du 7 au 21 mars 2011 « d'infinis...

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13ème Printemps des Poètes du 7 au 21 mars 2011 « d'infinis paysages » Exprimer les liens profonds qui unissent l'homme à la nature, les célébrer ou les interroger est un des traits les plus constants de la poésie universelle. Mers et montagnes, îles et rivages, forêts et rivières, ciels, vents, soleils, déserts et collines, la plupart des poèmes porte comme un arrière-pays la mémoire des paysages vécus et traversés. Se reconnaître ainsi tributaire des infinis visages du monde, c'est sans doute, comme le voulait Hölderlin, habiter en poète sur la terre. Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes Un éclairage particulier sera porté sur l'oeuvre de poètes coureurs d'horizons... Michel Butor, René Depestre, André Velter et Kenneth White À l'occasion de l'année des Outre-mer sera également mise en valeur la poésie d'Outre-mer. Lundi 7 mars Une manifestation d’envergure marquera le lancement du Printemps des Poètes avec la complicité de nombreux comédiens, à Paris et en province, pour des lectures dans l'espace public. Ce document est réalisé à l'intention des enseignants et des médiateurs du livre, afin de les aider à proposer des textes pour participer au Printemps des Poètes. Il n'est qu'un vaste aperçu de l'immense choix possible, une invitation à découvrir de nouveaux auteurs, ainsi que les multiples recueils disponibles. Il n'est donc en aucun cas limitatif. * * * Cette sélection 2011 est dédiée à l'éditeur René Rougerie. * * * ( Sélection réalisée par Isabelle Lavoix, enseignante en école élémentaire dans le Rhône) 1

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13ème Printemps des Poètesdu 7 au 21 mars 2011

« d'infinis paysages »

Exprimer les liens profonds qui unissent l'homme à la nature, les célébrer ou les interroger est un des traits les plus constants de la poésie universelle. Mers et montagnes, îles et rivages, forêts et rivières, ciels, vents, soleils, déserts et collines, la plupart des poèmes porte comme un arrière-paysla mémoire des paysages vécus et traversés. Se reconnaître ainsi tributaire des infinis visages du monde, c'est sans doute, comme le voulait Hölderlin, habiter en poète sur la terre.

Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes

Un éclairage particulier sera porté sur l'oeuvre de poètes coureurs d'horizons...Michel Butor, René Depestre, André Velter et Kenneth White

À l'occasion de l'année des Outre-mer sera également mise en valeur la poésie d'Outre-mer.

Lundi 7 mars Une manifestation d’envergure marquera le lancement du Printemps des

Poètes avec la complicité de nombreux comédiens, à Paris et en province, pour des lectures dans l 'espace public.

Ce document est réalisé à l'intention des enseignants et des médiateurs du livre, afin de les aider à proposer des textes pour participer au Printemps des Poètes.

Il n'est qu'un vaste aperçu de l'immense choix possible, une invitation à découvrir de nouveaux auteurs, ainsi que les multiples recueils disponibles.

Il n'est donc en aucun cas limitatif. * * *

Cette sélection 2011 est dédiée à l 'éditeur René Rougerie.

* * *( Sélection réalisée par Isabelle Lavoix, enseignante en école élémentaire dans le Rhône)

1

AVERTISSEMENT

Un certain nombre de textes contenus dans ce document ne sont pas libres de droit ; ils ne peuvent en aucun cas faire l 'objet d'une util isation commerciale.

Des textes, des auteurs, des éditeurs... Les textes de ce document Printemps des Poètes 2011, «d'infinis paysages», sont extraits de leurs recueils respectifs, dont les références sont parfois manquantes. Vous êtes invités à aller découvrir le travail complet des auteurs, et à montrer aux lecteurs, quel que soit leur âge, qu'un texte s'inscrit toujours au coeur d'une écriture plus vaste... À leur faire également rencontrer la multitude et la richesse des maisons d'éditions de poésie.

En ce 13ème Printemps des Poètes,

une fois de plus ou pour la première fois,pour leur autorisation d'utiliser dans ce document des textes publiés par leurs soins,

MERCIaux éditions

Cadex *

Cheyne*

Donner à Voir*

Pluies d'étoiles*

La Renarde Rouge*

Lo Païs d'enfance/ Le Rocher*

Rougerie*

Soc et Foc*

ainsi qu' à leurs auteurs

Célia Galice,secrétaire générale du Printemps des Poètes,

responsable du secteur scolaire et universitaire,*

et à toute l 'équipe du printemps des poètespour son soutien.

2

Au fil des voyages.. . des auteurspage après page...

Présentation p 1 à 4

Entre terre et ciel. . . p 5

M. Leiris – Guillevic – J. Roubaud p 6

Th. Gauthier – P. de Ronsard p 7

Y. Bonnefoy – B. Noël p 8

J. Gracq – J. du Bellay - Taneda Santôka p 9

M. Fombeure – G. Rodari p 10

A. De Lamartine – E. Pépin p 11

P. Gamarra – Liska – Guillevic - Basho p 12

R. L. Stevenson p 13

A. Boudet – G. Bocholier – M. Carême p 14

R. G. Cadou – H. Cadou p 15

Basho – A. Césaire p 16

J. Prévert p 17

A. Bosquet – G. Bocholier – Norge p 18

P. Neruda p 19

C. Leblanc – F. Hölderlin p 20

C. Vigée – C.F. Ramuz p 21

A. Serres – A. Rochedy – P. Jocquel P 22

J. Brière – L. Guilbaud p 23

R. Queneau – J.P. Spilmont – M. Cosem p 24

M.T. Colimon-Hall p 25

Ai Qing – Guillevic – Claude Roy – Pierre Gabriel p 26

Anise Koltz – J. Charpentreau – L. Guilbaud - Nazim Hikmet p 27

M. Baron – J. Supervielle – G. Goffette - P. Albert-Birot p 28

3

De la source à la mer.. p 29

E. Moutoussamy – H. Michaux p 30

A. Salager – M. Shiki p 31

Guillevic – Leconte de Lisle – M. Carême p 32

Ph. Jaccottet – J.M. de Hérédia p 33

P. Verlaine – B. Cendrars - G. Apollinaire p 34

Saint-Pol-Roux p 35

H. Cadou – Y. Le Men – K. Issa p 36

J. Richepin – N. Hikmet - Basho P 37

René Char – M. Cosem p 38

X. Grall p 39

C. Zins – P. Bergèse p 40

H. Bosco – F. Pessoa p 41

L. Guilbaud - L. Bérimont p 42

Des poètes coureurs d'horizon... p 43

Michel Butor p 44 à 48

René Depestre p 49 à 51

André Velter p 52 à 54

Kenneth White p 55 à 58

Les textes accompagnés d'un ☼ sont plus spécialement accessibles à de jeunes enfants.Mais les jeunes enfants sont souvent capables d'entendre , et de mémoriser, beaucoup plus que nous ne le supposons. Vous pouvez donc sans hésitation choisir des extraits adaptés (au groupe, à l'âge, au projet...) parmi tous les textes proposés...

Documents annexes p 59

Pistes bibliographiques p 59 à 61

Petit inventaire d'actions originales et concrètes p 62

4

Entre

terre et ciel. . .

*

Ne me parlez pas de moi

Ne me parlez pas de moiSur ma tête mettez une pierre

D'argile blancheEt parlez-moi de la terre.

Xavier GrallOeuvre poétique

éd. Rougerie 2010

*

5

Vertical

Sur nos têtesl'espace finement zébréet parfois le labour des courants d'air violents

Charge de nuages vivantshorizons des épaules

À la ceinturel'échevèlement des routesles souches ensoleillées du coeur

Herbesoif du sol laminévers la roche des genoux

Sous nos piedsmorceau de ciel noircil'ombre que nous découpons

Michel LeirisAutres lancers / éd. Gallimard 1969

☼Existe-t-il Des êtres qu'anime la passionDe contempler l'azur,

De s'y plonger,De s'y incorporer,De s'en abreuver,

Pour, après un bon moment,S'en allerSûrs d'eux-mêmes.

Et de leur avenirCouleur d'azur ?

GuillevicPossibles futurs nrf / éd. Gallimard (1996)

Rondeau étrange des visages et paysages ☼

La nature a ses visagesQu'on appelle paysages

Des humains les paysagesSont ce qu'on appelle visages

On couvre les paysages De silence et les visages

De nature

Comment rendre les visagesConformes aux paysagesEt rendre sans paysagesLa nature a ses visages ?

Jacques RoubaudRondeaux

Folio cadet / Gallimard jeunesse 2009Prix de poésie jeunesse Lire et Faire Lire 2010

6

En allant à la Chartreuse de Miraflorès

Oui, c'est une montée âpre, longue et poudreuse, Un revers décharné, vrai site de Chartreuse.

Les pierres du chemin, qui croulent sous les pieds, Trompent à chaque instant les pas mal appuyés. Pas un brin d'herbe vert, pas une teinte fraîche ; On ne voit que des murs bâtis en pierre sèche, Des groupes contrefaits d'oliviers rabougris, Au feuillage malsain couleur de vert-de-gris, Des pentes au soleil que nulle fleur n'égaie, Des roches de granit et des ravins de craie, Et l'on se sent le coeur de tristesse serré...

Mais, quand on est en haut, coup d'oeil inespéré ! L'on aperçoit là-bas, dans le bleu de la plaine, L'église où dort le Cid près de doña Chimène !

Théophile Gautier (1811-1872)

Espana (1840)

*

Ciel, air et vents, plains et monts découverts

Ciel, air et vents, plains et monts découverts,Tertres vineux et forêts verdoyantes,Rivages torts et sources ondoyantes,Taillis rasés et vous bocages verts,

Antres moussus à demi-front ouverts,Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes,

Vallons bossus et plages blondoyantes,Et vous rochers, les hôtes de mes vers,

Puis qu'au partir, rongé de soin et d'ire,A ce bel oeil Adieu je n'ai su dire,

Qui près et loin me détient en émoi,

Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines,Taillis, forêts, rivages et fontaines,

Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

Pierre de Ronsard (1524-1585)

7

IJe redresse une brancheQui s'est rompue. Les feuillesSont lourdes d'eau et d'ombreComme au ciel, d' encore

Avant le jour. Ô terre,Signes désaccordés, chemins épars,Mais beauté, absolue beauté,Beauté de fleuve,

Que ce monde demeure,Malgré la mort !Serrée contre la brancheL'olive grise.

IIQue ce monde demeure,Que la feuille parfaiteOurle à jamais dans l'arbreL'imminence du fruit !

Que les huppes, le cielS'ouvrant, à l'aube,S'envolent à jamais, de dessus le toitDe la grange vide,

Puis se posent, là-basDans la légende,Et tout est immobileUne heure encore.

Yves BonnefoyQue ce monde demeure (extrait)Les planches courbes / éd. Mercure de France 2001

douleur bonheurc'est un oiseau de craiesur ton visage

la montagne se déchire

je dis caverneet l'eau d'autrefoisbat dans tes livres

sueur d'imagesnous avons les dents vertes

Plus loin il n'y a rien.Olympe.Hauts lieux tibétains. Machupicchu.Montagne magique.Vertige de l'enfance.Premier battement de coeur dans l'air léger.Parfois pays abandonnétenace et farouche depuis des millions d'années.

Bernard NoëlLa face du silence

éd Flammarion 1967

Rouler plus vite Pourquoi regardaient-ils l'horizon ? Pourquoi gardaient-ils les yeux constamment fixés sur ce point, là-bas ? Peut-être simplement parce qu'ils roulaient droit vers lui depuis bien longtemps sur cette route nocturne, dont chaque côté n'était qu'une étendue caillouteuse, parfois bosselée de collines basses, avec seulement de rares buissons sous le grand ciel, sans étoiles. Au loin, très loin, deux lignes indéfinies de montagnes. Quelque chose comme deux bras qui, largement ouverts autour d'eux, les appelaient à l'avant, là où semblait se jeter la route. Mais cela faisait tant d'heures maintenant que ce seuil se dérobait, s'effaçait, rejetant loin de l'asphalte nue les pentes imaginées, espérées ! Tant d'heures ! Alors que depuis si longtemps déjà la nuit aurait dû finir. Ils regardaient l'horizon, le ras du ciel, ils se taisaient, ils ne pouvaient plus détacher leur pensée de ce point où la route perçait la masse noire, indécise. … Yves Bonnefoy Les planches courbes / éd. Mercure de France (2001)

8

Aubrac

Il faut si peu pour vivre ici. De ce balcon où penche la montagne à l'heure où le soleil est plus jaune, il ne reste plus à choisir qu'à droite, la banquette ou l'herbe noircit sous les châtaigniers, à gauche la Viadène au loin déjà toute bleue. A mi-pente, la journée respire. De cette galerie ample et couverte où glisse la route de gravier rose au-dessus du Causse gris-perdrix, on voit mûrir très bas les ombres longues dans la lumière couleur de prune. Tout commande de faire halte à ce reposoir encore tempéré où la terre penche, pour respirer l'air luxueux de parc arrosé, la journée qui s'engrange dans les rais du miel et la chaleur de l'ambre, jusqu'à ce que l'oeil gorgé revienne à la route rose qui monte sous le soleil avant de tourner dans l'ombre d'un bois de sapins, et que ta main déjà fraîchisse avec le soir – ta main qui laisse filtrer le bruit plus clair du torrent, ta main qui me tend les colchiques de l'automne. Nous monterons plus haut. Là où, plus haut que tous les arbres, la terre nappée de basalte hausse et déplisse dans l'air bleu une paume immensément vide, à l'heure plus froide où tes pieds nus s'enfonceront dans la fourrure respirante, où tes cheveux secoueront dans le vent criblé d'étoiles l'odeur du foin sauvage, pendant que nous marcherons ainsi que sur la mer vers le phare de lave noire, par la terre nue comme une jument.

Julien Gracq Liberté grande / éd. Librairie José Corti

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,Et puis est retourné, plein d'usage et raison,Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit villageFumer la cheminée, et en quelle saison

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,Que des palais Romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

Joachim du Bellay (1522-1560)

* ☼

Profondplus profond encore

dans les montagnes bleuesTaneda Santôka

9

«Terre – Terre» À Roland Biaujou

Sur cette floraison de routes innombrablesOù les pas font sonner les heures du désert,Où s'efface le vent et ses cris et ses rides,Emporté par soi-même et toujours recouvert,

Sur ces arbres scellés au ciel, à la lumière,Sur ces fontaines de sommeil,Sur ces oiseaux tombant au fond des puits d'azurRoulant de l'aile sur le silence essentiel,

Je promène mes mains, mes lèvres, ma tendresse.Je promène mes pas, ma tristesse et mon coeur.Ô ma terre, c'est toi, toi seule qui m'oppresses,Et je me sens jailli droit de tes profondeurs.

Je suis les quatre vents, je suis le champ des CygnesEt, des bords d'Orion aux feux de la Grande Ourse,Je suis l'âme semée qui s'éprend d'elle-même,Je suis le coeur gorgé de pur.

Terre je suis tes bras, tes ombres, tes blasphèmes,Le ciel ouvert aux flots et la mer qui murmure.

Maurice FombeureÀ dos d'oiseau / nrf / Poésie Gallimard (1971)

Étoiles sans nom ☼

Les noms des étoiles sont des mots très beaux :Sirius, Andromède, L'Ourse, Les Gémeaux.

Qui pourra jamais les dire à la file ?Il y en a bien plus que cent fois cent mille.

Mais au fond du ciel, dans d'autres constellations,Il y a aussi un million d'étoiles sans nom :

Des étoiles ordinaires, nul ne se soucie,pourtant moins obscures elles nous font la nuit.

Giani Rodari De la terre et du ciel 89 poèmes, comptines et fabulettes (traduit de l'italien par J. Held et G. Sforza) éd. Rue du monde 2010

10

Milly ou la terre natale (I)

Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?Dans son brillant exil mon coeur en a frémi ;Il résonne de loin dans mon âme attendrie,Comme les pas connus ou la voix d'un ami.

Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,Vallons que tapissait le givre du matin,Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tourAttendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,Objets inanimés, avez-vous donc une âmeQui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...

Alphonse de Lamartine (1790-1869) Harmonies poétiques et religieuses

Des morceaux de continents ont voyagé avec nous.Ils ont donné à nos corps ces yeux qui vont en marche arrière.

Petite terrerévolte des fonds marins

peut-être mamelle de manman dlo

petite terreéruptive

prise d'une trembladeà l'heure des cyclones

petite terrebossue et cabossée

comme un choc de cultures

petite terrevoyante comme une fusée de détresse

Ernest PépinBabil du songer / éd. Ibis Rouge 2002

11

Secrets ☼

Je te dirai les merises secrètes,Les framboises de la sierra,Je te dirai le miel et la gazelledans le désert inconsolé.

Je te dirai les paroles des pisteset les astres ensevelis,je te dirai les flambeaux d'améthysteque gardent mes yeux et mes mains.

Je te dirai la route simplequi va de la neige à la vietandis qu'au-dessus d'Anetoplane le dernier cri d'un aigle,la cathédrale dans les hêtreset les schistes mouillés de larmesquand Minerve dans la montagnepleurait sur la raison perdue.

Je te dirai les durs colchiquesqui saignaient aux flancs espagnolset les mulets aux yeux pensifschargés de pains et de poignards.

Je te dirai la vigne seule,l'aramon de toutes ses gorgesoù la chanson n'a pas péri.Ainsi, le pas de Don Quichotte.

Cherche le secret sur la tableoù l'on brise le pain sacré,va dans la brume et me regardeparmi mes roses inflétries.

Pierre GamarraLe sorbier aux oiseaux Éditeurs français réunis « La petite sirène »1976

Entre Beauce et Perche ☼

Entre Beauce et PercheEntre les collinesEntre les terres platesEntre Tours et ChartresOrléans et le MansEntre haie des champsEt désert de bléEntre TEREt les TGVEntre le hameauEt le centre-bourgEntre toi et moiEntre chien et loupEntre Cloyes et BloisEntre Loir et CherToujours entre-deux.

LiskaMi-Ville, Mi-Raisin éd. Cadex / coll. Le farfadet bleu 2005

* * *

☼Dans le nuage

La transparence de l'eau,Celle de la lumière

Deviennent du blancQui tend au noir.

GuillevicEtiernrf / Gallimard (1979)

☼ Au parfum des pruniers soudain le soleil se lève

sentier de montagne

ume ga ka ninotto hi no deru

yamaji kana

Basho (1644-1994 / Japon)Cent onze haïku / éd. Verdier

12

My kingdom ☼

Down by shining water wellI found a very little dell, No higher than my head.The heather and the gorse aboutIn summer bloom were coming out, some yellow and some red.

I called the little pool a sea ;The little hills were big to me ; For I am very small.I made a boat, I made a town,I searched the caverns up and down, And named them one and all.

And all about was mine, I said,The little sparrows overhead, The little minnows too.This was the world and I was king ;For me the bees came by to sing, For me the swallows flew.

I played there were no deeper seas,Nor any wider plains than these, No other kings than me.At last I heard my mother callOut from the house at even-fall, To call me home to tea.

And I must rise and leave my dell,And leave my dimpled water well, And leave my heather blooms.Alas ! And as my home I neared,How very big my nurse appeared, How great and cool the rooms !

Mon royaume ☼

Tout près d'un étang d'eau clairetteJe trouvai un petit vallon Pas plus haut que ma tête.Alentour bruyères et ajoncsS'épanouissaient dans l'été, Fleurs rouges et dorées.

J'appelai l'étang océan !Les monts me paraissaient bien grands, Car je suis tout petit.Je fis un bateau, une ville,Je fouillai les grottes à fond Puis leur choisis des noms.

Je disais que toute merveilleM'appartenait : petits vairons, Petits moineaux tout ronds.C'était le monde et j'étais roi ;L'hirondelle volait pour moi, Pour moi chantait l'abeille.

Il n'y avait pas mer plus profonde,Ni plus vaste plaine en ce monde, Ni d'autre roi que moi.Le crépuscule allait tomber,Et de la maison, pour le thé, Ma mère m'appela.

Et je dus quitter ma vallée,Quitter mon étang d'eau ridée, La bruyère et l'ajonc.Hélas ! Lorsque je fus chez nous,Comme parut grande Nounou !Vaste et froid le salon !

Robert Louis StevensonJardin de poèmes pour un enfant

(traduction de Jean-Pierre Valoton)Fleurs d'encre / Hachette jeunesse

13

☼ L'éclair joint le feu à la sourceet nous sommes pareils à l'éclair

La pierre abrite la lumièreet nous ressemblons à la pierre

Chaque reflet nous investitnous sommes perméables aux cris

dissous dans l'ombre

En écoutant nos pasnous apprenons le monde

Le chemin même est transparent

Nous peuplons chaque instantde ce qui nous habite

et nous prêtons nos voixaux mots du paysage.

Alain BoudetLes mots du paysage

éd. Donner à Voir 1997

La terre ☼

La terre élève des châteauxDe fine poudre au pied des arbresDans la mer de hautes montagnesAux bouches de feu rouge et noir

Été hiver en plein travailToujours à creuser des abîmesÀ partir des dunes fragilesQui bondissent autour des vagues.

Va-t-elle enfin se reposerAvec son sourire de source ?Nous aurions tant voulu l'aiderÀ faire cette nuit plus douce.

Gérard Bocholier Si petite planèteéd. Cheyne 1989 /coll. Poèmes pour grandir

Le sentier se perdait ☼

Le sentier là-bas se perdaitDans une odeur de serpoletOù, beuglant sans fin, de grands boeufs Devenaient vaporeux.Juste à la pointe du clocher, L'étoile du berger Paraissait se poser Comme une flamme Sur un haut chandelier.Et là-bas, de la cheminéeDe la maison, une fuméeS'élevait et puis s'inclinait Pareille à une mainQui ne cessait de m'appeler Par dessus les jardins.

Maurice CarêmeL'Arlequin / Nathan 1970

14

Parler du ciel

Voyelles renversées sur le cielO cigalesBulles du souvenir éclatées sur les dallesÉglantines du coq au feutre des clochersTeint fraisEt la maison dans l'air va se pencher

L'herbe couvre les motsLa neige l'accompagneC'est le coeur des bergers qui tinteLa montagneMyrtilles dérobées aux prunelles des boeufs

La main s'offre au passantBrise son champ de glaceOn partOn se revientDeux ombres qui s'enlacentEt vers nous réunisLe fleuve qui descend.

René Guy Cadou La vie rêvéeOeuvres poétiques complètes éd. Seghers

Le jardin de Grignon

Pour atteindre le ciel A travers ce feuillage

Il faut que tous les yeuxSe soient réunis là

Je dis les yeux d’enfants Pareils à des pervenches

Ou à ces billes bleus Qui roulent sur la mer

On va dans les alléesComme au milieu d’un rêve

Tant la grand-mère a mis De grâce dans les fleurs

Et le chat noir et blanc Qui veille sur les rosesSonge au petit oiseau

Qui viendrait jusqu’à lui

C’est un jardin de féesOuvert sur la mémoire

Avec des papillons Epinglés sur son coeur.

René-Guy Cadou

Poésie la vie entière

Les amis d'enfance / éd. Seghers

☼Verger d'avant la peineEt les travaux des champs

Chaque fruitEst à lui seulUn paysage

Chaque feuilleS'éveille comme une mainQui n'a jamais servi

Toute la viePour cette aversede lumière

Cette eau du premier jourOù chaque chose s'étonne

Cette eau du premier jourOù chaque chose s'étonneOu bien s'épure

Dans le plus bel été

Hélène CadouLe livre perdu

éd Rougerie 1997

15

☼ Soulevant les pierres sur le mont Asama

tempête d'automne !

fukitobasuishi wa asama no

nowaki kana

☼ Le printemps est là ! Sur la montagne sans nom

brume matinale

haru nare yana mo naki yama no

asagasumi

Basho (1644-1994 / Japon)Cent onze haïku / éd. Verdier

Dorsale bossale

il y a des volcans qui se meurentil y a des volcans qui demeurentil y a des volcans qui ne sont là que pour le ventil y a des volcans fousil y a des volcans ivres à la dériveil y a des volcans qui vivent en meute et patrouillentil y a des volcans dont la gueule émerge de temps en tempsvéritables chiens de la meril y a des volcans qui se voilent la facetoujours dans les nuagesil y a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatiguésdont on peut palper la poche galactiqueil y a des volcans pieux qui élèvent des monumentsà la gloire des peuples disparusil y a des volcans vigilantsdes volcans qui aboientmontant la garde au seuil du Kraal des peuples endormisil y a des volcans fantasques qui apparaissentet disparaissent(ce sont jeux lémuriens)il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindresles volcans qu'aucune dorsale n'a jamais repéréset dont de nuit les rancunes se construisentil y a des volcans dont l'embouchure est à la mesureexacte de l'antique déchirure.

Aimé CésaireMoi, laminaire / éd du seuil 1982

16

En sortant de l 'école ☼

En sortant de l'écolenous avons rencontré

un grand chemin de ferqui nous a emmenéstout autour de la terredans un wagon doré.

Tout autour de la terrenous avons rencontré

la mer qui se promenaitavec tous ses coquillages

ses îles parfuméeset puis ses beaux naufrages

et ses saumons fumés.Au-dessus de la mernous avons rencontréla lune et les étoiles

sur un bateau à voilespartant pour le Japon

et les trois mousquetaires des cinq doigts de la maintournant la manivelle d'un petit sous-marin

plongeant au fond des merspour chercher des oursins.

Revenant sur la terrenous avons rencontré

sur la voie de chemin de ferune maison qui fuyait

fuyait tout autour de la terrefuyait tout autour de la mer

fuyait devant l'hiverqui voulait l'attraper.

Mais nous sur notre chemin de feron s'est mis à rouler

rouler derrière l'hiveret on l'a écrasé

et la maison s'est arrêtéeet le printemps nous a salués.C'était lui le garde-barrièreet il nous a bien remerciés

et toutes les fleurs de toute la terresoudain se sont mises à pousser

pousser à tort et à traverssur la voie de chemin de ferqui ne voulait plus avancer

de peur de les abîmer.Alors on est revenu à pied

à pied tout autour de la terreà pied tout autour de la mer

tout autour du soleilde la lune et des étoiles

À pied à cheval en voiture et en bateau à voiles.

Jacques Prévert En sortant de l'école / Gallimard 1963 / chanté par Yves Montand, musique de Marguerite Monnod

17

Paysage nordique ☼

Quelque part en Finlande, il existe un lac puroù la première étoile est née ; où le canard,sauvage et bleu, avec lenteur se civiliseen écoutant les trois musiques des ajoncs ;

où l'aube dure avec l'accord de la roséejusqu'à la nuit ; où l'enfant cueille à chaque pasun poème très rouge ; où l'homme perd l'envied'interroger son coeur ; où le poisson qui saute

est heureux de sauter par-dessus les imagesd'un miroir que la neige et le soleil habitentsans jamais se gêner ; où la pierre est émue

comme un poulain devant un arbre qui galope.Quelque part en Finlande un lac s'est polluéen jetant sur la rive un cadavre d'étoile.

Alain Bosquet Sonnets pour une fin de siècle nrf / poésie Gallimard

* * *

Un arbre ☼

Un arbre est montéAu-dessus du toit

Au-dessus de nousUn arbre a grimpéJusqu'au cielDes puits invisibles

Sans plus un hiverAvec les étoilesAccrochées aux feuillesQui nous font chaque nuitDes signes

Gérard Bocholier Terre de ciel Cheyne éditeur /coll. Poèmes pour grandir

C'est un pays.. . ☼

C'est un pays de montagne,mettez vos pas dans mes pas,mes chers amis soyez purssoyez fins comme la neige -on entend siffler déjàl'ombre d'un hiver futur ;c'est bien plus haut qu'on ne pense,vous n'êtes pas seul, suivezsuivez-moi ; où êtes-vous ?(Ils tombaient sur les genoux)C'est bien plus haut qu'on ne pense(Pourquoi n'avancent-ils plus?)C'est un pays de silenceCelui qui parle est perdu.

Geo Norge dans Oeuvres Poétiques éd. Seghers

18

No sólo por las tierras desiertas donde la piedra salinaes como la única rosa, la flor por el mar enterrada,anduve, sino por la orilla de ríos que cortan la nieve.Las amargas alturas de las cordilleras conocen mis pasos.

Enmarañada, silbante región de mi patria salvaje,lianas cuyo beso mortal se encadena en la selva,lamento mojado del ave que surge lanzando sus escalofríos,oh región de perdidos dolores y llanto inclemente !

No sólo son míos la piel venenosa del cobreo el salitre extendido como estatua yacente y nevada,sino la viña, el cerezo premiado por la primavera,

son míos, y yo pertenezco como átomo negroa las áridas tierras y a la luz del otoño en las uvas,a esta patria metálica elevada por torres de nieve.

Je vais dans le désert où la pierre de sel,rose unique, est la fleur enterrée par la mer,je vais au long du fleuve incrusté dans la neige.L'amère Cordillère a vu passer mes pas.

Lieu broussailleux, sifflant, ô ma patrie sauvage,liane au baiser mortel noué dans la forêt,plainte d'eau d'un oiseau surgi, frissons dardés,lieu de douleurs perdues et de pleurs indécents !

Tout est mien, de la peau venimeuse du cuivre,du salpêtre étendu comme un gisant de neige,à la vigne, au printemps couronné de cerises,

tout est mien, j'appartiens comme un atome noirau désert, à l'éclat automnal du raisin...Ma patrie de métal dresse ses tours de neige.

Pablo NerudaLa centaine d'amour

nrf / Gallimard(trad. J. Marcenac et A. Bonhomme)

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Terre, notre demeure ☼

BleueParcourue de verts, d'ocres et de rougesDe transparencesDe nacres

Mais aussi de couleurs qu'on n'attendait pasDont on ignorait la douceurUne touche de safran sur un vermeil éteint

Terre, bille de lumièreDans le noir absolu

Terre ardente, terre fragile, terre, notre demeure

Catherine LeblancDes étoiles sur les genouxéd. Cadex / Coll. Le farfadet bleu 2000

Der Sommer.

Noch ist die Zeit des Jahrs zu sehn, und die GefildeDes Sommers stehn in ihrem Glanz, in ihrer Milde ;Des Feldes Grün ist prächtig ausgebreitet,Allwo der Bach hinab mit Wellen gleitet.

So zieht der Tag hinaus durch Berg und Thale,Mit seiner Unaufhaltsamkeit und seinem Strale,Und Wolken ziehn in Ruh', in hohen Räumen,Es scheint das Jahr mit Herrlichkeit zu säumen.

Mit Unterthänigkeit

Scardanellid. 9ten Merz1940.

L'été.

Se donne encore à voir la saison, et les champsDe l'été ont encor leur éclat, leur douceur ;Le vert des prés s'étale avec une splendeur,Partout où le ruisseau fait dévaler ses flots.

Tel, par monts et par vaux, s'en va le jour, avec son éclat et son irrésistibilité,Et des nuages vont en paix, dans des hauteurs,On dirait que l'année s'attarde par splendeur.

Avec humilité

Scardanellil. 9 mars1940

Friedrich HölderlinPoèmes 1806-1843

Rivages poche / Petite Bibliothèque

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Le figuier du désert

Toujours la mer s'ouvre muette aux feux du ciel nocturne.Ah, pouvoir tenir tête !Le vent fait tournoyer le sable sur la duneAutour d'un arbre en fêteérigeant ses dix branches torsesPar-dessus l'horizon peuplé de vide et de collines.

Pourquoi me souvenir ainsi, dans le passage aride,Du lieu de l'origine ?Juché tout de travers les pieds nus sur l'écorce,D'une main suspendue, mais debout à moitiéDans l'arbre de l'espace écumant de lumière,J'aurai toujours vécuDans un nuage d'air doré,Et cueilli à tâtonsDans le coeur obscur du feuillageMon temps de vie : au fond du vent amerUn fruit âcre et profond.

Pendant ces vingt-huit-ansLa maison était claireEt pleine de soleil comme ta chevelure ;Dehors le sableÉtincelaitSous l'afflux des étoiles.

Le figuier du désertDébordait de silence :Source, rêve, clarté,Branche de la mémoire !Patiemment nous avons tenu tête à la nuit.

Claude Vigée De tous les lieux du français / Fondation d'Haut-Villers 1975

☼… Mais il y a encore tout le vaste monde. Car par-dessus le mur et les murs, le regard qui s'en va rencontre beaucoup de choses. Est-ce que tu vois: c'est bleu, c'est blanc, tacheté de bleu et de blanc,

mais il faut lever la tête: est-ce que tu vois tout là-haut dans le ciel encore pâle, ces pointes, ces cornes, ces tours, ces montagnes en air comprimé, comme si on avait serré de l'air entre ses mains,

ces blocs d'azur superposés; et ils existent doublement parce qu'ils sont à la fois dressés devant nous et renversés dans l'eau du lac, de sorte qu'en même temps ils sont beaucoup plus haut que nous et en

même temps au-dessous de nous, tout au long d'une rive du lac à l'autre. ...

Charles-Ferdinand RamuzChant de Pâques / la joie de lire 2000

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L'océan ☼

Quand j'étais un enfantau pays des coquelicotsje marchais le longde la route chaude.

Je pensais à la vie,maintenant d'une mainmon chapeau sur ma tête,touchant de l'autrele visage des odeurs.

Je marchais,je marchais,et j'inventais tout en marchantl'océan des coquelicots.

Sur cet océanj'ai construit la maison,sans murs,depuis laquelle je vous écrissans voix.

Alain Serres Encore un coquelicot / Cheyne éditeur

L'après-midi ☼

C'est l'après-midi.Je n'ai pasrien à faire.Je n'ai pas rien à dire.Je suis couché làdans les bras moelleux de l'airet par un coquelicot,je retiens la Terre.

Alain Serres, Encore un coquelicot / Cheyne éditeur

* * *

☼Le jardin contait une histoireancienne et neuve en même temps,c'était un jardin très savantqui écoutait notre mémoire.

Avez-vous déjà vuun jardin suspenduà vos lèvres ?

André RochedyDescendre au jardin Cheyne éditeur

☼Terrepetite boule bleueà la vivante atmosphère

Planètesi bien lovée autour de son soleilsi bien perdueet si solitaire sous les étoiles

Patrick Jocquel Entre écritoire et table à cartes éd. Corps Puce 2006

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Tous les chemins.. . ☼

Et quand je serai parti.Parti dix fois.Parti cent fois.

Et toujours revenu.Et quand je me serai cogné

Aux plus beaux paysages du monde.Et quand je saurai

Que la terre n'a jamais étéEt ne sera jamais ronde.

Je reviendrai dormir à l'ombre de mes arbresEt y apprendre que tous les chemins

Ne conduisent qu'au rêve de soi-même.

Joëlle BrièreTous les chemins

éd. La Renarde Rouge 2001

* * *

☼Arbre au bord de la routeami du vent et des oiseauxarbre silence et musiquetu donnes ton ombreà celui qui marche sans buttes fruits tes grainesà celui qui passe avec sa faim et ses mains videsarbre compagnon de campagneen sentinelle dans la nuittu fais lever le cielau bout de ses branches

tu guides le voyageur vers ses rêves.

Luce GuilbaudPoèmes du matin au soir

éd. Cadex (France) et Écrits des Forges (Québec)

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Vesper ☼

Le berger pique une étoileil dit c'est celle-làc'est celle-là qui étincelleet qui scintille exprès pour moice n'est pas telle ou telle autredans le grand champ picoréquelle poule gigantesquea pu trouer le noir papiernon ce n'est pas celle rougece n'est pas la verte non plusce n'est pas celle qui bougeune seule lui a plule berger sait que cette étoilele mène à travers la vieet le recouvre de son voilelorsqu'il s'endort dans la nuitd'ailleurs c'est une planètemais sur la question le bergern'a pas d'idée aussi nettequ'en aurait un cosmonaute

Raymond QueneauBattre la campagne Poésie Gallimard (1968)

Cette courbe éphémère d'un espoir sans limite

(extrait) (Cantate mise en musique par Jean Duvillard, donnée à Lyon en avril 1996)

…C'est l'heure du douteet le regard s'embrumeet le regard se noiedans le désert de tourbeoù nul oiseau ne viendra plus heurter de l'ailecette courbe éphémère d'un espoir sans limite.

C'est l'heure d'avant les étoileslà où le voyageur se déprend de sa route.

Où le nomade inscrit son rêve sur le sablepour ne jamais désespérer du sommeil de la terre.

Il se prépare un grand silenceau-delà des ravines bleues du couchant.

Jean-Pierre Spilmont Une clarté de passage cadex éditions (1996)

☼Je les ai vus aux portes du désertlui et son chameauIls avaient cheminé ensembleentre les pierres rougeset les dunes de sableles grands espaces imaginaires et les djinsIls sommeillaient près du puitsrêvant goutte à goutteaux fleurs sucrées.

Michel CosemArbres de grand ventéd. Lo Païs d'Enfance / éd. Du Rocher (2004)

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S’il fallait, au monde, présenter mon pays,Je dirais la beauté, la douceur et la grâceDe ses matins chantants, de ses soirs glorieux ;Je dirais son ciel pur, je dirais son air doux.L’étagement harmonieux des mornes bleuissants ;Les molles ondulations de ses collines prochesLa changeante émeraude des cannes au soleilLes cascatelles glissant entre les grosses pierres :Diaphanes chevelures entre les doigts noueuxEt les soleils plongeant dans des mers de turquoise …Je dirais, torches rouges tendues au firmament,La beauté fulgurante des flamboyants ardentsEt ce bleu, et ce vert, si doré, si limpideQu’on voudrait dans ses bras serrer le paysage.Je dirais le madras de la femme en bleuQui descend le sentier son panier sur la tête,L’onduleux balancement de ses hanches robustesEt la mélopée grave des hommes dans le champ,Et le moulin grinçant sous la lune la nuit,Les feux sur la montagne à mi-chemin du ciel ;Le café qu’on recueille sur les sommets altiersL’entêtante senteur des goyaves trop mûres …Je dirais dans les villes, les torses nus et bronzésDe ceux qui, dans la rue sous la dure chaleur,Ne se laissent pas effrayer par la plus lourde peine ;Et les rameurs menant, à l’abri de nos ports,Lorsque revient le soir, les corallins dansantsCependant que les îles au large, paresseuses,Laissent monter en fumée, au fond du crépusculeLa lente imploration de leurs boucans lointains …Mais j’affermis ma voix d’une ardeur plus guerrièrePour dire la vaillance de ceux qui l’ont forgé ;Je dirais la leçon qu’au monde plus qu’étonné,Donnèrent ceux qu’on croyait des esclaves soumis.Je dirais la fierté, je dirais l'âpre orgueil,Présents qu’à nos berceaux nous trouvons déposés,Et le farouche amour que nous portons en nousPour une liberté au prix trois fois sanglant …Et le bouillonnement vif montant dans nos artèresLorsqu’au fond de nos bois nous entendons, la nuit,Le conique tambour que nos lointains ancêtresOnt porté jusqu’à nous des rives de l’Afrique,Mère vers qui sans cesse sont tournés nos regards …S’il fallait au monde présenter mon pays,Je dirais plus encor, je dirais moins encor.Je dirais ton cœur bon, ô peuple de chez nous. Marie-Thérèse Colimon-Hall / Haïti Mon pays, Mon cahier d’écritures (1953)

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☼J'aime cette terreSi j'étais un oiseau,Je chanterais d'une voix rauque :La terre battue par les pluies des oragesLes fleuves tourmentés qui toujours nous inondent,Ce vent furieux qui souffle éternellement,Et ces aubes uniques et douces derrière la forêt...Ensuite je mourrais,Et même mon duvet se décomposerait sous la terre.

Pourquoi souvent des larmes dans mes yeux ?Parce que j'aime cette terre profondément.

Ai Qing traduction Thierry Renard Poésies du Monde Seghers-Printemps des Poètes, 2003

Image ☼

Sous les herbes, ça se cajole,Ça s'ébouriffe et se tripote,Ça s'étripe et se désélytre,Ça s'entregrouille et s'entrefouille,Ça s'écrabouille et se barbouille,Ça se chatouille et se dépouille,Ça se mouille et se déverrouille,Ça se dérouille et se farfouille,Ça se dépouille et se tripatouille.

Et du calme le préEst la classique image.

Guillevic Etier Gallimard

Au-delà de l 'horizon ☼

Au-delà de l'horizonSauras-tu ce qui se cache ?D'autres cieux ? D'autres saisons ?Des voix surgies de la mer ?Le vent brûlant du désert ?

Au-delà de l'horizonUn autre pays t'attendPlein de rêves et de sang,Un monde fait de colèreEt d'amour, mais où l'espoirN'est jamais sûr de gagner,C'est le nôtre, c'est le tien :Un monde qu'il faudra bien Tenter de rendre meilleur.

Pierre Gabriel L'oiseau de nulle partéd.Cadex / coll. Le Farfadet bleue

Les quatre éléments ☼

L'air c'est rafraîchissantle feu c'est dévorantla terre c'est tournantl'eau – c'est tout différent.

L'air c'est toujours du ventle feu c'est toujours bougeantla terre c'est toujours vivantl'eau – c'est tout différent.

L'air c'est toujours changeantle feu c'est toujours mangeantla terre c'est toujours germantl'eau – c'est tout différent.

Et combien davantage encore ces drôles d'hommesespèces de vivantsqui ne se croient jamais dans leur vrai élément.

Claude Roy Enfantasques

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☼ Je suis nomade

Je n'ai pas enfoncé mes racines dans les terres

Je respire avec des racines d'air

Anise Koltz, L'ailleurs des mots / éd.Arfuyen

☼Dans une boîte, je rapporteUn peu de l'air de mes vacancesQue j'ai enfermé par prudence.Je l'ouvre ! Fermez bien la porte

Respirez à fond ! Quelle force !La campagne en ma boîte encloseNous redonne l'odeur des roses,Le parfum puissant des écorces,

Les arômes de la forêt... Mais couvrez vous bien, je vous prie, Car la boîte est presque finie : C'est que le fond de l'air est frais.

Jacques Charpentreau

☼La couleur de la fleur son parfumsa danse dans le ventla fraîcheur de l'eau sa transparencela caresse de la neigela vague qui va qui revientle vol de l'oiseau son chant

tout cela t'appartientmais tu ne peux ni l'acheter ni le vendre tu tends les mains pour le prendreet le garder dans ta mémoire.

Luce GuilbaudDu sel sur la langue / éd.Soc et foc

* * *

Dünyayı verelim çoçuklara ☼

Dünyayı verelim çocuklara hiç değilse bir günlüğüneAllı pullu bir balon gibi verelim oynasınlarOynasınlar türküler söyliyerek yıldızların arasında

Dünyayı çocuklara verelimKocaman bir elma gibi verelimSıcacık bir ekmek somunu gibiHiç değilse bir günlüğüne doysunlar

Bir günlük de olsa öğrensin dünya arkadaşlığıÇocuklar dünyayı alacak elimizdenÖlümsüz ağaçlar dikecekler

Nazim Hikmet

Le Globe ☼

Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.Donnons-leur afin qu'ils en jouent comme d'un ballon multicolore

Pour qu'ils jouent en chantant parmi les étoiles.Offrons le globe aux enfants,

Donnons-leur comme une pomme énormeComme une boule de pain toute chaude,

Qu'une journée au moins ils puissent manger à leur faim.Offrons le globe aux enfants,

Qu'une journée au moins le globe apprenne la camaraderie,Les enfants prendront de nos mains le globe

Ils y planteront des arbres immortels.

Nazim Hikmet(traduit du turc par Charles Dobzynski)

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☼J'aime toujours autant Le versant bleu de la montagne Le vent dans l'herbe Le blanc de la neige éternelle

L'herbe qui tremble Le blond du blé La montagne lointaine Le bleu qui n'en finit pas

Le blé sur la plaine La neige là-bas L'arbre sur le versant Le soleil dans la moisson

Marc BaronComme un soleil entre deux pluies ©Pluie d'étoiles éditions 2002

☼Le lac endormi

Un sapin, la nuit,Quand nul ne le voit,Devient une barqueSans rames ni bras.On entend parfoisQuelque clapotis,Et l'eau s'effaroucheTout autour de lui.

Jules Supervielle

* * *☼

Le ciel est le plus précieux des biens dans l'existence.Le seul qu'on puisse perdre le soir et retrouver au matin, à

sa place exacte, et lavé de frais.

Guy Goffette Le Pêcheur d'eau / éd. Gallimard

* * *☼

POÈME-PANCARTEoooOooo

RALENTISSEZ

N'ÉCRASEZ PAS LES PAYSAGES

MERCI

Pierre Albert-Birot Poésie / éd. Gallimard

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De la source

à la mer …

*

Loin des berges stridentesÉgarer l’ancre

Rompre les amarres

Suivre l’appel De l’intime horizon.

Andrée ChedidL'intime horizon

Territoires du souffle / éd. Flammarion

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Mon chant de coraux

Quand elle me laisse admirer son merveilleux jardinDe l'Anse-à-l'Eau à la Baie-OliveJe fouille tous ses secrets sans froisser ses profondeurs.Comme si elle voulait offrir un collier à KarukéraLa mer, ma mer que j'aimeArtiste aux doigts de féeLibère son trésor d'acroporesOù jouent à cache-cache les zagayas.L'immense lit de corail,Nuage de graffitis, fantaisie déliranteÉtalé pour l'amourdu beau et du mystèreBrave l'écume et laisse le dernier mot aux polypes.Les poissons chirurgiens, les yayas, les mérousDans leur paysage de guirlandes arborescentes,Sous le regard éveillé de l'île de la Désirade,Guettant le pêcheur en toute saison.Mon soleil bleu échoué au hasard du naufrage des continentsArchitecte en fête sur les récifsMe fascine par ses fongus et ses dentrites.Je plonge dans l'univers des mots et des sensationsPour remplir ma barque d'utopiesEt pleurer sur la fragilité de l'oeuvre humaine.De mon île surchargée de beauté et de patienceJ'attends le sourire de corail et l'enfant de demain.

Ernest MoutoussamyMétisse Fille / éd. Circé 2001

Icebergs

Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal.

Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre. Combien haut, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.

Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées, Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.

Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m'êtes familiers...

Henri Michaux La nuit remue / © éd. Gallimard

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Tu cours superbe, ô Rhosne, flourissant

Tu cours superbe, ô Rhosne, flourissantLes bords imaginaires du voyageles rives vertes où l’on s’use en passantaux tourbillons, aux rhombes des nuages.Ton couteau nu entraîne nos imagesde vie si promptes à rejoindre les puitsoù demain les noiera d’une eau d’oubliet là s’apaiseront les jours amersquand jusqu’à l’os léchés nos mots blanchisseront le temps qui pose sur la mer.

Annie SalagerHommage à Maurice Scève, sa Délie aux quatre cent quarante neuf dizains décasyllabiques, rimés en ABAB BC CDCD / Édition printemps des poètes 2005

* * *

Cousus ensemble à la lumière et aux cailloux, descorps d'algues gigantesques imprégnaient l'horizon.Dressés, de lointains panneaux en plastique bleu arrê-taient le bruit quand on glissait le long d'eux, comme le plongeur de Paestum* dans le monde souterrain quis'ouvre pour lui au creux des vagues. C'était la mer avec sa hache d'infini. Elle fend l'oeil et la tête, nettoie lesparoles, pénètre violemment la mémoire. Son feu est-ilcelui de Cassandre? Clos sur ses Méditerranées, qui enregarde la roue peut voir ses propres vies dans le ventsolaire danser et disparaître.

Annie SalagerLes dieux manquent de tout éd. Paroles d'Aube 1996

*Paestum : cité grecque située en Italie du sud (Campanie),appelée aujourd'hui Poseidonia, et classée au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998

* * *

☼ Des îles des pins sur les îles

et le bruit frais du vent

☼ Dans le marais asséché où vit le python

les nuages s'amassent

Masaoka Shiki(considéré comme le fondateur du haïku moderne / 1867-1902)

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Rivière ☼

La rive était fraîche encoreCe matin quand nous passions.Nous aurons vu bien des herbes

Renoncer à suivre l'eau.

GuillevicTerraqué

nrf / éd. Gallimard (1942)*

Paysage polaire

Un monde mort, immense écume de la mer,Gouffre d' ombre stérile et de lueurs spectrales,Jets de pics convulsifs étirés en spiralesQui vont éperdument dans le brouillard amer.

Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enferOù passent à plein vol les clameurs sépulcrales,Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râlesQu' un vent sinistre arrache à son clairon de fer.

Sur les hauts caps branlants, rongés des flots Voraces,Se roidissent les dieux brumeux des vieilles races,Congelés dans leur rêve et leur lividité ;

Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,Ivres et monstrueux, bavent de volupté.

Leconte De Lisle Poèmes barbares (1878)

*

Sur la plage ☼

Les mouettes se sont dissoutesDans l'air indiciblement pâle.

Le sable est si blanc qu'on en doute.Les dunes ont perdu leur hâle.Seuls d'étonnants feux roses

Passent là-bas très haut dans l'airEn éclosant comme des rosesDont le rosier serait la mer.

Maurice CarêmeL' Arlequin / Nathan 1970

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La Seine, le 14 mars 1947

Le fleuve craquelé se trouble. Les eaux montentet lavent les pavés des berges. Car le ventcomme une barque sombre et haute est descendude l'Océan, chargé d'un fret de graines jaunes.Il flotte une odeur d'eau, lointaine et fade... On tremble,rien que d'avoir surpris des paupières qui s'ouvrent.

(Il y avait un canal miroitant qu'on suivait,le canal de l'usine, on jetait une fleurà la source, pour la retrouver dans la ville...)Souvenir de l'enfance. Les eaux jamais les mêmes,ni les jours : celui qui prendrait l'eau dans ses mains...

Quelqu'un allume un feu de branches sur la rive.

Philippe Jaccottet Leçons, l'Effraie, Airs / © Gallimard / coll. Poésie

* * *

Un coucher de soleil, en Bretagne

Un coucher de soleil sur la côte bretonneLes ajoncs éclatants, parure du granit,

Dorent l'âpre sommet que le couchant allume. Au loin, brillante encore par sa barre d'écume, La mer sans fin, commence où la terre finit !

À mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid Se tait. L'homme est rentré sous le chaume qui fume ;

Seul l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume, A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.

Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes, Des landes, des ravins, montent des voix lointaines

De pâtres attardés ramenant le bétail.

L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre, Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre, Ferme les branches d'or de son rouge éventail.

José-Maria de Hérédia / La nature et le rêve

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Marine ☼ L'océan sonorePalpite sous l’œilDe la lune en deuilEt palpite encore,Tandis qu'un éclairBrutal et sinistreFend le ciel de bistreD'un long zigzag clair,Et que chaque lame,En bonds convulsifs,Le long des récifsVa, vient, luit et clame,Et qu'au firmament,Où l'ouragan erreRugit le tonnerreFormidablement.

Paul Verlaine

Iles ☼

IlesIleslles où l’on ne prendra jamais terreIles où l’on ne descendra jamaisIles couvertes de végétationsIles tapies comme des jaguarsIles muettesIles immobilesIles inoubliables et sans nomJe lance mes chaussures par-dessus bord car je voudraisbien aller jusqu’à vous

Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924

Mai

Le mai le joli mai en barque sur le RhinDes dames regardaient du haut de la montagneVous êtes si jolies mais la barque s'éloigneQui donc a fait pleurer les saules riverains

Or des vergers fleuris se figeaient en arrièreLes pétales tombés des cerisiers de maiSont les ongles de celle que j'ai tant aiméeLes pétales flétris sont comme ses paupières

Sur le chemin du bord du fleuve lentementUn ours un singe un chien menés par des tziganesSuivait une roulotte traînée par un âneTandis que s'éloignait dans les vignes rhénanesSur un fifre lointain un air de régiment

Le mai le joli mai a paré les ruinesDe lierre de vigne vierge et de rosiersLe vent du Rhin secoue sur le bord les osiersEt les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

Guillaume Apollinaire Alcools / © Gallimard – coll Poésie

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Prière à l 'océan (extrait) Aux pêcheurs de Camaret

Océan : Divinités de houles et de houles sur des gouffres et des gouffres, Irascible énergie à la voie de cornac, Monstre glauque, semblable à quelque énorme gueule de baudroie suivie d'une incommensurable queue de congre, Masse mouvante avec, pour âme, cette lame sourde jaillissant en lave d'un puits abyssal, Époux de la Tempête aux griffes de noroît et cheveux de suroît, Génie double qui souque ta victime entre vent-arrière et vent-debout, Démon de verre cassant des vaisseaux comme on casse des noix, Ogre aux dents de récif qui croque des tas d'hommes comme sur la terre nous croquons des pommes, Nappe d'orgie sur quoi les flotilles sont les friandises, les escadres les gigots, Insondable estomac où se digèrent les naufrages dont les épaves rares sur les flots figurent les os, Diaphragme innombrable au muscle soulevé depuis les tréfonds inconnus jusqu'à l'éclair des nues, Jungle liquide des sautes-de-vent accouplées aux brisants, Harpagonie de trésors engloutis, Joutes des aventures d'or et des squales d'aciers. Cimetière dansant où les périls se heurtent, l'alliance au doigt. Farouche pêle-mêle où tout se trouve, sauf un coeur,Océan...

Océan : Ciel à l'envers, Hublot de l'enfer, Quelqu'un de formidable parmi tous les êtres, Chose la plus grande parmi tant de choses, Geste le plus vaste d'entre tous les gestes, Majesté la première au rang des majestés,

Océan : Catastrophe constante, Agrégat des tourmentes, Tragédie sans fin, Oh fais taire tes orgues barbares du large ! Haut sur sa dune aux immortelles d'or Un poète te parle !

Saint-Pol-Roux Les Reposoirs de la procession © éd. Le Mercure de France

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Danube, Dounaj, DounaDounav, Dounarea, Donau

une îlepar où s'évaderdeux mille huit cent soixante kilomètrespour se jeter dans une mer ferméemais le fleuve s'en moqueentre Buda et Pestil respire et je m'envole

Danube, Dounaj, DounaDounav, Dounarea, Donau

terre sourcefleuve merdétroit océanplanète universet mirador ?

Danube, Dounaj, DounaDounav, Dounarea, Donau

Hongrie 1983Yvon Le MenBesoin de poèmeéd. du Seuil 2006

L'air brasse des fleuvesQui sourcent de loin

À l'estUne coulée de neigeSous les fourrures

Au sudLa terre vieilliePar trop d'attentesGenoux brûlés

Mais de là-bas à l'ouestArrive l'océanAux mains de pluieAu ventre d'écailles

Le chiffre et le selLe rire et les larmes.

Hélène CadouDe la poussière et de la grâceéd. Rougerie 2000

*

☼Pas après pas

dans les montagnes d'étésoudain la mer

Kobayashi Issa

*

36

La mer, le soir ☼

1. Dans le silence Le bateau dort, Et bord sur bord Il se balance

2. Seul à l'avant Un petit mousse D'une voix douce Siffle le vent

3. Au couchant pâle Et violet Flotte un reflet Dernier d'opale.

4. Sur le flots verts, Par la soirée Rose et moirée Déjà couverts

5. Sa lueur joue Comme un baiser Vient se poser Sur une joue

6. Puis brusquement, Il fuit, s'efface Et sur la face Du firmament

7. Dans l'ombre claire, On ne voit plus Que le reflux Crépusculaire

8. Les flots déteints Ont sous la brise La couleur grise Des vieux étains.

9. Alors la veuve Aux noirs cheveux Se dit : - je veux Faire l'épreuve

10. De mes écrins Dans cette glace. Et la nuit place Parmi ses crins,

11. Sous ses longs voiles Aux plis dormants Les diamants De ses étoiles.

Jean Richepin

* * *

Cinquième lettre à Taranta-Babu ☼(extrait)….Si grand, si beau est notre mondeet si vaste, si vaste le bord des mersque nous pourrions tous chaque nuitnous allongeant côte à côte sur les sables d'or,écouter le chant des eaux étoilées.... Nâzim Hikmet Il neige dans la nuit / nrf poésie Gallimard

☼ La cascade claire - les aiguilles de pin vertes

tombent dans les flots

kiyo taki yanami ni chirikomu

aomatsuba

Basho (1644-1994 / Japon) Cent onze haïku / éd. Verdier

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La Sorgue chanson pour Yvonne

Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion. Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.Que charge pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.Rivière des apprentis à la calleuse condition,Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs,Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.

René Char Fureur et mystère © Gallimard / coll. Poésie

L'océan est devenu nuitdans l'encre des chimères et des veilleursSeule une vérité s'envole au bout de la jetéebecquetée par les mouettes

Dans une ruelle blanche donnant sur la plagede petites feuilles remuent à terrecomme des pétales comme des oiseauxcomme des poissonset une porte se referme sur un géraniumà travers les coquilleset les petits coeurs du soir

C'est sur un chemin du bout du monde

Michel Cosem Lieu ultime éd. Rougerie 1997

38

Les pluies à Mélenn

Pluiespeines tremblantes sur les tombes

Pluiesjoies rieusesdes jeunes yeuses*

Pluiesires gaminesdes ravines

Pluiesnues bretonnesmonotones

Pluieslarmes de suiedans la nuit

Pluiesrages virilessur les tuiles

* yeuse; nom occitan du chêne vert

Pluies mer d'Iroisesur l'ardoise

Pluiesplaques marinesdes salines

Pluiesstèles ardentesdans les sentes

Pluies patientes fleursdes demeures

Pluiespaix tranquilledes petites îles

Pluies

Xavier Grall / Oeuvre poétique / éd. Rougerie 2010

Premier chant (p 162 à 166 / extrait p 163)

… Il y avait les fleuvesIl y avait le Rhône vertIl y avait le Rhône gauloisDans les vignes latinesIl y avait le Rhône hurleurBouillonnant de mistral et de jubilation

Il y avait le Rhône rageurTonnant entre les basiliquesLes chants celtiques et sauvagesIl y avait le RhôneCharrieur de musiques et d'apostrophesIl y avait les bergesLes crues et les vertiges

Et l'inquiétude humaineIl y avait la terreIl y avait les fleuvesDes levées et des barquesDes parcs et des châteauxIl y avait la Loire françaiseDes saules et de la RenaissanceIl y avait les fleuvesIl y avait la LoireQui prenait sa sourceParmi les colibris fileurs et les libellulesAu mont Gerbier-des-JoncsIl y avait la Loire des affluentsEt des cours d'eau peu considérablesIl y avait la Loire des bargesDes coteaux et des calcaires

Xavier Grall / Oeuvre poétique / éd. Rougerie 2010

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Océan

Océanventeffluves métalliquesincessant déferlement de houle blancheune seule et même houle roulant son éternité mouvantebruit d'immensitémurmure solitaire mouvement de l'immobilepoint d'orgue à l'horizon sans fin vibrantsa corde d'acier liquideEt le sable scintille et se moire au souvenir et dansl'attente des eaux ascendantescaresse et morsuremémoire déposée des objets du temps, de l'oubli,de l'inoubliablefragiles traces de passagecoquilles videssignes de vie, signes de mort, signes du travail deseaux, transformation lente par le temps des élémentssur le vif, sur la mortUne seule respiration battante de l'eau, de l'air,la terre accueil miroirespace au rythme lancinantHabiter cet espaceau lieu de son empreintedéshabitée

Céline ZinsL'Arbre et la Glycineéd Gallimard 1992

* * *

☼Du pas du bouquetinau cri de la mouette,

voyage de galet.Et pour tout bagage,

des poussières d'étoilesrecueillies au torrent.

Un silence sauvageémerge du rocher.Harpe sans cordes,

il repose oubliésur le parvis feutré

d'une clairière morte.

Paul BergèseAu gré des galets

éd. La renarde Rouge (2006)

40

☼ Le golfe du Lionest piqué tout entier de balancelles roses

qui traînent des filets immenses ou qui posentçà et là des nasses de fond.

C'est le printemps, la mer est tendre,elle monte, elle va s'étendre

jusqu'aux îles du Rhône où vivent les taureaux,puis sous les amandiers, les mûriers et les figues,

jusqu'à l'étang de Berre où le bleu de ses eauxbat la colline des Martigues.

Henri Bosco

* * *

Le Tage est plus beau...☼

Le Tage est plus beau que la rivière qui traverse mon village,mais le Tage n'est pas plus beau que la rivière qui traverse mon village,parce que le Tage n'est pas la rivière qui traverse mon village.

Le Tage porte de grands navireset à ce jour il y navigue encore,pour ceux qui voient partout ce qui n'y est pas,le souvenir des nefs anciennes.

Le Tage descend d'Espagneet le Tage se jette dans la mer au Portugal.Tout le monde sait ça.Mais bien peu savent quelle est la rivière de mon villageet où elle vaet d'où elle vient.Et par là même, parce qu'elle appartient à moins de monde,elle est plus libre et plus grande, la rivière de mon village.

Par le Tage, on va vers le Monde.Au-delà du Tage, il y a l'Amériqueet la fortune pour ceux qui la trouvent.Nul n'a jamais pensé à ce qui pouvait bien existerau-delà de la rivière de mon village.

La rivière de mon village ne fait penser à rien.Celui qui se trouve auprès d'elle est auprès d'elle, tout simplement.

Fernando Pessoa Le gardeur de troupeaux

Poésie Gallimard

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☼ À partir le long des plages poussés par les embruns dans un bruit de rafale dans un scintillement de bleu on irait marchant longtemps vers les rochers vers le couchant. Les épaves nous parleraient d'ailleurs d'îles lointaines de marins pêcheurs d'autres bruits d'autres odeurs. À marcher sur le rivage encore plus lointaines jusqu'à demain on irait vers ce pays d'au-delà de nous-même.

Luce Guilbaud Une cigale dans la tête éd. Cadex / coll. Le farfadet bleu

Je parle de la mer

Je parle de la merQui contient l'AmériqueLes îles du Cap-VertLes palmiers des tropiques

Je parle à l'océanJ'entends cogner son sangSur la pierreAu ciel les goélandsSont messagers du ventDes colèresJe regarde planerLes voiliers et les angesJe regarde flamberLes soleils sur l'eau blanche

Je parle de la merQui contient l'AmériqueLes îles du Cap-VertLes palmiers des tropiques

Un même vent amerFait gonfler mes enfersD'eau marineIl peut aussi saoûlerHabiter ou hanterMa poitrineLe tabac le rhum bleuLe poivre et la canelleLes épices, le feuBrûlent dans mes ruelles

Je parle de la merQui contient l'AmériqueLes îles du Cap-VertLes palmiers des tropiques

Luc Bérimont chanté par Marc Robine (coll. Poètes &chansons)

42

Des poètes

coureurs d'horizons...

Quelques textes de

Michel ButorRené DepestreAndré Velter

Kenneth White

43

Michel Butorhttp://michel.butor.pagesperso-orange.fr

Né en 1926, Michel Butor a été professeur en Égypte et lecteur à l'université de Manchester, en Angleterre, puis professeur aux États-Unis, et à l'université de Genève, après de brefs passages dans les universités françaises. Agrégé de philosophie, professeur de littérature, romancier, poète, il cherche dans de nouvelles formes une manière de dire le monde croisé au fil de ses voyages. Il collabore avec des peintres et des plasticiens, réalisant de nombreux livres-objets. Durant une période, il a fait parti du groupe du nouveau roman.

* * *Brocéliande pour Jean-Luc Lerebourg

Je pénètre dans les rayons

où tous les livres ont des pousses

où les lettres sont des insectes

où les titres sont des parfums

que brassent les vents de lecture

dans la tête des écoliers

qui ont su ne pas renoncer

malgré les passages d'années

aux escalades dans les branches

du savoir et de l'ignorance

inventive guettant aux cimes

dangereuses de la recherche

oscillant au moindre soupir

les aventures des châteaux

les navires en découverte

les atlas des explorations

les dictionnaires des planètes

les celliers des langues anciennes

les volières du temps qui passe

les clefs des songes et des veilles Livre Lerebourg

44

Élégie du Nouveau-Mexique

pour Lise Hoshour / in memoriam Harvey Hoshourr

C'était le pays de l'enchantement du ciel très pur bleu presque sombre pendant des mois et soudain des armées de nuages.

C'était le pays de l'enchantement des murs de boue ocre rose avec leurs poutres rondes juste au-dessous de la terrasse et les gouttières brinqueballant au moindre vent.

C'était le pays de l'enchantement des barbelés imitant avec toute la maladresse humaine l'imagination des cactus, des ronces ou des buissons roulants pour tenter d'interdire un arpent dans l'immensité.

C'était le pays de l'enchantement des ombres précises s'allongeant dans le soir en grandes lames comme les vagues d'une marée jusqu'au moment où le crépuscule vous recueillait dans sa fraîcheur glauque.

C'était le pays de l'enchantement des chemins sinuant parmi les rochers et les touffes d'herbes sèches jusqu'à l'esplanade naturelle à la gloire de l'horizon, de ses volcans et de ses neiges.

C'était le pays de l'enchantement des églises telle des bourgeons qui seraient en train de s'ouvrir au milieu des villages, une floraison si lente qu'il semblerait qu'il s'agisse de millénaires alors que ce ne sont que siècles.

C'était le pays de l'enchantement des écorces ravinées, parcheminées sous les branches qui proposent leur carnaval de flocons sur les rives du fleuve intermittent où se suivent à quelque distance les vastes demeures doucement ténébreuses et tièdes.

C'était le pays de l'enchantement des chevaux grignotant patiemment l'herbe rare en attendant que l'homme les fasse galoper dans les ranchs et sauter par-dessus les ravins à la poursuite des boeufs ou du gibier.

C'était le pays de l'enchantement des portes avec leurs rideaux de perles de bois ou leurs grillages contre les mouches, les épaisses planches contre les dangers nocturnes, ou les vitres pour continuer à suivre les rares passants depuis la cuisine ou l'atelier.

C'était le pays de l'enchantement des cimetières toujours à la limite d'un autre monde, isolés pour que les fantômes puissent s'en donner à coeur joie ou désolation depuis les premières migrations perdues dans les brumes des légendes ou de l'archéologie jusqu'aux déferlements de pionniers, colons ou touristes.

C'était le pays de l'enchantement des camionnettes pour transporter famille, animaux ou meubles, cahotant au fond ou au bord des canyons, tribunes mobiles pour assister au marquage des troupeaux ou aux envols de montgolfières, fonds de tente pour les nuits calmes et lumineuses avec feulement du puma et chant du rossignol.

C'était le pays de l'enchantement des lendemains de fête, quand la poussière se dépose doucement sur la place et que l'on range dans les armoires ou les jarres tous les ornements, masques ou accessoires des diverses cérémonies tandis que les enfants dispensés d'école dorment d'un lourd sommeil traversé de danses et d'apparitions.

C'était le pays de l'enchantement des antennes qui apportent au fin fond des vallées ou sur les escarpements des promontoires les dernières chansons à la mode sur les côtes des deux océans, des images de continents lointains que l'on a du mal à distinguer des planètes de la science-fiction ou des décors de l'opéra de Santa-Fe, des nouvelles de guerre ou famine qui font que l'on regarde avec soulagement le supermarché au carrefour de deux routes presque vides et toutes droites au long des montagnes abruptes où la chute d'une pierre éveille d'interminables échos.

C'était le pays de l'enchantement et malgré tous ses changements, cela doit bien l'être toujours. Quand retournerai-je au Nouveau Mexique?

Hommage Hoshour

Ici et là

45

La fontaine de jouvence

pour Claude Viallat

1

Ruissellement

Nuages dans le ciel

vagues sur la mer

torses dans les plis

oiseaux dans les bois

Ce sont des gouttes

Nuages sur la mer

torses dans les bois

promesses des livres

caravelles sous le vent

Ce sont des sables

qui glissent

Nuages sur les bois

promesses du vent

sargasses dans la tourmente

vitraux sur la ville

Ce sont des gouttes

et des sables

qui glissent entre mes lèvres

Nuages dans le vent

sargasses de flammes

îles sur le fleuve

poissons dans la nuit

Ruissellement de sable

(extrait / dans poésie au jour le jour 2)

Le bourgeonnement du désert

pour Mona Saudi

1

Dans la nuit des temps

il y eut l'errance

avec les pierres dans l'attente

Dans le lointain

il y eut les premiers feux

avec la patience des pierres

Dans la distance

il y eut les peuples qu'on ne sait pas nommer

avec la taille des pierres

Dans l'oubli

il y eut les cavernes

avec l'érosion des pierres

2

Dans le silence et dans la nuit

il y eut les premières tombes

avec l'éclatement des pierres

Dans la hantise et le lointain

il y eut les premiers outils

avec le façonnement des pierres

Dans la transparence et la distance

il y eut les premiers villages

avec la solitude des pierres

Dans la mémoire et l'oubli

il y eut les premiers tissages

avec la permanence des pierres

(extrait / dans poésie au jour le jour 5)

46

Drapés de laques

pour Béatrice Mazzuri

C'est l'enveloppement d'un ciel du soir

autour des épaules de l'horizon

puis l'ombre se cristallise en braises

d'où germe un rosier de flammes

qui lèchent et carbonisent la forêt

C'est une agitation de bannières

devant les sillons qui se tordent

sous la fumée des feuilles mortes

roulement de vagues mouillées

dans le chuchotement de l'automne

C'est une rafale de neige

douce comme une caresse

au long des jambes du paysage

qui se blottit au creux du lac

entre les portes des glaciers

C'est une étole de cristaux

taillés en écailles si fines

qu'elles ruissellent sur les yeux

au moindre pas le long des falaises

dans le vertige des embruns

(dans poésie au jour le jour 3)

47

Arborescences pour Joël Leick

Les poussières

de l'Afrique

se sont fourrées

sous nos ongles

entre nos orteils

nos paupières

nos cheveux

et nos dents

à l'intérieur

de nos oreilles

de nos narines

où elles germent

en minuscules

radicelles

qui s'allongent

au long de nos veines

et de nos nerfs

Ainsi la brousse

et la savane

ont envahi

notre poitrine

une rauque fêlure

transforme notre voix

des baobabs

encore nains

décorent nos paumes

métamorphosant

nos lignes de vie

et de chance

il suffit maintenant

de les appliquer

à nos tempes

et nous entendons

le feulement des hyènes

Tout notre corps

est tatoué de lianes

creusées çà et là

de bassins boueux

où viennent boire

gnous et koudous

soucis et hantises

courant sur nos ventres

pour se faufiler

entre les branches

de nos genoux

notre Zambèze intérieur

quand il déborde

transfigure les vallées

qui nous entourent

en l'arbre interdit

de notre royaume perdu

Livre Leick / Géographie parallèle

48

René Depestre

Né en 1926 à Jacmel (Haïti), René Depestre, poète et écrivain, publie ses premiers poèmes en 1945. Incarcéré pour ses engagements politiques, il quitte son île et se réfugie en France, puis à Cuba. En 1970, il s'installe à Paris et travaille avec l'UNESCO. Il reçoit les prix Goncourt de la nouvelle (1982) et Renaudot (1988), ainsi que de nombreuses distinctions en poésie (prix Apollinaire). Son oeuvre littéraire est en lien étroit avec ses engagements et les Caraïbes de sa jeunesse. Il est installé dans l'Aude, depuis une trentaine d'années.

* «De temps à autre, i l est bon et juste

de conduire à la rivière la langue française

et de lui frotter le corps avec les herbes parfumées

qui poussent bien en amont de nos vertiges d’ancien nègre marron.»

René Depestre, Rage de vivre, œuvres poétiques complètes, Seghers

* * *

Retour à un jardin de l 'enfance

En ce temps-là mon foyer était un jardinje suivais le seul feu de mes voisins-arbresle goyavier imitait pour moi l'éléphantje voyageais sur son dos aussi loinque le permettait le manguierqui se méfiait des animaux trop amicauxl'oranger partageait avec moi les pastèquesle tamarinier était un onclequi racontait des histoires de cyclones fabuleuxle quenêpier pour me plairemettait un singe à chacune de ses branchestandis que le bananier changeait son régime en volée de perroquetsl'acajou-enfant me révéla un matin:- lorsque je serai grand je confierai mon boisaux mains d'une fée qui fabrique des pianos.

René Depestre En état de poésie (1980) Rage de vivre, œuvres poétiques complètes, Seghers

49

La rivière

Voilà, c'est fait, je suis devenu une rivière.Ce sera une grande aventure jusqu'à la mer.Quel nom me donnera-t-on sur les cartes ?D'où vient ce cours d'eau inconnu ?Quel ciel reflète-t-il dans ses flots ?Quelle paix, quelle faim, quelle douleur ?

Pardonnez-moi messieurs les géographesJe ne l'ai pas fait exprèsJ'aimais voir couler l'eauSur toutes les soifsIl y a tant d'assoiffés dans le mondePour eux me voici changé en rivière !

Je n'aimais pas voir couler les larmesÉtant rivière je pourrai qui saitCouler à leur place.Je n'aimais pas voir verser le sangÉtant rivière je pourraiÊtre versé partout à sa place.Mon destin est peut-être d'emporterÀ la mer toutes les peines !

René Depestre Journal d'un animal marin (1964)

Rage de vivre, œuvres poétiques complètes, Seghers

* * *

Identité ☼ à François Hébert

Un homme tendre du Québecun jour d'été dans une forêt natale,murmura: je suis un sapin.Moi, loin de Jacmel, un soir d'hiver,j'ai susuré: je suis un cocotier.Le monde entier en nous deuxa reconnu des fils jumeaux de sa beauté.

René Depestre En état de poésie (1980) Rage de vivre, œuvres poétiques complètes, Seghers

50

Non-assistance à poètes en danger ☼

La tendresse des poètes voyageen baleine bleue autour du mondeaidez-nous à sauver cette espèce

en voie de disparition

René Depestre Non-assistance à poètes en danger (2005) / éd. Seghers

Parler de Jacmel (extrait)

Quand je vivais à Cuba, il me suffisait de tourner le regard vers la mer des Caraïbes pour avoir de nouveau sous les yeux, a b c de mon éthique comme de mon esthétique, fil du merveilleux dans le cours de mes jours et de mes travaux, l'exceptionnel étincellement du grand océan qui baigne mon pays natal.

Je revois à volonté le lever du soleil dans le golfe de mon enfance : le mouvement passionné des vagues, l'éclat de l'écume, le prodige de l'eau et du ciel bleu, qui ont là-bas une intensité de vie à vous couper le souffle. On se dit pour toujours : tu es un élément vital de cette fête du cosmos ; tu es en vie, les espoirs les plus fous sont permis, tu es un être libre avec la joyeuse énergie de la mer, il y a pour toi toute l'allégresse du monde à prendre conscience que la vie en soi détient le secret de l'ivresse de vivre.

...

René Depestre Écrire le pays Rencontre d'écrivains francophones / Suisse 1971)

L'éclipse du 11 août 1999

La galaxie compte un nombre infinide sphère au gaz incandescent.L'étoile qui protège ma rage de vivreest une inconnue entre des milliards d'autres :aussi banale que la pluie d'août mon amie rougeconcède à ma vie trois minutes de douceurlors d'un éphémère soir de tendresse.

René Depestre Non-assistance à poètes en danger (2005) éd. Seghers

51

André Velterhttp://www.andrevelter.com

Poète et écrivain voyageur, André Velter est également homme de radio (sur France Culture / Poésie sur Parole, Agora, Poésie studio...), chroniqueur littéraire (au journal Le Monde), directeur de collections (Poésie chez Gallimard / Caravanes chez Phébus / L'Arbalète). Attaché à l'oralité du poème, il travaille avec des comédiens et des musiciens. Ses longs voyages le conduisent vers le Tibet, l'Inde et l'Afghanistan. Il a reçu le «Goncourt» de poésie en 1996.

* * *

Un voile ou un drap flotte sur nos montagnes, épousant pics et précipices, glaciers et vallées, sentiers et surplombs, couvrant cette vision immense qui nous a mis en marche, gommant les repères, les parcours, les noms. C'est le relief fantôme du troisième pôle qu nous avons imposé à la terre. Il n'y a plus d'Everest ou de Kangchenjunga, d'Annapurna ou de Dhaulagiri, mais une ligne de crête saccadée, trace livide de nos battements de coeur. Au sommet, quel que soit le sommet, je retrouve les papillons d'altitude qui ont du ciel sur les ailes et veulent toujours se poser sur le dos de ta main. André Velter

Une autre altitude (3ème recueil d'une trilogie ) Poèmes pour Chantal Mauduit - nrf / Gallimard

Petit nuage sur le cheminde Tangyud Gompa*.

Rien que du vide et du vent,une touffe de chardons bleus,des marques de pas.

Rien que le soleil sur les crêteset les ombres qui s'allongententre les rochers.

Rien que ce rienqui n'est pas moins que tout.

(* monastère bouddhique du Spiti vallée désertique de l'Himalaya, entre le Tibet et l'Inde)

(Ladakh)

Hors limite, hors refuge,oubliés bergers, ascètes, vautours,l'acharnement du vivace,

la floraison en longue attentede semailles in-extremis,avec armoises aux lèvres des glacierset lichens pareils à de la cendre d'étoile.

C'est au pays des cols,au pays sans repos,royaume toujours perdu,que l'on passe par le haut.

André Velter Le Haut-Pays nrf / Gallimard (1995)

52

Courir le monde

Par la seule magie de leurs nomsil est des villes perdues ou non

d’Aden à Zanzibarqui chantent dans nos mémoires.

Ô cette rumeur de l’inconnuau coin des rues de la terre

à Samarkand comme à Shanghaïavant même que d’y être…

Le refrain qui a ouvert la routeparle au cœur et aux songes

de Tombouctou, de Bénarès, de Louxoret d’Antioche-sur-Oronte :

c’est à l’oreille aussiqu’il faut courir le monde.

André VelterParis, 7 juin 2005

éd. Printemps des poètes

Sans trop forcer

Ce monde-ci tel qu’il va n’est pas le mien.Mais la merveille de ce qui estveille et s’éveille partoutsans trop forcer le destin ni la note.

Aux mains des teinturiers d’Alepla soie trouve encore sa lumièreentre les plis de l’arc-en-ciel...

Par les rues des villes mortesles bergers poussent les bêtesjusqu’aux baptistères des évêqueset les tombeaux des dignitairesservent de poulaillers...

À Palmyre le soir a ce goût de mielqui courtise à jamais l’ombre de Zénobie...

Sous les oliviers d’Al-Mallajales poètes sont toujours frères de Linos et d’Orphéeparlant de source et d’or...

Ici les seuls dieux tolérablessont les dieux sans lendemain...

Alors ce monde qui me garde la tête épiqueet le coeur sur la main,ce monde-là soudain est peut-être le mien.

André Velteréd. Printemps des Poètes 2004

Une fresque peinte sur le vide (extraits) … L'Himalaya n'appartient pas au commun du chaos. Surgi de l'au-delà de l'ombre, ultime ivresse du magma, il aspire à la transparence, dans l'exaltation du soleil et des glaces. Sa lumière crée l'infini, sa pureté terrifie ou transfigure, il mêle l'obsession inhumaine du désert et le défi des plénitudes. Il est mystère, miracle, miroir. Il est, plus fortement que l'éternité.

En ce séjour des neiges, l'harmonie rejoint la réalité portée à blanc. Sacrilège semble la vie, tout mouvement venu de l'éphémère. À la rigueur imagine-t-on un aigle, et seulement quand il plane. Les autres relèvent de l'impossible, des marges d'erreur qui improvisent : les autres, les hommes, les autres hommes.… Ici l'on passe d'une absence à une autre. Chaque étape est une île sur l'océan de la terre. Chaque soir s'éclaire d'un chant d'argile sèche.… André Velter / Le Haut Pays / nrf Gallimard (1995)

53

Tel un vagabondJe pars pour les montagnes désertes.

Milarépa

Je vais plus loin que la route,plus haut que les alpagesprès des rochers ou rien ne pousse.

La lionne suit la ligne des neiges,l'aigle tourne dans l'azur,j'entends les cris des petits singes.

Le vent s'est fait mon équipage,la nuit la compagne de mon coeuret le soleil m'offre à boire.

Si tout me manque rien ne manque,prenez les braises de mon foyer,je vis d'un souffle de feu.

(Le vagabond se joue des apparences,le vagabond met l'infini dans son jeu,il chante follement sa folle liberté.)

Je vais plus loin que mon refuge,plus haut que l'écho des valléesprès de la seule lumière.

André VelterDu Gange à Zanzibarnrf Gallimard (1993)

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Kenneth Whitewww.kennethwhite.org

Né en 1936 à Glasgow (Écosse),Kenneth White , professeur à la Sorbonne (chaire de poétique du 20ème siècle) et Visiting Professor de l'université des Hautes Terres et des Îles en Écosse, a fondé l'Institut international de géopoétique. (http://www.geopoetique.net). Il écrit indistinctement en anglais et en français. Considérant la poésie comme porteuse de sens et de pensée, voyageur, nomade, écrivain d'une insatiable curiosité, son écriture ouvre de nouveaux champs d'exploration.

* * *

Living in the hills

The road I came by climbs to nine thousand feetthe river I crossed has many waterfallsthe path to the house is steep and narrowin summer the brambles seal is off

in winter I stare out over the valleythe snow falls thickly through its darknessI look in the fire and think it a dreamthat once I lived in the streets of a city

La vie dans les collines

La route que j'ai prise monte à trois mille mètresla rivière que j'ai traversée cascade à plus d'un [ endroitabrupt est le sentier pour arriver chez moien été il se perd dans les ronces

l'hiver je vois tomber longuement sur la valléedans la nuit la neige à gros floconsje regarde mon feu et j'ai du mal à croirequ'autrefois je vivais dans les rues d'une ville

Kenneth White Terre de diamant / Grasset

Late december by the sound of Jura ☼

Red braken on the hillsrain snow hail and rainthe deer are coming downthe lochs are gripped in icethe stars blue and bright

I have tried to write to friendsbut there is not continuingI gaze out over the Soundand see hills gleaming in the icy sun

Fin décembre au détroit de Jura ☼

Fougères rouges sur les collinespluie neige et grêle et pluie encoreles cerfs descendent des hauteursles lacs sont saisis par la glaceau ciel, les étoiles bleues

essayé d'écrire aux amismais mieux vaut y renoncer -levant les yeux je vois l'île au loinqui miroite sous un soleil glacé

Kenneth White Terre de diamant / Grasset

55

South road, summer ☼

1.Mid-afternoonblue light flickeringon the silent crags

2.Where did the wind go? -dawn coming quietlyover the hills

Route du sud, été ☼

1.Au milieu de l'après-midiune lumière bleue vacillesur les crêtes silencieuses

2.Où est parti le vent? -l'aube se lève doucementsur les collines

Kenneth White Terre de diamant / Grasset

* * *

Stones of the cloudy forest In memoriam Hiang Pi Fong

1.Where the path endsthe change begingand the rocks appearideas of the earth

2.Lying in the mistamong red rocksadmiring the lessonsof wind and rain

3.As the old man saidup in the mountainsclose by the skyevery rock looks a lotus

Pierres de la forêt brumeuse In memoriam Hiang Pi Fong

1.Où s'arrête le cheminles changements commencentet les rochers surgissentidées de la terre

2.Allongé dans la brumeparmi les rochers rougesattentif aux leçonsdu vent et de la pluie

3.Au dire du vieil hommeici dans la montagnetout contre le cielchaque rocher est un lotus

Kenneth White Terre de diamant / Grasset

56

Le grand rivage (extrait)

13

comme au détour du sentier dans le bois d'avril : ce monde concentré complexe fortuit trempé de lumière terre pierres herbe mouillée et les rouges branches de l'aubépine - dehors rien que landes nues âpres vallées glaciaires

14

ou comme ce champ de fleurs des Alpes sur les hauteurs de Ben Lawers : saxifrages pensées sauvages gentianes anémones des bois roses des montagnes compagnons angéliques soucis- assemblage unique dû à une série de coïncidences une petite couche de roches idéales bien minéralisée pas trop acide comme les couches voisines sur des monts si élevés que des souches précaires ont subsisté là depuis la fin des glaciers : les plantes se sont établies dans une faille leurs racines ont crevé le roc lentement leurs pousses et leurs feuilles ont enfermé des fragments de pierre portés par le ventou entraînés par les eaux et la terre s'est accumulée les fleurs y trouvent subsistance et la beauté croît Kenneth White / Un monde ouvert / nrf Poésie/Gallimard

57

La vallée blanche

Peu de choses à voir dans cette valléequelques lignes, beaucoup de blancc'est une fin de monde, ou bien un commencementpeut-être le retrait des glaces du quaternaire

jusqu'à présentnulle vie, nul bruit de viepas même un oiseau, pas même un lièvrerienque le vagissement du vent

pourtant l'esprit se meut ici à l'aiseavance dans le vide

respire

et ligne après lignequelque chose comme un univers se dessinesans trop vouloir nommersans briser l'immensité du silencediscrètement, secrètement

quelqu'un dit

je suis iciici, je commence.

Kenneth WhiteUn monde ouvert / nrf Poésie/Gallimard

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Documents annexes

Pistes bibliographiques

Établies au moment de la finalisation de ce document. Veuillez consulter le site du Printemps des Poètes pour les actualisations.

Poètes mis à l’honneur

A l'occasion du 13e Printemps des Poètes, un éclairage particulier sera porté sur l'oeuvre de Michel Butor, René Depestre, André Velter et Kenneth White, poètes coureurs d'horizons. Toute leur œuvre est traversée par ce thème.

Voir leur biobibliographie détaillée dans la Poéthèque sur www.printempsdespoetes.com

Dans le cadre de l’année des Outre-mer français, une bibliographie spécifique permettra de découvrir la richesse des poésies ultra-marines.

Liste de poètes, dans l’œuvre desquels, la présence des paysages est un argument poétique foncier

Poésie classique Les poètes de la Pléïade Les poètes romantiques

Nicolas BouvierAimé CésaireBlaise CendrarsRené CharMalcolm de ChazalPaul ClaudelEdmond JabèsSaint John PerseLuciennes DesnouesJacques LacarrièreValéry LarbaudGaston MironArmand MonjoLéopold Sedar SenghorVictor SegalenJules SupervielleEmile Verhaeren

Poésie contemporaine

Yves Bonnefoy Michel Butor Marguerite Clerbout François Cheng Jacques Darras Amanda Davi René Depestre Lorand Gaspar Edouard Glissant Guy Goffette Xavier Grall Philippe Jaccottet Ludovic Janvier Gil Jouanard Gérard Le Gouic Yvon Le Men Jean-Michel Maulpoix Jean Metellus Kenneth White Pierre Oster Jean-Claude Pirotte Roland Reutenauer Dominique Sampiero Jean-Pierre Spilmont

Poésie contemporaine

Saint-Pol Roux Frédéric-Jacques Temple Jean-Louis Trassard André VelterClaude VerceyJean-Vincent VerdonnetHubert VoignierJean-Claude Xuereb

Domaine étranger

Haïkus

Walt WhitmanHenri David ThoreauGeorges HaldasMaurice ChappazCharles Ferdinand RamuzGaston MironAnne HébertPablo NerudaLuis MizonAdonisAlvaro Mutis

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Quelques anthologies et ouvrages

* Outre mers, trois océans en poésie (Atlantique, Océanie, Pacifique), éd. Bruno Doucey, 2011

* Poètes en partance, Gallimard, à paraître, 2011

* La Terre le feu l'eau et les vents, une anthologie de la poésie du Tout-monde, d’Edouard Glissant, Galaade, 2010

* Cent poèmes pour l’écologie, de René Maltête, Cherche-midi, 1991

* Guadeloupe vue du ciel, textes choisis par Daniel Maximin, Photos d'Anne Chopin, HC éditions, 2008

Jeunesse

* Naturellement, anthologie de poèmes sur la nature, poèmes choisis par Jean-Marie Henry, illustrations de Yan Thomas, éd. Rue du Monde

Revues

* Poésie Vagabondage n°5 - La nature, la campagne, 1996

Essais, actes de colloque

* Paysage et poésie, du romantisme à nos jours de Michel Collot, José Corti, 2005

* Paysages et poésies francophones, Ed. Presses de la Sorbonne Nouvelle-Paris III, 2005.

Quelques recueils ou anthologies personnelles (à titre d’exemple)

* Le pré, ou Mille étang de Françoise Ascal, chez Travers, 2006

* Abîmes cachés, Gérard Bocholier, L’arrière-pays, 2010

* Paysage fer (aux éd. Verdier) et 15021 avec des photographies de Jérôme Schlomoff (aux éditions l’Amourier), de François Bon, 2000

* Anthologie nomade, Michel Butor, Gallimard, 2004 / Œuvres complètes, La Différence, 2005-2007

* A l’orient de tout, anthologie poétique, François Cheng, Gallimard, 2005

* Lumières d'Egée, Patrick Cloux, Ed. du Miroir, 1999

* Le paysan céleste, Georges-Emmanuel Clancier, Gallimard, 2008

* Promenade avec l’hermine, Michel Cosem, éditions de l’Atlantique, 2010

* Aspects du canal, Marie-Josée Christien, Sac à mots éditions, 2010

* Yeou, piéton des terres, Marc Delouze, La Passe du Vent, 2007

* Présence du marais de Georges Drano, Rougerie

* Le Canal, Jean-claude Dubois, Cheyne, 1999

* Nul ne s’égare, André Frénaud, Gallimard, 2006

* La route des Andes, de Pierre Gabriel, Rougerie

* Loire vivant poème, Pierre Garnier, Le Dé bleu, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 1998

* Dans la main de l’aube, Nicolas Gille, Jacques André éditeur, 2010

* Eloge pour une cuisine de Province, Guy Goffette, Champ Vallon, 1988 ; repris avec La vie promise en Poésie, Gallimard, 2000

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* Compris dans le paysage , Georges Guillain, éd. Potentille, 2010

* Couleur de terre, Philippe Jaccottet, Fata Morgana, 2009

* Des rivières plein la voix, Ludovic Janvier, Gallimard, 2004

* Sourates, Jacques Lacarrière, Albin Michel, 1990

* Portails de la Charentes, Gilles Lades, éditions de l’Atlantique, 2010

* Falaise de proue et Langue sauvage d’Anne-José Lemonnier, Rougerie

* Paysage du Tout, Pierre Oster, Gallimard, 2000

* Périls de Londres, Jean-Claude Pirotte/ Sylvie Anzalet (photos), Le Temps qu’il fait, 2010

* Traversé et Pierre indigènes de François Perche, Rougerie

* Comme un château défait, Lionel Ray, Gallimard, 2004

* Ciel et terre et ciel et terre, et ciel de Jacques Roubaud, éd. Argol, 2009

* Les reposoirs de la Procession de Saint-Pol Roux, Rougerie

* Les Songes de la lumière et de la brume, Angèle Vannier, Ed. Savel, 1947, (préface de Théophile Briant)

* Poèmes choisis 1947-1978, Rougerie, 1990

* Paysages encore et autres petits contes, Henri Voignier, Cheyne, 2003

Quelques poèmes

* Christophe Lamiot, dans Œuvres 1985-1981, Flammarion, p 179

* Armand Robin : « Automne » et « Frêle passager » dans Ma vie sans moi, Gallimard, p. 185

* Xavier Grall : « Genèse - Trois chants, p. 161, 177, « le port », p 51, dans Œuvre poétique, Rougerie

* Saint-Pol Roux : « Bretagne est univers », dans Présence du Solitaire, Rougerie

* Gilles Lades, Portails de Charentes, « La Rochelle, fin de matinée », p.11

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Petit inventaire d’actions originales et concrètes Pour diffuser la poésie dans les classes et en dehors des classes, proposé par le Printemps des Poètes

* * *Retrouvez, sur le site du Printemps des Poètes, un dossier pédagogique à télécharger, intitulé :

La poésie à l'école.

* * *

- Arbre à poèmes : Arbre réel ou fabriqué sur lequel on peut accrocher des poèmes- Atelier de diction : atelier sur les différentes façons d’oraliser un poème- Atelier d’écriture poétique : travail sur les jeux poétiques proposés à partir de thématiques ou de contraintes formelles- Babel heureuse : moment de lectures croisées dans toutes les langues- Bannière poétique : donner à lire sur de vastes bannières des poèmes du répertoire contemporain- Boîte à poèmes : boîte où chacun peut venir déposer un poème et en piocher un- Bouteille-poème à la mer- Brigade d’intervention Poétique (BIP) : Intervention impromptue de comédiens, dans les classes, qui offrent quotidiennement ( sur une à deux semaines) la lecture d’un poème sans aucun commentaire- Carte-postale poème- Cocon poétique : espace poétique sous forme de structure lumineuse, transparente : cocon de lumière et de son (Association La Foule)- Correspondance avec un poète : les poètes et les élèves se rencontrent à travers un échange épistolaire sur toute l’année- Lâcher de ballons-poèmes- Lecture de poèmes par un poète, un comédien- Oreiller-poèmes : poser son oreille sur un coussin qui fait entendre des poèmes (Cie Les oreillers rouges)- Parapluie poétique : Ecouter des poèmes dans l’obscurité, sous un parapluie prévu à cet effet (Association Lire dans le Noir)- Parcours poétique : dans les musées, lieux publics, parcours à la rencontre de textes poétiques- Les poèmes s’affichent : choisir un poème dans sa totalité ou un fragment et en réaliser une transposition avec des moyens plastiques sur un support plan- Pioche-poème : un comédien fait piocher un poème dans un panier, une boîte…et le lit à l’assemblée- Souffleurs de vers : des comédiens chuchotent des poèmes, à travers de longs tubes, à l’oreille des passants (Cie Les souffleurs)- Tract-poème : diffusion de poèmes au plus grand nombre, sur les places publiques, les marchés…- Un jour, un poème : les enseignants ouvrent leur journée par la lecture d’un poème

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