loi est discutable tant il est éloigné d’un quelconque objectif de simplification du droit. Surtout, au regard de son potentiel et de ses implications économiques et sociales, le télétravail mérite plus qu’un simple amendement.

Le potentiel élevé du télétravail en France Il est consensuellement admis que le télétravail recèle un important potentiel de croissance économique, socialement et écologiquement responsable. Non seulement les postes éligibles au télétravail sont nombreux5 mais, de surcroît, le télétravail est plébiscité tant par les salariés6 que par les employeurs. Ces derniers sont très réceptifs tant au bien-être de leurs salariés qu’aux économies réalisables7 (coût de l’immobilier et du mobilier, hausse de la productivité8, réduction de l’absentéisme, augmentation de la créativité). 1 V. par ex. « L’informatisation de la société », Rapport remis par Simon Nora et Alain Minc au Président de la République le 21 février 1978, La Documentation française. V. aussi « Le télétravail en France : situation actuelle, perspective de développement et aspects juridiques, Rapport de Thierry Breton au Ministre d’état, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire et au Ministre des entreprises et du développement économique, La Documentation française, avril 1996. V. encore « Du télétravail au travail mobile – Un enjeu de modernisation de l’économie française », Rapport parlementaire de Pierre Morel-A-L’Huissier au Premier Ministre, La Documentation française, 2006. 2 Celui commandé par François Sauvadet, Ministre de la Fonction publique, au Conseil général de l’Industrie, de l’énergie et des Technologies (Conseil général de l’Industrie, de l’énergie et des Technologies, «

», préparé par Michel Lartail, Cédric Siben, et Benoît Bettinelli, 15 juillet 2011) et celui commandité par Éric Besson, Ministre chargé de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie nucléaire au cabinet Greenworking en juin 2011 (Étude à paraître : ).

Perspectives de développement du télétravail dans la fonction publique

http://www.greenworking.fr/CP-lancement-etude-besson.php3 Proposition de loi n° 456 de Jean-Frédéric Poisson pour faciliter le maintien et la création d'emplois.4 Op. cit. 5 Dans son rapport commandité par Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d’état chargé du développement de l’économie numérique, « Le développement du télétravail dans la société de demain », le Centre d’analyse stratégique a évalué le potentiel de télétravailleurs dans la population active française en 2008 à 28 %. À l’horizon 2015, il a projeté ce même potentiel à 47 %, cette augmentation spectaculaire s’expliquant principalement par l’accroissement de la diffusion des TIC dans les entreprises et les administrations (CAS, « Le développement du télétravail dans la société de demain », nov. 2009).6 72 % des salariés sont intéressés par le télétravail (Opinion way, nov. 2010).7 Au Pays-Bas, en 2009, plus de la moitié des entreprises proposent à leurs salariés de télétravailler (« La moitié des entreprises néerlandaises sont séduites par le télétravail », Entreprise & Carrières, 17/02/2009). 8 84 % des télétravailleurs estiment que la productivité de l’entreprise s’améliore à la faveur du passage de salariés au télétravail (OBERGO, « Télétravail rêvé, rejeté, réel ? Halte aux illusions dangereuses ! », mai 2010).

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De plus, le télétravail permet des gains de productivité grâce à la modernisation de l’organisation de l’entreprise9. À cet égard, le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) relève que, hors l’économie engendrée sur les coûts immobiliers, mobiliers et énergétiques, « le télétravail réduit […] l’absentéisme, augmente la productivité et dans certains cas la créativité des collaborateurs. Plus satisfaits de leurs conditions de travail, ils sont plus motivés pour exercer leurs fonctions »10. Concrètement, le Syntec informatique a calculé que, dans une société de 5 000 personnes, la mise en place du télétravail permettrait une économie de 6 000 heures de transports /an et un gain de 120 000 euros en 2 mois11. Accessoirement, cette modernisation peut aussi permettre de gérer des crises constituées par certains évènements exceptionnels qui influent directement sur la production de l’entreprise comme des épisodes neigeux, des grèves des transports publics12 ou une épidémie en conciliant limitation des risques sanitaires et maintien de l’activité économique13. Pour les salariés, le télétravail promeut un développement socialement responsable puisqu’il constitue un facteur important de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ce faisant, l’OBERGO a démontré qu’il contribuait au « mieux vivre au travail »14 et au renforcement du taux d’emploi des femmes et de l’implication des hommes dans leur vie familiale15. L’autonomie organisationnelle et géographique du télétravailleur permettrait aussi à ce mode d’organisation du travail d’améliorer l’insertion professionnelle et de maintenir dans l’emploi les travailleurs handicapés16. La Charte Européenne du Travail à Distance confirme que « le travail à distance a le potentiel d’accroître les opportunités de nouveaux emplois, particulièrement parmi les personnes défavorisées »17. Les bienfaits pour la collectivité seraient tout autant importants puisque l’essor du télétravail serait un facteur de développement durable : réduction des déplacements consommateurs d’énergie18, lutte contre la « désertification » de certains territoires et aide au désengorgement des grandes villes19. Par conséquent, il ouvre de nouvelles perspectives de recrutement pour les entreprises, qui pourront embaucher hors de leur bassin d’emploi, augmentant concomitamment l’employabilité des salariés des zones enclavées.

L’insuccès du télétravail en France Malgré tous ces éléments concordants, le télétravail n’a qu’un succès très relatif en France. Seule 7% de la population active est concernée, loin de la moyenne communautaire de 13%20. Selon le CAS, pour l’année 2000, la France se situe au 13ème rang des pays de l’OCDE pour la diffusion du télétravail. Ce classement

9 V. par ex. la Charte Européenne du Travail à Distance, qui a été lancée en juin 1997 par le projet DIPLOMAT, dans le cadre du programme ACTS et sous les auspices de la Commission Européenne DG XIII.10 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », nov. 2009, spéc. p. 95.11 Syntec informatique, « Le télétravail au service du développement durable », livre vert, janv. 2010.12 V. Circulaire DGT 2007/18 du 18 décembre 2007 relative à la continuité de l’activité des entreprises et aux conditions de travail et d’emploi des salariés du secteur privé en, cas de pandémie grippale, spéc. annexe 6. V. aussi Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale.13 Il ressort d’un sondage IFOP que 70 % des dirigeants de TPE-PME interrogés par l’Ifop fin 2009 se sont déclarés favorables à la mise en place du télétravail pour tout ou partie de leurs travailleurs dans un contexte pandémique (« Les dirigeants de TPE-PME et les effets de la grippe A », sept. 2009, sondage Ifop pour Risc Group). 14 Les chiffres sont édifiants : 98 % des télétravailleurs considèrent que leur qualité de vie au travail et hors travail est meilleure, 78 % estiment que leur santé physique et mentale s’en trouve améliorée et 86 % jugent que la qualité de leur vie familiale est supérieure (OBERGO, « Télétravail rêvé, rejeté, réel ? Halte aux illusions dangereuses ! », juin 2010).15 V. notamment Rapport « sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et familiales dans le monde du travail », établi par Brigitte Gresy, IGAS, juin 2011, p. 102s.16 Pierre Morel-A-L’Huissier, Rapport parlementaire, « Du télétravail au travail mobile », nov. 2006, p. 57 s., p. 59.17 Charte Européenne du Travail à Distance, Juin 1997, préc.18 Syntec informatique, « Le télétravail au service du développement durable », préc.19 Sur ce point, voir notamment les trois appels d’offres de la DATAR, respectivement de 1990, 1992 et 1993. 20 Rapport parlementaire, Pierre Morel-A-l’Huissier, « Du télétravail au travail mobile », déc. 2006. Ces résultats peuvent être nuancés en fonction des critères utilisés par les sondages. Ainsi, un rapport de 2010 publié par la fondation de Dublin estime que 5,7 % de travailleurs télétravaillent de façon significative en France, contre 7 % au niveau européen, 6 ,7 % en Allemagne, 12% aux Pays-Bas et 15,2 % en République Tchèque (Telework in the European Union, European Fondation for the improvement of living and working conditions, 2010, the European Industrial Relations Observatory (EIRO) http://www.eurofound.europa.eu/eiro/studies/tn0910050s/tn0910050s.htm).

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la stigmatise dans la catégorie des « pays à la traîne et dubitatifs » même si une récente augmentation de 37 %, entre 2007 et 2008, du nombre d’entreprises pratiquant le télétravail en France doit être notée, leur part passant de 16 à 22 %21. Cette progression concerne cependant majoritairement le secteur des services et principalement les grandes entreprises. Elle doit surtout être relativisée par le nombre de télétravailleurs qui n’a pas crû dans les mêmes proportions depuis 200722. Pourtant présenté comme la panacée pour les entreprises, pour les salariés et même pour la collectivité, le télétravail peine néanmoins à se développer en France. De multiples facteurs expliquent cet échec : coût de mise en place, précaution à prendre pour la santé mentale des télétravailleurs, qualités personnelles et professionnelles du télétravailleur lui permettant de gérer le paradoxe du télétravail : « plus de temps et de charge de travail / plus de qualité de vie », management par objectifs, nouvelles problématiques en termes de ressources humaines, problèmes informatiques… Tout l’enjeu du débat sur le télétravail en France est alors d’identifier les éléments qui entravent sa croissance et tenter de les circonscrire23. Dans ce cadre, deux freins sont d’une importance particulière. Le problème culturel, d’une part, révèle le caractère encore inadapté du management français, dans lequel le lien hiérarchique, très prononcé, s’accommode mal d’un management essentiellement par objectifs et de la liberté inhérente au statut de télétravailleur. Or, « les deux critères de réussite [du télétravail] sont l’autonomie du télétravailleur et la capacité de la hiérarchie à fixer des objectifs clairs et mesurables. Le télétravail n’est pas fait pour tout le monde et repose sur une relation de confiance. Aussi, pour qu’une situation de télétravail fonctionne bien, […] la mise en place du télétravail doit être accompagnée par un management par objectifs »24. Sans aucunement nier leur importance, il est vraisemblable que ces blocages culturels se résorberont avec le temps puisque la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) entraîne progressivement et inéluctablement une évolution des mentalités et de la culture managériale. Devant l’absence de prise réelle sur les obstacles culturels, ce sont donc les blocages juridiques, sur lesquels il est possible d’influer efficacement et rapidement, qui doivent être combattus. Induisant incertitude et coût, l’insécurité juridique, d’autre part, ralentit incontestablement le développement du télétravail et en diminue l’attrait économique et social25. Faute de réaction, celui-ci restera, comme à l’heure actuelle, adynamique. Ainsi, selon le Rapport Gresy26, la création d’un environnement de confiance est la clef du développement du télétravail en France. Or, les entreprises, a fortiori celles de petite taille, ne peuvent pas faire face aux difficultés engendrées par le système actuel de télétravail, les risques juridiques et économiques le caractérisant aujourd’hui leur apparaissant rédhibitoires27. 21 E-administration, télétravail, logiciels libres : quelques usages de l’internet dans les entreprises, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1228#inter5. 22 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », nov. 2009. À cet égard, le pourcentage infime de télétravailleurs dans de grands groupes comme France Télécom, Renault ou encore Michelin malgré la conclusion d’accords très souples est révélateur de cet écart préoccupant. 23 En ce sens, une réunion a eu lieu au Sénat à l’initiative du sénateur Alain Gournac, sous la présidence de la sénatrice Muguette Dini, Présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, à laquelle participaient notamment Georges Tron, Secrétaire d’Etat chargé de la Fonction Publique et les députés Pierre Morel-A-L’Huissier et Jean-Pierre Decool ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique. 24 Conseil général de l’Industrie, de l’énergie et des Technologies, « Perspectives de développement du télétravail dans la fonction publique », préc., spéc. p. 47.25 Cette problématique concerne principalement le télétravail à domicile alors que, comme le montre l’enquête "Entreprises et travail à distance : évaluation des pratiques et tendances" réalisée par la CCIP Hauts-de-Seine sur un échantillon des PME de services de son ressort territorial, c’est la modalité de travail à distance la plus courante (à la question « Sous quelle forme pratiquez-vous le travail à distance ? », 80,9 % des chefs d’entreprise interrogés répondent le travail à domicile (CCIP Hauts-de-Seine, "Entreprises et travail à distance : évaluation des pratiques et tendances", 34ème enquête d’opinion sur la conjoncture, Médiamétrie, novembre 2010). 26 IGAS, « Rapport sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et familiales dans le monde du travail », établi par Brigitte GRESY, juin 2011, http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article202 préc., spéc. p. 102s. 27 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », p. 111.

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En d’autres termes, tant que le régime juridique ne sera pas sécure, il ne pourra pas croître. D’ailleurs, « les entretiens menés par la mission [sur le télétravail réalisée par le Centre d’analyse stratégique] confirment la demande d’un cadre juridique plus clair et plus pragmatique, permettant aux acteurs de ne pas attendre l’arrivée de la jurisprudence au fur et à mesure que les risques, parfois attendus, se réalisent. L’incertitude engendrée par les lacunes de la loi oblige les entreprises qui le peuvent à réaliser des efforts supplémentaires pour prévoir les cas potentiellement litigieux dans un accord d’entreprise »28. Mettre fin aux principaux freins juridiques au télétravail permettrait de gagner de la croissance tout en promouvant le bien-être au travail, le développement durable et un meilleur aménagement du territoire. En substance, sécuriser le télétravail transformera sa croissance potentielle en points de croissance tangibles, et ce sans coût supplémentaire pour les finances publiques.

Quel support juridique ? Le télétravail n’est, en réalité, qu’une simple modalité d’exécution du contrat de travail. C’est une évolution naturelle de la façon de travailler, qui suit irrémédiablement les progrès technologiques. Preuve en est : le contenu d’un poste demeure inchangé lorsqu’il devient télétravaillé. Cela ressort du texte même de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005, dont l’article 2 paragraphe 4 stipule que seule la manière de travailler change. Autrement dit, aucun régime spécifique - quel qu’en soit le support juridique - n’aurait dû être prévu pour l’encadrer, les règles de droit commun régissant le contrat de travail se suffisant à elles-mêmes. Les partenaires sociaux européens ont néanmoins conclu l’accord-cadre du 16 juillet 2002 et les partenaires sociaux français l’ont transposé en droit interne dans l’ANI du 19 juillet 2005. Puisqu’il est difficilement envisageable de revenir sur l’existence même d’une réglementation spécifique, il faut a minima qu’elle soit la plus sûre possible et la mieux adaptée aux caractéristiques principales du télétravail. Or, le véhicule conventionnel, faute de clarté, complexifie la situation. En effet, l’ANI comporte des carences et des incertitudes : imprécision sur la définition même du télétravail, inadéquation de la législation sur le temps de travail et de celle sur les risques professionnels, incertitude sur l’indemnisation des télétravailleurs à domicile … De plus, l’ANI a fait l’objet d’un arrêté d’extension29 mais pas d’un arrêté d’élargissement. De fait, les entreprises représentées par une fédération professionnelle non adhérente aux trois organisations patronales signataires ou celles dont l’activité n’est pas représentée par une fédération professionnelle sont exclues du champ d’application de l’ANI du 19 juillet 200530. En outre, l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 7 avril 201031 démontre, si besoin en était, que la nature conventionnelle de la règle de droit et l’imprécision qui en découle permet au juge d’y apporter des modifications substantielles nuisant à l’essor du télétravail.

28 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. p. 40. 29 Arrêté d’extension du 9 juin 2006, JORF du 9 juin, modifié par arrêté du 15 juin 2006, JORF du 24 juin. Ses stipulations sont donc obligatoires pour tous les employeurs relevant d’une fédération adhérente aux trois organisations patronales signataires : Medef, CGPME et UPA. 30 Il s’agit notamment des professions libérales, du secteur sanitaire et social, des professions agricoles, de la presse ou encore de l’Union des Industries du Bois. 31 Cass. soc., 7 avril 2010, pourvois N°08-44865 08-44866 08-44867 08-44868 08-44869, préc.

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Sous cet éclairage, la loi apparaît comme le seul support juridique qui permette réellement de mettre en œuvre les mesures nécessaires à un développement du télétravail en France en faisant correspondre son régime avec les attentes des employeurs et de leurs salariés32. L’argument tiré de l’excès de rigidité que pourrait entraîner une telle évolution est inopérant puisque modifier l’ANI suppose un consensus également difficile à obtenir. Dans ce cadre, une analyse approfondie des carences et des imperfections du régime actuel a fourni autant de pistes de réflexion pour améliorer le dispositif et le rendre attrayant pour les employeurs et leurs salariés. Deux impératifs se dégagent : clarifier la notion de télétravail (Chapitre 1) et sécuriser son régime (Chapitre 2).

32 C’est en ce sens qu’ont été déposées deux propositions de loi : la première, présentée par MM. Jean-Pierre DECOOL, Bernard GÉRARD et Pierre MOREL-A-L'HUISSIER le 15 octobre 2008 (Proposition de loi n°1194 visant à promouvoir le télétravail en France), et la seconde du 8 avril 2009, déposée par Jean-Frédéric Poisson (Proposition de loi n° 456 pour faciliter le maintien et la création d'emplois). Cette dernière a été adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juin de la même année, puis renvoyée à la Commission des affaires sociales du Sénat, au sein de laquelle elle n’a toujours pas été débattue. Depuis, deux nouvelles initiatives législatives doivent être signalées : d’abord, un amendement de Philippe Gosselin à la Proposition de loi n° 3706 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (septembre 2009) ; ensuite, une proposition de loi entièrement dédiée au télétravail en cours de préparation par les députés Pierre Morel-A-L’Huissier et Vincent Descoeur.

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CHAPITRE 1 Clarifier la notion de télétravail La seule définition du télétravail résulte des textes conventionnels, fruits d’un compromis qui en explique l’imprécision, source d’une insécurité juridique préjudiciable au développement du dispositif. De plus, même si de nombreuses grandes entreprises ont conclu des accords pour organiser, développer et sécuriser le télétravail (Axa, Michelin, HP, Renault, Atos Origin, Mondial Assistance, Capgemini …), il est possible de recourir au télétravail sans conclure d’accord d’entreprise, en s’appuyant uniquement sur l’accord-cadre européen du 16 juillet 2002 et l’ANI du 19 juillet 2005. C’est pourquoi, pour permettre la démocratisation du télétravail, surtout dans les PME, il est essentiel que les entreprises ne soient pas tenues, pour avoir un régime juridique du télétravail sécure, de négocier et conclure un accord d’entreprise en raison du surcoût temporel et financier que cela implique. Qui plus est, au regard du tissu entrepreneurial français, essentiellement composé de TPE et de PME, la majorité des entreprises sont dans l’impossibilité de conclure de tels accords. Deux mesures complémentaires doivent ici être adoptées : définir avec précision le télétravail (1.) ; rassurer les employeurs en leur apportant une connaissance plus approfondie et pratique des avantages du télétravail et de la façon d’y recourir en toute sécurité (2.). 1. Pour une définition plus précise Floue, la définition du télétravail suscite l’inquiétude des chefs d’entreprise (1.1.). C’est pourquoi, avant toute promotion de ce mode d’activité, il convient d’en retenir une nouvelle définition correspondant aux besoins et aux attentes des entreprises (1.2.). C’est un pré-requis à son développement. 1.1. Les travers de la définition actuelle Bien que s’agissant d’un mode d’organisation du travail dérogatoire, le télétravail n’est pas défini, ni organisé par le Code du travail mais par les partenaires sociaux qui ont mis en place un régime conventionnel spécifique. La définition retenue résulte de l’accord-cadre européen sur le télétravail, signé par la Confédération européen des syndicats de salariés (CES), l’Union des Confédérations de l’Industrie et des Employeurs d’Europe (UNICE/UEAPME) et le Centre Européen des Entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) du 16 juillet 2002. Toute l’originalité de cet accord-cadre européen est qu’il a expressément prévu que sa mise en œuvre serait réalisée par les membres des trois syndicats signataires. Dans ce contexte, a été signé l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 relatif au télétravail, étendu par les arrêtés du 30 mai et du 15 juin 200633. Aux termes de ces accords, « le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux et de façon régulière ». Notons à titre liminaire que le droit comparé révèle incidemment que cette définition est désuète et imprécise : sur le premier point, il suffit pour en être convaincu d’évoquer les pays comme la Suède qui pratiquent pourtant le « télétravail » avec enthousiasme, où lui sont aujourd’hui préférés les termes plus larges, de « travail mobile », de « travail flexible/mobile » ou de « e-travail » 34 ; sur le second point, la comparaison avec les Pays-Bas est éloquente puisqu’ils axent la définition du télétravail toute entière sur le travail à domicile35.

33 Arrêté du 30 mai 2006, publié au JO du 9 juin 2006, portant extension de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail et arrêté du 15 juin 2006, publié au JO du 24 juin 2006, modifiant un arrêté d’extension de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail. 34 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. 53. 35 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. 131.

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Ceci étant, l’imprécision qui se dégage de la définition française résulte surtout du choix des partenaires sociaux d’adopter des critères volontairement flous36. En premier lieu, le critère d’extériorité implique que le télétravail recouvre des situations très hétérogènes : télétravail nomade, télétravail en télécentres37, télétravail à domicile. Il peut s’agir d’un mode permanent d’organisation du travail ou, à l’opposé, d’un mode de gestion des crises temporaires extérieures à l’entreprise ayant des conséquences sur elle (épidémie, grève des transports publics…). En second lieu, l’absence de seuil quantitatif d’utilisation des TIC hors des locaux de l’employeur rend difficile la détermination des salariés en situation de télétravail. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les différences de résultats entre certaines enquêtes qui utilisent le critère du caractère significatif du télétravail (1/2 jour par semaine, 1 jour par semaine, etc. en fonction des organismes) ou la part prépondérante du télétravail informel38. De plus, contrairement aux prescriptions européennes, l’ANI du 19 juillet 2005 stipule expressément, en son article 1er, que son champ d’application couvre les salariés « nomades », le caractère régulier ne signifiant pas que le travail doive être réalisé en totalité hors de l’entreprise39. La transposition française du cadre juridique européen rend donc encore plus ardue la détermination de la population des télétravailleurs, d’autant que les exemples de télétravail nomade abondent40. Néanmoins, cela ne doit en aucun cas conduire à une acception extensive du télétravail. En réalité, les activités pouvant être exercées de façon mobile sont plus nombreuses et concomitamment, il est aujourd’hui plus facile de travailler à l’extérieur des locaux de l’entreprise. Surtout, il est désormais beaucoup plus aisé pour les salariés de prouver l’exécution d’une tâche à l’extérieur de l’entreprise. En outre, ce travail nomade ne résulte pas nécessairement d’une demande de l’employeur, le salarié pouvant vouloir, de sa propre initiative, organiser différemment sa journée de travail. En conclusion, toutes les situations dans lesquelles ce travail d’appoint intervient épisodiquement et reste raisonnable ne doivent pas être considérées comme des situations de télétravail et ne nécessitent pas un traitement juridique particulier. Les enjeux de l’imprécision de la définition de la notion de télétravail peuvent avoir des conséquences pratiques sensibles. Dans la mesure où une situation de travail nomade pourrait être requalifiée en télétravail, le salarié pourrait potentiellement prétendre à un rappel des frais occasionnés par le télétravail, notamment pour l’aménagement de son domicile. Ou encore, le même pourrait arguer de l’absence d’avenant au contrat de travail41, de la violation de son droit à l’information sur les conditions d’exécution du travail42, ainsi que de

36 Les partenaires sociaux reconnaissent eux-mêmes dans l’article 1er de l’ANI du 19 juillet 2005 que la définition a été pensée et construite de façon floue, dans l’unique but de viser toutes les formes de télétravail, y compris celles à venir : « Cette définition du télétravail permet d'englober différentes formes de télétravail régulier répondant à un large éventail de situations et de pratiques sujettes à des évolutions rapides ». Notons cependant qu’en excluant l’activité « qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur », les partenaires sociaux excluent toutes les activités qui s’exécutent par essence hors des locaux de l’entreprise. 37 Il existe quelques télécentres en France. Prenons l’exemple du centre multimédia de Montluçon, créé en 1998 par la Chambre de commerce et d’industrie de Montluçon-Gannat Portes d’Auvergne qui dispose d’une surface de 1 500 m² sur trois niveaux. 38 Le centre d’analyse stratégique la mesure à 90% (CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. 58). 39 « Elle inclut les salariés " nomades " mais le fait de travailler à l'extérieur des locaux de l'entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Le caractère régulier exigé par la définition n'implique pas que le travail doit être réalisé en totalité hors de l'entreprise, et n'exclut donc pas les formes alternant travail dans l'entreprise et travail hors de l'entreprise ». 40 Le salarié qui consulte ses mails dans le métropolitain en rentrant chez lui ou en allant au travail, celui qui envoie un courriel de son lieu de vacances, celui qui passe un coup de téléphone professionnel de chez lui ou encore qui rédige ou corrige une note de son domicile… 41 V. art. 2 de l’ANI du 19 juillet 2005 : « Le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l'employeur concernés. Le télétravail peut faire partie des conditions d'embauche du salarié ou être mis en place, par la suite, sur la base du volontariat. Dans ce cas, il doit faire l'objet d'un avenant au contrat de travail ». 42 V. art. 2 de l’ANI du 19 juillet 2005 : « Dans tous les cas, l'employeur fournit par écrit au télétravailleur l'ensemble des informations relatives aux conditions d'exécution du travail y compris les informations spécifiques à la pratique du télétravail telles que le rattachement hiérarchique, les modalités d'évaluation de la charge de travail, les modalités de compte rendu et de liaison avec l'entreprise, ainsi que celles relatives aux équipements, à leurs règles d'utilisation, à leur coût et aux assurances, etc. ».

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l’absence de formation appropriée43 pour justifier une prise d’acte de rupture du contrat de travail. En effet, les manquements de l’employeur seraient vraisemblablement considérés comme suffisamment graves pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les implications psychosociales du télétravail risqueraient même de conduire le juge à considérer la violation de ces obligations conventionnelles comme une violation de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur. En définitive, cette incertitude ralentit mécaniquement le développement du télétravail en France, faute de confiance des employeurs dans le régime juridique du télétravail. Comment leur demander de l’organiser dans leurs entreprises s’ils ne sont même pas mis en mesure d’appréhender avec certitude les salariés concernés ? 1.2. Définir plus précisément le télétravail Le télétravail ne doit en aucun cas comprendre le travail nomade, même exercé au moyen de technologies de l’information et de la communication (TIC), dès lors qu’il n’est pas substantiel et expressément demandé ou autorisé par l’employeur. Ce travail à distance, aujourd’hui informel, doit impérativement le rester : il ne doit en aucune circonstance faire l’objet d’un traitement juridique particulier. En premier lieu, ce mode complémentaire de travail convient généralement aux deux parties, lesquelles recherchent de plus en plus la souplesse dans leurs relations de travail. En deuxième lieu, il correspond incontestablement à une évolution naturelle des fonctions au contact des TIC44, qui ne fera vraisemblablement que s’accentuer. En troisième lieu, nombreux sont les travailleurs sur site qui, pour des raisons personnelles ou par simple conscience professionnelle, décident par eux-mêmes de travailler régulièrement à distance à l’aide des TIC, mais pas de façon substantielle. Pour pallier ces difficultés, une nouvelle définition, plus précise, modifiant celle de l’article 1er de l’ANI du 19 juillet 2005 relatif au télétravail devrait opportunément être retenue45. « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information et de la communication, formalisé par un contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué, sur demande ou acceptation expresse de l’employeur, hors de ces locaux de façon régulière et substantielle. Cette définition du télétravail permet d'englober différentes formes de télétravail répondant à un large éventail de situations et de pratiques sujettes à des évolutions rapides. Elle inclut les salariés « nomades » mais le seul fait de travailler à l'extérieur des locaux de l'entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Il faut que ce travail soit régulier, substantiel et expressément demandé ou autorisé par l’employeur. Le caractère régulier exigé par la définition n'implique pas que le travail doive être réalisé en totalité hors de l'entreprise, et n'exclut donc pas les formes alternant travail dans l'entreprise et travail hors de l'entreprise.

43 V. art. 10 de l’ANI du 19 juillet 2005 : « Les télétravailleurs reçoivent, en outre, une formation appropriée, ciblée sur les équipements techniques à leur disposition et sur les caractéristiques de cette forme d'organisation du travail. Le responsable hiérarchique et les collègues directs des télétravailleurs doivent également pouvoir bénéficier d'une formation à cette forme de travail et à sa gestion. ». 44 CAS, « Le travail et l’emploi dans vingt ans », rapport du groupe de travail présidé par Odile Quintin, juin 2011, http://www.strategie.gouv.fr/content/le-travail-et-lemploi-dans-vingt-ans-5-questions-2-scenarios-4-propositions-note-de-synthese, spéc. p. 168. Même si les pratiques managériales doivent aussi évoluer, l’évolution des TIC et leur diffusion sont deux facteurs prépondérants dans l’accélération de la mobilité du travail. 45 Les mots et phrases en caractères gras indiquent les changements par rapport à la définition de l’A I du 19 juillet 2005.

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Le caractère substantiel exigé par la définition exclut les travailleurs sur site qui travaillent, même régulièrement, de façon non substantielle ou de leur propre initiative hors des locaux de l’employeur grâce aux technologies de l’information et de la communication. Le caractère exprès exigé par la définition exclut les travailleurs qui organisent de leur propre initiative, sans l’accord formel de leur employeur, l’exécution de leur prestation de travail hors des locaux de l’employeur grâce aux technologies de l’information et de la communication. On entend par télétravailleur, au sens du présent accord, toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini ci-dessus ou dans des conditions adaptées par un accord de branche ou d'entreprise en fonction de la réalité de leur champ et précisant les catégories de salariés concernés. ».

PROPOSITION N°1 Définir plus précisément le télétravail en excluant expressément le travail nomade irrégulier, non substantiel, ou qui n’est pas expressément demandé ou accepté par l’employeur.

2. Pour une connaissance plus approfondie du télétravail par les employeurs Selon les études, les salariés intègrent de mieux en mieux les avantages qu’ils peuvent tirer d’un passage au télétravail46. Les employeurs sont, quant à eux, beaucoup moins bien informés : en 2008, 90 % des chefs d’entreprises français affirment ne pas connaître les possibilités offertes par cette organisation du travail47. Or, le télétravail ne se développera jamais si les entreprises ne réalisent pas la souplesse et la productivité qu’elles peuvent en tirer48. Dans cette optique, le CAS a souligné le rôle que pourraient tenir les CCI dans l’élaboration et la diffusion d’un guide pratique du télétravail pour les entreprises49. La CCIP pourrait répondre à cette invitation et ce guide pourrait être accessible sur son site internet. S’inspirant des expériences d’ores et déjà réalisées50, ce guide pourrait, à titre indicatif, contenir les informations suivantes :

- une présentation synthétique du télétravail (intérêt pour les entreprises, conditions nécessaires au retour sur investissements, écueils à éviter …) ;

- une description de la procédure de mise en place ; - des recommandations pratiques (par exemple, identification au préalable des catégories de postes et/ou

de fonctions susceptibles d’être télétravaillés au sein de l’entreprise) ;

46 72 % des salariés sont intéressés par le télétravail (Opinion way, nov. 2010). D’ailleurs, le pourcentage de salariés souhaitant télétravailler s’est révélé être très nettement supérieur à celui des salariés télétravaillant (selon une étude du Credoc de juin 2009, 4% des salariés sondés étaient en situation de télétravail alors que 31 % se disaient prêt à télétravailler, avec néanmoins une dominante pour le télétravail à temps partiel). Considération prise du surcroît d’autonomie que le passage au télétravail leur confère, une étude a démontré que le télétravail est une des trois mesures de conciliation vie professionnelle/vie privée les plus plébiscitées par les salariés parents (OPE, baromètre de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, en partenariat avec l’UNAF, mise en œuvre par l’Institut Viavoice, mai 2011).47 V. exposé des motifs de la proposition de loi n°1194 du 15 octobre 2008 visant à promouvoir le télétravail en France, présentée par M. Jean-Pierre Decool. 48 Les chiffres recueillis par la CCIP Hauts-de-Seine sont éclairants (CCIP Hauts-de-Seine, "Entreprises et travail à distance : évaluation des pratiques et tendances", préc.) : alors même que tout l’échantillon des entreprises interrogées relève du secteur des services, qui est le plus propice au développement du télétravail, près de 78% déclarent que leur activité ne leur permet pas de recourir à ce mode d’organisation du travail et près de 52% que le passage au télétravail ne présente aucun intérêt pour eux. Ces chiffres démontrent bien que les chefs d’entreprise n’ont pas été mis en mesure d’apprécier ce que pouvait réellement leur apporter le télétravail. 49 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., p. 105. 50 Pour un exemple de guide, v. par ex. celui élaboré par l’OBERGO « Négocier le télétravail » qui regroupe les textes officiels, des fiches pratiques et des exemples de contrat et d’avenant à jour en 2009.

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- des focus sur les points à surveiller (vérifier l’adéquation des traits de caractères du télétravailleur avec ceux nécessaires à l’exercice d’une activité à distance) ;

- des documents-types : un accord d’entreprise sur le télétravail, un contrat de travail de télétravail ainsi qu’un avenant au contrat de travail.

PROPOSITION N°2 Élaborer un guide du télétravail à destination des employeurs, spécialement des PME : « Employeurs, recourez en toute sécurité aux avantages du télétravail ».

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CHAPITRE 2 Sécuriser le régime du télétravail Une des méthodes les plus efficaces pour encourager les employeurs à avoir recours au télétravail, du moins à court terme, est de mettre en place des mesures d’incitation fiscales51. Le CAS a d’ailleurs identifié l’absence de politique fiscale attractive comme un des freins majeurs au développement du télétravail en France52. La Suède, qui a très tôt mis en place un système de déduction fiscale pour l’entreprise et pour le salarié, a réussi à le valoriser. Conséquence : elle est classée dans le groupe des pays « leaders et enthousiastes » quand la France est reléguée dans celui des « pays à la traîne et dubitatifs »53. Néanmoins, au vu du contexte économique actuel, le coût d’une telle mesure est rédhibitoire. C’est pourquoi les propositions de la CCIP se concentrent exclusivement sur des modifications du régime juridique du télétravail qui ne créent pas de nouvelle dépense publique. Ce régime du télétravail, tout en le sécurisant, doit être à la fois adapté à l’autonomie organisationnelle et géographique du télétravailleur (1.) et être stable (2.). 1. Pour une adaptation du régime du télétravail à l’autonomie géographique et

organisationnelle des télétravailleurs La réglementation aujourd’hui applicable aux télétravailleurs ne prend en compte ni leur éloignement géographique, ni leur autonomie organisationnelle. Ce décalage important créée une insécurité juridique qui entrave l’essor du télétravail en France. Pour y remédier, il est nécessaire d’adapter en conséquence le régime probatoire des accidents du travail (1.1.) et la règlementation sur le temps de travail (1.2.). 1.1. Pour une adaptation du régime probatoire des accidents du travail L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, par un ou plusieurs chefs d’entreprise »54.

51 Par ex. réduction d’impôts égale à 50% des dépenses réalisées pour mettre en œuvre ou améliorer l’utilisation des TIC pour le travail à distance dans des zones caractérisées par un taux de chômage élevé et un fort enclavement géographique (cf. art. 5 de la proposition de loi n°1194 du 15 octobre 2008 présentée par M. Jean-Pierre Decool). 52 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. p. 40. 53 Pierre Morel-à-L’Huissier, « Du télétravail au travail mobile », préc. 54 Art. L. 411-1 C. séc. Soc. À titre comparatif, v. les définitions de l’accident de mission et de l’accident de trajet. Soumis au même régime que l’accident du travail, l’accident de mission : « Est […] celui survenu pendant le temps de mission, peu importe qu’il ait eu lieu à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf si l’intéressé avait alors interrompu sa mission pour un motif personnel ». Seul un acte dicté par un intérêt purement personnel émancipe le salarié de l’autorité de son employeur. S’agissant de l’accident de trajet, il est défini comme celui « survenu à un travailleur pendant le trajet d’aller et de retour entre : le lieu de travail et la résidence principale (ou une résidence secondaire habituelle) ou entre le lieu de travail et le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas ». L’accident est présumé être un accident du trajet lorsqu’il survient lors du parcours normal de cet itinéraire protégé. Le taux de cotisation pour les accidents de trajet étant forfaitaire, la survenance d’un accident de trajet n’a pas d’incidence sur celui-ci. Précisons que ni l’employeur ni ses préposés ne bénéficient d’une immunité civile.

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Deux cas de figure ressortent de cette définition. Dans le premier, l’accident survient au temps et au lieu du travail. Par conséquent, le télétravailleur bénéficie d’une présomption d’imputabilité de l’accident au travail55. En ce cas, le salarié n’a pas besoin de démontrer la faute de l’employeur s’il apporte la preuve de l’accident et de sa réalisation au temps et au lieu de travail. Pour renverser cette présomption simple, il revient à l’employeur de prouver que l’accident a une cause totalement étrangère au travail ce qui, en pratique, est très malaisé. Second cas de figure : l’accident ne survient pas dans ce cadre et il revient alors au salarié de prouver que l’accident a sa source dans la réalisation du travail. Étant précisé que cette preuve peut être apportée même lorsque le lien de subordination a disparu et que le salarié se trouve à son domicile56. Les enjeux sont importants, tant pour les employeurs que pour leurs salariés : protection contre le licenciement pendant la période de suspension du contrat de travail, majoration du montant des cotisations accidents du travail pour l’employeur soumis au régime mixte ou au régime individuel (respectivement pour les entreprises de 20 à 149 salariés et pour celles d’au moins 150 salariés), réparation forfaitaire et donc immunité civile de l’employeur et de ses préposés (sauf faute intentionnelle ou inexcusable de l’employeur et en cas d’accident de la circulation). Tout cela explique la cristallisation des débats des partenaires sociaux sur le bénéfice ou non de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. Et on comprend pourquoi les syndicats de salariés militent activement pour l’application de la présomption litigieuse. Selon eux, la sécurisation des conditions de travail qu’en tireraient les salariés favoriserait la croissance du télétravail. En réalité, ce sont les employeurs qui freinent à contrecœur son développement en raison de l’insécurité juridique qu’ils craignent de subir. Les organisations patronales s’opposent donc consensuellement à l’application de cette présomption à la population des télétravailleurs, notamment aux télétravailleurs à domicile. Trois arguments principaux justifient cette position. Tout d’abord, à l’heure actuelle, si l’accident survient au domicile du salarié, que celui-ci soit un travailleur sur site ou un télétravailleur à domicile, il ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. En effet, le faisceau d’indices requis n’est pas réuni : même si l’accident est survenu au temps du travail, il n’est pas survenu au lieu du travail. Pour le faire qualifier en accident de travail, le salarié devra donc démontrer le lien de causalité entre l’accident et le travail. Certes, la preuve de ce lien peut résulter d’éléments divers très difficiles à contester pour l’employeur, s’agissant d’un lieu privé distinct de ses locaux et auquel il n’a pas librement accès. Ensuite, si la législation sur les risques professionnels est logiquement applicable aux télétravailleurs, y compris aux télétravailleurs à domicile57, celle de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail nie les réalités les plus élémentaires du télétravail, à savoir l’éloignement géographique et l’autonomie organisationnelle. D’une façon générale, le télétravail s’effectuant nécessairement hors des locaux de l’employeur, il est très difficile pour ce dernier d’assurer la sécurité des télétravailleurs, qui plus est des télétravailleurs à domicile, leur lieu de travail étant le lieu privé par excellence. Ceci en ferme le libre accès à l’employeur et devrait donc logiquement faire corrélativement diminuer ses obligations.

55 Cass. ch. réun., 8 janv. 1928. L’enjeu du bénéfice de la présomption est que l’employeur devra pour s’en soustraire, démontrer que l’accident a une cause totalement étrangère au travail (cass. soc., 30 nov. 1995, pourvoi n°93-11960). La présomption n’est pas détruite s’il existe juste un doute sur la cause de l’accident (cass. soc., 10 juin 1993, pourvoi n°91-17207). 56 Cass. civ. 2, 22 février 2007, pourvoi n°05-13771. 57 Ne faisant pas partie des dispositions expressément exclues de celles applicables aux travailleurs à domicile par le livre IV du Code du travail, elle leur est applicable (Art. L. 7411-1 C. trav.).

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Enfin, les employeurs ont incontestablement peur d’une forte augmentation des déclarations d’accident du travail58, y compris celles de « faux accidents du travail » : avec le jeu des présomptions, il est difficile de prouver la fraude réalisée, a fortiori lorsque lieu de travail et domicile sont à ce point interconnectés. Ce sentiment est d’ailleurs alimenté par le risque très élevé que les conventions collectives, contrats ou avenants identifiant précisément le lieu réservé au travail au sein du domicile du télétravailleur constituent une exception à ce principe. Il y a donc un réel danger que le juge octroie au salarié le bénéfice de la présomption d’imputabilité, dans la mesure où l’accident survient au temps de travail et dans le lieu conventionnellement reconnu comme étant un lieu de travail. C’est pourquoi, tant pour sécuriser objectivement le télétravail que pour redonner confiance aux employeurs dans son régime, il est crucial d’affirmer expressément que le cadre du télétravail ne se prête pas à l’application de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. On ajoutera, en premier lieu, que ne pas bénéficier de la présomption ne signifie aucunement que les télétravailleurs ne peuvent pas obtenir la reconnaissance d’un accident de travail. Pour ce faire, il leur suffit de démontrer l’existence d’un accident et d’un lien de causalité entre celui-ci et la prestation de travail. En second lieu, rien n’empêche les partenaires sociaux d’une branche ou d’une entreprise de prévoir un régime plus favorable. Preuve en est : plusieurs entreprises ont conclu des accords portant sur le télétravail attribuant conventionnellement le bénéfice de cette présomption59. En conclusion, les télétravailleurs à domicile ne doivent pas automatiquement bénéficier de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail, y compris dans la partie du domicile qui a pu être identifiée comme le lieu de travail, le plus souvent d’ailleurs pour calculer plus justement les frais occasionnés par le télétravail. À titre complémentaire, on observera, dans le cadre du télétravail à domicile, que l’obligation de sécurité des salariés devrait trouver une expression particulière, alors que celle de l’employeur devrait être appréciée plus souplement par les juges.

PROPOSITION N°3 Exclure les télétravailleurs à domicile du bénéfice de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail.

1.2. Pour une adaptation de la réglementation sur le temps de travail Le droit commun du temps de travail est inadapté à l’éloignement géographique et à l’autonomie organisationnelle caractéristiques du télétravailleur (1.2.1.). De surcroît, il s’avère que le recours au forfait-jours emporte trop de risques juridiques et économiques pour constituer une solution alternative crédible et viable (1.2.2.). Il est donc nécessaire d’ajuster la réglementation sur le temps de travail aux spécificités induites par le télétravail (1.2.3.).

58 Selon le CAS (« Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. p. 111s.) , la Belgique est le seul pays à avoir instauré en mai 2009 explicitement la présomption d’imputabilité de l’accident au travail pour le cas spécifique des télétravailleurs. Son exemple semble avoir démontré que la population des télétravailleurs était peu sensible aux accidents du travail et que l’établissement d’une telle présomption n’avait pas induit une augmentation notable des accidents du travail ; ce qui incite de fait les salariés à accepter le télétravail. Qui plus est, les accidents de trajet diminuent fortement. Les cotisations patronales « accident du travail » n’ont donc pas augmentées. Selon l’ANACT, la population des télétravailleurs est très peu sujette aux accidents. Selon le CAS, le taux d’accidents du travail ne semble pas avoir augmenté et le nombre d’accidents de trajet a fortement diminué. Ceci étant, la Belgique est le seul pays à avoir mis en place le bénéfice de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail en cas de télétravail, seulement depuis 2008, ce qui ne nous donne pas le recul nécessaire pour apprécier de l’innocuité de ce système. 59 Par ex. Renault et HP.

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1.2.1. De l’incompatibilité de la réglementation sur le temps de travail avec les caractéristiques principales du télétravail

En sus de la durée légale du travail, fixée à 35 heures par semaine, des heures supplémentaires peuvent être effectuées dans certaines limites hebdomadaires60. Sauf dérogation, la durée quotidienne maximale de travail effectif est de 10 heures61. Toutefois, ces règles ne s’appliquent ni aux cadres dirigeants, ni aux salariés soumis au forfait annuel en jours, seulement assujettis à la réglementation sur le temps de repos minimum : 11 heures quotidiennes et 35 heures hebdomadaires. En cas de litige sur l’existence et/ou le nombre d’heures de travail, le régime probatoire organisé par l’article L. 3171-4 du Code du travail s’articule en deux temps. Dans un premier temps, il incombe au salarié d’apporter des éléments de nature à étayer sa demande. À cet égard, la Cour de cassation a récemment considéré que la production d’un simple décompte mensuel réalisé au crayon par le salarié suffisait62. Ce n’est que dans un second temps que l’employeur est invité à répondre aux allégations du salarié. S’il n’est alors pas en mesure de justifier les horaires effectivement réalisés par son subordonné, c’est qu’il n’a pas satisfait à son obligation de décompter ses heures de travail63. En ce cas, les juges considèrent donc justifiées ses prétentions. Même si cette législation est applicable à tous les télétravailleurs64, elle est naturellement incompatible avec le télétravail à domicile ou nomade répondant à la définition du présent rapport65. En premier lieu, sa rigidité va directement à l’encontre de la caractéristique principale du télétravail, particulièrement dans les cas précités : l’autonomie66. Cela ressort d’ailleurs de l’ensemble des règles du télétravail67. Plus précisément, l’activité télétravaillée, bien que salariée, est caractérisée par un lien de subordination par essence distendu. En effet, les études menées démontrent que, pour les télétravailleurs et leurs aspirants, l’intérêt majeur de cette forme d’activité est justement d’accroître l’autonomie dans l’organisation de leur travail, qui seule permet de concilier réellement vie professionnelle et vie personnelle68. Aussi, les tâches, tant qu’elles sont réalisées dans le cadre imparti, ne devraient pas obligatoirement être effectuées aux heures normales de bureau, le salarié devant être totalement maître de l’organisation de son travail pour pouvoir l’adapter à sa vie personnelle. À défaut, le télétravail perd beaucoup de son attrait pour les salariés et apporte, qui plus est, de l’insécurité juridique à l’employeur.

60 44, 46, 48 ou, en cas de circonstances exceptionnelles, dans la limite absolue de 60 heures. 61 Le temps de travaille effectif est celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. À ne pas confondre avec l’amplitude journalière maximale, qui est de 13 heures. 62 Cass. soc., 24 nov. 2010, pourvoi n°09-40928. 63 Art. L. 3171-2 C. trav. 64 V. art. 9 de l’ANI du 19 juillet 2005. V. aussi son arrêté d’extension du 30 mai 2006, JORF n°132 du 9 juin 2006, p. 8771, texte n°86. Notons que, sur ce point, le travail en télécentre ne pose, quant à lui, pas plus de problèmes que le travail traditionnel sur site, les télétravailleurs exerçant dans ce cadre faisant partie d’une collectivité, et de ce fait soumis à des contraintes horaires. De plus, l’employeur a la possibilité de contrôler efficacement leur temps de travail grâce à cette présence dans des locaux professionnels identifiés. 65 Il s’agit des travailleurs qui, sur demande ou acceptation expresse de leurs employeurs, réalisent leur prestation de travail à l’aide de TIC hors tout rattachement à des locaux appartenant à leur employeur, et ce de façon régulière et substantielle. 66 Cette autonomie naturelle est d’ailleurs aussi consacrée a contrario par l’arrêté du 15 juin 2006 portant extension de l’ANI relatif au télétravail en ce qu’il précise que, nonobstant le fait que le salarié gère librement ses horaires de travail, l’employeur est tenu de veiller au respect de la réglementation sur le temps de travail. 67 Dans l’accord cadre européen, les partenaires sociaux ont insisté à plusieurs reprises sur l’autonomie des télétravailleurs dans les considérations générales de l’accord et dans son article 9. De même, dans son préambule, l’ANI reprend les considérations générales de l’accord-cadre européen et son article 9 §1 stipule que « Le télétravailleur gère l’organisation de son temps de travail dans le cadre de la législation ». Cette autonomie naturelle est aussi consacrée a contrario par l’arrêté du 15 juin 2006 portant extension de l’ANI relatif au télétravail en ce qu’il précise que, nonobstant le fait que le salarié gère librement ses horaires de travail, l’employeur est tenu de veiller au respect de la réglementation sur le temps de travail. 68 Parmi les 21 avantages de la liste soumise aux agents de collectivités territoriales interrogés pour le compte du syndicat « Territoriaux CGC », la flexibilité arrive largement en tête. En effet, en seconde place on trouve la « souplesse des horaires de travail » (75,18%), juste après une « meilleure organisation et qualité du travail » (81,75%). L’importance de l’autonomie organisationnelle et de la flexibilité des horaires est donc capitale pour les salariés intéressés par le télétravail à domicile.

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En second lieu, l’obligation de décompte imposée à l’employeur est elle aussi, pour les mêmes raisons, profondément inadaptée au télétravail. Au-delà de leur coût et des difficultés de mise en place, les moyens techniques et technologiques à disposition des chefs d’entreprise ne permettent pas de contrôler efficacement le temps de travail des télétravailleurs à domicile ou nomades. À l’opposé, il est très facile pour eux d’apporter des éléments de nature à étayer leurs prétentions, ce qui revient en pratique à renverser la charge de la preuve. Au final, le salarié peut constituer ses propres preuves69 alors que l’employeur se voit imposer des obligations irréalistes. Cette différence de traitement injustifiée participe au climat de suspicion qui règne autour du télétravail. À l’évidence, le droit commun du temps de travail n’est adapté ni au télétravail à domicile, ni au télétravail nomade. La seule solution qui demeurerait a priori viable serait de considérer que les télétravailleurs à domicile ou nomades devraient être soumis à la réglementation dérogatoire sur le forfait jours. Concrètement, cette solution permettrait à l’employeur de limiter le risque de voir surgir un contentieux sur les heures supplémentaires. Ceci étant, l’utilisation du forfait-jours pour les télétravailleurs peut, elle aussi, s’avérer hautement problématique. 1.2.2. Risques inhérents au recours au forfait-jours pour les télétravailleurs Le recours au forfait-jours est strictement encadré. En effet, la mise en place d’une convention de forfait sur l’année est subordonnée à la double conclusion, d’une part, d’un accord collectif d’entreprise ou de branche fixant les caractéristiques principales des conventions individuelles et, d’autre part, d’une convention individuelle nécessitant l’accord des salariés concernés. De surcroît, il faut que le télétravailleur soit éligible à ce système. Or, une convention de forfait-jours sur l’année ne peut être conclue qu’avec un salarié cadre qui dispose d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps et dont la nature des fonctions le conduit à ne pas suivre l’horaire collectif applicable, ou avec un salarié non-cadre dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée et qui dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Premier risque : que l’employeur se considère exonéré de tout contrôle sur ses salariés alors qu’il doit tout de même vérifier le nombre de jours travaillés par an70 ainsi que le respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire. A cet égard, la logique probatoire est la même que celle en vigueur pour la preuve du nombre d’heures travaillées pour les salariés soumis à la réglementation de droit commun sur le temps de travail. Le salarié doit donc fournir des éléments de nature à étayer ses allégations comme, par exemple, un tableau récapitulatif réalisé par lui-même71. L’employeur doit ensuite prouver que ces déclarations sont fausses à l’aide du décompte annuel des jours travaillés qu’il est tenu de réaliser72. Sans celui-ci, rapporter la preuve des jours réellement travaillés est extrêmement difficile et le juge accueillera vraisemblablement les prétentions du demandeur. Second risque : la menace, à plus ou moins brève échéance, d’une remise en cause du système de forfait-jours français. En effet, dans une décision du 24 juin 2010, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a considéré que les réclamations de la CFE-CGC et de la CGT contre la France étaient fondées car le temps de travail maximum des cadres soumis au forfait-jours - 78 heures - est manifestement excessif. Cette violation de la Charte sociale européenne a été confirmée par le CEDS au mois de décembre de la même année, à l’occasion de ses conclusions sur le rapport de situation de la France. C’est pour cette raison que l’arrêt de la Chambre sociale du 29 juin 201173 était très attendu. En substance, les juges ont soumis la validité du forfait-jours litigieux à plusieurs conditions : il doit assurer le droit à la santé et le droit au repos des salariés74 ; l’accord collectif doit prévoir des garanties conventionnelles de suivi et de contrôle de l’activité et de la charge de travail, et celles-ci doivent impérativement être respectées par l’employeur, sous peine d’inopposabilité de la convention individuelle 69 Cass. soc., 24 nov. 2010, préc. production d’un simple décompte mensuel réalisé au crayon par le salarié). 70 Maximum 218, ou 235 avec autorisation du salarié et contrepartie pécuniaire. 71 Cass. soc., 4 mai 2011, pourvoi n°09-71003. 72 Art. D. 3171-10 C. trav. 73 Cass. soc., 29 juin 2011, pourvoi n°09-71107. 74 Cette condition est vraisemblablement inspirée de la décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 2005 validant l’extension du dispositif du forfait-jours aux salariés non cadres dès lors que le droit à la santé et au repos sont respectés (Cons. const., déc. N°2005-523 DC, 29 juillet 2005, JO du 3 août 2005.

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de forfait au salarié. Pour autant, malgré cette apparente légitimité du forfait-jours – l’accord Métallurgie a été validé dans son principe –, le risque d’une remise en cause persiste. En réalité, cet arrêt a été rendu dans un contexte particulier puisque la demande du salarié ne concernait pas la compatibilité du système de forfait-jours avec le droit européen, et notamment la Charte sociale européenne75, mais uniquement la conformité du contenu des accords collectifs avec les prescriptions légales alors applicables76. Autrement dit, un salarié pourrait introduire un contentieux en invoquant, cette fois-ci, directement la violation du droit européen. La Cour de cassation serait alors contrainte de statuer sur ce point, qu’elle a soigneusement pris soin d’éviter pour le moment. 1.2.3. Nécessité d’ajuster la réglementation sur le temps de travail aux spécificités du télétravail Sans aucunement remettre en cause le statut de salarié des télétravailleurs, il convient d’envisager la mise en place d’un régime spécifique qui prenne en compte l’autonomie consubstantielle au télétravail à domicile et au télétravailleur nomade. Il s’agirait uniquement de tirer les conséquences de droit d’un état de fait, d’ailleurs expressément reconnu par tous les supports juridiques actuels de la réglementation sur le télétravail. Comme le relève très justement le rapport du Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, l’autonomie du travailleur est un pré-requis pour accéder au télétravail77. Egalement, pour le CAS, « le critère principal, outre l’usage des TIC, réside dans le degré d’autonomie dans son activité professionnelle »78. La Charte Européenne du Travail à Distance corrobore cette analyse : « le travail à distance s’adresse aux personnes volontaires, autonomes et responsables et leur permet de mieux coordonner leur vie professionnelle avec leurs autres obligations et activités ; il offre aux salariés la possibilité de dégager du temps libre pour leur vie privée ou familiale ainsi que pour leurs loisirs »79. Certains pays ont d’ores et déjà parfaitement assimilé cette donnée incontournable en l’intégrant dans la définition même du télétravail. Ainsi, au Japon, « le télétravail est une méthode d’organisation qui, grâce à l’utilisation des moyens d’information et de télécommunication, n’est pas soumise à des conditions d’exercice liées au lieu et à la durée du travail »80. Au demeurant, en France, la loi adapte la réglementation du temps de travail à l’autonomie organisationnelle de certains travailleurs. Ainsi, les Voyageurs Représentants Placiers sont soumis aux dispositions du Code du travail sous réserve de certaines exceptions ou adaptations rendues nécessaires par la nature de leur activité81. Par analogie, le même raisonnement devait s’appliquer aux télétravailleurs qui effectuent une partie au moins de leur prestation de travail à leur domicile ou de façon nomade. Si cette proposition ne devait pas aboutir, il faudrait a minima que les employeurs n’aient pas l’obligation de décompter le temps de travail et les jours de travail des télétravailleurs. Ils devraient seulement être tenus de vérifier que la charge de travail est raisonnable, adéquate et comparable à celle des travailleurs sur site, en s’inspirant éventuellement des garanties édictées par la Cour de cassation pour la validité d’un système de forfait-jours82. 75 Notons que la Cour de cassation a déjà accordé pleine valeur juridique à la charte sociale européenne en la faisant figurer au visa d’un arrêt du 14 avril 2010 (Cass. soc., 14 avril 2010, pourvois N°09-60426 et 09-60429). 76 Le contentieux concernait un régime de forfait-jours en vigueur dans la période 2001-2006, soit avant l’entrée en vigueur de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 qui a fait disparaître la nécessité pour les accords collectifs de prévoir des modalités de suivi de la charge de travail. 77 Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, « Perspectives de développement du télétravail dans la fonction publique », préc., spéc. p. 47. 78 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. p. 23. 79 Charte Européenne du Travail à Distance, juin 1997, préc. 80 CAS, « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », préc., spéc. p. 16. 81 Circulaire du 24 juin 1998 relative à la réduction négociée du temps de travail, Bulletin juridique de l’UCANSS n°35 – 1998, NOR : MESC9810724C ; Circulaire du 3 mars 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, Bulletin officiel du Ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle n°6 bis du 13 mars 2000, NOR : MESC0010103C. L’indépendance dans l’organisation et l’exercice de leur travail, ainsi que l’extrême difficulté pour les employeurs de contrôler leur temps de travail justifient qu’ils ne soient pas soumis à la réglementation relative au temps de travail. 82 Cass. soc., 29 juin 2011, préc.

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PROPOSITION N°4 Exclure les télétravailleurs à domicile et les télétravailleurs nomades du champ d’application des dispositions réglementant la durée du travail pour la part de leur activité exercée en dehors de tout rattachement physique à des locaux appartenant à l’employeur ou mis à disposition par lui (télécentre). À défaut, ne pas soumettre l’employeur aux obligations de décompte du temps de travail et des jours de travail de leurs télétravailleurs.

2. Pour une stabilisation du régime du télétravail à domicile Au-delà de la fourniture, de l’installation et de l’entretien des équipements nécessaires au télétravail, l’ANI du 19 juillet 2005 stipule que « l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail [le télétravail à domicile], en particulier ceux liés aux communications »83. En tout état de cause, la réglementation de base du télétravail, qu’elle soit communautaire ou nationale, n’a jamais envisagé d’autre indemnisation à titre obligatoire. Pourtant, dans un arrêt du 7 avril 2010, la Cour de cassation a affirmé que « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail ; que si le salarié, qui n’est pas tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel de son domicile »84. Cet arrêt, parce qu’il a remis en cause des conventions collectives et des contrats de travail, a généré une insécurité juridique particulièrement néfaste au développement du télétravail. Les employeurs se sont vus rétroactivement imposer une nouvelle obligation, les contraignant à renégocier de nombreux accords collectifs, contrats de travail et avenants aux contrats de travail. S’appuyant sur la lettre de la décision en question, considérant que le fait générateur de l’indemnité réside dans la contrainte exercée par l’employeur sur son salarié pour la transformation d’une partie de son domicile en bureau, certains accords différencient désormais, pour l’indemnisation, entre le télétravail à la demande du salarié et celui à la demande de l’employeur. En effet, interprété a contrario, l’arrêt décision du 7 avril 2010 semble signifier que lorsque le télétravail n’est pas imposé par l’employeur, celui-ci n’est pas lié par le versement de l’indemnité spécifique litigieuse. De surcroît, la situation n’est toujours pas pleinement sécurisée car l’arrêt du 7 avril 2010 laisse encore en suspens un certain nombre de questions : Comment déterminer le montant de l’indemnité ? Quid de ses modalités : s’agit-il d’une prime ou d’un forfait mensuel ? Surtout, l’indemnité spécifique ne risque-t-elle pas, in fine, d’être accordée à tous les salariés qui voient leur domicile occupé pour l’exécution de leur travail, que la demande vienne d’eux-mêmes ou de leur employeur ? Cette hypothèse est probable car la distinction entre le télétravail mis en place à la demande du salarié et celui mis en place à la demande de l’employeur paraît très fragile. D’une part, le régime du télétravail est basé sur le principe du double volontariat. Il est donc difficile de différencier télétravail demandé par le salarié et télétravail demandé par l’employeur. D’autre part, quelle que soit

83 Cependant, l’article 12 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit lui-même qu’il est possible de déroger à cette règle. 84 Cass. soc., 7 avril 2010, préc.

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la personne à l’origine de la demande de télétravail, il y a, dans les deux cas, immixtion dans la vie privée et occupation professionnelle du domicile, seuls critères pouvant justifier objectivement l’existence d’une indemnité supplémentaire85. De fait, il est donc nécessaire de fixer avec certitude les diverses indemnités auxquelles les télétravailleurs peuvent prétendre pour que les employeurs ne soient plus pris au dépourvu. Concrètement, leurs calculs de rentabilité ne seraient plus rétroactivement remis en cause, ce qui amorcerait un courant progressif de regain de confiance des chefs d’entreprise dans le régime du télétravail. En l’espèce, il s’agirait de considérer que la seule contrepartie financière dont doivent légalement bénéficier les télétravailleurs à domicile est la prise en charge des frais effectivement occasionnés par le télétravail, libre aux partenaires sociaux ou aux cocontractants de prévoir d’autres indemnités.

PROPOSITION N°5 Définir avec précision et exhaustivité les contreparties versées aux télétravailleurs à domicile.

85 En ce sens, un arrêt de la Cour d’appel de Paris impose l’indemnisation du salarié pour la sujétion subie par l’occupation professionnelle de son domicile en plus de la fourniture d’un ordinateur portable et de la prise en charge d’une ligne téléphonique et de l’abonnement internet alors même que l’employeur ne lui avait jamais expressément demandé de travailler à son domicile (CA Paris, 6 sept. 2011, n° Rôle 09/06075).

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Directeur de la publication : Pierre TROUILLET CCIP - 27 avenue de Friedland - 75 382 Paris cedex 08 Rapports consultables ou téléchargeables sur le site : www.ccip.fr Dépôt légal : Février 2009 ISSN : 0995-4457 – Gratuit

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