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DU THÉORIQUE AU PRATIQUE : IMPLICATIONS D’UNE PENSÉE ÉCOLOGIQUE EN ARCHITECTURE ET DANS LA PRATIQUE DE L’ARCHITECTE MÉMOIRE DE MASTER M2 - ENSASE - 2014-2015 - ETUDIANT : ROMAIN MANTOUT - ENSEIGNANTE : EVELYNE CHALAYE

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Mémoire M2 d'école d'architecture sur les implication d'une pensée écologique sur le processus architectural avec comme exemple le mouvement de pensé de 'écologie Profonde, développée par Arne Naess

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DU THÉORIQUE

AU PRATIQUE :

IMPLICATIONS D’UNE

PENSÉE ÉCOLOGIQUE

EN ARCHITECTURE ET

DANS LA PRATIQUE DE

L’ARCHITECTE

MÉMOIRE DE MASTER M2 - ENSASE - 2014-2015 - ETUDIANT : ROMAIN MANTOUT -

ENSEIGNANTE : EVELYNE CHALAYE

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“La fausse société des hommes - pour la grandeur terrestre Dissout à néant toute douceur céleste.”

George CHAPMAN

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SOMMAIRE

SOMMAIRE 3

AVANT PROPOS 5

INTRODUCTION 7

CHAPITRE 1 - L’ÉCOLOGIE PROFONDE DANS LA PENSÉE DE L’ARCHITECTE : PHÉNOMÈNOLOGIE, ARCHITECTURE ORGANIQUE ET GENIUS LOCI 13

B- Le régionalisme critique : un mouvement qui peut s’apparenter à l’écologie profonde en architecture 17

C- Architecture organique : construire en harmonie avec la société, la technologie de son époque et la nature. La forme et la technique. 23

CHAPITRE 2- QUELS RÔLES POUR L’ÉCOLOGIE SUPERFICIELLE ET L’ÉCOLOGIE PROFONDE DANS L’ACTE DE BÂTIR AUJOURD’HUI EN FRANCE ? 29

A- Le cadre conventionnel de l’éco-construction en faveur d’une généralisation de l’écologie superficielle. 31

B- La politique comme élément d’influence sur l’écologie au sein de l’architecture : différents objectifs pour différents acteurs 35

C- L’auto-construction comme exemple d’alternative possible à l’omniprésence de l’écologie superficielle en éco-construction : opportunités et limites. 41

CONCLUSION 47

BIBLIOGRAPHIE 51

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AVANT PROPOS

Avant de commencer la lecture de ce mémoire, il est important de comprendre dans quel contexte il a été conçu et rédigé, afin de pouvoir l’aborder tel qu’il est : le fragment d’un travail plus global : le diplôme d’état d’architecte.

L’écologie en architecture est un sujet qui a déjà été souvent traité. On peut voir notamment dans la presse spécialisée, bon nombre d’articles autour de projets dits écologiques ou durables. Sans cesse, sont mis au point de nouveaux matériaux, de nouveaux labels de certification et de nouvelles normes qui visent à améliorer notre cadre de vie tout en réduisant notre consommation énergétique. Tout nous pousse en direction de l‘écologie et l’éco-construction. Néanmoins, intuitivement, j’ai éprouvé le besoin d’analyser ces démarches qui me paraissent parfois vides de sens, et finalement sans fondement réel. Elles m’apparaissent comme une sorte de peinture verte à appliquer sur tout ce que notre société peut produire, de façon à se donner bonne conscience. Néanmoins, ce sujet reste une question cruciale à mes yeux : Oui, la crise écologique existe. Oui nous devons de toute urgence trouver des solutions. Oui le monde de la construction dans son ensemble est pleinement concerné par ces questions nouvelles. Cela est une réalité irréfutable, mais pour moi, c’est plutôt la façon d’aborder ces problèmes qui est contestable. C’est pour cette raison que, déjà dans mon rapport de fin d’étude de troisième année, j’avais commencé à aborder cette question. Le manque de maturité, d’expérience et de connaissances m’ont empêché d’aller au bout de ma démarche et d’être pleinement satisfait de mon étude. C’est pour cette raison que j’ai décidé de réinvestir ce sujet qui m’est cher dans le cadre de mon diplôme.

Le diplôme est composé de trois exercices distincts : le stage pratique de deux mois minimum, restitué à l’aide d’un rapport abordant les problématiques liées à la profession que nous ne pouvons pas voir avec l’enseignement scolaire ; le mémoire, qui cristallise un questionnement plus théorique en rapport avec l’architecture et l’espace ; et enfin le projet de fin d’étude, qui vise à montrer les capacités de l’étudiant à travailler et dessiner l’espace pour créer des lieux et affirmer des opinions claires en cohérence avec la production qui est présentée lors de la soutenance.

Bien souvent ces trois exercices sont désolidarisés les uns des autres ; s’étalant sur une trop large période pour permettre un réel échange entre les méthodes de travail. Cependant, ayant reporté mon diplôme et mon mémoire d’un an, il se trouve que je dois valider ces trois volets dans la même année. Toujours préoccupé par la relation que pouvaient entretenir

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l’écologie et l’architecture, j’ai commencé le premier semestre par un stage en éco-construction, qui m’a permis d’entreprendre une réflexion sur les limites d’une pratique qu’au départ pourtant, je trouvais attrayante et intéressante. La remise en cause de ce que j’ai pu observer lors de mon stage en le mettant en relation avec certaines lectures et des expériences personnelles, m’a conduit sur la voie de ce mémoire. Cependant, je me suis vite aperçu que soulever la question d’une autre écologie possible en architecture n’avait aucun sens si tout ce travail n’était pas réinvesti dans une démarche de projet. C’est ainsi que j’ai décidé de consacrer l’ensemble de mon diplôme à cette question :

Quelle pratique du projet en architecture pourrait découler d’une autre conception de l’écologie ?

Le stage pratique de 5° année m’a effectivement permis de mettre le doigt sur les limites de la conception conventionnelle de l’écologie au sein de notre système. Pour orienter nos choix dans une démarche de projet, il importe aujourd’hui de comprendre quelles conséquences aurait une relecture de l’écologie en architecture. Cela nous permettra par la suite d’orienter nos choix dans le sujet et la démarche du PFE.

Ce mémoire est donc pour moi l’opportunité de travailler sur un sujet qui me passionne. Ce n’est pas un objet fini, mais plutôt le prétexte à une recherche personnelle et la formalisation de certaines idées que j’ai pu développer au cours de ma formation, mais que je n’avais jamais vraiment pu formuler.

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INTRODUCTION

Aborder la problématique écologique en architecture par le biais de la philosophie est une démarche lourde de conséquences. En effet, les solutions écologiques mises en place aujourd’hui dans le monde de la construction sont uniquement techniques. On traite alors la question écologique comme un problème mathématique auquel on apporte une réponse par le biais d’une savante équation, liant économie financière et énergétique. Faire rentrer le champ de la philosophie comme variante de l’équation de réponse met en exergue les limites de l’éco-construction telle que nous la connaissons. Sans la philosophie, le rôle de l’architecte se borne à celui d’un technicien généraliste du bâtiment. Est-ce le nouveau sens de cette profession ? Nous savons que le rôle de l’architecte est aujourd’hui en mutation. Autrefois bâtisseur, puis devenu créateur et presque artiste, il est aujourd’hui médiateur et conseiller. La crise écologique que nous traversons aujourd’hui peut être l’opportunité d’un renouveau dans le travail de l’architecte. Celui qui pense l’établissement des hommes dans leurs territoires a tout à voir avec les préoccupations théoriques de l’écologie. C’est à nous que revient le choix suivant : diversifier et approfondir notre profession ou bien rester dans la passivité, bien que notre monde et notre société soient en perpétuelle évolution.

Arne NAESS est un philosophe norvégien qui a consacré la première partie de sa vie professionnelle à l’étude des philosophies développées par Spinoza et Gandhi. Il travaille dans la deuxième partie de sa vie sur la création d’un mouvement de pensée appelé l’Écologie profonde. Ce mouvement remet en question notre posture fondamentale face au monde qui nous entoure et dégage alors une autre vision de l’écologie, plus sensible, basée sur l’expérience spontanée de chacun comme source de connaissances et sur l’interdépendance de chaque élément qui compose notre monde. Il se livre alors à une critique de ce qu’il appelle l’écologie superficielle.

Bien que toutes deux “écologiques”, ces deux notions se différencient très nettement l’une de l’autre. Naess définit l’écologie superficielle comme “un combat contre la pollution et l’épuisement des ressources. Elle a pour objectif la santé et l’opulence des individus dans les pays développés.” C’est aujourd’hui la démarche écologique prédominante. Telle que le philosophe la 1

décrit dans son travail, on pourrait la comparer à une médecine, qui soigne les symptômes plutôt que s’appliquer à comprendre la source réelle du mal. C’est la recherche de l’efficacité immédiate de solutions qui auront un impact quantitatif et vérifiable, mais finalement de courte durée. Elle est induite par une vision, scientifique et mathématique du monde. Le confort matériel reste le seul

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, Chapitre 1 - La crise environnementale et le mouvement de 1

l’écologie profonde, 1989, traduction FR. 2008, Editions MF, p.59 - 60�7

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objectif réel de cette écologie qui s’est transformée aujourd’hui en un vrai produit de consommation. En France, l’appropriation récente des questions écologiques par les institutions gouvernementales a accentué l’importance de l’écologie superficielle par rapport à l’écologie profonde. En effet, la récente prise de conscience commune d’une réelle crise écologique a exigé un investissement complet de ces questions par les élus. Comme nos dirigeants sont sous le constant joug des sondages, pressés par un mandat limité, ils perdent de vue les objectifs principaux. En vue de préparer, peut être inconsciemment, une potentielle réélection, ils se tournent vers des solutions à retour immédiat qui auront un effet scientifiquement quantifiable et démontrable. Les chiffres ne mentent pas ! Ainsi, ils peuvent prouver leur bonne volonté et leur efficacité aux électeurs potentiels. Le réel problème aujourd’hui est que toute forme d’écologie en architecture est enrayée par les normes et les labels qui régissent le monde de la construction. A force de rechercher l’efficience, et au nom du “moins pire”, notre système administratif, à l’origine créé pour protéger les citoyens, s’est transformé en un véritable carcan fermé à toutes innovations, ou démarches alternatives à la construction écologique conventionnelle.

L’écologie profonde se distingue fondamentalement de la démarche de l’écologie superficielle. Elle remet en question les fondements mêmes de notre façon d’être face au monde et de le percevoir. Dans le même article et selon ses propres termes, Arne NAESS définit l’écologie profonde comme un refus de la vision de l’homme dans un milieu au profit d’une vision relationnelle. C’est la vision de champ total. Voici comment il décrit cette vision relationnelle à travers un exemple simple :

“Une relation intrinsèque entre deux choses A et B est telle que la relation appartient aux définitions ou aux constitutions fondamentales de A et de B, de telle sorte que sans cette relation, A et B ne sont plus les mêmes choses. Le modèle du champ total dissout non seulement le concept de l’homme-dans-l’environnement, mais aussi toute convention de chose-dans-le-milieu sauf lorsqu’on parle à un degré superficiel ou préliminaire de communication.” 2

Arne NAESS

Ici, on comprend les implications que peut avoir une vision relationnelle du monde. Dès lors que chaque chose est connectée au reste, la vie devient un organisme unique, et qui ne peut fonctionner qu’avec l’ensemble des acteurs qui la composent. En tirant à l’extrême cette pensée, on comprend que même si le rôle de chaque élément n’est pas compris intégralement, il en va de notre survie en tant qu’êtres humains de protéger chaque maillon de ce système.

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, Chapitre 1 - La crise environnementale et le mouvement de 2

l’écologie profonde, 1989, traduction FR. 2008, Editions MF, p.59 - 60�8

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L’auteur ajoute à cette définition un second volet qui tempère le premier : l’égalitarisme biosphérique de principe. Dans cette seconde partie, il est question de l’égalité de valeur de toutes formes et modes de vie. Le partisan de l’écologie profonde doit faire preuve d’une empathie et d’une compréhension profonde envers les autres formes de vie que nous réservons normalement aux autres membres de notre espèce. C’est la clause “de principe” rajoutée ici qui permet de ramener la notion d’égalitarisme biosphérique à une échelle humaine et de la dégager de l’utopie. L’auteur reconnait l’impossibilité de toute pratique réaliste sans tuer. Néanmoins, un profond respect envers toute autre espèce vivante terrestre permet de restreindre au strict minimum cette action de destruction dans le développement. L’idée principale ici n’est donc pas finalement une sauvegarde totale de la planète et du système vivant dans son exactitude, mais plutôt une conscience et un respect pour le fragile équilibre naturel des choses, et donc pour la vie. Ces belles phrases peuvent s’apparenter à un discours utopique “écolo”, largement critiqué dans notre société. Néanmoins, il faut réussir à lire entre les lignes. Ce que l’auteur cherche à nous faire comprendre avec la mise en opposition des notions d’écologie profonde et superficielle, c’est plutôt la nécessité de chercher les réponses au problème écologique dans les fondements mêmes de notre civilisation. Il veut une remise en cause de notre système de valeur et de jugement. Pour cela, d’après lui, nous devons trouver une nouvelle façon de considérer notre monde et ce qui nous entoure. Il est nécessaire d’ouvrir son champ de vision à de nouvelles conceptions et d’accepter des changements légers mais si profonds, qu’il en découlerait de grandes implications sur nos modes de vie.

L’appropriation de l’écologie profonde par le lecteur est un point fondamental du travail de Naess. Son livre “Écologie, Communauté et Style de vie” qui est publié pour la première fois en 1989, est une sorte de manifeste qui explique les concepts qui découlent de cette forme d’écologie. L’objectif de ce livre est aussi la diffusion de ses idées, afin que chacun puisse se les approprier en vue d’agir en fonction d’une nouvelle éthique écologique.

“Naess croyait que la philosophie pourrait aider à nous sortir de ce chaos. Parce que pour lui, elle n’était pas simplement “amour de la sagesse”, mais amour de la sagesse liée à l’action. Et sans cette sagesse à l’appui, l’action reste vaine” 3

David ROTHENBERG

Si chacun peut s’approprier la pensée de l’auteur, tout le monde n‘est pas philosophe. Cependant le principe même de l’Ecologie profonde est de laisser à chacun la possibilité de se l’approprier. Chacun peut s’en inspirer pour travailler, ou simplement pour vivre autrement au quotidien. C’est le principe de l’écosophie x. Dans son ouvrage, Naess développe ce qu’il appelle l’écosophie t, et il encourage le lecteur à intégrer les principes exposés tout au long du livre afin de les appliquer à son propre domaine d’action.

ROTHENBERG David, L’écosophie T : de l’intuition au système, Préface à l’édition américaine, “Écologie, 3

Communauté et Style de vie”, 1989, traduction FR. 2008, Editions MF, p.21�9

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C’est finalement cette recherche de diversité et d’appropriation par chacun du sens du mot écologie qui nous intéressera dans son travail. Développer une autre idée de ce que pourrait être l’écologie en architecture semble aujourd’hui fondamental. En effet, s’il est vrai que la problématique écologique devient urgente à régler, il est néanmoins nécessaire de confronter notre démarche, quelle qu’elle soit, à un point de vue divergent. Ceci nous donne alors la possibilité de confirmer ou d’infirmer les présupposés de nos actions. Or, aujourd’hui, nous pouvons assister à un consensus général. Il semble communément admis que la pensée écologique est unique. Quelque chose est écologique ou ne l’est pas. La portée de ce mot est-elle si binaire ? Cette dualité si marquée n’a pas lieu d’être. Avoir une démarche écologique ne veut rien dire. Écologique est un qualificatif qui, somme toute, n’évoque plus rien. Il faudrait traiter ce domaine comme un l’un des différents aspects d’une question. S’engager dans une réflexion autour de l’écologie demande une prise de position, déterminée et forte qui peut se démarquer voir même rentrer en opposition avec d’autres démarches dites écologiques. Le simple fait d’apporter une pluralité dans l’écologie avec une différenciation entre l’écologie profonde et l’écologie superficielle, nous ouvre la porte pour la construction d’une démarche et un argumentaire qui sort des consensus et qui peut s’affirmer comme originale. L’appropriation par chacun du terme écologique est un moyen de rechercher l’innovation. La diversité et le débat d’idée est ce qui nous permet de progresser.

A travers le travail de Arne Naess, et plus précisément son livre Écologie, Communauté et Style de vie, nous chercherons à comprendre à travers différents exemples les implications d’une écologie profonde appliquée à l’architecture, et les limites des démarches présentées. En d’autres termes, nous essaierons de lire ce que pourrait être une vision alternative de l’écologie en architecture, différente de l’idée conventionnelle que nous nous en faisons.

Dans un premier chapitre, nous chercherons à approfondir la pensée de Naess. Nous pourrons observer quelles formes peut prendre une nouvelle conception de l’écologie en architecture. Pour cela, nous verrons comment le mouvement architectural du régionalisme critique et le travail de Franck LLOYD WRIGHT pourraient être considérés comme des démarches appartenant à l’écologie profonde. Cette interprétation de leur pensée et de leur travail nous permettra de dégager des notions fondamentales que sont le Genius Loci et l’architecture organique.

Nous avons expliqué plus tôt l’importance du gouvernement dans la place prédominante de l’écologie superficielle au sein de la construction contemporaine. Nous allons donc dans un deuxième chapitre porter notre regard sur les raisons, les conséquences et les alternatives qu’implique une telle affirmation. À l’aide d’exemples d’éco-constructions conventionnelles nous verrons comment le cadre administratif et législatif induit un traitement superficiel de la problématique écologique. Nous tenterons de mieux comprendre comment l’écologie superficielle a pu pervertir le rôle de l’architecte, jusqu’à, dans certains cas convertir l’architecture en outil de marketing et de communication de masse.

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Cette partie nous permettra aussi d’analyser une des alternatives qui se présente aujourd’hui à nous, afin de saisir comment, d’un point de vue pratique, un traitement différent de l’architecture pourrait influencer tout le milieu de la construction.

Enfin, cela nous amènera à redéfinir le rôle actuel de l’architecte dans la société qui, comme nous l’avons dit plus tôt, est aujourd’hui en pleine mutation. En effet, si ce mémoire nous permet de comprendre quelles sont les implications d’une reconnaissance de l’approche profonde de l’écologie en architecture qui peut apparaître comme une évidence, nous verrons que cette réflexion nous permettrait de développer de nouveaux outils de conception, de construction, et de diffusion de la discipline architecturale comme une nécessité publique. Rebondir face à la crise qui se présente à nous, c’est peut être aussi s’approprier les questions et les enjeux, ne pas se contenter de subir les changements sociaux et économiques qui s’annoncent, mais réagir à notre échelle aux mutations que nous pressentons depuis déjà quelques années.

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CHAPITRE 1 - L’ÉCOLOGIE PROFONDE DANS LA PENSÉE DE L’ARCHITECTE : PHÉNOMÈNOLOGIE,

ARCHITECTURE ORGANIQUE ET GENIUS LOCI

“La Nature est autre que ce que l’on croit Elle a une âme, et de la liberté

Elle a de l’amour et un langage” Tioutchev, Perminov, 1970, p.54

La pensée écologique en architecture peut prendre bien des formes. En analysant plus profondément les conséquences induites par le travail de Naess, nous allons voir comment deux pensées de l’architecture à l’origine bien distinctes peuvent entrer de le cadre du mouvement de l’écologie profonde. Ici, le but sera de montrer les facettes que pourrait prendre une vision écologique de l’architecture dans la perception des bâtiments eux-mêmes. Lorsque l’Homme adapte un lieu pour s’abriter, la construction exécutée peut finalement être considérée comme le point de jonction entre l’Homme et son milieu. La posture qu’il adoptera sera donc révélatrice de l’image mentale qu’il se fait de la place qu’il occupe dans le monde. Si nous choisissons ici de développer deux exemples différents, c’est pour mieux comprendre comment une diversité de démarches à la fois pratiques et théoriques peut être possible au sein d’un mouvement commun. C’est un point essentiel de la pensée du philosophe, qui refuse de se présenter comme le porteur d’une solution universelle, mais plutôt comme le penseur d’un mouvement. Ce mouvement n’est rien sans ses partisans qui interprètent la pensée et agissent en fonction selon des idées et des principes qui leur sont propres. Pour pouvoir lire quelle forme prend l’écologie profonde dans le travail de Franck Lloyd Wright ainsi que dans le courant plus contemporain du régionalisme critique, nous nous attacherons en premier lieu à approfondir la pensée de Arne Naess. C’est suite à cela que nous pourrons prendre nos exemples au cas par cas afin de les étudier plus particulièrement

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A- Le retour au sensible prôné par l’écologie profonde

Le mouvement de l’écologie profonde est une approche qui remet en cause l’utilisation des outils scientifiques comme seul moyen d’analyse et de compréhension de notre monde. Il prône comme alternative une analyse sensible issue de l’expérience immédiate.

Dans le deuxième chapitre de son livre , Naess nous explique plus précisément ce que 4

serait la vision relationnelle du monde. Les notions d’objectivité et de subjectivité sont alors des points essentiels à aborder. Il explique que l’opinion majoritaire serait que les sciences mathématiques sont l’outil qui nous permet d’obtenir une description approximativement correcte de l’environnement tel qu’il est en soi. Une description objective se doit être universelle. Pour cela, la science décrit indépendamment de tout fait sensoriel ou culturel. Elle se détache des conceptions et des images que nous évoque le sujet d’étude. Il en ressort alors une structure abstraite. Celle-ci, serait compréhensible par tous.

“Cette science théorique peut être apprise, comprise et validée par n’importe quelle culture, non parce qu’elle décrit la réalité commune, mais parce qu’elle décrit une structure indépendante de la plupart des conceptions culturelles. La structure appartient à la réalité mais elle n’est pas la réalité.” 5

Arne NAESS

Néanmoins, il semble qu’abstraire toute chose afin de la décrire est déjà le reflet d’une certaine perception du monde. L’abstraction décontextualise l’objet d’étude et l’exclut donc de la réalité. Si cette méthode nous permet certaines avancées dans la compréhension mathématique du monde, elle ne nous permet pas de l’appréhender dans sa réalité concrète. Nous ne la percevons pas telle qu’elle est, nous avons seulement une idée de sa structure abstraite, qui finalement ne définit pas toutes ses qualités et sa complexité. Chaque science nous apporte cependant sa contribution, en décrivant la nature à sa manière. L’important étant toujours de rechercher une nouvelle manière de décrire la nature pour mieux la comprendre. C’est ainsi que l’auteur introduit la notion de phénoménologie comme un outil d’analyse et de description.

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, Chapitre 2 - de l’écologie à l’écosophie, 1989, édition fr. 2008, 4

Editions MF, p.69Dans ce chapitre, l’auteur s’attache à mettre en doute la validité des axiomes des sciences mathématiques pour proposer la vision de champ total. Il ne définit pas ces sciences comme incorrectes mais plutôt incomplètes. L’alternative de la vision relationnelle se pose comme une solution objective et complexe pour aborder le monde d’une autre manière afin d’élargir le champ possible de l’innovation et du progrès. La volonté ici est de suggérer la diversité afin de ne pas se fermer à certaines solutions que l’on peut apporter à la problématique écologique.

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, 1989, traduction FR. 2008, Editions MF, p.895

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“Les points de vue phénoménologiques permettent de nous faire prendre conscience du contenu non-utilitaire et non-instrumental de l’expérience immédiate de la nature.” 6

A travers une description phénoménologique, nous pourrions alors développer une certaine sensibilité aux qualités de la nature. Cette sensibilité permet tout simplement ce que le philosophe appelle “une expérience joyeuse de la nature” (pp.91). Pour établir une telle perception dans la description du quotidien et ne pas se limiter aux disciplines telles que la philosophie et la psychologie, l’auteur se réfère aux mots de protégeras exprimés par Setus Empiricus. A la question : « cette eau est-elle chaude ou froide ? », un point de vue scientifique répondra qu’elle ne peut pas être l’un ou l’autre, car la réponse dépendra de la température de la main qui la touche. Protégeras, lui, répondra qu’elle est à la fois l’un et l’autre. Ainsi, au lieu d’affirmer que la nature est dépourvue de qualité car elles sont changeantes, il nous dit que la nature est en possession de l’intégralité des qualités que l’on peut percevoir.

“Les êtres humains saisissent, comprennent ou perçoivent les mêmes choses différemment et il en est de même pour chaque individu” 7

Naess s’approprie cette pensée en remplaçant la notion de matière par celle de champ relationnel, qui se réfère alors à la totalité de notre expérience. Pour reprendre l’exemple précédent, le relationnisme serait de ne pas parler des qualités de l’eau en soi mais plutôt de la qualité de l’eau en relation à la main qui sera plongée dedans.

Cette démonstration philosophique de la vision de champ relationnel est particulièrement intéressante dans notre cas. Naess donne toute légitimité à nos sensations ainsi qu’à nos émotions comme éléments d’analyse de notre monde. Sa démarche vise à crédibiliser des qualités, inutiles à priori, mais qui peuvent nous servir dans la relation simple que nous visons à entretenir avec le monde. Cette relation peut être exprimée et influencée par l’architecture. Le lieu est source d’émotions, mais ces émotions sont guidées par la forme.

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, 1989, traduction FR. 2008, Editions MF, p.906

Idem p.957

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B- Le régionalisme critique : un mouvement qui peut s’apparenter à l’écologie profonde en architecture

Le régionalisme critique est un mouvement architectural né en opposition à la globalisation de l’architecture qui ne prend plus en compte les singularités régionales. Le mouvement international et le post-modernisme apparaissent comme des effets négatifs de la mondialisation. Ces dérivations de la modernité en architecture ignorent le lieu et les cultures locales pour finalement amener une uniformisation mondiale. C’est ce que Keneth FRAMPTON appelle dans son article Towards a Critical Regionalism : Six Points for an Architecture of Resistance, en 1983 une “civilisation universelle” :

“La stratégie fondamentale du Régionalisme critique est de modérer l’impact d’une

civilisation universelle en utilisant les éléments indirectement issus des particularités d’un lieu. Cela induit que nous maintenions une forte critique de notre propre conscience. Il peut trouver ces principales inspirations dans des choses telles que les qualités propres à un lieu, ou les dérivations tectoniques d’une structure particulière, ou encore dans la topographie d’un site donné.” 8

Keneth FRAMPTON

Inspiré des modes de construction et d’implantation vernaculaires qui s’adaptent parfaitement aux sites et aux usages d’une société donnée, le régionalisme critique cherche à trouver un compromis entre les réalités et les besoins locaux et les possibilités que peut offrir la mondialisation. Le but défendu par Frampton toujours dans le même article est de mettre au service du local le savoir global. Cette démarche peut être comparée avec un groupe contemporain appelé GAÏA-international. Ce collectif vise à assembler un maximum de connaissances sur les techniques de constructions vernaculaires propres à chaque région et à les analyser pour finalement les mutualiser dans une base de données. Ce groupe d’architectes à l’origine norvégien, mais qui s’est aujourd’hui diffusé dans le monde entier et tout particulièrement en Europe, met à profit les nouveaux moyens de communication pour partager un savoir afin de permettre aux architectes membres du groupe d’innover en choisissant et réinvestissant une technique vernaculaire appropriée au lieu où ils construisent en l’adaptant aux besoins contemporains.

C’est dans les années 60 que commence à apparaître le régionalisme critique. Il vient répondre au besoin profond de repères et de stabilité provoqué par la seconde guerre mondiale.

« The fundamental strategy of Critical Regionalism is to mediate the impact of universal civilization with elements 8

derived indirectly from the peculiarities of a particular place. It is clear from above that Critical Regionalism depends upon maintaining a high level of critical self-consciouness. It may find its governing inspiration in such things as the range and quality of the local tight, or in a tectonic derived from a peculiar structural mode, or in the topography of a given site ».Keneth FRAMPTON, Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance, 1983.Traduction personnelle.

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La nécessité de retrouver des valeurs immuables et sûres a encouragé la prise en compte du lieu dans lequel nous voulons implanter. Ceci paraît essentiel afin de conserver une certaine connexion entre l’homme et ses origines. Cette démarche n’est pas spécifiquement écologique au sens où on l’entend actuellement, mais on peut noter que l’approche du lieu développée par Christian Norbert-Schulz est une approche particulièrement sensible. Dans son livre Existence, Space and Architecture, qu’il écrit en 1971, il met en place le concept d’espace existentiel. Ce principe se détache de toute description mathématique pour se concentrer sur les relations existantes entre l’homme et son milieu. Norberg-Schulz y évoque l’architecture comme réalisation de cet espace existentiel.

« Un lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue. Depuis l’antiquité, le genius loci, l’esprit du lieu, est considéré comme cette réalité concrète que l’homme affronte dans la vie quotidienne. Faire de l’architecture signifie visualiser le genius loci : le travail de l’architecte réside dans la création de lieux signifiants qui aident l’homme à habiter » 9

Christian NORBERG SCHULZ

Dans ce cadre, on peut structurer le lieu suivant différents éléments. L’espace concret est l’espace physique vécu, incarné par ses limites, ses ouvertures, ses épaisseurs, … D’un autre côté, l’auteur nous parle du caractère du lieu, qui lui donne son atmosphère et qui est plus sensible. Il peut être influencé par le rapport avec le ciel ou avec le terrain, ou bien la lumière changeante selon les saisons les jours et les heures, ou encore la matérialité des éléments qui composent le site. On peut considérer le Genius Loci (esprit du lieu) comme la formalisation de ce que Naess appellerait probablement une analyse du lieu par le biais du champ relationnel. La description phénoménologique du lieu que prône Norberg-Schulz semble particulièrement rejoindre les principes de l’écologie profonde. L’architecte prend pour vocation de rassembler l’homme et son milieu. Il doit viser à réintégrer les habitants dans la nature du lieu qu’ils occupent et trouver un équilibre harmonieux entre le Genius Loci, le bâtiment, l’habitant, mais aussi l’époque dans laquelle l’architecte construit.

Dans son travail, Peter ZUMTHOR entre tout à fait dans ces considérations. Originaire de la région suisse des Grisons, c’est là-bas qu’il établit son agence et qu’il réalise la très grande majorité de ses ouvrages. Il appartient totalement au mouvement du régionalisme critique. Ses réalisations se basent essentiellement sur des expériences personnelles qu’il a pu avoir avec certaines architectures. Il tente alors de décortiquer et comprendre ce qui a provoqué les atmosphères qu’il a pu rencontrer au cours de sa vie et qui l’ont marqué, afin, non pas de les reproduire, mais plutôt de s’en inspirer pour transcender l’ordinaire et le rendre particulier malgré

NORBERG SCHULZ Christian, Genius Loci : Paysage, Ambiance, Architecture, traduction FR. 1981, Pierre Mardaga, 9

pp.213�18

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CHAPELLE SAINT-NICOLAS-DE-FLUE, WACHENDORF EN ALLEMAGNE, 2007

CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : PHOTOS PRISE PAR PIETRO SAVORELLI SOURCE : CAILLE EMMANUEL (RÉDACTEUR EN CHEF), CHAPELLE SAINT-NICOLAS -DE-FLUE WACHENDORF, ALLEMAGNE, D’A N

°171, MARS 2008, P.48-

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CHAPELLE SAINT-NICOLAS-DE-FLUE, LA STRUCTURE EN BOIS A PERMIS DE CRÉER LE NÉGATIF DE L’ESPACE INTÉRIEUR. LE BOIS ENSUITE BRÛLÉ A PU DONNER CET ASPECT STRIÉ DE LA PAROI. L’ATMOSPHÈRE DU LIEU CRÉÉ DÉCOULE D’UNE UTILISATION EN

APPARENCE SIMPLE MAIS TRÈS RECHERCHÉE DES MATÉRIAUX À DISPOSITION SUR LE SITE.

LE CONTRASTE ENTRE LA FORME TRÈS RÉGULIÈRE EXTÉRIEURE ET L’ESPACE INTÉRIEUR STRIÉ ET COMPLÈTEMENT IRRÉGULIER DONNE AU VISITEUR L’IMPRESSION D’UNE PARENTHÈSE. CE CHANGEMENT D’ATMOSPHÈRE LUI PERMET DE S’ÉVADER POUR

LAISSER LIBRE COURT À SA SPIRITUALITÉ.

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toute sa simplicité. C’est sa manière à lui de s’approprier les particularités d’un lieu. La simplicité bien exécutée est donc de rigueur. Il cherche à mettre en cohésion le programme, le lieu, l’habitant et le matériau, pour finalement faire apparaître une architecture évidente et sensible.

Prenons un exemple pour expliquer son travail : Quand on s’approche de la chapelle Saint-Nicolas-de-Flue, à Wachendorf en Allemagne, apparaît un monolithe de béton en haut d’un champ légèrement incliné. On aperçoit ainsi au loin une sorte de rectangle clair qui se détache des arbres qui sont à l’arrière-plan. Ce qui frappe en premier lieu est la simplicité de l’édifice qui offre un fort contraste avec l’intérieur de cette petite chapelle. En effet, lorsqu’on pénètre dedans, on est surpris par l’aspect rugueux des parois qui se rejoignent au plafond pour former un triangle avec le sol. Cette différence à la fois dans la forme et l’aspect entre l’extérieur et l’intérieur avec un seul et même matériau est le résultat d’un procédé simple. Un contre-moule constitué de rondins de bois a permis de créer un vide dans le bloc de béton, qui a été coulé en plusieurs couches directement sur place pour créer la forme extérieure. Le bois qui avait été récupéré sur place est ensuite brûlé à petit feu de sorte que son empreinte dans le béton soit visible. La multitude de trous occasionnés par le maintien de la structure en bois lors du banchage du béton forment depuis l’intérieur une constellation de points lumineux. Le procédé technique est à la fois simple et complexe. Avec une certaine évidence, il entre en cohésion avec le site en utilisant des matériaux qui sont trouvés sur place, mais aussi avec le programme car de la technique utilisée résulte la forme finie en dévoilant le matériau tel qu’il est. Enfin, cette même technique est aussi choisie en fonction du commanditaire car elle est très peu onéreuse. Le choix de l’architecte et cette adéquation finale proviennent certainement du fait que la personne qui a commandé cette chapelle est un paysan de la région. Forgé par ses paysages et sa lumière, cet homme était finalement un élément à part entière de ce qui composait le site.

Nous comprenons parfaitement avec le travail de Keneth FRAMPTON, que si les valeurs de la société postmoderne sont remises en cause, les progrès techniques que la modernité nous a apportés sont toujours d’actualité. L’idée fondamentale est donc ici de les investir avec la conscience des nécessités de la société qui les a produits. C’est une notion que nous pourrons peut être mettre plus en avant avec le travail de Franck LLOYD WRIGHT et l’architecture organique.

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C- Architecture organique : construire en harmonie avec la société, la technologie de son époque et la nature. La forme et la technique.

Plus vieux d’une génération, Franck LLOYD WRIGHT a commencé à remettre en question l’orientation que pouvait prendre sa société face à la montée massive de l’industrialisation. Profondément américain, c’est l’évolution du modèle économique social et politique de son pays qui a fait réagir cet architecte, car il a senti les principes fondamentaux de sa constitution et les perversions causées par la machine et la production de masse. Son ouvrage Testament, se divise en plusieurs parties. La première est la plus importante. Elle se présente sous la forme d’un lexique dans lequel Wright cite les principes qui ont fondé la société américaine. A travers l’énumération de ces principes, il apporte une critique virulente qui attaque l’asservissent de l’homme par la machine par la production massive. Les besoins de l’homme sont alors remplacés par les besoins de l’économie, et l’homme est aliéné par une économie que lui-même a créée. C’est ainsi que peu à peu, la production prend le pas sur la création, la quantité sur la qualité.

La perversion des principes américains par l’économie le pousse à développer ce qui serait à ses yeux une architecture de la démocratie et de l’Homme libre : c’est l’architecture organique.

“Les espaces non rectangulaires sont vivifiants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Mais il est beaucoup plus difficile de les aménager. L’important n’est pas de choisir entre rectangulaire et non rectangulaire - pourquoi s’éloigner de la norme si l’on a pas une bonne raison de le faire - mais de choisir des espaces et des formes vivants et d’écarter ce qui est contraire à la vie.”

Rudolph STEINE

Beaucoup pensent que l’architecture organique réside seulement en un ensemble de bâtiments tout en courbes, qui tente de reproduire artificiellement ce qui existe naturellement. Il est vrai que si cette architecture se limitait à cela, elle n’aurait que très peu d’intérêt. Ce que Wright appelle architecture organique est en réalité bien plus recherché et réfléchi. C’est avant tout une construction politique. C’est dans ce cadre que cet architecte résolument moderne et novateur tente de faire passer ses idées pour promouvoir une nouvelle architecture américaine. Elle doit refléter les principes fondamentaux de cette société que sont la liberté individuelle, un profond humanisme, le respect pour la terre, et la beauté de l’homme et de la nature. Ces principes premiers sont pour Wright les concepts fondateurs des Etats-Unis d’Amérique. Il pense que c’est le rôle de l’architecte de les transmettre par le biais de son travail.

Dans Testament , il explique en premier lieu quel serait selon lui le rôle de l’architecte et 10

de l’architecture dans la société. Il prône d’abord la machine mise au service de l’homme et non l’inverse. Comme Henry David Thoreau avant lui, il est effrayé par ce que la machine pourrait faire

L. WRIGHT Franck, Testament, Edition originale 1957, Collection Eupalinos, Edition Parenthèse 2005, Marseille.10

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à l’homme. A l’inverse du philosophe, il ne refuse pas le progrès technologique. Il veut seulement que l’Homme prenne conscience que la machine, si elle permet de libérer l’humanité sur le plan physique, l’emprisonne moralement, en le privant de création, cette création étant remplacée par la production. La qualité disparaît au profit de la quantité. Il vise donc pour l’architecture une parfaite harmonie entre l’homme libre et l’utilisation des nouvelles techniques. Il recherche l’harmonie entre les besoins et l’époque.

Pour lui, le poète habite chaque être humain. C’est ce qui peut être appelé le génie créateur. Dans le chapitre dédié à la redéfinition de ce que serait la poésie‑ , il explique comment 11la science se présente comme une impasse face à “notre nouvelle déclaration de foi en l’homme”. La poésie est en fait la compréhension sensible et instinctive de la nature. Le poète est la personnification de la sensibilité humaine. Lorsque la machine prend le pas sur l’homme, et que le conformisme détruit l’individualité et la profonde confiance en soit, le poète qui se trouve en chacun se voit étouffé, et l’Homme n’est alors plus en capacité de créer.

“Le poète avait trop longtemps été absent de l’architecture. Depuis si longtemps, en vérité que l’architecture n’était plus considérée comme un grand art créateur. Or, où pourrions-nous trouver l’âme de n’importe quelle culture humaine sinon dans l’architecture ?” 11

Franck LLOYD WRIGHT

L’importance donnée à l’architecture est ici capitale. L’architecture est le reflet de toute conception humaine et de son rôle au sein de la nature. Elle véhicule l’image que l’homme se fait inconsciemment de lui-même. L’architecture organique est pour Wright, l’interprétation sensible de la nature et donc du rôle de l’homme en son sein. C’est le moyen, non pas de comprendre le fonctionnement, mais de ressentir notre place. Dans cette quête, la forme transmet un message visuel. Néanmoins, la vue n’est pas le seul sens concerné. D’ailleurs, d’après le philosophe américain John Dewey, dans Art as Experience la vue est le sens de la distance, alors que l’ouïe 12

serait le sens de la proximité, de l’intimité.

Ainsi, l’architecture organique pour Wright implique une compréhension sensible de la nature et du milieu. C’est le lieu de jonction entre l’Homme, sa culture, son époque et son milieu. Quoi de plus similaire avec notre pensée de l’écologie profonde développée par Naess ? Nous avons pu voir précédemment que c’est finalement cette compréhension sensible du monde, que certains définissent comme poésie, d’autres comme phénoménologie, qui reste le pilier central de l’écologie profonde. Rester à l’écoute de la nature est une phrase qui prend ici tout son sens.

" Le poète - “législateur du monde qui ne le reconnait pas, p.5711

DEWEY John, Art as experience, (1932), New York Putnam’s, 1980.12

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FALLING WATER, MAISON POUR EDGARD J. KAUFFMANN, BEAR RUN, PENSYLVANIE, USA, 1939 CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE : PHOTO PRISE PAR CHRISTOPHER LITTLE, - SOURCE : MCCARTER ROBERT, FRANCK LLOYD

WRIGHT ARCHITECT, PHAIDON, 2002, PARIS

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LES TERRASSES ET LES AVANCÉES DE TOIT EN PORT-À-FAUX DONNENT LA SENSATION DE DYNAMISME ET DE STABILITÉ PROPRE AUX ARBRES. LE MOUVEMENT DE L’OBSERVATEUR ENTRAÎNE LE “MOUVEMENT” DU BÂTIMENT.

LA MAISON EST IMPLANTÉE EN HAUT DE LA CASCADE. ELLE FAIT PARTIE INTÉGRANTE DU PAYSAGE. LORSQU’UN VISITEUR APPROCHE, IL DÉCOUVRE L’ÉDIFICE PETIT À PETIT. IL SE DÉVOILE FACE APRÈS FACE COMME UN ÉLÉMENT DE LA FORET.

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PLAN ISSU DE : MCCARTER ROBERT,

FRANCK LLOYD WRIGHT ARCHITECT,

PHAIDON, 2002, PARIS

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Dans son œuvre la plus connue et la plus diffusée, on peut voir comment Franck LLOYD WRIGHT applique ces principes. La maison Edgar J. Kaufmann “Fallingwaters”, construite à Mill Run en Pennsylvanie aux Etats-Unis en 1935 est un parfait exemple d’architecture organique prônée par Wright. Dans la monographie qui lui est dédiée et écrite par Robert McCarter, on ne retrouve pourtant pas l’utilisation de ce terme. Cependant, en lisant le récit de la visite de la maison sur la cascade, on comprend très vite que même si elle n’est pas nommée, l’architecture organique est bien au centre du travail de Wright.

Contrairement à ce que beaucoup auraient fait guidés par leur instinct, Wright n’a pas placé la maison en dessous de la cascade afin de profiter de la vue. La maison a intégré la cascade en son sommet. Elle n’est pas en posture de recul pour pouvoir l’observer. Elle se place à l’intérieur du paysage pour pouvoir le vivre et l’entendre. La présence du cours d’eau ne fait que renforcer cette implantation. Ainsi, la cascade n’est pas vue mais bel et bien vécue par l’habitant. C’est le visiteur qui peut l’admirer quand il arrive à la maison. L’édifice est pensé de façon à s’ancrer dans le contexte. Wright a profité d’un événement naturel (soulèvement rocheux) pour implanter les fondations de la maison qui en dépit de sa structure partielle en béton, fait maintenant partie intégrante du décor. Des plans horizontaux en béton clair sont fixés autour d’un noyau vertical en pierre, de sorte que les étages et les terrasses donnent l’impression de bouger lorsque l’on tourne autour du bâtiment. C’est un ouvrage profondément ancré au sol mais qui reste pourtant très dynamique. Il ne reprend pas le langage formel des arbres qui l’entourent. Il réplique la posture que ces arbres ont par rapport à nous. Dans cet exemple précis il est intéressant de voir que l’arbre pour Wright n’est finalement pas défini comme un tronc de bois duquel s’élèvent des branches qui portent de belle feuilles vertes, mais plutôt comme un élément stable et enraciné, qui donne pourtant une étrange impression de dynamisme, de vigueur, et de vie. Ce n’est pas une description factuelle de l’arbre qu’évoque Fallingwater, mais bien les sensations que l’arbre peut provoquer en nous. Il est défini par la relation que nous entretenons avec lui et non par des qualités qui lui sont propres.

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Nous avons donc vu à travers ces deux exemples, comment l’écologie profonde nous permet de relire l’œuvre de certains architectes, faisant apparaître leur démarche comme profondément écologique, bien qu’au départ leur travail ne soit pas considéré comme tel. Chacun à leur manière et probablement de façon totalement inconsciente, ils illustrent la mise en application de la pensée de Naess au sein de leur discipline. On note ici que l’architecture peut être considérée comme un outil particulièrement propice à la révision de nos principes écologiques. Ainsi, dans ce chapitre, nous venons de voir comment il est possible de parler d’écologie en architecture sans même aborder le thème de l’éco-construction qui est pourtant actuellement la seule alternative envisagée. Si l’éco-construction a aujourd’hui le mérite d’exister comme référence écologique, il est essentiel de la prendre comme point de départ de notre réflexion, mais il est indispensable de la soumettre

au regard de l’écologie profonde.

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CHAPITRE 2- QUELS RÔLES POUR L’ÉCOLOGIE

SUPERFICIELLE ET L’ÉCOLOGIE PROFONDE DANS

L’ACTE DE BÂTIR AUJOURD’HUI EN FRANCE ?

Aujourd’hui, la construction écologique est appelée éco-construction. De la même manière que écologies profonde et superficielle peuvent se distinguer dans la théorie de l’architecture, elles peuvent être différenciées au sein de l’acte d’éco-construire. Cependant, comme nous avons pu le constater en introduction, la tendance générale actuelle est plutôt à l’écologie superficielle. Nous pouvons nous demander pour quelles raisons. Nous allons donc essayer de comprendre les implications politiques, économiques et sociales qui sont en jeu dans l’acte de bâtir. Ainsi, nous pourrons mieux saisir les marges de manœuvre qui sont aujourd’hui possibles. En effet, si l’éco-construction est principalement traitée avec les codes de l’écologie superficielle, quelles sont les raisons qui empêchent l’écologie profonde de se développer dans l’acte de bâtir ?

« Eco-construire » ou « éco-rénover » équivaut aujourd’hui à atteindre une haute performance sur plusieurs cibles touchant à l’environnement, au confort et la santé des occupants d’un bâtiment, en particulier la préservation des ressources énergétiques (matières premières, eau), la lutte contre le changement climatique, la réduction des déchets et de la pollution, la qualité de l’air intérieur, le confort des occupants (acoustique, visuel), la qualité environnementale et sanitaire des produits de construction. Les acteurs de la construction disposent aujourd’hui de référentiels, normes ou certifications pour les aider dans leurs projets et garantir l’atteinte de ces performances.” 13

Le rôle donné à l’éco-construction par le gouvernement à travers cette définition officielle est très clair : éco-construire, c’est construire en vue d’économiser l’énergie tout en continuant de respecter les normes de confort de notre société. Il n’est aucunement question d’une remise en cause de nos modes de vie, de notre relation avec notre milieu et la nature, ou même de la question de ce que peut être précisément la qualité de vie. Or, nous avons pu voir précédemment que c’est finalement à travers ces notions que se joue l’écologie profonde. Nous allons donc chercher comment le cadre même de l’éco-construction peut constituer une barrière au développement d’une autre idée de l’écologie en architecture.

Site internet du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le 26/12/14 à 09h3013

http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Eco-construction-.html

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Dans un premier temps, à travers des exemples de cas particuliers nous allons nous intéresser au cadre concret (économique et social) du travail de l’architecte afin de comprendre comment l’écologie superficielle intervient dans sa pratique. Dans un deuxième temps nous verrons comment le cadre politique de la construction peut pervertir ce que peut être l’écologie en architecture et parfois même, comment cette perversion peut dénaturer un lieu et nuire à ses habitants. L’exemple de Lyon Confluence permet d’illustrer parfaitement cette situation. C’est finalement dans un troisième temps que nous chercherons à présenter l’une des alternatives qui se développent aujourd’hui : l’auto-construction. En effet, cette démarche peut se présenter comme une mise en pratique des principes de l’écologie profonde dans l’acte de bâtir. Nous nous attacherons à comprendre ses avantages comme ses limites.

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A- Le cadre conventionnel de l’éco-construction en faveur d’une généralisation de l’écologie superficielle.

Le stage que j’ai eu l’opportunité d’effectuer dans une agence d’architecture spécialisée dans l’éco-construction et la conception bio-climatique a véritablement nourri ma réflexion. C’est au travers de ce type d’expérience que l’on peut comprendre la prédominance du cadre comme frein à la conception écologique des bâtiments. Les exemples qui seront soulevés dans cette partie seront donc issus de cette expérience . 14

Nous savons que le rôle de l’argent est de réguler les échanges et les services de façon à ne pas léser les différentes parties lors d’une transaction. C’est un dénominateur commun qui permet d’attribuer une valeur à chaque chose. Cette valeur est aujourd’hui fixée en fonction de la rareté, de la complexité et de la quantité de l’objet de la transaction. La prestation d’un architecte n’échappe pas à cette règle et la relation entre architecte et client est établie de manière contractuelle. Le contrat est là pour assurer d’une part que le client paiera correctement la prestation de l’architecte, et d’autre part que l’architecte produira ce qui est nécessaire à la réalisation du projet du client. Il paraît difficile d’établir les tarifs d’une agence d’architecture en fonction de la qualité de ce qu’elle produit. En effet, la qualité architecturale n’est pas quantifiable. Dès lors, comment définir une valeur factuelle ? C’est donc en fait l’acte productif de l’architecte qui sert de base pour fixer le prix de son travail. Sa prestation est découpée en plusieurs phases successives qui permettent de fixer le tarif de la mission globale, mais de manière détaillée. Cette méthode facilite la comparaison de tarif entre les différents ateliers d’architecture. Le temps de production reste la référence commune à toutes les agences.

Dans le cadre de mon stage par exemple, le prix était forfaitaire pour les phases d’esquisse, d’état des lieux et de permis de construire. La base de ce forfait était invariable. En revanche, le prix des autres missions était établi selon un pourcentage du montant des travaux. La prestation de l’architecte est donc valorisée selon des règles contractuelles et les assurances permettent d’amener une garantie au client sur les choix techniques et la viabilité du projet, mais tout est une fois encore basé sur des critères exclusivement matériels et scientifiques. Les garanties permettent de couvrir les erreurs de conceptions qui impliquent un risque de dommages matériels dans le bâtiment. En ce qui concerne les réelles qualités du projet architectural en tant que tel, rien ne peut garantir le client sur la bonne éthique de l’architecte.

Je tiens à préciser ici que le raisonnement qui suit est issu d’observations personnelles effectuées lors de mon stage 14

pratique de 5° année entre les mois de septembre et novembre 2014, à l’atelier d’architecture Alexis Monjauze architecte au Puy en Velay. Cet atelier est spécialisé dans l’éco-construction et la conception bio-climatique. En cela, c’est un exemple qui a toute sa légitimité au sein de notre réflexion et il est intéressant d’en parler pour montrer l’importance de l’influence du cadre légal dans l’appropriation de la question écologique en architecture. Cependant, il il faut rester conscient du fait qu’il n’est pas forcément généralisable.

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Le principe du contrat d’architecte par phases, rémunéré en partie en fonction du montant des travaux conduit parfois à une certaine méfiance du client envers l’architecte. Le maître d’ouvrage n’a pas l’impression de rémunérer l’architecte pour un projet, ou des compétences particulières. Il se demande du coup légitimement ce que l’architecte peut vraiment apporter au projet. On peut d’ailleurs noter avec les évolutions récentes de lois qui régissent l’appel obligatoire aux architectes que leur utilité est de plus en plus remise en question. La récente augmentation du seuil minimum à partir duquel il est obligatoire de faire appel à un professionnel en est une parfaite illustration. Pour trop de maîtres d’ouvrage, aujourd’hui, les compétences et la nécessité d’un architecte se limitent à la signature des plans et sa capacité de médiateur entre les différents acteurs de la construction. Le savoir-faire spatial et la créativité sont presque éludés, ils deviennent accessoires. Ils ne s’évaluent pas et n’ont donc pas d’importance. C’est pourtant bien là qu’est sensée intervenir la notion d’écologie profonde en architecture. A plusieurs reprises au cours de mon stage, j’ai assisté à des réunions où le client s’attachait uniquement au nombre de plans rendus, à la quantité de dessins et esquisses fournis, sans s’attacher à la démarche même de création du projet. Cela montre la perversion de la qualité par la quantité. Le contrat d’architecte se basant sur la production effective de l’architecte, le client en déduit que la seule compétence que l’architecte lui apportera est la matérialisation de son projet par le dessin. La relation entre le client et l’architecte est profondément influencée par la valeur financière du travail de l’architecte déterminée à la base par le cadre conventionnel. Une telle vision de l’architecte et son travail devient un réel frein à la discussion et donc à l’élaboration d’un projet. Comment serait-il possible pour l’architecte d’apporter une réelle réflexion autour de l’écologie dans la construction si son rôle est relégué à celui d’un exécutant, dessinateur de plans et signataire de permis de construire ?

Nous pouvons aussi observer que dans ce système, l’architecture a vocation à se transformer en consommable. En effet, le mode de rémunération fixé par les contrats d’architectes basé sur la production plutôt que sur la création implique forcément une baisse de la qualité de la créativité architecturale. Le but n’est plus dès lors de passer du temps à rechercher des solutions innovantes et intelligentes aux problèmes de société que l’architecture peut atteindre, mais bien de vendre un projet. Mon propos n’est surtout pas ici d’apporter une critique sur l’état d’esprit de certains architectes, mais bien sur l’influence même du cadre financier dans la profession. Les efforts de l’architecte pour améliorer sa rentabilité ne sont d’ailleurs pas forcément motivés par l’appât du gain. Dans la conjoncture actuelle, le temps de production devient un problème fondamental. Economiser du temps sur la conception devient une évidence pour chacun. Il faut que l’agence tourne ! C’est le côté pernicieux du système car il devient un frein au développement de toute réflexion sur un autre type d’architecture. Pendant les trois mois qu’a duré mon stage, l’agence d’Alexis MONJAUZE s’est vue écartée de plusieurs appels d’offres tant publics que privés car ses prix étaient trop élevés par rapport à ses concurrents. Cependant, l’atelier n’était pas en capacité de proposer un meilleur tarif pour une éco-conception, éthiquement correcte et spatialement juste.

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C’est d’ailleurs pour cette raison que la grande majorité des projets traités par l’agence concerne des maisons individuelles. C’est dans ce secteur que l’agence peut mener à bien sa démarche, car c’est là que l’architecte a le plus la possibilité de tisser un lien direct avec son client et donc de lui montrer pourquoi le temps passé en plus sur son projet lui apporte une réelle plus-value. Mais ce constat nous montre à quel point la recherche en éco-construction à plus grande échelle peut être compliquée.

Nous avons donc pu voir que l’expertise et le savoir-faire de l’architecte n’étaient pas réellement reconnus par le cadre économique qui définit leur profession. La recherche du progrès en architecture devient donc de plus en plus difficile pour les professionnels qui doivent aussi subvenir à leurs propres besoins. On peut donc voir que, dans ce cadre, les notions d’écologie profonde que nous avons pu soulever lors du premier chapitre ne peuvent pas aujourd’hui être reconnues par la société comme de vraies améliorations dans la production architecturale. Nous venons de mettre le doigt sur l’un des freins au développement pratique de l’écologie profonde en architecture. C’est parce que l’écologie profonde est impossible à promouvoir au sein de la profession de par l’absence de preuve tangible de son efficience immédiate, que l’écologie superficielle trouve toute sa place.

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B- La politique comme élément d’influence sur l’écologie au sein de l’architecture : différents objectifs pour différents acteurs

La transformation de la problématique écologique en enjeu politique a aussi

considérablement altéré la vision que nous pouvions en avoir dans le milieu de la construction. En

effet, si l’écologie est aujourd’hui devenue une question incontournable pour les hommes politiques français, c’est parce qu’il est extrêmement facile de l’instrumentaliser. On peut notamment le voir dans les politiques locales qui prennent en charge ce qui relève de l’aménagement du territoire. Dans le secteur de la construction comme dans bien d’autres,

l’écologie est devenue un sujet essentiel à traiter. Il a donc fallu créer des outils qui permettraient

d’une part de communiquer autour de ce sujet et d’autre part d’encadrer les réflexions menées dans ce domaine. Ces outils sont les labels et les normes. Les labels permettent de fixer des

objectifs à remplir tout en simplifiant la communication pour les néophytes. Chaque année naissent

des organismes de certification qui créent leur propre marque et leur système d’évaluation. Afin de déterminer quel bâtiment pourra recevoir tel ou tel label, il est nécessaire de créer une grille de critères. En effet, la certification doit être objective. Elle s’établit donc selon un modèle purement

scientifique. Chaque critère est basé sur un savant calcul de la pollution provoquée par la

construction ou bien sur les besoins en énergie du bâtiment ou encore sur le taux d’ensoleillement naturel global du bâtiment, etc… Les objectifs que fixent les labels sont particulièrement orientés. Or les labels, étant un excellent moyen de communiquer facilement sur la portée écologique d’un projet, ils sont devenus

peu à peu les seuls objectifs visés en termes d’environnement et d’innovation écologique. Le seul

et unique moyen de les atteindre reste la surenchère technologique. Ces démarches ne provoquent aucune réelle réflexion sur les fondamentaux d’une architecture écologique. Prenons pour illustrer ce propos l’exemple du quartier de Lyon Confluence.

Le quartier de Lyon confluence est en fait un projet à objectifs majoritairement politiques.

Son but de départ est de donner à la ville de Lyon une réelle légitimité en tant que grande

métropole européenne et qu’elle soit reconnue au niveau international.

“Aujourd’hui le projet de la Confluence est une pièce clé d’un projet d’ensemble qui

vise à faire de Lyon une métropole d’intérêt européen.” 15

Gérard COLLOMB

Propos de Gérard COLLOMB, maire de la ville de Lyon depuis 2001, lors d’une interview de Arca international à 15

propos du projet de Lyon confluence en 2010.Arca internationale n°93, Mars Avril 2010, “EDUCATION”, CASATI Cesare M, “Lyon Confluence”, Article p.98.

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VUE À VOL D’OISEAU DE SYNTHÈSE SUR LA PREMIÈRE PHASE DU PROJET URBAIN LYON CONFLUENCE

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES : DEPAULE ASYLUM/PAD, POUR SEM LYYON CONFLUENCE SOURCE : MOIROUX FRANÇOISE, LE PROJET URBAIN : NOUVELLE VITRINE DE L’ARCHITECTURE, LYON CONFLUENCE, MIROIR

DÉFORMANT ?, D’A N°171, MARS 2008, P.48-51

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Si l’impulsion qui est à la base du projet est cette volonté politique, l’objectif premier ne

sera donc pas le projet lui-même mais plutôt l’image qui s’en dégage. On comprend ainsi pourquoi ce sont les labels qui dictent quelle conduite adopter pour favoriser l’écologie au sein de ce

nouveau quartier. On se rend également compte que c’est bien pour plus de visibilité que déjà à la

conception du projet, c’est la table rase qui se pose comme principe de base. La très grande

majorité du tissu et des bâtiments existants sont détruits afin de permettre la création d’un tissu qui

suit un schéma orthonormé. Ce tissu permet alors de fragmenter le territoire plus facilement en

différents lots puis en plusieurs parcelles. Chaque parcelle sera investie d’un bâtiment répondant à un label écologique de manière libre, de sorte que le quartier se transforme en “laboratoire d’expérimentation architecturale contemporain”.

“Notre ambition est de bâtir une métropole équilibrée sur le plan social, en évitant

l’étalement urbain, une cité post-carbone énergétiquement sobre, réduisant ses

émissions de gaz à effet de serre. Car la ville sera j’en ai la conviction le modèle

écologique du XXI° siècle.” 16

Gérard COLLOMB

Cette démarche est effectivement très facile à instrumentaliser et à communiquer. De

nombreuses publications permettent de lire l’efficacité de la première phase déjà réalisée en

termes d’économies d’énergies. Dans beaucoup de revues spécialisées françaises ou internationales ou encore sur le site internet du projet, on peut consulter les pourcentages et

données numériques qui montrent l’efficience et l’importance que donne le projet à la démarche

écologique. Cependant ces chiffres restent très abstraits et nous allons maintenant essayer de comprendre ce qui résulte spatialement de la démarche développée par ce projet. Se balader dans Lyon confluence est devenue monnaie courante. Les familles peuvent aller profiter des aménagements créés sur la pointe de la presqu’île. La conception fragmentée du

quartier provoque un flottement de l’espace public qui est davantage traité comme un espace

résiduel secondaire et non comme un espace à part entière. Certains lieux phares du projet tels la

place nautique ou encore la balade en bord de Saône sont toutefois des exceptions.

Par ailleurs, le fait d’avoir finalement détruit la grande majorité des bâtiments existants a

impliqué une conception de constructions ex nihilo. Le rapport entre chacun d’entre eux est donc

impossible à déterminer étant donné qu’ils ont tous été conçus en même temps. Les transitions

semblent n’appartenir à personne. Il est difficile de savoir quel est le statut de ces “non lieux” pour

reprendre le terme développé par l’anthropologue Marc Augé.

Propos de Gerard COLLOMB, maire de la ville de Lyon depuis 2001, lors d’une interview de Arca international à 16

propos du projet de Lyon confluence en 2010.Arca internationale n°93, Mars Avril 2010, “EDUCATION”, CASATI Cesare M, “Lyon Confluence”, Article p.98.

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LE MONOLITHE EST UN BÂTIMENT PHARE DU PROJET. 5 CÉLÉBRITÉS DE L’ARCHITECTURE SE PARTAGENT CET IMMENSE BÂTIMENT PUBLIC DONT LA COUR INTÉRIEURE A POUR VOCATION D’ÊTRE TOTALEMENT OUVERTE AU PUBLIC - C’EST L’ÎLOT OUVERT,

PRINCIPE MAJEUR DANS L’URBANISME DU PROJET DE LYON CONFLUENCE

APRÈS RÉALISATION, IL SEMBLE QUE L’ÎLOT OUVERT NE SOIT PAS AU GOÛT DES HABITANTS ET PROPRIÉTAIRES DU BÂTIMENT. DES GRILLES ET DE TRÈS FORTES RESTRICTIONS ONT ÉTÉ INSTALLÉES AUTOUR DE TOUS LES COEURS D’ÎLOTS. LES ESPACES SEMI-

PUBLICS DEVIENNENT PRIVÉS, IL RESTE DONC LA RUE.

LES ESPACES PUBLICS ÉTANT LE RÉSIDU DU BÂTI, DES INCOHÉRENCES SPATIALES LE RENDENT DIFFICILEMENT LISIBLE. LES LIMITES ENTRE PIÉTONS ET VOITURES NE SONT PAS CLAIRES. LE PIÉTON N’A PAS VRAIMENT DE PLACE SUR CERTAINS DE CES

ESPACES QUI ONT UNE VOCATION PLUS PUBLICITAIRE QU’UTILITAIRE, COMME LA PLACE NAUTIQUE

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PHOTOS PERSONNELLEPHOTOS PERSONNELLE

PHOTOS PERSONNELLEPHOTOS PERSONNELLE

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES : DEPAULE ASYLUM/PAD, POUR SEM LYYON CONFLUENCE SOURCE : MOIROUX FRANÇOISE, LE PROJET URBAIN : NOUVELLE VITRINE DE L’ARCHITECTURE, LYON CONFLUENCE, MIROIR

DÉFORMANT ?, D’A N°171, MARS 2008, P.48-51

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Les différents bâtiments sont si peu liés entre eux que le quartier prend la forme d’un musée de l’architecture contemporaine. Dans ce lieu ou l’espace public n’a aucun caractère car

créé de toutes pièces et totalement détaché de l’histoire du quartier, le piéton ne trouve pas

vraiment sa place. Il déambule entre les différentes sculptures que l’on suppose habitées mais dont aucune vie ne s’échappe. Chaque élément est indépendant et aucune relation n’est vraiment

lisible. Chaque entité forte du projet ne fonctionne finalement que pour elle-même et une identité

de quartier est difficile à déterminer. L’aspect écologique ici prôné est donc essentiellement

l’économie d’énergie et la réduction de la pollution.

On note tout de même une volonté de réflexion sur une conception écologique de la ville

avec deux notions visibles sur le site internet de Lyon Confluence . 17

La nature en ville est un premier axe de recherche. L’idée est de réinsérer le concept de

nature au sein de l’urbain, et de continuer de profiter du “patrimoine naturel exceptionnel” que

présente la confluence des deux fleuves. L’outil principal qui est alors mis en place est la végétation avec des jardins dans les cours d’immeuble et un “parc habité”.

Le deuxième axe est la volonté de favoriser une biodiversité au sein du quartier. On nous explique

comment les parcs aquatiques, la végétalisation des toitures ainsi que l’implantation de certaines

espèces végétales particulières ont permis l’instauration d’une biodiversité de la faune.

Ces deux axes de recherches sont en fait motivés par un élément fondamental pour la communication du projet : la labellisation du quartier dans son intégralité. En effet, ces deux nouveaux titres sont en fait des prérogatives pour pouvoir obtenir le label WWF.

Ce label qui s’applique à l’ensemble du quartier permet de communiquer une image

d’ensemble très cohérente et reconnue par un organisme externe issu du domaine de

l’environnement et plus particulièrement la protection des animaux. De cette façon, et malgré la

fragmentation du processus de projet que nous avons pu observer, le label ainsi obtenu permet de

donner une certaine légitimité au quartier à se présenter comme une entité complexe qui

fonctionne comme un tout, alors qu’en réalité, les actions écologiques qui sont mises en œuvre au sein du projet sont toutes indépendantes les unes des autres.

Les démarches écologiques ici présentées sont donc pleinement inscrites dans une idée

d’écologie superficielle. Cette vision de l’écologie est induite par une volonté politique forte. Elle

oriente la démarche dans une direction où l’immédiat et le flagrant sont mis en avant, de manière à pourvoir instrumentaliser le projet et ses qualités et en faire un objet de communication.

Les intérêts et les objectifs sont cependant superficiels à la base. Il est donc logique que la

démarche écologique qui en découle ne permette pas une remise en question des fondamentaux.

http://www.lyon-confluence.fr/fr/centre-ville-durable/nature-en-ville.html17

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C- L’auto-construction comme exemple d’alternative possible à l’omniprésence de l’écologie superficielle en éco-construction : opportunités et limites.

CONSTRUIRE SOIT-MÊME

À la base de l’auto-construction se trouve avant tout un choix. En effet, les auto-constructeurs décident de se mettre en opposition au système de construction conventionnelle. Leurs raisons peuvent être diverses, mais dans le cas qui nous intéresse, c’est parce que la construction écologique “usuelle” ne correspond pas à leur conception des choses.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs de ces auto-constructeurs. Leur démarche

est simple : pour eux, la construction écologique est en fait un tout. Elle comprend bien sûr les choix techniques de matériaux, de mode de chauffage et de ventilation, de gestion de l‘eau, etc… mais aussi, le processus de construction, l’interaction avec le territoire à plus grande échelle, les rapports humains que la construction pourrait engendrer, et bien sûr, la relation avec la nature que le bâtiment suggère. Cette démarche totale est très complexe. Elle demande beaucoup de réflexion et de temps.

Le temps est d’ailleurs le maître mot de l’auto-construction. Pour les personnes que j’ai

rencontrées et avec qui j’ai travaillé à la réalisation des différents édifices, cette notion était essentielle sur plusieurs aspects. Il y a en premier lieu la période de réflexion et de conception qui nécessite évidemment un

certain temps. Les auto-constructeurs n‘étant généralement pas des professionnels de la construction et encore moins des architectes, la démarche de projet architectural leur est généralement totalement inconnue. En même temps qu’ils ont imaginé leur habitat futur, certains ont choisi de tester différentes techniques de construction. L’absence de relation contractuelle avec des professionnels leur a permis de prendre le temps d’expérimenter à l’échelle 1 des techniques apprises sur d’autres chantiers afin de déterminer laquelle serait la plus appropriée à leur situation. Étant libérés des cadres conventionnels qui régissent la construction, ils ont pu choisir des techniques normalement proscrites car non certifiées. Certains matériaux n’étant effectivement pas référencés en tant que matériaux de constructions sûrs avec des techniques bien établies par les DTU, il est normalement impossible de les utiliser dans le cadre conventionnel. Parallèlement à ces expérimentations, leur projet a pu évoluer en fonction des techniques choisies. Ces techniques sont bien souvent des savoir-faire anciens, réinvestis et améliorés pour répondre aux exigences contemporaines. Leur avantage est de rester à une échelle humaine. Leur mise en œuvre est alors possible à main d’homme et l’expérimentation avant la réalisation permet de les choisir en connaissance de cause.

Néanmoins, nous touchons là la première limite d’une telle démarche. Si effectivement, s’exclure du cadre de la construction conventionnelle permet d’ouvrir la porte à des techniques de

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constructions normalement proscrites, le savoir-faire des professionnels du bâtiment ainsi que les progrès technologiques de ces dernières années deviennent dès lors inaccessibles. Nous avons pourtant déterminé plus tôt à travers la définition que Franck Llyod WRIGHT nous fait de l’architecture organique, que le progrès technique reste essentiel. De ma même manière, Arne Naess dans sa théorie de l’écologie profonde ne remet pas en cause les moyens mais plutôt les raisons qui nous permettent de faire un choix. C’est ce qu’il nous explique quand dans le troisième chapitre de son livre, il nous parle de la révision des axiomes de notre raisonnement par l’application de valeur éthique à ces principes fondamentaux. 18

Vient ensuite la deuxième étape de l’auto-construction : la réalisation, qui elle aussi

nécessite souvent beaucoup de temps car l’auto-constructeur travaille seul. Il peut toutefois être aidé par des bénévoles lors d’évènements organisés comme les chantiers participatifs. Les techniques utilisées sont la plupart du temps elles aussi longues à mettre en œuvre, car réalisables à main d’homme, sans recours systématique aux machines. Mais si la durée de la construction est une contrainte, c’est également l’occasion de développer une autre relation au bâtiment et au lieu. Nous avons vu que le projet évolue au fil de la construction en fonction des problèmes rencontrés. Lentement s’établit un lien très fort entre la personne et le bâti. La construction se voit presque octroyer une personnalité. La preuve en est, que lorsque je suis arrivé sur les chantiers, les constructeurs se sont présentés, mais ils m’ont aussi présenté l’édifice en cours. Chaque mur, cloison, plancher avait suscité des questionnements chez ces personnes qui finalement connaissaient leur bâtiment par cœur. Ils en appréciaient généralement aussi bien les qualités que les défauts. C’est ce qui donnait aux bâtiments leur propre caractère.

LE CHANTIER PARTICIPATIF

Les chantiers en eux-mêmes et dans leur déroulement prennent en compte la connexion

presque spirituelle entre le site, la construction, et l’habitant. Au milieu des deux entités que forment le bâtiment et son contexte, se trouvent les personnes qui travaillent. Elles aussi trouvent leur place en accord avec cette relation. Le chantier et les techniques étant à échelle humaine, il y a très peu de machines à disposition. Les bénévoles sont accueillis sur place et peuvent résider au sein de la construction quand son avancement le permet, ou alors camper sur son terrain. Il n’y a en général ni eau courante, ni système de chauffage. C’est donc avec des douches solaires, le feu de bois et des toilettes sèches que vivent les petites “communautés” fluctuantes des différents chantiers. Aucun déchet n’est produit, tout est recyclé. Les restes et les chutes du chantier sont réinvesties dans des petites constructions indépendantes que les bénévoles utilisent pour se faciliter la vie quotidienne. Ont vu ainsi le jour un four, un cadran solaire, un barbecue, et bon nombre de mobiliers de fortune. Si ce mode de vie peut

NAESS Arne, Écologie, Communauté et Style de vie, Chapitre 3 - Faits et valeurs : les normes de base, 1989, 18

traduction FR. 2008, Editions MF, p.115�42

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paraître rude, voir même extrême, il faut comprendre la relation que ces gens entretiennent avec les notions de confort et de luxe. Les auto-constructeurs se réfèrent généralement au travail de Henri David THOREAU. Ce philosophe du XIX° siècle a refusé la transformation sociale imposée par la révolution industrielle et l’avènement du capitalisme. Il ne s’oppose pas à l’avancée technologique en tant que telle mais plutôt à l’usage que l’on en fait et à l’asservissement de l’homme qui en découle. Ainsi, dans son livre Walden, ou la vie dans les bois , il nous fait part de manière très pratique et concrète, de 19

l’idée qu’il se fait de la vie, du bonheur et du progrès. Il nous explique comment il est allé s’établir loin de toute civilisation au bord du lac Walden et comment il a vécu en autonomie durant cinq ans. C’est à travers le récit pratique des problèmes rencontrés, qu’il développe l’idée d’un bonheur loin de toute conception matérielle tels que le confort et le luxe. C’est ce même but que recherchent les auto-constructeurs.

“Suivant un apparent destin communément appelé nécessité, ils s’emploient comme il est dit dans un vieux livre, à amasser des trésors que les vers et la rouille gâteront et que les larrons déroberont”

Là où l’on peut voir que la pensée de Thoreau rejoint celle de Naess ou même la vision de l’homme libre que défend Wright, c’est finalement quand il nous explique qu’en se libérant des fausses nécessités du confort et du luxe, nous avons bien plus de temps pour observer la beauté de la vie et de la nature. Les seules nécessités réelles auxquelles nous devons répondre sont donc le couvert (l’abri) le vêtement, et la nourriture. Les conceptions scientifiques du monde sont alors reléguées au second plan, pour permettre une compréhension poétique et sensorielle de la nature.

“La fausse société des hommes pour la grandeur terrestre Dissout à néant toute douceur céleste” 20

George Chapman

C’est la recherche de ce même bonheur simple que l’on retrouve dans la philosophie du chantier participatif. Cette observation sensible est aussi appliquée à l’apprentissage des techniques de construction. Dans ce cadre, le rapport aux matériaux se voit transformé. La main devient l’outil principal du bénévole participant au chantier et ce pour deux raisons : le manque de moyen pour pouvoir équiper tout le monde d’outils, mais aussi la sensibilité du toucher. Quand sur un chantier, nous apprenons à fabriquer par exemple un enduit en terre, ou bien une partie en torchis, ou encore un mortier naturel, c’est en le touchant que nous apprenons à déterminer la qualité du

THOREAU Henri David, Walden ou la vie dans les bois, trad. FR Gallimard, 1922,19

Thoreau cite ce poète anglais à la page 43 de son livre pour exprimer l’aspect presque spirituel d’une observation 20

poétique de la nature.�43

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travail effectué. C’est le point de vue sensible qui permet d’évaluer, de contrôler, modifier, doser, appliquer… L’observation, mais aussi l’expérience sensorielle sont des moyens de transitions qui trouvent dans ce cadre tout autant leur place qu’un une étude technique approfondie.

La question du bénévolat dans le chantier participatif est sujet à débat entre professionnels de la construction et auto-constructeurs. Nous avons vu que le refus du cadre entraîne l’impossibilité de faire appel aux artisans professionnels. Le rejet du système impose donc à l’auto-constructeur de se former seul. En ce sens, il perd non seulement la possibilité d’utiliser certaines techniques technologiquement avancées, mais il doit aussi se passer du savoir-faire de gens d’expérience dans tous les domaines. Il est livré à lui-même, et doit se débrouiller pour apprendre par ses propres moyens. Le chantier participatif vient répondre à ce besoin de transmission des savoirs entre auto-constructeurs, mais beaucoup voient ici une régression. Il est vrai en un sens que beaucoup d’aspects techniques issus d’un savoir empirique et scientifique centenaire disparaissent dans une telle démarche. Néanmoins, le but principal n’est pas de nier les avancées technologiques que les progrès scientifiques ont apportées. Les techniques utilisées sont en général vernaculaires car elles sont encore porteuses de valeurs simples qui mettent en jeu la relation entre le bâtisseur et le matériau brut. L’utilisation de ces techniques exprime seulement le besoin de renouer avec la nature. La disparition d’une grande partie des avancées technologiques au sein de la construction est perçue du point de vue des auto-constructeurs comme une conséquence indirecte mais inévitable dans le renouveau d’un lien profond entre Homme et milieu.

LES LIMITES DE L’AUTO-CONSTRUCTION

Nous avons donc pu voir comment l’auto-construction permettait, en sortant du cadre de la construction conventionnelle, d’intégrer une conception profonde de l’écologie au sein même du processus de projet et dans l’acte de bâtir. Néanmoins, nous voyons aussi très bien les limites de cette démarche alternative. Son exclusion totale du système a plusieurs conséquences.

Nous avons déjà noté que l’absence de professionnels entraîne une disparition de savoir-faire pourtant utile. De plus, la réalisation des travaux par des bénévoles formés « sur le tas » peut entraîner bon nombre de malfaçons dans l’édifice. Ces défauts peuvent, non seulement entraîner des dysfonctionnements des systèmes du bâtiment, mais aussi entrainer un réel danger à la fois pour le futur habitant de la maison ainsi que pour les bénévoles sur les chantiers.

L’auto-construction peut fonctionner pour le développement de logements individuels ou communautaires d’envergure raisonnable en milieu rural. Qu’en est-il de tous les autres programmes et des constructions en milieu urbain ?

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Finalement, nous pouvons constater un dernier élément qui nous empêche de considérer cette démarche comme durable : la pérennité du bâtiment. Lorsqu’un architecte conçoit un bâtiment conventionnel, il peut essayer de le penser de sorte que l’on puisse le réinvestir facilement pour de nouveaux usages. Le bâtiment est voué à perdurer, évoluer au cours du temps. Dans le cas de l’auto-construction, le problème de la pérennité de l’édifice consiste en sa reconnaissance publique en tant que bâtiment viable. Nous ne remettons pas en cause les techniques utilisées en elles-mêmes. Cependant, le fait que les techniques de constructions et les matériaux utilisés ne soient pas reconnus par un organisme officiel, rend toute vente ultérieure impossible. De plus, en l’absence d’architecte pour veiller au respect des normes qui régissent aujourd’hui la construction du bâtiment, il est difficile d’envisager que quelqu’un accepte d’acquérir une telle construction. Même s’il n’est pas question ici de juger le travail des auto-constructeurs qui peut être de qualité, nous constatons seulement qu’une fois que nous sommes sortis du cadre lorsqu’il ne nous convient pas, nous ne sommes pas en mesure de proposer des solutions durables. C’est bien là que réside la vraie limite de l’éco-construction.

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CONCLUSION

S’approprier et redéfinir les termes de l’écologie en architecture ne signifie pas aller à l’encontre de ce qui est déjà en place. A travers ce mémoire, nous avons proposé une relecture de certains aspects de l’architecture au travers du filtre de l’écologie profonde. Nous rappelons que l’objectif n’était pas de démontrer la validité de ce procédé et de révoquer la vision conventionnelle de l’écologie. Nous avons essayé de montrer les possibilités qu’offrirait une diversification de l’écologie dans la recherche du progrès et l’innovation. Dans notre propos, nous avons appliqué ce filtre à l’architecture, mais il pourrait être intéressant d’en faire de même dans d’autres domaines.

Nous avons vu que l’architecture est le reflet du rapport que nous entretenons avec notre environnement. C’est habiter un bâtiment de manière sensible qui suggère une autre relation à la nature. Elle nous fait réfléchir à la façon dont nous voulons vivre notre monde, comment nous voulons l’investir et nous y établir. Une réflexion plus poussée sur nos modes de vie reste à mener. Nous ne pouvons pas nier l’importance de l’esthétique comme élément purement sensible qui influence fortement le rapport que nous entretenons avec le lieu que nous habitons. Wright suggère l’idée d’une architecture organique, qui ne se contente en aucun cas d’imiter la nature mais qui représente plutôt le la rencontre entre l’homme, le lieu et l’époque. Le cadre conventionnel dans lequel nous construisons implique une certaine orientation de la forme que l’écologie prend en architecture. La non reconnaissance du savoir-faire et de l’expertise de l’architecte entraine une perte de la qualité architecturale. Ce phénomène est accentué par l’instrumentalisation politique de l’écologie et de l’architecture comme outil de communication et de publicité. L’ensemble de ces éléments entraîne une écologie unique et superficielle. Pour permettre à l’écologie profonde de se faire sa place au sein de la construction contemporaine, certains ont choisi de s’exclure du cadre. Cependant nous avons pu voir les limites qu’engendrent de telles positions alternatives.

A travers ce travail, nous avons pu voir d’un côté quelles formes l’écologie profonde pouvait revêtir au sein de la discipline architecturale et dans sa pratique. D’un autre côté, nous avons pu observer les limites au développement de cette vision de l’écologie, mais aussi les démarches existantes à ce jour pour tenter de lui donner sa place. Il est clair maintenant que l’intégration d’une nouvelle pensée de l’écologie en architecture doit intervenir de manière globale à tous les niveaux et pour tous les acteurs de la construction. S’exclure du cadre actuel existant ne peut en aucun cas se présenter comme une alternative durable. Nous pouvons alors nous interroger sur le rôle que peut jouer l’architecte dans la mise en place d’une nouvelle démarche. Nous avons pu comprendre que l’architecte doit en premier lieu porter un regard sensible sur le lieu, le milieu et la nature, pour pouvoir nourrir le projet de cette perception non scientifique. Les espaces créés doivent ainsi répondre à une cohésion profonde avec le lieu et l’époque. Il doit

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aussi mettre à profit son savoir-faire et son expertise. Il est le seul garant de la qualité spatiale du projet, qui est aussi le lieu de l’écologie profonde en architecture. Enfin, il doit intégrer le processus de construction comme élément à part entière du projet. Le cas particulier doit être la règle. Ainsi, il doit concevoir des processus de construction adaptés à la fois au programme, aux habitants, au site, et aux bâtisseurs. L’enjeu de la construction ne se limite pas à la réalisation du bâtiment, mais bien à la naissance de nouvelles relations entre lieu, bâti et habitant. Les acteurs de la construction doivent être conscients de cet acte pendant qu’ils construisent pour permettre la cohésion dans l’édification.

Certains architectes ont déjà commencé à réfléchir sur ces notions. Quand Patrick BOUCHAIN fait construire en premier lieu la maison du chantier pour pouvoir réunir les artisans et connaître leur opinion sur le projet , il leur rend l’importance et le respect qui leur est dû. Il 21

recherche de cette manière à leur montrer leurs responsabilités dans l’acte de bâtir et la production d’un bâtiment. Impliquer les artisans dans le chantier par d’autres moyens que la rémunération permet de favoriser une vraie conscience constructive de la part de chacun des acteurs. Simone et Lucien KROLL ont, eux aussi une conscience très forte de l’importance de l’homme et de l’habitant au sein du processus de projet architectural. La notion de “participatif” qu’ils développent n’est que la conséquence d’une philosophie du projet et de la construction empreinte d’un profond humanisme. Cet amour de l’espèce humaine a entraîné une pensée que l’on peut très facilement rapprocher de l’écologie profonde. De cette manière, les Kroll ont développé une sorte d’empathie envers le lieu et les futurs habitants . Ils recherchent l’harmonie 22

entre ces entités et leurs voisins. Les outils de participations qu’ils ont alors développés tout au long de leur carrière vont dans ce sens et peuvent être des bases de réflexions.

Pour conclure, nous pouvons dire que ce mémoire a réellement mis en évidence le fait que l’Architecte a lui-même un rôle prépondérant à jouer dans une nouvelle conception écologique profonde de la construction. Il doit être à la fois l’initiateur et le chef d’orchestre d’un cadre nouveau qui permettra de créer une véritable « éco-construction » soucieuse à la fois du respect de normes « durables » et du rapport étroit entre l’homme, la construction et la nature.

Il sera d’ailleurs intéressant d’avoir à l’esprit cette réflexion tout au long de la démarche du PFE. L’objectif de ce mémoire étant d’étudier et mieux comprendre comment l’écologie profonde peut intervenir au sein d’un processus de projet, nous aurons la possibilité de poursuivre notre démarche de manière plus pratique en expérimentant de nouveaux outils d’analyse, en essayant

BOUCHAIN Patrick, Construire, mais comment, Entretiens de Chaillots du 27 septembre 2004, Conférence en ligne : 21

http://webtv.citechaillot.fr/video/patrick-bouchain consultée le 12/11/2014

BOUCHAIN Patrick (sous la direction de), Simone et Lucin KROLL - Une architecture habitée, Actes sud, 201322

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d’être plus libres sur la forme et l’esthétique que peut développer un bâtiment en rapport au lieu, aux usages, aux habitant et à l’époque dans laquelle il va s’établir. Ces éléments seront des sujets de questionnement à chaque étape du projet et nous permettront peut être de développer une architecture que certains appellent « organique », d’autres « régionaliste critique », ou d’autres encore architecture »alternative », mais en tout état de cause, en perpétuelle recherche d’une profonde amélioration de la qualité de vie.

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PHOTOS DE LA PREMIÈRE DE COUVERTURE : VERSCHUEREN BOB, DIALOGUE ENTRE NATURE ET ARCHITECTURE, MARDAGA, 2007, WAVRE - BELGIQUE

INSTALLATION III / 00 - CHAPPELLE DE BOONDAEL, BRUXELLES (B) - LIERRES

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« Eco-construire » ou « éco-rénover » équivaut aujourd’hui à atteindre une haute performance sur plusieurs cibles touchant à l’environnement, au confort et la santé des occupants d’un bâtiment, en particulier la préservation des ressources énergétiques (matières premières, eau), la lutte contre le changement climatique, la réduction des déchets et de la pollution, la qualité de l’air intérieur, le confort des occupants (acoustique, visuel), la qualité environnementale et sanitaire des produits de construction.” Cette définition de l’éco-construction donnée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est révélatrice du consensus qui touche aujourd’hui l’écologie dans notre société. A travers le travail du philosophe Arne NAESS, ce mémoire interroge la possibilité d’une autre posture écologique au sein de la pratique architecturale : l’écologie profonde.

« Eco-build » or « eco-renovate » now amounts to achieve high performance on multiple targets affecting the environment , comfort and health of building occupants , especially the preservation of energy resources ( materials first , water), the fight against climate change, waste reduction and pollution , the quality of indoor air, occupant comfort (acoustic, visual) , environmental and health quality of construction products . " This definition of eco-construction given by the Ministry of Ecology, Sustainable Development and Energy reveals the consensus that now affects the ecology in our society. Through the work of the philosopher Arne NAESS, this paper questions the possibility of another ecological posture in architectural practice : the deep ecology.

ARCHITECTURE ÉCOLOGIQUE - ÉCO-CONSTRUCTION - PHILOSOPHIE EN ARCHITECTURE - ARNE NAESS - ÉCOLOGIE PROFONDE