d'un syndrome de crampes se caractérisant par des débuts sous forme d'attaques,...

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H&PITAL DE KARLSTAD. SERVICE DE MBDECINE: MBDECIN-CHEF, DR. Q o T T- HARD SODERBEROH. D’un syndrome de crampes se caractCrisant par des dCbuts sous forme d’attaques, I’unilatCralitC et des contractions toniques des extrCmitCs. Essai d ’in terpritation. Par AKE BARKMAN. L’observation suivante mkrite d’6tre publike en raison de son tableau clinique spkcial. L’affection se caractbrise en effet par des crises de crampes avec contractions toniques dans les membres d’une moitib (gauche) du corps. L’analyse de ce fait autorise A penser, que l’origine des accidents est A chercher dans une affection nerveuse organique. De meme, malgrk l’absence d’autopsie, on peut btablir un diagnostic, sinon de certitude, du moins d’extrbme probabilitk en ce qui concerne la nature de la maladie et les locali- sations morbides dans les centres nerveux. Le tableau clinique en- tier rappelait en effet A un tel point ces sortes d’affection qui, en l’ktat actuel de nos connaissances, relevent des ganglions centraux, qu’on n’avait gubre le droit de songer A une localisation diffkrente. Dans la littkrature je n’ai pu trouver de cas similaire au mien. G. A. (n:r 512211922), 24 ans, ouvrier. Grands parents dBcBdes d’aftec- tions inconnues. Parents vivants et bien portants. Le patient est le cin- quihme de huit enfants qui sont tous vivants et bien portants. Aucune af- fection nerveuse ou mentale dans la famille. Pas d’h6r6dit6 de tubercu- lose. Pas de maladies durant l’enfance. Frequentation scolaire de la durbe habituelle. Depuis 1917 il travaille comme homme d’bquipe et son travail n’6tait pas excessif. MariB, en mai 1921, avec une femme bien portante

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Page 1: D'un syndrome de crampes se caractérisant par des débuts sous forme d'attaques, l'unilatéralité et des contractions toniques des extrémités. Essai d'interprétation

H&PITAL DE KARLSTAD. SERVICE DE MBDECINE: MBDECIN-CHEF, DR. Q o T T- H A R D S O D E R B E R O H .

D’un syndrome de crampes se caractCrisant par des dCbuts sous forme d’attaques, I’unilatCralitC

et des contractions toniques des extrCmitCs. Essai d ’in terpritation.

Par

AKE BARKMAN.

L’observation suivante mkrite d’6tre publike en raison de son tableau clinique spkcial. L’affection se caractbrise en effet par des crises de crampes avec contractions toniques dans les membres d’une moitib (gauche) du corps. L’analyse de ce fait autorise A penser, que l’origine des accidents est A chercher dans une affection nerveuse organique. De meme, malgrk l’absence d’autopsie, on peut btablir un diagnostic, sinon de certitude, du moins d’extrbme probabilitk en ce qui concerne la nature de la maladie et les locali- sations morbides dans les centres nerveux. Le tableau clinique en- tier rappelait en effet A un tel point ces sortes d’affection qui, en l’ktat actuel de nos connaissances, relevent des ganglions centraux, qu’on n’avait gubre le droit de songer A une localisation diffkrente. Dans la littkrature je n’ai pu trouver de cas similaire au mien.

G. A. (n:r 512211922), 24 ans, ouvrier. Grands parents dBcBdes d’aftec- tions inconnues. Parents vivants e t bien portants. Le patient est le cin- quihme de huit enfants qui sont tous vivants et bien portants. Aucune af- fection nerveuse ou mentale dans la famille. Pas d’h6r6dit6 de tubercu- lose. Pas de maladies durant l’enfance. Frequentation scolaire de la durbe habituelle. Depuis 1917 il travaille comme homme d’bquipe et son travail n’6tait pas excessif. MariB, en mai 1921, avec une femme bien portante

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qui n’a eu depuis ni grossesse ?A terme ni fausse couche. En 1915, le patient avait contract6 une gonorrhbe, mais sans complications; il n’aurait jamais eu de syphilis. En automne 1918, grippe l6gbre durant 1’6pidbmie alors rbgnante; il se sentit courbatur6 pendant trois ou quatre jours, mais ne dut pas s’aliter. Jamais de traumatisme cbphalique ni de blessure inipor- tante des parties molles durant ces derniers temps.

Au bout d’une semaine, pendant laquelle il avait present6 de la toux et des douleurs thoraciques sans fihvre (36°G-3608), de I’angine, de la rachialgie et de la cbphaMe, le patient fut pris subitement Ze 25. 1. 22 de crises de crampes qui se r6peterent ultbrieurement de plus en plus souvent; l’accbs durait une demi-minute environ et s’accompagnait de contractions du membre infbrieur gauche, lequel 6tait dirig6 en derribre et en dehors, le genou Btant en extension e t le pied en flexion plantaire; en m6me temps apparaissait une contracture de la main et des doigts gauches qui, durant la crise et d’aprhs la figuration du malade, prenaient une attitude intermb- diaire entre celle de la t6tanie et celle de la griffe. Des douleurs vives se ressentaient dans les muscles participant a la crise. Les attaques se r6p6- taient plusieurs fois l’heure et, d’aprbs le malade, btaient provoqubs par les mouvements actifs du bras et du membre infbrieur gauches. Pas de spasmes dans les muscles du tronc ou de la face et tels que le trismus ou l’opisthotonos. Aprbs les crises pas de par6sies du cat6 gauche, pas de dou- leurs dans Ies bras ou les membres inf6rieurs et pas de paresthbsies. Pas d’autres symptbmes nerveux, tels que c6phalbe, diplopie, ptosis, dysphagie, difficult4 de la mastication, dyspn6e ou embarras de la parole. Aucun trouble du cat6 de la digestion, de l’appareil urinaire ou des glandes B s6crbtion interne. Pas de troubles cardiaques. La toux et les douleurs thoraciques sus-mentionnbes ont persist6 tout le temps; cependant elles se sont attbnubes ces derniers jours. Notons que, au debut de la maladie, rhgnait une Bpidbmie discrete de grippe dans le pays duymalade.

Etat actuel (31. 1. 22 B 5. 2. 22). A l’examen du malade on est tout d’abord frappe par les contractures qui surviennent de temps B autre dans le bras et le membre inf6rieur gauches. Durant Ies premiers jours de I’hospi- talisation, les crises de crampes apparaissaient plusieurs fois par heure e t duraient chaque fois en moyenne de un quart de minute ?A une demie mi- nute. Le debut est brusque; la contracture des muscles frappes atteint son maximum instantanbment. Le phbnomene se manifeste simultanbment dans le bras et le membre inf4rieur gauches et aboutit a une flexion d’environ 30’ des premieres phalanges des doigts avec flexion lbgbre des autres pha- langes; partant de cette attitude initiale, les doigts se fl6chissent et s’6ten- dent lentement, exbcutant des mouvements d’une trbs grande amplitude. Ces mouvements involontaires sont presque aussi lents que dans l’athbtose, mais ont quelque chose de moins ridicule que dans cette affection. L’atti- tude des doigts rappelle surtout la tbtanie. Parfois, surtout au debut du s6jour hospitalier, le bras gauche se plagait en pronation extr6me avec flexion 16gbre de I’articulation du coude. Pour le membre infbrieur g. les

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contractures provoquent la surextension et un peu l’abduction de la han- che, l’extension du genou, la flexion plantaire du pied et la flexion plan- taire du deuxibme au cinquibme orteil, pendant que le gros orteil se dirige franchement en avant. Du reste, le membre infbrieur n’est le sibge d’aucun mouvement involontaire durant la contracture. Pas de contractions fib- rillaires dans les muscles intkressbs. En palpant les muscles du membre infBrieur pendant les crises, on s’aperqoit facilement qu’ils demeurent tout le temps et immuablement en Btat de contracture maxima. La disparition des contractures s’opbre t r b vite, tout au plus en quelques secondes. Le patient ne peut ni prbvenir ni abbrBger la durbe des crises, lesquelles s’accompagnent de fortes douleurs dans les membres atteints. Les crises apparaissent ti la suite de mouvements actifs quelconques, tels que la marche, une torsion ou une evolution du corps dans le lit, ou, d’une manikre gBnbraIe, de toute modification de la position du corps. Par contre, les contractures ne peuvent &re rappelbes par 1’6lectricitb; c’est ainsi qu’un jour, ti l’occasion d’une exploration blectrique des muscles qui dura bien une bonne heure, on n’observa pas une seule crise; mais, aussitat que le malade vint B se lever du soffa, une crise de contracture se dBclara.

Le patient est un homme d’apparence absolument saine. L’Btat gBnBral et le teint sont bons. La peau et les muscles sont ceux d’un sujet de consti- tution moyenne; pas d’atrophies musculaires. Les organes thoraciques n’offrent rien d’anormal. L‘urine ne contient ni albumine ni substance rb- ductrice. La pression sanguine est de 140/90 m. m. Hg. La reaction de WASSERMANN est negative pour le sang et le liquide rachidien. Celui-ci donna plus tard une pression de 170 mm. qui, aprbs l’extraction de 10 c. c d’un liquide clair, descendit ti 150 mm. La reaction de NONNE-APELT est lbgbrement positive; pas d’exagbration du nombre des cellules. Evalube avec l’albuminomhtre de SICARD, la quantitb d’albumine est de 1,5 (nor- male). Le crlne, bien conforme, mesurant 55 c. de phrimbtre, n’est pas sen- sible ti la pression ou A la percussion; pas de submatit& Aucun symptame mbning6.

-

L’examen mbthodique du systbme nerveux donne les resultats suivants: Nerfs crdniens. I e paire. Rien ti noter pour l’odorat. I I e Paire. Rien B

noter pour les fonds d’yeux; pas de papillite; champ visuel normal. IIIe , IVe, VIe paires. Ni ptose ni diplopie; pupilles d’bgale grandeur et rbagissant normalement B tous Bgards. DBplacements nystagmoi’des des deux yeux; ils resultent d’un mouvement horizontal et d’un mouvement rotatif. Ve paire. Rien ti noter pour la partie motrice et sensible. Rbflexes cornbens normaux. VIIIe paire (Examen fait par un otologiste,le Dr NILS WITT): Rien ti noter. IXe, Xe, XIe et XIIe paires normales.

MotilitC. En gBnBral les forces sont bonnes. Pas de difference entre les forces statique et dynamique (DYLEFF). Sensibilife‘: la sensibilite ex- 6 - Acta Med. Scandinav. Vof. LVI.

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terne, sous toutes ses formes, et la sensibilit6 profonde sont partout nor- males. Rdfflezes: les reflexes tricipital, radial et cubital, ainsi que tous les reflexes abdominaux sont normaux; les &flexes des tendons rotuliens et d’hchille sont prononc6s. Pas de clonus du pied ou de la rotule. Le signe de BABINSKI est n6gatif au membre inf6rieur droit, inconstant A gauche. Les signes d’OPPENmm et GORDON sont positifs h gauche, n6gatifs h droite; celui de MENDEL et ROSSOLIMO fait dbfaut des deux cat&.

Ceroelet: pas de tremblement, d’hypermbtrie, de mouvements arr6t6s ou d’adiadococin6sie. Les epreuves du talon port6 sur le genou, du genou sur une chaise et du doigt port6 A la pointe du nez s’exkcutent normalement. Signes de ROMBERC et de FOURNIER n6gatifs. La marche pr6sente une modification difficile h d6crireen ce sens que le membre inf6rieur gauche, qui n’est ni contractur6 ni paralys6, prksente, pendant l’avancee, un peu de raideur en mQme temps qu’une certaine hbsitation lors de la pose du pied. Le patient dambiner aussi quelque peu de sa jambe gauche.

Autres observations sur le systkme nerveux. En exerfant une friction Bnergique, par exemple avec le pouce, de la racine des cheveux au sourcil, on determine du cat6 oppos6 du front un plissement de la peau et une 616- vation du sourcil (contraction du muscle frontal); ce symptbme existe des ~

deux cbt6s. Si I’on exerce une Bnergique friction sur l’arcade zygomatique du cbtk gauche, en se dirigeant du pavillon de l’oreille vers la ligne mhdiane, on observe du m&me c8t6 quelques vibrations rapides, cloniques, dans la commissure labiale gauche qui se releve en haut et a gauche, cependant que le pli nasolabial se creuse plus profondkment. Rien de semblable a droite. Lors d’une friction Bnergique de haut en bas sur la face ant6rieure du ra- dius gauche, le pouce du m6me cat6 se fl6chit au niveau de la premiere e t de la dernibre phalange et se met en opposition. Rien de pareil h droite. Avecune manoeuvre similaire le long de la face antbrieure du cubitus gauche les deux doigts cubitaux se flbchissent dans toutes leurs articulations, pen- dant que I’index et le m6dius se flhchissent un peu au niveau des premieres phalanges. Une friction le long de la face externe du p6ron6 gauche d6ter- mine une abduction fort nette du petit orteil du m&me cbt6 (et de plus l’attitude de BABINSKI du gros orteil); a droite cette mQme manoeuvre amene une flexion plantaire de tous les orteils.

Mouvements associds. Quand de son membre inf6rieur g. le patient s’efforce de vaincre une resistance qui lui est opposbe, on n’observe aucun mouvement simultan6 dans le membre infkrieur droit. Mais, quand on s’oppose aux mouvements du membre inf6rieur droit, a la flexion dorsale du pied droit, a la flexion du genou et de la hanche droites ou bien h I’ad- duction et a la rotation interne de la hanche, on obtient chaque fois une flexion dorsale du gros orteil gauche. En s’opposant a la flexion dorsale du pied droit, on obtient de plus une legere flexion dorsale du pied gauche. Par contre, on n’observe pas de mouvements simultan6s du cot6 gauche lors de la flexion plantaire du pied droit, l’extension du genou et de la hanche droits ou lors de l’abduction et de la rotation externe de la hanche droite.

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Pas de mouvements associbs nets dans I’un ou I’autre des bras lors des mou- vements actifs exbc,utes avec ou sans resistance opposee. La flexion dor- sale du gros orteils gauche ne se produit pas non plus de mouvements de ce genre dans les bras.

Examen dectrique des muscles. Lors de I’excitation du muscle frontal avec un courant faradique tetanisant on obtient une rbaction myodysto- nique (dysmyotonique) fort nette, car, apres l’dloignement de I’dlectrode, une ou plusieurs contractions secondaires apparaissent dans le muscle excite. Le phbnomene est surtout constant et surtout visible Q droite. Tous les autres muscles rbagissant a la percussion se comportent normalement B 1’6gard du courant faradique. 11 en est de m6me de tous les nerfs moteurs p6riphCriques. L’excitabilitd galvanique et I’excitabilitb mecanique des muscles sont partout normales. Les signes de CHVOSTER et de TROUSSEAIJ sont nCgatifs.

Evolution. 612. Aujourdhui pas de reaction dysmyotonique certaine au niveau

du muscle frontal gauche; mais contractions secondaires trbs nettes ti

droite. Durant la premiere semaine de I’hospitalisation des contractures

survenaient plusieurs fois par heure, m6me quand le patient demeurait ab- solument tranquille, le plus souvent pourtant a I’occasion de mouvements. Depuis le 7/2 la frbquence des crises a notablement diminue; il se produisit cinq le 7/2, quatre le 8/2 et une seulement le 912. Pour le reste du systeme nerveux m6me situation qu’8 I’admission. Traitement: Arsenic + Calcium.

Leur etude s’opere de faGon que le malade puisse exbcuter activement tous les diffbrents mouvements, a l’btat isole et dans tous ses membres; de ce temps on surveille les mouvements simul- tan& qui peuvent bventuellement se produire soit dans le mCme membre, soit dans le membre opposd. On note les resultats suivants: la flexion dorsale du gros orteil gauche s’obtient en s’opposant a la flexion dorsale du pied droit, B la flexion du genou droit, a l’adduction et Q la ratotation interne de la hanche droite. En agissant a gauche, on obtient la flexion dorsale du gros orteil droit avec la flexion du genou e t de la hanche, ainsi qu’avec I’adduction de la hanche. Pas d’autres mouvements associes dans les bras, les membres inferieurs ou les muscles de la face.

10/2.

11/2. Mouvements associds.

Quelle Btiquette donner A cette observation? Pour l’instant un diagnostic exact est A peu pres impossible. L’idBe qui se presente le plus naturellement A I’esprit est celle d’un processus inflamma- toire ou d’une sclbrose en plaques. Celle d’une tumeur peut &re absolument repousske en raison de 1’Cvolution favorable de la mala- die. I1 n’existe non plus aucune raison de songer B la syphilis. L’hypothhse la plus vraisemblable serait alors celle d’une enckphalite epidkmique ou grippale. A ce point de vue les donnkes anamnes-

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tiques meritent d’etre prises en consideration; A l’apparition-du ma1 existait en effet dans le pays une I6g4re CpidCmie d’influenza et, d’autre part, Ies debuts de l’affection s’accompagnerent, pendant une semaine, de symptdmes de bronchite. Toutefois, on ne peut rejeter absolument l’hypothese d’une premiere attaque de scldrose en plaques avec, en I’espece, une localisation anormale. Le doute ne pourra 6tre tranche que par l’observation prolongde du patient, peutdtre pendant des annkes. Pour l’instant, le diagnostic probable est celui d’un processus infectieux de nature facilement reparable (ou rkversible). Du reste, la question est d’une importance secon- daire pour la discussion clinique.

Le principal inter& reside en effet dans les particularitbs du tableau clinique dont les principales caractkristiques Btaient les suivantes. Un homme de vingt quatre ans, jusque la robuste e t bien portant, est pris, en meme temps que d’un catarrhe fugitif des voies respiratoires, de crises consistant essentiellement en con- tractions toniques du bras et du membre infkrieur gauches. Ces crampes, qui duraient en moyenne de un quart de minute A une demie minute, se rCp6terent plusieurs fois l’heure en l’espace de dix huit jours, puis disparurent en trois ou quatre jours. Dans leur detail les crises de crampes se prksentaient ainsi: le debut Btait instantank; le bras et le membre infkrieur gauches ktaient pris simultandment; en quelques secondes les contractures atteignaient leur apogke. A ce moment les doigts de la main gauche etaient fl6chis A environ 30” au niveau des premieres phalanges; il existait en outre une legere flexion des articulations interphalangiennes. Partant de cette attitude moyenne, les doigts se flechissaient et s’ktendaient en accomplissant une excursion de tres grande amplitude, mais avec une lenteur qui rappelait l’athetose, avec cette difference que I’aspect des mouvements n’Ctait ni aussi ridicule ni aussi bizarre que dans ce dernier type de mouvements. Parfois, notamment au dCbut de la maladie, le bras gauche se plagait en pronation extreme avec flexion legere du coude. Du cdtB du membre inferieur gauche les contractures entrafnaient l’hyperextension avec abduction legere de la hanche, l’extension du genou, la flexion plantaire du pied et des quatre orteils laterales, pendant que le gros orteil, im- mobile et dirigb franchement en avant, demeurait dans le plan gB- nCral du pied. Du c6tB du membre infkrieur on n’observait pas en

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outre de niouvements involontaires et les muscles intCressCs ne prC- sentaient aucune contraction fibrillaire soit pendant, soit apres les crises. A la palpation des muscles (du membre infkrieur) on con- statait facilement que ces muscles demeuraient fortement contrac- turks tout le temps de la crise et sans modification aucune jusqu’au moment du relichement, lequel se produisait rapidement, en l’espace de quelques secondes. Notons de plus que le patient ne pou- vait prCvenir l’apparition ou abbrCger la durCe des accks. Pendant ceux-ci de vives douleurs existaient dans les muscles intkressks; l’apparition de la crise dkpendait nettement des mouvements actifs du tronc ou des membres. Par contre, on ne put provoquer les attaques de contracture avec 1’ClectricitC ou les excitations de la sensibilitk.

Comment interpreter ce syndrome? L’objection qu’il pourrait bien s’agir d’hystkrie est Cvidemment inadmissible. Qu’il me suf- fise de rappeler les signes, certainement discrets, mais incontestab- les d’une participation des voies pyramidales, et cela prCcisCment du m6me c6tk que les contractures. On trouvait en effet d’une maniere constante les rCflexes d’OPPmmm et de GORDON du cat6 gauche et quelquefois le phknomene du gros orteil de BABINSKI sur le pied du m6me c6tC. I1 y a 18 un indice tres probant que la cause des contractures est A chercher dans une lCsion organique du systeme nerveux central au niveau du faisceau pyramidal droit ou dans son voisinage. Car ce serait aller chercher bien loin que d’incriminer a la fois une lksion organique du faisceau pyramidal droit et une affection fonctionnelle qui aurait engendrk les contractures dans le territoire m6me de distribution du faisceau pyramidal.

Par analogie on peut exclure aussi l’hypothese que le syndrome de crampes de mon patient dkpendrait de processus 1ocalisCs au voisinage des cellules de la come antkrieure ou des nerfs pCriphC- riques. Contre cette hypothese plaident A la fois et le type des con- tractures et l’absence de contractions fibrillaires. Quant aux con- vulsions tktaniques, elles offrent, en regard de mon observation, tant de diffkrences (absence de trismus et d’opisthotonos) qu’on peut, sans hksiter, les Climiner. Par contre, il existe quelques res- semblances avec la tCtanie: contractures toniques en flexion des premieres phalanges des doigts; par ailleurs cependant on constate des diffkrences notables: d’abord les crises Ctaient unilatkrales, ce qui ne s’observe guhre dans la tktanie et, en second lieu, les cram-

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pes des doigts presentaient une skrie de differences profondes d’avec les attitudes de la tetanie. Chez mon malade, en effet, pendant les attaques, non seulement les premieres phalanges, mais encore les autres ktaient legerement flkchies; enfin, diffkrence capitale, pendant les accks, les doigts presentaient des mouvements invo- lontaires, lents, de flexion, puis d’extension e t d’une amplitude tres considkrable.

Si donc nous admettons que, suivant toute apparence, nous avons affaire A une lesion organique voisine du faisceau pyramidal droit, nos recherches se trouvent limitkes A l’espace compris entre l’bcorce cerkbrale et la corne medullaire antkrieure. E n recherchapt alors mkthodiquement, si l’attaque aurait pu 6tre causke par un foyer de l’ecorce droite (circonvolutions centrales), on est force de reconnaitre que ce n’est guere possible. Dans les lesions des cir- convolutions centrales le type des contractures est si bien connu, si typique, qu’on peut A peine les confondre avec le type prksente par mon malade. On ne peut non plus invoquer uniquement l’irritation du faisceau pyramidal en quelque autre point; une mo- dalitk clinique de ce genre, l’kpilepsie spinale de BROWN-SEQUARD, $I en juger par les descriptions, se comporte de tout autre maniere. I1 ne reste donc plus a songer qu’aux centres moteurs inferieurs, aux ganglions centraux, pour voir que mon syndrome de crampes peut se claser parmi les sympt6mes qu’on attribue aux lesions de cette rkgion encephalique. En faveur de cette interprktation plai- dent, en plus du caractere tonique des contractures, les mouve- ments digitaux involontaires, lents, athktoldes accompagnant la crise. Cette dernihre particularite, jointe A ce fait que les contrac- tures faisaient suite A des mouvements actifs, 6tablit une certaine ressemblance entre le syndrome de mon patient et l’athetose. Toute- fois, une difference notable est relever: chez mon malade, le fac- teur tonique l’emportait sur le facteur dynamique. Les travaux les plus recents ont Ctabli que l’athktose dkpend d’altkrations des ganglions centraux; on est alors en droit de se demander, si le syndrome que j’ai observe ne merite pas, lui aussi, de rentrer dans la symptomatologie de cette affection.

Ainsi donc, abstraction faite de ce que nous n’avons pu expli- quer le syndrome en cause par des lksions des neurones moteurs- pkripheriques ou centraux et que, par voie d’exclusion, l’unique

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possibilitb restante est de s’adresser aux centres moteurs infkrieurs - ganglions centraux - nous notons encore qu’il n’y a pas de syndromes cliniques rappelant davantage les crises de mon malade (avec mouvements athktoldes des doigts) que ceux justement qu’on peut observer dans les affections de ces ganglions.

Au point de vue de la possibilitk d’une localisation dans les ganglions centraux, il est peut4tre bon d’observer que, chez mon patient, on constatait l’existence objective des sympt6mes qui, pour ne pas Ctre pathognomoniques des affections des ganglions centraux, sont tout de m&me importants A cet kgard, vu qu’on ne les a ren- contrks qu’avec des lesions de ce territoire encbphalique. C’est ainsi que mon malade prksentait la rkaction Blectrique myodysto- nique des deux muscles frontaux lors des excitations par les cou- rants faradiques tktanisants. Ce type de rkaction, observe et dkcrit pour la premihre fois par SODERBERGH dans un cas de maladie de WILSON, se earactkrise par une ou plusieurs contractions se- condaires dans le muscle excite aprhs l’kloignement de 1’Clectrode. Plus tard un phBnom6ne semblable a CtC observC par le mCme au- teur dans un cas typique de pseudosclkrose oh l’on observait aussi des contractions cloniques du muscle pendant la tktanisation. Ces deux cas ont BtC d6crits dans ce journal(l918 et 1922). H. C. HALL^ a dBcrit des contractions musculaires analogues, pendant l’excitation Blectrique, dans un cas de pseudosclBrose: ,Cependant qdelquefois on observe une condition particulihre, car le muscle, au lieu de rB- pondre A l’excitation par une contraction tktanique, prksentait une sBrie de secoussea cloniques,. HALL n’a pourtant pas fait res- sortir I’intBrCt de cette constatation. I1 est de plus A noter que mon patient prksentait une sBrie de rkflexes pathologiques, qui furent Bgalement dCcrits pour la premihre fois par SODERBERGH dans son cas de maladie de WILSON. Ces reflexes qui, chez mon patient, se dbmontraient en frictionnant Bnergiquement, par exemple avec le pouce, certains 0s superficiels, Btaient les suivants: En agissant de la racine des cheveux vers le sourcil, sur chaque moitiB du front, on voyait apparaftre du cGtC opposC un plissement de la peau du front et un relthement de la paupihre, c’est A dire une contraction du muscle frontal. Un rCflexe semblable (contraction des deux musc-

H . C. Hall: La DBgCnkrescence hkpatolenticulaire. Paris 1921.

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les frontaux) fu t observe pour la premiere fois par I. HOLMGREN et attribue par lui A des 16sions ckrkbrales intkressant le noyau lenti- culaire. Chez mon malade on pouvait encore determiner un rBflexe analogue par la friction de l’arcade zygomatique gauche en partant de la conque auriculaire pour se diriger vers la ligne mC- diane; la commissure labiale du mCme c8tB Btait alors attirke en haut et A gauche. Par contre, ce rkflexe ne pouvait s’obtenir A droite. De mCme on pouvait dkmontrer chez mon malade la p r 4 sence d’un rkflexe par friction sur le radius et le cubitus, rCflexe dCcrit par SODERBERGH dans son cas de maladie de WILSON; il n’existait qu’A gauche (voir la relation du phbnomene dans l’ob- servation). Avec ces reflexes j’en citerai encore un, que j’ai constate cliez nion malade et qui peuf-ifre a la mCme signification que les weflexes de friction,. Aprks une friction Bnergique le long du peron6 gauche, du centre vers la pkriphkrie, le petit orteil du mCme c8tB presentait une forte abduction. Ce rbflexe faisait dBfaut A droite. J e ne puis dire si ces reflexes affectent quelque relation avec un &at pathologique des ganglions centraux. Des recherches ult6rieu- res en vue de la determination de la valeur Cventuelle de ces symptb- mes pour le diagnostic des lesions ganglionnaires centrales sont Bvi- demment nixessaires et ne manquent pas d’importance. SODERBERGH compte poursuivre cette etude. En tout cas, il est intkressant de voir que, chez mon patient, les reflexes de friction (radius, cubitus, perone et arcade zygomatique) existaient du mCme cbte que les contractures, sauf pour le rkflexe frontal qui Btait bilateral. La raison physiologique de ce fait et de cette autre circonstance que la rkaction myodostonique s’observait sur les deux muscles frontaux pourrait bien &re dans la synergie usuelle des muscles frontaux. Pour finir, je rappellerai encore une fois les mouvements associ6s presentbs par mon malade: si l’on rbsistait 6nergiquement aux mouvements actifs du membre inferieur droit (flexion dorsale du pied, flexion du genou et de la hanche, adductionet rotation interne de la hanche), on obtenait A gauche une flexion dorsale du gros orteil. Avec le premier des mouvements BnumCrbs on obtenait encore la flexion dorsale de la plante du pied gauche. Les m6mes mouvements associks s’obtenaient A droite, quand on s’opposait a la flexion du genou ainsi qu’a la flexion et A l’adduction de la hanche du c6tB gauche. Le caractere commun de ces mouvements

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simultanks Btait donc d'apparaitre quand on s'opposait aux omou- vements de raccourcissemento dans le membre infkrieur de l'autre c6tB. Si l'on cherche a intercaler ce type de mouvements associks . dans le schema Btabli par PIERRE MARIE pour ced sortes de mou- vements, le mieux est de le classer parmi les syncinesies p'imita- tion; chez nion malade la syncinbsie -flexion dorsale 'du gros orteil - peut fort bien 6tre considCrBe comme l'indice d'une ))ten- tative)) de mouvement d'imitation. D'aprhs P. MARIE, ces synci- nksies constituent un groupe accompagnant ,les hemiparksies ou diplkgies ckr6brales infantiles, affections non vraiment paralyti- ques, telles que I'athCtose double, hkmiplkgies IBgeres avec hkmi- chorCe, hkmiath6tose et hkmitremblement,.

Le trait commun des sympidmes qui, dans l'observation price'- dente, se groupent sous la rubrique ))Autres constatations d u cdte' d u systeme nerveuxo (re'action musculaire myodystonique, we'flexes de friction)) et mouvements associek) est que tous ont e'te' observe's et de'crits dans des maladies qui, en l'e'tat actuel de nos connaissances, sont mises au compte des ganglions centraux. Ces symptdmes, avec l'excep- tion ci-dessus indique'e, s'e'iant montre's du m&me cdte' (gauche) que les crampes, on a des raisons se'rieuses pour penser, que le syndrome spe'cial d mon malade est imputable a une affection de ces ganglions. En faveur de cette conception plaide directement le caracidre athe'- tolde des contraciures des doigts. On est e'galement en droit de pen- ser que cetie le'sion, probablement de nature infectieuse, avait attaqud la capsule interne et le'se' les faisceaux pyramidaux, d'oh les rkfleres d ' O P P m m I M , de GORDON et, moins constamment, de BABINSKI au niveau du membre infkrieur gauche.