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21 22 DROITS DES FEMMES CHAPITRE III Durant les efforts de reconstruction et de réconciliation d’après-guerre dans plusieurs pays, des politiques d’action positive ont été mises en place afin de s’assurer que les groupes minoritaires, telles que les femmes, sont convenablement pris en compte et représentés dans les affaires politiques et publiques. Cependant, dans le cas de la Sierra Leone, ces mesures d’égalité entre les genres ont largement été freinées par un effort de résistance pendant 8 ans après la fin de la guerre civile. Il existait quelques initiatives politiques Supprimer les obstacles à la participation des femmes à la gouvernance Action Plus qui ont activement cherché à améliorer l’autonomisation des femmes au niveau des structures gouvernementales, locales et nationales - surtout durant la période 2000 – 2004. Cependant, ce n’est qu’en 2010 que le Président Ernest Koroma a finalement accepté la hausse à 30% de la représentation des femmes dans les affaires politiques et a promis que cela serait inclus dans le prochain cycle électoral. Aujourd’hui, presque cinq ans plus tard, les attentes relatives au rôle et à la représentation des femmes dans l’échiquier politique sont loin d’être satisfaites. Cela est largement dû aux pratiques et croyances traditionnelles et culturelles enracinées, et au manque de volonté politique de changer la situation des femmes en Sierra Leone, entre autres facteurs. En conséquence, il reste toujours beaucoup à faire dans la lutte pour engager l’État et les acteurs politiques à supprimer de manière effective les obstacles à la promotion de la participation des femmes aux niveaux communautaires et des districts. Action Plus travaille à appuyer le bien-être des couches et des communautés pauvres et vulnérables. Il a lancé un projet d’une année et demie pour appuyer plusieurs femmes leaders - dont des représentantes élues, des activistes, des experts en question de genre et des membres d’OSC - dans le but de s’engager avec le gouvernement à la formulation de politiques soucieuses des questions sexospécifiques. Il a défini trois activités majeures, dont six évaluations trimestrielles, des sessions de formulation et de plaidoyer avec les acteurs communautaires et les décideurs politiques afin de formuler des recommandations pratiques sur les questions d’héritage, de succession, d’abus sexuels et sexistes et des droits de propriété. Trois ateliers, avec la participation de 50 femmes leaders élues (parlementaires, conseillères, membres de chefferie, comité de district et de village pour le développement et des responsables de groupes de femme) ont permis une formation sur les fonctions clés du Parlement et du Conseil municipal dans les districts de Kenema et Kailahun. Trois autres séminaires ciblant 60 décideurs politiques ont été tenus pour améliorer la sensibilisation publique sur les questions de genre et parfaire la communication et les compétences en matière de leadership. Doris E. Kalil est le Coordonnateur régional du Forum des femmes de la région orientale (Women’s Forum in the Eastern Region). « La formation m’a permis d’accroitre mes connaissances et mes capacités en matière de communication, de plaidoyer et de leadership. En ma qualité de chef de forum de femmes dans la province orientale, j’utilise ces compétences pour promouvoir l’intérêt et le bien-être des femmes dans la gouvernance et les protège contre les violences. En outre, les connaissances acquises de la formation ont été transmises à d’autres femmes et m’ont aidée à les sensibiliser sur leurs droits, leurs rôles et leurs responsabilités dans la gouvernance de leurs communautés. Durant l’épidémie d’Ebola, nous avons parcouru les communautés de Kenema en sensibilisant les gens afin qu’il adoptent de meilleures pratiques sanitaires et qu’ils acceptent les survivants de la maladie ». Quel que soit le pays, l’intégration de la dimension genre et des droits des femmes dans les structures de gouvernance à travers un changement politique, est une tâche difficile. Dans le cas de la Sierra Leone, où s’applique le système patriarcal dans la plupart des zones et où sévit également la pauvreté, cette tâche est devenue même plus compliquée. Il existe plusieurs autres facteurs à prendre en compte, notamment le risque qu’il y ait plus de discours que d’actes concrets face à ces initiatives ou une réticence de la part des autorités politiques et traditionnelles. Action Plus s’assure que les hommes au niveau communautaire et des districts jouent un rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre des activités du projet. Il engage les structures communautaires à prendre des engagements assortis d’actions de suivi concrètes et régulières pour encourager la participation des femmes dans les projets, ainsi que dans l’engagement et les processus au niveau communautaire.

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Page 1: DROITS DES FEMMES - OSIWA...à 30% de la représentation des femmes dans les affaires politiques et a promis que cela serait inclus dans le prochain cycle électoral. Aujourd’hui,

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DROITS DES FEMMES

CHAPITRE III

Durant les efforts de reconstruction et de réconciliation d’après-guerre dans plusieurs pays, des politiques d’action positive ont été mises en place afin de s’assurer que les groupes minoritaires, telles que les femmes, sont convenablement pris en compte et représentés dans les affaires politiques et publiques.

Cependant, dans le cas de la Sierra Leone, ces mesures d’égalité entre les genres ont largement été freinées par un effort de résistance pendant 8 ans après la fin de la guerre civile. Il existait quelques initiatives politiques

Supprimer les obstacles à la participation des femmes à la gouvernance

Action Plus

qui ont activement cherché à améliorer l’autonomisation des femmes au niveau des structures gouvernementales, locales et nationales - surtout durant la période 2000 – 2004. Cependant, ce n’est qu’en 2010 que le Président Ernest Koroma a finalement accepté la hausse à 30% de la représentation des femmes dans les affaires politiques et a promis que cela serait inclus dans le prochain cycle électoral.

Aujourd’hui, presque cinq ans plus tard, les attentes relatives au rôle et à la représentation des femmes dans

l’échiquier politique sont loin d’être satisfaites. Cela est largement dû aux pratiques et croyances traditionnelles et culturelles enracinées, et au manque de volonté politique de changer la situation des femmes en Sierra Leone, entre autres facteurs.

En conséquence, il reste toujours beaucoup à faire dans la lutte pour engager l’État et les acteurs politiques à supprimer de manière effective les obstacles à la promotion de la participation des femmes aux niveaux communautaires et des districts.

Action Plus travaille à appuyer le bien-être des couches et des communautés pauvres et vulnérables. Il a lancé un projet d’une année et demie pour appuyer plusieurs femmes leaders - dont des représentantes élues, des activistes, des experts en question de genre et des membres d’OSC - dans le but de s’engager avec le gouvernement à la formulation de politiques soucieuses des questions sexospécifiques.

Il a défini trois activités majeures, dont six évaluations trimestrielles, des sessions de formulation et de plaidoyer avec les acteurs communautaires et les décideurs politiques afin de formuler des recommandations pratiques sur les questions d’héritage, de succession, d’abus sexuels et sexistes et des droits de propriété.

Trois ateliers, avec la participation de 50 femmes leaders élues (parlementaires, conseillères, membres de chefferie, comité de district et de village pour le développement et des responsables de groupes de femme) ont permis une formation sur les fonctions clés du Parlement et du Conseil municipal dans les districts de Kenema et Kailahun. Trois autres séminaires ciblant 60 décideurs politiques ont été tenus pour améliorer la sensibilisation publique sur les questions de genre et parfaire la communication et les compétences en matière de leadership.

Doris E. Kalil est le Coordonnateur régional du Forum des femmes de la région orientale (Women’s Forum in the Eastern Region).

« La formation m’a permis d’accroitre mes connaissances et mes capacités en matière de communication, de plaidoyer et de leadership. En ma qualité de chef de forum de femmes dans la province orientale, j’utilise ces compétences pour promouvoir l’intérêt et le bien-être des femmes dans la gouvernance et les protège contre les violences. En outre, les connaissances acquises de la formation ont été transmises à d’autres femmes et m’ont aidée à les sensibiliser sur leurs droits, leurs rôles et leurs responsabilités dans la gouvernance de leurs communautés. Durant l’épidémie d’Ebola, nous avons parcouru les communautés de Kenema en sensibilisant les gens afin qu’il adoptent de meilleures pratiques sanitaires et qu’ils acceptent les survivants de la maladie ».

Quel que soit le pays, l’intégration de la dimension genre et des droits des femmes dans les structures de gouvernance à travers un changement politique, est une tâche difficile. Dans le cas de la Sierra Leone, où s’applique le système patriarcal dans la plupart des zones et où sévit également la pauvreté, cette tâche est devenue même plus compliquée. Il existe plusieurs autres facteurs à prendre en compte, notamment le risque qu’il y ait plus de discours que d’actes concrets face à ces initiatives ou une réticence de la part des autorités politiques et traditionnelles.

Action Plus s’assure que les hommes au niveau communautaire et des districts jouent un rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre des activités du projet. Il engage les structures communautaires à prendre des engagements assortis d’actions de suivi concrètes et régulières pour encourager la participation des femmes dans les projets, ainsi que dans l’engagement et les processus au niveau communautaire.

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Les violences faites aux femmes constituent un sérieux problème en Guinée, touchant environ 80% de la population féminine. Elles demeurent également un problème très sensible - un tabou culturel - ce qui veut dire qu’elles sont publiquement ou en privé souvent négligées ou ignorées. Dans un pays où l’on a assisté à des atrocités d’une ampleur sans précédent lors du massacre de septembre 2009 où au moins 150 personnes ont été tuées par la garde présidentielle et des dizaines de femmes violées et sexuellement abusées, la question des violences sexuelles et sexistes reste un sérieux problème qui persiste souvent sans aucune solution.

La Guinée dispose d’instruments juridiques et institutionnels favorables à la défense des droits des femmes - elle a ratifié la Déclaration des Droits de l’Homme de l’ONU, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes et a

Rompre le silence sur les violences faites aux femmes en Moyenne Guinée

Alliance des Femmes pour l’Egalité et le Genre en Guinée (AFEGGUI)

mis en place un ministère de la Promotion de la Femme et des Enfants. Néanmoins, le manque de sensibilisation et de compréhension des violences sexuelles et sexistes, auquel s’ajoutent des normes socioculturelles profondément enracinées et l’impunité, rend le problème fréquent et difficile à résoudre.

Une stratégie nationale contre les violences sexuelles et sexistes a été adoptée en janvier 2010, suite à une étude au niveau national menée l’année précédente, qui a révélé qu’environ 86 à 93% des femmes en Guinée font face à ces formes de violence. Face à ces chiffres alarmants, l’Alliance des Femmes pour l’Égalité et le Genre en Guineée (AFEGGUI) a entamé des campagnes de sensibilisation en vue d’une intensification de la sensibilisation des femmes sur leurs droits. En 2013, elles ont lancé un projet annuel pour la promotion et la protection des droits des femmes dans les régions de

Sensibilisation des femmes sur leurs droits en Guinée.

Mamou et de Labé, qui détiennent le taux de prévalence des violences sexistes le plus élevé. Elles ont créé un manuel sur les dispositions juridiques relatives aux violences sexuelles et sexistes et l’ont présenté à travers des sessions de formation ciblant les principaux « agents de sensibilisation » : les femmes.

Elles ont également ouvert deux centres d’information pour offrir des conseils et une assistance juridique. Ces centres sont gérés par des femmes bénéficiaires de la formation de l’AFEGGUI en matière de sensibilisation.

L’autonomisation des femmes à activement chercher un appui et la justice a été l’un des résultats clés de ces efforts. A Mamou et à Labé, des femmes se sont déplacées en personne pour demander une assistance juridique et médicale qui a conduit à des poursuites contre leurs bourreaux. Cela marque une avancée significative, car bien avant ce programme, aucune violence faite à une femme n’a jamais été ouvertement dénoncée en Guinée.

Atelier de sensibilisation sur les violences faites aux femmes en Guinée. Sensibilisation communautaire sur les violences faites aux femmes.

Les femmes dans la région de Kindia en Guinée.

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A l’instar de la majorité des pays de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire dispose de tous les instruments juridiques nécessaires pour garantir les principes d’égalité et de non discrimination entre homme et femme. L’égalité des droits entre les femmes et les hommes est garantie par la Constitution qui stipule que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux devant la loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont le droit à la vie, à la liberté, à l’épanouissement de leur personnalité et au respect de leur dignité. Les droits de la personne humaine sont inviolables». Cependant, si l’existence de cadres juridiques est une chose, leur application régulière en est une autre toute différente. Malheureusement, en Côte d’Ivoire, une grande majorité des femmes (particulièrement celles vivant dans les zones rurales du nord et de l’ouest du pays) sont en proie à toutes sortes d’abus, dont les mutilations génitales féminines (MGF), les mariages précoces et forcés, ainsi que les violences physiques et verbales - qui sont tous favorisés par des croyances traditionnelles qui placent la femme derrière l’homme. Ces femmes peuvent être à la merci de leur époux ou de tout autre homme auquel elles sont liées.

En 2013, l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (ONEF) a lancé un projet de deux ans ciblant 47 villages dans le département de Mankono, au centre-ouest du pays. Cette zone a été choisie après qu’une étude de l’ONEF en 2009 a déterminé que les femmes de cette localité ont particulièrement besoin de sensibilisation et de promotion de leurs droits. Le projet de l’ONEF a mis en place des activités d’alphabétisation, de sensibilisation et de plaidoyer, ciblant les hommes, les femmes, les chefs traditionnels et les autorités locales en vue d’une éducation sur les droits des femmes et la

protection des enfants (filles).

Campagne de sensibilisation aux droits des femmes en Côte d’IvoireOrganisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (ONEF)

Tiene Magai« Mes conditions de vie se sont améliorées grâce au projet de l’ONEF, car je devais juste me contenter de ce qui m’a été donné conformément à la volonté de mon défunt mari. Je m’appelle Tiene Magai et je suis du village de Kamoro dans la préfecture de Bouandougou.

En 2013, le décès de mon mari avait coïncidé avec une campagne de sensibilisation de masse dans notre village sur l’héritage et les droits des femmes. Cet atelier de formation a poussé les parents de mon défunt mari à accepter de me donner un hectare de son verger d’acajous. Aujourd’hui, je me suis remariée dans un autre village, Guesso Bonosso (Bouandougou) et je continue de tirer profit de ce que j’ai hérité. Sans ce projet, cela aurait été impossible. »

Quatre femmes ayant participé au projet d’ONEF racontent leurs histoires :

Fatoumata Kamagate« Je m’appelle Mme Fatoumata Kamagate et je vis à Bouandougou, dans le département de Mankono. J’avais toujours rêvé de mener une petite activité lucrative, mais mon mari m’interdisait, en me disant que ma place est à la maison où je dois m’occuper de la famille.

Mais maintenant, ma vie a changé grâce au projet de l’ONEF. Mon mari m’a finalement laissée réaliser mon rêve et il m’a même donné 100.000 francs CFA (200 dollars américains) après la vente des noix de cajou de mars 2014. Je vends de l’attiéké, qui est une céréale locale. Je suis très heureuse et je ne remercierai jamais assez l’ONEF pour toute son aide. »

Assita Cé« Moi, c’est Assita Cé. Je suis élève au lycée de Tiéningboué. J’ai 17 ans. Mes parents voulaient me donner en mariage, ce qui allait freiner mes études. Mais maintenant, grâce à ce projet, mon père a abandonné cette idée, et je continue mes études. Je suis très heureuse car je veux aller loin dans les études. »

Nakissi Kande« Je m’appelle Nakissi Kande et je suis la Présidente des femmes du village d’Ouédallah, sous-préfecture de Tieningboué. A mon âge (62 ans), le projet de l’ONEF m’a aidé à réaliser l’un de mes rêves : apprendre à écrire mon nom.

Je vous remercie de tout cœur, car grâce à l’alphabétisation je sais lire et écrire mon nom. Je peux composer un numéro de téléphone et je n’ai plus besoin de l’aide de mes enfants. En plus, cela me permet de leur téléphoner et m’enquérir de leurs nouvelles lorsqu’ils ne peuvent pas venir me rendre visite à cause de leur travail. Je vous remercie encore, une fois. »

Tiene Magai Assita Cé

Nakissi Kande

Fatoumata Kamagate

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La longue décennie de crise politique en Côte d’Ivoire a plongé le pays dans un violent conflit qui a eu des conséquences particulièrement néfastes sur les femmes. La violence basée sur le genre, sous toutes ses formes, constitue une atteinte aux droits de l’homme, et la protection des victimes– essentiellement les femmes et les enfants–, nécessite la mise en place de robustes systèmes et processus d’intervention. La violence sexuelle et d’autres violations des droits sont toujours d’actualité en Cote d’Ivoire malgré la fin de la crise. Le renforcement des mécanismes de justice, les initiatives d’autonomisation et la mise en place d’un processus d’indemnisation des victimes devront faire partie des composantes des plans d’action nécessaires à la protection et à la promotion des droits des femmes. Les services d’assistance juridique aux femmes (et notamment les femmes pauvres) font cruellement défaut en Côte d’Ivoire. Les rapports d’évaluation au cours des dernières années montrent que les femmes de la commune d’Abobo (banlieue d’Abidjan) et les zones autour du centre-ville d’Abidjan, le Plateau, sont régulièrement privées de leurs droits et sont victimes de violence. Ce constat confirme que la violence sexuelle et sexiste (SGBV) n’est pas un problème individuel mais bien un problème social, économique et politique d’envergure nationale qui cause de graves préjudices aux familles sur plusieurs générations, appauvrit les communautés et renforce les autres formes de violence et les inégalités. Une telle situation aura des conséquences sur l’état de droit, la gouvernance et la démocratie en Côte d’Ivoire. Le fait que la plupart de ces femmes ignorent leurs droits fondamentaux ou sont terrifiées à l’idée de les revendiquer aggrave davantage la situation.

L’association des femmes juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI) a lancé en 2014 un projet visant à renforcer et à redynamiser ses services d’assistance juridique aux femmes et aux

Lutte contre la violence basée sur le genre en Côte d’IvoireAssociation des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI)

enfants, y compris la fourniture d’assistance juridique et psychosociale aux populations d’Abidjan-Plateau et d’Abobo (qui ont payé un lourd tribut lors des violences postélectorales). L’objet de cette initiative étalée sur 18 mois est de former les conseillers juridiques, de mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation au droit, de fournir des services d’assistance juridique, d’ouvrir une clinique juridique à Abobo et d’élaborer un manuel de formation de para juristes adapté au contexte ivoirien.

Delphine Dago« Je m’appelle Delphine Dago, je suis la femme de Tanoh et mère de trois enfants. Nous vivons à Abobo où je travaille comme para juriste, aidant à sensibiliser le public. Dans mes activités de sensibilisation, je privilégie la méthode du porte-à-porte. Chaque mardi et vendredi, je rends visite aux familles de mon quartier et des quartiers environnants pour leur faire prendre conscience de leurs droits, surtout en ce qui concerne la violence fondée sur le sexe. Cette approche directe m’a aidée à me faire un nom dans la communauté. Lorsque les femmes de mon quartier ont des problèmes, elles viennent vers moi pour obtenir une assistance juridique. J’ai aidé une dame à obtenir le certificat de naissance de son bébé dont le père avait refusé la paternité. Avec l’intervention du coordonnateur de la Clinique juridique d’Abobo, le père a finalement reconnu l’enfant, lui permettant de prendre son nom et a même accepté de verser une pension alimentaire mensuelle de 20 000 FCFA à la mère.

Sur le plan personnel, ce projet m’a permis d’acquérir des connaissances juridiques car je connais désormais mes droits et mes devoirs en tant que citoyenne et en tant qu’épouse. En outre, quand je passe dans le quartier, les gens m’appellent « madame justice ». Mon mari sait maintenant qu’il ne peut plus bafouer mes droits comme il le faisait avant. »

Assa Fabrice Assa« Je m’appelle Assa Fabrice Assa et je suis un para juriste dans le cadre du projet AFJCI. J’ai été amené à prendre part à des campagnes de sensibilisation du grand public, mais je suis comédien dans une troupe théâtrale. Il m’arrive également d’écrire des sketches pour le groupe et de faire des présentations publiques les jeudis sur des sujets tels que les différents régimes matrimoniaux et la nouvelle loi ivoirienne sur le mariage. Je distribue également des dépliants. Ce qui me frappe dans ce travail, c’est l’attitude des gens qui n’hésitent pas à venir à mon contact pour obtenir plus d’informations et même me remercier directement pour les avoir aidés à mieux comprendre leurs options et les implications juridiques.

Ce projet qui m’a été d’une grande aide au plan personnel, m’a permis, entre autres, d’acquérir des connaissances juridiques et d’être motivé à poursuivre mes études pour devenir avocat. Le projet a également contribué à renforcer ma confiance à parler en public et à communiquer plus facilement. Dans le groupe, les collègues m’appellent affectueusement « le secrétaire particulier» du coordonnateur vu que je suis toujours disponible à apporter mon aide sur tout ce qui concerne le projet, ce qui me va d’ailleurs droit au cœur car j’aime me mettre au service des gens et gagner leur confiance.»

Trois bénéficiaires du projet d’AFJCI nous font part de leurs expériences :

Edith Kouame« Je m’appelle Edith Kouame. Je vis en concubinage avec mon partenaire et je suis mère de deux enfants. Je suis une para juriste et j’étais membre d’une troupe théâtrale qui a mené des campagnes de sensibilisation avec l’AFJCI. J’ai joué plusieurs rôles - même en étant malade - et j’ai trouvé tout cela très enrichissant. J’ai pu constater l’effet considérable que nous avions sur le public - Une vive émotion se dégageait de l’assistance, et c’était le moment idéal pour nous d’aborder de manière beaucoup plus approfondie les questions relatives aux violences faites aux femmes.

En tant que comédienne, mon premier rôle était celui d’une veuve dont la belle-famille s’est accaparée de tous ses biens laissés par son défunt mari. Nous étions tous très surpris de voir à la fin que les femmes dans le public étaient émues aux larmes. Beaucoup se sont rappelées les douloureux souvenirs de la mort de leurs maris. Ce sont ces moments là qui rendent l’expérience si édifiante- les gens nous ont félicités et ont accepté de briser le silence en allant voir l’association des femmes juristes. En plus de m’avoir ouvert l’esprit, ce projet m’a permis de gagner en maturité. Grâce à cette initiative, j’ai pu faire valoir mes droits auprès de mon bailleur. J’ai cessé d’avoir des soucis le jour où je me suis présentée devant lui en tant que para juriste, avec une copie du texte de la législation sur mon bail.

En tant que femme battue, victime de toutes sortes de violences, le père de mes enfants a finalement pris conscience du mal qu’il me faisait subir et s’est ressaisi. Depuis le 25 Décembre 2013, je n’ai subi aucune violence physique venant de lui. Nous essayons de faire le maximum pour sauver notre relation pour le bien de nos enfants.

Mon statut de para juriste m’a permis de convaincre ma cousine d’aller à la clinique juridique pour solliciter des conseils. Elle est tombée enceinte des œuvres d’un libanais qui a refusé de reconnaître l’enfant. Avec les conseils de la clinique, elle a pu faire valoir ses droits, l’obligeant à assumer sa responsabilité financière de verser une pension alimentaire. »

Campagne de sensibilisation et d’education en Côte d’Ivoire.