d’un rugbyman pofessionnel à 4 mois d’une uptue de lca

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Prise en charge Masso-Kinésithérapique D’un Rugbyman Professionnel à 4 mois d’une rupture de LCA opérée par ligamentoplastie selon la technique DIDT Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation Pays de la Loire 54, Rue de la Baugerie, 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE Nicolas CAMPION Travail Écrit de Fin d’Études En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Masseur-Kinésithérapeute Année Scolaire : 2013 - 2014 RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE

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Page 1: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

Prise en charge Masso-Kinésithérapique

D’un Rugbyman Professionnel à 4 mois d’une rupture de LCA

opérée par ligamentoplastie selon la technique DIDT

Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et

Réadaptation

Pays de la Loire

54, Rue de la Baugerie, 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE

Nicolas CAMPION

Travail Écrit de Fin d’Études

En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Masseur-Kinésithérapeute

Année Scolaire : 2013 - 2014

RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE

Page 2: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

REMERCIEMENTS

Pour la réalisation de ce travail écrit, j’ai pu bénéficier de l’aide et du soutien de plusieurs

personnes que je souhaiterais remercier :

- Fabrice Cercleron, mon tuteur à l’institut, pour sa présence, son implication et ses

conseils tout au long de l’année

- Sylvie Voyer-Moisan, la documentaliste de l’école, pour les nombreux articles et

ouvrages qu’elle m’a aidé à trouver

- Ma famille, pour son soutien au cours de ces trois années de formation

- Benoît, Christophe et Michel, grâce à qui j’ai appris beaucoup sur le métier de

Masseur-Kinésithérapeute dans le milieu du sport, et qui m’ont permis de suivre ce

cas clinique

- Et M. C. sans qui tout ce travail n’aurait pas été possible, et dont je suis fier d’avoir

participé à la rééducation.

Page 3: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

RÉSUMÉ / SUMMARY

Le cadre de rééducation d’un sportif professionnel blessé est particulier. Après une rupture

de ligament croisé antérieur opérée, plusieurs phases se succèdent. L’étude de ce cas

clinique met en lumière la phase qu’on nomme phase « d’athlétisation » chez un rugbyman

professionnel.

Il s’agit de la transition entre les premiers mois post-opératoires et la reprise de la

compétition. C’est la phase de la rééducation où le patient est le plus actif. Il s’agit de

trouver un compromis en intensifiant la dynamique de rééducation, sans pour autant mettre

en danger le patient.

Après une introduction sur le contexte de la prise en charge, suivie d’une présentation

anatomo-pathologique, les bilans masso-kinésithérapiques ainsi que le traitement détaillé

seront présentés. Puis, une réflexion sur les conditions de travail dans le milieu du sport

professionnel, illustrée d’un exemple observé sur le terrain de stage, viendra conclure ce

travail écrit.

The rehabilitation background of a professional sportsman is specific. There are several

phases after a surgery following an anterior cruciate ligament injury. This clinical case of a

professional rugby player highlights the phase called “athletization”.

This transition period takes place between the first’s postoperative months and the return to

competition. The patient is the most active during that phase. It is essential to find the right

balance in stepping up the rehabilitation process without jeopardizing the rest of the

patient’s rehabilitation.

After an introduction on the background, followed by an anatomical presentation, check up

and treatment will be presented. Then, a study of the work conditions in the field of

professional sport, illustrated by an example, will conclude this paper.

MOTS CLÉS / KEY WORDS

- Athletization

- Anterior Cruciate Ligament

- Ligamentoplasty

- Rehabilitation

- Rugby

- Athlétisation

- Ligament Croisé Antérieur

- Ligamentoplastie

- Rééducation

- Rugby

Page 4: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

SOMMAIRE

1 INTRODUCTION ................................................................................................................... 1

1.1 Contexte de prise en charge ........................................................................................ 1

1.2 Choix du patient........................................................................................................... 1

1.3 Questionnement initial ................................................................................................ 2

2 GENERALITES ....................................................................................................................... 2

2.1 Anatomie et biomécanique du genou ......................................................................... 2

2.2 Rupture du LCA ............................................................................................................ 3

2.3 Traitement conservateur ou chirurgical ...................................................................... 4

2.3.1 Traitement conservateur ..................................................................................... 4

2.3.2 Traitement chirurgical .......................................................................................... 4

2.4 Le Rugby, historique et différents postes .................................................................... 5

3 CAS CLINIQUE ...................................................................................................................... 6

3.1 Bilan Diagnostique Kinésithérapique .......................................................................... 6

3.1.1 Déficits de structure et de fonction ..................................................................... 6

3.1.2 Limitations d’activité .......................................................................................... 11

3.1.3 Restrictions de participation .............................................................................. 12

3.1.4 Diagnostic kinésithérapique ............................................................................... 12

3.1.5 Problématique .................................................................................................... 12

3.1.6 Objectifs de prise en charge ............................................................................... 13

3.2 Traitement MK ........................................................................................................... 13

3.2.1 Principes de rééducation .................................................................................... 14

3.3 Résultats .................................................................................................................... 23

4 DISCUSSION ....................................................................................................................... 25

5 CONCLUSION ..................................................................................................................... 28

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ANNEXES

Page 5: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

1

1 INTRODUCTION

1.1 Contexte de prise en charge

Ce travail écrit repose sur une prise en charge rééducative (cas clinique), réalisée au cours

d’un stage dans un club de rugby professionnel du Top 14 (première division du

championnat de France de rugby), le Stade Toulousain Rugby.

L’équipe du staff médical se compose de deux médecins généralistes et de

trois masseurs-kinésithérapeutes, travaillant en collaboration avec trois

préparateurs physiques. Leur travail se base sur le groupe des 37 joueurs

professionnels de l’équipe première, ainsi que de certains « espoirs », parfois

amenés à être surclassés en équipe A.

Au cours du stage, j’ai eu la chance d’être un des acteurs de la rééducation d’un des joueurs

du groupe professionnel. Après son opération à la Clinique du sport médico-chirurgicale

Médipole Garonne, le patient a passé une partie de sa rééducation au CERS de Saint-

Raphaël. Elle se déroule à présent au centre d’entraînement du Stade Toulousain.

1.2 Choix du patient

Il s’agit de M. C., 32 ans, joueur professionnel de rugby depuis 1998. Il a subi une rupture

totale du ligament croisé antérieur du genou droit, lors d’un match de championnat en avril

2013. Cette rupture est accompagnée d’une atteinte du ligament croisé postérieur du même

genou, ainsi que d’une lésion méniscale interne postérieure. Il est opéré le 29 avril, par

ligamentoplastie selon la technique du DIDT (Droit Interne Demi Tendineux). Au premier jour

de mon stage, il se trouve donc à 4 mois post opératoires.

Il a été le premier joueur dont je me suis occupé en soins après sa séance de musculation,

soit le premier jour de stage. La séance de soins était composée de massages de

récupération au niveau des membres inférieurs.

Cela a permis d’établir un premier contact avec le patient. Nous avons discuté des

circonstances de l’accident, du déroulement de sa rééducation jusqu’à présent, et de la

manière dont il appréhendait son avenir.

Le patient a semblé très enclin à se confier. Il possède une très bonne connaissance de son

corps, de par son métier et ses antécédents, ce qui a permis d’être très précis dans chacune

des actions effectuées. Il semble également motivé et très sérieux, ce qui s’est rapidement

confirmé par la suite.

Ce premier contact s’est très bien déroulé, ce qui a incité M. C. à me solliciter régulièrement

pour ses soins après ses différentes séances d’entraînement physique. Cela m’a donc poussé

Page 6: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

2

à participer avec mon tuteur aux premières séances de kinésithérapie, puis à les réaliser par

moi-même par la suite, avec un encadrement.

1.3 Questionnement initial

Plusieurs questions me sont venues à l’esprit au début de cette prise en charge, la principale

étant : en quoi cette prise en charge peut-elle différer d’une prise en charge « classique » de

ligamentoplastie après rupture du ligament croisé antérieur?

En effet, différents facteurs rendent le contexte de rééducation particulier :

- Le fait que le patient soit sportif de haut niveau influence-t-il sa rééducation ?

- Si oui, en quoi ?

- Quel sont les rôles du Masseur-Kinésithérapeute et du préparateur physique dans ce

type de rééducation ?

2 GENERALITES

2.1 Anatomie et biomécanique du genou

Le genou est composé de deux articulations au sein d’une même « poche » articulaire :

l’articulation fémoro-patellaire et l’articulation fémoro-tibiale (Figure 1) (l’articulation tibio-

fibulaire supérieure, bien que située dans la

région du genou, n’étant pas comprise dans cet

ensemble). (1)

Parmi les différents moyens d’union du genou,

on retrouve les ligaments. Ces ligaments sont

répartis en différents systèmes :

Le système collatéral

Le système pivot central

Le système sagittal

Les rétinaculums patellaires

Les attaches méniscales

C’est donc au système pivot central que l’on s’intéressera particulièrement ; Il est composé

des deux ligaments croisés :

Le ligament croisé antérieur (ou LCA)

Le ligament croisé postérieur (ou LCP)

Figure 1: schéma de l’articulation fémoro-tibiale en vue antérieure

Page 7: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

3

Le LCA part du tibia, au niveau de l’aire intercondylaire antérieure, pour s’insérer au niveau

du condyle fémoral latéral du fémur (partie postéro-supérieure de la face médiale). Il est

oblique en haut, en arrière et en dehors. Il est composé de deux faisceaux, torsadés entre

eux, lui permettant d’avoir systématiquement certaines fibres sous tension dans toutes les

positions articulaires du genou.

Le LCP part lui de l’aire intercondylaire postérieure, et se termine sur le condyle médial du

fémur (partie antéro-supérieure de la face latérale). Il est oblique vers le haut, l’avant et le

dedans. Il est lui aussi torsadé en deux faisceaux.

Ces deux ligaments jouent un rôle de stabilité du genou dans la limitation de certains

mouvements (2):

La rotation médiale du genou (ou rotation interne du tibia par rapport au fémur) :

l’entrecroisement des deux ligaments dans le plan transversal et leur mise en tension

limitent cette rotation.

L’hyper extension du genou

L’hyper flexion

Les glissements dans le plan sagittal du tibia par rapport au fémur (ou inversement),

donc vers l’avant ou vers l’arrière.

Si ces ligaments sont atteints, on retrouvera des mouvements anormaux au niveau de

l’articulation fémoro-tibiale : il s’agit de glissements pathologiques appelés tiroirs.

Le tiroir postérieur correspond à un glissement anormal du tibia vers l’arrière par

rapport au fémur (ou un glissement anormal vers l’avant du fémur par rapport au

tibia). Un tiroir postérieur révèle une atteinte du LCP.

Le tiroir antérieur est un glissement anormal du tibia vers l’avant par rapport au

fémur. Ce tiroir est le signe d’une atteinte du LCA.

2.2 Rupture du LCA

La rupture du LCA est la blessure ligamentaire la plus courante au niveau du genou. (3) En

effet, 40% des blessures de genoux sont des atteintes ligamentaires, dont 46% sont des

atteintes du LCA seul, et 19% des atteintes associées (ligament croisé et autre(s) lésion(s)).

On estime les atteintes de LCA dix fois plus fréquentes que celles du LCP. (4)

Classiquement, on retrouve ce genre de blessure dans les sports « pivots contacts », comme

le rugby, ainsi que les sports dits de « stop and go » comme le tennis ou le ski. Les

mécanismes entraînant une rupture de LCA correspondent à une exagération des

mouvements mettant en tension ce ligament, ou une mise en tension brutale de la

Page 8: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

4

structure. Les changements de direction brusques sont des causes fréquentes de blessure de

LCA.

2.3 Traitement conservateur ou chirurgical

A la suite d’une rupture de LCA, il existe plusieurs

options de traitement. Selon le type de patient, la

gravité de l’atteinte, et d’autres facteurs (5), un choix

sera fait entre un traitement dit conservateur, et un

traitement chirurgical (Figure 2).

2.3.1 Traitement conservateur

Le traitement conservateur a pour but la cicatrisation

du LCA par immobilisation du genou à l’aide d’une

attelle. Ceci correspond au traitement orthopédique.

On lui associe un traitement masso-kinésithérapique

précoce qui consiste à renforcer les muscles stabilisateurs du genou dans le plan sagittal

(ischio-jambiers et quadriceps) pour prendre le relais du LCA. Mais la cicatrisation d’un LCA

ne peut s’observer qu’en cas de rupture partielle de ce ligament.

2.3.2 Traitement chirurgical

2.3.2.1 Indications

Actuellement, le traitement chirurgical d’une rupture de LCA le plus pratiqué se nomme

ligamentoplastie. La pratique d’un sport contraignant, du type pivot/contact, et qui plus est

en compétition, constitue une indication majeure à ce type de traitement (Figure 2). La

ligamentoplastie consiste à remplacer le ligament rompu par un transplant prélevé sur le

genou du patient. Les techniques de suture de LCA sont aujourd’hui rares et considérées

comme dépassées par rapport aux greffes de plasties. Les résultats des ligamentoplasties

sont également meilleurs. (5)

On étudiera ici la technique dit du DIDT : Droit Interne, Demi-tendineux. Elle est basée sur le

principe de prélèvement de tendons pour le greffon : les tendons du muscle Droit Interne,

aujourd’hui appelé Gracile, et du muscle Demi-tendineux appelé aujourd’hui Semi-

tendineux.

2.3.2.2 Technique chirurgicale du DIDT

Comme énoncé précédemment, la technique du DIDT (6) est une autogreffe visant à

remplacer le ligament rompu par un néo-ligament formé de tendons. L’opération se réalise

en plusieurs temps :

Figure 2: Traitement conservateur ou chirurgical

Page 9: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

5

- Le prélèvement des tendons : il s’effectue par une incision face interne du tibia,

d’environ 2 centimètres. Il s’agit des tendons des muscles Droit-Interne (aujourd’hui

appelé Gracile), et Demi-tendineux (Semi-tendineux).

- La préparation de la greffe : les deux tendons sont pliés en deux pour obtenir un néo-

ligament à 4 brins. Cette plastie est par la suite mise sous tension.

- L’exploration du genou : elle est réalisée sous arthroscopie comme le reste de

l’opération (deux petites incisions de part et d’autre de la patella). Le but est de

déceler d’autres lésions éventuellement présentes (ménisques, autres ligaments…)

qui seront traitées ou non. Les débris du LCA sont retirés, à l’exception des insertions

qui serviront de repères.

- Le forage des tunnels : grâce à des broches guides qui servent de viseurs pour les

mèches, deux tunnels sont percés au niveau du fémur et du tibia, pour permettre

d’insérer la greffe à l’endroit exact de l’ancien ligament.

- La fixation de la greffe : il existe différents moyens de fixation de la plastie (vis

d’interférence, agrafes, endobouton, système transfixant…). Chacun est valable, c’est

donc à l’appréciation du chirurgien. La greffe est insérée dans les tunnels grâce à un

fil tracteur, puis fixée à l’aide du moyen choisi.

2.4 Le Rugby, historique et différents postes

HISTORIQUE DU STADE TOULOUSAIN

Le Stade Toulousain (S.T) est un club omnisport créé en 1907 dont la section principale est le

rugby à XV. Le club est présidé par Jean-René Bouscatel depuis 1992 et son équipe première

est entraînée par Guy Novès depuis 1989. Avec 19 titres de champion de France, le ST

possède le plus beau palmarès du rugby français. Il est considéré comme un des meilleurs

clubs d’Europe, avec 4 titres en Heineken-Cup (Coupe d’Europe).

LE RUGBY A XV ET LES DIFFERENTS POSTES

Une équipe de rugby est composée de 15 joueurs répartis en deux groupes, les avants et les

arrières. Parmi les arrières, on distingue 7 joueurs aux postes bien définis :

Le demi de mêlée et le demi d’ouverture, portant les numéros 9 et 10, forment ce

que l’on appelle la charnière

Les centres, portant les numéros 12 et 13 forment, avec les ailiers, la ligne des trois-

quarts

L’arrière, portant le numéro 15

Et enfin les ailiers, portant les numéros 11 et 14

Ailier est le poste de M. C. au sein de son club. Les ailiers sont supposés être les joueurs les

plus rapides de leur équipe. En effet, certains ailiers internationaux peuvent courir le 100m

Page 10: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

6

en moins de 11 secondes. Ils sont les finisseurs, les marqueurs d’essais. On leur associe

généralement un petit gabarit. Trapus et véloces, ils sont choisis pour leur agilité. Beaucoup

de courses en zig-zag leur sont demandées, ainsi que des feintes et autres crochets,

sollicitant énormément des pivots de genoux parfois brutaux. Ils sont également de bons

plaqueurs car représentent souvent la dernière ligne de défense face à une contre-attaque

adverse, ce qui explique leur musculature imposante.

3 CAS CLINIQUE

3.1 Bilan Diagnostique Kinésithérapique

3.1.1 Déficits de structure et de fonction

3.1.1.1 Interrogatoire du patient

M. C, 32 ans, droitier est marié et a une fille de 3 ans. Il habite dans une maison à étages à

Toulouse. Rugbyman professionnel depuis 1998, il évolue au poste de trois quarts aile (ou

ailier). Mr C. est également codirigeant d’une entreprise de marketing sportif. Ses principaux

loisirs : voyager, jouer du piano, et surtout s’occuper de sa fille.

3.1.1.2 Histoire de la pathologie

Lors d’un match de championnat, M. C. s’est rompu le ligament croisé antérieur (LCA) du

genou droit sur une reprise d’appui. Cette rupture a été associée à une atteinte du ligament

croisé postérieur (LCP) visible par IRM, ainsi qu’une lésion méniscale postéro-interne.

Suite à cet accident, M. C. a été opéré à la clinique médico-chirurgicale du sport Médipole

Garonne. Le chirurgien a réalisé une ligamentoplastie par DIDT (Droit-Interne Demi-

tendineux) du ligament croisé antérieur. En ce qui concerne l’atteinte du LCP, l’un des

faisceaux du ligament est resté en continuité, par conséquent aucune plastie n’a été

réalisée. La lésion méniscale quant à elle a été jugée stable par le chirurgien.

Suite à l’hospitalisation, les consignes du chirurgien étaient les suivantes :

- Immobilisation du genou droit par attelle articulée pour permettre la cicatrisation du

LCP pendant un mois. L’appui est autorisé.

- Récupération articulaire sans restriction sauf la douleur.

- Mr C peut bénéficier d’un travail de réveil musculaire quadricipital, ainsi que

d’exercices de réveil isométrique des ischio-jambiers.

Le traitement médical de M. C. à sa sortie de la clinique est composé d’un anticoagulant anti-

thrombotique (INNOHEP® 4500), d’un anti-inflammatoires (PROFENID® 100 LP), et de

plusieurs antalgiques (PROFENID® et IXPRIM®).

Page 11: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

7

La rééducation du patient se déroule au centre d’entraînement du Stade Toulousain, où il est

suivi par un médecin, un masseur-kinésithérapeute, et un préparateur physique.

Ses antécédents majeurs sont les suivants :

- Péritonite à l’âge de 17 ans

- Rupture du LCA du genou gauche en Avril 2008

A trois mois de sa ligamentoplastie, M. C. revoit le chirurgien pour un bilan. L’évolution est

jugée excellente :

- Le genou est sec et les amplitudes ont presque été récupérées (flexion équivalente

au côté sain, mais persistance d’un léger flessum en extension)

- Le test de Lachman est négatif (arrêt dur et précoce), mais on retrouve un arrêt mou

lors du tiroir postérieur.

- Le patient ne ressent pas de douleur au niveau méniscal.

- La récupération musculaire et proprioceptive est d’excellente qualité.

Il estime que le patient peut reprendre progressivement la course à pied.

Nous voici à 4 mois de l’opération de M. C.

3.1.1.3 Projet du patient

Pour M. C. l’objectif est clair, il souhaite pouvoir reprendre le rugby avec l’équipe première

de son club, et pourquoi pas le XV de France. En effet, à 32 ans, le patient arrive plutôt en fin

de carrière internationale, mais il veut pouvoir décider quand prendre sa retraite, qui serait

ici prématurée s’il devait s’arrêter à cause de la blessure. Le patient a donc beaucoup

d’exigences, et attend beaucoup de sa rééducation.

3.1.1.4 Bilan de la douleur

L’évaluation de la douleur du patient a été mesurée par une échelle numérique (EN), de 0 à

10, 0 correspondant à une absence de douleur, et 10 la douleur maximale imaginable :

Au repos, M. C ne ressent aucune douleur, soit 0/10 sur l’échelle numérique.

Après une séance de physique où son genou est sollicité (exemple : course à pied), il

cote sa douleur entre 2 et 3/10. Il la situe face antérieure du genou droit, en

périphérie de la patella. Cette douleur n’apparaît pas lors de la sollicitation du genou

pendant l’effort, mais en fin de séance de kinésithérapie ou d’entraînement

physique.

Il ressent également une gêne face postéro-interne du même genou, derrière sa

cicatrice, à l’endroit de la plastie, mais il la décrit vraiment comme une gêne et non

une douleur.

Page 12: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

8

3.1.1.5 Bilan cutané, trophique et vasculaire

Le genou de M. C. est sec, soit aucun œdème à signaler, celui-ci s’étant complètement

résorbé. En effet les périmétries des deux genoux sont égales au niveau de la base de la

patella.

Le bilan cutané révèle plusieurs cicatrices, marques des antécédents du patient :

une cicatrice à deux travers de doigts en interne de l’épine iliaque antéro-supérieure

droite, datant de la péritonite de M. C. Malgré son ancienneté, cette cicatrice est

encore adhérente.

une cicatrice face externe de genou gauche d’une dizaine de centimètres, résultat de

la ligamentoplastie du genou gauche du patient en 2008. La cicatrice est blanche

(non inflammatoire) et n’est pas adhérente.

La cicatrice résultant de la ligamentoplastie étudiée se situe face postéro-interne du genou

droit et mesure entre 2 et 3 centimètres.

Elle n’est pas inflammatoire et n’est presque plus adhérente même si les plans cutanés

manquent de mobilité dans cette zone par rapport au côté sain.

Au niveau de la trophicité, on note une différence de périmétrie entre les deux membres

inférieurs (Figure 3). Cette différence est visible au niveau du galbe du quadriceps, plus

volumineux au niveau du membre sain (jusqu’à 2cm).

En revanche, le périmètre du mollet droit est nettement plus important du côté opéré

(+2,5cm à 15cm sous la patella).

Distance de la base de la

patella (en centimètres)

Périmètre membre inférieur

gauche (en centimètres)

Périmètre membre inférieur

droit (en centimètres)

+ 15 54 53,5

+ 10 50,5 48,5

+ 5 45 44

Base de la patella 41 41

- 15 38,5 41

Figure 3: Mesures du bilan de la trophicité aux membres inférieurs

Page 13: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

9

3.1.1.6 Bilan articulaire et ligamentaire

Sur le plan articulaire, M. C. a récupéré ses amplitudes d’avant la blessure. La flexion de

genou est équivalente des deux côtés. En revanche, un léger flessum persiste au niveau du

genou droit. Le déficit d’extension passive est

mesuré entre 1 et 5° suivant le degré

d’échauffement.

Un bilan ligamentaire précis a pu être réalisé

grâce à un Masseur-Kinésithérapeute Diplômé

d’Etat formé en laximétrie instrumentale (7),

ayant réalisé une séance de monitoring à M. C.

au début du mois de septembre (Figure 4).

Ces séances mensuelles permettent de

mesurer l’évolution de la greffe au sein du genou du patient. Les données de la séance du

mois de septembre montrent que la greffe évolue favorablement au sein de l’articulation.

Le comportement ligamentaire a aussi été testé, en comparant les données de l’appareil, en

pré et post-effort, l’effort correspondant à un protocole spécial pivot mis en place. Selon les

résultats (Figure 5), la greffe tolère bien le protocole. (ANNEXE 1)

En effet, comme l’explique Piret (7), le parallélisme des pentes, c’est-à-dire un

comportement de la plastie se rapprochant de l’autre genou, tend à montrer une évolution

favorable du transplant en rééducation.

Figure 4: Appareil de GnRB® de laximétrie instrumentale

Figure 5 : Résultats laximétrie instrumentale en pré et post-effort

Page 14: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

10

3.1.1.7 Bilan musculaire

Au niveau palpatoire, j’ai relevé certaines tensions

musculaires au niveau du membre inférieur droit du

patient, en comparant la texture musculaire avec celle

du membre sain. En effet, le biceps fémoral droit de M.

C. peut être qualifié de raide (au repos), voire

contracturé après une séance d’entraînement physique.

Sa palpation est douloureuse pour le patient.

Comme dans le cas de l’évaluation ligamentaire réalisée

à l’aide la laximétrie instrumentale, M. C. a également

bénéficié d’une analyse détaillée du comportement musculaire de ses membres inférieurs,

ainsi que de certains muscles du tronc. Cette analyse a été réalisée par Tensiomyographie (8)

(9) (Figure 6) : deux électrodes déclenchent une contraction du muscle cible, et un capteur

de déplacement va calculer les paramètres

suivants (Figure 7):

- Le délai de contraction

- Le temps de contraction

- Le temps de repos

- Le déplacement du ventre musculaire

Les résultats (ANNEXE 2) de cette analyse ont

montré une fatigabilité du biceps fémoral droit,

avec un temps de repos plus important par rapport au côté gauche, pouvant expliquer les

contractures et douleurs après l’entraînement physique. Ce muscle a besoin de plus de

temps pour pouvoir se re-contracter de façon optimale après une première sollicitation.

- Globalement, les ischio-jambiers droits présentent des signes de faiblesse par

rapport au côté sain.

- Le quadriceps quant à lui a récupéré des valeurs similaires au côté sain.

3.1.1.8 Bilan cardio-respiratoire

Il n’y a pas d’anomalie au niveau cardio-respiratoire chez M. C. En effet, sa condition

physique est équivalente à celle qu’il avait avant son accident. Il se décrit comme « affuté ».

Figure 6: Analyse musculaire par Tensiomyographie (TMG)

Figure 7: Paramètres musculaires TMG

Page 15: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

11

3.1.1.9 Bilan de l’équilibre

En ce qui concerne l’équilibre statique, on décèle un

léger report d’appui du côté gauche (côté sain). Cette

différence a été mise en évidence sur plateforme de

posture (Figure 8).

L’analyse de l’équilibre dynamique a pu être effectuée

avec l’analyse musculaire par Tensiomyographie

(ANNEXE 2). Elle révèle également un report des

contraintes du côté sain. On relève une asymétrie

importante notamment au niveau des adducteurs,

traduisant un défaut de répartition des contraintes dans

le plan frontal.

3.1.1.10 Bilan psychologique

Sur le plan psychologique, M. C. fait preuve d’une grande motivation. Il est conscient de la

gravité de sa blessure, et reste malgré tout très impliqué dans sa rééducation. Plusieurs

facteurs positifs sont à noter :

- Il s’agit d’une blessure équivalente à celle subie en 2008, par conséquent il n’est pas

dans l’inconnue.

- Il peut compter sur un soutien important de la part de son entourage, des autres

joueurs et du staff

- Sa volonté de retrouver son plus haut niveau est présente

- Il bénéficie d’un encadrement quotidien, et les professionnels faisant partie de cet

encadrement sont très attentifs à l’évolution de sa rééducation.

3.1.1.11 Bilan Fonctionnel

Au niveau fonctionnel, M. C. marche sans aucune boiterie. Au moment du bilan, il est

capable de courir sans appréhension et de réaliser des sauts sur chaque pied.

En revanche, il n’a pas repris les pivots du genou ni le sprint.

3.1.2 Limitations d’activité

Les déficits de fonction et de structure énumérés ci-dessus sont à l’origine des limitations

suivantes :

- Courir à vitesse élevée n’est pas encore possible pour M. C., et il en va de même pour

tous les déplacements caractéristiques de son poste :

Courses en zig-zag

Figure 8: Résultats plateforme de posture

Page 16: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

12

Cadrages débordements : qui consistent à fixer un défenseur en courant dans sa

direction (cadrage), puis à le déborder sur un côté par un brusque changement de

direction (débordement) et une accélération.

- Après la notion de vitesse, celle d’endurance est également à prendre en compte : en

effet les déficits présents au niveau du genou droit, ainsi que l’appréhension de M. C.

l’empêchent de tenir la cadence qu’il pouvait tenir avant sa blessure. Tout cela

malgré le fait que le patient ait parfaitement récupéré sur le plan cardio-respiratoire

ou sur le plan musculaire global.

- Les plaquages, première arme du joueur de rugby, ne lui sont pas encore possibles

non plus. S’entraîner à cette pratique serait dangereux avec l’instabilité encore

présente au niveau du genou droit du patient, ainsi que son appréhension.

3.1.3 Restrictions de participation

Ces limitations d’activité empêchent M. C. de jouer au rugby, donc d’exercer son activité

professionnelle principale :

- Les entraînements séparés (uniquement les ¾) ou en groupe avec des oppositions

(simulations de matches) lui sont impossibles.

- Il ne peut donc pas faire partie du groupe pour les matches.

3.1.4 Diagnostic kinésithérapique

M. C. a été victime d’une rupture du LCA du genou droit en avril 2013, opérée par

ligamentoplastie selon la technique du DIDT.

Mon arrivée intervient à 4 mois après l’opération. A ce stade de la rééducation, le patient

présente un déficit global de force musculaire au niveau des ischio-jambiers droits qui sont

fatigables par rapport au côté gauche. Ces faiblesses empêchent M. C. de courir à vitesse

élevée et dans la durée.

Les douleurs résiduelles ainsi que l’appréhension du patient par rapport à son genou droit

entraînent une impossibilité à réaliser tous les déplacements caractéristiques du rugby.

Par conséquent, M. C. n’est pas encore apte à reprendre son activité professionnelle.

3.1.5 Problématique

La problématique de cette prise en charge est la suivante : comment gérer la

rééducation du patient, tout en lui permettant de retrouver ses aptitudes physiques

pour la reprise de la compétition ? Cette question en sous-entend donc une autre :

quelles sont les conditions de travail dans le milieu du sport professionnel ?

Page 17: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

13

3.1.6 Objectifs de prise en charge

Pour guider la rééducation de M. C., voici les objectifs suivis pour la prise en charge

rééducative :

- Récupérer une force musculaire équivalente au niveau des deux membres inférieurs,

et suffisante pour reprendre le rugby en compétition.

- Lutter contre les douleurs résiduelles.

- Faire disparaître l’appréhension du patient par rapport à ce genou droit.

- Récupérer l’extension complète au niveau du genou droit, ainsi qu’une souplesse

musculaire globale au niveau des membres inférieurs.

- Lutter contre les adhérences et la raideur cutanée au niveau de la zone cicatricielle.

- Permettre à M. C. de reprendre le rugby parmi l’équipe première de son club.

3.2 Traitement MK

La rééducation de M. C. s’effectue grâce à une collaboration étroite entre les

Kinésithérapeutes et les préparateurs physiques du club. Il s’agit à la fois de gérer le

traitement du genou du patient à proprement parler, et de retrouver et entretenir les

capacités physiques et sportives et l’athlète.

Par conséquent, le planning de M. C. se partage entre les séances suivantes :

- Entraînement physique individuel, encadré par le préparateur physique, comprenant

de la musculation du tronc et des membres supérieures et des exercices basés sur

l’entretien cardio-respiratoire et musculaire (cycloergomètre, course...).

- Kinésithérapie pré et post-physique, comprenant les soins globaux et la rééducation

du genou.

Je développerai ici le déroulement des séances de kinésithérapie (traitement MK), ainsi que

les exercices d’entraînement physique ayant un lien direct avec la rééducation de M. C.

(exercices membres inférieurs). Je ne parlerai donc pas du renforcement musculaire des

membres supérieurs et du tronc (séances de musculation pure).

La durée de ce stage est de 6 semaines. J’aborderai donc le traitement semaine après

semaine.

Page 18: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

14

3.2.1 Principes de rééducation

Durant toute mon intervention, le principe de la non-douleur est suivi.

Il s’agit de trouver un compromis entre les principes suivants :

- Exploiter au maximum les capacités du patient, en étant dynamique dans la

rééducation

- Respecter la plastie du genou en freinant éventuellement le patient

SEMAINE 1 : J+120 post-opération

Pour cette première semaine de stage, M. C. m’a sollicité après ses séances d’entraînement

physique pour lui prodiguer des soins au niveau des membres inférieurs.

Les soins consistent en des massages de récupération globaux des membres inférieurs, avec

une dominante sur la zone du genou droit. M. C. vient donc en salle de kinésithérapie après

avoir pris une douche. Il est habituellement en short ou en sous-vêtements.

- Les groupes musculaires cibles sont les suivants :

Triceps suraux

Ischio-jambiers

Quadriceps

Adducteurs et abducteurs de hanche

Fessiers

- Les objectifs de ces massages sont de lutter contre d’éventuelles douleurs ou gènes que

ressentent le patient, et de détendre et assouplir les différents groupes musculaires

ciblés.

Ils sont donc systématiquement précédés d’un interrogatoire sur le ressenti actuel du

patient, et d’une palpation pour rechercher des zones douloureuses.

- L’installation se fait en fonction des zones à masser, et se base avant tout sur le confort

du patient. Le but est de garder la même position le plus longtemps possible, ou de

changer de position un minimum de fois. En effet, on cherchera toujours à mettre en

place un climat de relaxation et de bien-être, favorable à l’objectif de détente

musculaire.

Tout d’abord, M. C. s’installe en décubitus dorsal, avec la têtière relevée (position semi-

assise). On place un coussin cylindrique ou demi-cylindrique sous les genoux pour le

confort du patient. Cette position permet d’avoir un accès aux quadriceps ainsi qu’aux

adducteurs et aux abducteurs de hanche, tout en gardant un contact visuel entre le

praticien et le patient. Elle est idéale pour s’entretenir avec le patient tout en le massant.

Page 19: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

15

Puis après, M. C. s’installe en procubitus avec un coussin sous les chevilles ou les pieds

en dehors de la table, et peut complètement se relâcher (il ne changera plus de position).

Dans cette position, je peux masser les triceps, les ischio-jambiers et les fessiers en

continuité.

- En ce qui concerne le matériel, j’utilise une crème de massage neutre, ou de l’huile de

massage.

- J’emploie différentes techniques (10), qui varient selon les zones à masser :

Les effleurages : il s’agit d’un glissement des mains sans réelle pression dont l’action est

limitée aux téguments. Ces manœuvres me servent ici à prendre contact avec le patient, à

ressentir son état de tension et à étaler l’huile ou la crème utilisée. Je les utilise également,

entre deux autres manœuvres, pour garder un contact permanent et pour laisser les muscles

se relâcher entre deux manœuvres ciblant les muscles.

Les pressions glissées profondes : il s’agit de manœuvres équivalentes aux effleurages, mais

dont l’intensité est plus importante. Il s’agit ici de cibler les plans sous-jacents, donc les

muscles. L’utilisation de ces pressions glissées dans le sens disto-proximal a un effet

circulatoire important, bénéfique pour le drainage d’un membre en récupération.

Les pétrissages superficiels : il s’agit de décoller la peau des plans sous-jacents en réalisant

un pli de peau que l’on cherchera à mobiliser. J’utilise cette manœuvre exclusivement sur la

zone cicatricielle, l’objectif étant d’assouplir la peau et de lui redonner sa mobilité

antérieure. On évite ainsi l’apparition d’adhérences sous-cutanées au niveau de la cicatrice,

qui peuvent être à l’origine d’une limitation d’extension de genou. La cicatrice n’étant plus

inflammatoire, ces manœuvres peuvent être réalisées sans aucune douleur ou gène du

patient.

Les pétrissages profonds : c’est la manœuvre musculaire par excellence. Ils se basent sur le

même principe que les pétrissages superficiels, mais sont à visée musculaire. Je saisis ici les

masses musculaires charnues et entraîne des torsions et des étirements de ces muscles. Les

pétrissages peuvent être longitudinaux (manœuvre dans le sens des fibres musculaires) ou

transversaux (perpendiculaire au sens des fibres). Je les emploie surtout sur les triceps

suraux ou les fessiers.

Pressions statiques et frictions : comme son nom l’indique, la pression statique est un appui

plus ou moins fort, localisé sur un plan sous-jacent résistant. On les utilise pour faire céder

un spasme ou une contracture musculaire, en les accompagnant de frictions, qui sont des

manœuvres permettant le glissement d’un plan anatomique sur un autre.

Page 20: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

16

- La durée de ces massages varie en fonction de l’état de fatigue du patient et des

douleurs ressenties : la séance de soins peut aller de 30 minutes (en général en début de

semaine) à plus d’une heure lorsque l’état de fatigue (musculaire et globale) de M. C. est

important (souvent le vendredi : dernière séance de la semaine).

Les massages ont une autre utilité que la récupération dans la prise en charge de M. C. En

effet, certaines manœuvres, effectuées de façon plus intenses et rapides, servent de

préparation avant un entraînement physique :

Il s’agit ici « d’échauffer » le système locomoteur (ici les membres inférieurs) par des

manœuvres de forte intensité, stimulant le métabolisme musculaire et la sensibilité

proprioceptive. Outre ces effets physiologiques, le massage avant l’effort sportif a un impact

psychologique important, en donnant cette sensation d’échauffement au sportif, même s’il

ne remplace en rien un échauffement actif.

Pour m’aider dans le travail cicatriciel, en plus des pétrissages

superficiels, j’ai pu disposer du LPG Cellu M6® (Figure 9).

L’utilisation de cet outil de rééducation permet de lutter contre

les adhérences sous-cutanées et une éventuelle fibrose.

Le LPG repose sur une technique d’aspiration, possible grâce à

une tête reliée à un corps aspirant, tête composée de rouleaux

motorisés permettant la mise en forme d’un pli cutané. Cette

technique équivaut à un palper-rouler (pétrissage superficiel),

accompagné d’un effet vascularisant et d’un effet défibrosant :

Le massage de la tête de l’appareil

(par le biais des rouleaux

motorisés) (Figure 10) permet de relancer, ou ici de stimuler la

vascularisation.

La mobilisation de ce pli cutané a un effet d’assouplissement

tissulaire, recherché ici pour lutter contre d’éventuelles

rétractions cutanées.

Lors de l’utilisation du LPG (qui peut durer jusqu’à 10 minutes

environ), j’applique la tête dans le sens de la cicatrice

(aspirations longitudinales) et de façon perpendiculaire sur

toute la longueur (aspirations transversales). Selon le ressenti de M. C. j’augmente ou

diminue l’intensité de l’aspiration. Cette pratique est très bien tolérée par le patient.

Figure 9: LPG Cellu M6

Figure 10 : Rouleaux motorisés de la tête du LPG

Page 21: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

17

Suite à la séance de soins, M. C. va en salle de balnéothérapie.

Il peut ainsi bénéficier de l’utilisation des bains chauds et

froids (Figure 11). Ce procédé, aussi appelé « Contrast Water

Therapy» est utilisé pour la récupération après un effort

sportif, soit ici la succession de séances d’entraînement

physique et de kinésithérapie.

L’eau froide (10 à 12°C) a un effet vasoconstricteur, qui

diminue les inflammations et ralentit le métabolisme du corps.

L’eau chaude (38 à 40°) a un effet vasodilatateur entraînant une accélération de la

circulation sanguine, soit un apport en oxygène important.

L’alternance des deux procédés entraîne un effet de pompe bénéfique pour la récupération

musculaire après un effort, en particulier dans les sports de contact comme le rugby (11).

SEMAINE 2

La deuxième semaine de mon stage marque la reprise du travail actif du quadriceps du

patient en chaîne cinétique ouverte de façon intensive :

Une chaîne cinétique ouverte correspond à un travail dans lequel l’articulation terminale est

libre. Il s’agit donc d’exercices en décharge dans ce cas précis. Ces exercices sont

complémentaires avec le travail en chaîne cinétique fermée (l’articulation terminale

rencontre une résistance externe) confié à M. C. par le préparateur physique (Squat, presse).

L’objectif de cette association (chaînes cinétiques ouverte et fermée) est d’obtenir une

meilleure récupération musculaire, et un genou stable (12).

M. C. se positionne assis en bout de table, le tronc droit, et les mains agrippant le bord de

table pour se stabiliser.

J’applique ma résistance au niveau de la jambe, en alternant le positionnement de ma main

pour faire varier le bras de levier :

Plus la main sera proche du genou, plus le bras de levier sera court.

Plus la main sera proche du pied, plus le bras de levier sera long.

La difficulté de l’exercice augmente avec la longueur du bras de levier.

Je procède ici à trois types d’exercices :

Figure 11 : Bain froid

Page 22: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

18

- Un travail concentrique, soit des mouvements contre résistance d’extension du

genou. M. C. a pour consigne ici de tendre son genou en poussant contre ma main.

Des séries de 10 mouvements contrariés sont ici réalisées (3 séries le premier jour de

la semaine). L’objectif des contractions concentriques est un renforcement pur des

différents chefs du quadriceps.

- Un travail statique, où le patient doit garder son genou dans la position que je lui

donne en résistant à l’application de ma main. J’utilise les contractions statiques en

fin d’extension concentrique, où je demande à M. C. de garder son genou tendu en

résistant à la force que j’applique (je tente de faire fléchir son genou). Le but ici est la

stabilisation du genou.

- Un travail excentrique, où le patient doit freiner la flexion forcée du genou. Là aussi,

je procède à des séries de 10 mouvements. M. C. part genou tendu, et il a pour

consigne de m’empêcher de plier son genou. Ces contractions excentriques ont pour

objectif de favoriser la protection du genou par le quadriceps. En effet, le quadriceps

est le muscle limitant du glissement postérieur du tibia par rapport au fémur. On

cherche donc ici à protéger le ligament croisé postérieur.

J’accompagne chacune des contractions effectuées par le patient d’encouragements verbaux

afin de le stimuler pour obtenir les meilleurs résultats possibles.

Chaque série est entrecoupée de temps de repos allant de 30 secondes à une minute,

équivalant environ au temps de travail.

Ces exercices peuvent être réalisés de façon progressive. En effet, je peux augmenter la

difficulté sur différents points :

- Augmenter le bras de levier permet d’augmenter directement la force de résistance

appliquée.

- Augmenter le nombre de séries, pour avoir un impact sur l’endurance, ainsi

qu’augmenter le nombre de répétitions dans chaque série. Je privilégie ici

l’augmentation du nombre de séries.

- Diminuer le temps de repos entre chaque série permet de stimuler la réactivité des

fibres musculaires.

Ces exercices viennent en complément du travail effectué par M. C. avec mon référent de

stage sur le Cybex Norm® : un appareil d’isocinétisme que le Stade Toulousain possède. Ce

travail ne sera pas développé ici car il s’agit d’un programme réalisé entièrement par mon

tuteur, dont je n’ai été qu’ « observateur ».

Page 23: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

19

Au cours des séances de soins de cette semaine, je me focalise sur l’objectif de gain

d’amplitude en extension du genou. Par conséquent, j’accompagne les massages

d’étirements et de techniques de massages étirements en visant les muscles postérieurs

(Ischio-jambiers), responsables de cette limitation. On cherche ici à retrouver de la souplesse

au niveau de la chaîne postérieure des membres inférieurs (13).

Pour réaliser des étirements passifs de la chaîne postérieure au niveau des membres

inférieurs, M. C. s’installe en décubitus dorsal. Je me positionne assis, presque en bout de

table, et positionne sa jambe droite sur mon épaule. Je peux amener ainsi les Ischio-Jambiers

et le Grand Fessier en position longue. Pour appliquer un étirement sur le Triceps Sural,

j’amène la cheville du patient en flexion dorsale à l’aide de ma main droite.

Pour que l’étirement soit efficace, je demande à M. C. de m’indiquer son seuil de tolérance,

pour ne pas le franchir et risquer une lésion musculaire. Je maintiens la position d’étirement

maximal environ 30 secondes, puis je relâche. Cet étirement est réalisé plusieurs fois, et aux

deux membres inférieurs.

Durant cette deuxième semaine de stage (J+4 mois et demi), le préparateur physique de M.

C. a contacté un athlète professionnel, spécialiste du 800 mètres, pour venir courir avec lui.

Une séance avec l’athlète est donc organisée le jeudi après-midi, dans un but de

réentraînement à l’effort en endurance à vitesse moyenne (de 15 à 20 km/h). Cette séance

est basée sur un échauffement, puis deux fois 5 minutes, avec 30 secondes d’effort, et 30

secondes de repos (marche).

Après cette séance, M. C. ressent une gêne en face postérieure du genou, ainsi qu’une

fatigue musculaire ciblée au niveau des Ischio-Jambiers (le Biceps Fémoral précisément). Je

cible donc les soins sur les douleurs du patient, et m’attarde sur des massages

décontracturants des membres inférieurs, plus particulièrement des Ischio-Jambiers.

SEMAINE 3

Durant la troisième semaine, la coordination entre séances de kinésithérapie et préparation

physique est primordiale. L’objectif ici est d’être complémentaire dans les deux disciplines,

pour ne pas surcharger le patient en lui faisant prendre des risques.

Les séances de physique de M. C. cette semaine sont composées de montées et descentes

d’escaliers, ainsi que de course freinée avec un parachute. Il s’agit donc d’un travail

dynamique de renforcement des membres inférieurs.

Page 24: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

20

Les séances de kinésithérapie sont donc basées sur un travail plus statique, axé sur

l’équilibre et la proprioception :

Je propose ainsi des exercices d’équilibre statique debout, en

monopodal (équilibre sur un pied) à M. C (Figure 12). La première

consigne est de tenir la position le plus longtemps possible, sur un

pied, puis sur l’autre. Puis j’augmente la difficulté en demandant au

patient de fermer les yeux. On shunte ainsi l’entrée visuelle, pour

privilégier le travail proprioceptif. L’exercice progresse encore

lorsque M. C. se place sur une surface instable (tapis mou puis

plateau instable).

Pour un aspect plus dynamique de l’équilibre, je donne

pour consigne à M. C. de partir de la position suivante : en

équilibre sur le pied droit, l’autre membre inférieur

(gauche) en triple extension et le bras gauche en flexion

(Figure 13). Puis il amène à grande vitesse son membre

inférieur gauche en triple flexion et le bras droit en

flexion. Le patient doit se stabiliser dans les deux positions

et aller de l’une à l’autre. Ces exercices ont pour but

d’améliorer l’équilibre debout de Mr C, mais aussi de rééquilibrer les contraintes debout, en

insistant sur le côté droit.

Toujours sur un mode statique, je propose à M. C. des exercices à visée stabilisatrice pour

son genou droit. L’objectif ici est de renforcer en statique les muscles limitant les tiroirs

(ischio-jambiers et quadriceps) en tenant des postures. J’ajoute également une composante

de proprioception à l’aide d’un ballon de Klein ou d’un coussin.

Sur le principe du ponté pelvien, M. C. s’allonge au sol en

décubitus dorsal, tend sa jambe droite et la place sur le ballon

de Klein (que je stabilise avec mes pieds). Sa consigne est de

décoller les fesses du sol et de tenir la position (Figure 14). Les

ischio-jambiers réalisent donc ici leur travail de stabilisation du

genou en empêchant le tiroir antérieur. Il s’agit d’un exercice en

chaîne cinétique fermée, qui vise le Grand Fessier et surtout les

Ischio-Jambiers.

Figure 12 : Exercice d'équilibre monopodal statique

Figure 13 : Exercice équilibre monopodal dynamique

Figure 14 : Exercice stabilisation Ischio-Jambiers

Page 25: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

21

Pour limiter le tiroir postérieur, je vise le renforcement statique

du Quadriceps. M. C. s’installe au sol en procubitus, un coussin

sous les pieds, et a pour consigne de décoller les genoux et le

bassin du sol, et de tenir la position (Figure 15). Ce travail en

chaîne cinétique fermée du Quadriceps fait également

travailler le muscle Ilio-Psoas dans la stabilisation de la hanche.

Pour les séances de soins de la semaine, j’utilise les programmes de récupération musculaire

du LPG. Des études consignées par Portero et Vernet dans leur article (14) ont montré

l’efficacité de cet appareil dans la récupération après l’effort sur les masses musculaires, en

luttant contre la fatigue musculaire et les éventuelles courbatures. Certains des résultats de

mes bilans le montreront aussi dans le cas de M. C.

Le principe est une mobilisation du tissu musculaire et des fascias. Le tissu saisi est travaillé

de façon continue ou discontinue entre les deux rouleaux motorisés.

Les zones cibles sont les masses musculaires des membres inférieurs suivantes :

Fessiers

Ischio-jambiers

Quadriceps

Triceps sural

La durée de ce type de traitement est d’environ 20 minutes (10 sur chaque membre), et

j’augmente l’intensité d’aspiration et mobilisation en fonction de la tolérance au traitement

du patient.

J’applique la tête de manière longitudinale et transversale afin de pouvoir solliciter au

maximum les fibres musculaires.

SEMAINE 4

La 4e semaine de traitement permet d’introduire des exercices

préparant le patient à la reprise des pivots. Grâce aux

installations du Stade, M. C. peut bénéficier de l’utilisation d’un

bassin de balnéothérapie (Figure 16).

L’eau en piscine permet de réaliser des exercices en diminuant

toutes les contraintes (poids, appuis au sol…).

Figure 15 : Exercice stabilisation Quadriceps

Figure 16 : Bassin de balnéothérapie du Stade Toulousain

Page 26: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

22

La consigne pour M. C. est de faire des pas chassés. Il s’agit d’appuis latéraux constituant un

bon exercice de préparation aux pivots. Le patient fait donc des longueurs de bassin en

changeant de côté pour les appuis afin de solliciter les structures médiales et latérales du

genou. Après quelques longueurs d’échauffement, je demande à M. C. de changer de

direction à mon signal sonore (je frappe dans les mains) pour stimuler sa réactivité.

En séances d’entraînement physique, le préparateur a mis en place un exercice que je trouve

pertinent d’évoquer au niveau du traitement de M. C. dans le cadre de la rééducation aux

pivots. Il s’agit d’une poursuite en boxe.

M. C. doit avancer en frappant les protections du préparateur physique, en alternant gauche

et droite. Le préparateur, tout en reculant, décide de la trajectoire que prend le patient en

avançant. Il induit donc de légers changements de direction, se rapprochant des pivots. C’est

également un bon travail d’endurance cardiaque dans le reconditionnement à l’effort

intense.

Au cours des séances de soins de la semaine, le patient bénéficie de l’intervention de mon

référent de stage qui applique des techniques s’inspirant de la méthode Mézières (15). Ces

techniques sont appliquées dans un but de reprogrammation du schéma moteur des

membres inférieurs : « le patient apprend comment réaxer, aligner et étirer dans l’axe un

corps qui, pour diverses raisons, dévie » selon Denys-Struyf dans son manuel de méziériste.

Il utilise ici des postures en décubitus dorsal, hanches à 90° et genoux tendus, pour pouvoir

reprogrammer les muscles Grands Fessiers, afin de déprogrammer le travail des adducteurs,

et soulager les muscles ischio-jambiers.

Etant seulement spectateur de ces techniques kinésithérapiques, je ne développerai pas le

sujet dans ce travail écrit, tout comme l’utilisation de l’isocinétisme.

SEMAINES 5 ET 6 : J+5 mois

Les dernières semaines de traitement pendant ma présence sont surtout marquées par

l’intensification des exercices proposés à M. C., accompagnés des séances de soins

habituelles, et la reprise des pivots à proprement parler.

Certains exercices, mis en place par une collaboration avec le préparateur physique,

permettent de mettre le patient dans des conditions « type rugby » :

Sur le même schéma que la poursuite en boxe, le préparateur physique se munit d’un

bouclier en mousse (ceux utilisés pour les oppositions à l’entraînement). Au lieu de frapper

avec les poings, M. C a pour consigne de venir percuter le bouclier, comme pour un impact

Page 27: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

23

lors d’un match. Le préparateur peut à nouveau faire changer le patient de direction à sa

guise, pour lui imposer des mouvements en pivots des genoux.

Nous avons mis un en place un autre exercice sollicitant les pivots, et permettant au patient

de ré-appréhender les plaquages. Il se tient entouré de plusieurs coussins type cylindrique

de grande taille, et doit venir les plaquer au sol les uns après les autres, en revenant à son

point de départ après chaque plaquage. Cet exercice est très complet car il sollicite les

changements de direction rapides, les pivots et reprises d’appui, la course avant et la course

arrière. Il est également très stimulant pour le patient, en plus d’encouragements verbaux

que nous lui donnons, car il remet le joueur dans la situation de son sport.

L’intensification des exercices est également visible dans la séance hebdomadaire avec M. J.,

l’athlète de haut niveau avec qui M. C. court. Ils suivent à présent une base de trois fois 5

minutes, avec toujours 30 secondes de course et 30 secondes de marche, oscillant de 17 à

23 km/h.

Au cours de chaque semaine, et plus particulièrement pendant ces dernières semaines plus

intensives, les temps de récupération et de repos sont très importants. C’est pourquoi les

derniers vendredis, je me suis limité aux séances de soins, durant ainsi plus longtemps, pour

permettre à M. C. de se reposer et de bien récupérer de sa semaine. Il s’agit ici, tout en

intensifiant la rééducation, de ne pas précipiter les choses, en évitant de sur-solliciter le

patient.

3.3 Résultats

A l’issue de ces 6 semaines de traitement, j’ai pu refaire des bilans à M. C. pour observer et

quantifier l’évolution de la rééducation. La semaine de mon départ, le patient a à nouveau

bénéficié d’un monitoring ligamentaire et musculaire grâce aux outils GnRB® de laximétrie

instrumentale et Tensiomyographie d’évaluation musculaire.

Sur le plan algique, le patient ne ressent plus de douleur. Il lui arrive encore de ressentir une

gêne après une séance intense de physique, surtout les séances de course à pied avec

l’athlète professionnel. Il s’agit plus d’une « fatigue musculaire qu’une douleur » ressentie

par M. C.

Au niveau cutané trophique et vasculaire, la cicatrice de M. C. est de plus en plus souple et

mobile grâce au travail de palper-rouler manuel et du LPG.

Page 28: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

24

On note une évolution dans la trophicité (Figure 17) des membres inférieurs :

Distance de la base de la

patella (en centimètres)

Membre inférieur gauche (cm) Membre inférieur droit (cm)

+15 54 54

+10 50,5 49,5

+5 45 44,5

Base de la patella 41 41

-15 39,5 40,5

Figure 17: Mesure de la trophicité des membres inférieurs le 10/10/2013

Ces mesures montrent une ré-harmonisation de la trophicité au niveau des membres

inférieurs, avec une certaine symétrie retrouvée.

Le bilan articulaire n’a que peu évolué au cours du stage. Un flessum résiduel du genou droit

est toujours présent, d’1 à 2° selon le degré d’échauffement.

Le monitoring GnRB® réalisé la dernière semaine révèle une évolution toujours positive de la

greffe au sein de l’articulation. La comparaison au côté sain montre une raideur de la plastie

proche de la raideur ligamentaire du côté sain (Figure 18).

La courbe verte représente le côté gauche, et la courbe bleue le côté droit. Le premier

graphique correspond au monitoring du mois de septembre, et le deuxième correspond à

celui du mois d’octobre. La particularité avec M. C., c’est que le comparatif s’effectue avec

une autre plastie car le patient a subi une rupture du LCA gauche, également opérée par

ligamentoplastie en 2008. Il est donc logique que la plastie gauche soit plus élastique car

plus ancienne. On remarque tout de même un parallélisme des courbes (7) plus marqué au

dernier monitoring par rapport au mois de septembre. De plus, on note que la force de

poussée à 250N a été testée contrairement à septembre, et qu’elle a été parfaitement

Figure 18 : Courbes de déplacement de la plastie (mm) en fonction de la force de poussée (N)

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tolérée par le patient, avec un allongement de la plastie dans la continuité des forces de

poussée précédentes.

C’est au niveau musculaire que l’évolution est la plus importante. L’analyse par

Tensiomyographie (ANNEXE 3) a révélé une amélioration générale des fonctions déficitaires.

- L’athlète auparavant adducteur-dépendant bénéficie maintenant du travail des

Grands Fessiers, déchargeant les adducteurs de contraintes.

- Les muscles fessiers droits ont retrouvé des temps de contraction similaires au côté

gauche, montrant une symétrie qui constitue une amélioration dans le contrôle

postural.

- Les ischio-jambiers droits, bien que toujours déficitaires, ont progressé dans le temps

de repos après contraction.

Sur le plan psychologique, M. C. est resté très concentré et professionnel pendant toute la

durée du stage. Son implication et sa détermination sont exemplaires, sans pour autant

vouloir « brûler des étapes ».

M. C. a retrouvé le chemin des terrains de rugby tout d’abord aux entraînements collectifs

au mois de décembre, puis en situation de match avec l’équipe Espoirs début janvier.

Désormais, il a récupéré sa place d’ailier titulaire dans l’équipe professionnelle (en l’absence

des internationaux) et souhaite postuler pour la tournée d’été avec l’équipe de France.

4 DISCUSSION

L’étude de ce cas clinique a permis de faire un constat de l’exigence qu’a le patient par

rapport à sa rééducation, ainsi que son application au quotidien et sa détermination à

recouvrer au plus vite ses capacités antérieures.

Le masseur-kinésithérapeute en charge de la rééducation de M. C. est constamment sollicité,

de par le grand nombre de séances par semaine (tous les matins et après-midi en semaine).

On cherche ici à mettre en lumière la pression quotidienne autour de cette rééducation sur

le masseur-kinésithérapeute et les autres professionnels qui y participent, ainsi que sur le

« joueur/patient ».

L’objectif majeur de la rééducation est de permettre au patient de retrouver son plus haut

niveau, au plus vite, sans risquer une nouvelle lésion à son genou.

Dans un club sportif professionnel, un joueur blessé ne peut reprendre la compétition

qu’avec l’aval du médecin du club (ou l’un des médecins, celui en charge du cas du patient).

Pour donner son feu vert, le médecin s’appuie sur des examens précis :

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26

- L’interrogatoire du patient

- Une IRM du genou pour contrôler son état

- Des tests de tiroirs

- Les bilans kinésithérapiques

A partir de ces différentes données, le médecin décide si oui ou non le joueur peut

réintégrer l’équipe. Théoriquement, le joueur reprend donc son activité seulement s’il a

parfaitement récupéré, et s’il ne court plus aucun risque.

Mais pour le président du club et l’entraîneur, le but est de récupérer le joueur le plus

rapidement possible. En effet avant sa blessure, M. C. était l’un des titulaires de son équipe,

et un joueur considéré par beaucoup comme indispensable.

Chacun des acteurs de la rééducation est donc soumis à une pression dans les délais du

traitement :

- Le médecin du club, qui seul a le pouvoir d’émettre son véto sur l’éventuelle reprise

de la compétition pour un joueur, est un « intermédiaire » entre le kinésithérapeute

et la direction du club. En effet, s’il estime que le joueur n’est pas apte à réintégrer

l’équipe, il doit s’appuyer sur de solides données venant confirmer ses doutes. Quand

il s’agit d’un joueur clé, une situation complexe se pose, car en s’opposant à un

retour sur les terrains d’un joueur, le médecin « prive » l’entraîneur de pouvoir

disposer de ce joueur pour les différents matchs ayant lieu pendant sa période de

convalescence (championnat de France, coupe d’Europe).

- La pression est également sur le patient. En effet, pendant son absence, il est

remplacé par un autre joueur. Ce dernier peut donc faire ses preuves, et s’installer

comme un cadre de l’équipe en réalisant des performances. Il est donc important

pour le patient, même si sa guérison est pour lui prioritaire, que la rééducation dure

le moins longtemps possible, pour ne pas qu’un autre joueur s’installe à son poste.

Le cas de M. C. est particulier, car il possède également le statut de joueur international

français. Une longue blessure compromet donc son retour en équipe de France.

Par conséquent, de par le joueur et le médecin, c’est sur le masseur-kinésithérapeute que

repose la pression. En effet, il voit le patient tous les jours et est donc la personne la plus à-

même de répondre aux questions sur l’état de santé du joueur.

Ces différents points montrent donc l’importance des bilans réalisés par le masseur-

kinésithérapeute. On part ici des connaissances professionnelles, les bilans, qui représentent

les aspects qualitatif et quantitatif du patient.

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Si les données sont précises et pertinentes, le médecin peut prouver à la direction qu’il est

dangereux pour un joueur de reprendre avant la fin d’une éventuelle rééducation.

En effet il y a parfois conflit d’intérêt entre le corps médical et les dirigeants du club :

- Les professionnels de santé, tout en faisant le maximum pour raccourcir les délais de

convalescence, vont privilégier la santé du joueur aux éventuels résultats de l’équipe.

- Les dirigeants et l’entraîneur, sans pour autant faire prendre de risque inconsidéré à

un joueur, cherchent à faire jouer leur joueur un maximum. Ils sont, eux, sous la

pression d’enjeux de résultats, et d’enjeux financiers.

Voici un exemple de situation venant illustrer mes propos :

Lors de la dernière semaine de mon stage, j’ai pu assister à une séance d’entraînement des

trois-quarts. Les joueurs et entraîneurs préparaient les schémas tactiques et les mises en

place pour le match du week-end suivant. Les phases de jeu étaient simulées grâce à des

oppositions avec les jeunes joueurs de l’équipe espoirs. Lors d’une phase de jeu, un des

joueurs de l’équipe professionnelle s’est tordu la cheville sur un plaquage d’un des espoirs.

Nous sommes donc immédiatement intervenus sur le terrain, pour amener le joueur en salle

de kinésithérapie. La cheville a aussitôt été glacée à l’aide du GameReady® (appareil de

compression par le froid).

Il s’agissait d’un jeune joueur (19 ans), talentueux et titulaire à chaque match depuis le

début de la saison. Son rôle au sein de l’effectif est donc majeur.

Moins de 5 minutes après la blessure, le président du club et l’entraîneur sont venus

s’entretenir avec le staff médical, autour du joueur. La première question posée par

l’entraîneur a été « peut-il jouer samedi ? ». A ce moment là, le kinésithérapeute présent et

le médecin ne s’étaient pas encore prononcés sur l’état de la cheville du jeune joueur. Après

un premier examen comprenant un bilan de la douleur au repos et à la mobilisation, un bilan

morpho-statique en comparant au côté sain, et une rapide palpation, les professionnels du

staff médical ont estimé qu’ils ne pouvaient pas se prononcer pour le moment. L’évolution

au cours des prochains jours allait donc déterminer si le joueur était apte pour le match du

week-end.

Au cours des jours suivants, le kinésithérapeute était de moins en moins optimiste pour la

titularisation du joueur le samedi. Et tous les jours, l’entraîneur du club venait s’informer de

son état de santé, en signalant à quel point il était important qu’il puisse jouer ce match. La

situation était donc complexe pour le kinésithérapeute.

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28

Mon questionnement est donc le suivant : Qu’aurais-je fais en tant que professionnel dans

cette situation ?

En effet, ma première réaction était de penser que la santé du joueur primait sur sa

présence au match, mais la réalité du milieu professionnel est tout autre. De nombreux

paramètres rentrent ici en ligne de compte, et la pression qu’imposent la direction et

l’entraîneur en fait partie intégrante. Le médecin peut décider de ne pas s’opposer aux

dirigeants. Le rôle du kinésithérapeute ne se limite donc pas à des conseils donnés au

médecin, mais à un appui qualitatif et quantitatif sur l’état du joueur de part ses bilans. Je

constate donc à nouveau l’importance de la précision et la pertinence de ces bilans. Un

professionnel sûr de son diagnostic, présentant des arguments solides est plus à-même de

prouver qu’il est dangereux pour un joueur de reprendre trop tôt la compétition.

Le Stade Toulousain Rugby est un des clubs français majeurs, dont le titre de Champion de

France est un objectif, ainsi qu’en coupe d’Europe. Pouvoir disposer de ses joueurs cadres

est donc déterminant pour l’entraîneur. Peut-être la pression serait-elle moins grande dans

un club de 2e division (Pro D2) ?

5 CONCLUSION

La rééducation d’un sportif professionnel blessé est complexe, en particulier lorsqu’il s’agit

d’une blessure grave nécessitant un arrêt du sport de longue durée. C’est le cas de la

rééducation après une rupture de ligament croisé antérieur d’un genou.

L’étude de la prise en charge de Mr C. à partir du 5e mois post opératoire (J + 4 mois) a

permis de détailler la phase de réentraînement au sport, ainsi que les rôles du Masseur-

Kinésithérapeute dans ce contexte.

En effet, dans le milieu du sport professionnel, les grands clubs possédant les moyens

financiers nécessaires composent leur staff médical de médecins, de masseur-

kinésithérapeutes et de préparateurs physiques. La prise en charge d’un joueur

professionnel repose alors sur une collaboration entre ces trois corps de métiers.

Il s’agit dont d’analyser les limites de la profession au cours de la prise en charge du patient.

Les bilans masso-kinésithérapiques trouvent toute leur importance pour la reprise de la

compétition d’un joueur. L’utilisation dans ce cas clinique des techniques de laximétrie

instrumentale (GNRB®) et de tensiomyographie (TMG®) apportent des informations précises

et chiffrées permettant de situer le patient dans sa rééducation.

Ces techniques pourraient-elles avoir un intérêt dans la prévention de blessures, notamment

des genoux, chez le sportif professionnel ?

Page 33: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

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ANNEXE 1 : Examen ligamentaire par laximétrie instrumentale GnRB® - Septembre 2013

Page 36: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

ANNEXE 2 : Monitoring musculaire par Tensiomyographie des membres inférieurs – Comparatif Août 2013 - Septembre 2013

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Page 38: D’un Rugbyman Pofessionnel à 4 mois d’une uptue de LCA

ANNEXE 3 : Monitoring musculaire par TMG des membres inférieur – Comparatif Septembre 2013 - Octobre 2013