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Droit des obligations 1 Droit des obligations (Contrats, responsabilité, régime de l’obligation) Daniel Mainguy Professeur à la faculté de droit de Montpellier

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Droit des obligations (Contrats, responsabilité, régime de

l’obligation)

Daniel Mainguy Professeur à la faculté de droit de Montpellier

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PRINCIPALES ABREVIATIONS UTILISEES

Arch. Phil. Dr. Archives de philosophie du droit C. civ. Code civil C. com. Code de commerce C. consom. Code de la consommation CMF Code des marchés financiers CPI Code de la propriété intellectuelle C. rur. Code rural C. trav. Code du travail Cah. dr. entr. Cahier de droit de l’entreprise Cch Code de la construction et de l’habitation CGI Code général des impôts Chron. Chronique

Cour de cassation, chambre civile CJCE Cour de justice des communautés européennes Com. Cour de cassation, chambre commerciale Comp. Comparer Contr. conc. consom. Contrats, concurrence, consommation CVIM Convention sur les ventes internationales de marchandises Dalloz-Sirey (Recueil) D. Aff. Dalloz Affaires Defrénois Répertoire du notariat Defrénois DH Dalloz hebdomadaire DMF Droit maritime français DP Dalloz périodique Dr. et patr. Droit et patrimoine Dr. soc. Droit social Gaz. Pal. Gazette du Palais IR Informations rapides J.-Cl. Juris-Classeur JCP, éd. E, G ou N Juris-Classeur périodique, édition entreprise, générale ou notariale (JCP seul, renvoie au JCP éd. G.) JDI Journat de droit international JOAN Journal officiel des questions à l’Assemblée nationale Loi LPA Les petites affiches Not. Notamment Obs. Observations Op. cit. Operare citato Ord. Ordonnance

page PECL Principles of European Contract Law PEDC Principes pour un droit européen des contrats RDAI Revue de droit des affaires internationales RLDC Revue Lamy de droit civil RLDA Revue Lamy de droit des affaires RD banque et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse RDC Revue des contrats RID comp Revue internationale de droit comparé

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RRJ Revue de recherche juridique – Droit prospectif Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurances Rev. arb. Revue de l’arbitrage Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives Rev. soc. Revue des sociétés RJ com. Revue de jurisprudence commerciale RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

suivant Sirey (Recueil)

Soc. Cour de cassation, chambre sociale Soc. Lég. Comp. Société de législation comparée Somm. Sommaire Trav. Ass. H. Cap. Travaux de l’association Henri Capitant. Voir

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A Jean-Marc Mousseron

INTRODUCTION GENERALE

1. Présentation. −−−− Le droit des obligations est la base même des études du droit privé, du droit en général et est souvent considéré comme le droit commun du droit commun. Théorique et pratique, élégant et rigoureux, sophistiqué et fondé sur des principes élémentaires, technique et reposant sur des analyses extra juridiques importantes, sociales, économiques, morales, etc., le droit des obligations est une matière centrale qu’il n’est pas aisé d’aborder. Il forme la matière première du droit des contrats et du droit de la responsabilité mais propose aussi un régime, des règles qui se présentent comme l’outil de base des relations personnelles patrimoniales, la notion d’obligation. Il est donc indispensable pour comprendre l’ensemble des questions qui fondent la vie économique, dans ce qu’elle a de plus simple : l’acquisition banale d’un bien de consommation courante, les conséquences d’une chute dans l’escalier d’une grande surface, ou dans ce qu’elle a de plus sophistiquée : les relations de la distribution, les contrats de longue durée de façon plus générale et le droit financier. Nous verrons, en le développant que ce que nous appelons « droit des obligations » correspond alors à trois logiques : le contrat, échange de volontés producteur d’effets juridiques, dont des obligations, la responsabilité qui, partant du constat d’un dommage causé par un fait générateur, proposera une indemnisation sous forme d’une obligation de réparation, et enfin, le « microcosme » juridique, l’obligation en tant que telle, à travers son régime, son paiement, sa circulation essentiellement, où nous observerons alors trois fonctions principales

Supprimé: 1.

Supprimé: est parfois aussi appelé théorie générale des obligations (sur cette question et sur les doutes, cf. infra, n°75). Il

Supprimé: aussi

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distinctes : la gestion des échanges volontaires entre patrimoines, s’agissant des contrats, d’affaires pour les plus intéressants, la gestion des tragédies et des larmes pour la responsabilité, la gestion des mécanismes financiers et de garantie pour le régime des obligations. Il n’est pas certain d’ailleurs que la considération d’un ensemble disciplinaire dit « droit des obligations » soit parfaitement cohérent. Il l’est ou le semble pour les juristes français qui apprennent et vivent à l’aune de celui-ci avec une telle intensité qu’il ne leur vient pas à l’idée de s’interroger sur cette cohérence qui repose, pour l’essentiel sur l’ensemble de règles formées des articles 1101 à 1386-18 du Code civil, souvent présentées comme un ensemble uniforme. A bien y regarder cependant, cette uniformité n’est que de façade : les articles 1101à 1386-18 fondent trois titres sur les vingt et un que compte le sein du livre III du Code civil, le titre III, le titre IV et le titre IV bis. En outre, dans bien des pays, l’ensemble « droit des obligations » n’a pas de sens, mais se divisent en trois catégories, le droit des contrats, de la droit de la responsabilité et le régime des obligations, souvent étudiés à des moments différents et non au sein d’un ensemble plus vaste. Enfin, la notion même d’ « obligation », comme élément fédérateur de la matière, on peut là encore être dubitatif : les contrats produisent des effets, dont certains sont des obligations, et l’essentiel des règles et des problèmes du droit des contrats n’est en rien concentré sur des questions d’obligation, mais sur la formation du contrat, son exécution, sa circulation, ou sa rupture ; les question de responsabilité civile éviquent des problèmes très étrangers aux obligations alors que l’obligation, de réparation, n’est que l’ultime point d’arrivée de la question ; le régime générale de l’obligation évoquent les obligations, essentiellement de paiement, mais indépendamment de la source de celles-ci. La question de savoir si l’ensemble « droit des obligations » est ou non un référent cohérent est donc aisée : c’est d’avantage par tradition, par commodité, que l’on envisage, dans un ensemble global, dit « droit des obligations » trois thèmes qui pourraient parfaitement être scindés (et qui le sont souvent). Reste alors, sans admettre que cet ensemble soit cohérent à identifier la notion d’obligation (I) avant d’aborder les sources de ce droit des obligations (II).

I – La notion d’obligation

A – Définition

2. Définition. −−−− L’obligation, au centre de la matière étudiée, le droit des obligations, peut être entendue de plusieurs manières alternatives, par les

Mis en forme : Police :Italique

Mis en forme : Police :13 pt

Supprimé: en

Supprimé: admettant

Supprimé: un ensemble

Supprimé: ,

Supprimé: comme point commun,

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juristes ou les non juristes : certains considèreront qu’ils sont soumis à des obligations religieuses, sociales, financières, morales, politiques, internationales, envers l’état, les autres ou soi-même. Ce faisant, ils confondront obligation et devoir (devoir envers la patrie par exemple), et donc, effet obligatoire et effet normatif, ou obligation et engagement (engagement moral, engagement d’honneur) et, donc effet obligatoire et effet de la volonté. Pour le juriste, le terme « obligation » est aussi employé à de multiples égards. Ainsi parle-t-on des obligations des époux nées du mariage, de l’ obligation de respecter le Code de la route et d’ailleurs le Code pénal en général, de l’obligation de déclarer ses impôts, etc. Le terme n’est donc pas réservé au droit des obligations. Cependant, l’ensemble de ces « obligations » ne correspond pas à la notion d’obligation au sens où l’envisage le droit des obligations, elles correspondent à un tissu de devoirs, d’exigences qui fondent la vie sociale. Le droit des obligations en effet utilise le terme obligation dans un sens très étroit. L’obligation est définie comme un lien de droit (vinculum juris), un rapport juridique abstrait, entre deux personnes, ou plus exactement entre les patrimoines de deux personnes, par lequel une personne, appelée débiteur, doit fournir à une autre personne, appelée créancier, une certaine prestation ou une abstention.

3. Description. −−−− Passée cette définition qui relève du consensus historique, on ne sait pas grand chose, d’un point de vue normatif sur la notion d’obligation. Le Code civil ne la décrit pas, pas davantage qu’il ne trace les éléments d’une théorie générale de l’obligation, de telle manière que la frontière entre les obligations civiles, c’est-à-dire juridiques, et d’autres liens de droit sont parfois floues. Ainsi en est-il, de manière très classique, entre les obligations juridiques et les obligations morales ou les obligations naturelles (cf. infra, n°4) mais encore avec les obligations légales : lorsque la loi impose à un contractant d’exécuter telle ou telle obligation, une obligation d’informer par exemple, est-ce encore une « obligation », est-ce un devoir, est-ce une simple contrainte légale ? Et si ce contractant répète, ou améliore, cette « obligation », se transforme-t-elle en obligation juridique ? Qu’en est-il des rapports entre une personne publique et un usager qui ressemblent trait pour trait à ceux, des rapports d’obligation juridique, qui se nouent entre deux personnes privées, comme c’est le cas entre un hôpital ou une clinique et un patient, ou bien entre un établissement public, ou privé, d’enseignement ? Pour rester dans le champ du Code civil, bien des incertitudes demeurent. L’article 1101 du Code civil dispose que les obligations peuvent être de donner (transfert de propriété), de faire (payer, livrer une marchandise, effectuer telle prestation, etc .) ou de ne pas faire (ne pas révéler une

Supprimé: ,

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information confidentielle), ce qui est d’une part source de confusions et surtout totalement insuffisant. En premier parce l’existence de l’obligation de donner, résurgence anachronique de l’obligation de dare du droit romain et de l’ancien régime, est elle-même discutable à l’heure du consensualisme de principe en droit des obligations. En second parce que, par un singulier raccourci, l’article 1101 du Code civil a longtemps été, rapidement, lu comme si les conventions, modèle des sources d’obligations, ne produisaient que des obligations. Or, les conventions, les contrats sont producteurs d’effets de droit très divers dont des obligations, les effets systématiques et les plus remarquables, mais aussi des effets réels (transfert de propriété, constitution de droit réel, etc.), des options, des durées, des délais, des facultés, des paiements des extinctions, des droits, etc…, qui tous sont distincts de la notion d’obligation, question sur laquelle nous reviendrons bien souvent. Tout au plus peut-on considérer que la convention produit des effets multiples, dont les plus remarquables sont des obligations. D’ailleurs, l’exécution de ces effets, leur durée, peuvent être différents de celle du contrat. Par exemple un contrat de travail peut être conclu pour une durée de un an. Sa durée est de an an, et l’obligation de l’employeur de fournir du travail dure effectivement un an, mais l’obligation de l’employeur de payer un salaire naît à chaque échéance et cese dès le paiement ; en outre une claue de non-concurrence peut être stipulée qui ne prendra effet qu’à compter de la rupture du contrat. L’article 1101 du Code civil, et bien des dispositions du Code en la matière, opère donc une confusion, fâcheuse, entre le contrat, et l’obligation. De même, le lien que le droit français des obligations tisse entre droit des contrats et droit de la responsabilité civile, sur le fondement d’un régime identique, l’obligation, dont l’un comme l’autre seraient la source, est critiquable. S’il n’est pas contestable que le contrat est directement porteur d’une obligation, nous étudierons le droit de la responsabilité à travers un mécanisme très complexe qui, d’un fait générateur de responsabilité, filtré par les régimes de responsabilité (responsabilité pour faute ou responsabilité sans faute) permet d’aboutir, éventuellement, à une obligation de réparation. Mais ce lien n’a rien d’universel et le droit anglais, notamment, ne connaît de droit des obligations, mais uniquement un droit des contrats (Contract Law) ou un droit de la responsabilité (Torts Law) sans aucun lien entre eux.

4. Obligation civile, obligation naturelle. −−−− Lien de droit, l’obligation, dite alors civile, se distingue de l’obligation naturelle, l’obligation morale, en ce sens que l’obligation civile, seule, est à l’origine d’un lien juridique, qui peut faire l’objet d’une action en justice. A l’inverse,

Supprimé: des délais,

Supprimé: s

Supprimé: ,

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l’obligation naturelle (1), qui n’est pas définie par le Code civil, sinon par une simple allusion (C. civ., art. 1235, al.2) n’est, précisément, pas entrée dans le champ juridique ; elle ne permet d’exercer aucune action en justice. Par exemple, une personne emprunte une somme d’argent à une autre. L’emprunteur et le prêteur concluent un contrat, source d’obligations, dont l’une, l’obligation de rembourser la dette, les lie en ce sens que l’emprunteur, débiteur de cette obligation de rembourser, doit s’exécuter auprès du prêteur, le créancier de l’obligation de rembourser. A l’inverse celui qui s’engage sur l’honneur à réaliser quelque chose, ne s’engage, en principe (2), pas juridiquement. Toutefois, celui qui s’engage par une obligation naturelle, et qui commence volontairement d’exécuter cette obligation fait entrer son obligation, plus exactement ce qui a été commencé (de ce point de vue, il ne pourra obtenir répétition de ce qui a été payé) ou qui s’engage, ensuite, à exécuter cette obligation dans l’avenir s’oblige juridiquement : mais par quelle technique, est-ce une transformation, une novation (cf. Infra, n°34) pensait-on pendant très longtemps, ce qui ne peut convenir car la novation suppose l’extinction d’une obligation ancienne par remplacement d’une obligation nouvelle alors même que précisément, aucune obligation préexistante n’est éteinte, ou création d’une obligation civile, solution aujourd’hui privilégiée (3) par un engagement unilatéral de volonté.

5. Caractères. −−−− En ce sens, l’obligation présente deux aspects, deux faces d’une même réalité : du côté actif, c’est-à-dire du côté du créancier, l’obligation est aussi appelée créance : la faculté qu’à le créancier de réclamer au débiteur l’exécution de cette prestation ou de cette abstention. Inversement, du côté passif, c’est-à-dire du côté du débiteur, l’obligation est appelée dette : le devoir qu’à le débiteur d’exécuter cette prestation ou cette abstention. Se dégagent alors d’autres composantes de l’obligation, d’autres façons

1 Cf. M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, Sirey, 1957. 2 En principe seulement, tant le régime juridique des engagements d’honneur est complexe (Cf. infra n°34). D’une manière plus générale, les obligations naturelles se rencontrent dans deux types de situations, d’une part lorsqu’une obligation est imparfaite, parce qu’un obstacle quelconque a empêché la formation normale de l’obligation (nullité, règle de forme non respectée, etc.) alors que l’obligation s’est éteinte sans avoir été payée (par prescription notamment), et d’autre part, face à des obligations relevant de la morale, le l’honneur ou de la conscience. 3 Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, Bull. civ. I, n°352, D. 1996, somm. 120, obs. R. Libchaber, D. 1997, p. 155, note G. Pignarre : « La transformation, improprement qualifiée novation d’une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatéral d’excuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait elle-même préexisté à l’obligation ». Adde : N. Molfessis, « L’obligation naturelle devant la Cour de cassation : remarques sur un arrêt rendu par la première chambre civile le 10 octobre 1995 », D. 1997, Chr. 85.

Supprimé: ,

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de l’envisager. D’un point de vue économique, l’obligation se décompose : d’une part la valeur que représente celle-ci, la créance vue du côté actif, du côté du créancier, et d’autre part, la contrainte qui lui est inhérente, vue du côté passif, du côté du débiteur. Par conséquent, l’obligation se situe dans la catégorie des droits personnels, par opposition aux droits réels, mieux des droits patrimoniaux, par opposition des droits extrapatrimoniaux (4).

B – Distinction avec le droit réel

6. Exemple. −−−− Un exemple permet d’illustrer cette différence, à partir de la situation du propriétaire d’un immeuble soucieux d'accorder à une personne la jouissance de son bien. Ce propriétaire peut d’abord démembrer son droit de propriété, et remettre à la personne bénéficiaire quelques unes des prérogatives qui étaient incluses dans ce droit de propriété : en l'occurrence les prérogatives d'usage et de jouissance. Cela peut passer, par exemple par la constitution d'un droit d'usufruit, qui est un démembrement du droit de propriété et, par conséquent, comme lui, un droit réel : comme le droit réel de propriété, le droit d'usufruit, droit réel, porte directement sur la chose (C.civ. art.578). Dans ce cas, il y a, en effet, assujettissement d'une chose à une personne, création d'un droit portant sur une chose, une « res ». Dès lors si le propriétaire de la maison vend cette dernière, l’usufruitier qui détient un droit réel sur la chose, conserve ce droit que le nouveau propriétaire doit supporter, l’usufruitier peut exercer des actions réelles, par exemple une action en revendication. Ce propriétaire peut aussi conserver intact son droit de propriété et être simplement tenu vis à vis du bénéficiaire de lui assurer l'usage et la jouissance paisible de l'immeuble, par la conclusion d’un contrat de bail. Il y a alors constitution, au profit du bénéficiaire, d'un droit de créance reconnu à une personne, le créancier, le locataire, sur une autre personne, le débiteur, le bailleur. Le rapport s'établit entre deux personnes (créancier et débiteur, locataire et bailleur) : c'est un droit personnel (C.civ. art.1709). Dans ce cas, il y a, en effet, assujettissement d'une personne, le débiteur,, à une autre personne, le créancier; il y a création d'un droit portant sur une personne, point sur la chose. Les différences entre les deux types de droit concurrent se mesurent alors aisément.

7. La nature de la relation est différente. −−−− La différence entre les droits s’exprime de plusieurs manières. Le droit réel lie une personne à une chose, tandis que le droit personnel lie deux personnes. Le droit réel s'exprimant en un pouvoir portant sur une chose, il faut que cette chose

4 Cf. D. Mainguy, Introduction générale au droit, Litec, 4ème éd. 2005.

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existe et soit déterminée au moment de la naissance du droit qui la concerne (« je suis propriétaire de cette maison »), tandis que le droit personnel liant une personne à une autre et s'exprimant par un pouvoir reconnu à une personne sur une autre personne peut intéresser des biens futurs (« vous me construirez une maison selon tel plan »), et même des biens indéterminés, définis in genere (« vous me livrerez un stère de bois »). Le droit réel s'exerçant sur la chose sans intermédiaire peut s'éteindre par la volonté unilatérale de son titulaire (le principe de l'abandon du droit par déguerpissement ou délaissement général est admis quel que soit le droit réel concerné; le Code civil en évoque diverses applications à propos du droit d'un copropriétaire sur un mur mitoyen : C.civ. art.656 et des hypothèques : C.civ. art.2172); tandis que le droit personnel liant une personne à une autre ne peut s'éteindre qu'avec l'accord des deux personnes : le sujet actif et le sujet passif; en d'autres termes la remise de dette ne peut pas s'opérer par une manifestation unilatérale de volonté du créancier. La remise de dette réglementée par le Code civil (C.civ., art.1282) est la convention par laquelle le créancier consent gratuitement au débiteur qui l'accepte, l'abandon complet ou partiel de sa créance; cette remise est une convention qui suppose, par conséquent, l'accord des volontés du créancier et du débiteur; la volonté unilatérale du créancier renonçant spontanément et isolément à sa créance est insuffisante pour éteindre l'obligation : l'acceptation du débiteur est nécessaire (Cf., infra, n°519).

8. L’autorité des deux types de droits est différente. −−−− Le droit réel s'impose à tous ; il est opposable erga omnes tandis que le droit personnel ne s'impose qu'au débiteur, il n’est opposable que inter partes. Le droit réel, s'exerçant directement sur la chose, produit ses effets à l'égard de tous. Il est absolu dans ses effets (l'usufruitier peut revendiquer la jouissance de son bien directement contre tout tiers ; il n'a pas à s’adresser préalablement au nu-propriétaire du bien), tandis que le droit personnel, pouvoir sur une personne, ne peut s'exercer que sur une personne bien déterminée : l'article 1165 du Code civil pose le principe de la relativité des effets des conventions (c'est du bailleur et du bailleur seul que le locataire attend, par exemple, l'usage et la jouissance paisibles du bien loué).

9. Le régime des deux types de droits est différent. −−−− Le droit réel par la combinaison des deux séries de caractères que l'on vient de souligner bénéficie de deux techniques originales de protection qui font précisément son intérêt, à savoir le droit de préférence et le droit de suite que le droit personnel ne connaît pas. Le droit de préférence est le droit d'être payé avant tout autre sur le prix de vente d'une chose : le titulaire d'un droit réel a sur la chose un droit lui

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permettant de la soustraire à la poursuite de créanciers ordinaires. Ainsi, par exemple, le créancier titulaire d'un droit réel d'hypothèque pourra se faire payer sur le prix de vente du bien hypothéqué avant tous les créanciers ordinaires dits « chirographaires », d'une part, avant tous les créanciers privilégiés de rang inférieur ou de date postérieure à la date de la prise d'hypothèque, d'autre part; tandis que le titulaire d'un droit personnel n'a aucun droit à être préféré aux autres créanciers. Tous les créanciers ont, en effet, un égal droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur commun; les créanciers seront, donc, payés dans l'ordre de présentation, le paiement étant « le prix de la course ». S'ils interviennent en même temps, la loi du concours s'appliquera et ils partageront entre eux le prix de vente de la chose. Le droit de suite est le pouvoir de revendiquer un bien entre quelque main qu'il se trouve. Le titulaire d'un droit réel a un droit direct sur la chose. Peu importent les mains entre lesquelles se trouve cette chose. L'usufruitier a un droit sur la chose quel que soit le nu-propriétaire, qu'il soit ou non celui dont il tire son droit réel. Il pourra, donc, revendiquer la chose où qu'elle se trouve. De la même manière, le créancier hypothécaire titulaire d'un droit réel a un droit de suite en raison non pas de son titre de créance mais de son droit réel d'hypothèque sur l'immeuble hypothéqué; il pourra suivre le bien même dans un patrimoine autre que celui de son débiteur initial, il pourra, notamment, saisir le bien hypothéqué entre les mains d'un tiers acquéreur; tandis que le titulaire d'un droit personnel a un simple droit à exécution sur le patrimoine de son débiteur, tel qu'il sera au moment de la saisie. Lorsqu'un bien est vendu par le débiteur entre la naissance de la créance et son exécution, le créancier chirographaire ne peut pas le saisir entre les mains de l'acquéreur. Le bien sorti du patrimoine du débiteur avant la saisie va échapper au créancier qui n'a pas de droit de suite sur ce bien entre les mains d'éventuels acquéreurs et sous-acquéreurs.

10. Relativité de la différence. – Ainsi marquée, de manière classique, la différence entre droit réel et droit personnel, ente propriété et contrat paraît irréductible et définitive. Il n’est pas certain que cette distinction, didactique, reflète la réalité économique. Ainsi, la « propriété » et le « droit de propriété » est une situation objective, un rapport entre une personne et une chose qui est présentée par l’article 544 du Code civil comme un « pouvoir », le pouvoir de jouir de la chose de la manière la plus absolue, ce qui est assez étrange pour un droit réel, à moins de ne pas confondre propriété et chose, droit de propriété et objet de l’appropriation (5). En outre, bien des techniques contractuelles permettent d’assurer une constitution de droit réel ou un effet acquisitif de propriété, un transfert de propriété ou une extinction d’un droit réel.

5 Cf. F. Zénati-Castaing et Th. Revet, Les biens, Puf, 2007, n°162 et les références.

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Enfin, le rapport entre une personne et un bien, appelé droit de propriété ou droit réel est parfois de source personnelle, par exemple lorsque le droit de propriété est entièrement consistitué par un contrat, comme une sûreté réelle. Les liens entre droit des biens et droit des contrats sont, de ce point de vue, permanents. Enfin, la valorisation du contrat, des obligations, permet de les considérer comme des biens appropriables (6) et ce faisant d’identifier un rapport de propriété et de droit réel sur un contrat ou une créance, permettant de les céder ou de les nantir par exemple (cf. infra, n°247 s. et 475 et s.).

II – Les normes juridiques applicables au droit des obligations

11. Théorie générale des obligations. −−−− Ce qu’on appelle droit des obligations est souvent présenté comme dérivé d’une théorie générale des obligations, ayant vocation à s’appliquer à n’importe quel type d’obligation, contractuelle, extracontractuelle, publique, privée… C’est donc le plus petit dénominateur commun duquel on exclura les études de certains contrats particuliers par exemple. Cette façon de présenter le droit des obligations est très classique, très didactique, mais peut-être erronée ou en tout cas imparfaite, à l’observation de la réalité contractuelle où les enjeux, les faits, les réalités économiques au cœur des problèmes posés permettent de relativiser la technicité du droit des obligations et, en tout cas, de considérer que, au-delà des questions techniques, s’imposent des considérations autres, économiques, sociologiques, philosophiques par exemple, qui permettent également d’apporter des solutions. L’idée même de théorie générale des obligations est elle-même très récente ; elle est née à la toute fin du XIXème siècle, à un moment où la doctrine, pour résister aux jues qui interprétaient le Code civil de manière nouvelle, à l’aune des boulevesements de la société d’alors (nouveaux enjeux en termes de responsabilité des machines, noueaux enjeux sociaux dans les rapports de travail, apparition de nouvelles valeurs comme les droits de propriété incorporelle, nouveaux enjeux politiques, avec l’apparition de la Doctrine sociale de l’Eglise, le mouvement ouvrier, la IIIèeme République, etc.) et souhaitaient limiter les possibilités que les juges avaient d’interpréter les règles du Code civil. Si on admet en effet, que le juge, en interprétant un texte, crée la norme, de manière libre sous réserve de contraintes dont celles qu’il veut bien s’imposer d’ailleurs (7), il en résulte que le pouvoir du législateur et notamment du lointain codificateur et dont la doctrine se voulait le garant, diminue d’autant. L’invention de la théorie générale des obligations, comme de toutes ls théories générales, apparaissait alors comme un moyen, très efficace d’ailleurs, de limiter le pouvoir des juges,

6 Cf. par ex : Y. Emerich, La propriété des créances : approche comparative, LGDJ, 2007. 7 Cf ; D. Mainguy, Introduction générale au droit, Litec, 6ème éd., 2013.

Supprimé: sources

Supprimé: du

Supprimé: paraît

Supprimé: être

Supprimé: de laquelle

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ou de laisser croire aux juges que leur pouvoir est limité par une sorte de cadre général qui ss’imposerait à eux, pris comme une « loi », immanente. Le droit des obligations demeure cependant une matière globalement abstraite. Le droit des obligations se distingue en effet de l’étude du droit des contrats spéciaux, les contrats usuels comme la vente, le bail, le mandat…, des contrats d’affaires ou de la pratique contractuelle. C’est la raison pour laquelle le droit des obligations est une matière relativement intemporelle : on dit souvent que le droit français des obligations est l’héritier direct du droit romain des obligations. C’est vrai pour l’essentiel même si le droit des obligations est aussi et logiquement le produit de l’histoire bimillénaire du droit. Ainsi, le droit romain des obligations se fondait sur l’existence d’un petit groupe de contrats, auxquels était attachée une action en justice. Point de principe du consensualisme, de liberté contractuelle, de force obligatoire des contrats, etc. Ce n’est que l’influence du christianisme durant le Moyen-Age qui, tout en redécouvrant le droit romain et en le transformant, l’a imposé : pacta sunt servanda : les contrats sont obligatoires en raison d’un principe de respect de la parole donnée. Il y a donc une tradition romaine, et plus exactement, romaniste, dans le droit des obligations, mais qui doit être combinée avec bien d‘autres produits de l’évolution historique du droit, pour parvenir à l’affimartion de ce principe qui, lui demeure. Depuis 1804, il est vrai que le droit des obligations a, longtemps, peu évolué et, surtout, été épargné par l’inflation législative. De sorte que le lecteur du Code civil d’aujourd’hui peut être surpris de la constance du droit en la matière. En réalité, les règles ont beaucoup évolué, mais sous l’influence de la jurisprudence, point de la loi et souvent à côté de la loi, voire contre celle-ci, ce qui justifie les projets de réforme du droit des obligations (Cf. infra, n°24) mais également une nouvelle manière d’approcher le droit des contrats (cf. infra, n°75). En revanche, l’inflation législative n’a pas épargné les matières annexes au droit des obligations. Une évolution notable s’est alors produite : le droit des obligations, droit commun et donc résiduel des contrats et des obligations, s’est réduit au profit de la prolifération des statuts spéciaux des contrats et de nouvelles manières d’aborder les relations d’obligations : de rapports de créancier à débiteur vers des rapports de professionnel à consommateur, d’employeur à salarié, d’assuré à assureur… Par ailleurs, le droit des obligations est une réalité multi quotidienne. Nous concluons ou exécutons tous les jours plusieurs contrats ou obligations. De la sorte le droit des obligations est en prise directe avec les réalités économiques. Par exemple, le droit de la responsabilité moderne suit largement les évolutions de la technique, le « machinisme » dit-on souvent.

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12. Sources des obligations et sources du droit des obligations. −−−− Une précision sémantique s’impose d’emblée. Les sources des obligations peuvent s’entendre de deux façons. Le droit des obligations lui-même envisage par ces termes l’ensemble des conditions de la formation des obligations, et c’est ainsi que nous étudierons ces règles mais de manière plus globale à l’observation que le contrat produit des effets juridiques, dont des obligations. Ici ce sont les sources du droit des obligations au sens normatif qui nous intéressent, d’autant plus qu’elles se sont multipliées, alors qu’une réflexion lourde et fructueuse sur une réforme du droit des obligations, dans la suite logique des réformes récentes du droit civil, s’amorce.

13. Code civil . −−−− Le Code civil d’abord, est la principale source du droit des obligations : le titre III du Livre III du Code civil est entièrement consacré aux obligations conventionnelles en général (C. civ., art. 1101 et suivants) et le Titre IV se consacre aux obligations qui se forment sans convention (C. civ., art ; 1370 et suivants), un Titre IV bis s’est récemment ajouté, mais on peut aussi bien des règles intéressant les contrats spéciaux. Observons en outre que le l’ensemble s’insère dans le Livre III du Code civil « des différentes manières dont on acquiert la propriété », logique évocatrice de celle qui imprime le Code civil : les contrats y sont perçus comme le développement du contrat de vente, conçu comme le modèle des contrats du début du XIXème siècle et, plus singulièrement encore, de la vente immobilière. Or, cette conception, ce modèle, sont très largement dépassés : le contrat d’entreprise est largement aussi important que la vente, sans compter les contrats de longue durée : nous verrons que l’évolution du droit des obligations, de lege lata mais surtout ferenda, tient compte de cette réalité nouvelle.

14. Hors le Code civil, nombreuses sont les règles qui intéressent le droit des obligations. Les lois relatives au commerce, d’abord (Cf. C. civ., art. 1107), les lois codifiées ou non qui gouvernent des contrats et qui ne seraient pas insérées dans le Code civil. On songe alors au Code du travail, au Code des assurances par exemple. Certaines de ces règles sont par ailleurs d’une importance majeure pour le droit des obligations. C’est le cas notamment du droit de la consommation, et son Code, ou du droit de la concurrence, interne (C. com., art. L. 410-1 et s.) ou communautaire (TUE, art. 81 et 82), du droit des entreprises en difficulté, des marchés financiers... Certaines de ces règles extérieures au Code civil ont tendance à revendiquer une certaine autonomie, à se démarquer parfois très franchement, du droit commun des obligations, du Code civil, le cas du droit du travail est à cet égard assez remarquable, sans y parvenir toutefois, en raison de caractère

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commun, donc subsidiaire du droit des obligations, y compris s’agissant du droit du travail qui recourt volontiers aux concepts du droit des obligations, par exemple en matière de force majeure ou de mode atypique de rupture du contrat de travail. D’autres ce ces matières, tout en justifiant leur autonomie, comme le droit de la consommation, entretiennent des rapports très étroits avec le droit commun des obligations : ainsi peut-on sans difficulté que le droit de la consommation a sans doute supplanté le droit commun s’agissant des rapports contractuels usuels de tout un chacun : tous les contrats que nous concluons tous les jours sont bien plus régis par le Code de la consommation que par le Code civil.

15. Droit constitutionnel civil. −−−− Les rapports entre le droit constitutionnel et le droit des obligations sont assez lâches. Pourtant, la constitutionnalité de la liberté contractuelle s’est posée à plusieurs reprises à l’occasion de la discussion de la constitutionnalité de lois touchant au droit des contrats. Le Conseil constitutionnel a systématiquement considéré que la liberté contractuelle n’était pas un principe à valeur constitutionnel, en sorte que la loi peut imposer des restrictions à cette liberté, pour autant que ces restrictions soient proportionnées : « aucun principe de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté contractuelle » avait décidé le Conseil constitutionnel, le 3 août 1994 (8). En 1998, cependant, le Conseil avait considéré que « le législateur ne saurait porter à l’économie des conventions et contrats légalement conclu une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la déclaration des droit de l’homme et du citoyen de 1789 » (9). C’est dire que, bien entendu, le principe de la liberté contractuel n’est pas un principe de valeur constitutionnel, affirmer le contraire condamnerait toute loi d’ordre public, mais que le Conseil constitutionnel en vérifie tout de même les tenants (10).

16. Droit communautaire. −−−− Le droit communautaire n’influence,

8 Déc. Cons. constit. 3 août 1994, JCP, 1995, II, 22404, note Y. Broussole, RTD civ. 1996.151, obs. J. Mestre) puis le 20 mars 1997 (JCP 1997, I, 4039, obs. M. Fabre-Magnan, RTD civ. 1998.99, obs. J. Mestre. V. Ph. Terneyre, « Le législateur peut-il abroger les articles 6 et 1123 du Code civil ? Sur la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle », Mélanges G. Peiser, PU Grenoble, 1995, p. 473. 9 Déc. Cons. constit. 10 juin 1998, RTD civ. 1998.796, obs. N. Molfessis. V. Aussi Déc. Cons. constit., 19 déc. 2000, n°2000-437 DC qui se réfère à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen duquel découlerait le principe de liberté contractuelle. 10 Cf. A. Duffy, « La constitutionnalisation de la liberté contractuelle », RDP 2006, p. 1539.

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aujourd’hui le droit des obligations que de façon plutôt marginale (11), parce que le droit communautaire est à l’origine de nombreuses directives d’harmonisation qui peuvent avoir une influence directe sur les règles du droit des obligations, comme en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (Dir. 25 juill. 1985 transposée par la loi du 19 mai 1998 : C. civ., art. 1386-1 et s), ou de manière indirecte par l’harmonisation des règles du droit de la consommation comme en matière de clauses abusives par exemple (Dir. 5 mai 1993, L. 1er fév. 1995 : C. consom., art. L. 132-1 s.) ou de garantie de conformité dans la vente (Dir. 25 mai 1999, transposée par l’ord. Du 17 févr. 2005) (12). Cette influence demeure marginale car le droit communautaire n’a, pour l’instant (cf. infra, n°21), pas abordé de front la question de l’harmonisation des règles communes et ne s’est intéressé qu’à des thèmes techniques.

17. Droit européen. −−−− A l’opposé, l’influence des règles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) est de plus en plus notable (13). Cette influence se mesure en premier lieu s’agissant des obligations de la France comme signataire de la CESDH et notamment, pour ce qui nous concerne, l’article 1er du 1er Protocole additionnel lequel, à travers une formule proche de celle de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’home et du citoyen de 1789, assure la protection d’un droit au respect des biens, biens dont nul ne saurait être privé à moins que soit respecté le « juste équilibre entre les exigences de l’intérêts général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens », et la jurisprudence de la CEDH considère qu’un droit de créance est un bien entrant donc dans le champ de l’article 1er du 1er Protocole. L’effet direct vertical de la convention se mesure ainsi, notamment, dans les arrêts de la Cour de cassation. Les suites de la célèbre affaire Perruche en sont une illustration presque humiliante pour le législateur français : les arrêts Perruche avaient admis l’indemnisation d’un préjudice lié à la non-révélation du handicap d’un enfant pendant la grosses de sa mère à la suite d’une faute d’un professionnel de santé, ce qui revient à indemniser le préjudice lié à la perte de chance de réaliser une interruption volontaire

11 V. Cependant H. Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, PUAM 2002. 12 Varii actores, « Défauts, qualités et vices du nouveau régime de garantie dans la vente des biens de consommation », RDC 2005/3, p. 921 s. ; D. Mainguy, « Le nouveau droit de la garantie de conformité dans la vente au consommateur », JCP éd. E, 2005, 630, G. Paisant, « La transposition de la directive du 25 mai 2005 … », JCP éd. G, 2005, I, 146 ; O. Tournafond, « La nouvelle garantie de conformité des consommateurs », D. 2005, chron. p 1557. 13 Cf. J. Raynaud, Les atteintes aux droit fondamentaux dans les actes juridiques privés, PUAM, 2003, A. Debet, L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, Dalloz, 2002.

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de grossesse. Au-delà de l’appréciation que chacun peut avoir de cette question, qui touche le plus haut de la philosophie, de la morale et du droit, le législateur avait crû utile de légiférer et l’article I-1 de la loi du 4 mars 2002, dit dispositif « anti-Perruche », disposait que « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » de telle manière que ce préjudice est compensé par une indemnisation forfaitaire devait s’appliquer aux instances en cours. Mais la Cour de cassation par trois arrêts majeurs du 24 janvier 2006, dans des affaires identiques utilisait l’article 1er du 1er protocole de la CEDH pour distinguer, s’agissant de la réparation du préjudice, entre celui de l’enfant et celui des parents devant supporter des charges d’entretien de l’enfant handicapé tout au long de sa vie, pour écarter, sur ce point l’article I-1 de la loi de 2002 (14). En outre, l’effet horizontal de la CEDH se mesure entre contractants, s’agissant de mesurer le caractère proportionné des éventuelles atteintes apportées à leurs droits fondamentaux par une clause d’un contrat. Il est ainsi de plus en plus fréquent que des contractants invoquent ces règles pour obtenir l’annulation de certaines clauses, qui contrarient, par exemple, le droit au respect de la vie privée et familiale (CESDH, art. 8) ou le droit à la liberté de réunion ou d’association (CESDH, art. 11) dans un contrat de bail (15) ou dans le contrat de travail (16).

18. Droit international privé des obligations, des contrats, de la responsabilité. −−−− Plus complexe encore est la question des règles du droit international privé des obligations, des contrats ou de la responsabilité qu’il n’y a pas lieu de traiter ici (17), sinon pour rappeler

14 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2006, Bull. civ. I, n°29, 30, 31 : « si une personne peut être privée d’un droit de créance en réparation d’une action en responsabilité, c’est à la condition selon l’article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que l’article 1er-I, en prohibant l’action de l’enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand les époux Z... pouvaient, en l’état de la jurisprudence applicable avant l’entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fille serait indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap ». 15 Cass. civ. 3ème, 6 mars 1996, JCP éd. G, 1996, I, 3958, n°1, obs. Ch. Jamin, RTD civ. 1996, p. 897, obs. J. Mestre, à propos d’une clause d’un bail d’habitation interdisant au locataire d’héberger ses proches ; Cass. civ. 3ème, 12 juin 2003, JCP, éd. G, II, 1190, note F. Auque, s’agissant d’une clause d’un bail commercial imposant l’adhésion à une association. 16 Cf. Cass. soc. 12 janv. 1999, D. 1999, somm. 645, obs. J.-P. Marguénaud et J. Mouly, s’agissant d’une clause de mobilité imposant au salarié de transférer son domicile dans la région de son lieu de travail, tel qu’imposé par l’employeur. 17 Cf. D. Mainguy, « Les opérations du commerce international », in Traité de droit du commerce international, Litec, 2005, n° s.

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que ces questions justifient la résolution de conflits de juridictions (Cf. Règlement n° 2000, art. 5) et surtout de conflits de lois portant sur les contrats (et Cf. Conv. de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles) sur la responsabilité (et cf. Regl. n° 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles) où pour l’essentiel règne le principe d’autonomie qui assure aux contractants le choix libre de la loi applicables à leurs rapports. Plus rarement, des conventions établissent des règles matérielles internationales (Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises). Mais, surtout, des sources privées, de nature et d’autorité parfois assez floue, comme les principes Unidroit ou les Principes pour un droit européen des contrats ont vocation à profondément bouleverser sinon ces questions, du moins les consciences des juristes européens et, peut-être surtout, français.

19. Principes « Unidroit ». – L’institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit) a publié en 1994 des « principes relatifs aux contrats du commerce international » en 1994, ensuite complétés en 2004 (18). Leur objectif est de proposer, par une forme de concrétisation de la lex mercatoria dont les principes Unidroit se réclament, une unification des règles matérielles en matière de commerce international, par une technique alternative aux procédés traditionnels, conventions internationales ou lois-types. L’initiative permet de proposer un ensemble de règles directement accessibles, bien plus que la lex mercatoria classiquement entendue, mythique, discutée et difficile d’accès. Elle s’inscrit ainsi dans un processus de codification voire de restatement à l’américaine, rejoignant en cela l’enseignement de Lambert, ce comparatiste qui estimait que le but du droit comparé était de parvenir à un droit commun (19).

18 JCP 1995, III, 67399. V. J.-P. Béraudo, « Les Principes d’unidroit relatifs au droit du commerce international », JCP 1995, I, 3842 ; F.-M. Bannes, « L’impact de l’adoption des principes unidroit 1994 sur l’unification du droit du commerce international : réalité ou utopie », RRJ 1996, p. 933, M. J. Bonell , « The Unidroit Principles of International Commercial Contracts: Toward a New Lex Mercatoria ? », RDAI 1997, p. 161, B. Fauvarque-Causson, « Les contrats du commerce international, une approche nouvelle : les principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international », RIDC 1998, p. 463, J. Huet, « Les contrats commerciaux internationaux et les nouveaux Principes d’Unidroit : une nouvelle lex mercatoria ? », Les petites affiches, 10 nov. 1995, p. 6, C. Kessedjian, « Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du commerce international : les principes proposés par l’Unidroit », Rev. crit. DIP 1995, p. 641, C. Larroumet, « La valeur des principes d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international », JCP 1997, I, 4011, D. Mazeaud, « A propos du droit virtuel des contrats : réflexions sur les principes d’Unidroit et de la commission Lando », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 205. 19 E. Lambert, La fonction du droit civil comparé. Etudes de droit commun législatif, 1ère série, LGDJ, 1903.

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Ces « Principes » résultent d’une initiative privée : ils ne bénéficient d’aucun caractère obligatoire malgré leur présentation mais leur autorité et indéniable, dans le champ de l’arbitrage international tout au moins. On y trouve un ensemble cohérent et construit de règles applicables aux contrats internationaux de leur formation à leur extinction, s’appuyant sur des techniques propres à la pratique des contrats internationaux telles que la recherche d’un certain équilibre contractuel, ainsi les « avantages excessifs » sont sanctionnés, et à l’inverse, promues les obligations implicites qui découlent de la nature et du but du contrat, des pratiques établies entre les parties et des usages, de la bonne foi, de ce qui est raisonnable. L’interêt est alors multiple, bien que ces Principes, comme les Principes pour un droit européen des contrats ne disposent pas de l’appui d’une institution publique de telle manière qu’ils demeurent dans le champ des codifications savantes. Ils sont ainsi une source non négligeable d’appui à des raisonnements, en matière d’arbitrage mais aussi, quoique rarement, par des juridictions étatiques (20). Surtout, ils révèlent la possibilité, non expressément formulée, de l’hypothèse d’un droit mondial des contrats, comme réponse à la relative anarchie de la mondialisation des échanges.

20. Principes pour un droit européen des contrats. – Les « Principes pour un droit européen des contrats » (PEDC : Principes pour un Droit européen des Contrats ou PECL : Principles of European Contract Law) se présentent comme un ensemble de règles concurrentes des Principes Unidroit ». Elaborés sur la férule du Pr. Ole Lando et d’universitaires reconnus des différents Etats membres, ces principes (21) érigent un système très voisin de celui proposé par les « Principes Unidroit ». Ils ont été publiés en trois phases, en 1995, 1998 et 2002 pour enfin présenter un visage complet. On retrouve fort logiquement les mêmes objectifs que pour les principes Unidroit, mais dans un contexte européen largement revendiqué. En effet, le Parlement européen a aujourd’hui repris le flambeau universitaire de départ pour promouvoir un futur Code européen des obligations. On retrouve les principes de liberté contractuelle, de bonne foi, l’usage de standards juridiques comme le « raisonnable » ou le « proportionné », comme dans les « Principes Unidroit » quoique les PEDC soient encore plus développés que les « Principes Unidroit », 200 articles environs, structurés en 17 chapitres,

20 Cf. les résultats d’une recherche : P. Deumier, « L’utilisation par la pratique des conditions d’origine doctrinale », D. 2008, Chr. p. 494. 21 Cf. C. Priéto (dir.) Regards croisés sur les principes du droit européen du contrat et sur le droit français, PUAM, 2003, dont une excellente introduction, « Une culture contractuelle commune en Europe » par C. Priéto, p. 18 ; « Regards croisés avec le droit français », Dr. et Patrimoine, avril 2003, p. 39 s. ; P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet (dir.), Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003.

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intéressant un droit matériel des obligations et des contrats, éventuellement internationaux.

21. Vers un Code européen des contrats ? – Les « Principes pour un droit européen des contrats » signalent une « communautarisation » du droit des contrats internationaux, déjà largement entamée avec le Convention de Rome, mais qui s’installe, ici, dans le droit matériel des contrats (22) que les autorités communautaires ont repris à leur compte depuis le début des années 2000 avec, aujourd’hui, non un objectif clair mais, fin 2004, la constitution d’un « Cadre commun de référence » (CCR) dont l’objet est de rassembler les textes existants afin d’améliorer la qualité et la cohérence de l’acquis communautaire (23). Le projet s’élargit cependant dans une perspective plus vaste de « Code civil européen » voire plus modestement de « Code européen des contrats et des obligations », vœu relayé par les institutions communautaires (24). On observera simplement que les deux formules ne sont pas équivalentes. Les « Principes » instituent un corps de règles souples et non normatives de règles intéressant les contrats internationaux où un « Code » des contrats, qui pourtant prend sa racine dans les « Principes », intéresserait tous les contrats, intégrant les contrats intereuropéens. Deux formules

22 C. Jamin, « Un droit européen des contrats » ?, in Le droit privé européen, Economica, 1998, p. 40, D. Tallon, « Vers un droit européen du contrat ? », Mélanges A. Colomer, p. 485, G. Alpa, « Les nouvelles frontières du droit des contrats » RIDC 1998, p. 1015, G. Rouhette, « La codification du droit des contrats », Droits, 1996, p. 113. 23 COM 2004 (651), final, 11 oct. 2004, COM 2006, 744 final. Adde, D. Blanc, « La longue marche vers un droit européen des contrats » D. 2007, Chron. 1615, C. Aubert de Vincelles et J. Rochfeld (dir.), L’acquis communautaire, les sanctions de l’inexécution du contrat, Economica, 2006 ; A. Tenenbaum (dir.), B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud (coord.), Projet de cadre commun de référence, Terminologie contractuelle commune, Société de législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen », vol. 6, 2008, G. Wicker et J.-B. Racine (dir.), B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud (coord.), Projet de cadre commun de référence, Principes contractuels communs, Société de législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen », vol. 7, 2008. 24 V. R. Schultz, « Le droit privé européen », RIDC 1995, p. 7, D. Tallon, « Vers un droit européen des contrats » art. cit., P. Legrand, « Sens et non sens d’un Code civl européen », RIDC 1996, p. 779, J. Basedow, « Un droit commun des contrats pour le marché commun », RIDC 1998, p. 7, P. de Vareilles-Sommières (dir.), Le droit privé européen, Economica, 1998, C. Witz, « Plaidoyer pour un Code européen des obligations », D. 2000, p. 79, C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Economica, 2001, A, Chamboderon, « La texture ouverte d’un code européen du droit des contrats », JDI 2001, p. 5, N. Charbit, « L’esperanto du droit ? La rencontre du droit communautaire et du droit des contrats. A propos de la communucation de la commission européenne relative au droit européen des contrats », JCP 2002, I, 100, Ph. Malaurie, « Le Code civil européen des obligations et des contrats, une question toujours ouverte », JCP 2002, I, 110, G. Cornu, « Un Code civil n’est pas un instrument communautaire », D. 2002, p. 351, Y. Lequette, « Quelques remarques à propos du projet de Code civil européen de M. von Bar », D. 2002, p. 2202, B. Fauvarque-Causson, « Faut-il un Code civil européen ? », RTD civ. 2002, p. 463.

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sont proposées par les autorités communautaires dans un document intitulé « plan d’action » et diffusé début 2003, soit pour imposer l’application de ces règles de façon automatique, sauf clause d’exclusio juris, comme à propos de la CVIM (formule « d’opt out »), soit pour les présenter de façon facultative, via une clause d’electio juris, comme dans les formules traditionnelles du droit international privé (formule « d’opt in »). Cette question n’est ni nouvelle ni consensuelle. Déjà, en 1928, un projet de Code civil franco-italien, dans la ligne de la pensée d’Edouard Lambert, un comparatiste auquel la question de l’unification des droits était chère, s’était heurté à l’incompréhension des juristes français, peut-être, mais aussi, à l’idée d’unifier le droit français avec celui de l’Italie de Mussolini. De même, mais pour d’autres raisons, l’unification projetée et la perspective d’un droit européen des contrats ne fait pas l’objet d’un consensus en doctrine, loin s’en faut. La communauté des juristes est en effet divisée entre partisans (25) et adversaires (26) d’un tel projet.

22. Rôle de la coutume ? −−−− La coutume exerce un rôle mineur et discuté. Citée comme exemple typique, la solidarité dans les obligations civiles exclue par principe (C. civ. art. 1202) ou commerciales où une coutume justifierait, au contraire, que les obligations conclues par plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers soient conclues de façon solidaire. En revanche, les usages jouent un rôle important. C’est le cas d’abord lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat (cf. C. civ., art. 1135, 1159, 1160) mais aussi, et surtout, pour compléter un contrat, s’agissant notamment des contrats commerciaux, dans lesquels certaines clauses sont réputées figurer, en vertu d’un usage professionnel.

23. La jurisprudence, source majeure. −−−− La jurisprudence est en revanche, avec la loi, l’autre grande source du droit des obligations. C’est ainsi autant, voire bien davantage, la jurisprudence que la loi qui est à l’origine de notre droit de la responsabilité, à travers les grandes constructions jurisprudentielles du début du siècle : l’élaboration de la théorie de la concurrence déloyale et du parasitisme économique qui vivifie l’article 1382, le mécanisme de la responsabilité du fait des choses (C. civ., art. 1384, al. 1er) inexistant au XIXéme siècle et qui est devenue le mécanisme essentiel aujourd’hui, construit tout au long du XXème siècle, la responsabilité du fait d’autrui, accompagnant et généralisant les

25 Cf. not. D. Mazeaud, « Faut-il avoir peur d’un droit européen des contrats ? », Mélanges X. Blanc-Jouvan, 2005, p.309 ; Ch. Jamin, « Vers un droit européen des contrats ? », Rev. jur. com. 2006, p. 94. 26 Cf. not. Y. Lequette, « Vers un Code civil européen ? », Pouvoirs, 2004, n°107, p. 97, « Quelques remarques à propos du projet de Code civil européen de M. von Bar », art. cit.

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règles posées par l’article 1384 du Code civil. C’est aujourd’hui la jurisprudence qui, à coup de grands arrêts ou de séries d’arrêts plus discrets, par une technique dite « des petits pas », assure l’adaptation du Code civil au droit moderne des obligations, aujourd’hui tout autant fondé sur la sécurité juridique, la force obligatoire des conventions, que sur la bonne foi, l’éviction des abus, des déloyautés contractuelles, l’analyse de la proportionnalité de telle clause d’un contrat avec les buts recherchés par ses promoteurs. L’inconvénient est cependant de transformer le droit des obligations en un droit prétorien et, donc, en un droit complexe, presque secret, un droit de savants et d’érudits. En même temps, est-ce réellement un inconvénient, Le droit des obligations, spécialement le droit des contrats ou de la responsabilité peuvent-il être régis par un Code civil, des règles, autres que supplétives, servant davantage de guide qu’autre chose, ce domaine relève-t-il d’un système de Civil Law ou de Common Law, par nature ? Poser la question apporte, déjà, des éléments de réponse. Il est certain que le contrat, la responsabilité, ne méritent et ne supportent pas des règles comme les autres.

24. Réforme du droit français des obligations ? −−−− Le droit français des obligations, des contrats, de la responsabilité est-il obsolète, ou au contraire équilibré, efficace ? Un rapport conduit sous l’égide de la Banque mondiale Doing business (www.doingbusiness.org) avait ainsi considéré le droit français des contrats comme peu efficace, à ranger au fin fond du classement des droits des pays du monde. L’enjeu est fondamental : le choix du droit français dans les contrats internationaux la référence au droit français dans les litiges internationaux ou dans les négociations internationales, l’éventuelle exportation du droit français… si le droit français est aussi épouvantable que ce rapport l’estime, alors il faut en changer très vite. Certes, la méthode utilisée par le rapport est critiquable (27) mais le constat posé par ce rapport ne peut être nié. Si l’on envisage le droit français des obligations dans son entièreté, avec les yeux d’un juriste français, c’est un droit globalement équilibré, doté de principes forts, pertinents, pérennes qui répond sans aucune peine ni aucune gène apparente à la plupart des difficultés qui se posent. D’un autre côté, les sources du droit des obligations sont multiples, pour l’essentiel les règles telles que posées par le Code civil et le couple doctrine-jurisprudence. Or, le premier est globalement obsolète : bien des questions qu’il traite mériteraient une réforme profonde, bien des articles

27 Et V. la réponse de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, sous la houlette de M. Grimaldi et D. Mazeaud : Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports doing business de la banque mondiale, Soc. Leg comp. 2006.

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du Code civil reposent sur une conception du contrat totalement dépassée. Tout se présente dans le Code civil de manière très simple, le droit des obligations est le droit commun applicable à tous les contrats (C. civ., art. 1107) sauf les réglementations particulières, ce qu’on appelle les contrats spéciaux (28), mais l’ensemble reste fondé sur un modèle, celui de la vente, contrat à exécution rapide, pour ne pas dire instantanée, alors que les besoins du droit des contrats d’aujourd’hui repose sur les contrats de longue durée. Or, et c’est précisément là le problème, le Code civil a été rédigé pour traiter des contrats usuels d’un propriétaire terrien, bon père de famille de 1804, alors que les questions qui se posent aujourd’hui sont celles des contrats de masse, les contrats de consommation, qui disposent d’un Code à cet effet, et surtout des contrats d’affaires, les contrats de longue durée. D’une part le Code civil est muet sur la question de la gestion du temps dans le contrat mais surtout guère utile pour traiter les grandes questions qui se pose à leur égard, assis sur une conception morale du droit alors que les contrats d’affaires ont besoin d’un droit pratique, économique. Par conséquent, l’ensemble des grandes questions posées aujourd’hui en droit des contrats ne peuvent assurément trouver leur source dans le Code civil : la proportionnalité, la cohérence contractuelle, l’économie du contrat, les clauses déséquilibrées, le jeu de l’action directe, la négociation du contrat, la cession de contrat, les causes et les effets de l’extinction du contrat, etc. Rien dans le Code civil et c’est donc dans les règles jurisprudentielles qu’il faut rechercher, avec l’aide de la doctrine qui l’explique, l’organise, la met en œuvre. On avouera que ce n’est guère engageant pour un juriste étranger et ça ne l’est souvent pas davantage pour les juristes français eux-mêmes. Nulle trahison dans cette déconsidération du Code civil, bien au contraire, le vœu que le Code se régénère et redevienne cet outil d’interprétation formidable qu’il a été. Quant au droit de la responsabilité, c’est encore pire, il s’est construit entièrement à côté du Code civil, par le travail massif de la jurisprudence. C’est dans cet esprit qu’un groupe de travail dirigé par le Professeur P. Catala en 2005 s’est rassemblé de manière à proposer un rapport prenant la forme d’un avant-projet de loi de réforme du droit des obligations (et de la prescription) (29) dont on peut critiquer tel ou tel point, discuter tel

28 Cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 6è éd. 2008. 29 Cet avant projet figure en annexe. V. P. Catala, Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française, 2006 ; « Bref aperçu sur l’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription », D. 2006, Chr. p. 535 ; B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud, « L’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription et les principes du droit européen des contrats : variations sur les champs magnétiques dans l’univers contractuel », LPA 2006, n°146, p.3 ; « La réforme du droit des contrats : projets et perspectives », RDC 2006, p. 3 (pour la partie concernant la réforme du droit des contrats), et « L’avant-projet de loi de réforme du

Supprimé: en 2005

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autre, mais dont on doit souligner l’audace et l’opportunité alors que la loi du 17 juin 2008 a repris la partie consacrée à la réforme de la prescription. Dans le même temps, un projet, concurrent, élaboré par la Chancellerie avait été présenté en 2008 (30), et un troisième, de l’Académie des sciences morales et politiques réalisé sous la direction de F. Terré (31).

25. Au-delà des sources des obligations. −−−− Trouver un plan original pour présenter la matière est sans doute impossible. L’étude des obligations impose de rechercher leur origine : les obligations résultent soit d’actes juridiques, dont le modèle est le contrat, soit de faits juridiques, sur le modèle de la responsabilité civile. Elle impose ensuite d’observer leur régime. Pourquoi chercher une autre distinction, alors que la plupart des manuels proposent cette distinction fondée sur les sources des obligations et, ensuite, leur régime ? D’une part, parce qu’elle est de notre point de vue artificielle, étant donné le gouffre qui sépare les questions intéressant le droit des contrats et le droit de la responsabilité civile, même si, évidemment, des liens importants existent : mais ces liens ne s’expriment pas essentiellement du point de vue des sources des obligations contractuelles et des obligations de réparer. D’autre part, parce que si l’on envisage ces questions du point de vue de leur fonction, dans un sens moderne, alors on observera que le droit des contrats est, aujourd’hui, et comme son titre l’indique, le support des contrats, des contrats d’affaire pour l’essentiel, sans oublier tous les

droit de la responsabilité », RDC 2007, p. 3, adde Ph. Malaurie, « Avant-projet de loi de réforme du droit de la prescription en droit civil », Defrénois, 2006, p. 230, A. Bénabent, « Sept clés pour une réforme de la prescription extinctive », D. 2007, Chr. 1800 (pour la partie de la réforme du droit de la prescription). 30 Cf. Not. D. Mazeaud, Réforme du droit des contrats : Haro, en Hérault, sur le projet, D. 2008, Chr. p. 2675, R. Cabrillac, Le projet de réforme du droit des contrats, Première impressions, JCP, 2998, I, 190, Ph. Malaurie, « Petite note sur le projet de réforme du droit des contrats », JCP 2008, I, 204, M. Fabre-Magnan (Entretien), « Réforme du droit des contrats : un très bon projet », JCP, éd. G ? 2008, I, 199 ; C. Larroumet, « De la cause de l’obligation à l’intérêt au contrat, D. 2008, Chr. p. 2441 ; O. Tournafond, « Pourquoi il faut conserver la théorie de la cause en droit civil français », D. 2008, Chr., p. 2607, A. Ghozi et Y. Lequette, « La réforme du droit des contrats : brèves observations sur le projet de la Chancellerie », D. 2008, CHr., p. 2609; Ph. Malinvaud, « Le contenu « certain » du contrat dans l’avant-projet « chancellerie » de code des obligations ou le stoemp bruxellois aux légumes », D. 2008, Point de vue, 2551, Regards sur un projet en quête de nouveaux équilibres. Présentation des dispositions du projet de réforme des contrats relatives à la formation et à la validité du contrat, RDC 2009-1 , D. Mainguy, « Défense, critiques et illustration du projet de réforme de droit des contrats », D. 2009, Chr., p. 308. 31 F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, 2009. Comp. D. Mazeaud, « Une nouvelle rhapsodie doctrinale pour une réforme du droit des contrats », D. 2009, Chr., p. 1364.

Supprimé: et souhaiter que ce projet aboutira

Mis en forme

Mis en forme

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autres bien entendu, que le droit de la responsabilité est le droit des larmes, du sang mais aussi des relations non contractuelles d’affaire, et que le régime des obligations, est le droit au service du droit bancaire, du droit financier. Enfin parce que nous voudrions, dans cet ouvrage, et pour qu’il s’inscrive pleinement dans son siècle, montrer les mouvements considérables qui affectent le droit moderne des contrats, de la responsabilité, de l’obligation dans leur fonctionnalité.

26. Classification des obligations. −−−− Quelques éléments de présentation du problème de classification des obligations peuvent, cependant, être présentés. Au problème classique de connaître les sources des obligations, différentes réponses ont été données qui se séparent moins qu'elles ne se complètent et ne se précisent. Une distinction empruntée à Justinien et à Pothier est à l’origine des distinctions actuelles : on trouve dans les compilations de Justinien la formule suivante : "aut ex contractu, aut quasi ex contractu, aut ex maleficio (delicto) aut quasi ex maleficio (delicto) obligations nascuntur" (les obligations naissent ou du contrat ou comme du contrat ou du délit ou comme du délit, étant entendu que les contrats, actes licites, emportaient exécution et les délits, actes illicites, réparation). La formule était d’ailleurs singulièrement plus complexe puisque tous les contrats n’emportaient pas en droit romain, obligation d’exécuter, pas plus que tous les délits n’emportaient obligation de réparer. Les distinctions en la matière ont largement évolué. Une distinction classique identifiait ce que l’on appelait, à la suite de Pothier, qui avait largement emprunté à Justinien d’ailleurs, à la veille du Code civil, la classification quadripartite des obligations : le contrat, le quasi-contrat (gestion d'affaires et paiement de l'indu), le délit (faute intentionnelle), le quasi-délit (faute non intentionnelle). Mais Pothier y ajoutait la loi comme source supplémentaire d’obligation même si la loi est une source ambiguë : ainsi lorsque la loi impose au vendeur professionnel une obligation particulière à l’attention de l’acheteur consommateur, est-ce une obligation de source légale ou une obligation de source conventionnelle (il faut un contrat) mais dont l’existence ou l’intensité est rendue obligatoire par la loi. C’est sans doute cette deuxième acception qu’il fait ici retenir. En revanche, lorsque la loi impose une obligation précontractuelle de renseignement, alors, plus de doute, c’est bien la loi qui est la source de cette obligation. La distinction proposée par le Code civil est quelque peu différente dans la mesure où les auteurs du Code civil ont apporté quelques rectifications à la classification classique : les sources conventionnelles (contrat) : C. civ., art. 1101 et s., les sources non conventionnelles : C. civ., art. 1370 et s. : quasi-contrats (gestion d'affaires et paiement de l'indu), actes illicites

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(délits et quasi-délits, C. civ., art. 1382 s) et la loi. Les distinctions doctrinales postérieures ont conduit à certaines rectifications et une nouvelle présentation, évoquant, de façon complémentaire, les rôles de l'acte juridique unilatéral et de l'acte juridique collectif, le fait que le paiement de l'indu est en réalité une application d'une source plus générale d'obligations, l'enrichissement sans cause, que la loi n'est pas une source particulière d'obligations mais bien une source générale du droit.

27. Actes juridiques et faits juridiques. −−−− A cette complexification croissante s’oppose une simplification extrême et une distinction identifiant deux grandes familles, celle des actes juridiques et celle des faits juridiques. Cette distinction est un classique du droit privé, alors pourtant que le Code civil ne connaît pas la formule « fait juridique » et que celle d’ « acte juridique » est apparue, dans l’article 1108-1 du Code civil en 2004 (et Comp. Avant-Projet, art. 1101-1). Il y aurait ainsi la famille des actes juridiques : les actes juridiques conventionnel (le contrat, essentiellement), les actes juridiques unilatéraux, les actes juridiques collectifs mais également celle des faits juridiques, les quasi contrats et la responsabilité civile. Pour autant, la distinction est elle-même contestable : les actes juridiques sont classiquement définis comme des manifestations de volonté productrices d’effets de droit, tandis que les faits juridiques sont des faits, involontaires, producteurs d’effets de droit (possession, prescription, fait générateur de responsabilité, etc.). Un contrat est, ainsi, un modèle des actes juridiques, tandis qu’une faute est son pendant s’agissant des faits juridiques. Toutefois, l’acquisition d’un ticket de métro, qui permet de conclure un contrat de transport terrestre aux effets très complexes qui contient notamment une stipulation pour autrui tacite en cas d’inexécution par le transporteur de son obligation de sécurité (sur cette question, cf. infra, n°262) est-elle véritablement une manifestation de volonté ? Inversement, une faute commise dans l’intention délibérée de commettre un préjudice est-elle toujours un fait involontaire ? En toute hypothèse, la distinction ne présente d’autre intérêt qu’en termes de catégorie, de rangement, mais également en termes de preuve : la preuve des actes juridiques s’effectue en principe par écrit tandis que la preuve des faits juridiques est en principe libre. Cependant ces catégories sont beaucoup trop vastes pour être utiles : un décret, une loi, un contrat sont des actes juridiques, une faute dommageable, la possession d’une chose, la naissance, sont des faits juridiques… et le tout suppose une unité du droit des obligations qui peut être contestée.

28. Plan. −−−− Toutes ces raisons et celles déjà envisagées plaident donc en faveur d’une séparation de l’étude en trois parties, correspondant aux

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trois fonctions que la matière révèle : PREMIERE PARTIE – LES CONTRATS DEUXIEME PARTIE −−−− LA RESPONSABILITE CIVILE TROISIEME PARTIE – LE REGIME DES OBLIGATIONS

Bibliographie Il est bien difficile de présenter, à ce stade une bibliographie ; nous citerons, toutefois, quelques approches en la matière.

1 Traités, ouvrages généraux Outre les ouvrages cités en fin d’ouvrage, des ouvrages plus anciens peuvent être consultés. Les ouvrages de l’Ancien régime de référence sont ceux de Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, 1689-1694 et de Pothier, notamment son Traité des obligations, 1761. Au XIXè siècle, les auteurs ont commencé par étudier le Code civil et donc à présenter celui-ci sous forme de Traités en plusieurs volumes, dont un ou plusieurs présentaient les obligations, dans l’ordre des articles du Code, ce que reflètent les ouvrages des auteurs de de l’époque (Marcadé, Demante et Colmet de Santerre, Larombière ou Troplong, ce dernier étant le plus connu), puis en respectant l’organisation du Code civil mais sans commenter article par article (Duranton, Demolombe, Toullier), puis se sont détachés du Code civil, reprenant d’ailleurs les travaux des auteurs allemands (Zachariae, dans la première édition d’Aubry et Rau de 1838), par Aubry et Rau) alors que le Code allemand était, avant la réforme par le BGB en 1900 était précisément le Code civil français, puis faisant œuvre plus originale avec le traité de Baudry-Lacantinerie (1895), ensuite réédité. Au XXè siècle, l’œuvre d’Aubry et Rau fut poursuivie (T. IV, Les obligations, 5è éd. Par E. Bartin, 1923, T. VI Les obligations, 6è éd. Par P. Esmein, 1951, 7è éd. Par A. Ponsard, 1964, 8è éd. Par A. Ponsard et I. Fadlallah, 1989, t. VI-2, Responsabilité délictuelle par N. Dejean de la Batie). On observera également et plus spécifiquement R. Demogue, Traité des obligations en général, 7 vol., 1923-1933 et Les notions fondamentales du droit privé, 1911, E. Gaudemet, Théorie générale des obligations, Sirey 1937, Beudant et Lerebourg-Pigeonnière, Cours de droit civil français, 1934 (not. T. VIII, IX et IX bis) et enfin les deux traités les plus « actuels » : ceux de M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. VI, par P. Esmein, 2ème éd ; 1952, t. VII par P. Esmein, J. Radouant et G. Gabolde, 2ème éd. 1954, avec une résurgence : Ripert et Boulanger, Traité élémentaire de droit civil de M. Planiol, t. II, 1957, et celui de G. Marty et P. Raynaud, Les obligations, 2

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vol., 2èmé éd. Par Ph. Jestaz, 1988-1989. A la frontière entre ces ouvrages et les ouvrages ou traités régulièrement mis à jour et figurant en fin d’ouvrage, signalons celui de H., L., J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit civil, t. II, vol. 1, Obligations (théorie générale), 9 éd. éd. 1998 et celui de J. Carbonnier, Droit civil, t. 4, Les obligations, Puf, 22ème éd., 2000. 2. Obligations, contrats et sciences humaines Nous citerons ici l’Obligation, l. 44 des Archives de Philosophie du droit, Dalloz 2000 ; Le renouvellement des sources de l’obligation, Trav. Ass. H. Cap, LGDJ, Litec 1997, Droit et économie des contrats, (C. Jamin, Dir.), LGDJ, 2008 pour l’étude de l’implication de l’analyse économie du droit sur le contrat ; G. Davy, La foi jurée, étude sociologique du problème du contrat, Paris 1922, F. Terré, Arch. Phil. Dr. T. XIII, 1968, p. 71, J.G. Belley, Une typologie sociojuridique du contrat, sociologie du travail, 1996, n°4, p. 465 s., « Max Weber et la théorie du droit des contrats, Droit et société, 1988, p. 281, O. Filipo-Bouchaara, Le lien contractuel, Th. Orléans, 2001, C. Guyot-Chavanon, L’entraide en droit privé, Th. Bordeaux, 2003. 3. Histoire du droit des obligations Outre le manuel de J.- L. Gazzaniga (Introduction historique au droit des obligations), le cours de J.- Ph. Lévy a été joint à celui de A. Castaldo dans Histoire du droit civil, Dalloz, 2002 auquel on peut ajouter E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé, Histoire du droit des obligations, Litec, 2007, dans lesquels les sources sont, comme souvent avec les histoirens, très largement citées et exploitées. 4 Sources des obligations et des contrats a Droit Constitutionnel et droit des obligations : N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, LGDJ 1997, M. Frangi, Constitution et droit privé, PUAM 1992, Ph. Terneyre, « Le législateur peut-il abroger les articles 6 et 1123 du Code civil ? Sur la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle, Mélanges G. Peiser », PU Grenoble, 1995, p. 473, P.-Y. Gadoun, La liberté contractuelle à l’épeuve de la jurisprudence constitutionnelle, Dalloz, 2008. b. Droit international des contrats : B. Goldman, Frontières du droit et Lex mercatoria, Arch. Phil. Dr. 1964, p ; 178, La Lex Mercatoria dans les contrats, Clunet, 1979, p. 475, P. Lagarde, Approche critique de la Lex Mercatoria, Mélanges B. Goldman, p. 127, E. gaillard, Trente ans de

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Lex Mercatoria, pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit, JDI, 1995, p. 5 ; F. Osman, Les principes généraux de la Lex Mercatoria, LGDJ, 1992. Plus spécifiquement, s’agissant des principes Unidroit ou des PEDC :

– Principes Unidroit : J.-P. Béraudo, « Les Principes d’unidroit relatifs au droit du commerce international », JCP 1995, I, 3842 ; F.-M. Bannes, « L’impact de l’adoption des principes unidroit 1994 sur l’unification du droit du commerce international : réalité ou utopie », RRJ 1996, p. 933, M. J. Bonell , « The Unidroit Principles of International Commercial Contracts : Toward a New Lex Mercatoria ? » RDAI 1997, p. 161, B. Fauvarque-Causson, « Les contrats du commerce international, une approche nouvelle : les principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, » RIDC 1998, p. 463, J. Huet, « Les contrats commerciaux internationaux et les nouveaux Principes d’Unidroit : une nouvelle lex mercatoria ? » Les petites affiches, 10 nov. 1995, p. 6, C. Kessedjian, « Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du commerce international : les principes proposés par l’Unidroit », Rev. crit. DIP 1995, p. 641, C. Larroumet, « La valeur des principes d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international », JCP 1997, I, 4011, D. Mazeaud, « A propos du droit virtuel des contrats : réflexions sur les principes d’Unidroit et de la commission Lando », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 205. – PEDC : C. Priéto (dir.) Regards croisés sur les principes du droit européen du contrat et sur le droit français, PUAM, 2003 dont une excellente introduction, « Une culture contractuelle commune en Europe » par C. Priéto, p. 18 ; « Regards croisés avec le droit français », Dr. et Patrimoine, avril 2003, p. 39 s. ; P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet (dir.), Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003. c. Droit européen des droits de l’homme : J. Raynaud, Les atteintes aux droit fondamentaux dans les actes juridiques privés, PUAM, 2003, A. Debet, L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, Dalloz, 2002. d. Droit communautaire : H. Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, PUAM, 2002. e. Sur un éventuel Code européen des contrats : D. Tallon, « Vers un droit européen du contrat ? » Mélanges A. Colomer, p. 485, R. Schultz, « Le droit privé européen », RIDC 1995, p. 7, G. Rouhette, « La codification du droit des contrats » Droits, 1996, p. 113, P. Legrand, « Sens et non sens d’un Code civl européen », RIDC 1996, p. 779, C. Jamin, « Un droit européen des contrats » ?, in Le droit privé européen,

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Economica, 1998, p. 40, G. Alpa, « Les nouvelles frontières du droit des contrats » RIDC 1998, p. 1015, J. Basedow, « Un droit commun des contrats pour le marché commun », RIDC 1998, p. 7, P. de Vareilles-Sommières (dir.) Le droit privé européen, Economica, 1998 ; C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Economica 2001, A, Chamboderon, « La texture ouverte d’un code européen du droit des contrats », JDI 2001, p. 5, N. Charbit, « L’esperanto du droit ? La rencontre du droit communautaire et du droit des contrats. A propos de la communucation de la commission européenne relative au droit européen des contrats », JCP 2002, I, 100, Ph. Malaurie, « Le Code civil européen des obligations et des contrats, une question toujours ouverte », JCP 2002, I, 110, G. Cornu, « Un Code civil n’est pas un instrument communautaire », D. 2002, p. 351, Y. Lequette, « Quelques remarques à propos du projet de Code civil européen de M. von Bar », D. 2002, p. 2202, B. Fauvarque-Causson, « Faut-il un Code civil européen », RTD civ. 2002, p. 463, D. Mazeaud, « Faut-il avoir peur d’un droit européen des contrats ? » Mélanges X. Blanc-Jouvan, 2005, p.309 ; Ch. Jamin, « Vers un droit européen des contrats ? » Rev. jur. com. 2006, p. 94, C. Aubert de Vincelles et J. Rochfeld (dir.), L’acquis communautaire, les sanctions de l’inexécution du contrat, Economica, 2006 ; D. Blanc, « La longue marche vers un droit européen des contrats » D. 2007, Chron. 1615, A. Tenenbaum (dir.), B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud (coord.), Projet de cadre commun de référence, Terminologie contractuelle commune, Société de législation comparée, coll. Droit privé comparé européen, vol. 6, 2008, G. Wicker et J.-B. Racine (dir.), B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud (coord.), Projet de cadre commun de référence, Principes contractuels communs, Société de législation comparée, coll. Droit privé comparé européen, vol. 7, 2008. f Sur la réfome du droit des contrats et de la responsabilité dans le Code civil : P. Catala, Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française, 2006 ; « Bref aperçu sur l’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription », D. 2006, Chr. p. 535 ; B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud, « L’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription et les principes du droit européen des contrats : variations sur les champs magnétiques dans l’univers contractuel », LPA 2006, n°146, p.3 ; « La réforme du droit des contrats : projets et perspectives », RDC 2006, p. 3 (pour la partie concernant la réforme du droit des contrats), et « L’avant-projet de loi de réforme du droit de la responsabilité », RDC 2007, p. 3, adde Ph. Malaurie, « Avant-projet de loi de réforme du droit de la prescription en droit civil », Defrénois, 2006, p. 230, A. Bénabent, « Sept clés pour une réforme de la prescription extinctive », D. 2007, Chr. 1800 (pour la partie de la réforme du droit de

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la prescription) Et, sur la réponse de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, M. Grimaldi et D. Mazeaud : Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports doing business de la banque mondiale, Soc. Leg comp. 2006.

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PREMIERE PARTIE

LES CONTRATS

29. Qu’est-ce qu’un contrat ? Les contrats tiennent une place considérable dans notre vie de tous les jours, sous diverses formes, les contrats usuels, lorsque j’achète mon pain le matin, contrat d’entreprise lorsque j’utilise un billet de train ou un ticket de métro, etc., des contrats plus complexes ou plus rares comme un contrat de crédit, une vente d’immeuble, un contrat de bail, voire des contrats spécialisés, ceux utilisés par les entreprises, les contrats d’affaires, contrats de distribution, contrats de cession d’action, contrats relatifs à l’organisation d’une structure sociale, contrats de production, de sous-traitance,… une immense variété de contrats, une immense palette de situations contractuelles différentes. Pas vraiment un contrat donc, mais plutôt des contrats. Ils sont en outre la pierre angulaire de nos sociétés et de notre droit plus globalement. Carbonnier, par exemple, situait le contrat parmi les trois piliers du droit avec les biens et la famille (32). Sans contrat, comment réaliser des échanges économiques, c’est-à-dire des transferts de patrimoines à patrimoines destinés à réaliser les besoins d’une personne : bien entendu une vente pourrait être simplifiée en deux

32 J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, 1997.

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dons et l’on pourrait élargir à toute une série de contrats simples, comme l’expérience des SEL le montre, mais c’est une forme archaïque d’échange. De même, des sociétés archaïques, utopiques ou totalitaires envisagent la suppression de la propriété, de l’argent, donc des contrats. Aucun n’a, pour l’heure, fonctionné efficacement. Le contrat donc, est cet outil juridique producteur d’un certain nombre d’effets de droit qui assure, dans des considérations presque illimitées des échanges économiques. Il devient tellement utile, ce contrat, qu’il est aujourd’hui le modèle même permettant de résoudre bien des difficultés qui vont au-delà du champ du droit des obligations : le contrat se diffuse dans la famille (le PACS en est un exemple mais aussi le divorce par consentement mutuel est essentiellement contractuel par exemple et, depuis longtemps, on évoque la possibilité, comme sous la Révolution, d’un divorce sans recours au juge), dans le procès, les relations de travail qu’il s’agisse des relations collectives de travail à travers les conventions collectives et les relations individuelles dont les licenciements économiques, les plans de retour à l’emploi par exemple, les relations entre personnes publiques, entre Etats, la politique elle-même (33), la Police de la Cité se contractualise, des contrats sont conclu entre l’Etat et les collectivités locales, etc. Même l’Université, cette noble et ancienne institution doit sa légitimité grâce à un « contrat quadriennal » conclu avec le ministère de tutelle. Tous ces contrats ne sont pas placés à la même échelle et tous n’ont pas la même force, certains sont des contrats « Canada-Dry », ils ressemblent à un contrat mais ce ne sont pas des contrats, au sens où les juristes les entendent mais peu importe, l’idée, le modèle contractuel sont plus que jamais présent : confrontation d’une liberté, celle de conclure un engagement, dans une certaine réciprocité et est susceptible d’emporter une certaine responsabilité. Tout n’est pas contrat, bien entendu, mais le contrat se diffuse, devient un instrument utile et efficace, au sein d’une société qui se rend compte, avec difficulté parfois que les logiques économiques sont sinon essentielles, du moins très présentes et que le meilleur outil de gestion des questions économiques est le contrat. Les contrats sont aussi essentiels au droit privé dans la mesure où la plupart des rapports juridiques valorisés sont des rapports contractuels, et donc d’obligation : vente(s), bail, contrat de travail, de transport, d’entreprise, d’assurance, de prêt, de dépôt, de mandat, médical : nous avons tous conclu de nombreux de ces contrats, et s’ajoutent de nombreuses autres formules contractuelles, plus rares et plus complexes, les contrats d’affaires, contrats de distribution, contrats de la société (statuts, pactes d’actionnaire), contrats de financement… L’étude des contrats n’est, alors, pas l’étude de ces contrats : elle relève

33 Quoique…Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les écoutent, point ceux qui les font : cf. Paris, 18 oct. 1994, RTD civ. 1995, p. 351, obs. J. Mestre.

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de l’étude du droit des contrats spéciaux ou de règles spéciales organisées autour de tel ou tel contrat, comme le droit des assurances ou le droit du travail. L’étude des contrats consiste à observer les règles communes à tous ces contrats, les règles d’une « droit commun des contrats » plus qu’une théorie générale du contrat, (34), (cf. infra, n°75) .

30. Définition, description du contrat. – On distingue plusieurs formules, engagement (35), contrat, convention, accord. La convention est un acte juridique formé par plusieurs personnes qui produit des effets de droit, transférer la propriété, éteindre un droit, et, surtout, créer des obligations. Une telle convention qui produit des obligations est un contrat. Le contrat est alors une forme particulière de convention, défini par l'article 1101 du Code civil : « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Nous avons déjà vu que cette présentation est erronée : l’article 1101 présente une vision déformée et réductrice du contrat comme une convention productrice d’obligations, agencées autour de trois types d’obligations. D’une part, la doctrine montre parfois qu’il y en aurait quatre, dont l’obligation de praestere (36), resurgie du droit romain, définie come une subdivision de l’obligation de faire, considérée comme trop générale, obligation de mettre à la disposition une chose ou un ouvrage. Par ailleurs, que le contrat produit bien d’autres effets, des effets réels (transfert de propriété, constitution ou extinction de droit réel, etc.), des options, des facultés, des délais, des libertés, qu’il est constitué de conventions internes, que sont les clauses d’un contrat dont certaines ont une vie propre, comme les clauses de non concurrence post contractuelles, voire totalement autonomes du reste du contrat, comme les clauses compromissoire (clause qui imposent la soumission d’un litige lié au contrat qui la contient à arbitrage) et qui résistent à l’annulation du contrat (Cf. infra, n°180). Certains de ces contrats sont extrêmement connus, comme certains contrats nommés (vente, louage, contrat de mariage…) ; d’autres sont plus confidentiels car réservés en pratique aux relations d’affaires, comme les contrats de distribution (franchise, concession commerciale, etc.), les contrats de financement (swaps, obligations, eurobonds,

34 Cf. E. Savaux : La théorie générale du contrat, mythe ou réalité, LGDJ, 1998, Comp. Pour ou contre une théorie générale des contrats spéciaux, RDC 2007/1. 35 Cf. C. Grimaldi, Quasi-engagement et engagement en droit privé. Recherches sur les sources des obligations, Defrénois, 2007. 36 Cf. G. Pignarre, « A la redécouverte de l’obligation de praestere, pour une relecture de quelques articles du Code civil », RTD civ. 2001, p. 41.

Supprimé: la

Supprimé: pour autant qu’elle existe véritablement ce dont certains doutent

Supprimé: sans doute avec raison tant les situations sont différentes : peut-être faudrait-il parler de théorie générale des contrats ou mieux encore des théories générales des contrats, voire pour inverser le propos, de méthode plus que de théorie générale

Supprimé: : autant une théorie générale des biens ou de la propriété est possible, susceptible d’embrasser l’ensemble de l’institution qu’elle explique, autant une théorie générale du contrat devient de plus en en plus incapable de gérer, seule, toutes les difficultés posées face à la diversité des situations contractuelles

Supprimé: …

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affacturage, produits financiers dérivés, etc.), les contrats de transfert de technologie (contrats de licence de marque, de communication de savoir-faire, contrats de l’internet), les contrats intéressant l’organisation d’une entreprise (contrat de cession de titres, contrat de fusion de sociétés, d’apport partiel d’actif, cession de contrôle, etc.). Par ailleurs, la définition et la description du contrat font l’objet de discussions, pour ne pas dire de querelles parfois, doctrinales majeures. Pourtant, tous ces contrats différents sont régis par le même ensemble de règles générales de principe. Cela ne signifie nullement que tous les contrats sont soumis à la même réglementation, puisque les règles des contrats spéciaux montrent au contraire que de nombreuses réglementations déterminent des règles particulières à certains contrats, mais que tous se fondent sur les mêmes principes, applicables dès lors qu’une règle spéciale ne prévoit pas une autre règle. Cette diversité, exposée dans un premier temps en une INTRODUCTION AU DROIT DES

CONTRATS (chap. 1) permettront d’aborder effectivement les conditions de FORMATION DES CONTRATS, en tant que source d’obligations (Chap. 2), puis L’EXECUTION DES CONTRATS (Chap. 3) et enfin L’EXTINCTION DES

CONTRATS (Chap. 4) et enfin, parce qu’il est difficile de les classer mais que, au fond, leur régime signe celui des contrats LES QUASI-CONTRATS

(Chap. 5).

Supprimé: …

Supprimé: …

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CHAPITRE 1

INTRODUCTION AU DROIT DES CONTRATS

31. Le droit des contrats est une matière vivante, fondée sur l’observation de contrats simples, la vente, le contrat d’entreprise, le bail mais aussi et surtout sur des contrats sophistiqués, comme le sont les contrats d’affaires, faits de convention qui s’imbriquent dans un moule contractuel plus vaste, les clauses, de non concurrence, d’exclusivité, d’inaliénabilité, de confidentialité, de résiliation, compromissoires, attributives de juridiction, de loi applicable, de non responsabilité, etc., le tout emporté par la logique de la théorie générale du contrat, ce droit commun qui s’applique dès lors qu’un droit plus spécial ne s’applique pas et, plus exactement à côté, au-dessus peut-être de ces droits spéciaux. C’est en même temps une matière savante dont les sources sont particulièrement difficile à saisir : nous avons observé et reverrons ainsi que les grandes questions du droit des contrats, la négociation, la circulation, les problèmes d’exécution, la gestion de la durée du contrat, l’extinction, etc. ne sont pas traités par le Code civil mais par la jurisprudence et la doctrine. Il est plus efficace de lire un très bon ouvrage de droit des contrats que le Code civil… En termes de méthode alors, quelques généralités sur les classifications des obligations et des contrats (Section 1) puis de la théorie des contrats (Section 2) permettront de saisir quelques éléments de méthode du droit des contrats (Section 3).

SECTION 1 – CLASSIFICATIONS DES OBLIGATIONS ET DES

CONTRATS

32. Présentation classique. – On trouve plusieurs de ces classifications, classique, alors même que chaque manuel, chaque auteur, chaque juriste sans doute trouvera une classification qui lui convient. Ce n’est guère aisé car cette présentation se fonde sur les catégories du Code civil, en principe, dont nous avons déjà pu observer sinon les lacunes du moins le caractère parfois obsolète. Ainsi le Code civil confond très régulièrement contrat et obligation, dans ses sources, dans ses effets, ce qui n’arrange pas celui qui souhaite proposer une classification. Nous proposons celle-ci, une première classification oppose les obligations juridiquement obligatoires de celles qui ne le sont pas (I), d’autres sont relatives à l’origine de la règle applicable (II), et d’autres enfin sont relatives au contenu de ces règles (III). Il s’agit d’une simple

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présentation, à vocation essentiellement didactique, sans aucune autre prétention. Cependant, nous présenterons aussi une autre classification, entre les contrats, en termes de méthode (cf., infra, n°75).

I. Classifications relatives au caractère obligatoire de l’obligation

33. Tout ce qu’on appelle parfois un peu facilement « obligation » est-il une obligation au sens du Code civil ? C’est une question ancienne qui allie doit et morale, droit et honneur, droit et ordre public qui permet d’écarter un certain nombre d’engagement comme non juridiques.

A – Les obligations naturelles et les obligations civiles

34. Certaines obligations, comme des obligations familiales, de bienséance, morales, de politesse, de religion ne sont pas considérées comme des obligations juridiques (cf. supra, n°4). Ainsi nul n’est juridiquement obligé de donner quelque argent à la quête, à la messe, ou de donner à un indigent. Ce ne sont pas des obligations juridiques car nulle sanction étatique n’impose leur exécution ; elles demeurent dans le cadre de la morale ou de la religion, avec leur propre régime de sanction (remord, réprobation publique…). On est en plein dans ce que Carbonnier appelait le « non droit » (37).

35. La distinction qui rend compte de cette dualité repose sur la distinction entre obligation naturelle qu’on appelle parfois aussi obligation imparfaite, que le Code civil n’évoque pas sinon au détour de l’article 1235, al. 2 du Code civil, et obligation civile. Il peut s’agir d’une obligation de conscience comme la promesse de faire un cadeau ou comme une obligation d’entraide entre parents, qui irait au-delà des obligations alimentaires ou l’engagement pris par un ex-mari de verser une pension qui irait au-delà de ses obligations légales (38). Il peut s’agir d’une obligation dégénérée ou inefficace, comme une dette qui serait prescrite ou un engagement issu d’un acte annulé. L’identification de ces devoirs en obligation naturelle permet de les rapprocher des obligations civiles : ces obligations naturelles ne sont pas obligatoires de sorte que le « créancier » d’une obligation naturelle ne peut pas en exiger l’exécution par une action en justice. En revanche, si le « débiteur » de l’obligation naturelle exécute l’obligation ou même effectue un simple commencement d’exécution, l’obligation naturelle devient une obligation civile. Il en résulte que :

– la répétition de l’indu est impossible : le débiteur ne peut exiger le

37 J. Carbonnier, Flexible droit, « L’hypothèse du non droit », LGDJ. 38 Cf. Civ. 1ère, 9 mai 1988, D. 1989.289, note J. Massip.

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remboursement sur le fondement que l’engagement n’était pas obligatoire ; il l’est devenu.

– Le commencement d’exécution doit être poursuivi, de sorte que le créancier peut alors poursuivre le débiteur, par une action en justice.

– L’obligation civile naît ex nihilo et non par novation comme on l’écrivait traditionnellement. La novation assure la création d’une obligation nouvelle par extinction d’une obligation ancienne. Le mécanisme ne peut s’appliquer aux obligations naturelles puisque les obligations naturelles ne sont pas des obligations et, donc, ne peuvent s’éteindre ; le mécanisme assurant cette « transformation » est la technique de l’engagement unilatéral de volonté : l’obligation civile existe du fait de la volonté du débiteur de s’engager civilement alors qu’il n’était que moralement engagé (39).

B. – Les engagements à portée obligatoire discutée

36. Bien des engagements, pour utiliser un autre terme que celui de contrat, se présentent comme des contrats, font parfois même l’objet d’écrits et, pourtant, leur valeur contractuelle est discutée, comme l’exemple le plus topique que sont les engagements d’honneur, et d’autres encore, assez fréquent : quelle est la valeur juridique d’un document publicitaire, d’un protocole d’accord, d’en engagement moral ou d’honneur, d’une clause indiquant que « cette photographie n’est pas contractuelle » : dans le droit ou hors du droit, contractuel ou pas contractuel, c’est bien là toute la discussion à partir du constat que la tradition civiliste française est profondément centripète, elle a tendance à tout attirer vers le champ du contrat, à la différence de droits étrangers comme le droit anglais où prospèrent les « Gentleman’s agreement » ou autres clauses « subject to contract ». Observons en outre que ces documents s’inscrivent parfois dans la question plus large de la négociation du contrat (cf. infra, n°85 et s.).

37. Gentleman’s agreement. −−−− L’engagement d’honneur est une proposition par laquelle son auteur entend exprimer sa volonté d’assumer un engagement sans pour autant que cet engagement soit pourvu d’effets juridiques : c’est un engagement moral a priori donc non obligatoire en ce sens que sa violation ne serait pas sanctionnée (40). Utilisés dans les relations familiales ou dans les relations d’affaires

39 Cf. Civ., 1ère, 10 oct. 1995, Bull. civ. I, n°352, D. 1997.155, note G. Pignarre. 40 Cf. B. Oppetit, « L’engagement d’honneur », D. 1979. Chron. 107 et Droit et modernité, Puf, 1998, p. 277 ; v. aussi D. Ammar, Essai sur le rôle de l’engagement d’honneur, Th. Paris I, 1990 ; B. Beignier, L’honneur et le droit, LGDJ, 1991, J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001, n°352s, D. Mainguy, « Les opérations du commerce international », in J. Béguin et M. Menjucq, (dir.), Traité de droit du commerce international, Litec, 2005, n°958 s.

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(engagement d’honneur comme les « clauses de retour à meilleure fortune » ou « gentleman’s agreement », « binding in honour only », « honour clause » ou encore « no contractual agreement »), ils identifient une curieuse démonstration de la volonté de faire comme si il y avait un engagement, d’énoncer une intention, mais de ne pas s’engager juridiquement, de rester au seuil du droit, soit par répugnance juridique, soit par manque de confiance, soit que l’engagement ne soit pas recevable juridiquement car illégitime (« l’honneur des voyous ») mais que les parties souhaitent cependant formaliser.

38. Lettres d’intention. −−−− Ce qu’on appelle « lettre d’intention » identifie des engagements, unilatéraux, dans les relations d’affaires, portant sur la négociation d’un contrat, par lequel une partie fait part de son intention d’entrer en négociation et délimite le champ de cette négociation (41). D’autres fois, les lettres dites « lettres de confort », sont des garanties, plus ou moins juridiquement obligatoires, données par une société mère à une banque pour rassurer cette dernière sur la santé financière de sa filiale qui sollicite un crédit. Quel que soit le sens choisi, les lettres d’intention sont très souvent exclues du champ juridique, de façon plus ou moins explicite, par leurs auteurs et, comme pour les engagements d’honneur, sont considérés comme des engagements juridiques

39. Protocoles d’accord et autres accords de principe. −−−− Ces expressions ambiguës sont censées désigner des bribes d’accords, des accords qui n’en seraient pas ou n’en seraient que « par principe » (42). Le droit des contrats ne s’embarrasse guère de ces ambiguïtés : il y a contrat ou il n’y a pas contrat, en fonction de l’existence des éléments de nature à former le contrat de sorte que la plupart des protocoles d’accord sont en réalité des accords, tout court. Les accords de principe connaissent un régime particulier en raison d’une jurisprudence célèbre qui les a identifiés. L’accord de principe peut être défini ainsi : accord obligeant deux parties, l’une envers l’autre, non point à conclure mais à négocier un second contrat dont ledit accord ne précise ni les clauses accessoires ni les clauses essentielles. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de 1958 est suffisamment importante et topique pour être évoquée. Un dénommé Marchal avait été employé jusqu’en 1940 dans les usines Renault et avait demandé après la Libération et quelques hauts faits de résistance, sa réintégration par un courrier auquel il fut répondu « bien que nous désirions vous donner satisfaction, nous avons répondu à votre demande faisant état des titres que vous avez acquis dans la Résistance, que la marche actuelle de nos

41 X. Barré, La lettre d’intention, Economica, 1995. 42 Cf. L. Rozès, « Le projet de contrat », Mélanges L. Boyer, p.639.

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usines et l’organisation de nos services déjà très chargés devant une production encore faible, ne nous permettent pas de vous donner, pour l’instant, une réponse favorable » puis dans un autre courrier, adressé à Rol-Tanguy, héros communiste de la résistance, qui était intervenu « Après un nouvel examen de la question, je puis vous indiquer que nos intentions à l’égard de M. Marchal n’ont pas changé et que, dès que la reprise de l’activité automobile le permettra, nous examinerons à nouveau la possibilité de le réintégrer dans le personnel de la Régie ». Belles paroles ! Mais non suivie d’effet car si une place s’était libérée et la reprise attendue était revenue, M. Marchal ne retrouva point son poste. Le tribunal civil de la Seine avait considéré que les lettres contenaient « l’engagement de réintégrer Marchal » . Cassation car, « en décidant que les lettres susvisées contenaient un engagement ferme de la part de la Régie de réintégrer Marchal et ce dès le premier poste vacant, le jugement attaqué a dénaturé le sans et la porté de leurs clauses claires et précises selon lesquelles la Régie, désireuse de donner satisfaction à la demande de Marchal, examinerait, selon la prospérité et l’évolution de la situation de l’entreprise, la possibilité de le réintégrer, ce qui ne constituait qu’un accord de principe » (43). L’accord de principe est donc un contrat dans lequel un consentement est donné sur le contrat projeté, sur le principe de ce contrat, d’où son appellation. Manquent cependant les éléments essentiels qui permettraient de considérer que le contrat projeté est déjà conclu, chose, prix, mission… Souvent, cette omission est involontaire mais elle peut être tout à fait souhaitée. On ne confondra alors pas l’accord de principe,

43 Cass. Soc. 24 mars 1958, JCP, 1958.II.10868 note J. Carbonnier. V. déjà Req. 16 novembre 1927, D. 1928.1.33, note A. Rouast ; Req. 10 octobre 1931, D.H. 1931.540 à propos de sociétés ayant donné congé à un salarié en lui promettant de le convoquer le mois suivant pour lui proposer un nouvel emploi ; trois mois plus tard, une nouvelle situation était effectivement proposée mais à des conditions très inférieures ; les sociétés furent condamnées pour avoir manqué à leurs engagements, qui était un accord de principe, au sens où il fut ensuite donné par l’arrêt de 1958 (Cf. J.-C. Serna, Le refus de contracter, LGDJ, 1967, n°203 s.). De même, mais postérieurement à 1958, la Cour de cassation a pu déduire de l’attitude d’un médecin qui avait pris contact avec un architecte et les services de l’urbanisme un accord de principe relatif à un contrat de société à conclure entre ce médecin et le propriétaire d’un immeuble pour l’exploitation d’une clinique (Cass. civ.1ère, 8 octobre 1963 : Bull. civ. I, n°419) ou encore, l’engagement pris par le propriétaire d’un immeuble de consentir un bail sous réserve de se mettre d’accord sur les conditions qu’il poserait à la conclusion, constitue lui aussi un accord de principe (Cass. civ. 1ère, 16 avril 1973 : Bull. civ. III, n°287). Pour d’autres exemples, v. Cass. com. 9 juin 1980, Bull. civ. IV, n°251, à propos d’une cession de clientèle ; Cass. civ. 3ème, 27 novembre 1984 : Bull. civ. III, n°200, pour un contrat d’échange, V. aussi Com. 6 octobre 1964, Bull. civ. III p.366 ; Com 28 octobre 1989, D. 1991,62, note J. Schmidt-Szalewski ; Soc. 19 décembre 1989, D. 1991.62, note J. Schmidt-Szalewski; Civ.1ère, 3 juillet 1996, Bull. civ. I, n°287, RTD civ. 1997.659, obs. J. Mestre. V. aussi B. Gross, Pourparlers, J.-Class. Contr. distr., fasc 20, 1988, p.7 et P. Jourdain, Responsabilité précontractuelle, J.-Class. Contr. distr., fasc 35, 1996, p.9.).

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accord définitif avorté, et le contrat de négociation qui a pour but d’encadrer les conditions de la négociation (Cf. infra, n°85 et s.).

40. « Photo non contractuelle », clause « subject to contract ». Il est très fréquent de se heurter à une formule, dans un document, du type, « cette photographie n’est pas contractuelle », « cette information n’a pas de valeur contractuelle » alors qu’ils pourraient comme l’essentiel de ce qui va décider le contractant à conclure le contrat. Le droit anglais généralise la formule avec les clauses « subject to contract » ou « subject to contract and survey » et que l’on peut traduire comme « sujet à la condition de conclusion d’un contrat » ou bien « sous réserve de confirmation ». Si par exemple, un partenaire anglais envisage la conclusion d’un contrat de vente avec un français et que les parties se mettent d’accord sur tout une série de conditions, dont le prix, que l’anglais assortit cependant d’une telle clause « subject to contract », cela signifiera, devant un juge anglais, que l’engagement définitif sur le prix est exclu, ce qui posera quelque difficulté au juge français.

41. Sort de ces engagements : contractuels ou non contractuels ? −−−− Toute l’ambigüité de ces engagements se pose face au caractère profondément juricentriste de droit français des contrats. La tendance du droit français est de considérer ces engagements comme juridiquement obligatoires d’es lors que l’engagement, même expressément considéré comme moral, exprime de manière non équivoque une volonté de s’obliger (44). L’attraction juridique est alors plus importante que les choix des parties, parce que la cohérence contractuelle veut qu’un acte qui ressemble à un contrat, contenant des engagements qui ressemblent à des obligations, soit traité comme un contrat ordinaire contenant des obligations ordinaires, pour refuser, plutôt, que l’on s’engage sans s’engager, à l’inverse du droit anglais qui admettra sans difficulté qu’un engagent du type « A réalisera telle prestation, sur son honneur, sans toutefois que son inexécution puisse être obtenue en justice de quelque façon » soit une abstention of the law. Pourtant, même en droit français, la jurisprudence reconnaît parfois des engagements d’honneur, dans le cas de la « clause de retour à meilleure fortune » (45) par exemple.

44 Cf. Cass. com. 23 janv. 2007, RTD civ. 2007, p. 340, obs. J. Mestre et B. Fages, à propos d’un engagement considéré par les parties comme « exclusivement moral » de ne pas copier les produits commercialisés par le créancier de l’engagement. 45 Cass. civ. 29 avril 1873, DP 1873,1,207. V. aussi Req. 4 juillet 1904, S. 1905.1.37 : « l’engagement d’honneur pris par V. de désintéresser complètement ses créanciers en cas de retour à meilleure fortune, a été l’une des conditions déterminantes de l’acceptation des créanciers, et ne pouvant être séparé des autres clauses du contrat, auxquelles le débiteur a voulu ajouter la garantie de son honneur, il avait le caractère d’une obligation civile », Cass. com. 23 déc. 1963, Bull. civ. IV, n°374.

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C – Les actes de courtoisie et de complaisance

42. Nombre d’actes pourraient être qualifiés d’accord et sont pourtant exclus de cette catégorie car ils ne reposent pas sur l’existence d’une intention de contracter (46). Ainsi, le transport bénévole d’une personne, d’un auto-stoppeur par exemple, ne repose pas sur un contrat de transport de même que l’assistance à autrui n’est pas, en principe, fondée sur un contrat, pas davantage que l’acceptation d’une invitation à dîner, le fait de jurer fidélité à un ami ou l’engagement de rendre un service ne sont, en principe, juridiquement obligatoires : la complaisance, la courtoisie, la politesse ne sont, pas plus que la morale, sur le même plan qu’un engagement de nature juridique. Il n’en résulte pas une absence de droit mais, en présence d’un acte de véritable courtoisie, l’éventuelle responsabilité n’est pas d’ordre contractuel, mais délictuel (47) : c’est d’ailleurs le seul intérêt de cette catégorie discutable : l’identification d’un contrat d’assistance justifie que l’ « assisté » se retourne contre l’ « assistant » via un régime de responsabilité alors contractuelle (48).

II. – Classifications relatives à l'origine de la règle applicable

43. Contrats internes et contrats internationaux. −−−− C’est un lieu commun de considérer que les échanges économiques sont mondialisés, comme les contrats, de telle manière que les contrats internationaux sont sans doute de plus en plus présents dans l’esprit des juristes. Les organisations internationales ou régionales se préoccupent d’ailleurs de plus en plus de cette internationalisation pour proposer des règles particulières aux contrats internationaux. Traditionnellement, cependant la question des contrats internationaux se posait de manière classique : conflit de lois et conflits de juridictions dans le but de soumettre le contrat à un ordre juridique national particulier, substantiel ou processuel, le nationaliser en quelque sorte. Mais la spécificité des contrats internationaux, contrats d’affaires du grand commerce justifie une autre conception pour proposer des règles propres, alternatives aux règles nationales, comme les Principes Unidroit ou les Principes pour un droit européen des contrats par exemple réalisant sans doute la recherche de la mythique Lex mercatoria (Cf. Supra, n°18 s.). Encore convient-il de déterminer un contrat international. Le fruit d’une longue évolution

46 V. A. Viandier, « La complaisance », JCP 1980, I, 2987. 47 Cf. Cass. civ. 2ème, 27 janv. 1993, Bull. civ. I, n°42, RTD civ. 1994, p. 864, obs. P. Jourdain. 48 Cass. civ. 1ère, 17 déc. 1996, Bull. civ. I, n°463, Cass. Civ. 1ère, 16 juill. 1977, Bull. civ. I, n°243 (client qui se blesse alors qu’il aidait bénévolement un entrepreneur).

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doctrinale et jurisprudentielle (49) fait privilégier aujourd’hui un critère dit économique : ce n’est donc pas la nationalité différente des parties qui fait d’un contrat un contrat international mais le fait qu’il présente un élément d’extranéité, c’est-à-dire un lien de rattachement avec au moins deux pays différents et, surtout, le fait qu’il mette en jeu les intérêts du commerce international (50). L’enjeu est alors de déterminer la loi applicable à ce contrat. En principe et en vertu de l’application du principe d’autonomie, ce choix appartient aux parties qui peuvent choisir librement la loi applicable à leur contrat, via une clause de loi applicable ou clause d’electio juris : « la loi applicable à ce contrat est la loi française ». Ce peut être un loi non nationale comme les règles de la Convention de Vienne sur la Vente Internationale de marchandises du 11 avril 1980 (CVIM ou « CISG : Convention on International Sale of goods ») qui proposent des règles uniformes c’est-à-dire matérielles autres que les règles nationales auxquelles elles se substituent et ce, automatiquement, sans qu’il soit besoin d’une clause d’electio juris (plus exactement une clause d’exclusio juris permettrait d’exclure l’application de la CVIM) : en ce sens les règles de la CVIM forment le cœur du droit français de la vente internationale. C’est encore le cas des conventions internationales en matière de transport international. Ce pourrait même être les usages du commerce international, la lex mercatoria, ce qu’un arrêt, l’arrêt Valenciana, avait admis (51). A défaut de choix ou d’application automatique d’une règle quelconque, les règles de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles proposent des techniques de détermination de la loi applicable (art. 4), à partir de trois règles qui s’enchaînent : la loi applicable est celle du pays qui présentent les liens les plus étroits avec le contrat (art. 4.1) et, poursuit l’article 4.2, « il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ». Cette notion de « prestation caractéristique » notion nouvelle pour le droit français permet de localiser objectivement le contrat et ce, en utilisant des éléments intrinsèques du contrat (52). Pour cette raison, la prestation caractéristique n’est pas l’obligation de payer

49 D. Mainguy, « Les opérations du commerce international », in J. Béguin et M. Menjucq (Dir.), Traité de droit du commerce international, Litec, 2005, n°909. 50 Civ. 19 févr. 1930, Mardelé, S. 1931, 1, 1, note Niboyet, Cass. civ. 27 janv. 1931, Dambricourt, Rev. crit. DIP 1931, p. 516. 51 Cass. civ. 1ère, 22 oct. 1991, JDI 1992, p. 176, note B. Goldman, Rev. crit. DIP 1992, p. 112, note B. Oppetit, Rev. arb ; 1992, p. 457, note P. Lagarde) : « en se référant à l’ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jugements des jurisprudences nationales, l’arbitre a statué en droit ainsi qu’il en avait l’obligation conformément à l’acte de mission ». 52 M.-E. Ancel, La prestation caractéristique du contrat, Economica, 2003.

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d’un contrat synallagmatique qui est en effet commune à tous ces contrats. La prestation caractéristique sera donc le plus souvent l’obligation qui est la contrepartie de l’obligation de payer ce qui révèle bien des difficultés pour certains contrats complexes comme les contrats de distribution. Cette présomption est cependant écartée « lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ». Ces règles générales connaissent bien des exceptions, tenant à l’application d’un contrat particulier (le contrat de travail, le contrat de consommation) ou a une autre convention internationale (s’agissant de la vente par exemple). Il faut surtout souligner l’importance de l’ordre public international : « l’application d’une disposition de la loi désignée (…) ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for » (art. 16), d’application assez rare et qu’on ne confondra surtout pas avec des règles d’ordre public interne, et surtout des lois de police (art. 7) notion assez imprécise qui renvoie à des règles nationales « qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat » éventuellement étrangères d’ailleurs. Ce sont des lois nécessaires pour la sauvegarde de l’organisation sociale, politique, économique d’un pays. Les lois impératives d’un Etat, celles qui forment l’ordre public interne ne sont pas nécessairement des lois de police mais peuvent l’être, soit parce que la loi interne dispose expressément qu’elle s’applique à des situations internationales quelle que soit le choix des parties, ou parce qu’elles répondent à cette définition : les règles du droit de la concurrence sont ainsi des règles d’ordre public interne et des lois de Police : si par conséquent un contrat conclu entre un américain et un français désigne le droit du Mexique, ce choix n’exclut cependant pas l’application du droit français de la concurrence ou du droit communautaire qui eux-mêmes, n’excluent évidemment pas l’application du droit américain de la concurrence (ni le droit mexicain en raison du choix de cette loi)… Précisons enfin que les contrats internationaux bénéficient de techniques juridiques propres, liées à la pratique de ces contrats et, surtout, à la pratique de l’arbitrage international particulièrement organisé notamment par la Chambre de commerce international.

44. Contrats administratifs et contrats privés. −−−− Les contrats relevant du droit public, qu’on appelle contrats administratifs se reconnaissent à deux critères, un critère organique, qui suppose la présence d’une personne publique, directement ou indirectement, et un critère matériel, qui suppose que le contrat a pour objet l’exécution ou participe à l’exécution du service public ou bien qu’il contient des clauses exorbitantes du droit commun, c’est-à-dire qui, par nature, ne sauraient être stipulées dans un contrat de droit privé.

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Au-delà de ce caractère, les contrats administratifs sont des contrats comme les autres avec cependant quelques différences sensibles, par exemple la question de la possibilité pour les tiers de demander la nullité d’un contrat administratif, révision du contrat pour changement des circonstances économiques (cf. infra, n°212 s.) ou encore des conditions de la cession d’un contrat public (53). Par ailleurs, les contrats administratifs se signalent par la présence de clauses exorbitantes du droit commun, qui diffère ce faisant des clauses qui pourraient être insérées dans un contrat de droit privé (54).

45. Contrats nommés et innommés. −−−− Un contrat nommé est un contrat portant un nom traditionnel dans la mesure où il fait l'objet d'une réglementation légale particulière. Ainsi en est-il des contrats de vente, échange, louage, dépôt, mandat... traités par le Code civil, mais aussi les contrats identifiés par d’autres sources (comme le contrat de crédit-bail, le contrat de location-gérance). Un contrat innommé ne porte pas de nom traditionnel (cela ne signifie pas qu'il ne soit pas identifié sous une désignation particulière) car il ne fait pas l'objet d'une réglementation légale propre; ainsi en est-il des contrats d'hôtellerie, médical, de déménagement, de spectacle... Ainsi en est-il, surtout, des multiples contrats non susceptibles de se réduire à la simple juxtaposition de modèles (contrat d'usine "clé en main"...) ou imaginés par la pratique pour les besoins d'une opération ponctuelle originale. Cette distinction avait une grande importance dans les systèmes formalistes comme en droit romain. Elle n'a plus cet intérêt dans les systèmes consensualistes où les parties peuvent aussi bien conclure des contrats particuliers envisagés par le législateur que des contrats ignorés de lui. Cette distinction conserve toutefois aujourd’hui une certaine importance pour la désignation des règles applicables à un contrat déterminé. La diversification des règles et des contrats conduit alors, pour savoir quel type de règle appliquer à tel contrat, à une tâche de « qualification », c'est à dire d'identification du contrat à une catégorie de contrats nommés, en vue d'obtenir un « rattachement » de ce contrat à tel ou tel corps de règles, qu’il s’agisse de règles impératives, de règles supplétives, de règles internes, de règles internationales propres à tel ou tel contrat… L’échec du processus conduit à reconnaître l’existence de « contrats sui generis ».

53 Cf. D. Mainguy, « La circulation des contrats d’affaires, bref aperçu comparatif des droits privé et public des contrats », Mélanges M. Guibal, 2006, p. . 54 Par exemple : Clause de résiliation d’office : CE 20 janv. 1980, Rec. Lebon, p. 54 ; Clause instituant un contrôle sur le montant des prestations du locataire, : CE 4 mai 1981, Rec. Lebon, p. 615.

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III - Classifications relatives au contenu des règles applicables

46. Ces classifications se distinguent selon qu'elles concernent les conditions (A) du contrat ou ses effets (B), mais aussi en fonction de la qualité des contractants (C).

A– Classifications relatives aux conditions du contrat

47. Contrat consensuels, solennels, réels. −−−− En principe, les contrats sont formés par le seul échanges des volontés : c’est l’application du principe du consensualisme, qui reconnaître le formalisme pour exception : sont des contrats formels, les contrats solennels (qui nécessitent une formalité particulière pour leur validité, un écrit, une mention obligatoire) et les contrats réels qui supposent la remise de la chose pour la formation du contrat, catégorie en désuétude. Cette distinction est essentielle pour les règles de la formation du contrat.

48. Contrats de « gré à gré » et contrats d’adhésion. −−−− Tous les contrats ne sont pas, loin s’en faut négocier, et ceux qui le sont le sont souvent maigrement. Les actes de la vie courante ne le sont pas du tout ou rarement et même les actes plus extraordinaires, un contrat de bail, un contrat de travail, le sont peu. On distinguera à ce titre les « contrats de gré à gré » librement discutés par les parties (des contrats d’affaires le plus souvent) et les « contrats d'adhésion », principalement identifiés par Saleilles au tournant du XIXème siècle, reproduisant la différence entre le « sur mesure » et le « prêt-à porter » ce dernier étant en outre « à prendre ou à laisser » et traduisant le phénomène de massification des contrats et, notamment, des contrats de consommation, justifiant d’autant l’intervention du législateur. Dans les contrats d'adhésion, l'une seulement des parties adhèrent à un dispositif contractuel élaboré par avance et en dehors de toute négociation. Il y a adhésion « bilatérale » lorsque les parties adhèrent, toutes deux, à un système contractuel établi par le législateur ou une convention collective. Il y a « adhésion unilatérale », beaucoup plus fréquente, quand l'une des parties impose les clauses que l'autre est libre d'accepter ou de refuser. Les contrats d'adhésion correspondent à deux séries de situations. On peut d’abord associer contrat d'adhésion et domination, éventuellement abusive, exercée par un contractant à l'égard d'un autre à qui se trouve imposée la règle du « tout ou rien », le professionnel face ou consommateur, l’employeur face au salarié, le producteur face à un distributeur (et réciproquement)… On peut également associer contrat d'adhésion et normalisation, standardisation, banalisation des mécanismes

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juridiques, qui n'implique pas toujours d'effet de domination. Le législateur interviendra, parfois, à propos des contrats d'adhésion unilatérale pour restaurer l'équilibre de l'opération et assurer la protection de la partie la plus faible comme le démontrent l’ensemble des textes sur la protection des consommateurs ou la Code du travail. Dans ce type de contrat, les tribunaux interprètent les clauses obscures systématiquement en faveur de la partie la plus faible et vont jusqu'à « découvrir » à la charge de la partie en position de force, des obligations auxquelles les parties n'avaient pas songé, comme par exemple l'obligation de sécurité (cf. infra, n°262).

B. – Classifications relatives aux effets des contrats

49. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux. −−−− Cette distinction posée très tôt dans le Code civil (C. civ., art.1102 et 1103) est fondamentale. Le contrat synallagmatique est celui par lequel les contractants sont réciproquement obligés les uns envers les autres, leurs obligations se servent alors mutuellement de contrepartie (55): chaque partie est débitrice et, en retour, chaque partie est aussi créancière. Mais il n'est pas suffisant de dire que les obligations sont réciproques : elles sont également interdépendantes, se servant mutuellement de support et ceci explique l'originalité des effets du contrat synallagmatique par rapport à ceux du contrat unilatéral.. C’est le standard contractuel. A l’inverse, le contrat unilatéral est celui dans lequel une seule des parties s’oblige principalement envers la ou les autres, ces dernières, n’étant tenues à aucune obligation ou, si elles existent, elles ne forment pas la contrepartie de l’engagement du premier. Ainsi le contrat de cautionnement, le contrat de donation sont des contrats unilatéraux. L’intérêt de la distinction tient à ce que l'interdépendance des obligations nées du contrat synallagmatique entraîne un certain nombre de conséquences, inconnues du régime du contrat unilatéral, que l'on envisagera en étudiant les effets particuliers des contrats synallagmatiques (exceptio non adimpleti contractus, résolution judiciaire, régime des risques, etc.), mai aussi sur le terrain de la preuve.

50. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit. −−−− Cette autre grande distinction (C. civ., art. 1105 et 1106), les contrats à titre onéreux, ceux dans lesquels chaque partie recherche un avantage (C. civ., art. 1106) et les contrats à titre gratuit ou de bienfaisance, dans lesquels l'une des deux parties ne recherche aucun avantage (C. civ., art. 1105) (56). Certains contrats sont par nature onéreux (échange, vente...) ou gratuits

55 Cf. A. Sériaux, « La notion de contrat synallagmatique », Mélanges J. Ghestin, LGDJ 2001, p. 777. 56 St. Bénilsi, La gratuité en droit privé, Th. Montpellier, 2006.

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(donation, contrats de bienfaisance ou de services gratuits...). D'autres peuvent être à titre gratuit ou onéreux (mandat gratuit ou salarié, dépôt gratuit ou salarié, prêt gratuit ou salarié). L'intérêt de cette distinction tient par exemple la réglementation très stricte des libéralités dans la mesure où, à la différence des opérations à titre onéreux, elles mettent en péril l'intégrité du patrimoine familial (conditions de forme très rigoureuses des donations, possibilité de rapport à succession ou de réduction post-successorale des libéralités, ...), l'importance de l'intuitus personae dans les libéralités, alors qu'elle est souvent très faible dans les contrats à titre onéreux : l'erreur sur la personne du cocontractant sera très fréquemment un vice de consentement dans les contrats à titre gratuit, rarement dans les contrats à titre onéreux. De même, on admet généralement que la responsabilité d'un cocontractant à titre onéreux est plus lourde que d'un cocontractant à titre gratuit (C.civ., art. 1927 et 1928 C.civ. pour le dépôt et 1992 sur le mandat) ou encore les conditions de l'action paulienne (C. civ., art. 1167 C.civ. et infra, n°512 et s.) sont différentes.

51. Contrats commutatifs et contrats aléatoires. −−−− Cette distinction ne concerne que les contrats à titre onéreux. Le contrat commutatif est celui dans lequel les avantages réciproques que les parties s'échangent sont déterminés au moment de la formation; peu importe à cet égard que l'échange soit strictement équilibré, il suffit que les avantages soient « regardés comme équivalents » (C. civ., art. 1104, al.1). Le contrat aléatoire est celui dans lequel le contenu d'une prestation est incertain parce qu'il consiste « dans la chance de gain ou de perte... d'après un événement incertain » (C. civ., art.1104, al.2). C’est le cas du contrat de jeu mais surtout du contrat d’assurance. L'aléa peut être naturel, c'est le cas dans le contrat d'assurance, dans le contrat de rente viagère ou dans le contrat de généalogiste; il peut être établi par l'effet de la volonté, c'est le cas lorsque les parties décident de contracter à leurs risques et périls, par exemple un acheteur prend le bien dans son état en renonçant à toute action contre le vendeur au cas de défaut caché.

L'intérêt de cette distinction tient à ce que à la différence du contrat commutatif, le contrat aléatoire ne peut être contesté en raison du déséquilibre qui en résulte, on dit que « l'aléa chasse la lésion », sauf lorsque le contrat n'est pas réellement aléatoire : contrat de rente viagère conclu avec une personne atteinte d'une maladie mortelle (C.civ., art.1975).

52. Contrats à exécution instantanée et successive, contrats de courte durée et de longue durée. −−−− Cette distinction n’apparaît pas formellement dans le Code civil, sans doute parce que ses rédacteurs n’y

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avaient pas songés. Le contrat ou obligation à exécution instantanée est celui pour lequel la réalisation de la prestation obligatoire occupe un « instant de raison » (obligation du bailleur de remettre les clés de l'appartement loué, obligation de payer dans la vente, transfert de propriété…). Le contrat ou obligation à exécution successive est celui dans lequel la réalisation de la prestation obligatoire exige une certaine durée. On peut même affiner : certaines obligations sont à exécution continue (la prestation s'accomplit de manière homogène, dans le temps comme l’obligation du bailleur d'assurer au preneur la jouissance de l'appartement loué, une obligation de confidentialité) ; certaines obligations successives sont à exécution discontinue ou échelonnée (où la prestation s'effectue à intervalles plus ou moins réguliers comme l’obligation de payer des loyers, ou un salaire). Au-delà de cette classification traditionnelle, une opposition plus moderne oppose les contrats de courte durée (à exécution instantannée ou à exécution rapide) et les contrats de longue durée. Ceux-ci peuvent être à durée déterminée ou à durée indéterminée, contrats par nature précaires. La durée du contrat importe en effet tout particulièrement : la plupart des effets du contrat se produisent pendant la durée du contrat, mais certains effets s’achèvent avant la fin du contrat, certains naissent pendant, d’autres à la rupture du contrat : la durée d’un effet est indépendante de la durée du contrat. En outre, les effets d’un contrat de longue durée sont modifiés. Ils imposent des exigences, des comportements ou des obligations particulières. Ainsi l’incidence de la bonne foi dans l’exécution y est plus intense, les comportements doivent être plus mesurés, la rupture d’un tel contrat s’apprécie de manière plus attentive, des obligations de collaboration naissent, mais, surtout, la prévision du contrat doit être plus mesurée :la rédaction d’un contrat « sur mesure », sans doute, avec des clauses particulières : clauses de force majeure, clauses de renégociation en cas de changement des circonstances, clauses de rupture, clauses relatives au litige.

C. – Classifications relatives à la qualité des contractants

53. Contrat anonyme et contrat intuitu personae. −−−− La considération de l'auteur de la prestation exigible, pris comme individu confère à l'obligation le caractère d'une obligation intuitu personae. L’ intuitus personae est alors défini comme le lien particulier et renforcé entre les parties au contrat lorsque le contrat, ou l’obligation, a été conclu en considération de la personne du contractant. Plus exactement, il peut s’agir de la personne même du contractant, de sa solvabilité, de ses capacités techniques, intellectuelles… On parle aussi d’intuitus firmae ou d’ intuitus societatis pour évoquer ce même lien entre parties

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contractantes sous forme de société. La difficulté est alors de reconnaître un tel lien intuitu personae. En principe, un contrat est-il conclu intuitu personae ou au contraire les contrats sont-ils par principe anonymes, conclus intuitu pecuniae ? Nous opinons pour la négative à la considération de l’article 1110, al.2 du Code civil qui n’envisage l’annulation d’un contrat pour erreur sur la personne que si le contrat a été conclu en considération de cette personne. Ainsi, la plupart des relations de consommation, de masse sont standardisées, banalisées, anonymes mais peuvent être dotées d’un intuitus personae. A l’inverse nombre de relations d’affaires sont négociées, réfléchies et sont très souvent affectées d’un tel lien intuitus personae.

54. Contrats entre professionnels et contrats de consommation. −−−− La considération de l'auteur du comportement pris comme relevant d'une catégorie particulière de personnes peut également influer sur le régime de l'obligation. Ainsi, selon que le débiteur est un professionnel ou un consommateur, un initié ou un profane, des règles parfois radicalement différentes seront appelées à s'appliquer. C’est le cas du droit de la consommation, du droit pénal (ex : refus de vente, sanctionné pénalement à l’égard d’un consommateur, point à l’égard d’un professionnel...). Le droit de la consommation propose alors une clef de compréhension du droit des obligations à partir d’une considération des rapports juridiques comme des rapports déséquilibrés, en faveur du professionnel – celui qui agit pour ses besoins professionnels – et en défaveur du consommateur – celui qui agit pour ses besoins privés – ; il propose alors tout une série de rééquilibre, par l’intervention législative dont les règles les plus marquantes sont celles encadrant la conclusion des contrats de crédit à la consommation, les crédit immobiliers conclu avec n consommateur, les règles intéressant l’élimination des clauses abusives, celles imposant une faculté de rétractation dans les contrats conclu par démarchage à domicile ou les ventes à distance… C’est alors une façon d’observer les rapports contractuels qui dépasse les seules interventions législatives et que l’on retrouve en jurisprudence et, même, en dehors des strictes frontières du droit de la consommation.

SECTION 2 - THEORIE DU CONTRAT

55. Théorie ou philosophie du droit des contrats? −−−− Il y a une controverse fameuse, en philosophie du droit, pour savoir si la détermination des conditions du droit, des tentatives de réponses aux questions fondamentales sur l’organisation juridique relèvent d’une philosophie ou d’une théorie du droit (57). Les questions ici évoquées ne prennent pas partie sur cette question. La

57 Cf. R. Sève, Philosophie et théorie du droit, Dalloz, 2007.

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théorie du droit dont il y est question traite, simplement sans doute, de quelques questions de philosophie du droit des contrats : pourquoi respectons-nous un contrat, devons-nous le respecter, est-ce naturel ou contraint, pourquoi et dans quelles conditions un contrat peut-il être conclu, quelles sont ses limites, etc. mais également et au-delà de cette explication générale du contrat quelques éléments permettant de fournir des réponses justifiant certains problèmes techniques de droit des contrats. Il s’agit donc de déterminer les principes qui guident le droit des contrats et quelques tentatives d’explication de ceux-ci. Il s’agit, surtout, de présenter les thèmes, thèses, théories qui, d’une part, fondent le caractère obligatoire des contrats et, d’autre part, permettent d’expliquer ses règles, ses évolutions, parfois très techniques (les questions relatives à la circulation du contrat, son extinction, les conditions de l’exécution du contrat et la gestion de son inexécution, la « responsabilité » contractuelle, la rupture du contrat, etc.), …pour autant que cela soit d’ailleurs efficace, ce dont nous ferons ici le pari : le nominalisme d’Occam repris par la philosophie analytique moderne conduit à nier toute idée même de pensée idéelle (même réaliste au sens aristotélicien) : le fait de désigner un contrat ne permet pas d’identifier une Idée universelle de contrat (au sens platonicien). Les fondements théoriques du droit reposent sur le mythe ou la réalité du point de départ du droit moderne des contrats : la thèse de l’autonomie de la volonté, et plus exactement s’agissant du droit des contrats le principe du respect de la parole donnée, qui fonde le principe de base en la matière (I) que des conceptions nouvelles, souvent présentées comme plus modernes viennent compléter (II).

I. – La conception de base, autonomie de la volonté et respect de la

parole donnée

56. De la doctrine de l’autonomie de la volonté et du respect de la parole donnée. – La thèse de l’autonomie de la volonté appliquée au contrat montre, en premier, que la légende tenace de la filiation directe et sans heurts du droit français au droit romain des obligations est plus que douteuse : le droit des obligations est le socle des droits économiques et est donc en relation avec la conception économique du moment et donc avec les idées philosophiques qui les sous-tendent. La théorie du contrat est dominée en droit français, et dans le monde de manière plus générale, par la soit disant doctrine de l'autonomie de la volonté, du grec auto, soi-même, et nomos, loi, règle : auto-nomos, possibilité de ses créer des lois pour soi-même. La traduction en est très simple immédiate et évidente : le contrat est un accord de volontés destiné à produire des effets juridique ; il est fondé sur le respect de la parole donnée.

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Un universitaire, Emile Gounot avait consacré en 1912 une thèse restée célèbre sur ce thème : « Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé », dans le droit fil de la pensée de Kant même si certains auteurs doutent fortement aujourd’hui que la théorie kantienne de l’autonomie de la volonté soit à l’origine du Code civil (58) et ce, à la suite des travaux des internationalistes qui avaient développé cette conception pour la détermination de la loi applicable à un contrat international. Peu importe, si Kant a effectivement proposé ses thèses après l’avènement du Code civil, il a révélé et généralisé des mécanismes, une façon de présenter et mettre en ordre la liberté initiale des individus organisés au sein d’une société juste, liberté qu’il a sublimée, mais très, très loin du droit des contrats. Nous dirons alors doctrine de l’autonomie de la volonté, ici, pour doctrine juridique de l’autonomie de la volonté, c’est-à-dire, plus spécifiquement, le respect de la parole donnée. Les philosophes du XVIIIème considéraient que le contrat était l’une des grandes manifestations de la liberté parce qu’il était l’émanation de la volonté et, donc, de la raison. Ils proposaient cependant une réflexion essentiellement politique, d’organisation de la cité, fondant un lien, de nature volontaire, entre un individu et un groupe, la nation, l’état, ou bien entre les individus eux-mêmes. C’est donc une petite et finalement assez dérisoire déclinaison de cette logique que l’on retrouve en droit privé des contrats : on peut se rendre débiteur et créancier, grâce à sa volonté, parce qu’on y a consenti : le débiteur doit payer sa dette parce qu’il l’a bien voulu, parce qu’il a bien voulu se soumettre au pouvoir de contrainte du créancier : la toute puissance contractuelle. Le contrat assure alors la justice et l’efficacité économique, en ce qu’il permet la meilleure allocation des richesses, selon la logique libérale (d’où les théories extrêmes, reposant sur le contrat, telle celle du contrat social de Rousseau ou de Locke, ou le pacte citoyen moderne…), même si celles-ci, comme Platon ou Aristore bien avant, mettaient en scène davantage une cité idéale, ressortissant donc bien plus au droit constitutionnel ou au droit public, qu’au droit privé : le contrat social de Rousseau ne doit pas être observé au sens où nous l’entendons ici, de telle manière que la déclinaison de la doctrine de l’autonomie de la volonté au contrat est, pour le moins, rapide ; elle illustre surtout un culte de l’individualisme et le rejet d’un « bien collectif » apparenté au droit de source divine jeté à bas par le rationnalisme des Lumières. Les logiques politiques sont bien connues : « tout ce qui est contractuel est juste » selon le mot du philosophe libéral Fouillée à la fin du XIXème siècle et Loisel écrivait également: « On lie les bœufs par les cornes et les

58 V. aujourd’hui : V. Ranouil, L’autonomie de la volonté : naissance et évolution d’un concept, Trav. univ. Paris II) 1980, D. Terré-Fornacciari, « L’autonomie de la volonté » Rev. sc. morales et pol. 1995.255 ; E. Putman, « Kant et la théorie du contrat », RRJ, 1996, p. 685.

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hommes par les paroles et autant vaut une simple promesse ou convenance que les stipulations du Droit romain ». Mais, « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère » ajoutait cependant Lacordaire, comme prémisses à l’interventionnisme juridique du XXème siècle. La « doctrine de l'autonomie de la volonté » repose sur plusieurs postulats fondamentaux, directement projetés des préceptes de base de la philosophie individualiste : « Tous les contractants sont égaux entre eux » parce que l'homme, sujet de l'activité juridique, est considéré comme un personnage abstrait, un homo juridicus. Montrant bien les idées de l'époque, le philosophe libéral Fouillée écrivait dans L'idée moderne du droit: « La philosophie du XVIIIème siècle tendit à faire descendre le principe divin dans l'homme, considéré comme divin en lui-même et par lui-même » : idéalisme inverse de celui de Platon, donc. Deux idées (Idées, au sens platonicien d’ailleurs) découlaient de ce point de départ. En premier, une conception abstraite des relations sociales, fondée sur l'idée de pleine égalité des individus : tout individu est un souverain et les souverains sont, par définition, égaux entre eux. Il suit que toute obligation ne peut reposer que sur la volonté de l'obligé et que cette volonté de l'obligé souverain est une volonté indépendante et libre. Au plan politique cela donne, en suivant les pas de John Locke : « Puisque aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable et puisque la force ne produit aucun droit, restent les conventions pour base de toute autorité parmi les hommes ». Ensuite, une conception optimiste des relations sociales. Présentant le résultat de ces relations, Rousseau écrivait que « le souverain par cela seul qu'il est, est toujours ce qu'il doit être ». Il en découle une croyance en l'automatisme des agencements optimaux découlant de cette conception abstraite et optimiste des relations interindividuelles, le libéralisme traditionnel se développe à partir de l'idée que l'accord optimal est obtenu par la confrontation de volontés d'égales puissances en toute liberté, en dehors, surtout, de toute intervention du groupe, de l'organisation collective. Au plan économique, cela donne les thèses du libéralisme économique, fondées sur l'ajustement automatique de l'offre et de la demande, hostiles à toute intervention des pouvoirs publics dans les relations économiques : « laisser faire, laisser passer... », laisser contracter : la « main invisible » d'Adam Smith ici contractualisée. L’ensemble fonde un système juridique composé d’institutions considérées comme justes, mais tout cela est très éloigné des principes fondant le droit des contrats. Définitivement, ce que les juristes nomment « doctrine juridique de l’autonomie de la volonté » synthétise un concept très simple qui peut se rattacher au positivisme, à la sociologie, à un certain idéalisme, et de ce point de vue peut sembler un dénominateur commun : le respect de la parole donnée, pacta sunt servanda.

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57. Exposé du principe du respect de la parole donnée. −−−− La doctrine de l'autonomie de la volonté appliquée au contrat repose sur trois postulats fondamentaux, directement projetés des préceptes de base de la philosophie individualiste. 1 – « Tous les contractants sont égaux entre eux » : l'homme, sujet de l'activité juridique, est considéré, en effet, comme un personnage abstrait, un homo juridicus : tous ces êtres abstraits sont égaux entre eux. La conception classique du contrat est celle d'une opération dans laquelle deux personnes d'identiques situations juridiques et de puissances économiques égales exposent en un libre débat leurs prétentions opposées, se font des concessions réciproques et finissent par conclure un accord dont elles ont pesé tous les termes et qui est bien véritablement l'expression de leur commune volonté. 2 – « Tout ce qui est contractuel est juste ». Le philosophe libéral Fouillée affirme cette idée à la fin du XIXème siècle dans son ouvrage « L'idée moderne de droit ». Décliné cela conduit à admettre toutes les logiques contractuelles et les considérer comme juste, le contrat de travail, le contrat en entreprises, etc. 3. – « Entre individus égaux, le juste accord est automatiquement obtenu ». Le débat contractuel doit, donc, être libéré de toute intervention des organes sociaux tant au moment de leur formation qu'à celui de leur exécution. La « doctrine de l'autonomie de la volonté » s'exprime juridiquement par le principe général suivant : « Toute obligation contractuelle repose essentiellement sur la rencontre des volontés des parties contractantes ». Elle emporte alors de nombreuses conséquences juridiques : la volonté apparaît comme la source et la mesure de toute obligation. C'est dire qu'elle assure un rôle fondamental dans les conditions et les effets du contrat, tenu pour le mode, de principe, d’établissement de toutes les relations sociales (mariage-contrat, testament-contrat...).

58. Conséquences du principe du respect de la parole donnée. −−−− Ces conséquences sont multiples et essentielles. 1 – Le principe de la liberté contractuelle. Ce principe est essentiel et fondateur du droit des obligations et des contrats, quoique bien antérieur à la doctrine de l’autonomie de la volonté. Pacta sunt servanda, la règle s’établit au XIIIème siècle sous l’autorité de l’Eglise, contre la logique romaine puis romaniste des pactes vêtus (59) : parce que les actions des hommes sont soumises à la volonté de Dieu, l’action de contracter, la promesse engage en tant que telle et la formule sera ensuite généralisée par bien des coutumes puis par le Code civil. Ce principe si fondamental a plusieurs traductions et conséquences. La liberté de contracter permet

59 Cf. E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé, Histoire du droit des obligations, op. cit., p. 123 s.

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de choisir de contracter ou ne pas contracter : nul n’est obligé de contracter et on peut toujours refuser de contracter. Le principe fonde également la liberté de choix de son contractant : la règle découle du postulat précédent, pouvoir renoncer à contracter implique de pouvoir choisir son contractant. Il fonde enfin le principe de la liberté du choix du contenu du contrat : c’est le principe de la libre négociabilité des contrats et de la supplétivité des règles en la matière. Certes le Code civil, les usages, les pratiques contractuelles font que des types de contrats sont proposés (Cf. C. civ., art. 1582 s. pour la vente) mais on peut toujours proposer une clause par ci ou par là , choisir tel autre formule contractuelle. Toute la richesse du droit des contrats et toute l’ingénierie juridique en matière contractuelle reposent entièrement sur ce dernier postulat : il est le fondement de la richesse du droit des contrats, essentiellement des contrats commerciaux et internationaux, de la technique contractuelle (60). C’est le principal enseignement à retenir : le contrat est une règle du jeu établie par les parties et par elles seules. L’intervention de la règle juridique impérative, d’ordre public, est exceptionnelle même si elle apparaît de plus en plus fréquente. 2 – Le principe du consensualisme. D'après ce principe, corollaire du précédent dans la logique philosophique du XVIIIème siècle, la conclusion du contrat consiste purement et simplement dans l'échange des consentements des parties, dans l'accord de leurs volontés. Dès lors, point n’est besoin de rechercher un formalisme quelconque, une forme extériorisant la volonté exprimée par les parties : les contrats ne sont pas, sauf exception, des contrats solennels. Au demeurant, cette libéralisation avait déjà été réalisée par les canonistes qui avaient transporté la règle d'après laquelle on doit tenir la parole donnée, du plan moral (« servanda est fides ») au plan juridique (« pacta sunt servanda »); c'est le sens de « s'obligent » dans l'article 1101 du Code civil. 3 – Le principe de la force obligatoire du contrat, posé par l'article 1134, al. 1er du Code civil dont l’importance justifie son rappel : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Si les parties ne sont pas obligées de contracter, en revanche, l’expression de leur volonté les oblige, c’est-à-dire qu’elles doivent respecter leurs engagements. C’est là un autre principe de droit naturel et de droit positif : une partie à un contrat ne peut donc se délier seules de son engagement, sous quelque prétexte que ce soit, qu’elle n’avait pas saisi la portée de son engagement, qu’elle n’avait mesurer la longueur de cet engagement, son coût, etc. Ce que les parties ont fait, seules les

60 Cf. P. et J.-M. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, éd. F. Lefebvre, 3ème éd. 2004 ; J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, Technique contractuelle : l’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001 ; M.-E. André, M.-P. Dumont et P. Grignon, L’après contrat, Ed. F. Lefebvre, 2003.

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parties, ensemble, peuvent le défaire (C. civ., art. 1134, al. 2). 4 – Le principe de l’effet relatif du contrat, posé par l’article 1165 du Code civil, dont il résulte que le contrat n’a d’effet qu’entre ceux qui y ont consenti, et point à l’égard des autres, des tiers.

59. Réception du principe du respect de la parole donnée par le Code civil. −−−− A s’en tenir à une lecture rapide des textes du Code civil, ce dernier paraît avoir intégré sans réserve la doctrine de l’autonomie de la volonté : les articles 1134 et 1135, 1165, 1156 et suivants semblent en effet décliner ses préceptes. A y regarder de plus près, cependant, les rédacteurs du Code civil se sont montrés plus prudents qu’il n’y semble. C’est ainsi que l’article 1134, al. 1er ne confère pas la primauté à la volonté : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, de sorte que la volonté n’est productive d’obligation que pour autant que la loi l’autorise. Le contrat n’est donc pas obligatoire par les seules vertus de la rencontre des volontés qui le forme, mais par l’effet de la norme : la force obligatoire naît donc de la loi, du droit, qui lui accorde suffisamment de valeur pour quelle résulte, en principe, de la volonté. Par ailleurs, le Code civil a envisagé tout une série de garde-fous : la théorie des vices du consentement (C. civ., art. 1109 et s.), de l’objet ou de la cause pour « désabstraire » le consentement et les volontés qui le forment et assurer un contrôle de la conformité à l’ordre public, et peut-être surtout, l’application de la bonne foi dans les contrats, posées par l’article 1134, al. 3 du Code civil, pourtant très récemment exhumé. D’ailleurs, comment pourrait-on concilier, à défaut, les deux affirmations traditionnelles en matière de droit des obligations : le droit des obligations doit tout entier au droit romain, qui ignore l’autonomie de la volonté et le droit des obligations repose sur l’autonomie de la volonté ? Le Code civil a, en réalité, réussi une synthèse de toutes ces influences.

60. Critiques et atteintes à la doctrine de l'autonomie de la volonté. −−−− La philosophie individualiste du XVIIIème siècle a été contestée sur le fondement des évolutions résultant de la conscience de contraintes sociales, économiques (l’avènement de la société de consommation), financières, etc., tout aussi importante que la liberté. Les concepts fondamentaux sur lesquels elle avait été construite se sont révélés à certains égards inexacts et insuffisants. A l'homme abstrait, défini par le seul raisonnement ou la pure imagination, au Robinson, à l'homo economicus, à l'homo juridicus des XVIII et XIXèmes siècles, se substitue la vision d'un homme réel, dans un contexte social, économique, familial. L'optimisme des XVIII et XIXèmes siècles se nuance. Malgré l'intrusion récente de schémas philosophiques propres à convaincre de l'aggravation de notre condition humaine (la fin de

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l’histoire, la condition humaine face aux neuro-sciences, la question de la destruction potentielle de notre milieu naturel, etc.), la mentalité collective reste marquée par la croyance en un monde terrestre meilleur, la croyance en un progrès sans fin (à tous les sens du terme, d’ailleurs). Toutefois, un doute s’installe sur l'automatisme des ajustements optimaux. La faveur pour un certain interventionnisme succède à la révérence des automatismes naturels (61). Au plan économique, on ne croit plus à l'automatisme parfait des équilibres économiques et le schéma concurrentiel pur apparaît comme une représentation idéale, sans lien direct avec la réalité. L'interventionnisme pesant de l'Etat et ses résultats éloquents liés au totalitarisme comuniste ont certes provoqué un retour au libéralisme, mais à un libéralisme réaliste fort éloigné du « laissez-faire, laissez-passer ». Le clivage passe entre libéraux qui, fidèles à une certaine filiation rousseauiste, considèrent que la liberté dépend des individus de sorte que l’ordre juridique est par nature spontanné, et ceux qui considèrent que l’Etat est le garant des libertés publiques : il les construit, les proclame et les met en œuvre, par l’intervention des lois, elles-mêmes constitutionnellement contrôlées, et des juges : le système français repose tout entier sur cette logique. L'interventionnisme judiciaire repris par le législateur s'accentue alors, dans certains domaines, comme en droit social, en droit de la consommation, en droit de la concurrence.

61. Formulation des atteintes au principe du respect de la parole donnée. – Les postulats sur lesquels était construite la « doctrine de l'autonomie de la volonté » se sont affaissés sous des considérations bien connues : le droit du travail nie la liberté contractuelle plus qu’il la valorise, les contrats de masse révèlent l’inégalité économique entre les parties, et les dangers liés à certains produits, les nouvelles technologies, des machines à l’ordinateur, montrent les gouffres d’ignorance de certains contractants, etc. 1 – « Tous les contractants ne sont pas égaux ». L'égalité est plus un objectif à atteindre qu'un point de départ. L’égalité formelle est pondérée par l’inégalité réelle au regard de la force physique, de la sécurité, de l'intelligence et encore moins au regard de l'argent, du pouvoir social... Affirmer un postulat d'égalité abstraite est le meilleur moyen de maintenir les inégalités effectives. Le développement économique a maintenu des inégalités économiques, sociales, culturelles relevant de l’état des choses, entre les hommes. Le plus souvent, il n'y a pas d'égalité au sens juridique dans le contrat de travail entre l'employeur et l'employé, contrat de bail entre le bailleur et le locataire, contrat de vente entre le commerçant et le consommateur... 2 – « Tout ce qui est contractuel n'est pas juste ». La supériorité de l'une

61 Comp. Cependant, F. Hayeck, Droit, législation, liberté, Puf, Quadrige.

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des parties entraîne fréquemment un déséquilibre au détriment de la partie en état de dépendance. 3 – « Entre individus inégaux, le juste accord n'est pas automatiquement obtenu ». Selon la formule bien connue, « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime, la loi qui libère ». Le législateur doit intervenir pour rétablir l'équilibre. Il le fait dans le contrat de travail, dans les divers contrats de bail, dans les contrats de consommation, etc. Mais au-delà de ces critiques en règle de la théorie et du fondement philosophique, c’est surtout l’omission d’un acteur juridique de premier plan qui fait défaut : l’Etat et son corollaire, l’ordre public. Il existe tout une série d’interdits, sociaux moraux, familiaux, économiques que même le contrat ne saurait transgresser. Le XXème siècle a ainsi illustré l’avènement de l’ordre public économique et social qui constat la transformation des rapports contractuels de débiteur à créancier en rapport de professionnel à consommateur, d’employeur à salarié…

62. Conséquences des atteintes au principe du respect de la parole donnée. −−−− Celles-ci sont aujourd’hui très nombreuses, tellement d’ailleurs que si le principe de l’autonomie de la volonté demeure, il s’efface ou plutôt s’affaisse devant d’autres considérations. C’est un lieu commun de constater Le développement de l’ordre public et, corrélativement, l’affaiblissement de la supplétivité du droit des obligations. 1 – De même peut-on constater l’affaiblissement de la liberté contractuelle sous la forme d’obligations de contracter, ce qu’on appelle les « contrats imposés » ou les contrats forcés » parfois de façon inversée, par exemple par la prohibition du refus de contracter, ou bien par l’imposition du contenu du contrat, soit lorsque la loi ou le juge interdisent telle ou telle clause, comme en matière de clauses abusives (C. consom. art. L.132-1), soit lorsqu’ils imposent telle ou telle autre clause comme en témoigne l’essor des obligations de renseignement ou de sécurité, voire par l’interdiction parfois de contracter. De même le libre choix du contractant ne peut désormais contraindre les logiques de la prohibition des discriminations. 2 – L’atteinte au principe du consensualisme s’exprime à partir du moment où l’on constate que le formalisme favorise la réflexion, l’information du contractant réputé plus faible. 3 – L’atteinte à la force obligatoire du contrat résulte d’une double préoccupation de moralisation et d'équilibre du contrat, en faisant appel à des notions floues comme celle de fraude (« fraus omnia corrumpit »), de la dépendance économique, de la police des vices du consentement, de la cause, de l'abus de droit, de la bonne foi... 4 – L’atteinte à l'effet relatif du contrat résulte de situations où la convention fait naître un droit à la charge ou au profit d’un tiers par les

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techniques déjà envisagées des actions directes ou de l’indivisibilité.

63. Un principe essentiel, mais incomplet. – Faut-il, alors, rejeter la « doctrine de l’autonomie de la volonté » ? Certainement pas, pour autant que l’on admette que le principe premier repose moins sur l’Idée de l’autonomie de la volonté, que sur celui du respect de la parole donnée, fondement essentiel, premier, logique, qui fonde les principes du droit des contrats. Si on admet que l’Etat garantit le respect du principe de la liberté contractuelle et de ses corollaires, l’existence de limites imposées par d’autres principes ne nie pas le principe ni celui du respct de la parole donnée. La loi, qu’elle propose la liberté contractuelle demeure de même nature que la loi qui fonde des limites particulières, liées à l’application de telle règle d’ordre public, souvent dans les domaines économiques ou sociaux, ou des limites générales, liées à la corrélation entre le principe de liberté contractuelle et un autre principe de force au moins égale, comme ceux issus des droits fondamentaux. En toute hypothèse, le respect de la parole donnée fonde la force obligatoire du contrat, en tant que principe fondateur mais aussi en tant que méthode : la loi contractuelle s’impose, en toutes circonstances, comme fondement de la stabilité et de la sécurité des échanges entre patrimoines, le fondement est donc autant économique que moral. Cependant cette justification est incomplète : que faire lorsque le contrat propose une règle manifestement exagérée ou, au contraire lorsqu’il ne prévoit pas une règle qui semble s’imposer d’elle-même ? Le respect de la parole donnée imposerait d’appliquer le contrat, même imparfait. A moins qu’on identifie, soit de nouvelles conceptions appelées à remplacer ce fondement, soit, ce qui paraît plus raisonnable, que de nouvelles logiques viennent au renfort de la compréhension du caractère obligatoire du contrat, de son fonctionnement.

II. – Les renforts : justice, utilité, équilibre du contrat

64. Nécessité de renforts conceptuels. Le principe du respect de la parole donnée explique essentiellement les grands principes du droit des contrats mais fige le contrat comme une photographie, sans tenir compte du temps, par exemple, du mouvement donc, qui fait qu’un contrat conclu à un moment donné est le même contrat qu’à un autre moment et est en même temps différent : les circonstances ont pu changer, des exécutions se sont produites, les intérêts des uns et des autres ont pu varier, des clauses ou des effets peuvent apparaître comme défaillants, d’autres pourraient s’imposer, etc. Le respect de la parole donnée est-il alors suffisant ? Il l’est sans doute pour des contrats à exécution rapide, entre contractants rares, pareillement informés et surs de leurs choix, comme dans les ventes, modèle ayant servi au Code civil, mais on peut

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en fortement en douter pour des contrats plus complexes et surtout, en tenant compte de l’incertitude dans laquelle les parties ont contracté. Des renforts s’imposent alors, pour compléter le principe du respect de la parole donnée. Nous observerons, alors, qu’une explication traditionnelle du Code civil, du droit civil et du droit en général, repose sur une analyse morale de celui-ci, en termes de justice, d’équité, d’équilibre (62). Cette logique illustre presque toutes les tentatives de renouvellement de la compréhension du droit moderne des contrats. Insuffisante cependant, elle peut elle-même être complétée d’analyses plus économiques que morales.

65. L’utile et le juste. −−−− On doit au professeur Jacques Ghestin un article resté célèbre, l’utile et le juste dans les contrats (63) proposant d’adopter ces deux considérations, l’utile et le juste, combinés ensemble : le contrat est obligatoire parce qu’il est utile, l’utilité se référant à des questions de capacité, de pouvoir ou d’ordre public mais écartant de manière surprenante « les excès d’une conception trop économique » et le contrat est obligatoire parce qu’il est juste, la justice référant à une conception platonicienne et aristotélicienne de la justice, la justice distributive (à chacun selon son dû) et la justice commutative ou correctrice, réparant les inégalités (il convient de traiter inégalement des situations inégales et dont la « discrimination positive » est l’une des récente illustration), laquelle jouerait le rôle le plus caractéristique dans les contrats. Si la tentative de dépassement de la doctrine de l’autonomie de la volonté était en ce sens souhaitable, elle demeure cependant intégralement fondée sur les mêmes logiques, celle d’une conception morale du contrat, comme d’ailleurs toute la philosophie du droit en France : qu’elle soit fondée sur une morale ou qu’elle cherche à s’en détacher, la morale n’en demeure pas moins le point focal. Simplement, l’utile jouerait un rôle de direction et la justice de protection, dans la logique de l’ordre public économique (Cf. infra, n°147). Or, et pour autant que le concept de « justice » puisse être identifié et appliqué de manière opérationnelle par les juges sans renvoyer à une considération vague ou personnelle du Juste, de l’Equité ou du Bien, voire ramené dans une considération positiviste et kelsénienne à une simple contemplation de la loi, expression de la justice, le Juste est fondamentalement différent de l’Utile. Si on admet, avec les continuateurs de la pensée de Bentham, que les logiques d’utilité, l’utilitarisme, renvoient à des logiques économiques qui, elles-mêmes, ont pour logique d’assurer le bien-être d’hommes rationnels dans leur

62 Cf. la bilbliographie in : C. Albigès, De l’équité en droit privé, LGDJ, 2000 ; G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., LGDJ, 1949. 63 J. Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, Chr. p. 1, et Traité de droit civil, le contrat, formation, n°175 s.

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choix, on peut alors présenter une manière alternative ou plus exactement complémentaire de présentation des fondements du contrat, ce que proposent, par exemple, l’analyse économique du droit (cf. infra, n°69 s.). L’utilitarisme de Jeremy Bentham ou de John Suart Mill n’est ni triste ni froid ni venimeux : ils proposent simplement de considérer que le bien être consiste à maximiser les plaisirs et minimiser les peines, par la maximisation des satisfactions, peu important la répartition de celles-ci, exactement comme une personne rationnelle cherche à maximiser ses satisfactions, ce qui peut se concevoir avec une logique de justice sociale. On peut décliner longtemps, ainsi, les philosophes et appliquer leurs pensées au droit ou au contrat, pour finir par un constat partagé en général et qui reflète, très schématiquement, l’opposition entre l’idéalisme de Platon et le réalisme d’Aristote, entre le sacrifice de l’individu au profit de la collectivité ou celui du collectif au profit de l’individu, ou bien encore entre l’idéologie dogmatique et l’empirisme : la voix est sans doute entre les deux, l’utile et le juste au sens de la théorie de la justice de John Rawls par exemple, point de grands jugements généraux, mais des sommes d’arbitrages particuliers selon les circonstances, sur la base d’institutions considérées comme justes par des personnes rationnelles. Là est la place de la justice et de l’utile, selon les cas. Pourtant ce point médian n’est pas systématiquement recherché en droit français, qui force le trait de l’analyse morale par exemple à travers la notion de solidarisme contractuel.

66. Solidarisme contractuel. −−−− La conception du contrat a changé parce que la réalité contractuelle a elle-même changé. D’un monde contractuel où les contrats sont rares, individualisés et réfléchis et dans lequel la doctrine de l’autonomie de la volonté prend tout son sens, on est passé à un autre monde, un nouveau monde contractuel, celui de notre société contractuelle de masse, qui justifie sans doute un nouvel ordre contractuel (64) où les contrats sont abondants, anonymes et immédiats, différentiés parce que les contrats les plus simples côtoient les plus sophistiqués : qui imaginerait qu’une banale vente de médicament en pharmacie met en place, afin d’instaurer la logique de gratuité de cette vente, et afin que la Caisse de sécurité sociale de l’acheteur ou sa mutuelle paie directement le pharmacien, une technique très complexe de subrogation ? Qui imaginerait que l’on a toujours les plus grandes difficultés à expliquer juridiquement la technique, d’une banalité écrasante, de la vente en libre service, de la vente de journaux, de la question des consignes de bouteilles de gaz ? Plus exactement, deux systèmes coexistent : le premier correspond grosso modo aux contrats du grand commerce, fondés sur des contrats de longue durée, d’importance économique majeure pour les parties et sans doute pour la société, alors que le second

64 Cf. D. Mazeaud, « Le nouvel ordre contractuel », RDC 2003, p. 285.

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reflète l’ordinaire contractuel, fondé sur la masse des contrats, la société juridique de consommation. Cette distinction est majeure, elle oppose de nouvelles classifications, celles des contrats d’occasion et les contrats de situation, les contrats transactionnels et les contrats relationnels, le « contrat organisation » et le « contrat échange », de nouveaux enjeux et questions, de nouvelles analyses et approches, une nouvelle méthode d’approche des contrats et du droit des contrats, donc (Cf. infra, n°75). Une nouvelle approche du contrat appelle alors, à moins que ce ne soit l’inverse, une nouvelle conception du contrat. Traditionnellement, les règles du droit du contrat sont fondés sur une approche morale, impliquant l’idée de justice (65) laquelle mêle diverses idées, comme celle de justice voire de solidarité contractuelle, de bonne foi, d’équilibre dans le contrat, d’équité parfois. Elle repose sur le constat que la volonté s’exprime souvent unilatéralement, une seules des parties, la partie dominante, exprime sa volonté. Deux réactions sont alors constatées. En premier, l’intervention de la loi pour rééquilibrer un contrat supposé déséquilibré (droit social, droit de la consommation…), avec tout ce que cette description suppose, politiquement et économiquement. En second, l’intervention du juge dans le contrat, pour les mêmes raisons, chaque fois que le législateur n’intervient pas, intervention plus contestée : ne revivra-t-on pas l’arbitraire du juge ? Cette dernière passe par exemple par l’activation de la bonne foi dans le contrat, à travers l’article 1134, al. 3 du Code civil, qui dispose que les conventions « s’exécutent de bonne foi ». Petite formule, grands effets. Petite formule demeurée inconnue, sinon par quelques auteurs, dont le plus célèbre est René Demogue (66), qui fut redécouverte à la fin des années 1980. Ce n’est pas que la bonne foi était véritablement inconnue du droit civil (possession de bonne foi par exemple) ni même du droit des contrats, dans la garantie des vices cachés, ou bien pour identifier un mandat apparent, ou encore à l’occasion de la négociation d’un contrat. Mais, sauf pour l’hypothèse de la négociation du contrat, il s’agissait d’une bonne foi subjective le fait d’être de bonne foi ou de mauvaise foi. En revanche, la bonne foi dont il est nouvellement question est une bonne foi objective, correspondant à un standard de comportement : le fait d’agir de bonne ou de mauvaise foi. Il s’agit alors, souvent sous couvert d’interprétation du contrat, tantôt de

65 Cf. J. Ghestin, « Le juste et l’utile dans les contrats », D. 1982, Chron., p. 1. 66 R. Demogue, Traité des obligations en général, t.6, 1932, p. 3. Sa formule a fait florès : « les contractants forment une sorte de microcosme. C’est une petite société où chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacun, absolument comme la société civile ou commerciale. Alors l’opposition entre le droit du créancier et l’intérêt du débiteur tend à se substituer à une certaine union ».

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rééquilibrer le contrat, tantôt de donner pleine efficacité au contrat. Cette conception passe surtout par la considération du solidarisme contractuel (67) qui, pour la résumer (et cf. infra, n°204 s.), impose une logique de coopération dans le contrat : « le solidarisme contractuel consiste en une exigence de civisme, qui se traduit, pour chaque contractant, par la prise en considération des intérêts légitimes de son cocontractant et qui repose sur les idées d'altruisme, de décence, de cohérence et de coopération. Ce devoir imposé aux contractants d'exercer les droits et les pouvoirs que leur confèrent la loi ou le contrat dans le respect de l'intérêt légitime d'autrui a, essentiellement, vocation à se déployer dans les relations contractuelles de dépendance, qui sont marquées par une inégalité des parties lors de leur formation et de leur exécution, ainsi que le révèle le pouvoir accordé au contractant dominant de fixer unilatéralement le contenu du contrat, qui s'inscrivent dans la durée, qui se caractérisent souvent par une communauté de clientèle et qui se cristallisent dans une clause d'exclusivité. Même si le bras armé du solidarisme contractuel est le juge, il n'en résulte pas inéluctablement une instabilité contractuelle fatale ; simplement, se dessine un droit plus flexible, moins désincarné, un droit social des contrats dans lequel les profits de l'un ne doivent pas s'accumuler au mépris de la survie économique de l'autre » (68). Défendue par D. Mazeaud (69) et Ch. Jamin (70) notamment, cette doctrine (71) radicalement nouvelle fonde bien des évolutions de notre droit des contrats par l’invention d’obligations nouvelles, considérées comme essentielles, sous le couvert de l’article 1134, al. 3 ou l’article 1135 du Code civil, en réalité, en raison d’une nouvelle conception du contrat et de ses fondements : le

67 L. Grynbaum et et M. Nicod (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, 2004 ; A.-S. Courdier-Cuisinier, Le solidarisme contractuel, Litec, 2006. 68 D. Mazeaud, note sous Cass. com. 15 janv. 2002, D. 2002, p.2841. 69 D. Mazeaud, « le nouvel ordre contractuel », art. cit. ; « La nouvelle devise contractuelle : loyauté, solidarité, fraternité », Mélanges F. Terré, 1999, p. 603, « Solidarisme contractuel et réalisation du contrat », in , in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p.57, « Le juge et le contrat, variations optimistes sur un couple illégitime », Mélanges J.-L. Aubert, 2005, p.235, « La politique contractuelle de la cour de cassation », Mélanges Ph. Jestaz, 200-, p. 371.. 70 C. Jamin, « Révision et intangibilité, ou la double philosophie de l'art. 1134 c. civ »., in Que reste-t-il de l'intangibilité du contrat ?, Dr. et patrimoine mars 1998, p. 46 ; « Henri Capitant et René Demogue : notation sur l’actualité d’un dialogue doctrinal », Mélanges F. Terré, 1999, p. 125, « Plaidoyer pour le solidarisme contractuel », Mélanges Ghestin, 2001, p. 442 ; « Une brève histoire politique des interprétations de l'art. 1134 c. civ. », D. 2002, Chron. p. 901, « Quelle nouvelle crise du contrat », in La nouvelle crise du contrat, 2003, p. 7, « Le procès du solidarisme contractuel, brève réplique », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p.160. 71 C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997, p. 357, A.-S. Courdier-Cuisinier, Le solidarisme contractuel, op. cit. ; M. Mignot, « De la solidarité en général et du solidarisme contractuel en particulier ou le solidarisme a-t-il un rapport avec la solidarité » ?, RRJ 2004, p. 2153.

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contrat s’impose en raison de ce que les parties sont décidé (article 1134, al. 1er) mais aussi en raison de l’esprit qui doit présider à l’exécution des relations contractuelles et spécialement pour les relations de longues durée (72). Cependant, l’analyse du contrat repose encore beaucoup sur une analyse morale classique et qui imprègne le Code civil, oubliant, parfois volontairement mais parfois assez naïvement, une autre analyse possible, considérablement développée de l’autre côté de l’Atlantique, celle de l’analyse économique du contrat (cf. infra, n°69 s.), plus simplement peut-être une analyse pragmatique du contrat, réaliste et empirique pour utiliser un vocabulaire philosophique. On ne devrait cependant pas penser que cette conception française de la bonne foi est universelle et, surtout, d’inspiration américaine ou anglaise. C’est au contraire un concept bien latin, bien plus développé encore en droit allemand par exemple. Par comparaison, être de bonne foi en droit anglais lors de l’exécution d’un contrat, signifie que l’on ne doit pas s’éloigner de la lettre du contrat, aucune responsabilité précontractuelle n’est imposée et encore moins de négociation de bonne foi, etc. (73), même s’il existe de nombreuses techniques de substitution à ce nous appelons en France la bonne foi et, si de plus en plus, ne serait-ce qu’en raison de l’uniformisation de la législation européenne et surtout des contrats internationaux, cette conception pénètre le droit anglais, le droit américain de manière encore plus nette. Ce n’est donc pas la formule « solidarisme contractuel » qui pose difficulté, ni même l’idée qui l’accompagne, mais le fondement qui la structure, un ordre moral contractuel, alors même que le champ d’application utile de cette technique est constitué des contrats d’affaires. Il en résulte, incontestablement, une vocation à une modification en profondeur du contrat, surtout au stade de son exécution, vers une nouvelle éthique contractuelle (74), un nouvel ordre contractuel, voire

72 Comp. D. Mainguy, « La liberté de l’entreprise face à ses partenaires », in La liberté de l’entreprise, Trav.Ass. H. Cap. 2008. 73 Cf. Cette formule d’un auteur que l’on pourrait différemment interpréter d’un point de vue français: « good faith is as an expectation of each pary to a contract that the other will honestly and fairly perfor his duties under the contract in a manner that is acceptable in the trade comunity » (P. J. Powers Powers, Defining the indefinible : good faith and the United Nation Convention on the Contract for the International Sale of goods, (1999) 18, J.L. & Com. 333) ou celle-ci : “a fundamental principle derived from the rule pacta sunt servanda, and other legal rules, distinctively and directly related to honesty, fairness and reasonableness, the application of which is determined at a particular time by the standards of honesty, fairness and reasonableness prevailing in the community which are considered appropriate for formulation in new or revised legal rules” (J.F. O’Connor, Good Faith In English Law (Brookfield USA: Dartmouth Publishing Company, (1990), 102). 74 T. Revet, « L’éthique des contrats en droit interne », in J.-Y. Naudet, (dir.), Ethique des affaires : de l’éthique des entrepreneurs au droit des affaires, PUAM, 1997, p. 207.

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une nouvelle devise contractuelle (75), peut-être une simple nouvelle déontologie contractuelle qui permet non seulement de paralyser le jeu de clauses utilisées de mauvaise foi comme une clause résolutoire (76) mais surtout et de façon beaucoup plus volontariste pour identifier dans le contrat des obligations qui n’y figurent pas, comme si des obligations étaient inhérentes au contrat, comme l’obligation de renseignement ou de coopération (77) mais parfois des obligations beaucoup plus techniques comme l’obligation de permettre à son cocontractant de pratiquer des prix concurrentiels dans les très fameux arrêt Huard (78) et Chevassus-Marche (79), voire, pour contredire la solution classique en matière d’imprévision, en imposant une obligation de renégociation du contrat (80), c’est-à-dire pour imposer des devoirs, ceux d’un contractant raisonnable, et sanctionner le mauvais comportement de ce contractant (81). Il en résulte aussi de nouveaux outils, la notion de proportionnalité (82), celle de l’économie du contrat (83), une certaine défense contre le déséquilibre contractuel (84), la cohérence contractuelle (85), etc. Cependant, une telle coopération ou collaboration contractuelle peut être envisagée de manière beaucoup plus dynamique par exemple pour imposer de prendre en compte les intérêts de son partenaire contractuel, en une forme de fraternité contractuelle (86) qui changent radicalement la face de la bonne foi et qui, alors, attirent la critique : une chose est d’imposer un standard de comportement, , dans le respect de l’intérêt de

75 D. Mazeaud, Le nouvel ordre contractuel, op. cit. ; La nouvelle devise contractuelle : loyauté, solidarité, fraternité, op. cit. 76 Cf. Cass. civ. 1ère, 16 févr; 1999, Bull. civ. I, n°15, Defrénois, 2000, art. 37107, n°9, obs. D. Mazeaud: paralysie de la clause résolutoire utilisée pour rompre un contrat (vente avec paiement par rente viagère) invoquée pour non paiement alors que les sommes dues n’avaient pas été recouvré pendant plus de douze ans. 77 Cf. Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ 1989 ; « L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat », JCP 1998, I, 3318. 78 Cass. com. 3 nov. 1992, Bull. civ. IV, n°338, JCP 1993, II, 22164, note G. Virassamy, RTD civ. 1993, 124, obs. J. Mestre. 79 Cass. com. 24 nov. 1998, Bull. civ. IV, n°277, JCP 1999, fI, 143, n°6, obs. Ch. Jamin, II, 12210, note Y. Picod, RTD civ. 1999, p. 98, obs. J. Mestre. 80 Cass. civ. 1ère, 16 mars 2004, RDC 2004/3, p. 642, obs. D. Mazeaud, D. 2004, p.1754, note D. Mazeaud, RTD civ. 2004, p. 290, obs. J. Mestre et B. Fages. Précisons que cet arrêt d'admet pas cette obligation de renégociation mais permet de se demander si elle ne pourrait l'être à l'avenir. 81 Cf. B. Fages, Le comportement du contractant, PUAM, 1997. 82 S. Pech-Le Gac, La proportionnalité en droit privé des contrats, LGDJ, 2000. 83 S. Pimont, L’économie du contrat, Dalloz, 2003. 84 V. Lasbordes, Les contrats déséquilibrés, PUAM, 2000, L. Fin-Langer, L’équilibre contractuel, LGDJ, 2002. 85 D. Houtcieff, Le principe de cohérence en matière contractuelle, PUAM, 2001. 86 Cf. D. Mazeaud, « Le nouvel ordre contractuel », art. cit. ; « La nouvelle devise contractuelle : loyauté, solidarité, fraternité », art. cit. ; C. Guelfucci-Thibierge, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997, p. 357.

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chacune des parties et, donc, du contrat lui-même, autre chose est d’exiger un sacrifice pour le bénéfice de l’autre partie. De manière plus concrète, les principaux apports de l’analyse économique du droit repose sur l’analyse de l’obligation d’information (87), sur la proportionnalité dans les contrats, sur la cession de contrats, sur la théorie de l’inexécution et de ses conséquences (obligation de minimiser le dommage, théorie de l’inexécution efficace), mais aussi l’analyse de la bonne foi dans les contrats, comprise, alors non plus comme une formulation morale (j’exécute de bonne foi parce que c’est bien) mais économique, utile (j’exécute de bonne foi par ce que c’est efficace). On retrouve également ces questions en droit de la responsabilité (cf. infra, n°357). On doit bien reconnaître, et les auteurs porteurs du solidarisme contractuel les premiers, que la moisson jurisprudentielle est relativement maigre (88) et par ailleurs lourdement contesté par une partie de la doctrine (89) qui lui reproche, notamment, son sentimentalisme et le recours excessif au juge pour résoudre les nouveaux problèmes contractuels. 67. Attente légitime du contractant. −−−− Une conception alternative − alternative en tant qu’elle n’est plus alors fondée sur une logique d’explication morale ou fondée sur une justice difficile à identifiée − de l’explication de la force obligatoire du contrat repose non du côté de celui qui s’est engagé ais du côté de celui qui reçoit la demande (90). C’est la théorie anglaise de la « reliance » (91) que l’on traduit en France par attentes légitimes : le créancier a accepté la promesse et exécuté sa part

87 Cf. M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, LGDJ, 1991. 88 Cf. J. Cédras, « Liberté-égalité-contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapp. C. cass. 2003, p. 215 ; D. Mazeaud, « Solidarisme contractuel et réalisation du contrat », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p. 57. 89 Cf. not. Y. Lequette, « Bilan des solidarismes contractuels », Mélanges P. Didier, 2008, p. 247 ; L. Leveneur, « Le solidarisme contractuel, un mythe », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, p. 184. 90 X. Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui. Essai sur la genèse d’un principe général de droit, Bruylant, 1995 ; C. Calmes, Du principe de la protection de la confiance légitime en droits alleman, communautaire et français, Dalloz, 2001 ; J. Calais-Auloy, « L'attente légitime, une nouvelle source de droit subjectif ? », Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 171 ; B. Fauvarque-Causson (dir.), La confiance légitime et l’Estoppel, Société de Législation comparée, 2007 ; P. Lokiec, « Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007, Chr., p. 321. 91 P. S. Atiyah, « L'évolution du droit anglais de l'accord vers la reliance et l'exclusion de la responsabilité pour vices dans la vente de marchandises », in D. Tallon et D. Harris (dir.), Le contrat aujourd'hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 57 ; H. Muir-Watt, « Reliance et définition du contrat », Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 57, A. Meinertzhagen-Limpens, « La reliance dans le droit de la common law des contrats », Mélanges P. Van Ommeslaghe, Bruylant, 2001, p. 173.

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de contrat non raison de la force de la parole d’autrui mais en raison de sa confiance dans la parole de ce dernier. Cette explication fonde toujours la force obligatoire sur le lien contractuel mais surtout sur son extériorisation. Cette explication fut cependant vite rejetée pour des raisons finalement assez voisines de la précédente : la règle de droit protège la promesse reçue parce que le destinataire pouvait avoir confiance dans celle-ci, mais cela n’explique pas le caractère intrinsèquement obligatoire de la promesse reçue. A bien des égards, cette considération relève également d’une sociologie du contrat voire d’une psychologie du contrat : j’exécute le contrat que j’ai conclu parce que, à défaut, je serai placé au ban du groupe dans lequel je m’intègre ou bien parce que je ne me sens pas de ne pas respecter cet engagement, la contrainte du groupe ou celle de ma conscience, comme le bon cheval de l’attelage de Platon, me guide vers tel ou tel choix. Le mécanisme est susceptible d’expliquer des règles comme celle de la prévisibilité du dommage (cf. infra, n°276), celle du devoir de ne pas se contredire au détriment d’autrui, traduction française de la règle de l’Estoppel (92), la notion d’obligation essentielle (cf. infra, n°165), l’économie du contrat (cf. infra, n°155), la proportionnalité, la bonne foi, la révision du contrat pour imprévision, etc., mais aussi pour repérer un modèle de contrat, le contrat normal, auquel aurait dû correspondre le contrat considéré et invitant à élimer des clauses ou à en considérer d’autres comme implicites (93). Radicalement différent du principe du respect de la parole donnée, la considération des attentes légitimes du contractant se révèle, alors, un renfort essentiel à celui-ci dans l’interprétation des difficultés contractuelles. La difficulté, toutefois, est d’observer ce contrat ou ce comportement standard, exactement comme lorsqu’il s’agit d’identifier la notion de faute ou de bonne foi. Le recours au standard juridique est souvent utilisé, quoique, philosophiquement, il se rattache à une conception idéaliste du contrat, platonicienne par exemple et l’on pourrait opposer les logiques réalistes où un Diogène juriste moderne chercherait, en vain, un Contrat, comme l’ancien cherchait un homme.

68. Conformité du contrat à la loi. −−−− Au-delà de ces considérations subjectives, des explications plus positivistes ont été proposées et notamment le fait que le contrat soit obligatoire en raison de la

92 B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel du droit anglais », in M. Behar-Touchais (dir.) L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, Economica, 2001, p. 15 ; H. Muir Watt, « Pour l'accueil de l' « estoppel » en droit privé français », Mélanges en l'honneur d'Y. Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 303. 93 Cf. P. Lokiec, « Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007, Chr., p. 321.

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disposition de la loi : c’est l’article 1134 du Code civil, et lui seul, qui fonde ce principe, dans le droit fil de la conception positiviste de la pyramide des normes, proposée par Kelsen (94) et généralisée en droit français par G. Rouhette (95). C’est la loi et plus globalement le système juridique qui, dans sa cohérence, fonde le principe de liberté contractuelle, comme toutes les autres, et celui du caractère obligatoire du contrat, la volonté ayant pour fonction d’assurer la conclusion du contrat. Dans le même temps, cette explication purement rationnelle, suffisante, n’explique pas la raison même, nécessaire du caractère obligatoire de l’engagement et souffre de bien des imperfections, notamment les très nombreux exemples d’exécution volontaires, sans aucune contrainte, de contrat, à moins de basculer, d’un positivisme étatique vers une logique plus sociologique, selon laquelle le contrat oblige parce que le corps social l’impose, sauf à être exclu du corps social (96). De manière plus élaborée, certains auteurs se rattachent à une conception, toujours positivistes, mais plus sociologique, renvoyant notamment à l’utilité sociale des règles et leur conformité à l’intérêt général (97).

69. Economie contractuelle. −−−− Une considération nouvelle du contrat implique de poser le contrat en des termes économiques. Par exemple, la « consommation » de contrats montre la multiplication des hypothèses de conclusion de contrats conclus alors que les parties sont en situation d’infériorité économique (employeur et salarié, professionnel et consommateur, fabricant et sous-traitant, fournisseur et distributeur, praticien de santé et patient, bailleur et locataire, etc.), situation souvent révélée par la conclusion de contrats d’adhésion où toute discussion, toute négociation est exclue. Une analyse sociologique peut montrer que la conclusion de ces contrats repose sur une égalité fictive, révélant une inégalité réelle des contractants. En termes économiques, la question de se pose de savoir si le « sachant » doit, ou non, fournir les informations nécessaires à la conclusion du contrat, la manière de les fournir, et le surcoût qui en résulte, alors même que « l’avantage technologique » dont il bénéficie est le fuirt d’investissements dont il cherche à obtenir l’amortissement. On observe que,prise en termes moraux, la question posée, le rapport du « faible » au « fort » tend, sans trop de difficulté, vers l’admission généralisée des obligations d’information. De même et

94 Cf. H. Kelsen, « La théorie juridique de la convention », Arch. phil. du droit, 1940, p. 33. 95 G. Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, Th. dr. Paris I, 1965, « La force obligatoire du contrat », in D. Tallon et D. Harris (dir.), Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 27. 96 Comp. L. Aynès, « A propos de la force obligatoire du contrat », RFC 2003, p. 324. 97 M. Mekki, L'intérêt général et le contrat : contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, LGDJ, 2004.

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plus globalement, cette situation permet de poser la question de l’équilibre du contrat, les moyens de rééquilibrer, éventuellement, les techniques et raisonnements à utiliser, etc. En toute hypothèse, l’analyse économique présente plusieurs intérêts. Politique d’abord : les contrats suppose des échanges, dont des transferts de patrimoine à patrimoine, donc des droits de propriété et, donc, un système fondé sur l’économie de marché. C’est le système dans lequel l’ensemble des échanges marchands fonctionne de manière, aujourd’hui, optimale. Une conception réaliste conduit alors à le constater et en tirer des conséquences, le nier relève d’une considération idéaliste, utopique, platonicienne, peu importe le référant. Il est alors particulièrement dommage de sombrer dans une dérive hélas très partagée tendant à confondre analyse économique et ultra libéralisme, évidement décrié, le tout pour l’opposer un l’humanisme (98). Technique ensuite si l’analyse économique permet d’expliquer les logiques contractuelles et ses développements, à tous les stades de la vie du contrat dans le but de minimiser les coûts et accroitre l’efficacité économique des buts poursuivis par les contractants, éviter les comportements opportunistes, étant entendu que le contrat parfait est une utopie et, à l’inverse, l’imperfection, en raison de l’impossible prévision des événements à venir et du comportements des contractants, la règle.

70. Pascal, l’ordre de la technique, l’ordre du droit, l’ordre de la morale. – L’impact de l’analyse morale en droit français et, particulièrement, en droit des contrats est majeur et irrigue toute l’analyse. A l’inverse, il serait erroné de prétendre que toute l’analyse doit désormais devenir économique : l’économique et le moral appartienne à des ordres différents, selon la pensée de Pascal (99). Ce dernier retenait trois ordres distincts : la chair, l’esprit et le cœur, essentiellement envisagé pour relativiser l’homme face à l’infini, mais que l’on peut décliner à travers l’ordre de la technique, l’ordre du droit, l’ordre de la morale (100). Ainsi à la question de savoir si on peut cloner un être vivant, la technique répond oui, le droit français répond non, la morale propose plusieurs type de réponse, à la question de savoir si on peut mettre fin à un contrat sans prévenir, la technique répond oui, le droit envisage plusieurs cas, la morale répond non, etc. Mais le danger est la confusion des ordres (d’où la célèbre formule pascalienne « le cœur a ses raisons que la raison n’a pas ») : l’angélisme pascalien consiste à considérer que le contrat répond par nature à des considérations morales ou qu’il doit répondre à des considérations morales, donc à placer l’ordre

98 Comp. D. Mazeaud, « La politique contractuelle de la Cour de cassation », Mélanges Ph. Jestaz, 2006, p. 372. 99 B. Pascal, Pensées, not. 298-283 ; 423-277. 100 Cf. A. Comte-sponville, Le capitalisme est-il moral ?, Albin Michel 2004

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de la morale à la place de celui du droit voire de la technique, et, inversement, la barbarie pascalienne consiste à considérer que la technique doit l’emporter sur les autres ordres. Or, le contrat s’adapte parfaitement à celle logique : il relève de l’ordre technique économique, du droit et de la morale. Or, par nature même, ce qui relève de l’économique ne relève par de la morale : l’économique, le contrat, le capitalisme (101) ne sont pas de l’ordre du droit et encore moins de la morale. Il faut donc se garder de se tromper d’ordre dans l’analyse d’une situation, ni angélisme, ni barbarie. L’analyse économique propose alors à l’ordre juridique des logiques qui peuvent être concordantes ou distinctes de celles de la morale et, en tout, cas, une nouvelle grille d’analyse, notamment lorsque les solutions sont divergentes.

71. Law and Economics. −−−− La réflexion sur ce point n’est pas nouvelle mais, curieusement, elle n’a en France pas, ou peu à quelques exceptions près (102), dépassé le stade des considérations morales ou sociales soit pour aménager la doctrine de l’autonomie de la volonté, soit pour la critiquer en envisageant l’utilité sociale des règles. Ainsi le droit de la consommation est-il essentiellement apparu, en droit français, comme un moyen de rééquilibrer une inégalité sociale. En revanche, cette réflexion n’a pas pris en compte des réflexions économiques, en tout cas de réflexsions libérales, au sens où la réflexion s’est développée outre-atlantique. L’analyse économique du droit, dont les racines sont à trouver dans l’analyse empiriste anglaise du XVIIème siècle, mais aussi les travaux d’Adam Smith (la « main invisible ») ou Marx, et peut être datée : 1960 avec l’article Ronald Coase, « The Problem of Social Cost » et 1961, avec celui de Guido Calabresi, « Some Thoughts on Risk Distribution and the Law of Torts » prônant une nouvelle analyse, en termes de coût et donc d’efficacité des règles de droit. La doctrine économique américaine dite « néo-classique » ou « Ecole de Chicago » a développé considérablement ces travaux pour mesurer les effets des règles juridiques, essentiellement l’effet économique des décisions de l’Etat, pour finalement proposer une thèse nouvelle sous les termes Law and Economics et en France « Analyse Economique du Droit » (103),

101 Cf. A. Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ?, op. cit. Comp. Y. Lequette, « Bilan des solidarismes contractuels », Mélanges P. Didier, 2008, p. 247. 102 Cf. G. Maitre, Responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, Economica, 2005 ; H. Muir-Watt, « Law and Economics, quel apport pour le droit international privé ? », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 685, « Les forces de résistance à l’analyse économique du droit dans le droit civil », in B. Derrains (dir.), L’analyse économique du droit dans les pays de droit civil, Cujas, 2002, p. 37, C. Atias et C. Mouly (dir.), « L’analyse économique du droit », RRJ 1987, p. 409 s.. 103 Cf. E. Mackaay et St. Rousseau, Analyse économique du droit, Dalloz, 2008 et sp. n°1289s.

Supprimé: s

Supprimé: Ph

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particulièrement efficace puisqu’elle conduisit plusieurs de ces membres au prix Nobel d’économie. En cinquante ans, l’analyse s’est considérablement développée, et divisée d’ailleurs, en Ecoles concurrentes. L’ensemble repose sur les modèles économiques de la micro-économie, à savoir le fait que les opérateurs sont des individus rationnels qui cherchent à maximiser leurs choix, alors même que ces choix sont favorisés, contraints, interdits, voire inconnus des règles de droit. Le but de l’analyse économique du droit est alors de mesurer les effets, l’efficacité, en termes économiques, au départ et finalement beaucoup plus globale (104), de telle sorte qu’elle devient un élément important de la théorie du droit, à partir d’un postulat, vérifié depuis, que les techniques valables en droit économique et spécialement en droit de la concurrence, valent aussi pour l’ensemble des autres règles de droit. Toutes les branches du droit sont concernées, parfois de manière assez étonnante, mais le droit des contrats offre une perspective intéressante en raison de la place de la rationalité économique dans la conclusion, l’exécution ou la rupture d’un contrat, même si, le plus souvent, l’analyse économique est une analyse du droit du contrat, au sens des lois applicables au contrat plutôt qu’au fonctionnement du contrat lui-même.

72. Contrat échange et contrat organisation. −−−− Ainsi, un contrat valide le principe selon lequel chaque contractant cherche une utilité particulière dans sa conclusion, correspondant au fait qu’il pense retirer une satisfaction supérieure dans ce qu’il va obtenir comparé à ce dont il se sépare, création d’utilités individuelles qui ajoutent à l’utilité globale. Pour être plus clair, on peut résumer le paysage contractuel en deux catégories (105). D’un côté le contrat échange, comme la vente ou l’échange voire certains contrats d’entreprise, qui est un modèle de contrat à somme nulle, en valeur, de telle manière que chaque qu’un contractant se sépare d’une chose de valeur équivalente, mais d’utilités inégales, dans la mesure où chacun obtient quelque chose qui a apparemment plus d’utilité que pour l’autre : le boulanger vend un pain qui lui a coûté moins cher à produire et l’acheteur obtient pour une somme modique quelque chose qu’il est incapable de fabriquer ou alors à un coût bien supérieur à la somme déboursée. Le contrat organisation, comme le contrat de société mais aussi les contrats d’affaires comme les contrats de distribution, sont des contrats qui s’inscrivent dans la durée et qui imposent une certaine coopération, ce que la théorie économique modélise sous la formule de la théorie de l’agence ou théorie des jeux (cf. infra, n°73), où chacune des parties peut

104 Cf. F. Von Hayeck,, Droit législation et liberté, Puf, coll. « Quadridge », 1999. 105 Cf. P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », Mélanges F. Terré, 1999, p. 636.

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gagner ou perdre, conjointement ou distinctement. Le contrat n’est donc pas nécessairement à somme nulle et les utilités sont très souvent différentes : l’objectif des parties est en principe commun mais leurs intérêts peuvent devenir divergents, impliquant des conflits, des risques, que le contrat doit pouvoir régler, par des clauses ad hoc : c’est le cas de la pérennité des situations d’exclusivité, de la question de l’imprévision et plus largement de l’adaptation du contrat aux circonstances, de la circulation du contrat, de la gestion des risques du contrat, de la gestion de l’inexécution, de la rupture du contrat, etc. Tout cela vaut, cependant, pour autant que le contrat soit efficace, ce qui suppose que le contrat est efficacement conclu, efficacement exécuté, efficacement rompu. Toutes les phases du contrat sont donc concernées, pour proposer des analyses qui, le plus souvent rejoignent les solutions retenues en droit positif, mais parfois s’en s’éloignent, essentiellement parce que le fondement des solutions du droit positif français repose sur des considérations morales, et point économiques ou pensées en terme d’utilité. C’est en sens que la résolution des nouvelles questions contractuelles par le seul recours aux méthodes usuelles, même modernisées comme le présentent par exemple les solutions en termes de solidarisme contractuel, ne suffisent sans doute plus et qu’il devient opportun de les confronter à des analyses économiques, non pour substituer celles-ci à celles-là, ais au moins pour offrir de nouvelles perspectives de solutions, lorsque les solutions proposées sont différentes. D’une façon générale, toutefois, l’analyse économique propose surtout des réflexions sur le droit des contrats, sur l’opportunité des règles mais en utilisant un langage économique peu disert pour les juristes et, souvent, par des analyses qui paraissent bien naïves aux juristes.

73. Théorème de Coase, théorie des jeux, théorie de l’agence. −−−− L’analyse repose au départ sur le Théorème de Coase (106) selon lequel un contrat est en principe conclu sur la seule considération de l’intérêt des deux parties mais en réalité, dépend aussi des coûts de transaction. Par exemple, les coûts externes ou internes de conclusion d’un contrat (coût de la négociation, recours à un avocat, à un notaire, paiement de taxes diverses, délais à respecter, informations à fournir, etc.) qui influent sur le choix du contrat, voire sur l’opportunité de contracter. L’objectif des parties est alors de diminuer ces coûts de transaction qui entravent la performance des opérateurs et ce, indépendamment des règles d’attribution des droits. Au-delà de la pertinence de ces réflexions, qui impliquent une lecture

106 R. Coase, « The probleme of social cost », Journal of Law and Economics, 1960, et The Firm, the Market and the Law, Univ. of Chicago Press. 1988; The Nature of the Firm, 1937. .

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approfondie des travaux des auteurs américains, les effets en droit français des contrats sont souvent prometteurs, quoique assez rares. En effet, malgré quelques tentatives à la fin des années 1980, la greffe n’a guère pris en France, à la différence de la grande majorité des autres grands pays où la logique de l’analyse économique du droit fait florès. Les applications sont souvent connues, la théorie des jeux, ou plus exactement les théories des jeux (107), symbolisées par le dilemme du prisonnier. Deux personnes sont appréhendées et séparées. On leur promet à chacun que s’il avoue et dénonce l’autre, il sera libéré et l’autre condamné à dix ans de prison, que s’ils se dénoncent tous deux, ils écoperont de cinq ans et que si aucun ne se dénoncent, ils subiront une peine de un an (108). Une analyse rapide permet de montrer que chacun a intérêt à coopérer avec l’autre, leur collaboration leur rapportant davantage (un an) mais moins que le profit maximal (dénonciation de l’autre et libération, avec le risque que l’autre le dénonce également pour deux peines de cinq ans), du moins tant que l’autre coopère également. Si l’un dénonce l’autre, ce dernier a également intérêt à le dénoncer. La coopération est donc plus efficace que la non coopération, mais comme les deux prisonniers sont séparés, il sne peuvent coopérer et l’on observe que, misant sur la non coopération de l’autre, ils choisront de se dénoncer. Appliqué à la matière contractuelle, le dilemme du prisonnier invite alors à identifier les règles, imposées ou choisies, qui inciteront à la coopération pour une maximisation des satisfactions, qui offre la meilleure des solutions. La théorie des jeux est multiple : les jeux à somme nulle, les jeux à somme non nulle, non coopératifs ou coopératifs, etc. ce sont ces derniers qui sont les plus proches du modèle contractuel et qui fondent par exemple la théorie économique de la négociation. Le dilemme du prisonnier est le plus souvent repris en raison de sa dimension éthique et finalement fortement juridique, et l’on retrouve l’application de ce principe pour la négociation des contrats (sanction de la conduite de mauvaise foi de la négociation, Cf. infra, n°86), l’exécution des contrats de longue durée, les conditions de leur rupture (cf. infra, n°296 et 316), avec à chaque des questions posées différemment, par exemple en termes d’exécution de bonne foi des conventions (cf. infra, n°204 s.) voire nouvelles comme à propos de l’obligation de minimiser le dommage (cf.

107 Cf. J. Van Neumann et O. Morgenstern, Theory of Games and Economic Hehavior, Princeton, 1944, J. Nash, Non Cooperative Games, Princeton, 1960, C.Schidt, La théorie des jeux, 2001, N. Eber, La théorie des jeux, 2004. Adde R. Sève, Philosophie et théorie du droit, Dalloz, 2007, n°19 s.. 108 Le tableau se lit ainsi : le premier chiffre est la peine de A, le second celle de B.

Avoue N’avoue pas Avoue 5 ; 5 0 ; 10

N’avoue pas 10 ; 0 1 ; 1

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infra, n°278) ou la théorie de l’inexécution efficace du contrat (cf. infra, n°255). En effet, la théorie des jeux conduit à vérifier quelles sont les obligations qu’un contractant a intérêt à satisfaire (109). On voit par là en quoi l’analyse est radicalement différente de l’analyse classique proposée en droit français des contrats, essentiellement morale et intuitive : il ne s’agit pas d’observer les volontés mais les intérêts des parties, lesquels présupposent des décisions rationnelles ou qui doivent être et demeurer les plus rationnelles. Ce n’est donc pas un impératif moral qui justifie la décision mais une logique économique, elle-même placée dans un système juridique hypothétiquement considéré comme juste. On trouve les principales applications de cette difficulté, en droit français dans bien des situations, par exemple à propos de la négociation du contrat, plus spécifiquement le problème de la violation d’une promesse de contracter (cf. infra, n°96), du « dol de l’acheteur » (cf. infra, n°119), de la gestion du changement des circonstances économiques (cf. infra, n°2122 s.), de la circulation du contrat (cf. infra, n°247 s.) ou encore de l’inexécution (cf. infra, n°253 s.) et de la rupture du contrat (cf. infra, n°316 s.). De même la théorie de l’agence identifie les spécificités d’un contrat conclu par une personne dont le résultat dépend de l’action de l’autre partie (analyse indépendante de tout aspect moral de dépendance), bénéficie aux contrats de représentation ou aux contrats de distribution où le « principal » mandant ou fournisseur, voit sa réussite dépendre de l’action de « l’agent », mandataire ou distributeur. Le « principal » supporte en effet un phénomène d’ « asymétrie d’information », avant la conclusion, justifiant des obligations d’information et cela vaut alors pour tous les contrats, pendant l’exécution, pour une rémunération de l’agent lui permettant d’agir en fonction des intérêts du principal, évitant les comportements de free-rider (110), et après (justifiant les clauses de secret ou de non-concurrence). Au final, l’analyse économique se préoccupe des coûts de transaction, c’est-à-dire des coûts de conclusion et du traitement des inexécutions ou de la rupture du contrat dans le but de les minimiser, des intérêts des contractants, lesquels dépendent de la certitude ou de l’incertitude dans laquelle ils sont tenus (un contractant sait ou ne sait pas tout des intentions de son contractant, de l’environnement économique, technique, etc.) et du caractère complet (le contrat prévoit toutes les hypothèses) ou incomplet (il ne prévoit pas toutes les hypothèses). Une vente par exemple s’insère aisément dans une logique d’incertitude (le vendeur connaît la qualité de la chose vendue mais pas la somme que l’acheteur est prêt à mettre, et réciproquement) et de contrat complet, à la différence

109 Cf. P. Livet, « Obligations et théorie des jeux », Arch. phil. dr. t. 44, L’obligation, Dalloz, 2000, p. 166. 110 Cf. S. Lebreton, L’exclusivité contractuelle et les comportements opportunistes, Etude particulière aux contrats de distribution, Litec, 2002.

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des contrats de longue durée, dans l’incertitude et incomplets.

74. Critères d’efficience. −−−− Le principal obstacle à la réception de l’analyse économique du droit en droit français repose sans doute précisément sur son origine économique qui ignore, le plus souvent, les conceptions morales ou établies en termes de justice. Le seul critère économique est celui de l’efficacité ou de l’effiscience dit « critère de Pareto » : un accord est valable par le seul fait qu’il est conclu entre individu rationnels et libres, ce qui ramène, juridiquement parlant à la thèse de l’autonomie de la volonté, l’idée même d’un prix juste n’a pas de sens économique, toute comme celle de déséquilibre contractuel qui est en principe extérieur au contrat (une « externalité »). Par exemple, le critère de l’efficacité des échanges suppose face aux incertitudes de l’exécution du contrat, des procédures de renégociation et nous verrons que s’agissant de la question, essentielle, de l’imprévision, il s’agit de l’une des solutions possibles. L’intérêt, et l’utilité de la conscience de l’implication économique des règles de droit, et spécialement des règles du droit des contrats n’a pas pour objet d’imposer systématiquement les systèmes, règles ou méthodes économiques mais simplement de rappeler cette évidence que si certaines règles du droit des contrats peuvent avoir une assise morale, toutes ont des conséquences économiques.

SECTION 3 −−−− METHODE

75. Eléments d’une méthode. – Comment étudier, connaître, mettre en pratique le droit des contrats ? La question mérite attention : le système juridique français est, en principe, tout entier fondé sur une logique légaliste, voire légicentriste. La loi est l’expression de la volonté générale. La loi, dont tout procède, le Code civil, dans sa majesté intangible et les lois qui peuvent le compléter. La loi, dans sa conception large, substantielle (111), la norme donc quelle qu’en soit la source, supra-légale, légale ou jurisprudentielle notamment, qui propose le principe du respect de la parole donnée et ses limites. Si pendant longtemps le droit des obligations a été effectivement enseigné, écrit, sur la base des articles du Code civil, cette technique est aujourd’hui devenue impossible : on ne saurait connaître le droit des contrats à la simple lecture des règles du Code civil, on le méconnaîtrait même complètement. On pourrait même se demander si le droit des contrats n’a tout simplement pas changé de paradigme : du paradigme de la loi écrite vers celui de la règle jurisprudentielle, du « Civil Law » vers le « Common Law », tant la connaissance de la méthode jurisprudentielle, des cas, est

111 Cf. D. Mainguy, Introduction générale au droit, Litec, 5ème éd. 2007.

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devenue absolument essentielle. On mesure alors tout ce qui manque au juriste français : l’explication judiciaire des décisions, l’opinion des juges et notamment les opinions dissidentes, le raisonnement conséquentialiste, s’agissant par exemple de la question de la rétroactivité des décisions de justice, la connaissance des cas et de tous les éléments d’explications, morales, sociales, économiques, psychologiques, sociologiques, dont les juristes ont souvent une simple intuition. Des embryions d’explications existent : la classification des arrêts selon leur degré d’importance par la Cour de cassation, les techniques de cassation, la publication des rapports du Conseiller rapporteur ou de l’avis de l’avocat général pour les arrêts les plus importants de la Cour de cassation, … le tout demeurant insuffisant. La compréhension du droit des contrats suppose, en effet, une méthode globale, en ce sens qu’elle ne peut se réduire à la loi et suppose la connaissance et l’acquisition du phénomène jurisprudentiel et de la doctrine, de première importance en droit des contrats, mais également de disciplines annexes, histoire du droit des contrats, philosophie du droit (éventuellement des contrats), analyse économique du droit, etc., et enfin, qu’un certain nombre de liens soient effectués avec des disciplines complémentaires : le droit des affaires d’une façon générale et, plus particulièrement, le droit des sociétés, le droit de la concurrence, le droit des procédures collectives, tout le droit civil, droit des biens, des personnes et de la famille, des sûretés, etc., quelques éléments de droit administratif, de droit processuel, presque toutes les disciplines, sans doute parce que le droit des contrats, des obligations, est souvent considéré comme le droit commun, la matière de base, de telle manière qu’à un moment ou un autre, ces autres disciplines empruntent au droit des contrats, et réciproquement, ce qui est plus nouveau. Par ailleurs, le droit des contrats, le droit des obligations est envisagé, de manière supplétive : qu’il s’agisse du droit légal ou jurisprudentiel des contrats ou des obligations. Ce droit supplétif des contrats doit alors être complété du droit (tout aussi supplétif) des contrats spéciaux : la vente, le bail, le mandat, etc., contrats qui font, ou non l’objet d’une définition ou d’un régime légaux. Il doit, surtout, être rapproché d’éléments de droit suppléé des contrats et des obligations, la mise en pratique de ces règles, l’ingénierie contractuelle, la pratique contractuelle, la technique contractuelle (112) c’est-à-dire, d’avoir une vue, même générale de la construction d’un contrat (cf. infra, n°193 s.), fait d’un ensemble d’éléments relatifs aux parties, aux divers effets produits par le contrat, à la durée, à l’objet, à la fin du contrat, etc., par la technique des clauses du contrat. Cette méthode est indispensable au juriste contemporain de droit des

112 Cf. J.-M. et P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, 3è éd. F. Lefebvre, 2004.

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contrats. Un exemple permet de l’illustrer. Imaginons un contrat, d’affaires, d’une certaine durée, impliquant une obligation, à la charge d’un fournisseur, de fournir l’autre partie, un distributeur, certains types de marchandises, pendant une certaine durée, de manière exclusive sur un territoire donné, le distributeur devant également respecter une exclusivité d’approvisionnement auprès du fournisseur : un banal contrat de distribution exclusive. Imaginons que ce contrat soit conclu pour une durée de cinq ans et renouvelable par tacite reconduction et que, à la suite d’une première reconduction, le distributeur éprouve quelques difficultés à respecter l’exigence d’exclusivité d’approvisionnement (quelle qu’en soit la cause : les concurrents du fournisseur proposent des produits moins chers, plus performants, etc. ou la conjoncture économique est difficile). On est ici typiquement dans une situation impliquant le respect des obligations contractuelles (C. civ., art. 1134, al.1er), dans une certaine bonne foi (C. civ., art. 1134, al. 3) dans un contexte d’imprévision, de changement des circonstances économiques. La réponse à la question : le distributeur peut-il cesser de s’approvisionner est, en principe, négative, le respect des obligations contractuelles s’impose malgré le changement des circonstances économiques, sauf clause à cet effet. Ce qui suppose une lecture attentive du contrat pour savoir si une information de ce type apparaît, de savoir si une clause pourrait changer les choses, mais aussi de vérifier si on aurait pu attendre un autre comportement du fournisseur, essayer une renégociation du contrat par exemple. Pour le savoir, la connaissance de la jurisprudence la plus récente, et la plus ambigüe mais aussi des auteurs qui ont commenté ces décisions s’impose, le tout dans un contexte, nouveau, de compréhension du contrat. Problème banal, solution extrêmement complexe, alambiquée, discutée et discutable, où la lecture contemplative du Code civil est bien peu utile. Le droit des contrats est devenu un droit d’érudit.

76. Objet contractuel d’une méthode. – Le droit des contrats, des obligations plus généralement souffre, en même temps, de la méthode globale classique, fondée sur le principe de la force obligatoire des contrats et que les auteurs du Code civil ont, sur la base des écrits plus anciens, constitué en dogme : ce principe justifie la considération du droit des obligations comme le droit commun de telle manière qu’il ne peut y avoir qu’un seul droit des obligations, un seul droit des contrats. Or, l’évolution moderne du droit des contrats tend à contester cette affirmation comme cela apparaît en doctrine. Ainsi, si le Code civil semble fondé sur la seule considération de la vente, à laquelle elle emprunte presque tout, le droit jurisprudentiel des contrats se fonde davantage sur les contrats d’affaires qui pourtant, ne bénéficient d’aucune règle particulière, de telle manière que toute règle de droit des contrats, d’origine légale ou jurisprudentielle semble appelée à une application

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universelle, quel que soit le contrat considéré. Il est alors bien difficile de tenter une description de ces contrats d’affaires. Certains auteurs opposent ainsi les contrats de situation, les contrats de distribution ou de production (113), par opposition aux contrats d’occasion. D’autres présentent les contrats relationnels (114), concept inventé par un analyste économique du droit (115), fondés sur la durée et la gestion des incertitudes liées à l’écoulement du temps, aux changements de circonstances, dans des contrats à somme non nulle et où la personnalité des contractants n’est pas neutre, et les contrats transactionnels (ou « discrets » selon la formule de Ian Macneil, on pourrait dire aussi aveugles), qui se fondent sur une logique d’instantanéité, sans incertitude et dans un contrat à somme nulle. Enfin, le « contrat organisation » (116), comme le contrat relationnel ou le contrat de situation s’inscrit dans la catégorie des contrats de longue durée. Leur observation et, peut-être, leur singularisation, n’est pas sans intérêt, par exemple pour l’application d’un solidarisme contractuel économiquement envisagé, de la question de la bonne foi, pour les techniques de construction de ces contrats qui utilisent des clauses souvent très originales (117) et plus globalement alors que ces contrats présentant un intérêt économique important, la plupart des grandes décisions du droit des contrats portent sur ces derniers, on doit constater que les problèmes de négociation, d’exécution, de circulation ou d’extinction des contrats sont plus complexes, plus intenses lorsqu’ils concernent ce type de contrats. Bien entendu, cela ne doit pas faire oublier les « petits » contrats, mais

113 M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique commerciale », Mélanges G. Marty, Univ. Toulouse, 1978, p.235, contrats qui sont « déterminants pour la vie d'une entreprise ou son niveau d'activité et sont par là le plus souvent l'instrument d'une vassalité économique », par opposition des contrats d'occasion « qui correspondent à des opérations épisodiques qui ne mettent pas en jeu l'existence de l'entreprise ». et comp. D. Mainguy, « Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 2000, p. 165, « La liberté de l’entreprise face à ses partenaires », in Liberté et entreprise », Trav. Ass. Cap., 2007. 114 Cf. C. Boismain, Les contrats relationnels, PUAM, 2005. Mais Y.-M. Laithier, « A propos de la réception des contrats relationnels en droit français », D. 2006, Chr., p. 1003 ; H. Bouthinon-Dumas, « Les contrats relationnels et la théorie de l'imprévision », RIDE 2001, p. 339 ; H. Muir Watt, « Du contrat « relationnel ». Réponse à François Ost », in La relativité du contrat, TAHC, LGDJ, 2000, p. 169 ; J. Rochfeld, « Les modes temporels d'exécution du contrat », RDC 2004, p. 47. 115 I. Macneil, Relational « Contract Theory : Challenges and Queries », (2000) 94 Nw. U. L. Rev. 877 et comp. G. Rouhette, « Compte-rendu de Ian R. Macneil, The New Social Contract », JDI 1983, p. 960. 116 Cf. P. Didier, « Brèves notes sur le contrat organisation », Mélanges F. Terré, 1999, p. 635. 117 Cf. M. Mekki, « Le nouvel essor du concept de clause contractuelle (2 parties) », RDC 2006, p. 1051 et 2007, p. 239.

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peut-être, à l’inverse, prendre la mesure que la gestion contractuelle des « grands » contrats suppose une considération attentive ne peut leur nuire. L’observation, l’étude et la mise en pratique des règles du droit des contrats, sur ces prémisses, s’envisage de deux manières. Le droit des contrats, comme toutes les règles de droit, est en premier une mécanique. Il y a une mécanique du droit des contrats par l’enchevêtrement des règles, de la formation du contrat, de sa rupture, par la combinaison d’un certain nombre de procédures : la procédure de la formation du contrat, symbolisée par la rencontre de l’offre et de l’acceptation, la procédure du contrôle de l’intégrité du consentement, la procédure de la rupture du contrat, etc. Ces procédures sont le garant de la publicité des régles et, ce faisant, de la sécurité juridique par le caractère a priori prévisible de celles-ci. Le droit des contrats se présente ensuite comme une logique, pour ne pas dire une théorie, de sorte que la mécanique du droit des contrats ne se suffit pas à elle-même et sollicite des raisonnements qui dépassent les seules techniques de mise en œuvre des procédures, de la mécanique du droit des contrats. On suppose alors que la logique du droit des contrats est juste et s’inscrit dans un système processuel juste (c’est-à-dire correspondant à une situation juste et efficace selon le critère de Rawls, ce qui reste bien entendu à démontrer). Cette logique du contrat repose alors, sur la mise en application des éléments d’une théorie du contrat particulièrement nécessaire face aux incertitudes apparentes mises en évidence par les limites de la mécanique dans des situations non prévues, non immédiates et qui se retrouvent à tous les stades de la vie du contrat mais plus spécifiquement dans les grands de plus grande importance, comme, s’agissant des cas les plus topiques ou les plus actuels, dans le cas du processus de négociation du contrat, du problème du « dol de l’acheteur », celui de l’obligation d’information, de l’appréciation de la qualité de l’exécution du contrat et de la problématique du standard de bonne foi dans l’exécution du contrat, de la circulation du contrat, de la sanction ou des remèdes à l’inexécution, des conditions de sa rupture, etc. Mécanique d’abord, logique ensuite, du droit des contrats, c’est ce couple nécessaire que nous allons tenter d’identifier tout au long de l’observation des étapes de la vie du contrat.

Bibliographie

A La notion de contrat G. Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, Th. Paris, 1965, La notion de contrat, in Arch. Phil. Dr. T. XIII, Sirey, 1968, Le contrat, Droits, 1990, G. Alpa, « Le contrat individuel et sa définition », RIDcomp.1988, p. 327, J. Ghestin, « La notion de contrat », D. 1990, Chr. p. 147, « La notion de contrat au regard de la diversité de ses éléments variables », in La

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relativité du contrat, Trav. Ass. H. Cap. LGDJ, 2000, C. Jamin et D. Mazeaud (dir.) La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003.

B Classiffications des obligations et des contrats La problématique question de la classification des obligations et des

contrats est réglée depuis longtemps dans les traités « classique » de droit des obligations (cf. supra, p. ). On retiendra cependant, outre J.-F. Overstake, Essai de classification des contrats spéciaux, LGDJ, 1969, quelques points particuliers :

– sur la question de l’obligation naturelle : M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, Sirey, 1957

– sur les engagements d’honneurs et autres engagements à la portée juridique discutée ou discutable : D. Ammar, Essai sur le rôle de l’engagement d’honneur, Th. Paris I, 1990 ; B. Beignier, L’honneur et le droit, LGDJ, 1991, JM Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001, n°352s ; X. Barré, La lettre d’intention, Economica, 1995, B. Oppetit, « L’engagement d’honneur », D. 1979. Chron. 107 et in Droit et modernité, Puf, 1998, p. 277, Rozès, « Le projet de contrat », Mélanges L. Boyer, p.639, A. Viandier, « La complaisance », JCP 1980, I, 2987. – Sur les actes à titre onéreux ou gratuit : G.-L. Pierre-François, La notion de dette de valeur en droit civil, Essai d’une théorie, LGDJ, 1975, F. Grua, L’acte gratuit en droit commemrcial, Th. Paris, 1978, R. Libchaber, Recherhces sur la monnaie en droit privé, LGDJ, 1992, St. Bénilsi, La gratuité en droit privé, Th. Montpellier, 2006.

– Sur les contrats unilatéraux ou synallagmatiques : R. Houin, La distinction des contrats synallagmatiques et unilatéraux, Th. Paris, 1937, I. Najjar, Le droit d’option, contribution à l’étude des droits potestatifs et de l’acte unilatéral, LGDJ, 1967, A. Sériaux, « La notion de contrat synallagmatique », Mélanges J. Ghestin, LGDJ 2001, p. 777.

– Sur les contrats intuitu personae : M. Contamnie-Raynaud, L’intuitus personae dans les contrats, Th. Paris I, 1974, M. Béhar-Touchais, Le décès du contractant, LGDJ, 1985, C. Priéto, La société contractante, PUAM, 1995G. Kostic, L’intuitus personae dans les contrats, Th. Paris V, 1997, D. Krajeski, L’intuitus personae dans les contrats, Th. Toulouse, 1998, D. Mainguy, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée, Rev. Soc. 1996, p. 17, D. Houtcieff, « Contribution à l’étude de l’intuitus personae », RTDciv. 2003, p. 3 C. Théorie des contrats 1. Sur la doctrine de l’autonomie de la volonté La question demeure classique comme en témoignent des ouvrages

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récents : V. Ranouil, L’autonomie de la volonté : naissance et évolution d’un concept, Trav. Univ. Paris II) 1980, D. Terré-Fornacciari, « L’autonomie de la volonté » Rev. sc. Morales et pol. 1995.255 ; E. Putman, « Kant et la théorie du contrat », RRJ, 1996, p. 685, G. Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, Th. dr. Paris I, 1965, « La force obligatoire du contrat », in D. Tallon et D. Harris (dir.), Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 27, M. Mekki, L'intérêt général et le contrat : contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, LGDJ, 2004. 2. Sur l’équité

G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., LGDJ, 1949 ; St. Darmaisin, Le contrat moral, LGDJ, 1999, C. Albigès, De l’équité en droit privé, LGDJ, 2000 ; J. Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, Chr. p. 1. 3. Sur la confiance légitime

X. Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui. Essai sur la genèse d’un principe général de droit, Bruylant, 1995 ; C. Calmes, Du principe de la protection de la confiance légitime en droits alleman, communautaire et français, Dalloz, 2001 ; D . Houtcieff, Le principe de cohérence en matière contractuelle, PUAM 2001, J. Calais-Auloy, « L'attente légitime, une nouvelle source de droit subjectif ? » Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 171 ; B. Fauvarque-Causson (dir.), La confiance légitime et l’Estoppel, Société de Législation comparée, 2007 ; P. Lokiec, « Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007, Chr., p. 321, P. S. Atiyah, « L'évolution du droit anglais de l'accord vers la reliance et l'exclusion de la responsabilité pour vices dans la vente de marchandises », in D. Tallon et D. Harris (dir.), Le contrat aujourd'hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 57 ; H. Muir-Watt, « Reliance et définition du contrat », Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 57, A. Meinertzhagen-Limpens, « La reliance dans le droit de la common law des contrats », Mélanges P. Van Ommeslaghe, Bruylant, 2001, p. 173, B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel du droit anglais », in M. Behar-Touchais (dir.) L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, Economica, 2001, p. 15 ; H. Muir Watt, « Pour l'accueil de l' « estoppel » en droit privé français », Mélanges en l'honneur d'Y. Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 303 4. La question du solidarisme contractuel La question voire l’hypothèse d’une bonne foi active et volontarisme, plus tard appelée « solidarisme contractuel », démarre avec la thèse deY. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ 1989 (Adde : « L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat », JCP 1998, I, 3318) qui marque une surprenante intrusion de la bonne foi dans les contrats,

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quoique non ignorée jusque là (R. Desgorces, La bonne foi dans le droit des contrats : rôle actuel et perspectives, Th. Paris II, 1992, R ; Vouin, La bonne foi : notion et rôle actuels en droit privé français, LGDJ, 1939, F. Gorphe, Le principe de la bonne foi, Th. Paris, 1928, La bonne foi, Trav. Ass. H. Cap. 1992), déclanchant, dix ans plus tard le flux doctrinal autour de la question du solidarisme contractuel où sont présentés ici les principales contributions.

Les principaux ouvrages, monographies ou actes de colloques sont : Que reste-t-il de l'intangibilité du contrat ?, Dr. et patrimoine mars

1998 ; C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), La crise du contrat, puis, La nouvelle crise du contrat, 2003, L. Grynbaum et et M. Nicod (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, 2004 ; A.-S. Courdier-Cuisinier, Le solidarisme contractuel, Litec 2006.

Les principales contributions sont les suivantes, principalement favorables : D. Mazeaud, « La nouvelle devise contractuelle : loyauté, solidarité, fraternité », Mélanges F. Terré, 1999, p. 603, « le nouvel ordre contractuel », RDC 2003, p. 285, « Solidarisme contractuel et réalisation du contrat », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p.57, « Le juge et le contrat, variations optimistes sur un couple illégitime », Mélanges J.-L. Aubert, 2005, p.235, « La politique contractuelle de la cour de cassation », Mélanges Ph. Jestaz, 2006, p. 371 ; C. Jamin, « Révision et intangibilité, ou la double philosophie de l'art. 1134 c. civ »., in Que reste-t-il de l'intangibilité du contrat ?, Dr. et patrimoine mars 1998, p. 46 ; « Henri Capitant et René Demogue : notation sur l’actualité d’un dialogue doctrinal », Mélanges F. Terré, 1999, p. 125, « Plaidoyer pour le solidarisme contractuel », Mélanges Ghestin, 2001, p. 442 ; « Une brève histoire politique des interprétations de l'art. 1134 c. J. Cédras, « Liberté-égalité-contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapp. C. cass. 2003, p. 215 ; D. Mazeaud, « Solidarisme contractuel et réalisation du contrat », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p. 57civ. », D. 2002, Chron. p. 901, « Quelle nouvelle crise du contrat », in La nouvelle crise du contrat, 2003, p. 7, « Le procès du solidarisme contractuel, brève réplique », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p.160, T. Revet, « L’éthique des contrats en droit interne », in J.-Y. Naudet, (dir.)Ethique des affaires : de l’éthique des entrepreneurs au droit des affaires, PUAM, 1997, p. 207, C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997, p. 357, A.-S. Courdier-Cuisinier, Le solidarisme contractuel, op. cit. ; M. Mignot, « De la solidarité en général et du solidarisme contractuel en particulier ou le solidarisme a-t-il un rapport avec la solidarité » ? RRJ 2004, p. 2153, D. Mainguy, « La liberté de l’entreprise face à ses partenaires, in La liberté de l’entreprise », Trav.Ass. H. Cap. 2008, p. 27, J. Cédras, « Liberté-égalité-contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapp. C. cass. 2003,

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p. 215 ; D. Mazeaud, « Solidarisme contractuel et réalisation du contrat », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, op. cit., p. 57.

Plus dubitatifs, soit parce que le doute s’installe sur les fondements ou l’efficacité de la thèse : M. Mignot, « De la solidarité en général et du solidarisme contractuel en particulier ou le solidarisme a-t-il un rapport avec la solidarité » ? RRJ 2004, p. 2153, D. Mainguy, « La liberté de l’entreprise face à ses partenaires, in La liberté de l’entreprise », Trav.Ass. H. Cap. 2008, p. 27, J. Cédras, « Liberté-égalité-contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapp. C. cass. 2003, p. 215.

Franchement hostiles : Y. Lequette, « Bilan des solidarismes contractuels », Mélanges P. Didier, 2008, p. 247 ; L. Leveneur, « Le solidarisme contractuel, un mythe », in L. Grynbaum et M. Nicot (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, op. cit., p. 184. 5 Analyse économique des contrats

La littérature de l’analyse économique du droit est pour l’essentiel américaine, canadienne, anglaise et belge et point française : « le cas français » poserait même difficulté (cf. A. Ogus et M. Faure (dir.), Economie du droit, le cas français, Ed. Panthéon-Assas, 2002). Toute cette littérature ne sera pas ici développée, elle est très aisément identifiable dans les ouvrages présentés ici, essentiellement français ou à destination française. L’ouvrage le plus récent et le plus important est E. Mackaay et St. Rousseau, Analyse économique du droit, (Dalloz, 2008 et sp. n°1289s), particulièrement complet et accessible, mais aussi B. Lemenicier, Economie du droit, Cujas, 1991, T. Kirat, Economie du droit, Repères, 1999, C.Schidt, La théorie des jeux, 2001, N. Eber, La théorie des jeux, 2004, P. Livet, « Obligations et théorie des jeux », Arch. Phil. Dr. T. 44, L’obligation, Dalloz, 2000, p. 166, R. Sève, Philosophie et théorie du droit, Dalloz, 2007, n°19 s.

Pour des applications au droit des contrats, en français : V. surtout : C. Jamin, (dir.), Droit et économie des contrats, LGDJ, 2008. V. aussi C. Atias et C. Mouly (dir.), L’analyse économique du droit, RRJ 1987, p. 409 s., M.-A. Frison-Roche, G. Canivet et M. Klein (dir.), Mesurer l’efficacité économique du droit, LGDJ, 2005, S. Lebreton, L’exclusivité contractuelle et les comportements opportunistes, Etude particulière aux contrats de distribution, Litec, 2002, Ph. Maitre, Responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, Economica, 2005, C. Boismain, Les contrats relationnels, PUAM, 2005, M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique commerciale », Mélanges G. Marty, Univ. Toulouse, 1978, p.235, P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », Mélanges F. Terré, 1999, p. 636, P. Livet, « Obligations et théorie des jeux », Arch. Phil. Dr. T. 44, L’obligation, Dalloz, 2000, p. 166, H. Muir-Watt, « Law and Economics, quel apport pour le droit international privé ? » Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 685, « Les

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forces de résistance à l’analyse économique du droit dans le droit civil », in B. Derrains (dir.), L’analyse économique du droit dans les pays de droit civil, Cujas, 2002, p. 37, D. Mainguy, « Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 2000, p. 165, Y.-M. Laithier, « A propos de la réception des contrats relationnels en droit français », D. 2006, Chr., p. 1003 ; H. Bouthinon-Dumas, « Les contrats relationnels et la théorie de l'imprévision », RIDE 2001, p. 339 ; H. Muir Watt, « Du contrat « relationnel ». Réponse à François Ost », in La relativité du contrat, Trav. Ass. H. Cap., LGDJ, 2000, p. 169 ; J. Rochfeld, « Les modes temporels d'exécution du contrat », RDC 2004, p. 47.

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CHAPITRE 2

LA FORMATION DU CONTRAT

77. Plan. −−−− L’observation de la formation du contrat, et donc la naissance des obligations contractuelles, est traditionnellement une question essentielle, fondamentale, sur laquelle les manuels et traités de droit des obligations ou des contrats s’attardent généralement longuement. Si en effet, les contrats sont obligatoires, encore convient-il qu’ils aient été « légalement formés », dispose l’article 1134, al. 1er du Code civil. Ce postulat suppose que soient réunis les éléments constitutifs de ce contrat (Section 1) à défaut desquelles la sanction du contrat sera méritée, sa nullité, puisque le contrat n’a alors pas pu exister, en application d’une fiction juridique, celle de la rétroactivité, qui confère, alors, aux règles de la formation du contrat toute leur importance (Section 2).

Section 1 - Les éléments constitutifs du contrat

78. Silence du Code civil. −−−− L'article 1108 C.civ. dispose que « quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige, a capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation ». Mais c’est bien tout, c’est bien maigre, et c’est bien désuet : rien du processus de formation du contrat, rien sur la négociation, rien sur les éventuelles sanctions d’une mauvaise négociation et encore moins sur les canons d’une bonne négociation, rien non plus sur le moment de la formation du contrat, rien enfin que la question essentielle des critères de validité du contrat et des obligations sans même parler de contrôle de l’équilibre des prestations dans le contrat. Rien donc de tout ce qui fait l’actualité de la formation du contrat, de sa vigueur, et de son renouvellement profond depuis quelques dizaines d’années. C’est alors la jurisprudence et la doctrine qui ont forgé ce régime, essentiellement, et là encore, sur le modèle de la vente dans un premier temps, ce qui est tout à la fois un bon et un mauvais modèle pour des raisons précédemment décrites, et de manière beaucoup plus détachée de la vente depuis quelques années. Observons alors, et nous y

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insisterons que d’autres instruments juridiques sont plus prolixes, c’est le cas de la Convention de Vienne sur la Vente internationale de marchandises ou des Principes Unidroit et, surtout, de l’avant-projet de réforme du droit des obligations. Respectant cependant sinon la formule du moins le sens de l’article 1108 du Code civil, qui a, au moins, le mérite de différencier les questions, chacun fera l’objet d’une sous-section : le consentement (Sous-section 1), les questions relatives à la capacité et aux pouvoirs (Sous-section 2), l’objet (Sous-section 3), la question de l’équilibre et de la validité du contrat − plus que de la cause, notion désuète et insuffisante − (Sous-section 4) auxquels il convient d’ajouter d’autres éléments que sont les éventuelles exigences de forme du contrat (Sous-section 5).

Sous-section 1. – Le consentement

79. L'étude du consentement conduit à envisager l’existence du consentement (I), les modalités de la rencontre des volontés (II) avant les conditions de l’intégrité du consentement (III).

I. – L’existence du consentement

80. Définition et caractères du consentement. – Le consentement désigne la manifestation de volonté, émanant d’un contractant, identifiant son acquiescement à la conclusion du contrat projeté. C’est en ce sens que l’on parle de l’échange des consentements. Dans un autre sens, le terme consentement identifie le résultat de la rencontre des volontés et donc l’accord lui même. Le consentement s’identifie alors à la volonté. « Contracter, c’est vouloir » (118) et l’on oppose alors la volonté interne et la volonté déclarée. La volonté est en effet une opération intellectuelle, une décision, imposant notamment une réflexion : c’est la volonté interne. Cette réflexion interne est souvent très rapide et confondue avec la volonté déclarée. D’autre fois, elle s’en distingue, par exemple à travers la négociation d’un contrat. D’autre fois, la séparation est imposée, par exemple à travers quelques procédures de réflexion imposées en droit de la consommation, soit pour imposer un délai de réflexion avant la conclusion du contrat, comme pour la conclusion d’un contrat de prêt immobilier, soit pour imposer un tel délai après la conclusion du contrat, par exemple dans le cas de la conclusion d’un contrat de prêt à la consommation, de vente à domicile ou de vente à distance, permettant de détruire le contrat conclu La volonté est également une opération extériorisée de façon à ce que les

118 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, n°87

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tiers puissent savoir que cette volonté s’est exprimée : c’est la volonté déclarée. Cette extériorisation s’effectue par des paroles (en droit romain, une procédure s’imposait, « spondesne ? T’obliges-tu, spondeo, je m’engage »), par la déduction d’un comportement, un contrat est signé, ou par des gestes, tel le « tope-là » de l’Ancien droit ou le « click » informatique de la conclusion de contrats sur l’Internet. On parle alors de contrat gestuel. La question se pose de savoir ce qui se passe lorsque la volonté interne est différente de la volonté déclarée. La conception individualiste issue du principe de l’autonomie de la volonté fait privilégier la volonté interne, ce qui détruit toute sécurité juridique. Mais une conception moderne, plus rationnelle, plus économique fait prévaloir la volonté déclarée, quitte à envisager des techniques permettant à la volonté interne de s’exprimer véritablement, comme en droit de la consommation.

81. Consentement et liberté contractuelle. – Le droit des contrats repose sur le principe de la liberté contractuelle c’est-à-dire le principe de la liberté de contracter ou de ne pas contracter, qui subit les mêmes atteintes que le principe de la liberté contractuelle lui-même. Il s’agit, en réalité, d’une abstraction : nous sommes tous tenus de conclure des contrats, pour se nourrir, se vêtir, se loger… Des atteintes juridiques sont également portées au principe, via la technique des « contrats forcés » qui constatent l’existence d’un contrat sans expression du consentement. Ainsi, l’époux qui divorce peut être contraint de donner un bail, forcé, à son ex-conjoint (C. civ., art. 275 et 285-1). De même se développe la pratique des contrats obligatoires, des assurances obligatoires : assurance obligatoire pour conduire un véhicule, pour chasser… Enfin, une dernière entrave à ce principe se fonde sur la substitution d’un contrat par un autre, par la technique du droit de préemption qui permet à une personne de se substituer à un contractant, comme le droit de préemption urbain au profit des communes, du preneur à bail rural, des musées…

II. – La rencontre des volontés

82. Objet du consentement. – Le consentement, pour quoi faire ? La rencontre des volontés forme le consentement, pour autant que celui-ci ait lui-même un objet, on ne consent pas en l’air mais sur un objet, pour des raisons particulières. En ce sens, la question du consentement est artificiellement distinguée des autres conditions de formation du contrat, l’objet, la cause, la capacité, pour autant d’ailleurs qu’il soit suffisant, notamment lorsqu’une forme particulière est imposée.

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D’ailleurs, et sans pourtant que le Code civil l’envisage de quelque manière que ce soit sinon de manière détournée, le consentement est valable dès lors qu’il porte sur les éléments essentiels du contrat : la chose et le prix pour la vente (C. civ., art. 1582, 1583), le local, la durée le loyer pour le bail, etc. Il en résulte qu’il suffit que l’accord porte sur ces éléments, considérés comme essentiels, pour le contrat soit considéré comme formé et que, à l’inverse, il n’est pas nécessaire qu’un accord soit observé sur les éléments accessoires pour le contrat soir formé. Redoutable affirmation qui doit, alors, conduire, les rédacteurs à une grande prudence dès lors que ces éléments, considérés abstraitement comme accessoires, le sont moins pour les contractants, soit pour « essentialiser » des éléments accessoires, soit pour conclure des accords partiels par exemple.

83. Plan. – Le contrat se forme par le consentement, c'est-à-dire la rencontre des volontés. Contre l’hypothèse du « coup de foudre contractuel », l’idée d'une phase préparatoire surgit à travers une période de négociation. On distinguera donc la préparation (A) et la conclusion (B) du contrat, tout en remarquant que le Code civil s’est désintéressé de ces questions.

A – La préparation du contrat : « l’avant contrat »

84. Le principe de la liberté contractuelle justifie aussi bien le caractère informel de la préparation du contrat ne donnant pas lieu à un contrat (1) que sa possible formalisation par la conclusion d'un contrat (2).

1 – La préparation informelle : la négociation

85. Le Code civil se désintéresse de la période précontractuelle, celle des « pourparlers », de la « négociation », de « l’avant contrat », en deux mots, selon les termes utilisés. Seuls deux textes concernent cette période : les articles 1589 et 1589-1 du Code civil et encore, le second est issu d’une loi de décembre 2000, à la différence du droit allemand qui s’intéresse depuis longtemps à cette période à travers la théorie de l’avant-contrat ou de texte plus modernes comme les principes pour un droit européens des contrats ou la Convention de Vienne du 11 avril 1980. Le droit légiféré des obligations a donc, longtemps, ignoré le droit de la négociation, s’en tenant à l’observation des règles de la rencontre des volontés, via l’observation de l’offre et de la l’acceptation, de telle manière que c’est la doctrine et la jurisprudence qui, là encore, ont forgé

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de régime (119). Au départ de la prise en compte de cette période, la doctrine et la jurisprudence se sont fondés sur le mariage et les fiançailles : les fiançailles sont une période qui précède, éventuellement, le mariage et qui, fondamentalement, n’oblige pas les fiancés à se marier. En revanche, la rupture abusive ou brutale des fiançailles peut donner lieu à dommages et intérêts. Tel fut le modèle des balbutiements de la jurisprudence en matière de négociation des contrats : la négociation est une période préparatoire au contrat dans laquelle les partenaires ne sont pas obligés de conclure mais où l’on observe que la rupture brutale ou abusive des pourparlers engage la responsabilité de celui qui en est l’auteur.

86. Conduite de la négociation. −−−− Pendant la conduite de la négociation du contrat, les partenaires se soumettent à un devoir de négociation de bonne foi et de loyauté avec ses prolongements dans les obligations d'informer ou de se renseigner. Dès lors celui qui négocie un contrat en ne respectant pas ces devoirs commet une faute et engage sa responsabilité (120), devoirs qui demeurent asses ténus : ne pas se comporter de manière désinvolte (121) ni avec légèreté (122) . Ainsi négocier de bonne foi ne signifie pas négocier de manière exclusive de telle manière que des négociations parallèles sont possibles sans commettre de faute (123) à moins peut-être que le comportement de l’une des parties à la négociation permette d’envisager une telle exclusivité, mais signifie informer son partenaire et respecter la confidentialité nécessaire (124).

87. Issue des discussions. −−−− La liberté contractuelle permet de ne pas s'engager. Le simple fait de ne pas conclure un contrat ne saurait donc être sanctionnable : celui qui décide de ne pas conclure un contrat ne commet en principe aucune faute, même s'il cause un dommage à son partenaire qui escomptait que la négociation aboutirait (125). Pour autant, la liberté de ne pas contracter ne confère pas plus que les autres libertés une impunité absolue. Elle ne peut être exercée de manière incorrecte, voire avec légèreté, ou dans le seul dessein de nuire à autrui

119 Cf. pour une bibliographie : J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001 ; La négociation du contrat, Coll. Univ. Toulouse, RTD com. 1998, p.447 s. 120 J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001. 121 Paris 13 mai 1991, RJDA 1991, n°911, RTD civ.1992.394, obs. J.Mestre. 122 Versailles 1er avril 1999, RJDA 1999.1285 ; Com 22 février 1994, Bull. IV, n.79, RJDA 1994.765. 123 Cass. com. 2 juill. 2002, RJDA 2003, n°52. 124 Comp. PECL, art. 2:302, Cass. com. 3 oct. 1978, Bull. civ. IV, n°209, D. 1980, p. 55, note J. Shmidt. 125 Com. 10 juin 1986, Bull.IV, n°123.

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(126), celle-ci n’étant cependant pas une condition de la sanction de la faute. La sanction de ces manquements est banalement la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle de son auteur, parfois accompagnée de sanctions pénales, comme en matière de publicité trompeuse, voire d’autres sanctions civiles, par exemple lorsque les fautes de la négociation traduisent l’existence d’un dol (cf. infra, n°117 s.).

88. Techniques de la responsabilité du fait de la rupture des pourparlers. – La faute ne consiste donc pas dans le seul exercice de la liberté de ne pas contracter, mais dans les circonstances et les conditions qui entourent cet exercice. Commet ainsi une faute celui qui rompt une négociation précontractuelle après avoir laissé espérer à son partenaire qu'il conclurait le contrat projeté (127). Engage également sa responsabilité civile la personne qui met fin aux discussions sans explication, alors qu'elles étaient sur le point d’aboutir. Les pourparlers n’engageant pas les futurs contractants les pourparlers peuvent être rompu à tout moment et sans formalisme, dans la limite du respect des principes de bonne foi et de loyauté dans la négociation comme une affaire importante en avait témoigné (128). Dans cette affaire remarquable, la société Gerteis engageait des pourparlers avec la société Vilbert-Lourmat, représentant en France d’un fabricant américain de machines, en vue de l’acquisition de telles machines. La société Vilbert-Lourmat avait cependant rompu, brutalement, ces pourparlers et conclu un contrat avec un concurrent de Gerteis en s’engageant d’ailleurs à ne pas fournir Gerteis. Ce dernier assignait Vilbert-Lourmat en responsabilité délictuelle pour rupture fautive des pourparlers : « Mais attendu que l’arrêt déféré a, par motif adoptés, relevé que la société Vilbert-Lourmat avait, de propos délibéré, retenu le devis définitif du fabricant américain destiné aux Etablissements Gerteis et rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu’elle entretenait avec lesdits établissements, qui avaient déjà, à sa connaissance, engagés de gros frais, et qu’elle maintenait volontairement dans une incertitude prolongée, qu’elle avait ainsi manqué aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales ; que, par motifs propres, la cour d’appel qui n’a nullement déclaré que la société Vilbert-Lourmat avait commis une faute contractuelle, a retenu que les établissements Vilbert-Lourmat déclaraient eux-mêmes qu’avant de s’engager avec leur autre client, ils s’étaient enquis une ultime fois des intentions de Gerteis, mais qu’ils n’en fournissaient pas la moindre justification et qu’en tous cas, il fallait observer que des négociations aussi laborieuses ne

126 Cf. J. Schmidt, « La sanction de la faute précontractuelle », RTD civ. 1974, p.46 s. 127 Cass. civ. 1ère, 19 janvier 1977, D.1977, 593, note J. Schmidt 128 Cass. com. 20 mars 1972, JCP, 1973, II, 17543, note J. Schmidt, RTD civ. 1972.779, obs. G. Durry.

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pouvaient être rompues par un simple coup de téléphone, d’ailleurs plus que problématique, que c’était donc à bon droit que les premiers juges avaient constaté la « rupture abusive des pourparlers » par les établissements Vilbert-Lourmat ; attendu que (…) la cour d’appel a pu(…) retenir à l’encontre de la société Vilbert-Lourmat, une responsabilité délictuelle ». On trouve dans ce bel arrêt, nombre de réponses aux interrogations soulevées à l’occasion de la rupture d’une négociation. Quelle est la nature de la responsabilité encourue ? Il s’agit des mécanismes de la responsabilité délictuelle. Rien de plus ordinaire, la faute commise l’a été avant la conclusion du contrat, à l’inverse de la solution proposée par Ihéring au XIXème siècle et qui avant connu une certaine fortune en doctrine selon laquelle la responsabilité serait contractuelle car fondée sur une culpa ion contrahendo, une faute commise en contractant, comme c’est d’ailleurs la solution de droit allemand aujourd’hui. Comment est constituée la faute ? Par rupture abusive des pourparlers. Comment identifier une telle rupture des pourparlers ? En maintenant volontairement son partenaire dans une incertitude prolongée, c’est-à-dire en maintenant des pourparlers alors que les chances de conclure le contrat avaient depuis longtemps été dépassées par celle de ne pas le conclure. Mais cela pourrait être la brutalité de la rupture (129) et surtout la croyance entretenue de l’autre partie dans la probabilité de conclusion du contrat comme dans l’affaire Gerteis, et non la simple avancée des pourparlers (130) ou le fait que l’un des parties aient pu, toute seule, penser que le contrat allait être conclu, le fait qu’elle ait pris des décisions prématurées par exemple. Une telle responsabilité emporte logiquement réparation du dommage (131) et l’on constate une forte disparité des décisions, quoique la jurisprudence de la Cour de cassation soit désormais bien établie. Ainsi, il n’y a pas de difficulté sur la réparation des pertes subies : frais engagés ou, éventuellement, la perte d’image subis par la victime de la rupture fautive des négociations. Plus délicate fut la question du gain manqué. Le problème se pose de la façon suivante, particulièrement lorsque l’une des parties à la négociation pouvait légitimement penser que le contrat avait de très bonne chance d’être conclu : peut-elle obtenir réparation du gain manqué, c’est-à-dire réparation de la perte de chance de conclure le contrat, perte d’une chance qui est dommage réparable, en principe, en droit de la responsabilité civile (cf. infra, n°275, 362) et, si la réponse est positive, à quelle hauteur doit se monter la réparation : est-elle fonction du degré de probabilité de conclusion ou doit-elle correspondre à l’intégralité du gain manqué ? En même temps, réparer le préjudice lié à la perspective de conclusion d’un contrat n’est-il pas contradictoire avec

129 Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1999, JCP 1998, II, 10066, note B. Fages. 130 Cf. Cass. com. 20 juin 2000, RJDA 2000, n°1068. 131 O. Deshayes, « Le dommage précontractuel », RTD com. 2004, p. 187.

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le principe de la liberté contractuelle qui implique la liberté de ne pas conclure un contrat : une telle réparation n’implique-t-elle pas qu’à un certain niveau de négociation, les parties sont obligées de le conclure ? C’est cette voie qu’emprunte désormais la Cour de cassation : « les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat » (132), formule qui demeure ambiguë dans la mesure où elle laisse entendre qu’une autre cause pourrait justifier la réparation de ce préjudice : or, précisément, un tel préjudice semble bien réparable chaque que le préjudice économique est bien réel. On peut même se demander s’il est bien utile de développer une déontologie de la négociation si celle-ci, au final, n’est pas sanctionnée économiquement, encourageant par là même la violation des obligations dans la négociation. La jurisprudence, en revanche admet que le préjudice lié à la perte de chance de conclure un contrat avec des tiers est réparable.

2 – La préparation formalisée : les contrats préparatoires

89. Avant-contrats ?– La conclusion d'un contrat « définitif » est parfois précédée de la conclusion d'un contrat « préparatoire » on parle parfois d’un « avant-contrat » expression malheureuse qui révèle pourtant l’existence d’une période, celle de l’avant contrat (133). Iil s’agit ici, non pas d’envisager l’ensemble des contrats préparatoires à la conclusion d’un contrat, ils sont fort nombreux : appels d’offre, contrats d’étude, contrats de faisabilité, mais simplement d’observer quelques uns des problèmes classiques en la matière. Il convient aussi d’observer que ces questions précèdent toujours la conclusion d’un contrat, mais parfois la suivent dès lors qu’un contrat s’achève, par exemple parce qu’il a été conclu pour une durée déterminée et que les parties envisagent de conclure, de négocier donc, un nouveau contrat ou bien que, au cours de l’exécution du contrat, la renégociation du contrat s’opère, éventuellement par le jeu d’une clause de renégociation du contrat.

90. Documents contractuels. – L’avant contrat est également ponctuée

132 Cass. com. 26 novembre 2003, Bull. civ. IV, N°186, RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. civ. 3ème, 28 juin 2006, Bull. civ. IV, n°164, JCP, 2006, II, 10130, note O. Deshayes : « une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ». Comp. Riom 10 juin 1992, RDJA 1992, n°893, RTD civ.1993.343, obs. J.Mestre ; Rennes 29 avril 1992, Bull. Joly 1993, p.463, note J.-J. Daigre ; Versailles 1er avril 1999, préc. 133 J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001.

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de très nombreux documents, que l’on appelle souvent les « documents contractuels » (134) quoique tout a u contraire, ils se présentent souvent comme non contractuels : conditions de vente et leurs contraires, conditions d’achat, documents publicitaires, devis, bons de commande, etc., qui contiennent très souvent des informations contractuelles, parfois contradictoires d’ailleurs, de telle manière que des risque de concurrence et d’incohérence ne sont pas neutres : présence d’une clause limitative de responsabilité dans des conditions générales de vente contre clause extensive dans les conditions d’achats par exemple. On écrit souvent que les clauses contradictoires « s'annulent ». Plus exactement, elles ne font pas partie du contrat car elles n'ont pas recueilli le consentement des contractants, en sorte que faute d'accord, les solutions supplétives du Code civil s'appliquent (135).

91. Accord de négociation. – Il peut s’agir d’un contrat organisant la négociation, faisant naître une obligation de négocier en vue de parvenir à la conclusion du contrat définitif (136), sanctionnée cette fois par les mécanismes de responsabilité civile contractuelle. Un tel accord est très fréquent dans la négociation des contrats d’affaires et permettent de poser les jalons, les obligations de la négociation : une clause de confidentialité, un mécanisme d’exclusivité, ou de révélation de négociation parallèle, une clause compromissoire, des calendriers de négociation, etc. peuvent ainsi y être présentés. On y découvre, alors, une véritable obligation, contractuelle, de négocier, de bonne foi, un contrat futur. On ne confondra pas ce type de contrat avec les formules contractuelles subies, telle que l’accord de principe (Cf. supra, n°39).

92. Pacte de préférence. −−−− Le pacte de préférence appelé aussi contrat de réservation, accord de préemption, est un accord forgé par la pratique, ignoré du Code civil (137), par lequel une personne, qu’on appelle le promettant, s'oblige à choisir l'autre, le bénéficiaire, comme partenaire à un contrat définitif dont le type est arrêté (une vente, un bail, par exemple), mais dont la conclusion n'est pas encore décidée ni le contenu totalement déterminé. Il crée une obligation de préférer le bénéficiaire du

134 F. Labarthe, La notion de document contractuel, LGDJ, 1994, n°309. 135 Cf. à propos de clause de réserve de propriété et de clauses de « non réserve » de propriété : Cass. com. 11 juillet 1995, JCP 1996, éd. G., 1996, I, 3896, obs. Ph. Pétel ; éd. E., II, 22583, note D. Mainguy ; éd.E, II, 3896, note J. Vaillansan, D. 1996. Somm. 212 , obs. F. Pérochon. 136 Cass. soc. 24 mars 1958, JCP(G) 1958, II, 10868; J. Cedras, « L'obligation de négocier », RTD civ. 1983, p. 265; Cass. soc. 19 décembre 1989, D.1991, 62; I. Najjar, « L'accord de principe », D.1991, chr..57. 137 Mais connu du droit de la propriété intellectuelle s’agissant des formules de préférence dans des contrats d’édition conclu avec un auteur (CPI, art. L. 132-4) et encore, pour limiter à cinq le nombre d’œuvre futures réservées avec un éditeur.

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pacte, dans l'éventualité où le promettant déciderait de contracter et, donc, l’obligation de ne pas s'adresser à d'autres qu'au bénéficiaire avant de s'être adressé à ce dernier. Par exemple, le propriétaire assure un éventuel acheteur que s’il vend, il s’adressera en priorité à ce dernier. Ce n’est donc pas une promesse de contracter, à la différence du contrat de promesse de contracter, auquel il emprunte cependant quelques difficultés d’exécution, essentiellement la question de la vente, malgré le pacte, avec un tiers. En pratique, cette formule contractuelle connaît trois utilisations majeures. Il est d’abord utilisé comme technique de réservation en matière immobilière, pacte de préférence préparant une vente ou un bail. Il est très utilisé dans la pratique sociétaire, pour réserver l’acquisition de titres : un actionnaire conclut souvent un tel pacte dans un pacte d’actionnaires de façon à s’assurer que si l’un des autres actionnaires envisage de vendre, il réservera son offre à l’un des autres actionnaires. Elle est enfin utilisée comme technique de sortie d’un contrat, notamment un contrat de distribution, où il est fréquent qu’un fournisseur soit le bénéficiaire d’un pacte de préférence portant sur le fonds de commerce de son partenaire au cas où celui-ci envisagerait de le céder à un tiers et éviter ainsi qu’il « passe à la concurrence ». Dans toutes ces situations, et les autres, le pacte de préférence peut organiser une simple priorité d’acquisition ou bien organiser un système complexe de préemption.

93. Conditions du pacte de préférence. −−−− Il n’y a pas de conditions particulières à sa validité, autres que celles du droit commun des contrats : il peut être conclu pour une durée indéterminée, déterminée, prévoir un prix pour la conclusion du contrat à venir ou point. Seule la nature du contrat objet du pacte doit être déterminée. En effet, le pacte de préférence assure une forme d’immobilisation du bien qui en est l’objet. Traditionnellement, alors et de façon à ce que cette immobilisation ne soit pas générale, la jurisprudence considère qu’un pacte portant sur un type de contrat ne joue pas dès lors que le contrat conclu avec le tiers est un autre type de contrat, par exemple un pacte portant sur une éventuelle vente alors que le contrat conclu avec le tiers est une donation (138), un échange (139), une constitution d’usufruit (140), un bail (141), une

138 Cass. 1re civ., 18 oct. 1983, n° 82-11.687, Gaz. Pal. 1983, pan., p. 80. 139 Cass. soc., 13 mai 1949, D. 1949, jur., p. 477, note R. Savatier (le pacte ne joue pas) ; Cass. com., 7 mars 1989, n° 87-17.212, Bull. civ. IV, n° 79, p. 52, JCP éd. G 1989, II, n° 21316, concl. M. Jéol, note Y. Reinhard (le pacte joue). 140 Cass. 3e civ., 5 mars 1970, n° 67-12.398, Bull. civ. III, n° 178, p. 133. 141 Cass. 3e civ., 1er avr. 1992, n° 90-16.985, Bull. civ. III, n° 116, p. 71 ; Cass. 3e civ., 10 mai 1984, n° 82-17.079, Bull. civ. III, n° 96, p. 77, RD imm. 1985, p. 74, note Ph. Malinvaud et B. Boubli, JCP éd. G 1985, II, n° 20328, note M. Dagot, Defrénois 1985, art. 33612, p. 1234, note Olivier, à propos d’un bail rural considéré comme une violation du bail.

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adjudication (142) ou un apport en société (143).

94. Effets du pacte de préférence. −−−− Le pacte produit des effets, essentiellement des obligations dont la détermination est essentielle pour repérer la sanction éventuelle de sa violation (144). En principe, il crée une simple obligation de faire, proposer l’offre au bénéficiaire dans les conditions posée par pacte : présenter une offre, présenter une offre à un certain prix, dans certaines conditions. Dès lors que cette obligation est respectée le pacte cesse de produire ses effets : une offre est émise, si elle accepter, le contrat sera conclu. La véritable difficulté consiste à mesurer les effets du pacte dès lors que celui-ci n’est pas respecté et, notamment, dès lors que le promettant conclu le contrat avec un tiers, vraisemblablement à des conditions plus intéressantes. Une première sanction ne pose pas de difficulté sur son principe, l’obtention de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle du promettant. Une seconde sanction pose davantage de difficulté : il s’agit de savoir si le bénéficiaire lésé peut obtenir l’annulation du contrat conclu avec le tiers et sa substitution. La jurisprudence, avec beaucoup de prudence, considérait que lorsque le tiers est de mauvaise foi, c’est-à-dire lorsqu’il connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de l’utiliser, il pouvait obtenir cette sanction, la prudence résidant dans le fait que, proclamée, cette sanction n’était jamais appliquée (145). Or, un arrêt important a ouvert la voie à la mise en œuvre de cette

142 Décisions contrastées : certaines décisions ont refusé que le droit de préférence soit mentionné dans le cahier des charges relatif à l’adjudication (CA Lyon, 22 nov. 1927, DP 1928, I, p. 151) ; d’autres ont admis qu’un dire du cahier des charges pouvait permettre au bénéficiaire de se substituer à l’adjudicataire (CA Nancy, 31 oct. 1928, DP 1929, II, p. 166, note H. Lalou, et sur pourvoi, Cass. req., 6 janv. 1931, Gaz. Pal. 1931, 1, p. 471). 143 CA Paris, 27 juin 1949, Cts Cuypers c/ Delles Violet, D. 1949, jur., p. 537 ; Cass. civ., 5 mars 1951, JCP éd. G 1951, II, n° 6496, note L. Laurent (le pacte ne joue pas) ; Cass. com., 9 déc. 1974, n° 73-13.113, Bull. civ. IV, n° 323, p. 266 (idem à propos d’un pacte sur cession de parts sociales confronté à une augmentation de capital). Mais comp. Récemment, Cass. civ. 3ème, 31 janv. 2007, D. 2007, p.1698, note D. Mainguy, admettant que le pacte peut jouer malgré un apport en société. 144 D.Mainguy, « La violation du pacte de préférence », Dr. et patrimoine, janv. 2006, p. 72. 145 Cf. Civ., 3e, 26 oct. 1982, Bull. civ. III, no 208; mais contra, Com. 7 mars 1989, D. 1989.231, concl. M. Jéol, JCP 1989.II.21316, concl. M. Jéol et note Y. Reinhard. Cf. Civ. 3e, 30 avr. 1997, Bull. civ. III, no 96; D. 1997.475, note D. Mazeaud; JCP 1997.II. 22963, note H. Thuillier, Contrats, conc. consom. 1997, no 129, obs. L. Leveneur, Defrénois 1997.1007, obs. Ph. Delebecque; mais à nouveau, Civ. 3e, 10 févr. 1999, RJDA, 1999, no 392, censurant l’arrêt d’appel qui avait annulé la vente « sans rechercher si l’acheteur avait eu connaissance de l’intention du titulaire à faire usage de son droit » et v. Ch. Atias, « La substitution judiciaire du bénéficiaire d’un pacte de préférence à l’acquéreur de mauvaise foi », D. 1998, chron. 203.

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sanction, répétant que « Si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir » (146). Depuis la jurisprudence a mis en œuvre cette solution (147), qui n’est pourtant pas à l’abri de critiques même depuis la décision de 2006 (148) mais qui s’expriment avec plus de forces encore s’agissant de la promesse de contracter.

95. Promesses de contracter. −−−− Le contrat de promesse est un contrat par lequel le promettant promet au bénéficiaire qu’il conclura un contrat particulier, ce qui se présente, a priori, de manière plus intense que pour la formule précédente. Par le contrat de promesse unilatérale de contrat, l'une des parties, le promettant, s'engage à conclure un contrat dont tous les éléments sont déterminés avec l'autre, le bénéficiaire, la conclusion étant subordonnée à la décision de ce dernier qui dispose d'un certain délai pour consentir au contrat définitif en levant l'option qui lui est offerte par la promesse. Le contrat de promesse synallagmatique de contrat est un contrat par lequel deux personnes s'engagent, respectivement et réciproquement, à conclure un contrat définitif. Les difficultés sont cependant d’ordre différent.

96. Promesse unilatérale de contrat. −−−− La promesse unilatérale assure essentiellement un délai d’attente au bénéficiaire, celui-ci dispose d’une faculté option pendant un certain délai et, généralement, moyennant le versement d’une somme d’argent, une indemnité d’immobilisation s’agissant des promesses de vente (149). A la différence cependant du pacte de préférence, la promesse doit contenir tous les éléments nécessaire à la formation du contrat promis

146 Cass. Ch. mixte, 26 mai 2006, Bull. civ. n°4, rapp. Bailly, conc. Sarcelet, D. 2006, p. 1861, note D. Mainguy et P.-Y. Gautier, D. 2006, Somm.. p. 2644, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Causson ; JCP 2006, I, 10142, obs. L. Leveneur ; I, 176, obs. F. Labarthe ; Defrénois 2006, 1207, obs. E. Savaux ; RDC 2006, p. 1080, obs. D. Mazeaud. p. 1131, obs. F. Collart Dutilleul, RTD civ. 2006, p. 550, obs. J. Mestre et B. Fages. Adde H. Kenfack, « Restauration de la force obligatoire du pacte de préférence », RLDC, sept. 2006, n° 2173. V. aussi comme complément : Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2006, D. 2006, p. 2510, note P.-Y. Gautier. 147 Cf. Cass. civ. 3ème, 31 janv. 2007, D. 2007, p.1698. note D. Mainguy (preuve non rapportée) ; Cass. civ. 3ème, 14 février 2007, RDC 2007, p. 701, obs. D. Mazeaud, Defrénois, 2007, p. 1048, obs. R. Libchaber, retenant au contraire les preuves rapportées, tant de la connaissance du pacte de l’intention de l’exercer. Adde. H. Kenfack, « Le renforcement de la rigueur du pacte de préférence », Defrénois 2007, art. 38621, p. 1003 et s 148 D. Mainguy, « La violation du pacte de préférence, » art. cit. ; notes cit. 149 Cf ; D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 5ème éd, 2006, n°68s.

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dans la mesure où la promesse traduit l’offre, ainsi contractualisée par la promesse de telle sorte que l’exercice de la faculté d’option par le bénéficiaire formera le contrat promis. Par ailleurs, lorsque la promesse unilatérale porte sur certains objets, un immeuble ou sur un fonds de commerce, elle doit, sous peine de nullité être enregistrée dans les dix jours de sa conclusion, formalité prévue par l’article 1589-2 du Code civil (ancien article 1840 A CGI). En outre, l’article 1589-1 du Code civil prévoit un mécanisme de protection de l’acquéreur immobilier, frappant de nullité tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et la forme » (et comp., Cch, art. L. 271-1). Pour le reste, ce sont essentiellement les stipulations contractuelles qui organisent le mécanisme contractuel. Ainsi, à moins la promesse peut être transmise par le bénéficiaire, à cause de mort mais aussi entre vif, via une clause de substitution à la nature discutée (150). Par conséquent ce sont essentiellement les effets de la promesse qui pose difficultés. En principe, le bénéficiaire dispose d’une option, il lève l’option dans le délai et le contrat promis est conclu. S’il lève l’option trop tard, la promesse est caduque (151). Cependant, la difficulté se pose dès lors que le promettant ne laisse pas au bénéficiaire le temps nécessaire et, selon la formule utilisée, « rétracte » sa promesse, et vend à un tiers, faisant, ou espérant faire, une meilleure affaire. La jurisprudence admet en principe que cette rétractation est efficace (152) : «les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire et […] la levée d’option, postérieure à la rétractation de la promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir », solution

150 Cf. L. Boyer, « Clause de substitution et promesse unilatérale de vente, » JCP 1987, I, 3310; E. Jeuland, « Proposition de distinction entre la cession de contrat et la substitution de personne », D. 1998, chron., p. 356, qui développe la thèse d’une solution sui generis, G. Pillet, La substitution de contractant, LGDJ, 2004. 151 Cass. civ. 1re, 8 oct. 2003, Contrats, conc. consom., 2004, no 3, obs. L. Leveneur. 152 Cass. civ. 3e, 15 déc. 1993, D. 1994.507, note F. Bénac-Schmidt, somm. 230, obs. O. Tournafond; 1995, somm. 88, obs. L. Aynès; JCP éd. N, 1995, J, 31, note D. Mazeaud; Defrénois, 1994, art. 35845, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 1994.588, obs. J. Mestre ; Civ. 3e, 26 juin 1996, Bull. civ. III, no 165, Defrénois 1996, art. 36434, obs. D. Mazeaud, RJDA 1996.636, rapp. D. Pronier, Les Petites Affiches, 30 mai 1997, p. 27, note B. Bévière. Adde: A. Terrasson de Fougères, « Sanction de la rétractation de promettant avant la levée de l’option », JCP éd. N, 1995.1.194; F. Collart-Dutilleul, « Les contrats préparatoires à la vente d’immeuble, les risques de désordre », Dr. et patrimoine, déc. 1995.58; D. Stapylton-Smith, « La promesse unilatérale de vente a-t-elle encore un avenir? » AJPI 1996.568, R.-N. Schütz, « L’exécution des promesses de vente », Defrénois, 1999, art. 37021, p. 833.

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critiquée par la majorité de la doctrine (153) qui souhaitait que la promesse puisse faire l’objet d’une exécution forcée, fondée sur l’intangibilité du contrat (C. civ., art. 1134, al. 2) et, surtout, par la considération selon laquelle le promettant a, par la promesse, d’ores et déjà donné son consentement à la vente, solution que l’arrêt de 2006 rendu en matière de pacte de préférence paraît conforter. Quelques arguments (154) peuvent cependant valider la solution rendue par la Cour de cassation et, notamment, rejoignant la question plus globale du droit de réaliser une bonne affaire (Cf. Infra, n°119), la considération du caractère intangible du contrat de promesse, par une confusion du consentement à la promesse et celui au contrat promis, alors même que la promesse, pas plus qu’un pacte de préférence, qui demeure ne contient en son sein les éléments d’un consentement figé, organisant un droit acquis à la formation du contrat promis.

97. Promesse synallagmatique de contrat. −−−− La promesse synallagmatique pose d’autres difficultés : lorsque les parties sont d'accord sur les éléments nécessaires et suffisants à la formation du contrat définitif, l'article 1589 du Code civil dispose, pour la vente que « la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et le prix ». Pour les contrats réels et les contrats solennels, en revanche, la promesse n'oblige alors qu'à conclure le contrat définitif, obligation de faire dont l'inexécution se résout en dommages-intérêts. De même, les parties, usant de leur liberté contractuelle, peuvent décider que le contrat définitif ne se formerait qu'avec la réalisation de formalités particulières s'ajoutant aux conditions légales. Une première difficulté résulte des promesses synallagmatiques de vente d’immeuble dans la mesure où l’opposabilité de la vente aux tiers suppose, bien qu’elle soit parfaitement efficace entre les parties, que celle-ci soit constatée par acte authentique et publiée. Dès lors la pratique retarde généralement le transfert de propriété au jour de la réitération de la vente en sa forme authentique, ce qui pose la question de la portée du refus du vendeur de participer à la rédaction de cet acte. Généralement, une telle modalité est une simple modalité d’exécution de la vente, déjà conclue, de sorte que le vendeur peut être contraint par une

153 Not. P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, » RTD civ. 1999, p. 771, sp. no 21; R.-N. Schütz, « L’exécution des promesses de vente », art. cit. no 10-11; Ph. Brun, « Le droit de revenir sur son engagement », in Que reste-t-il de l’intangibilité des conventions?, Dr. et patrimoine, no 60, mai 1998, p. 78. 154 Not. D. Mainguy, « L’efficacité de la rétractation de sa promesse par le promettant », RTD civ. 2004, p. 1 ; F. Bellivier et Ruth Sefton-Green, « Force obligatoire et exécution en nature du contrat en droits français et anglais: bonnes et mauvaises surprises du comparatisme », Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2000, p. 91, D. Stapylon-Smith, « La promesse unilatérale de vente a-t-elle encore un avenir? », art. cit., M. Fabre-Magnan, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85 et sp. no 17.

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mesure d’exécution forcée (155). A l’inverse, si la réitération était présentée comme une modalité du consentement, cette exécution forcée deviendrait impossible (156). Une deuxième difficulté, souvent rencontrée an droit des sociétés, repose sur l’appréciation des « promesses croisées » : l’addition d’une promesse unilatérale de vente et d’une promesse unilatérale d’achat ne vaut pas en principe promesse synallagmatique de telle manière, notamment, que la composante promesse unilatérale devait être enregistrée, au sens de l’article 1589-2 du Code civil, notamment lorsque les modalités des deux promesses croisées ne sont pas exactement parallèles (157).

B. – La conclusion du contrat

98. Mécanique de l’offre et de l’acceptation. −−−− La conclusion du contrat est révélée par la rencontre des volontés, somme des deux volontés dont rend compte la dissociation, un peu mécanique et abstraite, mais finalement bien pratique, de l’offre (1) et de l’acceptation (2). Il convient de relativiser la portée de cette distinction et du jeu de l’offre et de l’acceptation : la négociation des contrats rend compte d’une technique de formation des contrats beaucoup plus subtile, coopérative, parfois contractuelle, alors que la mécanique de l’offre et de l’acceptation semble présenter la conclusion des contrats comme un match de tennis : elle vaut pour des contrats simples, de conclusion rapide, comme la vente de biens de consommation.

1 – L'offre de contracter

99. Définition. – L'offre ou pollicitation est la proposition unilatérale faite par une personne soit à une ou plusieurs personnes déterminées, soit à une ou plusieurs personnes indéterminées, au public par exemple, de conclure un contrat déterminé à des conditions déterminées de telle sorte que l'acceptation de son destinataire, ou du premier de ses destinataires, suffit à former le contrat. L'offre doit être distinguée des simples propositions de contracter, « appel d'offre », « invitation aux pourparlers », « offre d'emploi », qui n'en ont pas la vigueur et n'en produiront pas les effets, soit parce qu'elles ne contiennent pas tous les éléments objectifs nécessaires et suffisants, soit parce qu'elles n'expriment pas la volonté du pollicitant d'être engagé

155 Cass. civ. 3ème, 20 déc. 1994, JCP éd. G, 1995, II, 22491, note Ch. Larroumet, éd. N, 1996, Jur. 501, note D. Mainguy.. 156 Cass. civ. 3ème, 17 juill. 1997, D. 1999, somm. 11, obs. Ph. Brun. 157 Cf. Cass. civ. 3ème, 26 juin 2002, Defrénois, 2002, p. 1261, RTD civ. 2003, p. 77, obs. J. Mestre et B. Fages. V. pour des promesses croisées ayant le même objet et stipulées dans les mêmes termes : Cass. com. 22 nov. 2005, Defrénois 2006, p. 605, obs. R. Libchaber, RTD civ. 2006, p. 302, obs. J. Mestre et B. Fages.

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dès qu'un destinataire acceptera. L’offre, de ce point de vue, dépend du seul pollicitant, c’est un acte unilatéral, même si elle peut être contractualisée, par exemple par une promesse de contracter. Seule produit les effets d'une offre les propositions remplissant certaines conditions.

100. Conditions de l’offre : précision et fermeté. L’offre doit être précise et ferme pour pouvoir produire effets. L'offre doit être précise, puisque la simple acceptation, un simple « oui » du destinataire formera le consentement et donc le contrat. Elle doit ce faisant comporter les indications nécessaires à la formation du contrat (Cf. supra, n°70), la nature du contrat à conclure, les éléments nécessaires à sa conclusion (prix et chose pour la vente, etc.). L'offre doit encore être ferme; elle doit exprimer une volonté nette de conclure le contrat si elle est acceptée. L'originalité de l'offre par rapport à la proposition de contracter tient à ce que l'offrant confère au destinataire de l’offre le pouvoir de former le contrat par sa simple acceptation : il lui reconnaît « le dernier mot » dans la formation du consentement et, partant, du contrat. Dès lors elle n’est pas ferme lorsqu’elle comporte des réserves, comme une lettre qui envisagerait de conclure un contrat (cf. supra n°36 s. les lettres d’intention, une petite annonce précisant que le prix est à débattre, ou une formule indiquant que la proposition n’est pas contractuelle. La forme de l’offre importe peu. L’offre est en principe expresse lorsqu’elle résulte d’écrit ou de propos explicites. L’offre peut également être tacite lorsqu’elle résulte de comportements non équivoques. Tout le problème dépasse cette question pour apparaître comme une question d’extériorisation de l’offre : une lettre, une petite annonce, un geste, des conditions générales de vente, un document publicitaire, une parole ou le simple fait de placer des marchandises sur un étal ou des gondoles d’une grande surface, d’où la proposition selon laquelle les professionnels sont en étant d’offre permanente, solution très favorable au destinataire de l’offre. C’est ce qui justifie que le commerçant est tenu par le prix, même erroné figurant sur l’annonce de prix par exemple. Cependant, cette qualité d’offreur permanant peut être aménagée, et notamment dans les rapports entre professionnels. Ainsi, les conditions générales de vente manifestent l’explicitation de l’offre d’un professionnel, leur formalisation, et inversement, les conditions générales d’achat manifestent les conditions de l’acceptation du destinataire de l’offre. Cette situation justifiant les clauses dans les conditions générales de vente selon laquelle l’offre n’est valable que pour autant qu’elle soit finalement acceptée par l’offrant (158) ou alors l’offre faite sous réserve, par exemple de l’épuisement des stocks. Lorsqu’elle est émise par un

158 Cf. Cass. com. 6 mars 1990, Bull. civ. IV, n°74, JCP 1990, II, 21583, note B. Gross.

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professionnel à destination de consommateurs, l’offre est soumise à un important formalisme et fait l’objet d’une réglementation quant à son contenu. Par exemple, l’offre de vente doit comporter, par étiquetage par exemple, des informations sur les caractéristiques essentielles du bien offert à la vente (C. consom., art. L. 111-1).

101. Effets de l'offre. −−−− L'offre acceptée forme le contrat. A contrario, l'offrant n'est pas contractuellement engagé tant que le destinataire ne l'a pas acceptée. L'offre acceptée apparaît comme l'acte de volonté de l'offrant, qui participe à la formation du consentement : la simple offre devient, alors, l'acte volontaire de l'une des parties et les conditions de l'offre acceptée deviennent les conditions mêmes du contrat. C'est à ce moment, par conséquent, que l'offre remplit son effet principal. Les difficultés reposent sur les effets et le régime de l’offre avant son acceptation En principe, l'offre non acceptée ne produit pas d’effet juridique dans la mesure où elle exprime la volonté, unilatérale, de son auteur et peut être librement retirée. On admet par exception cependant que l’offre produit des effets juridiques dans la mesure où l’offre est destinée à être acceptée et, par conséquent, à lier son auteur tant qu'elle n'a pas été révoquée ou n'a pas été atteinte de caducité. L’écoulement du temps, la disparition de la chose offerte à la vente, par exemple, emporte en effet la caducité de l’offre. Plus complexe est la situation du décès de l’offrant. La jurisprudence a ainsi longtemps hésité (159) et tout dépend aussi de l’importance de la personnalité de l’offrant c’est-à-dire selon le contrat à conclure était ou non un contrat intuitu personae.

102. Révocation de l'offre avant son acceptation. −−−− L'offre non encore acceptée peut-elle être rétractée par son auteur ? D’un côté, l’offre est un acte unilatéral qui ne lie pas son auteur tant qu’elle n’a pas été acceptée mais, d’un autre côté, on peut estimer que la sécurité du destinataire de l’offre mérite attention. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence admet par principe que l’offre peut être librement révoquée par celui dont elle émane de manière expresse ou tacite à condition qu’elle ne soit pas équivoque et ne prête pas à confusion et à tout moment ou plus exactement tant qu'elle n'a pas été acceptée valablement. La révocation est cependant impossible lorsque l’offre est assortie d’un délai, délai imposé par la loi (C.consom, art. L. 311-5 et L. 312-10 en

159 Civ., 3ème, 9 novembre 1983, Bull. civ. III, n°222, RTD civ. 1985. 154, obs. J. Mestre : pas de caducité ; Civ. 3ème 10 mai 1989, D. 1989.365, note G. Virassamy : caducité de l’offre ; Civ. 3ème, 10 déc. 1997, Bull. civ. III, n°223 : pas de caducité.

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matière de crédit à la consommation ou de crédit immobilier) ou délai expressément indiqué par l'offrant lui-même (160). Dans ces deux cas, la rétractation de l’offre est inefficace (Cf. Avant-projet de réforme art. 1105-4). Il en est ainsi, même en l'absence d'un tel délai, si l'offrant n'a pas respecté un « délai raisonnable » d'acceptation (161) qui ferait implicitement partie de l’offre (162). La durée de ce délai, généralement assez brève est appréciée par les juges du fond mais, à la différence de la situation précédente, sa violation n’est sanctionnée que par des dommages et intérêts. On admet alors qu’en principe l’offre peut être révoquée tant qu’elle n’a pas été acceptée. Ce principe est cependant tempéré par les règles de la responsabilité civile. La faute consistera à retirer une offre alors que le destinataire pouvait, encore, légitimement, compter sur son maintien. L'offrant a alors créé une apparence trompeuse. L’idée est d’offrir une certaine protection au destinataire de l’offre : si le principe de libre révocation est érigé sans limite, le destinataire de l’offre peut être tenté d’accepter sans réflexion, de peur que l’offre soit révoquée abruptement, ou d’engager des frais d’étude en pure perte.

103. Caducité et révocation de l’offre : fondement des solutions. −−−− Plusieurs justifications ont été apportées pour justifier les tempéraments apportés par la jurisprudence. Traditionnellement, le principe de la libre révocabilité de l’offre résulte du principe de la liberté contractuelle : l’effritement du principe emporte celui de ses déclinaisons. Au XIXème siècle, Demolombe invoquait la théorie de l’avant contrat justifiant l’existence implicite d’un délai raisonnable engageant l’offrant, sur le modèle, d’ailleurs du droit allemand, qui considère, au rebours du droit français que l’offre engage l’offrant (BGB, art. 145), mais par l’existence d’un contrat conclu entre l’offrant et son destinataire sur le principe de ce délai. Les règles de la responsabilité civile, qui prévalent aujourd’hui, se fondent sur la conception du contrat comme un univers clos : l’avant (comme l’après) contrat est du domaine extra contractuel. Une troisième école fait état d’un engagement unilatéral de volonté thèse qui prévaut surtout lorsque l’offrant s’est engagé sur un délai. La jurisprudence sur la caducité de l’offre montre que cette thèse attire sans convaincre toutefois unanimement.

160 Cass. Civ. 1ère, 17 déc. 1958, Bull. civ. I, n°579, RTD civ. 1959, p. 336, obs. J. Carbonnier : « si une offre de vente peut en principe être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s’est expressément ou implicitement engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque ». 161 Civ. 3ème, 28 nov. 1968, Bull. civ., III, n°60, JCP 1969, II, 15797 ; Civ. 3ème, 20 mai 1992, D. 1993, D. 1993.493, note G. Virassamy. 162 Civ. 3ème, 10 mai 1972, Bull. civ. III, n° 297, RTD civ. 1972.773, obs. Y. Loussouarn.

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2 – L'acceptation de l'offre

104. Définition. – L'acceptation est l'acte de volonté par lequel le destinataire de l'offre acquiesce à l'offre, dans le délai prévu, et qui, réalisant la communauté d'opinions entre les contractants, opère le consentement. L’acceptation doit intervenir à un moment où l'offre est maintenue par son auteur. L'acceptation serait tardive et inefficace si elle intervenait à un moment où l'offre a été révoquée ou est devenue caduque ou a été saisie par une précédente acceptation d'un autre destinataire Par principe, l’acceptation est toujours libre et, donc, le destinataire de l’offre est toujours libre de ne pas l’accepter.

105. Contenu de l'acceptation. −−−− L’acceptation doit être identique à l'offre. S'il n'y a pas cette concordance, il n'y a pas d'accord des volontés. Il convient donc que l’acceptation soit pure et simple. Lorsque le destinataire de l'offre n'accepte pas purement et simplement cette offre, il accepte une partie de l’offre et modifie une autre partie : il ne peut pas y avoir acceptation. Il formule alors une « contre-proposition », « une contre-offre », initiant une négociation informelle, un marchandage. La situation est alors renversée : le destinataire de la première offre se transforme en offrant et c'est l'acceptation éventuelle de l'offrant initial, devenu destinataire de l'offre seconde (la contre-proposition), qui vaudra acceptation et formera le consentement. Il est parfois assez difficile de connaître l’étendue de ce qui a été accepté par exemple parce qu’un document a été annexé, par ce que des clauses figurent en tout petit caractère, parce qu’une mention réfute le caractère contractuel d’une clause... En règle générale, on considère que c’est à celui qui se prévaut d’une telle acceptation de prouver qu’elle a eu lieu, ce qui suppose leur connaissance préalable. Par ailleurs, l’acceptation d’une offre dot porter sur certains éléments : il convient, et il suffit, que l’accord porte sur les éléments essentiels du contrat, chose et prix pour la vente (C. civ., art. 1582), chose, prix, durée pour le bail, mission, rémunération, lieu de travail pour le contrat de travail… Lorsqu’il n’y a pas accord sur les éléments essentiel du contrat, l’échange des consentements est incapable de former le contrat mais un accord de principe peut être identifié (cf. supra n°39). Lorsqu’il y a accord sur les éléments essentiels du contrat mais pas sur tous les éléments du contrat – on parle alors d’accord partiel: le contrat est en principe conclu, et les éléments qui n’ont pas fait l’objet de l’accord sont écartés au profit des dispositions légales supplétives ; par exception cependant, il est possible que les parties aient « essentialisé » certains éléments (condition de garantie, de règlement …) qui sont alors

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traités comme des éléments essentiels.

106. Forme de l'acceptation. − En principe, comme celle de l'offre, la forme de l'acceptation est libre sauf quelques exceptions (ex : acceptation de la solidarité C. civ., art.1202 acceptation de l'offre d'un prêt immobilier à un consommateur) et la liberté des formes est, ici aussi, applicable. Dès lors, la manifestation de volonté de l'acceptant pourra être expresse, de la signature d'un écrit par devant notaire à la simple manifestation verbale ou même au simple hochement de tête ou tacite en passant par le fait de glisser une pièce dans un distributeur automatique : les manifestations tacites d'acceptation sont plus fréquentes que les manifestations tacites d'offres. Il est plus facile, en effet, d'accepter tacitement une offre formulée que de prendre tacitement l'initiative de relations contractuelles. C’est ainsi que la jurisprudence admet que l'acceptation peut résulter de l'exécution du contrat offert par le destinataire de l’offre. Les modernes contrats électroniques illustrent parfaitement ces difficultés.

107. Silence et acceptation. −−−− Plus délicate est la question de savoir si l’acceptation peut résulter du silence gardé par le destinataire de l’offre. Contrairement à l’adage populaire, en droit, en principe, « qui ne dit mot ne consent pas » comme l’a affirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mai 1870 (163). Par conséquent, le défaut de réponse à un courrier, l’absence de réponse l’envoi d’une facture, le non retour d’une bien livré sans commande préalable (qui constitue par ailleurs l’infraction pénale de vente forcée, C. consom., art. L. 122-3), n’est pas équivalent à une acceptation. Il en est différemment, par exception. Traditionnellement, quelques cas particuliers avaient été identifiés au fil des décisions de la jurisprudence. Cependant, la Cour de cassation considère aujourd’hui et de manière plus générale que s’il est de principe que le silence ne vaut pas acceptation, « il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (164), décision qui utilise les accents du principe de cohérence contractuelle. Cette décision ne remet pas en cause les exemples traditionnels. Ce peut

163 Cass. civ. 25 mai 1870, DP 0870.1.257, Grands arrêts, n° 84 et Civ. 1ère, 6 avril 1996, RTD civ. 1996.894, obs. J. Mestre : « en droit le silence de celui qu’on prétend obliger ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » ; adde CVIM, art.18, PECL, 2:204, Principes Unidroit, art. 2.1.6, al.1, avant-projet de réforme, art. 1105-6. 164 Cass. civ. 1ère, 24 mai 2005, RDC 2005, p. 1007, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2005, p. 588, obs. J. Mestre et B. Fages.

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être une disposition contractuelle comme en présence clause de tacite reconduction qui assure le renouvellement d’un contrat dans le silence des parties. Ce peut être une disposition de la loi, hypothèse rare (Cf. C. ass., art. L. 112-2, al. 5) ou bien en raison des usages d’une profession. Ainsi, il est d’usage, général, entre commerçants, que le silence opposé à une lettre de confirmation émanant de l’offrant et récapitulant les éléments de l’accord auquel les parties sont parvenues vaut acceptation (165). Cette hypothèse voisine la question des usages contractuels nés de relations d’affaires continues entre deux parties : des habitudes se forment sur la base des relations contractuelles antérieures. Par exemple, lorsque des commandes sont effectuées auprès d’un fournisseur selon des termes systématique, le silence conservé par le vendeur à une commande vaut acceptation. Le silence vaut également acceptation lorsque l’offre est effectuée dans l’intérêt exclusif de son destinataire, comme une offre d’augmentation de salaire ou de baisse de loyer. Les principales exceptions relèvent cependant ; existence de relations d’affaires antérieures entre les parties à l’occasion desquelles les parties avaient l’habitude de s’engager par le silence du destinataire de l’offre ; offre faite dans l’intérêt exclusif du destinataire ; accord déjà réalisé sur les clauses principales du contrat.

108. Moment et lieu de l’acceptation : les contrats entre absents. −−−− Pour les contrats simples, l’offre et l’acceptation sont presque concomitants. Parfois cependant les contrats sont conclus alors que les parties ne sont pas présentes. L’offre et l’acceptation se rencontrent mais ne sont pas nécessairement émises au même moment, par téléphone par exemple, ne serait-ce qu’en raison des exigences de formalisme des échanges. L’échange des volontés s’effectue alors dans la durée, notamment lorsque les échanges s’effectuent par correspondance. Délicate est la question de savoir comment, où et à quel moment l’acceptation forme le contrat. Les problèmes sont nombreux, est-ce par le simple fait de l’acceptation par son auteur, effectuée à une date particulière, ou par la connaissance que peut en avoir son destinataire, l’offrant, à une date postérieure ? Quelle est la loi applicable, ou la juridiction compétente lorsque les contractants sont séparés par une grande distance ? On parle alors de « contrat entre absents » extrêmement fréquent dans les relations d’affaires ou avec les consommateurs car ils représentent l’ensemble des contrats conclus par correspondance et aujourd’hui des contrats électroniques. Les enjeux de la localisation spatiale et temporelle de la conclusion, et donc du contrat, sont d’ordre interne et d’ordre international.

165 Cass. civ. 2ème, 6 juill. 1966, Bull. civ. II, n°737.

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En droit interne, se posent des problèmes de compétence juridictionnelle ratione loci mais aussi nombre de problème pratiques. Ainsi, en matière commerciale, le tribunal compétent est le tribunal du lieu de formation du contrat ; en matière de litiges du travail, la compétence du Conseil des prud’hommes est déterminée par le lieu de formation du contrat de travail (C.trav. art.R.517-1)... Une réforme législative intéressant les contrats à venir intervenant entre l’émission et la réception de l’acceptation, sera-t-elle applicable à ce contrat ? La capacité des parties est appréciée à la date de la formation du contrat. Est-ce celle de l’émission ou celle de la réception de l’acceptation ? L’offre est révocable jusqu’à l’acceptation : est-ce jusqu’à l’émission de l’acceptation ou jusqu’à sa réception ? Savoir si l’offre peut être révoquée entre le moment où l’acceptation est émise et celle où elle est reçue par l’offrant est, d’ailleurs, l’un des principaux intérêts pratiques du problème. L’offre devient caduque avec la mort ou l’incapacité de l’offrant, comme avec la disparition de la chose : que se passera-t-il si ce décès, cette incapacité ou cette disparition de la chose surviennent entre l’émission et la réception de l’acceptation ? Une fois conclu, le contrat ne peut être unilatéralement modifié. Le rappel de cette règle évidente est très utile pour régler les conflits entre conditions générales d’achat et de vente dans les relations commerciales. Dès lors, par exemple, que le contrat a été formé sur la base des conditions générales d’achat de l’acheteur, il ne saurait être modifié par le simple envoi de conditions générales de vente du vendeur au dos d’une facture ou d’un bon de livraison ; le scénario inverse appelle la même conclusion. En droit international, se posent, essentiellement, des problèmes de compétence législative (conflit de lois provoqué par la participation d’étrangers à un contrat). Pour les conditions de forme du contrat il était admis que la loi applicable était celle du lieu de sa formation : locus regit actum ; mais la Convention de Rome du 17 juin 1980 applicable aux obligations contractuelles prévoit désormais que le contrat est valable lorsqu’il satisfait aux conditions de forme de la loi du pays de l’une des parties (art. 9-2), etc. Les solutions au problème posé ne sont pas aisées à présenter. Les données du problème se fondent autour de deux grandes théories. La théorie de l’émission de l’acceptation assure que le consentement, donc le contrat, est formé au moment et au lieu d’où est émise l’acceptation par l’acceptant. Au moment où l’acceptation est émise (réflexion, écriture du courrier d’acception), c’est la théorie de la déclaration de volonté. Au moment où l’expédition est transmise (la lettre est postée, le mail est expédié…) ; c’est la théorie de l’expédition. La théorie de la réception de l’acceptation assure au contraire que le consentement, donc le contrat, est formé au moment et au lieu où l’offrant a effectivement reçu l’acceptation de l’acceptant. Cette solution est celle que retiennent les règles internationales (CVIM, art. 18§2,

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PEDC, art. 2 :205, Principes Unidroit, art. 2.1.6 (2). Au moment où l’offrant reçoit physiquement l’acceptation (le courrier est reçu…), c’est la théorie de la réception proprement dite. Au moment où l’offrant prend connaissance de l’acceptation (lecture du courrier), c’est la théorie de l’information. La jurisprudence n’a jamais tranché. La du XIXème siècle penchait plutôt en faveur de la thèse de l’émission. En effet, le système de l’émission fixe la date du contrat à celle de l’émission de l’acceptation, l’offrant ne pouvant plus révoquer, et fixe comme lieu du contrat celui de l’émission de l’acceptation, le tribunal compétent étant, par conséquent, le tribunal du lieu de cette émission, donc le tribunal du lieu du domicile de l’acceptant. Cette thèse est donc plutôt favorable à l’acceptant. Au contraire, le système de la réception fixe la date du contrat à celle de la réception de l’acceptation, l’offrant pouvant révoquer son offre jusqu’à ce moment, et fixe comme lieu du contrat celui de la réception de l’acceptation, le tribunal compétent étant le tribunal du lieu de cette réception, le tribunal du lieu du domicile de l’offrant le plus souvent, par conséquent ; cette thèse est donc plutôt favorable à l’offrant. Or, l’équité comme une analyse économique de la formation commandent de faire supporter les charges et risques éventuels de l’opération contractuelle à celui qui en a pris l’initiative, c’est-à-dire l’offrant initial, aussi bien dans l’hypothèse d’une acceptation pure et simple que d’une acceptation assortie de contre-propositions. La meilleure formule consisterait, donc, à fixer les moment et lieu de formation de l’acceptation, donc du consentement et donc du contrat, aux moment et lieu de dernière intervention du partenaire qui n’a pas pris l’initiative de la négociation ou bien qui n’a pas pris le risque de l’offre ultime, c’est-à-dire l’acceptant. La loi n’apporte pas véritablement de réponse : muette sur le principe, on ne rencontre que deux dispositions particulières et antagonistes. Mais ces deux textes sont trop particuliers et trop contradictoires pour qu’une solution générale puisse se fonder sur eux. L’article 1985 al.2 C.civ. .prévoit que l’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui est donnée par le mandataire : le consentement au contrat de mandat est par conséquent formé dès que le mandataire a émis son acceptation, avant même que le mandant en ait eu connaissance, qu’il l’ait reçue... C’est appliquer la thèse de l’émission de l’acceptation. L’article 932 C.civ. prévoit que la donation n’aura d’effet à l’égard du donateur que du jour où l’acceptation du donataire lui aura été notifiée. C’est, donc, la solution inverse. Les dispositions internationales et Le droit comparé en la matière retiennent généralement le système de la réception de l’acceptation. L’article 10 de la Convention de la Haye de 1964 sur la vente

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internationale des objets mobiliers corporels prévoit ainsi que « l’acceptation est irrévocable, sauf si la révocation parvient à l’auteur de l’offre avant ou en même temps que l’acceptation ». L’article 18 de la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises consacre le système de la réception (cependant l’article 16 n’admet la révocation de l’offre qu’avant l’expédition de l’acceptation). La technique américaine de la « mailbox rule » qui choisit la thèse de l’information, à la différence du droit québécois (C. civ., art. 1387), par exemple, qui préfère la thèse de la réception. La solution française est alors appelée à se modifier, dans la mesure où la Directive du 8 juin 2000 (art. 11-1) choisit également la thèse de la réception : « la commande et l’accusé de réception sont considérés comme étant reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès ». La formule semble alors favoriser la thèse de la réception proprement dite. C’était donc à la jurisprudence de donner une solution. De nombreux arrêts ont longtemps considéré qu’il s’agit d’un problème de fait et qu’il faut rechercher la commune intention des parties « Dans les conventions qui se lient par correspondance, la fixation du moment où le contrat est devenu parfait entre les parties est généralement une question de fait dont la solution dépend des circonstances de la cause » (166). Certains arrêts ont considéré qu’il s’agit d’un problème de droit et qu’il faut lui apporter une solution générale. Quelques uns défendent la solution de la réception de l’acceptation (167). La plupart appliquent le principe de l’émission de l’acceptation (168) et ce, malgré la solution contraire exprimée dans les plus récents ensembles internationaux de règles comme les Principes Unidroit ou les PEDC.

109. Effet de l’acceptation. −−−− L’effet de l’acceptation est de former le contrat : celui-ci ne peut plus être défait ou modifié. La loi offre cependant quelques contre-exemples en droit de la consommation comme en matière de vente par démarchage à domicile, de vente à distance, de contrat de crédit à la consommation notamment, assurant un droit de repentir au consommateur lui permettant, même après l’expression de son acceptation, de revenir sur celle-ci pour détruire le contrat. Les parties elles-mêmes peuvent insérer une clause à cet effet comme par exemple la stipulation d’arrhes (C. civ., art. 1590) ou l’insertion d’une faculté de dédit. Les arrhes permettent, ainsi, à l’acheteur de verser une somme d’argent lors de la conclusion du contrat lui assurant la faculté de

166 Cass. com.6 août 1867, D.P.1868.I.35. 167 Cass. req. 2 février 1932, S.1932, 1, 68 ; Cass. civ.1ère 21 décembre 1960, D.1961, 417 ; Cass. civ.3ème, 24 octobre 1978, Bull. civ.III, n°320. 168 Cass. req. 21 mars 1932, S.1932, 1, 65, note E. Salle de la Marnière ; Cass. com. 7 janvier 1959, Bull. civ. III, n°10 ; Cass. com. 7 janvier 1981, Bull. civ. IV, n°11.

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renoncer au contrat, mais en perdant les arrhes ; le vendeur peut lui aussi renoncer au contrat mais il lui faut rendre la somme versée par l’acheteur et une somme équivalent : les arrhes sont une faculté de dédit réciproque et à titre onéreux. Une faculté de dédit, souvent à titre onéreuse mais qui peut être à titre gratuit, permet à son bénéficiaire seulement de renoncer au contrat, dans les conditions prévues par ce contrat.

III. – L’intégrité du consentement

110. Intégrité et protection du consentement. −−−− La manifestation de volonté ne vaut que pour autant qu’elle soit libre, consciente et éclairée. Ainsi exprimée, la proposition est nouvelle. Le Code civil ne parle du consentement que pour prévoir qu'il peut ne pas être valable et pour en étudier les vices ; c’est donc une proposition négative, le consentement ne doit pas être vicié via une protection a posteriori du consentement (A). De plus en plus, cependant s’installe une protection a priori par l’existence d’obligations d’information précontractuelle, méthode de protection a priori du consentement (B). Nous respecterons cependant cette logique achromatique paradoxale, en raison de l’importance accordée à la question des vices du consentement.

A – Protection a posteriori du consentement : les vices du consentement

111. Liberté et intégrité du consentement. −−−− Pour produire effet de manière efficace et rationnelle, l'acte de volonté doit être donné en parfaite connaissance de cause et de façon libre. Si l'une de ces qualités fait défaut, le consentement est altéré, on dit qu'il est « vicié » et la sanction est une sanction formidable : l’annulation du contrat qui conduit à considérer que le contrat n’a jamais existé. C’est dire à quel niveau se situent les exigences en la matière. La police des vices du consentement sollicite le législateur par deux préoccupations contradictoires : un souci de justice contractuelle de nature à protéger la libre volonté des individus par une considération élargie des vices du consentement et un souci de sécurité des transactions qui le porte à veiller à la stabilité des relations contractuelles par une considération étroite des vices du consentement : l’erreur, la crainte, développés en quatre vices du consentement, l’erreur, le dol la lésion, qui participent de la même logique, et la violence. Dès lors, une conception consensualiste du système juridique, attachée au rôle de la volonté interne dans la manifestation juridique de volonté accorde une large place à la première préoccupation et accueille largement la sanction des vices du consentement, dans la tradition

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moraliste et canonique. A l’inverse, une conception formaliste, attachée au rôle de la volonté extériorisée sera sensible à la seconde préoccupation et freinera la police des vices du consentement, comme en droit romain dans les droits d'origine germanique. Le Code civil porte sur ce point la trace d'une contradiction nette entre la doctrine consensualiste qui animait ses rédacteurs et le caractère encore formaliste des analyses romaines transmises par Pothier et dont il avait à faire usage. Le paradoxe du Code est, alors, d'affirmer et de restreindre, à la fois, le domaine des vices du consentement. Cette attitude se manifeste de deux façons. D'abord, le Code énumère de façon limitative les vices du consentement susceptibles d'être invoqués en justice pour obtenir l'annulation du contrat. L'article 1109 du Code civil procède à cette énumération : « Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». L'article 1118 apporte un complément : « La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes ». Cette énumération est limitative. En dehors de ces quatre vices, le juge ne peut, en principe du moins, faire valoir une autre altération du consentement. Ensuite, le Code définit de manière restrictive les conditions dans lesquelles ces vices pourront être sanctionnés. On peut, alors, distinguer les vices généraux du consentement, erreur, dol, violence (1) et un vice spécial constitué par la lésion qui apparaît davantage comme un vice du contrat que comme un vice du consentement (2).

1 – Les vices généraux du consentement

a – L'erreur

112. Définition de l’erreur. −−−− « L'erreur consiste à croire vrai ce qui est faux et faux ce qui vrai ». L'erreur apparaît, en effet, comme une représentation des choses non conforme à la réalité. « Ah ! si j’avais su » dis souvent celui qui s’est trompé, qui a commis une erreur, qui est souvent de bonne foi mais qui n’aurait pas conclu ce contrat s’il ne l’avait pas commise. Le Code civil, en faisant de l’erreur un vice du consentement, cherche ainsi à protéger le consentement tout en assurant au mieux la sécurité des transactions : toutes les erreurs ne rendent pas le contrat annulable. Seules les erreurs graves peuvent emporter nullité du contrat. La jurisprudence a, là encore, eu pour tâche de déterminer quelles erreurs étaient susceptibles d’emporter nullité du contrat ;

113. Erreur obstacle. −−−− L’erreur obstacle, non envisagée par le Code civil, caractérise l’hypothèse dans laquelle les volontés des parties n’ont pas pu se rencontrer par exemple parce que les parties n'ont pas la même

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considération de la nature du contrat : l'une croit louer tandis que l'autre partie croit acheter; ou encore n'ont pas la même considération de l'objet : l'une croit acheter un bien différent, en qualité ou quantité, de celui que l'autre partie désire vendre (169). Elle est sanctionnée par la « nullité absolue » (cf. infra n°175) du contrat qui en est atteint. Certains auteurs, tel Carbonnier, préfèrent parler d' « inexistence » du contrat pour souligner que cette hypothèse n’a rien à voir avec l’erreur. L’erreur souligne un consentement qui aurait pu être donné alors que l’erreur obstacle signale une absence de consentement. Il peut alors s’agir d’une erreur sur la nature du contrat (170), d’une erreur sur l’objet du contrat (171), voire l’erreur sur la cause (cf. infra n°156).

114. Erreur sur la substance. −−−− L'erreur sur la substance, vice du consentement, est, pour simplifier, l’erreur sur l’objet du contrat, celle qui « tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet » (C. civ., art. 1110) : c’est l’erreur de l’acquéreur qui achète un tableau de maître et qui se retrouve avec une croûte. Se pose alors le problème de savoir ce qu'il y a lieu d'entendre par « substance » d'une chose. Selon une première conception, objective et restrictive, la « substance » de la chose consiste, en l'ensemble des propriétés objectives, intrinsèques (physiques, chimiques...) qui déterminent la nature spécifique de la chose. On peut citer l'exemple fameux de Pothier : « si, croyant acheter des chandeliers en argent, j'achète des chandeliers en cuivre, il y a erreur sur la matière, donc sur la substance de la chose ». L’erreur sur la substance est, en ce sens, une erreur sur la matière. Selon une seconde conception, subjective et extensive, la « substance » représente les qualités essentielles de la chose qui ont amené la personne à traiter, une erreur qui a déterminé le consentement. Dans l'exemple de Pothier, l'erreur sur la matière ne sera une erreur sur la substance que si l'acquéreur voulait obtenir un objet en argent ou signé. S'il s'est déterminé par choix d'un objet ancien, peu importe l'erreur sur la matière; sera, en revanche, retenu le fait que l'objet n'ait pas l'ancienneté envisagée. L’erreur sur la substance est, selon cette conception l’erreur déterminante, lorsqu’elle est de telle nature que, sans elle, l’une des parties n’aurait pas contracté.

169 Cass. civ. 3ème, 1er févr. 1995, Bull. civ. III, n° 36. 170 Paris, 13 déc. 1001, Contrats, conc. consom. 1992, n°44, obs. L. Leveneur. 171 Cass. civ. 3ème, 1er févr. 1995, préc. V. aussi Cass. com. 14 janv. 1969, D. 1970, 458, note M. Pédamon (erreur sur les francs, anciens et nouveaux, transposables à l’euro : Orleans 13 mai 2004, RTD civ. 2005, p. 589, obs. J. Mestre et B. Fages).

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La jurisprudence a retenu cette dernière conception (172), qui peut d’ailleurs rejoindre la première (173), et l’a précisée à l’occasion notamment, d’affaires devenues célèbres portant sur des erreurs à l’occasion d’acquisitions d’œuvres d’art dont, notamment la célébrissime et interminable affaire Poussin (174) qui s’est même enrichie d’une affaire « Poussin 2 » (175), mais aussi à propos d’une erreur sur les qualités substantielles sur des titres cédés (176), sur le caractère constructible d’un terrain (177), sur les aptitudes d’un animal (178). La notion de qualité essentielle est alors déterminée in concreto c’est-à-dire en fonction de la situation étudiée, propre à l’intelligence, la culture des parties et non in abstracto, c’est-à-dire retenue par tout le monde, sauf pour quelques hypothèses, comme l’authenticité d’une œuvre d’art. Dès lors c’est à celui qui invoque une qualité comme essentielle de prouver qu’il l’a fait savoir à son cocontractant. Il doit alors s’agir d’une qualité connue des deux contractants, une qualité commune. Une qualité essentielle est commune dès que les parties se sont accordées sur ce point, soit de façon tacite (authenticité d’une œuvre d’art) soit de façon expresse (date de mise circulation d’un véhicule de collection). Cependant, il suffit que les parties aient envisagé un aléa sur les qualités de la chose, par exemple sur l’authenticité d’une œuvre, pour exclure le jeu de l’action en nullité pour erreur (179). De même, si l’erreur sur les qualités essentielles peut être invoquée par l’acquéreur, la question s’est posée de savoir si elle pouvait être invoquée par le vendeur (« erreur sur sa propre prestation ») et la jurisprudence l’a admis dans l’affaire Poussin. Les conditions de l’erreur sur la substance, vice du consentement, sont

172 Cass. civ. 28 janv. 1913, S. 1913.1.487. 173 Paris 7 juin 1996, RTD civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre. 174 Paris 2 février 1976, D.1976.325, concl. Cabannes jusqu'à Versailles 7 janvier 1989, D.1989, 485, en passant par Civ. 1ère, 22 février 1978, D.1978.601, note Ph. Malinvaud, Def. 1978.1346, obs. J.-L. Aubert; Amiens 1er février 1982, JCP 1982, II, 19916 note J.-M. Trigeaud, et Civ.1ère, 13 décembre 1983, D.1984.340 note J.L. Aubert, JCP 1984, II, 20184, concl. Gulphe, Versailles, 7 janvier 1987, D. 1987.485, note J.-L. Aubert, JCP 1988, II, 21121, note J. Ghestin, Affaire du Verrou de Fragonard, Civ. 1ère, 24 mars 1987, D. 1987.489, note J.-L. Aubert, JCP 1988, II, 21300, note Vieilleville-Miravette. 175 Cass. civ. 1ère, 17 sept. 2003, Bull. civ. I, n°183, Contrats, conc. consom. 2004, n°, obs. L. Leveneur. V. aussi Cass. civ. 1ère, 5 févr. 2002, Bull. civ. I, n°46, Defrénois, 2002, p. 761, obs. E. Savaux (affaire du « tableau piège », signé par l’artiste mais réalisé par un tiers). 176 Cass. com. 1er oct. 1991, JCP 1992, II, 277, note A. Viandier, Cass. com. 17 oct. 1995, RTD civ. 1995, p. 878, obs. J. Mestre. 177 Cass. civ. 3ème, 13 juillet 1999, Bull. civ. III, n°178. 178 Cass. civ. 1ère, 24 avr. 1985, Bull. civ. I, n°127 : jument atteinte d’une maladie infectieuse, erreur en concurrence avec la garantie des vices cachés de la vente (cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 6ème éd., 2008), mais comp. Cass. civ. 1ère, 14 mai 1996, Bull. civ. I, n°213 et Cass. civ. 1ère, 6 nov. 2002, Bull. civ. I, n°260. 179 Cass. civ. 1ère, 24 mars 1987, D. 1987, p. 489, note J.-L. Aubert.

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alors les suivantes. Il convient que l’erreur soit importante, c’est-à-dire quelle ne soit pas inexcusable (exemple de l’expert en œuvre d’art qui commet une erreur en achetant un tableau) ; qu’elle porte sur une qualité essentielle ; qu’elle soit commune (c’est-à-dire qu’elle soit entrée dans le champ contractuel).

115. Erreur sur la personne. −−−− L’erreur sur la personne du cocontractant (C. civ., art.1110, al.2) n’est pas retenue comme vice du consentement sauf quand elle intervient dans un contrat où la considération de la personne du partenaire est essentielle, c'est-à-dire dans un contrat intuitu personae. Il s’agit d’une erreur qui porte sur l’identité physique ou civile de son contractant (180) ou sur les qualités substantielles de l’autre partie, par exemple les aptitudes professionnelles, la solvabilité du contractant, voire d’un tiers lorsque les qualités d’un tiers sont entrées dans le champ contractuel, comme la jurisprudence l’a montré à propos de l’engagement d’une caution (181).

116. Erreurs indifférentes. −−−− Dans tous les autres cas, l'erreur est dite indifférente. C’est le cas lorsque l'erreur porte sur une qualité non substantielle de la chose, sur la personne du cocontractant dans un contrat non intuitu personae, sur les motifs extérieurs à l’objet du contrat (182) sauf l’hypothèse de l’erreur sur la cause ou celle où les parties auraient fait entrer ce motif extérieur dans le champ contractuel. C’est encore, et surtout, le cas de l’erreur sur la valeur de la chose (comp. C.civ. art.2058 et NCPC art.1269 envisageant la rectification matérielle ou arithmétique), c’est-à-dire une erreur portant sur l’appréciation économique de l’objet du contrat (183). En effet, d’une part, cette erreur se confond avec l’erreur lésionnaire, prise en compte très restrictivement par le vice spécial de lésion, mais encore, elle reviendrait à remettre en cause pratiquement tous les contrats sur la base d’une appréciation totalement subjective dans la mesure où la « valeur » d’une chose est une donnée, a priori totalement subjective (mais v. cependant, C. com., art. L. 442-6, I, 2°, a) sur la disproportion entre les prestations).

180 Cf. Rouen 4 mars 1969, RTD civ. 1969, p. 762, obs. Y. Loussouarn : erreur dans une transaction commise par un assureur à la suite d’une confusion de dossier. 181 Cf. Cass. com. 1er oct. 2002, RTD civ. 2003, p. 322, obs. P. Crocq, Cass. com. 19 nov. 2003, RTD civ. 2004, p. 87, obs. J. Mestre et B. Fages : erreur sur les qualités substantielles du débiteur principal. 182 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 févr. 2001, JCP 2001, I, 330, n°5 obs. J. Rochfeld, RTD civ. 2001, p. 352, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. civ. 3ème, 24 avr. 2003, JCP 2003, II, 1436, note R. Wintgen. 183 Cf. Cass. civ. 3ème, 31 mars 2005, Bull. civ. III, n°81 : erreur sur la rentabilité économique d’une opération. Adde G. Goubeaux, « A propos de l’erreur sur la valeur », Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 389.

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b – Le dol

117. Définition. −−−− Le Code civil ne définit pas le dol. Il faut se référer à des définitions souvent anciennes : toute ruse, toute manœuvre, tout artifice utilisé par un contractant pour induire son partenaire en erreur. Ce sont des malhonnêtetés, on dirait même une escroquerie en droit pénal mais le dol est une sanction civile beaucoup plus large que l’escroquerie : c’est le fait de tromper son contractant. Le lien avec l’erreur est alors évident, le dol est une erreur provoquée, le dol suppose une erreur, non envisagée en tant que telle comme précédemment, mais résultant du comportement de celui qui en est à l’origine. Et c’est ce comportement qu’on appelle dol et qui forme un autre vice du consentement, bien que ce ne soit pas le comportement, les manœuvres, eux-mêmes qui vicient le consentement, mais l’erreur qui en résulte. Le dol se distingue cependant de l’erreur, par exemple parce que le dol peut être invoqué même dans les circonstances où l'erreur qui en résulte ne porte ni sur une qualité substantielle de l'objet (184), ni sur la personne du partenaire dans un contrat intuitu personae. Le dol se caractérise, ce faisant, d’une part par l’erreur qu’il provoque et nous verrons que le fondement de l’exigence du caractère déterminant du dol et d’autre part par les manœuvres qui le caractérisent et qui sont, banalement, des fautes précontractuelles. Le dol peut donc être plus facilement établi que l’erreur, par la démonstration de l’existence de cette faute, de ce comportement, ce qui justifie le très grand nombre d’affaires dans lesquelles le dol est invoqué, comparé à l’erreur.

i – Conditions du dol

118. Caractères du dol. −−−− L'analyse du dol retenu comme vice du consentement par les tribunaux fait apparaître deux éléments lorsqu’il s’agit d’envisager son contenu, ses caractères. Un élément psychologique apparaît en premier. La volonté de tromper, l'intention de tromper doit être établie pour qu'il y ait dol et que ce dol puisse emporter l'annulation du contrat vicié. C’est un élément essentiel rappelé par la jurisprudence : le simple fait de commettre une faute précontractuelle, par exemple le manquement à une obligation d’information n’est pas suffisant pour caractériser un dol, si un élément intentionnel ne peut être identifié outre le caractère déterminant de l’erreur qui en résulte (185). Surtout, un élément matériel doit être établi : le fait de tromperie. La

184 Cf. Cass. civ. 3ème, 2 oct. 1974, Bull. civ. III, n°330. 185 Cf. Cass. com. 28 juin 2005, Bull. civ., IV, n°140; D. 2005, pan. 2838, obs. S. Amrani-Mekki, RTD civ. 2005, p. 591, obs. J. Mestre et B. Fages.

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jurisprudence a traduit son désir d'élargir les cas d'ouverture d'annulation du contrat pour dol en interprétant très largement l'exigence de l'élément matériel. Dans un premier temps, des manœuvres objectives, faits positifs de tromperie, étaient requises : limer les dents d'un cheval, boucher une source, falsifier un bilan, maquiller le kilométrage d’une véhicule (186)... sont autant d'exemples offerts par la pratique. Le cas est d’école et échappe généralement aux juridictions civiles : il s’agit du délit d’escroquerie (C. pén., art. 313-1). Dans un deuxième temps, la jurisprudence a admis que le mensonge, fait négatif, pouvait constituer cet élément matériel (187), ce qui était déjà aller au-delà de la lettre de l’article 1116 du Code civil qui n’évoque que des manœuvres donc des faits positifs. La jurisprudence a opéré à cette occasion une distinction entre le « dolus bonus », présent dans la plupart des transactions et correspondant à l'optimisme de tout offrant, un vendeur par exemple, face au pessimisme de tout destinataire de l'offre, l’incitation à acheter et la description laudative des qualités d’une chose, et le « dolus malus », mensonge grave destiné à tromper l'autre partie; le premier n'étant pas sanctionné (188), le second étant sanctionnable. Ici aussi, des règles pénales communient avec cette jurisprudence, comme le délit de publicité de nature à induire en erreur (C. consom., art. L.121-1). Dans un troisième temps, la jurisprudence a assimilé la simple réticence, le silence gardé sur une information décisive pour l’autre partie, de telle manière que sa connaissance aurait modifié l’expression de son consentement – on parle alors de réticence dolosive – aux manœuvres visées par l'article 1116 du Code civil (189), comme le fait de taire le fait qu’un contrat important va être rompu à l’occasion d’une cession de contrôle d’une société, le fait d’acheter des action en taisant qu’il a trouver à la négocier à très bon prix (190). On a d’ailleurs déduit de ces exigences l’existence d’une obligation de renseignement à la charge de certains contractants (191) lorsque le cocontractant n'avait pas, de son côté, l'obligation de se renseigner (V.

186 Cf. Cass. com. 19 déc. 1961, Bull. civ. IV, n°492. 187 Cass. civ. 3ème, 6 nov. 1970, JCP 1971, II, 16942, note J. Ghestin. 188 Comp. Pour un curriculum vitae particulièrement élogieux, mais mensonger : Cass. soc. 16 févr. 1999, RTD civ. 1999, p. 419, obs. P.-Y. Gautier. Adde G. Loiseau, « L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 579. 189 Cass. civ. 1ère, 15 janv. 1971, RTD civ. 1971, p. 839, obs. Y. Loussouarn : « Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » ; Cass. civ. 3ème, 2 octobre 1974, Bull. civ. III, n°330. 190 Cf. Cass. com. 27 févr. 1996, JCP 1996, II, 22665, note J. Ghestin, D. 1996.618, note Ph. Malaurie. 191 Cf. M. de Juglart, « L'obligation de renseignement », RTD civ. 1945, p. 1.

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infra, n°134 et V. C. Ass., art. L. 112-2 ; C. consom. art.L.111-1 ; C. com., art. L.330-1). De telle manière qu’aujourd’hui, et face au renforcement des obligations d’information, spéciales et générale (cf. infra, n°133) et à la vigueur de l’exigence de bonne foi, la sanction de la réticence dolosive de pose plus aucune difficulté, sauf à franchir encore un saut qualitatif.

119. Dol de l’acheteur et droit de réaliser une bonne affaire. −−−− En résultera-t-il un quatrième temps, exigeant une obligation de contracter de bonne foi, interdisant de faire une bonne affaire aux dépens d’autrui ? Cette question a été posée en jurisprudence de manière biaisée, à travers la question dite, depuis, du dol de l’acheteur. La figure traditionnelle du dol, telle qu’elle apparaît dans le Code civil mais aussi dans la plupart des cas de jurisprudence est celle du dol du vendeur (ou du bailleur, du prêteur, etc.), auteur de manœuvres, mensonges ou autres réticences destinées à emporter un consentement erroné. On observera aussi que les grandes décisions en la matière révèlent un dol identifiant une erreur sur la valeur de la chose. Il arrive cependant que le silence émane de l’autre partie, l’acheteur : le cessionnaire de titres qui connaît un projet particulier qui va faire s’envoler leur valeur, le simple chineur qui découvre un trésor dans un marché aux puces, etc. Cet acheteur, qui tait une information essentielle, et qui bien entendu a une incidence sur la valeur de la chose, est-elle constitutive d’un dol ? Telle fut la question posée, maladroitement en 1996 dans une affaire où le dirigeant d’une société avait acquis les titres d’un associé en ne l’informant pas d’un projet qui renchérissaient considérablement leur prix (192) et fut condamné pour dol sur le fondement d’un devoir général de bonne du dirigeant à l’égard de ses associés. La question avait rebondi à l’occasion d’une autre affaire, dite Baldus dans laquelle une personne, par ailleurs

192 Cass. com., 27 février 1996, Bull., n° 65, D. 1996. p. 518, note. Ph. Malaurie, JCP 1996, II, 22665, note J. Ghestin, et Somm. 342, obs. R. Hallouin ; RTD civ. 1997. 114, obs. J. Mestre. Dans le même sens : Cass. com. 22 févr. 2005, Bull. Joly Sociétés 2005. 1105, note T. Massart ; 14 juin 2005 RTD civ. 2005. 774, obs. J. Mestre et B. Fages ;mais contra : Cass. com. 12 mai 2004, RTD civ. 2004. 500, obs. J. Mestre et B. Fages, JCP 2004. I. 10513, obs. Constantin ; RDC 2004. 923, obs. D. Mazeaud : « le cessionnaire n'est tenu d'informer le cédant ni des négociations tendant à l'acquisition par un tiers d'autres titres de la même société ni de celles qu'il conduit lui-même avec ce tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres faisant l'objet de la cession ». et comp. Cass. com. 17 juin 1997, Bull. civ. I, n° 188 à propos d’un cautionnement très supérieur à l’engagement garanti ; Cass. civ. 1ère, 13 mai 2003, JCP 2003, II, 10144, note R. Désgorces, Defrénois, 2002, pp. 1568, obs. R. Libchaber : « manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l'incitant ainsi à s'engager » (dans le même sens Cass. civ. 1ère, 10 mai 1989, JCP 1989, II, 21363, note D. Legeais, Defrénois, 1989, p. 1409, obs. L. Aynès).

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connaisseur en matière photographique, avait acquis 50 photographies signées Baldus à un certain prix, 1000 francs l’une, aux enchères publiques, puis la venderesse avait retrouvé l’acquéreur pour lui en vendre 85 autres, au même prix, acquéreur qui les avaient revendus 2 000 000 F: la venderesse tentait alors d’obtenir la nullité des secondes ventes en raison du dol qu’aurait commis l’acheteur, sur le fondement général du manquement à l’obligation de contracter de bonne foi échouait : « aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur » (193), sauf l’hypothèse d’une fraude (194). Le débat semble tranché depuis un arrêt du 17 janvier 2007 : « l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis » (195). Si, donc, on ne peut manquer d’observer le lien existant entre la réticence dolosive et la reconnaissance d’une exigence générale de contracter de bonne foi, la jurisprudence semble ferme pour éviter que l’action en nullité pour dol ne devienne systématiquement une forme d’action en nullité pour erreur sur la valeur, légitimant, ce faisant, un droit à réaliser une bonne affaire, ce qui peut être approuvé : une chose est d’accepter une offre ferme à un certain prix formulé librement, même en connaissant certaines informations tues au vendeur, et une autre serait d’inciter le vendeur à baisser son prix, ce qui serait, alors, constitutif d’un dol (196).

120. Qualité du dol. −−−− La qualité du dol importe également. L'article 1116 du Code civil exige que le dol ait été déterminant, ce que l'on appelle parfois le dol « principal » opposé au dol « incident » mais ces formules sont peu heureuses. Le dol ne pourra permettre l'annulation du contrat que dans la mesure où, sans lui, la partie qui en a été la victime n'aurait pas contracté ou à tout le oins aurait contracté à des conditions différentes (197), dans la mesure, par conséquent, où il a joué un rôle déterminant du consentement de la victime du dol (198). Lorsque le dol ne joue pas ce rôle déterminant et ne porte que sur des éléments secondaires, ce que l'on appelle le dol « incident », le contrat ne sera pas annulable mais il pourra y avoir action

193 Cass. civ. 1ère, 3 mai 2000, Bull. civ. I, n°131, JCP, 2000, I, n°272, obs. G. Loiseau, Contrats, conc. consomm. 2000, n°140, obs. L. Leveneur, Defrénois 2000, p; 1110, obs. Ph. Delebecque et D. Mazeaud ; RTD civ. 2000, p. 566, obs. J. Mestre. 194 Cass. civ. 3ème, 15 novembre 2000, Contrats conc. consomm., 2001, n°23, obs. L. Leveneur, Defrénois, 2001, p ; 243, obs. E. Savaux, JCP 2001, I, n°301, obs. Y.-M. Serinet. 195 Cass. civ.3eme, 17 janv. 2007, D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud,, 1054, note Ph. Stoffel-Munck, RTD civ. 2007, p. 335 obs. J. Mestre et B. Fages. 196 Sur ces points, sur les analyses morales et économiques sous-jacentes, M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information, LGDJ, 1992, n°210 s. 197 Cf. Cass. civ. 3ème, 22 juin 2005, Bull. civ. III, n°137. 198 Cass. com.11 juillet 1977, D.1978, 155, note Ch. Larroumet.

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en réparation intentée par la victime contre la partie qui a été l'auteur du dol.

121. Auteur du dol. −−−− S’agissant de l’auteur du dol, l'article 1116 du Code civil exige que le dol émane d'une partie au contrat et non d’un tiers. Toutefois, le dol du représentant est assimilé au dol du représenté, le dol du tiers peut être opposable dès lors que le cocontractant est complice du dol commis par ce tiers voire peut être à l’origine d’une action en nullité non plus sur le fondement du dol ais sur celui de l’erreur qui en résulte (199).

122. Preuve du dol. −−−− C’est en principe à celui qui se prétend victime d’un dol d’apporter la preuve de l’existence de celui-ci, le dol ne se présume point, précise l’article 1116 du Code civil.. Toutefois, le dol est intimement lié à l’existence ou la méconnaissance d’une obligation d’information, alors même que la jurisprudence considère, de plus en plus (cf. infra, n°135), que c’est à celui qui est débiteur d’une telle obligation de prouver qu’il l’a correctement exécutée. Si, donc, un dol peut être rapporté sur le fondement de la méconnaissance d’une telle obligation d’information, il devrait suffire à la victime du dol de prouver la violation de cette obligation. Ce serait, cependant, confondre la violation d’une obligation précontractuelle d’information et l’intégrité du consentement : or, la victime du dol doit, au moins établir l’élément intentionnel, la volonté de l’auteur du dol de tromper, de telle manière que le principe selon lequel le dol ne se présume pas demeure, même s’il vacille.

ii – Sanctions du dol

123. Nullité et/ou réparation. −−−− La sanction du dol, vice du consentement, est l'annulation du contrat; mais comme il s'agit d'une nullité de protection, cette nullité est simplement relative. Cependant, la sanction du dol est double, en tant que vice du consentement et en tant que faute précontractuelle dommageable, est la condamnation à des dommages-intérêts sur la base de l'article 1382 du Code civil (200) voire sur le fondement pénal de l’escroquerie. Dès lors, la victime d’un dol a le choix. Si le dol est déterminant, il peut demander l’annulation du contrat et/ou des dommages et intérêts. Si, à l’inverse le dol n’est pas déterminant, il peut toutefois demander des dommages et intérêts pour réparer le dommage subi.

c – La violence 199 Cass. civ. 1ère, 3 juill. 1996, RTD civ. 1996, p. 895, obs. J. Mestre. 200 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 févr; 1975, RTD civ. 1975, p. 537, obs. G. Durry.

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124. Définition : violence et crainte. −−−− L'article 1109 du Code civil place à l’article 1111 du Code civil la violence parmi les vices du consentement même si, plus que la violence elle-même c’est la crainte qu'elle inspire qui vicie le consentement, la violence étant, comme le dol, l’élément d’extériorisation de cette crainte. La violence peut, alors, très largement se définir comme toute contrainte physique ou morale de l'état de nécessité (situation de sauvetage) à la coercition physique, en passant par la menace de voies de fait, susceptible d'arracher un acte de volonté qui, sans elle, n'aurait jamais été formé. S’agissant de son contenu, l’acte de violence requis comporte un double élément : un élément intentionnel : la volonté de contraindre et un élément matériel : l'acte même de violence qui peut prendre des formes diverses, une contrainte physique, des coups, un enfermement, une contrainte morale comme un chantage voire l’exploitation d'un état de nécessité ou de faiblesse, des menaces de voies de fait ou de voies de droit, s’exerçant sur une personne, physique ou morale, ou sur ses proches (C. civ. art., 1113).

125. Qualité de la violence. −−−− Celle-ci est déterminée par l’article 1114 du Code civil. On en déduit qu’elle doit être injuste, illégitime dans la mesure où ce texte dispose que la seule crainte révérencielle de parents ne saurait être retenue comme fait de violence. A cette exigence, la jurisprudence rattache le problème délicat de la « menace d'emploi de voies de droit » : peut-on considérer comme un acte de violence le harcèlement d’un négociateur, le simple fait de menacer quelqu'un d'exercer contre lui des voies de droit, une action en justice ? La jurisprudence française répond, en principe, par la négative (201), mais admet une exception lorsque la menace est « illégitime »i c’est-à-dire « lorsqu’il y a abus de cette voie de droit, soit en la détournant de son but, soit en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif » (202). La violence doit également être déterminante (C. civ., art. 1112) en ce sens qu’elle doit être de nature à impressionner « une personne raisonnable ». Le deuxième alinéa précise « On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes », indiquant que l’appréciation, s’effectue in concreto.

126. Auteur de l’acte de violence. −−−− L'auteur de l’acte de violence importe peu, à la différence du dol, et il sera pris en compte non

201 Paris 8 juillet 1982, D.1983, 473, note D. Landraud. 202 Civ. 3ème, 17 janv. 1984, Bull. civ. III, n°13. Comp. Paris, 24 mai 2002, RTD civ. 2002, p. 504, obs. J. Mestre et B. Fages.

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seulement lorsqu'il est exercé sur la partie contractante mais encore lorsqu'il l'est sur son conjoint et ses descendants ou ascendants (C.civ. art. 1113) et si elle est exercée par un tiers au contrat. On se pose par ailleurs de façon récurrente la question de savoir si la violence peut être causée par des circonstances extérieures, éventuellement économique.

127. Contrainte économique. −−−− Il s’agit alors de savoir si l’hypothèse de la violence économique peut être retenue. La jurisprudence l’avait admis dans des affaires dans lesquelles le cocontractant a profit de circonstances pour imposer des circonstances exagérées : par exemple le fait de profiter de l’indigence d’une personne pour imposer un salaire médiocre (203), de la situation de détresse d’un marin pour imposer un contrat de sauvetage disproportionné…. Le débat avait été relayé par le droit de la concurrence, qui avait créé une sanction de l’abus de situation de dépendance économique (C. com., art. L. 420-2, L. 442-6, I), puis par le droit de la consommation sanctionnant l’abus de faiblesse (C. consom., art. L. 1112-8), mais sans aller jusqu’à consacrer un vice général de violence économique au sens du droit civil. Cependant, un arrêt du 30 mai 2000 l’a, depuis, admis (204) pour reconnaître qu’une contrainte économique, la précarité financière d’un contractant notamment, pouvait justifier la nullité d’un contrat conclu sur cette base sur le fondement d’une violence, alors économique, pour autant cependant qu’elle possède les qualités d’un vice de violence, illégitimité et caractère déterminant (205).

2 – Vice spécial du consentement et du contrat : la lésion

128. Définition. −−−− On entend par lésion le déséquilibre entre les prestations réciproques des parties, une disproportion entre la prestation et la contre-prestation dans un contrat à titre onéreux c’est-à-dire une erreur sur la valeur.

203 Soc. 5 juill. 1965, Bull. civ. V, n° 545 ; Cass. soc., 3 oct. 1973, Bull. civ. V, n° 541. Pour d’autres exemples, circonstanciés : Aix, 19 févr. 1988, RTD civ. 1989, p. 535 obs. J. Mestre estimant que l’état de nécessité et de dépendance économique est équivalent à une violence morale, Paris, 27 sept. 1977, D. 1978, p. 690, note H. Souleau ; Gaz. Pal. 1978, 1, p. 110, note J. Guyénot ; RTD com. 1978, p. 595, obs. J. Hémard, estimant que la seule force économique était équivalente à une violence, arrêt ensuite censuré : Cass. com., 20 mai 1980, Bull. civ. IV, n° 212, ces décisions s’inscrivant dans un débat, ancien et sensiblement dépassé sur les rapports de dépendance (cf. G. Virassamy, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986). 204 Cass. civ. 1ère, 30 mai 2000, D. 2000, p. 879, note J.-P. Chazal, JCP, 2001, II, 10461, note G. Loiseau, RTD civ. 2001, p. 827, obs. J. Mestre et B. Fages : « La contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion ». 205 Cf. Cass. civ. 1ère, 3 avr. 2002, D. 2002, p. 1860, note J.-P. Gridel, note J.-P. Chazal, RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. Mestre et B. Fages.

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Il apparaît alors que la lésion ne peut intervenir que dans certains contrats précisément déterminé en raison de la volonté des rédacteurs du Code civil de ne pas contrôler le contenu des contrats (C. civ., art. 1118).

129. Lésion du mineur. – Le mineur bénéficiait en droit romain de la rescision pour lésion. La solution a été reprise par l'article 1305 C.civ. : « La simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé, contre toutes sortes de conventions » sauf lorsque la lésion résulte d'un événement casuel et imprévu (C.civ. art.1306) s’agissant des engagements que prend le mineur dans le cadre de sa profession (C.civ. art.1308). Le majeur placé sous sauvegarde de justice (C.civ. art.491-2 al.2) et le majeur sous curatelle (C.civ. art.510-3) bénéficient de la même protection.

130. Lésion dans les contrats, vente et partage. −−−− Au-delà de l’hypothèse subjective précédente, la lésion ne peut être invoquée que dans deux hypothèses prévues par le Code civil : la vente d'immeuble et le partage. La vente d'immeuble est susceptible de rescision pour lésion en application des articles 1674 et s. du Code civil : « Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente ». Le Code limite cependant ces actions en rescision en les soumettant à des conditions rigoureuses. La lésion est également retenue pour le partage. La solution est donnée par l'article 887 C.civ. : "Les partages peuvent être rescindés pour cause de violence ou de dol. Il peut aussi y avoir lieu à rescision lorsqu'un des cohéritiers établit à son préjudice une lésion de plus du quart...". Plusieurs lois postérieures au Code civil ont élargi les hypothèses où la rescision pour cause de lésion est recevable, la loi du 8 juillet 1907 sur les ventes d'engrais, plants et semences protégeant l'acquéreur de ces marchandises, les lois du 29 avril 1916 et du 7 juillet 1967 sur l'assistance et le sauvetage maritime prohibant la lésion dans les contrats de sauvetage (hypothèse qui peut être rapprochée de la violence, mais l'état de nécessité résulte ici d'événement extérieur et non du bénéficiaire de la lésion), la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique sanctionnant la lésion dans la cession de droits d'exploitation.

131. Extension du domaine de la lésion, vers un contrôle de l’équilibre des prestations. −−−− La lésion, en tant que phénomène juridique, inspire bon nombre de dispositions ou de solutions de jurisprudence qui visent à assurer, plus ou moins directement, le contrôle de l’équilibre des prestations réciproques des parties (206). Cette méthode, d’initiative jurisprudentielle, ne pouvait créer de nouvelles

206 Cf. G. Chantepie, La lésion, LGDJ, 2006.

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hypothèses où la lésion autoriserait l'annulation du contrat. Mais elle s'est efforcée d'élargir le champ du contrôle et de la sanction de la lésion. Les juridictions ont parfois utilisé certains textes en faisant, par exemple, appel à l'article 1999 du Code civil pour réduire les honoraires excessifs demandés par des mandataires et notamment des agents d'affaires ou bien en assimilant au défaut de prix les hypothèses de vileté du prix par la théorie de la cause (absence partielle de cause) par exemple pour sanctionner des ventes de meubles disproportionnées ; le prix très faible, le vil prix, étant assimilable à une absence de prix. L’appel à la notion de cause (cf. infra, n°145), sert alors de fondement théorique à cette nouvelle méthode.

132. Sanction de la lésion. −−−− La sanction de la lésion est une forme particulière et adaptée de la nullité, la rescision du contrat pour lésion, une sorte de nullité de protection, relative, par conséquent, comme dans les autres hypothèses de vices du consentement, et « rachetable », le défendeur à l'action en rescision pouvant éviter la rescision en offrant le supplément du prix. Depuis la réforme du droit des successions par la loi du 23 juin 2006, cependant, la lésion, en matière de partage n’est plus sanctionnée par une action en rescision, mais simplement par une action en comblement de part (C. civ., art. 889).

B – Protection a priori du consentement : les devoirs

d’information

133. Information précontractuelle. −−−− L’analyse classique du contrôle de la formation du contrat se fonde sur une conception révolue du contractant, celle du bon père de famille, libre, responsable et avisé. Or, si les grands contrats d’affaires peuvent encore prétendre répondre à cette conception, la plupart des contrats d’usage, dont la multitude des contrats de consommation, n’y correspondent plus. Ces contrats sont conclus dans l’urgence, sans véritable réflexion ou information sur des objets contractuels de plus en plus complexes. La protection du consentement par la théorie des vices du consentement est alors artificielle et inefficace dans la mesure où la protection nécessite un procès en annulation du contrat, long et coûteux,. L’un des moyens de pallier cette difficulté repose sur l’apparition des obligations d’information que l’on pourrait qualifier de devoirs d’information dans la mesure où il s’agit d’exigences précontractuelles. Les fondements d’une telle exigence sont multiples. Ils sont moraux, par une exigence classique de loyauté contractuelle, qui exigerait une information de la part du sachant au profit de l’ignorant, via une exigence de transparence contractuelle. Ils sont également économiques (207) à

207 Cf. M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, LGDJ, 1992.

Supprimé:

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travers une conception qui exige que chacun prenne soin de ses intérêts de sorte que celui qui ignore quelque chose doit se renseigner : emptor debet esse curiosus, l’acheteur doit être curieux. Encore convient-il de mesurer la valeur de l’information en question. C’est essentiellement dans les rapports entre professionnels et consommateurs que ces exigences prospèrent aujourd’hui, mais aussi dans les rapports entre professionnels entre eux, par exemple dans les relations entre producteurs et distributeurs.

134. Manifestations de l’exigence d’information. −−−− La négociation du contrat, ce temps de « l’avant contrat », justifie l’existence d’obligations d’information, de conseil, de mise en garde, exigées d’abord a posteriori par la sanction de celui qui ne les avaient pas fournies et qui se sont peu à peu généralisées, jusqu’aux notices d’information et « warning » systématiquement délivrés avec la vente d’une chose. La loi a pris le relais. Dans les relations de consommation d’abord, l’article L. 111-1 du Code de la consommation impose une obligation d’information générale sur le prix, les produits les conditions de vente ou de prestation de service, accompagné d’une kyrielle de textes (Comp., C. santé publique, art. L. 1111-1 dans les relations entre professionnels de santé et patient). Dans les relations entre professionnels ensuite, par exemple avec la loi Doubin du 31 décembre 1989, devenue art. L. 330-3 du Code de commerce, imposant une obligation d’information avant la conclusion de certains de contrats de distribution : « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause » sanctionnée comme un dol (208) ou bien les règles du droit de la concurrence imposant à tout vendeur la communication de ses conditions générales de vente à tout acheteur qui en fait la demande, fondement d’une exigence de transparence tarifaire particulièrement complexe et aux enjeux considérables (C. com., art. L. 441-6) : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produits ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle, qui en fait la demande, ses conditions générales de vente. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent : les conditions de vente ; le

208 Cass. com. 10 février 1998, Bull. IV, n.252, RTD civ. 1998, p. 130, obs. P.-Y. Gautier, p. 365, obs. J. Mestre et Ph. Neau-Leduc, « La théorie générale des obligations à l'épreuve de la loi Doubin », Cah. dr. ent. 1998-2, p.27.

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barème des prix unitaires ; les réductions de prix ; les conditions de règlement ». Ces obligations d’information prospèrent alors dans tous les contrats civils, tous les contrats d’affaires, sont parfois relayées par une obligation de se renseigner, de se renseigner pour mieux renseigner (209). Leur objet est généralement constitué des informations nécessaires à l’intégrité du consentement, d’intensité variable : ainsi en présence d’un contractant averti, le contractant sera moins tenu que face à un contractant profane. De même, cette exigence d’information n’exige pas de tout dévoiler : ainsi n’est-on pas tenu d’informer son contractant sur ses faiblesses (210) ni sur ses atouts, ce qui justifie, par exemple, la jurisprudence sur le droit de réaliser une bonne affaire (cf., supra, n°119).

135. Preuve et sanction de la l’inexécution de l’obligation. −−−− Traditionnellement, on estime c’est au créancier de prouver que le débiteur d’une obligation ne l’a pas exécutée, ce qui s’applique à l’obligation d’information. Toutefois, la jurisprudence considère aujourd’hui que c’est au débiteur d’une obligation, légale ou conventionnelle, d’information de prouver qu’il l’a correctement exécutée (211), preuve qui peut, en principe, s’effectuer par tous moyens (212). La mauvaise exécution de l’obligation d’information emporte parfois la nullité du contrat, en cas de dol par exemple, et la responsabilité du débiteur d’information, responsabilité curieusement envisagée cependant, responsabilité délictuelle chaque fois qu’un contrat n’a pas été conclu, mais parfois contractuelle lorsqu’un contrat a finalement été conclu (213).

209 Cf. Cass. civ. 2ème, 19 oct. 1994, Bull. civ. I, n°370 : « celui qui a accepté de donner des renseignements a lui-même l’obligation de s’informer pour informer en connaissance de cause ». 210 Cf. Cass. com. 24 sept. 2003, RTD civ. 2004, p. 86, obs. J. Mestre et B. Fages, par d’obligation d’information sur le fait qu’un contractant soit placé en redressement judiciaire. 211 Cass. civ. 1ère, 25 févr. 1997, Bull. civ. I, n°75, JCP 1997, I, 4025, n° 7, obs. G. Viney, RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain (obligation d’information du médecin), Cass. civ. 1ère, 29 avril 1997, JCP 1997, II, 22948, note D. Martin, Contrats, conc. consom. 1997, n° 111, obs. L. Leveneur (obligation d’un avocat) ; Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, Contrats, conc. consom. 2002, n°135, obs. L. Leveneur (obligation du vendeur professionnel), etc. Mais comp. s’agissant de la sanction de l’obligation précontractuelle imposée par l’article L. 330-3 C. com. : Cass. com. 10 février 1998, Bull. IV, n.252, RTD civ. 1998, p. 130, obs. P.-Y. Gautier, p. 365, obs. J. Mestre, mais contra : D. Mainguy et J.-L Respaud, « Comment renforcer l’efficacité de la loi Doubin (C. com. art. L. 330-3) ? », Contrats conc. consom., mars 2003, p. 4. 212 Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1997, Bull. civ. I, n°278. 213 Cf. Cass. com. 25 juin 1980, Bull. civ. IV, n°276, RTD civ. 1981, p. 157, obs. G. Durry.

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Sous-section 2. – Capacité et pouvoir

I – La capacité pour contracter

136. Principe : capacité et incapacité. −−−− De la définition du contrat donnée par l'article 1101 C.civ., il ressort que le contrat, comme toute convention, est produit par l'accord de plusieurs volontés et donc de plusieurs parties. L’article 1123 du Code civil pose pour principe que « toute personne peut contracter si elle n’est pas déclarée incapable par la loi » et l’article 1124 prévoit comme exception, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés. On se bornera à rappeler quelques principes essentiels en la matière. La capacité se définit comme l'aptitude à être titulaire de droits et à pouvoir les exercer. L’incapacité traduit le phénomène inverse. Elle a un double contenu et on peut distinguer entre l’incapacité de jouissance qui est l’inaptitude à être sujet de droit, situation rare par nature et qui sont toujours spéciales et l’incapacité d’exercice. L’ensemble de la question a fait l’objet d’une importante réforme par une loi du 5 mars 2007 dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2009. Les incapacités de jouissance privent certaines personnes du droit même de conclure certains contrats. Ces incapacités sont nécessairement spéciales et cherchent à protéger soit l’incapable, comme l’interdiction faite au mineur et son représentant de consentir de donation (C. civ., art. 903) ou l’incapacité du tuteur d’acquérir les biens de son pupille (C. civ., art. 450, al. 3), soit le contractant de l’incapable, interdisant par exemple au médecin de recevoir une libéralité d’un de ses patients (C. civ., art. 909) et même de toute personne exerçant une activité dans un établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques d’acquérir des biens, des droits, de prendre un bail, d’une personne admise dans cet établissement. L’incapacité d'exercice est l’inaptitude à exercer des droits dont on est par ailleurs titulaire (capacité de jouissance), plus commune. C’est le cas du mineur, sauf la capacité résiduelle lui permettant d’effectuer certains actes, en fonction de son âge et de leur caractère modeste (C. civ., art. 389-5 et 450). C’est le cas également des majeurs protégés, selon la nature du régime de protection : la sauvegarde de justice ne prive pas de la capacité celui qui en bénéficie puisque les actes accomplis ne peuvent être annulés qu’en cas de démonstration de l’insanité d’esprit ou du caractère lésionnaire ou excessif de l’acte, la tutelle engage une incapacité générale d’exercice du majeur, par une technique de représentation du majeur par le tuteur et la curatelle met en œuvre une incapacité spéciale du majeur, avec l’assistance du curateur.

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137. L’insanité d’esprit d’un majeur capable. −−−− Certaines personnes pleinement capables peuvent souffrir d’une véritable insanité d’esprit, d’une altération de leurs facultés mentales, due à des raisons médicales, mais aussi peut-être liée à l’usage de l’alcool ou de la drogue de nature à entraver leur capacité à émettre un consentement. L’article 489 du Code civil (art. 414-1 en 2009) précise que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit ». La capacité étant de principe, l’insanité d’esprit doit être démontrée pour obtenir la nullité du contrat. Il convient pour cela de faire la démonstration d’un trouble mental, c’est-à-dire d’un trouble empêchant d’exprimer une volonté : handicap, maladie, sénilité, accident, addiction quelconque, etc. Toutefois, l’existence de ce trouble mental doit être suffisante. Ainsi la haine n’est pas suffisante (214) ni la simple médiocrité intellectuelle d’une personne ou sa faiblesse de caractère (215). Par ailleurs, le trouble mental doit être établi au moment de l’acte, de sorte que le trouble doit être contemporain à la conclusion de l’acte, ce qui est parfois difficile à établir : il suffit que le trouble existe au moment de la conclusion du contrat, quitte à son cocontractant de démontrer à son tour qu’il a été conclu dans un moment de lucidité (216). Le régime de l’annulation de l’acte dépend alors de ce que la personne est vivante ou décédée (C. civ., art. 489, al. 2, futur art. 414-2, 1° en 2009). Vivante, seule cette personne peut agir, dans la logique d’une nullité de protection, relative, décédée, ses héritiers peuvent agir pour obtenir la nullité d’un acte à titre gratuit, mais plus difficilement pour les actes à titre onéreux : il convient en effet, appliquant la thèse dite de « l’élément intrinsèque », que le trouble mental marque le contrat, par exemple en raison d’incohérence que l’on pourrait y retrouver.

II – Le pouvoir de contracter

138. Société et régime matrimonial. −−−− Autre, cependant, est la question des pouvoirs pour contracter, c’est-à-dire la prérogative de gérer un patrimoine déterminé ou de conclure un contrat déterminé. Toute personne capable est dotée en principe de pouvoirs illimités. Il n'en va pas de même pour une personne morale, qui agit par l'entremise d'organes la représentent et qui devront justifier de pouvoirs, reconnus par la loi ou par les statuts à certaines organes de la personne morale (président du Conseil d’administration par exemple). La question se pose également pour une personne mariée dans la mesure où les techniques du droit des régimes matrimoniaux assurent des pouvoirs complexes des époux. Ainsi, s’agissant de meubles, les deux époux disposent, seuls, de tous les pouvoir pour effectuer tout acte et ce

214 Cass. civ. 3 juin 1959, Bull. civ. I, n°276. 215 Cass. civ. 10 nov. 1958, Bull. civ. I, n°483. 216 Cas. civ. 1ère, 11 juin 1980, Bull. civ. I, n°184.

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quel que soit le régime matrimonial qui leur est applicable (C. civ., art. 222).

139. Représentation. −−−− Le problème se pose, aussi, en cas d'intervention d'un représentant agissant à la place d’un représenté. La représentation est le mécanise juridique par lequel une personne, le représentant, dispose des pouvoirs pour conclure un acte juridique, un contrat par exemple, pour le compte d’une autre personne, le représenté. Les pouvoirs du représentant peuvent résulter de la loi, en cas de représentation légale (pouvoirs des parents, administrateurs légaux des biens de l'enfant mineur, du tuteur, etc...), par le juge en cas de représentation judiciaire (Cf. C. civ., art.219 sur la représentation judiciaire entre époux) ou par contrat en cas de représentation conventionnelle (mandat spécial ou général, contrat de commission). Historiquement, la technique de représentation a présenté bien des difficultés. Si le contrat de mandat était connu du droit romain, il était nié durant la période médiévale (217) et sa réapparition connut sa consécration dans le Code civil. La représentation est parfaite lorsque le représentant agit au nom et pour le compte du représenté, comme dans le cas du mandat (C. civ., art ; 1984) ; elle est imparfaite lorsque le représentant agit en son nom et pour le compte du représenté, comme le figure le contrat de commission (C. com., art. L. 132-1). Le phénomène de la représentation est essentiel en droit des obligations, en raison des difficultés posées en termes de détermination des pouvoirs du représentant. L’étendue des pouvoirs dépend en effet des circonstances et de l’origine de la représentation, selon qu’elle est légale, judiciaire ou conventionnelle. Dans les deux premiers cas, la loi (ou le jugement) détermine généralement clairement l’étendue des pouvoirs du représentant, comme c’est le cas des pouvoirs dévolus au représentant d’un mineur ou d’un majeur protégé, ou des pouvoirs reconnus aux organes d’une personne morale, qui dépendent aussi des statuts de celle-ci, d’une société par exemple. En matière contractuelle, le mandat peut être général ou spécial. Le mandat spécial est, aux termes de l’article 1987 du Code civil, conclu pour « une affaire ou pour certaines affaires seulement ». Au contraire, le mandat général est conclu « pour toutes les affaires du mandant ». Mais, dans ce cas, précise l’article 1988 du Code civil, « le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration. S’il s’agit d’aliéner ou d’hypothéquer ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès ». Par conséquent, le mandat peut être spécial et conçu en termes généraux auquel cas il ne

217 Cf. E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé, Introduction historique au droit des obligations, Litec, 2007, n°44, 61, 92.

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peut porter que sur un acte d’administration ou être spécial et exprès et porter sur un acte de disposition ou bien être général et conçu en termes généraux ne reposant alors que sur des actes d’administration de tous les biens du mandant ou être général et exprès permettant d’aliéner tous les biens du mandant. Les effets de la représentation à l’égard du tiers assurent que le contrat conclu par le représentant produit ses effets dans le patrimoine du représenté, solution posée par l’article 1998 du Code civil : « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ». par conséquent, le mandataire disparaît alors du champ contractuel : il n’est pas tenu par les obligations du contrat qu’il a pourtant conclu, sauf à répondre de ses fautes dans l’exécution de son mandat ou présence d’une clause faisant du représentant le garant de l’exécution par le représenté de ses obligations (clause de ducroire). Toutefois, la disparition du représentant n’est qu’une fiction juridique, qui peut être écartée, par exemple en matière de vice du consentement : la violence ou le dol commis par le représentant peuvent être invoquée et, inversement, la violence ou le dol commis par le tiers peuvent être invoqués par le représenté, notamment lorsqu’il s’agit d’une personne morale. Les difficultés commencent en cas de dépassement de ses pouvoirs par le représentant, voire de l’absence de pouvoirs. En principe, le contrat conclu dans ces conditions est annulable, mais le représenté pour rattraper cette nullité par la technique de ratification (Cf. C. civ., art ; 1998, al. 2), qui rend valable, rétroactivement l’acte conclu sans pouvoir. Inversement, cependant, en droit des sociétés, les limitations posées par les statuts sont toujours inopposables au tiers. Enfin, la théorie de l’apparence trouve, dans la technique de la représentation une application pratique essentielle, à travers la figure du mandat apparent. Elle révèle l’hypothèse dans laquelle un tiers contracte avec une personne en pensant qu’elle est le mandataire d’une autre personne. A défaut de tout pouvoir, le mandant ne saurait être tenu mais la théorie du mandat apparent permet au contraire de légitimer le contrat conclu par le tiers, dès lors que le soit-disant mandataire, soit qu’il ne dispose d’aucun pouvoir soit qu’il dispose de pouvoirs limités et qu’il les dépasse, présentait toutes les apparences d’un mandataire véritable ce qui suppose que le tiers ait pu croire en les pouvoirs du mandataire apparent et, donc, ait pu ne pas vérifier l’étendue de ces pouvoirs (218).

218 Cass. ass. plén. 13 déc. 1962, D. 1963.277, note J. Calais-Auloy, JCP 1963, II, 13105, note P. Esmein, RTD civ. 1963.572, obs. G. Cornu: « Le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisant le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ce pouvoir » ; Cass. com. 27 juin 1995, Contrats, conc. consom. 1995, no 199, obs. L. Leveneur.

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Sous-section 3. – L'objet

140. Présentation. −−−− L’objet du contrat est cité par l’article 1108 comme un élément essentiel : »un objet certain qui forme la matière de l’engagement ». Pourtant, la notion d’objet du contrat n’est pas aisée à décrire en raison de l’imprécision que recouvrent la notion et les confusions que l’on trouve dans le Code civil. Le contrat se définit comme une convention ayant pour objet la création d’effets juridiques, dont les obligations. Le contrat a, donc, pour objet des effets, une ou plusieurs obligations, chaque obligation ayant pour objet une prestation qui a elle-même pour objet une chose ou un service. D’où un raccourci aisé et traditionnel, le contrat a pour objet une chose ou un ouvrage, alors même que les articles du Code civil ne traitent que de l’objet de l’obligation, point de l’objet du contrat (219). La théorie de l’objet présente alors pour intérêt de permettre un contrôle, objectif, sur la réalité des prestations, des obligations, inhérentes au contrat. Trois éléments constants demeurent : l’objet doit exister (I.), être déterminé ou déterminable (II), être licite (III).

I. – Existence de l’objet

141. Possibilité de l’objet, choses futures. −−−− L’objet doit être une chose existante, si le contrat porte sur une chose qui a été détruite avant sa conclusion, il est annulable (vente d’un immeuble incendié), à la différence d’un contrat portant sur une chose existante au moment de sa formation ais détruite ensuite, mais avant que les parties aient exécutée leurs obligations, la question se résolvant selon la théorie des risques. A la chose existante, on peut rattacher la chose possible et la chose future. « A l'impossible, nul n'est tenu » en droit comme dans l'adage populaire : l'obligation n'existe pas si elle porte sur une prestation dont l'exécution est impossible à réaliser. Mais, les hypothèses de prestations impossibles sont, le plus souvent, de simples hypothèses d'école (Esope a ainsi dégagé son maître de l'obligation de « boire la mer »). Lorsqu’il s’agit d’une chose future, l'article 1130 al.1 dispose que « Les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation » (V. aussi, C. civ., art. 1601). La chose future n'est pas, en effet, une chose impossible et la jurisprudence admet parfaitement la vente d'une récolte sur pied, d'un objet à fabriquer ou d'un appartement à construire (C.civ. art.1601-1). Si, ensuite, la chose n'existe pas, le contrat sera caduc faute d'objet à moins que les parties ne subordonnent pas le contrat, lui-même, à l'existence de la chose, le contrat sera dans cette hypothèse considéré comme un contrat aléatoire (cession d'une créance litigieuse, vente du

219 V. cependant : S. Lucas-Puget, Essai sur la notion d’objet du contrat, LGDJ, 2005.

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coup de filet du pêcheur; « venditio rei speratae » : la vente de la chose espérée...). A titre d’exception, cependant, l’article 1130, al. 2 du Code civil, prohibe les pactes sur successions futures.

II. – Détermination de l’objet

142. Détermination ou déterminabilité. −−−− Il s’agit d’une exigence générale posée par l’article 1129 du Code civil : l’objet d’une obligation doit être déterminé, ou du moins déterminable, quant à sa quotité et son espèce, de manière à ce que créancier et débiteur sachent à quoi s’en tenir, l’un pour exiger, l’autre pour s’exécuter. La détermination doit d’abord porter sur « l’espèce », telle marchandise, tel service, et ensuite que la quotité c’est-à-dire la quantité : tant d'exemplaires, tant d'unités. Dans de nombreuses situations cependant, la quantité ne peut être connue de façon définitive lors de la conclusion du contrat. Le contrat doit alors contenir ci des informations susceptibles d'assurer cette détermination au moment où la prestation obligatoire deviendra exigible; c'est-à-dire rendre l’objet « déterminable » : un contrat de fourniture peut, par exemple, créer à la charge d'un fournisseur l'obligation d'approvisionner un détaillant en toutes marchandises fabriquées par lui au moment de la commande et pour la totalité des quantités souhaitées par les clients du détaillant : l’objet de l’obligation de fourniture n’est que déterminable, à la différence d’un contrat qui obligerait à fournir un nombre précis de choses déterminées. Lorsque la chose est déterminée et parfaitement désignée, il s’agit d’un corps certain ; lorsque, en revanche, la chose, quoique parfaitement déterminée, ne peut être désignée, isolée, individualisée, on parle de chose de genre, comme par exemple, 1000 tonnes de blé contenus dans un silo : il faudra attendre la mesure de la chose pour l’individualiser et en faire un corps certain. La distinction est particulièrement importante lorsque le contrat est une vente, s’agissant du moment du transfert de propriété, qui ne peut porter que sur une chose individualisée, un corps certain.

143. Feu la jurisprudence sur la détermination du prix dans les contrats-cadres. Dans les contrats-cadres de distribution, d’essence notamment, la jurisprudence avait tiré argument de cette exigence, par un raisonnement passablement alambiqué dont l’objectif était d’assurer la protection des distributeurs considérés comme faibles et dépendants, pour décider que tous les contrats devaient avoir dès leur conclusion un prix déterminé ou tout au moins déterminable. Il s’agissait généralement de contrats d'approvisionnement exclusif, contrats-cadre dont l’exécution supposait la conclusion de contrats de vente, contrats d’application, alors que l’article 1591 du Code civil, déclinant l’article 1129 à la vente,

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impose un prix déterminé ou déterminable. La jurisprudence considérait alors que puisque les contrats cadres avaient pour objet la conclusion de contrats d’applications dont le prix devait être déterminé ou déterminable que, par contamination, le contrat-cadre devait déterminer dès la formation, le prix de ces ventes futures. L’exigence emportait annulation d'un nombre considérable de ces contrats en raison de la présence d’une clause de « prix-catalogue » par laquelle le prix n’était pas déterminé à la conclusion du contrat mais était unilatéralement fixé par le fournisseur au moment de la fourniture des produits, clause usuelle dans tous ces contrats. Le prix n’était pas déterminé, ou en tout cas pas déterminable sinon de manière unilatérale (unilatéralité considérée comme arbitraire), l’annulation des contrats emportait abandon de toutes les clauses contraignantes post-contractuelles et, souvent, l’obligation de payer une somme au distributeur à titre d’indemnité. En 1971 (220) et surtout 1978, la Cour de cassation retint cette analyse et annula des contrats-cadres sur le fondement de l'article 1129 du Code civil : "il faut pour la validité du contrat que la quotité de l'objet qui en est l'obligation puisse être déterminée", soit le prix (221). Cette solution était largement critiquée car inadaptée alors que le droit de la concurrence contient tous les outils permettant d'éviter l'arbitraire du fournisseur, si tel était le but recherché par la jurisprudence, alors que l'action en annulation du contrat-cadre menée par le distributeur ne l'était jamais pendant la vie du contrat mais après son extinction, pour échapper à une clause de non concurrence post-contractuelle par exemple en utilisant la nullité absolue qui sanctionnait le défaut de détermination du prix au sens de cette jurisprudence. En 1991 de façon maladroite, mais surtout en 1994 (222), la Cour de cassation chercha une solution qui a aboutit en 1995 (223) : « l'article 1129 c.civ. n'est pas applicable à la détermination du prix » et « lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales, la validité de celui-ci » et, enfin, que « l'abus dans la fixation du prix peut donner lieu à résiliation ou

220 Com. 27 avril et 5 novembre 1971, D. 1972.353, note J. Ghestin. 221 Com. 11 octobre 1978 (trois arrêts), D.1979.135, note R. Houin, JCP 1978, II, 19034, note Y. Loussouarn. 222 Cass. civ.1ère, 29 novembre 1994, JCP, éd.G, 1995, II, 22371, note J. Ghestin; éd.E, 1995, II, 662, note L. Leveneur; D.1995.122, note L. Aynès; RTD civ. 1995.358, obs. J. Mestre. 223 Cass. Ass. Plén. 1er décembre 1995, JCP, éd.G. 1996, II, 22565, note J. Ghestin; D.1996.13, rapp. M. Jéol, note L. Aynès; D. Bureau et N. Molfessis, chron., Petites affiches, 1995, n°155, p.16; A. Laude, Chron. Dalloz Affaires, 1996, n°1, p.4, A. Coeuret, Chron. Dr. et Pat., janv. 1996, p.49, M.-A. Frison-Roche, Chron. RJDA, 1996, p.5; M. Jéol, Ch. Bourgeon, Ch. Jamin, Th. Revet, D. Ferrier, M. Pédamon et Ph. Simler, La détermination du prix: nouveaux enjeux un an après les arrêts de l'assemblée plénière, RTD com.1997.1s; Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 1997.

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indemnisation ». On en retiendra que la détermination unilatérale du prix par le fournisseur n'est plus assimilée à une fixation arbitraire du prix. Par conséquent, le contrat cadre peut désormais parfaitement comporter une clause de prix catalogue, et cela vaut pour bien d’autres situations (224). Mais, dans le même temps, le contentieux, jusqu'ici fixé au moment de la formation du contrat se déplace vers son exécution puisque le distributeur pourra reprocher au fournisseur d'avoir commis un abus dans la fixation du prix. Or, la Cour ne donne aucun critère permettant de repérer un tel abus : ce n’est pas la seule hausse d’un prix qui fonde l’abus, mais les circonstances qui l’entourent, la durée du contrat, l’intensité des liens obligationnels, la présence d’une clause d’exclusivité par exemple (225).

III. – Licéité de l’objet

144. Choses dans le commerce juridique. −−−− Si l’article 6 C.civ. dispose de façon générale que « on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs », l’article 1128 se fait plus précis (et v. C. civ., art. 1598, 1878, 1938) : « Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de conventions » rare tautologie : un contrat est valable s’il a pour objet une chose dans le commerce juridique, notion plus large que celle d'activité commerciale, qui se définit comme sa potentialité à faire l’objet d’un contrat. Sont considérés comme ne figurant pas parmi les biens dans le commerce et donc comme ne pouvant faire l’objet de contrat : La personne humaine (C.civ. art. 16-1 et 16-5) en raison de son caractère sacré (226). Notons, cependant, plusieurs atténuations législatives avec, notamment, des textes autorisant certains contrats à titre gratuit ou onéreux passés par des donneurs de sang (C. santé pub. art.L.666) et, surtout, les dispositions sur les prélèvements d'organe (C. santé pub., art. L.665-10 et 671-3 s.). Par conséquent, la personne humaine, ses éléments, ses produits sont surtout écartés de la catégorie de bien, sans que l’on puisse toutefois et bien évidemment interdire un contrat portant sur la personne humaine. Cela n’aurait aucun sens cela interdirait le contrat de travail, bien des contrats d’entreprise, le contrat d’auteur, etc.

224 Cf. Cass. civ. 1ère, 14 juin 12000, RTD civ. 2000, Obs. J. Mestre et B. Fages, pour une indemnité de remboursement anticipé dans un contrat de prêt. 225 Cf. Cass. civ. 1ère, 30 juin 2004, Contrats, conc. consom. 2004, n°151, obs. L. Leveneur, D. 2005, p. 1828, note D. Mazeaud, à propos d’une hausse de 150 du prix de la location d’un coffre-fort (arrêt censurant l’arrêt d’appel qui avait condamné l’abus) ; Cass. com. 21 janv. 1997, D. 1997, p. 414, note C. Jamin. 226 V. Cass. ass. plén. 31 mai 1991, D.1991.417 à propos des contrats de « mère porteuse », comp. C. civ., art. 16-7. Adde D. Mainguy et E. Terrier, Droit des personnes et des incapacités, op. cit.

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Le législateur, plutôt que s’attaquer à des contorsions juridiques périlleuses, s’en tient à quelques interdits : l’indisponibilité de la personne humaine, le principe de la gratuite des contrats portant sur les éléments ou produits du corps humain, le principe de l’anonymat des contrats, etc. Pour le reste, sont hors commerce des droits politiques, comme le droit de vote aux élections, car en droit des sociétés, on connaît des conventions de vote, certaines fonctions publiques. En revanche, on peut douter, comme on le prétend souvent que certaines choses dangereuses comme les substances vénéneuses, drogues, armes soient véritablement hors commerce juridique : ils sont dans le commerce juridique mais la loi soumet ce commerce à des règles plus ou moins tranchées, en raison de cette dangerosité, du caractère tabou de ce commerce, etc (227). Une chose a posé longtemps difficultés, il s’agit des clientèles des professions libérales. Cette question fut propice à une controverse que l’on considère aujourd’hui comme assez absconse. Le principe de départ tient à l’originalité de l’activité libérale, historiquement considérée comme une activité exercée en raison des capacités personnelles du professionnel libéral. Pour cette raison, la clientèle civile − à distinguer de la clientèle commerciale − est considérée comme attachée à la personne, ce qui traduit une considération assez haute, voire hautaine, de l’activité libérale. Dès lors, la cession de la clientèle civile se heurte au principe posé par l’article 1128 du Code civil : la clientèle hors commerce juridique ne peut être cédée et une telle cession était systématiquement annulée, au nom de ce principe, mais contre toutes les pratiques, car il était bien évident qu’une clientèle civile faisait l’objet de contrats nombreux et souvent très onéreux. Une première évolution a consisté à admettre que l’on puisse conclure un « contrat de présentation de clientèle », par lequel un médecin s'engage, moyennant finance, à présenter son successeur à sa clientèle et à ne pas se réinstaller dans un certain périmètre (228). Mais c’est alors admettre que la clientèle civile peut être l’objet de contrat. Une deuxième évolution consiste alors à déplacer le problème vers celui de la cause du contrat en fondant la validité ou la nullité sur la licéité de l’objet comme le principe de liberté de choix de son médecin par le patient (229). Mais c’est un pis-aller qui imposait une troisième évolution, réalisée tout récemment, par un revirement de jurisprudence du 7 novembre 2000 qui admet la notion de fonds libéral et la cessibilité de la clientèle civile par

227 Cass. com. 24 sept. 2003, RTD civ. 2003, p. 704, obs. J. Mestre et B. Fages, Civ. 1ère, 20 janv. 2004, Defrénois 2004, p. 442, note A. Bénabent, à propos de choses contrefaites, qui ne peuvent faire l’objet d’un contrat.. 228 Cass. civ. 16 décembre 1943, JCP 1943, II, 2289, note P. Voirin. 229 Civ. 1ère, 7 mai 1995, D. 1995.560, note B. Beigner.

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ce biais (230).

Sous-section 4. – Equilibre et validité des obligations et du contrat : la cause

145. La cause, notion duale et introuvable. − L'article 1108 du Code civil introduit la notion de cause parmi les éléments de validité du contrat et le Code civil lui consacre une rapide section particulière et trois articles, 1131 1132 et 1133, outre l’article 1108, mais sans la définir de telle sorte que de nombreuses controverses se sont développées à son propos. Une conception (très) classique de la cause y voit la raison du contrat, le but immédiat de contracter (causa proxima) envisagé de façon abstraite et uniforme pour tout contrat. Ainsi, dans un contrat synallagmatique, l’obligation de chaque partie trouve sa cause dans l’obligation de l’autre (je réalise telle prestation parce que je vais recevoir un paiement, et réciproquement). Dans un contrat unilatéral réel (comme le prêt), la cause de l’obligation d’une des parties réside dans la remise de la chose (je prête une chose parce qu’elle me sera restituée). Dans un contrat à titre gratuit, la cause réside dans l’intention libérale, l’animus donandi (je donne telle chose à mes enfants pour leur faire plaisir, pour les gratifier). Une conception plus contemporaine de la cause a alors été proposée (231). Il s’agirait d’identifier la cause comme la raison concrète du contrat, les motifs qui ont justifié le contrat (causa remota). La cause serait alors différente pour chaque contrat, subjective. On parle de cause impulsive et déterminante. Ainsi, il s’agit de se poser la question de savoir pour quelle raison tel contrat a été conclu, et, ainsi, de repérer éventuellement une cause illicite (pourquoi tel appartement est-il loué, pour y habiter, la cause est licite ; pour y installer une maison close, la cause est illicite). Une synthèse est réalisée par la jurisprudence et la doctrine contemporaine. La cause de l’obligation, ou cause objective est le but immédiat : la cause de l’obligation est recherchée dans l’obligation réciproque. La cause du contrat, ou cause subjective, le motif, la cause impulsive et déterminante. Cette synthèse permet de justifier la plupart des applications de la théorie de la cause en jurisprudence. Un exemple de cette synthèse peut être envisagé à partir des faits d’une affaire ayant

230 Cass. civ. 1ère 7 novembre 2000, JCP 2000, note F. Vialla, I, 301, obs. J. Rochfeld, éd. E, 2001, 419, note G. Loiseau ; Civ. 1ère 19 nov. 2002, D. 2003, 1590, note S. Mirabail, Civ. 1ère, 20 janv. 2004, Defrénois 2004, 442, obs. J.-L. Aubert. 231 H. Capitant, De la cause des obligations, 1927, L. Josserand, Les mobiles dans les actes juridiques en droit privé, 1928, J. Maury, Essai sur la notion d’équivalence en droit civil français, Th. Toulouse, 1920 et Cf. L’excellente présentation par J. Rochfeld, V° Cause, Rep. Civ. Dalloz, et comp. J. Ghestin, Cause de l’engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006.

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donné lieu à un arrêt en 1989 (232). Un parapsychologue avait vendu à l’une de ses congénères divers matériels d’occultisme pour une somme avoisinant les 50 000 francs que l’acheteuse n’avait pas réglée. Le vendeur engageait une action contre laquelle l’acheteuse opposait un argument apparemment décisif : le contrat se fondait sur une cause illicite. L’arrêt d’appel l’avait admis ce que contestait le vendeur qui, au contraire, considérait que la cause de ce contrat reposait sur la contrepartie attendue du transfert de propriété, c’est-à-dire le prix convenu. Rejet du pourvoi : « mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite (…) ». Le débat est-il clos ? Certainement pas, on retrouve très souvent en doctrine, les rappels de la doctrine « causaliste » et « anticausaliste » : certaine dernière pensée exprimée notamment par Planiol considérait que la cause est une notion fausse dans la mesure où une obligation ne peut être la cause de l’autre dans la mesure où elles naissent en même temps, et inutile car superfétatoire, en raison de la théorie des vices du consentement et de l’objet. En réalité, l’utilité de la cause se mesure, d’une part, pour justifier l’interdépendance des obligations dans le contrat et, d’autre part, pour permettre le contrôle des motifs des parties dans le contrat. En même temps, on mesure l’abstraction, l’académisme, de la notion, très française, inconnue de bien des systèmes étrangers, à commencer par la conception anglaise des contrats, mais aussi, ignorée des PEDC par exemple. D’où la question, récente, à quoi sert la cause et qu’est-ce que c’est (233) ? Comment la comparer aux notions nouvelles comme celle d’indivisibilité (234), d’économie du contrat (235), comment la lier à la considération du « raisonnable » de la légitimité d’un comportement, de proportionnalité, etc., de validité, de conformité à l’ordre public, aux droits fondamentaux ou encore à la notion d’ « intérêt » défendue par exemple dans le projet de réforme du droit des obligation présenté par la

232 Cass. civ. 1ère, 12 juill. 1989, JCP 1990, II, 21546, note Y. Dagorne-Labbé. 233 Cf. D. Mazeaud, « La matière du contrat », in P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet (dir.) Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p. 81. 234 J.-B. Seube, L’indivisibilité et les contrats, Litec, 1997. 235 Cass. civ. 1ère, 3 juill. 1996, D. 1997, p. 500, note Ph. Reigné, JCP 1997, I, 4015, obs. F. Labarthe ; S. Pimont L’économie du contrat, Dalloz, 2002.

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Chancellerie en 2009 (236) ? Les applications, modernes, de la cause, montrent alors les utilités, et ce faisant, les concurrents ou les succédanées de la notion de cause, à travers deux logiques, celle de contrôle de la validité du contrat (I), puis celle du contrôle de l’équilibre des prestations réciproques des parties dans le contrat (II), qui reprend, à peu près, la présentation traditionnelle de la cause du contrat et de la cause de l’obligation (généralement présentée dans le sens inverse).

I. – Le contrôle de la validité du contrat

A −−−− Validité et bonnes mœurs

146. Cause et bonnes mœurs. – La cause doit être licite précise l’article 1133, répétant les termes de l’article 6 du Code civil : le but poursuivi ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, autrement dit, un contrat, une clause contractuelle qui seraient contraires aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ne seraient pas valables. L’analyse classique fait appel à la notion de cause impulsive et déterminante, la cause du contrat, afin d’assurer ce contrôle de validité, il n’est nullement un parcours imposé. Dans les contrats à titre gratuit, la conformité du contrat avec les bonnes mœurs a, évidement, à voir avec la morale sexuelle, celle de la bourgeoisie balzacienne. La jurisprudence a eu, fréquemment, à intervenir pour apprécier la cause des libéralités, entre époux lorsque le motif de la libéralité était de hâter la séparation et de faciliter l'obtention du divorce (237) ou entre concubins, entre amants, dans lesquelles il se dégage toujours un « parfum de reconnaissance galante » (238). C'est en cette occasion que la jurisprudence a utilisé avec la plus grande souplesse la cause comme instrument du contrôle du contrat, pour, pas à pas et en partant de loin, en finir avec cette morale relativement absconse : « Attendu qu'une libéralité ne saurait être invalidée par le seul fait de l'existence entre son auteur et sa bénéficiaire de relations illicites » (239). « Relations illicites », Ô Tempore, ô mores : la Cour de cassation annulait le contrat, la donation, pour cause illicite lorsqu’elles cherchaient à maintenir de telles relations « coupables » (240) et non lorsque la libéralité avait pour objet l’existence de telles relations pas plus que lorsqu’il s’agissait de faire cesser de telles relations et réparer le préjudice

236 D. Mainguy, « Défense, critiques et illustration du projet de réforme de droit des contrats », D. 2009, Chr., p. 308. 237 Cass. civ. 2 janvier 1907, Grands Arrêts, n°250. 238 R. Savatier, note sous Cass. req. 8 avril 1926, D.1927, 1, 113. 239 Cass. civ. 14 octobre 1940, DH 1940, 174. 240 Cass. civ. 8 octobre 1957, D.1958, 317, P. Esmein : contrat d'assurance-décès conclu au profit d'une maîtresse.

Mis en forme

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résultant de cette rupture ou permettre d’élever des enfants communs, admettant ainsi le « cadeau de rupture » (241), jusqu’à ce qu’un arrêt du 3 février 1999 (242) décide de généraliser le propos : « n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire », formule qui aurait pu utiliser l’article 8 de la CEDH et le respect de la vie privée. Laissons la morale sexuelle où elle doit se situer, sauf excès manifeste (243). Dans les contrats à titre onéreux, il s’agit généralement de poursuivre des contrats permettant l’exercice d’activités illicites, exploitation d’une maison de tolérance ou de jeu, exercice illégal de la médecine, par exemple.

B. −−−− Validité et ordre public

147. Notion d’ordre public. – L’hypothèse de l’ordre public est l’autre référent de l’article 6 du code civil de la cause. Elle est cependant assez difficile à envisager. On observera d’abord la différence entre l’ordre public interne, qui correspond peu ou prou à l’ensemble des règles impératives, et l’ordre public international ou à l’ensemble des lois de police dans les contrats internationaux (cf. supra, n°43). Pour s’en tenir à l’ordre public interne, on doit bien reconnaître que, depuis 1804, il s’est considérablement étoffé, à la mesure que les droits spéciaux ont eux-mêmes émergé et crû : droit de la consommation, de l’environnement, de la santé, de l’urbanisme, social, économique, etc. nombre d’entre eux impliquent un ordre public particulier. On observera ensuite que l’ordre public se prête à toute sorte de variations. Si l’ordre public familial est en plein essor, on connaît mieux l’ordre public social, auquel les spécialistes du droit du travail reconnaissent des vertus particulières, comme celle permettant de déroger à une loi d’ordre public, dans la mesure où cette dérogation s’effectue en faveur du salarié. En droit des contrats, on a l’habitude d’entretenir l’importance d’un ordre public particulier, désigné comme l’ordre public économique ou contractuel qui joue un très grand rôle en droit des contrats. Une

241 Cass. civ. 6 octobre 1959, D.1960, 515, Ph. Malaurie : « Attendu que la libéralité litigieuse apparaissait comme l'exécution d'un devoir de conscience, d'une obligation naturelle; qu'elle tendait à garantir l'avenir d'une femme qui avait donné à son amant la meilleure partie de sa jeunesse et que celui-ci s'apprêtait à délaisser ». 242 Cass. civ., 3ème, 3 fév. 1999, JCP 1999, II, 10083, note M. Billiau et G. Loiseau ; Cass. Ass. Plén. 29 oct. 2004, Bull. Ass. Plén. n°12. Adde Que reste-t-il des bonnes moeurs en droit des contrats?, RDC 2005, p. 1273. 243 Cf. D. Fenouillet, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique », Mélanges P. Catala, 2001, p. 487. Comp. Y. Lequette, « Quelques remarques à propos des libéralités entre concubins », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 547.

Supprimé: ,

Supprimé: et

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distinction classique s’est ainsi peu à peu dessinée. On distingue ainsi l’ ordre public de direction qui est constitué de toutes les règles qui assurent la direction de l’économie par la satisfaction de l’intérêt général (droit financier, droit de la concurrence) et l’ordre public de protection qui est constitué de l’ensemble des règles assurant la protection d’un contractant, par la satisfaction d’un intérêt privé (droit du travail, droit de la consommation), même si cette distinction est plus pédagogique que véritablement efficace : bien des règles de protection assurent en même temps une logique de direction et sont sanctionnée par la nullité absolue du contrat, et réciproquement. On observera, enfin, que si les règles d’ordre public se manifestent par une sanction particulière, la nullité du contrat ou de la clause, cette sanction expresse n’est pas toujours présente de sorte que, à un ordre public textuel ou réel constitué de toutes les règles expressément d’ordre public, s’ajoute un ordre public virtuel constitué de toutes les règles implicitement d’ordre public.

148. Loi applicable et ordre public. −−−− L’ordre public suppose que toute stipulation contraire encourre la nullité, éventuellement relative, souvent absolue, comme en matière de législation économique (cf. infra, n° 147). Dans les contrats internationaux l’ordre public interne est relatif, seules les lois de police jouant un rôle voisin (cf. supra, n°43). La renonciation à une telle règle d’ordre public est en principe impossible, sauf lorsque le droit d’ordre public est déjà acquis (244) et pour autant que la loi elle-même ne l’interdise pas, ce qui suppose qu’un contrat couvrant un domaine d’ordre public ne peut pas en même temps comporter une telle renonciation. A l’inverse, si une clause d’exclusio juris interne n’est en général pas possible, la présence d’une clause d’electio juris interne se présente parfois, par exemple, dans le cas d’un bail professionnel soumis volontairement aux règles du bail commercial, très protecteur. Une telle soumission volontaire est parfois impossible (245) mais, lorsqu’elle est possible, elle ne l’est que pour autant qu’elle soit non équivoque et, surtout, qu’elles se soumettent intégralement à ces règles d’ordre public, sans aucune dérogation ponctuelle (246).

244 Cf. Cass. civ. 1ère, 17 mars 1998, RTD civ; 1998, p. 670, obs. J. Mestre. 245 Cf. Cass. com. 10 déc. 2003, RTD civ. 2004, p. 285, obs. J. Mestre et B. Fages,à propos de la soumission volontaire au statut d’agent commercial, Cass. com. 19 mars 2003, D. 2004, somm. 2004, p. 846, obs. S. Gérard, pour un local non susceptible d’être soumis au statut protecteur du bail d’habitation de la loi du 1er sept. 1948. 246 Cf. Cass. Ass. Plén. 17 mai 2002, JCP 2002, éd. E, 1080, note J. Monéger, RTD civ. 2003, p. 85, obs. J. Mestre et B. Fages (bail commercial) ; Cass. civ. 1ère, 29 oct. 2002, RTD civ. 2003, p. 85, , obs. J. Mestre et B. Fages (crédit immobilier). Adde : C. Lisanti, « Retour sur l’electio juris en droit interne », RDLC 2008/46, n°2878 ; J.-B. Seube, « L’electio juris en droit interne », Mélanges J. Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p. 1009.

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149. Validité du contrat et législation économique. – Observons surtout que le développement de la vérification de la licéité du contrat s’observe à travers l’application de la législation économique. Celle-ci s'est efforcée, depuis une cinquantaine d'années, de combattre deux types de pratiques, celles qu’on appelle les « pratiques restrictives de la concurrence », dans lesquelles on peut repérer les questions relatives à la transparence tarifaire (C. com., art. L. 441-3 et s. et cf. Supra, n°134) ou sanctionnant les discriminations contractuelles (C. com., art. L. 442-6) mais aussi des clauses particulières comme les clauses de prix de revente imposé et les « pratiques anticoncurrentielles », relevant du droit antitrust, c’est-à-dire des pratiques qui présentent un effet sur un marché et, notamment, diverses formes d'accords, qualifiés d' « ententes », ou d’ « abus de domination » entre entreprises à travers une conception proche de celle de la cause du droit civil des contrats (cf. C. com., art. L. 420-1 et L. 420-2 ex-Ord. 1er déc. 1986, art. 7 et 8 ; Tr. De Rome, art. 81 et 82). Or, l’article L. 420-3 propose une nullité automatique des clauses ou contrats contraire à cet ordre public concurrentiel (247). La législation économique emprunte également d’autres formes, comme l’exigence d’information précontractuelle dans certains contrats (C. com., art. L. 330-3 et cf. Supra n°134) ou, de manière plus importante, le contrôle des clauses d’exclusivité. Celles-ci, considérées comme dangereuses dans certains contrats (248) sont limitées dans la durée, 10 ans par l’article L. 330-1 du Code de commerce, voire cinq ans si l’on tient compte de la réglementation communautaire de droit de la concurrence. Il n’en résulte pas une « nullité » de la clause d’exclusivité au-delà de 10 ans, mais une limitation de sa durée par une forme de caducité réduite à la clause d’exclusivité (249).

150. Exemple : l’affaire des « cuves ». −−−− L’affaire dite des « cuves », proprement circonstanciée, est cependant un bon exemple d’apport des règles du droit de la concurrence aux mécanismes civils. Le problème était le suivant. Des distributeurs d’essence, dits « pompistes de marque »

247 L. Idot, « La protection par le droit de la concurrence », in C. jamin et D. Mazeaud (dir.), Les clauses abusives entre professionnels, Economica, 1998, p. 55 ; Cl. Lucas de Leyssac et G. Parléani, « L’atteinte à la concurrence, cause de nullité du contrat », in Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 601. Adde E. Claudel, Les ententes anticoncurrentielles et le droit des contrats, Th. Paris X, 1994, M. Chagny, Droit de la concurrence et droit des obligations, Dalloz, 2004. 248 Cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 6è éd., n°239 ; Dictionnaire de droit du marché, Ellipses, 2008. 249 Com. 10 févr. 1998, Bull. IV, no 252, Contrats, conc. consom. 1998, no 55, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1998, p. 130, obs. P.-Y. Gautier, p. 365, obs. J. Mestre ; Cass. com. 14 déc. 1999, Contrats, conc. consom. 2000, no 46, obs. M. Malaurie-Vignal.

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concluaient des contrats d’approvisionnement exclusif avec des pétroliers et recevaient des cuves de leur fournisseur à titre de prêt à usage, ce qui était d’une efficacité redoutable si le distributeur décidait de résilier le contrat de distribution ou de ne pas le renouveler (sans doute pour « passer à la concurrence » et, donc, changer de fournisseur). Le fournisseur exigeait alors la restitution des cuves. Or, les distributeurs constataient que, une fois utilisées, ces cuves ne valaient plus grand chose, alors que pour les restituer, il fallait les déterrer, travaux coûteux accompagnant la fermeture de la station-service et racheter une autre cuve pour exécuter un nouveau contrat avec une nouvelle compagnie pétrolière (à moins qu’elle ne la lui prête à son tour). Aussi les distributeurs proposaient une restitution par équivalent ou en valeur de ces cuves. Saisies en premier lieu, les juridictions civiles n’admirent pas le raisonnement des distributeurs proposant une restitution par équivalent (250) jusqu’à ce que les autorités en charge du contrôle de la concurrence considèrent ces clauses de prêt à usage des cuves comme des ententes anticoncurrentielles (251) puisqu’elles avaient pour effet de dissuader le distributeur de traiter avec un autre fournisseur.

C. −−−− Validité et droits fondamentaux

151. Conflits de droits fondamentaux. −−−− Les droits et libertés fondamentaux ont pris une importance considérable en droit français en général, en droit des contrats en particulier, par la considération des valeurs qui fondent notre république, notre société, éventuellement dans un concert européen. En principe, ces droits fondamentaux sont des garanties contre des excès, voulus ou non, du législateur, du pouvoir exécutif et ce depuis l’origine, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, jusqu’à la CEDH, la Charte des droits fondamentaux, quelques principes constitutionnels, les libertés publiques, etc. Cependant ces droits fondamentaux peuvent également être invoqués par un justiciable dans ses relations avec un autre justiciable : on parle alors d’application horizontale ou d’effet horizonral de ces droits fondamentaux. C’est, alors sans doute, la CEDH qui se révèle sinon la

250 Cf. Com. 29 janv. 1985, Bull. civ. IV, no 34. 251 Cf. Cons. conc. 29 sept. 1987, JCP, éd. E, no sp., Cah. dr. entr. 1987-6, note F. Pérochon; D. 1988, somm. 295, obs. Ch. Gavalda et Cl. Lucas de Leyssac; Com. 18 févr. 1992, JCP 1992, II, 21897, note M. Béhar-Touchais; D. 1992.57, note C. Hannoun; D. 1992, somm. 396, obs. D. Ferrier et v. D. Ferrier‚ Droit de la distribution, 4e éd., Litec, 2006, no 477. V. aussi, Déc. Cons. conc. 18 sept. 1990, Contrats, conc. consomm. 1991, n°13, obs. L. Vogel, à propos de l’annulation d’une clause limitative de responsabilité révélant un abus de position dominante dans le secteur des annonces publicitaires des pages jaunes.

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plus importante du moins la plus invoquée (252) par exemple dans le bail d’habitation, pour évincer certaines clauses (253) ou dans le contrat de travail (254), souvent sur le fondement du droit au respect de la vie privé (CEDH, art. 8), plus rarement sur celui de l’article 6 et du droit à un procès équitable peut-être pour fonder un droit processuel contractuel (255), voire sur celui, très prometteur de l’article 1er du 1er protocole additionnel qui assure la protection des biens et que la Cour EDH, par une démonstration qui n’est pas à faire ici, applique à la protection des créances (256). Si ces applications, référant à des textes de la CEDH, auraient pu se référer à des textes internes, il en résulte, en toute hypothèse une nouvelle manière de raisonner, fondée sur celle de la CEDH, faite d’appréciation de la limitation d’un droit en fonction de principes comme celui de confiance légitime, ou de proportionnalité.

152. Contrôle de proportionnalité : l’exemple des clauses d’inaliénabilité et des clauses de non concurrence. −−−− les clauses d’inaliénabilité sont des clauses par lesquelles une personne dispose d’une chose (vente, donation) mais impose à son contractant de ne pas disposer à son tour de ce bien, pendant une certaine durée, imposant, donc, son inaliénabilité, parfaitement contraire à l’esprit libéral de notre droit et, ce faisant, au principe de libre disposition des biens. L’article 900-1 du Code civil, s’agissant des libéralités, solution étendue à tous les contrats limite ces clauses selon l’application d’un principe, alors non formulé, de proportionnalité : elles ne sont valables que pour autant qu’elles soient justifiées par un intérêt sérieux et légitime et qu’elles soient temporaires (257). Plus probant est l’exemple des clauses de non-concurrence. Ces clauses imposent à une personne, liée à une autre personne dans le cadre d’un contrat d’activité (contrat de travail, contrat de mandat, contrat d’exercice libéral, contrat de distribution, contrat de location-gérance, etc.) ou un contrat emportant cession d’une activité (contrat de cession de fonds de commerce, contrat de cession de titre, etc.) de ne pas exercer une activité

252 Cf. A. Debet, L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, Dalloz 2002. 253 Cf. Cass. civ. 3ème, 6 mars 1996, Bull. civ. III, n°60, JCP 1996, I, 3958, obs. C. Jamin, RTD civ. 1996, p. 897, obs. J. Mestre (clause interdisant au preneur d’héberger ses proches). 254 Cf. Cass. soc. 12 juin 2003, JCP 2003, II, 1190, note F. Auque, RDC 2004, p. 231, obs. J. Rochfeld (clause de mobilité imposant au salarié de transférer son domicile sur son lieu de travail). 255 Cf. Cass. civ. 2ème, 10 mars 2004, RDC 2004, p. 938, obs. Ph. Stoffel-Munck, RTD civ. 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages (sur une clause limitant la liberté de la preuve). 256 Cf. Supra, n°17 et CEDH, 19 juin 2006, RTD civ. 2006, p. 719, obs. J.-P. Marguénaud, sur la portée d’une législation trop protectrice des locataires. 257 Cf. Cass. civ. 1ère, 16 févr. 1953, Bull. civ. I, n° 61 ; Cass. civ. 1ère, 31 oct. 2007, Bull. civ. I, à paraître.

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(souvent à la fin du contrat : clauses de non concurrence post-contractuelle). Le principe de liberté contractuelle (258) commande de les considérer comme valables, par principe, quoiqu’elles heurtent le principe de liberté du commerce et de l’industrie ou le principe de la liberté du travail. Longtemps, la validité de ces clauses était subordonnée au respect de conditions objectivement appréciées : limitation quant à l’activité interdite (ne pas tout interdire), limitation dans le temps et dans l’espace, de telle manière qu’il suffisait que ces limitations fussent présentes pour que ces clauses soient valables (259). Depuis 1992, la Cour de cassation retient une appréciation plus subjective, imposant en premier lieu l’existence d’un intérêt légitime de leur créancier (260) et appréciant la proportionnalité de ces clauses et de l’atteinte qu’elles portent au principe de liberté du travail ou du commerce et de l’industrie avec cet intérêt légitime de telle manière que ces clauses peuvent être écartées, réduites, selon les cas (261), voire, dans le contrat de travail soumises à une exigence supplémentaire, celle d’une rémunération (sur le fondement de la cause, d’ailleurs) (262).

II. −−−− Le contrôle de l’équilibre des prestations réciproques dans le contrat

153. Contrôle de l’équilibre dans le contrat ? Contrôle de la potestativité ?−−−− Il n’existe aucun principe en droit français des contrats garantissant l’équilibre du contrat, et encore moins le contrôle que cet équilibre soit établi au moment de sa formation, comme au long de son exécution. Le principe traditionnel qui fonde la question repose sur le

258 Cass. civ., 24 janvier 1866, DP 1866, 1 p. 81 et V. P.-Y. Gadhoun, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, th. Montpellier I, 2006. 259 Limitations cumulatives pour les salariés, Cass. soc., 10 juillet 2002, 3 arrêts, D. 2002, p. 2491, note Y. Serra, JCP, 2002, II, 10162, note F. Petit, Contrats, conc. consom., 2002, no 141, obs. M. Malaurie-Vignal, RDC 2003, p. 17, obs. J. Rochfeld, Cass. soc. 29 janvier 2003, Bull. civ. V, no 27 260 Jurisprudence dite du « laveur de vitres », Cass. soc., 14 mai 1992, Bull. civ. 1992, n° 309, D. 1992, p. 350, note Y. Serra, JCP 1992, note J. Amiel Domat. 261 Cf. Cass. soc. 14 mai 1992, préc. : clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail (d’un laveur de vitres) annulée car non indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur ; Cass. Com. 9 nov. 1993, Bull. civ. IV, no 399, D. 1994,399, note D. Lombard, D. 1994, somm. 220, obs. Y. Serra; Cass. Com. 4 janv. 1994, Bull. civ. IV, no

4, D. 1995.205, note Y. Serra, RTD civ. 1994.349, obs. J. Mestre; Cass. com. 16 déc. 1997, Contrats, conc. consom. 1998, no 39, obs. L. Leveneur; Civ. 1re, 11 mai 1999, Bull. civ. IV, no 156, D. 2000, somm. 312, obs. Y. Serra. V. aussi, sous la dir. de M. Béhar-Touchais, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé? », Les Petites Affiches, 30 sept. 1998. 262 Cass. soc. 10 juill. 2002, préc., Cass. soc. 29 janvier 2003, préc.; Adde sur l’extension possible de cette solution à d’autres contrats, C. Jamin, « Clause de non-concurrence et contrat de franchise », D. 2003, p. 2878.

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principe de liberté contractuelle et de contrôle de l’intégrité du consentement, d’existence, de licéité, de l’objet et de la cause, le tout évitant soigneusement le contrôle de l’erreur sur la valeur, souci constant, par exemple dans le contrôle des clauses abusives en droit de la consommation (cf. infra n°158 s.). L’équilibre du contrat est donc présumé et, presque intangible, dans le Code civil, dont on doit rappeler qu’il présente pour modèle la vente immobilière, hormis la lésion, applicable seulement pour ce contrat, et le partage, jusqu’à 2006. Par conséquent, en principe, le contrôle de l’équilibre dans le contrat, se ramène à l’existence de la cause (cf. infra n°154). Aujourd’hui l’appréhension du contrat, de son étude, la divise selon les temps de la formation, de l’exécution et de la rupture du contrat, séquences presque étanches, dans la conception traditionnelle du contrat mais en réalité très fongibles si on observe la réalité de la pratique contractuelle et de la prise en compte du temps dans l’exécution du contrat. Dès lors, l’équilibre dans le contrat ne se résume pas au contrôle de la valeur dans une vente mais s’étend au contrôle de la disparité et inversement de l’équivalence des prestations réciproques parfois complexes dans un contrat lui-même complexe, outre la validité de clauses dangereuses, comme les clauses ne non concurrence, les clauses d’exclusivité, etc. (cf. infra, n°193), de telle manière que lorsque la disparité entre ces prestations sera par trop exagérée, un impératif de justice, d’équité, peut commander de rechercher des outils juridiques permettant de les contrôler (263). La loi elle-même parfois intervient en ce sens, sans que le législateur se rende, alors, compte de l’énormité de son choix comme c’était le cas de l’article L. 442-6, I, 2° a) du Code de commerce avant sa réforme en 2008 et plus encore depuis la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008. L’article L. 442-6, I, 1° sanctionne, par la voie de la responsabilité, le fait « d’obtenir ou tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque (…) manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu » et surtout l’article L. 442-6, I, 2° le fait « de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (264), selon une formule très proche de celle retenue en matière de répression des clauses abusives. Ce texte s’inscrit la litanie des fautes sanctionnées dans l’article L. 442-6, I, du Code de commerce qui sanctionne les abus, ici civilement pris en compte, essentiellement dans le secteur des relations d’affaires et mieux dans

263 Cf. D. Mazeaud, « Les nouveaux instruments de l’équilibre contractuel. Ne risque-t-on pas d’aller trop loin ? », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p. 143, pour un bilan mitigé. 264 Cf. Déc. Conc. Constit. 13 janv. 2011, n°2010-85 QPC, D. 2011, p. 415, note Y. Picod, JCP 2011, éd. G, 274, note D. Mainguy, RTDciv. 2011, p. 121, obs. B. Fages.

Supprimé: c’est

Supprimé: Ce texte dispose en effet que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (…) d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients »

Supprimé: , effroyablement technique, est un dérivé de

Supprimé: 1°

Supprimé: discrimination

Supprimé: tarifaires et contractuelles,

Supprimé: u

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celui des relations entre fournisseurs et entreprises de la grande distribution (265), pour identifier des pratiques visant à obtenir des réductions de prix qui ne seraient pas la rémunération d’un service réel ou qui seraient d’un montant disproportionné au regard de la réalité du service rendu, en un hommage superbe à l’exigence de contrôle de l’équilibre des prestations dans le contrat (266). On est alors très proche d’une logique de contrôle de la potestativité, ou de l’abus de puissance, contrôle opéré par exemple en droit de la consommation ou en droit de la concurrence, mais peu en droit des contrats, sinon de manière très technique et partielle comme en matière de condition, éventuellement potestative (C. civ., art. 1174, et infra, n°447). La question s’est alors posée de savoir si une obligation, une clause, une convention, pouvaient subir un contrôle au regard de ce refus de la potestativité, alors que l’article 1174 ne vise que les conditions potestatives affectant une obligation, point les obligations elles-mêmes (267). Ce contrôle peut résulter de l’application de l’exigence de bonne foi dans l’exécution des conventions (cf. infra, n°204), mais aussi,peut-être, d’une appréciation particulière de la potestativité, c’est-à-dire de l’arbitraire contractuel, ce qui avait pu être apprécié au moment du contrôle de l’indétermination du prix (cf. supra, n°142) mais aussi au-delà, comme certaines décisions s’en sont fait l’écho (268), le tout au service d’un contrôle de l’équilibre dans le contrat.

A −−−− Applications de la technique classique de la cause de l’obligation

154. Absence de cause. − Selon l'article 1132 du Code civil, « la convention n'en est pas moins valable quoique la cause n'en soit pas exprimée », faisant présumer l'existence de la cause (mais contra, v. C. civ ., art. 1932, pour le contrat de dépôt). Traditionnellement, le défaut de cause, ou l’absence de cause, permet d’emporter la nullité (269) d’un contrat, unilatéral ou synallagmatique. S’agissant des contrats unilatéraux, il n’y a pas d’obligations réciproques, de telle manière que le défaut de cause est à rechercher en dehors du contrat, comme dans le contrat de cautionnement : la cause du contrat de cautionnement réside dans le contrat conclu entre le débiteur principal et

265 Comp. D. Mainguy (dir.), Dictionnaire de droit du marché, Préf. Cl. Lucas de Leyssac, Ellipses, 2008, D. Mainguy et M. Depincé, Droit de la concurrence, Litec, 2ème éd., 2015. 266. 267 S. Valory, La potestativité dans les relations contractuelles, PUAM, 1999. 268 Cf. Cass. com., 12 mai 1980, Bull. civ. IV, no 190, pour une clause de durée ; Cass. soc., 9 nov. 1961, no 60-40.593, Bull. civ. IV, no 923 269 Nullité relative en principe : Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2001, Bull. civ. I, n°39.

Supprimé: ,

Supprimé: J.-L. Respaud

Mis en forme

Mis en forme : Exposant

Supprimé: 0

Supprimé: Comp. Cass. com. 5 déc. 2000, RJDA, 2001, n°511

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le créancier (270). Certains contrats synallagmatiques commutatifs ont été annulés pour défaut de cause, du moins lorsque la cause n’est pas présente au moment de la formation du contrat (271), dans différentes hypothèses et notamment lorsque le contrat n’a pas de contrepartie (272) ou lorsque le contrat présente une contrepartie inutile pour l’autre partie (273) voire une contrepartie dérisoire pour l’autre partie, empruntant la « théorie du vil prix » (274) quoique, en principe seul le défaut complet de contrepartie emporte la nullité du contrat. En principe, donc, il suffit qu’il y ait une contrepartie, même faible, pour que le contrat soit valable (275). C’est le cas également de certains contrats aléatoires, en l’absence de l’aléa (276). Ainsi, la vente au prix symbolique est en principe valable (277),une vente à un euro par exemple, parce que, généralement, le prix faible s’accompagne d’autres charges, comme l’obligation de continuer une activité pour l’acquisition d’une entreprise au prix symbolique (278) n’est, précisément, plus symbolique.

155. Economie du contrat. −−−− L’un des signes de désuétude de la notion de cause se manifeste dans l’utilisation d’autres notions, pourtant inconnues du Code civil, telle la notion d’économie du contrat (279), comme un arrêt, l’arrêt Point club Video du 3 juillet 1996 l’avait signalé : un contrat d’exploitation de location de vidéo-cassettes conclu pour une commune de 1314 habitants avait été annulé pour défaut de contrepartie

270 Cass. com. 8 nov. 1972, D. 1973, p. 753, note Ph. Malaurie. 271 Cf. A. Cermolacce, Cause et exécution du contrat, PUAM, 2003, 2001. Cass. civ. 3ème 17 juill. 1996, Bull. civ. III, n°193. 272 Com. 6 avril 1993, D. 1993.310, note Ch. Gavalda, JCP 1993.II.22062, note J. Stoufflet : à propos de la pratique bancaire consistant à imposer des « dates de valeur » et facturer des intérêts à cet effet ; Cass. com. 10 mai 1994, RJDA 1994, n°1016, Cass. com. 30 janv. 1996, RJDA 1996, n°775, pour un contrat de franchise dans lequel aucun savoir original ne peut être fourni par le franchiseur. 273 Cass. civ. 1ère, 6 octobre 1981, Bull. civ. I, n°273, cession d'une idée non susceptible de propriété, s’agissant d’un jeu télévisé ; Cass. civ. 18 avril 1953, D.1953, 403, contrat de généalogie ou de révélation de succession quand l'héritier n'avait pas besoin de généalogiste pour faire valoir ses droits. 274 Cf. Cass . civ. 1ère, 18 juill. 2001, Bull. civ. III, n°101. 275 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 juill. 1995, Contrats, conc. consomm. 1995, n°181, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1995, p. 881, obs. J. Mestre et B. Fages : validité d’une vente d’un bijou valant 460 410 euros, affichée 100 000 euros, car la somme versée n’était pas dérisoire. 276 Cass. civ. 1ère, 4 nov. 2003, Bull. civ. I, n°220 : contrat d’assurance portant sur un risque que l’assuré savait déjà réalisé ; Cass. civ. 3ème, 2 févr. 2000, Bull. civ. III, n°26, contrat de rente viagère alors que le débitrentier savait que le créditrentier allait décéder. 277 Cf. Ch. Freyria, « Le prix de vente symbolique », D. 1997, Chr. p. 51. 278 Cf. Cass. civ. 3ème, 3 mars 1993, Bull. civ. III, n°28. 279 S. Pimont, L’économie du contrat, PUAM 2004 ; J. Moury, « Une embarrassante notion : l’économie du contrat », D. 2000, Chr. p. 382.

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réelle « s’agissant de la location de cassettes vidéo pour l’exploitation d’un commerce, l’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties était impossible (…) le contrat était dépourvu de cause, dès lors qu’était ainsi constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l’obligation de payer le prix» (280). La plupart des commentateurs signalaient, par cet arrêt le rejet de la conception de la « cause contrepartie » au profit de celle de « cause intérêt » : le contractant conclut un contrat moins en raison de la contrepartie attendue qu’en raison de l’intérêt qu’il y trouve, sans, cependant que le seul fait que le contractant soit déçu des résultats contractuels justifie une action pour absence de cause pour cette raison : c’est à celui qui entendait se prévaloir de l’absence de cause de rapporter la preuve de l’impossibilité de réaliser l’opération contractuelle prévue (281). On retrouve, d’ailleurs, cette analyse dans les décisions intéressant les contrats de distribution, les contrats de bière (282), dans lesquels un brasseur conclut un tel contrat avec un distributeur, bar ou restaurant, assorti, souvent d’engagements accessoires pris par le brasseur : financiers, comme un cautionnement assurant la garantie du financement du fonds de commerce, un prêt pour l’acquisition du fonds, ou matériels, comme la fourniture des outils nécessaires à la vente de la bière (verres, parasols, pompes à bière, etc.). La contrepartie de l’engagement d’exclusivité doit alors être suffisante, sauf, pour les juges à annuler le contrat, qui présente pourtant une contrepartie, mais qui doit nécessairement présenter un intérêt suffisant pour le distributeur.

156. Fausse cause ou cause erronée. −−−− L'hypothèse de « cause fausse » rejoint celle de l'erreur sur la cause, l’erreur sur les motifs qu’une partie avait de s’engager, qui ne peut être retenue comme vice du consentement pouvant entraîner l'annulation du contrat. Outre le fait que cette hypothèse d’erreur n’est pas envisagée par l’article 1109 du Code civil, il

280 Cass. civ. 1ère, 3 juill. 1996, D. 1997, p. 200, note Ph. Reigné, JCP 1997, I, 4015, obs. F. Labarthe, RTD civ. 1996, p. 901, Obs. J. Mestre. Dans cette affaire, le pourvoi faisait pourtant classiquement valoir que la cause d’une obligation repose sur la prestation réciproque et que les motifs déterminants ne peuvent être pris en compte que s’ils sont entrés dans le champ contractuels. V. aussi, Cass. civ. 3ème, 6 déc. 1995, Bull. civ. III, n°250 (dans un bail) ; Cass. com. 16 janv. 1996, Bull. civ. IV, n°21, (dans un contrat de transport) ; Cass. com. 15 févr. 2000, Bull. civ. IV, n°29, D. 2000, somm. 364, obs. Ph. Delebecque, Defrénois, 2000, p. 1118, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2000, p. 325, obs. J. Mestre et B. Fages) : interdépendance entre deux contrats malgré une clause imposant leur indépendance en raison de la contrariété de cette clause avec l’économie générale du contrat. 281 Cf. Cass. Com. 27 mars 2007, Contrats, conc. consomm. 2007, n°196, obs. L. Leveneur. 282 Cf. Cass. com. 14 oct. 1997, Defrénois, 1998, art. 36860, obs. D. Mazeaud ; Cass. com. 8 févr. 2005, D. 2005, p. 639, JCP, éd. E, 2005, 1177, n° 4, obs. D. Mainguy ; Adde T. Lambert, « Le contrôle de l’assistance dans le contrat de bière », D. 2005, p. 1086.

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en résulterait un contrôle de l’équivalence des prestations ce à quoi la jurisprudence se refuse en général, du moins sur ce fondement. L'erreur sur le motif déterminant pourra, exceptionnellement cependant, être prise en considération au titre de la fausse cause : à l’absence de cause s’ajoute une erreur, vice du consentement (283), même si elle est inexcusable (284). Ainsi en a-t-il été décidé dans le cas où, son fils ayant disparu, un père pour assurer l'avenir de ses biens avait fait une importante libéralité à une autre personne; le fils étant revenu, le motif déterminant la libéralité apparut erroné : l'obligation du donateur fut considérée comme une obligation reposant sur une fausse cause et le contrat de donation fut annulé (285). De même, et plus compliqué encore, la fausse cause partielle a récemment été retenue par la Cour de cassation (286) dans une espèce où une personne avait signé une reconnaissance de dette puis avait engagé une action en annulation de celle-ci sur le fondement de la croyance erronée en l’existence de cette dette ; or, la dette existait bien mais était inférieure au montant de la reconnaissance de dette. La sanction oscille alors entre la réduction de la créance (287) et son annulation (288).

157. Absence de cause lors de l’exécution du contrat. −−−− On enseigne traditionnellement que la cause s’apprécie au moment de la formation du contrat, et point lors de son exécution. Par conséquent la disparition ultérieure de la cause n’a pas de conséquence sur le contrat. La cause, dans les contrats à exécution instantanée s’apprécie au moment de la formation du contrat et à ce seul moment, ce que la jurisprudence rappelle périodiquement (289). Pourtant, la jurisprudence a aussi su apprécier les conséquences d’une disparition de la cause pendant l’exécution du contrat, lorsqu’il s’agit d’un contrat à exécution successive (290), même si la cause n’est, en réalité, guère utile, les mécanismes de

283 Cass. civ. 1ère, 2 avr. 1996, Bull. civ. I, n°159 : annulation d’un engagement de payer la dette d’autrui conclu dans l’ignorance de la suspension des poursuites dont il bénéficiait. 284 Cf. Cass. civ.1ère, 10 mai 1995, JCP 1996, I, 3914, obs. M. Fabre-Magnan. 285 Paris 9 février 1867, S.1867, 2, 169. V. aussi Cass. civ. 1ère, 1 oct. 1986, Bull. civ. I, n°230, Cass. civ. 1ère, 21 juin 2005, RDC 2005, p. 1013, obs. D. Mazeaud. 286 Cass. civ. 1ère, 11 mars 2003, Bull. civ. I, n°67, RTD civ. 2003, p. 287, obs. J. Mestre et B. Fages : « la fausseté partielle de la cause n’entraîne pas l’annulation de l’obligation mais sa réduction à la mesure de la fraction subsistante ». 287 Cass. civ. 1ère, 11 mars 2003, préc. 288 Cass. Civ. 1ère, 31 mai 2007, D. 2007, p. 1724 et L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, droit des contrats, Dr. & Patr. sept. 2007, p.86 : « Dans un contrat synallagmatique, la fausseté partielle de la cause ne peut entraîner la réduction de l’obligation ». 289 Cf. Cass. com. 30 juin 1997, Bull. civ., IV, n°163. 290 Cf. Civ. 1ère, 16 déc. 1986, Bull. civ. I, n°301 : remise d’une somme d’argent en vue de l’achat d’une voiture, à charge pour l’acquéreur de l’accompagner en vacances, ce qui fut fait pendant une quinzaine de promenade, mais à la suite d’une brouille, celui qui avait remis la somme d’argent en demanda la restitution partielle des sommes d’argent ; Cass.

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résolution, de résiliation, voire de caducité du contrat suffisent sans doute.

B. −−−− Contrôle et élimination des clauses abusives dans les contrats

158. Notion de clause abusive. −−−− La plupart des règles déjà envisagées sont radicales en ce qu’elles permettent d’annuler le contrat dans son entier. Le contrôle de l’équilibre des prestations dans le contrat (cf. supra n°153 s.) montre, déjà, des solutions permettant d’envisager des techniques de contrôle de certaines clauses sans altérer, en principe, le sort du reste du contrat : clauses de con-concurrence, clauses limitatives de responsabilité, etc. Certains contrats sont plus propices que d’autres à l’apparition de clauses disproportionnées, notamment les contrats conclu entre professionnels et consommateurs et, en 1978 est apparue la notion de « clause abusive » pour les identifier, termes qui font désormais corps avec cette branche spéciale du droit mais qui aurait trouvé une fortune beaucoup plus générique pour s’appliquer à toute clause disproportionné dans n’importe quel contrat. Par exemple, l’article 4:110 des PEDC, alors que l’on doit répéter que les PEDC fondent un droit commun des contrats dans l’Union européenne et qu’ils s’inscrivent dans une perspective, une ambiance, relative aux contrats internationaux, aux contrats d’affaires donc, dispose, sous l’intitulé « clauses abusives qui n’ont pas été l’objet d’une négociation individuelle », que « une clause qui n’a pas été l’objet d’une négociation individuelle peut être annulée par une partie si, contrairement aux exigences de la bonne foi, elle crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, eu égard la nature de la prestation à procurer, de toutes les autres clauses du contrat et des circonstances qui ont entouré sa conclusion (…) » sans faire référence aux seuls contrats de consommation. Plus probant encore sont les Principes Unidroit, en raison de leur claire vocation à régir les contrats internationaux dont l’article 4.109 dispose que « Une partie peut provoquer la nullité du contrat si, lors de la conclusion du contrat : (a) elle était dans un état de dépendance à l’égard de l’autre partie ou une relation de confiance avec elle, en état de dépendance économique ou de besoins urgents, ou était imprévoyante, ignorante, inexpérimentée ou inapte à la négociation, (b) alors que l’autre partie en avait ou aurait dû en avoir connaissance et que, étant donné les circonstances et le but du contrat, elle a pris avantage de la relation de la première avec une déloyauté évidente ou en a retiré un profit excessif ».

civ. 1ère, 17 janv. 1995, Bull. civ. I, n°29 (honoraires d’un intermédiaire intervenu pour un bail commercial, révisé à la baisse car le loyer fut finalement plus élevé, en raison d’une faute de l’intermédiaire.

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Difficile pour un juriste français de mêler ainsi les notions de but ou d’économie du contrat, de violence économique, de clause abusive, de loyauté dans la conclusion, etc., dans un mécanisme qui résume, à lui seul, les enjeux du contrôle de l’équilibre des prestations. Il n’est donc pas totalement abusif d’envisager la notion de clause abusive en dehors du paysage du droit de la consommation, même s’il s’agit, en droit français, du point de départ.

159. Notion de clause abusive en droit de la consommation. −−−− L’article L.132-1 du Code de la consommation répute non écrites : « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ». Elles constituent ce que l’on appelle usuellement les clauses abusives en ce qu’elles sont l’expression de la domination contractuelle, et son abus. Elles sont issues d’une loi du 10 janvier 1978 qui instaurait un mécanisme administratif d’éviction des clauses abusives par la conjugaison d’une autorité nouvelle (Commission des clauses abusives) et de l’administration qui a produit un décret d’application (D. 24 mars 1978, toujours en vigueur qui répute non écrite les clauses limitatives de responsabilités dans les ventes entre professionnels et consommateurs, devenu C. consom., art. R. 132-1) ? Une directive européenne (Dir. 5 avril 1993) harmonisant les règles européennes en la matière a ensuite été transposée par une loi du 1er février 1995 faisant de l’article L. 132-1 ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un texte particulièrement long et complexe, avec sa définition des clauses abusives et ses exemples de clauses abusives. Réservée en principe aux relations entre un professionnel et un consommateur (1) ces règles ont cependant périodiquement vocation à s’élargir aux relations entre professionnels (2).

1 – Les clauses abusives dans les contrats entre un professionnel

et un consommateur

160. Champ d’application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. −−−− S’agissant des personnes visées, l’article L. 132-1 du Code de la consommation prescrit l’élimination des clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. Est un professionnel une personne exerçant une activité professionnelle, de droit privé ou de droit public (291) et concluant ce contrat dans le but de

291 La directive de 1993 envisageait expressément l’extension de la sanction des clauses abusives aux relations entre personnes publiques et usagers-consommateurs, pas que le Conseil d’Etat a engagé pour la première fois en 2001 : CE 11 juill. 2001, JCP 2001, I, 370, note N. Sauphanor-Brouillaud, RTD civ. 2001, p. 878, note J. Mestre et B. Fages.

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satisfaire un besoin professionnel s’inscrivant dans le champ d’application du droit de la consommation, à savoir une activité de production, de distribution ou de services. Est un consommateur une personne agissant pour la satisfaction de ses besoins privés, personne physique nécessairement pour les autorités communautaires (292), bien que la Cour de cassation envisage son application à des personnes morales qui n’agiraient pas pour des besoins professionnels (293). Pourtant, l’article L. 132-1 vise également les « non-professionnels », ce qui a permis la question de l’extension du champ d’application de ce texte à des professionnels profanes. Par conséquent, et en réservant l’application de ce texte aux rapports entre professionnels (cf. infra n°158), il ne peut s’appliquer dans les rapports entre consommateurs. Le texte de l’article L. 132-1 vise les contrats dans leur généralité : quel que soit leur mode de formation (contrat d’adhésion ou contrat de gré à gré) ; quelle que soit la forme du contrat (conditions générales de contrat, billet de transport, facture…), quelle que soit la nature du contrat (vente, bail, prêt, …). L’article L. 132-1 propose une définition reposant sur le constat d’une clause qui serait le résultat d’un « déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ». Avant la loi de 1995, le critère était celui d’un « avantage excessif ». Il en résulte que est abusive toute clause qui rompt l’équilibre contractuel, ce qui est plutôt difficile à repérer puisque, en principe, les relations contractuelles sont réputes équilibrées (C. civ., art. 1104), et qui permet d’éliminer des clauses abusives apparaissant comme principales ou accessoires dans le contrat. L’appréciation de la clause abusive s’opère in concreto et de façon globale, puisqu’il faut se référer "au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion de l’exécution de ces deux contrats dépendant juridiquement l’un de l’autre" (C. consom., art. L. 132-1, al. 5). Cependant, cette appréciation exclut la définition de « l’objet principal du contrat, l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert » (C. consom., art. L. 132-1, al. 7).

161. Identification des clauses abusives. −−−− S’agissant de la technique

Adde, S. Lafont, La soumission des personnes publiques au droit de la consommation, Th. Dr. Montpellier, 2007. 292 CJCE 22 nov. 2001, aff. C-541/99, C-542/99, JCP 2002, II, 10047, note G. Paisant, Contrats, conc. consomm. 2002, n°18, obs. G. Raymond. 293 Cass. civ. 1ère, 15 mars 2005, JCP 2005, II, 10114, note G. Paisant, refusant en pratique, cependant, cette application à un syndicat professionnel.

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d’élimination des clauses abusives, trois formules concurrentes apparaissent. Un mécanisme administratif et réglementaire, hérité de la loi de 1978, subsiste : le décret du 24 mars 1978 demeurait jusqu’en 2009, mais c’est le seul. La loi de 1995 a ajouté à l’article L. 132-1 une liste indicative des clauses abusives que le texte de la directive de 1993 proposait, liste non exhaustive et indicative de clauses qui peuvent être considérées comme abusives par le juge, si elles correspondent à la définition posée par l’article L. 132-1 al. 1er du Code de la consommation et si le demandeur parvient à établir le caractère abusif de cette clause. Enfin, la Commission des clauses abusives établit des Recommandations, souvent après avoir épluché les conditions générales, contrats des grands « fournisseurs » de contrats de consommation, banques, compagnies d’assurance, contrats d’abonnement au câble ou à la télévision, contrats de téléphonie mobile, contrat d’abonnement à un fournisseur d’accès à l’Internet, etc., qui ne lient pas le juge en ce sens où si un juge du fond ne sanctionne pas une clause comme abusive, alors qu’elle figure dans une telle recommandation, il n’y pas motif à cassation (294). Enfin, un consommateur peut toujours chercher à démontrer à un juge qu’une clause, ne figurant dans aucun des mécanismes précédents, est une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 avait cependant annoncé une nouvelle méthode, mise en œuvre par un décret du 18 mars 2009 qui a établi des listes de clauses abusives. Une première liste, dite liste noire, retient douze clauses qui « eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat » sont de manière irréfragable présumées abusives et interdites (C. consom., art. L. 132-1, al. 3, R. 132-1) dont, notamment, les clauses dites limitatives de responsabilité, qui ont pour objet ou pour effet de suupprimer ou réduire le droità réparation du préjudice subi par le consommateur. Une seconde liste, dite liste grise, contient dix lauses qui sont simplement présumées abusives, le professionnel pouvant établir la preuve contraire (C. consom., art. L. 132-1, al.2, R. 132-2).

162. Sanction des clauses abusives. −−−− S’agissant des sanctions, l’article L. 132-1, al. 6 du Code de la consommation considère qu’une clause abusive est réputée non écrite, sanction originale mais non réservée au droit de la consommation (cf. infra, n°185) de sorte que son élimination n’affecte pas le reste du contrat, à moins – hypothèse rarissime – que le contrat ne puisse subsister sans cette clause. La sanction est cependant d’une inefficacité remarquée : il suffit de l’insérer dans le contrat et d’attendre qu’un juge l’élimine, ce qui suppose une action judiciaire. Une loi du 5 janvier 1993 a alors ajouté la

294 Cf. Cass. Civ. 1ère, 13 nov. 1996, Bull. civ. I, n°399.

Supprimé: demeure

Supprimé: ;

Mis en forme

Mis en forme

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possibilité d’obtenir l’élimination des clauses abusives par des associations de consommateurs (C. consom., art. L. 421-6), ce qu’on appelle « l’action en suppression », action simplement préventive et non destinée à obtenir la sanction de clauses existantes dans des contrats déjà conclu (295). La loi sur la consommation de 2014 élargit considérablement le spectre des sanctions, par la possibilité données au juge, à la demande d’un consommateur ou de l’administration en charge de la police de la consommation, de considérer qu’une clause en litige peut être considérée comme abusive dans tous les contrats identiques, assurant donc un effet erga omnes de la décision. C’est un effet totalement dérogatoire, à l’image des solutions liées au prononcé d’une décision du juge administratif qui annule, par exemple, un acte administratif. Enfin, on peut imaginer que l’effet nouveau de l’action de groupe introduit en 2014 se fonde sur des situations de clauses abusives.

2 – Les clauses abusives dans les relations entre professionnels

163. Elimination des clauses abusives dans les relations entre professionnels par le mécanisme de l’article L. 132-1 C. consom. −−−− Par principe, l’article L. 132-1 est un texte assurant la protection des consommateurs, protection qui leur est réservée et qui, par conséquent, exclut son application dans les relations entre professionnels. Pourtant, le texte s’applique dans les relations entre professionnel, d’une part, et consommateur ou non professionnel, d’autre part. Ou bien le non professionnel est un consommateur, et le texte est une démonstration de bégaiement législatif ou bien le non professionnel est distinct du consommateur, de sorte qu’il pourrait être un… professionnel, mais un professionnel qui serait placé dans la même situation d’ignorance qu’un consommateur parce qu’il agirait en dehors de sa sphère de compétence professionnelle. On parle alors de professionnel profane ou de professionnel de spécialité différente pour le distinguer du professionnel de la première proposition. Il y a ainsi un professionnel débiteur de la prestation caractéristique (le vendeur, le prêteur, l’entrepreneur) – le professionnel au sens de l’article L. 132-1 – et le professionnel créancier de la prestation caractéristique (l’acheteur, l’emprunteur, le maître d’ouvrage…) – le non professionnel au sens de l’article L. 132-1. C’est cette solution qu’avait un temps empruntée la cour de cassation

295 Cf. Cass. civ. 1er févr. 2005, Bull. civ. I, n°62, JCP 2005, I, 141, obs. J. Rochfeld. Dès lors que le contrat n’est plus proposé, l’action est irrecevable (Cass. civ. 1er févr. 2005, Bull. civ. I, n°59 et 61).

Mis en forme

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(296) dans une affaire restée alors célèbre, dite du système d’alarme, en une conception tout à la fois extensive (le non professionnel est un professionnel profane) et subjective de l’application de la réglementation des clauses abusives (le non professionnel considéré comme tel en raison de ses caractéristiques). Pourtant, la Cour de cassation est revenue sur cette façon d’envisager l’application de l’article L. 132-1 dans plusieurs arrêts (297) dans lesquels elle a d’abord exclu la conception extensive vers la conception restrictive (le non professionnel est un professionnel) et objective assurant la possibilité d’obtenir l’élimination d’une clause abusive lorsque le contrat conclu a « un rapport direct » avec l’activité de celui qui réclame cette élimination (298), même accessoire (299). Il ne reste donc, en pratique, plus de place pour l’application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation à des relations entre professionnels, l’un des eux fût-il profane.

164. Elimination des clauses abusives dans les relations entre professionnels par d’autres mécanismes. −−−− Le fait que les termes « clauses abusives » soient, en droit français, réservés au droit de la consommation entrave une approche globale des clauses abusives, y compris dans les relations entre professionnels. Cette considération permettrait d’inverser la perspective, par une définition des clauses abusives et un régime particulier, dont la sanction dans les contrats de consommation pourrait être distincte, plutôt que la situation actuelle où l’on tente désespérément, et vainement, d’étendre le régime du droit de la consommation. La piste utilisée par l’article 4:110 des PEDC est, de ce point de vue, pleine de perspectives mais les observations déjà envisagées sur le contrôle de certaines clauses, soit du point de vue du déséquilibre qu’elles proposent, soit du point de vue de leur validité assurent, en fait, déjà, un tel contrôle, l’exemple des clauses de non concurrence, de l’affaire des « cuves » ou des clauses limitatives de responsabilité, comme par exemple dans l’affaire − la saga − Chronopost en sont une illustration criante.

296 Civ. 1ère, 28 avril 1987, D. 1988.1, note Ph. Delebecque, JCP 1987, II, 20893, note G. Paisant, RTD civ. 1987.548, note J. Mestre ; Cass. civ. 1ère, 14 mai 1991, D. 1991.449, note J. Ghestin. 297 Cass. civ. 1ère, 24 nov. 1993, Contr. conc. consom. 1994, n°3 obs. L. Leveneur, Cass. com. 10 mai 1994, Contr. conc. consom. 1994, n°155, obs. L. Leveneur, Cass. civ. 1ère, 24 janv. 1995, D. 1995. 327, note G. Paisant, Cass. civ. 1ère, 21 févr. 1995, JCP 1995, II, 22502, note G. Paisant ; Cass. civ. 1ère, 30 janv. 1996, D. 1996.228, note G. Paisant, Civ. 1ère, 17 juill. 1996, JCP 1996, II, 22747, note G. Paisant, Civ. 1ère, 5 nov. 1996, Contr. conc. consom. 1997, n°23, obs. L. Leveneur. 298 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 1995, préc. 299 Cass. civ. 2ème, 18 mars 2004, JCP 2004, II, 10106, note D. Bakouche, Contrats, conc. consomm. 2004, n°76, obs. L. Leveneur.

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C. −−−− Contrôle de l’équilibre des prestations réciproques dans le contrat

165. Elimination des clauses contraires à l’obligation essentielle du contrat. La saga Chronopost. −−−− Certains contrats comportent des clauses limitatives voire élusives de responsabilité, qui sont valables par principe, et ont pour objet de limiter ou d’éliminer les conséquences financières de la mauvaise exécution ou de l’inexécution d’une obligation par son débiteur. Pourtant, la validité des clauses limitatives ou élusives de responsabilité repose sur le respect de plusieurs règles. Elles sont d’abord écartées lorsqu’une disposition particulière de la loi les prohibe (Cf. C. civ., art. 1953, al. 2 en matière de contrat d’hôtellerie, C. civ., art. 1643, dans certaines ventes, C. Civ., art. 1386-15 en cas de responsabilité du fait de produits défectueux, C. trav., art. L. 122-14-17 en matière de contrat de travail, etc.), à moins qu’elles soient considérées comme des clauses abusives, ou bien, mais cela relève du régime de la responsabilité contractuelle, lorsque le débiteur commet une faute lourde (cf. infra, n° 263, 307). Elles ne peuvent aller à l’encontre d’une obligation essentielle dite aussi obligation fondamentale du contrat, selon un principe de cohérence contractuelle : on ne peut dire une chose et son contraire dans un contrat. L’obligation essentielle est alors la prestation caractéristique du contrat : la livraison dans la vente, la restitution dans un prêt ou un dépôt, l’exécution de la prestation promise dans un contrat d’entreprise… Une clause ne saurait alors vider l’obligation essentielle de son essence (ex : je m’oblige à livrer cette chose qui vaut 1000, mais je serai responsable que pour 1 si je livre mal). Il n’est alors pas possible de heurter l’exécution de cette obligation essentielle comme l’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996 l’a énoncé, amorçant une saga prometteuse (300). La société Banchereau avait confié à la société Chronopost, à deux reprises, des plis devant être livrés le lendemain, comme s’y engageait la société Chronopost, à grands renforts de publicité, « les maîtres du temps ». Cette dernière n’avait pas respecté son engagement, causant un préjudicie important à la société Blanchereau. Celle-ci se réfugiait pourtant derrière une clause limitative de responsabilité limitant la responsabilité de Chronopost au prix de

300 Cass. com. 22 octobre 1996, Bull. civ. IV, n°261, JCP 1997, II, 22881, note D. Cohen, I, 4002, obs. M. Fabre-Magnan, D. 1997, p. 121, note A. Sériaux, Somm., 175, obs. Ph. Delebecque, Contrats, conc. consomm. 1997, n°24, obs. L. Leveneur, Defrénois, 1997, p. 336, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 1997, p. 418, obs. J. Mestre. Adde J.-P. Chazal, « Théorie de la cause et justice contractuelle, à propos de l’arrêt Chronopost », JCP 1998, I, 152 ; Ph. Delebecque, « Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité ? » D. aff. 1997, p. 235, Ch. Larroumet, « Obligation naturelle et clause limitative de responsabilité », D. 1997, Chr. p. 145.

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l’envoi, soit quelques dizaines de francs. La cour de cassation avait alors plusieurs choix : elle a pourtant utilisé une voie a priori curieuse, celle de la cause de la clause. Visant l’article 1131 du Code civil, la cour censurait l’arrêt d’appel qui avait débouté la société Blanchereau en considérant que Chronopost n’avait pas commis de faute lourde privant d’effet la clause : « Spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagée à livrer les plis de la société Blanchereau dans un délai déterminé et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ». C’est alors la clause seule qui disparaît selon le raisonnement suivant : si la clause limitative demeure, c’est tout le contrat qui vacille ; il convenait donc de supprimer la clause. La notion de cause est alors, du point de vue classique, dévoyée, heureusement, ne servant pas seulement à contrôler le déséquilibre absolu, celui du contrat conclu sans contrepartie, mais le déséquilibre relatif, la protection de l’intérêt qui a convaincu le contractant de s’engager, la « cause intérêt », donc, une nouvelle fois (301).

301 Petit souci, cependant, la clause ne faisait que refléter les termes contrat-type « Messagerie » en application de l’article 8-II de la loi du 30 décembre 1982, la LOTI, loi d’orientation sur les transports intérieurs, établissant un plafond de responsabilité égal au prix du transport en cas de retard dans l’acheminement du courrier, que seule une faute lourde pouvait écarter. Sur second pourvoi, la cour de cassation, le 9 juillet 2002, (Cass. com. 9 juillet 2002, Chronopost II, JCP 2002, II, 10176, note G. Loiseau et M. Billiau, D. 2003, p. 457, note D. Mazeaud, D. 2002 somm. P. 2836, obs. Ph. Delebecque, Contrats, conc. consomm., 2003, n°2, obs. L. Leveneur), posait le problème en terme de faute lourde…justifiant deux nouveaux arrêts, Chronopost III et IV (Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, D. 2005, p. 1864, note J.-P. Tosi, JCP 2005, II, 10066, note G. Loiseau, RDC 2005, p. 651, avis R. de Gouttes et Note D. Mazeaud). Echec : ni l’absence d’explication sur le retard, ni le retard lui-même ne constitue une telle faute lourde : « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause de son retard » et « la société X. ne prouvait aucune fait précis permettant de caractériser l’existence d’une faute lourde imputable à la société Chronopost, une telle faute ne pouvant résulter du seul retard de livraison ». Enfin, Chronopost V, le 30 mai 2006 (Cass. com. 30 mai 2006, D. 2006, p. 2288, note D. Mazeaud, RTD civ. 2006, p. 773, obs. P. Jourdain, Contrats, conc. consom. 2006, n°10, obs. L. Leveneur), s’agissant d’un contrat conclu par la société Chronopost conclu dans un contexte international, donc non soumis au Décret « Messagerie », réouvrant donc la voie à l’analyse choisie par la cour de cassation en 1996, au visa de l’article 1131. V. Aussi Cass. com. 17 juill. 2001, Securinfor, JCP 2002, I, 148, obs. G. Loiseau et depuis : Cass. com. 13 févr. 2007, Oracle, JCP 2007, II, 10063, note Y.-M. Sérinet, éd. E, 1702, obs. M. Vivant ; Cass. com. 5 juin 2007, D. 2007, p. 1720 et l’arrêt « Faurecia II » : Cass. com. 29 juin 2010, D. 2010, p. 1832, note D. Mazeaud, JCP 2010, 787, obs. D. Houtcieff, JCP, éd. E, 2010, 1790, note Ph. Stoffel-Munck, RDC 2010, p. 1253, note O. Deshayes : « seule est réputéee non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portéé de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

Mis en forme : Anglais (États Unis)

Mis en forme : Français (France)

Mis en forme : Français (France)

Supprimé: .

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D’une façon plus générale, l’analyse permet de contrôler, voire d’annuler, les « clauses allégeant les obligations » d’une partie (302), extrêmement disparates : clause limitative de garantie ou de responsabilité, clause allégeant l’intensité d’une obligation (passage d’une obligation de résultat à une obligation de moyens cf. infra, n°258), etc. qui poseront difficulté chaque fois qu’elles rencontreront une règle d’ordre public ou qu’elles contrediront une obligation essentielle du contrat. A l’inverse, les clauses renforçant les obligations d’une partie seront regardées avec davantage de faveur.

166. Proportionnalité dans le contrat, engagements excessifs. −−−− L’exemple le plus probant, en droit français (303), de contrôle de l’équilibre dans le contrat repose certainement dans la formule retenue dans un arrêt Macron du 17 juin 1997 (304) dans une affaire où un engagement de caution avait été demandé à une personne physique qui dépassait très largement ses possibilités financières et annulé en raison de son caractère excessif (305). Le droit de la consommation reprend aujourd’hui cette analyse pour exiger que « le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » (C. consom., art. L. 313-10).

Sous-section 5. – La forme des contrats

167. Présentation de la distinction selon la forme des contrats. −−−− Le contrat consensuel est le contrat dont la formation exige seulement l'accord des volontés des partenaires, leur consentement. Il obéit au principe général du consensualisme. C’est la situation de principe, le contrat de droit commun. Le contrat solennel est le contrat dont la formation exige, outre l'accord des volontés, l'accomplissement de certaines formalités comme la rédaction d'un écrit (cf. infra, n°167, sur le contenu de ce formalisme), la présence de mentions obligatoires, voire les deux. On ne confondra cependant pas le formalisme solennel – on

302 Cf. Ph. Delebecque, Typologie des clauses d'allègement des obligations, J.-Cl. Contrats Distribution, Fasc. 111. 303 Et comp. UCC, § 2-302, en droit américain qui concerne l’invention jurisprudentielle de la clause unconscionnable (clause excessive, déraisonnable). Cf. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, op. cit., n°139. 304 Cass. com. 17 juin 1997, Bull. civ. IV, n°188, JCP 1997, éd. E, II, 1007, obs. D. Legeais, JCP 1998, I, 103, obs. Ph. Delebecque. 305 V. cependant, depuis, Cass. com. 8 oct. 2002, Bull. civ. n°136, remettant en cause cette solution, en partie, en exigeant que la caution soit en situation de faiblesse ou de dépendance.

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parle de formalités ad validitatem – et le formalisme simplement probatoire – on parle de formalisme ad probationem –. La loi du 20 juin 2004, LCEN, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, a inséré un article 1108-1 dans le Code civil qui pose le principe selon lequel lorsqu’un écrit est exigé à peine de validité des contrats, cet écrit peut être fourni sous forme électronique, poursuivant l’œuvre entreprise par la loi de 2000 sur la preuve électronique. Le contrat réel est le contrat dont la formation exige, outre le consentement des intéressés, la remise de la chose qui en est l'objet. Traditionnellement on considère que le contrat de dépôt est le type même du contrat réel (C. civ., art. 1919) et l’on cite également les contrats de prêt à usage ou commodat (C. civ., art. 1875), de prêt de consommation (C.civ., art. 1892), de gage ou de nantissement (C.civ., art. 2071). L'existence même de ces contrats réels fait l'objet de vives critiques, qui semblent entendues par certaines décisions récentes, en matière de prêt d’argent. Si on admettait que le prêt d’argent était un prêt soumis aux règles traditionnelles de contrat et donc était un contrat réel, il en résultait que le contrat conclu avant la remise des fonds était une simple promesse de prêt, point le prêt lui-même tant que les fonds n’avaient pas été remis. La jurisprudence est cependant revenue sur cette conception dans deux décisions récentes. La première considère que le prêt d’argent conclu avec un consommateur et soumis aux règles des articles L. 311-1 et s. du Code de la consommation n’est pas un contrat réel (306). La seconde a décidé encore plus largement que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel (307).

168. Conception et évolution du formalisme. −−−− La formalisation du contrat évoque le passage matériel et intellectuel du négocium vers l'instrumentum. Une fois la rencontre des volontés observée, formant le contrat, la question de la réitération de cet accord, obligatoire pour un contrat solennel, facultative pour un contrat consensuel se pose. Très souvent d'ailleurs, ce passage est tronqué, tant sont concomitants ou confondus l'accord des volontés et sa formalisation : fort souvent les contractants évoquent le fait de « signer » un contrat plutôt que le conclure. Parfois cette identité de conclusion et formalisation correspond à la réalité, pour un contrat solennel; d'autres fois, la formalisation n'est que la réitération d'un contrat déjà conclu, lorsque ce contrat est un contrat consensuel. Par ailleurs, le formalisme peut apparaître comme une formalisation obligatoire, à laquelle on pourrait opposer la formalisation volontaire, comprise comme l'exercice intellectuel de construction et de rédaction d'un contrat consensuel, d'un contrat nommé dont les dispositions

306 Cass.civ. 1ère, 27 mai 1998, Bull. civ. I, n° 186, D. 1999.14 note M. Bruschi. 307 Cass. civ. 1ère, 28 mars 2000, JCP 2000, II, 10296.

Supprimé: a

Supprimé: l'instrumentaux

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supplétives de la loi comprennent tout le contenu d'un contrat, la vente par exemple, ou innomé où les parties choisiraient de rédiger un contrat écrit, identifiant la différence entre formalisme et formalisation. Le principe qui gouverne le droit des contrats est celui du consensualisme: les contrats se forment par principe par le seul échange des consentements, qui nécessite une extériorisation de la volonté et, donc, un vecteur formel, une parole, un geste ou un ensemble complexe de gestes, paroles, signes ou un écrit. L'une des difficultés est, alors de savoir si toutes ces formes d'extériorisation se valent ou si, au contraire, seules certaines sont retenues, et alors les formules les plus lourdes seront généralement choisies. Dans le premier cas le système sera consensualiste ; dans le second, formaliste. Le consensualisme est, alors, un système qui se satisfait d'un consentement exprimé d'une manière quelconque, la plus légère sans exclure a fortiori la plus lourde. Au contraire, le formalisme caractérise un système qui exige le respect de telle forme prédéterminée, généralement par la loi, pour que le consentement, exprimé par ailleurs, puisse produire ses effets. Bien entendu, le système consensualiste tolère un certain nombre d'exceptions formalistes qui tempèrent et justifient le principe. Ainsi, le droit français se caractérise par l'affirmation du consensualisme de principe et admet le formalisme à titre d'exception. L'affirmation de ce principe du consensualisme trouve son origine dans une évolution très complexe. Pour résumer cette évolution, il convient d'observer les grandes lignes des règles du droit romain à nos jours. Le droit romain primitif considérait essentiellement le contrat comme une procédure: la volonté ne crée pas en soi d'obligation en dehors des formes prévues. Ces formes pouvaient être accomplies par tous sortes de rites, de paroles (« spondesne, jures-tu? spondeo, je jure »). Puis le droit romain admit certains contrats consensuels comme la vente, la société, le louage, le mandat, des contrats vêtus accompagnés d'autres contrats de plus en plus nombreux jusqu'à l'admission de la valeur des contrats innomés pourtant sans forme sans jamais cependant consacrer le principe du consensualisme. L'Ancien droit précédé de la période des droits frustres, donc formalistes, s'est soldé par un retour aux formes, aux solennités jusqu'à l'influence de plus en plus grande du droit canonique et des juridictions ecclésiales, comparés à la piètre efficacité des droits et juridictions temporelles. Un serment était alors exigé, envers Dieu et le créancier, sur le principe du respect de la parole donnée. De ce serment et de ce principe, diffusés du droit canonique vers le droit civil, repose l'adage pacta sunt servanda, à l'origine de l'article 1134 du Code civil (308). Face à ce principe du consensualisme, le formalisme n'apparaît qu'à titre

308 Cf. J.-Ph. Lévy, « Le consensualisme et les contrats, des origines au Code civil », Rev. sc. morales et politiques, 1995.209.

Supprimé: use

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d'exception. Pourtant, ces exceptions apparaissent de plus en plus nombreuses dans la législation moderne, malgré ses inconvénients nés de la lenteur de la formation du contrat en raison des impératifs de formalisation, des coûts de transaction que ce formalisme impose et de la tendance à la complexité des contrats qu'il produit. C'est, qu'en effet, le formalisme présente des avantages indéniables sur le consensualisme en termes de sécurité des transactions ou de protection d'un contractant. Ainsi, les inconvénients du consensualisme illustrent, en négatif, les avantages du formalisme. Le consensualisme favorise la rapidité des transactions et leur multiplication, solution favorable en période de rareté relative des contrats, comme à la fin du XVIIIème siècle et au XIXème. En revanche, en période d'inflation contractuelle, comme celle-ci s'est manifestée tout le long du XXème siècle, cette rapidité et cette multiplication peut conduire à la moindre réflexion, à des consentements donnés très, trop, rapidement. Lorsque, par ailleurs, une différence de puissance économique distingue deux partenaires et alors que le principe du consensualisme reposant sur la liberté de s'engager, la conscience universelle des contractants pâlit devant le besoin immédiat. Cette différence s'observe essentiellement dans les relations de travail ou bien de consommation: le consensualisme est alors relayé ou bien consolidé par un certain formalisme. En outre, le consensualisme est d'une très grande discrétion, entre les parties mais aussi à l'égard des tiers. Le consensualisme présente l'inconvénient, dans certaines hypothèses, de permettre des consentements donnés à la légère, sans réflexion. Par ailleurs, le consensualisme favorise une certaine évanescence contractuelle qui n'encourage pas la sécurité juridique à la fois pour les parties sur le point de savoir quel est le contenu précis du contrat, tel aménagement contractuel particulier, telle clause… et pour les tiers qui ignorent l'existence de ces contrats. A l'inverse, le formalisme impose le respect de certaines solennités ou d'un temps de réflexion, la mention d'une information particulière. En outre certains contrats doivent être conclus devant certains professionnels, comme les notaires, s'agissant des contrats portant sur un droit réel, qui assument un devoir de conseil, permettant une réflexion supplémentaire et l'éclaircissement de tel point particulier. Par ailleurs, certaines publicités obligatoires permettent l'information des tiers et l'opposabilité des contrats à leur égard.. L'évolution du formalisme (309) se manifeste par un déclin suivi d'une renaissance. Le déclin du formalisme correspond à la période saluant l'avènement et l'empire du Code civil, au XIXème siècle. En revanche, la « renaissance » du formalisme est saluée depuis le début du siècle. Si l'on

309 J. Flour, « Quelques remarques sur l'évolution du formalisme », Mélanges Ripert, t. 1, 1950, p.93; M.-A Guerreiro., L'acte juridique solennel, Bibl. dr. priv., t.137, préf. J. Vidal, LGDJ, 1975.

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considère que le formalisme désigne toutes les exigences de forme dans les contrats, qu'il s'agisse de satisfaire à une exigence probatoire, de validité, d'information…, la renaissance du formalisme est plus qu'évidente, elle est même envahissante. Si, au contraire, le formalisme n'est envisagé que dans sa conception plus étroite qui l'associe aux seules conditions de forme validant la conclusion d'un contrat, on observera alors que cette renaissance est plus discrète, surtout à l'aune de la jurisprudence traduisant l'exigence d'écrit, sans plus de précision, comme illustrant une exigence probatoire plus qu'une condition validante.

169. Le principe : le consensualisme. – Les contrats répondent au principe du consensualisme : c’est-à-dire que le contrat est valable par le seul respect des conditions de fond préalablement étudiées : consentement, capacité, objet et cause. Cela signifie, en négatif, que la validité d’un contrat est indifférente aux modes d’extériorisation du contrat, à sa forme : le principe du consensualisme implique donc la liberté de la forme du contrat. On distingue ainsi, le negotium qui est l’accord contractuel, envisagé de façon abstraite, et l’instrumentum, qui est l’extériorisation de l’accord, un écrit le plus souvent. Ses avantages sont connus : le consensualisme respecte les fondements (supposés) des contrats ; le consensualisme satisfait le principe de la sécurité des transactions dans la mesure où l’une des parties ne peut pas arguer d’un défaut de forme pour se soustraire à ses obligations ;il est un facteur d’accélération des transactions, particulièrement adapté à un système favorisant la conclusion des contrats ; il diminue fortement les coûts de transaction. Pourtant, un certain nombre d’inconvénients majeurs sont apparus : le consensualisme favorise les engagements pris (trop) rapidement, sans réfléchir, sans avoir mesuré la portée exacte de l’engagement pris, alors que des contrats présentés comme d’une grande banalité (contrats de crédit par exemple) sont en réalité très dangereux ; le consensualisme ne favorise pas la précision contractuelle pourtant indispensable dès lors que le contrat dépasse le cadre d’un contrat simplissime ; le consensualisme favorise l’opacité contractuelle, notamment dans des domaines justifiant un contrôle administratif ou judiciaire.

170. Exception : le formalisme et portée. −−−− Le formalisme apparaît alors comme une exception au principe du consensualisme, mais une exception devenant très envahissante, dont les avantages et inconvénients exactement inverses à ceux du consensualisme. D’exception, le formalisme suppose un texte exprès pour l’imposer. Très souvent, une règle impose l'exigence d'un écrit sans plus de précision. La question se pose alors de savoir si cette exigence est une

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exigence solennelle, sans laquelle le contrat n'est pas valable, ou une simple exigence probatoire, dont le non-respect n'influence pas la validité du contrat mais simplement sa preuve. Ainsi, l'obligation générale de préconstitution de la preuve, formulée par l'article 1341 du Code civil, impose la rédaction d'un écrit pour tout contrat dont la valeur dépasse 1 500 euros, sauf les exceptions que la loi peut permettre, comme en matière commerciale. Face à ce texte de portée générale, l'interprétation d'une règle imposant un écrit sans plus de précision pose difficulté. De très nombreuses règles, dont la liste n'est pas exhaustive, formulent de telles exigences ; ainsi en est-il : du contrat de bail (C. civ., art. 1715 ; L. no 89-462, 6 juill. 1989, art. 3) ; du contrat d'entreprise à forfait (C. civ., art. 1793) ; du contrat de société (C. civ., art. 1835) ; du contrat de prêt à intérêt, s'agissant des intérêts (C. civ., art. 1907, al. 2 ; L. no 66-1010, 28 déc. 1966, art. 4 ; C. consom., art. L. 313-2), du contrat de transaction (C. civ., art. 2044), du contrat dit de coopération commerciale (C. com., art. L. 441-7), etc. Le texte précise parfois que sa portée est simplement probatoire (voir C. civ., art. 1715, pour le bail verbal ; C. civ., art. 1985, pour le mandat verbal) ou, au contraire, que l'écrit est exigé pour la validité même du contrat (voir NCPC, art. 1443, pour la clause compromissoire). Lorsque la règle exige un écrit et précise que cette exigence est formulée « à peine de nullité » ou est assortie d'une sanction pénale, on comprendra que l'écrit est une exigence solennelle. A défaut, la jurisprudence refuse d'y voir une exigence validante et préfère une valeur probatoire puisque les contrats sont consensuels par principe (310). Parfois en revanche, la solution est contraire, le silence valant écrit ad validitatem comme ce fut, un temps, le cas du contrat de cautionnement (311).

171. Manifestations du formalisme validant. −−−− Les contrats véritablement solennels voient les exigences de forme considérées comme des conditions de validité du contrat, ajoutant donc aux conditions de fond de l’article 1108 du Code civil. Ainsi en est-il de l’exigence – rarissime mais que l’on cite systématiquement car les exemples sont très frappants – de la rédaction d'un acte authentique. Beaucoup plus usuelle et en constante progression

310 Cass. civ. 1ère, 18 mars 1986, Bull. civ. I, n°74 (transaction) ; Cass. civ. 1ère, 21 mai 1990, Bull. civ. I, n°109 (contrat d’assurance). 311 Cass. civ. 1ère, 30 juin 1987, Bull. civ. I, n°210, D. 1987, som., p. 442, obs. L. Aynès ; Cass. 1re civ., 31 mai 1988, JCP éd. G 1989, II, 21181, note Ph. Simler ; mais depuis, solution inverse, Cass. civ. 1ère, 15 nov. 1989, JCP éd. G 1990, II, 21422, note D. Legeais, D. 1990, p. 177, note C. Mouly ; Cass. civ. 1ère, 7 mars 1989, JCP éd. G 1989, II, 21317, note D. Legeais, D. 1989, somm., p. 290, obs. L. Aynès, D. 1990, p. 177, note C. Mouly. V. aussi pour la stipulation d’intérêts dans le contrat de prêt : Cass. com., 12 févr. 1991, JCP éd. G 1991, II, 21740, note G. Amlon, Cass. civ. 1ère, 9 févr. 1988, JCP éd. G 1988, II, 21026, note Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Cass. civ. 1ère, 24 juin 1981, Bull. civ. I, n°233.

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est l’exigence d'un simple écrit sous seing privé. Très souvent, par ailleurs ou en outre, certaines mentions obligatoires sont exigées, en plus ou indépendamment de tout écrit, seule une mention ou une obligation étant formalisée. Ici encore le nombre d'hypothèses dans lesquelles ce formalisme alourdi se manifeste est pléthorique. Ces mentions obligatoires renforcent, le plus souvent, le caractère solennel d'un contrat qui bénéficiait déjà de cette qualité en raison de l'exigence d'un écrit. Par conséquent, sans cet écrit et sans ces mentions, la sanction est en principe la nullité de l'acte. Cette formalisation qui se surajoute à celle exigeant déjà un écrit prend des formes diverses. Le plus souvent est exigée la présence de telle mention. Mais parfois, il convient qu'une mention figure dans certains caractères ou bien qu'elle soit rédigée de la main de l'un des contractants comme c'est le cas du contrat de crédit immobilier consenti à un consommateur qui doit recopier une formule légale (C. consom., art. L. 312-17) ou du contrat de cautionnement consenti par une personne physique pour un crédit à la consommation ou immobilier à un consommateur (C. consom., art. L. 313-7 et L. no 89-462, 6 juill. 1989, art. 22-1 et 24) ou encore du contrat de vente par démarchage à domicile dans lequel l'acquéreur doit dater, de sa main, tous les documents contractuels (C. consom., art. L. 121-21). On rencontre cependant quelques atténuations. Ainsi, l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 impose certaines mentions obligatoires dans le contrat portant cession amiable de fonds de commerce mais la sanction est la nullité relative du contrat. Dans d'autres circonstances, la sanction n'est pas la nullité du contrat mais l'inapplication de la clause objet de la mention obligatoire, comme c'est le cas de certaines clauses des contrats d'assurance, où le Code des assurances exige des caractères « apparents » ou « très apparents » , selon les cas (voir C. assur., art. L. 112-4 et L. 113-15).

172. Le formalisme indirect : l’efficacité du contrat. −−−− On trouve bien d’autres exigences formelles, mais qui ne sont pas des exigences validantes. C’est le cas des formalités habilitantes requises pour assurer le respect des dispositions sur les incapacités par exemple, des formalités probatoires requises en vue de la preuve d’un contrat, des formalités informatives, publicité requises pour permettre la protection des intérêts des tiers, des formalités qualifiantes requises pour obtenir à un contrat déterminé une qualification juridique déterminée et le rattacher, ainsi, à un régime juridique déterminé, des formalités fiscales exigées au profit du Trésor Public et sanctionnées par la majoration des taxes (enregistrement, papier timbré...), des formalités administratives requises à des titres divers et à des fins de contrôle, de statistiques... Le défaut d'accomplissement de ces formalités n'est pas sanctionné au plan civil, mais provoque différentes sanctions (amendes, déchéance...). Il s'agit

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d'un « formalisme bureaucratique » de seconde zone dont l'importance pratique croît, hélas, régulièrement.

Section 2. – Les sanctions de la formation du contrat

173. La nullité, entre autres. −−−− Parce que les conditions de la formation du contrat sont très importantes, la sanction de leur méconnaissance est radicale : la nullité du contrat, mécanisme de destruction rétroactive du contrat, qui est censé n’avoir jamais existé, et éventuellement un mécanisme de responsabilité ; c’est la principale sanction (I), à laquelle s’associent d’autres sanctions, plus accessoires (II).

I. −−−− La nullité du contrat

174. Définition. −−−− La nullité est une sanction de la formation du contrat, en ce sens que les éléments nécessaires à la formation du contrat ne sont pas rassemblés. Le droit français des contrats considère que ces conditions sont tellement importantes qu’il suffit qu’un seul de ces éléments ne soit pas présent, d’une part, et que les effets de la nullité sont redoutables, l’anéantissement rétroactif du contrat, comme si celui-ci n’avait jamais existé. La nullité du contrat se décline en rescision, dans le cas de la lésion, et peut être confondue avec la notion d’inexistence du contrat, lorsque aucun consentement n’est présent notamment (312) ais ne doit pas être confondue avec la résolution du contrat (cf. Infra, n°289).

A −−−− Caractères de la nullité

175. Nullités absolues et nullités relatives. −−−− On distingue deux types de nullité, les nullités absolues et les nullités relatives. Autrefois considérée comme un vice, plus ou moins grave, affectant le contrat, la nullité, relative ou absolue, se repérait, en fonction de la gravité du vice, perçu comme une forme de maladie affectant le contrat, lui-même perçu comme une sorte de matière vivante, éventuellement malade. La nullité est aujourd’hui perçue comme un droit de critique du contrat reconnu à certaines personnes en cas de violation d’une règle gouvernant la formation du contrat. Le critère de distinction entre la nullité relative et absolue dépend donc de la qualité de la règle méconnue, de l’ordre public violé. Le mécanisme demeure aujourd’hui de manière assez figée, dans la mesure où les distinctions entre les intensités de l’ordre public, et notamment de l’ordre public économique, de direction et de protection,

312 Cf. Cass. civ. 1ère, 5 mars 1991, D. 1993, p. 508, note L. Collet. C. Witz, « La consécration de l’inexistence par plusieurs instruments d’uniformisation du droit », Mélanges Ph. Simler, 2006, p. 729.

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ne sont plus guère opérationnelles (Cf. supra, n°147). Lorsque la règle protège des intérêts généraux, ce qui peut recouvrir un certain ordre public de direction, la nullité est absolue. Les nullités absolues se caractérisent par plusieurs éléments. La nullité absolue peut être invoquée par toute personne qui y trouve un intérêt : les parties, leurs créanciers notamment ; la nullité absolue ne peut pas être confirmée, la nullité absolue se prescrit par les délais ordinaires (C. civ., art. 2262 : 30 ans). Lorsque la règle protège des intérêts particuliers, contrevient à une règle d’ordre public de protection, la nullité est relative. Sont ainsi sanctionnées par une nullité absolue, les règles prohibant un objet ou une cause illicite, l’absence de consentement, de cause ou d’objet, la méconnaissance des règles de forme, alors que sont sanctionnées par une nullité relative les règles protégeant l’un des contractants : erreur, dol, violence, lésion, incapacité. Au contraire des nullités absolues, les nullités relatives ne peuvent être invoquées que par la personne que la règle méconnue entendait protéger (la victime d’un dol ou d’une erreur), mais également leurs héritiers ou leurs créanciers agissant par voie oblique. Par conséquent, l’autre contractant, qui est à l’origine de la cause de nullité, ne peut agir. Elles sont susceptibles de confirmation (C. civ., art. 1338). La confirmation est l’acte juridique par lequel une personne, qui pourrait demander la nullité d’un contrat, y renonce. Elle doit émaner de la personne qui pourrait demander la nullité, pour autant que le vice ait cessé (exemple de la violence), et que la confirmation ne soit pas équivoque. Peu importe alors la forme de la confirmation, expresse ou tacite. Dès lors, la confirmation efface la cause de nullité et valide rétroactivement le contrat. La nullité relative se prescrit par un délai raccourci de cinq ans (C. civ., art. 1304). Cette prescription abrégée ne joue cependant que lorsque la nullité est invoquée par voie d’action (par l’action de la victime de la cause de nullité) et non lorsqu’elle est invoquée par voir d’exception (par la victime de la cause de nullité qui se défend contre l’action de son adversaire) : quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum. Il n’est, finalement pas très facile de mesurer le caractère absolu ou relatif d’une nullité. Certaines n’en posent pas : ainsi les vices du consentement protègent des intérêts privés, l’errans, la victime du dol ou d’une violence, ou les règles en matière de capacité, il s’agit d’une nullité relative. D’autres, comme la violation de l’ordre public (mais lequel ?) et des mœurs révèlent une nullité absolue, mais ce pourrait souvent être discuté : pas de doute en terme de licéité de l’objet ou de la cause, ais en matière d’absence d’objet ou de cause, n’est-ce pas la protection d’une partie qui est en jeu, militant pour une nullité relative ?

176. Rôle du juge. −−−− Le juge, à qui la nullité du contrat est demandée, est

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en principe tenu de prononcer la nullité du contrat : la nullité est en effet de droit. Parfois cependant, et par exception, la nullité est facultative, le juge étant alors libre d’apprécier ou non la nullité du contrat comme en matière de cession de fonds de commerce (C. com. Art. L. 141-1, II). Par ailleurs, le juge a le pouvoir de relever d’office la nullité du contrat (NCPC, art. 12), même si, en réalité, le juge ne peut guère, en raison de la complexité, du nombre, de l’enchevêtrement des règles instaurant des nullités, user de ce pouvoir, de telle manière qu’elles doivent être demandées.

B. −−−− Effets de la nullité

1 – Effets de la nullité entre les parties

177. Rétroactivité. −−−− En principe, l’effet de la nullité du contrat est la disparition rétroactive du contrat, en sorte qu’il convient de remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat : quod nullum, nullum producit effectum (ce qui est nul est censé n’avoir jamais existé) (313). Par conséquent, lorsque le contrat a déjà été exécuté, il convient procéder à des restitutions. Le principe s’applique quelle que soit la cause de nullité, relative ou absolue, qu’elle soit invoquée par voie d’action ou par voie d’exception, quel que soit le contrat.

178. Restitution : un « contrat à l’envers ». −−−− La rétroactivité du contrat est une fiction qui emporte un certain nombre de conséquences imposant, pour remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, des restitutions. En principe, elles s’effectuent en nature et exactement dans les mêmes conditions que celles de leur exécution : chaque partie doit rendre exactement ce qu’elle a perçu. Le mécanisme est assez facile à envisager dans le cas où les deux parties ont fourni des prestations restituables. Par exemple, en cas d’annulation d’une vente, le vendeur doit restituer le prix et l’acheteur la chose. Les choses sont parfois un peu plus complexes, ainsi l’acheteur n’a pas à restituer plus que la chose, ni les fruits ni une indemnité correspondant à l’utilisation, la jouissance de la chose (314), ni aucun élément d’enrichissement sous forme d’indemnité en complément de prix, si la chose avait par exemple pris de la valeur. Cependant, ces restitutions soulèvent nombre de difficultés en pratique. Si la chose a disparu ou a été

313 Devenu un principe général du droit : Cass. civ. 1ère, 15 mai 2001, Bull. civ. I, n°133, RTD civ. 2001, p. 699 : « Vu le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé ». Adde S. Mercoli, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001. 314 Cf. Cass. ch. mixte, 9 juill. 2004, JCP 2004, I, 173, obs. Y.-M. Sérinet, RDC 2005, p. 280, obs. Ph. Stoffel-Munck, RTD civ. 2005, p. 600, obs. J. Mestre et B. Fages.

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revendue, ou, surtout, lorsque les prestations sont insusceptibles de restitution, elles s’effectuent en valeur (315) : en cas d’annulation d’un bail, d’un contrat de travail par exemple, et plus généralement des contrats à exécution successive, sous la forme d’une indemnité d’occupation ou de jouissance, en général égale au montant des loyers, ou des salaires, mais pas nécessairement.

179. Nemo auditur. −−−− Une règle particulière, la règle nemo auditur (316), « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude) qui s’accompagne d’une autre règle « in pari causa turpitudinis cessat repetitio » (il n’y a pas lieu à répétition si les deux parties sont associées à une turpitude), limite par ailleurs les restitutions lorsque la cause de nullité est une cause immorale, pas un contrat illicite. Cette règle, très souvent invoquée, mais maladroitement, est donc marginale : elle ne limite que les restitutions, pas l’action en nullité elle-même, ni même une action en résolution du contrat, ou en exécution forcée, en responsabilité, etc. (317).

180. Nullité totale, nullité partielle. −−−− En principe, également, la nullité affecte l’intégralité du contrat, la nullité du contrat est totale, tout le contrat disparaît, toutes les clauses, tous les effets. Une clause survit, cependant, au contrat, la clause compromissoire qui n’est pas affectée par la nullité (318) en raison du principe d’autonomie de la clause compromissoire qui devrait pouvoir profiter à toutes les clauses relatives au litige, clause d’arrangement amiable, de conciliation, attributive de juridiction: le tribunal arbitral doit pouvoir statuer sur la nullité du contrat. Il serait beaucoup trop facile de dénoncer la validité du contrat pour échapper à l’arbitrage. Lorsque cependant, seule une partie du contrat est annulable, une clause par exemple, on parle de nullité partielle du contrat ; Seule clause non valable est annulée et la question se pose de l’éventuelle contamination de cette nullité au reste du contrat. La question est parfois envisagée expressément par la loi, par exemple lorsqu’elle considère qu’une clause est « réputée non écrite » comme pour les clauses abusives. Dans d’autres situation, la nature de la clause impose sa seule nullité, par exemple s’agissant des clauses d’indivisibilité qui stipulent que toutes les clauses du contrat sont liées de telle manière que la nullité de l’une emporte l’annulation de tout le contrat : une telle

315 Cf. Cass. civ. 1ère, 11 juin 2002, Bull. civ. I, n°163. 316 Ph. le Tourneau, La règle nemo auditur, LGDJ, 1970. 317 V. cependant, Cass. com. 22 juin 2004, n°01-17258, selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». 318 Cf. Cass. civ. 1ère, 7 mai 1963, JCP 1963, II, 13405, note B. Goldman (arbitrage international) ; Cass. com. 9 avr. 2002, Bull. civ. IV, n°69 (arbitrage interne).

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clause est alors de nature à interdire à l’une des parties de demander l’annulation de la clause de peur de menacer tout le contrat (319). A défaut, la jurisprudence considère que la nullité totale du contrat était promise lorsque la clause annulée du contrat présente un motif « impulsif et déterminant » du contrat (320) ou lorsque la disparition de la clause bouleverse « l’économie du contrat » (321).

181. Responsabilité et annulation. −−−− L’annulation n’est pas toujours suffisante pour satisfaire le demandeur en annulation (322), ne serait-ce que parce qu’il peut justifier un préjudice qui se distingue des restitutions liées à l’annulation. Il peut alors engager une action en responsabilité fondée sur une faute à l’origine de ce dommage. Ce peut être une faute précontractuelle comme dans le cas du dol, voire de violence. En toute hypothèse, cependant, l’éventuelle responsabilité ne saurait compenser le dommage subi du fait de la nullité, et donc de l’exécution du contrat nul.

2 – Effets de la nullité à l’égard des tiers

182. La rétroactivité de la nullité du contrat est en principe opposable à tous, solution qui n’est pas sans poser de très grandes difficultés. Si A vend une chose à B qui la revend à C, et que la vente AB est annulée, comment C peut-il être légitiment propriétaire ? « Nemo plus juris in alium transferre potest quam ipse habet » (nul ne peut transférer plus de droit qu’il n’en dispose lui-même), B n’a pu, rétroactivement, rendre C propriétaire, solution insupportable car elle risque de déstabiliser tous les échanges. Il en résulte plusieurs conséquences. En matière mobilière, l’annulation du contrat est inopposable au tiers-possesseur de bonne foi (C. civ., art. 2279 : « En fait de meuble, possession vaut titre »). En matière immobilière, l’annulation du contrat s’arrête aux limites des règles de la prescription acquisitives (10, 20 ou 30 ans selon les cas), les actes d’administration passés avec des tiers sont opposables aux parties au contrat annulé et, surtout, les tiers peuvent utiliser la règle de l’apparence, « error communis facit jus », pour tenter de démontrer qu’ils ont légitimement pu croire avoir conclu avec le véritable propriétaire.

II. −−−− Les autres sanctions de la formation du contrat

183. Caducité. −−−− Bien des sanctions alternatives à la nullité sont connues du droit français quoique l’ombre de cette dernière les éclipse souvent.

319 Cf. Cass. civ. 3ème, 31 janv; 2001, JCP 2001, I, 354, obs. Y.-M. Sérinet. 320 Cf. Cass. com. 20 déc. 1961, Bull. civ. III, n°495. 321 Cf. Cass. civ. 3ème, 24 juin 1971, JCP 1972, II, 17191, note J. Ghestin. 322 Cf. C. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, LGDJ, 1992.

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Ainsi en est-il de la caducité du contrat. La caducité est une sanction particulière, qui complète la nullité ; Cette dernière sanctionne le défaut de formation du contrat, l’absence de l’un des éléments nécessaire à la sa formation. Si, cependant, le contrat a été correctement formé mais que l’un des éléments nécessaires à cette formation disparaît au cours de l’exécution du contrat, on parlera alors de caducité du contrat. Ainsi, en est-t-il de la perte de capacité d’une partie, d’une condition qui défaille voire de situations plus complexes liées à l’indivisibilité des contrats (cf. infra, n°240). En principe, la caducité ne produit d’effets que pour l’avenir, sans rétroactivité (323).

184. Inopposabilité : la « petite » nullité. −−−− L’inopposabilité est une sanction curieuse : elle est la sanction naturelle de l’action paulienne (cf. infra, n°512), mais aussi une sanction alternative à la nullité. On l’appelle parfois la petite nullité dans la mesure où un acte inopposable est alors neutralisé à l’égard des tiers ou de certains tiers. Pour eux tout se passe comme si l’acte n’avait pas été conclu. Ainsi en est-il de l’absence de respect des exigences en matière de respects des formalités publicitaires notamment s’agissant des règles de publicité foncière (D. 4 janv. 1955, art. 30), ou des mécanises sanctionnant la simulation (cf. infra, n°216). L’inopposabilité fonctionne alors comme une nullité relative, s’agissant notamment de la confirmation possible du tiers (324)

185. Clauses réputées non écrites. −−−− Une autre technique alternative à la nullité est celle qui permet de considérer qu’une clause, dans une convention, qui pourrait faire l’objet d’une nullité est réputée non écrite (325). Cette sanction est la règle en matière de clauses abusives telles qu’envisagées par l’article L. 132-1 du Code de la consommation, mais aussi les clauses léonines en droit des sociétés (C. civ., art. 1844-1) ou bien les clauses dérogatoires au statut des agents commerciaux (C. com., art. L. 134-16), mais encore, plus récemment, et indépendamment de tout texte, pour éliminer une clause contraire à l’obligation essentielle d’un contrat, comme la jurisprudence Chronopost l’avait initié (Cf. supra, n°165).

323 Mais V. Cass. com. 5 juin 2007, Bull. civ. IV, à paraître. 324 Cass. com. 2 juin 2004, Bull. civ. IV, n°107, RTD civ. 2004, p. 505, obs. J. Mestre et B. Fages. 325 Cf. S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, Economica 2006.

Supprimé: C’est le cas, par exemple.

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Bibliographie

A Sur la négociation du contrat et les contrats préparatoires

Outre quelques classiques : P. ROubier, Essai sur la responsabilité précontractuelle, Th. Lyon, 1911, R. Saleilles, « La responsabilité précontractuelle, à propos d’une nouvelle étude sur la matière », RTDciv. 1907, p. 697, R. Demogue, « Les contrats provisoires », Etudes H. Capitant, 1939, p ; 159, la doctrine a été renouvellée par quelques thèses ou ouvrages : J. Schmidt, Négociation et conclusion des contrats, Dalloz 1982, F. Collart-Dutilleul, Les contrats préparatoires à la vente d’immeuble, Th. Tours, 1983, M. Géninet, Théorie des avants-contrats en droit privé, Th. Paris II, 1985, F. Labarthe, La notion de document contractuel, LGDJ 1994, J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant contrat, Ed. F. Lefebvre, 2001, la doctrine est essentiellement le résultat d’articles de doctrine : La négociation du contrat, Coll. Univ.Toulouse, RTD com. 1998, p.447 s, J. Schmidt, « La sanction de la faute précontractuelle », RTD.civ. 1974, p.46 s., J. Cedras, « L'obligation de négocier », RTD.civ. 1983, p. 265, I. Najjar, « L'accord de principe », D.1991, chr..57, B. Lassalle, « Les pourparlers », RRJ 1994, p. 825, J.-M. Loncle et J.-Y. Trochu, « La phase des pourparlers dans les contrats internationaux », RDAI, 1997, n°1, P. Mousseron, « Conduite des négociations contractuelles et responsabilité civile délictuelle », RTDcom. 1998, p. 243, D. Mazeaud, « La genèse des contrats : un régime de liberté surveillée », Dr. & Patr. Juill.août 1996, p. 44, « Mystères et paradoxes de la période précontractuelle », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 637, O. Deshayes, « Le dommage précontractuel », RTDcom. 2004, p. 187, Ch. Atias, « La substitution judiciaire du bénéficiaire d’un pacte de préférence à l’acquéreur de mauvaise foi », D. 1998, chron. 203, Le pacte de préférence, Dr&patr. janv. 2006, H. Kenfack, « Restauration de la force obligatoire du pacte de préférence », RLDC, sept. 2006, n° 2173, L. Boyer, « Clause de substitution et promesse unilatérale de vente, » JCP 1987, I, 3310; E. Jeuland, « Proposition de distinction entre la cession de contrat et la substitution de personne », D. 1998, chron., p. 356, : A. Terrasson de Fougères, « Sanction de la rétractation de promettant avant la levée de l’option », JCP éd. N, 1995.1.194; F. Collart-Dutilleul, « Les contrats préparatoires à la vente d’immeuble, les risques de désordre », Dr. et patrimoine, déc. 1995.58; D. Stapylton-Smith, « La promesse unilatérale de vente a-t-elle encore un avenir? » AJPI 1996.568, R.-N. Schütz, « L’exécution des promesses de vente », Defrénois, 1999, art. 37021, p. 833, Ph. Brun, « Le droit de revenir sur son engagement », in Que reste-t-il de l’intangibilité des conventions?, Dr. et patrimoine, no 60, mai 1998, p. 78, D. Mainguy, « L’efficacité de la rétractation de sa promesse par le promettant », RTD civ. 2004, p. 1 ; F. Bellivier et Ruth Sefton-Green, « Force obligatoire et exécution en nature du contrat en droits français et anglais: bonnes et

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mauvaises surprises du comparatisme », Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2000, p. 91. B. Pouvoir et capacité

M. Béhar-Touchais, Le décès du contractant, LGDJ, 1985, E. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, Economica, 1985, Ph. Didier, De la représentation en droit privé, LGDJ, 2000, A. Denis-Fâtome, Apparence et contrat, LGDJ, 2004. C Sur le consentement, l’offre, l’acceptation V. not. R. Saleilles, De la déclaration de volonté, Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, LGDJ, 1929, M.-A. Frison-Roche, « Remarques sur le distinction de la volonté et du consentement en droit des contrats » RTD civ. 1995, p. 573, A. Supiot, « Un faux dilemme : la loi ou le contrat ? », Dr. Soc. 2003, p. 60, A. Laude, Le reconnaissance par le juge de l’existence d’un contrat, PUAM, 1992, J.-L. Aubert, Notion et rôle de l’offre et de l’acceptation dans la formation du contrat, LGDJ, 1970, M. Béhar-Touchais, Le décès du contractant, LGDJ, 1985, S. Mirabail, La rétractation en droit privé français, LGDJ, 1997, R. Baillod « Le droit de repentir », RTDciv. 1984, p. 227, F. Limbach, Le consentement contractuel à l’épeuve des conditions générales des contrats. De l’utilité de la déclaration de volonté, LGDJ, 2004. D Sur les vices du consentement – Sur les vices du consentement en général : R. Ottenhof, Le droit pénal et la formation du contrat civil, LGDJ, 1970, P. Chauvel, Le vice du consentement, Th. Paris II, 1981, C. Ouerdane-Aubert De Vincelles, Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles, Dalloz, 2004. – Sur l’erreur : V. not. R. Célice, L’erreur dans les contrats, LGDJ, 1922, J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit prositif actuel, LGDJ, 1971, J.-F. Césaro, Le doute en droit privé, Ed. Panthéon-Assas, 2003, J. Maury, « L’erreur sur la substance dans les contrats à titre onéreux », Etudes H. Capitant, 1939, p. 491, Ph. Malinvaud, « De l’erreur sur la substance », D. 1972, Chr. p. 215, G. Vivien, « De l’erreur déterminante et substantielle », RTDciv.1992, p. 305, J. Ghestin, « L’authenticité, l’erreur et le doute », Mélanges P. Catala, 2001, p. 457, G. Goubeaux, « A propos de l’erreur sur la valeur », Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 389. – Sur le dol : P. Bonnassies, Le dol dans la conclusion des contrats, Th. Lille, 1955, P. Guyot, « Dol et réticence », Etudes H. Capitant, 1939, p. 287, G. Loiseau, « L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 579.

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– Sur l’obligation de renseignement : M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information, LGDJ, 1992, M. de Juglart, « L'obligation de renseignement », RTD.civ. 1945, p. 1 – Sur la lésion : G. Chantepie, La lésion, LGDJ, 2006. D. Sur l’objet Au-delà de la littérature, devenue histoirique sur l’indétermination du prix dans les contrats, dont, pour la clore M. Jéol, Ch. Bourgeon, Ch. Jamin, Th. Revet, D. Ferrier, M. Pédamon et Ph. Simler, La détermination du prix: nouveaux enjeux un an après les arrêts de l'assemblée plénière, RTD com.1997.1s; Dalloz, Coll.Thèmes et commentaires, 1997, celle sur l’objet du contrat demeure vivace : S. Lucas-Puget, Essai sur la notion d’objet du contrat, LGDJ, 2005, I. Moine, Les choses hors commerce : une approche de la personne humaine juridique, LGDJ, 1997, G. Loiseau, Le nom, objet d’un contrat, LGDJ, 1997. E. Sur la cause, la validité et l’équilibre des prestations dans le contrat – Sur la cause : Outre les grands classiques : H. Capitant, De la cause des obligations, Dalloz, 1923, L. Josserand, Les mobiles dans les actes juridiques en droit privé, 1928, J. Maury, Essai sur la notion d’équivalence en droit civil français, Th. Toulouse, 1920 on notera le renouvellement de la question par J. Rochfeld, Cause et type des contrats, LGDJ, 1999 et V° Cause, Rep. Civ. Dalloz, Ph. Reigne, La notion de cause efficiente du contrat en droit privé français, th. Paris II, 1993, A. Cermolacce, Cause et exécution du contrat, PUAM, 2001, J. Ghestin, Cause de l’engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006, D. Mazeaud, « La matière du contrat », in P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet (dir.) Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p. 81. – Sur l’économie des contrats : S. Pimont L’économie du contrat, Dalloz, 2002, J. Moury, « Une embarrassante notion : l’économie du contrat », D. 2000, Chr. p. 382. – Sur l’indivisibilité entre les contrats : J.-B. Seube, L’indivisibilité et les contrats, Litec, 1997, J. Moury, « De l’indivisibilité entre les obligations et le contrat », RTDciv. 1994, p. 255, S. Amrani-Mekki, « Indivisibilité et ensembles contactuels : l’anéantissement en cascade des contrats », Defrénois, 2002, p. 355. – Sur les bonnes mœurs : J. Saiget, Le contrat immoral, Jouve, 1939, J. Bonnecase, « La notion juridique de bonne mœurs. Sa portée en droit civil français », Etudes H. Capitant, 1939, p. 91, R boudon, « Penser la relation entre le droit et les bonnes mœurs », Mélanges F. Terré, 1999, p. 11, D. Fenouillet, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique », Mélanges P. Catala, 2001, p. 487, Y. Lequette,

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« Quelques remarques à propos des libéralités entre concubins », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 547, Que reste-t-il des bonnes moeurs en droit des contrats?, RDC 2005, p. 1273. – Sur l’odre public : Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th. Paris, 1953, T. Revet, (dir.), L’ordre public à la fin du XXème siècle, Dalloz, 1996, M.-C. Vincent-Legoux, L’ordre public, étude de droit comparé interne, Puf, 2001, M.-J. Redor (dir.), L’ordre public : ordre public ou ordres publics. Ordres publics et droits fondamentaux, Bruylant, Nemesis, 2001, M. Mekki, L'intérêt général et le contrat : contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, LGDJ, 2004, L. Julliot de La Morandière, « L’odre public en droit privé interne », Etudes H. Capitant, 1939, p. 381, G. Farjat, L’ordre public économique, LGDJ, 1963, R. Savatier, « L’ordre public économique », D. 1965, Chr. p. 37, L. Idot, « La protection par le droit de la concurrence », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), Les clauses abusives entre professionnels, Economica, 1998, p. 55 ; Cl. Lucas de Leyssac et G. Parléani, « L’atteinte à la concurrence, cause de nullité du contrat », in Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 601. Adde E. Claudel, Les ententes anticoncurrentielles et le droit des contrats, Th. Paris X, 1994, M. Chagny, Droit de la concurrence et droit des obligations, Dalloz, 2004, A. Debet, L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, Dalloz 2002. – Sur le principe de proportionnalité : S. Pech-Le Gac, La proportionnalité en droit privé des contrats, LGDJ, 2000, M. Béhar-Touchais, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé? », Les Petites Affiches, 30 sept. 1998, D. Mazeaud, « Les nouveaux instruments de l’équilibre contractuel. Ne risque-t-on pas d’aller trop loin ? », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p. 143. – Sur la potestativité : S. Valory, La potestativité dans les relations contractuelles, PUAM, 1999. – Sur le droit de la consommation et les clauses abusives : N. Stauphanor, L’influence du droit de la consommation sur le système juridique, LGDJ, 2001, N. Rzepzcki, Droit de la consommation et théorie générale des contrats, PUAM, 2002, H. Bricks, Les clauses abusives, LGDJ, 1982, A. Karimi, Les clauses abusives et l’abus de droit, LGDJ, 2001, G. Rouhette, « Droit de la consommation et théorie générale du contrat », Etude R. Rodière, Dalloz, 1981, p. 247, J. Calais-Auloy, « L’influence du droit de la consommation sur le droit civil des contrats », RTDciv. 1994, p. 239. – Sur les clauses limitatives de responsabilité : Ph. Delebecque, Les clauses d’allègement des obligations, Th. Aix, 1981, Typologie des clauses d'allègement des obligations, J.-Cl. Contrats Distribution, Fasc. 111, J.-P. Chazal, « Théorie de la cause et justice contractuelle, à propos de l’arrêt Chronopost », JCP 1998, I, 152 ; Ph. Delebecque, « Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité ? » D. aff. 1997, p. 235, Ch. Larroumet, « Obligation naturelle et clause limitative de responsabilité », D.

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1997, Chr. p. 145. F. Formalisme et consensualisme J. Flour, « Quelques remarques sur l'évolution du formalisme », Mélanges Ripert, t. 1, 1950, p.93; M.-A Guerreiro., L'acte juridique solennel, Bibl. dr. priv., t.137, préf. J. Vidal, LGDJ, 1975, J.-Ph. Lévy, « Le consensualisme et les contrats, des origines au Code civil », Rev. Sc. Morales et politiques, 1995.209, Le formalisme, Defrénois, 2000, art. 37207 s., A.-F. Eyraud, Le contrat réel, essai de renouveau par le droit des biens, Th. Paris I, 2003, J. Attard, Le prêt d’argent, contrat unilatéral ou contrat synnalagmatique PUAM, 2000, O. Audic, La fonction du document en droit privé, Th. Paris, I, 2002. G. La nullité du contrat Parmi les très nombreuses thèses classiques : F. Drogoul, Essai d’une thoérie générale des nullité, Rousseau, 1902, R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, Essai d’une théorie nouvelle, Rousseau, 1909, la doctrine a été entièrement renouvellée, sur le principe même de la théorie des nullité, mais également s’agissant des sanctions alternatives à la nullité comme sanction de la violation des règles de formation des contrats : Ph. Simler, La nullité partielle des actes juridiques, LGDJ, 1969, Ph. le Tourneau, La règle nemo auditur, LGDJ, 1970, G. Couturier, La conformation des actes nuls, LGDJ, 1971, Ch. Dupeyron, La régularisation des actes nuls, LGDJ, 1973, C. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, LGDJ, 1992, M. Malaurie, Les restitutions en droit civil, Cujas, 1991, O. Gout, Le juge et l’annulation du contrat, PUAM, 1999, F. Garron, La caducité du contrat (étude de droit privé), PUAM, 2000, S. Mercoli, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001, M. Cumyn, La validité du contrat suivant le droit strict ou l’équité, étude historique et comparée des nullités contractuelles, LGDJ, 2002, S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, Economica 2006, C. Witz, « La consécration de l’inexistence par plusieurs instruments d’uniformisation du droit », Mélanges Ph. Simler, 2006, p. 729

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CHAPITRE 3

L'EXECUTION DU CONTRAT

186. Exécution et effets du contrat. −−−− Au cours de son existence, le contrat développe les effets juridiques en vue desquels il a été conclu, effets constitutifs de droits, dont les obligations, effets translatifs de droit comme un transfert de propriété ou un transfert des risques, obligations, effets extinctifs de droits par exemple par l’effet d’une transaction, etc. La question de l’exécution du contrat intéresse dont l’ensemble de ces effets et point seulement l’exécution des obligations du contrat même si c’est par celles-ci que bien des effets du contrat se produisent, parfois même de façon controversée. Ainsi explique-t-on le mécanisme du transfert de propriété, effet automatique du contrat, par l’existence d’une obligation de donner. Ces obligations sont distinguées, dans le Code civil, en trois catégories, les obligations de donner, de faire, de ne pas faire, mais d’autres classifications s’imposent. Ainsi, distingue-t-on les obligations de moyens et les obligations de résultat, distinction qui intéresse surtout égard la question de l’intensité lorsqu’il s’agit de vérifier la qualité de leur exécution (cf. infra, n°258) ; les obligations principales et les obligations accessoires, l’exécution des premières, avec les obligations essentielles (s’agissant de la validité des clauses limitatives de responsabilité, supra, n°164 et infra n°307), ayant davantage de retentissement sur la survie du contrat que les secondes. Enfin, le contrat ne se présente pas dans une unité parfaite mais est composé de diverses parties, aux fonctions différentes : ainsi le titre, le préambule, les informations relatives aux parties, la délimitation de l’objet, de l’opération contractuelle, du prix, répondent aux critères de la formation du contrat, l’ensemble étant articulé sous forme de clauses, ensembles cohérents souvent organisé dans les mêmes conditions qu’un contrat : des dispositions intéressent leur formation, leur exécution, leur fin. Ainsi une clause de non concurrence post-contractuelle naît à la rupture du contrat, répond à des conditions de validité particulière, s’exécute comme une obligation de ne pas faire et prend fin à un certain moment. Certaines de ces clauses, comme la précédente font naître des obligations, comme les clauses de confidentialité, les clauses

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d’exclusivité, etc. D’autres clauses dirigent les effets du contrat, comme les clauses d’electio (ou d’exclusio) juris, les clauses de durée, les clauses de territoire, les clauses relative au transfert de propriété ou des risques, certaines se combinent entre elles, comme la clause de réserve de propriété, qui retarde le moment du transfert de propriété, dans une vente, jusqu’au paiement du prix, elle est ainsi couplée avec les clauses relatives au prix et au paiement. Mais d’autres clauses produisent des effets sans création d’obligation, comme la clause limitative de responsabilité, les clauses relatives à la fin du contrat, la clause pénale, comme les clauses de résiliation ou les clauses résolutoires, d’autres encore se préoccupent de la gestion du contentieux, comme les clauses attributives de juridiction, les clauses compromissoires, etc. L’ensemble justifiera quelques observations sur la construction du contrat (cf. infra, n°193).

187. Plan. −−−− Ces effets obéissent à deux principes complémentaires : le contrat « oblige » les parties, au sens propre du terme, mais seulement les parties : au principe de la force obligatoire du contrat (Section 1) répond celui de l’effet relatif de cet effet obligatoire (Section 2) avec, en application de ces deux principes, la question de la circulation du contrat (Section 3) et, enfin, la question des remèdes à la mauvaise exécution du contrat (Section 4).

SECTION 1 – LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT

188. Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat. −−−− Un auteur a présenté une étude tentant de rationaliser la différence entre la force obligation du contrat et les obligations qu’il contient, brisant le cou à une présentation tenace selon laquelle « la force obligatoire est ramenée, de manière plus ou moins consciente, à l'idée que le contrat crée des obligations pour les parties » (326). L’idée n’est pas nouvelle mais elle montre avec force les différences qu’une telle présentation produit : le lien contractuel ne se réduit pas aux obligations qu’il contient, nous avons déjà vu que le contenant, le contrat, ne se réduisait pas aux obligations. Le contrat présente, ainsi, pour les parties un effet normateur, de telle manière que la force obligatoire du contrat se manifeste indépendamment des obligations qu’il contient, ce qui se vérifie par exemple pour des effets comme la durée du contrat, ou le transfert de propriété, mais aussi à travers les qualités d’exécution du contrat, comme l’exigence de loyauté, le droit de résilier le contrat, etc., là encore indépendant de toute obligation, sans, bien entendu nier la réalité des obligations que le contrat crée par ailleurs.

326 P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771.

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189. Principe de la force obligatoire du contrat. − Le principe de la force obligatoire du contrat est posé par l'article 1134, al. 1er du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Ceux qui les ont faites, les parties au contrat, donc ((I et cf. infra, n°225, sur la distinction entre les parties et les tiers), mais aussi l’autre éventuel grand observateur du contrat, le juge ou l’arbitre chargé d’interpréter le contrat (II), pour l’application de l’un des grands principes fondateurs du droit des contrats et, à ce titre, largement discuté dans ses fondements.

I. – La force obligatoire du contrat à l’égard des parties

190. La lettre et l’esprit : loi du contrat et bonne foi contractuelle. −−−− La force obligatoire du contrat est un principe, un fondement qui coordonne l’application du contrat, sa mise en œuvre son exécution. Celle-ci passe par la réalisation de ses effets. Certains sont automatiques comme la plupart des effets du contrat : l’effet translatif de propriété, l’existence même des obligations nées du contrat, en principe tout au moins, la présence d’effets comme ceux liés à la durée du contrat, les exigences en terme d’exécution, etc. Une confusion règne parfois, tendant à considérer que les parties sont soumises à une obligation d’exécution du contrat. Ce n’est pas faux, d’un point de vue général, mais erroné du point de vue du droit des obligations. Il n’existe pas d’obligation d’exécuter le contrat, pas plus que le droit de résilier le contrat ne crée d’obligation ou de créance en la matière. En revanche, il résulte de ce principe un effet contraignant qui crée une exigence, celle d’exécution à la lettre du contrat (A) qui n’obère pas un complément, une exigence de sincérité contractuelle, à travers l’exécution de bonne foi du contrat (B), sincérité qui se matérialise également par toute une série d’institutions contractuelles importantes (C).

A – Effet contraignant

1 −−−− Enoncé de l’effet contraignant

191. Exécution à la lettre. −−−− Le contrat présente un effet contraignant : le contrat est la règle du jeu contractuel que se sont choisies et, par l’effet de l’article 1134, al. 1er du Code civil, imposées les parties. Les effets qu'il va produire vont donc s'imposer aux partenaires sans que ceux-ci aient la faculté de s'en libérer. Le contrat est, pour cette raison, irrévocable et obligatoire : le contrat doit donc être exécuté, à la lettre, en ce sens que c’est la lettre du contrat, lorsque, du moins, celui-ci bénéficie d’un écrit, obligatoire ou volontaire, ce qui est le cas des contrats les plus importants. Le contrat s’exécute alors à travers ses clauses, ses

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mécanismes, ses effets.

192. Irrévocabilité du contrat. −−−− Obligatoire, le contrat est irrévocable, intangible, en tout cas par une seule des parties et hormis les hypothèses de rupture du contrat qui justifient des observations particulières (cf. infra, n°289). Le contrat, surtout, ne peut faire l’objet d’une renonciation unilatérale. De telles « renonciations » existent, par exemple sous l’effet d’un « droit de rétractation » légal, comme c’est le cas de la vente par démarchage à domicile ou de la vente à distance conclue avec un consommateur (C. consom., art. L. 121-21) ou de prêt conclu avec un consommateur pour l’achat d’un meuble (C. Consom., art. L. 311-1 et s.), ou conventionnel sous la forme d’une stipulation d’arrhes (C. civ., art. 1590) ou d’une faculté de dédit. Les parties ne peuvent, surtout, modifier unilatéralement le contrat. C’est la conséquence de la formule de l’article 1132, al. 2 : que l’on pourrait traduire ainsi : ce que les parties ont fait, seules les parties peuvent le défaire ou le refaire. En revanche, les parties peuvent, ensemble, modifier le contrat : c’est ce qu’on appelle un « avenant » au contrat. L’avenant est un nouvel accord de volontés qui suppose, comme tout accord de volontés, le respect des conditions de fond de celui-ci, encore que l’on admette plus facilement, alors, que le silence vaille consentement. Il suppose également le respect des conditions de forme, via le respect d’un principe de parallélisme des formes. Par exemple, la modification d’un contrat soumis à l’exigence d’écrit obligatoire doit elle-même se soumettre à cette exigence. Le contrat initial peut d’ailleurs prévoir les conditions de ces modifications par des clauses particulières : clause de renégociation, clause d’adaptation, clause de reconduction ou de prorogation… Dans certaines hypothèses, la modification est telle qu’elle transforme l’économie même du contrat initial : on assiste alors à la conclusion d’un nouveau contrat, par novation, qui emporte alors la rupture du précédent (exemple d’une location qui se transforme en prêt, et réciproquement). La modification du contrat n’affecte pas, en principe, le passé : les créances nées et payées l’ont été régulièrement et le demeurent. La modification prendra donc effet au moment où les parties l’auront envisagé.

2. −−−− Objet de l’effet contraignant : contenu et construction du

contrat

193. Construction du contrat. −−−− Le contrat est révélé par le consentement des parties, il peut s’agit d’un contrat verbal, usuel pour bien des contrats de consommation, qu’un écrit remplace très souvent, dès lors que l’opération contractuel prend un tour plus important, à moins

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que la loi ne l’exige. Le contrat se présente alors de manière variée, sous la forme d’un instrument contractuel unique, un contrat écrit, signé, mais parfois aussi sous une forme éclatée, par le biais de divers documents contractuels dont la liaison n’est pas toujours aisée. Lorsque le contrat se présente de manière unique, il peut, là encore, faire l’objet d’une rédaction diversifiée. Un contrat court se justifie souvent lorsqu’un régime supplétif existe (vente, bail, etc.) et que l’enjeu économique est faible. Parfois au contraire, c’est un contrat long voire très long comme dans certains contrats internationaux, de manière plus ou moins organisée, sur le modèle des contrats d’affaires américains qui cherchent à refléter la totalité de la volonté des parties, à détailler l’ensemble des engagements. En outre le contrat est une règle du jeu, destiné à organisé les relations des parties, à gérer les risques du contrat (327) : le contrat gère tous les risques du contrat, assure la prévision contractuelle dans la durée, valide la sécurité juridique que recherchent les parties : plus le contrat est complexe et plus le contrat doit être réfléchi, pensé, dans une logique d’ingénierie juridique qui se retrouve dans certains contrats, les contrats de distribution, les contrats de production dans lesquels des éléments de propriété industrielle sont en jeu, les contrats de joint-venture, les montages juridiques les plus divers (328), comportant souvent des annexes contractuelles nombreuses, souvent des contrats accessoires, etc… On ne saurait, ici, envisager toutes les situations contractuelles possibles, mais simplement, et de manière subjectivement et non académiquement sélectionnées, quelques clauses et obligations usuelles dans les contrats. L’ensemble participe d’une logique d’ingénierie contractuelle, de technique contractuelle (329).

194. Clauses contractuelles. – Les rédacteurs de contrats, professionnels du droit ou non, organisent la contruction du contrat autour de clauses, qui sont des éléments d’un contrat, une des ses parties souvent cohérente, dépendant le plus souvent de celui-ci, mais point nécessairement, comme la clause compromissoire qui résiste à l’annulation du contrat (Cf. supra, n°180), et qui s’organisent comme une convention avec un déclancement, un développement, un dénouement (330). Une clause est identifiée comme un ensemble de mots, de phrase, mais surtout comme une entité

327 Cf. J.-M. Mousseron, « La gestion des risques par le contrat », RTD com. 1988, p. 481. 328 D. Poracchia, La réception juridique des montages conçus par les professionnels, PUAM, 1998. 329 Cf. J. M. et P. Mousseron, J. Raynard, J.-B. Seube, Technique contractuelle, Ed. F. Lefebvre, 2005. 330 Cf. Ph. Delebecque, « Clausula, clausulae, clausularum », in Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 33, M. Mekki, « Le nouvel essor du concept de clause contractuelle (2 parties) » RDC 2006, p. 1051 et 2007, p. 239.

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plus ou moins complexe, plus ou moins cohérente, plus ou moins autonome du contrat. Nous allons alors envisager quelques unes de ces clauses, du moins celles qui n’apparaîtront pas par ailleurs dans l’ouvrage. Par exemple, les clauses relatives à la réparation, en cas d’inexécution ou les clauses de rupture, seront observées de manière plus globale et plus précise à l’examen de ces questions.

195. Les éléments encadrant le contrat : titre, préambule, langue, définitions, durée, loi applicable, etc. −−−− Le titre du contrat, en premier (331). Presque tous les contrats, pactes, convention, protocole, engagements, portent un titre, souvent très simple et renvoyant à une formule connue d’une loi quelconque, du Code civil ou d’une loi annexe, contrat de vente, contrat de bail, contrat de crédit-bail, etc. bien des contrats, cependant, disposent d’un titre de fantaisie, parce que le titre ne renvoie à aucune régime connu de la loi. Dans tous les cas, le titre ne lie pas le juge, mais plus certainement lorsqu’il s’agit d’un titre ne renvoyant à aucun régime légal. Or, c’est le cas de bien des contrats d’affaires, pourtant bien connus de la doctrine ou de la jurisprudence, comme les contrats de distribution, contrats de franchise, de concession, d’approvisionnement, etc. Ces titres pourraient aussi bien être remplacés par d’autres, contrat de partenariat, contrat de distribution exclusive, contrat de coopération, etc. L’ensemble de la question est bien entendu à rattacher à l’exercice de qualification, qui consiste à rattacher un contrat à une catégorie juridique modèle qui détermine son régime juridique. D’ailleurs, le juge est, d’après l’article 12 NCPC, chargé de procéder à cet exercice de qualification ou de requalification. Le préambule ensuite est très usuel. Il révèle des informations sur le passé des parties, leur négociation ou l’histoire de leur relations, des circonstances qui ont participé à la conclusion du contrat, l’existence de liens avec d’autres contrats, illustrant peut-être une hypothèse d’indivisibilité, mais également sur l’avenir, en fournissant les objectifs des parties et, partant, quelques éléments sur la cause, au sens français de la cause subjective, du contrat. L’utilité du préambule est souvent soulignée ; sa dangerosité l’est rarement alors même que la fourniture d’informations de manière irréfléchie peut conduire à des effets peu désirés. Le choix de la langue du contrat (332) est tout à fait fondamental dans la

331 Cf. J.-M. et P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, op. cit. n°108 s. 332 Cf. J. Julien, « La langue française et le contrat », Mélanges Ph. le Tourneau, Dalloz, 2007, p. 465, J.-M. Mousseron et P. Mousseron, « La langue du contrat », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec 1999, p. 219 s. Adde B. Fages, La rédaction du contrat, in Droit du contrat (Dir. B. Fages), Ed. Lamy, étude 170.

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mesure où elle correspond généralement avec celle de la procédure et où une langue véhicule des concepts de façon particulière, impliquant l’interprétation du contrat. La loi du 4 août 1994, dite loi « Toubon », impose l'emploi de la langue française, sans exiger que les contrats de droit privé soient intégralement rédigés en français, ce qui permet de douter de sa réelle portée normative sauf dans les relations avec les consommateurs ((C. consom., art. R. 112-8), même si une autre langue peut être adjointe. De fait, nombre de contrats ou de clauses utilisent un titre anglais : le contrat de management ou de franchising de licensing, etc., la clause d’earn out, dans les cessions de titres sociaux, qui fait dépendre une partie du prix des parts d'une société des performances de cette dernière pendant une période ultérieure déterminée (333), les clauses de hardship qui instituent un mécanisme de révision ou d'adaptation en raison du changement des circonstances économiques de l’exécution du contrat, validant les logiques liées à l’imprévision dans le contrat (cf. infra, n°212), etc. Les définitions et les déclarations sont souvent placées en tête du contrat. Les définitions apportent pour assurer une terminologie commune pour certains termes techniques du contrat, les objets contractuels, les services, les performances attendues, ne serait-ce qu’en raison des différences entre les différents systèmes de mesure, etc. Les déclarations constatent un certain nombre de points de départ de l’exécution du contrat, l’existence de parts sociales ou de titres, l’existence d’immeubles, de fonds de commerce, de savoir-faire, etc. Dans certains systèmes juridiques, les conséquences de telles déclarations sont très importantes. En droit anglais par exemple, le « Misrepresentation Act » de 1967 sanctionne ces déclarations selon l’intensité de la fausseté que l’on peut mesurer (« fraudulent, negligent ou innocent »). Plus le contrat est complexe et plus des définitions rendent compréhensibles le contrat La durée de la relation contractuelle fait également l’objet de clauses particulières : la durée s’exprime aisément, durée déterminée ou indéterminée, mais d’autres clauses l’accompagnent : clauses de reconduction, de prorogation, pour poursuivre un contrat à durée déterminée, clause de résiliation pour le rompre (cf. infra, n°310). Enfin la question de la loi applicable, souvent et mystérieusement placée en fin de contrat s’impose, dans un contrat international bien entendu, en vertu du principe d’autonomie permettant aux parties de retenir la loi de leur choix et, éventuellement, en droit interne (Cf. supra, n°43).

196. Clauses relatives à l’objet, opération contractuelle. −−−− La désignation de l’objet est très importante dans le contrat, ne serait-ce que pour désigner précisément la chose ou la prestation devant être

333 Cass. com., 10 mars 1998, Bull. Joly Sociétés 1998, p. 464, note A. Couret, RTD civ. 1998, p. 899, obs. J. Mestre.

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réalisée, sur la base de laquelle sera appréciée la conformité de l’exécution des obligations des parties. De même trouve-t-on des clauses relatives à la modification de la chose, ou des clauses de tolérance, en cas de transformation de l’offre du vendeur, par exemple, souvent contrariées par le droit de la consommation (C. consom., art. R, 132-2). Associées à ces clauses, se retrouvent les clauses qui ont pour objet cette chose : clauses de livraison, clauses d’exécution, etc., mais également les clauses relatives au transfert de propriété et au transfert des risques (334) : en principe le transfert de propriété et des risques liés à la chose s’opère dès l’échange du consentement, sur le modèle de la solution dans la vente (C. civ., art. 1583). Des clauses peuvent dans un premier temps, séparer ces deux moments et, dans un second temps, anticiper le moment du transfert de propriété ou des risques ou le retarder. Deux exemples pratiques sont très fréquemment utilisés. La clause de réserve de propriété, en premier lieu, est une clause qui retarde le transfert de propriété au moment du paiement du prix, lorsqu’un délai de paiement est accordé à l’acheteur. Valable, ces clauses révèlent leur intérêt en cas de faillite de l’acheteur, le vendeur demeurant propriétaire et espérant revendiquer la chose vendue mais non payée : la clause de réserve de propriété est alors strictement réglementée pour permettre cet effet (C. com., art. l. 624-16, al.2) et la rendre opposable aux autres créanciers. Le second exemple repose sur les usages du commerce international, à travers la technique des Incoterms (International Commercial Terms), définis par la Chambre du Commerce International et qui définissent, via des Code de trois lettres (vente Cif, Cost, Insurance and Freight, vente FOB, Franco on board, etc.) les moments du transfert des risques, à l’acheteur, en liaison avec la conclusion et l’exécution d’un contrat de transport, souvent maritime (335).

197. Clauses et obligations relatives au prix. – Au-delà des questions relatives à la détermination du prix (Cf. supra, n°143), la fixation du prix permet de distinguer monnaie de compte et monnaie de paiement. La monnaie de compte est celle qui permet le calcul du prix ; inversement, la monnaie de paiement est celle dans laquelle le paiement s’effectuera. La monnaie de paiement est nécessairement la monnaie nationale, l’euro, et la monnaie de compte est également la monnaie nationale, sauf dans les contrats internationaux, pour autant que la loi du contrat le permette

334 Cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 6ème éd. 2008, n°123s. 335 Cf. D. Mainguy, « Les opérations du commerce international » in J. Béguin et M. Menjucq (dir.), Traité de droit du commerce international, Litec, 2005, n°1068 s.

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(336). Les techniques contractuelles de construction des clauses de prix sont extrêmement variées : prix forfaitaire ou prix proportionnel, prix exprimé définitivement ou dépendant de la survenance de conditions, clauses de prix catalogue désormais validées depuis l’arrêt du 1er décembre 1995, clauses de prix de marché plus douteuses si elles ne reposent pas sur un marché déterminé, etc. Par ailleurs, le prix est susceptible de varier, dans les contrats de longue durée. Les clauses d’indexation permettent par exemple un ajustement du prix en fonction d’indices de référence, souvent les coûts de fabrication. Ces clauses sont strictement réglementées depuis 1958 (CMF, art. L. 111-1 à 112-4), à l’envers. En effet, elles sont en principe interdites, et notamment les clauses prenant pour indice de référence, le SMIC, un indice fondé sur le niveau général des prix et des salaires, sauf les clauses retenant un indice en relation directe avec l'objet de la convention ou l'activité de l'une des parties (CMF, art. L. 112-2).

198. Clauses de durée. – La durée du contrat est une donnée permanente, même le contrat de vente, perçu comme un contrat à exécution instantanée, ce qui est exact pour les ventes de choses de consommation (à tous les sens du terme) est moins vrai pour d’autres choses dont l’utilité s’inscrit dans la durée. Le vendeur doit alors une garantie que la loi fixe à deux ans. Pour tous les autres contrats, la durée du contrat est essentielle : le contrat, une fois conclut entre en vigueur (337), aussitôt, à moins que les parties aient prévu une date postérieure, auquel cas le contrat entre en vigueur le jour dit à minuit, voire une date antérieure, soit pour conforter une activité déjà commencée, soit des raisons extérieures, fiscales par exemple, comme dans certaines opérations intéressant le droit des sociétés, où il peut être utile que l’entrée en vigueur d’un contrat corresponde à l’exercice fiscal des parties. Nous retrouverons ces questions à l’examen de la rupture du contrat ou du terme (Cf., infra, n°310 s. et n°456), mais il est important de noter que la durée du contrat est, en principe, indépendante de la durée des effets du contrats pris un par un : dans un bail par exemple certains effets ont la même durée que le contrat (l’obligation du bailleur de fournir la chose louée), d’autres ont des durées périodiques (obligation de payer le loyer), d’autres des durées instantanées (obligation d’effectuer une réparation), d’autre encore naissent à la rupture du contrat (éventuelle obligation de non concurrence), etc.

199. Clauses relatives à l’activité des contractants : clauses

336 Cf. Cass. civ. 1ère, 12 janv. 1988, D. 1989, p. 80, note Ph. Malaurie, pour le droit français. 337 Cf. T. Revet, « La prise d’effet du contrat », RDC 2004, p. 29.

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d’exclusivité et de non concurrence. – Dans les contrats complexes, notamment les contrats d’affaires, l’opération contractuelle détermine l’activité des parties : le contrat de franchise assure au franchisé la compétence contractuellement reconnue d’exerce l’activité développée par le franchiseur, le contrat de concession exclusive assure au concessionnaire qu’il est reconnu apte à vendre les produits du concédant, le contrat de distribution sélective détermine les conditions pour qu’un distributeur vende les produits du fabricant, le contrat de licence de marque assure au licencié la capacité d’utiliser et reproduire la marque du concédant, etc. Cette activité est organisée par différentes clauses que l’on retrouve assez systématiquement : clauses d’objectif, clauses de rendement, clause de quota (338) et deux clauses plus particulières, la clause d’exclusivité et la clause de non-concurrence.

200. Clause d’exclusivité. – La clause d’exclusivité est une formule très usitée dans divers contrats (339), les contrats de distribution, notamment, les contrats d’exercice médical parfois (340), certains contrats de travail, les contrats d’entremise, les contrats d’édition, les contrats portant sur des droits de propriété industrielle, etc. Elle peut se définir comme la convention par laquelle le débiteur d’exclusivité s’oblige à n’effectuer une prestation déterminée (travailler, se fournir, approvisionner, etc.) qu’à l’égard du créancier d’exclusivité. Elle assure donc un lien privilégié, prévisible, sécurisant, avec le créancier d’exclusivité et en même temps une exclusion, tous les autres, de telle manière qu’elle peut être considérée comme dangereuse, notamment sur le terrain du droit de la concurrence. Cela étant c’est essentiellement dans les contrats de distribution que la question pose difficulté. On y trouve des clauses d’exclusivité unilatérale ou réciproque, chacun étant tenu exclusivement à l’égard de l’autre, impliquant une dimension territoriale, des clauses exclusivité territoriales, simple, renforcée ou absolue ces dernières étant sévèrement sanctionnées en droit de la concurrence, selon la rigidité de l’exclusivité stipulée (341). En principe valable, sous réserve de l’application des règles du droit de la concurrence (Cf. Règlement d’exemption par catégorie, n°2790/99, art. 4), la clause d’exclusivité est parfois réglementée dans sa durée. L’article L. 330-1 du Code de commerce limite en effet à dix ans pareilles clauses, lorsqu’elles ont pour objet une vente de choses ou un bail, solution élargie aux contrats d’approvisionnement voire à touts les contrats imposant des ventes, le

338 Cf. D. Mainguy, (dir.), Dictionnaire de droit du marché, Ellipses, 2008. 339 Cf. G. Parléani, « Les clauses d’exclusivité », in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990, p. 56. 340 Cf. V. Dorsner-Dolivet, « Les clauses d’exclusivité entre médecins et cliniques », Méd. & droit, 1994, n°4, p. 19. 341 Cf. D. Mainguy (dir.), Dictionnaire de droit du marché, Ellipses, 2008.

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dépassement étant sanctionné par la limitation à la durée maximale (342). Ces clauses sont souvent couplées avec des clauses d’objectifs, des clauses de minima ou des clauses de rendement. Au-delà, cependant, les clauses d’exclusivité peuvent-elles être contrôlées ? Ces clauses imposent une action, exclusive, et une abstention et justifient l’existence d’une contrepartie, une cause particulière, qui peut être l’engagement réciproque du contractant ou un soutien financier, etc. comme l’exemple des contrats de distribution le montre, mais elles constituent également une limitation au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, de telle manière que, comme les clauses de non-concurrence, elles doivent sans doute, quoique aucune décision ne l’ait encore précisé, être indispensables à l’objectif économique déterminé par le contrat et être proportionnées à celui-ci, de telles sorte des durées trop longues, des champs d’exclusivité trop vastes, peuvent être contenus, même en dehors du champ d’application des règles plus haut visées ou de l’application de celles- du droit de la concurrence.

201. Clause de non-concurrence. – La clause de non-concurrence est très présente dans les contrats d’activité, souvent des contrats de distribution ou de travail (343). Elle impose à son débiteur de ne pas exercer une certaine activité, décrite dans la clause, souvent pendant une certaine durée et dans un certain territoire. Elle peut s’inscrire dans la durée du contrat, par exemple comme complément dune clause d’exclusivité. Si, en effet, le mécanisme de l’exclusivité implique une exigence de non-concurrence, celle-ci ne vaut que pour l’objet de la clause d’exclusivité. Cependant, c’est surtout la clause de non concurrence post contractuelle qui pose difficulté. Valable par principe au regard du principe de liberté contractuelle (344), elle risque cependant d’entraver l’exercice, par son débiteur, de la liberté du commerce ou du travail, de telle manière que sa validité est encadrée, sinon par la loi (Cf. C. trav. Art. L. 124-2) du moins par un certain nombre de règles, longtemps envisagées de manière

342 Cass. com., 10 févr. 1998, RDLA 1998/4, n°212, obs. P. Storrer, RTD civ. 1998, p. 365, obs. J. Mestre, JCP éd. E 1998, p. 894, note L. Leveneur. 343 Y. Serra, L'obligation de non-concurrence, Sirey, 1970, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile, Dalloz, 1991 ; J. Amiel-Donat, Les clauses de non-concurrence en droit du travail, Litec, 1988 ; J.-L. Bergel , « Les clauses de non-concurrence en droit positif français », A. Etudes Jauffret, 1974, p. 21 ; C. Champaud, « Les clauses de non-concurrence (ou comment concilier liberté de contracter, liberté d'entreprendre et liberté de travailler) », RJ com. 1986, p. 161 ; D. Vidal, « Les clauses de non-concurrence », in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p. 83. 344 Cf. Cass. soc. 6 déc. 1967, Bull. civ. V, n°761 : « attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu’une clause de non-concurrnce est en principe licite ».

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objective (limitation de l’activité interdite (345), dans le temps et dans l’espace) et aujourd’hui en respectant un principe de proportionnalité (cf. supra, n°152). Outre les exigences communes à toute convention, une clause de non concurrence doit ainsi être proportionnée au regard de l’objet du contrat et de l’intérêt légitime à protéger, de manière à ne pas empêcher le débiteur d’exercer toute activité professionnelle (346). C’est ainsi que la limitation dans le temps se justifie, à défaut l’interdiction serait perçue comme perpétuelle, et dans l’espace mais aussi quant à l’activité prohibée, le tout contrôlé de manière générale, avec une certaine subjectivité (347). Il suffit donc de démontrer que malgré ces limitations, la clause n’est pas proportionnée aux intérêts légitimes à protéger pour obtenir sa nullité, voire sa réduction. En droit du travail, en outre, la validité de la clause de non concurrence est conditionnée par l’existence d’une indemnisation du salarié depuis 2002 (348).

202. Clause de secret, de confidentialité. – Les clauses de secret, de confidentialité, de non révélation d’information, de non-divulgation, de « non disclosure» sont également des clauses très fréquentes dans les contrats d’affaires. Elles imposent à celui à qui une information a été révélée de ne pas la révéler à son tour. Elles concernent surtout les informations techniques, commerciales ou financières, pendant la durée d’une convention, parfois ensuite, voire au moment de la négociation d’un contrat (349). Ces clauses s’avèrent essentielles, même lorsque les informations objet de l’obligation de secret sont susceptibles d’une protection par le brevet, la marque ou un autre droit de propriété intellectuelle et, a fortiori à défaut, s’agissant de savoir-faire commercial ou technique, en raison de l’insuffisance de la protection offert par ces régimes, et, en toute hypothèse, tardif. Ces clauses sont parfois confondues avec des clauses de non-concurrence notamment lorsque au secret s’ajoute une obligation de non-exploitation de l’information confiée. Toute la difficulté se situe alors dans la rédaction d’une bonne clause de secret, c’est-à-dire efficace, étant entendu que ces clauses sont

345 Cf. Cass. civ. 2 juill. 1900, DP 1901, 1, 294 : « La liberté de faire le commerce ou d’exercer une industrie peut être restreinte par ds conventions particulières, pourvu que ces conventions n’impliquent pas une interdiction générales et absolues, c’est-à-dire illimitées quant au temps quant au lieu ». 346 Cf. Cass. com. 9 juill. 2002, Contrats, conc. consom. 2003, n°5, obs. M. Malaurie-Vignal. 347 Cf. par ex : Cass. soc. 14 mai 1992, Bull. civ. V, n°309, p. 350, note Y. Serra ; Cass. com. 4 mai 1993, Bull. civ. IV, n°172 ; Cass. com. 4 janv. 1994, D. 1995, p. 205, note Y. Serra, RTD civ. 1994, p. 349, obs. J. Mestre ; Cass. civ. 1ère, 11 mai 1999, Contrats, conc. consom. 1999, n°137, obs. L. Leveneur. 348 Cf. Cass. soc. 10 juill. 2002, JCP éd. E, 2002, 1511, note D. Corrignan-Carsin. 349 Cf. M. Vivant, « Les clauses de secret », in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p. 101.

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considérées comme valables par principe (350) sous réserve, parfois, d’incompatibilité avec le droit de la concurrence ou lorsqu’elles sont associées à une clause de non-concurrence.

230. Clauses et obligations relatives au litige. – Bien des clauses du contrat intéressent le litige, que ce soit les classiques clauses attributives de juridictions ou les clauses compromissoires, dont l’autonomie a déjà été soulignée mais aussi bien des stipulations que nous rencontrerons, clauses limitatives de responsabilité, clauses pénales, etc. Les clauses plus spécialement adaptées à la gestion d’un litige sont appelées clauses de différend (351) sont variées ; elles peuvent inciter à l’exécution loyale du contrat, elles peuvent consister en des mesures d’expertise, en des mesures d’arrangement amiable, elles peuvent limiter le pouvoir d’appréciation du juge (352) comme l’illustre l’exemple des clauses d’intégralité (353) ou porter sur le litige lui-même, clauses de non recours plutôt rejetées en principe (354), clauses attributives de compétence ou clauses organisant un mode alternatif de règlement du litige, dont les clauses compromissoires, lorsqu’elles sont valables. Observons rapidement les clauses attributives de compétence ne le sont pas à l’égard d’un non commerçant et que, entre commerçants, elles doivent apparaître de manière évidente, que les clauses proposant un mode alternatif de règlement des litiges sont suspectes, comme clauses abusives, à l’égard d’un consommateur dès lors qu’elles imposent un recours exclusif à cette solution alternative (C. consom., art. L. 132-1, al. 3) mais valables à défaut (355) et que les clauses compromissoires sont valables par principe lorsqu’elles concernent un contrat conclu entre professionnels. Ces clauses créent deux obligations parallèles, d’une part l’obligation de saisir l’arbitre en cas de litige et, d’autre part et de manière corrélative, l’obligation de ne pas saisir un juge étatique. Les clauses de conciliation, d’arrangement amiable, de négociation préalable à toute action, etc.. quel que soit le nom qu’on leur donne et la procédure choisie (recours à tiers ou arrangement amiable entre les parties) imposent elles-aussi leur respect : obligation de recourir à la

350 Cf. Cass. civ., 1ère, 12 avr ; 1976, Bull. civ. I, n°124 ; Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1996, RTD civ. 1997, p. 424, obs. J. Mestre. 351 Cf. L. Cadiet, Clauses relatives aux litiges, J.-Cl. Contrats-distribution, Fasc. 190. 352 Cf. M. Lamoureux, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, PUAM, 2006. 353 Cf. M. Lamoureux, « La clause d’intégralité en droit français, anglais et américain », RDLC 2007/35, n°2418. La clause d’intégralité ou « clause des quatre coins » est une clause par laquelle les parties considèrent que l’intéralité de la substance contractuelle est contenue dans le document intégrant la clause, excluant ce faisant les documents préparatoires, lettres, etc. 354 Cf. Ph. Grignon, « L'obligation de ne pas agir en justice », in Mélanges Mouly C., t. II, 1998, p. 115. Comp. C. consom., art. L. 132-1, al.3. 355 Cass. civ., 1ère, 1er févr. 2005, JCP 2005, I, 183, RLDC 2005/14, no 572.

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procédure choisie, devoir de l’exécuter de bonne foi, et, corrélativement, l’obligation de ne pas saisir le juge ou l’arbitre pendant le déroulement de la procédure d’arrangement (356) à condition que l’intention de faire de cette procédure un préalable ressorte clairement de la clause (357)., qui rend irrecevable une action en justice (358).

B. – Exécution de bonne foi du contrat et suites du contrat

1– Identification et fondement de l’exécution de bonne foi

204. Article 1134, al. 3 et article 1135 C. civ. −−−− Les conventions s’exécutent de bonne foi, rappelle l’article 1134, al. 3 du Code civil (359), formule qui avait été (un peu) oubliée jusqu’à son réveil au cours des années 1990 à l’occasion de la découverte par les juges – sous couvert d’interprétation du contrat (cf. infra, n°222) – d’obligations que les parties n’avaient pas explicitement envisagées : exigence de loyauté, obligation de coopération, de renseignement (360) voire des obligations encore plus spécifiques dans certains contrats d’affaires. Le droit français est d’ailleurs rejoint dans cette entreprise par les Principes Unidroit (art. 1.7), ou les PEDC (art. 1:201). L’article 1134, al. 3 se conjugue alors avec l’article 1135 du Code civil qui dispose que le contrat comprend, outre la lettre du contrat, les « suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à la l’obligation d’après sa nature » (361). S’agissant des lois, il s’agit des règles impératives qui s’imposent même lorsque le contrat est muet, comme en droit de la consommation. S’agissant des usages, il s’agit, ou bien des usages réglementaires (la coutume) comme la règle de la solidarité passive ou de l’anatocisme (capitalisation des intérêts) en matière commerciale) ou bien des usages contractuels, qui sont des règles habituelles suivies par les professionnels pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat et dont on peut considérer que les parties s’y sont tacitement référées (362).

356 Cass. ch. mixte, 14 février 2003, Bull. ch. mixte, no 11 ; JCP 2003, I, 128, no 17, obs. L. Cadiet, D. 2003, 1386, note P. Ancel et M. Cottier, Rev. Arb. 2003, 403, note Ch. Jarrosson, RTD civ. 2003, 294, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 349, obs. R. Perrot ; RDC 2003, p. 182, obs. L. Cadiet, p. 189, obs. X. Lagarde ; Cass. civ. 1, 6 mai 2003, JCP 2003, II, 10021, note Colson ; Cass. com., 17 juin 2003, Bull. civ. IV, no 101. 357 Cass. civ. 1ère, 6 févr. 2007, Bull. civ. I, à paraître, Procédures 2007, no 76, obs. Perrot R.). 358 Cass. ch. mixte, 14 février 2003, préc. 359 Et repris in C. com. art. L. 134-4 pour le contrat d’agent commercial, C. trav. art. L. 120-4 (1222-1 au 1er mars 2008), pour le contrat de travail. 360 Y. Picod, « Le devoir de coopération dans l’exécution des contrats », JCP 1988, I, 3318. 361 Ph. Jacques, Regards sur l’article 1135 du Code civil, Dalloz, 2005, C. Mouly, L’article 1135 du Code civil, Litec, 2005. 362 Cf. Cass. com.9 janv. 2001 (2 arrêts), JCP éd., E, 2001, p. 1337, note L. Leveneur.

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S’agissant de l’équité (363), c’est le grand mystère : le juge doit-il se transformer en justicier, en moralisateur (et de quelle justice, de quelle morale) ou bien peut-il utiliser, l’équité comme technique corrective, c’est généralement le rôle qu’on lui accorde, exactement comme la bonne foi. Même si l’équité n’est pas considérée comme une source de droit (364), la jurisprudence s’y est référer, par exemple pour justifier l’existence des obligations d’information (cf. supra, n°133) ou bien les obligations de sécurité (Cf. infra, n°262), via une interprétation volontariste du contrat, un véritable « forçage » (365) du contrat.

205. Conception de la bonne foi dans l’exécution du contrat. −−−− La bonne foi dans l’exécution du contrat, qu’elle repose sur l’article 1134, al. 3 ou qu’elle résulte de l’équité de l’article 1135 du Code civil connaît aujourd’hui un regain très important ainsi que l’illustrent plusieurs décisions récentes. Certains auteurs soulignent plus particulièrement l’intensité de cette exigence, exigence que certains auteurs n’hésitent pas à transformer en obligation (366), alors même que cette « obligation » de loyauté ne peut trouver à exécution. Il s’agit plutôt d’une directive d’interprétation du contrat, qui peut aller jusqu’à la création d’obligation, via une interprétation sinon volontariste du contrat, du moins fondée sur l’attente légitime du contrat, sur l’existence d’obligations inhérentes au contrat, sur le rejet de comportements oppotunistes. C’est d’ailleurs tout le sens des divergences d’opinion marquées en doctrine. Pour les plus convaincu de l’exigence de moralité que l’article 1134 impose, il en résulte un devoir de sacrifice de ses propres intérêts au profit de son cocontractant (367). Ces manifestations jurisprudentielles révéleraient, écrit-on parfois, le souci de protéger l'une des parties, celle réputée la plus faible, en raison du déséquilibre né de la différence de puissance économique des contractants (368) ou en raison d'un appel à

363 Cf. C. Albigès, De l’équité en droit privé, LGDJ 1998. 364 Cf. Cass. soc. 4 déc. 1996, Bull. civ. V, n°421, JCP 1997, I, 4064, note L. Cadiet, RTD civ. 1998, p. 221, obs. N. Molfessis. 365 Cf. L. Josserand, note sous Lyon, 7 déc. 1928, DP 1929, 2, 17, adde L. Leveneur, « Le forçage du contrat », Dr. & patr. 1998, n°58, p. 69. 366 « obligation de se soucier de la situation de l'autre partie" (Ph. Le Tourneau, La bonne foi, Rep. Civ. Dalloz, 1995, n°44 ; C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997.357. 367 Le contrat étant un « haut lieu de sociabilité et d'amitié où chacune des parties tâche de rendre justice à l'autre", (…) "la bonne foi de l'article 1134 c'est la bonne volonté, la loyauté, le souci de se dépenser au profit de son cocontractant, de collaborer avec lui, de lui faciliter la tâche, en un mot de l'aimer comme un frère » (A. Sériaux, Droit des obligations, Puf, coll. « Dr. fond. », n°55). « Aidez-vous les uns les autres » (D. Mazeaud, « Rapport de synthèse au 94ème congrès des notaires », in Le contrat, liberté contractuelle et sécurité juridique, Defrénois 1998, art. 36874. 368 Cf. par exemple, G. Virassamy, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986.

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l'équité, voire au contrat moral (369), en tout cas dans une considération sociale du contrat. D’autres y décèlent surtout une consolidation de la force obligatoire du contrat. Respecter le contrat comme loi des parties est inutile si le contrat ne reflète pas l’intérêt des contractants : le contrat fait la loi des parties, donc, pour autant que les paries exécutent le contrat de bonne foi. Il n’y a donc pas opposition mais complémentarité entre l’article 1134, al.1er et l’article 1134, al.3. Pour être plus précis on peut formuler quelques remarques. Ce mouvement s’effectue, d’abord, au sujet des contrats les plus importants, les contrats d’affaires, les contrats relationnels (370). Sans doute, ’exigence pèse sur tous les contractants y compris la partie faible d’un contrat, le distributeur (371), le salarié (372), le consommateur, ce qui réduit considérable la portée de la conception plus haut envisagée, elle concerne tous les contrats, toutes les conventions, mais révèle toute son ampleur dans les contrats d’affaires, elle s’envisage, non seulement lors de l’exécution du contrat mais également au stade de sa formation (373) et de son extinction. Selon une première façon de raisonner, la loyauté, la bonne foi permettent alors l'émergence de solutions nouvelles de nature à contrebalancer la traditionnelle plénitude de l'article 1134, al.1er du Code civil, elle-même reposant sur le mythique principe d'autonomie de la volonté. A la conception individualiste du contrat fondée sur l’alinéa 1er de l’article 1134 se substituerait une conception solidariste (374) appuyée sur l'article 1134, al.3 que Demogue avait mis en valeur au début du XXème siècle (375) et qui est d’ailleurs moins en rupture avec l’alinéa 1er que l’on pourrait le penser. L'alinéa 3 de l'article 1134 n'est pas en concurrence avec l'alinéa 1er ; tout au contraire il le complète harmonieusement en formant un seul bloc (376). Ce second point de vue suppose une conception davantage fondée sur une

369 Cf. S. Darmaisin, Le contrat moral, contribution à l'étude de la règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1999, n°117s. 370 Et V. supra, n°55 s., pour une présentation et une justification. 371 Cf. Paris, 19 janv. 2001, RTD civ. 2001, p. 360, obs. J. Mestre et B. Fages. 372 Cf. Cas. Soc. 6 févr. 2001, JCP éd. E, 2001, p. 1194, note C. Puigelier, RTD civ. 2001, p. 880, obs. J. Mestre et B. Fages, Cass. soc. Bull. civ. V, n°159. 373 J. Mestre, obs. in RTD civ. 1989.738. 374 Cf. Ch. Jamin, « Révision et intangibilité du contrat ou la double philosophie de l'article 1134 du Code civil », in Que reste-t-il de l'intangibilité du contrat, Dr. & Patr. 1998/4, p.46. 375 Cf. R. Demogue, Traité des obligations en général, T. IV, 1931, n°3 s : : « les contractants forment une sorte de microcosme. C’est une petite société où chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacun, absolument comme la société civile ou commerciale. Alors l’opposition entre le droit du créancier et l’intérêt du débiteur tend à se substituer à une certaine union ». 376 Sur le solidarisme contractuel, cf. supra, n°66.

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conception économique du contrat. La conception solidariste souffre d’une part d’une mauvaise compréhension du terme « solidarisme » contractuel, trop souvent confondue avec la logique d’une justice contractuelle sociale et d’autre part et surtout, d'une appréciation trop centrée sur les convergences contractuelles des parties au contrat, omettant les points de divergence, que l'analyse économique du contrat souligne, par exemple avec la théorie de l'agence ou de l'inexécution efficace. Une conception utilitariste du contrat peut également permettre un dépassement de la conception individualiste, comprenant une part de solidarité : dans un contrat, il s'agit moins d'aider son contractant que de favoriser l'exécution la plus efficace possible du contrat, tenant compte non seulement des intérêts de son contractant mais aussi des siens propres et peut-être d'intérêts externes au contrat. Pothier l'écrivait déjà : « s'obliger à faire quelque chose, c'est s'obliger à le faire utilement » (377). L’objet est alors de contrôler le comportement du contractant (378) à travers une norme de comportement qui s’exprime à travers la logique de bonne foi ou de loyauté. Est de bonne foi celui qui n’agit pas de mauvaise foi, est loyal celui qui n’agit pas de manière déloyale, expressions tautologiques qui permettent cependant de considérer que c’est bien un standard de comportement qui est recherché, justifiant la recherche et l’application du fondement de la règle.

2. – Quelques développements de la bonne foi dans les contrats

206. Exigence de loyauté, cohérence contractuelle. −−−− L’exigence de bonne foi ou de loyauté contractuelle s’exprime alors de manière fort diverse : est déloyal celui qui manifeste un comportement contraire à la probité (379), celui qui utilise déloyalement les dispositions du contrat (380). Dans cette hypothèse, la loyauté s’apprécie à l’égard d’un comportement « raisonnable » d’une partie (381), notion que l’on retrouve systématiquement dans les contrats anglais ou américains

377 Pothier, De la vente, 1825, n°202, cité par Y. Picod, L'obligation de coopération dans l'exécution du contrat, préc. 378 Cf. B. Fages, Le comportement du contractant, PUAM, 1997. 379 Cf. Cass. civ. 1ère, 16 juin 1998, Bull. civ. I, n°207, RTD civ. 1999, p. 392, obs. J. Mestre : mandataire qui « omet » de restituer à ses mandants une ristourne obtenue ; Cass. civ. 2ème, 12 mai 2005, RTD civ. 2005, p. 593, obs. J. Mestre et B. Fages : honoraires excessifs demandés par un avocat, largement supérieurs au travail nécessaire. 380 Cass. soc. 18 mai 1999, Bull. civ. V, n°219 (pour une clause de mobilité), Cass. civ. 1ère, 7 févr. 2006, D. 2006, p. 1796, note A. Penneau, pour une rente viagère (utilisation d’une faculté du contrat permettant de convertir la rente en une obligation de soins…face à une crédirentière handicapée). 381 G. Khairallah, « Le « raisonnable » en droit privé français, développements récents », RTD civ. 1984, p. 439.

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(clause de best efforts, de reasonnable care, de due diligence. Plus subtile est l’appréciation de la loyauté, ou de la déloyauté dans l’interprétation des conditions d’exécution du contrat, à travers le principe de cohérence contractuelle (382), déjà rencontré, qui interdit de se contredire au détriment d’autrui (383), dans la logique de l’institution de droit des contrats internationaux de l’estoppel, de telle manière que lorsqu’un comportement est généralement adopté par une partie au contrat, elle devient attendue par l’autre de sorte qu’un brusque changement de comportement peut devenir dommageable, abusif (384). Plus inventif encore est la considération des éventuels effets excessifs du contrat. Ainsi en serait-il d’un créancier qui réclamerait l’exécution d’une obligation conduisant à un résultat contraire à ce que l’on pourrait considérer comme raisonnable, à un résultat disproportionné dans le fameux arrêt Macron (385).

207. Obligations de renseignement, Obligations de coopération. Transparence contractuelle. −−−− Le développement des obligations de renseignement est, d’abord, l’illustration de l’irruption de la bonne foi. L’obligation est due essentiellement par les professionnels : assureur, médecin, banquier, fabricant, vendeur… qui doivent expliquer, informer et conseiller leur client sur les conditions d’exécution du contrat, sur les risques inhérents à ce contrat… Cette obligation d’information se double, alors, d’une obligation de se renseigner : se renseigner pour mieux renseigner. Pour autant la généralité de cette obligation ne doit masquer son caractère relatif et contingent : sa nature et son intensité dépendent des contrats et des situations contractuelles en cause.

382 Cf. D. Houtcieff, Le principe de cohérence contractuelle, PUAM 2001. 383 Cf. M. Béhar-Touchais (dir.), L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, Economica, 2001. 384 Pour une rare mais récente illustration : Cass. com., 8 mars 2005, Bull. civ. IV, n° 44, D. 2005. p. 883, obs. X. Delpech, RTD civ. 2005 p. 391, obs. J. Mestre et B. Fages : un compte courant ouvert par une société auprès d'une banque était subdivisé en deux sous-comptes avec deux numéros distincts mais assortis d'une clause d'unité de compte. La banque faisait fonctionner les sous-comptes comme des comptes indépendants puis s'était prévalue de la clause d'unité de compte pour refuser d’exécuter des ordres relatifs à l’un des sous-comptes. Estimant que le refus d'exécution de ces ordres de virement lui a été préjudiciable, la société cliente demandait réparation. L’arrêt d'appel qui la déboutait est cassé sous le visa de l'article 1134, alinéa 3, du code civil : « en dépit de la signature d'une convention d'unité de compte, la banque, qui, en faisant fonctionner les comptes litigieux comme des comptes indépendants, avait adopté un comportement incompatible avec l'application de la convention litigieuse, dont elle a revendiqué ensuite le bénéfice, avait manqué à son obligation de l'exécuter de bonne foi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ». Mais inversement, quoique moins convaincant : Cass. com. 28 sept. 2004, RTD civ. 2004, p. 129, obs. J. Mestre. 385 Cass. com. 17 juin 1997, JCP éd. E., 1997, II, 1007, note D. Legeais ; Defrénois, 1997, art. 36703, p.1424, obs. L. Aynès.

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L’obligation de renseignement se renforce, ainsi, en obligation de conseil surtout lorsque le professionnel est face à un profane (un consommateur surtout), une obligation de mise en garde, lorsque la chose est dangereuse. Il en est résulté le développement d’obligations de coopération qui obligent les parties à coopérer pour assurer l’exécution du contrat. Ainsi, le professionnel doit renseigner son contractant mais ce dernier s’il est lui-même un professionnel doit également fournir des renseignements pour permettre à son partenaire d’exécuter correctement ses obligations (386), faciliter la possibilité pour son cocontractant d’exécuter ses prestations (387), voire de renégocier le contrat en cas de changement des circonstances économique.

208. Efficacité contractuelle. −−−− On retrouve enfin l’exigence de loyauté dans des formes déclinées, dans lesquelles l’exigence d’exécution de bonne foi s’est transformée, en des obligations précises et, alors beaucoup plus intéressantes, hypothèse que l’on rattacher à l’exigence de cohérence contractuelle. Ainsi, en droit du travail, la Cour de cassation a retenu l’existence, sur le fondement de l’article 1134, al. 1er, d’une obligation pour l’employeur d’assurer le reclassement d’un salarié (388) ou l’adaptation d’un salarié à l’évolution de son emploi (389). Trois affaires devenues célèbres ont en outre été l’occasion de mesurer l’utilité de l’exigence, imposant une forme d’efficacité contractuelle qui valide le fondement de la bonne foi en termes d’utilité contractuelle. Les deux premières affaires, l’arrêt Huard (390) et l’arrêt Chevassus-Marche (391) sont emblématiques de cette évolution, en raison des interprétations multiples. L’un comme l’autre sanctionnait, sur le fondement de l’article 1134, al 3 du Code civil (C. com., art. L .134-4 pour le second arrêt qui en est la reproduction). Dans la première affaire, un fournisseur de produits pétroliers vendait de l’essence via des contrats d’approvisionnement exclusif avec des « pompistes de marque » dont M. Huard, mais aussi via un réseau de distributeurs-mandataires (afin de

386 Cf. Cass. com. 11 juin 1996, Bull. civ. I, n°245, Defrénois, 1996, p. 1007, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 1997, p. 425, obs. J. Mestre : obligation d’une société d’exploitation du chauffage d’un immeuble et de fourniture d’eau chaude d’informer ses clients de toute possibilité de modification favorable des tarifs de Gaz de France. 387 Paris, 19 juin 1990, D. 1991, p. 515, note Y. Picod et sur pourvoi : Cass. civ. 3ème, 17 juill. 1992, Bull. civ. III, n°254. 388 Cass. soc. 25 février 1992, D.1992.320, note M. Défossez. 389 Cass. soc. 8 avril 1992, JCP éd. E. 1992, II, 360, note J. Savatier. 390 Cass. com. 3 nov. 1992, Bull. civ. IV, n°338, JCP 1993, II, 22164, note G. Virassamy, RTD civ. 1993, 124, obs. J. Mestre. 391 Cass. com. 24 nov. 1998, Bull. civ. IV, n°277, JCP 1999, I, 143, n°6, obs. Ch. Jamin, II, 12210, note Y. Picod, Defrénois, art. 36953, p.371, obs. D. Mazeaud, Contr. conc. consom. 1999, n°56, obs. M. Malaurie-Vignal, RTD civ. 1999, p. 98, obs. J. Mestre.

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proposer des prix aux consommateurs plus réactifs face à la concurrence de la grande distribution). Or, les prix proposés aux consommateurs via le réseau de mandataires étaient plus bas que les prix de vente au pompiste de marque. L'article 1134, al. 3 du Code civil y était utilisé au support d'une analyse économique, tirée de règles du droit de la concurrence permettant de comparer les conditions contractuelles, discriminatoires, existants entre deux façons de distribuer ses marchandises et de vérifier si l'une n'est pas préjudiciable à l'autre, et ainsi de ne pas lui permettre de réaliser l’objectif économique du contrat, revendre les produits fournis à un prix compétitif. Dans le second, une entreprise du secteur alimentaire avait conclu un contrat d’agence commerciale pour l’Océan Indien. L’agent commercial, M. Chevassus-Marche, invoquait la rupture du contrat du fait de l'inexécution de ses obligations par le mandant qui avait créé une division « export » dans son entreprise permettant, sur son secteur, à des acheteurs de s'approvisionner à des conditions plus favorables que par le truchement de l'agent. L'arrêt reprochait à l'arrêt d'appel ne n'avoir pas « recherché si, informées des difficultés de (l'agent) en raison des ventes parallèles de produits venant des centrales d'achats qui s'approvisionnaient en métropole, les sociétés ont pris des mesures concrètes pour permettre à leur mandataire de pratiquer des prix concurrentiels, proches de ceux des mêmes produits vendus dans le cadre de ces ventes parallèles et de la mettre ainsi en mesure d'exercer son mandat ». On peut analyser ces arrêts comme imposant une exécution utile du contrat, pour permettre à son contractant de pratiquer des prix concurrentiels, voire une renégociation du contrat. Plus que la bonne foi imposée, c’était cependant la mauvaise foi, la déloyauté qui était sanctionnée, le comportement opportuniste. Une troisième affaire (392) mettait en scène une situation un peu différente. Une société avait obtenu, par un contrat de sous-concession d’une durée de dix ans, l’exploitation d’un restaurant à caractère social et d’entreprises, moyennant le paiement d’un loyer annuel au concessionnaire initial, une association, et une redevance au concédant, une commune. Les circonstances économiques ayant été modifiées, la société exploitante avait cessé d’exécuter le contrat et demandait la résiliation du contrat sur ce fondement, que la Cour de cassation refusait cependant : car la société exploitante « mettait en cause le déséquilibre financier existant dès la conclusion du contrat et non le refus injustifié de la commune et de (l'association) de prendre en compte une modification imprévue des circonstances économiques et ainsi de renégocier les modalités du sous-traité au mépris de leur obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi » et ajoutait qu’elle « ne pouvait fonder son retrait brutal et unilatéral sur le déséquilibre structurel du contrat que,

392 Cass. civ. 1ère, 16 mars 2004, RDC 2004/3, p. 642, obs. D. Mazeaud, D. 2004, p.1754, note D. Mazeaud, RTD civ. 2004, p. 290, obs. J. Mestre et B. Fages.

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par sa négligence ou son imprudence, elle n'avait pas su apprécier ». Or, cette solution ne rejette pas par principe, tout au contraire, l’existence d’une obligation de renégocier le contrat, tout en constatant que les conditions n’étaient pas réunies (Et cf. infra, n°212 s’agissant de la thèse de l’imprévision).

209. Bonne foi et abus de droit. −−−− La notion d’abus de droit (393), enfin, qui trouve ses fondements dans le droit de la responsabilité civile délictuelle (Cf. infra, n°381), est aujourd’hui largement utilisée en droit des contrats. Elle reprend à son compte dans certains de ses aspects les développement de la bonne foi : abuser d’un droit c’est l’exercer de façon disproportionnée, de façon incorrecte, de façon déloyale ; c’est ainsi que la jurisprudence fonde la sanction du droit de mettre fin à des pourparlers (Cf. supra, n°88), mais aussi de mettre fin à un contrat (cf. infra, n°319) ou bien encore de mettre en œuvre une clause d’agrément à la circulation d’un contrat (cf. Infra, n°251).

210. Limites et excès de la bonne foi ? −−−− Le recours à la bonne foi n’est cependant par une panacée. L’article 1134, al. 3 du Code civil impose moins l’exécution de bonne foi, suggérant une norme hypothétique de comportement, que la sanction de la mauvaise foi, de la déloyauté contractuelle. Aussi, la Cour de cassation a-t-elle bornée l’application de la règle. Ainsi, la cour de cassation, dans un très surprenant arrêt, indiquait que le recours à l’article 1134, al. 3 du Code civil n’est possible que pour autant qu’existe un lien contractuel entre les parties (394), elle ne fait pas obstacle à l’augmentation de ses prix par un fournisseur (cf. supra, n°143, s’agissant des suites de la question de l’indétermination du prix dans les contrats) (395) et, surtout, ne constitue pas le moyen d’obtenir, par d’autres voies, ce que les règles juridiques ne lui permettent pas. La jurisprudence sur les causes de la rupture d’un contrat d’affaires en est ainsi l’illustration. La Cour de cassation contrôle depuis longtemps, les conditions de la rupture du contrat via la notion d’abus du droit de mettre fin à un contrat ou de faire obstacle à son renouvellement (cf. infra, n°315), mais sans considérer cependant que cette éventuelle déloyauté conduise son auteur à subir des sujétions contractuelles plus intenses, comme l’exécution d’une obligation, à sa charge, de permettre

393 Cf. Ph. Stoffel-Munck, L’abus de droit dans les contrats ; Essai d’une théorie, LGDJ, 2000. 394 Cass. Civ. 3è. 14 sept. 2005, JCP, II, 10173, note G. Loiseau, D. 2005, p. 761, note D. Mazeaud : « l'obligation de bonne foi suppose l'existence de liens contractuels ». 395 Cf. Cass. civ. 1ère, 30 juin 2004, D. 2005, p. 1828, note D. Mazeaud, contrats conc. consomm. 2004, n°151, obs. L. Leveneur, RTD civ. 2005, p. 126, obs. J. Mestre et B. Fages (augmentation de 150% du prix de la location d’un coffre-fort).

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la reconversion de son partenaire (396).

211. Substance et prérogatives contractuelles. – Un arrêt récent (397) a, en outre, proposé une limite supplémentaire à l’application de l’article 1134 du Code civil décidant que « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties » pour censurer un arrêt d’appel qui avait constaté la mauvaise foi du créancier pour en déduire qu’il « ne peut, sans manquer à la bonne foi, se prétendre créancier». Si l'on suit cette distinction, purement prétorienne (398) seules des prérogatives contractuelles pourraient, ainsi être contrôlées par le recours à bonne foi, comme l'exercice d'une clause résolutoire, d'une clause pénale par exemple, mais point ce qui touche à la substance du droit ou de l'obligation. Or, si la formule paraît rigoureuse si le recours à la bonne foi, ou plutôt à la sanction de la mauvaise foi, devait aboutir à la négation d'un droit de créance, elle semble tout de même contredire bien des solutions précédemment rendues, par exemple lorsque la bonne foi assure, par déclinaison, l'existence d'obligations inhérentes au contrat, reconnaissance de nature, par là même, à nier ou empêcher l'usage d'une substance contractuelle.

C. – L’adaptation du contrat aux circonstances

212. Rejet d’une révision du contrat pour imprévision. – La question de savoir si le juge peut intervenir dans le contrat en cas de modification des conditions économiques d’exécution du contrat emportant un déséquilibre dans ce contrat a toujours posé difficultés alors que les parties n’avaient pas prévu cette évolution. C’est le problème classique de la révision du contrat pour imprévision, refusée pour les contrats de droit privé depuis l’arrêt Canal de Craponne de 1876 (399) et qui a fait

396 Cass. com., 6 mai 2002, Bull. civ., IV, n° 81 ; JCP 2002, éd. G, II, 10146, note Ph. Stoeffel-Munck ; Contr. conc. consom. 2002, comm. 134, obs. L. Leveneur ; D. 2002, somm. p. 2842, obs. D. Mazeaud ; J.-L. Respaud, « Préavis, assistance et reconversion du distributeur évincé », Cah. dr. entr. 2002/5, p. 19. 397 Cass. com. 10 juill. 2007, JCP 2007, II, 10154, note D. Houtcieff, éd. E, 2394, note D. Mainguy et J.-L. Respaud. 398 Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 2003, n°764 : « il conviendrait de limiter l’application de cette notion aux prérogatives du créancier accessoires au droit de créance lui-même (résolution, résiliation, non-renouvellement, agrément, …), lequel ne devrait jamais être affecté par elle : si l’on peut reprocher au créancier d’être créancier, on ouvre la voie à une révision générale de tous les contrats ». 399 Cass. civ. 6 mars 1876, DP 1876, 1, 193, note A. Giboulot, Grands arrêts, n°163 : « Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux quelque équitable que puisse leur paraître

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l’objet de larges débats (400). Plusieurs arguments militent en faveur de la révision du contrat pour imprévision : la référence à l’équité (C. civ., art. art. 1135) ou la bonne foi dans l’exécution du contrat (C. civ., art. 1134, al.3) voire l’abus dans l’exécution du contrat. Plus intéressant est l’argument fondé sur le fait que le Code civil connaisse cette solution en d’autres circonstances (Cf. C. civ., art. 1244), le principe même de la force obligatoire du contrat, qui impose peut-être de ne pas s’arrêter à la prévision des parties au jour de la formation du contrat, qui justifierait la présence d'une clause « rebus sic stantibus » (les choses restant en l'état). Le consentement au contrat serait ainsi subordonné à la permanence de l'état de fait présent au moment de la conclusion du contrat. Cette clause est toujours considérée comme sous-entendue dans les traités internationaux. Inversement, une telle clause peut paraître divinatoire, au pire contraire à la volonté effective des parties, car le contrat réalise une emprise sur l'avenir. On ne conclurait pas « rebus sic stantibus » mais, au contraire, pour se prémunir contre les changements de l'état des choses, on conclut dans la pensée que les choses changeront peut-être et, précisément, pour s'assurer contre ces variations. Autre argument rejeté : la force majeure. A la différence des jurisprudences allemande ou italienne qui admettent que l'impossibilité d'exécution du contrat peut n'être pas seulement matérielle mais aussi économique, la jurisprudence française a toujours enserré dans de rigoureuses limites la notion de force majeure : la dépréciation monétaire peut rendre extrêmement onéreuse l'exécution de l'obligation, elle ne constitue pas, pour autant, un obstacle insurmontable. Pourtant ce sont les arguments qui militent contre la révision du contrat pour imprévision qui l’emportent. La sécurité juridique commande le maintien du prix initial et le respect du principe de la force obligatoire des contrats. L'instabilité des circonstances économiques aurait pu d’ailleurs faire l’objet d’une clause à et effet, une clause d’adaptation, une clause de hardschip. Pourtant, les contrats de droit administratif sont susceptibles de révision depuis l’arrêt de principe « Gaz de Bordeaux » du Conseil d'Etat le 30 mars 1916 (401). En revanche, les contrats de droit privé connaissent une solution contraire, à la différence de nombreux droits étrangers, depuis le célèbre arrêt de principe Canal de Craponne. L’arrêt « Gaz de Bordeaux » admettait le jeu de l’imprévision dans les contrats de droit

leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les parties ». 400 Cf. not. L. Aynès, « L’imprévision en droit privé », Rev. Jur. Comm. 2005, p. 397, B. Fauvarque-Causson, « Le changement de circonstances », RDC 2004, p. 67 ; D. Tallon, « La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements récents du droit comparé », Mélanges A. Sayag, 1997, p. 403. 401 S, 1916, 3, 17, note Hauriou

Supprimé: .

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public. La Compagnie du Gaz de Bordeaux était, avant la guerre de 1914, concessionnaire de la distribution du gaz de la ville. Le contrat de concession fixait les tarifs d'abonnement. Ces tarifs avaient été établis en fonction du prix du charbon avant la guerre. La guerre entraîna une augmentation du prix du charbon telle que la Compagnie se trouva en difficulté. Elle demanda une révision à l'autorité préfectorale qui refusa en se prévalant de l'article 1134 du Code civil et du principe de la force obligatoire des contrats. Elle s'adressa, alors, au Conseil d'Etat qui fit droit à sa demande en raison, notamment, du principe de la continuité du service public qui ne peut être assurée qu'à travers une correction du contrat. A l’inverse, l’arrêt de principe Canal de Craponne le rejetait pour les contrats de droit privé. Un propriétaire avait un canal d'irrigation; les redevances dues par les propriétaires des terrains irrigués avaient été fixées, en 1560, à 3 sols, et reconduites, depuis, à plusieurs reprises. Le propriétaire du canal demanda la révision du contrat; les juridictions du fond admirent sa demande; la Cour de cassation l'écarta, rejetant toute substitution d’une clause nouvelle à celles acceptées par les parties (402). On observera, alors, qu’il s’agissait bien de proposer au juge de réécrire en partie le contrat et d’insérer une clause d’indexation dans un contrat qui n’en comportait pas. Il s’agissait donc, en l’espèce, d’une formule absolue de traitement de l’imprévision, voire de l’imprudence, contractuelle. Or, bien des hypothèses de révision du contrat pour imprévision se contentent d’une formule relative : l’identification d’une obligation de négociation, même en l’absence de prévision expresse en ce sens par les parties, en cas de changement des circonstances économiques.

213. Tempéraments légaux. – Un certain nombre de tempéraments ont été apportés. Dans la loi, d’abord. A la suite des grandes guerres, le législateur était intervenu à plusieurs reprises pour proroger des baux, ou faire obstacle à la résiliation de contrats ou, dans le cadre de la législation économique, via une technique de blocage des prix (jusqu’en 1986 tout de même), soit dans le cadre de protection de certains contractants, comme les salariés et le mécanisme de hausse annuelle du salaire minimum, ou comme les débiteurs en difficultés (cf. C. civ., art. 1244 et s.) ou encore dans le cadre du traitement du surendettement, soit des consommateurs (règles sur le surendettement) soit des entreprises

402 Et depuis Cass. civ. 6 juin 1921, D.1921.1.73 : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et aucune considération d'équité n'autorise le juge, lorsque ces conventions sont claires et précises, à modifier, sous prétexte de les interpréter, les stipulations qu'elles renferment »; Cass. com. 18 janvier 1950, GP 1951, 1, 320 : « Le juge ne saurait faire état des hausses de prix, même homologuées, pour soustraire l'un des contractants à l'accomplissement des engagements clairs et précis qu'il a librement assumés ».

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(règles de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises).

214. Tempéraments jurisprudentiels, obligation de renégocier ? – La question se pose surtout de savoir si la jurisprudence de droit privé peut changer sa position, ce qui suppose de modifier les termes du débat. Ce qui est en jeu est moins la question de la révision du contrat par le juge, faisant de ce dernier presque une partie au contrat : le juge n’a pas cette vocation. En revanche, la question de la stabilité du contrat pose une autre difficulté : les parties ont parfaitement conscience, en concluant un contrat de longue durée, que l’état contractuel, figé par le consentement, est mouvant, évolutif, ce qui pose la question de savoir si les parties ne doivent pas prendre en compte cet évolutivité du contrat : une obligation de renégociation serait ainsi latente, inhérente, au contrat de longue durée. Le juge ne serait alors plus appelé à réviser le contrat, dire que le prix est désormais celui-ci que telle clause est désormais celle-là, mais à constater que les parties, face à une difficulté économique ou autre, une modification des circonstances, ont exécuté ou n’ont pas exécuté cette obligation. Une évolution en ce sens est apparue, via l’appréciation de l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats ou de l’abus de droit, notamment les arrêts du 3 novembre 1992 et du 24 novembre 1998 (Cf. supra n°208) qui peuvent être lus comme sanctionnant un refus de renégocier un contrat alors que les circonstances économiques avaient changé. Il en résulte que l’évolution jurisprudentielle se situe sans doute moins dans un pouvoir de révision du contrat que le juge s’accorderait, contre tous les principes du droit privé des contrats, que dans la sanction, au nom de la bonne foi contractuelle, d’une obligation de renégocier inhérente au contrat en cas de déséquilibre économique trop important (403).

215. Clauses d’adaptation. – La meilleure solution, face à cette incertitude théorique et, surtout face à la réalité pratique du risque de changement de circonstances, repose sur la gestion contractuelle de ce risque à travers des clauses d’adaptation. Celles-ci sont nombreuses, clauses d’indexation clauses de renégociation, clauses de suspension, clauses de force majeure, etc. Elles s’inspirent de la pratique américaine des clauses de « hardship » (404). Parfois, de telles clauses sont les clauses d’adaptation automatiques, par exemple une clause d’indexation, une clause d’adaptation en cas de changement de monnaie, de changement d’objet, etc. mais plus ordinaires sont les clauses imposant un changement non automatique, via une obligation de renégociation qui, comme toute négociation, n’impose pas la réussite de celle-ci (405).Une

403 Cf. D. Mazeaud, note sous Cass. civ. 1ère, 16 mars 2004, D. 2004, p. 1754. 404 Cf. R. Fabre, « Les clauses d’adaptation dans les contrats », RTD civ. 1983, p. 19. 405 Cf. Cass. com. 3 oct. 2006, D. 2006, p. 765, note D. Mazeaud.

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clause voisine, la MAC clause (Material Adverse Change) (406) impose, souvent au stade de la négociation d’un contrat, mais adaptable à sa renégociation, la prise en compte des changements significatifs défavorables pendant le temps de la négociation.

D. – La simulation

216. Insincérité contractuelle ? −−−− La notion de simulation identifie une situation dans laquelle une réalité contractuelle est dissimulée derrière un masque contractuel, qu’on appelle souvent une contre-lettre, révélé au tiers. Une certaine forme de sincérité contractuelle est ainsi mise en défaut par un montage juridique dont la validité peut, parfois, être remise en cause. Toutefois, la Code civil, par l’article 1321 du Code civil, propose un véritable régime juridique à cette institution contractuelle, la simulation, qui ne s’inscrit pas systématiquement dans une logique de fraude. Le stratagème organisé par l’opération de simulation n’est ainsi pas systématiquement illicite et l’article 1321 du Code civil propose, au contraire, un principe de validité de l’opération, mais limitant son opposabilité aux tiers.

1 – Définition et manifestation de la simulation

217. Acte ostensible et acte occulte. −−−− Le montage juridique que révèle la simulation, met en scène deux actes, un acte apparent et un caché. L’acte apparent ou acte ostensible est l’acte révélé au tiers. Il masque la volonté réelle des parties laquelle se manifeste dans un acte caché ou acte occulte, dit aussi contre-lettre ou side letter dans la pratique des affaires. La contre-lettre, qui est la réalité du contrat est alors totalement occultée et parfois radicalement transformée, par l’acte apparent dont les tiers ont connaissance. La présence de ces deux conventions, l’une révélée mais fausse et l’autre secrète mais véritable pose difficultés dans toutes sortes d’opérations fictives ou, parfois, la fraude tient une certaine place.

218. Déguisement de la réalité contractuelle. −−−− On trouve ainsi des hypothèses de simulation dans lesquelles l’opération contractuelle est masquée, déguisée. C’est le cas de la donation déguisée qui est une donation, acte secret, mais qui prend les apparences d’une vente, soit pour des raisons fiscales, soit pour des raisons tenant à l’application du droit des successions. L’opération prend alors apparemment la forme d’une vente, dans toutes ses composantes, mais une contre-lettre précise

406 Cf. A.-C. Pélissier, « La MAC clause (ou l’art d’appréhender l’adversité pendant la période de réalisation des conditions suspensives) », RDLC 2006, n°1081.

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que le prix ne sera pas perçu, révélant la réalité de la donation (407). Le déguisement peut être moins total et ne concerner qu’une partie du prix, la vente se présentant sous un prix apparent, inférieur à la réalité du prix, révélée dans une contre lettre qui se présente, dans le langage courant comme un « dessous de table » destiné à frauder le fisc/

219. Interposition de personnes. −−−− Bien des hypothèses de simulation se présentent comme l’organisation d’une forme d’interposition de personnes. Ce qui peut apparaître comme une autre forme de déguisement. Ainsi en est-il de la convention de prête-nom, par laquelle une personne se prétend titulaire d’un contrat alors qu’en réalité c’est une autre personne : ce peut-être pour permettre à une personne d’obtenir un prêt ou des facilités bancaires. La convention de prête-nom sera alors conclue entre l’emprunteur apparent et l’emprunteur réel et prévoira que seul ce dernier sera tenu au remboursement. Ce peut-être pour assurer une représentation discrète, dans une vente aux enchères par exemple, pour permettre à une personne interdite d’exercer une activité commerciale ou d’être associée dans une société commerciale d’exercer une activité, par une telle convention qui, en droit des sociétés, prend le nom de convention de croupier, ou pour tourner d’autres règles d’ordre public, comme l’interdiction faite à un médecin de recevoir des biens d’un patient, ou même d’acquérir ces biens (C. civ., art. 909, art. 1595), hypothèses dans lesquelles l’interposition de personne révèle une situation de fraude à la loi ou de fraude aux droits des tiers. Bien que l’acte secret et l’acte ostensible aient été conclus entre des personnes différentes, le régime de la simulation s’applique à cette situation (408) mais le tiers dispose alors du choix d’exercer une action contre son contractant ou contre le véritable bénéficiaire de l’acte conclu (409).

2. – Régime de la simulation

220. Simulation ordinaire. – Dans la simulation ordinaire, qui se manifeste hors fraude, non seulement la contre-lettre, l’acte caché, n’est pas considéré comme invalide ou frappé d’une quelconque restriction dans ses effets mais, elle s’impose entre les parties, parce qu’il est le reflet de leur engagement véritable et supplante l’acte apparent. Mieux, l’acte secret prime de façon totale sur l’acte apparent, illustrant ainsi assez bien l’opposition souvent théorique entre la volonté déclarée et la

407 Cf. Cass. com. 30 juin 1987, Bull. civ. IV, n°168. 408 Cf. Cass. civ. 1ère, 28 nov. 2000, Bull. civ. I, n° 311, Defrénois 2001, p. 237, obs. R. Libchaber, RTD civ. 2001, p. 134, obs. J. Mestre et B. Fages. 409 Cass. civ. 1ère, 19 juin 1984, Bull. civ. I, n°205 ; Cass. com. 26 avril 1982, D. 1986, p. 233, note D. Rambure.

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volonté interne, chère, notamment, au droit allemand des obligations : une vente fictive par exemple ne pourra donner lieu à exécution des obligations de la vente (livraison, paiement, garantie, etc.). L’acte secret s’impose cependant pour autant qu’il soit valable : cette validité, en rien entravée par le caractère occulte du contrat, répond aux conditions générales de validité du contrat. On dit en général pour résumer cette proposition que la simulation ne nuit pas. Cela suppose le respect des conditions de fond de la validité des contrats, conditions ordinaires et spéciales. Par exemple, le caractère hors commerce juridique d’un acte apparent rejaillit sur l’acte secret, l’interdiction de conclure un contrat particulier (libéralité ou vente faite à une personne incapable d’acheter ou de recevoir) s’impose à l’acte secret, etc. En revanche, toutes les conditions de fond de l’acte apparent ne s’imposent pas : ainsi une donation déguisée en une vente ne peut faire l’objet d’une annulation au motif que le prix ne serait pas réel, ou serait vil (410). Cela suppose également, en principe, le respect des conditions de forme, par hypothèse impossible…puisque l’acte est secret. On admet alors que l’acte secret est valable s’il respecte les conditions de forme de l’acte ostensible. Pour reprendre l’exemple précédent, une donation déguisée en vente n’en sera pas moins valable quoiqu’elle ne soit pas constatée par un acte authentique. A l’égard des tiers, la situation est différente. Se pose, en premier, une question de preuve. En effet, les règles traditionnelles de preuve des actes juridiques empêchent, chaque fois qu’un écrit est obligatoire (C. civ., art. 1341, au dessus de 1 500 euros) de prouve contre et outre l’écrit. La preuve de la contre-lettre suppose une déclaration de simulation qui ouvre, processuellement, la possibilité de prouver que l’acte apparent ne retrace pas l’entièreté ou la vérité de l’engagement des parties. Surtout, les tiers se retrouvent, pour autant qu’ils soient parvenus à prouver l’existence et le contenu de la contre-lettre, face à deux actes contradictoires ou, à tout le moins différents. L’article 1321 du Code civil leur permet d’opposer aux parties ou bien l’acte apparent ou bien l’acte secret selon leur intérêt : l’article 1321 du Code civil dispose ainsi que les contre-lettres n’ont point d’effet contre les tiers. Ceux-ci disposent donc d’une option. Ainsi le fisc, dans l’hypothèse d’une simulation par dissimulation du prix, aura intérêt à invoquer l’acte secret ; les créanciers d’une société auront intérêt dans le cas d’une convention de croupier, à invoquer ou bien l’actionnaire apparent ou bien l’actionnaire réel, selon le cas.

221. Simulation frauduleuse. Fraus omnia corrompit. – La fraude corrompt tout : la contre-lettre est alors frappée de nullité. Certains textes prévoient parfois (cf. C. civ., art. 1099, al. 2 à propos des donations

410 Cf. Cass. civ. 1ère, 27 oct. 1993, Bull. civ. I, n°300.

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déguisées entre époux ; C. civ., art. 1321-1, ancien CGI, art. 1840, à propos des dissimulations de prix). Ce dernier texte prévoit en effet que toute contre-lettre ayant pour objet de dissimuler une partie du prix de la vente d’un immeuble, d’une cession de fonds de commerce ou d’office ministériel, de clientèle ou d’un droit au bail est nulle : le bénéficiaire du prix majoré (le vendeur) devra alors restituer le prix qui faisait l’objet de l’acte secret (411).

II. – La force obligatoire du contrat et le juge : l’interprétation du contrat

222. Pouvoir souverain des juges du fond. – Depuis longtemps, la Cour de cassation considère la question de l'interprétation des contrats est une question de fait qui relève du pouvoir souverain des juridictions du fond (412). Il en résulte que l'interprétation d'un contrat suppose la prise en considération de faits sur lesquels la Cour de cassation ne se prononce par, en principe. L'interprétation donnée par une juridiction du fond ne peut donc donner lieu à pourvoi sauf en cas de dénaturation des termes clairs et précis du contrat par les juges (413) : lorsqu’une clause ou un contrat est exprimé de manière claire, il doit être interprété strictement, en vertu du principe posé par l’article 1134 du Code civil.

223. Petit guide âne. – Le Code civil offre, un cadre général de l’interprétation des contrats un « petit guide âne » selon la formule de J. Dupichot (414),par les articles 1156 à 1164 (415), règles supplétives que le contrat peut modifier (416). Deux attitudes sont possibles. Une première réponse, individualiste, met l’accent sur une interprétation subjective. Le juge est « le serviteur du contrat » de sorte qu’il ne peut interpréter le contrat qu'en recherchant quelle a été leur volonté. Une seconde réponse, volontariste, invite à une interprétation objective qui accorde au juge des pouvoirs propres d’interprétation. Bien souvent, en

411 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 avr. 2001, Bull. civ. I, n°103. 412 Cass. sect. Réun., 2 février 1808, arrêt Lubert, S.1808, I, 183, Grands arrêts, n°91. 413 Cass. civ. 15 avr. 1872, DP 19872.1.176, Grands arrêts, n° 92 ; J. Boré, « Un centenaire : le contrôle par la Cour de cassation de la dénaturation des actes », RTD civ. 1972, p. 249. 414 J. Dupichot, « Pour un retour aux textes : défense et illustration du « petit guide âne » des articles 1156 à 1164 du Code civil », Mélanges J. Flour, 1979, p. 179. 415 Et comp. Principes Unidroit, art. 4.1 s., PECL, art. 5:101. 416 Cf. par exemple à propos de la clause des quatre coins, ou clause d’intégralité, excluant le recours à tout autre document que le contrat lui-même : Paris, 15 juin 2005, RTD civ. 2006, p. 111, obs. J. Mestre et B. Fages ; M. Lamoureux, « La clause d’intégralité en droit français, anglais et américain », RDLC, 2007/35, n°2418 ; E. Rawach, « La portée des clauses tendant à exclure le rôle des documents précontractuels dans l’interprétation du contrat », D. 2001, Chr. p.223.

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effet, les parties n'ont pas envisagé différents problèmes d'application dans leur contrat : telle clause est peu claire, donne lieu à plusieurs interprétations, ou un élément, voire la clause tout entière, une obligation, fait défaut dans le contrat. C’est, bien entendu, une fiction que de rattacher à une volonté inexistante, ou en tout cas inexprimée, des parties la solution de tous les problèmes posés par l'exécution d'un contrat. Le juge doit alors recourir à un système d'interprétation objective à partir de la loi, des usages, de l'équité. De ce point de vue, la question de l’interprétation du contrat rejoint celle de l’exécution du contrat, notamment des problèmes posés par l’exécution de bonne foi du contrat. Le Code civil se prononce en faveur des deux attitudes : la première est révélée par les règles d’interprétation proprement dites (C. civ., art. 1156 et suivants) et la seconde est réservée par l’application des articles 1157 ou 1162 et surtout de l’article 1135 du Code civil (Cf. supra, n°204). Les règles proposées par les articles 1156 et s. du Code civil proposent alors une grille d’analyse. On doit « rechercher la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes » (C. civ., art. 1156), en utilisant des documents annexes, antérieurs, le comportement des parties. Plus objectivement, « lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun » (C. civ., art. 1157) et « dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation » (C. civ., art. 1162), et dans un contrat de consommation, en faveur du consommateur (C. consom., art. L.133-2). Mais l’article 1135 du Code civil assure un certain « forçage » du contrat, ce qui est une manière d’exprimer que l’interprétation objective peut conduire à découvrir voire inventer des obligations dans le contrat. Un exemple classique s'en trouve dans l'obligation de sécurité, d'abord, dans les contrats de transport puis, dans de nombreux autres contrats (cf. infra, n°262), obligations de sécurité auxquelles s'attachent des effets que les parties n'avaient pas envisagés, la plupart du temps, à la conclusion de la convention.

SECTION 2. – LE PRINCIPE DE L'EFFET RELATIF DU

CONTRAT

224. L’autre pilier du droit des contrats. – Le principe de l’effet relatif du contrat est directement dérivé de celui de l’article 1134 du Code civil : les conventions légalement formées s’imposent « à ceux qui les ont faites ». Les contrats n'ont d'effet obligatoire qu’à l’égard des parties et point envers les tiers. C'est ce qui résulte surtout de 1165 du Code civil : « Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne

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nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 ». La formule est la traduction d'une vieille maxime latine « res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest » (l'accord passé entre les uns ne saurait ni nuire ni profiter aux autres). La règle est élémentaire et fondamentale : la puissance de la force obligatoire du contrat, les obligations et effets qu’il produit, est réservée aux contractants, point aux tiers. En même temps, certains tiers ne peuvent ignorer le contrat de telle manière que la question des rapports des contractants entre eux et à l’égard des tiers se pose, en termes d’opposabilité. La compréhension du principe suppose alors la détermination des parties et des tiers (I), avant d’aborder la signification du principe (II) et les exceptions à ce principe (III).

I. – La détermination des parties et des tiers

225. Détermination controversée. – L’exercice consistant à déterminer les parties (A) et les tiers (B) est l’un des problèmes classiques du droit des contrats et des plus controversés (417), en raison de son importance fondamentale pour l’application du contrat, son exécution, sa circulation également.

A – Les parties

1 – Les parties au moment de la formation du contrat

226. Deux ou plus. – Les parties sont, en premier, les personnes qui ont participé à la conclusion du contrat, celles qui ont exprimé leur consentement au contrat, sur le fondement, toujours présent au moins à ce stade de l’acceptation des engagements contractuels soit personnellement, soit par voie de représentation contractuelle ou légale. Peu importe que les parties soient deux, ce qui est généralement le cas ou plusieurs. La pluralité peut alors impliquer des intérêts divergents (deux covendeurs et deux co-acheteurs) ou convergents, telles les parties à un contrat de société, ou qu’une seule partie soit en relation avec plusieurs, elles-mêmes ayant des intérêts distincts, comme le contrat conclu par un chef d’orchestre avec son orchestre, dans un acte conjonctif (418).

417 Cf. J.-L. Aubert, « A propos d’une analyse renouvelée des parties et des tiers », RTD civ. 1993, p. 263 ; C. Guelfucci-Thibierge, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat…à l’élargissement de la portée du principe de l’effet relatif », RTD civ. 1994, p. 275 ; J. Ghestin, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers », RTD civ. 1994, p. 777 ; Ph. Delmas-Saint-Hilaire, Le tiers à l’acte juridique, LGDJ, 2000 ; M.-L. Mathieu-Izorche, « Une troisième personne bien singulière ou « 2+2 = tout autre chose », RTD civ. 2003, p. 51. 418 Cf. R. Cabrillac, La notion d’acte conjonctif, LGDJ, 1990.

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227. Personnes intervenantes au contrat. – Autre, cependant, est la situation des intervenants non parties au contrat, par exemple le rédacteur du contrat (419) mais aussi celles chargées de fournir une autorisation, un conseil, une expertise, une déclaration, une attestation (420), ou une authentification (421). Ces personnes interviennent dans le contrat mais n'y sont pas juridiquement des parties.

228. Conjoint du contractant. – Le conjoint du contractant n’est pas davantage partie au contrat du seul fait du mariage et demeure un tiers, sauf dans certaines hypothèse, dans le bail d’habitation, notamment (C. civ., art. 1751), mais, surtout, la question se pose en termes de pouvoirs contractuels (cf. supra, n°138).

2. – Les parties au moment de l’exécution du contrat

229. Transmission du contrat. – Lors de l’exécution du contrat, tout une série d’événements peuvent survenir : décès d’un contractant, fusion de société, cession de contrat (cf. infra, n°247 s.). En cas de transmission à cause de mort, l’article 1122 du Code civil pose la solution de la transmission de principe, sauf clause contraire ou bien si la nature de la convention y fait obstacle. Parce que cet héritier est considéré comme le « continuateur de la personne du défunt », le décès du contractant emporte donc transmission du contrat, par principe, à ses héritiers, qu’ils soient ayant causes à titre universel (héritiers qui reçoivent l’intégralité de la succession) ou à titre universel (héritiers qui reçoivent une quote-part, active et passive, de la succession). Cependant, une clause peut y faire obstacle, clause interdisant une telle transmission ou bien prévoyant un agrément du successeur mais aussi lorsque la nature du contrat l’empêche. C’est le cas des contrats intuitu personae (Cf. supra, n°53). En outre, il convient que les mécanismes successoraux aient fonctionné et notamment que l’héritier n’ait pas renoncé à la succession. En cas de transmission entre vifs, s’il s’agisse d’une technique de droit des sociétés (dissolution, fusion, apport partiel d’actif, scission) qui opèrent transmission universelle du patrimoine, comme le décès d’une personne, la solution est globalement la même, alors que les techniques

419 Cf. pour le fournisseur d’un modèle de contrat : Cass. 1re civ., 4 mai 1999, n° 97-14.187, Bull. civ. I, n°147, Contr. conc. consom. 1999, n°124, obs. L. Leveneur, Defrénois 1999, p. 1004, note D. Mazeaud, JCP éd. E 1999, p. 1827, note C. Jamin, JCP éd. G 1999, II, 10205, note G. Paisant, RTD civ. 2000, p. 107, obs. J. Mestre et B. Fages. 420 Cf. Cass. soc., 19 juin 1987, RTD civ. 1988, p. 126, obs. J. Mestre (visa apposé par une administration). 421 Cf., pour un notaire, Cass. civ. 3ème, 28 oct. 1992, no 90-17.652, RTD civ. 1993, p. 123, obs. J. Mestre. Adde : M. Vasseur, « Essai sur la présence d'une personne à un acte juridique accompli par d'autres », RTD civ. 1949, p. 173.

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de nature contractuelle, comme dans le cas de cession de contrat, la solution est beaucoup complexe, en raison de la difficulté à appréhender la notion même de cession de contrat (cf. infra, n°247 s.) : retenons ici que la cession de contrat est en principe possible, emportant changement de contractant.

B. – Les tiers

230. Penitus extranei et tiers intéressés. – Sont des tiers, en premier lieu, les tiers absolus ou penitus extranei, totalement étrangers au contrat et généralement ignorant de l’existence même du contrat. En revanche, certains tiers sont particulièrement intéressés par le contrat conclu, souvent parce qu’ils sont eux-mêmes en relation avec l'une des parties : c’est le cas notamment des créanciers et des débiteurs des contractants. Le banquier, l’assureur, les différents contractants sont évidemment intéressés par l’ensemble des contrats, qu’ils soient susceptibles d’appauvrir ou d’enrichir le contractant. Les créanciers ordinaires qu’on appelle les créanciers chirographaires de l'une des parties, dont le droit de gage général (C.civ., art.2285 et 2285) pourrait se trouver affecté sont plutôt mal protégés, sinon par le jeu des actions obliques et pauliennes (cf. infra n°507 s.). Les ayant causes à titre particulier sont les personnes qui recueillent un bien déterminé d’une personne (de manière purement active, à la différence des ayant causes universels ou à titre universel), recueilli soit dans un rapport de succession ou de donation, soit à titre onéreux. La question de la transmission des droits et actions et d’opposabilité est, à leur, égard, particulièrement important.

II - Le contenu du principe de l'effet relatif des contrats

A – Signification du principe de l’effet relatif du contrat

231. Limitation de la portée de l’effet obligatoire. – Le principe de l’effet relatif du contrat signifie que les obligations qu’il contient sont réservées aux parties contractantes et ne s’appliquent par aux tiers : un tiers ne saurait ainsi être rendu débiteur sans sa volonté, sans être partie au contrat, donc. Par exemple, le propriétaire d’un appartement loué, n’est pas tenu par le contrat de réparation conclu par son locataire et, inversement, l’entrepreneur ne peut pas demander paiement au bailleur : le bailleur est tiers au contrat d’entreprise conclu par le locataire et, réciproquement, l’entrepreneur est tiers au contrat de bail. Le principe est fondamental : le tiers n’étant pas partie au contrat, il ne peut subir ni engager une action en exécution forcée, en responsabilité. Le mécanisme fonctionne en toutes circonstances. Par exemple, l’associé

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ou le dirigeant d’une société est un tiers à l’égard des contrats conclus par la société, et réciproquement. Les dettes et les créances de la société ne sont pas celles de l’associé ou du dirigeant, à moins qu’ils se soient personnellement engagés avec la société (422), de même que, dans un groupe de sociétés, les sociétés filles du groupe sont toutes des tiers les unes par rapport aux autres et à l’égard de la société mère (423). Ce principe est assorti de certaines exceptions, la question des sous-contrats, des actions directes notamment (Cf. Infra, n°237).

B. – L’opposabilité du contrat à l’égard des tiers

232. L’opposabilité du contrat : complément du principe de l’effet relatif. – Le principe de l’effet relatif du contrat ne signifie pas que le contrat est isolé du reste du monde. Tout au contraire, un contrat, et les obligations qu’il contient, s’insèrent dans la myriade des contrats qui l’entourent. C’est en ce sens que le principe de l’effet relatif du contrat est limité, ou plus exactement, complété par le principe de l’opposabilité du contrat à l’égard des tiers qui permet de mesurer les effets du contrat à l’égard des tiers. Il n’en résulte pas que le tiers peut devenir créancier ou débiteur exactement comme le serait une partie, mais que le tiers peut bénéficier ou subir l’effet contractuel. Pourtant, ce principe n’est pas formulé dans le Code civil, il est le résultat d’un long travail de la doctrine, depuis le début du siècle (424). Ce principe signifie qu’un contrat peut être opposé aux tiers en ce sens que les tiers doivent respecter la situation contractuelle créée par ce contrat. Cependant, ce respect ne peut en principe s’effectuer par des voies contractuelles : le contrat ne crée pas d'obligation à l'égard ou à l'encontre du tiers, il constitue simplement une situation de fait, un fait juridique qui leur est opposable, c'est-à-dire qu'ils doivent respecter. Inversement, les tiers peuvent opposer le contrat aux parties contractantes.

422 Cf. Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, Bull. civ. I, n°119. 423 Cf. Cass. com. 29 juin 1993, Bull. civ. IV, n°271 ; Cass. soc. 22 mai 1995, Bull. civ. V, n°162 (à propos d’une clause de non-concurrence souscrite par un salarié avec une société, non opposable par les autres sociétés du groupe). Comp. D. Mainguy, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée, Rev. Soc. 1996, p. 17. 424 Cf. not. : R. Savatier, « Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats », RTD civ. 1934, p. 525, A. Weill, La relativité des contrats en droit privé, Th. Strasbourg, 1939 , J.-L. Goutal, Recherches sur le principe de l’effet relatif des contrats, Th. Paris, II, 1977, Y. Flour, L’effet des contrats à l’égard des tiers en droit international privé, Th. Paris, II, 1977, F. Bertrand, L’opposabilité du contrat aux tiers, Th. Paris II, 1979, J. Duclos, L’opposabilité, LGDJ, 1984, M. Fontaine et J. Ghestin (dir.), Les effets du contrat à l’égard des tiers (Comparaisons franco-belges), LGDJ, 1993, M. Bacache-Gibelli, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 1996 ; R. Winston, « Etude critique de la notion d’opposabilité » in Les effets du contrat à l’égard des tiers, LGDJ, 2004.

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233. Le contrat opposé aux tiers. – Le contrat peut être opposé au tiers dans ses situations extraordinaires, comme dans le cas de la simulation (Cf. supra, n°216), de l’action oblique (Cf. Infra, n°508) ou de l’action paulienne (Cf. infra, n°512), ou dans la situation originale des ayants cause à titre particulier (cf. infra, n°234). En revanche, la situation ordinaire du tiers est celle dans laquelle il méconnaît des droits contractuels qu’il connaît et, notamment, dans laquelle il est susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle lorsqu’il participe à la violation du contrat ou se rend complice de cette violation. Tiers au contrat, il ne saurait voir sa responsabilité contractuelle engagée, c’est bien de responsabilité délictuelle dont il s’agit, le contrat étant pour lui un fait juridique, de telle manière que les règles ordinaire de la responsabilité délictuelle s’appliquent : il suffit au contractant de démontrer son préjudice, la faute du tiers (et la connaissance par ce dernier du contrat) et le lien de causalité entre les deux, mais sans qu’aucune autre condition s’ajoute, intention de nuire par exemple. C’est la théorie de la tierce complicité de la violation d’un contrat (425) qu’illustre, par exemple l’hypothèse du débauchage d’un salarié par un employeur en violation du contrat de travail en cours avec un autre employeur (426) ou d’une clause de non concurrence conclue avec l’ancien employeur ou encore en raison de la constitution d’une société par les cédants d’un fonds de commerce tenus par une clause de non concurrence (427), mais aussi les hypothèses de violation d’un pacte de préférence ou d’une promesse de vente (Cf. supra, n°92 s.). L’hypothèse est aussi fréquemment retenue dans la gestion des contrats de distribution. Lorsqu’un fabricant met en place un réseau de distribution exclusive ou sélective il inclut fréquemment dans les contrats une interdiction de revendre les produits à d’autres distributeurs que ceux membres du réseau, de manière à éviter toute situation de distribution parallèle : le tiers qui s’approvisionne en dépit de cette interdiction commet une faute qui engage sa responsabilité pour concurrence déloyale (428), solution aujourd’hui consacrée par la loi (C. com., art. L. 442-6, I, 6°). L’intérêt pour le contractant est majeur : d’une part, il peut engager

425 Cf. P. Hugueney, La responsabilité du tiers complice de la violation d’une obligation contractuelle, th. Dijon, 1910, E. Lalou, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant et d’un contractant à l’égard des tiers », DH 1928, Chr. 69, B. Starck, « Des contrats conclus en violation des droits contractuels d’autrui », JCP 1954, I, 1180. 426 Cf. Cass. Com. 20 juin 1972, Bull. civ. IV, n°198. 427 Cf. Cass. Com. 30 nov. 1999, RJDA 2000, n°129. 428 Cf. Cass. com. 27 oct. 1992, D. 1992.505, note A. Bénabent, Cass. com. 25 avr. 2001, Contrats, conc. consom. 2001, n° 108, obs. L. Leveneur, à propos de l’approvisionnement de revendeurs automobiles non concessionnaires ayant acquis des véhicules de sociétés de location; Cass. com. 19 oct. 1999, Contrats, conc. consom. 2000, no 6, obs. M. Malaurie-Vignal; Cass. com. 10 févr. 1998, Contrats, conc. consom., 1998, no 61, obs. L. Leveneur..

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une action de nature contractuelle contre son cocontractant, qui a violé une stipulation contractuelle, mais aussi une action en responsabilité délictuelle contre le tiers, complice de cette violation et même obtenir leur condamnation in solidum (429). Cette opposabilité du contrat au tiers s’impose aujourd’hui comme un principe, consacré comme tel par la Cour de cassation (430). Il convient de s’arrêter un instant sur le caractère exceptionnel de cette avancée jurisprudentielle. L’opposabilité du contrat au tiers ne pose guère de difficulté lorsque le contrat présente un effet réel, constitutif, translatif ou extinctif de droit réel. Une vente, par exemple propose un transfert de propriété. Alors que la propriété est, par nature, opposable erga omnes, il n’est guère difficile de mesurer que le transfert de propriété est opposable à tous, plus par l’effet de l’opposabilité de la propriété transférée que par l’effet contractuel du transfert. Plus exactement, les obligations du contrat, l’obligation de délivrance dans la vente par exemple, sont des techniques d’extériorisation qui permettent de donner corps à l’opposabilité du transfert de propriété, qui s’effectue dans la vente par le seul fait du contrat (l’acheteur est propriétaire de la chose dès le consentement mais les tiers s’en rendent vraiment compte lorsque la chose est livrée). Lorsque, en revanche, le contrat ne présente pas d’effet réel, mais simplement des obligations ordinaires, le principe d’opposabilité du contrat aux tiers prend tout son effet. Les tiers auxquels le contrat est opposable doivent ainsi respecter le contrat de telle sorte que les faits des tiers de nature à participer à la violation, par les parties de leurs obligations, engagent la responsabilité du tiers. Un temps, suivant Planiol au début du XXè siècle, on pouvait penser qu’il en résultait une obligation passive universelle, une obligation d’abstention, alors que les principes de la responsabilité civile délictuelle suffisent amplement (431).

234. Opposabilité du contrat aux ayants cause à titre particulier. – La situation est plus complexe face aux ayants cause à titre particulier. Est un ayant cause à titre particulier celui qui recueille d’une personne, qu’on appelle son auteur, un bien déterminé, ce qui est le cas d’un donataire ou d’un acheteur. Par exemple, c’est le cas de l’acheteur d’un bien alors qu’un contrat ayant pour objet ce bien a été conclu par le vendeur. La situation est alors la suivante, A (l’auteur) a conclu un contrat avec B et a

429 Cass. com. 24 févr. 1998, Bull. civ. IV, n°IV, n°111, D. 1999, somm. 13, obs. R. Libchaber. 430 Cf. Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Bull. civ. I, n°246, D. 2001, p. 952, note M. BIlliau et J. Moury. 431 Cf. Cass. civ. 1ère, 26 janv. 1999, Bull. civ. I, n° 32, D. 1999, somm. p. 263, RTD civ. 1999, p. 405, obs. P. Jourdain : « le contractant, victime d’un dommage né de l’inexécution d’un contrat peut demander, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la réparation de ce préjudice au tiers à la faute duquel il estime que le dommage est imputable ».

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vendu le bien avec C, ayant cause à titre particulier et tiers au contrat A-B. La question n’intéresse ici que cette situation particulière dans laquelle contrat conclu a pour objet de bien transmis. S’agissant des contrats n’ayant aucun rapport avec le bien vendu, le contrat conclu par l’auteur est opposable au tiers acquéreur, comme tout contrat, mais pas davantage. En revanche, lorsque le contrat A-B a pour l’objet la chose elle-même (contrat de bail, contrat constitutif d’une servitude, etc.,), la situation du tiers acquéreur est plus difficile à résoudre. L’article 1122 du Code civil ne donne aucune solution précise et il convient dès lors de distinguer en fonction de la nature des contrats. Une première situation concerne les contrats créant des effets réels. Si le vendeur a consenti une servitude de passage ou un usufruit (ou en bénéficie), celle-ci est également subie par l’acquéreur (ou lui profite). D’une façon plus large, la plupart des contrats constitutifs de droit réel font l’objet d’un régime de publicité qui rend l’effet réel de ce contrat opposable aux tiers, via les techniques de la publicité foncière (D. 4 janv. 1955). Plus complexe est l’hypothèse dans laquelle le contrat A-B n’est pas constitutif d’effet réel, mais simplement d’effets personnels, d’obligations. La question se pose alors de savoir si le tiers acquéreur est tenu des droits et obligations contractés par son auteur. La loi règle parfois la question en ce sens, par exemple dans le cas du contrat de bail conclu par le bailleur vendeur (C. civ. art. 1743), rendant l’acquéreur tenu de ces baux, du contrat d’assurance (C. ass., art. L. 121-10) ou encore s’agissant des contrats de travail dans le cas d’un transfert de propriété de l’entreprise qui emploie les salariés (C. trav., art. L. 122-12, al. 2). A l’inverse lorsque la loi ne prévoit rien en revanche, aucune règle n’impose, en principe, la transmission des droits et obligation à l’ayant cause à titre particulier de sorte que le principe est celui de la non transmission des contrats, créances et obligations, à l’ayant cause à titre particulier, principe assorti de tempéraments et il faut bien reconnaître que les solutions dégagées en jurisprudence laissent place à une certaine incertitude, s’agissant des transmissions actives (transmission des créances) et passives (transmission des obligations) (432). La transmission des créances semble plus acceptable lorsque les créances ou les actions en justice entretiennent un rapport étroit avec la chose. Ainsi en est-il de la créance de non concurrence s’agissant d’une clause de non concurrence dont profitait le cédant (433), celle-ci profite à l’acquéreur

432 Cf. O. Deshaye, La transmission de plein droit des obligations à l’ayant cause à titre particulier, LJDJ 2004. 433 Cf. Cass. civ. 1ère, 3 déc. 1996, Bull. civ. I, n°436, RTD civ. 1997, obs. J. Mestre : « la clause de non-concurrence doit être, sauf preuve contraire, présumée comprise parmi les droits transmis par le cessionnaire lorsqu'il vient, à son tour, à procéder à la même opération à l'égard d'un tiers ».

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du fonds de commerce ou de l’entreprise, spécialement lorsqu’il résulte de la clause que celle-ci pouvait ainsi circuler. Ainsi, s’agissant des actions que le vendeur aurait pu engager du fait de désordres subis par le bien, la jurisprudence considère généralement que les actions ne sont pas transmises avec la chose (434), sauf clause expresse en ce sens, et hors solution relevant du régime des actions directes (cf. infra, n°237 s.). La transmission passive en revanche, est en général impossible de sorte que l’acquéreur d’un fonds de commerce n’est pas tenu, sauf clause particulière par l’obligation de non concurrence souscrite par le cédant (435), à moins qu’elle constitue une servitude réelle.

235. Le contrat opposé par les tiers. – La question complémentaire de la précédente, celle de l’opposabilité du contrat par les tiers à l’un ou aux parties contractantes, résulte de la considération du contrat comme un fait juridique pour le tiers (436). Le tiers peut ainsi utiliser le contrat à titre probatoire : l’inexécution du contrat, la violation d’une stipulation contractuelle peut ainsi servir de démonstration de l’existence d’une faute, ou bien du préjudice subi par le tiers (437). Surtout, le tiers peut invoquer le manquement au contrat, comme fait juridique, et donc comme faute délictuelle, si ce manquement est à l’origine du préjudicie qu’il a subi. Un temps, la Cour de cassation était divisée sur ce point. Pour la première chambre civile (438), rejointe par la troisième (439), le seul manquement par le contractant à son obligation était équivalent à une faute à l’égard du tiers sans qu’il soit besoin d’un autre élément ou d’une autre preuve. Mais à l’inverse, la Chambre commerciale (440) considérait que le tiers devait identifier une faute

434 Cf. Cass. civ. 3ème, 4 déc. 2002, JCP 2003, II, 10058, note P. Jourdain, Cass. civ. 3ème, 17 nov. 2004, JCP, éd. N., 2006, 1002, note J.-A. Gravillou, RDC 2005, p. 347, obs. Ph. Brun. 435 Cf. Cass. civ. 1ère, . 9 oct. 1996, Bull. civ. I, n°25; Cass. com. 1er avr. 1997, Bull. civ. V, n°89; Cass. com. 18 juill. 1989, JCP 1989, IV, 357. 436 Cf. Cass. com. 22 oct. 1991, Bull. civ., IV, n°302, D. 1993, p. 181, Note J. Ghestin. 437 Cf. Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n°205, D. 2006, p. 1156, note A. Guégan-Lécyuer, RTD civ. 2005, p. 596, obs. J. Mestre et B. Fages. 438 Cass. civ. 1ère, 15 déc. 1998, Bull. civ. I, n°368, Contrats, conc. Consom., 1999, n°37, obs. L. Leveneur ; Cass. Civ. 1ère, 13 févr. 2001, JCP 2002, II, 10099, note C. Lisanti-Kalzcinski; Cass. civ. 1ère, 23 oct. 2003, Bull. civ. I, n°219, D. 2004, p. 233, note Ph. Delebecque, JCP 2004, II, 10006, note G. Lardeux. V. Cependant, Cass. civ. 1ère, 18 mai 2004, RTD civ. 2004, p. 516, obs. P. Jourdain. Adde : J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479 ; C. Hécart, L’inexécution contractuelle : fait générateur de responsabilité délictuelle envers les tiers, Th. Paris V. 439 Cass. civ. 3ème, 10 janv. 2001, RD immob. 2001, p., 179, obs. Ph. Malinvaud, à propos de l’action du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant. 440 Cass. com. 8 oct. 2002, Resp. civ. et ass. 2003, n°2 ; Cass. com. 5 oct. 2005, Contrats, conc. consom. 2005, n°149, obs. L. Leveneur, RDC 2006, p. 687, obs. D. Mazeaud.

Supprimé: n

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distincte de la mauvaise exécution du contrat, sauf à confondre responsabilité contractuelle, donc effet obligatoire du contrat, et responsabilité délictuelle. Cependant, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a, le 6 octobre 2006, tranché la question en faveur de la position de la première chambre civile : « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (441). Observons, alors, que l’article 1342 de l’avant-projet Catala règle la question de manière un peu différente, précisant que lorsque le tiers invoque une violation contractuelle, il doit alors subir toutes les limites que le contractant aurait pu lui-même subir (clauses limitatives de responsabilité, clause compromissoire), comme dans le cas des actions directes (cf. infra, n°239), mais point s’il peut invoquer une faute délictuelle distincte. Les illustrations de cette situation sont très nombreuses, dans toutes les situations contractuelles où le tiers, éventuellement lié contractuelle à l’un des contractants, est victime de l’inexécution de ce dernier contrat, par exemple dans certaines chaînes de contrats comme dans la situation de la sous-traitance, permettant au maître d’ouvrage d’agir en responsabilité contre le sous-traitant qui a mal exécuté le contrat de sous-traitance conclu avec l’entrepreneur (442). Mais c’est surtout dans les hypothèses dans lesquelles un tiers subit un dommage corporel du fait de l’exécution d’un contrat que la question a connu un large succès. La jurisprudence a en effet identifié une obligation de sécurité (cf. infra, n°262) dont l’inexécution peut profiter aux tiers par l’existence d’une stipulation pour autrui tacite (cf. infra, n°244) ou bien sur le fondement de l’opposabilité du contrat à l’égard des tiers (443).

III. – Les exceptions au principe de l’effet relatif du contrat

236. Présentation. – Nombreuses sont les exceptions au principe de l’effet relatif du contrat, d’une part sen raison des liens toujours plus importants noués entre les contrats d’où apparaît la notion de groupe de

441 Cass. ass. plén. 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. ass. plén. n°9, D. 2006, p. 2825, note G. Viney, JCP 2006, II, 10191, avic. M. Gariazzo, note M. Billiau, JCP 2006, I, 115, n°4, obs. Ph. Stoffel-Munck, RTD civ. 2007, p. 115, obs. J. Mestre et B. Fages, RDC 2007, p. 269, obs. D. Mazeaud, p. 279, S. Carval, p. 379, obs. J.-B. Seube et p. 537, débats. Adde : Ph. Brun, « Feu la relativité de la faute contractuelle », RLDC, janv. 2007, p. 5. 442 Cass. civ. 3ème, 10 janv. 2001, préc. V. aussi Cass. civ. 1ère, 25 nov. 1997, Bull. civ. I, n°321 (responsabilité du mandataire choisi par l’une des parties pour rédiger un acte) ; Cass. civ. 2ème, 21 mai 1997, D. 1999, p. 150, note B. Fages (responsabilité du franchiseur à l’encontre des voisins d’un franchisé). 443 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 févr. 2001, préc. (responsabilité d’un centre de transfusion sanguine du fait de la contamination par le SIDA du fait de la fourniture de sang contaminé).

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contrats (A) mais également en raison d’exceptions particulières posées par la loi, les engagements pour autrui (B) et les obligations obliques et pauliennes (C).

A – Les groupes de contrats

237. Décloisonnement contractuel. – Le mécanisme de l’article 1165 du Code civil fonde une logique de cloisonnement des contrats, particulièrement utile pour l’affirmation de la force obligatoire du contrat et leur distinction, et que le principe complémentaire de l’opposabilité du contrat renforce. Cependant ces deux principes conjugués ne résolvent pas la question posée par les groupes de contrats (444) qu’illustre le cas de la pluralité de contrats conclus par des mêmes contractants (ensembles contractuels) et des chaînes de contrats. Un temps, l’hypothèse des groupes de contrats était de nature à rompre avec le principe de l’effet relatif des contrats de façon à rendre moins autonomes les contrats insérés dans un tel groupe, de telle manière que les effets d’un contrat puissent se propager à d’autres contrats lorsque certaines conditions étaient respectées. Ainsi se dégagent les chaînes de contrats : des suites de contrats unis par un même objet, comme le cas des sous-contrats (contrat de bail et sous-contrat de bail par exemple) et des chaînes de contrats de vente (vente et revente d’une même chose) (445), où la question des liens entre les maillons de la chaînes se pose. Ou des ensembles de contrats unis par un objectif voisin (contrat de vente et contrat de financement de ce bien, contrat de vente et contrat de maintenance, etc.). Vœu doctrinal, la promesse ne fut pas suivi des effets majeurs escomptés sauf dans trois hypothèses, celle des sous-contrats, des actions directes dans les chaînes translatives de contrats et de l’indivisibilité frappant les ensembles contractuels.

238. Chaînes de contrats : les sous-contrats. – Les sous-contrats s’insèrent dans des chaînes de contrats partageant un même objet ou un même ouvrage (446). Une partie conclut un contrat avec une personne qui, à son tour conclu un contrat qui permet l’exécution du premier : un bailleur conclut un bail avec un locataire qui sous-loue tout ou partie de la chose louée, un mandant conclut un mandat avec un mandataire qui fait exécuter tout ou partie de la mission avec un sous-mandataire, un maître d’ouvrage conclut un contrat d’entreprise avec un entrepreneur qui fait exécuter tout ou partie de l’ouvrage avec un sous-traitant, pour envisager les hypothèses les plus usuelles.

444 Cf. B. Teyssié, Les groupes de contrats, LGDJ, 1975, M. Bacache-Gibelli, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 1996. 445 Cf. D. Mainguy, La revente, Litec, 1996. 446 Cf. J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ, 1979.

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La loi envisage parfois la situation. Ainsi le sous-contrat de bail est permis sauf clause contraire (C. civ., art. 1753, permettant au bailleur d’agir en paiement contre le sous-locataire en cas de non paiement par le locataire principal), de même le sous-mandat (Cf. C. civ., art. 1998) que le régime de la sous-traitance est organisé par une loi du 31 décembre 1975 (447), assurant une action directe en paiement par le sous-traitant contre le maître d’ouvrage, en cas de non paiement par l’entrepreneur principal. En principe, contrat principal et sous-contrat sont indépendants, autonomes, de telle manière que les relations entre les membres ultimes (le maître d’ouvrage et le sous-traitant, le bailleur et le sous-locataire) n’existent en principe pas : le premier ne peut agir en exécution contre le dernier et ce dernier en paiement contre le premier, sauf hypothèse envisagée par la loi, comme dans la sous-traitance, le bail, le mandat, notamment.

239. Chaînes de contrats translatifs de propriété : l’action directe. – L’exemple le plus topique, et passablement complexe, des relations entre contractants dans un groupe de contrats repose sur les chaînes de contrats translatives de propriété, les chaînes de vente notamment : un vendeur vend une chose à un revendeur qui la revend à un sous-acquéreur, situation ordinaire de la distribution de marchandises. Le droit français, assez isolé cependant (448), considère que l’action engagée par le sous-acquéreur contre le vendeur initial est de nature nécessairement contractuelle (449), action en garantie des vices cachés ou en responsabilité du fait d’une délivrance non conforme par exemple (450). L’importance de cette action doit être soulignée : en principe, le sous-acquéreur n’a aucun lien avec le vendeur initial, de telle sorte que la seule action possible est, en principe, une action en responsabilité délictuelle.

447 D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 6e éd., 2008, n°445s. 448 Cf. pour l’application des règles communautaires de conflit de juridictions : CJCE, 17 juin 1992 (Jacob Handte) : JCP G 1992, II, 21927, note Ch. Larroumet ; JCP E 1992, II, 363, note P. Jourdain et I, 199, obs. J. Raynard ; Rev. crit. DIP 1992, p. 730, note H. Gaudemet-Tallon ; RTD eur. 1992, p. 709, note P. de Vareilles-Sommieres ; JCP G 1993, I, 3664, obs. G. Viney et 3666, note M.-C. Boutard-Labarde ; D. 1993, somm. p. 214, obs. J. Kullman ; RTD civ. 1993, p. 173, obs. P. Jourdain ; Pour l’application de convention de Vienne : Cass. civ. 1re, 5 janvier 1999 (Thermo King) : D. 1999. 383, note. Cl. Witz ; Rev. crit. DIP 1999, p. 519, note V. Heuzé; JCP G 2000, I, 199, n° 7, obs. G. Viney ; JCP E 1999, p. 962, note L. Leveneur; RTD civ. 1999, p. 502, obs. J. Raynard. 449 Cass. civ., 1ère, 9 oct. 1979, Bull. civ. I, n° 241, p. 192 ; D. 1980, IR, p. 222, obs. Ch. Larroumet, RTD civ. 1980, p. 352, obs. G. Durry. 450 C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, C. Lisanti-Kalszynski, « L’action directe dans les chaînes de contrats ? Plus de dix ans après l’arrêt Besse », JCP 2003, I, 102, D. Mainguy, « L’actualité des actions directes dans les chaînes de contrats », Mélanges J. Béguin, 2005, p. 449 ; P. Puig, « Faut-il supprimer l’action directe dans les chaînes de contrats ? », Mélanges J. Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p.913.

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La solution se justifiait par la transmission de la chose (451). Le mécanisme fonctionne donc dans des chaînes de ventes et, plus largement, dans des chaînes translatives de propriété, et même acquisitives de propriété (vente = contrat d’entreprise avec fourniture de matière, comme l’action du propriétaire d’un immeuble qui agit contre le fournisseur de matériaux que son contractant entrepreneur a acquis). Mais la question s’était posée de savoir si, au-delà des contrats emportant transfert de propriété, une telle action directe contractuelle s’imposait, dans une querelle interne à la Cour de cassation qu’avait tranché l’arrêt Besse du 12 juillet 1991 (452) pour n’admettre ce type d’action contractuelle que dans les chaînes acquisitives de propriété (453). Chance ou piège ? L’action directe a longtemps été promue comme une chance pour le sous-acquéreur qui pouvait « remonter » la chaîne des ventes, alors qu’une action « délictuelle » l’aurait également permis (454), jusqu’à ce que la jurisprudence, tirant logiquement les conséquences du mécanisme considère que le vendeur initial pouvait opposer au sous-acquéreur, même consommateur, les clauses limitatives de responsabilité ou de garantie (455) ou compromissoire (456). Explication difficile du mécanisme : une telle chaîne de contrats emporte-t-elle transmission des actions comme accessoire de la chose vendue ; est-ce en raison du phénomène du transfert de propriété que l’exception au principe de relativité du contrat est ainsi tolérée, est-ce une application de l’équité ? Explication difficile comme chaque fois qu’on tente de justifier un mécanisme purement prétorien avec des outils du Code civil.

240. Les ensembles de contrats : l’indivisibilité contractuelle. – Les groupes de contrats peuvent également s’illustrer à travers la figure

451 Cass. ass plén., 7 fév. 1986, D. 1986, 293, note A. Bénabent ; JCP 1986, II, 20616, note Ph. Malinvaud ; RTD civ., 1986, 364, obs. J. Huet, 595, obs. J. Mestre, 605, obs. Ph. Rémy¸ Gaz. Pal. 1986, 2, jur., p. 543, note J.-M. Berly , RD imm. 1986, p. 210, note Ph. Malinvaud et B. Boubli ; Grands arrêts, t. II, n°252, p. 495 : « le maître de l’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; il dispose donc à cet effet contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ». 452 Cf. Cass. ass. plén. 12 juill. 1991, D. 1991, p. 549, JCP 1991, II, 21743, note G. Viney, RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain. 453 Sur leur détermination D. Mainguy, « L’actualité des actions directes dans les chaînes de contrats », art. cit.; P. Puig, « Faut-il supprimer l’action directe dans les chaînes de contrats ? », art. cit. 454 Cf. C. Jamin, La notion d'action directe, LGDJ, 1991 ; « La restauration de l'effet relatif du contrat », D. 1991. Chr. 157. 455 Cass. civ. 1ère, 7 juin 1995, D. 1996, p. 395, note D. Mazeaud, D. 1996, somm., p. 14, obs. O. Tournafond, Contr. conc. consom. 1995, n° 159, obs. L. Leveneur. Comp. Cass. com. 22 mai 2002, Bull. civ. IV, n°89. 456 Cass. civ. 1ère, 6 février 2001, Bull. civ. I, n°22, JCP, éd. E, p.1238, note D. Mainguy et J.-B. Seube, D. 2001, somm. 1135, obs. Ph. Delebecque, Defrénois, 2001, p. 708, obs. R. Libchaber, Contr. conc. consom. 2001, n°82.

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contractuelle des ensembles de contrats, composés de contrats différents mais poursuivant un même objectif économique : un contrat de vente de matériel acquis par A avec un vendeur B, accompagné d’un contrat de vente de marchandises avec un fournisseur C, un contrat de financement du tout avec un contractant D, etc.. Le problème qui se pose ici est celui de savoir si le sort de l’un de ces contrats aura une incidence sur celui des autres (457). L’application du principe de l’article 1165 du Code voudrait, là encore, que chaque contrat soit autonome de telle manière que la rupture, quelle qu’en soit la cause, de l’un soit ignorée des autres. L’avancée jurisprudentielle et doctrinale fut de reconnaître un lien d’indivisibilité entre les contrats faisant partie d’un tel ensemble, de telle sorte que le sort de l’un a un effet sur les autres : l’annulation ou la résolution de l’un des contrats emporte la résiliation voire la caducité de ou des autres (458), voire permettant aux effets d’un contrat, comme une clause compromissoire, de se communiquer aux autres (459). Ici encore, l’explication est difficile à trouver, hormis les hypothèses prévues par la loi (Cf. C. consom., art. L. 311-21), tant le mécanisme est original, au regard de la notion de cause (chaque contrat sert-il de cause aux autres) mais aussi de l’économie du contrat (460). L’avant projet de loi prévoit un régime particulier pour les « contrats interdépendants » (art. 1172 à 1172-3) assurant que les clauses d’un contrat puissent produire effet sur les contrats interdépendants dès lors que les autres contractants ont pu en avoir connaissance et qu’elles n’aient pas formulé de réserves (461).

B. – Les engagements pour autrui

241. Prohibition de principe. – l’engagement pour autrui est, en principe, prohibé : « on ne peut en général s’engager ni stipuler en son propre nom que pour soi-même », héritage de la règle « Alteri stipulari nemo potest » professe de manière apparemment évidente l’article 1119 du Code civil, sous deux réserves cependant, celle de la promesse de porte et surtout du mécanisme de la stipulation pour autrui.

1 – La promesse de porte-fort

457 Cf. J.-B. Seube, L’indivisibilité et les actes juridiques, Litec, 1999. 458 Cf. Cass. civ. 1ère, 1er juill. 1997, Bull. civ. I, n°224, D. 1998, somm. 110, obs. D. Mazeaud ; Cass. civ. 1ère, 4 avr. 2006, RDC 2006, p. 700, obs. D. Mazeaud. 459 Cf. Cass. civ. 1ère, 30 mars 2004, Bull. civ., I, n°95. 460 Cf. Cass. com. 15 févr. 2000, Bull. civ. IV, n°29, JCP 2000, I, 272, obs. A. Constantin, D. 2000, somm. p. 364, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 2000, p. 325, obs. J. Mestre et B. Fages, utilisant la notion d’économie du contrat pour évincer une clause de divisibilité dans un ensemble indivisible. 461 D. Arteil, « L’effet des conventions à l’égard des tiers dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations », LPA 15 nov. 2006, n°228, p. 11.

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242. Définition de la promesse de porte-fort. – La première exception à la prohibition de la promesse pour autrui est la promesse de porte fort, dont la définition nous est confiée par l’article 1120 du Code civil : « Néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement » (462). C’est un contrat créant à la charge d'une personne, appelée « promettant », l'obligation de faire son possible pour obtenir au profit d'une autre personne, appelée « bénéficiaire », l'engagement d'une tierce personne (livrer quelque chose, payer le prix de vente, par exemple). Le contrat de porte-fort ne constitue qu'une exception apparente au principe de l'article 1165 du Code civil car la promesse de porte-fort n'est pas véritablement une promesse pour autrui mais un engagement personnel du porte-fort : le contrat de porte-fort n'engage pas autrui; il engage seulement le porte-fort à faire son possible pour amener un tiers, demeuré libre, de traiter avec le bénéficiaire et, en cas d'échec, à verser à ce dernier une certaine somme. Par exemple, le dirigeant d’une société envisage de conclure un contrat avec un tiers qui dépasse les pouvoirs que lui confient les statuts et se porte-fort d’obtenir la ratification de ce contrat par la société, ou bien une personne, une société mère par exemple, se porte-fort au profit du contractant d’un de ses filiales que cette dernière exécutera son engagement (463). On peut alors distinguer ces deux formes de porte-fort, porte-fort de ratification, qui participe à un processus de formation d’un contrat, et porte-fort d’exécution. Elle peut également utilement servir d'instrument de garantie (464) ; c’est même un engagement personnel autonome (465) du moins curieusement lorsqu’il s’agit d’une promesse de porte de ratification, mais point lorsqu’il s’agit

462 Cf. S. Véricel, « Désuétude ou actualité de la promesse de porte-fort ? », D. 1988, chr., p. 123 ; A. Jonville, « Pratique de la promesse de porte-fort », Dr. & patr. 1998, n°57, p. 28. 463 Cass. civ. 1ère, 26 nov. 1975, D. 1976, p. 353, note C. Larroumet, JCP éd. G 1976, II 18500, note F. Monéger, RTD civ. 1976, p. 117, obs. Y. Loussouarn s’agissant d’un tuteur concluant une promesse de porte-fort pour son pupille ; Cass. civ. 3ème, 20 déc. 1971, Bull. civ. III, n°653, à propos de la vente d'un bien en indivision par un indivisaire porte-fort de la ratification par les autres ; Cass. civ. 1ère, 22 avr. 1986, Bull. civ. I, n°99, RTD civ. 1987, p. 305, obs. J. Mestre, à propos de la souscription d'engagements par les futurs associés d'une société avant la période de constitution, c'est-à-dire avant que les dispositions de l'article 1843 du Code civil ne jouent à propos des actes accomplis pendant la période de formation, après la constitution. Adde G. Tillement, « Promesse de porte-fort et droit des sociétés », Rev. soc. 1993, p. 50. 464 Ph. Simler, « Les solutions de substitution au cautionnement », JCP éd. G 1990, I, 3427 ; « Peut-on substituer la promesse de porte-fort à certaines lettres d'intention, comme technique de garantie ? », RD bancaire et bourse 1997, p. 223. 465 Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, Bull. civ. I, n°43, Contrats, conc. consom. 2005, n°81, obs. L. Leveneur, RTD civ. 2005, p. 391, obs. J. Mestre et B. Fages.

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d’une promesse d’exécution (466). Toutes les applications ne sont cependant pas valables. Ainsi, la promesse de porte-fort ne saurait constituer un moyen de détourner des règles impératives (467).

243. Effets de la promesse de porte-fort. – La promesse de porte-fort oblige le porte-fort à obtenir l'engagement du tiers : c'est une véritable obligation de résultat. Si le tiers s'engage effectivement, s’il ratifie donc, le porte-fort sera libéré et il le sera à l'instant de cet engagement : peu importe que le tiers n'exécute pas ensuite l'obligation car il n'est pas la caution de ce tiers (468), à moins que le contrat de porte-fort n'ait prévu que le porte-fort promettait l'exécution correcte de l'obligation (469). Si, au contraire, le tiers ne ratifie pas l'engagement objet de la promesse de porte-fort, le porte-fort n'a pas exécuté sa propre obligation, à savoir obtenir du tiers cette ratification, et il doit une indemnité au sens de l'article 1120 du Code civil, c'est-à-dire des dommages et intérêts, qui peut être fixée par la promesse. Le tiers, en revanche, n'est pas lié par la promesse de porte-fort, de sorte que celle-ci ne constitue pas véritablement une exception, ni au principe de l'article 1165 du Code civil, ni à celui de l'article 1119 du même code : le porte-fort ne s'est engagé que pour lui-même. Le tiers est toujours libre de ne pas ratifier. La ratification par le tiers peut être tacite ou expresse. Elle a pour effet de l'engager avec le bénéficiaire, puisque tel était l'objet de la promesse de porte-fort. Cette ratification a pour effet de faire disparaître le porte-fort du champ contractuel. Corrélativement, la ratification a comme conséquence d'engager rétroactivement le tiers au jour de la date de

466 Cf. Cass. com. 13 déc. 2005, Bull. civ. IV., n°256, Defrénois, 2006, p. 414, obs. E. Savaux, JCP 2006, II, 10021, note Ph. Simler, RTD civ. 2006, p. 305, obs. J. Mestre et B. Fages : « Attendu que celui qui se porte fort pour un tiers en promettant la ratification par ce dernier d'un engagement est tenu d'une obligation autonome dont il se trouve déchargé dès la ratification par le tiers, tandis que celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même ». 467 Ainsi, à propos des règles de congestion du logement familial (C. civ., art. 215, al. 3) : Cass. civ. 1ère, 11 oct. 1989, JCP éd. G 1990, II, 21549, note M. Henry, D. 1990, p. 310, note R. Le Guidec, RTD civ. 1991, p. 387, obs. B. Vareille. Mais aussi Cass. civ. 1ère, 15 juill. 1993, Bull. civ. I, n°255, JCP éd. G 1994, I, 3733, obs. Simler Ph., nullité de la promesse de porte-fort relative à la cession d'un fonds de commerce commun ; mais inversement Cass. com., 1er oct. 1996, JCP éd. G 1998, I, n°135, obs. Ph. Simler, RTD civ. 1997, p. 989, obs. B. Vareille. Ou encore, s’agissant d’une convention ayant pour objet d'entraver la révocation ad nutum du directeur général d'une société anonyme : Cass. com., 4 juin 1996, Bull. civ. IV, n°162. 468 Cf. Cass. com. 13 déc. 2005, Bull. civ. IV, n°256. 469 Cf. Cass. civ. 1ère, 18 avr. 2000, Bull. civ. I, n°115, JCP éd. E, 2000, 50, p. 2005, note G. Virassamy, RTD civ. 2000, p. 832, obs. J. Mestre et B. Fages, à propos d’une promesse de contrat de travail dans une cession de parts sociales.

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conclusion du contrat de porte-fort. Par ailleurs, étant un acte unilatéral, la ratification n'exige pas le concours du bénéficiaire. A l'inverse, la non ratification par le tiers n'est pas non plus sans effet car le contrat promis par le porte-fort au contractant est condamné à l'inexistence.

2.– La stipulation pour autrui

244. Définition. – Le mécanisme de la stipulation pour autrui est une figure contractuelle encore plus originale, une opération à trois personnes. L'article 1165 du Code civil réserve expressément l'exception de l'article 1121 relatif à la stipulation pour autrui, laquelle est également une exception à l’article 1119 du Code civil et qui dispose que : « On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre ». C'est la seule disposition que le Code civil a réservée à cette institution très ancienne, dans des conditions au départ extrêmement limitées (condition d’un contrat pour soi et pour un tiers, ou donation avec charge) et que la jurisprudence et des lois postérieures ont ensuite élargies pour intégrer d’autres mécanismes et, notamment, le contrat d’assurance. On peut définir la stipulation pour autrui comme le contrat conclu entre une personne, le stipulant, et une autre personne, le promettant, obligeant celle-ci au profit d'une troisième personne, le tiers bénéficiaire, qui bénéficiera d’un droit direct sur le promettant. L’exemple type est fourni par le mécanisme de l'assurance, l’assurance-décès par exemple : contrat conclu entre un stipulant, l'assuré, et un promettant, l'assureur, obligeant celui-ci à verser, au jour du décès, un capital à un tiers bénéficiaire (470) mais aussi par l'assurance-responsabilité, par lequel un stipulant conclu un contrat un promettant au profit de n’importe quel bénéficiaire, qui aurait à souffrir d’un préjudice causé par l’assuré. De même observe-t-on ce mécanisme dans le contrat de transport, pendant longtemps pour expliquer le rôle du destinataire, tiers au contrat (471), jusqu’à ce que la loi en fasse une partie au contrat (Cf. C. com., art. L. 132-8). Surtout, par des décisions célèbres, la jurisprudence a déniché dans le contrat de transport de personnes une stipulation pour autrui tacite stipulée par le voyageur avec le transporteur au profit de ses proches pour le cas où le transporteur manquerait à son obligation de résultat de le conduire sain et sauf à destination, de façon à justifier une action en responsabilité contractuelle contre le transporteur fondée sur la

470 Cass. civ., 16 janv. 1888, Grands arrêts, n°169. 471 Mais V. J.-P.Tosi, « L'adhésion du destinataire au contrat de transport », Mél. Mouly Ch., t. II, Litec, 1998, p. 175.

Supprimé: C.civ.

Supprimé: du Code civil

Supprimé: qui

Supprimé: -

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méconnaissance d’une obligation de sécurité (472) solutions aujourd'hui obsolètes eu égard à l'évolution de la responsabilité dans le transport maritime et aérien. Le mécanisme se justifiait en un temps où les mécanismes de responsabilité étaient sans doute moins aboutis : la jurisprudence le maintient parfois quoique avec moins de générosité (473).

245. Conditions de la stipulation pour autrui. – La stipulation pour autrui repose sur un contrat conclu entre deux personnes, le stipulant et le promettant et les conditions de validité de ce contrat sont les mêmes que pour tout contrat, hormis la question de volonté de stipuler, s’agissant des stipulations pour autrui tacite. La place du tiers bénéficiaire se situe au moment de l’exécution de la stipulation pour autrui. Par conséquent, l’acceptation de la stipulation pour autrui par le bénéficiaire n’est pas une condition de validité ou d’efficacité du mécanisme. Il doit s'agir d'une personne sinon déterminée à la conclusion du contrat du moins déterminable à son exécution, comme dans les assurances de responsabilité. Il peut s'agir du stipulant lui-même, d'une personne future, à condition qu'elle soit certaine; le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui doit être une personne née, du moins conçue (Cf. C.civ. art.906). Une exception a, cependant, été prévue pour l'assurance-décès par l'article L.132-8 du Code des assurances mais qui peut sans doute être élargie à l’ensemble des autres hypothèses de stipulations pour autrui. S’agissant de l'opération, la stipulation ne peut faire naître en principe qu’un droit au profit du tiers, et point une dette. Or, quelques décisions ont paru admettre l’existence de stipulation pour autrui avec charge voire d’une stipulation de contrat pour autrui (474)

472 Cass. civ., 6 déc. 1932 et 24 mai 1933, D. 1933, 1, p. 137, note L. Josserand, S. 1934, 1, p. 81, note P. Esmein, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. II, n°263 et 265 ; Cass. com., 19 juin 1951, D. 1951, 717, note G. Ripert, JCP éd. G 1951, II, 6426, note E. Becqué, S. 1952, 1, p. 89, note R. Nerson ; Cass. civ., 23 janv. 1959, D. 1959, p. 281, note R. Rodière ; Cass. civ. 2ème, 23 janv. 1959, JCP éd. G 1959, II, 11002, note M. de Juglart, D. 1959, p. 101, note R. Savatier, où les proches, bénéficiaires d'une telle stipulation pour autrui tacite ne l'acceptèrent pas, évitant ainsi la clause de non-responsabilité que le contrat comportait, préférant une action délictuelle fondée sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. 473 Cf. Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, Bull. civ. I, n°219, D. 2004, p. 233, obs. Ph. Delebecque, stipulation rejetée dans un contrat d’agence de voyages au profit des victims par ricochet. 474 Cass. civ. 1ère, 21 nov. 1978, Bull. civ. I, n°356, D. 1980.309, note D. Carreau, JCP 1980, II, 19315, note R. Rodière ; Cass. civ. 1ère, 8 déc. 1987, Bull. civ. I, n° 343, RTD civ. 1988.532, obs. J. Mestre : « la stipulation pour autrui n'exclut pas, dans le cas d'acceptation par le bénéficiaire, qu'il soit tenu de certaines obligations ». Adde G. Vénandet, « La stipulation pour autrui avec obligation acceptée par le tiers bénéficiaire », JCP éd. G 1989, I, 3391 ; D. R. Martin, « La stipulation de contrat pour autrui », D. 1994,

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246. Effets de la stipulation pour autrui. – Dans les rapports entre le stipulant et le promettant, la relation contractuelle est ordinaire : les parties doivent exécuter leurs obligations. La seule difficulté repose sur la sanction du comportement du promettant qui n'exécuterait pas son engagement à l'égard du bénéficiaire : le stipulant peut-il demander lui-même l'exécution du contrat ? A cette question, la jurisprudence apporte une réponse positive. Si le tiers bénéficiaire d'une stipulation pour autrui acquiert contre le promettant un droit propre et direct, le stipulant n'en possède pas moins une action en exécution de la promesse souscrite pour le débiteur (475). Dans les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire, la stipulation pour autrui crée un droit direct et de nature contractuelle contre le promettant. Il peut donc agir contre le promettant pour obtenir l’exécution de la promesse. Ce droit naît le jour de la conclusion du contrat (ou au jour de la détermination de la personne du bénéficiaire) peu importe qu’il ait accepté ou non la stipulation. Le promettant peut opposer au bénéficiaire des exceptions résultant du rapport qu'il entretient avec le stipulant : inexécution de ses obligations (comme le non-paiement d'une prime d'assurance), nullité du contrat, exception de compensation, même lorsque le tiers a accepté la stipulation pour autrui consentie en sa faveur (476). C’est un droit de créance personnel et direct contre le promettant. Ce droit lui appartient en propre et ne passe pas par le patrimoine du stipulant. Au décès de ce stipulant, le bénéficiaire de l'assurance-décès n'aura pas, par conséquent, à subir le concours des créanciers personnels du de cujus. Dans les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire, les relations peuvent être fragiles. La stipulation peut en effet être révoquée par le stipulant (comp. C. ass., art. L.132-9) ce qui entraîne la disparition du droit du tiers bénéficiaire. Cette faculté de révocation est cependant paralysée par l’acceptation de la stipulation par le bénéficiaire qui vient ainsi consolider l'opération car elle rend la stipulation irrévocable. L'acceptation a un effet rétroactif : elle fait courir le droit du bénéficiaire du jour de la conclusion du contrat passé entre le stipulant et le promettant.

SECTION 3. – LA CIRCULATION DU CONTRAT

chr., p. 145. Et depuis : Cass. civ. 1ère, 14 déc. 1999, Bull. civ. I, n°341, RJDA 2000, n°501. 475 Cf. Cass. civ. 12 juill. 1956, D. 1956, p. 749, note R. Radouant (action en exécution) ; Cass. civ. 1ère, 7 juin 1989, Bull. civ. I, n°233 (action en responsabilité contractuelle) ; Cass. civ. 1ère, 14 déc. 1999, Bull. civ. I, n°341 (action en garantie). 476 Cass. civ. 1ère, 29 nov. 1994, Bull. civ. I, n°353, Defrénois 1995, p. 1405, note Ph. Delebecque, RTD civ. 1995, p. 622, obs. J. Mestre.

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247. Lien et bien contractuel. – Le contrat est un lien entre personnes, mais est aussi une valeur, un bien susceptible d’échange, de circulation, pour employer un terme devenu classique (477). Nous avons déjà, à travers certaines question touchant à l’effet relatif du contrat, rencontré quelques uns des aspects touchant à la conclusion d’un sous contrat ou bien encore de la reconnaissance des actions directes dans les contrats, de la stipulation pour autrui, autant d’exemple des effets du contrat au-delà des contractants. De même, le régime des obligations montre bien des situations de circulation des obligations, cession de créance, subrogation, délégation de créance notamment (cf. infra, n°474).

248. Cession de contrat. – Autre cependant est la question de cession du contrat (478) formule par laquelle une partie à un contrat déjà conclu le contrat ou plus exactement sa position contractuelle, celle de bailleur, de locataire, de franchisé, de mandataire, etc. L’opération met alors en scène trois personnes, le cédant, qui sort en principe de l’opération, le cessionnaire qui deviendra le nouveau contractant et le cédé, qui demeure. On peut s’entendre sur les termes utilisés : cession, cédant, etc., il s’agirait donc d’un contrat de vente ayant pour objet un contrat. Par exemple un concessionnaire cède sa qualité de distributeur à un nouveau contractant, un nouveau concessionnaire. S’agit-il réellement d’une « cession » de contrat ? Autant ce vocabulaire et les notions qu’il véhicule sont applicables à la cession de créance (cf. infra, n°475), autant cela devient difficile pour un contrat, ensemble complexe d’effets juridiques, dont des obligations. S’agit-il d’un changement de contractant (479) ou d’une substitution de contractant (480) ou d’une cession de position contractuelle (481) ? Intuitivement, la logique de la substitution de contactant semble la plus proche de la réalité pratique, mais le terme de substitution de personne renvoie à des logiques plus larges, de sorte que les termes « cession de contrat » semblent faire l’unanimité, même si nous admettrons que se cache derrière ces termes une logique de changement conventionnel, voire légal ou judiciaire, de contractant.

249. Obstacles substantiels à la reconnaissance de l’opération de cession de contrat. – Le Code civil ignore cette question de manière

477 Comp. M.-L. Izorche, Circulation du contrat, J.-Cl. Contrats-distribution, fasc. 160. 478 Cf. L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica, 1984., 479 Cf. D. R. Martin, « Du changement de contractant », D. 2001, Chr. P. 3144. 480 E. Jeuland, Essai sur la substitution de personne dans un rapport d'obligation, LGDJ, 1999 ; « Proposition de distinction entre la cession de contrat et la substitution de personne », D. 1998, Chron. p. 356. 481 L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, op. cit. ; I. Najjar, « Clause de substitution et « position contractuelle », D. 2000, Chr. p. 635.

Supprimé: moins

Supprimé: , que

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générale mais l’illustre par bien des situations particulières. Ainsi la loi interdit-elle parfois la cession de contrat sauf exceptions (Cf. C. rur., art. L. 411-35 à propos de la cession d’un bail rural ; L. 6 juill. 1989, art. 8, s’agissant de la cession d’un bail d’habitation) ou au contraire l’autorise (C. civ., art. 1717, à propos du droit commun du bail) voire l’impose (Cf. not. C. civ., art. 1743, cession de la position de bailleur avec la cession du bien loué, C. com., art. L. 145-16, cession de bail commercial accompagnant la cession d’un fonds de commerce, C. trav., art. L. 1224-1, transmission des contrats de travail avec l’entreprise, etc.). Il est évident qu’en pratique, les domaines éminents dans lesquels la cession de contrat prend tout son intérêt ne concernent pas ces hypothèses mais celles des cessions de contrat de longue durée, des contrats d’affaires. Toutefois, la doctrine, lorsqu’elle commença à s’intéresser à cette question s’en remit aux concepts connus du Code civil, cession de créance, stipulation pour autrui ou délégation de créance, refusant ce faisant de reconnaître l’originalité de la cession de contrat. Elle considérait alors le contrat comme un ensemble de créance et de dette, de telle manière que la prétendue cession de contrat révélait une addition d’une cession de créances, et d’une cession de dette, cette dernière étant impossible en droit français sauf à passer par le mécanisme de la délégation de créance (482). Depuis Laurent Aynès, la conception contemporaine tend à se dissocier de cette considération pour reconnaître le caractère original de la « cession de contrat » révélée alors comme une cession de position contractuelle ou en une substitution conventionnelle de contractant. Même ainsi cependant, la doctrine opposée à la reconnaissance de l’opération considère, par une conception très subjective du contrat, d’une part que la volonté sert à former le contrat de sorte qu’une partie ne saurait le défaire seule, ce que suppose l’accord du cédé. Dès lors, si le cédé ne donne pas son accord, la cession lui est inopposable, et s’il donne son accord, un nouveau contrat se forme entre le cédé et le cessionnaire : il n’y a donc pas de cession conventionnelle de contrat (483). A l’inverse, les auteurs favorables à cette reconnaissance se fondent sur une conception objective du contrat, le contrat est un bien, susceptible de circulation sans heurter les principes posés par l’article 1134 et 1165 du Code civil : le contrat, bien, peut être cédé comme n’importe quel élément du patrimoine d’une personne et le cessionnaire devient partie au contrat (484).

482 Pour cette conception et la bibliographie : J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, LGDJ, 3ème éd. 2001. 483 J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, op. cit., n° 689. C Larroumet, Les opérations juridiques à trois personnes, Th. Paris II, 1978. 484 Cf. L. Aynès, La cession de contrat et les operations juridiques à trois personnes, op. cit.

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A bien des égards, la pratique contractuelle a tranché validant l’opération de cession de contrat, comme alternative ou comme complément d’une cession de fonds de commerce (le fonds de commerce ne comprend pas les contrats sauf exceptions, sa cession emporte abandon des contrats, sauf à assurer leur cession), mais aussi dans le cadre d’opérations sociétaires, comme des fusion, apports partiels d’actif, cession d’une branche d’activité, scission, etc. par exemple, les actionnaires d’une société franchisée décident de fusionner avec une autre société ou bien cèdent les titres à une autre société, etc. Dès lors la reconnaissance juridique de l’opération permet de les valider pleinement et de leur conférer un régime juridique. Mieux, cette reconnaissance valorise juridiquement les contrats, notamment les contrats d’affaires, qui font déjà l’objet d’une reconnaissance comptable et fiscale : la cessibilité des contrats leur assure une certaine perpétuation. 250. Conditions de la cession de contrat. – Les conditions de l’efficacité de la cession de contrat ont été concentrées sur la question du consentement du cédé. Les auteurs défavorables à la cession de contrat considéraient que l’accord du cédé est une condition de validité de l’opération tandis que ceux qui sont favorables à la cession de contrat considéraient que cet accord n’était ni requis ni utile. Une autre manière de présenter le débat repose sur les qualités du contrat, selon qu’il est conclu intuitu personae ou non (cf. supra, n°53) et donc sur le point de savoir si, par nature et en l’absence de toute clause ou situation particulière le contrat présente ou non un intuitu personae. Face à contrat conclu intuitu personae l’accord du cédé s’impose puisque la personne du contractant devient un des éléments fondant l’accord des parties, alors qu’en son absence, le contrat, anonyme, serait librement cessible. A bien des égards, la question n’est pas tranchée en jurisprudence. L’arrêt de principe est en effet un arrêt du 6 mai 1997 (485) qui, dans une telle opération indiquait que le consentement du cédé devait être recherché que chaque auteur avait considéré comme validant sa propre analyse, dans la mesure où on pouvait y déceler la validation de la conception selon laquelle le consentement préalable du cédé s’impose mais aussi comme la reconnaissance de la validité du consentement préalable donné dans une clause par le cédé, et alors qu’un arrêt du 12 décembre 2001 empruntait les conditions de l’article 1275 du Code civil, soit de la

485 Cf. Cass. Com. 6 mai 1997, Bull. civ. IV, n°117, D. 1997, p. 588, note M. Billieu et Ch. Jamin, Contrats, conc. consom., 1997, n°146, obs. L. Leveneur, Defrénois 1997, p. 977, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 1997, p. 936, obs. J. Mestre. Adde L. Aynès, « Cession de contrat : nouvelles precisions sur le rôle du cédé », D. 1998, Chr. p. 25, C. Larroumet, « La cession de contrat : une régression du droit français ? », Mélanges M. Cabrillac, 1999, p.151.

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délégation de créance imposant le consentement du délégataire (l’équivalent du cédé) pour valider l’opération (486). Malgré ce dernier arrêt, bien d’autres semblent valider l’opération de cession de contrat, même lorsque ce dernier est conclu intuitu personae (487). Pour résumer, une première conception, très restrictive, considère que la cession de contrat suppose pour sa validité même, l’accord du cédé. Une deuxième conception admet la validité de l’opération, même en présence d’un contrat conclu intuitu personae, cette dernière hypothèse supposant l’accord du cédé, par une clause le validant ou au moment de l’opération. Dès lors, le cédé disposerait de la possibilité de rompre le contrat si son accord n’a pas été requis et que le cessionnaire ne lui convient pas voire d’un droit d’agrément, même en l’absence de clause, susceptible de contrôle (488). De manière voisine, bien des opérations de circulation, directe ou indirecte, d’un contrat, se produisent sans cession, comme c’est le cas des opérations de fusion, de restructuration d’une société contractante plus exactement (489), ou d’une opération de cession de contrôle d’une société. La question de la transmission du contrat en cas de fusion de sociétés pose difficultés : la fusion de sociétés est une opération par laquelle une société absorbe une autre société qui est alors dissoute, ou bien dans la laquelle deux sociétés sont absorbées par une société nouvelle créée à ce effet. Il s’agit essentiellement d’une opération qui a des incidences sociétaires, sociales, fiscales. Les règles du droit des sociétés disposent que fusion emporte dissolution de la société absorbée et transmission universelle de son patrimoine dans celui de la société bénéficiaire (C. com. art. L. 236-3). La société recueille ainsi l’actif et le passif de la société, sur le modèle du décès d’un contractant : le principe est donc la transmission du contrat à la société bénéficiaire sauf clause à

486 Cass. Civ. 3ème, 12 déc. 2001, D. 2002, p. 984, note M. Billau et Ch. Jamin. Adde. C. Larroumet, « La descente aux enfers de la cession de contrat », D. 2002, Chr. P. 1555. 487 Cf. Cass. com. 7 janv. 1992, Bull. civ. IV, N°3, D. 1992, somm. 278, obs. L. AYnès, RTD civ. 1992, p. 762, obs. J. Mestre : « le fait qu’un contrat ait été conclu en considération de la personne du cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient trnasférés à un tiers, dès lors que l’autre partie y a consenti », Cass. civ. 1ère, 6 juin 2000, D. 2001, p. 1345, note D. Krajesji, RTD civ. 2000, p. 571, obs. J. Mestre et B. Fages, à propos de la cession d’une convention d’honoraires, contrat éminemment intuitu personae. 488 Cf. Cass. com. 3 nov. 2004, JCP éd. E, 1177, n°1, obs. D. Mainguy, RDC 2005, p. 1130, obs. M. Béhar-Touchais : « le contrat de concession exclusive a été résilié et (…) les relations entre les parties ont repris peu de temps après par un contrat verbal, l’arrêt détermine souverainement le contenu du nouveau contrat en retenant qu’il stipule l’impossibilité de céder le contrat sans accord préalable du concédant, dont le droit d’agrément est limité par l’abus » 489 Cf. C. Prieto, La société contractante, PUAM, 1994, « Evénements affectant la personne de la société contractante », in J. Mestre (dir.), La cessation des relations contractuelles d'affaires, PUAM, 1997, p. 81.

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cet effet. Toutefois le décès d’un contractant emporte parfois rupture du contrat notamment s’agissant des contrats conclus intuitu personae et la jurisprudence reprend cette solution en matière de fusion de sociétés (490). 251. Clauses relatives à la circulation du contrat. – Face à ces incertitudes, l’idéal consiste à opter pour une clause délimitant clairement les conditions et les effets d’une telle circulation (491). Cela passe généralement par une clause d’intuitus personae utile pour préciser le domaine de l’intuitus personae que les parties ont identifié, mais bien insuffisante pour conférer un régime à l’éventuelle cession de contrat. Il peut s’agir d’interdire toute circulation, à travers des clauses d’incessibilité, que ce soit la cession proprement dite mais également les opérations produisant un résultat voisin, comme les opérations sociétaires, ce qui suppose de renforcer l’intuitus personae du contrat au associés de la personne morale contractante. Il peut s’agir à l’inverse de favoriser la circulation du contrat, par exemple face à une licence de marque, de brevet ou de logiciel consentie à un groupe de sociétés (492). De façon médiane cependant et plus couramment, les clauses en la matière assurent un contrôle de la circulation via des clauses d’agrément, sur le modèle des formules rencontrées très ordinairement dans les contrats de bail commercial. Celles-ci supposent, avec une grande variété de stipulations, que la circulation recueille l’avis du cédé. Il est remarquable, alors, qu’un tel agrément soit, d’une part, proposé même en l’absence de clause (493) mais surtout que sa mise en œuvre est contrôlée de telle manière que le non agrément établi de mauvaise foi soit sanctionné au nom de l’abus du droit d’agréer ou de ne pas agréer (494). 252. Effets de la cession de contrat. – Le principal effet de la cession de contrat est d’emporter transmission de la position contractuelle du cédant, comme si un « transfert de propriété » de cette position contractuel s’était

490 Cf. Cass. com. 13 déc. 2005, Bull. civ. IV, n°255; Cass. Com. 7 juin 2006, Bull. Joly, soc. 2006, p. 1491, note M.-L. Coquelet (transmission des actions en justice), Cass. com. 8 nov. 2005 (2arrêts), Bull. civ. IV, n°218 et 219, Bull. Joly, soc. 2006, p. 344, note P. Le Cannu, RDC 2006, obs. D. Houtcieff (transmission de plein du contrat de cautionnement). 491 Cf. L. Aynès, « Les clauses de circulation du contrat », in J. Mestre (dir.), Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990. 492 Cf. D. Mainguy, « Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée », Rev. soc. 1996, p. 17. 493 Cf. Cass. Com. 3 nov. 2004, préc. 494 Cf. cass. Com. 2 juill. 2002, JCP, 2003, II, 1002, note D. Mainguy, RDC 2003, p. 152, obs. M. Béhar-Touchais (admission de l’abus), Cass. Com. 5 oct. 2004, RDLC 2004/12, p.5, note J.-L. Respaud et D. Mainguy, RDC 2005, p. 384, obs. M. Béhar-Touchais (Rejet de l’abus).

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opéré du fait de la « cession ». En toute hypothèse, il en résulte que ce n’est pas un nouveau contrat qui se forme entre le contractant cédé et le cessionnaire (495), mais bien la poursuite du premier, avec toutes ses qualités mais aussi ses éventuels défauts : c’est le même contrat qui se poursuit. En revanche, la question se pose des effets en termes de garantie. Le cessionnaire prend la place du cédant, il est le nouveau débiteur et créancier mais uniquement pour l’avenir en principe, de sorte que le cédant reste tenu des dettes antérieures à la cession, sauf clause particulière qui pourrait au contraire, imposer au cessionnaire de rependre les dettes existantes. Plus encore, dans la mesure où il prend la place du cédant, le cessionnaire dispose de toutes les possibilités d’agir qui étaient celles du cédant : résilier, renouveler le contrat, etc. et assume, à l’inverse les prérogatives du débiteur cédé à son endroit. Inversement, les dettes nouvelles sont à la charge du cessionnaire et la question se pose de savoir si le cédant ne peut être considéré comme également tenu, par une sorte de souvenir du contrat ? En matière de bail commercial, un arrêt de 1988 a renversé la jurisprudence en la matière, considérant que le bailleur (le cédé) ne peut exiger du cédant le paiement des loyers échus postérieurement à la cession (496) solution de bon sens qui peut être généralisée à toutes les cessions. Une clause en la matière éviterait cependant bien des litiges, soit, dans le contrat cédé, pour que le cédant garantisse les dettes du cessionnaire, totalement ou pendant un certain temps, soit, dans le contrat de cession, pour le cessionnaire libère le cédant.

SECTION 4 – L’INEXECUTION DU CONTRAT ET SES

REMEDES

253. Présentation. – L’hypothèse faste, celle de l’exécution spontanée du contrat est celle qui prévaut dans la plupart des situations, soit que les parties se fassent confiance, soit que l’accord soit économiquement équilibré en sorte que nul n’a intérêt à ne pas exécuter, soit que l’accord soit le fruit d’une réflexion cohérente et se traduise par la rédaction d’un « bon » contrat règle du jeu.

254. Théorie des risques. – Le contrat est un pari sur l’avenir dans la mesure où chacun des contractants peut supposer que son propre contractant respectera sa part d’obligations, pour autant qu’elle soit

495 Cass. com., 12 oct. 1993, Bull. civ. IV, n333, D. 1994, p. 353, note O. Playoust, JCP 1994, I, no 3744, obs. M. Billiau, JCP éd. G 1994, I, 3759, obs. M. Cabrillac et P. Petel, RJDA 1994, no 211. 496 Cass. civ. 3ème, 12 juill. 1988, Bull. civ. III, n°125, Rev. loyers 1988, p. 119, RTD civ. 1990, p. 677, obs. Ph. Rémy, RTD com. 1989, p. 217, obs. M. Pédamon.

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économiquement utile pour lui, ou qu’il le puisse. Les économistes invoquent la théorie de l’agence ou théorie des jeux pour expliquer la coopération contractuelle, en situation d’asymétrie d’information, expliquant que chacun des contractants à intérêt à coopérer jusqu’à ce qu’il ait intérêt à ne plus exécuter le contrat. En droit français, la théorie des risques est formulée à partir de la considération de celui sur lequel pèse la charge des conséquences de l’inexécution. En principe, les risques sont à la charge de celui qui n’exécute pas correctement le contrat. Le débiteur supporte donc la charge des conséquences dommageables de l’inexécution comme contrepartie de son obligation, en application de l’adage. Mais la théorie des risques implique de considérer le risque véritable, l’aléa, lié à la survenance d’un cas fortuit, d’un événement de force majeure. On estime en général que c’est le créancier de l’obligation qui supporte ce risque, à défaut, si c’était le débiteur, alors ce dernier subirait une véritable obligation de garantie de l’exécution du contrat. En réalité, l’ « invention » d’obligations nouvelles, comme l’obligation de sécurité, permet de repousser les limites de la théorie des risques. Par exemple, une personne se rend dans un restaurant et déjeune, mais l’un des plats contient une bactérie quelconque, dont le restaurateur n’est pas responsable. Il pourrait invoquer l’existence d’une cause étrangère pour se décharger de sa responsabilité, alors que l’insertion d’une obligation de sécurité lui impose d’indemniser son client. Plus complexe est l’hypothèse dans laquelle une chose est l’objet principal du contrat, comme dans une vente ou dans un bail, et dans laquelle la chose disparaît, par cas fortuit au cours de l’exécution du contra, l’immeuble loué brûle, la chose vendue mais non encore livrée à l’acheteur est détruite. En cas, la question se pose dans des termes un peu différents : le locataire doit-il continuer à payer ses loyers, l’acheteur doit-il payer le prix. La théorie des risques se décompose, ici. En principe, res perit domino, le risque de la perte de la chose pèse sur la tête du propriétaire : le bailleur dans le premier cas, l’acheteur dans le second (à moins que le transfert de propriété soit retardé dans la vente, auquel cas c’est le vendeur qui supporte ce risque) ce qui entraîne pour conséquences immédiate que le bailleur perd la chose qui était pourtant entre les mains du locataire, et que l’acheteur doit payer le prix de la chose détruite, entre les mains du vendeur. Par complément, alors, res perit debitori, le risque de la perte de la chose pèse sur le débiteur d’une obligation portant sur cette chose, une obligation de conservation posée d’ailleurs de manière générale dans cette situation (C. civ., art. 1137) : le locataire assumait une obligation de conservation de la chose louée, le vendeur assumait une obligation de conservation de la chose vendue mais non encore livrée, obligation de moyens, de sorte que en cas d’inexécution de cette obligation (cf. C. civ., art. 1732 pour le bail), le

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bailleur pourra réclamer des dommages et intérêts (couverts en principe par l’assurance responsabilité civile du locataire) et l’acheteur ne devra pas payer ou pourra exiger une autre chose (497). Il est bien évident que les incidences de ces mécanismes sont très importantes, par exemple pour prévoir les mécanismes assurantiels auxquels les parties feront prudemment appel, pour aménager le contrat des clauses adaptant, limitant, partageant ou transférant les risques dans le contrat.

255. Efficient Breach of contract. −−−− Par ailleurs, la solution française voit dans l’inexécution un mal, une maladie qui doit systématiquement aboutir à une sanction. On reconnaît là la portée de l’analyse morale qui irrigue le droit des contrats, comme d’ailleurs tout le droit privé. L’analyse économique du droit propose au contraire des solutions parfois différentes : il y aurait ainsi des situations dans lesquelles un contractant a intérêt à ne plus exécuter le contrat, ce qui revient à dire qu’il peut avoir intérêt à ne plus poursuivre la relation contractuelle. La logique n’est alors plus celle de sanction d’un comportement regardé comme fautif mais de la sauvegarde de ses propres intérêts. Selon les tenants de l’analyse économique du droit la théorie de l’inexécution efficace du contrat (efficient breach of contract) constate alors une rupture dans les termes de l’échange (498), généralement décriée en droit français (499). Au départ, chaque contractant estime que la prestation de son cocontractant a autant sino plus de valeur que la sienne et il exécute le contrat dans cet esprit, jusqu’au jour où il estimera que sa prestation vaut davantage que celle de l’autre et qu’il aura intérêt à investir son argent, son travail, son temps, ailleurs. Nous avons déjà observé l’exemple des promesses de contracter (Cf. supra, n°95). A promet de vendre un bien à B pour 100 et C propose un prix de 200. Le bénéfice global résultat de l’inexécution de la promesse est supérieur à celui de son exécution, nous sommes situation d’inexécution efficace du contrat. Autre exemple, un distributeur A conclut un contrat de distribution exclusive avec un fournisseur B et se rend compte que passé un certain temps un autre fournisseur C propose des produits identiques ou voisins moins chers, techniquement meilleurs, de meilleure image, etc. Si B refuse de renégocier le contrat, A retirera un bénéfice de l’inexécution de l’obligation d’exclusivité pour se fournir auprès de C. Nous sommes en

497 Cf. Cass com. 19 oct. 1982 (aff. Mécarex), Bull. civ. IV, no 321, RTD civ. 1984.515, obs. J. Huet ; Cass. civ. 1ère, 19 nov; 1991, Bull. civ. I, n°325 (livres perdus pendant l’expédition) ; Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, acquéreur d’un bateau volé avant sa livraison). 498 En droit français : C. Chabas, L’inexécution licite du contrat, LGDJ 2002, Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, LGDJ, 2002, C. Fluet, « La rupture efficace du contrat, in C. Jamin (dir.), Droit et économie des contrats, LGDJ, 2008, p. 155, J. Rochfeld, « la rupture efficace », in C. Jamin (dir.) Droit et économie des contrats, op. cit., p. 169, et les références citées. 499 Cf. M. Fabre-Magnan, Les obligations, Puf, n°226.

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situation d’inexécution efficace si B avait la possibilité de renégocier le contrat, et que B voit son préjudice réparé. Le mécanisme, devenu la règle en droit américain des contrats a des conséquences majeures sur les institutions contractuelles : l’exécution forcée en nature d’une obligation ou d’un contrat est exclue (cf. infra, n°296), la réparation des conséquences de l’inexécution n’est pas affectée mais doit alors être observée avec minutie, la rupture unilatérale d’un contrat doit être efficace.

256. Plan. – Il demeure que l’hypothèse néfaste, celle de l’inexécution du contrat ou de la mauvaise exécution est celle qui pose le plus de difficultés. Il convient alors de constater l’inexécution (I) pour en tirer des conséquences et envisager les remèdes à cette inexécution (II).

I – Le constat de l’inexécution A – L’inexécution contractuelle

257. Inexécution et faute contractuelle. – Les divers mécanismes de sanction de l’exécution du contrat supposent de repérer une inexécution contractuelle, c’est-à-dire une différence entre le résultat attendu par le créancier et le résultat survenu. Point n’est donc besoin de parler de « faute contractuelle » (500), sans entrer ici sur la controverse doctrinale relative à l’existence même d’un régime de « responsabilité contractuelle » (cf. infra, n°347), qui laisse entendre une conception subjective de l’inexécution, même si l’inexécution, selon une conception objective, peut se traduire par une faute, par un comportement particulière du contractant. En outre, évoquer une « faute contractuelle », outre qu’il en résulte une subjectivisation de l’inexécution et un rapprochement peut-être inopportun avec le régime de responsabilité délictuelle, n’épuise pas les hypothèses d’inexécution, notamment lorsque celle-ci résulte d’une chose, d’un fait de la chose utilisée pour l’exécution du contrat. L’inexécution peut être temporaire, de sorte qu’une exécution est encore possible, ou définitive, et seules des mesures de réparation peuvent être envisagées. Elle peut être partielle, et on parlera effectivement d’inexécution ou de mauvaise exécution ou totale, et il s’agira de « non exécution ». Dans toutes les hypothèses, des sanctions ou, pour parler de manière plus moderne, des remèdes à l’inexécution peuvent être apportées. Les sanctions seront alors variées, elles dépendront qui dépendra de l’intensité de l’obligation (1), de la gravité de l’inexécution (2) mais

500 Cf. D. Tallon, « Pourquoi parler de faute contractuelle ? », Mélanges G. Cornu, 1994, p. 429.

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également de la présence d’un fait d’autrui ou de la chose (3) et d’une cause d’inexécution (4).

1 – L’intensité des obligations

258. La qualité de l’exécution des divers types d’obligations. – Les dives types d’obligations sont les obligations de donner, dont l’existence même si leur existence discutée, les obligations de ne pas faire, dont l’objet est une abstention, et les obligations de faire. La qualité de l’exécution dépend de la qualité du résultat attendu et, ce faisant, de l’intensité de l’obligation. Un exemple est particulièrement parlant : le patient qui se rend chez le médecin envisage d’être guéri, c’est le résultat attendu, mais le médecin s’engage-t-il à guérir ou à soigner le patient ? Dans le premier cas, il s’engage à un résultat, il assume une obligation de résultat tandis que dans le second, il s’engage à fournir tous les moyens pour obtenir le résultat, il assure une obligation de moyens. Substantielle, cette distinction importe surtout en réalité en termes de preuve de l’inexécution : dans le cas d’une obligation de résultat, il suffit au créancier déçu de prouver que le résultat n’a pas été atteint alors que dans le second, il lui faut prouver que les moyens nécessaires n’ont pas été fournis. Cette distinction fut proposée par la doctrine (501) et retenue par la jurisprudence (502). Parfois le contrat précise l’intensité de l’obligation (le vendeur livrera telle chose à telle date, délai de rigueur : obligation de résultat, à telle date, délai indicatif, obligation de résultat s’agissant de la délivrance, de moyens s’agissant de la date), et des formules sont parfois analysées comme la formule « au mieux » ou « faire le nécessaire », caractéristiques d’une obligation de résultat (503), à moins que ce soit la loi (C. C. civ., art. 1137). Mais à défaut, grande est la difficulté de qualifier l’intensité de l’obligation. Toutefois, deux types d’obligations ne posent pas de difficulté dans la détermination de leur intensité : ce sont des obligations de donner et de ne pas faire. Ce sont des obligations de résultat.

501 Cf. H. Mazeaud, « Essai de classification des obligations », RTD civ. 1936, p.1 ; A. Tunc, « Distinction des obligations de moyens et des obligations de diligence », JCP 1945, I ? 449, J. Bélissent, Contribution à l’analyse de la distinction entre les obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001 ; V. Malabat, « De la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat », Mélanges C. Lapoyade-Deschamps, 2003. 502 Cf. Cass. civ. 20 mai 1936, DP 1936.1.88, concl. Matter, rapp. L. Josserand, note EP, S. 1937.1.321, note A. Breton, Grands arrêts, n°93. 503 Cf. Cass. com. 20 févr. 2007, JCP 2007, II, 10082, note F. Ceclère-Descorps, Dr. soc. 2007, n°74, note H. Hovasse, RTD civ; 2007, p. 340, obs. J. Mestre et B. Fages (expression « au mieux ») ; Cass. com. 26 févr. 2002, Bull. civ. IV, n°43 ; adde N. Rontchevsky, « Faire le nécessaire », Mélanges Ph. Simler, 2006, p. 417.

Supprimé: é

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Les obligations de faire posent le plus de difficultés. Elles peuvent être de moyens ou de résultat, selon le cas. L’un des exemples type repose sur la nature de l’obligation de sécurité. Apparue à la fin du XIXème siècle avec le développement des accidents du travail puis, au début du XXème avec les premières grandes catastrophes des transports, elle témoigne des carences de la théorie classique du contrat et de la responsabilité contractuelle. Si, en effet, et pour reprendre les termes de Carbonnier, les tragédies et les jambes cassées sont en principe du domaine de la responsabilité délictuelle, la question s’est posée de savoir comment traiter de tels préjudice s causés à l’occasion de l’exécution d’un contrat. D’où l’affirmation, par exemple dans le contrat de transport de personne que le transporteur ne doit pas se contenter de transporter les voyageurs d’un point à un autre mais qu’il doit transporter les voyageurs sains et saufs. C’est alors la voie ouverte à toutes sortes de déviations : ainsi la question s’est posée de savoir si un vendeur devait assumer une obligation de sécurité s’agissant des dommages subi dans son magasin (504) alors qu’il assume une obligation s’agissant des produits qu’il vend.

259. Mesure de l’intensité des obligations de faire. – La mesure de l’intensité de l’obligation est une question qui vaut surtout pour les obligations de faire est alors nécessaire ; elle est à l’origine de la distinction entre obligations de moyens et obligations de résultat, dont les articles 1137 et 1147 seraient les fondements, et généralisée par Demogue en 1925, distinction qui se complique singulièrement. L’hypothèse de départ est l’attente du créancier, un résultat, qui n’est pas obtenu du fait de l’inexécution par le débiteur. Le créancier cherche alors à obtenir réparation, qui dépend de la nature de l’obligation, de son intensité.

260. Présentation de la distinction. – La situation simple oppose obligations de moyens et obligations de résultat. Lorsque l’obligation est une obligation de moyens, cela signifie que le débiteur devait simplement mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour que le résultat soit obtenu : s’il a mis en œuvre tous les moyens nécessaires, il n’engage pas sa responsabilité, mais c’est au créancier de faire la démonstration que le débiteur n’a pas mis en œuvre tous ces moyens. Lorsque l’obligation est une obligation de résultat, cela signifie que le débiteur a promis le résultat : si ce résultat n’est pas obtenu, le débiteur est responsable sauf à démontrer l’existence d’un événement de force

504 Cass. civ. 2ème, 14 févr. 1979, Bull. civ. II, n° 51 : une personne a glissé sur un détritus, par exemple, mais le client pourra obtenir réparation par le biais de la responsabilité délictuelle du fait des choses.

Supprimé: à

Supprimé: ouvre

Supprimé:

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majeure, et le créancier doit simplement prouver l’ inexécution, l’absence de résultat. La situation se complique¸ le plus souvent pour mettre en place un panel permettant réellement un système d’intensité de l’obligation. 1 – L’obligation de moyens ordinaire d’abord. Le modèle de l’obligation de moyens est l’obligation de soins du médecin (505). 2 – L’obligation de moyens renforcée est l’obligation de moyens dans laquelle les moyens à employer ne sont pas simplement tous les moyens nécessaire, ceux d’un bon père de famille, mais des moyens plus ou moins strictement définis, par une réglementation étatique ou professionnelle (des règles de l’art, des règles déontologiques). 3 – L’obligation de résultat atténuée est en réalité une obligation de moyens où la charge de la preuve a été renversée : ce n’est plus au créancier de faire la preuve que les moyens employés étaient insuffisants, c’est au créancier de prouver que ces moyens étaient suffisants. Par exemple, le médecin est débiteur d’une obligation d’information auprès de son patient sur les risques d’une opération. Si ces risques se réalisent, c’était traditionnellement au patient de prouver que le médecin ne l’avait pas informé, jusqu’à un arrêt qui, en 1997, a considéré au contraire que c’était au médecin d’apporter la preuve de l’exécution de cette obligation (cf. supra, n° 135). 4 – L’obligation de résultat qui se retrouve dans quelques obligations comme l’obligation de livrer une chose, ou l’obligation de sécurité du transporteur de personnes. 5 – L’obligation de résultat renforcée est celle dans laquelle le débiteur ne peut, pour s’exonérer n’invoquer que quelques cause étrangères bien définies et non n’importe quelle cause étrangère (cf. C. civ., at. 1732). 6 – L’obligation de garantie, enfin, est l’obligation dans laquelle le débiteur ne peut invoquer aucune cause étrangère pour s’exonérer de sa responsabilité : il garantit le résultat.

261. Critère de la distinction. – Le critère le plus souvent utilisé est celui de l’aléa : l’obligation de moyens est celle dans laquelle existe un fort aléa, à la différence de l’obligation de résultat, ce que l’on constatera dans le cas des obligations du médecin, par exemple. Dans d’autres situations, le rôle passif ou actif de la victime entre parfois en compte :

262. Exemples d’application de la distinction. – Bien des situations contractuelles illustrent la distinction, qu’on ne saurait décrire toutes et encore moins pour celles ici envisagées. Il peut s’agir d’obligation portant sur une chose. Les obligations portant sur une chose peuvent être de garantie (obligation de garantie des vices

505 Cf. Cass. civ. 20 mai 1936, DP 1936.1.88, concl. Matter, rapp. L. Josserand, note EP, S. 1937.1.321, note A. Breton, Grands arrêts, n°93.

Supprimé: ‘

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cachés dans la vente), de résultat (obligation de délivrance dans la vente, obligation de sécurité dans la vente) ou de moyens comme l’obligation de conservation envisagée par l’article 1137 du Code civil (506). S’agissant des prestations intellectuelles, la fourniture d’un service par exemple, l’obligation est de résultat chaque fois que la fourniture des services ne présente aucune difficulté particulière (507). En revanche, les obligations médicales constituent la matière d’expérimentation favorite des obligations de moyens ou de résultat. Les obligations des médecins sont le plus souvent considérées comme des obligations de moyens : le médecin s’oblige à soigner, point à guérir (508), ce qui place ses obligations dans le « camp » des obligations de moyens. Cependant, le médecin doit donner des soins conformes aux données actuelles de la science, il doit donc fournir des moyens finalisés, très précisément déterminés par les obligations légales, réglementaires et déontologiques du praticien de santé, de telle manière que son obligation relève d’une obligation de moyens renforcés, il suffira alors au patient de prouver que les moyens utilisés n’étaient pas pertinents. Il en est d’ailleurs ainsi de pratiquement tous les professionnels, soumis au respect des « règles de l’art » de leur profession. En revanche, le praticien, comme tout professionnel, subi une obligation de résultat s’agissant des matériels utilisés (509). De même, le sort de l’obligation d’information du médecin est sujet à caution : c’est au médecin de prouver qu’il l’a exécutée, ce qui en fait une obligation de résultat atténuée, selon notre tableau tout au moins (510), même lorsqu’il s’agit de risques graves (511). En revanche, la correcte assimilation des informations transmises est un résultat attendu par le créancier d’information mais qui relève d’une obligation de moyens (512). De même et peut-être surtout, les obligations de sécurité illustrent la distinction, souvent en raison de la participation du créancier à l’exécution. Ainsi, dans le contrat de transport de voyageurs, la Cour de cassation avait admis que l’obligation était une obligation de sécurité de

506 En réalité, la jurisprudence est plus complexe, retenant, par exemple une obligation de résultat atténuée dans le cas de l’obligation de conservation du dépositaire de la chose (Cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, n°303). 507 Cf. Cass. civ. 3ème, 8 nov ; 2005, RD immob. 2006, p. 55, obs. Ph. Malinvaud (construction d’un ouvrage exempt de vice) ; Cass. civ. 3ème, 30 mai 2006, Bull. civ. I, n°279 (fourniture d’eau potable). 508 Cf. arrêt Mercier, Civ. 20 mai 1936, DP 1936.1.88, concl. P. Matter, rapp. L. Josserand, note E. P., S. 1937.1.321, note A. Breton. 509 Cass. civ. 1ère, 9 nov. 1999, Bull. civ. I, n°300, D. 2000, p. 117, note P. Jourdain, JCP G 2000, II, 10251, note Ph. Brun. 510 Cass. civ. 1ère, 25 fév. 1997, Bull. civ. I, n°75, Contr. conc. consom. 1997., n°76, obs. L. Leveneur ; Civ. 1ère, 14 oct. 1997, JCP 1997, II, 22942, rapp. P. Sargos. 511 Cass. civ. 27 mai 1998, D. 1998.530, note F. Laroche-Gisserot ; Cass. civ. 1ère, 7 oct. 1998, JCP 1998, II, 10179, concl. J. Sainte-Rose, note P. Sargos. 512 Cf. Cass. com., 14 mars 1989, Bull. civ., n°89.

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résultat dès que et tant que le voyageur se trouvait dans l’enceinte de la gare, pour autant qu’il y ait contrat de transport (513). Elle admit ensuite que l’obligation de sécurité ne naissait qu’à compter du transport de sorte qu’elle commençait au moment de la montée dans le train et s’achevait à sa descente (514), de sorte que l’obligation de sécurité serait une obligation de résultat pendant le transport et de moyens avant ou après le transport, dans l’enceinte de la gare (515) de sorte que, hors, le transport, le voyageur était moins traité que si la responsabilité avait été délictuelle. Enfin, la Cour de cassation admit que l’obligation de sécurité – sécurité résultat – était liée à l’exécution du contrat de transport de sorte qu’elle commençait à la montée et s’achevait à la descente , au delà, la responsabilité est la responsabilité civile délictuelle (516). Dans bien d’autres contrats, la jurisprudence a identifié de telles obligations mais avec des résultats divers, comme dans les contrats de prestation de services. Ainsi le contrat de remontée mécanique : l’exploitant assume une obligation de sécurité de résultat dans le cas d’un téléphérique ou d’une télécabine, mais la solution est plus complexe dans le cas d’un télésiège. L’obligation serait de moyens au départ, car elle nécessite la participation active du skieur, comme à l’arrivée, mais de résultat pendant le transport, car sa participation est alors purement passive (517). En revanche, s’agissant d’un téléski l’obligation de sécurité n’est de moyens en raison de la participation active permanente du skieur (518). On pourrait ainsi multiplier les exemples (519).

2 – La gravité de l’inexécution

263. Echelle des inexécutions. – Plusieurs formes d’inexécution existent, héritières, d’ailleurs de la division des fautes qui existait sous l’Ancien Régime. 1 −−−− La faute légère n’est pas ou plus soumise à un régime particulier, à la différence de l’Ancien régime où elle excluait la responsabilité de son auteur. 2 −−−− En revanche, l’inexécution simple d’une obligation est selon cette

513 Cass. civ. 1ère, 12 déc. 1978, Bull. civ. I, n°386. 514 Cass. civ. 1ère, 1er juill. 1969, D. 1969.640, JCP 1969, II ? 22811, RTD civ. 1970.184, obs. G. Durry. 515 Cass. civ. 1ère, 21 juill. 1970, D. 1970.767. 516 Cass. civ. 1ère, 7 mars 1989, D. 1991.1, note Ph. Malaurie. 517 Cass. civ. 1ère, 11 juin 2002, Bull. civ. I, n°166 ; Cass. civ. 1ère, 10 mars 1998, D. 1998. 505, note J. Mouly malgré de nombreuses hésitations jurisprudentielles antérieures dont, auparavant : Civ. 1ère, 4 juill. 1995, JCP 1996, II, 22620, note G. Paisant et Ph. Brun. 518 Cass. civ. 1ère, 4 nov. 1992, JCP 1993, II, 22058, D. 1994.45, note Ph. Brun. 519 Cf. Cass. civ. 1ère, 17 mars 1993, D. 1995, somm. p. 66, obs. J. Mouly (à propos de l’exploitant d’un bobsleig).

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échelle une « faute ordinaire ». C’est cependant, au-delà, que la confusion entre la « faute » contractuelle et l’inexécution peut être repérée, en raison du rôle que jouent ces inexécutions graves. 3 −−−− Ainsi, retient le rôle de la gravité de l’inexécution, ou « faute grave », qui révèle une inexécution particulièrement importante, soit en raison de la répétition du manquement ou de la méconnaissance d’un avertissement, soit en raison de l’énormité ou de la bêtise de celui-ci. Ses conséquences se manifestent sur le terrain de l’indemnisation, censée être plus importante que pour une inexécution simple. 4 −−−− Surtout, la très importante gravité de l’inexécution, qualifiée de « faute lourde » présente des effets importants. Il s’agit d’une inexécution dans laquelle l’élément subjectif permet peut-être de parler de faute, un comportement « confinant au dol, manifeste l’inaptitude de son auteur à assumer les missions dont il est chargé » (520) qui est alors considérée comme une faute dolosive par application de l’adage (de l’Ancien régime) : « culpa lata dolo aecquiparatur », de sorte qu’elle paralyse les clauses limitatives de responsabilité. Une telle faute joue aussi un rôle important sur le terrain de la rupture du contrat (521) : celle-ci peut alors s’opérer immédiatement, sans préavis (cf. infra, n°297). Observons alors que cet élément subjectif, analysé comme un comportement du débiteur, une déficience, une négligence grave qui identifie l’incapacité du débiteur à accomplir la mission contractuelle, a supplanté (522) une considération objective qui prévalait auparavant, considérant la faute lourde comme celle qui se déduisait de la violation d’une obligation essentielle : la jurisprudence Chronopost, notamment (cf. supra, n°165) a montré que la conception subjective l’emportait de sorte que la violation d’une obligation essentielle n’est pas nécessairement une faute lourde. 5 −−−− La faute dolosive (523) est la faute très grave, commise de mauvaise foi, ou dans l’intention de nuire à son partenaire contractuel (on parlera alors aussi de faute intentionnelle). Son rôle est de stigmatiser une inexécution très importante, tellement d’ailleurs, qu’elles suppriment les clauses limitatives de responsabilité qui pourraient exister et rendent inassurable le risque qui en résulte (C. ass., art. L. 113-1). 6 −−−− Enfin, la notion de faute inexcusable est également utilisée en droit des contrats. Il s’agit d’une inexécution très importante, impardonnable,

520 Cass. com. 26 février 1985, Bull. civ. IV, n° 82 ; Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, JCP G 2005, II, no 10066, note G. Loiseau, RTD civ. 2005, p. 779, obs. J. Mestre et B. Fages, RLDA 2005/8, no 85, note G. Viney. Comp. supra, n°165 dans l’affaire Chronopost. 521 Mais, en droit du travail, c’est la notion de faute grave qui est utilisée pour justifier un licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement, mais seule une faute lourde permet de le priver de l’indemnité de congés payés. 522 Cf. Cass. com. 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, n°108. 523 G. Viney, « Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute inexcusable et faute lourde », D. 1975, chr., p. 263.

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instaurée en droit du travail, en droit de la santé (524) ou en droit du transport : elle est alors une faute qui sert comme un outil utiliser pour crever des plafonds de réparation institués par la loi. L’employeur ou le transporteur aérien par exemple voient leur responsabilité limitée par la loi (Cf. CSS, art. L. 452-1 en matière d’accident du travail, C. av. civ., art. L. 321-4)) ou des conventions internationales, limitation qu’une faute inexcusable vient exclure. Elle suppose la conscience du danger auquel le fautif expose la victime (525).

3 – Le fait de la chose et le fait d’autrui

264. Responsabilité contractuelle du fait des choses. – Bien des contrats et obligations impliquent une chose dans leur exécution : un professionnel de santé utilise des choses, matériels, matériaux, prothèses, etc., engage contractuellement sa responsabilité à l’égard du patient (526) par exemple. Autre cependant est la question de savoir si un contractant supporte une responsabilité du fait des choses utilisées pour l’exécution du contrat. Un arrêt, dit du « cerceau brisé » l’avait admis dans des circonstances particulières (527). En revanche, la jurisprudence dite des accidents de gare montre que la jurisprudence fait la part entre la responsabilité délictuelle du fait des choses et la responsabilité contractuelle fondée sur une obligation de sécurité qui, en pratique prend largement le relais d’une telle responsabilité contractuelle du fait des choses.

265. Responsabilité contractuelle du fait d’autrui. – De la même manière, bien des situations illustrent des hypothèses dans lesquelles le contractant est responsable d’un fait imputable à un tiers, comme le fait

524 Cf. L. 4 mars 2002, art. 1er, al. 3 qui évoque une « faute caractérisée ». 525 Cf. Cass. civ. 2ème, 27 janv. 2004, Bull. civ. II, n°25, D. 2004, p. 2185, obs. L. Noël, RTD civ. 2004, p. 296, obs. P. Jourdain, à propos de la faute inexécusable du salarié susceptible de minorer sa rente (CSS, art. L ; 452-3) : « la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». Comp. C. av. art. L. 321-4 : « faute délibérée qui impliquait la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ». 526 Cass. civ.1ère, 9 nov. 1999, Bull. civ. I, n°300, D. 2000, p. 117, note P. Jourdain, JCP G 2000, II, 10251, note Ph. Brun. 527 Cass. civ. 1ère, 17 janv. 1995, D. 1995, p. 350, note P. Jourdain, JCP 1996, I ; 3944, obs. G. Viney, RTD civ. 1995.634, obs. P. Jourdain : »contractuellement tenu d’asurer la sécurité des élèves qui lui sont confiés, un établissement d’enseignement est responsable des dommages qui leur sont causés non seulement par sa faute mais encore par le fait des choses qu’il met en œuvre pour l’exécution de son obligation contractuelle », en l’espèce des cerceaux dont l’un s’était brisé fortuitement, engageant cependant la responsabilité contractuelle de l’école. Adde : F. Leduc, « La spécificité de la responsabilité contractuelle du fait des choses », D. 1996. Chr. 164.

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d’un salarié, d’un mandataire ou d’un contractant substitué du contractant, comme un sous-traitant, réduisant d’autant les possibilités pour le contractant d’envisager une exonération de sa responsabilité en invoquant le fait d’un tiers.

4 – Les causes d’exonération et de non imputabilité

266. Détermination. – Les causes d’exonération permettent au débiteur de ne pas engager sa responsabilité, lorsqu’il démontre la présence d’une cause étrangère, aux termes de l’article 1148 du Code civil (et v. aussi, C. civ., art. 1302, 1722, 1733, 1769, 1772, 1882, 1929, 1934…). La cause étrangère peut alors consister en un événement de force majeure, un cas fortuit, le fait d’un tiers, le fait du prince. L’avant-projet de réforme du Code civil propose un régime commun à la responsabilité civile contractuelle et délictuelle (art. 1349 à 1351-1).

a – La force majeure et le cas fortuit

267. Caractères de la force majeure. – La force majeure, avec laquelle se confond le cas fortuit, constitue la principale cause d’exonération possible du débiteur (528). Cependant, si l’article 1148 du Code civil assure que sa présence exonère le débiteur, il n’indique aucune définition de celle-ci ni les modalités d’application de cette technique d’exonération. La force majeure est un événement qui se caractérise ordinairement par la réunion de trois éléments : irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité de l’événement pour le débiteur : plus ces éléments sont envisagés strictement, et plus la possibilité de démontrer l’existence d’un événement de force majeure se rétrécit. Pendant longtemps, la jurisprudence exigeait la réunion de ces trois éléments. A l’inverse, une appréciation large de ces caractères permet une exonération plus aisée du débiteur ; un temps la jurisprudence a tendu à éliminer les deux critères d’imprévisibilité et d’extériorité, plus accessoires. La jurisprudence montre alors une tendance fâcheuse à la fluctuation en la matière.

268. Irrésistibilité. – Le premier élément caractérisant la force majeure est incontournable. L’événement doit être irrésistible : c’est l’élément clé et les autres pourraient même être oubliés (529). Il signifie que l’événement doit être d’une intensité telle que le débiteur, qui n’est pas un surhomme, ne peut le surmonter. De manière plus précise, ce n’est pas tant l’événement qui importe que sa conséquence : le caractère irrésistible

528 Cf. P.-H. Antonmattéi, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992. 529 Cf. Cas. civ. 1ère, 20 janv. 1988, Bull. civ. I, n°20 : « la seule irrésistibilité de l’événement caractérise la force majeure ».

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de l’événement empêche le débiteur d’exécuter son obligation. Un événement météorologique ou géologique, cyclone, séisme, ou politique, une révolution, une attaque terroriste, peuvent ainsi présenter les caractères de la force majeure pour un débiteur mais point pour un autre. En outre, le fait que l’exécution soit plus difficile ou plus onéreuse n’est pas le signe d’une irrésistibilité (530). Il convient donc que l’événement soit, plus qu’irrésistible, insurmontable, pour le débiteur. L’irrésistibilité s’apprécie in abstracto c’est-à-dire par rapport à un modèle moyen, le bon père de famille.

269. Imprévisibilité. – L’événement doit également être imprévisible, caractère plus discutable. La notion d’imprévisibilité signifie que l’événement devait ne pas pouvoir être envisagé lors de la conclusion du contrat car, à défaut, les parties auraient du en tenir compte (on retrouve les critères de la théorie de l’imprévision). Dans certains cas, cependant, l’événement, irrésistible, est pleinement prévisible (accident automobile, vol…) de sorte que le critère se transforme : on recherchera « l’évitabilité » ou « l’inévitabilité » de l’événement (531). Cependant, la jurisprudence a réintroduit l’imprévisibilité au titre de la définition de la force majeure (532) : « un caractère imprévisible lors de sa formation et irrésistible dans son exécution », ce qui ne modifie guère l’analyse. Ainsi un événement n’est un cas de force majeure qu’à partir du moment où me débiteur a pu, si l’événement pouvait être prévu, prendre les mesures pour l’éviter (533).

270. Extériorité ? – Le troisième critère qui était traditionnellement utilisé est le plus discutable. Si l’événement doit être extérieur au débiteur, cela signifie qu’il ne doit pas être sous sa maîtrise. Il en résulte que le vice caché, dans la vente (534) ou que la maladie du débiteur (535) n’est pas un événement de force majeure. La question s’est essentiellement posée pour la grève : le contractant peut-il s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la grève déclanchée par les salariés de son entreprise ? L’événement, non imprévisible et encore moins extérieur ne

530 Cf. Cass. soc. 12 févr. 2003 (3 arrêts), Bull. civ. V, n°50, RDC 2003, p. 59 obs. Ph. Stoffel-Munck : le décès d’un acteur d’un série télévisée n’est pas un évenement de force majeure, car rien d’entrave la poursuite du tournage avec un autre acteur. 531 Cf. Cass. civ. 1ère, 9 mars 1994, JCP 1994, éd. G, I, 3773, obs. G. Viney. 532 Cf. Cass. ass. plén., 14 avr. 2006, Bull. ass. Plén., n°5, D. 2006, p. 1557, note P. Jourdain, JCP 2006, II, 10087, note P. Grosser, RDC 2006, p. 1207, obs. G. Viney. 533 Cf. Cass. civ. 1ère, 9 mars 1994, préc., Cass. civ. 1ère, 17 nov. 1999, Bull. civ. I, n°307 et P.-H. Antonmattéi, « Ouragan sur la force majeure », JCP 1996, I, 3907. 534 Et cf. pour le sang contaminé : le VIH, vice interne du sang n’exonère pas l’établissement fournisseur, faute d’extériorité : Cass. civ. 1ère, 12 avril 1995, JCP 1995, II, 22467, note P. Jourdain. 535 Cf. Cass. civ. 1ère, 10 févr. 1998, Bull. civ. I, n°53, Cass. ass. plén. 14 avr. 2006, préc.

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pourrait jamais être invoqué, sauf à admettre l’hypothèse d’une grève surprise (536) trouvant sa cause hors de l’entreprise (537).

b – Effets de la force majeure

271. Inexécution justifiée. – La survenance d’un événement de force majeure emporte une inexécution partielle ou définitive. Les effets de la force majeure sont alors la libération du débiteur de l’obligation en application de la théorie des risques du contrat (cf. supra, n°254): il s’agit de répondre à la question suivante, qui supporte le risque de la survenance d’un événement empêchant l’exécution de l’obligation ? La théorie des risques fait peser le risque d’inexécution sur le débiteur, bien naturellement, sauf l’hypothèse du cas fortuit. On estime en général que c’est le créancier de l’obligation qui supporte le risque du cas fortuit, à défaut, si c’était le débiteur, alors ce dernier subirait une véritable obligation de garantie de l’exécution du contrat. En réalité, l’ « invention » d’obligations nouvelles, comme l’obligation de sécurité, permet de repousser les limites de la théorie des risques. Le déplacement des critères de la force majeure permet de donner une intensité plus ou moins grande à l’application de la théorie des risques. Les conséquences sont alors les suivantes (Cf. aussi, avant-projet de loi de réforme du droit des obligations : art. 1157 et 1158). Lorsque l’inexécution n’est que partielle temporaire, et que l’exécution comporte encore un intérêt pour le créancier, on considère généralement que le contrat est suspendu, de sorte que la plupart des obligations du contrat (pas toutes, les obligations de confidentialité par exemple demeurent) n’ont plus à être exécutées le temps que l’événement cesse (538). Lorsque l’inexécution est définitive, le contrat prend fin, par résolution (cf. infra, n°289), sans toutefois que la responsabilité du débiteur soit engagée.

272. Clause de force majeure. – Ces dispositions ne sont pas impératives (539) s’agissant tant des conditions que des effets de la force majeure, de telle manière que, dans les contrats importants, les parties prennent souvent la précaution d’insérer une clause de force majeure, de manière à ajuster, contractuellement, les événements déclenchants, par exemple pour y intégrer des événements qui, en suivant la jurisprudence,

536 Cf. Cass. com. 12 nov. 1969, JCP 1970, II, 16791, note M. de Juglard et E. du Pontavice ; Cass. civ. 1ère, 10 févr. 1998, D. 1998, p. 539, note D. Mazeaud. 537 Cf. Cass. civ. 1ère, 6 oct. 1993, JCP 1993, II, 22154 note Ph. Waquet. 538 Cf. Cass. civ. 3ème, 22 févr. 2006, D. 2006, p. 2978, note St. Beaugendre, RTD civ. 2006, p. 764, obs. J. Mestre et B. Fages, RDC 2006, p. 1087, obs. Y.-M. Laithier. 539 Cf. Cass. com. 8 juill. 1981, Bull. civ. IV, n°312.

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en auraient été exclus, la grève par exemple, ou l’inverse, ce qui suppose peser sur les obligations de limiter les conséquences de l’événement, etc. mais aussi pour présenter les effets de la force majeure.

c – Le fait du tiers ou du créancier

273. Force majeure dérivée. −−−− L’exécution du contrat étant du ressort des contractants, le fait d’un tiers peut exonérer le débiteur pour autant que ce fait se ramène, pour lui, à un événement de force majeure où l’on retrouve les éléments caractéristiques de celle-ci, irrésistibilité et imprévisibilité (cf. supra, n°267 s.). Dans ces conditions (540), le fait du tiers peut exonérer le débiteur, pour autant cependant que ce tiers ne soit pas un tiers dont le débiteur doit répondre, salarié, mandataire, sous-traitant, etc., le débiteur supportant une responsabilité assez étendu du fait d’autrui. De la même manière, le fait du créancier est également une cause d’exonération, poursuivant en cela la logique du mécanisme de l’exception d’inexécution (cf. infra, n°286), exonérant totalement le débiteur lorsqu’il a été la cause exclusive de l’inexécution et à défaut à un partage de responsabilité (541).

B. −−−− Le préjudice contractuel

274. Nécessité ? −−−− L’une des principales différences entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle porte sur cette question. En premier lieu, si le régime de responsabilité délictuelle suppose la réparation intégrale du dommage, ce n’est pas le cas en matière de responsabilité contractuelle en raison de l’application de la règle du dommage prévisible. En outre, si l’existence d’un dommage est essentielle pour mettre en œuvre un régime de responsabilité délictuelle, c’est moins vrai en matière de responsabilité contractuelle. Ainsi, l’existence d’un dommage contractuel sera nécessaire pour obtenir des dommages et intérêts (542), mais en revanche il est indifférent à l’application de mesures comme l’exception d’inexécution, la résolution du contrat, l’exécution forcée du contrat notamment. Une interrogation demeure cependant, à propos des obligations de ne pas faire. L’article 1145 du Coe civil dispose en effet que « si l’obligation est de ne pas

540 Cf. Cass. com. 25 nov. 1997, Bull. civ.IV, n°308 ; Cass. civ. 1ère, 17 nov. 1999, Bull. civ. I, n°307. 541 Cf. Cass. com. 24 mai 2005, Bull. civ. IV, n°118. 542 Cf. Cass. civ. 3ème, 3 déc. 2003, Bull. civ. III, n°221, JCP 2004, I, 163, n°2, obs. G. Viney, RTD civ. 2004, p. 295, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 3ème, 30 janv. 2002, D. 2003, somm. 458, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2002, p. 321, obs. P.-Y. Gautier, p. 816, obs. P. Jourdain.

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faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ». Or, en matière d’obligation de faire, l’inexécution, la « contravention » pour reprendre les mêmes termes, suppose que le débiteur ait été mis en demeure d’exécuter (cf. infra, n°280). Par conséquent, on pourrait considérer qu’en raison de l’objet d’une obligation de ne pas faire, une abstention, cette mise en demeure est inutile. C’est ainsi que la jurisprudence l’avait d’abord compris (543) jusqu’à ce que plus récemment, elle considère que l’article 1145 doit être compris au pied de la lettre, comme ne supposant pas la démonstration d’un dommage (544).

275. Nature du dommage contractuel. −−−− Lorsqu’il existe et lorsqu’il est nécessaire, comme pour l’obtention de dommages et intérêts, le dommage subi par le créancier consiste en son attente troublée : il attendait un résultat, celui-ci n’est pas arrivé. Il convient donc que le dommage soit certain qu’il soit déjà réalisé ou qu’il soit futur, et non éventuel comme en matière de responsabilité délictuelle (cf. infra, n°362). On retrouve ici la question de la réparation de la perte de chance (545) : dès lors que la perspective de réaliser un gain est réelle (546) et légitime (547), ce préjudice est réparable. Pour autant, la réparation, à nouveau, n’est pas intégrale. On pourrait considérer que la perte de chance repose sur une éventualité très probable de telle manière que l’on considère que cette probabilité est, alors, équivalente à une certitude, emportant réparation de l’entièreté du gain manqué. Pourtant, la Cour de cassation considère que la réparation doit s’effectué à hauteur de la chance perdue (548).

276. Dommage prévisible. −−−− Enfin, aux termes de l’article 1150 du Code civil, seul le dommage qui était prévisible au moment de la conclusion du contrat doit être réparé. L’explication traditionnelle de cette disposition repose sur la théorie de la cause : en concluant le contrat, chaque contractant mesure en même temps que l’étendue de ses obligations, celle

543 Cf. Cass. civ. 1ère, 26 févr. 2002, Bull. civ. I, n°68, RTD civ; 2002, p. 809, obs. J. Mestre et B. Fages. 544 Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n°201, RTD civ ; 2005, p. 594, obs. J. Mestre et B. Fages. 545 Cf. Cass. civ. 8 juill. 1997, Bull. civ. I, n°234, Cass. com. 19 oct. 1999, Bull. civ. IV, n°176 ; Cass. civ. 2ème, 13 oct. 2005, Bull. civ. II, n°247. 546 Cf. Cass. ass. plén. 3 juin 1988, Bull. ass. plén. n°6, RTD civ. 1989, p. 81, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1ère, 21 nov. 2006, JCP 2007, I, 115, n°2, obs. Ph. Stoffel-Munck : « seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ». 547 Cf. Cass. civ. 1ère, 23 nov. 2004, Bull. civ., n°281, D. 2005, p. 2857, note J. Moret-Bailly (Perte de chance espéré d’une procédure abusive). 548 Cass. civ. 1ère, 16 juill. 1998, Bull. civ. I, n°260 ; Cass. civ. 1ère, 15 janv. 2002, Contrats, conc. consom., n°5, obs. L. Leveneur.

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de son éventuelle responsabilité. Cette disposition justifie par exemple les mécanismes de limitation contractuelle de responsabilité : la clause s’impose en raison de la prévisibilité du dommage qui en résulte, mais cette limite est évincée en cas de faute dolosive, à laquelle est assimilée la faute lourde, commise par le débiteur (cf. supra, n°263). Au-delà, on trouve assez peu d’application, sinon pour considérer l’hypothèse dans laquelle une chose, un colis, un paquet est confiée à une personne, un transporteur par exemple, sans indication de la valeur du contenu de ce colis. S’il est perdu par le fait de celui qui en assurait la conservation et que le contenant avait une très grande valeur, il ne devra réparer que le dommage prévisible, et point nécessairement l’intégralité. L’appréciation demeure cependant particulièrement variable. Un exemple a récemment été mis en exergue : un couple commande un taxi qui, le lendemain matin, doit les conduire à l’aéroport de Roissy afin de prendre un avion pour la Grèce. Le taxi manque le rendez-vous et la compagnie de taxi est condamnée à rembourser l’intégralité du voyage (549), solution très discutable, tant sur le terrain du dommage prévisible que sur celui du lien de causalité.

277. Dommages corporels, dommage moral. −−−− Par ailleurs, cette considération assez objective ne vaut que pour autant que l’on omette les nouveaux développements de la responsabilité contractuelle qui, au cours de ce siècle ont eu tendance à faire peser sur la responsabilité contractuelle la réparation de dommages corporels ou moraux (cf. infra, n°363), par le truchement de l’obligation de sécurité ou de renseignement, rejoignant ce faisant un peu plus les logiques de la responsabilité délictuelle alors pourtant, pour reprendre les célèbres propos de Carbonnier que les larmes et les tragédies sont du ressort de la responsabilité délictuelle, en principe.

278. Mitigation of damages. −−−− Le droit anglais ou américain des contrats connaissent une intéressante exigence, imposant au créancier une obligation de minimiser le dommage (« Mitigation of Damages »), c’est-à-dire de prendre toutes mesures pour que le dommage qu’il subit du fait de l’inexécution par le débiteur soit le plus limité possible, sauf à ce que la dette de réparation soit limitée du préjudice qui aurait été subi si ces mesures avaient été prise. Elle a été reprise en droit de la vente internationale de marchandises (CVIM, art. 77) mais également dans les Principes Unidroit (art. 7.4.8) ou les PEDC (art. 9:505). Souhaitée par une partie de la doctrine (550).

549 Dijon, 7 oct. 2003, Resp. civ. et ass. 2004, n°3, obs. C. Radé. 550 St. Reifegerste, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM, 2002, A. Laude, « L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t-elle en droit privé français ? » LPA 2002, n°352, p. 55, S. Pimont, « Remarques complémentaires sur le

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En matière délictuelle, la Cour de cassation a rejeté cette obligation, décidant que la victime « n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (551), ce qui est demeure très discutable, mais en matière contractuelle, d’une part, les parties peuvent introduire une clause en ce sens et, d’autre part, la plus grande prise en compte de l’utilité dans le contrat justifie pleinement cette exigence.

C. – Un lien de causalité

279. Suite immédiate et directe. −−−− L’existence d’un lien de causalité est ici aussi forte qu’en matière de responsabilité civile délictuelle. L’article 1151 du Code dispose ainsi que l’on ne peut demander que ce « qui est la suite immédiate et directe de la convention » ce qui signifie que le dommage réparable ne concerne que ce qui correspond à une telle suite directe, évinçant le dommage indirect, lequel dépend des dommages mais également des inexécutions. Un exemple emprunté à Pothier est, depuis, largement répété (il connaît d’ailleurs depuis peu une actualité inédite) : un agriculteur vend une vache malade ce qui entraîne la contamination du troupeau. L’agriculteur est ruiné, il ne peut payer ses dettes, son exploitation est saisie… Le vendeur doit-il répondre de l’intégralité de ces dommages ? Répondre équivaut à donner une réponse à cette question difficile qu’est la question de la causalité dans la responsabilité et que nous découvrirons à l’étude de la responsabilité civile délictuelle. Retenons que la jurisprudence retient la logique de la causalité adéquate entre l’inexécution et le dommage pour tenter de cerner le dommage direct.

D. −−−− La mise en demeure

280. Sommation d’exécuter. −−−− La mise en demeure est la condition essentielle du constat de l’inexécution. Il s’agit de l’acte par lequel le créancier demande au débiteur d’exécuter le contrat ou une obligation précise (C. civ., art. 1139). Elle peut résulter d’une sommation (un acte d’huissier) ou d’un « acte équivalent » et un courrier dont les « termes font ressortir une interpellation suffisante » est considéré comme équivalent. En ce sens, la mise en demeure se situe dans le « camp » de l’exécution du contrat et point encore dans celui de l’inexécution. La mise en demeure n’est en général pas une condition de déclanchement

devoir de minimiser son propre dommage », RLDC 2004/9, n°364 et 2004/10, n°402, Y. Derains, « L’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale », RDAI, 1987, p. 375. 551 Cf. Cass. civ. 2ème, 19 juin 2003 (2 arrêts), Bull. civ. II, n°203, JCP 2004, I, 101, obs. G. Viney, LPA, 2003, n°208, p. 16, note St. Reifegerste, RTD civ. 2002, p. 716, obs. P; Jourdain.

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des remèdes. Notamment, elle ne conditionne pas l’obtention de dommages et intérêts compensatoires (cf. infra, n°301) dans la mesure où le seul constat de l’inexécution déclanche le droit à réparation (552) mais fait courir les délais permettant d’obtenir des dommages et intérêts moratoires (cf. C. civ., art. 1146 et infra, n°302), c’est-à-dire lié au retard dans l’exécution. Toutefois, la mise en demeure n’est pas exigée dans quelques situations particulières, par exemple lorsque l’obligation est une obligation de ne pas faire, le seul fait de l’inexécution valant « contravention », lorsque l’obligation devait être exécutée dans un délai que le débiteur a laissé passer (C. civ., art. 1146), lorsque l’inexécution est définitive ou lorsque le débiteur fait savoir qu’il refuser d’exécuter l’obligation (553), lorsqu’une stipulation du contrat dispense le créancier de mettre le débiteur en demeure, même de façon implicite (554), par exemple en présence d’un terme et d’une clause pénale (555).

II – Les remèdes à l’inexécution

281. Choix des armes. −−−− L’inexécution du contrat, d’une ou de plusieurs obligations, est une atteinte à la règle du jeu contractuelle, à l’attente légitime de l’autre contractant, à la confiance contractuelle, etc. Il convient alors que les meilleures solutions, les remèdes les plus efficaces soient disponibles pour pouvoir être utilisés par le contractant déçu (556). Il convient que ces remèdes soient adaptées à la nature de l’inexécution : inexécution importante ou vénielle, atteinte à une obligation essentielle ou accessoire, inexécution définitive ou temporaire, etc. et on redira jamais suffisamment à quel point le contrat est tout à la fois une technique de détermination des règles du jeu qu’un outil d’aménagement de ces solutions. Certains de ces remèdes sont des sanctions, la plupart, d’autres envisagent des mécanismes de gestion de l’inexécution, ou de sauvegarde des intérêts d’un contractant ; Certaines sanctions sont objectives et atteignent le contrat, d’autres sont subjectives et concerne le contractant en défaut. Outre la nullité qui sanctionne le défaut de formation du contrat, ou la caducité, déjà rencontrée qui intéresse la disparition d’un élément nécessaire à la formation au cours de l’exécution du contrat, ces

552 Cass. ch. mixte, 6 juill. 2007, Bull. ch. mixte à paraître. 553 Cf. Cass. civ. 3ème, 3 avr. 1973, Bull. civ., III, n°254. 554 Comp. Cass. com. 8 oct. 2002, Bull. civ. IV, n°138, RTD civ. 2003, p. 503, obs. J. Mestre et B. Fages. 555 Cf. Cass. civ. 3ème, 9 juin 1999, Bull. civ., IV, n°131. 556 Cf. Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, LGDJ, 2004, M. Fontaine et G. Viney, Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Bruylant, 2001 ; D. Tallon, « L’inexécution du contrat : pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223.

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remèdes s’articulent essentiellement autour de l’exécution forcée du contrat (A), de l’exception d’inexécution (B) de la résolution du contrat( C) et de l’obtention de dommages et intérêts (D).

A – L’exécution forcée

282. Définition et conditions. −−−− L’exécution forcée est l’un des remèdes possibles en cas d’inexécution du contrat, des obligations. Elle se définit comme la possibilité pour le créancier d’obtenir, en justice, la condamnation du débiteur à fournir la prestation qui était convenue par le contrat, en nature. Assez maladroitement, l’article 1184, al. 2 du Code civil qui concerne la résolution judiciaire du contrat (cf. infra, n°290) évoque un choix, pour le créancier entre deux solutions : « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, au choix ou de forcer l’autre l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ». La rédaction peut laisser sous-entendre une certaine hiérarchie, que le créancier doit effectuer un tel choix, qui se limiterait à ces deux branches de l’alternative et semblerait exclusives l’une de l’autre. Or, d’une part, la palette des remèdes est plus large et, d’autre part, si, effectivement, le créancier qui engage une action en résolution judiciaire ne peut, en même temps, demander l’exécution forcée du contrat (557), rien ne lui interdit de demander l’exécution forcée du contrat dans un premier temps et ensuite, la résolution du contrat (558). Aucune hiérarchie n’existe donc entre ces deux techniques (559) et par ailleurs, le choix réalisé s’impose au juge qui ne pourrait, saisi d’une demande d’exécution forcée, prononcée la résolution du contrat (560). Par conséquent il existe peu de conditions proprement dites à l’exercice d’une action en exécution forcée en nature de la convention, pas même l’existence d’un préjudice, dans la mesure où la technique n’est que la poursuite de la formulation contractuelle des obligations et effets du contrat et, par conséquent indépendante de la démonstration de l’existence d’un intérêt supplémentaire pour l’engager (561). Empreint d’une parfaite logique, le raisonnement n’est toutefois pas parfait et peut

557 Cf. Cass. civ. 1ère, 6 févr. 1979, Bull. civ. I, n°46, Cass. civ. 1ère, 5 juill. 2005, Bull. civ. I, n°292, RDC 2006, p. 312, obs. D. Mazeaud. 558 Cf. Cass. civ. 3ème, 24 nov. 1993, Bull. civ., III, n°15, RTD civ. 1994, p. 355, obs. J. Mestre. 559 Cf. Y.-M. Laithier, « La prétendue primauté de l’exécution forcée en nature », RDC 2005, p. 161. 560 Cf. Cass. civ. 1ère, 9 juill. 2003, JCP 2004, I, 163, obs. G. Viney, RTD civ. 2003, p. 709, obs. J. Mestre et B. Fages. 561 Cf. Cass. civ. 3ème, 6 mai 1980, Bull. civ. III, n°91 ; Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n°201, RTD civ. 2005, p. 594, obs. J. Mestre et B. Fages.

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conduire à des résultats déraisonnable, comme une célèbre affaire l’a montré dans laquelle un couple avait conclu un contrat de construction d’une maison individuelle qui, au final, faisait apparaître une insuffisance de niveau de 33 centimètres. Les époux avaient demandé la destruction puis la reconstruction de la maison. Une Cour d’appel assez raisonnable les avait débouté ais la Cour de cassation avait censuré cet arrêt en invoquant froidement l’article 1184 du Code civil : »la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible » (562) mais surtout, pourrait-on ajouter si elle demeure raisonnable. Cette puissance dans la mise en œuvre de l’exécution forcée est en outre très surprenante dans la mesure où elle est loin d’être unanimement appliquée, en fonction de la nature des obligations.

283. Exécution forcée impossible ? −−−− La technique de l’exécution forcée est d’une redoutable brutalité : il s’agit, plus que d’une exécution forcée, d’une exécution en nature contrainte, face à un débiteur récalcitrant, soit pour obtenir une exécution forcée du contrat lui-même, c’est-à-dire de constater qu’un effet du contrat s’est produit, solution que par exemple la question de la rétraction de la promesse de contracter illustre (cf. supra, n°95 s.) de manière surprenante dans la mesure où les effets du contrat sont automatiques. Les articles 1142 à 1144 du Code civil déterminent alors les conditions de l’exécution forcée en commençant par une réduction considérable du domaine de celle-ci. « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts » ce qui signifie a contrario qu’une obligation de faire ou de ne pas faire n’est pas susceptible d’exécution forcée en nature. Comme il ne reste plus que les obligations de donner, assez rares en principe (563), on pourrait donc rapidement en conclure que l’exécution forcée du contrat est impossible par principe, solution inverse et contradictoire de la solution de l’article 1184, al. 2 du Code civil donc. En outre, bien des obstacles, propres au droit des obligations ou extérieurs à celui-ci se dressent en défaveur d’une telle exécution, lorsqu’elle est possible. Ainsi, les règles du droit des procédures collectives imposent un gel de l’actif et du passif du débiteur en difficulté financière pour organiser des priorités de paiements, celles du droit de la

562 Cf. Cass. civ. 3ème, 11 mai 2005, Bull. civ. III, n°103, RTD civ. 2005, p. 596, obs. J. Mestre et B. Fages, RDC 2006, p. 323, obs. D. Mazeaud. V. aussi, Cass. civ. 3ème, 17 janv. 1984, RTD civ. 1984, p. 711, obs. J. Mestre (piscine avec trois marches au lieu de quatre) ; Cass. civ. 3ème, 17 janv. 1996, Bull. civ. III, n°91 (démolition d’une construction bien que ses effets auraient des conséquences sur une dizaine de boutiques étrangères à la procédure). 563 Mais alors très efficace s’agissant des promesses synallagmmatiques de contracter (cf. supra, n°95 s.).

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consommation organisent un mécanisme voisin via les techniques de traitement du « surendettement des particuliers » (C. consom., art. L. 331-1 et s.). De même, les règles du paiement des obligations (cf. infra, n°494 s.) permettent des techniques d’étalement de la dette comme la possibilité laissée au juge d’accorder des délais de paiement (C. civ., art. 1244-1 et s.).

284. Exécution forcée des obligations de faire. −−−− En vertu du principe posé par l’article 1142 du Code civil, l’exécution forcée en nature des obligations de faire se heurte à un obstacle de taille : leur inexécution se résout par des dommages et intérêts, c’est-à-dire, qu’elle se solde par une prestation en équivalent. La règle est parfaitement justifiée dans son principe, renvoyant au principe du respect de la personne et à des considérations pratiques et économiques. Ainsi paraît-il assez naturel, à partir du constat de la différenciation, essentielle, dans le droit de la responsabilité, de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale, puis de la contrainte sur le personne d’une personne à une contrainte sur son patrimoine, que, en cas d’inexécution, et notamment si on la considère comme une faute, que nul ne puisse être sanctionnée par une contrainte s’exerçant sur sa personne à faire quelques chose. Ce serait tout à la fois contraire à des considérations fondamentales tenant à la conception de l’être humain, prohibant toute menace physique, toute coercition musclée héritée de cette longue évolution du droit de la responsabilité. Ce serait en même temps contraire à des considérations économiques et de bon sens : forcer quelqu’un à faire quelque chose serait contre-productif. Si je force quelqu’un à réaliser quelque chose qui ne veut pas faire, il le fera mal. C’est en ce sens qu’un arrêt célèbre avait été rendu dans une affaire opposant le peintre Whisler qui refusait d’achever un tableau à son commanditaire (564) et qui peut être généralisée à toutes les obligations de faire qui présentent un caractère personne : l’obligation du peintre, de l’artiste plus généralement, du médecin, du salarié, etc. En même temps cette considération propose des limites importantes à l’article 1142 du Code civil : chaque fois que l’on ne retrouve pas cette empreinte du caractère personnel de l’exécution de l’obligation, l’exécution forcée devrait être possible, ce que la jurisprudence tend à généraliser. L’avant-projet de réforme du droit des obligations (art. 1154) propose d’ailleurs de réformer ce texte : l’obligation de faire s’exécute si possible en nature ». Il reste cependant que les obligations de faire, même celles qui ne présentent pas un caractère éminemment personnel, sont difficilement sujette à une exécution forcée en nature, de sorte qu’une contrainte peut

564 Cf. Cass. civ. 14 mars 1900, DP, 1900, 1, 497, note M. Planiol.

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s’exercer mais indirectement, validant ce faisant le principe posé par l’article 1142 du Code civil. La contrainte peut reposer sur des mesures comme le recours à l’injonction de faire (NCPC, art. 1425-1) peu efficace et précédant des mesures d’exécution (L. 9 juill. 1991, art. 56, saisie des meubles que le débiteur s’est engagé à livrer ou à restituer) ou à des astreintes (L. 9 juill. 1991, art. 33), éventuellement contractualisées sous la forme de clauses d’astreinte (cf. infra, n°308). Enfin, une autre possibilité est de faire exécuter l’obligation par un autre. L’article 1144 du Code civil prévoit ainsi la possibilité pour le créancier de demander au juge qu’il puisse « être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur ». On nomme cette technique faculté de remplacement. Sa mise en œuvre n’est cependant pas automatique, tout au contraire. Elle suppose une inexécution constatée, de sorte que la faculté de remplacement ne saurait être un préalable à celle-ci, une autorisation judiciaire préalable, sauf urgence ou en matière commerciale (en vertu d’un usage comme parfois en la matière) et enfin que l’obligation soit susceptible d’une telle faculté de remplacement ce qui exclut en pratiques les obligations intuitu personae.

285. Exécution forcée des obligations de ne pas faire. – S’agissant d’une obligation de ne pas faire, également visée par l’article 1142, et par le principe qu’il propose, l’article 1143 du code civil prévoit une exception : « le créancier peut demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur (…) ». Ainsi, ce qui a été construit fait en violation d’une servitude ou d’une obligation de ne pas faire peut être détruit, aux frais du débiteur, la violation d’une obligation de on concurrence peut faire l’objet d’une décision interdisant de poursuivre cette activité. En pratique, l’exécution forcée de ces obligations repose sur une astreinte (565) accompagnant le prononcé d’une injonction en cessation. C’est cependant parfois une piètre consolation dans la mesure où l’inexécution de certaines obligations de ne pas faire (comme l’obligation de ne pas révéler un secret, par exemple), ne peut pas être détruit et guère être réparé, de sorte que l’insertion d’une clause pénale pour tenter d’empêcher leur violation (cf. infra, n°308 s.) peut ici constituer un pis-aller utile.

B – L’exception d’inexécution

286. Talion contractuel : Exceptio non adimpleti contractus. – Bien que nul ne puisse se faire justice à soi-même, principe bien discutable,

565 Cf. Cass. civ. 1ère, 16 janv. 2007, D. 2007, p. 1119, note O. Gout, JCP 2007, I, 161, n°6, obs. M. Mekki.

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tant les exceptions semblent, nombreuses (566), une formule, celle de l’ exception non adimpleti contractus, l’exception d’inexécution (567) et sa résultant éventuelle lorsque l’obligation porte sur une chose, le droit de rétention (568) sont des techniques très efficaces de gestion de l’inexécution des obligations réciproques, quoique archaïques. Elle consiste en la reconnaissance, pour chaque partie, de ne pas exécuter ses obligations lorsque l’autre partie ne les pas elle-même exécutées : dès lors qu’un contractant constate que l’autre partie n’a pas exécuté ses obligations, il peut, en retour, d’où le terme « exception », ne pas exécuter les siennes. C’est donc tout à la fois une mesure comminatoire, qui a pour objectif de forcer l’autre à exécuter ses obligations, et une mesure de sauvegarde de ses propres intérêts. Le Code civil l’envisage dans le contrat de vente, tantôt au profit du vendeur (C. civ., art. 1612), tantôt au profit de l’acheteur (C. civ., art. 1653) mais aussi dans le contrat d’échange (C. civ., art. 1704) ou dans le contrat de dépôt (C. civ., art. 1948). La jurisprudence admet cependant qu’il s’agisse d’une mesure générale valable dans n’importe quel contrat synallagmatique (569).

287. Conditions de l’exception d’inexécution. – Contrairement à l’idée que l’on peut s’en faire, le jeu de l’exception d’inexécution demeure soumis à de nombreuses conditions. Il convient, en premier, que l’obligation soit de nature contractuelle. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle rejeté le mécanisme dans la relation, pourtant fondée sur une convention, nouée entre un médecin et une caisse d’assurance maladie, car elle relève de la matière réglementaire (570). Il convient en outre que le rapport d’obligation résulte d’un contrat synallagmatique ou d’un rapport synallagmatique, comme ceux résultant d’une annulation d’un contrat synallagmatique, mais encore résultants de contrats différents mais considérés comme interdépendants (571). Les obligations doivent par ailleurs être réciproques, c’est-à-dire qu’elles doivent s’exécuter simultanément. Par exemple, une vente permet au vendeur de ne pas livrer si l’acheteur n’a pas payé, et réciproquement. En revanche, si la vente est une vente à tempérament, le vendeur ne peut refuser de livrer la chose, parce que la simultanéité de l’exécution de leurs obligations n’et pas contractuellement décidée. S’agissant de l’inexécution, il convient que celui qui invoque l’exception

566 Cf. J. Béguin, « Rapport sur l’adage « nul ne peut se faire justice à soi-même », Trav. Ass. H. Cap. t. XVIII, 1966, p. 41. 567 Cf. C. Malecki, L’exception d’inexécution, LGDJ, 1999. 568 A. Aynes, Le droit de rétention, unité ou pluralité, Economica, 2005. 569 Cass. soc. 31 mai 1956, Bull. civ. IV, n°503. 570 Cf. Cass. civ. 2ème, 19 janv. 2006, Bull. civ. II, n°24. 571 Cf. Cass. com. 12 juill. 2005, JCP 2005, I, 194, obs. A. Constantin, RTD civ. 2006, p. 307, obs. J. Mestre et B. Fages.

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d’inexécution (l’excipiens) démontre l’inexécution de son partenaire. Il convient de cette inexécution soit suffisamment grave (572) ce qui, en général ne pose guère de difficulté, de telle manière que l’exception d’inexécution n’apparaisse pas comme une mesure disproportionnée (573). Pour cette raison, il convient enfin que la riposte soit seconde : l’excipiens ne peut en principe arguer de l’exception d’inexécution par anticipation, pour prévenir une inexécution, sauf en utilisant le mécanisme procédural du référé pour prévenir un dommage imminent (574). Conditions nombreuses, qui toutes s’explique par la théorie de la cause : c’est parce que les obligations sont réciproques dans un contrat synallagmatique que ce mécanisme peut fonctionner. Il suffit de modifier cette considération, par exemple pour l’inscrire dans le champ des remèdes proprement dit pour modifier ces conditions et, par exemple valider l’exception d’inexécution par anticipation. En revanche, aucune autre condition ne s’ajoute, pas plus l’exigence de mise en demeure qu’une quelconque autorisation judiciaire préalable.

288. Variante : le droit de rétention. – Lorsque l’obligation porte sur une chose, le mécanisme de l’exception d’inexécution se double d’une conséquence en droit des biens et en droit des sûretés : le droit de rétention. Le vendeur non payé peut ainsi ne pas livrer (exception d’inexécution), de sorte qu’il conserve la chose, dont la propriété a pourtant été transférée à l’acheteur par l’effet du contrat de vente. Il conserve la chose d’autrui, c’est une sûreté, redoutable, que l’on retrouve dans la vente (C. civ., art. 1612), mais aussi chaque fois qu’un dépôt peut être identifié (575). Le Code civil a, depuis la réforme du droit des sûretés en 2006, consacré ce droit de rétention (C. civ., art. 2286) chaque fois qu’une chose a été remise jusqu’au paiement du prix, qu’une créance résulte du contrat obligeant à livrer ou qu’une créance est née à l’occasion de la détention de la chose. La sûreté s’avère d’autant plus redoutable qu’elle est opposable aux créanciers du débiteur soumis à une procédure de faillite : le rétenteur dispose ainsi de la possibilité d’être payé intégralement pour que le débiteur récupère la chose, sans être soumis au risque de la procédure collective (Cf. C. com., art. L. 622-7, al. 3, L 642-25).

572 Cf. Cass. com. 16 juill. 1980, Bull. civ. IV, n°297. 573 Cf. Cass. civ. 1ère, 18 juill. 1995, Bull. civ. I, n°322. 574 Comp. PECL, art. 8 :805 validant ce type d’exceptioon d’inexécution par anticipation dès lors que le contractant peut raisonnablement croire en l’inexécution prochaine. Adde : A. Pinna, « L’exception pour risque d’inexécution », RTD civ. 2003, p.31. 575 Cf. Cass. civ. 1ère, 7 janv. 1992, Bull. civ. IV, n°4, JCP 1992, I, 3583, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 1992, p. 586, obs. P.-Y. Gautier (à propos d’un garagiste impayé refusant le restituer le véhicule confié pour réparation).

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C - La résolution du contrat pour inexécution

289. Résolution judicaire du contrat pour inexécution et rupture du contrat pour inexécution. – En cas de litige intervenant entre les parties à propos de l'exécution d’une obligation d’un contrat synallagmatique, le créancier déçu peut utiliser la technique de l'article 1184 du Code civil qui, outre le choix de l’exécution forcée propose également la technique de la résolution judiciaire accompagnée de dommages et intérêts. La formule est discutable, dans la mesure où ce texte s’insère dans un chapitre consacré aux conditions résolutoires et non dans la partie du Code civil consacrée aux remèdes, d’ailleurs consacrée pour l’essentiel à la réparation. Le texte de l’article 1184 dispose ainsi que : « La condition résolutoire est, toujours, sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix soit de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, soit d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ». Avant d’exposer les règles relatives à ce mécanisme, il est nécessaire d’observer que cette question se situe au tournant de la question de l’exécution du contrat et de son extinction : la résolution du contrat constate une inexécution contractuelle pour provoquer la rupture du contrat (résolution) aux torts du contractant fautif (576). Dès lors, la question du caractère irréductiblement judiciaire de la résolution se pose, d’une part, pour observer cette technique mais aussi ses éventuelles concurrentes, résolution contractuelle (clause résolutoire) et résolution non judiciaire (dite unilatérale), et d’autre part pour observer que ce mode de rupture se compare à d’autres techniques, telle la résiliation du contrat, technique d’extinction particulière des contrats à durée indéterminée, mais qui peut prendre la figure d’une « résiliation sanction » ou d’une « résiliation sauvegarde ». Nous retrouverons donc ces figures au temps de l’extinction du contrat.

1 – Le mécanisme de la résolution judiciaire

290. Conditions du mécanisme de résolution judiciaire. – Le mécanisme de la résolution judiciaire posé par l’article 1184 du Code civil est, en principe, le seul possible. Il suppose un contrat synallagmatique, ce qui n’est pas tout à fait exact : le mécanisme fonctionne dans tout contrat contenant des obligations à la charge des

576 Cf. T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution, th. Paris II, 2006.

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deux parties (par exemple dans un contrat de donation avec charges, C. civ., art. 953, ou un contrat de gage, . civ., art. 2344, voire un contrat de dépôt ou de prêt à usage, en raison de l’obligation de restitution qui s’impose, C. civ., art.1912 à propos du contrat de rente). Toute inexécution n’emporte cependant pas résolution du contrat. Le caractère judiciaire du mécanisme permet au juge, seul, d’apprécier l’opportunité de résoudre le contrat, en tenant compte de tous les éléments à sa disposition (577) et, notamment la gravité du préjudice subi par l’autre contractant. Seule une inexécution importante, totale ou partielle (578), définitive ou provisoire, d'une obligation, suffisamment grave pour qu’elle perturbe la réalisation du projet contractuel est prise en compte, et pour autant qu’elle n’émane pas du créancier lui-même (579). A défaut, le créancier ne pourra obtenir que des dommages et intérêts. En outre, et exactement comme à propos du jeu de l’exception d’inexécution, la question de savoir si la résolution par anticipation peut être demande se pose, pour une réponse aujourd’hui négative en droit français. Il convient que la résolution soit demandée en justice, elle n’est pas automatique, elle n’est pas non plus une faculté laissée à la discrétion d’une ou des parties. L’appréciation judiciaire joue alors un grand rôle, le juge n’étant jamais tenu de résoudre le contrat. Le juge dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation lui permettant en cas d’inexécution insuffisamment importante ou d’inexécution partielle de vérifier si l’inexécution remet en cause la pérennité du contrat. Il peut alors prononcer la résolution du contrat, accompagnée de dommages et intérêts, ce qui est le but premier de l’action, refuser la résolution, imposer l’exécution du contrat (580), refuser mais prononcer des dommages et intérêts (581), prononcer la résolution mais sans dommages et intérêts ou plus exactement la prononcer aux torts partagés (582). Le juge dispose encore d’autres formules alternatives, soit très ordinaires, comme le fait d’accorder un délai de grâce, sur le fondement de l’article 1244-1 du Code civil (583), soit plus extraordinaires, comme le mécanisme de la résolution partielle du contrat (584) ce qui correspond à

577 Par ex : comportement du débiteur durant l’instance : Cass. civ. 3ème, 26 juin 1991, Bull. civ. III, n°188 (manquements supplémentaires) ; Cass. civ. 3ème, 4 janv. 1995, Bull. civ. III, n°1 (amélioration du comportement). 578 Cf. Cas. Com. 2 juill. 1996, Bull. civ. IV, n°198, Contrats conc. consmo. 1997, n°197, obs. L. Leveneur. 579 Cf. Cass. civ. 1ère, Bull. civ. IV, n°463. 580 Cf. Cass. com. 16 juin 1987, Bull. civ. IV, n°145. 581 Cf. Cass. com. 17 mars 1992, Contrats, conc. consom. 1992, n°93, obs. L. Leveneur. 582 Cf. Cass. com. 17 mars 1998, Dr. & Patr, 1998, n°62, p. 72, obs. P. Chauvel. 583 Cf. Cass. civ. 1ère, 19 déc. 1984, Bull. civ. I, n°343, RTD civ. 1986, p. 107, obs. J. Mestre. 584 Cf. C. Rigalle-Dumetz, La résolution partielle du contrat, Dalloz, 2003.

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une figure originale, souvent lorsque l’inexécution est insuffisante pour prononcer la résolution. Le juge réduit alors l’obligation du créancier à hauteur de l’exécution partielle de l’autre partie, par exemple la diminution du prix dans le cadre d’un contrat d’abonnement, formule qu’on appelle aussi parfois la réfaction du contrat.

291. Contrat de travail. – En outre, certains contrats, dont le contrat de travail notamment, connaissent des modes de rupture particuliers. Ainsi, le licenciement est le mode ordinaire de rupture du contrat de travail pour faute du salarié même si la formule de la résolution du contrat a pu être utilisée lorsque le licenciement était impossible sur le fondement des règles du droit du travail, pour des salariés protégés par exemple (585) comme un mode alternatif de rupture du contrat de travail (586).

292. Effets de la résolution judiciaire du contrat, réfaction du contrat. – Les effets de la résolution sont à peu de choses près ceux de l’annulation du contrat. En effet, la résolution du contrat sanctionne une inexécution tellement grave qu’elle remet en cause le projet contractuel et donc sa pérennité. La résolution est ainsi un mode de rupture du contrat de sorte que le contrat résolu est privé d’effet pour l’avenir : tous les effets cessent et les obligations cessent de produire effet, sauf exception, s’agissant des clauses relatives au litige prévues pour régler les conséquences du litige. C’est le cas, de la clause compromissoire en raison du principe d’autonomie dont elles jouissent (587) ou de la clause attributive de compétence (588). En revanche, disparaissent les clauses aménageant la fin substantielle du contrat comme la clause de non-concurrence (589), solution très contestable sur le seul fondement de la rupture pour l’avenir du contrat par le jeu de la résolution (590), d’autant que, dans le même temps, la jurisprudence considère que la clause pénale demeure (591). Il serait plus conforme de considérer que les clauses que les parties ont prévues de voir demeurer subsistent, comme une clause de non concurrence ou une clause de confidentialité. Pour le passé, en revanche, le contrat est en principe rompu rétroactivement. La rétroactivité s’explique par le fait que la gravité de l’inexécution emporte la considération de l’annihilation du projet

585 Cf. Cass. ch. mixte, 21 juin 1974, D. 1974, p. 593, note A. Touffait. 586 Cass. soc. 15 juin 1999, D. 1999, p. 623, note Ch. Radé, Cass. soc. 9 mars 1999, D. 1999, p. 265, note Ch. Radé. 587 Cass. com. 12 nov. 1968, Bull. civ. IV, n°316. 588 Cass. civ. 2ème, 11, janv. 1978, Bull. civ. II, n°13. 589 Cass. civ. 1ère, 29 nov. 1989, Bull. civ. I, n°365, Cass. civ. 1ère, 6 mars 1996, Bull. civ. I, n°118, RTD civ. 1996, p. 906, obs. J. Mestre. 590 Mais comp. Cass. soc. 8 déc. 1982, Bull. civ. V, n°699. 591 Cas. civ. 3ème, 6 janv. 1993, Liaisons jur. et fisc. 1993, n°667.

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contractuel. Tout le contrat disparaît alors, sauf les clauses relatives au litige et notamment la clause compromissoire celle-ci obéissant à un principe d’autonomie propre à ce mécanisme et qui dépasse le droit des contrat, de sorte que les parties doivent procéder à des opérations de restitution, comme dans le mécanisme de la nullité, y compris s’agissant des effets de la résolution à l’égard des tiers (cf. supra, n°182), de sorte que des mécanismes de restitution s’engagent, à moins que la mise en œuvre de cette rétroactivité soit impossible. Le raisonnement vaut sans trop de difficulté pour le contrat de vente et, d’une manière générale, pour les contrats à exécution rapide, il est plus difficile à admettre pour les contrats à exécution dans la durée. Aussi la jurisprudence considère que la rétroactivité ne s’entend que dans certains cas particuliers. Ainsi les juges tiennent compte de l’opération contractuelle : lorsque cette opération forme un tout indivisible, quand bien même son exécution serait étalée dans le temps, la rétroactivité peut se concevoir (592). Le manquement une obligation atteignant ce tout indivisible, il peut être opportun de remettre en cause le tout. C’est également le cas lorsque le contrat n’a pas été exécuté par une partie dès l’origine ou que l’exécution a été imparfaite depuis le début (593). Lorsque la rétroactivité ne s’impose pas, c’est-à-dire lorsque les juges du fond n’auront pas considéré que l’opération formait un tout indivisible ou bien que l’inexécution ne le remettait pas en cause, ce qui constitue la grande majorité des situations notamment dans les contrats à exécution successive, continue ou échelonnée, la rétroactivité est écartée de sorte que l’on considèrera que les exécutions passées ont été correctement et définitivement exécutées. La résolution n’opère alors que pour l’avenir, comme pour les autres modes ordinaires de rupture du contrat (cf. infra, n°323) ; la résolution prend alors le visage d’une résiliation. De manière plus subtile cependant, le juge peut utiliser une autre technique de sanction de l’inexécution à travers la réfaction du contrat (594) qui permet non point de prononcer la résolution totale du contrat mais de diminer la prestation de l’un en raison de la qualité insuffisante de la prestation de l’autre contractant. Par exemple, au lieu de résoudre la vente alors que le vendeur n’a livré qu’une partie de la chose, et en admettant que l’inexécution soit définitive, le juge peut sanctionner le vedndeur par une diminution du prix : le contrat se maintient donc, mais différemment et ce « différent » étant judiciarement constaté, ou bien les

592 Cf. Cass. civ. 3ème, 20 nov. 1991, Bull. civ. III, n°285 (mission de constuction d’un ensemble immobilier) ; Cass. civ. 1ère, 13 janv. 1987, Bull. civ. I, n°11, JCP 1987, II, 20860, note G. Goubeaux (contrat de formation au permis de conduire). 593 Cf. pour une rétroactivité pronconée dans un contrat à exécution successive : Cass. civ. 3ème 30, avr. 2003, Bull. civ., III, n°87, JCP 2004, II, 10031, note C. Jamin. 594 Cf. P. Jourdain, « A la recherche de la réfaction du contrat, sanction méconnue de l’inexécution », Mélanges Ph. le Tourneau, 2007, p. 449 ; C. Albigès, « le développement discret de la réfaction du contrat », Mélanges M. Cabrillac, 1999, p. 3.

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honoraires excessifs d’un professionnel libéral sont diminués à la hauteur de la prestation réalisée. On observe alors qu’il s’agit d’une immixtion grave du juge dans le contrat , de sorte que la jurisprudence rejette en principe cette sanction, sauf en présence d’un texte (595), moins grave qu’il n’y parait cependant si l’on observe que, d’une part, la réfaction constittue une excellente alternative à la résolution ou à l’exécution forcée du contrat et, d’autre part, qu’elle revient au même résultat, mais plus qu’efficace que d’écarter la résolution et y associant des dommages et intérêts couvrant la part inexécutée. .

2 – La résolution contractuelle

293. Clause résolutoire. −−−− La résolution contractuelle prend la forme d’une clause résolutoire (596) qui promet la rupture automatique du contrat en cas d’inexécution par le débiteur de ses obligations. C’est alors un mécanisme redoutable : la résolution du contrat se produit automatiquement en cas de constant de l’inexécution prévue par la clause. Parfois, le mécanisme est « semi automatique » : dans les contrats de bail, il est fréquent qu’une clause résolutoire stipule que le contrat sera résolu un mois après l’adresse d’une mise en demeure restée infructueuse. La rupture conserve son automaticité, en ce sens que au bout du délai prévu, elle se produira, tout en laissant une certaine marge de manœuvre aux parties : au créancier qui peut ne pas adresser la mise en demeure fatidique, au risque d’ailleurs de se voir reprocher cette tolérance contractuelle en utilisant ensuite la clause de mauvaise foi (597), au débiteur qui dispose d’un délai pour exécuter la prestation promise.

294. Validité et efficacité de la clause résolutoire. – la validité de la clause résolutoire ne pose pas de difficulté particulière. Elle peut être simplement écartée dans certaines circonstances et, notamment, dès lors que le contractant qui n’exécute pas sa prestation se trouve confronté à une procédure collective. Celle-ci, en effet, présuppose le principe de la continuation du contrat, de sorte qu’une clause qui impose la résolution du contrat su seul fait de l’ouverture d’une procédure collective est écartée (C. com., art. L. 622-13). De même certaines règles particulières écartent le jeu de ce type de clause dans certains contrats, comme dans le bail rural (C. rur., art. L. 411-31), voire la réglemente comme dans le bail commercial (C. com., art. L.145-41). En outre, la clause résolutoire ôte, par principe, le pouvoir d’appréciation

595 Cf. Cass. civ. 3ème, 29 janv. 2003, Bull. civ. III, n°23, Defrénois, 2003, p. 844, note E. Savaux. 596 Cf. C. Paulin, La clause résolutoire, LGDJ, 1996. 597 Cf. Cass. civ. 1ère, 31 janv. 1995, Bull. civ. I, n°57, et supra, n°204 s.

Supprimé: r

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du juge que lui accorde l’article 1184, al.3 de sorte que la jurisprudence considère que la clause doit être expressément stipulée (598) et ce, de manière très sévère : il importe que la clause prévoie sans équivoque que l’inexécution envisagée provoque la résolution « de plein droit » et il est fortement conseillé que la clause précise cet effet ; à défaut la clause est réputée renvoyer simplement à la possibilité d’agir devant le juge pour obtenir la résolution judiciaire, comme un simple rappel de l’article 1184 du Code civil (599). Par ailleurs, la clause résolutoire ne saurait couvrir toutes les inexécutions de toutes les obligations du contrat : ce serait en effet une clause de style qui serait alors écartée : il importe donc de déterminer précisément les obligations considérées comme essentielles ou importantes par les parties pour que la résolution contractuelle soit efficace. Dès lors, la résolution contractuelle est particulière, tellement d’ailleurs que la résolution ne saurait jouer pour sanctionner de la même manière une autre obligation que celles expressément visées (600). A l’inverse, lorsque la clause joue efficacement, le juge perd sa capacité d’appréciation, il ne dispose plus que du pouvoir de constater, simplement, que le mécanisme résolutoire s’est produit (601), de même qu’il ne peut tenir compte de la bonne foi du débiteur pour empêcher le jeu de la clause résolutoire (602). Toutefois, le mécanisme résolutoire, tout comme une clause de résiliation d’ailleurs, ne saurait être invoqué de mauvaise foi par exemple lorsque le créancier de l’obligation inexécutée a toléré de longues périodes d’inexécution puis, soudainement, décide de le déclancher (603), ou bien déclanche le mécanisme dans des conditions qui révèlent une telle mauvaise foi (604).

295. Clause de résolution et clause de résiliation. −−−− Le terme « résolution » est emprunté au vocabulaire de la sanction de l’inexécution tandis que celui de « résiliation » renvoie à l’univers de la rupture d’un contrat à durée indéterminé (cf. infra, n°316). Les hypothèses sont cependant convergentes : une clause de résiliation unilatérale peut parfaitement être intégrée au contrat, qu’il soit à durée déterminée ou à

598 Cass. civ. 1ère, 17 mai 1954, RTD civ. 1954, p. 666, obs. J. Carbonnier. 599 Cass. civ. 1ère, 25 nov. 1986, Bull. civ. I, n°279, RTD civ. 1987, p. 313, obs. J. Mestre ; Cass. civ. 3ème, 24 févr. 1999, Bull. civ. III, n°54. 600 Cf. Cass. civ. 3ème, 24 mai 2000, Bull. civ. III, n°110. 601 Cass. civ. 3ème 5 févr. 1992, Bull. civ. III, n°38. 602 Cf. Cas. civ. 3ème, 24 sept. 2003, Bull. civ. III, n°161, RDC 2004, p. 644, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2003, p. 707, obs. J. Mestre et B. Fages. 603 Cf. Cass. civ. 1ère, 31 janv; 1995, Bull. civ. I, n°57, D. 1995, p. 389, note Ch. Jamin ; Cass. civ. 1ère, 16 févr. 1999, Bull. civ. I, n°52, D. 2000, somm. 360, note D. Mazeaud : crédit-rentier ayant a toléré le non paiement des arrérages pendant de nombreues années. 604 Cf. Cass. civ. 3ème, 16 oct. 1973, Bull. civ. III, n°529 : commandement de payer adressé à un locataire que le créancier savait en vacances.

Supprimé: C

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durée indéterminée (cf. infra, n°310 s.). Ces clauses sont en principe valables (605), ne serait-ce que pour prévoir les modalités, les conditions d’utilisation de ce mécanisme, a priori moins rigoureux dans la mesure où il ne joue que pour l’avenir, et surtout, parce que ces clauses introduisent le plus souvent un mécanisme non automatique de rupture, du type « Si a n’exécute pas telle obligation, B. pourra résilier le contrat (avec ou sans préavis) » de telle manière que le simple fait de l’inexécution n’emporte pas la rupture automatique du contrat, comme c’est bien souvent le cas des clauses de résolution. Les praticiens préfèreront grandement les clauses de résiliation, essentiellement pour cette raison.

3 – La résolution unilatérale

296. Efficacité de la résolution unilatérale ou maintien forcé du contrat ? −−−− Le système proposé par le Code civil réserve, en principe, au juge l’exclusivité du déclanchement mécanisme de la sanction d’une inexécution. La résolution, ou la résiliation, est judiciaire, ou n’est pas, sauf hypothèse déjà rencontrée d’une clause résolutoire ou d’une clause de résiliation. Par conséquent, il n’y a en principe aucune place pour la résolution non judiciaire, c’est-à-dire, unilatérale. Unilatérale, car opposée à la résolution ou résiliation bilatérale, le « mutuus dissensus » (606) qui permet aux deux parties de mettre fin au contrat, résultant de l’article 1134, al.2 du Code civil : l’irrévocabilité du contrat empêche, en principe, toute rupture unilatérale de celui-ci, mais une révocation bilatérale. Une telle rupture bilatérale, éventuellement tacite et résultant du comportement des parties d’ailleurs comme la cessation mutuelle des obligations, un peu comme la faculté d’abandon du droit des biens (607), produit tous les effets d’une cessation et, bien entendu, elle n’est pas fautive et ne donne pas lieu à des dommages et intérêts (608). Dans la très grande majorité des cas, la rupture qui en résulte ne vaut que pour l’avenir : il s’agit d’une résiliation bilatérale même si les parties peuvent décider un mécanisme résolutoire et rétroactif. Cette appréciation est cependant sans véritable intérêt pour les contrats à

605 Cf. Cass. civ. 3ème, 4 oct. 1995, Bull. civ. III, n°209, Cass. com. 8 juin 1999, Cass. civ. 1ère, 3 avr. 2001, RTD civ. 2001, p. 585, obs. J. mestre et B. Fages, même dans un contrat à durée déterminée. 606 Cf. R. Vatinet, « Le mutuus disssensus », RTD civ ; 1987, p. 252, E. Putman, « La révocation amiable », in J. Mestre (dir.) La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p. 125. 607 Cf. Cass. civ. 1ère, 18 mai 1994, Bull. civ. I, n°175, Defrénois, 1994, p. 1123, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 1995, p. 108. 608 Cf. Cass. com. 1er févr. 1994, Bull. civ. IV, n°44, RTD civ. 1994, p. 356, obs. J. Mestre.

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durée indéterminée en raison de la faculté de résiliation du contrat que les parties peuvent exercer à tout moment (cf. infra, n°316). Elle ne vaut donc en pratique que pour les contrats à durée déterminée ou pour les contrats exécutés instantanément ou presque. Pourtant, là encore, bien des hypothèses de résolution unilatérale existent dans le Code civil, dans le mandat ou l’article 2004 du Code civil admet la révocation ad nutum, c’est-à-dire à tout moment du contrat de mandat, la vente par exemple avec la faculté de « laisser pour compte » de l’article 1657 du Code civil qui permet de vendeur de considérer la vente comme résolue après l’expiration du délai prévu pour que l’acheteur retire la chose vendue, l’article 12 de la loi du 6 juill. 1989 en matière de bail d’habitation, l’article L. 114-1, al. 2 du Code de la consommation, permettant au consommateur de « dénoncer » le contrat de vente ou de prestation de services par lettre recommandée avec accusé de réception 7 jours après le délai prévu pour leur exécution ou encore l’article L. 132-17, al. 2 du Code de la propriété intellectuel prévoyant la résiliation de plein droit du contrat d’édition lorsque l’éditeur n’a pas publié l’œuvre dans un délai raisonnable, de même que dans des systèmes étrangers ou internationaux, comme dans la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM, art. 49 et 64, résiliation par déclaration unilatérale en cas de « contravention essentielle » (609)). La question s’était en outre posée de l’efficacité d’une telle résolution unilatérale qui est l’une des conséquences de la théorie de l’inexécution efficace du contrat (cf. supra, n°255). Traditionnellement, la jurisprudence considérait que la rupture unilatérale était efficace : la rupture se produit, mais elle est fautive, de sorte que l’auteur de la rupture devait en supporter les conséquences (610), sauf quelques hypothèses très particulières comme la résolution du contrat d’un salarié protégé. Mais inversement, à supposer que la résolution unilatérale soit exercée de manière irrégulière, le contractant évincé peut considérer que la rupture est puisque fautive, inefficace. Une partie de la doctrine (611) retient ainsi comme sanction le maintien forcé du contrat, avatar du mécanisme de l’exécution forcée en nature des obligations, éventuellement d’ailleurs sous la forme d’une action en référé (612). Certes, l’article 1142 du Code civil ne vise que les obligations comme susceptibles d’exécution forcée, mais sur le double fondement de l’article 1184 et de l’article 1134, al. 2 du Code civil, la proposition théorique d’une exécution forcée en nature

609 Et V. Grenoble, 4 févr. 1999, D. 1999, somm., p. 363, obs. Cl. Witz. 610 Cf. par ex. Cass. com. 9 juill. 1996, RJDA 1996, n°1438. 611 Cf. M.-E. Tian-Pancrazi, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1996, J. Mestre et B .Fages, obs. sur Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2000, RTD civ. 2001, p. 135 ; J. Mestre, « Rupture abusive et maintien du contrat », RDC 2005, p. 99. 612 Cf. en ce sens, Cass. civ. 1ère, 29 mai 2001, RTD civ. 2001, p. 590, obs. J. Mestre et B. Fages.

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du contrat n’est pas dénuée de sens, quoique de portée pratique difficilement envisageable. Ce seront en effet les mêmes difficultés que pour l’exécution forcée en nature des obligations, mais cette fois à l’échelle du contrat : la liberté individuelle en est affectée, l’échec économique est prévisible, etc., sauf peut-être pour de rares contrats dans lesquels la personne du contractant n’est pas mise en cause (comme dans une vente à exécution successive) ou lorsque la pérennité du contrat est promise, comme pour certains contrats de distribution sélective fondés sur la sélection, selon des méthodes objectives et non discriminatoires, des contractants.

297. Consécration jurisprudentielle de la résolution unilatérale du contrat. −−−− Retenant finalement cette solution, la cour de cassation a finalement retenu cette solution dans un arrêt Clinique des Ormeaux du 13 octobre 1998 (613). Dans une affaire où une clinique avait conclu un contrat d’exercice libéral (anesthésiste-réanimateur) à titre exclusif pour une durée de trente ans et lui reprochait des manquements graves résultant de son comportement mais également la pratique de sa spécialité en dehors de la clinique, la Cour de cassation avait validé la rupture unilatérale du contrat par la clinique : la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit dure déterminée ou non », solution reprise depuis (614). L’intérêt et la portée de cette solution sont immenses : d’une part, elle valide l’efficacité de la rupture d’un contrat à durée indéterminée et surtout son caractère éventuellement non fautif, mais également la rupture d’un contrat à durée indéterminée sans préavis, lorsque le comportement le justifie. C’est donc un remède nouveau, à la disposition des parties, de nature à leur permettre de se faire justice sans recours préalable au juge et ce dans tout type de contrat, contrat d’exercice libéral, contrat de distribution, etc., avec toutefois quelques points d’interrogation, par exemple s’agissant de contrat qui s’inscrivent dans la

613 Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. civ. I, n°300, D. 1999, p; 197, note Ch. Jamin, somm. p. 115, obs. Ph. Delebecque, Defrénois, 1999, p. 374, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 1999, p. 394, obs. J. Mestre. 614 Cf. Cass. civ. 1ère, 20 févr; 2001, Bull. civ. I, n°40, D. 2001, p. 1568, note Ch. Jamin, Defrénois 2001, p. 705, obs. E. Savaux, RTD civ. 2001, p. 363, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, Bull. civ. I, n°211, Defrénois 2004, p. 378, obs. R. Libchaber, RDC 2004, p. 273, obs. L. Aynès, p. 277, obs. D. Mazeaud, RLDC 2004/2, n°40, note E. Garaud, RTD civ. 2004, p. 89, obs. J. Mestre et B. Fages (mais où la gravité du comportement n’était pas démontrée). Adde : Ch. Jamin, « Les sanctions unilatérales de l'inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence », Ch. Jamin et D. Mazeaud (dir.), L'unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999, p. 71 ; L. Aynès, Ph. Delebecque et Ph. Stoffel-Munck, in Rupture unilatérale du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr. & patr. 2004, no 126, p. 55.

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durée et dont les modes de ruptures sont décrits dans la loi, comme dans le cas du bail et notamment du bail commercial. Les conditions d’une telle résolution − ou résiliation − unilatérale sont cependant rigoureuses. Il convient en premier que celui qui prend l’initiative d’une telle rupture unilatérale, c’est-à-dire non judiciaire, justifie d’un comportement grave de l’autre partie, soit une inexécution particulièrement importante d’une obligation structurante voire essentielle du contrat (615), soit en raison du comportement de l’autre partie qui rend impossible le maintien de la relation contractuelle (616). En outre, celui qui use de cette faculté le fait « à ses risques et périls » précise la Cour de cassation, de sorte que si par malheur, le juge qui aurait à se prononcer sur la validité de l’exercice de cette faculté considérait par exemple que le manquement invoqué n’était pas suffisamment grave, la rupture unilatérale serait considérée au mieux comme fautive, au pire comme fautive et inefficace. Fautive, la sanction se traduit alors par l’allocation de dommages et intérêts correspondant à la brutalité de la rupture (a priori effectuée sans préavis) mais aussi de son caractère fautif, justifiant des dommages et intérêts correspondant au manque à gagner qui aurait été obtenu par la « victime » de la rupture jusqu’au terme du contrat (en pratique, la marge brute espérée pendant cette durée.

298. Condition de forme, notification ? −−−− D’origine jurisprudentielle, le mécanisme ne connaît de conditions précises et la jurisprudence répond aux seules questions qui lui sont posées, de sorte que les conditions formelles de l’exercice de ce droit demeurent floues. Néanmoins, si l’on observe des mécanismes voisins, comme les règles des PEDC (art. 9:303) ou de la CVIM, on observe que l’efficacité de la résolution/résiliation unilatérale du contrat suppose la notification de celle-ci à l’autre partie, solution raisonnable et logique qui permet, à la réception d’une telle notification, d’en tenir compte ou bien de la contester en justice, éventuellement pour demander des dommages et intérêts voire pour demander le maintien forcé du contrat. En outre, si une telle notification n’a pas en principe besoin de motivation, il demeure que son contrôle quasi-systématique par le juge doit inciter l’auteur de la rupture unilatérale à motiver celle-ci, en invoquant les manquements graves reprochés à l’autre partie. Cette exigence de motivation est assez nouvelle en droit français des contrats, elle participe d’une « procéduralisation » du contrat assez heureuse et que l’on rencontre également, avec plus ou moins de succès, au cours de la rupture du contrat (cf. infra n°310) ou de sa circulation (cf. supra, n°247).

615 Comp. a contrario, Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, préc. 616 Comp. Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, préc.

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D - La réparation

299. Dommages et intérêts. −−−− Indépendamment du débat portant sur la réalité de la responsabilité contractuelle (cf. infra, n°347), la technique de la réparation institue une sanction subjective, en ce qu’elle touche le débiteur de l’obligation, et indemnitaire, de l’inexécution d’une obligation obéit à un principe (1) et fait l’objet de conventions (2).

1 – Le principe de la réparation

300. Réparation par équivalent. −−−− Le principe de la réparation comme sanction de l’inexécution de l’obligation est à l’origine du développement de la « responsabilité contractuelle » conçue comme un avatar de la responsabilité délictuelle. Pourtant, au départ, la réparation se justifie comme une alternative à une exécution en nature impossible ou non choisie comme remède, de sorte qu’elle apparaît comme une exécution en équivalent avec toutes les limites posées par l’identification du dommage contractuel réparable, notamment en termes de prévisibilité ou s’agissant de l’obligation de minimiser son propre dommage (cf. supra, n°278).

301. Dommages et intérêt compensatoires.– Les règles de la réparation par équivalent permettent d’identifier une indemnité destinée à compenser la perte subie par le créancier insatisfait : on parle alors de dommages et intérêt compensatoires dont l’évaluation, effectuée au jour de la décision du juge, et non au jour de l’inexécution (617), relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, s’agissant de la réparation de tout le dommage réparable.

302. Dommages et intérêts moratoires. − En outre, lorsque la réparation porte sur une obligation de somme d’argent, la réparation s’effectue en nature et les dommages et intérêts liés au retard sont des dommages et intérêts moratoires déterminés dans les conditions de l’article 1153 du Code civil qui fixe les intérêts en fonction du taux d’intérêt légal (C. CMF, art. L. 313-2) à moins qu’un taux d’intérêt ait été prévu par les parties, parfois imposé d’ailleurs (618), et tout cas non limité par le taux de l’usure (CMF, art. L. 313-3), selon la Cour de cassation (619) qui considère que les pénalités, même conventionnelles, de retard ne sont que l’indemnisation de ce retard et non une rémunération du créancier, de sorte que l’indemnisation moratoire conventionnelle pourrait simplement

617 Cf. Cas. civ. 3ème, 25 sept. 2002, Bull. civ. III, n°170. 618 Cf. C. com., art. L. 441-6, imposant dans les conditions générales de vente entre professionnels une pénalité de retard qui ne peut être inférieur à une fois et demie le taux d’intérêt légal. 619 Cf. Cass. civ. 1ère, 1er déc. 1987, Bull. civ. I, n°318.

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être traitée comme une clause pénale (cf. infra, n°308). Il peut, exceptionnellement, s’ajouter une indemnité supplémentaire en cas de mauvaise foi dans l’exécution (C. civ., art. 1153, al. 4). En outre, l’article 1154 interdit la technique de l’anatocisme, c’est-à-dire la faculté des intérêts de produire eux-mêmes des intérêts : un tel mécanisme doit avoir été prévu par une clause du contrat, ou être demandé au juge par le créancier, et en toute hypothèse, le mécanisme de l’anatocisme est limité aux intérêts échus sur une année entière, sauf dans quelques cas particuliers (loyers, rentes viagères, cf. C. civ., art. 1155) où la technique peut fonctionner pour des périodes plus courtes. Les dommages et intérêts moratoires diffèrent donc des dommages et intérêts compensatoires en raison de leur caractère automatique : nul besoin de démontrer un préjudice particulier, partant du raisonnement que tout retard dans le paiement cause un préjudice du seul fait du coût du refinancement du retard, au taux de l’argent, ce qui suppose toutefois que ce coût ne soit pas nul, voire négatif. En outre, le point de départ de ces dommages et intérêts n’est pas le premier jour du retard mais le jour de la mise en demeure (cf. supra, n°280).

303. Dommages et intérêt moratoires sur dommages et intérêts. −−−− Le prononcé de dommages et intérêts, compensatoires et/ou moratoires est le résultat d’une appréciation au jour du jugement et vaut condamnation. Mais ce simplement prononcé crée une obligation qui, elle-même, et ce quelque soit la source de l’indemnité, délictuelle ou contractuelle, produit des intérêts aux taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, de sorte que tout retard dans l’exécution (et notamment en cas d’appel confirmant le jugement de première instance) produit ces intérêts (C. civ., art. 1153-1). Par ailleurs, après un délai de deux mois suivant le jour où la décision de justice est devenue exécutoire, le taux légal est majoré de cinq points, situation que le juge peut réviser (cf. CMF, art. 313-3).

2. – Les conventions sur la réparation

304. Principe de validité. −−−− Les conventions relatives à la réparation sont très fréquentes. Elles reposent sur un principe de licéité en vertu du principe selon lequel les règles de la responsabilité contractuelles sont supplétives et du principe de la liberté contractuelle (620), voire de l’article 1150 du Code civil sui, limitant la réparation des dommages aux dommages prévisibles, semblent admettre leur éventuelle limitation contractuelle (Cf. supra, n°276). En matière délictuelle, la question est plus complexe : par hypothèse, aucune règle contractuelle ne vient

620 Comp. Cass. civ. 15 juin 1959, D. 1960, p. 97, note R. Rodière ; Cass. civ. 1ère, 19 janv. 1982, Bull. civ. I, n°29,JCP 1984, II, 20215, note F. Chabas, RTD civ. 1983, obs. G. Durry.

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troubler le rapport extra contractuel, par hypothèse. Toutefois, la présence d’une relation contractuelle doublant une situation extra contractuelle n’est en rien exclue. Par exemple, les dispositions du Règlement « Rome II », en matière de loi applicable aux obligations extracontractuelles permettent de choisir la loi applicable à ce rapport à tout moment. En toute hypothèse, les règles en matière de responsabilité délictuelle sont considérées comme d’ordre public, frappant de telles éventuelles clauses de nullité absolue (621). Par ailleurs, le tableau de ces clauses ne doit pas être noirci : si l’examen des clauses limitatives de responsabilité ou allégeant les obligations posent parfois difficultés, bien des clauses, à l’inverse renforcent les obligations ou étendent leur responsabilité, lesquelles portent également leur lot de difficultés.

a – Les clauses relatives à la responsabilité

305. Clauses extensives, limitatives ou élusives de responsabilité. – Les clauses relatives à la responsabilité (622) peuvent se présenter de diverses manières. Il peut s’agir de clauses extensives de responsabilité¸ extrêmement fréquentes en pratiques, notamment dans les relations avec les consommateurs, comme certaines clauses de service après vente (623) dont certaines assurent par exemple une garantie dans tout un réseau de distribution (624) mais on songe également à des clauses plus techniques comme celles qui, dans certains contrats de services, d’assurance ou de crédit notamment, assurent une couverture juridiques, etc. Plus problématique sont les clauses limitatives de responsabilité voire les clauses élusives de responsabilité. Les clauses élusives de responsabilité ou clause de non responsabilité sont celles par lesquelles le débiteur stipule qu’il ne devra aucune réparation en cas d’inexécution. Les clauses limitatives de responsabilité sont celles par lesquelles le débiteur stipule qu’il limite sa responsabilité à un certain forfait en cas d’inexécution.

621 Cass. civ. 17 févr. 1955, D. 1056, p. 17, note P. Esmein, JCP 1955, II, 8951, note R. Rodière. 622 Ph. Delebecque, « Les clauses de responsabilité », in J. Mestre (dir.), Les principales clauses des contrats conclu entre professionnels, PUAM, 1990, p.192, Les clauses d’allègement des obligations, Th. Aix, 1981, Clauses d’allégement des obligations, Jur. Class. Contrats, Fasc. 110, Clauses relatives à la responsabilité, Jur. Class. Civ., Fasc. 210 ; M. Fontaine, « Les clauses limitatives et exonératoires de responsabilité et de garantie dans les contrats internationaux », RDAI. 1985.435 ; B. Starck, « Observations sur le régime juridique des clauses de non responsabilité », D. 1974. Chr. 157. 623 Cf. P. Ancel, « La garantie conventionnelle des vices cachés dans les conditions générales de vente », RTD com. 1979.203. 624 Cf. Cass. com. 18 juin 1991, Contr. conc. consom. 1991, n°218, obs. L. Leveneur, P. Ancel, art. cit., n°21 ; G. Lévy, « Recherches sur quelques aspects de la garantie des vices cachés dans la vente de véhicules neufs et d'occasion », RTD civ. 1970, p. 1.

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306. Clauses allégeant ou renforçant les obligations. −−−− On observera alors que certaines clauses n’intéressent pas la responsabilité mais l’obligation elle-même : on parle de clauses allégeant les obligations voire de clauses de non obligation (625). Valables elles aussi en principe, elles se heurtent cependant au même principe de validité que les clauses limitatives de responsabilité lorsqu’elles aboutissent à un résultat voisin. Comparons, par exemple les deux clauses suivantes : « Le vendeur devra livrer 100 tonnes de café à 1000 francs la tonne, plus ou moins 10 % » et « le vendeur devra livrer 100 tonnes de café. En cas d’inexécution, la responsabilité du vendeur ne saurait être recherchée ». Dans le premier cas, la clause d’allègement de l’obligation de livrer que l’on appelle parfois « clause de tolérance » revient à limiter la responsabilité du vendeur à 90 % du montant attendu de la livraison. Dans le second cas, la clause de non responsabilité revient à permettre de ne pas exécuter, à une clause de non obligation. De telles clauses sont assez fréquentes en pratique, elles concernent des hypothèses où la règle supplétive identifie une obligation de résultat par exemple et que les parties, même dans un contrat d’adhésion (626), transforment en obligation de moyens (627). Ainsi, dans la vente, l’obligation e délivrance est-elle une obligation de résultat : le vendeur doit mettre la chose à la disposition de l’acheteur dès la réalisation de la vente, mais les parties peuvent convenir d’une livraison tardive (comp. Cependant C. consom., art. L. 114-3), avec un terme de rigueur ou impératif (« la chose sera livrée le tant, terme de rigueur »), ou bien au contraire un terme indicatif, plus approximatif (« la chose sera livrée le tant, terme indicatif »). A l’inverse, d’ailleurs, des clauses peuvent, dans le même esprit, renforcer les obligations des parties, comparées au régime supplétif de celles-ci. Là encore, on retrouve très usuellement cette situation, s’agissant par exemple des obligations post-contractuelles de non concurrence, ce qui n’empêche pas d’ailleurs qu’elles soient étroitement contrôlées, ou encore, dans les cessions de titres sociaux, les clauses de garantie de passif ou d’actif, qui étendent les obligations du cédant, en cas de survenance d’un passif nouveau ou de la diminution d’un actif

625 Cf. Ph. Delebecque, Les clauses d’allègement des obligations, Th. Aix, 1981. Comp. Cass. civ. 1ère, 23 f évr. 1994, Bull. civ. I, n°76, D. 1995, p. 214, note S. Dion, JCP 1994, I, 3989, obs. G. Viney, RTD civ. 1994, p. 616, obs. P. Jourdain, à propos d’une clause, dans un ticket de parking selon laquelle les usages criculent et stationnent à leurs risques et périls, clause déchargeant l’exploitant du parking de son obligation de gardien. 626 Cf. Cass. civ. 1ère, 19 janv. 1982, préc. 627 Cass. civ. 1ère, 5 juill. 2005, Bull. civ. I, n°300, RDC 2006, p. 328, obs. D. Mazeaud, p. 410, obs. Ph. Delebecque, validant une clause faisant de l’obligation de transporter voyageur et bagages avec une « diligence raisonnable » et censurant l’arrêt d’appel qui avait condamné le transporteur en raison duretard subi, sur le fondement de l’article 1134, donc de la validité de l’obligation allégeant l’obligation.

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comparé aux comptes sociaux présentés le jour de la cession.

307. Limites à la validité des clauses limitatives ou élusive de responsabilité. – Quoique valables par principe, les clauses limitatives et, a fortiori, les clauses élusives de responsabilité se heurtent à plusieurs limites importantes, qui réduisent à la portée du principe à une peau de chagrin. D’une manière générale, ces clauses sont considérées comme des exceptions de telle manière que leur interprétation se heurte à une interprétation stricte (628). 1 – Elles sont d’abord écartées lorsqu’une disposition particulière de la loi les prohibe. C’est le cas par exemple du contrat d’hôtellerie (C. civ., art. 1953, al. 2), du contrat de transport terrestre (C. com. art. L.133-1), du contrat de travail (C. trav., art. L. L. 122-14-17), voire de dispositions générales comme les règles du droit de la concurrence, comme l’affaire des « cuves » l’avait montré (cf. supra, n°150). 2 – Elles sont ensuite écartée lorsqu’elles peuvent être considérées comme des clauses abusives aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui répute non écrites : « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » (cf. supra, n°158) . C’est le cas notamment des clauses limitatives ou élusives de responsabilité de garantie dans la vente conclue avec un consommateur en vertu de l’article R. 132-1 du Code de la consommation. 3 – Ces clauses ne peuvent aller à l’encontre d’une obligation essentielle du contrat, selon un principe de cohérence contractuelle : on ne peut dire une chose et son contraire dans un contrat (cf. supra, n°164). 4 – L’intensité de l’inexécution de l’obligation par le débiteur joue également un rôle. Nous avons vu que la faute dolosive, à laquelle est assimilée la faute lourde, emporte l’écart des clauses limitatives de responsabilité (cf. supra, n°263). C’est le cas par exemple de la pratique du surbooking par une compagnie aérienne (629). 5 – Enfin, la nature du dommage est susceptible d’influencer également l’appréciation de la validité des clauses limitatives de responsabilité : le problème se pose s’agissant des clauses limitatives de responsabilité, ou de clauses allégeant une obligation, en matière de dommages corporels. La question est difficile, aucune règle n’envisage expressément cette question. Ainsi, on peut songer à une clause limitant la responsabilité liée à l’inexécution d’une obligation de sécurité, ou à une clause qui allégerait les obligations d’une personne. Certains textes particuliers envisageant cette situation comme l’article 1386-5 du Code civil qui, en matière de

628 Cf. Cas. com. 24 janv. 1983, Bull. civ. IV, n°29. 629 Cf. Paris, 12 déc. 1992, D. 1993, p. 98.

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responsabilité du fait des produits défectueux admet les clauses limitatives en matières de dommages causés aux biens, mais point s’agissant des dommages causés à la personne, ou l’un des annexes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation en matière de clauses abusives. On peut, d’une manière plus générale, considérer qu’une telle clause serait nulle, et de nullité absolue (630), sur le fondement de l’article 6 du Code civil, en raison du caractère hors commerce du corps humain (Cf. C. civ., art. 1128, 16-1, 16-3). L’article 1382-1 du Code civil, dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations envisage d’ailleurs cette solution. Cette solution est parfaitement envisageable du point de vue des clauses limitatives, mais devient problématique face à une clause extensive de responsabilité, voire face aux assurances de responsabilité en matière de dommages corporels, sauf à retenir une nullité particulière, ne frappant que les limitations, point les améliorations, comme le droit du travail admet les clauses et conventions qui améliorent la situation du salarié comparé aux règles d’ordre public in favorem posées par le Code du travail, point celles qui la diminuent.

b. – Les clauses pénales

308. Définition et caractères de la clause pénale : double référence. – La clause pénale (631) est une clause très fréquente dans les contrats qui prévoit, généralement de manière forfaitaire, une indemnité à la charge du débiteur et au profit du créancier en cas d’inexécution, c’est une nouvelle forme de « peine privée » ou de manière plus optimiste, un remède à l’inexécution prévu par les parties, un mode contractuel de gestion des risques d’inexécution ou de retard dans l’exécution. Elle est définie par deux articles du code civil (cf. C. civ., art. 1226 et 1129 C. civ.) qui lui assignent des fonctions duales. Elle est ainsi, en premier, une clause qui assure un forfait de réparation au profit du créancier en cas d’inexécution, c’est l’aspect indemnitaire de la clause pénale (C. civ., art. 1229). De ce point de vue, la clause pénale peut être considérée comme une clause limitative ou extensive de responsabilité selon les cas (632). La clause pénale est également celle qui tend à assurer, voire forcer, l’exécution de l’obligation : c’est l’aspect comminatoire de la clause pénale (C. civ., art. 1226). Elle peut, là encore, se présenter sous la forme d’un forfait de réparation, mais aussi sous une forme proportionnelle notamment pour éviter les retards d’exécution (« en cas de retard dans

630 Comp. Versailles, 5 avr. 2002, RJDA 2002, n°949. 631 Cf. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992. 632 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 févr. 1969, Bull. civ., I, n°68. Adde Ph. Malinvaud, « De l’application de l’article 1152 du Code civil aux clauses limitatives de responsabilité », Mélanges F. Terré, 1999, p. 689.

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l’exécution le débiteur devra une somme de 1 000 € par jour de retard »). La clause pénale se transforme alors en clause d’astreinte, très utile pour éviter les retards voire pour forcer l’exécution d’une obligation de ne pas faire. Cette double définition se révèle alors très utile pour la distinguer de clauses voisines, la clause limitative de responsabilité par exemple (et les parties prendront garde d’insister sur l’aspect comminatoire pour éviter la confusion) ou des clauses de dédit (633) voire des clauses dites d’indemnité d’immobilisation dans les promesses de contracter (634), en raison du caractère non indemnitaire ou non comminatoire, en principe du moins, de ces clauses, exclusion qui s’explique essentiellement par l’attrait du régime de ces clauses, s’agissant de leur éventuelle révision. Parfois, la démonstration est moins convaincante. Par exemple, la Cour de cassation avait considéré qu’une clause stipulant dans un contrat une indemnité contractuelle de résiliation ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, indépendante de toute inexécution, excluant ce faisant sa qualification de clause pénale (635), analyse qui suppose une résiliation non fautive.

309. Limitation et révision judiciaire des clauses pénales. – Dans certains contrats, les clauses pénales sont contingentées, comme les clauses pénales en cas de défaillance de l’emprunteur dans les contrats de crédit à la consommation (C. consom., art. L. 311-30) ou dans les contrats de crédit immobilier conclus avec un consommateur (C. consom., art. L. 312-2) ou, à l’inverse, en prévoyant un minimum légal comme dans le contrat de construction (CCH, art. L. 231-14) ou dans les conditions générales de vente entre professionnels (C. com., art. L. 441-3). Surtout, les risques d’excès dans les montants prévus par les clauses pénales ont justifié, à partir du cas des contrats de crédit-bail dans lesquels il était contractuellement prévu que le défaut de paiement d’une échéance emportait résiliation du contrat et, à titre de pénalité, le remboursement anticipé de tous les loyers non échus, la réforme des articles 1231 et 1152, al. 2, par une loi du 9 juillet 1975, afin de permettre au juge, qui s’y refusait sans cette autorisation légale expresse, de réviser les clauses pénales lorsqu’elles sont « manifestement excessives ou dérisoires ». Ce nouveau « pouvoir modérateur » du juge est impératif, peut être exercé d’office mais ne s’impose pas au juge (636). L’article

633 Cf. Cass. com. 2 avr. 1996, D. 1996, somm. 329, obs. D. Mazeaud, Cass. com. 14 oct. 1997, Defrénois, 1998, p. 328, obs. D. Mazeaud. 634 Cf. Cass. civ. 3ème, 5 déc. 1984 (2 arrêts), Bull. civ. I, n°207 et 208, D. 1985, p. 544, note F. Bénac-Schmidt, RTD civ. 1985, p. 372, obs. J. Mestre. 635 Cf Cass. civ. 1ère, 6 mars 2001, Bull. civ. I, n°56, D. 2001, somm. P. 3243, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 2001, p. 589, obs. J. Mestre et B. Fages. 636 Cf. Cass. civ. 1ère, 12 juill. 2001, Bull. civ. I, n°218.

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1231 du Code civil permet, en cas d’inexécution seulement partielle de limiter la peine convenue à proportion de l’intérêt que le créancier a retiré de l’exécution partielle mais surtout, l’article 1152, al. 2 du Code civil permet la révision, à la hausse, rarement (637), ou à la baisse, de manière plus commune, du montant de la pénalité. Le juge dispose de ce pouvoir modérateur mais de manière contrôlée, d’abord par la qualification de clause pénale, strictement entendue, mais aussi par l’appréciation motivée du caractère manifestement excessif ou dérisoire de la pénalité, sans pouvoir tenir compte d’éléments extérieurs, comme les difficultés financières du débiteur par exemple (638). Il convient donc d’observer une disproportion entre l’importance du préjudice subi et le montant de la pénalité, ce qui rend en pratique assez difficile la révision d’une clause pénale prenant la forme d’une clause d’astreinte, pour obtenir une augmentation ou, plus souvent, une diminution de la clause, pour rendre le montant des pénalités équivalent au préjudice subi. Le juge peut faire correspondre clause pénale et préjudice ; il peut diminuer le montant de la clause pénale sans qu’il corresponde au montant du dommage, mais il ne peut aller en dessous du montant du préjudice.

Bibliographie A. La force obligatoire du contrat 1 Sur la force obligatoire en général

M.-E. Tian-Pancrazi, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996, P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771, « La force obligatoire, jusqu’où faut-il la défendre ? » in C. Jamin et D. Mazeaud, La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p. 163, C. Jamin, « Une brève interprétation de l’article 1134 du Code civil, D. 2002, Chr. p. 901.

2. Contenu et construction du contrat – Sur les obligations de faire et de ne pas faire : J. Taxil, L’obligation

de ne pas faire, Th. Aix, 2003 – Sur la construction du contrat : L’ouvrage fondamental en la matière

est J. M. et P. Mousseron, J. Raynard, J-B. Seube, Technique contractuelle, Ed. F. Lefebvre, 2005. Adde B. Fages, La rédaction du contrat, in Droit du contrat (Dir. B. Fages), Ed. Lamy, étude 170, J.-M. Mousseron, « La gestion des risques par le contrat », RTD com. 1988, p. 481, D. Poracchia, La

637 Cf. Cass. soc. 5 juin 1996, Bull. civ. n°226, Defrénois 1997, p. 737, obs. D. Mazeaud. 638 Cf. Cass. civ. 1ère, 14 nov. 1995, Bull. civ. I, n° 412, Defrénois 1996, p. 365, obs. D. Mazeaud.

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réception juridique des montages conçus par les professionnels, PUAM, 1998, M. Lamoureux, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, PUAM, 2006.

– Sur les clauses contractuelles : J. Mestre (dir.) Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990, p. 56, Ph. Delebecque, « Clausula, clausulae, clausularum », in Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 33, M. Mekki, « Le nouvel essor du concept de clause contractuelle (2 parties) » RDC 2006, p. 1051 et 2007, p. 239, L. Cadiet, Clauses relatives aux litiges, J.-Cl. Contrats-distribution, Fasc. 190.

– Sur la langue du contrat : J. Julien, « La langue française et le contrat », Mélanges Ph. le Tourneau, Dalloz, 2007, p. 465, J.-M. Mousseron et P. Mousseron, « La langue du contrat », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec 1999, p. 219 s.

3. Bonne foi et exécution du contrat – Généralités : Cf. supra, p. et adde : B. Fages, Le comportement du

contractant, PUAM, 1997, S. Darmaisin, Le contrat moral, contribution à l'étude de la règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1999, Ph. Stoffel-Munck, L’abus de droit dans les contrats ; Essai d’une théorie, LGDJ, 2000, G. Khairallah, « Le « raisonnable » en droit privé français, développements récents », RTDciv. 1984, p. 439, Ch. Jamin, « Révision et intangibilité du contrat ou la double philosophie de l'article 1134 du Code civil », in Que reste-t-il de l'intangibilité du contrat, Dr. & Pat. 1998/4, p.46.

– Sur l’article 1135 du Code civil : Ph. Jacques, Regards sur l’article 1135 du Code civil, Dalloz, 2005, C. Mouly, L’article 1135 du Code civil, Litec, 2005.

– Sur la dépendance contactuelle : G. Virassamy, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, V. Lasbordes, Les contrats déséquilibrés, PUAM, 2000.

4. Adaptation du contrat A. Ghozi, La modification de l’obligation par la volonté des parties,

LGDJ, 1980, G. Piette, La correction du contrat, Th. Pau, 2002, L. Aynès, « L’imprévision en droit privé », Rev. Jur. Comm. 2005, p. 397, B. Fauvarque-Causson, « Le changement de circonstances », RDC 2004, p. 67 ; D. Tallon, « La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements récents du droit comparé », Mélanges A. Sayag, 1997, p. 403, R. Fabre, « Les clauses d’adaptation dans les contrats », RTDciv. 1983, p. 19.

5 Simulation et fraude

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J.Vidal, Essai d’une théorie générale de fraude en droit français, Dalloz, 1957, M. Dagot, La simulation en droit privé, LGDJ, 1967, F. Deboissy, La simulation en droit fiscal, LGDJ, 1997.

6 Interprétation du contrat

J. Dupichot, « Pour un retour aux textes : défense et illustration du « petit

guide âne » des articles 1156 à 1164 du Code civil », Mélanges J. Flour, 1979, p. 179, M. Lamoureux, « La clause d’intégralité en droit français, anglais et américain », RDLC, 2007/35, n°2418 ; E. Rawach, « La portée des clauses tendant à exclure le rôle des documents précontractuels dans l’interprétation du contrat », D. 2001, Chr, p.223.

B. L’effet relatif du contrat 1. Le principe de l’effet relatif du contrat A. Weill, La relativité des contrats en droit privé, Th. Strasbourg, 1939 ,

J.-L. Goutal, Recherches sur le principe de l’effet relatif des contrats, Th. Paris, II, 1977, Y. Flour, L’effet des contrats à l’égard des tiers en droit international privé, Th. Paris, II, 1977, F. Bertrand, L’opposabilité du contrat aux tiers, Th. Paris II, 1979, J. Duclos, L’opposabilité, LGDJ, 1984, M. Fontaine et J. Ghestin (dir.), Les effets du contrat à l’égard des tiers (Comparaisons franco-belges), LGDJ, 1993, M. Bacache-Gibelli, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 1996 ; R. Savatier, « Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats », RTDciv. 1934, p. 525, R. Winston, « Etude critique de la notion d’opposabilité » in Les effets du contrat à l’égard des tiers, LGDJ, 2004

2. Les parties et les tiers R. Cabrillac, La notion d’acte conjonctif, LGDJ, 1990, Ph. Delmas-Saint-

Hilaire, Le tiers à l’acte juridique, LGDJ, 2000, M. Vasseur, « Essai sur la présence d'une personne à un acte juridique accompli par d'autres », RTD civ. 1949, p. 173, J.-L. Aubert, « A propos d’une analyse renouvelée des parties et des tiers », RTDciv. 1993, p. 263 ; C. Guelfucci-Thibierge, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat…à l’élargissement de la portée du principe de l’effet relatif », RTCciv. 1994, p. 275 ; J. Ghestin, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers », RTDciv. 1994, p. 777 ; J.-P.Tosi, « L'adhésion du destinataire au contrat de transport », Mél. Mouly Ch., t. II, Litec, 1998, p. 175, M.-L. Mathieu-Izorche, « Une troisième personne bien singulière ou « 2+2 = tout autre chose », RTDciv. 2003, p. 51.

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3. L’opposabilité du contrat Cf. P. Hugueney, La responsabilité du tiers complice de la violation

d’une obligation contractuelle, th. Dijon, 1910, J. Duclos, L’opposabilité, LGDJ, 1984, , R. Wintgen, Etude critique de la notion d’opposabilité, les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand, Th. Paris, I, 2002, E. Lalou, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant et d’un contractant à l’égard des tiers », DH 1928, Chr. 69, B. Starck, « Des contrats conclus en violation des droits contractuels d’autrui », JCP 1954, I, 1180, C. Hécart, L’inexécution contractuelle : fait générateur de responsabilité délictuelle envers les tiers, Th. Paris V, J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479, D. Arteil, « L’effet des conventions à l’égard des tiers dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations », LPA 15 nov. 2006, n°228, p. 11.

4. Transmission de l’obligation aux ayant-cause à titre particulier O. Deshaye, La transmission de plein droit des obligations à l’ayant

cause à titre particulier, LJDJ 2004, et très classique : J. Lepargneur, « De l’effet à l’égard de l’ayant-cause à titre particulier des contrats générateurs d’obligations conclus par son auteur relativement au bien transmis », RTDciv. 1924, p. 4811, Du Garreau de La Méchénie, « La vocation de l’ayant-cause à titre particulier aux droits et obligations de son auteur », RTDciv. 1944, p. 219 et infra, p. et p. sur la circulation du contrat et la transmission des obligations.

5. Les groupes de contrats et les actions directes L’étude de la question, entamée de manière générale par M. Cozian,

L’action directe, LGDJ, 1969 a surtout connu son apogée avec la thèse de B. Teyssié, Les groupes de contrats, LGDJ, 1975 qui fut ensuite suivie de nombreux autres travaux : J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ, 1979, C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, M. Bacache-Gibelli, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 1996, D. Mainguy, La revente, Litec, 1996, F. Leclerc, « Les chaînes de contrats en droit international privé », JDI 1995, p. 267, J. Bauerreis, « Le rôle de l’action directe contractuelle dans les chaînes internationales de contrats, Rev. Crit. DIP, 2000, p. 331, C. Lisanti-Kalszynski, « L’action directe dans les chaînes de contrats ? Plus de dix ans après l’arrêt Besse », JCP 2003, I, 102, D. Mainguy, « L’actualité des actions directes dans les chaînes de contrats », Mélanges J. Béguin, 2005, p. 449 ; P. Puig, « Faut-il supprimer l’action directe dans les chaînes de contrats ? », Mélanges J. Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p.913

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6. Engagements pour autrui – Sur les opérations à trois personnes : Ch. Larroumet, Les opérations

juridiques à trois personnes en droit privé, Th. Bordeaux, 1968, J. François, Les opérations juridiques triangulaires attributives, Th. Paris II, 1994, C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes, Th. Bordeaux, 1996 (et infra, p. ).

– Sur le porte-fort : S. Véricel, « Désuétude ou actualité de la promesse de porte-fort ? », D. 1988, chr., p. 123 ; Ph. Simler, « Les solutions de substitution au cautionnement », JCP éd. G 1990, I, 3427 ; « Peut-on substituer la promesse de porte-fort à certaines lettres d'intention, comme technique de garantie ? », RD bancaire et bourse 1997, p. 223, A. Jonville, « Pratique de la promesse de porte-fort », Dr. & patr. 1998, n°57, p. 28.

– Sur la stipulation pour autrui : J.-M. Roux, Le rôle créateur de la stipulation pour autrui, PUAM, 1991, G. Vénandet, « La stipulation pour autrui avec obligation acceptée par le tiers bénéficiaire », JCP éd. G 1989, I, 3391 ; D. R. Martin, « La stipulation de contrat pour autrui », D. 1994, chr., p. 145.

C. La circulation du contrat J. Ghestin, Ch. Jamin et M ; Billiau, Les effets du contrat, 2001, 1113 s.,

C Larroumet, Les opérations juridiques à trois personnes, Th. Paris II, 1978, L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica, 1984, E. Jeuland, Essai sur la substitution de personne dans un rapport d'obligation, LGDJ, 1999, M.-L. Izorche, Circulation du contrat, J.-Cl. Contrats-distribution, fasc. 160, L. Aynès, « Les clauses de circulation du contrat », in J. Mestre (dir.), Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990, « Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé », D. 1998, Chr. p. 25, C. Larroumet, « La cession de contrat : une régression du droit français ? », Mélanges M. Cabrillac, 1999, p.151, « La descente aux enfers de la cession de contrat », D. 2002, Chr. P. 1555, D. R. Martin, « Du changement de contractant », D. 2001, Chr. P. 3144, I. Najjar, « Clause de substitution et « position contractuelle », D. 2000, Chr. p. 635.

D. L’inexécution du contrat et les remèdes 1. Sur la question de la responsabilité contractuelle Les auteurs s’intéressent depuis longtemps à la distinction entre

responsabilité délictuelle et contractuelle (cf. not. J. Huet, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : essai de délimitation des deux

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ordres de responsabilité, Th. Paris II, 1978 ; G. Viney, Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 2e éd., 1995, n°161 s.) mais la controverse sur l’existence opportune d’un régime de « responsabilité contractuelle » a été entamée par Ph. le Tourneau : Ph. le Tourneau, Traité sur la responsabilité civile, Dalloz, 1972 ; Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 6e éd., 2006-2007, et reprise par MM. Ph. Rémy et D. Tallon : D. Tallon, « L'inexécution du contrat : pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223 , « Pourquoi parler de faute contractuelle ? », Mélanges G. Cornu G., 1994, p. 429, Ph. Rémy, « Critique du système français de responsabilité civile », Droit et cultures 1996/31, p. 31, « La responsabilité contractuelle : histoire d'un faux concept », RTD civ. 1997, p. 323, suivie par une partie de la doctrine : C. Atias, « Spécificité de l'activité médicale et responsabilité », in La responsabilité civile du médecin, PUAM, 1993, p. 109, J. Bellisent, Contribution à l'analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001, Ph. Laurent, L'enchevêtrement des actions de l'acheteur liées à l'état du bien vendu, Th. Nantes, 1998, L. Leturmy, « La responsabilité délictuelle du contractant », RTD civ. 1998, p. 839, V. Perruchot-Triboulet, Théorie générale des obligations et responsabilité civile, PUAM, 2002, M. Faure-Abbad, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle (contribution à la théorie de l'inexécution du contrat), th. Poitiers, 2002, C. Grare, Recherches sur la cohérnece de la responsabilité civile déclictuelle, Th. Paris II, 2003, mais critiquée par une autre : M. Fontaine et G. Viney, Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Bruylant, 2001, G. Durry, « Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : dualité ou unité ? », in La responsabilité civile à l'aube du XXIe siècle, Resp. civ. et assur. juin 2001, no spécial, p. 20 ; E. Savaux, « La fin de la responsabilité contractuelle ? », RTD civ. 1999, p. 1, G. Viney, « La responsabilité contractuelle en question », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 920.

2. L’inexécution licite du contrat (Efficient Breach of Contract) C. Chabas, L’inexécution licite du contrat, LGDJ 2002, Y.-M. Laithier,

Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, LGDJ, 2002 ; C. Fluet, « La rupture efficace du contrat, in C. Jamin (dir.), Droit et économie des contrats, LGDJ, 2008, p. 155, J. Rochfeld, « la rupture efficace », in C. Jamin (dir.) Droit et économie des contrats, op. cit., p. 169, et les références citées.

3. L’intensité des obligations B. Gross, La notion d’obligation de garantie dans le droit des contrats,

LGDJ, 1964, J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et de résultat, LGDJ, 1965, P.-A. Crépeau, L’intensité de l’obligation juridique ou des obligations de moyens, de résultat et de garantie, Québec, Y. Blais, 1990, J. Bélissent, Contribution à l’analyse de la distinction entre les

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obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001, H. Mazeaud, « Essai de classification des obligations », RTDciv. 1936, p.1, A. Tunc, « Distinction des obligations de moyens et des obligations de diligence », JCP 1945, I, 449, V. Malabat, « De la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat », Mélanges C. Lapoyade-Deschamps, 2003, N. Rontchevsky, « Faire le nécessaire », Mélanges Ph. Simler, 2006, p. 417.

4. L’intensité des inexécutions G. Viney, « Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute

inexcusable et faute lourde », D. 1975, chr., p. 263. 5. Causes d’exonération F. Chabas, L’influence de la pluralité de causes sur le droit à réparation,

LGDJ, 1967, P.-H. Antonmattéi, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, C. André, Le fait du créancier contractuel, LGDJ, 2002, F. Leduc, « La spécificité de la responsabilité contractuelle du fait des choses », D. 1996. Chr. 164, P.-H. Antonmattéi, « Ouragan sur la force majeure », JCP 1996, I, 3907.

6. Obligation de minimiser le dommage St. Reifegerste, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM,

2002, A. Laude, « L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t-elle en droit privé français ? » LPA 2002, n°352, p. 55, S. Pimont, « Remarques complémentaires sur le devoir de minimiser son propre dommage », RLDC 2004/9, n°364 et 2004/10, n°402, Y. Derains, « L’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale », RDAI, 1987, p. 375.

7. Les remèdes – Généralités : M.-E. Tian-Pancrazi, La protection judiciaire du lien

contractuel, PUAM 1996, M. Fontaine et G. Viney, Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Bruylant, 2001, Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, LGDJ, 2004.

– Sur l’exécution forcée en nature : P. Wery, L’exécution forcée en nature des obligations contractuelles non pécuniaires, Kluwer 1993, V. Lonis-Apokourastos, La primauté contemporaine du droit à exécution en nature, PUAM, 2003, D. Mazeaud (dir.), L’exécution forcée en nature, RDC 2005 (not. J. Mestre, « Rupture abusive et maintien du contrat », RDC 2005, p. 99, Y.-M. Laithier, « La prétendue primauté de l’exécution forcée en nature », RDC 2005, p. 161), W. Jeandidier, « L’exécution forcée des

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obligations contractuelles de faire », RTDciv. 1976, p. 700, O. Morita, « L’origine doctrinale de l’article 1142 du Code civil. Essai sur l’adage « Nemo praecise cogi potest ad factum », Rev. hist. droit, 1995, p. 201.

– Sur l’exception d’inexécution : C. Malecki, L’exception d’inexécution, LGDJ, 1999, A. Aynes, Le droit de rétention, unité ou pluralité, Economica, 2005.

– Sur la résolution : B. Houin, La rupture unilatérale des contrats synnalagmatique, Th. Paris II, 1973, C. Paulin, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, C. Rigalle-Dumetz, La résolution partielle du contrat, Dalloz, 2003, T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution, th. Paris II, 2006, R. Vatinet, « Le mutuus disssensus », RTDciv ; 1987, p. 252, E. Putman, « La révocation amiable », in J. Mestre (dir.) La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p. 125, J. Mestre, « Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in J. Mestre (dir.), La cessation des relations contractuelles d’affaires, op. cit., p. 13, Ch. Jamin, « Les sanctions unilatérales de l'inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence », Ch. Jamin et D. Mazeaud (dir.), L'unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999, p. 71 ; B. Le Bars, La résiliation unilatérale du contrat pour cause d’intérêt légitime, D. 2002, Chr. p. 381, S. Amrani-Mekki, la résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois, 2003, art. 37688, L. Aynès, Ph. Delebecque et Ph. Stoffel-Munck, in Rupture unilatérale du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr. & patr. 2004, no 126, p. 55.

– Sur la réfaction du contrat : C. Albigès, « le développement discret de la réfaction du contrat », Mélanges M. Cabrillac, 1999, p. 3, P. Jourdain, « A la recherche de la réfaction du contrat, sanction méconnue de l’inexécution », Mélanges Ph. le Tourneau, 2007, p. 449.

– Sur la suspension du contrat : J.-M. Béraud, La suspension du contrat de travail, Th. Lyon, 1980, J.-F. Artz, « La suspension du contrat à exécution successive », D. 1979, Chr. p. 95.

– Sur les clauses relatives à la réparation : cf. Supra, p. et D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, Ph. Malinvaud, « De l’application de l’article 1152 du Code civil aux clauses limitatives de responsabilité », Mélanges F. Terré, 1999, p. 689, Ph. Delebecque, « Les clauses de responsabilité », in J. Mestre (dir.), Les principales clauses des contrats conclu entre professionnels, PUAM, 1990, p.192, Clauses relatives à la responsabilité, Jur. Class. Civ., Fasc. 210 ; M. Fontaine, « Les clauses limitatives et exonératoires de responsabilité et de garantie dans les contrats internationaux », RDAI. 1985.435 ; B. Starck, « Observations sur le régime juridique des clauses de non responsabilité », D. 1974. Chr. 157.

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CHAPITRE 4

L'EXTINCTION DES CONTRATS

310. Durée des contrats. −−−− Nous avons déjà rencontré la question de la durée des contrats, essentiellement en termes de classification (cf. supra, n°52). Elle oppose les contrats à exécution instantanée ou plus exactement à exécution rapide, puisque les contrats ne sont jamais à exécution instantanée, même la vente qui en constitue pourtant le modèle connaît une obligation de garantie dont la durée est de deux ans (C. civ., art. 1644), et les contrats de longue durée. Cette distinction est une distinction purement pratique, le Code civil n’ayant pas prévu cette distinction ni même à quelques exceptions près s’agissant de quelques contrats spéciaux comme le bail ou le prêt, cette question. A fortiori le Code civil ne s’est pas préoccupé de l’effet de la durée sur le contrat, de la durée de la prestation ou encore de celles des différents effets du contrat. Cette donnée est pourtant fondamentale dans le contrat, s’agissant de la durée du contrat lui-même et, donc, de son extinction, mais aussi de la durée des différents effets du contrat, ou de la question, fondamentale, de l’adaptation du contrat aux changements de circonstances, ou de sa circulation (cf. supra, n°212 et n°247). L'extinction des contrats à exécution rapide ne pose guère de difficultés : l’exécution spontanée du contrat vaut extinction de ce contrat. Il en va autrement des contrats durables, des contrats à exécution prolongée, dont les effets principaux s'inscrivent dans la durée. Leur remise en cause pour l’avenir est, en soi, source de difficultés qui se reporte parfois sur la considération de leur passé. Par ailleurs, nous avons déjà rencontré des modes d’extinction du contrat, l’annulation (cf. supra, n°174 s.) ou la caducité (cf. supra, n°183) du contrat, modes extraordinaires de rupture, d’une part parce qu’ils concernent la sanction de la formation du contrat mais aussi parce qu’ils n’ont pas de rapport avec la durée du contrat. En outre, nous rencontrerons la question de la condition résolutoire et du terme extinctif (cf. infra n°442), nous avons pu rencontrer la question de la résolution du contrat, judiciaire en principe, mais aussi contractuelle ou unilatérale (cf. supra, n°289 s.). Ce mode de rupture constitue, là encore, un mode extraordinaire de rupture du contrat, mais déjà plus proche des questions soulevées en termes d’extinction du contrat, ne serait-ce que pour des raisons sémantiques : résolution contre résiliation du contrat notamment.

311. Durée déterminée et durée indéterminée. −−−− La césure principale

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opposant les contrats qui s’inscrivent dans la durée repose sur la distinction entre les contrats à durée déterminée et les contrats à durée indéterminée. Un contrat est à durée détermine lorsqu’il est conclu pour commencer à une date déterminée et s’achever à une autre date déterminée, ou bien, ce qui revient au même, lorsque l’on connaît la date de début, ou la date de fin, et la durée ((bail d'un an, location d'une voiture pour 24 heures, dépôt d'une voiture pour 1 heure 30, contrat d’abonnement annuel à compter du 1er janvier, etc.). Est également un contrat à durée déterminée le contrat conclu pour durer un « certain temps », non précisément déterminé mais déterminable : un contrat prévu pour durer le temps d’une mission, un contrat conclu pour assurer le remplacement d’une personne malade par exemple. Le Code civil connaît par exemple cette situation dans le cadre du prêt à usage (C. civ., art. 1899). L’avantage de ces contrats tient au fait que la durée de ces contrats est une donnée contractuelle, un élément de la prévision contractuelle. A l’inverse, le contrat à durée indéterminée est conclu sans que sa fin soit prévue dans le contrat. 312. Planchers et plafonds. −−−− Sans qu’il soit nécessaire de dresser ici un inventaire, qui serait en toute hypothèse incomplet, bien des durées sont réglementées, avec des sanctions elles-mêmes disparates. Ainsi le bail commercial est en principe conclu pour des périodes de neufs ans, le bail d’habitation a une durée de trois ou six ans selon qu’il est conclu par une personne physique ou une personne morale, etc. A l’inverse des durées que le contrat ne saurait dépasser sont parfois prévues/ les deux exemples les plus connus sont, d’une part le contrat de travail à durée déterminée qui, passé 24 mois, devient un contrat à durée indéterminée, et les clauses d’exclusivité dans les ventes ou les contrats cadres quine peuvent dépasser dix ans (C. com., art. L. 330-3). 313. Prohibition des engagements perpétuels. −−−− Dans toutes les hypothèses, le droit français prohibe, quoique le Code civil ne le précise nullement, les engagements perpétuels (639), prohibition dont le fondement à rechercher dans la peur du codificateur de 1804 du retour su servage (Cf. C. civ., art. 696) ; La prohibition vaut pour les contrats à durée déterminée en premier lieu : est un contrat perpétuel le contrat prévu pour une durée anormalement longue, une durée supérieure à la vie humaine (640) ou à la vie professionnelle (641), qui s’apprécie au cas par

639 Cf. R. Libchaber, « Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés », Rev. soc. 1995, p. 437 ; F. Rizzo, « Regards sur la prohibition des engagements perpétuels », Dr. & Patr. 2000, n°78, p. 60. 640 Cf. Cass. civ. 1ère, 19 mars 2002, RTD civ. 2002, p. 510, obs. J. Mestre. 641 Cf. Cass. civ. 1ère, 31 janv. 1989, Bull. civ. I, N°53, JCP 1989, II, 21294, note J.-J. Barbiéri.

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cas et non à la lumière de cette fameuse durée de 99 ans qui ne vaut que pour les sociétés (C. com., art. L. 210-2) ou bien un contrat d’une durée inférieure mais dont le renouvellement ou plus exactement le non renouvellement ne dépend que d’une seule partie de sorte que l’autre encourt le risque d’un engagement perpétuel (642). Cela n’empêche pas la conclusion de contrat de longue durée déterminée pour autant que cette longueur ne soit pas assimilable à une durée perpétuelle. Il en est de même des contrats à durée indéterminée : indéterminée ne signifie pas indéfinie et c’est la raison pour laquelle ces contrats sont par nature des contrats précaires que les parties peuvent rompre à tout moment. A l’inverse, un contrat à durée indéterminée dans lequel cette faculté serait paralysée serait considéré comme un engagement perpétuel (643). La sanction d’un engagement perpétuel est redoutable… et curieuse : le contrat est nul et de nullité absolue (644). Pourtant, cette nullité, son caractère absolu et sa rétroactivité, peuvent présenter des effets pervers : le contractant de mauvaise foi peut ainsi, pour échapper à ses obligations, se réfugier derrière le vice de perpétuité, de sorte qu’il serait parfois plus utile de paralyser le mécanisme qui rend le contrat perpétuel, voire de limiter le contrat à une certaine durée ou, inversement de le transformer en contrat à durée indéterminée, ouvrant faculté de résiliation unilatérale (645).

314. Extinction ordinaire des contrats à durée déterminée : le terme. −−−− Le « terme » est une notion juridique empruntée au vocabulaire du régime des obligations : ainsi le terme est une modalité de l’obligation qui suspend (terme suspensif) ou éteint (terme extinctif) une obligation (cf. Infra, n°456). La notion est ici très voisine à ceci près que le terme du contrat est sa date de terminaison. A la date prévue par le contrat, directement ou indirectement, le contrat prend fin, il cesse, automatiquement, de produire ses effets, sans qu’il soit besoin de s’en remettre à la décision d’un juge ou qu’une notification quelconque soit adressée à l’une ou l’autre des parties : les parties sont libérées de leurs engagements (en principe, cf. infra, n°458), pour l’avenir. Pour le passé en effet, la cessation du contrat n’affecte en rien les exécutions réalisées. Par ailleurs, cette cessation est sans rémission : aucun droit au renouvellement n’est reconnu aux parties, sauf hypothèse particulière, comme en matière de bail commercial (cf. C. com., art. L. 145-8,

642 Cf. Cass. com. 3 janv. 1989, Bull. civ. IV, n°3; Cass. com. 3 nov. 1992, Bull. civ. IV, n°339. 643 Cf. Cass. civ. 1ère, 7 mars 2006, Bull. civ. I, n°132, RTD civ. 2006, p. 762, obs. J. Mestre et B. Fages. 644 Cf. Cass. civ. 3ème, 20 févr. 1991, JCP 1992, éd. N, II, 22. 645 Cf. Cass. com. 19 mars 2002, préc., F. Rizzo, « Regards sur la prohibition des engagements perpétuels », art. préc.

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quoiqu’il s’agisse d’une fausse hypothèse de droit au renouvellement, comp. C. rur., art. L. 411-1 pour un véritable droit au renouvellement dans le bail rural). Ainsi un contrat conclu le 1er janvier de l’année n pur une durée de un an, cesse de produire ses effets le 31 décembre à minuit.

315. Reconduction et prorogation du contrat. −−−− Pour autant, cette solution n’est pas sans possibilité d’aménagement et la pratique contractuelle en connaît deux, la technique de reconduction et la technique de prorogation. Les parties peuvent d’abord décider de renouveler le contrat à durée déterminée. Cette décision doit nécessairement intervenir avant l’arrivée du terme ou au pire au moment où le terme survient. Ce renouvellement peut résulter d’une décision spontanée, l’un des contractants proposant le renouvellement à l’autre, éventuellement via une renégociation du contrat. Il peut, ordinairement résulter d’une clause du contrat : souvent une clause de tacite reconduction (646) (« le contrat est prévu pour une durée de un an, il se renouvellera ensuite par tacite reconduction »). Le renouvellement d’un contrat est en effet appelé reconduction du contrat. Le contrat reconduit est un nouveau contrat (647) qui prend effet au moment où le précédent prend fin et il est exactement le même que le contrat initial, auquel il emprunte tous les éléments, à un détail près cependant : le contrat reconduit n’emprunte pas, sauf précision contractuelle, la durée du contrat initial. Il en résulte que le contrat reconduit est, en principe, un contrat à durée indéterminée (648), sauf si les parties ont prévu un mécanisme de reconduction prévoyant une nouvelle durée déterminée, identique ou non à la première d’ailleurs ((« le contrat est prévu pour une durée de deux ans, il se renouvellera ensuite par tacite reconduction pour une nouvelle durée de deux ans et ainsi de suite (ou de un an)»). En outre, la question de la reconduction des contrats à durée déterminée pose difficulté chaque qu’une formalité quelconque est exigée pour sa formation ou bien s’agissant des éventuelles sûretés qui ont pu accompagner la conclusion du contrat, comme un contrat de cautionnement. Ainsi, les contrats solennels doivent

646 V. cependant pour une clause de reconduction expresse : Cass. com. 17 nov. 1992, Bull. civ. IV, n°356 et, surtout, dans les contrats de consommation contenant une clause de reconduction tacite, cf. C. consom., art. L. 136-1, imposant l’obligation pour le professionnel d’informer, trois mois avant l’échéance de la possibilité de faire échec à la reconduction. 647 Cf. Cass. civ. 1ère, 17 juill. 1980, Bull. civ. I, n°220, Cass. com. 13 mars 1990, Bull. civ. IV, n°77; Cass. com. 6 févr. 2001, JCP 2001, I, 370, obs. A. Constantin. 648 Cf. Cass. civ. 1ère, 15 nov. 2005, Bull. civ. I, n°413, D. 2006, p. 587, note M. Mekki, Defrénois, 2006, p. 828, obs. C. Le Gallou, RDC 2006,p. 696, obs. Y.-M. Laithier, RTD civ. 2006, p. 114, obs. J. Mestre et B. Fages : curieusement cependant, cet arêt précisait que le nouveau contrat est à durée indéterminée, mais que « les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques ».

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en principe faire l’objet de nouvelles formalités, ce qui pose difficulté bien souvent, par exemple lorsqu’il s’agit d’un formalisme validant : l’exigence d’un écrit est par hypothèse exclue chaque fois le contrat est tacitement reconduit. On pourrait admettre que le nouveau contrat emprunte les conditions de forme du premier, sauf lorsque le formalisme est informatif ou destiné à assurer l’opposabilité du contrat aux tiers comme en matière de propriété intellectuelle, ce qui serait cependant curieux, dans la mesure où les conditions de formes validantes seraient alors moins bien sanctionnées en cas de reconduction. De même, certaines obligations d’information formelles doivent être répétées : c’est le cas de l’offre préalable de crédit (C. consom., art. L. 311-19) (649) l’obligation d’information précontractuelle imposée dans certains contrats de distribution (C. com., art. L. 330-3) (650), … à moins de choisir une autre solution, la prorogation du contrat. La prorogation du contrat, consiste, avant l'expiration du contrat, à modifier, la durée en repoussant le terme et « proroger » le contrat : c'est alors, à la différence de la reconduction, le même contrat qui se poursuit, par un accord exprès avant l'échéance du contrat ou par une clause de prorogation tacite dans le contrat lui-même. Le grand avantage de ce mécanisme pourtant bien connu et utilisé que le précédent tient au fait que si c’est le même contrat qui se prolonge, lorsque le contrat est un contrat imposant certaines formalités pour sa validité, celles-ci n’ont pas à être répétées (651), les sûretés garantissant l’exécution du contrat demeurent (Cf. C. civ., art. 2316), etc. En même temps, cette tranquillité n’est pas parfaite, s’agissant par exemple du formalisme informatif. Dans des deux hypothèses, reconduction ou prorogation, le mécanisme ne saurait cependant être entièrement automatique, sauf à risquer le vice de perpétuité. Ainsi, les parties peuvent-elles toujours s’opposer à la reconduction ou la prorogation. Face, notamment, à une clause de tacite reconduction ou de tacite prorogation, les deux parties disposent de la faculté de faire échec au renouvellement ou à la prorogation, en respectant un préavis d’une certaine durée, exactement comme en matière de faculté de résiliation du contrat à durée indéterminée. Enfin, ces deux mécanismes peuvent se répéter sans que la nature du contrat change : la succession de contrats à durée déterminée ne les transforme pas en un contrat à durée indéterminée.

316. Mode extraordinaire de rupture des contrats à durée déterminée : résiliation ou résolution. −−−− En principe, le contrat à durée

649 Cass. civ. 1ère, 13 mai 2003, Bull. civ. I, n°116, RTD civ. 2003, p. 498, obs. J. Mestre et B. Fages. 650 Cf. Cass. com. 14 janv. 2003, RTD civ. 2003, p. 498, p. 498, obs. J. Mestre et B. Fages. 651 Cf. Cass. com. 9 juill. 2002, Bull. civ. IV, n°118.

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déterminée est prévu pour se poursuivre jusqu’à son terme. Il faut donc un événement extraordinaire pour que la rupture soit anticipée. Le plus souvent, il s’agit d’une inexécution du contrat. Celle-ci met alors en œuvre les remèdes déjà rencontrés et, notamment, la résolution judiciaire du contrat, éventuellement contractuelle ou unilatérale. C’est précisément à cette occasion que le débat sur la reconnaissance de la résolution unilatérale prend toute son importance : la résolution, qui prend en réalité les traits d’une résiliation, unilatérale, est-elle efficace bien que le contrat soit à durée déterminée, et, en ce cas, est-elle fautive, sauf en cas d’inexécution grave, dans les conditions déjà rencontrées (cf. supra, n°293). Une clause peut alors aménager les conditions de cette éventuelle résiliation du contrat à durée déterminée pour inexécution. On peut par ailleurs s’interroger sur la validité d’une clause de résiliation indépendante de toute inexécution, sur le modèle des clauses de résiliation des contrats à durée indéterminée, dans un contrat à durée déterminée, dans la mesure où, en l’absence de toute rémunération de l’exercice de cette faculté, leur reconnaissance conduirait à contourner l’ensemble des règles en matière de résolution judiciaire ou unilatérale. Il conviendrait alors d’admettre des hypothèses dans lesquelles une telle faculté de résiliation est valable afin de permettre à une partie de sauvegarder ses propres intérêts, par exemple en cas de changement de circonstances économiques, à défaut de clause de « hardship » ou d’admission de la révision du contrat pour imprévision (cf. supra, n°212) ou encore en cas de cession du contrat (cf. supra, n°247 s.) ou de survenance d’un événement de force majeure. Ici encore, l’hypothèse de la rupture unilatérale, efficace et non fautive, d’un contrat à durée indéterminée peut être proposée.

317. Mode ordinaire d’extinction des contrats à durée indéterminée, la faculté de résiliation unilatérale. −−−− Les contrats à durée indéterminée n'ont par nature pas de durée déterminée mais ne sauraient pour autant être à durée infinie ou perpétuelle. Aussi admet-on que la prohibition des engagements perpétuels justifie la reconnaissance générale d’une faculté de résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée, même en l’absence de toute clause à cet effet et qui a la valeur d’un principe juridique (652), même si comme cela apparaîtra, une telle clause est en pratique très utile, ne serait-ce que pour préciser la durée du préavis ou les effets de la rupture (653).

652 Cf. Et parmi de très nombreux arrêts : Cass. com. 15 déc. 1969, Bull. civ. IV, n° 384, Cass. civ. 1ère, 5 févr. 1985, Bull. civ., I, n°54. V. aussi Déc. Cons. constit. 9 nov. 1999, RTD civ. 2000, p. 109, obs. J. Mestre et B. Fages, pour la reconnaissance de la valeur constitutionnnelle du principe à loccasion de l’instauration du PACS. 653 Comp. J.-M. et P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, Ed. F. Lefebvre, 2005, n° .

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318. Conditions : préavis, d’une durée raisonnable. −−−− Certaines conditions doivent cependant être respectées et il convient d’observer que, d’une manière générale, ces règles valent aussi à propos de l’échec fait à un mécanisme de reconduction ou de prorogation du contrat. Ainsi, un préavis doit être respecté, préavis qui doit prévoir une certaine durée, le tout supposant que la décision d’exercer la faculté de résiliation soit notifiée à l’autre partie. Cette exigence est générale et est parfois rappelée, soit de manière particulière (cf. CMF, art. L. 313-12, exigence de préavis pour la rupture d’un concours accordé par un établissement de crédit, sauf situation irrémédiablement compromise du débiteur), soit de manière générale, voire très générale, comme l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en fait la démonstration s’agissant de la rupture brutale d’une relation commerciale établie (cf. infra, n°320). La forme d’un préavis est indifférente en principe même une prudence pré processuelle élémentaire invite à l’adresse d’un préavis écrit, voire notifié. En outre, l’auteur de la rupture peut exceptionnellement être dispensé de préavis, en cas de force majeure par exemple (654). Lorsqu’il s’impose, c’est-à-dire dans la plupart des situations, le préavis a pour objet d’assurer la reconversion du partenaire économique, ce qui justifie que sa durée dépende de la durée de l’ancienneté de la relation contractuelle, voire des usages (655), mais aussi de dispositions légales impératives (C. com., art. L. 442-6, I, 5°, C. trav., art. L. 122-5, etc.). Ainsi, un délai trop bref équivaut à une absence de préavis et confère à la résiliation un caractère abusif (656). Cette question, à laquelle s’ajoute, dans les relations commerciales la portée de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, pose alors la question de l’efficacité des clauses de résiliation qui prévoirait un préavis d’une durée trop courte compte tenu de la durée du contrat, notamment lorsque la durée, prévue de manière indéterminée, à été longue, ou que le contrat à durée déterminé a été reconduit à de nombreuses reprises. Sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la Cour de cassation considère que la clause qui prévoit un préavis d’une durée trop courte doit être écartée. Il en résulte, d’une part que la règle, qu’elle soit jurisprudentielle ou qu’elle résulte de ce texte, est impérative, et, parfois des conséquences pratiques curieuses. Ainsi, un contrat à durée déterminée de un an prévoyant une faculté de faire échec à la clause de tacite reconduction en respectant un préavis de 3 mois et qui serait reconduit dix fois, devrait vraisemblablement respecter un préavis d’une durée supérieure à un an, soit supérieure à la durée du contrat.

654 Cf. Cass. com. 5 mars 1996, RTD civ. 1996, p. 905, obs. J. Mestre. 655 Cf. A. Sonnet, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003. 656 Cf. Cass. com. 9 mars 1976, Bull. civ. IV, n°89.

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319. Sanction : abus dans la rupture du contrat. – Si, donc, le principe de la liberté de rompre le contrat unilatéralement à tout moment demeure, il succombe devant l’éventuel abus dans la rupture (657). Cette limite repose d’une part, que la considération des excès que l’exercice du principe pouvait emporter, dans un souci de justice contractuelle donc (658), mais sur la considération des contrats de longue durée. La sanction choisie, l’abus, repose sur la considération de l’article 1134, al. du Code civil : « il résulte de (l’article 1143, al. 2 du Code civil) que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’est prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte offerte aux deux parties » (659). La formule a rencontré un succès très important, surtout dans les contrats de distribution, où le contrôle de l’éventuel abus est devenu presque systématique. L’abus est alors une faute ordinaire, un manquement aux obligations liées à la rupture, le non-respect des conditions du contrat, voire un peu plus, le fait de rompre une attente légitime du contractant, mais en toute hypothèse, indépendante de toute idée d’intention de nuire (660). On peut alors repérer deux logiques dans la sanction d’un éventuel abus. Il peut s’agir en premier lieu d’une rupture brutale du contrat, c’est-à-dire sans préavis ou avec un préavis d’une durée insuffisante (661). Aujourd’hui, et depuis 1996, la jurisprudence sur ce point s’appuie essentiellement sur le fondement textuel de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Il peut également s’agir d’une rupture fautive, par manquement à l’attente légitime du contractant, par exemple lorsque le contractant qui subi la rupture pouvait légitimement penser que le contrat allait se poursuivre ou être renouveler ou bien lorsque le contrat est rompu alors que l’auteur de la rupture avait demandé des investissements importants non encore amortis (662), encore parce que l’initiateur de la rupture n’a pas

657 Cf. P. Ancel, « Critères et sanction de l’abus en matière contractuelle », in D. Mainguy (dir.), L’abus de droit dans les contrats, Cah. dr. entr. 1998/6, p. 30 et plus généralement, Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, essai d’une théorie, LGDJ, 2000. 658 Cf. M. Fabre-Magnan, Les obligations, op. cit., n°190. 659 Cass. civ. 1ère, 5 févr. 1985, Bull. civ., I, n°54. V. aussi Cass. com. 31 mai 1994, Bull. civ. IV, n°194, JCP 1994, I, 3803, n°1, obs. Virassamy. 660 Cf. Cass. com. 3 juin 1887, Bull. civ. IV, n°171. 661 Cf. Cass. com. 8 avr. 1986, Bull. civ. IV, n°58. 662 Cf. Cass. com. 5 avr. 1994, Bull. civ. IV, n°149, D. 1995, somm. p. 90, obs. D. Mazeaud, JCP 1994, I, 3803, obs. Ch. Jamin, Contrats conc. consom. 1994, n° 159, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1994, p. 604, obs. J. Mestre, Cass. com. 20 janv. 1998, Bull. civ. IV, n°40, D. 1998, p. 413, note C. Jamin, Somm. P. 333, obs. D. Ferrier, Contrats conc. consom. 1998, n°56, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1998, p. 675, obs. J. Mestre. Comp. Cependant, pour l’échec au renouvellement d’un contrat à durée déterminée dans le respect du préavis contractuel, malgré l’exigence d’investissements : Cass. com. 4 janv. 1994, Bull. civ. IV, no 13, D. 1995, p. 355, note G. Virassamy, som., p. 90, obs. D. Mazeaud, JCP 1994, I, 3757, obs. Ch. Jamin, Contr. conc. consom. 1994, n°69, note L. Leveneur.

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complètement exécuté ses obligations (663). On observera, en outre, que si l’abus dans la rupture du contrat est fondé sur l’article 1134, al. 3 du Code civil et donc sur une considération de la bonne foi (cf. supra, n°204), il n’en résulte pas des obligations supplémentaires pour l’auteur de la rupture. Ainsi la jurisprudence considère que le préavis vaut reconversion, de sorte que l’auteur de la rupture n’est pas tenu d’assurer la reconversion de son partenaire contractuel (664). 320. Rupture d’une relation commerciale établie. – Issu du droit de la concurrence, l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne, par le jeu de la responsabilité civile, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (…). Ce texte avait au départ été adopté pour lutter contre le déréférencement abusif d’un fournisseur par un distributeur dans les relations de la grande distribution, mais la généralité de ses termes, ajoutés au fait qu’il s’agit de la seule référence textuelle à la question de la « rupture », au sens générique de l’expression, d’une « relation commerciale établie », en a fait un texte de référence. Notons simplement que cette notion de « relation commerciale établie » est envisagée de manière large par la jurisprudence qui y voit des relations fondées sur un contrat unique, comme un contrat cadre ou un contrat s’installant dans la durée comme un contrat d’entreprise, mais aussi comme la succession de contrats à exécution rapide, comme des successions de ventes formant un courant d’affaires continue, même hors des relations de la grande distribution, voire à des relations précontractuelles (665). En outre, la jurisprudence considère que la sanction de la violation de ce texte est identique au droit commun : celui qui subit cette rupture peut obtenir des dommages et intérêts, point le maintien forcé du contrat, même si, curieusement, la jurisprudence considère parfois qu’il peut obtenir des dommages et intérêts supplémentaire lorsqu’il était en situation de dépendance

663 Cf. Cass. com. 12 nov. 1996, RJDA 1997, n°343, RTD civ. 1997, p. 931, obs. J. Mestre. 664 Cass. com., 6 mai 2002, Bull. civ., IV, n° 81 ; JCP 2002, éd. G, II, 10146, note Ph. Stoffel-Munck ; Contr. conc. consom. 2002, comm. 134, obs. L. Leveneur ; D. 2002, somm. p. 2842, obs. D. Mazeaud ; J.-L. Respaud, « Préavis, assistance et reconversion du distributeur évincé », Cah. dr. entr. 2002/5, p. 19 ; Cass. com. 7 avr. 2004, JCP E 2004, suppl. Cah. dr. entr. n°3, p. 30, obs. J.-L. Respaud. V. égal. M. Béhar-Touchais, « Actualités des dix-huit derniers mois de droit de la distribution », Contrats conc. consom. 2004, Chron. n° 12, p. 6, spéc. n°8 ; Cass. com. 5 oct. 2004, RLDC 2004/12, p.5, note D. Mainguy et J.-L. Respaud. 665 Cf. Montpellier, 11 août 1999, Cah. dr. entr. 1999/5, p. 19, no 4, obs. D. Mainguy.

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économique à l’égard de l’auteur de la rupture (666).

321. Rupture partielle ? – L’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce précise également que la rupture, brutale, peut être partielle. La question peut se poser en effet d’une « fausse rupture » du contrat, par simple diminution des commandes, par exemple pour contourner l’exigence de préavis ou l’éventuelle sanction de la rupture abusive (667). La jurisprudence rendue sur la base de ce texte (668) comme sur la base du droit commun des contrats (669) retient cette hypothèse l’assimiler à une rupture « ordinaire » du contrat, nécessitant donc le respect d’un préavis. De même est équivalent à une rupture totale la « rupture échelonnée » lorsque les parties sont liées par un ensemble de contrats et que l’un procède à la rupture d’un contrat mais laisse demeurer le contrat principal, alors que les contrats rompus étaient soit des compléments nécessaires, soit permettaient au contrat principal d’assurer son équilibre financier (670).

322. Obligation de motiver la rupture du contrat ? −−−− En principe, la résiliation d’un contrat à durée indéterminée ou la décision de faire échec à un mécanisme de renouvellement d’un contrat à durée déterminée ne dépendant d’aucune autre condition que le respect d’un préavis (éventuellement écrit et donc d’une forme de notification) et d’un délai de préavis, mais point d’une motivation de la décision (671). Pourtant, des règles particulières imposent parfois une telle motivation, c’est le cas du mandat d’intérêt commun depuis la fin du XIXème siècle (672), du contrat de travail (C. trav., art. L. 122-14-3), du bail d’habitation (L. 6 juill. 1989, art. 15), du contrat d’agence commerciale (C. com. art. L. 134-13, 1°) et même, en droit de la concurrence, dans le secteur de la distribution automobile (REC n°1400/2002, art. 3-4). De plus en plus cependant, la rupture d’une relation contractuelle importante s’inscrivant dans la durée fait l’objet d’un contrôle, ne serait-ce que parce que celui qui subit cette rupture en conteste la légitimité. On peut y déceler la perpétuation du principe : la liberté de rompre est le principe et l’abus l’exception. Sans renverser le jeu du principe et de l’exception cependant, on peut admettre l’existence d’une certaine

666 Cass. com. 3 déc. 2002 et 23 avr. 2003, JCP, éd. E, 2003, II, 1792, note D. Mainguy. 667 Cf. J. Beauchard, « Réflexion sur le déréférencement abusif », LPA, 7 févr. 1997, p. 13. 668 Cass. com. 7 juill. 2004, Cah. dr. entr. 2004/5, n°5, obs. D. Mainguy, RDC 2005, p. 392, obs. M. Béhar-Touchais. 669 Cf. Cass. civ. 1ère, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, n°292, RTD civ. 1997, p. 426, obs. J. Mestre (réduction de 80% de l’activité d’une clinique avec un médecin anesthésiste). 670 Cf. Cass. com. 17 juill. 2001, RJDA 2002, n°148. 671 Cf. Cass. civ. 1ère, 3 avr. 2001, Bull. civ. I, n° 98, D. 2001, somm. P. 3240, obs. D. mazeaud, Defrénois 2001, p. 1048, obs. E. Savaux, RTD civ. 2001, p. 584, obs. J. Mestre et B. Fages (validité d’une clause prévoyant la faculté de rompre sans justitification). 672 Cass. civ., 13 mai 1885, DP 1885, I, p. 350, S. 1887, I, p. 220.

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« processualisation » contractuelle de la rupture. C’est le cas lorsqu’une clause aménage les conditions de la rupture (forme du préavis, durée du préavis, conciliation préalable). C’est également le cas en l’absence de telle clause. Ainsi la jurisprudence a-t-elle sanctionné la décision rendue trop précipitamment, sans mise en garde (673), voire des explications préalables (674). Dès lors, la question se pose de savoir si la rupture du contrat ne devrait pas être motivée, à l’image du mandat d’intérêt commun (675). C’est le cas lorsque l’auteur de la rupture entend rompre sans préavis, il doit justifier d’un cas de force majeure ou d’une inexécution grave de l’autre partie. C’est également le cas de la rupture unilatérale d’un contrat à durée déterminée. Mais la question s’est posée de la généralisation de cette exigence (676), refusée en principe par la jurisprudence (677), même si, parfois, elle sanctionne les ruptures difficilement explicables (678). L’exigence d’une telle motivation serait un puissant moyen de contrôler la rupture des contrats de distribution, même si des justifications économiques pourraient être proposées ; Dans le même temps, elle constituerait une limite importante à la liberté de rompre le contrat et constituerait, à bien des égards, une reconnaissance contestable des contrats de dépendance et de la relation de dépendance qui résulte parfois de ces contrats, de manière générale, présumée et souvent artificielle. A bien des égards, le contrôle de l’abus tel qu’il est opéré, est suffisant et ne préjuge pas d’une qualification, idéologique, des contrats de longue durée. Toutefois, le fait d’indiquer un motif dans la décision de rupture n’est pas sans conséquence. Outre le fait qu’il constitue un élément permettant de faciliter le contrôle de l’abus, il doit être

673 Cf. Cass. com. 23 juin 1998, Cah. dr. entr. 1998/6, p. 20, obs. D. Mainguy. 674 Cf. Cass. com. 8 oct. 2003 (2 arrêts), RTD civ. 2003, p. 92, obs. J. Mestre et B. Fages. 675 Cf. Cass. com. 23 juin 1998, préc. Sur le refus d’assimiler les contrats de distribution à des contrats d’intérêt commun : Cass. com. 7 oct. 1997, D. 1998, p. 413, note Ch. Jamin, JCP 1998, II, 10085, note J.-P. Chazal, Contrats, conc. consom., 1998, n°20, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1998, p. 130, obs. P.-Y. Gautier. 676 Cf. M. Fabre-Magnan, « L'obligation de motivation en droit des contrats », Mél. J. Ghestin, 2001, p. 301 ; « Pour la reconnaissance d'une obligation de motiver la rupture des contrats de dépendance économique », in La motivation et le pouvoir contractuel, RDC 2004, p. 573, X. Lagarde, « La motivation des actes juridiques », Trav. Ass. H. Capitant, La motivation, 2000, p. 73 ; D. Mainguy, « Remarques sur les contrats de situation et quelques évolution récentes du droit des contrats », Mél. M. Cabrillac, 1999, p.165. 677 Cf. Cass. com. 4 janv. 1994, Bull. civ. IV, no 13, D. 1995, p. 355, note G. Virassamy, som., p. 90, obs. D. Mazeaud, JCP 1994, I, 3757, obs. Ch. Jamin, Contr. conc. consom. 1994, n°69, note L. Leveneur ; Cass. com., 25 oct. 1994, D. 1997, somm., p. 52, obs. D. Ferrier, Cass. com., 25 avril 2001, D. 2001, som., p. 3237, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2002, p. 99, obs. J. Mestre et B. Fages, Cass. com. 20 janv. 1998, préc.. Mais comp. Cass. com. 27 oct. 1998, Bull. civ. IV, n°256 (à propos de l’exigence de motif dans la rupture d’un contrat agent commercial). 678 Cf. Cass. com. 5 avr. 1994, préc.

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véridique : un motif faux (679) ou différent (680) constituerait un abus du droit de rompre.

323. Effets de la rupture du contrat. – L’extinction du contrat présente en premier un effet extinctif, s’agissant de ses effets, pour le futur mais point pour le passé sauf exception comme en matière de résolution. Souvent, cependant, on observe un maintien d’effets, soit que des obligations prenant leur source dans un événement antérieur à l'extinction du contrat doivent être exécutées ensuite (le loueur est tenu de garantir le preneur des troubles de jouissance qu'il aurait ressentis au cours du contrat de louage) soit qu’elles doivent continuer d’exécuter des obligations qui étaient, déjà, mises à leur charge avant l'extinction de la convention, telles quelles (obligation de confidentialité à l'expiration d'un contrat de communication de savoir-faire), ou transformées (obligation de fidélité pendant le contrat et obligation de non concurrence à l'expiration d'un contrat de travail). Enfin, l’extinction du contrat emporte parfois création d’effets, (obligation de négocier d'éventuelles post-contractuelles, obligation d’indemnisation, de restitution, …).

Bibliographie A. Durée des contrats 1 Généralités P. Durand, La tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, J. Azéma, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, I. Pétel, Les durées d’efficacité du contrat, Th. Montpellier, 1994, Durée et contrats, RDC 2004/1, O. Litty, Inégalité des parties et durée du contrat. Etude de quatre contrats d’adhésion usuels, LGDJ, 1999. 2 Sur les engagements perpétuels R. Libchaber, « Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés », Rev. soc. 1995, p. 437 ; F. Rizzo, « Regards sur la prohibition des engagements perpétuels », Dr. & Patr. 2000, n°78, p. 60. B. Rupture anticipée du contrat

679 Cass. com. 5 oct. 1993, JCP 1994, II, 22224, note Ch. Jamin. 680 Cf. Cass. com., 4 juin 1996, RTD civ., p. 906, obs. J. Mestre.

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Cf. supra, p. et Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, essai d’une théorie, LGDJ, 2000, A. Sonnet, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003, J.-L. Respaud, « Préavis, assistance et reconversion du distributeur évincé », Cah. dr. entr. 2002/5, p. 19,

– Sur l’obligation de motivation : M. Fabre-Magnan, « L'obligation de motivation en droit des contrats », Mél. J. Ghestin, 2001, p. 301 ; « Pour la reconnaissance d'une obligation de motiver la rupture des contrats de dépendance économique », in La motivation et le pouvoir contractuel, RDC 2004, p. 573, X. Lagarde, « La motivation des actes juridiques », Trav. Ass. H. Capitant, La motivation, 2000, p. 73 ; D. Mainguy, « Remarques sur les contrats de situation et quelques évolution récentes du droit des contrats », Mél. M. Cabrillac, 1999, p.165.

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CHAPITRE 5

LES QUASI CONTRATS

324. Notion hybride. – Le Code civil réserve une place importante aux quasi-contrats (681), aux articles 1371 et suivants du Code civil, à travers les trois types de quasi contrats que l’on observe traditionnellement. Deux sont d’origine légale, le mécanisme de la gestion d’affaire et celui de la répétition de l’indu, le dernier est d’origine jurisprudentielle, le mécanisme de l’enrichissement sans cause. D’origine romaine, la notion se situe à mi-chemin entre les engagements volontaires, comme les contrats, et les engagements involontaires, dont la responsabilité sert de modèle dans la mesure où l’objectif est l’obtention d’une indemnité sur la base d’un fait, comme en matière de responsabilité, mais en raisonnant comme si il y avait contrat. Elle est en outre une notion dont on peine à entrevoir une unité : la gestion d’affaire est une institution où l’on fait « comme si » un contrat, de mandat, avait été conclu, la répétition de l’indu est fondée sur le paiement erroné et l’enrichissement sans cause repose sur l’équité, la compensation de l’avantage injustement obtenu au dépens d’une autre personne qui s’est appauvrie et les catégories nouvelles sont des ersatz de responsabilité. La catégorie mérite donc aussi bien d’être traitée

681 Cf. M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, Economica, 1997 ; C. Grimaldi, Quasi-engagement et engagement en droit privé. Recherches sur les sources des obligations, Defrénois, 2007.

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isolément (682), ou bien avec la responsabilité extracontractuelle (683) ou bien avec les contrats… La catégorie, que nous qualifierons alors de classique (Section 1) a connu cependant un nouvel élan, à la suite d’un arrêt de 2002 identifiant un nouveau quasi-contrat fondé sur l’obligation de fournir l’avantage promis, ouvrant la voie à des quasi-contrats nouveaux (Section 2).

Section 1. −−−− Les types classiques de quasi-contrats

I. – La gestion d’affaires

325. Prendre soin des affaires d’autrui. −−−− Un soir d'orage, le vent arrache les tuiles d'une maison dont le propriétaire est absent : le voisin prend, alors, en charge les intérêts du propriétaire : il répare le toit ou appelle un entrepreneur pour le faire. Ce voisin sympathique n’est pas un philanthrope, il a agi comme il espère que son voisin aurait agi si cet incident lui était survenu. Le propriétaire devra lui rembourser les frais qu'il a engagés. Il y a eu, en effet, « gestion d'affaires » en ce sens que le voisin s’est comporté comme s’il avait reçu l’ordre de surveiller la maison ou le mandat d’effectuer des actes juridiques si une difficulté surgissait. « Comme si… » : on parle pour cette raison de « quasi-contrat », de quasi-contrat de mandat. Mais un tel ordre, un tel mandat sont absent, pourtant. Une telle gestion d'affaires est pourtant source d'obligations. L’intervention dans les affaires d'autrui apparaît comme un simple fait auquel la loi attache des conséquences de droit non recherchées par son auteur, c'est donc un fait juridique. Difficile équilibre trouvé par le Code civil entre l’encouragement louable à agir au profit d’autrui et l’immixtion déplacée voire blâmable dans les affaires d’autrui : la gestion d’affaires trouve son terrain d’élection dans les questions de voisinage et dans les affaires de famille, de succession notamment, une personne, un généalogiste par exemple, découvrant une succession au profit d’une autre. La gestion d'affaires (684), qui n’est pas, loin s’en fait la plus importantes des trois hypothèses classiques, est la première envisagée par le Code civil. Elle peut, alors, se définir de la façon suivante : il y a gestion d'affaires quand une personne entreprend, spontanément et sans en être chargée, des actes utiles à une autre personne avec l'intention d'agir pour le compte d'autrui. Autrui est le géré ou maître de l’affaire, face au gérant, celui qui est ainsi intervenu. C'est dans cet esprit que le Code civil (art.1372 à 1375) a admis la gestion d'affaires (A) et en a fixé le régime (B).

682 Cf. B. Fages, Droit des obligations, 2007, n°575. 683 Cf. M. Fabre-Magnan, Responsabilité extracontractuelle, Puf, 2006. 684 Cf. R. Bout, La Gestion d’affaires en droit contemporain français, LGDJ, 1972.

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A – Les conditions de la gestion d'affaires

326. Conditions relatives au gérant. −−−− L’intervention du gérant révèle une étincelle d'altruisme et de spontanéité. Cette intervention ne doit pas, en effet, avoir été commandée par le souci de respecter une obligation contractuelle, de mandat notamment (685), légale comme les fonction de représentation légale (les parents à l’égard de leurs enfants, le tuteur et son pupille, les organes de représentation d’une personne morale, etc.) ou judiciaire, non plus que par le désir égoïste de protéger une chose que l'on entend et que l’on est en train de faire sienne comme dans le cadre de la prescription acquisitive, ou encore lorsque l’on agit dans son seul intérêt (686). Cette intervention doit avoir été animée par le désir de rendre service au géré même si le gérant peut y trouver lui aussi son intérêt (687). Cette intention altruiste est l'un des éléments de distinction entre la gestion d'affaires où elle est requise et l'enrichissement sans cause où elle ne l'est point (cf. infra n° ).

327. Conditions relatives au géré. −−−− Certaines conditions ont également à voir avec le géré. Ce dernier, notamment, ne doit pas s'être opposé à la gestion, car on ne peut pas tolérer qu'un tiers s'occupe, même utilement, des affaires d'une personne si cette personne ne le veut pas, lui en fait défense (688). De même, en principe, le géré ne doit pas avoir connu la gestion, le silence devant la gestion équivaudrait à une acceptation transformant l'opération de gestion d'affaires en opération contractuelle de mandat. Il en irait a fortiori de même si le géré donnait un consentement exprès à la gestion.

328. Conditions relatives à l'acte de gestion d'affaires. −−−− Ces dernières sont celles d’un fait juridique. C’est la raison pour laquelle il n'y a pas de conditions de capacité relative au géré : le géré est engagé même s'il est incapable : gestion des affaires d'un mineur. Cependant, tout acte réalisé dans l’intention de protéger les intérêts d’autrui ne bénéficie pas du mécanisme de la gestion d’affaires. 1 −−−− Un acte... La jurisprudence a été extensive : elle a admis qu'il pouvait s'agir d'un acte matériel (réparer soi-même la toiture) comme d'un acte

685 Cf. Cass. civ. 3ème, 20 janv. 1999, Bull. civ. III, n°17. 686 Cf. Cass. civ. 1ère, 28 mai 1991, Bull. civ. I, n°167, RTD civ. 1992, p. 96, obs. J. Mestre. 687 Cf. Cass. com. 16 novembre 1976, Bull. civ. IV, n°291. 688 Cf. Cass. civ. 3ème, 12 avr; 1972, Bull. civ. III, n°219. Mais comp. Cass. civ. 1ère, 29 mai 2001, RTD civ. 2002, p. 298, obs. J. Mestre et B. Fages (paiements irréguliers par les dirigeants d’une association, fondés à demander une indemnité sur le fondement de la gestion d’affaires).

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juridique (conclure un contrat de louage d'ouvrage avec un entrepreneur qui réparera la toiture). L'acte de disposition étant considéré comme trop grave pour pouvoir être accompli par un tiers, il doit s'agit d'un acte d'administration, mais la notion d'administration est comprise au sens large (689). 2 −−−− …susceptible de gestion d’affaires… Tous les actes, mêmes matériels, ne sont pas susceptibles de bénéficier de ce régime : on ne saurait se marier, déclarer un enfant, divorcer, ni accepter un débat judiciaire pour le compte d’autrui (690). 3 – ... utile. L'utilité de l'intervention du gérant dans les affaires du géré sert de fondement et de mesure aux obligations de ce géré à l'égard de ce gérant (691). L'utilité doit être appréciée au moment de la gestion, peu importe que l'utilité disparaisse après : la toiture une fois réparée est emportée par la tempête persistante ; l’héritier aurait appris l’existence de la succession découverte parle généalogiste même sans l’intervention de ce dernier (692).

B – Les effets de la gestion d'affaires

329. Effets dans les rapports gérant-géré. −−−− Les obligations du gérant sont analogues à celles d'un mandataire, comme le précise l’article 1372, al. 2 du Code civil : « il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d’un mandat exprès ». Le gérant doit ainsi continuer la gestion commencée, ainsi que ses dépendances (C. civ., art. 1372) et il ne doit pas l'interrompre jusqu’à ce que le maître ou ses héritiers se substituent au gérant, à la différence essentielle du mandat, doit rendre compte de la gestion faite, il répond des fautes commises dans la gestion, quoique le juge puisse modérer les dommages et intérêts en fonction des circonstances de la gestion (C. civ., art. 1374, al. 2). Son obligation ne passe pas à ses héritiers mais ceux-ci sont tenus d'accomplir les actes urgents et de prévenir la famille du géré de la disparition du gérant et de la cessation de la gestion qui rend les affaires du géré à l'abandon (art.1373 et 1991 C.civ.). Les obligations du géré sont, de la même manière, analogues à celles d'un mandant. Le géré est tenu de ratifier la gestion utile accomplie par le gérant. Expresse ou tacite, la ratification aura pour effet de faire passer au titre du géré les actes passés par le gérant. Cette ratification produit des effets rétroactifs. Le géré est alors tenu de rembourser au gérant tous les

689 Cass. civ. 15 mai 1974, JCP 1974, IV, 241 : échange d'immeuble. 690 Cf. Cass. civ. 3ème, 27 oct. 2004, Bull. civ. III, n°183, RTD civ. 2005, p. 182, obs. R. Perrot. 691 Cf. Cass. civ. 1ère, 22 déc; 1981, Bull. civ., n°395, démarches en vue du rapatriement d’une personne. 692 Cf. Cass. civ. 1ère, 31 janv. 1995, Bull. civ. I, n°59.

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frais engagés, capital et intérêts, les impenses nécessaires et utiles, les préjudices éventuellement subis par le gérant, le tout éventuellement en proportion des intérêts de chacun, dès lors que le gérant a agi à la fois dans ses intérêts et ceux du géré. Là cessent cependant les obligations du géré qui, notamment, n’est pas tenu de verser une rémunération au gérant.

330. Effets dans les rapports gérant-géré et tiers. −−−− Lorsque le gérant a conclu un contrat avec un tiers, deux situations sont distinguées. Dans une première situation, le gérant a traité avec le tiers en son propre nom, ce qu’on appelle la gestion sans représentation. Dans ce cas, le gérant est seul engagé envers le tiers et le géré ne sera tenu vis-à-vis du tiers que dans le cas où il aurait profité de l'intervention de celui-ci et dans la mesure de son enrichissement, mais, alors, au titre de l'enrichissement sans cause (cf. infra, n°337). Dans une seconde situation, le gérant a traité avec le tiers au nom du géré (gestion avec représentation). En ce cas, le géré est directement tenu envers le tiers, pour autant que les conditions de la gestion d'affaires sont réunies.

II. −−−− Le paiement de l’indu

331. Articulation avec les règles sur le paiement. −−−− les règles en matière de paiement des obligations (cf. infra, n°493) identifient des situations dans laquelle une personne, le solvens, paie une autre personne, l’ l’ accipiens. Le paiement de l’indu correspond à l’hypothèse dans laquelle le solvens paie un accipiens qui n’est pas son créancier, et sans qu’aucune intention libérale ne motive ce paiement. L'article 1235 du Code civil dispose incidemment à propos du paiement que « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition » et cette répétition, ce « remboursement » est envisagé, au titre des quasi-contrats, aux articles 1376 à 1381 du Code civil. L’article 1376 du Code civil complète l’article 1235 : « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ». L’ensemble n’est pas sans évoquer la question de l’enrichissement sans cause, hypothèse dont elle se distingue cependant, par sa technique et ses fondements.

A – Les conditions du paiement de l'indu

332. Un paiement. −−−− La première condition repose sur l’existence d’un paiement, reçu par l’accipiens. La notion de paiement est une notion très générale. Par paiement, on entend une prestation quelconque, le versement d'une somme d'argent, par exemple, mais aussi la remise d'une

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chose (voire l'exécution d'un acte positif ou une simple abstention). Une seconde condition exige logiquement que ce paiement soit indu, peu important que le paiement ait été accepté sciemment ou par erreur, et quelque soit le mode de paiement, précision essentielle au regard des règles bancaires particulières à certains modes de paiement. 333. Indu subjectif. −−−− Le défaut de dette peut correspondre à deux situations confondues pendant longtemps mais aujourd’hui distinguées. Dans une première situation, le solvens ou l’accipiens sont l’un débiteur et l’autre créancier, mais non l’un de l’autre. Par exemple, le solvens est débiteur mais l'accipiens n'est pas créancier : c'est la situation qui se rencontre lorsqu'un débiteur se trompe sur la personne de son créancier et paie à une personne envers qui il n'était pas obligé. La situation inverse oppose un solvens qui n'est pas débiteur et l'accipiens qui est effectivement est créancier : c'est la situation qui se rencontre, par exemple, lorsqu'il y a paiement de la dette d'autrui (C. civ., art. 1377) : un époux reçoit le paiement de son conjoint, un codébiteur reçoit l’intégralité du paiement dû à lui-même et à son codébiteur, etc. Dans ces deux situations, l’indu est dit subjectif : le paiement repose sur une dette qui existe, mais pas dans le rapport solvens-accipiens, et s'explique par l'erreur du solvens sans laquelle il y aurait une libéralité (693) ou exécution d'une obligation naturelle (694). A cette erreur, on assimile la contrainte (695). Le solvens doit alors démontrer l’erreur commise dans le paiement, ce qui revient à présumer l’intention libérale dans cette situation. La situation consacre une certaine gestion du risque : lorsque l’accipiens était créancier et qu’il a reçu un paiement par erreur, c’est alors le solvens qui assume le risque de l’insolvabilité postérieure de l’ accipiens. Ce dernier mérite protection, la solution est heureuse. En revanche, lorsque l’accipiens n’était pas créancier, le paiement qu’il reçoit est plus discutable, de sorte que soumettre la répétition de l’indu à la démonstration de l’erreur constitue peut-être une protection disproportionnée de l’accipiens. Par ailleurs et pour ajouter encore à sa protection, l’accipiens peut s’opposer au paiement en démontrant la faute ou la négligence commise par le solvens, ou en tout diminuer son droit à répétition, par compensation (696). En outre, une règle particulière, celle de l’article 1377 al. 2 du Code civil exclut la répétition par le solvens qui paie la dette d’autrui dès lors que l’accipiens a supprimé son titre, formule qui concerne la destruction matérielle de son titre de créance ou

693 Cass. com. 8 juin 1979, Bull. civ. IV, n° 187. 694 Cass. soc. 11 avril 1991, Bull. civ.V, n°192 : dette prescrite. 695 Cf. Cass. com. 5 mai 2004, Bull. civ. IV, n°85. 696 Cf. Cass. civ. 22 nov. 1977, Bull. civ. IV, n°275; Cass. civ. 1ère, 5 juill. 1989, Bull. civ. I, n°278, RTD civ. 1990, p. 281, obs. J. Mestre ; Cass. civ. 1ère, 18 mai 1994, Bull. civ. I, n°179, RTD civ. 1995, p. 372, obs. J. Mestre.

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la renonciation aux sûretés garantissant le paiement (697).

334. Indu objectif. −−−− Dans une seconde situation, le solvens n'est pas débiteur et l'accipiens n'est pas créancier. On parle alors d’indu objectif : c'est la situation qui se rencontre lorsqu'une personne paie à une autre plus qu'elle ne lui doit, ou lorsqu’une personne constate qu’une somme lui a été versée par une administration, fiscale ou sociale, peu habituée à verser des sommes d’argent. Il s’agit d’une dette inexistante. Longtemps la jurisprudence assimilait cette hypothèse au deux premières, exigeant donc, pour le solvens, la preuve de l’erreur commise. Mais l’accroissement de ces hypothèses et la complexité des modes de paiement ont justifié une évolution de la jurisprudence (698) qui n’exige plus la démonstration d’une erreur en cas d’indu objectif (699), il suffit alors de démontrer l’inexistence de la dette. Dès lors la faute du solvens est, à la différence de la situation précédente, indifférente (700).

335. Action en répétition. −−−− L’action en répétition crée une situation complexe (701): l’action oppose le solvens, demandeur, ou bien une personne subrogée ou bien encore un créancier exerçant une action oblique et l’accipiens, ou ses héritiers (702), défendeur, mais également, par exemple dans l’hypothèse ou le solvens à régler à l’accipiens une créance qui lui était due, le véritable débiteur auquel l’accipiens va réclamer le paiement de sa créance. La question se pose cependant de savoir si le solvens peut agir directement contre le véritable débiteur, ce qui permet de contourner le passage dans le patrimoine de l'accipiens. Longtemps défavorable à cette solution, la jurisprudence s’y est ralliée (703), sur le fondement d’un principe général du droit selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui (704). A l’inverse cependant lorsque le véritable débiteur paie un accipiens qui n’est pas son créancier, ce dernier ne dispose d’aucune action contre l’ accipiens, sauf à invoquer une situation d’enrichissement sans cause (705).

697 Cf. Cass. civ. 1ère, 31 oct. 1989, Bull. civ. I, n°337, D. 1991, somm. p. 122, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1989, p. 281, obs. J. Mestre. 698 Cf. I. Defrésnois-Souleau, « La répétition de l’indu objectif : pour une application sans erreur de l’article 1376 du Code civil », RTD civ. 1989, p. 243. 699 Cass. ass. plén. 2 avril 1993, Bull. ass. plén. n°9, D.1993, p. 373, concl. Jéol, 1994, somm. p. 14, obs. J.-L. Aubert, Grands arrêts, n°153. 700 Cf. Cass. civ. 1ère, 27 févr. 1986, Bull. civ. I, n°105, RTD civ. 1995, p. 428, obs. J. Mestre. 701 Cf. V. Perruchot-Triboulet, « L’indu à trois », RTD civ. 2003, p. 427. 702 Cf. Cass. ch. mixte, 12 mai 2000, Bull. ch. mixte, n°1. 703 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. civ. I, n°299, Cass. soc. 20 déc. 2001, Bull. civ. V, n°395. 704 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 avr. 2001, Bull. civ. I, n°105. 705 Cf. Cass. civ. 17 nov. 1914, D.P. 1917, 1, 61.

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B. – Les effets du paiement indu

336. Obligation de restitution. −−−− Un paiement indu est source d'obligations pour l'accipiens. Le contenu de l'obligation varie cependant selon que l'accipiens est de bonne ou de mauvaise foi, c’est-à-dire selon qu’il ignorait ou qu’il connaissait le caractère indu du paiement au moment de sa réception. L’ accipiens de bonne foi ne doit restituer que la chose reçue, alors que celui qui est de mauvaise foi, laquelle doit alors être établie, doit ajouter les intérêts ou les fruits (C. civ., art. 1378) et des règles accessoires distinguent selon que la chose est un corps certain ou une chose de genre (C. civ., art. 1379, 1380).

III. −−−− L'enrichissement sans cause

337. Création jurisprudentielle. −−−− Aucun texte ne fonde une action au profit de celui qui s’est appauvri contre celui qui s’est enrichi à ses dépens, sinon quelques textes en droit des biens, en matière d’accession (C. civ., art. 554 et 555) et en droit des régimes matrimoniaux (C. civ., art. 1412, 1416, 1433). L'enrichissement sans cause résulte du simple déséquilibre objectif que ne justifie ni un droit de l'enrichi ni une libéralité de l'appauvri : celui-ci n'a pas voulu procurer un profit à l'enrichi. En l'absence de disposition du Code civil, la jurisprudence française pose un principe du droit de l’appauvri d’agir, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, source d'obligation, contre l’enrichi. Mais elle a équilibré la généralité de ce principe par le caractère très restrictif de son régime. La plupart des situations d’enrichissement sont en effet justifiées. Ainsi le droit des contrats propose généralement des solutions à « somme nulle » : le vendeur reçoit une somme d’argent correspondant à la chose reçue en échange. Il serait à l’inverse très dangereux, dans notre système économique, politique et juridique, d’ouvrir la voie de l’enrichissement sans cause à des situations plus large : les logiques de dépendance économique, le fondement même du contrat de travail, du droit des sociétés à travers la rémunération du capital, des dirigeants d’entreprise, etc. seraient en effet menacés. Ce n’est, donc, que lorsqu’aucune cause n’explique appauvrissement et enrichissement, même sous couvert d’équité, qu’une telle action est envisageable. Lorsque, à l’inverse, l’enrichissement et l’appauvrissement corrélatifs n’ont pas de justification, pas de cause, ils deviennent beaucoup plus critiquables selon un principe moral d'enrichissement sans cause d'après lequel « nul ne doit s'enrichir injustement aux dépens d'autrui » et que nous avons déjà entrevu dans le régime du paiement de l’indu. La

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juridicisation de ce principe permet d’envisager que tout manquement à ce principe créerait une obligation de restitution sanctionnée par une action d'origine romaine : l'action « de in rem verso ». La jurisprudence a intégré ce principe en droit positif par l'arrêt Boudier datant de 1892 (706), en le fondant sur la notion d’équité, rejetée ensuite. En l’espèce, un fermier n'avait pu payer les engrais achetés pour fertiliser les terres qu'il cultivait et réclamait au propriétaire de ces terres le paiement du vendeur d'engrais en raison de la plus-value procurée à la terre par l'utilisation de ces engrais et obtenait satisfaction : « Attendu que l'action de in rem verso, dérivant du principe d'équité qui défend de s'enrichir aux dépens d'autrui et n'ayant été réglementée par aucun texte de nos lois, son exercice n'est soumis à aucune condition déterminée; qu'il suffit pour la rendre recevable que le demandeur allègue et offre d'établir l'existence d'un avantage qu'il aurait par un sacrifice ou un fait personnel procuré à celui contre lequel il agit ». Fondée sur l’équité au départ, notion extrêmement dangereuse, parce que tout à la fois contingente et transcendante, l’action de in rem verso fut ensuite, et très vite, objectivée, de telle manière que ce ses conditions correspondent à des critères vérifiables.

A – Les conditions de l'enrichissement sans cause

338. Eléments matériels. −−−− Les éléments matériels ouvrant droit à l’action de in rem verso sont de deux ordres, l’enrichissement de l’un, l’appauvrissement de l’autre, et une relation de cause à effet entre les deux. L’enrichissement du débiteur doit être identifié, peu importent ses caractères, direct ou indirect, pécuniaire ou moral (707). Il peut s'agir d'une augmentation d'actif par acquisition de droit ou amélioration de droit acquis ou d'une diminution de passif par économie ou dépense épargnée. L’appauvrissement du créancier est une perte quelconque, une dépense, la diminution de la valeur d’un patrimoine ou un gain manqué (708), un impayé, etc. La relation de cause à effet, entre l'enrichissement et l'appauvrissement,

706 Cass. req. 15 juin 1892, S.1893, I, 281, note Labbe ; Grands arrêts, n°227. Adde : Cass. civ. 12 avril 1914, S.1918, I, 41, Cass. civ. 2 mars 1915, D.P.1920, I, 102 : « Attendu que l'action de in rem verso fondée sur le principe d'équité qui défend de s'enrichir au détriment d'autrui doit être admise dans tous les cas où, le patrimoine d'une personne se trouvant enrichi sans cause légitime aux dépens de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait pour obtenir ce qui lui est dû d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit ». 707 Cass. civ. 18 janvier 1960, D.1960, 753. 708 Cf. dans les relations entre concubins : Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, Bull. civ. I, n°357 : collaboration d’un concubin à l’activé de l’autre, sans rétribution.

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détermine le fait que l'appauvrissement doit être corrélatif à l'enrichissement. Il suffit de constater que, sans l'enrichissement, l'appauvrissement n'aurait pas existé, peu important que cette corrélation soit directe ou indirecte, par exemple par le truchement du patrimoine d’un tiers.

339. Eléments juridiques. −−−− D’autres conditions s’ajoutent, au caractère plus technique, imposant de déterminer l’absence d’une cause à l’appauvrissement et l’enrichissement corrélatif, pour que l’appauvri obtienne une indemnité. Il convient, pour satisfaire l'exigence d'absence de cause, que l'enrichissement-appauvrissement n'ait pas de contrepartie, que ce soit dans une contre-prestation reçue ou attendue de l'enrichi, que ce soit dans une intention libérale de l'appauvri (709). On admet même que si l’appauvri trouve un intérêt dans son acte, il perd le bénéfice d’une action en enrichissement sans cause. Il suffit, inversement, pour que l'action de in rem verso soit paralysée, qu'une cause quelconque justifie l’enrichissement et la jurisprudence ne recherche pas si la cause était déterminante, essentielle... Il peut s’agir d’un contrat entre l’enrichi et l’appauvri (710) ou d’une faute volontaire de l’appauvri (711), d’une décision de justice (712) ou encore d’une disposition légale, comme en matière d’accession (cf. C. civ., art. 557, 564) mais aussi en raison de l’écoulement d’un délai de prescription (713), mais dans la limite cependant de cette disposition légale. C’est ainsi par exemple que le cadre des relations familiales est parfois le champ d’application de ces règles : les relations entre époux dépassant les exigences de la contribution aux charges du ménage par exemple lorsqu’un époux a largement contribué, sans rémunération, à l’activité de son conjoint (714), dans les relations entre concubins (715), voire entre parents et enfants (716).

340. Caractère subsidiaire de l'enrichissement sans cause. −−−− Enfin, la jurisprudence considère que l’action de in rem verso est une action

709 Cf. Cass. Civ. 24 oct. 2006, Bull. civ. I, n°439. 710 Cf. Cass. com. 18 janv. 1994, Bull. civ. IV, n°27 (contrat ayant profité essentiellement à l’enrichi) ; Cass. civ. 3ème, 28 mai 1986, Bull. civ. III, n°83 (contrat conclu entre l’enrichi et un tiers). 711 Cf. Cass. com. 19 mai 1998, Bull. civ. IV, n°160. 712 Cf. Cass. civ. 1ère, 14 janv. 1997, Bull. civ. I, n°16. 713 Cf. Cass. civ. 19 juill. 1919, DP 1911, 1, 335. 714 Cf. Cass. civ. 1ère, 9 janv. 1979, Bull. civ. I, n°11. 715 Cf. Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, préc. 716 Cf. Cass. civ. 1ère, 12 juill. 1994, Bull. civ. I, n°250, JCP 1995, II, 22425, note A. Sériaux, RTD civ. 1995, p. 373, obs. J. Mestre ; Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2004, Bull. civ. I, n°248.

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subsidiaire c’est-à-dire qu’elle ne peut être engagée que pour autant qu’aucune autre action ne puisse l’être à sa place (717) : il suffit donc qu’une action puisse être engagée, quelle qu’elle soit et contre qui que ce soit et peu important les chances réelles de cette action (718), pour que l’action de l’appauvri sur ce fondement soit paralysée. De la même manière il suffit qu’un obstacle de droit s’oppose à l’action de l’appauvri pour que l’action soit exclue (719). Il n’est pas question en effet que l’action de in rem verso conduise à bouleverser l’ordre établi, par exemple pour pallier l’absence de preuve (720) face aux règles en matière d’impossibilité d’établir une preuve (C. civ., art. 1348), les prescriptions acquises, les règles légales, etc.

B. – Les effets de l’enrichissement sans cause

341. Indemnité. −−−− Les effets de l’enrichissement sans cause tendent à tenter de rééquilibrer l’appauvrissement et l’enrichissement, par la reconnaissance d’une obligation d’indemnisation de l’appauvri. Toutefois, l’indemnisation est enfermée dans une double limite, et ne saurait être supérieure au montant de l’enrichissement ou à celui de l’appauvrissement, de sorte que lorsque ces valeurs sont inégales, c’est la plus faible des deux sommes qui sert de mesure à l’indemnisation (721).

Section 2. −−−− Les types nouveaux de quasi-contrats

342. Annonce d’un gain. −−−− Un arrêt de la Cour de cassation de 2002 a réveillé le domaine des quasi-contrats (722). Il s’agissait de la question dite des loteries avec prétirage. Certaines entreprises de vente par

717 Cass. civ. 12 avril 1914, préc., Cass. civ. 2 mars 1915, préc., Cass. com. 10 oct. 2000, Bull. civ. IV, n°150. 718 Cf. Cass. com. 10 oct. 2000, Bull. civ., IV n°150 : action possible de la banque contre des cautions dont il n’était pas établi qu’elles étaient insolvables. 719 Cf. Cass. com. 16 mai 1995, Bull. civ. IV, n°149 : l’administrateur d’une société anonyme, qui ne peut pas recevoir d’autre rémunération que celles prévues par la loi, ne saurait, par l’action de in rem verso, engager une action contre la société pour rémunérer le travail qu’il aurait accompli. 720 Cf. Cass. civ. 1ère, 2 nov. 2005, Bull. civ. I, n°398. 721 Cf. Cass. civ. 1ère, 15 févr. 1973, Bull. civ. I, n°61. 722 Cf. Cass. Ch. mixte, 6 sept. 2002 D. 2002, Jur. p. 2963, note D. Mazeaud, Contr. conc. consom., 2002, n°151, obs. G. Raymond ; Petites affiches, 24 oct. 2002, p. 16, note D. Houtcieff ; RTD civ. 2003, p. 94, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. civ. 1ère, 18 mars 2003, Bull. civ. I, n°85, Cass. civ. 1ère, 13 juin 2006, Bull. civ. I, n°308, JCP 2007, I, 104, n°18, obs. N. Sauphanor-Brouillaud. V. égal. Ph. le Tourneau et A. Zabalza, « Le réveil des quasi-contrats (à propos des loteries publicitaires) », Contr. conc. consom. 2002, chron. n° 22 ; « P. Bouteiller, La protection du consommateur et l'organisation d'une loterie publicitaire », JCP éd. E 2002, p. 1706 ; E. Terrier, « La fiction au secours des quasi-contrats ou l’achèvement d’un débat judiciaire », D. 2004, p. 1179.

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correspondance ou de vente en ligne adressent à des consommateurs potentiels des courriers par lesquels elles annoncent le gain d’un lot important à l’occasion d’une loterie déjà organisée, annonce sinon fausse, du moins très exagérée dans la mesure où le lot est souvent assorti d’autres lots moins intéressants ou alors que son attribution nécessite un second tirage. La jurisprudence avait condamné ces pratiques en utilisant divers fondements techniques : l’engagement unilatéral de volonté résultant de la promesse de fournir le gain (723), solution audacieuse en raison de la très grande réticence du droit français à reconnaître cet engagement unilatéral de volonté (724), l’engagement de la responsabilité civile délictuelle sanctionnant, mais peu, la faute consistant à laisser croire en l’espérance d’un gain (725), voire contractuelle, ce qui supposait une certaine capacité de divination dans l’identification d’une volonté de s’engager (726). L’arrêt de 2002 avait fondé sur l’article 1371 du Code civil l’indemnité à laquelle était condamnée l’entreprise de vente par correspondance : « l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ». L’avantage est de la solution est d’imposer une indemnité exactement égale au gain promis, voire d’imposer la « délivrance » du lot en nature lorsqu’il s’exprime par une chose autre qu’une somme d’argent dans des conditions particulières : l’offre de gain doit être faite à personne déterminée, sans mettre en évidence l’existence d’un aléa. Toute la question est alors de savoir si cette décision fonde la reconnaissance d’un nouveau quasi-contrat (727) ou bien si le fondement de l’article 1371 du Code civil permet d’envisager un régime général des quasi-contrat, sur la base duquel tout fait volontaire est susceptible d’emporter une obligation d’indemnisation, comme dans le cas des loteries publicitaires, et donc les types classiques constitueraient autant de quasi-contrats spéciaux.

343. Autres quasi-contrats ? −−−− L’hypothèse d’un régime général applicable aux quasi-contrats permet d’expliquer l’allongement de la liste qui risque d’apparaître assez rapidement : engagement pris par le

723 Cass. civ. 1ère, 28 mars 1995, Bull. civ. I, n°150, D. 1996, p. 180, note J.-L. Mouralis, RTD civ. 1995, p. 887, obs. J. Mestre. 724 Cf. M.-L. Izorche, L’engagement unilatéral de volonté, PUAM, 1990. 725 Cass. civ. 1ère, 19 oct. 1999, Bull. civ. I, n°289, D. 2000, somm. p. 357, obs. D. Mazeaud, JCP 2000, I, 241, obs. G. Viney, Cass. civ. 2ème, 26 oct. 2000, Bull. civ. II, n°148, Defrénois, 2001, p. 693, note E. Savaux. 726 Cass. civ. 1ère, 12 juin 2001, Bull. civ. I, n°174, D. 2002, somm. p. 1316, obs. D. Mazeaud. 727 Cf. B. Fages, Droit des obligations, n°610, englobant ces nouvelles figures sous l’appellation générale « obligation de procurer à autrui l’avantage légitimement espéré ».

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repreneur d’une entreprise en difficulté (728) voire l’indemnisation de la clientèle d’un franchisé, du fait de la rupture d’un contrat contenant une clause de non-concurrence post-contractuelle (729). Mais il faudrait, alors, s’assurer que cette technique ne vienne pas contrarier d’autres solutions possibles, voire la limitation de l’action de in rem verso.

Bibliographie 1. Les quasi-contrats en général

M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, Economica, 1997 ; H. Chanteloup, Les quasi-contrats en droit international privé, LGDJ, 1998, C. Grimaldi, Quasi-engagement et engagement en droit privé. Recherches sur les sources des obligations, Defrénois, 2007, Ph. le Tourneau et A. Zabalza, « Le réveil des quasi-contrats (à propos des loteries publicitaires) », Contrats, conc., consom. 2002, chron. n° 22 ; « P. Bouteiller, La protection du consommateur et l'organisation d'une loterie publicitaire », JCP éd. E 2002, p. 1706 ; E. Terrier, « La fiction au secours des quasi-contrats ou l’achèvement d’un débat judiciaire », D. 2004, p. 1179.

2. La gestion d’affaires

R. Bout, La Gestion d’affaires en droit contemporain français,

LGDJ, 1972 3. La répétition de l’indu

I. Dfrésnois-Souleau, « La répétition de l’indu objectif : pour une application sans erreur de l’article 1376 du Code civil », RTDciv. 1989, p. 243, V. Perruchot-Triboulet, « L’indu à trois », RTDciv. 2003, p. 427.

728 Cass. com. 26 oct. 1999, Bull. civ. IV, n°193, JCP 2000, I, 233, n°7, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel. 729 Cass. com. 9 oct. 2007, JCP 2007, II, 10211, note N. Dissaux, D. 2008, p. , note D. Ferrier, Contrats, conc. consom. 2007, n°298, obs. M. Malaurie-Vignal, RLDA, 2008/1, n°1354, note D. Ferré et E. Debert, RDLC 2008/3, n° 2891, note D. Mainguy et M. Depincé.

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DEUXIEME PARTIE

LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE

344. Liberté et responsabilité. – La responsabilité consiste en l’obligation de répondre de ses actes. C’est là un axiome du libéralisme politique, la liberté a pour corolaire la responsabilité. On reconnaît son application dans bien des domaines, la responsabilité politique à l’aune du bilan électoral, la responsabilité morale, la responsabilité sociale, etc. Juridiquement, cependant, la responsabilité est un mécanisme juridique destiné à assurer la réparation d’un dommage. Elle se décline de plusieurs manières. Il peut s’agir d’une réparation pénale, quelle que soit la peine subie, de la prison à une admonestation, d’une responsabilité administrative ou, pour le sujet qui nous préoccupe, d’une responsabilité civile, soit résultat de l’exécution d’un contrat, soit extracontractuelle, c’est-à-dire la responsabilité civile délictuelle, organisée aux articles 1382 et suivants du Code civil, s’agissant des grandes lignes en la matière mais qui repose aussi, depuis sur d’autres corpus législatifs, par une forme d’extériorisation du Code civil singulière dans la mesure où, d’une logique de responsabilité telle qu’elle résulte des principes, largement déclinés, modifiés, transformés même par la jurisprudence, on passe très sensiblement vers une logique d’indemnisation, voire de compensation, comme en matière de handicap ou de solidarité nationale comme en

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matière de préjudice résultant d’un aléa thérapeutique ou d’infection nosocomiale (730). On parle alors indifféremment de responsabilité délictuelle ou de responsabilité extracontractuelle, cette dernière formulation étant plus exacte dans la mesure où le « délit » civil comme source de responsabilité est devenue très marginale ; en même temps la responsabilité extracontractuelle semble présenter une summa divisio avec la responsabilité contractuelle, alors que cette dernière notion est lourdement critiquée. Peu importe donc : la responsabilité délictuelle ou la responsabilité extracontractuelle. La responsabilité civile peut alors être envisagée comme l’obligation pour une personne de réparer les conséquences de son fait et symbolisée, bien mal aujourd’hui, par la généralité de l’article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». De ce principe de base que reste-t-il ? Il n’y a encore pas si longtemps que les manuels de droit évoquaient la responsabilité comme fondée sur la « faute ». Les choses ont bien évolué. La réglementation toujours plus dense a inventé les mesures de préventions, en tous domaines, s’agissant de prévenir les accidents du travail, les accidents de la route, les accidents de chasse, les accidents médicaux, etc. Le principe de précaution s’invite à toute occasion dans des débats où il n’a pourtant rien à faire (731), ce principe, qui en est si peu un d’ailleurs, qui invite simplement à douter de la mise sur le marché d’un produit dès lors qu’il existe un doute scientifique sur l’existence de conséquences irréversibles sur la nature, ce qui concerne essentiellement l’environnement, la pollution et les OGM. En revanche, il ne crée pas, à priori, de mécanisme de responsabilité pour l’avenir du fait de dommages dont on ignore la potentialité aujourd’hui. En outre, la question de la réparation d’un préjudice dont on disait, et on dira, qu’elle repose sur l’existence d’un fait dommageable qu’on peut reprocher à une personne déterminée est devenue plus floue : les responsabilités modernes organisent des procédés de réparation des préjudices par des non responsables, comme l’Etat, via des fonds de garanties, en matière d’accident de la route ou d’infractions pénales, voire des catastrophes naturelles ou technologiques (732). L’irruption de nouvelles responsabilités permet d’envisager une catégorisation de la responsabilité ou plus exactement des responsabilités : au régime de droit

730 Cf. R. Garnier, « Les fonds publics de socialisation des risques », JCP 2003, I, 143. 731 Cf. M. Depincé, Le principe de précaution, Th. Dr. Montpellier, 2004 ; M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, LGDJ, 2005. 732 J.-P. Brown et S. Hervé, « La loi du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels majeurs », AJDA 2003, p. 1765 ; A. Guégan-Lecuyer, « Le nouveau régime d’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques », D. 2004, Chr. p. 17.

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commun de responsabilité, que nous aborderons essentiellement dans cet ouvrage, s’ajoutent les régimes de responsabilité professionnelle : responsabilité du fait des accidents du travail, responsabilité du fait des accidents nucléaires, responsabilité du fait des accidents de transport, tous déclinés, maritime, aérienne, ferroviaire, routier, le tout dans un contexte national ou international, et surtout peut-être l’irruption en force de la responsabilité médicale, qui un connu une explosion dans les années 1970 pour être monumentalement achevé par les lois Kouchner des 4 mars et 30 décembre 2002 dont l’intégration, signe des temps, s’est effectuée bien loin du Code civil, dans le Code de la santé publique. Tout ceci n’est pas un procès contre l’évolution du droit de la responsabilité mais un simple constat : le droit de la responsabilité a largement évolué, ce que nous mesurerons d’ailleurs, il s’est profondément modifié, y compris dans ses structures fondamentales. 345. Responsabilité et droit des obligations ? – Le droit de la responsabilité s’inscrit, traditionnellement, dans la logique du droit des obligations. On le doit à la coutume de l’enseignement universitaire aussi bien qu’aux grands traités fondateurs de Domas à Pothier, aux XVIIème et XVIIIème siècles, dissertaient savamment sur les sources des obligations (cf. supra, n°25 s.). Pourtant, le rapport entre droit des contrats, droit de la responsabilité et régime des obligations est, finalement, assez ténu. Ainsi, le droit de la responsabilité n’invoque l’obligation en bout de chaîne : le mécanisme de responsabilité provoque une logique de réparation érigée en obligation. Le droit de la responsabilité est un droit de la réparation, un droit fondamentalement axé sur les drames et les tragédies, le sang et les larmes. Au fond, les logiques du droit de la responsabilité au sens strict du Code civil ou au sens large des législations récentes, peuvent être assimilées à une machine. Au départ, une personne subit un préjudice et espère le voir réparer. Nous avons là les deux bouts de la chaîne, la matière première et le produit fini. Le préjudice, matière première, est insuffisant en soi, il doit être complété. Il convient de lui associer un fait générateur de ce dommage, et un lien causal entre ce fait et le dommage : un fait dommageable : c’est la matière première. Cette matière première est ensuite passée au crible de la « machine », un régime de responsabilité où nous découvrirons, rapidement cependant, les arcanes, les richesses et les délices du droit de la responsabilité. Le tout permet de produire le but recherché, l’effet juridique, la réparation, érigée en obligation. Ce sera le plan que nous utiliserons, qui suppose, pour être mise en scène, quelques éléments d’introduction.

I. – Distinction entre responsabilité civile et responsabilité pénale

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346. Responsable mais pas coupable ! La petite phrase prononcée par un ministre mis en cause dans l’affaire du sang contaminé, qui avait tant fait jaser en son temps, est pourtant assez juste, en tant qu’elle illustre la distinction, majeure, entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile, et que le droit français ou la sociologique judiciaire française ne fait pas toujours. La distinction de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale est essentielle, c’est même l’une des plus grandes évolutions sociales connues depuis l’Antiquité. Alors, la responsabilité civile y était confondue avec la responsabilité pénale : la victime pouvait obtenir la condamnation du fautif, et obtenait un droit sur la personne même du fautif. Une double confusion en résultait : la faute créatif d’un préjudice emportait responsabilité pénale et en outre, assurait pour la victime un droit sur la personne du responsable. Cette forme de vengeance a au fur et à mesure été remplacée par une composition volontaire, une indemnité, c’est-à-dire un droit sur le patrimoine du fautif. C’était déjà une évolution majeure. L’état parvint ensuite à se substituer à la victime et à obtenir le monopole de l’usage de la force. Dès lors, à la responsabilité pénale est assignée la peine et à la force par l’état contre l’auteur d’une infraction selon les critères issus du principe de légalité des crimes et des peines, et à la responsabilité civile est réservée l’obtention d’une dette de réparation, entre la victime et le fautif. On distingue alors, fondamentalement, la sanction assurée en principe par le droit pénal et la réparation, assurée en principe par le droit civil. Il reste pourtant quelques confusions : ainsi, d’un point de vue sémantique, on parle délit en droit pénal comme en droit civil de la responsabilité et, à bien des égards, la peine agit parfois comme une forme de réparation, et la réparation civile agit bien souvent comme une sanction du fautif. Ce n’est pas qu’une question de sémantique : la plupart des grandes tragédies, en France, donnent lieu à une action pénale (733). Le réflexe français est ainsi : si je subis un préjudice, mon réflexe est immédiat « je porte plainte » et point « j’assigne ». Ici encore, le vocabulaire est riche d’enseignements : combien de fois entend-on des victimes déclamer leur douleur, bien réelle et sincère, en disant que leur deuil ne sera possible qu’avec la condamnation du l’auteur des faits, alors même que le lien est particulière ténu et qu’il faudrait un miracle pour qu’une peine de prison soit retenue ? Ainsi, les acteurs du procès du sang contaminés, des ministres, un premier ministre, des hauts fonctionnaires de la santé, étaient poursuivis pour « tromperie sur les qualités de la marchandises », un délit de boutiquier. Sans doute, cette « pénalisation » de la responsabilité, des drames et des tragédies répond à des

733 Comp. A. Guégan-Lécuyer, Les dommages de masse et la responsabilité civile, LGDJ, 2006.

Supprimé: Th. Paris I, 2004

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considérations techniques : les outils de la procédure pénale, essentiellement en raison de la nature inquisitoriale du procès pénale et des renforts des forces de police et de leurs moyens d’enquête extraordinaires favorisent le recours à l’action publique face à la faiblesse de la procédure civile et de l’obligation pour les parties de prouver leur demande devant un juge. Mais il y aussi une part sociologique, de goût archaïque du pilori, de Place de Grève et d’exécution publique : il faut un coupable. On retrouve alors la confusion, barbare, entre a responsabilité civile et la responsabilité pénale, un droit de la victime sur l’auteur A cet égard, et nous y reviendrons, l’un des moyens de modifier cette situation repose peut-être sur l’action de groupe.

II. – Distinction entre responsabilité délictuelle et responsabilité

contractuelle

347. Principe de la distinction. – La distinction entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle s’impose pour des raisons pratiques et théoriques (734) : la responsabilité contractuelle est exceptionnelle, réservée à l’hypothèse de l’inexécution d’un contrat, tandis que la responsabilité délictuelle est de principe. Elle concerne toutes les hypothèses dans lesquelles aucun lien contractuel n’existe entre le fautif et la victime. La distinction entre les deux ordres de responsabilité a été l’un des exercices préférés des juristes de droit privé ; il est moins à la mode aujourd’hui, vraisemblablement en raison de la relative confusion qui résulte, parfois, des règles de « responsabilité contractuelle ». Certains auteurs contestent en effet la logique même qui conduit à évoquer une « responsabilité » contractuelle et une éventuelle « faute » contractuelle, ce vocabulaire étant abusivement emprunté à celui de la responsabilité délictuelle : au contrat l’exécution du contrat et la compensation, en nature ou par équivalent, de l’inexécution et ses conséquences, à la responsabilité délictuelle le traitement des tragédies, du sang et des larmes. Envisagé ainsi, on voit bien que, au contraire, la confusion est la règle en droit positif : la responsabilité contractuelle règne pour traiter, via le contrat, des situations de tragédie, le domaine de l’obligation de sécurité tout entier et bien des pans de la responsabilité médicale lorsque le dommage est le résultat d’un contrat pour citer les deux exemples les plus topiques. La contestation est apparue sous la plume du Professeur le Tourneau (735) et fut prolongé par les travaux, principalement des

734 Cf. J. Huet, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : essai de délimitation des deux ordres de responsabilité, thèse Paris II, 1978 ; G. Viney, Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 2e éd., 1995, n°161 s. 735 Ph. le Tourneau, Traité sur la responsabilité civile, Dalloz, 1972 ; Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 6e éd., 2006-2007.

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Professeur Tallon (736) et Rémy (737) et depuis largement relayé (738) et bien évidement contesté (739). La question se pose alors de l’attribution au contrat d’une fonction de réparation, ajoutée à sa fonction de paiement, à travers la reconnaissance tout au long du XXème siècle, d’une obligation contractuelle de sécurité qui permettait de ne pas avoir à vérifier l’existence d’une faute contractuelle. En matière de transport, notamment, l’explosion d’une chaudière ou le déraillement d’un train par exemple, à l’origine d’un accident peut être traité comme un cas de responsabilité délictuelle, impliquant recherche d’un préjudice, d’un fait ou d’une faute, et d’un lien de causalité traité par le régime idoine de responsabilité, ou bien par une mauvaise exécution, automatique, d’une obligation de transporter des voyageurs sains et saufs d’un point à un autre : « sains et saufs », l’ajout identifie une obligation contractuelle de sécurité, évidement non prévue par les parties dont pourront se prévaloir les passagers, voire leurs proches par l’ajout d’une stipulation pour autrui tacite. Au fond, la réponse passe par l’observation des buts recherchés, selon que l’on cherche avant tout à trouver un système d’indemnisation le plus efficace de la victime, où la considération du rapport d’assurance y est essentielle, ou bien au contraire le plus logique. On retrouve alors une petite phrase célèbre de Carbonnier : « Ce qu’on appelle responsabilité contractuelle devrait conçu comme quelque chose de très limité, l’obligation de procurer au créancier l’équivalent de l’intérêt (pécuniaire) qu’il attendait du contrat ; c’est artifice de faire entrer là-dedans des bras cassés et des morts d’hommes ; les tragédies sont de la compétence de l’article 1382 du Code civil ». C’est donc bien la fonction de réparation du contrat qui est en jeu et il est clair que les dispositions du Code civil, prise à la lettre, ne proposent qu’une fonction de paiement,

736 D. Tallon, « L'inexécution du contrat : pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223 , « Pourquoi parler de faute contractuelle ? », Mélanges G. Cornu G., 1994, p. 429. 737 Ph. Rémy, « Critique du système français de responsabilité civile », Droit et cultures 1996/31, p. 31, « La responsabilité contractuelle : histoire d'un faux concept », RTD civ. 1997, p. 323. 738 Cf. C. Atias, « Spécificité de l'activité médicale et responsabilité », in La responsabilité civile du médecin, PUAM, 1993, p. 109, J. Bellisent, Contribution à l'analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001, Ph. Laurent, L'enchevêtrement des actions de l'acheteur liées à l'état du bien vendu, Th. Nantes, 1998, L. Leturmy, « La responsabilité délictuelle du contractant », RTD civ. 1998, p. 839, V. Perruchot-Triboulet, Théorie générale des obligations et responsabilité civile, PUAM, 2002, M. Faure-Abbad, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle (contribution à la théorie de l'inexécution du contrat), th. Poitiers, 2002, C. Grare, Recherches sur la cohérnece de la responsabilité civile déclictuelle, Th. Paris II, 2003. 739 G. Durry, « Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : dualité ou unité ? », in La responsabilité civile à l'aube du XXIe siècle, Resp. civ. et assur. juin 2001, no spécial, p. 20 ; E. Savaux, « La fin de la responsabilité contractuelle ? », RTD civ. 1999, p. 1, G. Viney, « La responsabilité contractuelle en question », Mélanges J. Ghestin, 2001, p. 920.

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point de réparation. Or, si on admet que la fonction de réparation est devenue, malgré, voire contre, la lettre du Code civil, une fonction du contrat, il n’y a plus de danger particulier à la confusion entre responsabilité contractuelle et délictuelle sinon lors de quelques points de rencontre. A défaut, il faudrait revisiter tout le droit des contrats, y extirper tout ce qui devrait, en bonne logique, relever du droit de la responsabilité (délictuelle) et en tirer les conséquences, processuelles notamment, qui s’imposent lors d’un procès. On peut se demander si ce serait, alors, de bonne justice, que de retarder l’issue d’un procès, augmenter les coûts du litige pour la simple raison de cohérence avec les règles du Coe de 1804 qui ne souciait guère, alors, de la réparation du préjudice comme droit fondamental.

348. Eléments de distinction. – Au-delà de cette controverse, la frontière entre les deux ordres de responsabilité est essentiellement technique. En matière processuelle, notamment, une différence apparaît en matière de compétence juridictionnelle. Le tribunal compétent est le tribunal du lieu de l’exécution de l’obligation en matière contractuelle (NCPC, art. 46, Règlement n°44/2001, 22 déc. 2000, art. 5-1°) alors que c’est, en matière délictuelle, le tribunal du lieu de réalisation du dommage ou celui où le fait dommageable a été réalisé. La prescription est décennale en matière délictuelle (C. civ., art. 2270-1) mais trentenaire en matière contractuelle face à un contractant particulier (C. civ., art. 2262) et décennale face à un contractant commerçant (C. com., art. L. 110-4) mais avec de nombreuses différences selon les contrats) ; La charge de la preuve est différemment appréciée : elle est à la charge de la victime en matière de responsabilité délictuelle et elle est la charge du créancier ou du débiteur de l’obligation selon que l’obligation est de moyens ou de résultat. Des conventions en matière de responsabilité contractuelle sont possibles mais point, en principe, en matière de responsabilité délictuelle. En matière internationale, les conflits de lois sont envisagés différemment, leur résolution répond à des critères fixés par la Convention de Rome de 1980 (Cf. supra, n°43) en matière contractuelle et, en matière délictuelle, est soumise à la détermination de la lex loci delicti le lieu de réalisation du dommage ou le lieu de commission du fait dommageable, ce qui rend parfois les choses assez complexes (740).

349. Application de la distinction, règle du non cumul. – L’une des

740 Cf. Cass. civ. 25 mai 1948, Rev. crit. DIP, 1949, p. 89, note H. Battifol (arrêt Leautour) ; Cass. civ. 1ère, 14 janv. 1997, Bull. civ. I, n°14, D. 1999, p. 177, note M. Santa-Croce, JCP 1997, II, 22903, note H. Muir-Watt, Rev. crit. DIP, 1997, p. 504, note J.-M. Bischoff.

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règles qui illustre la distinction, ou son intérêt, entre ces deux ordres de responsabilité repose sur la règle du non cumul des deux ordres de responsabilité il en résulte qu’une victime ne saurait, à son choix, e(t pour autant que ce soit techniquement possible, se placer sur le terrain de la responsabilité délictuelle (par exemple pour échapper à l’application d’une clause limitative de responsabilité) ou sur celui de la responsabilité contractuelle (741). Le terme non-cumul est cependant trompeur dans la mesure où il semble indiquer que la victime ne saurait obtenir l’application des deux régimes de responsabilité, successivement ou concomitamment. Il conviendrait de parler de règle de non-option : la victime ne peut choisir entre les deux régimes de responsabilité. Il en résulte surtout que la considération de la responsabilité contractuelle comme un régime d’exception exclut la responsabilité délictuelle chaque fois que les protagonistes sont liés par contrat. Par exemple, l’acheteur d’une chose victime d’un vice caché qui agit au delà du bref délai de prescription de l’action en garantie, ne peut se placer sur le terrain délictuel pour obtenir réparation. Ce principe comprend cependant quelques limites et exceptions. D’abord, le principe joue dans les deux sens : ainsi la période précontractuelle et, à bien des égards, post-contractuelle renverse le principe : la victime ne saurait se placer sur le terrain contractuel. Le principe, ensuite, ne joue pas dans les rapports entre un contractant et un tiers : un contractant ne pourrait exercer qu’une action délictuelle contre un tiers et, réciproquement, un tiers ne peut exercer qu’une action délictuelle contre un contractant. Pas question de cumul ou d’option ici et donc de règle de non cumul. Les règles en matière de chaînes de contrats respectent cette solution : l’action directe engagée par l’acheteur contre le fabricant de la chose est une action de nature contractuelle mais surtout exclusivement contractuelle, sans possibilité de choisir entre une action de nature délictuelle ou contractuelle. Enfin, le principe ne joue entre contractants que pour les faits ayant traits à l’exécution du contrat : si un contractant subit un dommage de son cocontractant mais sans rapport avec le contrat, la responsabilité est délictuelle : par exemple, un patient se cogne à une porte chez son médecin, un client se blesse dans un grand magasin…

III. – Les principes et fondements du droit de la responsabilité

civile

350. Principes techniques. – Les principes essentiels du droit de la responsabilité sont au nombre de trois (au moins). Le premier est le principe, classique, de la généralité de la faute qui est (était ?) le pendant du principe de la force obligatoire du contrat qui

741 Par exemple : Cass. civ. 1ère, 11 mai 19999, Bull. civ. I, n°3.

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suppose que n’importe quelle faute, une faite grave, ou légère, volontaire ou involontaire… peut emporter responsabilité civile si les conditions sont respectées. Ce principe est aujourd’hui fortement concurrencé, et largement dépassé par la considération, non plus de la faute, mais du fait dommageable. Le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose que le dommage, faible ou énorme doit être intégralement réparé, quelle que soit la nature de la faute, grave ou légère. Les règles de la responsabilité délictuelle sont d’ordre public de sorte que les clauses limitatives de responsabilité, les clauses pénales, … sont sans aucune portée, à la différence de la responsabilité contractuelle.

351. Fonctions de la responsabilité civile. – La responsabilité civile peut se voir attribuer plusieurs fonctions différentes. La première fonction, et en même temps la plus classique est celle qui consiste à assurer à la victime d’un dommage une créance de réparation à son profit destinée à compenser le préjudice subi. Cette fonction peut être dépassée : il s’agirait alors davantage d’assurer l’indemnisation de la victime, quel que soit le débiteur de la dette d’indemnisation. Elle peut également avoir pour fonction d’assurer une sanction du fautif, comme dans le système américain qui connaît, dans certains Etats la notion de « punitive damages », et donc une fonction de sanction, d’amendement, d’expiation voire d’intimidation. Elle peut avoir également une fonction de prévention, d’exemple, de mise en sciène, de deuil, etc., voire de fraude : pourquoi ne pas inventer une faute un dommage et engager une procédure de réparation emportant une créance de réparation, permettant de « blanchir » de l’argent sale ? La mission Tracfin de lutte contre le blanchiment d’argent se penche par exemple sur ce fléau.

352. fondement classique, la faute. – La faute est le fondement originel de la responsabilité civile : elle repose sur la formule de l’article 1382 du Code civil. Longtemps le droit de la responsabilité s’est contenté de cette notion, résolument morale, et toute l’histoire du droit de la responsabilité se concentre autour de cette notion. Ainsi le droit romain ne connaissait une responsabilité fondée sur certaines fautes particulières avant de se généraliser, des siècles plus tard, sous l’influence des canonistes, pour aboutir à l’actuel article 1382 du Code civil. Il en résulte une conception très morale du droit de la responsabilité, fondée sur les écarts d’une personne : la faute est appréciée non in concreto, par référence à l'attitude habituelle de l'auteur du dommage, mais in abstracto, par référence à l'attitude d'un être idéal, le « bonus pater familias ».

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Au XIXème siècle, le développement du machinisme, l’évolution de l’industrie et l’apparition concomitante d’hypothèses de responsabilité sans faute allait cependant conduire à revoir les fondements de la responsabilité civile. Il résulte de ce fondement que si la faute est le fondement de la responsabilité, seule la faute est source de responsabilité. Deux conséquences en résultent. Il appartient donc à la victime de prouver que la faute a été commise, c’est un régime dit de faute prouvée. A l’inverse, si le dommage est dû au hasard, à un cataclysme, à une raison exceptionnelle quelconque, mais indépendante de toute faute volontaire, négligence ou imprudence, il ne sera pas réparé. Le dommage fortuit (sans faute rattachable à un auteur quelconque) est donc, dans ce système subi par la victime. Cette dernière conséquence est à l’origine des évolutions de la responsabilité et des atteintes à la faute comme fondement dans deux secteurs notamment, celui de la santé avec le développement des actions engagées par des victimes, de contamination par divers virus ou bactéries dont le virus VIH ou de l’Hépatite B, d’infections nosocomiales, mais qui se sont développées dans le régime de responsabilité contractuelle, et le domaine des dommages causés par l’industrie, dont le désormais consacré « principe de précaution » est l’un des derniers avatars. L’industrialisation ou plus largement « le machinisme » est la première circonstance qui a entraîné la fin de la primauté de la faut comme fondement de la responsabilité. La faute ne peut, en effet, suffire pour réparer les dommages causés par des machines, par exemple en matière d’accident du travail pris en compte très tôt (L. 9 avr. 1898) quoique la loi fût devancée par la jurisprudence par l’arrêt Tefaine, arrêt fondateur de la responsabilité du fait des choses. Apparaissaient alors des hypothèses de responsabilité sans faute : responsabilité du fait des choses, responsabilité du fait d’autrui, dans tous les secteurs de la responsabilité : responsabilité du fait des accidents de la circulation, du fait d’autrui, des parents du fait de leurs enfants, des employeurs du fait de leurs salariés. Par ailleurs l’exigence de la preuve de la faute s’accommode mal de la prise en compte des intérêts de la victime : l’évolution a pris la forme de présomptions de fautes (742). Pour autant, la responsabilité pour faute n’a pas disparu au profit de la responsabilité sans faute : les deux systèmes cohabitent. On passe alors, sensiblement, d’un système où seule faute engage la responsabilité de son auteur, vers un système où le dommage, seul, justifie une indemnisation de la victime, en passe de venir un droit fondamental, sous l’impulsion, d’ailleurs non négligeable de la Convention européenne des droits de

742 Cf. Ph. Brun, Les présomptions dans le droit de la responsabilité, th. Grenoble, 1993.

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l’homme (743). L’article 1er de son premier protocole additionnel assure en effet à toute personne un « droit au respect de ses biens », au nombre desquels la jurisprudence de la CEDH compte les créances, éventuellement de réparation. Il n’a pas fallut longtemps à la Cour de cassation pour en tirer des conséquences majeures quitte à écarter une loi qui ferait fi de ce droit à indemnisation par exemple dans la suite de l’affaire Perruche où la loi du 4 mars 2002 (Art. 1-I) disposait, pour combattre la jurisprudence Perruche que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance, que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice, que ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap et que la compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale », justifiant l’écart de cette règle sur le fondement de l’article 1er du 1er Protocole additionnel (744).

353. La théorie du risque. – L’idée de faute étant apparue insuffisante pour expliquer les évolutions du droit de la responsabilité, un autre fondement a été recherché pour l’expliquer. La théorie du risque a alors été avancée, notamment par Saleilles, Josserand et par les frères Mazeaud au début et ensuite tout le long du XXè siècle. Le risque comme fondement apparaît comme l’idée que celui qui exerce une activité, qui en tire profit et qui fait courir un risque à autrui par son action, doit le réparer (« ubi emolumentum, ibi onus ») en une conception économique de la responsabilité civile. On parle de risque profit. Ce fondement est cependant lui également insuffisant dans la mesure où bien des dommages se produisent indépendamment de toute activité économique, par exemple pour des accidents de la vie courante. La théorie du risque s’élargit alors au risque créé : celui qui exerce une activité quelconque doit assumer les risques de cette activité et, donc, les dommages causés à l’occasion de celle-ci. Elle est directement à l’origine de mécanisme spéciaux de responsabilité comme la responsabilité du fait des accidents de la circulation ou des accidents du travail. Ce fondement élargit singulièrement les perspectives de la responsabilité. La responsabilité qui en résulte est alors un mécanisme dit de « responsabilité objective », sans faute, car elle ne dépend plus de la

743 O. Lucas, « La convention européenne des droits de l’homme et les fondements de la responabilité civile », JCP 2002, I, 111. 744 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2006, Bull. civ. I, n°29, n°30, n°31, n°32, JCP 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon, RDC 2006, p. 685, obs. A. Marais ; Cass. civ. 1ère, 21 févr. 2006, Bull. civ. I, n°94, JCP 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon.

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volonté d’une personne, à la différence de la responsabilité subjective, fondée sur la faute. Elle modifie cependant radicalement la fonction de la responsabilité, désormais plus orientée du côté de la victime, et beaucoup moins du côté du fautif : elle est, de ce point de vue, insuffisante. Le succès de cette thèse est sans conteste. Outre l’ensemble de la jurisprudence sur la responsabilité du fait des choses, le législateur est souvent intervenu en ce sens : L. 9 avril 1898 sur les accidents du travail aujourd'hui intégré dans les règles de la sécurité sociale ; L. 31 mai 1924 sur les accidents d'aéronefs ; L. 8 juillet 1941 : reprenant la même solution pour l'indemnisation des accidents de téléphérique ; L. 12 novembre 1965 et 30 octobre 1968 sur la responsabilité sans faute des exploitants d'installations et navires nucléaires ; L. 7 juillet 1976, 27 mai 1977 et 4 janvier 1978 sur la responsabilité objective en matière de pollution marine ; L. 5 juillet 1985 sur la réparation des accidents de la circulation ; L. du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1386-1 et s).

354. La théorie de la garantie. – La théorie de la garantie a été proposée par Starck (745). Elle impose un bouleversement considérable car il s’agit de ne plus se tourner vers l’auteur du dommage – fautif ou créateur de risque plus simplement – mais vers la victime. La responsabilité se justifie parce qu’on a porté atteinte à ses droits et notamment son droit à la sécurité – tout comme il existe un droit à l’honneur, au respect de sa privé – qu’il convient de concilier avec le droit d’agir librement de toute personne. Pour Starck, la conciliation entre ces deux impératifs repose sur une distinction : en cas de dommage corporel ou matériel, la victime dispose d’une garantie objective sans qu’il soit besoin de démontrer la faute de l’auteur du dommage ; en revanche, s’il s’agit d’un dommage purement économique ou d’un dommage moral, la responsabilité de l’auteur ne peut jouer qu’en cas de faute. Cette théorie a eu un retentissement considérable quoique – on le sait aujourd’hui – elle ne soit pas à l’abri de critiques, par exemple en raison de la très grande place que la faute y conserve, malgré la jurisprudence qui avait, déjà en 1947, largement réduit son rôle. La thèse de Starck souligne également une seconde fonction de la responsabilité, celle de peine privée qui serait de nature à accroître la créance de réparation en fonction de la gravité de la faute, même si cela se réaliser sous le couvert de l’appréciation de l’étendue des dommages.

355. Crise de la responsabilité civile ? – Le résultat de l’examen des fondements fait apparaître deux tendances largement ancrées dans la

745 B. Starck, Essai d’une théorie de la garantie dans sa double fonction de garantie et de peine privée, th. Paris, 1947.

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jurisprudence dont certains dénoncent la crise, en raison du reflux de la faute, et donc d’une certaine conception morale, et d’autres envisagent au contraire cet avenir avec beaucoup plus d’entrain (746). Le déclin de la faute d’abord, est évident, en raison de l’apparition et du triomphe des mécanismes de responsabilité sans faute, de la « victimisation » invitant à « l’indemnisation des victimes » (L. 5 juillet 1985) qui consacre inversement la théorie du risque (747). Le déclin de la responsabilité individuelle est patent. A partir du moment où le droit de la responsabilité s’éloigne du fondement de la faute, ses conséquences s’effacent en même temps : la victime dispose de systèmes de présomptions qui facilitent la démonstration de l’existence du fait générateur ; le dommage fortuit, sous l’influence de la théorie de la garantie, n’est plus supporté par victime, mais par d’autres : la solidarité ou l’assurance prennent alors le relais : c’est ainsi que les régimes spéciaux modernes de responsabilité combinent assurance obligatoire pour l’auteur supposé du dommage et fonds d’indemnisation, comme en matière d’accident de la circulation, des victimes d’infractions pénales ou, depuis 2004, de responsabilité médicale du fait des infections nosocomiales ; l’éclosion de fonds d’indemnisation, de responsabilité presque collective (responsabilité du fait des produits défectueux), de principes dits de précaution, en est le signe. Il en résulte aussi qu’au traditionnel rôle réparateur de la responsabilité civile tend à s’ajouter un rôle régulateur, voire « sanctionnateur ». Il est clair, alors, que crise ou pas, le droit de la responsabilité civile à changé (748) sous l’influence du mécanisme assurantiel, par la diffusion voire la multi diffusion des assurances volontaires et surtout obligatoires, mais aussi de l’intervention étatique à travers l’instauration des fonds de garantie ou des promesses d’engagement de la « Solidarité nationale » (749). L’ordre des choses a-t-il été modifié ? Au fond et comme le plan que nous retiendrons le montrera, la faute, comme fondement ou principe de la responsabilité est contenu au rôle de mécanisme commun, subsidiaire donc, dès lorsqu’un mécanisme spécial plus favorable ne joue pas, chacun de ces régimes spéciaux connaissant eux-mêmes un cas

746 Cf. C. Thibierge, « Avenir de la responsabilité et responsabilité de l’avenir », D. 2004, Chr. p., 577 ; « Libres propos sur l’évolution de la responsabilité civile », RTD civ. 1999, p. 561. 747 Cf. G. Viney, « Pour ou contre un principe général de responsabilité pour faute ? » Mélanges P. Catala, p. 555 ; C. Radé, « Plaidoyer en faveur d’une réforme de la responsabilité civile », D. 2003, Chr. p. 2247. 748 Cf. pour des constats et des projets : C. Grare, Recherches sur la cohérence de la responsabilité déliectuelle, L’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, Dalloz, 2005, M. Robineau, Contribution à l’étude du système de responsabilité, Defrénois, 2006. 749 Sur ses éventuels effets pervers, comp. E. Mackaay et St. Rousseau, Analyse économique du droit, Dalloz, 2008, n°1163 et l’exemple Néo-Zélandais.

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général et des cas particuliers, comme en matière de responsabilité du fait des choses (cf. infra, n°386). La faute ramenée à un rôle contenu, même si on retrouve la notion de faute à tout moment, s’agissant de la faute inexcusable du non conducteur dans les accidents de la circulation, de l’employeur en matière d’accident du travail, des professionnels de santé dans la responsabilité médicale (CSP, art. 1134-1), etc. Une faute diffuse, donc, mais contrarié par la concurrence désormais de trois modèles de régimes : un régime, subsidiaire fondé sur la faute prouvée, complété par des régimes fondés sur la faute présumée, assurant un renversement de la preuve, et enfin, le gros des régimes fondés sur un mécanisme de responsabilité présumée, ou responsabilité objective, ou responsabilité sans faute selon la formule retenue, de manière très ressemblante avec la question de l’intensité des obligations, obligations de moyens, obligations de résultat atténuée et obligations de résultat (750).

356. Objectifs du droit contemporain de la responsabilité. – Le droit actuel de la responsabilité connaît alors plusieurs objectifs qui se conjuguent. La victime doit obtenir réparation ; le dommage fortuit doit être réparé, soit que l’on trouve un débiteur, sinon un responsable : c’est le cas de la responsabilité du fait des choses ou des accidents de la circulation et, à défaut un tiers. La réparation s’effectuera par un assureur, soit que l’assurance est obligatoire et, à défaut, des circonvolutions jurisprudentielles parfois pour rechercher le débiteur le plus efficace parce que le plus solvable, ce qui est le cas d’une personne assurée. Là est l’avenir de la responsabilité où les débats techniques sont assumés entre assureurs loin de la victime qui a vu son préjudice réparé et de l’auteur du dommage et du poids moral, social et économique que cela peut représenter. Elle pourra aussi s’effectuer via un fonds de garantie, comme en matière d’accident de la circulation de contamination par transfusion du virus HIV, d’accident nucléaire, etc., mais encore par la solidarité nationale ou la sécurité sociale, notamment dans le domaine de la santé. On a parlé, alors, de système de responsabilité qui instaure un phénomène de socialisation des risques par mutualisation de la dette de responsabilité voire par étatisation de celle-ci. Si les avantages pour les victimes sont évidents, les inconvénients notamment pour le budget de l’état le sont tout autant mais aussi par le phénomène de déresponsabilisation qu’elle engendre. La responsabilité ainsi généralisée, détournée de la faute, se détourne en même temps de ses fondements moraux.

357. Analyse économique de la responsabilité. – Comme en matière de contrat, l’analyse économique du droit justifie, explique ou critique bien

750 Sur cette comparaison, J. Bellisent, Contribution à l'analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001.

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des aspects de la responsabilité (751), par exemple en comparant dommage et prévention par celle des couts respectifs des dommages en fonction des mesures de prévention et du coût total des mesures de prévention, par exemple pour expliquer la négligence sur le fondement de ce que les américains appellent le « test de Hand » (752), dans un litige dans lequel un bateau s’était détaché et avait causé des dommages. Le juge avait pris en considération la probabilité que le bateau se détache (P), la gravité du préjudice (L) et le coût des précautions possibles (B) : il y a faute si les mesures préventives B effectivement prises sont inférieures au produit PxL, système très simple à mettre en œuvre mais détaché de considérations fondées sur un standard moral, mais, de manière plus général sur l’appréciation de celui, entre l’auteur d’un fait dommageable et la victime, qui peut le plus efficacement supporter le coût du dommage et qui peut être rendu plus complexe, par exemple en considération de la faute de la victime, qui appelle alors aux mesures de prévention qu’il aurait pu raisonnablement prendre. L’ensemble invite moins à un renouvellement du droit de la responsabilité qu’à une reconsidération des logiques qui président aux solutions rendues.

358. Efficacité du droit de la responsabilité civile ? – Le droit de la responsabilité, en tant que mécanisme producteur d’obligation, est intimement lié à deux institutions, le contrat et le juge. Le contrat, d’assurance et de transaction notamment, en raison de l’importance du mécanisme assurantiel et de l’outil transactionnel qui contribue, pour les assureurs et les fonds de garantie, à accélérer les procédures d’indemnisation, même si la réparation qui en résulte est en général moindre que celle que la victime aurait pu obtenir sur la base d’un procès. De ce point de vue, l’efficacité se mesure à l’adéquation entre le caractère assurable du dommage envisagé ou sa couverture par un fonds de garantie, le montant de la transaction proposée et l’économie de temps réalisée, comparé au caractère aléatoire d’un procès et le temps nécessaire à l’obtention d’une décision définitive. Le juge, ensuite, garant du principe fondamental du droit de la victime à obtenir réparation d’un dommage réparable. De ce point de vue, le droit français offre, d’une manière générale, un ensemble d’outils très efficaces, envisagés du côté de la victime, par des régimes généraux et spéciaux d’une grande complexité souvent mais placée au service de l’efficacité de la responsabilité. L’efficacité se mesure cependant à l’effectivité de la réparation. Or, de ce point de vue, l’efficacité est

751 V. not. G. Maitre, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, LGDJ, 2005 ; E. Mackaay et St. Rousseau, Analyse économique du droit, Dalloz, 2008, n°1158 s. 752 Du nom du juge Learned Hand qui avait rendu une décision fondatrice : United States v. Carroll Towing Co. 159 F.2d 169, 173.

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surtout liée aux procédures contractuelles d’indemnisation. De nombreux dommages en effet, les dommages de masse, les dommages sanitaires, les dommages diffus, les dommages collectifs sont peu ou pas réparés faute d’outils adéquats. Il y a bien des explications, la pénalisation à outrance de la réparation des grands dommages, la sociologie française de la réparation, etc. L’une des réponses repose peut-être sur l’admission plus large des actions par des associations, concrétisée récemment par un arrêt du 26 septembre 2007 (753) admettant qu’une association puisse agir au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social mais également sur l’admission de la Class action (754), de manière large, c’est-à-dire ouverte à tout « groupe » qui se manifeste, ou resserrée, ouverte aux seules associations de consommateurs. Observons simplement que les freins économiques, sociaux, politiques, à son introduction en France sont lourds et que contrairement à ce que l’on pense souvent, ce n’est pas un mécanisme réservé aux litiges de la consommation mais à toutes les hypothèses de dommages de masse ou diffus, les dommages concurrentiels, environnementaux, publics, sanitaires, etc.

359. Réforme du droit de la responsabilité civile. – Les règles en matière d’obligations extra contractuelles, dans le vocabulaire du droit international privé, ou bien de responsabilité civile pour des formules auxquelles nous sommes plus habituées sont susceptibles de faire l’objet de réformes. En droit international privé, d’abord, où la question des conflits de lois est de puis longtemps appliquée sur le fondement de la lex loci delicti mais dans la suite de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en passe d’être réformé par un Règlement communautaire (la question est devenue de la compétence de l’Union européenne), un projet de convention dit « Rome II » sur la loi applicable aux obligations extracontractuelles, a été communautarisé sous la forme d’un projet de règlement dévoilé en 2006 (755), et applicable aux obligations non contractuelles en matière civile et commerciale, domaine d’application nourri de nombreuses exceptions comme la responsabilité liée aux relations familiales, à la responsabilité entre associés, la responsabilité de l’Etat, ou liée à la violation de la vie privée, etc. (art. 2). Surtout, le principe est celui de la loi d’autonomie, la loi choisie par les parties, au moment ou après la naissance du litige, voire, entre

753 Cass. civ. 3ème, 26 sept. 2007, RDLC, 2008/47, n°2900, obs. L. Boré. 754 D. Mainguy (dir.), L’introduction en France des class actions, Les petites affiches, 22 déc. 2005, p. 6, S. Cabrillac, Pour l’introduction de la class action en droit français, LPA, 2006, n°165, p. 4, S. Guinchard, « Une class action à la française ? », D. 2005, Chr. p. 2180, L’action de groupe en procédure civile française, RID comp. 1990, p. 599, et la bibliographie. 755 COM/2006/0083 final

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commerçants, sur la base d’une convention. A défaut de choix, la loi applicable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit l’endroit où le fait générateur a été commis ou des conséquences indirectes sont produites, ce qui met fin à la difficulté d’appréciation de la lex loci delicti. En outre, lorsque l’auteur et la victime sont situés dans un même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays est applicable, à moins qu’un lien manifestement plus étroit avec un autre pays puisse être repéré (art. 5). S’ajoutent, en outre, tout une série de règles particulières à certains régimes spéciaux comme la responsabilité du fait des produits défectueux, en matière de concurrence déloyale, d’atteinte à la vie privée ou aux droits de la personnalité, d’atteinte à l’environnement, etc. En droit interne, l’avant-projet de réforme du droit des obligations comporte un « volet responsabilité, porté par Mme G. Viney (756), qui correspond comme en matière de droit des contrats à une forme de « restatement » de la matière.

Plan.– C’est dans cette perspective que nous allons étudier le droit de la responsabilité civile, dans sa complexité et, en même temps dans sa logique assez simple dans sa présentation, à travers les trois logiques distinctes de la « machine à fabriquer de la réparation » : l’existence du fait juridique de responsabilité, le fait dommageable (Chapitre 1), le régime juridique de responsabilité (Chapitre 2), et l’effet juridique de responsabilité (Chapitre 3). Bibliographie A. Ouvrages généraux

– Ouvrages et traités : outre les ouvrages cités en fin d’ouvrage on observera que la doctrine en la matière est essentiellement née de H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contactuelle, 1932, 5ème éd. par A. Tunc, 1957 et depuis : Ph. le Tourneau, Traité sur la responsabilité civile, Dalloz, 1972, A. Tunc, La responsabilité civile, Economica, 1981, La responsabilité, aspects nouveaux, Trav. Ass. H. Cap. 1999 et pour une bibliographie des principaux articles en la matière : S. Carval, La construction de la responsabilité civile, Puf, 2001. V. encore :M. Leroy, Contribution à la notion de professionnel, les devoirs de répondre des risques créés et de maîtrise professionnelle, Th. Toulouse, 1995, J. Moret-Bailly, Les déontologies, PUAM 2001, A. Guégan-Lécuyer, Les dommages de masse et la responsabilité civile, Th. Paris I, 2004, P. Serlooten, « Vers une

756 G. Viney (dir.), L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité, RDC 2007, p. 3.

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responsabilité professionnelle ? », Mélanges P. Hébraud, p. 805, P. Jourdain, « La responsabilité professionnelle et les ordres de la responsabilité civile », in La responsabilité professionnelle, une spécificité réelle ou apparente, LPA, 11 juill. 2001. – Sur l’histoire et l’évolution de la responsabilité : V. not. O. Descamps, Les origines de la responsabilité pour faute personnelle dans le Code civil de 1804, Th. Paris II, 2004, J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, Dalloz, 2002, Les métamorphoses de la responsabilité, Journée R. Savatier, Puf, 1988, Y. Lambert-Faivre, « L’évolution de la responsabilité civile, d’une dette de responsabilité à une créance d’indemnisation », RTDciv. 1987, p. 1, « L’éthique de la responsabilité », RTDciv. 1988, p. 1, C. Thibierge, « Avenir de la responsabilité et responsabilité de l’avenir », D. 2004, Chr. p., 577 ; « Libres propos sur l’évolution de la responsabilité civile », RTDciv. 1999, p. 561. – Sur le non cumul des deux ordres de responsabilité : E.-N. Martine, L’option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, LGDJ, 1957, G. Cornu « Le problème du cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle », in Etudes de droit comparé, 1962, p. 239. – Sur la distinction responsabilité pénale et responsabilité civile : la question est aujourd’hui divisée entre les ouvrages classiques : P. Hébraud, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Th. Toulouse, 1929, A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, LGDJ, 1966, et ceux suivant la loi du 10 juillet 2000 (C. pén., art. L. 121-3) : Y. Mayaud, Les infractions non intentionelles, Dalloz, 2003 ; P. Bonfils, L’action civile. Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM, 2000. – Sur l’analayse économique du droit de la responsabilité : V. pour la doctrine française : G. Maitre, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, LGDJ, 2005 ; E. Mackaay et St. Rousseau, Analyse économique du droit, Dalloz, 2008, n°1158 s. – Sur la réforme du droit de la responsabilité civile : G. Viney (dir.), L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité, RDC 2007, p. 3. B. Fonctions et fondements de la responsabilité civile – Sur les techniques : . Depincé, Le principe de précaution, Th. Dr. Montpellier, 2004 ; M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, LGDJ, 2005, A. Guégan-Lécuyer, Les dommages de masse et la responsabilité civile, Th. Paris I, 2004, Ph. Brun, Les présomptions dans le droit de la responsabilité, th. Grenoble, 1993, G. Viney, « Pour ou contre un principe général de responsabilité pour faute ? » Mélanges P. Catala, p. 555, D. Mainguy (dir.), L’introduction

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en France des class actions, Les petites affiches, 22 déc. 2005, p. 6, S. Cabrillac, Pour l’introduction de la class action en droit français, LPA, 2006, n°165, p. 4, S. Guinchard, Une class action à la française ? D. 2005, Chr. p. 2180, L’action de groupe en procédure civile française, RIDcomp. 1990, p. 599. – Sur les fondements : C. Grare, Recherches sur la cohérence de la responsabilité déliectuelle, L’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, Dalloz, 2005, M. Robineau, Contribution à l’étude du système de responsabilité, Defrénois, 2006, O. Lucas, « La convention européenne des droits de l’homme et les fondements de la responabilité civile », JCP 2002, I, 111 ; C. Radé, « Plaidoyer en faveur d’une réforme de la responsabilité civile », D. 2003, Chr. p. 2247. – Sur les fonctions : B. Starck, Essai d’une théorie de la garantie dans sa double fonction de garantie et de peine privée, th. Paris, 1947, , S. Carval, La responsabilité civile dans sa dimension de peine privée, LGDJ, 1995 ; J.-L. Baudouin, « Les dommages-intérêts punitifs : un exemple d’emprunt réussi à la Common Law », Mélanges Ph. Malinvaud, 2007, p. 1.

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CHAPITRE 1. – LE FAIT JURIDIQUE GENERATEUR D'OBLIGATIONS : LE FAIT DOMMAGEABLE

360. Présentation. – La structure de l’article 1382 du Code civil, à défaut de servir de fondement ou de socle, propose une méthode : le fait dommageable est révélé par l'expression même qui le désigne : fait productif d'un dommage, fait dommageable constitué dans la mesure où seront réunis les trois éléments constitutifs suivants : un dommage (section 1) produit par un fait générateur de responsabilité (section 2), alors qu’un lien de causalité (section 3) rattache ce dommage à ce fait.

SECTION 1 - LE DOMMAGE

361. Exigence d’un dommage. – A la différence de la responsabilité morale, la responsabilité politique ou de la responsabilité pénale, la responsabilité civile exige qu'un préjudice ou dommage ait été causé par le fait générateur (757). La fonction première de la responsabilité n'est pas, en effet, de punir (sur le plan moral ou pénal), l'auteur d'une faute mais de réparer le préjudice, le dommage (les deux termes sont équivalents et indifféremment employés) subi par la victime. Le dommage ou préjudice peut être défini comme une perte, une atteinte, de nature patrimoniale ou extrapatrimoniale. Il demeure que tout dommage n’est pas susceptible de donner lieu à réparation : seul le dommage réparable sera… réparé, de sorte que le dommage, réparable,

757 X. Pradel, Le préjudice dans le droit civil de la responsabilité, LGDJ, 2004.

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se définit alors comme une atteinte, de nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, résultant d’un fait commis contre une personne ou un bien, ce qui suppose d’observer la nature du dommage (I) mais également les caractères du dommage (II).

I. – La nature du dommage

362. Dommage matériel. – Le dommage matériel est le dommage directement susceptible d'évaluation pécuniaire subi par le patrimoine, auquel on associe souvent le dommage subi par la personne même de la victime, ce qui est ambigüe, dans la mesure où le dommage subi par une personne peut être un dommage moral, un dommage corporel ou un dommage matériel, que l’on se doit de distinguer : seul le préjudice matériel est de nature patrimoniale. On retrouve ici les mêmes logiques qu’en matière contractuelle (cf. supra, n°274). Le dommage matériel ou économique (758) peut prendre deux formes distinctes. Il peut s’agir du fait de subir effectivement une perte, on parle dans le jargon du « damnum emergens » c'est-à-dire de la perte éprouvée : c'est le cas par exemple de la détérioration ou de la destruction d'un objet dont la victime est propriétaire (automobile endommagée) ou de l'atteinte à des valeurs de la victime (pertes économiques causées par un acte de concurrence déloyale...). Il est ressenti par la victime dans son patrimoine, la dégradation d’un bien, sa perte, l’atteinte à un intérêt pécuniaire de la victime… Il peut s’agir également d’un manque à gagner, « lucrum cessans », comme la perte issue de l’impossibilité d’exercer une activité à la suite d’une incapacité à la suite d’un accident.

363. Dommage corporel. – Il peut aussi être ressenti par la victime dans sa personne physique même, on parle de dommage corporel. Toute la difficulté est alors de valoriser un tel dommage corporel étant entendu que la personne humaine est hors commerce juridique : quel est le prix d’une jambe, d’un œil, d’une goutte de sang ? La réparation du dommage corporel résulte alors de ses conséquences matérielles : l’ensemble des frais médicaux nécessaires aux traitements mais surtout de l’incidence économique qui résultera des suites de ces dommages corporels, mais aussi de ses conséquences morales. Pour autant, l’indépendance du dommage corporel se mesure par l’identification d’un taux d’incapacité. Il peut s’agir d’une incapacité temporaire partielle (ITP), qui se mesure selon un pourcentage et une période : par exemple une ITP de 50 % pour un mois (jambe cassée) ; d’une incapacité temporaire totale (ITT), qui se mesure selon une période : par exemple une ITT pour 3 mois (Fracture du bassin) ; d’une incapacité

758 Cf. F. Bélot, « L’évalutation du préjudice économique », D. 2007, Chr. p. 1681.

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permanente partielle (IPP), qui suppose que l’état de la personne soit stabilisé et qu’il demeure une dégradation physique indélébile, qui se mesure selon un pourcentage : par exemple une IPP de 50 % (759). L’ensemble se fonde sur des barèmes qui posent un véritable problème dans la mesure où ils sont établis par les compagnies d’assurance ou les fonds d’indemnisation qui, en pratique, sont chargés de proposer une indemnisation aux victimes et servent aux expertises réalisées en la matière. Sans doute les juges sont-ils libre au regard de ces barèmes même s’ils influencent, immanquablement, leurs décisions (760).

364. Dommage moral. – Le dommage moral est l’atteinte à des valeurs non pécuniaires, à des sentiments humains. Le dommage moral est indirectement susceptible d'évaluation pécuniaire parce qu'extrapatrimonial, non économique. Il peut s’agir de souffrances physiques consécutives à un accident corporel (on parle de « pretium doloris ») ; de souffrances psychologiques (préjudice esthétique), d’atteintes aux droits de la personnalité, atteinte à l’honneur ou à l’image de marque d’une entreprise en cas de concurrence déloyale, du fait d’être privé d’une activité (préjudice d’agrément), d’une souffrance sentimentale (la perte d’un être cher). Il peut être supporté par une personne physique, le plus souvent, mais aussi par une personne morale (761). D’ailleurs, le préjudice subi par une personne du fait d’un acte de concurrence déloyale repose souvent sur l’atteinte à sa renommée voire à sa position concurrentielle, dommage moral. La difficulté est évidemment de savoir comment réparer un tel préjudice : les larmes ont-elles un prix (762) ? Oui, a répondu depuis longtemps la jurisprudence dans la mesure où entre indemniser un dommage difficilement évaluable et laisser une faute impunie, la première solution est bien préférable, quitte à considérer la réparation comme une peine privée, en fonction de la gravité de la faute. C’est à cet égard que les dommages et intérêts punitifs ou « punitive damages » ou dommages exemplaires, du droit américain trouvent leur terrain d’élection.

759 Y. Lambert-faivre, Droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation, Dalloz, 2002. 760 M. Le Roy, « L’évaluation de l’incapacité permanente, le problème des barèmes d’évaluation », D. 1982, Chr, p. 82 , L’évaluation du préjudice corporel, expertises, principes, indemnités, Litec, 2004 ; M. Quenillet-Bourrié, « L’évaluation monétaire du préjudice corporel : pratique judiciaire et données transactionelles », JCP 1995, I, 3818. 761 Cf. Ph. Stoffel-Munck, « Le préjudice moral des personnes morales », Mélanges Ph. le Tourneau, Dalloz, 2007, p. 959, V. Wester-Ouisse, « Le préjudice moral des personnes morales », JCP 2003, I, 145. 762 Cf. G. Ripert, « Le prix de la douleur », D. 1948, Chr. 1 ; P. Esmein, « La commercialisation du dommage moral », D. 1954, p. 113, R. Savatier, « Le dommage et la personne », D. 1955, Chr., p. 1.

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II. – Les caractères du dommage réparable

365. Le dommage doit être certain. – Le dommage doit être certain. Il ne doit pas être simplement hypothétique, possible, éventuel. La réparation peut donc concerner un dommage actuel aussi bien qu’un dommage futur s’il est certain (indemnisation d’une victime frappée d’invalidité). Un dommage éventuel ne sera donc pas réparé et il est difficile de distinguer un dommage éventuel d’un dommage futur. La distinction résultera de l’appréciation du degré de probabilité qu’un préjudice surviendra. L’illustration de cette difficulté repose sur l’indemnisation de la « perte d'une chance ». Celle-ci n’est pas un préjudice actuel mais un préjudice futur ou éventuel selon le cas. La logique voudrait que l’on applique une règle du « tout ou rien » selon que le préjudice est certain ou ne l’est pas. Par exemple un accident empêche un champion sportif de participer à une compétition et de réaliser le succès, tant sportif que financier qu’il espérait : peut-il obtenir réparation du préjudice subi ? Un plaideur peut-il obtenir la réparation de la perte de chance de gagner un procès alors que l’avocat à laisser passer un délai d’appel (763) ? Tout dépend de la probabilité de survenance du dommage. Si cette probabilité est trop mince, le dommage n’est qu’éventuel et il ne sera pas réparé (764). La perte de chance sera en revanche retenue comme constituant un préjudice certain, dans la mesure où cette chance, pour être difficile à évaluer, est malgré tout incontestable et la réparation s’effectue à hauteur de la probabilité (765). Entre dans cette catégorie, également, la question de savoir si une personne doit être consciente du préjudice qu’elle subi pour le dommage soit certain. Ainsi en est-il du dommage lié au caractère végétatif de l’état d’une personne : la Cour de cassation considère que l’indemnisation du préjudice végétatif comprend le dommage moral (766).

366. Le dommage doit être direct. – Outre l’exigence de certitude, une seconde exigence s’impose, le dommage doit être direct. L’exigence n’a pas de réelle signification en soi : le caractère direct du dommage renvoie pour l’essentiel à l’appréciation du lien de causalité (Cf. Infra, 375). Il résulte de l’affirmation de cette exigence deux difficultés concernant le

763 Cass. civ. 1ère, 16 juillet 1998, Bull. civ. I, n°260, D. aff. 1998.1530. 764 Cf. Cass. civ. 2ème, 9 nov. 1983, Bull. civ. II, n°175, perte de chance d’un enfant de 9 ans, bon élève, d’accéder à une bonne situation. 765 Cass. civ. 2ème, 19 mars 1997, RTD civ. 1970, p. 353, obs. G. Durry. 766 Cass. civ. 2ème, 22 févr. 1995, Bull. civ. II, n°61, D. 1996, somm. 233, obs. D. Mazeaud, JCP 1995, I, 3853, n°20, obs. G. Viney, RTD civ. 1995, p. 629, obs. P. Jourdain.

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dommage subi par des victimes indirectes. 1 – La première porte sur ce qu’on appelle le préjudice par ricochet ou préjudice réfléchi. Il s’agit de l’hypothèse très fréquente dans laquelle le préjudice subi par la victime atteint les proches de la victime. Ces proches peuvent-ils voir leur préjudice, le leur, pas celui de la victime, réparé et, inversement, la réparation de ce préjudice peut-elle être obtenue, par ricochet, par ses proches ? L’admission de cette forme de réparation s’est effectuée par étape. La jurisprudence a d’abord tôt admis le principe de la réparation du préjudice par ricochet, retenant le principe selon lequel le préjudice par ricochet est réparable affirmant même que le droit à réparation n’est pas soumis à l’existence d’un lien de parenté entre les proches et la victime. La question de la détermination des proches a cependant été à l’origine d’une jurisprudence fameuse close par l’arrêt Dangereux qui relève également de l’exigence suivante de légitimité (cf. infra, n°367). La Cour de cassation avait cependant exigé que la victime fût disparue. Mais la jurisprudence admet aujourd’hui que le préjudice par ricochet soit réparable lorsque la victime est particulièrement diminuée. 2 – Une autre difficulté résulte de l’indemnisation du préjudice collectif, comme le préjudice qui pourrait être subi par des consommateurs à la suite d’une intoxication, de plaisanciers à la suite d’une marée noire… Le droit français s’oppose à cette hypothèse sur le fondement qu’en France « nul ne plaide par procureur » et donc qu’il convient d’agir soi-même pour obtenir réparation. Une première situation ne pose pas de difficulté, celle où des personnes se regroupent en une association pour faire valoir ensemble, collectivement donc, leurs droits : le préjudicie collectif n’est alors que la somme des préjudices individuels des personnes membres de cette association. Plus difficile est la situation où le préjudice collectif se distingue des préjudices individuels, lorsqu’il s’agit de la défense d’intérêts collectifs (les non fumeurs, les femmes, les consommateurs…). Le droit anglo-saxon connaît la class action, l’action de groupe qui permet à un groupe, une association de défense des droits de l’homme par exemple, d’exercer une action au nom des personnes qu’elle est censée défendre. Le droit français ne l’admet pas car cette action se confond avec l’intérêt général, l’action du ministère public, mais une proposition de loi a été déposée pour introduire ce type d’action en droit français. Pourtant, la loi ouvre la voie à quelques actions de ce type reconnues à des groupements particuliers (syndicats : C. Trav., art. L.411-11, ordres professionnels, association de lutte contre le racisme, contre les violences sexuelles, pour la défense de l’enfance (C. pr. pén., art. 2-2 à 2-8) et une forme plus restrictive, pour les associations de consommateurs sous la forme de l’action en représentation conjointe, permettant à une telle association de

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participer à une action intentée par une victime (C. consom., art. L.421-1). Il semble cependant que désormais, toute association puisse engager une action en réparation du préjudice collectif pour autant que cela réponde à son objet social (767).

367. Le dommage doit être légitime. – Le dommage doit, pour être réparable, porter atteinte à un intérêt légitime juridiquement protégé, renforçant ainsi la formule « pas d’intérêt, pas d’action ». Le dommage dont il est demandé réparation ne doit évidemment pas être illicite ou immoral : le fraudeur ne saurait demander réparation du préjudice que son arrestation lui a fait manquer ; le souteneur ne saurait demander réparation du préjudice subi du fait du retrait de « filles » de la rue, le fraudeur ne peut pas demander réparation des sommes illicites perdues (768)… Rien de bien extraordinaire ici : l’exigence fait pendant avec les règles de l’article 6 du Code civil en matière de contrat. L'exigence de légitimité a reparu à l’occasion d'une controverse sur la réparation du dommage par ricochet subi par la concubine du fait de la disparition accidentelle de son concubin. La jurisprudence criminelle avait admis le droit à dommages et intérêts en cas de concubinage prolongé ayant créé une communauté de vie entre la victime principale et sa concubine (769) mais la jurisprudence civile était partagée sur la réparation du dommage subi par la concubine du fait du décès accidentel de son concubin. La 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, notamment, maintenait une opposition absolue au motif que « le demandeur doit justifier non d'un dommage quelconque mais de la lésion d'un intérêt légitime juridiquement protégé » et que « les relations établies par le concubinage ne peuvent, en raison de leur irrégularité même, présenter la valeur d'intérêts légitimes juridiquement protégés » (770). Ce conflit de jurisprudence a été tranché, assez tard, en faveur de l'attitude de la Chambre criminelle et, partant, de la généralité du dommage par l’arrêt Dangereux d’une Chambre mixte de la Cour de cassation (771), y compris en cas de concubinage adultérin (772). Plus complexe est l’hypothèse de la naissance d’un enfant handicapé. Ainsi, la Cour avait déjà admis que l’action intentée par une mère contre un médecin ayant tenté une IVG, en vain, ne pouvait être reçue car la naissance d’un enfant parfaitement constituée produit un dommage matériel en termes de coûts d’éducation qui n’est pas un dommage

767 Cass. civ. 3ème, 26 sept. 2007, RDLC, 2008/47, n°2900, obs. L. Boré. 768 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2002, JCP 2002, II, 10118, note Ch. Boillot, RTD civ. 2002, p. 306, obs. P. Jourdain. 769 Cass. crim. 26 novembre 1926, D.1927, 1, 73. 770 Cass. civ. 13 février 1937 et 27 juillet 1937, D.1938, I, 5, note R. Savatier. 771 Cass. ch. Mixte, 27 février 1970, D.1970, 200, note R. Combaldieu, RTD civ. 1970, p. 353, obs. G. Durry. 772 Cass. crim. 19 juin 1975, RTD civ. 1975, p. 709, obs. G. Durry.

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légitime (773). Mais, la réponse a ensuite évolué vers une réponse positive, comme l’ont montré les affaires dites Perruche du nom de l’arrêt du 17 novembre 2000 et celles qui l’ont suivie (774) et qui ont provoqué un tonnerre en doctrine et dans la société rarement atteint (775). La question est la suivante : une personne qui accouche d’un enfant né handicapé, alors que les examens réalisé pendant la période de gestation n’ont révélé aucune anomalie à la suite d’une faute du médecin, empêchant ce faisant la mère de pratiquer une IVG peut-elle obtenir réparation du préjudice subi ? Selon la façon dont on pose la question le préjudice est un ensemble de préjudice réparable (frais d’éducation d’un enfant handicapé, préjudice né du handicap de l’enfant, préjudice moral des parents, de l’enfant) ou un préjudice plus difficile à réparer, le préjudice du fait d’être né handicapé ou plus exactement, ne pas être mort, ce qui place la question du côté de la légitimité du préjudice. L’article 1-I de la loi du 4 mars 2002, adopté in extremis d’ailleurs, prévoyait l’impossibilité d’obtenir réparation : « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de son handicap » mais distinguait les dommages de l’enfant et ceux des parents. L’enfant ne peut demander réparation au praticien si son handicap est du à une faute du professionnel de santé (dans le cas d’une erreur de manipulation par exemple). Les parents ne peuvent obtenir réparation qu’en cas d’erreur de diagnostic

773 Cass. civ. 1ère, 25 juin 1991, Bull. civ. I, n°213. 774 Cass. ass. plén., 17 nov. 2000, JCP 2000, II, 10438, concl. J. Sainte-Rose, rapp. P. Sargos, note F. Chabas ; D. 2001, p. 332, note D. Mazeaud, note P. Jourdain : « Attendu que dés lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme X avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues », Cass. ass. plén., 13 juill. 2001, JCP 2001, II, 10601, Concl. J. Sainte-Rose, note F. Chabas, D. 2001, p. 2325, note P. Jourdain « L’enfant handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causallité directe avec les fautes commises par le médecin dans l’exécution du contrat formé avec sa mère et qui ont empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrombre la grossesse ; que dans le cas d’une interruption pour motif thérapeutique, il doit être établi que les conditions médicales prescrites par l’article L. 2213-1 du Code de la santé publique,étaient réunies », Cass. ass. Plén., 28 nov. 2001, JCP 2002, II, 10018, conc. J. Sainte-Rose, note F. Chabas. 775 G. Mementeau, « L'action de vie dommageable » JCP 2000, I, 279, M. Gobert, « La Cour de cassation mérite-t-elle le pilori ? » LPA 8 déc. 2000, p. 4 ; G. Viney, « Brèves remarques à propos d’un arrêt qui affecte l’image de la justice dans l’opinion », JCP 2001, I, 286, P.-Y. Gautier, « Les distances du juge à propos d’un débat éthique sur la responsabilité civile », JCP 2001, I, 287, J. Sainte-Rose, « La réparation du préjudice de l’enfant empêché de ne pas naître handicapé », D. 2001, Chr. p. 316, J.-L. Aubert, « Indemnisation d’une existence hadicapée » D. 2001, Chr, p. 489, L. Aynès, « Préjudice de l’enfant handicapé, la plainte de Job devant la Cour de cassation », D. 2001, Chr. p. 492, A. Sériaux, « Perruche et autres, La cour de cassation entre mystère et mystification », D. 2002, Chr., p. 1996. Pour une synthèse : Ph. Théry, « Un grand bruit de doctrine », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 113.

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résultant d’une faute caractérisée du professionnel de santé mais sans pouvoir réparer le dommage matériel en résultant. En raison de cette exclusion légale de réparation, la Cour de cassation, appliquant l’article 1er du 1er Protocole additionnel de la CEDH a écarté l’application de ce texte (776), maintenant ce faisant la jurisprudence Perruche.

Section 2. – Le fait générateur

368. De la faute au fait. – La notion de faute fut pendant très longtemps sans doute l’élément structurant du droit de la responsabilité civile délictuelle même s’il n’est plus le seul mécanisme permettant d’engager la responsabilité délictuelle, loin s’en faut : il faut parler, largement, du fait dommageable et non de la faute dommageable. Sans doute la responsabilité est-elle très largement fondé sur des techniques – responsabilité du fait des choses, responsabilité du fait d’autrui – qui n’ont plus guère à voir avec la faute, même si elle toujours sous-jacente, mais la responsabilité de fait personnel demeure un régime, quoique subsidiaire, très important en droit de la responsabilité. Sans oublier les faits générateurs (fait de la chose, fait d’autrui) dont la description sera effectuée ultérieurement, observons alors la faute (I) avant les autres faits générateurs (II).

I - La faute

A – La notion de faute

369. Description et définition de la faute. – La définition de la faute est chose difficile. La faute est une défaillance de conduite que l’on pourrait normalement s’attendre entre personnes de bonne compagnie, mais cette définition est insuffisante car la notion de faute ou de défaillance suppose un étalon, un modèle de conduite, une norme de

776 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2006, Bull. civ. I, n°29, n°30, n°31, n°32, JCP 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon, RDC 2006, p. 685, obs. A. Marais : Attendu, toutefois, que si une personne peut être privée d'un droit de créance en réparation d'une action en responsabilité, c'est à la condition selon l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'article 1er-I, en prohibant l'action de l'enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand les époux Y... pouvaient, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fille serait indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap ; d'où il suit, ladite loi n'étant pas applicable au présent litige » ; Cass. civ. 1ère, 21 févr. 2006, Bull. civ. I, n°94, JCP 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon.

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référence de façon à repérer ce qu’est la conduite normale et, par là la conduite anormale, fautive. L’étalon, la norme de référence a longtemps été envisagée autour de la notion de bon père de famille notion floue dans la mesure où il est impossible d’établie une liste des comportements normaux. Cela renvient alors à identifier ce qui n’est pas un comportement normal pour repérer ce qui est normal, donc à la définition de la faute. Une belle tautologie, voire un sophisme ou un pallalogisme : à partir de quel moment un comportement devient-il fautif ? La doctrine a tenté de trouver des éléments de description et de définition. La description de la faute identifie classiquement plusieurs éléments : un élément matériel : le comportement repéré, un élément légal : la qualification juridique de ce comportement, un élément moral, l’imputabilité du comportement, même si ce dernier élément est éclipsé par l’objectivation de la notion de faute : un comportement anormal peu important la volonté de son auteur.

370. Elément objectif de la faute : le comportement. – L’ « élément matériel » ou élément objectif de la faute pose la question du modèle de référence de la faute, la détermination du comportement, question très discutée au début du XXè siècle. On a pu y voir le manquement à une obligation préexistante, thèse défendue par Planiol au début du XXème siècle, tantôt d'une obligation déterminée, tantôt d'une obligation indéterminée. La principale critique repose sur l’idée que, selon les frères Mazeaud dont Henri Mazeaud qui a largement dominé le droit de la responsabilité, on ne peut pas définir ou déterminer cette obligation préexistante : avons-nous l’obligation d’être prudent, d’être diligent parce que notre négligence, notre imprudence conduit à engager notre responsabilité ? Ce peut être un acte illicite (777) c’est-à-dire un acte contraire aux lois ou aux usages : de ce point de vue, la faute serait donc un comportement asocial, ce qui pose une double question de définition du comportement social et de l’autorité en charge de l’édicter que le devoir en cause relève d’une obligation légale, coutumière, sportive, éthique (778). D’une manière plus générale, la faute est considérée comme une erreur de conduite. Toute faute serait une erreur de conduite, une défaillance. Il en résulte une difficulté, comment l’apprécier ? Est-ce in concreto c’est-à-dire en tentant compte du comportement particulier de l’agent, de ses compétences, son intelligence, son éducation, sa richesse… ou au contraire in abstracto, c’est-à-dire par référence à un modèle abstrait, le bon père de famille, l’homme ordinaire normalement soucieux de ses

777 Cf. M. Puech, L’illicéité dans la responsabilité civile extracontractuelle, 1973. 778 E. Terrier, Déontologie médicale et droit, LPH, 2001, J. Moret-Bailly, « Règles déontologiques fautes civiles », D. 2002, Chr. p. 2820.

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intérêts et de ceux des autres ? C’est cette dernière acception qui est retenue par les tribunaux : la faute est une erreur de conduite telle qu'elle n'aurait pas été commise par une personne normalement avisée placée dans les mêmes circonstances extérieures que l'auteur du dommage.

371. Elément subjectif, l’imputabilité de la faute. – Une chose est la définition de la faute, une autre la question de savoir si cette faute peut être imputée à une personne identifiée. Ainsi envisage-t-on des causes de non imputabilité (779) qui permettront d’éviter à l’auteur de la faute de voir sa responsabilité engagée, à partir de la perception subjective de la faute (on me dit que j’ai commis une faute, mais je n’ai pas conscience de le faire). Cette question permet d’envisager plusieurs difficultés. 1 – L’absence de discernement des infans ou des majeurs incapables est-elle susceptible de constituer une cause de non imputabilité ? Dans une conception morale de la responsabilité, il ne peut y voir de responsabilité sans conscience que l’acte commis est fautif. C’est d’ailleurs le principe qui prévaut en droit pénal. En matière de responsabilité civile, cependant, cette solution aboutit à priver la victime de toute indemnisation, solution anachronique si la conception de la responsabilité civile a changé et que le développement des assurances permet d’envisager d’autres solutions. La jurisprudence reportait ainsi la responsabilité sur celui qui avait manqué à son obligation de surveillance. La loi du 3 janvier 1968 réformant le droit des incapacités a bouleversé cette règle. L’article 489-2 du Code civil dispose en effet que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Toutefois, la jurisprudence considérait que la responsabilité des enfants en bas âge était exclue faut de discernement de leur part. Parmi cinq importants arrêts du 9 mai 1984 (780), l’arrêt Lemaire a précisé les conditions de la responsabilité de l’enfant, même privé de faculté de discernement, et notamment aux enfants en bas âge. La règle est conforme à l’évolution de la responsabilité ; elle aboutit paradoxalement à moins protéger l’enfant victime. On peut ainsi rapidement reprendre les faits de ces arrêts. Le premier arrêt (arrêt SD) mettait en scène un enfant de dix ans qui avait mis le feu à des camions ainsi qu’à des bâtiments appartenant à diverses sociétés. Irresponsable pénalement, il était condamné par la Cour d’appel, ainsi que ses parents, à réparer les conséquences du dommage.

779 Cf. P. Jourdain, Recherche sur l’imputabilité en matière de responsabilité civile et pénale, Th. Paris, II, 1982. 780 Cass. ass. plén. 9 mai 1984, D. 1984.525, conc. Cabannes, note F. Chabas, JCP 1984, II, 20255, note N. Dejan de la batie, II, 20256, note P. Jourdain, Grands arrêts n°116. R. Legeais, « Un gardien sans discernement, Progrès ou régression dans le droit de la responsabilité sans faute », D. 1985, Chr., p. 13, G. Viney, « La réparation des dommages causés sous l’empire d’un état d’inconscience, un transfert nécessaire de la reponsabilité vers l’assurance », JCP 1985, I, 3189.

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La Cour d’appel rejetait le pourvoi formé par les parents « attendu qu’après avoir relevé le comportement et les déclarations contradictoires du jeune S...D… qui connaissait les lieux pour s’y être introduit et y avoir volé les clés de contact des véhicules, la cour d’appel a souverainement retenu que l’enfant avait « volontairement allumé l’incendie » et à par ce seul motif, légalement justifié sa décision ». « Par ce seul motif… », c’est donc que les facultés de discernement de l’enfant n’ont plus cours. Le deuxième arrêt (arrêt Fullenwarth), concernait un enfant de sept ans qui jouait avec un arc qu’il avait construit et tira une flèche dans les yeux de l’un de ses camarades, l’éborgnant. Le père de l’auteur était alors condamné comme civilement responsable du fait de son fils, ce qu’il contestait car cet enfant ne disposait pas du discernement nécessaire. La Cour de cassation rejetait ce pourvoi : « attendu que pour que soit présumée, sur le fondement de l’article 1384, al. 4 C. civ., la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ». Le troisième arrêt (arrêt Gabillet) concernait un enfant de trois ans tombé d’une balançoire improvisée constituée par une planche qui se rompit et éborgna alors son camarade avec le bâton qu’il tenait à la main. Les parents de la victime avaient agi en responsabilité contre les parents de l’enfant, avec succès, la cour d’appel ayant retenu que l’enfant était responsable sur le fondement de l’article 1384, al. 1er, comme gardien de la chose alors que selon eux l’imputabilité d’une responsabilité présumée impose un discernement suffisant. Rejet par la Cour de cassation : « En retenant que le jeune Eric avait l’usage, la direction et le contrôle du bâton, la cour d’appel n’avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement ». Dans le quatrième (arrêt Derguini), une enfant de 5 ans était victime d’un accident de la route, renversée et mortellement blessée par une voiture. Bien que le conducteur ait été déclaré coupable d’homicide volontaire, la Cour d’appel décidait de partager par moitié la responsabilité au motif de la faute de la victime qui s’était soudainement lancé sur la chaussée puis avait fait soudainement demi-tour, alors que ses parents invoquait l’absence de discernement de celle-ci, pour obtenir réparation intégrale. Rejet à nouveau, « attendu qu’après avoir retenu le défaut d’attention de M. T… (le conducteur) et constaté que la jeune Fatiha, s’élançant sur la chaussée…l’arrêt énonce que cette irruption intempestive avait rendu impossible toute manœuvre de sauvetage de l’automobiliste ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel qui n’était pas tenue de vérifier si la mineure était capable de vérifier si la mineure était capable de discerner les conséquences de tels actes, à pu, sans se contredire, retenir, sur le fondement de l’art. 1382 C. civ., que la victime avait commis une faute qui avait concouru avec celle de M. T…, à la réalisation du dommage dans une proportion

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souverainement appréciée ». Cet arrêt montre les limites du raisonnement opéré par la Cour. Si en effet les trois arrêts précédents assurent un élargissement des conditions de la réparation d’un dommage, celui-ci constitue au contraire un recul dans la mesure où le rejet de l’examen des facultés de discernement d’un très jeune enfant conduit à diminuer la réparation du préjudice qu’il a subi. Le cinquième (arrêt Lemaire) concernait un enfant de treize ans décédé par électrocution à la suite de travaux défectueux réalisés par un entrepreneur. Pourtant la responsabilité de ce dernier était partagée avec celle de l’enfant qui avait commis une faute. Rejet du pourvoi qui reprochait à l’arrêt d’appel de ne pas avoir tenu compte de l’absence de discernement de l’enfant : « attendu que l’arrêt retient qu’aucune indication ne pouvant être déduite de la position de l’interrupteur rotatif, Dominique Leclerc aurait dû, avant de visser l’ampoule, couper le courant en actionnant le disjoncteur ; qu’en l’état de ces énonciations, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte, à pu estimer que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Lemaire, à la réalisation du dommage ». La sévérité de la solution se manifeste à nouveau, comme dans l’affaire précédente. 2 – La faute de la personne morale peut également poser difficulté car elle est une fiction juridique. La personne morale est responsable des fautes commises par ses organes sans que ces organes aient à être mis en cause, de même qu’elle est responsable des fautes commises par ses employés, sur le fondement de l’article 1384, al. 5 du Code civil. Mais la faute du dirigeant peut être engagée lorsqu’il a commis une faute intentionnelle d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales (781). 3 – D’autres causes de non imputabilité sont empruntées au droit pénal, comme le commandement de l’autorité légitime ou l’ordre de la loi (ex de l’avortement commis dans le cadre de la loi Veil qui n’emporte pas responsabilité du médecin qui le pratique), comme la légitime défense ou bien empruntés aux règles de la responsabilité contractuelle, comme la cause étrangère ou force majeure, envisagée comme en matière contractuelle (cf. supra, n°267).

B. – Typologie des fautes

372. Casuistique. – Une première catégorie de faute correspond à l’hypothèse de la violation de texte exprès. C’est le cas d’abord des infractions pénales : toute condamnation pénale, c’est-à-dire toute

781 Cass. com. 20 mai 2003, D. 2003, p. 1502, note A. Lienhard, p. 2623, note B. Dondero, JCP 2004, II, 10178, note S. Reifegerste, RTD civ. 2003, p. 741, obs. P. Jourdain.

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reconnaissance d’une faute pénale vaut en même temps faute civile. Le criminel tient le civil en l’état, de sorte que le juge civil (qui peut être le juge pénal lorsqu’il statue au pénal ou le juge civil saisi indépendamment du juge pénal) ne dispose d’aucun pouvoir d’interprétation de la faute, dans cette hypothèse. C’est le cas, ensuite, des textes qui interdisent expressément de procéder à tel ou tel acte comme il peut en exister en droit de la concurrence (Cf. C. com., art. L. 442-6, I). Une seconde catégorie opposer la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle (782), en raison du principe de généralité de la faute, même si l’intention permet parfois de moduler l’étendue de la réparation. De même on peut s'assurer contre sa faute non intentionnelle mais pas contre sa faute intentionnelle ; la faute non intentionnelle de la victime de l'accident n'écartera pas son droit à réparation, la faute intentionnelle, au contraire, pourra l'écarter. Les deux principales fautes non intentionnelles sont les fautes par négligence et par imprudence, comme l’article 1383 les stigmatise. On observera de même les fautes de commission et les fautes d’abstention (783). La faute de commission est la faute traditionnellement entendue, un fait positif, un comportement. La faute d’omission pose davantage de difficulté, en droit civil comme en droit pénal. Peut-on sanctionner une personne parce qu’elle n’a pas commis tel acte ? La conception individualiste du XVIIIè et du XIXè siècle proscrivait ce type de faute : nul n’est juge du comportement des autres. Aujourd’hui, la jurisprudence n’hésite plus à sanctionner l’abstention fautive par exemple parce qu’elle constitue une erreur de conduite que le bon père de famille placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas commise. Ainsi en est-il de l’absence d’avertissement d’un danger sur la route, celui qui s’abstient d’appeler la police en présence d’une bagarre… Qui peut et n’empêche, pêche, pour reprendre la formule de Loisel.

373. Gravité de la faute. – L’intensité ou la gravité des fautes permet de les distinguer, comme en matière de responsabilité civile contractuelle (cf. supra, n°263). On distingue alors la faute très légère, légère, ordinaire, grave, lourde (« culpa lata »), dolosive, intentionnelle, inexcusable, distinction très en vogue sous l’Ancien droit, mais qui n’a pas en principe d’influence sur la réparation. Certaines intensités particulières sont cependant parfois stigmatisées, comme la faute inexcusable, par exemple en matière d’accidents de la circulation. La qualification de faute légère ou très légère n'a guère de sens que dans

782 Cf. G. Viney, « Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute inexcusable et faute lourde », D. 1975, Chr., p. 263 , A. Vignon-Barrault, Intention et responsabilité civile, PUAM, 2004.. 783 Cf. J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, Chr., p. 119.

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certaines affaires de responsabilité d'héritier ou de tuteur. La qualification de faute lourde conserve un certain intérêt à raison de son assimilation à la faute dolosive (faute intentionnelle) « culpa lata dolo aequiparatur ». A l’inverse, le débiteur, l’auteur d’un fait dommageable, doit-il tout faire pour éviter le dommage, voire de minimiser le dommage, sur le modèle de « l’estoppel » du droit des contrats internationaux ? La jurisprudence française ne l’a pas admis, assez curieusement par deux arrêts du 19 juin 2003 (784) (785) (cf. supra, n°278). Par ailleurs, au-delà des règles, il est bien certain que le juge, seul susceptible d’apprécier la réalité de la réparation aura tendance à accorder une indemnité d’autant plus importante que la faute est plus grave.

II. – Les autres faits générateurs

374. Fait d’une personne, fait de la chose, fait d’autrui. – Même d’un point de vue personnel, la faute n’est pas le seul fait générateur, le trouble, l’abus (cf. infra, n°381) sont ainsi des faits, non nécessairement fautifs ou en tout cas détachés de l’idée de faute, qui sont à l’origine d’un mécanisme de responsabilité. Au-delà d’une considération personnelle cependant, c’est surtout le fait de la chose, dont le développement, à partir de l’interprétation de l’article 1384, al. 1 du Code civil s’élargit aux accidents de la circulation, à la responsabilité du fait des produits défectueux, qui constitue l’un des grands faits générateur moderne (cf. infra, n°413). Enfin, et de manière différente, le fait d’autrui, envisagé de façon spéciale par l’article 1384 du Code civil et généralisé par la jurisprudence.

Section 3. – Le lien de causalité

375. Présentation. – La démonstration d’un dommage, d’une faute ne suffisent pas à faire naître une obligation de réparation. Il convient que la faute soit causale du dommage pour que son auteur soit tenu de réparer, qu’un lien de causalité entre le dommage et la faute soit démontré… ce qui pose des difficultés très importantes en pratique parce que l’on rencontre des « cascades de causes », des séries de causes (exemple

784 Cf. Cass. civ. 2ème, 19 juin 2003 (2 arrêts), Bull. civ. II, n°203, JCP 2004, I, 101, obs. G. Viney, LPA, 2003, n°208, p. 16, note St. Reifegerste, RTD civ. 2002, p. 716, obs. P; Jourdain. 785 St. Reifegerste, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM, 2002, A. Laude, « L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t-elle en droit privé français ? » LPA 2002, n°352, p. 55, S. Pimont, « Remarques complémentaires sur le devoir de minimiser son propre dommage », RDLC 2004/9, n°364 et 2004/10, n°402, Y. Derains, « L’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale », RDAI, 1987, p. 375.

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d’une personne blessée par un accident de la circulation dans lequel plusieurs voitures sont impliquées, mais l’un des véhicules avait été mal réparé alors que l’ambulance qui l’emmène à l’hôpital prend feu et que le chirurgien commet une erreur : la victime est amputée d’une jambe, à qui imputé ce dommage ?). Il convient alors de proposer une méthode de détermination du lien de causalité (I), avant d’envisager celle de la pluralité de causes (II).

I. – Détermination du lien de causalité

376. La ou les causalités ? – La logique de causalité est une question qui est à l’origine de tellement de thèses philosophiques que l’on pourrait se demander comment les juristes ont fait pour choisir. Parce qu’il est rare qu’un dommage soit le résultat d’un fait unique, la détermination du lien de causalité est en effet complexe dans la mesure où elle procéder à un choix ente toutes les causes possibles du dommage. Deux conceptions principales s’affrontent alors. La thèse de l'équivalence des conditions ne fait prévaloir aucune cause, tous les événements qui ont contribué à la réalisation du dommage doivent être considérés comme ayant causé le dommage. Il suffit donc de vérifier que sans cet événement, ce dommage ne se serait pas produit. Cette thèse a été critiquée car elle est parfois inutilisable dans la mesure où l'enchaînement des faits peut conduire à en retenir un nombre illimité sans que l’on puisse départager les éléments déterminants et secondaires. La thèse de la causalité adéquate, en revanche, permet de ne considérer que la cause efficiente, la ou les causes qui ont joué un rôle déterminant dans la production du dommage. Les tribunaux hésitent entre ces deux thèses, sans que l’on puisse véritablement identifier une ligne de conduite particulière (786). La thèse de l’équivalence des conditions était, avant la loi de 1985 (cf. infra, n°399), souvent utilisée en matière d’accident de la route pour impliquer le conducteur, généralement assuré. C’est d’ailleurs cette technique que l’on retrouve dans la loi de 1985 avec la technique de l’implication d’un véhicule comme mécanisme de détermination de l’auteur des dommages. La thèse de l’équivalence des conditions se retrouve en présence d’une prédisposition. On parle de prédisposition en présence d’un dommage qui chez une victime ordinaire aurait été bénin ou moins grave, mais qui, chez une victime prédisposée devient très grave. C’est le cas par exemple d’une hémorragie chez un hémophile (il sera indemnisé à

786 Cf. Cass. civ. 2ème, 27 mars 2003, Bull. civ. II, n°76, JCP 2004, I, 101, n°13, obs. G. Viney, faisant expressément référence à la thèse de l’équivallence des conditions, Cass. civ. 2ème, 2 juin 2005, Bull. civ. II, n°146, JCP 2006, I, 111, n°6, obs. Ph. Stoffel-Munck. Inversement : Cass. civ. 3ème, 19 fér ; 2003, RTD civ. 2003, p. 508, obs. P. Jourdain, en faveur de la thèse de la causalité adéquate.

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100%), du borgne qui perd l’autre œil (787), de l’alcoolique qui est heurté, tombe et se blesse… Dans ces hypothèses, la faute va créer un dommage bien plus grave que le dommage qui aurait été prévisible : peu importe, l’auteur doit prendre la victime comme il la trouve. Par conséquent le fautif devra réparer le dommage tel qu’il cause, indépendamment de la prédisposition de la victime : il ne peut donc invoquer la prédisposition de la victime pour limiter sa responsabilité. Les dommages en cascades posent d’autres difficultés. Un malheur n’arrive jamais seul dit-on. Par exemple, une personne est victime d’un accident de la route ; elle est emmenée dans un établissement hospitalier où elle subit une transfusion sanguine. Celle-ci lui cause une contamination par le virus du Sida ou bien de l’hépatite C. Sans doute l’établissement hospitalier et l’Etablissement français du sang sont-ils responsables, mais est-ce également le cas de l’automobiliste ? La jurisprudence l’admet même si on peut considérer que l’auteur de l’accident n’est pour rien, directement, dans la production du dommage (788). Les dommages causés par un groupe posent encore une autre difficulté surtout lorsque l’auteur ne peut pas être identifié, comme c’est le cas des dommages de chasse, d’un carambolage, d’un dommage consécutif à une infraction causée par un groupe, de dommages sportifs. Il peut s’agir de coauteurs, tous également tenus. Mais il peut également s’agir de la faute d’un seul et la question se pose alors de savoir si le dommage d’un seul suffira à engager la responsabilité de tous ? La jurisprudence l’admet, retenant une nouvelle fois la théorie de l’équivalence des conditions, en une sorte de responsabilité collective.

II. – La pluralité de causes

377. Diversité. – La pluralité de cause intéresse en fait le cas de la pluralité de faits – qu’il s’agisse de plusieurs fautes ou de fautes et de faits non fautifs, qu’ils soient simultanées ou successifs – concourant à la production d’un seul et même dommage. On peut repérer plusieurs hypothèses en pratique. La pluralité de faute identifie des situations diverses. Dans les rapports entre les fautifs et la victime, chacun des coresponsables sera tenu de réparer intégralement le dommage subi par la victime dans la mesure où chacun a contribué à la production totale du dommage. Chacun des

787 Cass. civ. 1ère, 28 oct. 1997, Bull. civ. I, n°298, JCP 1998, I, 144, n°15, obs. G. Viney, RTD civ. 1998, p. 123, obs. P. Jourdain. 788 Cf. Cass. civ. 2ème, 4 déc. 2001, Bull. civ. II, n°194, Cah. dr.ent. 2002/2, obs. D. Mainguy : contamination par un virus hépatite C ; Cass. civ. 2ème, 13 oct. 1976, Bull. civ. II, p. 218 : septicémie ; Cass. civ. 1ère, 17 fév, 1993, JCP 1994, II, 22226, note A. Dorsner-Dolivet.

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coresponsables sera tenu in solidum, comme s’ils étaient solidairement engagés. En revanche, dans les rapports entre les coresponsables, chacun n’est tenu qu’à raison de sa participation dans la commission du dommage et celui qui a dû payer dispose d’une action récursoire contre les autres. Deux limites viennent atténuer ce principe. La faute de la victime, d’abord, peut limiter la responsabilité des fautifs, lorsque la victime a concouru à la production de son propre dommage, laquelle s’apprécie selon plusieurs critères. La faute de la victime s’apprécie dans les mêmes conditions que l’acte du fautif principal de sorte que la victime peut ne pas être consciente de sa propre faute ce que l’un des arrêts du 9 mai 1984 (cf. supra, n°371) avait envisagé. La faute de la victime peut simplement consister en le fait de s’exposer à des risques extraordinaires, anormaux ; on parle alors d’acceptation des risques par la victime, comme c’est le cas des coups éventuellement reçu dans une compétition sportive, ou d’un accident en mer. Mais encore convient-il que cette acceptation des risques soit elle-même fautive et qu’elle est concouru au dommage (par ex : défaut de protection, défaut de consultation de la météo marine, etc.). L’invocation du fait du tiers permet d’envisager la responsabilité de plusieurs co-auteurs, in solidum, et la force majeure, notamment dans les régimes de responsabilité objective. Bibliographie

A Le dommage

– Ouvrages généraux sur l’évaluation du dommage : Y. Lambert-faivre, Droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation, Dalloz, 2002, M. Le Roy, L’évaluation du préjudice corporel, expertises, principes, indemnités, Litec, 2004, X. Pradel, Le préjudice dans le droit civil de la responsabilité, LGDJ, 2004,

– Sur le préjudice corporel : M. Quenillet-Bourrié, « L’évaluation monétaire du préjudice corporel : pratique judiciaire et données transactionelles », JCP 1995, I, 3818,

– Sur le préjudice économique : F. Bélot, « L’évalutation du préjudice économique », D. 2007, Chr. p. 1681.

– Sur le préjudice moral : . Ripert, « Le prix de la douleur », D. 1948, Chr. 1, P. Esmein, « La commercialisation du dommage moral », D. 1954, p. 113, R. Savatier, « Le dommage et la personne », D. 1955, Chr., p. 1, Ph. Stoffel-Munck, « Le préjudice moral des personnes morales », Mélanges P. le Tourneau, Dalloz, 2007, p. 959, V. Wester-Ouisse, « Le préjudice moral des personnes morales », JCP 2003, I, 145.

– Sur l’affaire « Perruche » : G. Mementeau, « L'action de vie dommageable » JCP 2000, I, 279, M. Gobert, « La Cour de cassation

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mérite-t-elle le pilori ? » LPA 8 déc. 2000, p. 4 ; G. Viney, « Brèves remarques à propos d’un arrêt qui affecte l’image de la justice dans l’opinion », JCP 2001, I, 286, P.-Y. Gautier, « Les distances du juge à propos d’un débat éthique sur la responsabilité civile », JCP 2001, I, 287, J. Sainte-Rose, « La réparation du préjudice de l’enfant empêché de ne pas naître handicapé », D. 2001, Chr. p. 316, J.-L. Aubert, « Indemnisation d’une existence hadicapée » D. 2001, Chr, p. 489, L. Aynès, « Préjudice de l’enfant handicapé, la plainte de Job devant la Cour de cassation », D. 2001, Chr. p. 492, A. Sériaux, « Perruche et autres, La cour de cassation entre mystère et mystification », D. 2002, Chr., p. 1996, Ph. Théry, « Un grand bruit de doctrine », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 113.

B. Le fait générateur – Sur l’illicite : M. Puech, L’illicéité dans la responsabilité civile

extracontractuelle, 1973, – Sur la déontologie : E. Terrier, Déontologie médicale et droit,

LPH, 2001, J. Moret-Bailly, Les déonotogies, PUAM, 2001, « Règles déontologiques fautes civiles », D. 2002, Chr. p. 2820

– Sur l’imputation du fait : P. Jourdain, Recherche sur l’imputabilité en matière de responsabilité civile et pénale, Th. Paris, II, 1982, R. Legeais, « Un gardien sans discernement, Progrès ou régression dans le droit de la responsabilité sans faute », D. 1985, Chr., p. 13, G. Viney, « La réparation des dommages causés sous l’empire d’un état d’inconscience, un transfert nécessaire de la reponsabilité vers l’assurance », JCP 1985, I, 3189.

– Sur l’intensité du fait : A. Vignon-Barrault, Intention et responsabilité civile, PUAM, 2004, J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, Chr., p. 119, G. Viney, « Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute inexcusable et faute lourde », D. 1975, Chr., p. 263.

– Sur (la non) obligation de minimiser le dommage : St. Reifegerste, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM, 2002, A. Laude, « L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t-elle en droit privé français ? » LPA 2002, n°352, p. 55, S. Pimont, « Remarques complémentaires sur le devoir de minimiser son propre dommage », RDLC 2004/9, n°364 et 2004/10, n°402, Y. Derains, « L’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale », RDAI, 1987, p. 375.

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CHAPITRE 2. – LE MECANISME JURIDIQUE : LE REGIME DE RESPONSABILITE

378. Plan. – Les régimes de responsabilité sont faits d’une myriade de régimes plus ou moins spéciaux (du fait des choses, du fait d’autrui, du fait des produits défectueux) qui s’articulent autour d’une logique, assez classique, opposant un régime de droit commun, le régime de responsabilité du fait personnel, fondé sur l’application de l’article 1382 du Code civil, subsidiaire (Section 1), et qui a vocation à s’appliquer dans les cas qu’il vise et chaque fois qu’un régime spécial ne s’applique pas (Section 2).

Section 1. – Le régime de droit commun : la responsabilité du fait personnel

379. Présentation. – On est responsable des conséquences dommageables de son propre fait fautif. Cette responsabilité du fait personnel est directement régie par les deux articles 1382 et 1383 du Code civil « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». On observe alors, ici, comme pour l’ensemble des autres régimes de responsabilité, un régime ordinaire, de droit commun, de la responsabilité du fait personnel (I), et des régimes particuliers (II).

I – Le régime commun de la responsabilité du fait personnel

380. La faute, encore. – Dans la mesure où ce régime de responsabilité

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constitue le régime de droit commun il s'applique tout autant que ne peuvent s'appliquer les régimes d'exception. Le régime emprunte à la définition de la faute, du préjudice et du lien de causalité dans les conditions de principe déjà évoquées. Ce régime prolifère dans toutes sortes de situations différentes : il est ainsi fréquemment utilisé au soutien d’une action pénale, comme action civile visant à obtenir réparation des suites d’une infraction pénale, ou dans le domaine des affaires, par les mécanismes de concurrence déloyale notamment. Les règles de la concurrence déloyale permettent en effet pour une personne qui exerce une activité professionnelle quelconque d’obtenir réparation du préjudice causé par un fait déloyal commis pour s’accaparer sa clientèle : débauchage de ses employés, violation d’un devoir de non concurrence, désorganisation d’une entreprise rivale, confusion entre les produits ou les signes distinctifs, dénigrement d’une entreprise rivale, parasitisme, etc. (789). C’est également la faute qui caractérise l’action des créanciers en comblement de passif contre les associés d’une société sous le coup d’une procédure collective (C. com., art. L. 651-2) ou la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard des associés en cas de violation des règles du droit des sociétés (C. civ., art. 1850, C. com., art. L. 223-22, pour les SARL, L. 225-251, 256 et 257, pour les SA).

II. – Les règles particulières de responsabilité du fait personnel

381. Abus de droit. – La notion d’abus de droit est aujourd’hui largement admise (790) alors qu’elle fut lourdement discutée en doctrine (791) Observons surtout les hypothèses d’abus de droit, déjà envisagé en matière de responsabilité contractuelle. L'application de l'article 1382 du code civil a invoquée dans le domaine de l'abus de droit : une personne exerce un droit; ce faisant, elle cause à autrui un dommage : l'exercice du droit appartient-il encore à la définition de « tout fait quelconque de l'homme... » ? Doit-il se voir appliquer la formule de 1382 ? La difficulté tient au critère de l'exercice abusif du droit, à travers plusieurs justifications irréductibles au début du XXème siècle, à partir ou contre l’hypothèse formulée par Planiol : on ne peut avoir un droit,

789 D. Mainguy, Droit de la concurrence, Litec, 2008. 790 Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans les contrats, Essai d’une théorie, LGDJ, 2000. 791 « Il ne faut donc pas être dupe des mots; le droit cesse où l'abus commence et il ne peut y avoir d'usage abusif d'un droit quelconque, pour la raison irréfutable qu'un seul et même acte ne peut pas être, tout à la fois, conforme au droit et contraire au droit » (M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t.I, 1ère éd. 1900, n°871), L. Josserand, Essai de téléologie juridique, t. 1, « De l'esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l'abus des droits », Dalloz 1927, A. Rouast, « Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés », RTD civ. 1944.1, A. Pirovano, « La fonction sociale des droits : réflexions sur le destin des théories de Josserand », D. 1972. Chr.67.

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l’exercer et être en même temps hors des limites de ce droit. Ainsi ente intention de nuire, risque créé, dont la théorie des troubles du voisinage peut être issue, manquement au but social du droit à traves une volonté progressiste et idéaliste du droit, la jurisprudence a finalement considéré que l’abus de droit n’était pas différent que la notion de faute, la faute commise dans l’exercice d’un droit. La plupart des droits subjectifs sont, en effet, susceptibles d'exercice abusif, sauf quelques rares droits demeurant discrétionnaires (792), comme celui de reconnaître un enfant adultérin, celui d’accepter une succession ou de révoquer un testament (793) par exemple, mais on rencontre surtout cette hypothèse en matière contractuelle (Cf. supra, n°209) et en matière délictuelle, on le retrouve en matière processuelle, de la part du demandeur ou du défendeur, à travers l’abus d’ester en justice et plus largement de l'exercice d'une voie de droit.

382. Responsabilité du fait personnel pour faute présumée. – la faute telle qu’elle apparaît dans les articles 1382 et 1383 du Code civil, suppose, pour la victime, la démonstration de son dommage, du lien de causalité mais surtout de la faute. En revanche, la faute peut être présumée, comme c’est le cas du régime spécial fondé sur l’article L. 442-6, I du Code de commerce : « - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) » tout une série de faits, des discriminations tarifaires, à l’abus de dépendance économique en passant, entre neuf autres cas, de la rupture brutale de relation commerciale établie (Cf. supra, n°320). 383. Responsabilité sans faute du fait personnel : abus du droit de propriété, troubles du voisinage et atteinte à la vie privée. – La théorie de l'abus de droit est apparue, en premier, dans l'exercice d’un droit de propriété, dans l’affaire Clément-Bayard (794): le propriétaire d'un champ le hérisse de longues perches dont le seul objet est de crever l'enveloppe des dirigeables qui viennent se poser sur le terrain voisin. Un dirigeable s'empale sur une perche. Le propriétaire est tenu de réparer le dommage, considéré comme ayant abusé dans l’exercice de son droit de propriété. La question s’est très largement élargie à la question des troubles anormaux du voisinage (795), en une application de l’article 1382 du

792 Cf. A. Bénabent, « Le discrétionnaire », Mélanges Ph. Malinvaud, 2007, p. 11. 793 Cass. civ. 1ère, 30 nov. 2004, Bull. civ. II, n°297. 794 Cass.req. 3 août 1915, DP 1917, 1, 79. 795 C.-P. Yocas, Les troubles du voisinage, Th. Paris, 1964, F. Caballero, Essai sur la notion juridique de nuisance, LGDJ, 1981 ; V. Jaworski, Les bruits de voinage, LGDJ, 2004.

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Code civil, souvent combinée avec l’article 544 du Code civil qui définit les prérogatives du propriétaire : « le droit de jouir de la chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements ». Pourtant, depuis un arrêt de 1986, la Cour de cassation s’en tient désormais au seul visa de l’article 544 du Code civil sur le fondement fondé sur « le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (796), de telle manière que la sanction des troubles du voisinage est sanctionnée sans le recours à la faute, comme un mécanisme de responsabilité objective : il suffit que le dommage résulte d’inconvénients anormaux du voisinage pour que la responsabilité du propriétaire soit engagée. L’avant-projet de réforme du droit des obligations en prend d’ailleurs acte pour identifier un régime autonome de responsabilité (art. 1361). De la même manière, les atteintes à la vie privée, particulièrement envisagées à l’article 9 du Code civil, et particulièrement les atteintes résultant d’abus de la liberté d’expression dans le domaine du droit de la presse, longtemps associées à l’article 1382 du Code civil, en sont désormais dissociées (797).

Section 2. – Les régimes spéciaux de responsabilité

384. Plan. – Outre la responsabilité générale, pour faute, qui est, parce que général et commun, un régime subsidiaire, les régimes spéciaux s’articulent en deux grandes catégories, la responsabilité qu’une personne peut assumer du fait des dommages causer à autrui par une chose (I) ou par une personne dont elle doit répondre ( II).

I. – La responsabilité délictuelle du fait des choses

385. Le machinisme. – Le Code civil envisage deux cas très particuliers du fait des choses, la responsabilité du fait des dommages causés par des animaux (C. civ., art.1385) et des dommages provoqués par la ruine d'un bâtiment (C. civ., art. 1386). En revanche, ni le Droit romain, ni l'ancien Droit privé français, ni les rédacteurs du Code civil n'ont établi un principe général de responsabilité du fait des choses. L'article 1384, alinéa 1er du Code civil qui dispose que « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont

796 Cass. civ. 3ème, 13 nov. 1986, Bull. civ. III, n°172. 797 Cass. ass. plén., 12 juill. 2000, Bull. ass. plén. N°8, Cass. Civ. 2ème, 23 janv. 2003, Bull. civ. II, n°16, Cass. civ. 1ère, 27 sept. 2005, Bull. civ. I, n°348, RTD civ. 2006, p. 126, obs. P. Jourdain, Cass. civ. 2ème, 12 déc ; 2006, D. 2007, p. 541, note E. Dreyer. Adde E. Dreyer, « Disparition de la responsabilité civile en matière de presse », D. 2006, Chr., p. 1337 ; G. Lecuyer, Liberté d’expression et responsabilité, Dalloz, 2006.

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on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde », se présentait comme un texte introductif de la suite de l’article 1384 s’agissant des cas de responsabilité du fait d’autrui (cf. infra, n°416) et des deux textes plus haut évoqués en matière de responsabilité du fait des choses, mais guère plus. En 1804 en effet, la conscience des juristes en matière de responsabilité du fait des choses susceptibles de causer des préjudices concernait essentiellement les animaux surtout les chevaux conduisant des véhicules hippomobiles, et les immeubles. Tout le reste était du domaine de la faute. On mesure, rétrospectivement, le choc intellectuel qui conduit à considérer la situation de manière exactement inverse, la faute confinée à un rôle subsidiaire. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle et à la considération de ces choses nouvelles que sont les machines qu’une nouvelle conception se fit jour. En 1896, en effet, par l’arrêt Tefaine et eu égard aux développements du « machinisme » et sa cohorte de dommages nouveaux pour lesquels la faute était sinon absente du moins très difficile à établir, la Chambre civile de la Cour de cassation a découvert un principe général de responsabilité du fait des choses dans l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil (798). Il s’agissait en l’espèce d’un marin, M. Tefaine décédé à la suite de l’explosion accidentelle d’une chaudière sur un remorqueur, sans qu’aucune faute ne puisse être invoquée à l’égard de quiconque. Cette proposition a pris une telle importance qu'elle est maintenant considérée comme une règle de droit commun en matière de responsabilité du fait des choses à laquelle les textes visant la responsabilité du fait des animaux ou des bâtiments viennent déroger. On étudiera par conséquent Le régime commun de la responsabilité du fait des choses (art.1384 al.1 C.civ.) (A) puis certaines régimes particuliers de la responsabilité du fait des choses (art.1385-1386 C.civ.) (B).

A – Le régime commun de la responsabilité du fait des choses

386. Généralité du fait de la chose. – Le régime commun de la responsabilité du fait des choses s’inspire de l’arrêt Tefaine du 16 juin 1896 donnant corps à la formule de l’article 1384, al. 1er qui n’était pourtant dans l’esprit du codificateur de 1804, qu’un texte d’introduction au reste de l’article 1384 du Code civil : « on est responsable …du dommage… causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde ». Le mécanisme de responsabilité de l’article 1384, al. 1er, en matière de responsabilité du fait des choses, est alors fondamentalement modifié par rapport du régime de droit commun de responsabilité pour faute. Où la victime doit, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil, prouver la faute de l’auteur du dommage (outre le dommage et le lien de

798 Cass. civ., 16 juin 1896, D. 1897, 1, 433, note R. Saleilles, S.1897, I, 17, note A. Esmein.

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causalité), la victime n’a plus qu’à prouver que le dommage qu’elle subit répond à la définition de l’article 1384, al. 1er : il résulte d’une chose (1), mieux du fait d’une chose (2), dont l’auteur a la garde (3). Mais c’est alors opérer un renversement de la charge de la preuve car ce sera au gardien de la chose de prouver que le dommage n’est pas de son fait, par l’invocation d’une cause étrangère. La responsabilité du fait des choses propose alors un mécanisme nouveau, un mécanisme fondé sur une présomption de responsabilité, mieux qu’un régime de responsabilité subjective (pour faute prouvée ou pour faute présumée) ce dont il résulte que les dommages fortuits sont en principe supportés par le gardien et point par la victime, ce qui est constitue la principale différence d’avec le régime général de responsabilité pour faute.

1 – Une chose

387. N’importe quelle chose. – L’article 1384, al.1er du Code civil envisage une « chose » sans plus de distinction. Ubi lex non distinguat, non debemus distinguere, en principe : toutes les choses, n’importe quelle chose peut donc être à l’origine d’un préjudice réparable dans les conditions de l’article 1384, al. 1er du Code civil. Pourtant, la portée très large de ce texte a conduit certains auteurs à proposer au contraire des distinctions pour tenter de minimiser le champ d’application du texte en excluant certaines choses. De nombreuses tentatives ont été proposées, toutes ont échouées et le célèbre arrêt Jeand’heur en 1930 constitue le point d’orgue de cette jurisprudence, dans la mesure où la responsabilité du fait des choses se rattache « à la garde de la chose et non à la chose elle-même ». 1 – Ainsi, aucune distinction ne s’impose entre meubles et immeubles, distinction qui avait été proposée pour réserver l'article 1384 al.1er du Code civil aux dommages causés par le fait d'un meuble, et l’excluant pour les immeubles, l'article 1386 du Code civil s'appliquant aux dommages provenant des immeubles. Cette formule a été critiquée : il n'y a pas de raison de faire ici un sort différent aux meubles et aux immeubles; les problèmes de garde qui peuvent se poser sont du même ordre. L'article 1386 est, d'ailleurs, expressément réservé à une hypothèse particulière : celle de la « ruine d'un bâtiment » résultant d'un « vice de la construction » ou d'un « défaut d'entretien ». Aussi a-t-elle été nettement rejetée par la Cour de cassation (799). Les dommages causés par un accident d'ascenseur, qui ne saurait constituer l'hypothèse de la « ruine d'un bâtiment », appellent application de l'article 1384 al.1er du Code civil. Par conséquent, le dommage subi par un rocher (800), un glissement

799 Cass. req. 6 mars 1928, D.1928, I, 97, note L. Josserand. 800 Cass. civ. 2ème, 17 mars 1993, Bull. civ. II, n°116.

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de terrain (801), un éboulement…, un escalier (802) est réparable dans les conditions de l’article 1384, al. 1er, comme n’importe quel meuble/ 2. – Il avait également été avancé, pour restreindre le champ d'application de l'article 1384 al.1er du Code civil qu'il n'y aurait fait autonome de la chose, distinct du fait de l'homme et susceptible d'entraîner son application qu'en cas de vice propre de cette chose : celle-ci serait donc conditionnée par la démonstration d'un vice de la chose et du rattachement du préjudice à ce vice. Cette thèse fut rejetée par un arrêt en 1920. Mais les juridictions du fond ayant résisté à cette nouvelle orientation, il fallut deux arrêts, les fameux arrêts Jeand'heur, du nom d’une fillette écrasée par un camion des Galeries Belfortaises (803) pour poser définitivement cette condamnation : « il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage ». 3 – Une autre distinction, entre choses dangereuses et non dangereuses avait encore été proposée, distinction également rejetée par le second arrêt Jeand'heur : « L'article 1384 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même ». Il demeure qu’une chose dangereuse est plus juridiquement pathogène qu’une chose non dangereuse, ce qui impose des obligations d’informations, de mise en garde, de conseil – mais c’est là glisser sur le terrain soit de la responsabilité pour faute, soit de la responsabilité contractuelle du fait du défaut d’information – et qui justifie que cette dangerosité soit traitée juridiquement, soit par la responsabilité contractuelle du fait des obligations de sécurité, soit de la responsabilité du fait des produits défectueux. De même, on parviendra à démontrer assez facilement qu’une chose dangereuse est à l’origine d’un dommage, mais c’est là glisser cette fois sur le terrait du lien de causalité. 4 – Dans le même esprit, la responsabilité du fait des choses n’est pas réservée aux seules choses en mouvement par opposition aux choses inertes ou aux choses actionnées par la main de l’homme par opposition aux choses non actionnées par la main de l’homme, question encore résolue par les arrêts Jeand’heur. Bref, la responsabilité du fait des choses s’applique à n’importe qu’elle chose, pour autant qu’un régime spécial n’ait pas été envisagé comme c’est le cas des choses défectueuses (qu’on ne confondra pas avec les choses dangereuses) les voitures et plus globalement les véhicules terrestres à moteur dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985, les

801 Cass. civ. 2ème, 20 nov. 1968, JCP 1970, II, 16567, note N. Déjean de la Batie ; Cass. civ. 2ème, 19 juin 2003, Bull. civ. II, n°200.. 802 Cass. civ. 2ème, 30 nov. 1977, D. 1978, IR, 201, note Ch. Larroumet. 803 Cass. civ. 21 février 1927, D.1927, 1, 97, note G. Ripert et Cass. ch.réunies, 13 février 1930, D.1930, 1, 57, note G. Ripert. Autre exemple, l’affaire de la « bouteille de vin » : Cass. civ. 2ème, 26 juin 1953, D. 1954, p. 181, note R. Savatier, S. 1954, 1, 41, note H. Mazeaud, JCP 1953, II, 7801 et P. Esmein, Le diable dans la bouteille, JCP 1954, I, 1163.

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radioéléments dans le cadre de la responsabilité du fait des accidents nucléaires, les virus et autres bactéries…

2 – Le fait de la chose

388. Considération dynamique de la chose et causalité. – Une chose est à l’origine d’un dommage : cela ne veut pas dire grand chose en soi. Si un cycliste renverse une personne alors qu’elle traverse la rue et lui cause un dommage, il engage sa responsabilité du fait de du vélo (chose) dont il a la garde (on mesure au passage l’avantage de ce régime : la victime n’a pas à prouver que le cycliste a commis une faute par exemple parce qu’il roulait trop vite ou de façon inattentive en lieu réservé aux piétons…). Si en marchant sur un trottoir, le piéton heurte ce même vélo rangé le long d’un poteau et se blesse : le cycliste qui en est propriétaire en est-il responsable ? Cette question conduit à examiner la chose de façon dynamique et plus seulement de façon statique, en tant de chose : il convient d’examiner le fait de la chose. Dans le même temps, il ne faut pas revenir à un régime de responsabilité pour faute : le fait de la chose ne signifie pas « le fait de la chose en tant qu’il est le résultat d’un fait de l’homme qui guide cette chose ». Il y a, alors, un rapport majeur entre le fait de la chose et le lien causal entre le fait de la chose et le dommage, voire, un retour d’un ersatz de faute. L’arrêt Jeand’heur avait ainsi décidé que « la loi pour l’application de la présomption qu’elle édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme ». Il en résulte que la chose n’est pas productrice de responsabilité de façon autonome mais que le fait de la chose conduit tout de même à considérer que c’est la chose et point la main de l’homme qui la conduit – qui est productrice – la cause – de ce dommage. Nul, aujourd'hui, ne conteste l'exigence de ce lien entre la chose et le dommage : la jurisprudence est fixée, sur ce point, depuis très longtemps : la responsabilité du gardien d'une chose doit être écartée lorsque la chose n'a pas été « la cause génératrice du dommage » (804), et plusieurs arrêts déclarent que « L'application de l'article 1384 al.1 suppose avant tout rapporté par la victime que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage » (805). C’est ainsi que la victime renversée par un vélo peut engager la responsabilité du fait de la chose contre le cycliste gardien du vélo. Il suffit donc que le dommage soit causé par l’intervention de la chose. Cette condition suffisante suppose cependant également une autre condition, une condition nécessaire : qui pose alors deux problèmes de preuve dont la charge repose sur la victime. Et la preuve peut être

804 Cass. civ. 19 juillet 1939 et Cass. civ. 16 janvier 1940, S.1940, I, 97, note H. Mazeaud. 805 Cass. civ. 2ème, 19 novembre 1964, JCP 1965, II, 14022.

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rapportée par tout moyen. Le premier consiste à établir que le dommage est effectivement le résultat d’une intervention matérielle d’une chose. Cela suppose que la victime puisse établir que le dommage a un lien avec la chose, que la chose a été « l’instrument du dommage » (806). Le second consiste à établir que le dommage est le résultat d’une intervention causale d’une chose. Cette preuve permet surtout de repérer les hypothèses où il n’y a pas fait de la de la chose : c’est l’hypothèse de celui qui glisse par terre qui éprouvera quelques difficultés à considérer qu’il s’agit du fait du sol. Le plus souvent la jurisprudence facilite la charge de la preuve par un renversement de la charge de la preuve via la présomption de causalité, dans les cas où la chose est en mouvement, en contact matériel avec la victime et joue un rôle actif, ce qui pose plusieurs difficultés pratiques, lorsque manque un de ces éléments, qui conduit à renverser la présomption de causalité. Par, exemple, si la chose est une chose inerte, c’est-à-dire qu’elle n’est pas en mouvement, c’est à la victime de prouver le fait de la chose ou bien le fait que la chose est dangereuse (807). De même, si un contact matériel entre la chose et la victime n'est pas nécessaire (808), il convient alors à la victime de prouver le fait de la chose : par exemple le cycliste qui tombe et se blesse pour éviter une chose tombée du camion qui le précède : ce dommage est-il le fait de cette chose, ce qui revient à se demander si la chose est causale du dommage, même sans contact : c’est à la victime de le démontrer (809). Inversement alors, chaque que la chose est en mouvement et qu’elle a été en contact avec la victime, la présomption de responsabilité joue à plein. En outre, le gardien peut également renverser la présomption lorsque l’on peut distinguer l’intervention active et l’intervention passive de la chose : la victime doit alors prouver ce rôle actif, par exemple en raison d’une. En cas d’intervention active de la chose, la présomption de causalité trouve son terrain d’élection, mais en cas d’intervention passive de la chose, la question du renversement de la charge de la preuve est plus discutée. Il ne s’agit simplement de la chose inerte, mais de la chose en mouvement qui n’a pas joué un rôle actif : c’est le cas par exemple du passant qui se jette sous les roues d’un cycliste, ou du chaland qui tombe dans un escalator, la chose est en mouvement, il y a contact, mais la chose n’a joué qu’un rôle passif (810).

806 Cass. civ. 2ème, 29 mars 1971, Bull. civ. II, n°140. 807 Cass. civ. 2ème, 28 mai 1986, Bull. civ. II, n°1985 ; Cass. civ. 2ème, 29 avril 1998, Bull. civ. II, n°142. 808 Cass. civ. 14 novembre 1956, RTD civ. 1937, 336, note H. Mazeaud. 809 Cass. civ. 2ème, 10 mars 1976, Bull. civ. II, n°96. 810 Cf. Cass. civ. 2ème, 2 avr. 1997, Bull. civ. II, 109 (2ème arrêt).

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3 – La garde de la chose

389. Le maître de la chose. – L'article 1384 al.1 du Code civil fait très sobrement reposer la responsabilité sur le « gardien » de la chose. Ce laconisme a permis les controverses doctrinales et jurisprudentielles les plus vives. La notion de garde a évolué avec le temps et ces changements ont entraîné des modifications sensibles dans la détermination du gardien et, par conséquent, dans l'affectation de la charge définitive du dommage. Les hésitations de la jurisprudence en la matière traduisent une oscillation constante entre deux pôles d'attraction : faire de la garde un élément de fait et reconnaître comme gardien l'utilisateur de la chose ou faire de la garde un élément de droit et reconnaître comme gardien le propriétaire de la chose, ce qui, en pratique, est fondamental. Le premier l’a emporté dans la mesure où le propriétaire est simplement présumé gardien, à moins que le gardien soit autre, celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle de la chose » selon la formule consacrée depuis l’arrêt Franck du 2 décembre 1941 (811) où un voleur de voiture a été considéré comme gardien de la chose et point le propriétaire volé. Il reste que le propriétaire demeure présumé gardien de la chose (812) de sorte que c’est à lui de prouver qu’il n’était pas le gardien au moment de la commission du dommage ce qui entraîne des difficultés parfois importantes. En l’absence de propriétaire déterminé, c’est l’utilisateur actuel de la chose qui est considéré comme le gardien (813). Plusieurs conséquences résultent de la définition retenue dans l’arrêt Franck. La garde peut durer un certain temps ou un instant (celui qui ouvre une porte et blesse quelqu’un en est le gardien) et peut être transférée chaque fois qu’est transférée l’usage, la direction et le contrôle de la chose, sans automaticité : ainsi celui qui conclut un contrat portant sur la chose peut obtenir le transfert de la garde (814), mais sans que ce soit systématique : l’entrepreneur (815) ou le locataire de la chose n’est pas nécessairement le nouveau gardien de la chose (816). La Cour de cassation précise de façon plus générale qu’un tel transfert de la garde s’observe pour autant

811 Cass. ch. réun.. 2 déc. 1941, D.1942, 25, note G. Ripert, S. 1941, 1, 17, note H. Mazeaud, Grands arrêts, n°194. 812 Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2003, Bull. civ. II, n°19, RTD civ. 2003, p. 304, obs. P. Jourdain. 813 Cass. civ. 2ème, 28 nov. 2002, Bull. civ. II, n°273, RTD civ. 2003, p. 303, obs. P. Jourdain. 814 Cass. civ. 2ème, 14 janv. 1999, Bull. civ. II, n°13: l’emprunteur momentané d’un caddie en devient le gardien. 815 Cass. civ. 1ère, 16 juin 1998, Bull. civ. I, 217 : l’entrepreneur chargé de surveiller un bâtiment n’en devient pas le gardien. 816 Cass. civ. 2ème, 19 oct. 2006, Bull. civ. II, n°275 : la location d’un véhicule avec chauffeur n’emporte pas le transfert de la garde du véhicule.

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« que la responsabilité du dommage causé par le fait d’une chose est liée à l’usage et aux pouvoirs de surveillance et de contrôle qui caractérisent la garde ; que sauf l’effet de stipulations contraires valables entre les parties, le propriétaire de la chose, bien que la confiant à un tiers, ne cesse d’en être responsable que s’il est établi que ce tiers a reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même le préjudice qu’elle peut causer » (817). Le préposé ne peut pas être gardien : seul l’employeur est le gardien de la chose car le préposé a bien « l’usage » mais point « le contrôle » de la chose. La distinction est particulièrement jésuitique ; elle est le résultat du refus de la jurisprudence que l’on puisse désigner le préposé gardien, par exemple si le préposé effectue un acte qui dépasse ses fonctions (on parle d’abus de fonction (818). La garde est imperméable à la notion de discernement, de sorte qu’un enfant en bas âge peut être considéré comme gardien (cf. supra, n°371).

390. Garde de la structure et garde du comportement. La distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement a été entrevue, il y a longtemps (819), à propos de certaines choses, les choses dotées d’un dynamisme propre. La maîtrise effective d'une telle chose se décompose en deux prérogatives essentielles qui peuvent être confiées à des titulaires distincts : le contrôle de la structure dissocié de la direction du comportement, emportant une dissociation de la garde de la chose en deux gardes : un gardien de la structure, généralement le propriétaire ou le fabricant d’une chose qui supportera les dommages liés à la structure et un gardien du comportement, généralement l’utilisateur d’une chose, qui assume les dommages lis au comportement de la chose. Discrètement admise par quelques arrêts, la distinction suit un cours tranquille. L’arrêt de principe est l’arrêt Oxygène Liquide (820) dans lequel les dommages liés à l’explosion d’une bouteille d’oxygène liquide furent imputés au fabricant, gardien de la structure et non au transporteur.

817 Cass. civ. 1ère, 9 juin 1993, D. 1994. 80, note Y. Dagorne-Labbé, JCP 1994, II, 22202, note G. Viney. 818 Cf. infra, n°429 et comp. Cass. ch. mixte, 4 déc. 1981, JCP 1982, II, 19748, note H. Mazeaud, D. 1982, 365, note F. Chabas à propos d’une mutinerie sur le France. 819 B. Goldman, De la détermination du gardien responsable du fait des choses inanimées, Paris 1947, « Garde de la structure et garde du comportement », Mélanges Roubier 1961, t.II, p.51, H., L., J. Mazeaud et A. Tunc, « La détermination du gardien dans la responsabilité du fait des choses inanimées », JCP 1960, I, 1592. 820 Cass. civ. 2ème, 5 janvier 1956, D.1957, 261, note R. Rodière, JCP 1956.II.9095, note R. Savatier : « au lieu de se borner à caractériser la garde matérielle d’une chose par la seule détention matérielle, les juges du fond devaient, à la lumière des faits de la cause et compte tenu de la nature particulière des récipients transportées et de leur conditionnement, rechercher si le détenteur auquel la garde aurait été transférées avait l'usage de l'objet qui a causé le préjudice ainsi que le pouvoir de surveiller et d'en contrôler tous les éléments ».

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Le critère de la garde reposait sur « l'usage de l'objet, ainsi que le pouvoir de surveiller et d'en contrôler tous les éléments » alors que la responsabilité du gardien du comportement des dommages causés par l’explosion d’une bouteille de gaz n’avait pu être démontrée et un autre arrêt (821) a également rattaché la garde à la « possibilité de contrôler la chose dans tous ses éléments ». La jurisprudence ultérieure l’admit également (822) mais uniquement pour les choses dotées d'un dynamisme propre capable de se manifester dangereusement (823) qui semble d’ailleurs le seul domaine dans lequel la distinction peut prospérer. Ces contorsions jurisprudentielles sont, comme celles déjà observées en matière d’obligation de sécurité, le résultat du travail jurisprudentiel en matière de responsabilité du fait des produits défectueux où la jurisprudence cherche à responsabiliser les fabricants. La loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité des produits défectueux n’a cependant pas rendu cette jurisprudence obsolète dans la mesure où l’article 1396-18 dispose que ce régime nouveau s’ajoute aux régimes anciens et ne se substitue pas à ceux-ci, même si son application demeure rare (824).

391. Garde commune. – La garde commune de la chose, et donc au final la responsabilité in solidum des gardiens, est parfois retenue dès lors que le dommage est causé par l’exercice en commun d’une activité par des personnes qui disposent, ensemble de l’usage, du contrôle et de la direction de la chose, par exemple pour des tennismen (825) ou bien à propos d’un groupe de chasseurs (826).

392. L’exonération du gardien. – L’intérêt de ce régime tient au fait que la responsabilité du gardien est objective. Il ne peut donc pas s’exonérer en démontrant qu’il n’a commis aucune faute mais en démontrant un cas d’exonération particulier, la force majeure notamment, le fait d’un tiers ou la faute de la victime.

821 Cass. civ.2ème, 10 juin 1960, D.1960, 609, note R. Rodière. 822 Cass. civ. 2ème, 12 novembre 1975, JCP 1976, II, 18479, note G. Viney, bouteille d’eau gazeuse : « la cour d’appel (…) a considéré que la bouteille, remplie d’une boisson gazeuse, avait un dynamisme propre, capable de se manifester dangereusement a pu déduire que la société Vittel avait seule le pouvoir de le contrôler et estimer, dès lors, que cette société en avait conservé la garde malgré les ventes successives sont la bouteille avait été l’objet » ; Cass. civ. 2ème, 20 juillet 1981, JCP 1982, II, 19848, note F. Chabas. 823 Cass. civ. 2ème, 30 novembre 1988, Bull. civ. II, n°240 pour un téléviseur : le fabricant est gardien du comportement même s’il l’a vendu il y a plus de 7 ans. 824 Cass. civ. 2ème, 20 nov. 2003, Bull. civ. II, n°355, D. 2003, p. 2902, concl. R. Kessous, note L. Grymbaum, RLDC, 2004/3, n°91, note C. Grare. 825 Cass. civ. 2ème, 20 nov. 1968, Bull. civ. II, n°277. 826 Cass. civ. 2ème, 5 février 1960, D. 1960.365 : garde collective des fusils et de la gerbe de plombs ; Cass. civ. 2ème, 15 déc. 1980, D. 1981. 455 : « les tireurs avaient, avec les fusils dont ils avaient la garde, participé à une action commune et exécuté des actes connexes et inséparables, ayant causé le dommage » (tirs à l’occasion d’un mariage).

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L’exonération peut être totale si la faute de la victime présente les caractères de la force majeure (827): irrésistible et imprévisible. C’est le cas du chasseur qui se place brusquement dans le champ de tir de son compère (828) du passant qui passe un peu trop près des pales d’un hélicoptère (829) ou de celui-ci qui est trop près de la voie ferrée et qui est happé par le train qui entre en gare (830). L’exonération ne sera au contraire que partielle si la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure. Un temps, la jurisprudence avait décidé le contraire dans le cadre du fameux arrêt Desmares du 21 juillet 1982 (831) : un piéton imprudent traverse une rue et est renversé : la faute de la victime qui ne présente pas les caractères de la force majeure n’exonère pas du tout le gardien. Ce système du « tout ou rien » profitable à la victime d’accident de la route, visait à montrer que la responsabilité du fait des choses ne pouvait plus abriter la responsabilité du fait des accidents de la circulation sauf à modifier complètement la philosophie du régime de responsabilité du fait des choses du fait du poids énorme des accidents de la circulation. Dès lors que la loi de 1985 fut adoptée, la jurisprudence admit la solution permettant l’exonération partielle du gardien en cas de faute simple de la victime (832).

B. – Les régimes particuliers de responsabilité du fait des choses

393. Diversité. – Au delà des la responsabilité « générale » du fait des choses, instituée par la jurisprudence dans son interprétation de l’article 1384, al. 1er du Code civil, il existe un grand nombre de régimes particuliers du fait des choses, d’inégale importance, certains, les trois premiers ci-après examinés résultant du Code civil ou de la législation qui la suivie, et les autres résultant de la législation contemporaine. Mia son pourrait en ajouter bien d’autres, régimes particuliers en matière de transport ou de responsabilité médicale par exemple, les responsabilités professionnelles, etc.

1 – La responsabilité du fait des animaux

394. 30 millions d’amis. – Si la présence de l’animal dans notre droit est

827 Cass. civ. 2ème, 18 mars 2004, Bull. civ. II, n°139. 828 Cass. civ. 2ème, 29 mars 1984, Bull. civ. II, n°57. 829 Cass. civ. 2ème 4 mars 1992, Bull. civ. II, n°74. 830 Cass. civ. 2ème, 25 juin 1998, Bull. civ. II, n°151. 831 Cass. civ. 2ème, 21 juill. 1982, D. 1982, p. 449, note Ch. Larroumet, JCP 1982, II, 19875, note F. Chabas, RTD civ. 1982, p. 606, obs. G. Durry. 832 Cass. civ. 2ème, 6 avr. 1997, Bull. civ. II, n°86, D. 1988. 32, note Ch. Mouly, JCP 1987, II, 20828, note F. Chabas, Grands arrêts, n°206.

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de plus en grande (833), celle-ci n’est pas nouvelle. Le principe de cette responsabilité est posé par l'article 1385 du Code civil qui dispose que « le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ». Ni la loi, ni la jurisprudence n'établissent de limites à l'application de l'article 1385 du Code civil , qui ne pose aucune difficulté d’application. Il suffit que le dommage dont la victime demande réparation ait été causé par le fait d'un animal susceptible d’être approprié, de compagnie, de ferme, de zoo, et non des animaux sauvages. Les animaux qualifiés de res nullius ne peuvent ainsi donner lieu à l'application de l'article 1385 du Code civil (834). L'article 1385 du Code civil établit une présomption de responsabilité sur le propriétaire de l'animal ou sur son gardien, celui disposant d’un pouvoir de d’usage, de direction et de contrôle de l’animal (835). Se pose, alors, le problème de l'autorité de cette présomption. La jurisprudence avait, d'abord, décidé qu'il s'agissait d'une présomption simple, cédant devant la preuve contraire et, s'agissant d'une présomption de faute de surveillance, cédant devant la preuve d'une surveillance normalement attentive. Mais, dès 1885, la Cour de cassation a renversé sa jurisprudence sur ce point et la présomption de l'article 1385 du Code civil ne cède que devant la démonstration d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une faute de la victime ou de la faute d'un tiers (836). Il s'agit donc d'une présomption de responsabilité fondée sur la notion de risque et non sur la faute.

2 – La responsabilité du fait de la ruine des bâtiments

395. Quand le bâtiment va… – L'article 1386 du Code civil dispose que « le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction ». Hérité de la cautio damni infecti de droit romain, ce régime de responsabilité était particulièrement atypique à l'époque du Code civil car la responsabilité du propriétaire ne suppose pas que soit rapportée la

833 J.-P. Marguénaud, L'animal en droit privé, Publication Université de Limoges, 1992. 834 Les dommages causés par le gibier ne peuvent en principe donner lieu à l'application de l'article 1385 du Code civil : Cass. civ. 2ème, 25 juin 1975, Bull. civ. II, no 193 ; Cass. civ. 2ème, 4 juin 1997, Bull. civ. II, no 166, Resp. civ. et assur. 1997, no 254. Le législateur a édicté un régime spécial d'indemnisation pour les dégâts causés aux récoltes par le gibier (voir Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2006-2007, nos 8332 et s.). 835 Cass. civ. 2ème, 15 février 2007, Resp. civ. et ass. 2007, n°149. 836 Cass. civ. 27 octobre 1885, D.1886, I, 207.

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preuve d'une faute de sa part (837). Soulignons que c'est en effet le propriétaire et non le gardien qui est désigné comme responsable (838), ce qui a le mérite d'éviter les incertitudes liées à la détrmination de la garde du batîment. Pour ces différentes raisons ce texte s'est donc révélé très attractif pour les victimes. Cédant peut-être à cette attraction, la jurisprudence n'a pas hésité alors à faire de l'article 1386 une interprétation extensive (839). Toutefois depuis l'avènement d'un principe général de responsabilité du fait des choses, l'intérêt pour la victime d'invoquer le régime particulier de l'article 1386 du Code civil peut paraître moins évident (840). La confrontation des règimes pose alors la question d’une éventuelle option offerte ou refusée à la victime : « la question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'à certains égards, la responsabilité de l'article 1386 est plus difficile à mettre en œuvre que celle de l'article 1384, alinéa 1er : on songe notamment à la preuve que la victime doit administrer concernant l'origine du dommage » (841).

396. Ruine du batîment ou fait des choses : la victime peut-elle opter ? – Admettre une telle option pourrait être fatal à l'article 1386 du Code civil, alors que telle n’a jamais été l’intention du législateur (842). La jurisprudence, soucieuse de conserver à l'article 1386 une portée effective, décide que lorsque la propriété et la garde sont réunies sur une seule tête, la victime ne peut se fonder sur l'article 1384, alinéa 1er : « l'article 1386 visant spécialement la ruine d'un bâtiment (...) exclut l'application de la disposition générale de l'article 1384, alinéa 1er, relative à la responsabilité de toute chose mobilière ou immobilière que l'on a sous sa garde » (843). En revanche lorsque le propriétaire et le gardien du bâtiment sont deux personnes différentes, la victime bénéficie depuis un arrêt du 23 mars 2000 d’une option ; l'article 1386 n'exclut pas

837 Ph. Brun, in Droit de la responsabilité, Ed. Lamy, n° 265-35. 838 La responsabilité de l'article 1386 du Code civil étant exclusivement attachée à la propriété de l'immeuble et non à la garde, le propriétaire ne saurait ainsi prétendre échapper à sa responsabilité en invoquant un transfert de la garde du bâtiment, (G. Viney G. et P.Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2e éd., 1998, no 725). 839 G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2e éd., 1998, no 719 ; V. Depadt-Sebag, La justification du maintien de l'article 1386 du Code civil, LGDJ, 2000, nos 284 et s. 840 P. Roubier, « L'article 1386 du Code civil et sa portée dans le droit contemporain », JCP G 1949, I, no 768. 841 Ph. Brun, in D. Mazeaud (dir.), Droit de la responsabilité, Ed. Lamy, n° 265-60 et s. 842 H., L. Mazeaud et J. et F. Chabas, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, vol. 1, Théorie générale, Montchrestien, 9e éd., 1998, no 551. 843 Cass. civ., 4 août 1942, D. 1943, p. 1, note G. Ripert, JCP G 1943, II, no 2006, note L.-P. P., Gaz. Pal. 1942, 2, p. 215, voir également Cass. civ. 2ème, 12 juill. 1966, D. 1966, jur., p. 632, JCP G 1967, II, no 15185, note N. Dejean de la Bâtie, Cass. civ. 2ème, 4 mai 1972, Bull. civ. II, no 128, Cass. civ. 2ème, 17 déc. 1997, Bull. civ. II, no 323.

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que les dispositions de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil soient invoquées à l'encontre du gardien non-propriétaire (844). Cette solution a été récemment réaffirmée (845).

397. Ruine du batîment : conditions. – Trois conditions doivent être remplies pour que l'article 1386 du Code civil s'applique. Le dommage a été provoqué par le fait d'un « bâtiment », le fait du bâtiment a été provoqué par la « ruine » de ce bâtiment et la ruine de ce bâtiment a été provoquée par le « défaut d'entretien » ou le « vice de construction ». 1 – Le batîment. Dans un premier temps, la jurisprudence a retenu une conception extensive de la notion de bâtiment ; étaient par exemple soumis à l'article 1386 du Code civil les dommages causés par des arbres (846). Puis, conséquence du développement de la responsabilité du fait des choses en général, la jurisprudence est revenue à une définition plus stricte de cette notion : « une construction résultant de l'assemblage de matériaux qui, d'une part, sont reliés artificiellement de façon à procurer une union durable, et d'autre part sont incorporés au sol ou à un autre immeuble par nature » (847). Cette définition a été reprise par la Cour de cassation (848). 2 – La ruine du batîment. Faut-il s’attacher à l'étymologie du mot ruine, une chute du bâtiment ou d'une partie de celui-ci ou plus largement qualifier de ruine toute espèce de dégradation ou de détérioration affectant le bâtiment (849) ? La première lecture semble emporter la faveur de la jurisprudence ; elle considère en effet qu'une détérioration qui ne se traduit pas par un effondrement ou par la chute d'éléments de construction ne relève pas de l'article 1386 du Code civil (850). La Cour de cassation a donné une définition générale de la « ruine d'un bâtiment », en précisant que cette notion doit s'entendre non seulement de la destruction totale du bâtiment mais encore de la dégradation partielle de toute partie de la construction ou de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble (851). Lorsque le bâtiment cause un dommage du fait de son incendie, c'est l'article 1384 al.2, dont le texte procède d'une loi du 7 novembre 1922

844 Cass. civ. 2ème, 23 mars 2000, JCP G 2000, II, no 10379, note Y. Dagorne-Labbé, RTD civ. 2000, p. 581, obs. P. Jourdain. 845 Cass. civ. 2ème, 8 févr. 2006, Resp. civ. et assur. 2006, n°110, note H. Groutel. 846 Cass. req., 29 mars 1897, DP 1897, 1, p. 216 , Paris, 28 août 1877, S. 1878, 2, p. 48. 847 Paris, 26 nov. 1946, JCP G 1947, II, no 3444. 848 Cass. civ. 2ème, 30 nov. 1960, Bull. civ. II, no 722, Cass. civ. 2ème, 14 févr. 1979, Bull. civ. II, no 48, Cass. civ. 2ème, 3 mars 1993, Bull. civ. II, no 86, Cass. civ. 2ème, 8 juin 1994, Resp. civ. et assur. 1994, no 52. 849 V. Depadt-Sebag, La justification du maintien de l'article 1386 du Code civil, LGDJ, 2000, nos 321 et s. 850 G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2e éd., 1998, no 722. 851 Cass. civ. 2ème, 23 janvier 2003, no 00-21.430, inédit.

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voulue par les Compagnies d'assurance à la suite de l'affaire des résines (852), qui s'applique, et la victime doit alors prouver la faute du détenteur (853). 3 – Un défaut d'entretien ou un vice de construction. Il incombe à la victime de prouver non seulement la ruine du bâtiment à l'origine du dommage, mais aussi l'imputabilité de cette ruine à un défaut d'entretien ou à un vice de construction. Cette démonstration rend l’article 1386 du Code civil incontestablement moins favorable pour la victime que l'article 1384, alinéa 1er, du même code (854). Il faut toutefois relativiser la portée de cette exigence, dans la mesure où la jurisprudence retient semble-t-il une conception très large des notions de défaut d'entretien, en y assimilant la vétusté, et surtout de vice de construction (855).

3 – La responsabilité en cas de communication d'incendie

398. Présentation. – Un bref rappel de l'historique de ce règime permettra d’éclairer ses conditions d'application. Lorsque la Cour de cassation appliqua l'article 1384, alinéa 1er au profit du propriétaire d'un immeuble atteint par un incendie qui avait pris naissance chez un voisin, les assureurs s'inquiétèrent, craignant un recours systématique des victimes, désormais dispensées d'établir la faute de celui chez qui l'incendie était né. Les assureurs obtinrent le vote de la loi du 7 novembre 1922, incorporée à l'article 1384 dont elle constitue l'alinéa 2 : « Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. ». Ce régime dérogatoire est considéré comme anachronique par beaucoup d'auteurs et la jurisprudence l'interprète restrictivement. Il faut qu'il y ait eu incendie d'un bien meuble ou immeuble dont une personne est gardienne, la Cour de cassation refusant de considérer comme tel un feu volontaire (856) ou une explosion (857). Il faut ensuite qu'il y ait eu communication d'incendie : si l'incendie s'est d'abord déclaré chez le demandeur, l'article 1384, alinéa 2, du Code civil est inapplicable (858) ; en revanche, si l'incendie s'est d'abord déclaré dans une chose

852 Cass. civ. 16 novembre 1920, D.1920, I, 159. 853 Cass. ass. plén. 25 février 1966, D. 1966, 389, note P. Esmein. 854 G.Viney et P. Jourdain, op. cit. préc., no 723. 855 CA Angers, 4 déc. 1971, RTD civ. 1972, p. 787, obs. G. Durry. 856 Cass. civ. 2ème, 17 décembre 1972, feu allumé pour brûler des branches. 857 Cass. civ. 2ème, 5 décembre 1984, fuite de gaz. 858 Cass. civ. 2ème, 15 décembre 1976, une étincelle provoquée par le tracteur de Dupont met le feu au champ de Durand.

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appartenant au défendeur, il s'applique (859). Enfin, la faute de la victime est bien entendu susceptibledelimiterou écarter son droit à réparation (860).

4 – La « responsabilité » du fait des accidents de circulation

399. Nécessité de la réforme de 1985. – Succédant à l'échec de plusieurs projets de réforme, sans doute trop ambitieux, la loi du 5 juillet 1985 qui crée un régime d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation, et non un régime de responsabilité (861), comporte plusieurs volets sur le droit à indemnisation, le fonds de garantie et l'accélération des règlements d'indemnités par les assureurs, entre autres. Ce régime a retenu la nécessité de protéger au mieux l'accidenté notamment lorsqu'il est piéton, car, entre lui et l'automobiliste, la partie n'est pas égale : « L'inégalité se manifeste à tous les moments : dans l'accident, même, en termes physiques (pot de fer contre pot de chair) ; après l'accident quant à la preuve (de l'hôpital, le gisant ne mène pas l'enquête); enfin, quand il faut régler le litige (car, derrière l'automobiliste, il y a par définition la compagnie d'assurance, qu'aucun procès, ne fatigue) » (862). Cette loi était devenue indispensable pour plusieurs raisons. Avant cette loi, la responsabilité du conducteur était celle du droit commun, responsabilité pour faute ou, plus sûrement, la responsabilité du fait des choses. Or, ces régimes assurent un mécanisme de responsabilité, mêlant recherche de la faute du conducteur, de la victime, de celle d’un tiers, … risquant d’aboutir à une solution injuste, étant entendu que les conducteurs étaient obligatoirement assurés. Un certain nombre d’auteurs, dont André Tunc, avaient depuis les années

859 Cass. ass. plén., 25 février 1966, une étincelle provoqué par le tracteur de Dupont met le feu à son champ, l'incendie se communique au champ de Durand. 860 Cass. civ. 1ère, 28 novembre 2007, Resp. civ. et ass. 2008, n° 44. En la circonstance, les victimes de l'incendie avaient, par différents comportements, amplifié la puissance de l'incendie et l'importance des dégâts. 861 En ce sens, C. Larroumet, « L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation : l'amalgame de la responsabilité civile et de l'indemnisation automatique », D. 1985, chr., p. 237, G. Wiederkehr, « De la loi du 5 juillet 1985 et de son caractère autonome », D. 1986, chr., p. 255, H. Groutel, « Le fondement de la réparation instituée par la loi du 5 juillet 1985 », JCP G 1986, no 3244. Contra : F. Chabas, Les accidents de la circulation, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 1995, p. 29 : « la loi en ce qui concerne l'indemnisation des victimes n'avait qu'un objectif : supprimer certaines causes d'exonération des défendeurs (...) le conducteur et le gardien du véhicule. Il est dit expressément dans les rapports présentés à l'une et l'autre assemblée que, pour le reste, les articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil servaient de base au système nouveau de responsabilité ». 862 J. Carbonnier, Les obligations, Droit civil, t.4, p. 476.

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1960 proposé divers projets de législation en la matière (863), systématiquement écartés ou reportés sous la pression des lobbies des compagnies d’assurance ou des constructeurs automobiles. Un arrêt remarqué, l’arrêt Desmares (864), avait transformé la règle prévalant en matière d’appréciation de la faute de la victime, exigeant que la faute de la victime réponde aux conditions de la force majeure pour pouvoir exonérer le gardien. Fondée pour l’hypothèse d’un accident de la circulation, cette solution était très injuste pour l’ensemble des autres cas de responsabilité du fait des choses. Enfin la volonté politique du garde des Sceaux de l'époque, dont l’objectif était de faciliter et accélérer l'indemnisation des victimes afin notamment de soulager les juridictions d'un contentieux envahissant (865). La loi du 5 juillet 1985 est bien plus qu'un simple aménagement spécial des règles de responsabilité relatives aux accidents de la circulation (866) ; il s’agit en effet d’un système d’indemnisation et non de responsabilité comme le constate le Doyen Cornu : « la loi nouvelle traduit un changement de perspective elle part de la victime et non plus, comme le Code civil, du responsable ». C'est ainsi une loi de rupture, une loi procédant à un choix de société. Elle rompt avec la trilogie traditionnelle de la responsabilité, dommage -faute - causalité. Son objectif n'est pas d'organiser l'obligation légale de réparation du fautif au profit de sa victime ; il est d'assurer à la victime une indemnisation. Peu importe qu'il y ait un fautif et que l'on puisse établir un lien de causalité. L'important n'est donc plus l'obligation de réparer mais le droit à réparation. Observons alors le domaine d’application de la loi (a) puis le régime envisagé (b).

a – Le domaine d’application de la loi de 1985

400. Caractères de la loi de 1985. La loi du 5 juillet 1985 « tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation »

863 A. Tunc, « Sur un projet de loi en matière d'accident de la circulation », RTD civ. 1967, p. 82 ; puis à propos d’un second projet, A. Tunc, Pour une loi sur les accidents de la circulation, Economica, 1981 ; V. auparavant, M. Picard, RGAT 1931, p. 5. 864 Civ. 2ème, 21 juillet 1982, D. 1982.449, concl. Charbonnier, note Ch. Larroumet, JCP 1982, II, 19681, note F. Chabas, Grands arrêts, n°139, J.-L. Aubert, « L'arrêt Desmares : une provocation à quelles réformes ? », D. 1983, chr., p. 1, RTD civ. 1982, p. 606, obs. G. Durry. 865 R. Badinter, « Rapport introductif », in Dixième anniversaire de la loi Badinter sur la protection des victimes d'accidents de la circulation, Resp. civ. et assur. 1996, hors-série, p. 1, spéc. p. 2 : « il est temps (...) de prendre la mesure des résultats obtenus dans le domaine de la transaction. C'était une des raisons profondes, je le dis très clairement, un des mobiles essentiels de la loi (...) ». 866 V. supra. note 844.

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s'applique à toute réparation de dommage provoqué par un accident de la circulation dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur. Outre l’explication de texte nécessaire, qui révèle la conception extensive que la jurisprudence retient de la loi, on peut remarquer que le régime de responsabilité est un régime autonome, ni contractuel, ni vraiment délictuel, en ce sens que le régime s’applique « même lorsqu’elles (les victimes) sont transportées en vertu d’un contrat ». Par ailleurs, il s’agit d’un régime d’indemnisation et non de responsabilité, en ce sens que le point focal de la loi de 1985 est la victime. Enfin, il s’agit d’un régime déséquilibré, car la victime est protégée, parfois même surprotégée, aux dépens du conducteur.

401. Véhicule terrestre à moteur. Le véhicule terrestre à moteur de la loi est envisagé de façon large. L'article 1er de la loi dispose en effet que celle-ci s'applique « aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres » (867). Sont ainsi des véhicules terrestres à moteur, les automobiles, les camions ainsi que leurs remorques et semi-remorques, les motocyclettes et cyclomoteurs, mais également les engin de chantier ou chariots élévateur, engins de damage des pistes de ski, les tracteur et engins agricoles, même les tondeuses à gazon lorsqu’elles sont « auto-portées » (868). En revanche, la bicyclette n’est pas bien entendu un véhicule terrestre à moteur tout comme une voiture miniature d'un manège pour enfant (869), ou encore un remonte pente de ski (870). La loi exclut les chemins de fer et tramways à condition qu'ils circulent sur des voies qui leur sont propres (871).

402. Accident de la circulation. – Un accident de la circulation est le résultat d’un accident qui survient sur une voie de circulation d’un

867 La notion de « véhicule terrestre à moteur » est connue du droit positif ; selon l'article L. 211-1 du Code des assurances, il s'agit de tout véhicule destiné au transport de personnes ou de choses circulant au sol et mû par une force motrice (Y. Lambert-Faivre Y. et L. Leveneur L., Droit des assurances, Dalloz, 12e éd., 2005, no 732). 868 Cass. civ. 2ème, 24 juin 2004, Bull. civ. II, no 308, D. 2005, p. 1321, obs. H. Groutel. 869 Cass. civ. 2ème, 4 mars 1998, Bull. civ. II, no 65, JCP G 1999, I, no 137, spéc. no 9, obs. A. Favre-Rochex, RTD civ. 1998, p. 693, obs. P. Jourdain. 870 Cass. civ. 2ème, 20 mars 1996, Bull. civ. II, no 67. 871 Cass. civ. 2ème, 18 oct. 1995, Dr. & patr. 1996, no 35, p. 96, obs. F. Chabas. En revanche, la loi de 1985 s’applique à un accident survenu entre une automobile et un tramway circulant sur des rails implantés sur des chaussées ordinaires ouvertes à la circulation d'autres véhicules (Cass. civ. 2ème, 6 mai 1987, Bull. civ. II, no 92, JCP G 1987, IV, p. 235 ; même solution pour un trolleybus : Cass. civ. 2ème, 12 mai 1993, Dr. & patr. 1994, no 12, p. 77, obs. F. Chabas).

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véhicule terrestre à moteur, et point nécessairement sur une voie publique, comme un parking de supermarché, un champ, une piste de ski… Deux remarques s’imposent. 1 – Il doit s’agir d’un accident. La notion d'accident est en elle-même difficile à cerner. L'adjectif « accidentel », directement dérivé du substantif « accident », est-il synonyme de fortuit ? Plus simplement, l'accident peut-il trouver sa source dans une faute intentionnelle ou est-ce qu'au contraire le caractère accidentel de l'événement exclut l'idée même d'intention voire de faute ? Traditionnellement la Cour de cassation retient que des heurts ou collisions volontairement provoquées excluent l'existence d'un accident de la circulation (872). La Cour de cassation a ainsi exclut l'application de la loi du 5 juillet 1985 en cas de violence volontairement exercées (873). Un arrêt illustre particulièrement cette solution (874). L'auteur des faits ayant été reconnu coupable par un tribunal correctionnel de dégradations volontaires au préjudice de la victime, l'application de la loi du 5 juillet 1985 est donc exclue. Le blessé n'est alors pas victime d'un accident mais d'une infraction. C'est à cette notion d'infraction que réfère d'ailleurs la Cour de cassation. Pour ne pas léser certaines victimes, la jurisprudence fait moins référence à la notion d'actes volontaires qu'à celle d'infractions volontaires. Lorsque la loi de 1985 ne s'applique pas, les victimes peuvent toutefois bénéficier des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale relatifs à l'indemnisation des victimes d'infractions. Cette protection est toutefois moins complète. 2 – Il doit s’agir d’un accident de la circulation. Ce qui est important, c'est donc que le véhicule ait été mis en circulation par son utilisateur. La loi n'est pas applicable à un véhicule se trouvant dans un garage. En revanche peu importe que le véhicule circule sur une voie publique ou privée (875). La loi a été appliquée à un véhicule terrestre à moteur circulant dans un champ ; a ainsi été qualifié d'accident de la circulation, dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur, le fait pour un tracteur muni d'un bras élévateur de basculer alors que le véhicule était à l'arrêt durant des travaux (876). Le véhicule peut également être sur une voie de stationnement. Il a ainsi été décidé qu'un autobus, même en arrêt prolongé sur la ligne qu'il dessert, est en circulation (877), ou encore sur le pont élévateur d’un garage (878). La loi du 5 juillet 1985 s'applique également à l'accident survenu lors d'une compétition sportive en circuit

872 Cass., crim. 23 mai 1991, Bull. crim., n° 220. 873 Cass. civ. 2ème, 5 octobre 1994, Bull. civ. II, n' 191. 874 Cass. civ. 2ème, 30 novembre 2000, Resp. civ. et ass. 2001, n°40, H. Groutel. 875 Cass. civ. 2ème, 25 mai 1994, D. 1994, I.R., p. 158 876 Cass. civ. 2ème, 14 janvier 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n° 65. 877 Cass. civ. 2ème, 25 janvier 2001, Resp. civ. et ass. 2001, n° 111, obs. H. Groutel. 878 Cass. civ. 2ème, 25 octobre 2007, Resp. civ. et ass. 2007, n°351, note H.Groutel.

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fermé s’agissant des dommages causés à des spectateurs (879). Cet accident de la circulation ne doit pas avoir eu lieu à l'étranger. Dans ce cas, ce n'est pas la loi du 5 juillet 1985 n'est applicable selon la convention de La Haye du 4 mai 1971 (880).

403. Implication du VTM. – La notion d'implication est d’une importance capitale dans l’application de la loi de 1985 ; elle est le fait générateur de la responsabilité encourue par le conducteur ou le gardien du véhicule (881). Le mot « impliqué » a été préféré au terme « participé » qui figurait dans le projet TUNC. Ce terme a été repris à la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accident de la circulation. Le verbe « empliquer », c'est à dire « impliquer » est utilisé en droit depuis le début du XVIIème siècle. C'est en effet sa signification générale, « engluer », engager quelqu'un dans une affaire fâcheuse qui est devenu mettre en cause dans une accusation. Les synonymes sont « ompromettre », « engager », « mêler » (882). D'un point de vue logique, impliquer signifie placer dans l'ordre des choses : impliquer devient alors "entraîner comme conséquence" (883). Cette acception conduit à s’interroger quant au lien entre implication et causalité. La notion d’implication apparaît alors comme une rupture avec l’exigence de causalité (884). L’implication n’est pas en effet un lien causal entre l’auteur et le dommage comme en droit commun, mais plus simplement un lien de rattachement entre le véhicule impliqué et

879 Cass. crim., 16 juill. 1987, Gaz. Pal. 1987, 2, p. 767, RTD civ. 1987, p. 770, obs. J. Huet. Néanmoins, la loi n'est pas applicable entre les concurrents de la compétition sportive (Cass. civ. 2ème, 19 juin 2003, Bull. civ. II, no 197, D. 2003, p. 2540, obs. F. Lagarde, Resp. civ. et assur. 2003, étude 24, note H. Groutel). 880 Ce principe a été rappelé par un arrêt rendu le 8 décembre 1999 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à propos d'un accident survenu en Arabie saoudite (Dalloz 2000, I.R., p. 14). 881 Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2005, spéc. no 828 ; Aubry et Rau, Droit civil français, t. VI, vol. 2, Responsabilité délictuelle, par N. Dejean de la Bâtie, Litec, 8e éd., 1989, no 147. 882 C'est ce sens de "mêler" qui est retenu et privilégié au XIXe siècle, notamment par Chateaubriand. 883 "La lutte et la révolte impliquent toujours une certaine quantité d'espérance, tandis que le désespoir est muet" (Baudelaire, Les paradis artificiels, Mangeurs d'opium). 884 En ce sens, H. Groutel, Le droit à indemnisation des victimes d'un accident de la circulation, éd. Assur. fr., 1987, no 164, v. également C. Larroumet, « L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation : l'amalgame de la responsabilité civile et de l'indemnisation automatique (à propos de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985) », D. 1985, chr., p. 237, Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2006-2007, no 8102. V. toutefois G. Viney, L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, LGDJ, 1992, spéc. no 15 et P. Jourdain, « Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985 », JCP G 1994, I, no 3794.

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l'accident (885). En effet, selon la Cour de cassation, « est impliqué dans un accident de la circulation, tout véhicule qui est intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de l'accident » (886). Conformément au droit commun de la preuve, il appartient à la victime de prouver l'implication du véhicule terrestre à moteur dans l'accident (887). Néanmoins, la preuve est facilitée dans certains cas ; en effet « est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement » (888). 1 – Implication et mouvement. – De manière générale, il n'est pas nécessaire que la chose ait été en mouvement. La jurisprudence décida très tôt qu'il n'était pas nécessaire que le véhicule fût en mouvement pour être impliqué dans l'accident (889). Par trois arrêt rendus le 21 juillet 1986, la Cour de cassation subordonna toutefois l'existence d'une implication à une perturbation (890). La notion de perturbation est indépendante du caractère irrégulier du stationnement. Un stationnement irrégulier peut ne pas être perturbateur et inversement. Cette idée de la perturbation réintroduisait une certaine idée de faute. Mais par un arrêt du 23 mars 1994 rendu par la deuxième chambre civile, la Cour de cassation opéra un important revirement : le stationnement non perturbateur d'un véhicule terrestre à moteur n'excluait pas son implication (891) ; a fortiori lorsque le stationnement est perturbateur (892). 2 – Implication et contact. Dans une première situation, il y a contact, il n’y a alors aucune difficulté. Dans une seconde situation, il n’y a pas contact. Le contact n'est pas nécessaire à l'implication. En la matière, une espèce sert souvent à illustrer ce thème. Un véhicule terrestre à moteur circulant normalement sur une voie reçoit un débris de carrosserie provenant d'un accident en cours sur la voie inverse ; les deux véhicules sont impliqués. Un arrêt rendu le ler avril 1999 par la deuxième chambre civile illustre également cette relation entre implication et contact. Un groupe de

885 L. Clerc-Renaud, in Droit de la responsabilité, Ed. Lamy, n° 311-55. 886 Cass. civ. 2ème, 11 juill. 2002, Resp. civ. et assur. 2002, no 331. 887 Cass. civ. 2ème, 28 mai 1986, Bull. civ. II, no 83, D. 1987, p. 160, note H. Groutel, RTD civ. 1987, p. 334, obs. J. Huet, Cass. crim., 1er mars 1990, Bull. crim., no 100, Cass. civ. 2ème, 16 mai 1994, Bull. civ. II, no 129. 888 Cass. 2civ. 2ème, 25 janv. 1995, Bull. civ. II, no 27, Gaz. Pal. 1995, I, p. 315, note F. Chabas, RTD civ. 1995, p. 382, obs. P. Jourdain. 889 Cass. civ. 2ème, 21 oct. 1987, Bull. civ. II, no 202 890 Cass. civ. 21 juill. 1986, Bull. civ. II, n° 113 à 115. 891 Bull. civ. II, n° 100. 892 Cass. civ. 2ème, 11 octobre 2007, Resp. civ. et ass. 2008, n°21 : Les véhicules immobilisés sur la bande d'arrêt d'urgence d'une autoroute, à la suite d'un premier accident, sont impliqués dans celui subi par des pompiers venus sur les lieux.

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motocyclistes participent à une sortie tout-terrain. L'usage est que le premier indique au suivant l'éminence d'un virage ou d'une courbe en tendant la jambe du côté concerné. Durant la sortie, le premier indique le virage éminent, comme le veut l'usage, mais les cyclomotoristes suivant chutent et se télescopent dans ledit virage. La première moto est également impliquée car elle a participé à la manœuvre en la commandant (893). A l'implication matérielle, s'est ajoutée l'implication intellectuelle. Une récente décision corrobore ce constat. Un véhicule roulant à vive allure sort d'un virage et s'écrase dans un fossé ; la conductrice décède. Le litige révèle qu'un autre conducteur poursuivait la victime afin de régler les suites d'un précédent accrochage. Le conducteur poursuivant est impliqué dans le second accident même en l'absence de tout contact (894). La notion d'implication a donc évolué. On est peu à peu passé de la participation du véhicule terrestre à moteur à une « intervention à quelque titre que ce soit dans la réalisation de l'accident » (895) : il est suffisant que le véhicule soit intervenu « d'une manière ou d'une autre » (896), globalisant ainsi la notion d’implication, particulièrement importante dans les accidents en chaîne : un véhicule terrestre à moteur est donc impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation (897). L'appréciation extensive de la notion d'implication ne permet toutefois pas de gérer tous les accidents. Il a ainsi été jugé que n'est pas impliqué, au sens de la loi du 5 juillet 1985, le véhicule qui reculant pousse une lourde borne en pierre qui s'écroule sur le pied de la victime (898).

893 Cass., civ. 2ème, ler avril 1999, Resp. civ. et assur. 1999, n° 214, note H. Groutel. 894 Cass. civ. 2ème, 18 mai 2000, Resp. civ. et assur. 2000, n° 261, note H. Groutel. 895 Cass. civ. 2ème, 18 mars 1998 et 24 juin 1998, Resp. civ. et assur. 1998, n' 19, note. H. Groutel. 896 Cass. civ. 2ème, 28 févr. 1990, Bull. civ. II, no 42, D. 1991, p. 123 (2e esp.), note J.-L. Aubert. Cass. civ. 2ème, 12 octobre 2000, Resp. civ. et assur. 2001, n° 16, note H. Groutel. V.depuis dans le même sens, Cass. civ. 2ème, 21 juin 2001, Bull. civ. II, no 122, RTD civ. 2001, p. 901, obs. P. Jourdain, Cass. civ. 2ème, 14 nov. 2002, Bull. civ. II, no 252, Cass. civ. 2ème, 5 juin 2003, Resp. civ. et assur. 2003, no 238. 897 Cass. civ. 2ème, 24 février 2000, Resp. civ. et assur. 2000, n° 152 : en l’espèce un premier conducteur s'était déporté sur la voie de sens inverse du fait de l'éclatement d'un pneumatique, le second, celui qui arrivait en sens contraire, percute ce premier véhicule et ainsi de suite ... La Cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir tenté de gérer les implications en recourant à l'absence ou l'existence d'une faute de la part de chacun des protagonistes. La Cour réaffirme ainsi sa jurisprudence : « Attendu qu'est impliqué, au sens de ce texte, tout véhicule qui est intervenu, à quelque titre que ce soit, clans la survenance de l'accident ». V. aussi A propos de l’incendie d’un hangar, la Cour de cassation réaffirme que la loi de 1985 est applicable à tout accident de la circulation dans la survenance duquel apparaît un véhicule terrestre à moteur (Cass. civ. 2ème, 21 juin 2001, La jurisprudence automobile, n°721, p. 327). 898 Cass. civ. 2ème, 13 juillet 2000, La Jurisprudence Automobile, Janvier 2001, p. 25).

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404. Les victimes. – Les victimes susceptibles de bénéficier de ces dispositions ne sont pas définies : toute personne victime d'un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, conducteur ou non conducteur, personne transportée, piéton, cycliste... Le régime de la loi de 1985 fait cependant une grande distinction entre les victimes selon qu’il s’agit de non conducteurs ou de conducteurs, les premiers étant protégés par la loi, point les seconds.

b – Le régime de la loi de 1985

405. L’indemnisation comme objectif. – Le régime de la loi de 1985 vise à assurer l’indemnisation des victimes considérées comme les plus faibles. Une règle domine cependant l’ensemble du régime, celle visée par l’article 2 de loi de 1985 empêchant que l’on puisse opposer à une victime, qu’elle quelle soit et quel que soit la nature du dommage, la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur (qui est le débiteur de l’obligation d’indemnisation). La loi de 1985 organise alors tant les principes de l’indemnisation de la victime (α) que les techniques d’indemnisation (β).

αααα. – Principes de l’indemnisation de la victime

i – Dommages causés à la personne

406. Principes. – L'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er ». L’article 3 poursuit : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute… ». La distinction opérée par la loi entre les victimes conductrices et les victimes non conductrices constitue ainsi une des dichotomies essentielles de ce texte. Il en résulte que la victime non conducteur ne peut se voir en principe opposer sa propre faute contrairement à la victime conducteur (899). Selon la Cour de cassation, la victime est présumée non conducteur (900) ; il appartient donc à celui qui cherche à combattre cette qualité d'en apporter la preuve.

407. Dommages causés à un non conducteur, victime protégée. –

899 Pour une appréciation critique de cette distinction jugée injuste, v. L. Clerc-Renaud, Droit de la responsabilité, Ed. Lamy, n° 311-76. 900 Cass. civ. 2ème, 16 mai 1994, in Dix ans de jurisprudence, Resp. civ. et ass. Hors-série 1998, n'21, note H. Groutel.

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Parmi les victimes non-conductrices, existent deux sous-catégories que nous qualifierons de victimes protégées et de victimes super protégées. La victime protégée est le non conducteur âgé de plus de 16 ans et de moins de 70 ans et qui ne souffre pas d'une incapacité supérieure ou égale à 80%. La protection qui lui est offerte ne permet pas, par principe, de lui opposée sa propre faute afin d'exclure ou de limiter son droit à indemnisation. Il existe toutefois une exception. Lorsque sa faute est inexcusable et qu'elle constitue la cause exclusive de l'accident alors elle peut lui être opposée.

408. Faute inexcusable de la victime protégée. – L’article 3, al. 1 de la loi de 1985 prévoit que « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ». La définition de la faute inexcusable a été l’occasion d’une jurisprudence importante en donnant une définition très restrictive et donc favorable aux victimes. Par une série de dix arrêts, la cour de cassation a décidé le 20 juillet 1987 qu'est inexcusable « la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (901). Cette formule fut reprise par la chambre criminelle (902) et enfin adoptée par l'Assemblée plénière (903). Elle est depuis constante (904). La faute de la victime pour être qualifiée d'inexcusable doit satisfaire à des critères objectifs, l'exceptionnelle gravité, et subjectifs, le caractère volontaire de cette faute. Concernant les éléments objectifs, la jurisprudence s'inscrit dans la lignée des propos tenus par le Garde des sceaux lors des débats parlementaires. Selon le ministre, sont inexcusables les fautes que seuls « des asociaux de la circulation » peuvent accomplir. A titre d'exemple, est inexcusable le comportement d'un cycliste qui circulant en sens interdit brûle un feu avant de s'engager à nouveau dans une voie à sens unique (905) ou celui d'un piéton marchant le long de la voie rapide d'une autoroute de nuit sans aucune signalisation lumineuse (906), ou encoire celui qui monte montée dans la trémie d'une moissonneuse-batteuse pour débourrer la vis

901 Cass. civ. 20 juill. 1987, Bull. civ. II, n°60 et s. 902 Cass. crim, 4 novembre 1987, D. 1987, I.R., p. 7. 903 Cass. Ass. plén., 10 novembre 1995, D. 1995, p. 633, JCP G 1996, II, 22564, concl. M. Jéol, note G. Viney, RTD civ. 1996, p. 187, obs. P. Jourdain. 904 Cass. civ. 2ème, 11 avr. 2002, Bull. civ. II, n°71, Cass. civ. 2ème, 30 juin 2005, Bull. civ. II, n°174. 905 Cass. civ. 2ème, 7 juin 1990, Bull. civ. II, n°123. 906 Cass. civ. 2ème, 27 mai 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n°259.

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sans fin de la machine (907), voire celui qui. enjambe le parapet d'un pont, « matérialisant l'interdiction de se rapprocher du vide » (908). Concernant les éléments subjectifs, le caractère volontaire s'applique à l'acte lui-même et non à ses conséquences. Dans l'espèce précédente, la victime avait volontairement franchi le parapet, « sans raison valable, en s'exposant consciemment à un danger » (909). S'il n'est pas nécessaire que la victime ait recherché volontairement le préjudice, il faut qu'elle ait eu conscience du danger. La Cour de cassation a admis qu'un handicapé mental pouvait commettre une faute inexcusable (910). Le défaut de discernement dû à la prise d'alcool ou de stupéfiant ne saurait empêcher la commission d'une faute inexcusable. L'appréciation du caractère exclusif de la faute de la victime renvoie à la caractérisation factuelle de la causalité. Les fautes volontairement commises par la victime qui recherche le dommage sont également de nature à exclure son droit à réparation.

409. Dommages causés à un non conducteur, victime super protégée. – Selon l'article 3 de la loi de 1985, la victime super protégée est le non conducteur âgé de mois de 16 ans ou de plus de 70 ans ou qui souffre d'une incapacité supérieure ou égale à 80 %. Même sa faute inexcusable et exclusive ne peut lui être reprochée. La victime super protégée n'est toutefois pas indemnisée « lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ». La recherche volontaire du dommage est souvent rapprochée de celle de la faute intentionnelle (911). Il ne suffit pas toutefois que la victime se voit volontairement placée dans une situation dont elle ne pouvait ignorer le danger (912) ; la volonté n'étant pas celle de commettre l'acte mais d'en rechercher le résultat (913). La faute inexcusable est donc admise de manière très exceptionnelle et ne recouvre pratiquement que les cas de suicide (914). Toutefois et bien que ce soit souvent le cas, il n'est pas nécessaire de démontrer le caractère suicidaire de l'acte, son caractère volontaire suffit. Cette appréciation appartient aux juges du fond (915). Il est donc évident qu'un véritable droit à être indemnisé est mis en place par la loi du 5 juillet 1985 au

907 Cass. civ. 2ème, 20 janv. 2000, Resp. civ. et ass. 2000, n°117. 908 Cass. civ. 2ème, 16 nov. 2000, Resp. civ. et ass. 2001, n°41, note H. Groutel. 909 Cass. civ. 2ème, 16 nov. 2000, préc. 910 Cass. civ. 2ème, 7 juin 1989, D. 1989, p. 559, note J.- L. Aubert. 911 G. Viney G. et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2006, no 1019. 912 Cass. civ. 2ème, 17 février 1988, Bull. civ. II, n°44. 913 L. Clerc-Renaud, in Droit de la responsabilité, Ed. Lamy, n° 311-79. 914 Cass. civ. 2ème, 24 févr. 1988, Bull. civ. II, no 49, Cass. civ. 2ème, 21 juill. 1992, Bull. civ. II, no 218, Cass. civ. 2ème, 31 mai 2000, Bull. civ. II, no 90, JCP G 2001, II, no 10577, note C. Brutuille-Cardew. 915 Cass. civ. 2ème, 31 mai 2000, Resp. civ. et ass. 2000, n°260.

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bénéfice de certaines victimes.

410. Dommages causés à un conducteur. – Les conducteurs en revanche, parfois considérés comme les sacrifiés de la loi du 1985, peuvent se voir opposer leur propre faute soit pour limiter soit pour exclure l'indemnisation des dommages qu'ils ont subis (916). La notion de conducteur est, en effet, au cœur du système d’indemnisation. La qualité de conducteur repose sur des données matérielles tenant à la maîtrise et au contact entre le véhicule et l'homme. Est conducteur, celui qui accomplit les gestes nécessaires à la conduite d'un véhicule terrestre à moteur ou qui tout au moins en conserve la maîtrise. A ainsi été qualifié de conducteur le cyclomotoriste qui circulait en roues libres (917) alors que celui qui poussait à la main son véhicule ne l'est pas (918). Le passager qui contrôle la vitesse et la direction du véhicule terrestre à moteur prend la qualité de conducteur (919). L'automobiliste est conducteur du moment où il monte dans son véhicule jusqu'au moment où il en descend. L'automobiliste éjecté n'est plus un conducteur (920). Mais il demeure conducteur lorsqu'il est écrasé par le véhicule qui l'a éjecté car il s'agit d'un même accident (921). Demeure également conductrice, la personne placée à l'intérieur du véhicule terrestre à moteur qui tentait de le démarrer lors de la collision (922). Est conducteur l'automobiliste immobilisé dans son véhicule après le heurt d'une glissière de sécurité (923), ou celui qui reste au volant de sa voiture remorquée (924). N'est pas conducteur, ni même co-conducteur, l'élève apprenant à conduire car il ne dispose pas des pouvoirs de commandements (925). La protection offerte à la victime conductrice par la loi est plus limité que celle prévue pour le piéton ou le cycliste, L'article 4 de la loi de 1985 précise ainsi que « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subi ». Cette règle s'applique sans distinguer selon que ces dommages portent sur des biens ou la personne du conducteur. Lorsqu'un véhicule terrestre à moteur est seul impliqué dans un accident de la circulation, le conducteur, s'il n'en est pas le gardien, a droit, de la part, de celui-ci, à l'indemnisation des dommages qu'il a subis sauf s'il a

916 Loi de 1985, art. 4., Cass. crim., 27 novembre 2007, Resp. civ. et ass. 2008, n° 59. 917 Cass. crim., 17 janv. 1989, Bull. crim., n°18. 918 Cass. crim., 22 mars 1988, Bull. crim., n°63. 919 Cass. civ. 2ème, 31 mai 2000, Resp. civ. et ass. 2000, n°259, note H. Groutel. 920 Cass. civ. 2ème, 28 mai 1988, Bull. civ., n°82. 921 Cass. civ. 2ème, 15 mai 1992, Bull. civ., n°140. 922 Cass., civ. 2ème, 15 avr. 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n°213. 923 Paris, 13 juin l986, D. 1987, somm., p. 88. 924 Cass. civ. 2ème, 14 janv. 1987, Bull. civ., n°2. 925 Cass. civ. 2ème, 29 juin 2000, Resp. civ. et ass. 2000, n°294.

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commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice (926). Toute la difficulté est alors d’apprécier, dans ces cas, la faute du conducteur victime. La qualification de la faute est contrôlée par la Cour de cassation. Si l'on a coutume de dire que la Cour de cassation est juge du droit alors que le fait relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, il faut toutefois distinguer entre la constatation des faits et leur qualification. Le constat d'une réalité factuelle est une question de fait, la qualification et l'appréciation de cette situation est toujours une question de droit dont la Cour de cassation assure le contrôle (927). Concernant cette question casuistique de la faute de la victime conductrice, un auteur a dressé un inventaire (928). Cet auteur classe ces fautes selon que le manquement a exclu ou réduit le droit à réparation de la victime conductrice, ou encore les fautes qui tantôt excluent ou réduisent selon les juridictions comme le fait de se déporter à gauche (929), le fait de pousser, jambe gauche à l'extérieur son véhicule (930), la conduite sous l'emprise de l'alcool, le dépassement dans des conditions dangereuses, le refus de priorité, l'excès de vitesse, la modification du véhicule (931), etc.

ii – Dommages causés aux biens

411. Régime ordinaire. – S’agissant des dommages non corporels, la faute de la victime lui est opposable, qu’elle soit indistinctement un conducteur ou un conducteur (L. 5 juill. 1985, art 5 al.1). « La faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis ». Le principe est en effet que les dommages matériels peuvent en cas de faute de la victime ne pas être réparés. L'exclusion du droit à indemnisation nécessite que soit constatée une faute à l'encontre de la victime (932).

926 Cass. civ. 2ème, 10 juin 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n°291. 927 Cass. civ. 2ème, 1er avr. 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n°211 motocycliste ayant glissé sur une souillure de la chaussée, pas de faute, mais le conducteur d’une voiture qui glisse sur la chaussée jusque sur la voie inverse, caractérise la faute de son conducteur et écarte son droit à indemnisation : Cass. civ. 2ème, ler avr. 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n°212. Mais la prsence de brouillard écarte en principe l’idée de faute (Cass. civ. 2ème, 8 juill. 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n' 324). 928 F. Leduc, « Brèves remarques sur la sanction de la faute de la victime conductrice », Resp. civ. et ass., janvier 2001, p. 8. 929 Cass., civ. 2ème, 29 juin et 13 juillet 2000, La Jurisprudence Automobile, Janvier 200 1, p. 24. 930 Cass., civ. 2ème, 15 octobre 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n° 213. 931 Cass. crim., 13 nov. 2007, Resp. civ. et ass. 2008, n° 20. 932 Cass. civ. 2ème, 4 mars 1999, Resp. civ. et ass. 1999, n° 132, note H. Groutel, Cass. civ. 2ème, 21 décembre 2006, Resp. civ. et ass. 2007, n°114, note H.Groutel : Le tribunal d'instance ne pouvait prononcer un partage de responsabilité sans avoir relevé de faute à l'encontre du conducteur du véhicule endommagé.

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Existe toutefois une exception qui concerne les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicales, c'est à dire les appareillages et prothèses. Ces biens sont couverts comme la personne elle-même.

ββββ. – Les techniques d’indemnisation de la victime

412. Accélération des procédures d’indemnisation. – En toute hypothèse, pour la victime, les difficultés liées à la détermination de la responsabilité sont atténuées par la mise en jeu des contrats d'assurance « responsabilité automobile » que doivent, obligatoirement, conclure les propriétaires de véhicules à moteur. L'article 12 de la loi de 1985 dispose, en effet : « L'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. Une offre doit aussi être faite aux autres victimes dans un délai de huit mois à compter de leur demande d'indemnisation ». En outre, parmi les différents coauteurs, certains peuvent avoir commis une faute et d’autres points, ce qui pose la question complexe des recours entre coobligés. Ressurgissent alors les mécanismes classiques de la responsabilité civile délictuelle, au premier rang desquels, la faute. Il appartient d’ailleurs aux jugesdu fond de rechercher si les coauteurs ont commis des fautes (933). Entre coauteurs fautifs et non fautifs : Les conducteurs non fautifs peuvent se retourner contre les conducteurs fautifs mais l’inverse est impossible : on retrouve ici les règles traditionnelles de la responsabilité civile. Entre coauteurs fautifs : la répartition s’effectue selon les règles classiques de la responsabilité délictuelle. Entre coauteurs non fautifs : la charge de la faute est répartie par parts viriles (934).

5 – La responsabilité du fait des produits défectueux

413. Une transposition bien mal disposée. – Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est la traduction, en termes de responsabilité, de la massification des contrats et de leurs éventuelles conséquences avec quelques domaines d’application plus particuliers : le secteur alimentaire, le secteur pharmaceutique et celui des biens de

933 Cass. civ. 2ème, 4 juillet 2007, Resp. civ. et ass. 2007, n° 315, H. Groutel, La poursuite infernale, revue préc., repère n°11. 934 Cass. civ. 2ème, 12 octobre 2000, Resp. civ. et ass. 2001, n°16, note H. Groutel.

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grande consommation. Il résulte d’une directive du 25 juillet 1985 (935) par la loi du 19 mai 1998, avec plus de dix ans de retard, qui a ajouté un titre IV bis après l’actuel article 1386, les articles 1386-1 et suivants du Code civil pour créer un régime nouveau de responsabilité du fait des produits défectueux (936), d’application compliquée et controversée. Pourquoi un tel retard ? Ce retard est essentiellement dû à des raisons techniques. La directive impose en effet une harmonisation des règles en la matière, mais fondée sur des considérations d’égalité ou d’équivalence des règles, donc de concurrence essentiellement, et point de faveur aux victimes, alors que, parallèlement, la jurisprudence française développait un système d’indemnisation fondée sur la dissociation d’une obligation de sécurité de la vente (937). Le régime français, assez complet, fut cependant révisé par une loi du 9 décembre 2004 puis une autre du 5 avril 2006 à la suite de trois arrêts de la CJCE du 25 avril 2002 qui ont condamné la France, et d’autres pays, pour avoir « trop transposé » la directive : la loi ne doit pas prévoir une indemnisation des dommages inférieurs à 500 €, elle ne doit pas assimiler le distributeur au producteur, elle ne doit pas poser de conditions à l’exonération du producteur et l’obligation de sécurité jurisprudentielle très favorable aux victimes qui avait été façonnée par la Cour de cassation en une petite dizaine d’années, semble bien condamnée parce que la directive de 1985 étant une directive d’harmonisation des droits et non de protection des consommateurs, ce qui interdit d’aller au-delà de ses dispositions, fût-ce au bénéfice du consommateur (938). L’arrêt de la CJCE décidait en effet que l’article 1386-18 qui permet à un consommateur d’agir, indifféremment, sur le fondement du régime nouveau ou d’un régime de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, sur le fondement des articles 1382 ou 1384 ou de l’obligation prétorienne de sécurité, donc, doit être interprété comme interdisant « aux Etats-membres de maintenir un régime général de responsabilité du fait des produits défectueux autre que celui prévu par la directive » ce qui n’interdit pas une action fondée sur une faute délictuelle ou sur la garantie des vices cachés, mais

935 Y. Markovits, La directive CEE du 25 juillet 1985 (directive du 25 juillet 1985) sur la responsabilité du fait des produits défectueux, LGDJ, 1990. 936 Cf. J.-S. Borghetti, La responsabilité du fait des produits, LGDJ, 2004. 937 Cf. Cass. civ. 1re, 20 mars 1989, D. 1989.381, note Ph. Malaurie, Cass. civ. 1re, 11 juin 1991 (aff. du mobil home), Bull. civ. I, no 201; Cass. civ. 1re, 27 janv. 1993, Bull. civ. I, no

44, RTD civ. 1993.592, obs. P. Jourdain (à l’égard du sous-acquéreur); Cass. civ. 1re, 15 oct. 1996, Bull. civ. I, no 354; JCP 1997, I, 4025, obs. G. Viney, Cass. civ. 1re, 12 avr. 1995, JCP 1995, II, 22467, note P. Jourdain (à propos de la responsabilité d’un centre de transfusion sanguine dans la contamination du VIH); Cass. civ. 1re, 3 mars 1998, JCP 1988, II, 10049, rapp. P. Sargos, D. 1999, 36, note G. Pignarre et Ph. Brun, Cass.civ. 1re, 28 avr. 1998, JCP 1998.II.10088, rapp. P. Sargos. 938 Cf. CJCE, 25 avr. 2002, D. 2002, p. 1670, note C. Rondeley; D. 2002, p. 2462, note C.L., et v. J. Calais-Auloy, « Menace française concernant l’obligation de sécurité du vendeur professionnel », D. 2002, chron. p. 2458.

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condamne implicitement l’obligation prétorienne de sécurité telle qu’elle avait été envisagée.

414. Conditions d’application. – Le régime de responsabilité du fait des produits défectueux propose alors un régime original, ni délictuel ni contractuel, c’est-t-dire, applicable que la victime soit ou non liée par contrat avec le producteur. Il n’empêche pas en principe, mais sous les réserves majeures imposées par la CJCE en 2002, la concurrence avec d’autres régimes de responsabilité pour autant qu’ils portent sur des fondements différents, le vice cachés, la faute, le fait de la chose par exemple (C. civ., art. 1386-18). 1 – Des produits. La responsabilité du fait des produits défectueux est introduite par ’article 1386-1 du Code civil qui dispose que « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime », portant sur des choses particulières, des produits (C. civ. art. 1386-3), des biens meubles » même « incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse ou de la pêche » et l’électricité, corporels ou incorporels donc. 2 – Un produit défectueux. En outre, elle se fonde sur les potentialités de dangers des produits concernés: « un produit est défectueux lorsqu’il ne présente pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » en tenant compte « de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation » (C. civ., art. 1386-4). Ce n’est donc pas un produit affecté d’un vice caché, erroné, ou dangereux qui sont concernés. Un produit peut être dangereux sans être défectueux, tel le tabac ou certains médicaments (939) : la défectuosité se présente donc comme un défaut de sécurité envisagé du point de vue de l’attente d’un usager raisonnable et sans doute raisonnablement informé (940). 3 – Le producteur. Le responsable est le producteur, notion nouvelle et étrangement subjective. Il est défini (C. civ. art. 1386-6) comme le fabricant d’un produit fini, d’une matière première ou d’un composant (sont solidaires du producteur, C. civ. art. 1386-8), mais aussi ceux qui se présentent comme un producteur, comme ceux qui apposent leur marque sur un produit fabriqué par d’autres, ou les importateurs. En revanche, en sont exclus les constructeurs dont la responsabilité demeure celle que réglementent les articles 1792 et s. du Code civil. Par ailleurs, les vendeurs, loueurs (sauf le crédit-bailleur), professionnels ou « tout autre fournisseur professionnel » sont responsables comme le producteur des

939 Cass. civ. 1ère, 5 avr ; 2005, Bull. civ. I, n°173, JCP II, 10085, note L. Grynbaum et J.-M. Job, RTD civ. 2005, p. 607, obs. P. Jourdain. 940 Cass. civ. 1ère, 24 janv. 2006, Bull. civ. N°33, RTD civ. 2006, p. 325, obs. P. Jourdain

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défauts des produits qu’ils vendent ou qu’ils louent (C. civ. art. 1386-7), mais uniquement lorsque le producteur ne peut être identifié. Ils disposent cependant d’un recours contre le producteur, qui se prescrit par un délai d’une année. 4 – Une victime et un dommage. Indépendante de tout rapport contractuel, la victime est celle qui subit le défaut de sécurité et peut invoquer un dommage, réparable dans les conditions des articles 1386-1 et suivants du Code civil, s’il s’agit d’un dommage causé à sa personne ou d’un dommage causé à ses biens (autre que le produit défectueux lui-même) et d’un montant supérieur à 500 €. 415. Mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux. – La mise en œuvre de ce régime est assez complexe car très différente des modes traditionnels connus en droit français. 1 – Mise en circulation du produit. Ainsi, le producteur est susceptible d’être responsable à partir du moment de la mise en circulation du produit, qui ne s’effectue qu’une seule fois (C. civ. art. 1386-5, 1386-11, 2°) et s’éteint par un délai d’une durée de dix ans à compter de cette mise en circulation (C. civ. art. 1386-16), mais se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (C. civ. art. 1386-17). La mise en circulation du produit s’observe « lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement » c’est-à-dire, en observant a contrario l’article 1386-11, 3° du Code civil qui envisage les hypothèses d’exonération, « lorsque le produit a été destiné à la vente ou toute autre forme de distribution ». Elle est présumée et ne s’opère qu’une seule fois : c’est la présentation au public en quelque sorte. Le régime de double délai qui en résulte est très complexe: le régime de responsabilité des produits défectueux est en quelque sorte un régime de responsabilité à durée déterminée qui commence le jour de la mise en circulation et s’achève, comme un couperet, dix ans après. Or, ce n’est pas sans poser difficulté pour des biens dont l’usage serait plus long comme des immeubles, des avions, des bateaux, des véhicules…, ce qui montre l’intérêt de comparer ce régime nouveau et les régimes anciens (obligation de sécurité « traditionnelle », garantie des vices cachés, responsabilité pour défaut de conformité de d’information, responsabilité civile délictuelle pour faute, du fait des choses, du fait d’autrui), selon les cas. 2 – Preuve du dommage.. Dès lors, la victime, tiers ou contractant, doit démontrer l’existence du défaut, le dommage et le lien de causalité (C. civ. art. 1386-9). 3 – Exonération du producteur. Le producteur dispose toutefois de plusieurs moyens pour s’exonérer de sa responsabilité, assez complexes. Il peut, d’abord, invoquer le fait qu’il n’a pas mis le produit en

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circulation, que le défaut est né après la mise en circulation, qu’il n’était pas destiné à la vente ou qu’un tiers a concouru à la production du dommage auquel cas le producteur doit indemniser la victime avant de se retourner contre ce tiers, ou le défaut provient d’un composant ou d’un vice de conception imputable alors à un autre responsable, ou encore la faute de la victime. En revanche, le fait que le produit ait été fabriqué en conformité avec les règles de l’art, des normes existantes ou qu’il a bénéficié d’une autorisation administrative n’est pas exonératoire. Surtout le producteur peut invoquer le fait que le défaut est dû à la conformité du produit à une norme impérative (C. civ., art. 1386-11, 4°) et l’existence de « risques de développement », plus exactement, le fait « que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut » (C. civ. art. 1386-11, 4o). Il s’agit d’une disposition d’une dimension économique et, sans doute, philosophique, considérable : le producteur n’est responsable que des défauts dont l’état des connaissances techniques pouvait ou aurait dû pouvoir éviter. Le producteur ne pourra cependant pas invoquer les risques de développement dans deux hypothèses. La première est une limite absolue en cas de défaut né d’un produit du corps humain ou d’un élément du corps humain, où l’on reconnaîtra le sang contaminé et autres hépatites (C. civ. art. 1386-12, al. 2). Le second concerne l’hypothèse ou, le défaut s’étant révélé dans le délai de dix ans, le producteur n’a pas mis en œuvre « les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables », hypothèse plus large que « l’obligation de suivi » qui avait imposé cette réserve (C. civ. art. 1386-12, al. 2). Or, cette règle peut permettre aux juges de tempérer très largement l’exonération pour risques de développement; elle est condamnée par la CJCE. 4 – Limitations de responsabilité. Enfin, le régime des clauses limitatives de responsabilité est abordé: réputées non écrites en principe, elles ne sont valables, entre professionnels, que pour limiter ou écarter les dommages causés aux biens.

II. – La responsabilité délictuelle du fait d'autrui

416. L’autre article 1384, al. 1er du Code civil. – L'article 1384 al.1 dispose que « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde ». Comme pour la responsabilité du fait des choses, ce texte a souvent été considéré comme non normatif, comme un chapeau introductif du reste de l’article 1384 qui traite de divers cas particuliers de responsabilité du fait d’autrui (des parents du fait de leurs enfants, de

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l’employeur du fait de ses employés, etc.), pour l’essentiel, jusqu’à très récemment, 1991 avec l’arrêt Blieck (941), où un régime général de responsabilité délictuelle du fait d’autrui est apparu. Les hypothèses de responsabilité (relativement) générale du fait d’autrui n’étaient cependant pas inconnues du droit français. Tout au contraire, la responsabilité contractuelle du fait d’autrui est une situation très ordinaire, notamment lorsque le débiteur d’une obligation fait apparaître un tiers dans son exécution : un représentant (ne serait-ce que lorsque le débiteur est une personne morale) un salarié, un ami, un aide, un sous-contractant, etc., même si bien des auteurs considèrent qu’il ne s’agit qu’apparemment d’une hypothèse de responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Il s’agirait en effet d’une responsabilité personnelle, contractuelle, du débiteur de l’obligation, qu’il exécute lui-même l’obligation ou qu’il la fasse exécuter par d’autres. Reste, alors, le mécanisme délictuel de responsabilité du fait d’autrui, lequel repose sur l’identification d’un régime général de responsabilité du fait d’autrui (A) après que le Code civil ait identifié nombre de régimes spéciaux de responsabilité du fait d’autrui (B).

417. Mécanique de la responsabilité du fait d’autrui. – L’ensemble de ces régimes repose sur un certain nombre de règles communes, forgées à partir des règles spéciales de responsabilité du fait d’autrui (responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs, mes artisans du fait de leurs apprentis, des commettants du fait de leurs préposés, des instituteurs du fait de leurs élèves) mais qui, par leur concordance résonnent ensemble et de régime spécial en régime spécial, mais également à partir des règles communes dégagées par la jurisprudence à partir de 1991 sur le fondement de l’article 1384, al. 1er du Code civil. 1 – En premier lieu, les hypothèses de responsabilité du fait d’autrui mettent en scène trois personnes, au moins : la victime, l’auteur réel du dommage (autrui : un enfant, un salarié) et le responsable désigné de la réparation (les parents, l’employeur). Dès lors, si la victime peut, en général, demander réparation à l’auteur réel du dommage, elle peut également, sur le fondement de ces régimes demander réparation à la personne désignée par la loi comme civilement responsable. L’ auteur réel du dommage, ou responsable primaire est l’auteur des faits dommageables, il l’est l’autrui de ces cas de responsabilité. Il convient alors de vérifier que les conditions permettant l’engagement de sa

941 Cass. ass. plén. 29 mars 1991, Blieck, D. 1991.324, note Ch. Larroumet, JCP 1991, II, 21673, concl. Dontenwille, note J. Ghestin. Adde G. Viney, « Vers un élargissement de la catégorie des « personnes dont on doit répondre » : la porte entrouverte sur une nouvelle interprétation de l’article 1384, al. 1er du Code civil », D. 1991, Chr., p.157, H. Groutel, « La responsabilité du fait d’autrui : un arrêt (à moitié) historique », Resp. et ass. avr. 1991 ; Ph. Brun, « Faut-il reconnaître l’existence d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui ? », Mélanges H. Groutel, 2006, p. 375.

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responsabilité soient respectées : faute, négligence, imprudence, fait d’une chose dont il avait la garde. On voit mal, en effet, comment le responsable secondaire pourrait voir sa responsabilité engagée sans que le responsable primaire puise se voir reprocher un fait quelconque. Pourtant, de plus en plus, la responsabilité de l’auteur secondaire est détachée de l’idée de faute, surtout depuis l’arrêt Levert du 10 mai 2001 (942) : « pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur un mineur habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur ; que seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité » qui avait considéré que la responsabilité des parents n’est pas liée à une faute de l’enfant. Le responsable désigné du dommage, ou responsable secondaire, qui n’est pas le responsable des faits, l’est par le fait de la loi, s’agissant des pères et mères ou des employeurs, ou par l’interprétation de l’article 1384, al. 1er. Longtemps, cette responsabilité était fondée sur une présomption de faute : une faute d’éducation ou de surveillance. Désormais, depuis l’arrêt Bertrand du 19 février 1997 (943), adopté en matière de responsabilité des parents, cette responsabilité n’est plus fondée sur la faute, même présumée du civilement responsable. Par conséquent, cette responsabilité du fait d’autrui devient, elle aussi, une responsabilité objective, fondée sur une présomption de responsabilité lorsque quelques traits communs sont rassemblés : le civilement responsable exerce une autorité, volontaire ou légale, sur l’auteur réel des faits (autorité parentale, lien de subordination) et sur le mode de vie ou d’activité de ce dernier. 2 – En second lieu, la responsabilité du fait d’autrui est, depuis l’arrêt Bertrand de 1997, une responsabilité objective, de plein droit, de sorte que seul un évènement de force majeure, le fait d’un tiers ou la faute de la victime peuvent exonérer le responsable du fait d’autrui. C’est une simple tendance : dans les autres régimes de responsabilité du fait d’autrui, le cumul d’action demeure possible en attendant une future évolution mais les mécanismes sont en place : l’arrêt Bertrand et l’arrêt Levert fondent l’autonomie de la responsabilité des parents, qui peut être engagée sans faute de l’enfant. On voit mal comment une action contre l’enfant serait possible dans ces conditions. 3 – En troisième lieu, la responsabilité du fait d’autrui tend, aujourd’hui à exclure la responsabilité de droit commun. Longtemps, la mise en œuvre d’un régime du fait d’autrui n’excluait pas la mise en œuvre de la

942 Cass. civ. 2ème, 10 mai 2001, D. 2001, p. 2851, rapp. P. Guerder, note O. Tournafond, JCP, 2001, II, 10614, note J. Mouly, RTD civ. 2001, p. 601, obs. P. Jourdain. 943 Cass. civ. 2ème¸19 février 1997, D. 1997.265, note P. Jourdain, JCP 1997, II, 22848, note G. Viney.

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responsabilité de droit commun, fondée sur l’article 1382 du Code civil, de l’auteur réel des faits. La victime disposait donc d’un choix : engager une action contre l’auteur réel des faits ou engagée une action contre le responsable désigné, sans engager parallèlement d’action contre l’auteur réel, voire engager une action contre les deux de façon à obtenir une réparation in solidum. Cependant, l’arrêt Costedoat rendu par l’assemblée plénière le 25 février 2000 (944) a paru, en matière de responsabilité de l’employeur du fait de ses préposés, remettre en cause cette possibilité excluant, dans ce cas, l’action contre le salarié, sauf lorsque ce dernier était pénalement condamné (945). 4 – Enfin, la question du cumul de responsabilités objectives se pose. Un responsable désigné (du fait d’autrui, parents, employeur) peut-il être responsable du fait de la chose dont l’auteur réel (enfant, salarié) était le gardien ? Ce cumul est en principe possible dans tous les régimes de responsabilité, il est cependant exclu en matière de responsabilité de l’employeur du fait du salarié, exclusion de peu de portée dans la mesure où c’est généralement l’employeur qui est considéré comme le gardien de la chose utilisée par le salarié.

A – Le mécanisme général de responsabilité du fait d’autrui

418. Nécessité du mécanisme ? – Un tel mécanisme général de responsabilité du fait d’autrui, interprété à partir de l’article 1384, al. 1er « On est responsable… du dommage causé par le fait des personnes… dont on doit répondre » n’a été que tardivement envisagé, en premier parce que la suite de l’article 1384 énumère divers cas particuliers de responsabilité du fait d’autrui, raisonnement peu efficace puis c’est celui qui servit aussi, à la fin du XIXè siècle à nier l’existence d’un régime général de responsabilité du fait des choses, et surtout, en second, parce que au contraire de la responsabilité du fait des choses, un tel régime général n’apparaissait pas utile : la responsabilité des parents, celle des employeurs, à de moindres égards celles des instituteurs assumaient suffisamment ce rôle. Largement débattu durant tout le XXème siècle, l’élargissement des hypothèses particulières de responsabilité du fait d’autrui à un régime commun ne parut convaincre : la responsabilité générale du fait d’autrui échouait en jurisprudence (946), comme elle échoue toujours devant la Cour de cassation belge, pourtant sur le même fondement de l’article 1384, al 1er (947).

944 Cass. ass. plén. 25 févr. 2000, Costedoat, D. 2000, p. 673, note Ph. Brun, JCP 2000, II, 10295, concl. R. Kessous, note M. Billiau, RTD civ. 2000, p. 582, obs. P. Jourdain. 945 Cass. ass. plén. 14 déc. 2001, Cousin, D. 2002, p. 621, note J. Julien, JCP 2002, II, 10026, note M. Billiau. 946 Cf. Cass. civ. 2è, 15 févr. 1956, JCP 1956, II, 9564, note R. Rodière. 947 Cf. Cass. civ. (Bel) 19 juin 1997, Gaz. Pal. 1998, 2, 580.

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Or, depuis quelques années de nouvelles hypothèses de dommages, de nouveaux risques sont apparus : dommages causés par des handicapés, mentaux ou physiques, par des délinquants, par des enfants placés en colonie de vacances, dans des clubs sportifs, chez des proches, grands-parents par exemple,… qui n’entrent pas dans les perspectives particulières de l’article 1384 du Code civil. Dès lors la seule possibilité d’engager la responsabilité des personnes qui exercent une telle autorité, centre de vacances, association de réinsertion de délinquants, etc. est fondée sur la faute, faute de surveillance notamment, qu’ils auraient commis. Or, cette faiblesse du droit civil était patente comparée aux solutions offertes par le droit public, par exemple s’agissant de jeunes objet d’une mesure d’assistance éducative, appliquant un régime de présomption de faute, voire sans faute lorsqu’il s’agit de mineurs délinquants placés dans une institution de rééducation. L’idée d’un régime dépassant les strictes situations prévues par les régimes spéciaux est alors apparue dans le sens d’un principe autonome et objectif, à partir des termes de l’article 1384, al. 1er « les personnes dont on doit répondre » dont la responsabilité repose sur l’autorité qui les encadre : association de réinsertion, centre éducatif, club sportif…

419. Applications et justification du mécanisme : l’arrêt Blieck et ses suites. – L’arrêt Blieck a, en 1991, consacré cette nouvelle conception (948) à propos des dommages causés par un handicapé mental encadré par un centre spécialisé dont la responsabilité était recherchée et obtenue car il avait la charge du contrôle et de l’organisation et du contrôle, à titre permanent le mode de vie de ce handicapé. Cependant, l’arrêt Blieck ne fondait pas un régime général du fait d’autrui, fondé sur un principe de responsabilité mais, prudemment reconnaissait la mise en œuvre de ce mécanisme à partir d’un faisceau d’indices : « l’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé », critères qui se sont rapidement généralisés, à partir du second arrêt rendu en la matière, qui concernait la responsabilité d’une association sportive du fait des dommages commis par l’un des joueurs : « mais attendu que les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont

948 Cass. ass. plén. 29 mars 1991, Blieck, D. 1991.324, note Ch. Larroumet, JCP 1991, II, 21673, concl. Dontenwille, note J. Ghestin « : Le centre agréé était destiné à recevoir des personnes handicapées mentales, encadrées dans un milieu protégé, que (le handicapé) était soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée ; (…) d’où il résulte que l’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, la cour d’appel a décidé, à bon droit, qu’elle devait répondre de celui-ci, au sens de l’article 1384, al.1er du Code civil, et qu’elle tait tenue de réparer les dommages qu’il avait causés », Cass. civ. 2ème, 6 juin 2002, D. 2002, 2750 note M. Huyette, JCP 2003, II, 10068, note A. Gouttenoire-Cornu et Roget

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responsables, au sens de l’article 1384, al.1er du Code civil, des dommages qu’ils causent à cette occasion ; et attendu que l’arrêt a relevé, que l’équipe de Varetz participait à une compétition sportive, que l’auteur du coup de pied qui a grièvement blessé le joueur est un joueur de l’équipe de Varetz » (949). Ce régime de responsabilité est d’abord un mécanisme de responsabilité objective et automatique, en principe et reposant sur un critère, la « garde d’autrui », terme excessif et impropre, parallèle à celui de la « garde de la chose », alors que ce n’est pas une situation de fait, la « garde » d’autrui mais une logique d’autorité juridique, décline comme la mission d’organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie d’une personne, volontairement accepté (950). Organiser, contrôler et diriger l’activité de ses membres, c’est le triple critère désormais déterminé par la Cour de cassation, non sans rappeler celui promu en matière de responsabilité du fait des choses (usage, contrôle et direction de la chose, contre organisation, contrôle et direction d’une activité (951). En revanche, le critère de permanence, identifié par l’arrêt Blieck n’a pas été repris : il suffit que les trois critères soient rassemblés même de façon temporaire, comme c’est le cas d’un club sportif. Plusieurs fondements sont de nature à justifier l’existence d’un tel régime général de responsabilité du fait d’autrui. Le premier est le souci de protéger les victimes, étant entendu que les auteurs des faits générateurs sont peu solvables, enfants, handicapés… A cela s’ajoute le fait que le responsable désigné dispose fréquemment d’une assurance de responsabilité en mesure de répondre des faits des tiers. Le second tient au constat que les personnes qui répondent ainsi d’un tiers disposent d’une autorité effective sur les auteurs réels, fondée sur leur volonté de l’exercer (952) comme dans le régime de droit commun, ou par la loi dans les régimes spéciaux, et qu’ils doivent répondre de celle-ci, comme ils doivent répondre de l’activité dont ils sont chargés : il s’agit donc d’un système de responsabilité objective fondé sur la garde d’autrui, cette notion de garde d’autrui suffisant à justifier le mécanisme. Le régime ainsi fondé peut être considéré comme un régime nouveau et, ce faisant, qui demeure dans une logique de « généralité conditionnée », dans la mesure où le régime n’est pas totalement subsidiaire, mais finalement pas davantage que la responsabilité du fait personnel par rapports à tous les régimes spéciaux, envisageable pour autant qu’une

949 Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, 1er arrêt, Bull. civ. II, n°155, JCP 1995, II, 22550 note J. Mouly. 950 Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, préc., Cass. civ. 2è, 3 févr. 2000, Bull. civ. II, n°26. 951 Comp. Cass. civ. 2è, 12 déc. 2002, RTD civ. 2003, p. 305, obs. P. Jourdain, à propos d’une association de majorettes. 952 Cf. J. Julien, La responsabilité du fait d’autrui, Ruptures et continuités, PUAM 2001.

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faut soit démontrée, où la responsabilité générale du fait des choses comparés aux régimes spéciaux du fait des choses, qui suppose que le critère de la garde de la chose soit rassemblé. Le régime connaît alors deux grandes applications, connaissant alors des régimes un peu différents, s’agissant des personnes chargées du mode de vie d’un mineur et des associations sportives. 420. Personnes chargées du mode de vie d’un mineur. – L’évolution du régime dans cette direction a été générale avec quelques réserves cependant. Ainsi, un mineur confié à un organisme chargé d’une mission d’assistance éducative emporte responsabilité de ce centre du fait des enfants qui lui sont confiés (953), de même qu’un centre pour jeunes délinquants (954), d’une personne physique chargée es qualité tel un tuteur (955), décisions fondées, à chaque sur le même critère : l’organisation, volontairement acceptée du mode de vue d’une personne avec la mission d’organiser, de diriger et de contrôler son mode de vie. Le résultat est alors global : la responsabilité du fait des personnes ainsi prises en charge est reportée sur l’organisme ou la personne désignée pour tous les faits, même commis alors que la personne était hors du contrôle physique de l’organisme, par exemple au cours d’un séjour chez les parents du mineur (956). En revanche, le rapport d’autorité paraît insuffisant pour fonder, par exemple, la responsabilité des grands-parents (957) chez qui les enfants sont confiés pendant les vacances dans la mesure où il s’agit d’une simple situation de fait. Peu importe alors la situation, que la garde des grands-parents soit occasionnelle ou qu’elle s’effectue depuis le plus jeune âge de l’enfant (958) et la même solution vaut pour d’autres parents, des amis, etc. De même un syndicat n’est pas responsable des fautes de ses membres, à défaut de mission d’autorité juridique sur ces membres

953 Cass. civ. 2ème, 20 janv. 2000, Bull. civ. II, n°15, Cass. civ. 2ème, 22 mai 2003, D. 2004, p. 1342, note P. Jourdain. 954 Cass. civ. 2ème, 7 mai 2003, Bull. civ. II, n°129, D. 2003, p. 2256, note M. Huyette, Cass. crim. 26 mars 1997, D.1997.496 : « détenant leur garde, il avait pour mission de contrôler et d’organiser, à titre permanent leur mode de vie et « qu’il est donc tenu au sens de l’article 1384, al1er du Code civil sans qu’il y ait besoin de caractériser une faute de sa part ». 955 Cass. crim. 28 mars 2000, Bull. crim, n°140, JCP 2000, I, 241, n°8, obs. G. Viney, 2001, II, 10457, note C. Robaczewski. (tuteur d’un mineur), mais en revanche : Cass. civ. 2ème, 25 févr. 1998, Bull. civ. II, n°62, D. 1998, p. 315, conc. R. Kessous, JCP 1998, II, 10149, note G. Viney (tuteur d’un majeur). 956 Cass. civ. 2ème, 6 juin 2002, Bull. civ. II, n°120 ; Cass. civ. 2ème, 7 oct. 2004, Bull. civ. II, n°453, JCP 1996, I, 132, obs. G. Viney (incendie commis au cours d’un fugue). 957 Cass. civ. 2è, 18 sept. 1996, Bull. civ. I, n°217. 958 Cass. crim. 8 févr. 2005, JCP 2005, I, 149, obs. G. Viney.

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(959). 421. Associations sportives. – Le cas des clubs sportifs semble cependant connaître une évolution particulière. Si le principe de la responsabilité générale du fait d’autrui leur est applicable depuis les arrêts de 1995, et ce à l’occasion de compétition, de rencontres amicales ou des entraînements (960), la question de savoir si le régime de cette responsabilité correspond aux critères généraux posés en la matière à savoir : responsabilité objective (arrêt Bertrand de 1997), responsabilité indépendamment de toute faute (arrêt Levert de 2001), et difficultés à engager une action récursoire contre l’auteur réel (arrêt Costedoat de 2000, du moins en matière de responsabilité des commettants du fait de leurs employés). Or, la jurisprudence, par plusieurs arrêts à semblé contredire les solutions de l’arrêt Levert de 2001 en matière de responsabilité des clubs sportifs, peut-être en raison du risque particulier inhérent à l’exerce d’un sport et qui, déjà, fonde depuis longtemps la notion d’acceptation des risques en matière de responsabilité de droit commun fondée sur la faute. Précisément, des arrêts de 2003 (961) exigent au contraire la démonstration d’une faute dans le jeu. Ainsi, à propos d’un entraînement de rugby au cours duquel un joueur avait tenté d’en plaquer un autre, l’avait manqué et s’était blessé, la Cour de cassation avait censuré l’arrêt d’appel qui avait admis la responsabilité du club sportif (in solidum avec les assureurs) : « en statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations qu’aucune faute caractérisée par une violation des règles du jeu n’avait été commise par un joueur quelconque au cours de la phase d’entraînement durant laquelle (la victime) s’était blessée, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (962), marquant indubitablement une « résurgence de la faute dans la responsabilité civile du fait d’autrui » (963), en contradiction ave les solutions de l’arrêt Levert. Cette évolution particulière au domaine sportif s’explique pour plusieurs raisons : il ne faudrait que les accidents sportifs finissent par contaminer l’ensemble du droit de la responsabilité du fait d’autrui, comme autrefois, les accidents de la chose automobile avaient

959 Cass. Civ. 2ème 26 oct. 2006, Bull. civ. II, n°299, JCP 2007, I, 115, n°5, obs. Ph. Stoffel-Munck, II, 10004, note J. Mouly, D. 2007, p. 204, note J.-B. Lalou. 960 Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, préc., Cass. civ. 2ème, 3 févr ; 2000, Bull. civ. II, n°26, Cass. civ. 2ème, 13 janv. 2005, Bull. civ. II, n°10, Cass. civ. 2ème, 22 sept ; 2005, Bull. civ. II, n°234. 961 Cass. civ. 2è, 20 nov. 2003, D. 2004, 300, note G. Bouché, JCP 2004, II, 10017, note J. Mouly, Cass; civ. 2è, 8 avr.2003, D. 2004, p. 2601, note Y-M. Sérinet, JCP 2004, II, 10131, note M. Imbert, (ici fondée sur la responsabilité des commettants du fait des employés), Cass. civ. 2è, 13 mai 2004, Resp. civ. et ass. juill.-août 2004, n° 212, Cass. civ. 2ème, 21 oct. 2004, Bull. civ. II, n°477, D. 2005, p. 40 note J.-B. Laydu, RTD civ. 2005, p. 412, obs. P. Jourdain. 962 Cass. civ. 2ème, 21 oct. 2004, préc. 963 C. Radé, Resp. civ. ass. juill.-août 2004, p. 6.

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phagocyté la responsabilité du fait des choses. Les joueurs ne sont pas nécessairement des mineurs, des durs-à-cuire ou des faibles d’esprit, à la différence des personnes que gèrent les associations de handicapés ou de délinquants. Il reste que cette casuistique nuit forcément à l’homogénéité et à l’harmonie du régime, déjà bien complexe, de la responsabilité du fait d’autrui.

422. Régime du mécanisme. – Le régime de cette responsabilité est objectif, de telle manière que seule la démonstration d’un événement de force majeure permet, lorsque le mécanisme jour, d’exonérer le responsable désigné (964). Cette objectivité est cependant seconde : ainsi la victime doit démontrer l’existence du rapport d’autorité, comme dans les hypothèses dans lesquelles une personne, un mineur, est pris en charge par une institution et, dans le cas des associations sportives, la faute de jeu. La « garde d’autrui » peut alors être transférée ou, du moins, les critères d’un tel transfert doivent être mesurés (965) : une association chargée de la rééducation d’un mineur en liberté surveillée, ne transfère pas sa garde s’il est placé dans une famille d’accueil, ou lors d’une fugue.

B – Les régimes spéciaux de responsabilité du fait d’autrui

1 – La responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants mineurs

423. Responsabilité devenue objective. – Le principe de cette responsabilité est posé par l'article 1384, al. 4 C.civ. qui dispose que « le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux... La responsabilité ci-dessus a lieu à moins que les père et mère... ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ». Longtemps considéré comme un régime de responsabilité fondé sur une présomption de faute, faute de surveillance, faute d’éducation, ce qui était systématiquement affirmé en jurisprudence (966), ce régime de responsabilité repose sur la formule de l’article 1384, al.4 du Code civil. Son évolution est en partie liée à celle de l’autorité parentale. La loi du 4 juin 1970 rattacha la responsabilité des parents au droit de garde, « en

964 Cf. par ex : Crim. 26 mars 1997, Bull. crim. n°124, JCP 1997, II, 22868, 1998, II, 10015, note M. Huyette : « les personnes tenues de répondre du fait d’autrui au sens de l’article 1384, al. 1er du Code civil, ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute ». 965 Cf., Cass. crim. 10 oct. 1996, D. 1997, p. 309, note M. Huyette, Cass. civ. 2è, 9 déc. 1999, D. 2000, 713, note Galliou-Scanvion. 966 Cf. Cass. civ. 2è, 12 oct. 1955, D. 1956, p. 301, note R. Rodière.

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tant qu’ils exercent le droit de garde » précisait l’article 1384, al. 4 jusqu’à la dernière réforme de l’autorité parentale par la loi du 4 mars 2002 : « en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ». Fondé sur une présomption de faute, le régime permettait aux parents de s’exonérer de leur responsabilité en démontrant qu’ils n’en avaient pas commise, ni de faute d’éducation, ni de faute de surveillance. Depuis l’arrêt Bertrand de 1997 (967), cependant, ce régime de responsabilité est fondé sur une présomption de responsabilité : c’est une responsabilité objective, ce qu’avait annoncé l’arrêt Fullenwarth de l’assemblée plénière de 1984 (968).

424. Conditions de la responsabilité des parents. – Les conditions de la mise en œuvre de ce régime de responsabilité reposent sur l’existence d’un fait dommageable commis par un enfant mineur sous l’autorité de ses parents, fait qui aurait pu engager sa responsabilité. Peu importe la nature de ce fait dommageable. Il peut s’agir d’une faute d’une faute même si l’enfant n’en a pas conscience (969), du fait d’une chose dont il a la garde (970), d’un enfant mineur non émancipé au jour de la commission du fait (971) dont les parents assument la responsabilité en raison de leur qualité de parents (972) au sens biologique du terme, ce qui pose le problème des aléas juridiques de l’établissement du lien parental (973) et également en raison du lien d’autorité que confère l’autorité parentale sur les enfants. Leur responsabilité cesse alors en même temps que cesse leur autorité, seule la responsabilité pour faute de l’enfant, ou de celle des parents, voire sur celui de l’article 1384, al.1er du Code civil si l’enfant à été confié à une institution, pourraient alors être invoqués par la victime d’un fait de l’enfant. En outre, la jurisprudence exigeait une

967 Cass. civ. 2ème¸19 février 1997, D. 1997.265, note P. Jourdain, JCP 1997, II, 22848, concl. R ; Kessous, note G. Viney : « l’arrêt ayant exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer M. Bertrand de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par son fils mineur habitant avec lui, la cour d’appel n’avait pas à rechercher l’existence d’un défaut de surveillance du père »i. Cass. civ. 2ème, 2 dec ; 1998, RTD civ. 1999, p. 410, obs. P. Jourdain (le fait de l’enfant lui-même n’est, évidemment, pas un événement de force majeure), Cass. civ. 2ème, 29 avr. 2004, Bull. civ. II, n°202 (faute partiellement exonératoire de la victime). 968 Cass. ass. plén. 9 mai 1994, cf. supra, n°371. 969 Cass. ass. plén., 9 mai 1984, (Fullenwarth, Derguini), préc. 970 Cass. ass. plén., 9 mai 1984 (Gabillet), préc. Cass. civ. 2ème, 10 mai 2001, (Levert) D. 2001, p. 2851, rapp. P. Guerder, note O. Tournafond, JCP, 2001, II, 10614, note J. Mouly, RTD civ. 2001, p. 601, obs. P. Jourdain., Cass. ass. plén. 13 déc. 2002, D. 2003, p. 231, note P. Jourdain, JCP 2003, II, 10010, note Hervio-Lelong, Dr. famille 2003, n°23, note J. Julien, Cass. ass. plén. 17 janv. 2003, D. 2003, p. 591, note P. Jourdain, arrêt rectificatif, Cass. civ. 2ème, 3 juill. 2003, Resp. civ. et ass. 2003, n°253. 971 Cass. civ. 2ème, 25 oct. 1989, Bull. civ. II, n°194. 972 Cf. Cass. civ. 2ème, 25 janv. 1995, Bull. civ. II, n°29. 973 Cf. Cass. crim. 8 déc. 2004, Bull. crim. n°315, sur le caractère rétroactif de la décision d’annulation de reconnaisance d’un enfant.

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cohabitation avec l’enfant, ce qui résulte d’ailleurs du texte de l’article 1384, al. 4 du Code civil et les parents pouvaient alors s’exonérer en prouvant l’absence de cohabitation ou l’absence de surveillance. Depuis l’arrêt Bertrand, toutes ces discussions sont stériles : le seul fait de l’enfant engage la responsabilité des parents, ce qui est peut-être un peu excessif. La responsabilité devient totalement automatique, peu important la qualité de l’éducation des enfants : mais enfin, un enfant effectivement bien éduqué peut commettre un fait dommageable même sans faute, les parents sont assurés, il est difficile au juge de se comporter comme un sociologue ou un psychologue des familles, l’expérience montrant que les enfants difficiles se rencontrant dans les tous les milieux. Lorsque les deux parents, légitimes ou naturels, peu importe depuis la loi de 2002, exercent l’autorité parentale, leur responsabilité est solidaire. Par ailleurs, la séparation des parents est sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale, sauf exception : les parents, même divorcés, sont responsables solidairement. Ici encore, la règle vérifie le fondement de l’article 1384, al.1er, reposant sur l’autorité parentale, et non plus sur l’idée d’éducation ou de surveillance. Enfin, la notion de cohabitation qui est une des conditions relatives à l’enfant s’entend de façon abstraite : l’enfant dans un internat est supposé cohabiter avec ses parents (974). Si l'un des parents seulement dispose de l'autorité parentale, il supporte la responsabilité de plein droit mais le parent qui ne l’exerce pas n'est responsable, même pendant les périodes où il héberge l'enfant, que sur le fondement d'une faute de surveillance prouvée. D’ailleurs l’arrêt Levert (975) : « la responsabilité des parents n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant » a renforcé cette position. Ce qui est singulier c’est que la responsabilité des parents peut être engagée du fait de leur enfant alors qu’ils n’auraient peut-être pas été responsables si on avait engagé leur responsabilité personnelle sur l’article 1382. C’est là, précisément, tout l’intérêt de ce régime alternatif offert aux victimes, en une forme de garantie : il suffit que l’enfant soit impliqué dans un dommage pour que ses parents voient leur responsabilité engagée (976). On mesure alors en quoi la responsabilité du fait d'autrui diffère de la responsabilité personnelle d’un parent, que l'on peut toujours engager sur la preuve d'une faute de sa part, sans qu'alors la responsabilité de l'enfant soit nécessaire.

974 Cass. civ. 2ème, 29 mars 2001, JCP 2002, II, 10071, note Prigent. 975 Cass. civ. 2ème, 10 mai 2001, D. 2001, p. 2851, rapp. P. Guerder, note O. Tournafond, JCP, 2001, II, 10614, note J. Mouly, RTD civ. 2001, p. 601, obs. P. Jourdain. 976 Cass. ass. plén. 13 déc. 2002, D. 2003, p. 231, note P. Jourdain, JCP 2003, II, 10010, note Hervio-Lelong, Dr. famille 2003, n°23, note J. Julie, Cass. ass. plén. 17 janv. 2003, D. 2003, p. 591, note P. Jourdain, arrêt rectificatif, Cass. civ. 2ème, 3 juill. 2003, Resp. civ. et ass. 2003, n°253.

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2 – La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés

425. Conditions d’application. – Le principe de ce régime de responsabilité est posé par l'article 1384, al. 5 du Code civil : « les maîtres et les commettants (sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». Il s’agit d’un régime de responsabilité pour autrui très important puisqu’il couvre toutes les fautes commises par un salarié, mises à la charge de son employeur, sur le fondement de l’idée de risque : l’employeur dispose de l’autorité sur les préposés, il dispose d’un devoir de surveillance de ceux-ci et un devoir d’instruction, il est en principe solvable, il est assuré. Il en résultait que la responsabilité du commettant était plus intense que la responsabilité des parents du fait de leurs enfants. La présomption de faute qui pèse sur le commettant était considérée comme irréfragable dès lors que la faute commise par le salarié correspondait à un acte rattachable aux fonctions du salarié : on était alors très proche d’un régime de responsabilité objective, mais en fait il suffit alors de prouver que la faute n’est pas rattachable à une fonction du salarié, ce qui constitue d’ailleurs l’une des difficultés d’application de ce régime.

426. Relation de préposition. – Il convient, d’abord, que soit identifiée une relation de commettant à préposé, c’est-à-dire que l’on identifie une relation de préposition entre deux personnes. Il s’agit le plus souvent des relations établies par un contrat de travail, mais pas seulement. Le critère à rechercher est celui d’un rapport d'autorité, qui reposait pendant longtemps sur l'existence d'un lien de subordination, que ce lien existe par nature comme en droit du travail, ou qu’il existe en fait ou de façon occasionnelle. De cette manière les règles de responsabilité sont indépendantes de celles proposées pour la définition, en droit du travail, du lien de subordination. Si l’existence d’un lien de subordination était la condition suffisante à l’existence d’un lien de préposition, elle n’en est pas la condition nécessaire dans la mesure où la relation de préposition est plus floue : celle de l’activité pour le compte d’autrui. Peu importe par conséquent que le préposé jouisse d’une situation supérieure à celle du commettant, que l’autorité de l’employeur ne puisse pas s’exercer pour des raisons de fait liées à l’éloignement du préposé par exemple, pour des raisons personnelles, la crainte dans les relations de famille, le fils peut être le préposé du père et réciproquement, une femme de son mari et, ici encore, réciproquement, des concubins des amis, etc. On ne distingue donc pas le préposé permanent et le préposé occasionnel. Le préposé occasionnel est la personne qui se place momentanément sous l'autorité de fait d'une autre, sans aucun support contractuel. Cette autorité est informelle : elle repose sur une situation

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d'autorité, souvent pour une opération de courte durée. Celle-ci peut résulter de rapports familiaux, amicaux ou d’affaires. Par exemple, le propriétaire d'une voiture qui confie quelques instants le volant en demeurant aux côtés du conducteur en est le commettant ; l'ami qui effectue un travail pour rendre service peut être préposé occasionnel, tout comme l'équipe de partisans d'un candidat collant des affiches électorales. Ce peut être aussi pour des raisons juridiques. Par exemple, l’avocat salarié exerce une activité pour le compte d’autrui mais n’est pas dans un lien de subordination, comme le médecin salarié et les professions libérales exercées sous forme salariée de façon plus générale, le salarié d’une personne morale est le préposé de cette personne morale. On peut observer en outre un transfert d’autorité, par exemple en matière de travail temporaire, de mise à disposition de personnel, de stages, etc. : en ce cas, la responsabilité de déplace sur la tête du nouveau commettant. Parfois, l’autorité est cumulée (préposé travaillant pour deux commettants : ex : berger gardant les bêtes de plusieurs propriétaires) voire divisée (exemple de la location d’un véhicule avec chauffeur où le loueur est le commettant pour le fonctionnement technique du véhicule et le locataire pour son utilisation, un peu comme en matière de garde de la structure et du comportement de la chose). Sur cette base, les applications sont nombreuses, même si c’est à la victime de démontrer l’existence du lien de préposition (977). C’est le cas du contrat de travail. L’employeur est le commettant du salarié. Le salarié est parfois mis par son employeur à la disposition d'un tiers. C’est principalement le cas de la location d'un véhicule avec chauffeur, des entreprises de travail intérimaire, des cabinets d’audit…. Le salarié demeure préposé mais le commettant peut changer et devenir le nouvel employeur s’il dispose du pouvoir d’instruction et de surveillance de ce préposé. Ce peut être le cas d’un contrat de mandat, bien qu’en principe le mandataire jouisse d’une certaine autonomie lorsque le mandataire s'engage à respecter les instructions du mandant sans jouir d'une véritable autonomie. C’est le cas par exemple des agents généraux d’assurance : la compagnie d’assurance est responsable de leur fait (C. ass., art. L. L. 511 –1). Ce n’est pas le cas en principe du contrat d'entreprise : l'entrepreneur, le médecin, l'avocat, concluent un tel contrat mais exécute leur obligations en toute indépendance et n’exerce pas son activité pour le compte d’autrui.

427. Fait dommageable du préposé. – Il convient ensuite que le préposé commette un fait dommageable, c’est-à-dire que la responsabilité personnelle du préposé puisse être engagée. Cette condition appelle

977 Cf. Cass. com. 24 janv. 2006, Bull. civ. IV, n°14, RTD civ. 2006, obs. P. Jourdain : la skipper n’est pas nécessairement le péposé de l’armateur.

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cependant quelques remarques qui en limitent la portée. Le préposé ne peut pas d’abord avoir la qualité de gardien d'une chose. La jurisprudence considère que le préposé ne dirige les choses qui lui sont confiées dans l'exercice de ses fonctions qu'en exécution des instructions qu'il reçoit, et donc sans indépendance (978). Il ne dispose donc par de l’usage, de la direction et du contrôle de la chose, il n’en est pas le gardien. La qualité de préposé et celle de gardien sont donc incompatibles. Une personne conduit un véhicule d’une entreprise : c’est l’employeur qui dispose de la garde du véhicule : lorsqu'un chauffeur routier circule pour le compte de son employeur ; il utilise un outil, c’est l’employeur qui en a la garde… Ces responsabilités sont donc alternatives. Cette solution est cependant désuète : comment admettre en effet qu’un enfant est responsable du fait des choses qu’il utilise, transférant sa responsabilité primaire à ses parents, et qu’un salarié ne le soient pas ? L’artifice tombe en outre devant les exemples qui se multiplient de responsabilité d’un commettant du fait de préposés qui ne sont pas des salariés et devant l’évolution des critères du contrat de travail, où le lien de subordination n’est souvent que fictif (cadres dirigeants, professions libérales exerçant leur activité sous forme salariée, etc.). Dans ce cas, la responsabilité de l’employeur est engagée du fait de la chose dont il a la garde, mais point sur le fondement de la responsabilité du fait d’autrui, le fait de chose ont le préposé est gardien. Ce n’est pas qu’une question de simplification technique : l’employeur ne peut se retourner contre le préposé. Le mécanisme de responsabilité échoue lorsque le préposé cause un dommage à un client de son commettant par le fait même de la mauvaise exécution d'un contrat : un manutentionnaire fait tomber un colis d’un client de son employeur par exemple, le comptable qui commet une erreur dans les compte d’un client. En ce cas, en effet, c’est la responsabilité contractuelle de l'employeur, en tant qu’il est un contractant, à l’égard de con cocontractant qui s’appliquent, un système de responsabilité contractuelle du fait d’autrui.

428. Fait dommageable rattaché aux fonctions du préposé. – Il convient, enfin, que l’acte dommageable commis par le préposé puisse être rattaché à ses fonctions. Lorsque la faute est effectuée dans le cadre des fonctions du préposé et dans l’exécution stricte de son travail : il n’y a aucun doute, la responsabilité pèse sur le commettant (979). Inversement, les fautes commises par un salarié en dehors de son travail ou sans aucun rapport avec les fonctions du salarié sont, sans conteste, impossibles à rattacher à la responsabilité du commettant : c’est le cas de

978 Cf. Cass. civ. 2ème, 1er avr. 1998, RTD civ. 1998, p. 914, obs. P. Jourdain. 979 Cf. Cass. crim. 5 mars 1992, Bull. crim. N°101.

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la plupart des délits et crimes majeurs : vol, coups et blessures, meurtre, peu important qu’ils se soient déroulés dans les lieus de travail (980). La question est plus complexe lorsque la faute est commise pendant l’exercice des fonctions ou à l’occasion des fonctions du préposé : le vol concerne un client de l’employeur, ou lorsque les coups sont donnés avec un outil ou une arme appartenant au commettant. C’est le cas aussi d’actes réalisés en fonction mais alors que la victime savait qu’il n’était pas effectué dans l’intérêt du commettant : détournements de fonds, cas de l’employé d’une société de gardiennage qui est chargé de la surveillance d’un entrepôt et qui dévalise celui-ci ou qui l’incendie, le chauffeur routier qui utilise un véhicule à des fins personnelles.

429. L’abus de fonction. – La question pose alors beaucoup de difficulté dans des situations où l’acte se situe à la limite entre des fonctions attribuées au préposé, on parle « d’abus de fonction », notion que la jurisprudence a eu à trancher, difficilement. Les difficultés tiennent au fait que le préposé n’est pas sous la garde permanente de l’employeur mais uniquement pendant les périodes de travail et l’employeur n’assumera que les fautes commises pendant cette période et pour autant que la faute est commise dans l'exercice de sa fonction par le préposé, ce qui pose problème de la délimitation des « fonctions » et de ce qui est « hors fonction » et qui a donné lieu à une jurisprudence complexe. Deux conceptions s’opposent. Une conception large de la responsabilité du commettant et, à l’inverse, une conception étroite de l’abus de fonction retient la responsabilité du commettant chaque fois que le préposé agit «à l'occasion » de ses fonctions, grâce à des moyens qu'il n'aurait pas eus sans lesdites fonctions : c’est l’activité du commettant qui a été à l’origine de l’abus de fonction. L’activité comporte donc en elle-même le risque d’abus. Inversement, l’abus de fonction est alors apprécié de façon stricte, ce qui est favorable à la victime. Une conception étroite de la responsabilité du commettant ne retient la responsabilité du commettant que lorsque l'employé s'est soustrait à son autorité, ce qui suppose une conception large de la notion d’abus de fonction, solution peu favorable à la victime qui devra se contenter d’une action contre le préposé. Longtemps, la chambre criminelle de la Cour de cassation consacrait la conception large et les chambres civiles retenaient la conception étroite. Plusieurs arrêts des chambres réunies et de l'Assemblée plénière (cinq en 28 ans !) ont retenu la conception étroite (981) sans résultat de la part de la chambre criminelle.

980 Cf. Cass. civ. 3ème, 6 févr. 2003, Bull. civ. II, n°28. 981 depuis fort longtemps : Cass. ch. réunies, 9 mars 1960, D. 1960.329, note R. Savatier, cass. ass. plén. 10 juin 1977, D. 1977.465, note C. Larroumet, JCP 1977, II, 18730.

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Dans les années 1980, cette controverse a repris, pour consacrer à nouveau la conception étroite du côté de l’assemblée plénière ce que la doctrine a tendance à critiquer (comme la chambre commerciale) en raison de l’inconvénient qu’elle emporte pour la victime, de sorte que cette controverse n’est sans doute pas close. La question est particulièrement technique : elle repose sur l’appréciation des conditions : le préposé a agi hors de ses fonctions, abus de fonction réalisé sans autorisation, le préposé a agi à des fins étrangères à ses attributions. Toute l’évolution de la jurisprudence correspond à la validation de ces trois conditions et à leur appréciation : plus ces conditions sont envisagées de façon stricte et plus on se rapproche de la conception restrictive, rejetée par la Chambre criminelle.

430. Evolution de la jurisprudence française en matière d’abus de fonction sous forme de Vaudeville. – Feuilleton ou Vaudeville comme on préfèrera, l’évolution jurisprudentielle en la matière a duré près de trente ans. Prologue. La jurisprudence retenait au départ une solution favorable à la victime par une conception large de la notion de fonctions du préposé, même si l’acte dommageable sortait objectivement du cadre de celles-ci, il suffisait que le commettant ait facilité la commission de cet acte (exemple de l’accident commis par un employé pendant ses vacances, mais avec le véhicule de l’entreprise). Acte I. Scène 1. La deuxième chambre civile a ensuite proposé une solution plus restrictive, contrairement à la chambre criminelle. Ainsi, dans une affaire où un chauffeur d’une entreprise avait emprunté un camion à des fins personnelles et commis un dommage à cette occasion, la Cour de cassation décida d’écarter la responsabilité du commettant au motif que « lorsque l’acte dommageable a trouvé sa source dans un abus de fonction de la part du préposé, ledit abus supposant nécessairement que cet acte est étranger à la fonction » (982). Scène 2. Peu importe pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Scène 3. En 1960, un arrêt des Chambres réunies (983) tenta de concilier ces positions. Il s’agissait à nouveau d’un ouvrier ayant emprunté un véhicule de l’entreprise puis causé un dommage et la Cour décida de s’en tenir la solution des chambres civiles, retenant donc la solution restrictive, le seul lien entre le dommage et les fonctions de l’ouvrier étant que comme employé il avait la faculté d’accéder au hangar à véhicule. Acte II. Scène 1. La Chambre criminelle de la Cour de cassation continue d’utiliser sa jurisprudence, ignorant la solution des Chambres réunies. Scène 2. L’assemblée plénière, en 1977 revenait à nouveau sur cette

982 Cass. civ. 2ème, 14 juin 1957, D. 1958.53, note R. Savatier. 983 Cass. ch. réunies, 9 mars 1960, D. 1960.329, note R. Savatier.

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solution. Il s’agissait toujours de l’hypothèse de l’usage abusif d’un véhicule : « le commettant n’est pas responsable du dommage causé par le préposé qui utilise, sans autorisation, à des fins personnelles, le véhicule à lui confié pour l’exercice de ses fonction » (984). Scène 3. En 1983, nouvel arrêt de l’Assemblée plénière. Il s’agissait d’un chauffeur livreur de fuel qui, désireux de ne pas être surpris en train de voler avait déversé son chargement dans un champ en polluant les sources alimentant en eau un village voisin : « les dispositions de l’article 1384, al 5 du Code civil ne s’appliquent pas au commettant en cas de dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé » (985). Scène 4. Nouvel arrêt, toujours de l’Assemblée plénière, en 1985. Le salarié d’une société de surveillance avait volontairement allumé un incendie dans le local qu’il était chargé de surveiller, afin d’attirer l’attention de son employeur sur l’insuffisance des moyens de sécurité : « ayant souverainement retenu que le préposé avait agi de façon délibérée, quels que fussent ses mobiles, à l’encontre de l’objet de sa mission, à des fins contraires à ses attributions, la juridiction en a justement déduit qu’il s’était placé en dehors des fonctions auxquelles il était employé » (986). La conception restrictive se durcit donc un peu dans la mesure où il convient que deux conditions soient réunies pour identifier un abus de fonction : l’absence d’autorisation, et l’exercice d’une activité étrangère à ses attributions (avant 1985, certains estimaient que la formule de l’arrêt de 1983 exigeait trois conditions, les deux déjà citées et le dépassement d’objectifs de ses fonctions). Scène 5. Cette avalanche de décisions de la plus haute formation judiciaire française n’a pourtant pas réussi à convaincre la chambre criminelle de sorte que l’assemblée plénière s’est à nouveau réunie en 1988. Un agent d’assurance avait détourné des fonds qu’il obtenait en prospectant pour le compte de son employeur : « le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son proposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et a des fins étrangères à ses attributions » exigeant donc trois conditions cumulatives pour admettre un abus de fonction (987), rendant très difficile l’hypothèse de la démonstration de la l’abus de fonction (988).

984 D. 1977.465, note C. Larroumet, JCP 1977, II, 18730. 985 Cass. ass. Plén. 17 juin 1983, JCP 1983, II, 20120, note F. Chabas, RTD civ. 1983, p. 749, obs. G. Durry, Grands arrêts, n°142. 986 Cass. ass. Plén, 15 nov. 1985, D. 1986.81, note J.-L. Aubert, JCP 1986, II, 20568, note G. Viney. 987 Cass. ass. plén. 19 mai 1988, D. 1988.513, note Ch. Larroumet, RTD civ. 1989, p. 89, obs. P. Jourdain. 988 Mais possible : Cass. civ. 2ème, 3 juin 2004, Bull. civ. II, n°275, JCP 2005, I, 132, n°5, obs. G. Viney, RTD civ. 2004, p. 742, obs. P. Jourdain.

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Epilogue (?). Depuis, et malgré la soumission de la chambre criminelle (989) la jurisprudence développe également l’idée de l’apparence : les clients d’une banque peuvent engager la responsabilité d’une banque, employeur d’un préposé qui a détourné de fonds de ses clients, alors que ces derniers pouvaient légitimement croire que le préposé agissait dans l’exercice de ses fonctions (990).

431. Régime de la responsabilité des commettants. – Le commettant engage sa responsabilité du seul fait que les conditions sont remplies, par un mécanisme de responsabilité qui ressemble à un régime de responsabilité objective, mais qui est en réalité plus complexe. Il ne peut naturellement pas s’exonérer en invoquant la faute d’un tiers qui serait le préposé. Les effets de ce régime de responsabilité étaient complexes : la victime pouvait agir soit contre l’employeur seul, sur le fondement de l’article 1384, al. 5 soit contre le préposé seul, soit contre les deux, in solidum. Le commettant pouvait alors exercer une action récursoire contre le préposé. Depuis l’arrêt Costedoat cependant (991), la jurisprudence limite cette hypothèse « un préposé qui agit ses excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers ». C’est le système du « tout ou rien » ou bien le préposé est responsable parce qu’il a commis un abus de fonction, et point le commettant, ou bien il est demeuré dans ses fonctions et c’est la responsabilité du commettant, point celle du préposé qui est engagée, ce dernier bénéficiant alors d’une singulière immunité. Un arrêt postérieur, l’arrêt Cousin du 14 déc. 2001 (992) a cependant limité la portée de l’arrêt Costedoat en considérant que le préposé condamné pour une faute pénale pouvait voir sa responsabilité engagée, même si cela avait effectué sur l’ordre du commettant, voir su la base d’une faute intentionnelle (993).

3 – La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis

432. Comme des parents. – Ce régime de responsabilité était tout à la fois rapproché de la responsabilité des instituteurs, jusqu’en 1937 où la présomption de faute des instituteurs a été supprimée, et des parents. Héritée d’une conception paternaliste de l’emploi dans les petites entreprises artisanales, la

989 Cf. Cass. crim., 19 févr. 2003, Bull. crim., n°43 (le passage en contrebande de cigarettes avec le camion de l’employeur s’effectue à des fins étragères aux attributions du salarié, sans autorisation, mais n’est pas hors fonction). 990 Cass. civ. 2ème, 29 mai 1996, Bull. civ. II, n°118. 991 Cass. ass. plén. 25 févr. 2000, D. 2000, p. 673, note Ph. Brun, JCP 2000, II, 10295, note M. Billiau. 992 Cass. ass. plén., 14 déc. 2001, D. 2002, 1230, note J. Julien. 993 Cass. crim. 28 mars 2006, Bull. crim. 2006, RTD civ. 2007, p. 135, obs. P. Jourdain.

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responsabilité des artisans à l'égard des dommages provoqués par le fait de leurs apprentis est prévue par l'article 1384, al.6 du Code civil qui dispose que « les artisans sont responsables du dommage causé par leurs... apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance... La responsabilité est engagée... à moins que... les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ». Le régime de la responsabilité des artisans est très voisin de celui de la responsabilité des parents (la seule différence étant que l'apprenti n'est pas toujours un mineur), à tel point que les auteurs considèrent que la solution de l’arrêt Bertrand doit pouvoir s’appliquer à ce régime.

4 – La responsabilité de l’administration du fait de ses agents

433. Responsabilité administrative, mais… – La responsabilité de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics relève des règles du droit administratif. Il reste cependant que l’Etat peut engager sa responsabilité civile, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, en tant que personne morale dans certaines situations. Le premier cas concerne les « voies de fait » : ce sont des situations dans lesquelles l’administration a agi de manière tellement évidente en dehors de ses attributions que son action est dénaturée et qu’elle doit être traitée comme un simple particulier par le juge judiciaire, lorsqu’elle a accompli des agissements matériels portant gravement atteinte à une liberté fondamentale ou à la propriété privée, ou bien parce l’administration manque de droit ou excèdent les siens, ou bien par manque de procédure (exécution forcée d’une décision illégale). Aujourd’hui, cette catégorie est en voie de réduction, voire de disparition, du fait de l’institution du référé administratif depuis la loi du 30 juin 2000. Le second cas concerne la notion d’ « emprise irrégulière », c’est-à-dire la dépossession d’un particulier de sa propriété immobilière. En outre, l’administration peut voir sa responsabilité engagée du fait de ses agents. L’originalité de ces régimes repose sur le fait qu’ici, l’administration, l’état, se substitue à l’agent et ne peut se retourner contre celui-ci. Les règles du droit administratif ont permis d’envisager plusieurs cas le dernier ressemblant au régime de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés. Les fautes de service d’un fonctionnaire n'engagent pas sa responsabilité personnelle, mais seulement celle de l'Administration. Peu importe alors que la faute soit aussi pénalement qualifiée. Par exemple, est une faute de service l’accident commis, durant le service, même si la faute est également considérée comme un homicide involontaire. Les fautes personnelles, dites détachables du service soit en raison d'une intention malveillante, soit d'une gravité exceptionnelle, engagent la seule responsabilité personnelle du fonctionnaire (devant les tribunaux judiciaires) et non celle de l'Administration (ex : usage d’une

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véhicule pour son usage personnel). Cependant, certaines fautes engagent la responsabilité de l'Administration et celle de l’agent, qu’on appelle fautes personnelles commises en service, commise dans le service à l'occasion de ce dernier ou avec les moyens du service. Il s'agit alors d'une responsabilité pour autrui de garantie et l'Administration dispose d'un recours contre son agent, à moins que la faute soit une faute d’une exceptionnelle gravité (ex : accident de service commis en état d’ébriété, etc.).

434. Responsabilité des enseignants et éducateurs du fait de leurs élèves. – L'article 1384 du Code civil in fine accueille un régime de responsabilité nettement distinct des autres : il s'agit de la responsabilité des enseignants (tous les professeurs sauf ceux de l'enseignement supérieur) à l'égard des dommages causés par leurs élèves pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. Le Code civil prévoyait à l’origine une présomption de faute des instituteurs qui pouvaient s'en exonérer en rapportant la preuve du défaut de faute dans la surveillance de l'enfant auteur du dommage. A la suite de la ruine de l’instituteur Leblanc dont la responsabilité avait été mise en œuvre, une loi du 10 décembre 1899 a substitué la responsabilité de l'Etat à celle de l'instituteur de l'Enseignement public. Puis une loi du 5 avril 1937 a rendu plus difficile la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat, par la suppression de la présomption de faute et la transformation de ce régime en un régime de responsabilité pour faute prouvée, comme en matière de responsabilité du fait personnel. Une réforme surviendra-t-elle ? En 1937, la réforme avait été justifiée pour créer une harmonie entre le régime de la réparation des dommages commis par l’élève, alors reposant sur sa seule faute, et ceux commis par l’enseignant, alors fondé sur une présomption de faute. Aujourd’hui, cette harmonie est rompue : l’élève peut engager sa responsabilité sans faute et les parents sont également responsables sans faute, du fait de leur enfant scolarisé. Est instituteur, au sens de l’article 1384 du Code civil, toute personne qui donne un enseignement d’un art ou d’une science, à titre onéreux ou à titre gratuit (instituteur, professeurs des écoles ou des lycées, garderie, colonie de vacances, professeur de musique, centre d’éducation, avant 1991 car il peut être plus intéressant d’engager la responsabilité du centre sur le fondement de l’article 1384, al. 1er, etc.). Le critère est l’existence d’une surveillance de l’élève, ce qui justifie que les professeurs des universités ne soient pas responsables (ouf !) du fait de leurs étudiants, auditeurs et point élèves en ce sens qu’ils ne sont pas chargés de leur plus ou moins bonne conduite (sauf peut-être pendant la surveillance des examens) La faute de l’ « instituteur » doit être prouvée : elle n’est pas présumée, même si la jurisprudence l’identifie aisément, qu’il s’agisse d’une faute

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dans la surveillance ou de l’absence de surveillance. Ainsi, relève de la faute de l’instituteur, le fait de laisser se produire des jeux dangereux (balançoire constituée d’un simple pneu accrochée à une corde, les batailles de boules de neige, le lancer de boulettes de papier) ou de laisser dégénérer des jeux innocents. Sont en revanche hors champ de la faute, le fait de jouer aux gendarmes et aux voleurs, à la pêche à la ligne (affaire où un enfant s’était noyé), de jouer à saute-mouton et donc sans doute à la marelle, voire à la corde à sauter, jeu dangereux s’il en est, au foot, au rugby (dans le cadre de cours d’éducation sportive), pour autant, là encore qu’ils ne dégénèrent pas et soient suffisamment surveillés. La substitution de l’état s’opère alors, pour tous les dommages causés par les élèves ou subis par ceux-ci, qu’il s’agisse d’écoles publiques ou privées sous contrat. En revanche, la notion d’instituteur est plus restrictive, elle n’est pas, ici, retenue pour les directeurs de colonie de vacances par exemple (mais les règles de responsabilité des parents, voire de la colonie sur le fondement de l’article 1384, al. 1er prennent le relai).

Bibliographie A Responsabilité du fait personnel Cf. supra, p. et sur l’abus de droit : L. Josserand, Essai de téléologie

juridique, t. 1, « De l'esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l'abus des droits », Dalloz 1927, D. Mainguy (dir.) L’abus de droit dans les contrats, Cah. Dr. Entr. 1998/3, Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans les contrats, Essai d’une théorie, LGDJ, 2000, A. Rouast, « Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés », RTD civ. 1944.1, A. Pirovano, « La fonction sociale des droits : réflexions sur le destin des théories de Josserand », D. 1972. Chr.67, A. Bénabent, « Le discrétionnaire », Mélanges Ph. Malinvaud, 2007, p. 11.

– Sur les troubles du voisinage : C.-P. Yocas, Les troubles du voisinage, Th. Paris, 1964, F. Caballero, Essai sur la notion juridique de nuisance, LGDJ, 1981 ; V. Jaworski, Les bruits de voinage, LGDJ, 2004.

– Sur les atteintes à la vie privée : G. Lecuyer, Liberté d’expression et responsabilité, Dalloz, 2006, E. Dreyer, « Disparition de la responsabilité civile en matière de presse », D. 2006, Chr., p. 1337.

B. Responsabilité du fait des choses J. Bélissent, Contribution à l’analyse de la distinction entre les

obligations de moyens et des obligations de résultat, LGDJ, 2001, B.Goldman, De la détermination du gardien responsable du fait des choses inanimées, Paris 1947, « Garde de la structure et garde du comportement », Mélanges Roubier 1961, t.II, p.51, H., L., J. Mazeaud et

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A. Tunc, « La détermination du gardien dans la responsabilité du fait des choses inanimées », JCP 1960, I, 1592.

1. Responsabilité du fait des animaux J.-P. Marguénaud, L'animal en droit privé, Publication Université de

Limoges, 1992. 2. Responsabilité du fait de la ruine des bâtiments V. Depadt-Sebag, La justification du maintien de l'article 1386 du

Code civil, LGDJ, 2000. 3. « Responsabilité » du fait des accidents de la circulation – Sur les projets précédant la loi de 1985 : A. Tunc, Pour une loi

sur les accidents de la circulation, Economica, 1981, A. Tunc, « Sur un projet de loi en matière d'accident de la circulation », RTD civ. 1967, p. 82, J.-L. Aubert, « L'arrêt Desmares : une provocation à quelles réformes ? », D. 1983, chr., p. 1.

– Sur les commentaires de la loi de 1985 : Cf. G. Viney, L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, LGDJ, 1992 (et la bibliographie), F. Chabas, Les accidents de la circulation, Dalloz coll. Connaissance du droit, 1995, Dixième anniversaire de la loi Badinter sur la protection des victimes d'accidents de la circulation, Resp. civ. et assur. 1996, hors-série, Y. Lambert-Faivre Y. et L. Leveneur L., Droit des assurances, Dalloz, 12e éd., 2005, C. Larroumet, « L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation : l'amalgame de la responsabilité civile et de l'indemnisation automatique », D. 1985, chr., p. 237, G. Wiederkehr, « De la loi du 5 juillet 1985 et de son caractère autonome », D. 1986, chr., p. 255, H. Groutel, « Le fondement de la réparation instituée par la loi du 5 juillet 1985 », JCP G 1986, no 3244, P. Jourdain, « Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985 », JCP G 1994, I, 3794, F. Leduc, « Brèves remarques sur la sanction de la faute de la victime conductrice », Resp. civ. et ass., janvier 2001, p. 8.

4. La responsabilité du fait des produits défectueux Y. Markovits, La directive CEE du 25 juillet 1985 (directive du 25

juillet 1985) sur la responsabilité du fait des produits défectueux, LGDJ, 1990, J.-S. Borghetti, La responsabilité du fait des produits, LGDJ, 2004, J. Calais-Auloy, « Menace française concernant l’obligation de sécurité du vendeur professionnel », D. 2002, chron. p. 2458.

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C. Responsabilité du fait d’autrui J. Julien, La responsabilité du fait d’autrui, Ruptures et continuités,

PUAM 2001, G. Viney, « Vers un élargissement de la catégorie des « personnes dont on doit répondre » : la porte entrouverte sur une nouvelle interprétation de l’article 1384, al. 1er du Code civil », D. 1991, Chr., p.157, H. Groutel, « La responsabilité du fait d’autrui : un arrêt (à moitié) historique », Resp. et ass. avr. 1991 ; Ph. Brun, « Faut-il reconnaître l’existence d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui ? » Mélanges H. Groutel, 2006, p. 375.

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CHAPITRE 3. – L’EFFET JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE : L’OBLIGATION DE REPARATION

435. Le long chemin vers l’obligation de réparation. – Tous les mécanismes du droit de la responsabilité, et n’ont été examinés ici que les principaux, tendent à identifier une obligation de réparation, ou d’indemnisation, ou de compensation, selon les régimes. C’est l’aboutissement du mécanisme, sa raison d’être, en application de deux principes ou de deux droits fondamentaux, celui d’obtenir réparation et celui d’obtenir une réparation intégrale du préjudice. La logique passe alors par une action en réparation aboutissant à une créance de réparation contre un auteur ou un responsable ou un simple débiteur provisoire, aboutissant à des logiques de recours. Long chemin, alors, pour la victime, qui connaît cependant quelques raccourcis. Les lois les plus récentes envisagent en effet des techniques permettant d’une part d’accélérer les procédures d’indemnisation et de les sécuriser. L’accélération prend généralement la forme d’une assurance, éventuellement obligatoire, et l’obligation pour l’assureur de proposer une transaction, comme dans le cas de la loi du 5 juillet 1985. La contrepartie de la rapidité repose souvent sur une moindre indemnisation, qui emporte elle-même une contestation des transactions qui, pour être valables supposent des concessions réciproques. Par exemple, une transaction indique qu’elle couvre l’intégralité du préjudice subi par la victime et interdit tout recours, mais l’état de la victime s’aggrave : les tribunaux n’hésitent alors pas à annuler une telle transaction, soit pour

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erreur sur l’objet de la transaction (994) soit pour absence de concessions réciproques. En outre, le mécanisme assurantiel, même imposé, n’est pas, paradoxalement, une assurance tout risque, loin s’en faut. D’une part, bien des situations d’assurance obligatoire ne sont pas respectées et surtout, le mécanisme assurantiel ne fonctionne pas en présence d’une faute intentionnelle de l’assuré. L’institution des fonds de garantie ou d’indemnisation (995) : Fonds de garantie automobile, Fonds d’indemnisation des victimes d’infractions et d’acte de terrorisme, avec ses procédures particulières d’indemnisation devant des Commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), l’Office national d’indemnisation des d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en matière de responsabilité médicale avec une procédure proche de la précédente devant des Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI), etc., assure une prise en charge d’une dette de réparation dans ces conditions extraordinaires. En effet, ils pallient l’absence de responsable par exemple en cas de dommage lié à un aléa thérapeutique ou de dommage lié à une infraction sans que l’auteur ait été identifié, à l’absence de d’assurance ou à l’insolvabilité du débiteur.

436. L’action en réparation. – L’action en réparation est engagée, en principe entre la victime et l’auteur du fait dommageable, situation simple assez rare en pratique. Du côté de la victime, il peut s’agir en effet de ses héritiers qui recueillent l’intégralité du droit à réparation y compris les droits nés de l’atteinte à un droit extrapatrimonial de la victime (996), de son représentant, des victimes par ricochet, d’un groupement organisé en raison de la multiplicité des dommages identiques, ou des organismes subrogés dans les droits de la victime, ses assureurs de dommage, notamment ou un organisme de sécurité sociale, l’éventuel cessionnaire du droit à agir. Du côté de l’auteur des faits, il peut s’agir là encore de ses héritiers, de l’assureur du responsable contre lequel la victime dispose, du fait de l’application des mécanismes de stipulation pour autrui, d’un droit direct, ou un fonds d’indemnisation ou de garantie. L’action est en principe menée devant les juridictions civiles. Toutefois, lorsque le dommage est le résultat d’un fait qui est en outre susceptible d’une qualification pénale, ce qui est très fréquent, au prix même d’une certaine déformation des règles pénales au secours des victimes civiles, l’action peut être portée devant un juge civil ou devant un juge pénal à travers l’exercice l’action civile (C. pén., art. 2), qui s’exerce par une

994 Cass. civ. 1ère, 8 mars 1966, JCP 1966, II, 14664, concl. R. Lindon. 995 Ph. Casson, Les fonds de garantie, LGDJ, 2001. 996 Cass. ch. mixte, 30 avr. 1976, RTD civ. 1976, p. 556, obs. G. Durry. Comp. Pour une pesonne morale absorbée dans le cadre d’une opération de fusion : Cass. crim. 2 avr. 1998, Bull. crim. n°132.

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« constitution de partie civile » souvent concomitante avec une plainte mais qui peut intervenir après le déclanchement de l’action publique (997). L’option n’est cependant pas neutre. Suivant l’adage en effet, le criminel tient le civil en l’état ce dont on tire tout une série de conséquences. Ainsi l’action civile de l’article 2 du Code pénal est impossible lorsque l’action publique est prescrite par exemple ou lorsqu’elle est impossible, comme pour l’action publique devant la Cour de justice de la République. De même, le choix d’une action civile détachée de l’action publique et portée devant un juge civil impose à ce dernier de surseoir à statuer tant que le juge pénal ne s’est pas prononcé. Dès lors s’impose le principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, principe de portée relative cependant, alors qu’il était, avant la loi du 10 juillet 2000 (not. C. pén., art. 121-3 et C. pr. Pén., art. 4-1) plus important : il reposait en effet sur le principe de l’identité des fautes pénales et civiles (998). Ainsi, la condamnation pénale de l’auteur emporte la simple possibilité de condamnation civile. Par exemple la reconnaissance d’une faute pénale volontaire n’emporte pas nécessairement qualification, au civil, d’une faute intentionnelle, solution importante au regard de l’action contre l’assureur de responsabilité (999). Inversement, la décision de non condamnation, relaxe ou acquittement, n’est pas synonyme de non faute civile : le juge civil peut en effet identifier une faute d’imprudence ou de négligence par exemple et surtout imputer un cas de responsabilité objective.

437. La créance de réparation. – L’obligation de réparation est le résultat attendu par l’exercice de l’action en responsabilité. L’objectif est de tenter de replacer la victime dans l’état où elle se trouvait avant le dommage ou plus exactement, dans l’état où elle se serait trouvée si le dommage n’avait pas eu lieu, formule qui illustre la fiction juridique qu’entretient le mécanisme de réparation, un peu comme en matière d’annulation d’un contrat. Il peut s’agir d’une réparation en nature qui peut consister par exemple en une injonction, la cessation du trouble illicite par exemple, comme en matière de concurrence déloyale, en la restitution d’un bien ou la restauration d’une personne dans ses droits, voire une certaine publicité donnée à la sanction, via la publication de la décision dans des journaux ou encore dans l’injonction faite de procéder à des actes particuliers nécessaires à la réparation d’un dommage (en matière de troubles du voisinage par exemple).

997 Ph. Bonfils, L’action civile. Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM 2001. 998 Cass. civ. 19 déc. 1912, S. 1914, 1, 249, note R.-L. Morel. Adde A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, LGDJ 1966. 999 Cass. civ. 1ère, 27 mai 2003, Bull. civ. I, n°125.

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Il peut s’agir, surtout, d’une réparation par équivalent¸ c’est-à-dire par l’allocation d’une somme d’argent, des dommages et intérêts susceptibles de réparer le dommage, et afin, en cas de préjudice matériel, pour permettre à la victime d’obtenir un bien équivalent, de dommage corporel ou de dommage moral.

438. Principe de réparation intégrale du préjudice. – Le principe en la matière est celui de la réparation intégrale du préjudice subi. L’obligation de réparation ne dépend donc pas de la gravité de la faute mais de la seule importance du préjudice et la victime ne doit, en principe tirer ni perte ni profit de la réparation. Tous les préjudices invoqués, et prouvés, par la victime doivent donc être réparés. L’application de ce principe pose alors bien des difficultés pratiques. En cas de dommage consistant en la perte d’un bien, la réparation doit permettre d’assurer le remplacement ou la réparation du bien. La question, traditionnellement invoquée par les assureurs de l’application d’un coefficient de vétusté est généralement sans intérêt : seule l’objectif de remise en état ou de remplacement est prix en compte, ce qui, intrinsèquement, intègre la valeur et l’état de la chose au moment de sa perte (1000). De la même manière, la réparation des dommages corporels imposent la prise en compte de l’intégralité de celui-ci et dans toutes ses conséquences (aides ménagers, aménagement d’un appartement, etc.). 439. Prise en compte des comportements : obligations de minimiser le dommage et dommages punitifs. – Beaucoup plus discutable est le caractère globalement statique de l’appréciation du principe de réparation intégrale. Ainsi la Cour de cassation, au nom de ce principe estime-t-elle que la victime ne supporte pas d’obligation de minimiser son dommage (1001). A l’inverse, le comportement de l’auteur n’est guère pris en compte sinon de manière intuitive par le juge, par exemple parce que le juge sait que les dommages seront pris en compte par un assureur (et, inversement, incitant à minimiser la créance de réparation en son absence). Or, le caractère de peine privée de la réparation n’est plus à démontrer, soit pour des raisons morales soit pour des raisons économiques (1002). Ainsi, les dommages et intérêts punitifs ou dommages et intérêts exemplaires

1000 Cass. civ. 2ème, 5 juill. 2001, Bull. civ. II, n°135, Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2003, Bull. civ. n°20. 1001 Cass. civ. 2ème, 19 juin 2003, Bull. civ. II, n°203 et supra, n°278. 1002 Cf. G. Maitre, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, LGDJ, 2004, C. Grare, Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle, L’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, Dalloz, 2005, S. Carval, La responsabilité civile dans sa dimension de peine privée, LGDJ, 1995 ; J.-L. Baudouin, « Les dommages-intérêts punitifs : un exemple d’emprunt réussi à la Common Law », Mélanges Ph. Malinvaud, 2007, p. 1.

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sont une technique permettant de sanctionner un comportement particulièrement grave en intégrant, mais de manière ouverte et transparente, la fonction de rétribution que la responsabilité civile peut assumer. Outre la saine distinction que cette technique permettrait d’entretenir avec le droit pénal (cf. supra, n°346), les dommages et intérêts punitifs peuvent être envisagés de deux manières. Une première conception, morale, envisagent la fonction de rétribution, de peine privée, de la réparation. Une seconde conception, tirée de l’analyse économique du droit dissocie cependant cette fonction en envisage les dommages intérêts exemplaires essentiellement comme un moyen de prévention, c’est-à-dire d’incitation à la prévention. Ainsi en est-il de l’hypothèse d’une faute lourde, d’une faute inexcusable ou d’une faute dolosive, intentionnelle. Tout spécialement dans ce dernier cas, l’auteur du dommage a voulu, souhaité, prémédité même, le dommage. Or le dommage subi par la victime n’intègre pas ce vœu, cette préméditation, voire cette jouissance dans l’action de l’auteur, que seuls des dommages et intérêts exemplaires peuvent compenser. De manière voisine, on isole également les « fautes lucratives » (1003) spécialement en droit des affaires. Ainsi en est-il de certains actes de concurrence déloyale qui créent un dommage minime voire indécelable pour la victime mais un profit considérable pour l’auteur de cet acte de concurrence déloyale. Seuls des dommages et intérêts exemplaires, à la hauteur du profit retiré, dans le même esprit que précédemment, mais ici valorisés, permettent de sanctionner véritablement la faute. La dimension du principe de réparation intégrale du préjudice en sort modifié, tout comme les fonctions de la responsabilité civile, mais au bénéfice d’un droit de la responsabilité beaucoup plus efficace (Cf. avant-projet de réforme, art. 1371). 440. Date d’appréciation du dommage. – A quel moment apprécier la date d’évaluation du préjudice ? Deux dates peuvent être envisagées. Il peut s’agir de la date du jour du jugement qui reconnaît l’existence du droit à réparation. Dans cette hypothèse, il en résulte que le jugement est constitutif du droit à réparation. En ce sens les dommages et intérêts ne courent qu’à compter du jugement. Il peut également s’agir du jour où le dommage s’est produit, le jugement serait simplement déclaratif du droit à réparation. , et non au jour de la réalisation du dommage. Les règles en la matière sont hésitantes, même si les solutions penchent en faveur des deux en même temps : le jugement est constitutif s’agissant de l’existence de l’obligation de réparation qui naît du jugement mais déclaratif s’agissant de son expression, c’est-à-dire de l’évaluation du montant de la

1003 Cf. D. Fasquelle, « L’existence de fautes lucratives en droit français, in Faut-il moraliser le droit français de la réparation du dommage », Les petites affiches, 20, nov. 2002.

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réparation. Il en résulte que l’obligation de réparation est une dette de valeur, ; qu’elle est cessible, même avant le jugement ; que les héritiers peuvent agir si la victime décède avant le jugement ; que la prescription court à compter de cette date ; mais que les dommages et intérêts moratoires ne courent qu’à compter de la décision. Le calcul de la dette de réparation pose alors un certain nombre de difficultés. Ainsi, les variations du dommage entre le jour de réalisation du dommage et le jour du jugement sont directement prises en compte par le jugement, mais les variations survenues après le jugement sont plus complexes. L’atténuation du dommage ne peut donner lieu à révision, à l’inverse de l’accroissement de la valeur du dommage et une indemnité supplémentaire peut être obtenue (1004), de même que l’apparition d’un nouveau chef de préjudice justifie une nouvelle action (1005).

Bibliographie – Sur les fonds de garantie : Ph. Casson, Les fonds de garantie,

LGDJ, 2001. – Sur l’action en réparation : cf supra, p. et Ph. Bonfils, L’action

civile. Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM 2001. – Sur l’indemnisation : Cf. G. Maitre, La responsabilité civile à

l’épreuve de l’analyse économique du droit, LGDJ, 2004, C. Grare, Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle, L’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, Dalloz, 2005, S. Carval, La responsabilité civile dans sa dimension de peine privée, LGDJ, 1995 ; D. Fasquelle, « L’existence de fautes lucratives en droit français, in Faut-il moraliser le droit français de la réparation du dommage », Les petites affiches, 20, nov. 2002, J.-L. Baudouin, « Les dommages-intérêts punitifs : un exemple d’emprunt réussi à la Common Law », Mélanges Ph. Malinvaud, 2007, p. 1.

1004 Cf. Cass. civ. 2ème, 12 oct. 2000, Bull. civ. II, n°141. 1005 Cass. civ. 2ème, 19 févr. 2004, RTD civ. 2005, p. 147, obs. P. Jourdain.

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TROISIEME PARTIE

LE REGIME DES OBLIGATIONS

441. Présentation et plan. −−−− L’étude des deux autres logiques de la matière, les échanges via le contrat, le traitement juridique des tragédies et des larmes à travers la responsabilité, permettent d’identifier des effets dont le point commun repose sur l’existence d’obligations. Il reste à observer le contenu, les modalités, ce que l’on appelle aussi le régime des obligations, étant entendu que ce régime répond également à une fonction propre, celle du droit financier et du droit des sûretés, essentiellement, fondés sur la valorisation des obligations, le tout centré autour de la question du paiement, mode d’exécution et d’extinction de l’obligation. Nous observerons ce régime à travers l’étude de quatre thèmes successifs, étant entendu que certains aspects du régime de l’obligation ont déjà été envisagés (ceux-ci disposant d’une double casquette) les questions relatives à la force obligatoire de l’obligation, à son effet relatif ou à son exécution forcée. Il reste alors à envisager les modalités de l’obligation : les obligations affectées de modalités qui affectent son exigibilité, une condition ou un terme (chapitre 1), les obligations associant plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs, ce qu’on appelle les obligations plurales : conjointes, solidaires et indivisibles (chapitre 2), la circulation des obligations (chapitre 3) et le paiement (chapitre 4).

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CHAPITRE 1

LES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES ET LES

OBLIGATIONS A TERME

442. Existence et exigibilité. −−−− Si bon nombre, d’un point de vue quantitatif, des contrats usuels naissent, s’exécutent et s’éteignent en un trait de temps, sur le modèle de la vente, bien d’autres nécessitent une organisation de l’avenir, la prise en compte juridique du temps et de la durée, la gestion des événements futurs plus ou moins prévisibles qui peuvent avoir une influence sur le contrat, sur son existence ou sur l’exigibilité des obligations qu’il contient. C’est également le cas des obligations qui dépendent parfois de la survenance d’un événement particulier, événement qui fait dépendre l’existence de l’obligation ou bien son exigibilité, ce qui, du point de vue de leurs effets, distingue la condition et le terme.

Section 1. −−−− La condition

443. Incertitude. −−−− Le Code civil offre une large place à la condition, des articles 1168 à 1183, soit 16 articles, ce qui est considérable. On ne confondra cependant pas la condition qui affecte une obligation, ici étudiée, avec d’autres utilisation usuelles ou plus juridiques, du mot « condition » : la condition ici envisagée n’a rien à voir avec la question des conditions de la validité d’un contrat. La condition, en tant que modalité, est un élément ajouté par la volonté des parties, différent d’ailleurs des conditions de validité qui ne peuvent être érigé en condition-modalité.

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La condition est précise l’article 1168 du Code civil un événement futur et incertain à la réalisation duquel est suspendue l’exécution (condition suspensive) ou la disparition (condition résolutoire) d’une obligation ou d’un contrat. Il se différencie du terme qui est un événement futur et certain (cf. infra, n°456). Extrêmement fréquente dans les contrats elle permet aux parties de conclure un contrat, prévoir les obligations des uns, des autres, d’organiser les relations contractuelles tout en conservant une certaine prudence (ex : « j’achète la maison de B si, préalablement, je vends la maison dont je suis actuellement propriétaire »). On distingue alors plusieurs types de conditions. La plus importante distinction est celle qui oppose les conditions par leurs effets. La condition suspensive est celle qui suspend l’existence ou l’exécution d’une obligation et la condition résolutoire, celle qui détruit l’obligation si elle survient. Il y en a d’autres, qui tiennent aux conditions de validité des obligations conditionnelles. La condition casuelle est celle qui dépend du hasard, la condition potestative est celle qui dépend de la volonté de l’une des parties. On distingue également la condition illicite, la condition immorale, etc. Il convient, alors, d’envisager les conditions (I) puis les effets (II) de la condition.

I. – Les conditions de la condition

444. Un événement. −−−− La notion d’événement n’est pas juridique mais renvoie à toutes sortes de comportements, de faits matériels ou juridiques, en principe extérieurs aux parties. L’une des questions qui se pose parfois est de savoir si une obligation d’un contrat peut être érigée en condition (ou en terme). C’est le cas des clauses de réserve de propriété dans lesquelles le transfert de propriété, dans une vente, est retardé jusqu’au paiement des marchandises par l’acheteur. La question s’était alors posée, dans les années 1980, de savoir si le paiement était ainsi érigé en condition ou en terme, ce qui n’était pas sans conséquence en cas de non paiement. Mais une obligation peut-elle ainsi être érigée en condition ? N’est-ce pas un événement certain du fait de la force obligatoire du contrat ? A l’inverse, cette certitude promise par les règles juridiques était précisément mise à mal par le danger de non paiement dont la clause entendait se préserver. Difficile cercle vicieux, on admit finalement que la clause de réserve de propriété était une modalité affectant le transfert de propriété, ni condition, ni terme. Il reste que l’on retrouve cette question ans d’autres domaines, souvent voisins, par exemple lorsqu’une promesse de vente suspend le transfert de propriété à la réitération de l’acte en sa forme authentique, revêtant une obligation de réitérer, elle-même érigée en condition, ou bien lorsqu’une opération de

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crédit documentaire, dans une vente internationale, est suspendue à la vérification des documents de transport par le destinataire, etc. Economiquement, alors, et pour autant qu’une obligation ou un contrat puissent être considérés comme un « événement », ils relèvent plutôt de la catégorie des conditions. Dès lors la clause indiquant « je paierai quand j’aurais conclu ce contrat » devrait se lire « je paierai si je conclus ce contrat », condition dont la validité doit alors être mesurée.

445. Un événement possible, moral et licite. – Une première condition de validité repose sur la qualité de l’événement. Il doit s’agir d’un événement possible, moral et licite (exemple classique, « je te vends ma maison si tu bois toute l’eau de la mer »). La condition impossible est celle dont on sait qu’elle ne pourra se réaliser : l’impossibilité se mesure alors au jour de la formation de l’obligation. La condition illicite ou immorale est celle qui est contraire aux bonnes mœurs ou à des interdits légaux, contraire à l’ordre public. L’article 1172 du Code civil impose alors une sanction radicale : « Toute condition d’une chose impossible ou contraire aux bonnes mœurs ou contraire aux bonnes mœurs ou prohibée par la loi est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ». On observera que cette sanction ne s’applique pas aux actes à titre unilatéraux. L’article 900 du Code civil propose en effet une solution contraire : « Dans toute disposition entre vif ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraire à la loi ou aux mœurs sont réputées non écrites ». La règle sous-entend que la donation ou le testament qui contiendrait une telle condition serait valable, mais amputée de la condition annulée. Le codificateur craignait en effet que certains ne réintroduisent dans ce type d’acte des anciennes pratiques, comme le droit d’aînesse, abolies en 1789. Il ne souhaitait pas voir survivre ces pratiques mais ne souhaitait pas davantage que les libéralités ou testaments en subissent le contrecoup dans leur intégralité. L’annulation de la seule condition, sans remettre en cause l’acte lui-même, était alors un moyen de réprimer et de prévenir ces pratiques. Aujourd’hui, ces considérations ayant disparu, la jurisprudence s’est efforcé d’atténuer la différence : lorsqu’une condition affecte une disposition contractuelle qui est considérée comme déterminante, une « condition impulsive et déterminante » de l’engagement, la condition est nulle est la nullité affecte tout le contrat. A l’inverse, seule la condition et l’obligation qui la contient sont annulés. De même en est-il en matière d’actes entre vifs, même si la jurisprudence fait ici appel à la notion de cause et parle de « cause impulsive et déterminante ».

446. Evénement futur. L’événement doit également s’inscrire dans le futur, il convient que l’événement ne soit pas encore réalisé.

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447. Evénement incertain. – Il doit enfin s’agir d’un événement incertain : il convient que l’événement soit aléatoire, qu’il dépende du hasard et qu’il soit inconnu des parties. Par exemple un événement dont seule la survenance est incertaine est un terme, et non une condition, comme le décès d’une personne. C’est ce que l’on retrouve par exemple dans les assurances de personne et notamment les assurances sur la vie (à la différence des assurances-décès ou incapacité où le décès ou l’accident sont traités comme des conditions). En pratique, il n’est pas toujours aisé de distinguer une condition d’un terme, d’autant qu’il existe des termes incertains : un événement incertain est aléatoire, quand bien même il serait présenté comme certain, ce que l’on trouve dans bien des contrats, souvent pour identifier des termes suspensifs qui se révèlent des conditions suspensives lesquelles comparées aux premiers présente le gros inconvénient de pouvoir défaillir et de voir leur conditions de validité, s’agissant de leur potestativité, contestées (1006).

448. Evénement indépendant des parties, conditions potestatives. – Exigence proche de la précédente, il convient que l’événement échappe à la volonté des parties, c’est-à-dire que la condition ne soit pas potestative, afin de garantir ce caractère aléatoire. Le Code civil répute nulles les conditions potestatives, celles qui reposent sur la volonté et du pouvoir (potestas) d’une partie (C. civ. art. 1174). On distingue alors plusieurs types de conditions. 1 −−−− La condition casuelle est celle qui dépend totalement du hasard ou en tout cas qui échappe à la volonté des parties (« j’achète une maison si je gagne au loto »). Ce type de condition est parfaitement valable (Cf. C. civ., art ; 1169). 2 −−−− La condition simplement potestative ou condition mixte (C. civ., art. 1171) est celle qui dépend pour partie du hasard et pour partie de la volonté d’une seule des parties : « j’achète une planche à voile si je réussis mes examens ; j’achète une maison si je me marie ». Ma volonté importe pour que je marie, mais également celle d’un tiers. Une forme de potestativité apparaît alors puisque la volonté de l’une des parties importe mais également la volonté d’un tiers. Ces conditions sont également valables. 3 −−−− La condition purement potestative est celle qui dépend entièrement de la volonté de l’une des parties : « j’achète cette maison, si je le veux » est l’exemple classique et si, en pratique, les exemples sont moins brutaux,

1006 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 juill. 2004, JCP 2004, II, 10155, conc. J. Sainte-Rose, RTD civ. 2004, p. 734, obs. J. Mestre et B. Fages : promesse d’achat d’actions consentie à compter de la réalisation d’ue obligation alternative, la fusion de la société avec une autre ou une augmentation de capital, deux événements aléatoires donc susceptibles de défaillir.

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ils reviennent, au final à la même expression (1007), ce qui pose la question de l’appréciation de la potestativité qui affecte la condition. Ces conditions posent alors difficulté au regard de l’article 1174 du Code civil « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige », difficultés qu’il ne faut pas exagérer. D’une part seules les obligations soumises à condition potestative posent difficulté, une obligation potestatif ou un droit potestatif relèvent d’un autre régime, celui de savoir si un droit peut être absolu ou discrétionnaire sanctionné par l’abus de droit (1008) de même que les obligations alternatives (cf. infra, n°463) ne sont pas sanctionnées comme des conditions potestatives (1009) ou encore parce qu’une règle légale les permet, comme dans le cas de la clause de retour à meilleure fortune, en raison de l’article 1901 du Code civil (1010), et d’autre part, toutes les conditions potestatives ne sont pas annulables. Ainsi l’article 1174 évoque la potestativité du côté celui qui s’oblige, du côté du débiteur. Dès lors une condition purement potestative est valable lorsque sa réalisation dépend de la volonté du créancier de l’obligation conditionnelle (« je paierai, si vous me le demandez ») mais annule les conditions purement potestatives lorsque leur réalisation dépend de la seule volonté du débiteur (« j’achète, si je veux »). Enfin les conditions potestatives résolutoires, qui s’apparentent à une faculté unilatérale de rétractation, seraient valables et seules les conditions suspensives potestatives seraient affectées par la sanction de l’article 1174 du Code civil. Restent donc, dans la catégorie des conditions purement potestatives et, de ce fait annulables, les conditions suspensives potestatives dont la survenance de l’événement dépend du seul débiteur de l’obligation. La distinction est parfois subtile. Par exemple la vente d’une chose sous la condition que l’acheteur vendra une autre chose, classique en matière de vente immobilière, est valable (1011), après avoir donné lieu à de nombreuses controverses : l’acheteur s’est engagé à vendre la chose, la condition est valable (1012), l’acheteur ne s’engage pas à le vendre, la

1007 Cf. Cass. com. 23 sept. 1982, Bull. civ. IV, n°284 : une clause, dans un contrat de distribution, permettait au distributeur de résilier le contrat s’il ne parvenant pas à revendre une quanité minimal de produits, analysée (de manière un peu exagérée) en condition résolutoire postestative : je demeure dans les liens du contrat si je vends, donc si je veux, solution discutable, car les reventes dépendaient des consommateurs et que la potestativité affectait une faculté de résiliation, pas véritablement une condition. 1008 Cf. Cass. com. 17 déc. 1991, Bull. civ. IV, n°395, D. 1992, somm. 267, obs. E. Fortis : à propos du caractère disproportionné d’une commission. 1009 Cf. Cass. com. 7 déc. 2004, D. 2005, p. 2392, note Ph. Delebecque, RTD civ. 2005, p. 782, obs. J. Mestre et B. Fages, Cass. civ. 1ère, 16 mai 2006, RTD civ. 2006, p. 556, obs. J. Mestre et B. Fages. 1010 Cass. civ. 1ère, 20 nov. 1990, Bull. civ. I, n°255, RTD civ. 1991, p. 333, obs. J. Mestre. 1011 Cass. civ. 3ème, 22 nov. 1995, Bull. civ. III, n°243, D. 1996.604, note Ph. Malaurie. 1012 Cass. civ. 1ère, 13 déc. 1994, Bull. civ. I, n° 377.

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condition est nulle (1013), à la différence de la condition par laquelle un vendeur vend un immeuble sous la conditions suspensive de leur acquisition et mais qu’en cas de défaillance de la condition, il conservera l’acompte versé (1014). La jurisprudence cherche donc, de façon pragmatique et non de façon théorique, l’hypothèse dans laquelle un débiteur est en mesure de ne pas exécuter son obligation dissimulée par le jeu d’une condition. Ainsi encore, lorsqu’une condition, même potestative, est affectée d’un terme, elle est considérée comme valable (1015).

449. Sanction de la condition potestative. – La condition potestative rend nulle toute l’obligation, dispose l’article 1174 du Code civil. Ce n’est donc pas seulement la condition qui est nulle, ce qui laisserait entière l’obligation qui était soumise à condition mais toute l’obligation conditionnelle. Cette sévérité est toujours apparue très – trop – systématique pour la jurisprudence. C’est pour cette raison, notamment, que la jurisprudence a proposé la distinction entre condition purement potestative et simplement potestative et entre les conditions résolutoires et suspensives potestatives. On peut alors simplifier, pour éviter le recours à des raccourcis sémantiques : sont des conditions potestatives nulles, toutes les conditions qui dépendent arbitrairement ou discrétionnairement de la volonté du débiteur de l’obligation conditionnelle. Toutes les autres (mêmes les conditions dites « simplement potestatives »), sont valables. L’annulation de la l’obligation conditionnelle potestative est alors de nature à affecter l’ensemble du contrat qui la contient dès lors que cette obligation était déterminante, essentielle, du contrat : par exemple une vente conclue sous conditions suspensive est annulable.

II. – Les effets de la condition

450. Les effets de la condition sont différents selon que l’on envisage les différentes phases de la réalisation de la condition, avant (A), pendant (B) et après la condition (C).

A – Avant la réalisation de la condition

451. Condition suspensive. – Avant la réalisation de la condition suspensive, pendante conditione, l’obligation conclue sous une condition suspensive, existe mais ne peut être exécutée : elle ne produit pas son effet principal. « Je vends sous la condition de l’obtention d’un prêt », la vente est conclue, mais l’acheteur ne devient pas propriétaire tant que la

1013 Cass. civ. 1ère, 8 oct. 1980, D. 1980. IR. 441, obs. B. Audit. 1014 Cf. Cass. civ. 3ème, 13 oct. 1993, RTD civ. 1994, p. 606, obs. J. Mestre. 1015 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 déc. 2005, Bull. civ. I, n°489.

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condition n’est pas réalisée. Pourtant, on considère que le créancier conditionnel n’est pas sans droit : il dispose d’un « germe de droit » selon l’expression allemande, qui lui permet par exemple de réaliser des mesures conservatoires (une saisie conservatoire par exemple, la cession de ce droit, le fait de l’affecter d’une sûreté) sur ce droit conditionnel. Il en résulte également que le débiteur de l’obligation conditionnelle est engagé et qu’il ne peut rétracter son engagement. Ce droit n’existe cependant qu’en germe, de sorte que le créancier ne peut exercer que des mesures conservatoires mais il ne peut évidemment pas exiger l’exécution de l’obligation ou demander la résolution du contrat pour inexécution. De même les délais de prescription ne courent pas. Enfin, le débiteur ne doit rien de sorte que s’il exécutait l’obligation, il pourrait obtenir répétition de l’indu, à la différence du terme (Cf. infra, n°456). En pratique, les conditions suspensives sont presque toujours complétées par un terme, de manière à ce que cette période d’incertitude ne dure pas trop longtemps : « Je vend sous la condition de l’obtention d’un prêt, dans les trois mois ». A défaut, il faut attendre d’être certain que l’événement n’arrivera pas pour considérée que la condition a défailli selon les termes mêmes de l’article 1176 du Code civil (Cf. infra, n°452).

452. Condition résolutoire. – L’obligation conclue sous une condition résolutoire (C. civ., art. 1183) doit au contraire être exécutée, comme s’il n’y avait pas de condition, mais cette exécution est menacée de disparition si la condition se réalise (Je vends ma maison, sous la condition résolutoire que j’ai des enfants dans les cinq ans »). Ces conditions sont beaucoup moins ordinaires, dans les contrats, que les conditions suspensives. Tous les effets ordinaires de l’obligation se réalisent : la dette conditionnelle est exigible, le droit est constitué avec toutes ses prérogatives, les délais de prescription courent, l’acheteur devient propriétaire si la condition affecte un transfert de propriété. Il reste cependant que cette obligation demeure menacée d’extinction de sorte que le droit de l’un, le débiteur n’est pas définitivement éteint et que celui de l’autre, le créancier n’est pas définitivement acquis. Par conséquent, le débiteur dispose là encore d’un germe de droit, mais inversé comparé à la situation précédente, qui lui permet notamment de prendre des mesures conservatoires, situation exactement inverse de celle de la position du créancier d’une obligation conclue sous condition suspensive.

B – Le moment de la réalisation de la condition

453. Réalisation ou défaillance de la condition. – Le moment de la

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réalisation de la condition, ce que l’on appelle l’accomplissement de la condition ou sa réalisation, se produit par la survenance de l’événement. Le plus souvent, les parties assortissent la condition d’un terme (ex : « je vends ma maison, si je me marie…dans les trois ans ») qui permet de considérer que la condition suspensive est défaillie passé ce délai. C’est une précaution utile car à défaut, la condition est réputée défaillie lorsqu’il est certain que l’événement ne s’accomplira pas (C. civ., art. 1176 et 1177). Lorsque les parties n’ont pas précisé de délai de réalisation de la condition, faut-il en conclure que la condition a une durée illimitée ? Les articles 1176 et 1177 proposent diverses solutions. Lorsqu’un terme précis est prévu et que la condition n’est pas réalisée dans le temps prévue, elle est réputée défaillie (art. 1176). Lorsque aucun terme n’est associé à une condition, « la condition peut toujours être accomplie et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas ». Certains arrêts considéraient qu’il y lieu d’attendre l’expiration d’une durée raisonnable (1016) alors que d’autres considèrent que la condition, sans être perpétuelle (1017), demeure tant qu’il n’est pas certain qu’elle a défaillie (1018), interdisant toute faculté de résiliation par exemple (1019). Inversement, l’insertion d’un terme extinctif (cf. infra, n°461) permet de sécuriser l’opération, il peut faire l’objet d’une prorogation et encadre précisément le délai d’attente : passé le délai, la non survenance de la condition équivaut à une défaillance. L’arrivée du délai est en principe définitive, c’est la règle du jeu même du terme extinctif, peu importe que l’événement soit survenu quelque temps plus tard bien qu’un arrêt ait pu décidé le contraire dans une hypothèse où les enjeux étaient très importants et la survenance très proche de la fin du délai (1020). C’est pourtant un fâcheux précédent dans la mesure où, d’une part, les parties ont la possibilité de proroger le délai ou de le préciser en termes non impératifs et, d’autre part, parce que cette bienveillance est contraire à la logique économique du terme : le créancier, passé ce terme retrouve son entière liberté contractuelle, qu’il avait peut-être d’ailleurs aliéner par avance avec un tiers, en cas de non survenance de la première condition. Le comportement des parties n’est alors pas neutre : l’article 1175 du Code civil dispose qu’il faut s’en remettre aux dispositions que les parties ont choisies, aux clauses du contrat, par exemple lorsque une condition est affectée d’un terme (obtention d’un prêt dans les trois mois) : au

1016 Cass. civ. 1ère, 3 févr. 1982, Bull. civ. n° 37. 1017 Cass. civ. 1ère, 4 juin 1991, D. 1992, somm. p. 267, obs. E. Fortis. 1018 Cf. Cass. civ. 3ème 24 juin 1998, D. 1999. 403, note Kenfack, Cf. Cass. civ. 3ème, 4 mai 2000, RTD civ. 2000, p. 572, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass. civ. 3ème, 19 déc. 2001, D. 2002, p. 1586, note H. Kenfack. 1019 Cass. com. 6 mai 2003, LPA 8 déc. 2003, obs. Viaud. 1020 Mais, contra : Cass. civ. 3ème, 24 sept. 2003, Bull. civ. III, n°164, RTD civ. 2003, p. 697, obs. Y.-M. Laithier.

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terme prévu, la condition cesse, mais les parties peuvent sans difficulté proroger ce terme, de façon expresse ou tacite. C’est alors au juge d’apprécier si la condition est réalisée ou au contraire est défaillie. A l’inverse, lorsque la condition ne se réalise pas, notamment dans le délai éventuellement prévu par le contrat, la condition est dite défaillie, l’événement ne s’est pas produit, l’obligation ne se réalisera pas : on comprend alors pourquoi la jurisprudence accorde tant d’importance aux conditions de validité de la condition. Cette attention se poursuit s’agissant du comportement des parties à l’occasion de la défaillance de la condition. Ainsi, l’article 1178 du Code civil répute accomplie la condition lorsque c’est le débiteur qui en a empêché la réalisation. Il en résulte que la condition qui n’est pas réalisée n’est toutefois pas défaillie lorsque le débiteur a empêché que la condition survienne : le débiteur d’une obligation conditionnelle doit donc respecter un minimum de diligence. Exemple classique, celui de l’acheteur d’une maison sous la condition suspensive d’un prêt, qui ne sollicite pas ce prêt ou qui le sollicite mais ne l’accepte pas alors qu’il correspond à des conditions normales. L’appréciation du comportement du débiteur dépend grandement de la rédaction de la condition : plus la condition détaille (1021) les diligences que l’acquéreur doit réaliser et plus le contrôle de la défaillance sera aisé et pourra être sévère (obligation de solliciter plusieurs prêts, précision du caractère acceptable du prêt en termes de taux, de durée, etc.). La condition suspensive sera réputée accomplie et la vente sera parfaite. Il reste cependant à prouver que c’est bien le débiteur qui est à l’origine de cette défaillance: a-t-il contacté le bon prêteur, faut-il solliciter plusieurs établissements, faut-il demander un prêt correspondant aux stipulations du contrat ? Toutes ces questions sont résolues par l’observation que le débiteur supporte un devoir de loyauté : c’est à l’emprunteur de démontrer qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques déterminées dans le contrat de vente (1022). Toutefois, si la défaillance est invoquée de mauvaise foi par le créancier, la présomption de réalisation de l’article 1178 pourra être compromise (1023).

1021 Exemple : Cass. Civ. 3ème, 8 déc. 1999, RTD civ. 2000, p. 328, obs. J. Mestre et B. Fages : « En l’absence de stipulations contractuelles contraires, le bénéficiaire d’une promesse de ventesous condition suspensive d’obtention d’un prêt effectue les diligences requises et n’empêche pas l’accomplissement de la condition, lorsqu’il présente au moins une demande d’emprunt conforme aux caractéristques stipulées à la promesse et restée infructueuse ». 1022 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1997, Bull. civ. I, n°310. 1023 Cass. civ. 3ème, 23 juin 2004, D. 2005, p. 1532, note H. Kenfack, RTD civ ; 2005, p. 776, obs. J. Mestre et B. Fages.

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Lorsque la condition est défaillie, l’obligation est caduque (1024), mais plusieurs éléments doivent cependant être précisés. Celui qui bénéficie d’une condition peut ainsi y renoncer si tel est son intérêt, situation rare en pratique. La renonciation à la condition vaut réalisation de la condition et l’obligation devient alors exigible (1025).

C - Après la réalisation de la condition

454. Rétroactivité de la condition suspensive. – La réalisation d’une condition suspensive emporte un effet rétroactif de sorte que cela permet de faire remonter ses effets au jour de la conclusion du contrat et donc de considérer que l’obligation n’a jamais été affectée d’une telle condition suspensive (C. civ., art ; 1179). « J’achète une maison sous la condition de l’obtention d’un prêt dans les six mois », si j’obtiens ce prêt, je serais réputé propriétaire de la maison depuis le jour de la conclusion du contrat. Par conséquent, les actes que le débiteur aurait réalisés sont définitivement consolidés (j’ai hypothéqué la maison, j’ai payé le prix de façon anticipée, j’ai délivré un congé à un locataire, revendu la chose par anticipation) et inversement les actes réalisés par le créanciers sont rétroactivement anéantis (il a hypothéqué la maison, il a conclu un autre contrat avec un tiers) sous réserve cependant des droits des tiers. Symétriquement, la défaillance d’une condition suspensive emporte le même effet rétroactif ; les droits conditionnels reconnus au débiteur sont rétroactivement anéantis, si un acompte a été versé, il doit être restitué, etc.

455. Rétroactivité de la condition résolutoire. – La réalisation d’une condition résolutoire produit des effets exactement opposés. L’obligation est rétroactivement effacée et est censée ne jamais avoir existée : l’acheteur sous condition résolutoire n’a jamais été propriétaire et dont donc restituer la chose, sous réserve des droits des tiers là encore ; les créanciers voient leurs actes anéantis. Fiscalement la solution est redoutable : la vente sous condition résolutoire emporte un premier transfert de propriété (et donc paiement de la TVA ou des droits d’enregistrement) et la réalisation de la condition résolutoire emporte un second transfert de propriété, impliquant le paiement, à nouveau, des droits de mutation.

456. Limites de la rétroactivité. – La rétroactivité, qu’elle s’applique à

1024 Cass.civ. 1ère, 7 nov. 2006, Bull. civ. I, n°457. Toutefois, lorsque la condition est stipulée dans l’intérêt d’une seule des parties, seule celle-ci pour invoquer la caducité (Cass. civ. 1ère, 13 juill. 1999, Bull. civ. III, n°179). 1025 Cf. Cass. civ. 3ème, 31 mars 2005, RTD civ. 2005, p. 776, obs. J. Mestre et B. Fages : la renonciation n’emporte pas faculté de demander, en outre, une réduction du prix.

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la condition suspensive ou résolutoire, présente cependant quelques limites. La rétroactivité est en effet une fiction. D’ailleurs une clause peut en écarter les effets. Ainsi, l’article 1182, al. 2 dispose que la perte de la chose, sans la faute du débiteur, objet d’une condition suspensive rend l’obligation caduque (ex : le vendeur vend sous condition suspensive un immeuble qui est détruit la vente est éteinte, c’est donc le vendeur qui subit la perte de la chose) ; inversement, s’il s’agit d’une condition résolutoire, l’acheteur subit la perte de la chose et ne pourra obtenir remboursement du prix. Par ailleurs, un certain nombre d’actes échappent à la rétroactivité. En cas de condition suspensive le vendeur conserve les fruits de la chose. En cas de condition résolutoire, si la chose a été vendue à un tiers, il ne sera pas possible d’obtenir la chose. L’article 2279 du Code civil protège en effet le tiers.

Section 2. −−−− Le terme

I – Définition

457. Exigibilité. −−−− A la différence de la condition qui suspend l’existence d’une obligation ou la réduit à néant, le terme n’affecte que l’exigibilité d’une obligation. Il a donc à voir avec le paiement, principalement, en termes d’échéance, même si le terme est également envisagé de manière beaucoup plus large. Le terme est la technique élémentaire permettant de gérer la durée dans les contrats. Le terme est envisagé par Les articles 1185 à 1188 du Code civil : On peut le définir, par opposition avec la condition, comme un événement futur et certain à la réalisation duquel est suspendue l’exécution (terme suspensif) ou l’extinction (terme extinctif) d’une obligation ou d’un contrat. Il s’agit donc d’un événement qui surviendra nécessairement, à la différence de la condition : point de problème de potestativité ou de défaillance, mais essentiellement des questions de mesure des délais et de comportement pour éventuellement subir une déchéance du terme. Il s’agit, là encore d’un événement futur, possible et licite, mais certain exprimé sous forme de terme ad quo, en durée (« ex : le contrat est conclu pour une durée de 3 ans à compter de la signature du contrat par les parties » ; Le franchisé s’oblige en fin de contrat à ne pas concurrencer le franchiseur et ne pas exercer d’activité similaire pendant une durée de deux ans à compter de la rupture du contrat »). Il peut aussi s’agir d’une expression du terme par la détermination d’une date, d’un terme a quo (ex : « je paierai à la fin du mois », « je vous paie

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pendant trois mois », « je paie jusqu’au 15 du mois »). C’est donc la certitude de la survenance de l’événement qui le distingue d’une condition, soumise à un événement aléatoire. La distinction n’est pas toujours aisée, d’autant que l’on trouve également des termes incertains, où l’événement est certain mais sa date exacte de réalisation est inconnue (« je paierai quand X décèdera ») d’où le problème de formule plus floues comme « je paierai lorsque j’aurai retrouvé meilleure fortune » dite clause de retour à meilleure fortune. Petite difficulté cependant pour des formules du type, je paierai à la «Saint Glin-Glin » : obligation impossible et donc nulle, obligation transformée en obligation naturelle ou obligation à terme, le jour de la Toussaint, jour de tous les saints (1026), voire obligation affectée d’une condition potestative nulle ? On mesure alors la différence entre ce type de terme incertain, dont la survenance dépend de la volonté du débiteur avec les conditions potestative : « je paierai quand je le voudrais » et « je paierai quand je le pourrais », distance malaisée à repérer, ou bien encore avec des événements présentés comme certains par les parties mais en réalité aléatoires. On trouve enfin des termes qui échappent à la volonté des parties : termes légaux – rares (ex : art. 455 C. civ. qui impose un délai de six mois au tuteur pour employer les capitaux du mineur en tutelle) – ou des termes judiciaires, par exemple le délai imposé par un juge pour exécuter une obligation, par exemple dans des situations de difficulté de paiement. Une variété de ces termes est envisagée par les articles 1244-1 et suivants sous la forme de délais de grâce (cf. infra, 497).

458. Terme suspensif et terme extinctif. – Le terme, événement futur et certain, peut être considéré comme un point de départ du contrat, une date d’exigibilité, ou comme un point d’arrivée, une date d'extinction. Dans le premier cas, il s’agit d’un terme suspensif (je te paierai le 12 du mois), il s’agit d’un terme extinctif (le vendeur offre une garantie de deux ans pièces et mains d’œuvre) dans le second cas. Bien souvent, un contrat ou une obligation contient les deux types de termes. Par exemple un contrat de travail est conclu à partie du 1er août (terme suspensif) pour une durée de un an de sorte que le 31 juillet de l’année n + 1, le contrat prendra fin (terme extinctif). Parfois, les implications des termes sont plus complexes : par exemple un fournisseur doit livrer une marchandise le 15 juin, mais l’acheteur ne paiera que le 10 juillet ou bien paiera en trois fois, les 10 juillet, 10 août,

1026 En ce sens : Cass. civ. 6 novembre 1973. D.1974.p. 91 : « Attendu, cependant, que la Saint GlinGlin ne figure pas dans le calendrier des Saints mais qu'il existe, à la date du 1er novembre une fête collective de tous les Saints qui n'ont pu y trouver place ; Attendu, dans ces conditoins, qu'il convient de fixer au 1er novembre la date de la Saint Glin-Glin ».

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10 septembre. Autre exemple, un contrat est conclu pour une durée de trois ans renouvelables par tacite reconduction mais chaque partie pourra mettre fin au contrat trois mois avant l’échéance du contrat.

II – Les effets du terme

A – Terme suspensif

459. Echéance. – Le terme suspensif est celui qu'envisage le Code civil dans les articles 1185 et suivants. Il a pour objet de préciser à quelle date future l’obligation stipulée sera exécutée : c'est alors seulement que l'obligation sera exigible, à cette date, le créancier de l’obligation pourra en réclamer l'exécution. Ce faisant le terme suspensif détermine une échéance et, concernant l’obligation de paiement, un délai de paiement. Un terme suspensif peut cependant concerner l'ensemble du contrat (un contrat prendra effet 'à au 1er juin prochain). Il peut concerner certaines de ses obligations seulement (« l’acheteur paiera à 15 jours fins de mois »). Bien souvent, les contrats prévoyant des obligations à termes, prévoient des pénalités de retard en cas de retard dans l’exécution. Dans certains contrats, les délais d’exécution sont particulièrement encadrés. Ainsi, dans les contrats de vente conclus entre professionnels, les délais de paiement sont prévus, en principe, « à trente jours fin de mois » sauf stipulation contraire et autres exceptions légales (C. com., art. L. 441-6, al. 4 et L. 443-1) et des pénalités de retard doivent être appliquées en cas de retard (C. com., art. L. 441-6, al.6). De même dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, le Code de la consommation prévoit un encadrement des délais d’exécution des obligations du vendeur, notamment la livraison du produit ou du service si la livraison n’est pas immédiate (C. consom. art. l. 114-1).

460. Avant l’échéance. – Avant l’échéance c’est-à-dire, avant la survenance du terme, l’obligation conclue sous un terme suspensif n’est pas exigible, le terme n’est pas échu (C. civ., art. 1186). Le débiteur ne doit pas payer et le créancier ne peut donc pas réclamer paiement, ni effectuer des voies d'exécution comme des saisies... En revanche l'obligation existe bel est bien (ce qui justifiera d’ailleurs sa circulation) et le créancier peut effectuer des mesures conservatoires si le comportement du débiteur met en péril sa créance (inscription de sûretés conservatoires par exemple : L. 9 juill. 1991, art. 67 et s.). En revanche, l’obligation à terme non échu n’est pas exigible (C. civ., art. 1188) : « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme ». Par conséquent, le créancier ne peut pas procéder à des actes d’exécution de l’obligation, ni demander une compensation. De même, les délais de prescription ne courent pas.

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Le débiteur peut toutefois se libérer sans attendre le terme et payer par anticipation car on présume que le terme a été convenu en sa faveur et qu'il peut donc y renoncer. Il perd cependant cette faculté si le créancier a aussi intérêt au terme (C. civ., art. 1187). Par exemple, dans un prêt à intérêt, le prêteur peut s'opposer à un remboursement anticipé (les contrats de prêt prévoient la possibilité de remboursement anticipé mais avec indemnité et comp. C. consom. art. L. 311-29 pour les crédits à la consommation et L. 312-21 pour les crédits immobiliers accordés à un consommateur permettant en toute hypothèse de rembourser par anticipation,). Le paiement anticipé qui a été accepté reste valable et ne peut être remis en cause (art. 1186). Il est cependant suspect en cas de « faillite » et déclaré nul s'il est intervenu dans la période suspecte, car destiné à favoriser un créancier au détriment des autres. Si le débiteur paie ainsi avant terme, sa décision est définitive : il ne pourra agir en répétition (C. civ., art. 1186).

461. L’échéance et déchéance : le moment de la survenance du terme. – La survenance du terme, l’échéance, le délai, le terme, selon les appellations, rend l’obligation conclue sous terme suspensif exigible. Le débiteur peut cependant obtenir des délais de grâce dans les conditions prévues par les articles 1244-1 et s. du Code civil. Le créancier peut aussi subir une déchéance du terme, rendant l’obligation immédiatement exigible, par anticipation (Cf. C. civ., art. 1188), mais sans que la créance ait changé de nature (1027). La déchéance du terme intervient lorsqu'il y a tout lieu de craindre que le temps mette en péril le droit du créancier. Trois situations différentes sont envisagées : Le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur du débiteur emporte déchéance du terme (C. com., art. L. 643-1), à la différence de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. C’est même tout le contraire, le jugement d’ouverture ne rend pas exigible des créances non échues à la date de son prononcé et, inversement toute clause de déchéance du terme en cas de survenance d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est nulle (C. com., art. L. 622-29). De même en est-il de la diminution des garanties données au créancier (C. civ., art. 1188). Par exemple, la résiliation d’un contrat de caution, la vente d’un bien hypothéqué, etc. emportent déchéance du terme. La déchéance n’est cependant pas automatique, elle doit prononcée par le juge, c’est une forme de résolution judiciaire. C’est ainsi que la déchéance n’est pas prononcée en cas de perte fortuite de la chose. Enfin, une clause prévue au contrat, une clause de déchéance du terme peut produire le même effet : ainsi les prêts à remboursements échelonnés

1027 Cf. Cass. Civ. 1ère, 23 avr. 2003, Bull. civ. I, n°97.

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prévoient très souvent qu'en cas de défaut de paiement d'une échéance, il y aura déchéance du terme pour les échéances futures et toute la dette devient immédiatement exigible, sauf octroi judiciaire d'un délai de grâce (C. civ., art. 1244-3).

B – Le terme extinctif

462. Fin d’exigibilité. – Les problèmes posés à propos du terme extinctif ressemblent à ceux de la fin du contrat (cf. supra n°323). Le terme extinctif est le terme qui met fin à un contrat ou à une obligation. Par exemple, les parties prévoient la durée de leur contrat en fixant un terme extinctif établi de façon certaine : le contrat est conclu pour une année ou de façon incertaine un contrat de travail est conclu le temps de remplacer un salarié absent pour maladie. Peut importe le mode d’expression du terme extinctif, pourvu qu’il soit véritablement stipulé. A défaut, le contrat ou l’obligation auraient une durée indéterminée et nous avons vu qu’alors, le contrat est un contrat précaire puisque chaque partie dispose de la faculté d’y mettre fin à tout moment. Parfois la loi fixe la durée minimal d’un contrat, comme en matière de baux d’habitation (3 ou 6 ans, selon les cas) ou bien en matière de baux commerciaux (9 ans) ou bien établi au contraire dune durée maximale : 24 mois pour un contrat de travail à durée déterminée, 3 mois pour les contrats de mandat des agents immobiliers, 10 ans pour un contrat de fourniture contenant une clause d’exclusivité. D’autres fois, c’est un raisonnement judiciaire qui conduit à identifier une durée maximum, comme à propos des clauses de non concurrence (cf. supra, n°152). Avant la survenance du terme extinctif, il ne se passe rien de particulier ou, plus exactement, le contrat doit être exécuté normalement. La cessation anticipée du contrat ou de l’obligation peut cependant survenir si la loi a prévu une faculté de résiliation anticipée : par exemple, le preneur à bail d’habitation peut donner congé à tout moment ou bien si le contrat a prévu une clause de résiliation anticipée ou bien encore si le débiteur de l’obligation est placée en liquidation judicaire. La survenance du terme extinctif produit l’effet inverse du terme suspensif : l’obligation sous terme extinctif cesse au contraire d’être exigible, à cet instant. Enfin, après la survenance du terme, les obligations cessent de produire effet, même si en pratique on observe que des obligations nouvelles peuvent prendre le relais de l’obligation éteinte, soit par l’effet d’une prorogation ou d’une reconduction du contrat, soit par l’effet d’une obligation post-contractuelle. Bibliographie :

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S. Valory, La potestativité dans les rapports contractuels, PUAM 1999, J.-J. Taisne, La notion de condition dans les actes juridiques, Th. Lille, 1977, O. Milhac, La notion de condition dans les contrats à titre onéreux, LGDJ 2001, C. Bloud-Rey, Le terme dans le contrat, PUAM, 2003.

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CHAPITRE 2

LES OBLIGATIONS PLURALES

463. Présentation. – L'obligation est un rapport juridique établi entre deux personnes, un sujet actif, le créancier, et un sujet passif, le débiteur. Il se peut aussi qu'il y ait plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs, on parlera « d'obligations plurales par leur sujet » liant de multiples sujets actifs, ou cocréanciers, et sujets passifs ou codébiteurs à travers l’observation des obligations conjointes (Section 1), solidaires (Section 2) et indivisibles (Section 3).

464. Obligations plurales par leur objet. – Nous n’évoquerons pas longuement les « d’obligations plurales par leur objet » représentées par les obligations conjonctives, les obligations alternatives et les obligations facultatives. Les obligations conjonctives révèlent l’hypothèse dans laquelle le débiteur doit effectuer plusieurs prestations au créancier cumulativement, comme c’est le cas d’un contrat d’échange dans lequel l’une des parties doit livrer la chose échangée et payer une soulte. Aucune difficulté particulière n’est soulevée sinon à l’observation que le débiteur n’est libéré que lorsque toutes les prestations sont réalisées. Les obligations alternatives représentent une autre situation, d’ailleurs

Supprimé:

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visée aux articles 1189 à 1196 du Code civil, celle dans laquelle une obligation propose plusieurs prestations mais alors que le débiteur ne doit fournir qu’une seule de ces prestations pour être libéré : par exemple le débiteur d’une obligation de paiement, dans un contrat international, a le choix entre payer en euro ou en dollar, il peut payer en fournissant une somme d’argent ou une chose, etc. et ces prestations sont considérées comme équivalentes, même si, en réalité, elles ont valeur différente : c’est alors tout l’intérêt de ces obligations, notamment en termes de spéculation. Le débiteur dispose alors d’une option, en principe discrétionnaire, sauf si une stipulation permet au créancier d’exercer son choix (C. civ., art. 1190) et la jurisprudence considère que l’exercice de l’option est irrévocable (1028). En outre, si une des prestations devient impossible, par exemple parce que l’une des deux choses a péri, l’autre demeure due et l’obligation se transforme en une obligation ordinaire (C. civ., art. 1192) mais si les deux choses périssent, le débiteur est libéré (C. civ., art. 1195). L’obligation facultative est une variante de l’obligation alternative, pourtant non envisagée par le Code civil. Elle vise l’hypothèse dans laquelle le débiteur n’est tenu que d’exécuter une prestation tout en précisant que le débiteur peut, s’il le préfère, exécuter par une autre prestation, option qu’il exerce, seul. L’exemple type est celui de l’option de l’acheteur face à une vente menacée de rescision pour lésion qui peut choisir d’éviter la rescision en payant un complément du prix.

Section 1. – Les obligations conjointes

465. Divisibilité de principe des obligations. – Les obligations conjointes ou divisibles sont les obligations plurales ordinaires, les obligations plurales de droit commun, notamment pour les dettes ou les créances contractées par les particuliers. C’est l’application du principe de la division des créances et des dettes. L’obligation se divise en principe activement ou passivement entre les divers sujets de l’obligation. Mieux vaudrait alors parler d’obligations disjointes ou divisibles, plutôt que d’obligations conjointes. Plusieurs effets découlent de cette définition. 1 – Chaque partie n'est engagée que pour sa part : la créance ou la dette doit donc être divisée par tête (« par part virile »). Par exemple, si deux personnes A et B doivent 2000 à un créancier C, chacun doit 1000 au créancier de sorte que le créancier peut réclamer 1000 à A et 1000 à B. Si au lieu qu’il y ait quatre créanciers, C, D, E, F au lien d’un alors chaque débiteur doit payer 250 à chacun des quatre créanciers, inversement, C peut réclamer 250 à A, 250 à B, D, 250 à A et

1028 Cf. Cass. civ. 1ère, 3 juin 1966, Bull. civ. I, n°329, RTD civ., p. 384, obs. J. Chevallier).

Supprimé: C

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250 à B… La principale conséquence est alors que le risque du non paiement par l’un des codébiteurs est supporté par le créancier. 2 – Les codébiteurs ou cocréanciers ne se représentent pas entre eux, de sorte que la mise en demeure notifiée à l'un des débiteurs ne produit aucun effet à l'égard des autres débiteurs. De même, Si l’obligation est nulle ou éteinte pour l’un, elle ne n’est pas nécessairement pour l’autre. Enfin, l'interruption de la prescription courant en faveur de l'un des débiteurs ne produit aucun effet sur la prescription qui court en faveur des autres débiteurs et le jugement rendu pour un créancier ou pour un débiteur n’a aucun effet sur les autres. Cette situation, de droit commun, n’est pourtant, pas en pratique la situation la plus courante, tant les exceptions sont nombreuses et tant la pratique propose, constamment, es techniques permettant de rendre les obligations solidaires, même dans les relations avec des particuliers, de sorte que certains auteurs proposent d’abandonner ce principe (1029).

Section 2 - Les obligations solidaires

466. Solidarité active et solidarité passive. – Le mécanisme de la solidarité a pour objet d’empêcher la division des dettes et des créances en raison de la pluralité des sujets, actifs ou surtout passifs. C’est une technique ordinaire en matière d’obligations plurales qui présente, en outre l’avantage de fournir un substitut de sûreté, comme alternative au contrat de cautionnement, spécialement dans le cas de la solidarité passive. Il s’opère en effet un reversement de la charge du risque. Dans le cas de la solidarité passive, notamment, chaque codébiteur solidaire est réputé devoir l’intégralité de la dette, de sorte que le risque d’insolvabilité de l’un des codébiteurs est supporté par les autres, point par le créancier. La solidarité peut être établie entre différents sujets actifs – créanciers – et l'on parlera de solidarité active (I) ou entre différents sujets passifs – débiteurs – et l'on parlera de solidarité passive (II).

I. – La solidarité active

467. Présentation. – La solidarité active se présente en cas de pluralité de créanciers : chacun de ces créanciers peut alors demander au débiteur le paiement de toute la dette. L’obligation plurale est activement solidaire lorsque chacun des co-créanciers peuvent réclamer le paiement de l’intégralité de la dette au débiteur (cf. C. civ., art. 1197 et s.). Une telle dérogation au droit commun des obligations plurales ne peut résulter que

1029 Cf. L. Aynès et A. Hontebeyrie, « Pour une réforme du Code civil, en matière d’obligation conjointe et d’obligation solidaire », D. 2006, Chr. P. 328.

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d’une stipulation expresse dans le contrat : tout comme la solidarité passive (cf. infra, n°468) mais avec plus de force, la solidarité active ne se présume pas (1030) même en matière commerciale. C’est le cas notamment des conventions de compte joint ouvertes par un couple auprès d’une banque permettant à chaque cotitulaire du compte d’effectuer seul des opérations sur ce compte : inversement le banquier se libère en exécutant ses obligations auprès de l’un quelconque des cotitulaires du compte. Les effets de la solidarité active découlent du mécanisme général de la solidarité, ainsi de ce que l'on appelle les effets secondaires de la solidarité, qui seront examinés à propos de la solidarité passive (Cf. infra, n°470). Chaque créancier peut demander le paiement de l'intégralité de la créance 1197) et le débiteur a le choix de s'acquitter entre les mains de l'un quelconque des créanciers solidaires, du moins tant qu'il n'a pas été poursuivi par l'un d'eux (1198, al. 1). Par ailleurs s’agissant des « effets secondaires de la solidarité active, la mise en demeure ou l'interruption de la prescription faite par l'un des créanciers profite aux autres (art. 1199), la chose jugée au bénéfice de l'un d'eux profite aux autres, le créancier qui a été payé de l'intégralité ou d’une partie de la créance devient débiteur des autres, qui disposent d’un recours contre lui en proportion de leurs droits respectifs. En revanche, la remise de dette accordée au débiteur par l'un des créanciers solidaire ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier (art. 1198, al. 2).

II. – La solidarité passive

A – Définition de la solidarité passive

468. Définition et description du mécanisme. – Plus intéressante, plus complexe, plus fréquente, la solidarité passive présente bien des intérêts pour le créancier. L’obligation plurale est passivement solidaire dès lors que chacun des codébiteurs peut être tenu de verser l’intégralité de la dette au créancier (cf. C. Civ., art. 1220). C’est le cas des obligations contractuelles mais aussi de certaines obligations légales, voire de certaines obligations de source judiciaires comme les obligations nées de la responsabilité civile, les dettes de réparation. Si A et B sont débiteurs solidaires de C de 1000 il en résulte que A comme B peuvent se voir réclamer l’intégralité de la dette 1000 (et non 500 comme lorsque la dette est simplement conjointe). On mesure ainsi le grand avantage du créancier qui se retrouve dans la même situation que s’il disposait de deux dettes de 1000 chacune et diminue ainsi les risques de l’insolvabilité de son débiteur. Chaque codébiteur est ainsi garant des

1030 Cf. Cass. Civ. 1ère, 16 juin 1992, Bull. civ. I, n°179, D. 1993, somm. p. 216, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 1993, p. 356, obs. J. Mestre.

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autres codébiteurs.

469. La solidarité ne se présume pas, quoique… – Il résulte des termes de l’article 1202 du Code civil, que « la solidarité ne se présume point. Il faut qu'elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi ». C’est ainsi que en principe la pluralité de débiteurs, quels qu’il soit, ne permet de déduire l’hypothèse de la solidarité (1031). Pourtant trois situations permettent de repérer une obligation passivement solidaire : 1 – Solidarité conventionnelle : la première hypothèse est celle où les parties l’ont voulu, par une clause expresse dans le contrat (1032). Elle n’est soumise à aucun formalisme particulier. C’est cependant celui qui invoque la solidarité de prouver que l’obligation est solidaire. 2 – Solidarité légale : la seconde situation est celle où la loi l’impose, comme, par exemple, dans certains rapports entre un créancier et des époux (C. civ., art. 220, al. 1er), s’agissant des dettes ménagères contractées par un seul des époux (1033), les rapports entre co-mandataires avec le mandant (C. civ., art. 2002), les rapports entre co-emprunteurs d’une chose (C. civ., art. 1887. 3 – Solidarité présumée en matière commerciale : une troisième situation s’ajoute à la formule de l’article 1202 du Code civil qui n’en comporte pourtant que deux. En matière commerciale, en effet, il est admis, au contraire et sur le fondement d’une règle coutumière de l’Ancien régime, que la solidarité se présume entre débiteurs commerçants. Il convient donc que les parties imposent une clause pour supprimer les effets de la solidarité, et retrouver la divisibilité de la dette.

B. – Effets de la solidarité passive

1 – Les effets de la solidarité passive entre le créancier et les coobligés : l’obligation à la dette

470. « Effets principaux » ou effets sur l’obligation de la solidarité passive. – On appelle traditionnellement « effets principaux » ceux qui sont inhérents à la solidarité passive qui se présente sur l’obligation solidaire. Ils se fondent sur le principe de l’unité de la dette, principe appliqué à la dette et à la pluralité des débiteurs qui fait que chaque

1031 Cf. Cass. Civ. 3ème, 8 févr. 1989, Bull. civ. III, n°34, pour des coacquéreurs, Cass. civ. 1ère, 19 févr. 1991, Bull. civ. I, n°71, pour des co-emprunteurs de sommes d’argent. 1032 Cf. Cass. civ. 3ème, 26 janv. 2005, Bull. civ. III, n°14. 1033 Comp. C. civ., art. 515-4 en matière de PCS pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante, mais, s’agissant des concubines, il n’y pas de telle solidarité : Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, RTD civ. 2004, p. 510, obs. J. Mestre et B. fages.

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débiteur peut être contraint de payer l’intégralité de celle-ci. On expliquait ces solutions, dans la doctrine du XIXè siècle, par un mécanisme de représentation mutuelle : chaque codébiteur représenterait les autres codébiteurs dans ses rapports avec le créancier, comme si chaque codébiteur avait donné aux autres un pouvoir, un mandat, formule largement reprise depuis et notamment par la jurisprudence. La doctrine récente remet en cause cette solution notamment en raison des recours entre coobligés. Ce serait alors une « fausse bonne idée » (1034). Il reste qu’elle fonde les mécanismes actuels en jurisprudence et que son abandon aboutirait à revenir sur certaines de ces solutions, notamment s’agissant des voies de recours entre les codébiteurs solidaires. 1 – Les effets reposant sur l’unité de la dette : dans les relations entre le créancier et les codébiteurs solidaires, chaque codébiteur est tenu de l'intégralité de la dette vis-à-vis du créancier. C’est le principal effet de la solidarité. Différentes conséquences en résultent. Le créancier poursuivant peut agir contre l'un quelconque des débiteurs et lui demander un paiement intégral, sans être obligé de mettre en cause les autres (1035). C'est l'effet principal de la solidarité énoncé par l'article 1203 du Code civil : le créancier dispose d'une « faculté d'élection »: il s'adressera au débiteur qu'il estime le plus solvable et en obtiendra le règlement de l'intégralité de sa créance. A défaut d'obtenir de ce débiteur un paiement intégral, le créancier se retournera contre un autre débiteur pour toucher le solde (C. civ., art.1204). Réciproquement, le débiteur appeler à payer ne peut invoquer ni un bénéfice de discussion (imposant au créancier de s’adresser d’abord à un autre débiteur, comme c’est le cas du cautionnement) ni de division (imposait de diviser la dette comme en matière d’obligations divisibles). Toutefois, le décès de l’un des débiteurs modifie la situation : les autres débiteurs demeurent dans la même situation mais la dette du défunt passe à ses héritiers entre lesquels la dette se divise. Par exemple A et B doivent solidairement 2000 à C. B décède et laissent la dette à ses deux héritiers. C peut toujours demander aux deux héritiers l’intégralité de la dette, soit 2000, mais de façon divisible, ils devront au plus 1000 chacun. Le paiement total fait par l'un des débiteurs éteint la dette et les autres débiteurs se trouvent libérés par rapport au créancier. 2 – Effets tenant à la pluralité des liens d’obligation : chaque codébiteur est dans un rapport d’obligation avec le créancier qui est différent de celui de ses codébiteurs : ainsi les montants peuvent être différents, les modalités peuvent également être différentes, mêlant des obligations conditionnelles et à terme, qui sont personnelles à chacun des codébiteurs et qui ne peut être invoqué que par le débiteur qui en bénéficie.

1034 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, n°1160. 1035 Cf. Cass. Civ.1ère, 10 mai 1988, Bull. civ. I, n°140.

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Cela justifie que le créancier puisse poursuivre simultanément ou successivement plusieurs codébiteurs (C. civ., art. 1204) devant éventuellement des juridictions différentes. Et l’action ainsi exercée ne peut être considérée comme la renonciation à exercer contre les autres. Cependant il n’est pas question que le créancier obtienne davantage que sa créance de sorte que le paiement partiel réalisé par l’un éteint la dette de tous en conséquence. 3 – Effets en matière d’opposabilité des exceptions : Le cas précédent ouvre la voie à l’observation de la question de l’opposabilité des exceptions. Il en résulte parfois des situations très complexes comme les deux exemples qui suivent permettent de l’illustrer. A est créancier de B et C, débiteurs solidaires, pour une somme de 1000. Mais C est par ailleurs créancier de A pour 500. Si A choisit de poursuivre B, ce dernier ne pourra invoquer l’exception de compensation à hauteur de 500, exception qui repose sur le lien A-C, mais s’il choisit de poursuivre C, ce dernier pourra invoquer la compensation de la dette du fait de cette coexistence et ne payer que 500 et si A décide alors d’exercer une action contre B pour obtenir le paiement du solde, B pourra alors invoquer l’exception de compensation parce que celle-ci a déjà été invoquée par son codébiteur, pur ne verser que les 500 complémentaires. Et on peut raisonner de façon voisine pour bien des situations, par exemple de remises de dette, de mécanismes de remises ou de ristournes… Si en revanche, A est créancier de B et C , débiteurs solidaires et que l’obligation est affectée d’une cause de nullité par exemple B et C pourront invoquer cette exception si A décide d’agir contre l’un d’entre eux. La règle de l’opposabilité des exceptions se divise, en conséquence. Le débiteur poursuivi peut échapper au paiement en opposant au créancier les exceptions qui lui sont propres (C. civ., art. 1208), par exemple un vice du consentement qui lui serait propre, un vice d’incapacité mais aussi le fait que la dette soit éteinte à son égard par compensation par exemple. En revanche, les autres codébiteurs solidaires ne peuvent invoquer les exceptions qui sont propres aux autres débiteurs, tant que le débiteur qui pourrait l’invoquer ne l’a pas fait ; une fois invoquée, les autres peuvent alors l’utiliser à leur tour (C. civ., art. 1204, al. 3). Chaque débiteur peut en revanche invoquer les exceptions qui sont inhérentes au rapport d’obligations (C. civ., art. 1208), , relatives au défaut d'exigibilité de l'obligation ou à sa nullité du fait de l’illicéité de l’obligation de son défaut de cause ou d’objet…, sa prescription, son paiement.

471. « Effets secondaires » ou effets sur l’action de la solidarité passive. – Les effets secondaires de la solidarité passive tendent à faciliter l’action du créancier. On les appelle « secondaires » car ces

Supprimé: in

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effets ne résulte pas automatiquement du rapport de solidarité et résulte principalement de la logique de représentation mutuelle entre les coobligés solidaires : – l'interruption de prescription faite à l'égard de l'un des débiteurs joue à l'égard de tous (C. civ., art. 1206). – la mise en demeure d'un débiteur solidaire produit ses effets à l'égard de tous (C.civ., art. 1207), et fait alors peser sur tous les codébiteurs le risque éventuel de perte de la chose (C. civ., art. 1205) ; Si par exemple, des covendeurs sont solidairement tenus de livrer des marchandises et que celles-ci sont conserver par l’un des codébiteurs et périssent par sa faute, chacun est tenu au remboursement de la valeur de la chose. – Le jugement obtenu par le créancier contre l'un des co-débiteurs s'impose aux autres. Il y a là une autre exception grave au principe de la relativité de l'autorité de la chose jugée, puisque cette autorité ne s'impose, normalement, qu'entre les mêmes parties, pour le même objet, selon les mêmes moyens (1036). De même en est-il de la transaction réalisée avec l’un des codébiteurs (1037). – Le recours formé contre une décision judiciaire par l'un des co-débiteurs profite corrélativement aux autres, qu'il s'agisse d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.

2 – Les effets de la solidarité passive entre les coobligés : la

contribution à la dette

472. Division de la dette entre les coobligés. – Dans les relations entre codébiteurs solidaires s’opère au contraire la division de la dette : ils ne sont tenus, entre eux, que par parts viriles ou selon les stipulations qui les lient. Le débiteur qui a intégralement le créancier payé va en effet pouvoir se retourner contre les autres débiteurs pour demander à chacun sa part de façon à leur faire partager la charge de leurs obligations. Le paiement fait par l’un n’est donc pas définitif, il est provisoire en attendant que le codébiteur qui a payé obtienne des autres leur contribution à la dette. La division s’opère de plein droit, dispose l’article 1213 du Code civil, en divisant par le nombre de codébiteurs ou bien en s’en tenant à la règle établie par contrat. Mais pour ce recours, la solidarité disparaît (C. civ., art. 1213 C.civ.). Ainsi si A et B devaient solidairement 1000 à C et que C a obtenu paiement de A, A peut se retourner contre B pour 500. La division s’opère en principe par part virile mais les parties, ou la situation factuelle, peut choisir une autre solution. Dans certaines situations, le juge peut même s’opposer à la division par part virile, par

1036 Cf. Cass; com. 1er juin 1999, Bull. civ. IV, n°115. 1037 Cf. Cass. Com. 28 mars 2006, Bull. civ. IV, n°85, RDC 2006, p. 806, obs. X. Lagarde, RTD civ. 2006, p. 766, obs. J. Mestre et B. Fages.

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exemple « si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement », dispose l’article 1216 du Code civil n’a profité qu’à un seul, les autres étant alors considérés comme des cautions et non comme des coobligés. Cette action peut alors être exercée soit à titre personnel, soit à titre subrogatoire. A titre personnel, au titre du mandat ou de la gestion d’affaires car celui qui a payé l’a fait pour le compte de chacun des coobligés, le débiteur qui a payé peut réclamer le paiement aux autre et la dette commence à faire courir des intérêts au jour du paiement. A titre subrogatoire, sur le fondement de l’article 1251-3° du Code civil (cf. infra, n°491), le codébiteur qui a payé à la place des autres codébiteurs est subrogé dans les droits du créancier, investit des droits et actions du créancier et bénéficie notamment de toutes les sûretés et garanties, moins la solidarité, naturellement.

III – L’obligation in solidum

473. Presque de la solidarité. – A côté de la solidarité passive traditionnelle, auteurs et tribunaux ont admis au XXème siècle en se fondant sur des institutions romaines, qu’il y avait place pour l’admission d'une solidarité atténuée appelée « obligation in solidum » ou « solidarité imparfaite ». L’obligation in solidum est l’obligation plurale dans laquelle plusieurs débiteurs sont tenus d’une dette sans qu’il y ait a priori solidarité, comme pour les coauteurs d’une faute à l’égard de la victime, les débiteurs d’aliments (1038). C’est, notamment, dans le cadre des condamnations de plusieurs coauteurs d’un fait générateur de responsabilité causal d’un préjudice que le mécanisme prend tout son intérêt et plus spécifiquement encore lorsque la loi ne prévoit pas expressément de mécanisme de solidarité passive (Cf. en matière de responsabilité consécutive à une infraction pénale : C. pén., art. 375-2, 480-1 et 543, ou C. civ., art. 1384, al. 4 s’agissant de la solidarité des parents responsable du fait de leur enfant mineur) ou que les coauteurs ne sont pas des commerçants : dans ces cas, l’obligation de réparation, ordinaire, devrait être conjointe. Le caractère in solidum de l’obligation permet de pallier les inconvénients, pour la victime, du risque d’insolvabilité de l’un des coauteurs (1039). Une telle obligation est alors pratiquement systématique, dans le cas où plusieurs coauteurs d’une même faute ayant occasionné un seul préjudice mais aussi lorsqu’ils ont commis des fautes distinctes ayant toutes

1038 V. Toutefois : Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, Bull. civ. I, n°419, RTD civ. 2006, p. 104, obs. J. Hauser. 1039 Cass. civ. 4 déc. 1939, DC 1941, p. 124, note G. Holleaux. Adde : M. Mignot, Les obligations solidaires et les obligations in solidum, Dalloz, 2002.

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contribué à produire le dommage et, ce quel que soit le régime de responsabilité invoqué. Ce peut être une combinaison de plusieurs régimes de responsabilité délictuelle (1040) mais également d’une responsabilité délictuelle et contractuelle (1041). L’obligation in solidum se distingue de l’obligation solidaire par ses effets. L'obligation in solidum ne produit pas tous les effets de l'obligation solidaire. Elle produit les effets principaux en ce sens que le créancier peut demander le paiement de la totalité de sa créance à l’un des débiteurs, que le paiement fait par ce débiteur libère les autres vis-à-vis du créancier, et que le débiteur qui a payé plus que sa part peut se retourner contre les autres. En revanche, elle ne produit pas les effets secondaires de la solidarité passive. Enfin, s’agissant des rapports entre coobligés et de leur contribution à la dette, celui qui a payé le débiteur dispose d’un recours fondé sur le paiement subrogatoire contre les autres coresponsables, en fonction de leur implication dans la création du dommage, dont la répartition dépend de la solution adoptée souverainement par les juges du fond, par exemple en fonction de la gravité des comportements (1042) voire en fonction de la nature de la responsabilité encourue. Ainsi celui qui est condamné au titre d’une responsabilité objective, sans faute, in solidum avec celui qui est condamné pour faute peut réclamer l’intégralité de la dette à ce dernier (1043).

Section 3. – Les obligations indivisibles

474. Notion d’indivisibilité des obligations. – Notion considérée comme fort complexe dans l'ancien Droit, au point que le Code civil lui consacre plusieurs articles, aux articles 1217 à 1225, sans lui apporter de solutions particulièrement claires, l’indivisibilité ou plutôt l’obligation indivisible est, aux termes de l’article 1217 du Code civil définie de la manière suivante : « l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle ». L'obligation indivisible est donc l'obligation qui ne peut être exécutée qu'en entier, lorsqu’il est impossible de l’exécuter partiellement, comme lorsque deux personnes covendeurs s’obligent à livrer un animal vivant, à garantir la chose vendue, à ne pas révéler une

1040 Par exemple : responsabilité pour faute et responsabilité du fait des choses ou pour du fait d’autrui : Cass. civ. 2ème, 4 mars 1970, Bull. civ. II, n°76, 77, 78, 79. 1041 Cass. Civ. 1ère, 12 juin 1954, D. 1954, p. 588. 1042 Cf. Cass. civ. 3ème, 26 avr. 2006, Bull. civ. III, n°100. 1043 Cass. civ. 2ème, 25 nov. 1987, Bull. civ. II, n°242. En cas de deux responsabilités objectives, il y aura répartition par parts égales : Cass. civ. 2ème, 13 juill. 2000, Bull. civ. II, n°126.

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information. Il s’agit alors d’une hypothèse d’indivisibilité naturelle ou objective de l’obligation considérée du point de vue de son objet : son objet ne peut être divisé ou bien s’il peut l’être (obligation de livrer 50 choses), il a été considéré comme un tout (1044). Elle concerne ainsi certaines obligations de faire et presque toues les obligations de ne pas faire :l’exécution d’une obligation ne pas faire (obligation de non concurrence, de confidentialité) ne saurait en effet n’être que partielle. L’indivisibilité peut aussi être envisagée de manière conventionnelle ou subjective, s’agissant d’obligation naturellement divisibles, mais que les parties décident de rendre indivisibles. Cela peut concerner toute obligations naturellement divisible, même une obligation de payer une somme d’argent (1045). Cette stipulation est très fréquente en pratique, souvent cumulée avec la solidarité : il est courant de lire que les parties s’engagent « solidairement et indivisiblement », formule qui n’est pas redondante, bien au contraire. Elle doit en principe être clairement exprimée même si elle peut être tacite (C. civ., art. 1221, 5°). Les effets de l’indivisibilité se distinguent selon qu’on les envisage activement ou passivement. L’indivisibilité active (C. civ., art. 1224) emporte pour effet que chaque créancier d’une obligation indivisible peut en réclamer le paiement au débiteur, paiement qui le libère à l’égard des autres cocréanciers. L’indivisibilité passive se rapproche de la solidarité : le principal effet est de faire obstacle à la divisibilité de la dette de sorte que chacun des codébiteurs indivisibles peut être appelé à en régler l’intégralité (C. civ., art. 1222 et 1224, al. 1er) ou que l’inexécution par l’un des codébiteurs a des effets pour tous et peut emporter la résolution du contrat à l’égard de tous. On retrouve alors tous les effets principaux de la solidarité appliqués à l’obligation indivisible, mais point ses effets secondaires. En outre, si l’un des codébiteurs indivisible décède, ses héritiers seront également tenus indivisiblement (C. civ. art. 1223), de même que si le créancier décède, ses héritiers seront créanciers indivisibles. Cet effet principal ajoute alors à ceux de la solidarité. C’est tout l’intérêt d’une stipulation selon laquelle l’obligation est « solidaire et indivisible », car elle permet, outre cette dernière question, d’ajouter tous les effets secondaires de la solidarité.

Bibliographie Ph. Briand, Eléments d’une théorie de la cotitularité des

1044 Cf. Cass. Civ. 1ère, 6 févr. 1996, Bull. civ. I, n°63, contrats. conc. consom. 1996, n°95, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1996, p. 907, obs. J. Mestre (ensemble compose d’un tracteur et d’un semi-remorque). 1045 Cf. Cf. Cass. Civ. 1ère, 13 mai 1981, Bull. civ., n°163.

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obligations,Th. Nantes, 2000, A. Hontebeyrie, Le fondement de l’obligation solidaire en droit privé, Th. Paris I, 2002, M ; Oury-Brulé, L’engagement du codébiteur solidaire non intéressé à la dette, LGDJ, 2002, M. Mignot, Les obligations solidaires et les obligations in solidum, Dalloz, 2002, D. R. Martin, « L’engagement du codébiteur solidaire adjoint », RTDciv. 1994, p. 49, D. Veaux- et P. Veaux-Fournerie, « La représentation mutelle des coobligés », Etudes A. Weill, 1983, p. 547, L. Aynès et A. Hontebeyrie, « Pour une réforme du Code civil, en matière d’obligation conjointe et d’obligation solidaire », D. 2006, Chr. p. 328.

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CHAPITRE 3

LA CIRCULATION DES OBLIGATIONS

475. Un lien et un bien. −−−− On appelle « circulation des obligations » ou transmission des obligations, le fait qu’une obligation puisse être transmise à un autre que l’une des parties initiales. Il en résulte que les parties à l’exécution du contrat peuvent ne pas être les mêmes que les parties qui ont participé à la formation du contrat. Nous avons déjà rencontré cette question à propos de la circulation du contrat (cf. supra, n°247). C’est évidemment une conception très économique du contrat et de l’obligation qui permet d’admettre cette solution. Si, en effet, le rapport d’obligation est classiquement analysé comme un lien de droit, de façon très subjective, il peut aussi être considéré comme un bien, de manière plus objective. L’obligation est monétairement évaluable, c’est une valeur, c’est donc un bien, un élément du patrimoine, au sens des mécanismes du droit des biens. Toutes les obligations ne sont pas logées à la même enseigne : seules les obligations non encore exécutées, non échues, ou conditionnelles (1046), qui s’inscrivent dans la durée, sont susceptibles d’être ainsi valorisées. De ce point de vue, la dette est une forme de crédit accordé par le créancier. Ainsi considérée, l’obligation, voire l’ensemble des obligations d’un contrat, ou le contrat lui-même, peuvent-ils être considérés comme un bien à part entière, sur lequel s’exercerait un droit de propriété, voire une possession (1047) et donc,

1046 Cf. Cass. com. 7 déc. 2004, Bull. civ. IV, n°213, D. 2005, p. 230, note Ch. Larroumet, RTD civ. 2005, p. 132, obs. J. Mestre et B. Fages. 1047 Comp. A Pélissier, La possession des biens incorporels, Litec, 2000.

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connaître les règles du droit des biens : nantissement, cession notamment ? L’analyse économique du droit considère cette question comme une évidence, le droit des affaires observe cette situation de façon ordinaire, par la pratique contractuelle, par les règles du droit bancaire, du droit des procédures collectives notamment. Les règles du droit civil, en revanche, demeurent plutôt réticentes. Pourtant, même en droit civil, il s’agit d’une situation extrêmement commune comme la cession d’un bail ou la cession d’une créance qui emporte pour conséquence la transmission d’une obligation. Plus complexe est la situation de la transmission d’une dette, a priori impossible en droit français dans la mesure où la personne du débiteur n’est pas indifférente au créancier. Mais le changement de débiteur peut parvenir à un résultat voisin. D’une façon générale, la transmission d’une obligation assure le changement de l’une des personnes liées, le créancier généralement, voire, le débiteur, par un contrat, un contrat de cession de créance, un contrat de délégation, voire des solutions légales. La notion de circulation des obligations et du contrat est alors une formule qui rassemble bien des situations : la transmission d’une obligation, voire du contrat, à cause de mort est largement admise en droit des successions, la négociation des titres est la formule utilisée par le droit des sociétés ou le droit financiers pour évoquer la cession de titre ou d’instruments financiers, la cession de contrat avec l’obstacle de l’ intuitus personae qui peut marquer certains contrats, la fusion d’entreprises emportant transmission des créances, des dettes, des contrats en est encore une illustration… Le droit civil recourt alors à des instruments qui sont directement hérités de la tradition romaine ou romaniste, largement axée sur l’obligation, plus que sur le contrat, à travers la notion de cession de créance, l’admission controversée de la cession de contrat, le refus de la cession de dette et des formules plus sophistiquées comme la délégation de créances ou la subrogation personnelle, voire la novation par changement de créancier ou de débiteur. Tels sont les instruments que nous allons visiter : la cession de créance, formule reine du Code civil (Section 1), la cession de contrat ayant déjà été visitée et la délégation de créance (Section 2) étant entendu que d’autres formules pourraient être envisagées, comme les techniques de subrogation (Section 3), la novation (Section 4) également abordée comme technique de paiement.

Section 1. – La cession de créance

476. Vente de créance. −−−− Le terme cession est une déclinaison du terme vente pour les biens meubles incorporels (fonds de commerce, titres,

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droit de propriété incorporelles, etc.) dont les créances. De ce point de vue, la cession de créance est un contrat, une vente de créance (le Code civil parle curieusement de « transport de créance »), par lequel le créancier d’une obligation, cédant, transfère, c’est-à-dire cède, « transporte » dit le Code civil, la créance qu’il détient sur son débiteur, qu’on appelle le débiteur cédé, à un tiers à ce rapport d’obligation, le cessionnaire (C. civ., art. 1689). Mais il pourrait s’agir de l’effet d’un autre contrat : une donation, un apport en société, legs, échange, etc. D’ailleurs l’avant projet de réforme évoque l’opération comme une transmission, quel que soit le support contractuel, vente, donation ou autre (C. civ., art. 1251). La transmission de créance est donc une opération plus vaste que la cession de créance, qui en constitue cependant le modèle : elle s’effectue le plus souvent à titre onéreux mais peut être effectuée à titre gratuit. Il peut s’agir de créances présentes ou de créances futures (les « futures » des marchés financiers, comp. PEDC, art. 11:102, avant projet de réforme, art. 1252) (1048), certaines ou incertaines (les trop fameux titres tirés des « subprimes » cf. infra, n°476), il peut s’agir de la totalité de la créance ou d’une partie seulement (Cf. PEDC, art. 11:103). Toutefois, certaines créances sont exclues du domaine de la cession de créance en raison de leur caractère, les créances incessibles ou insaisissables, comme les créances alimentaires, les fractions insaisissable du salaires (Cf. L. 9 juill. 1991, art. 14) ou en raison de leur nature, le fonds de commerce, les droits de propriété incorporelle qui ne sont pas des créances, ou les titres négociables, qui sont régis par des textes particuliers. En outre le caractère incessible d’une créance peut résulter d’une stipulation à cet effet, soit pour la rendre effectivement incessible soit pour soumettre sa cession à agrément du débiteur (1049). Cette usage de la liberté contractuelle répond cependant aux même logiques que les clauses d’inaliénabilité des choses en général (cf. supra, n°152), peut-être davantage d’ailleurs pour ces choses particulières que sont les créances, de sorte que le législateur, depuis 2001, réputé nulles ces clauses dans les créances établies par un producteur, un commerçant, un industriel ou un artisan avec ses clients (C.com., art. L. 442-6, II, c) (1050). Par ailleurs, la cession de créance a pour objet comme son nom l’indique, une créance. Il ne peut s’agir d’une dette. C’est une question débattue depuis longtemps. Le principe est celui de l’incessibilité des dettes même si on rencontre quelques tempéraments, par le biais de la subrogation ou de la délégation de créance (cf. infra, n°489 et n°486).

1048 Cf. Cass. civ. 1ère, 20 mars 2001, Bull. civ. I, n°76, D. 2001, p. 3110, note L. Aynès. 1049 Cf. Cass. com. 22 oct. 2002, RTD civ. 2003, p. 129, obs. P. Crocq. 1050 F.-X. Licari, « L’incessibilité conventionnelle des créances (le pactum de non cedendo, de l’Ecole des Pandectes, à la loi relatives aux nouvelles relations économiques) » RJCom. 2002, p. 66 et p. 101.

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La formule est donc apparemment très simple, elle est d’ailleurs très usitée, que ce soit comme mode de financement (A doit 100 à B, et B doit 200 à C mais ne dispose que de 100 : B donne 100 à C et lui cède sa créance de 100 sur A) ou comme titre (les titres négociables, que sont la lettre de change, le connaissement maritime, certains chèques, les titres au porteur, les instruments financiers de manière plus globale…). Ainsi, lorsqu’une personne dispose d’un titre, représentant une créance (lettre de change, connaissement maritime, etc.) la remise de ce titre emporte transfert de ce que représente le titre (créance, marchandises). L’exemple type est l’escompte d’une lettre de change : la lettre de change est un effet à terme assurant un ordre de paiement d’une somme d’argent (la provision), son escompte est la vente, par anticipation de cette provision du propriétaire actuel, le porteur, qui devient la propriété du nouveau porteur. Dans toutes les hypothèses, la cession de créance emporte le transfert de propriété de la créance, ce qui justifie diverses fonctions de cet outil.

477. Fonctions de la cession de créance : paiement et garantie. −−−− La cession de créance est, comme dans l’exemple plus haut utilisé, souvent un instrument de paiement, admis comme tel par les règles du droit des affaires, notamment celles du droit des procédures collectives (C. com., art. L. 632-1) : le débiteur B cède sa créance sur A à C, à titre de paiement. Toutefois, la cession de la créance ne vaut pas extinction de celle-ci, elle ne vaut pas paiement : la créance ne sera étaient que lorsque A aura effectivement payé C (1051). Plus délicate est la question de la cession de créance utilisée à titre de garantie souvent pour garantir le paiement d’une dette. A doit 100 à B et B doit 100 à C (un crédit concédé par un établissement de crédit par exemple): la cession de la créance que B détient sur A peut servir, soit à payer la dette de B à l’égard de C, par exemple s’il elle est à échéances successives de C, soit servir de garantie au paiement de sa dette par B. Si C est effectivement payé par B, C devra rembourser le montant de la créance cédée et, à défaut, la créance cédée à titre de garantie, il la conserve ou la cède à son tour. Ce type d’opération s’inscrit dans le nouveau courant du droit des sûretés, tel qu’il est résulté de la loi de 2006 ou plus précisément encore, par la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie (C. civ., art. 2011 s.). D’ailleurs, elle est expressément prévue par le mécanisme particulier des articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier reprenant les règles de la loi Dailly du 2 janvier 1981. Ces textes sont heureux dans la mesure où malgré des règles favorables en latence (Principes Unidroit, art. 9.1.1, avant-projet de réforme, art. 1257-1), la Cour de cassation, en 2006, a retenu une solution

1051 Cf. Cass. com. 23 juin 1992, Bull. civ. IV, n°245, RTD civ. 1993, p. 357, obs. J. Mestre.

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restrictive, retenant que « en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous les droits sur des créances, constitue un nantissement de créance » (1052). Plus technique encore est la fonction de titrisation d’une créance (1053), qui est une technique de droit financier et par laquelle une entreprise, très souvent un établissement de crédit cède les créances qu’elle détient sur certains de ses clients, selon des critères déterminés, à une entité, un fonds commun de créance (C.MF, art. L. 214-43 s.), mécanisme qui ne dispose cependant pas de la personnalité morale, qui finance cette acquisition en émettant des titres qui seront cédés sur un marché de capitaux. L’outil est (était ?) très utile en matière de defeasance c’est-à-dire d’extériorisation de créances douteuses, dangereuses ou à risques (et qui apparaissent au bilan d’une entreprise accompagnée de fortes provisions qui sont susceptibles de détériorer l’image de ce bilan): le fonds acquiert ces créances à une valeur inférieure à leur valeur nominale, tenant compte du risque de non recouvrement et les acquéreurs des titres du fonds spéculent sur la qualité des créances qui fondent ce fonds et sur la potentialité de leur recouvrement. L’aventure des subprimes fondées sur cette technique et sur la combinaison des titres résultant de ces opérations montre également les risques considérables d’une telle opération. Cet outil est également très utile pour assurer le refinancement à court terme de créances de terme plus long. 478. Plan. −−−− Observons ainsi la cession de créance ordinaire (I) et les cessions de créances particulières (II).

I. – La cession de créance ordinaire

479. Formalités de l’article 1690 du Code civil. −−−− Outre les conditions propres à toute convention et liées aux qualités de la créance, les conditions reposent essentiellement sur les exigences de publicité. La cession de créance impose une exigence de publicité, et non de validité, assez lourdes afin d’imposer l’opposabilité de la cession aux tiers et notamment aux tiers particuliers et intéressés par l’opération, dont le débiteur cédé en premier lieu mais aussi les créanciers du cédant (qui voient disparaître une créance de son patrimoine) et du cessionnaire (qui voient, au contraire, apparaître une créance). Cette exigence, qui résulte de l’article 1690 du Code civil conditionne l’efficacité de cette cession de

1052 Cf. Cass. com. 19 déc. 2006, D. 2007, p. 344, note Ch. Larroumet, JCP 2007, II, 10067, Rapp. M. Cohen-Branche, note D. Legeais, RDC 2007, p. 273, obs. Y.-M. Laithier. Adde : L. Aynès, « La cession de créance à titre de garantie, quel avenir ? », D. 2007, Chr, p. 961. 1053 J.-Ph. Dom, « Le renouveau de la titrisation », Bull. Joly, Bourse 2005, p. 388.

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créance. Ainsi, aux termes de ce texte, « le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ». Il convient donc que le débiteur cédé soit informé de la cession et des conditions précises de celle-ci selon un formalisme qui repose sur une option, au choix du cessionnaire ou du cédant : soit par signification, c’est-à-dire par un acte d’huissier, quel qu’il soit, signification proprement dite, assignation signification de conclusions (1054), soit par son acceptation dans un acte authentique, c’est-à-dire un acte notarié, qui emporte renonciation du débiteur à se prévaloir de l’exception de compensation qu’il aurait pu opposer éventuellement au cédant (C. civ., art. 1295). C’est souligner l’importance – mais aussi la lourdeur et le coût – que le Code civil accorde à cette mesure de publicité. L’avant-projet de réforme du droit des obligations propose un allègement important les articles 1253 et suivant n’imposent plus qu’un écrit comme condition de validité, une opposabilité aux tiers sans formalité et une notification simplifiée au débiteur cédé. Observons alors que l’opposabilité aux tiers telle qu’elle résulte de l’article 1690 du Code civil est toute singulière : l’opposabilité de la cession à tous les tiers, dont le débiteur cédé et les créanciers du cédant et du cessionnaire, résulte de la signification au seul débiteur cédé. Cette formalité s’impose à toutes les cessions de créance entre vifs et à titre particulier, par exemple pour la cession d’une créance proprement dite, comme la créance de paiement d’une vente de marchandises, par le vendeur qui, alors qu’il est payé à terme, souhaite se refinancer (mais il utilisera ce faisant un mode de cession simplifié, cf. infra, n°483), la cession de droits sociaux non négociables, comme des parts de société civile ou de SARL. Y échappent cependant certains modes de transmission notamment les transmissions à cause de mort et les transmissions à titre particulier, comme les transmissions résultant d’un legs, en raison de l’effet dévolutif du patrimoine, universalité de droit, qui résulte du mécanisme successoral. C’est d’ailleurs ce qui explique également que la formalité de l’article 1690 ne s’impose pas dans une opération de fusion de sociétés, lorsque la société absorbante devient titulaire des créances de la société absorbée (1055). A l’inverse cependant lorsqu’une cession de fonds de commerce, universalité de fait, s’accompagne de la cession de créances non transmises automatiquement (comme les contrats de travail, le contrat de bail ou le contrat d’assurance du fonds), la formalité de l’article 1690 retrouve toute son importance

1054 Cass. com. 29 févr. 2000, Bull. civ. IV, n°41. 1055 Cf. Cass. civ. 1ère, 7 mars 1972, Bull. civ. IV, n°71 ; Cass. com. 18 déc. 1994, Bull. civ. IV, n°351.

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(1056).

480. Conséquences de la formalité de l’article 1690 du Code civil. −−−− Enfin, l’exigence formaliste de l’article 1690 du Code civil est bien une formalité informative et non une condition de forme impliquant la validité de l’opération : son respect ou son non respect sont donc sans incidence aucune sur la validité du contrat de cession de créance ou sur son contenu. La sanction de l’article 1690 du Code civil est simplement l’inopposabilité de la cession à l’égard des tiers, créanciers du cédant notamment (1057). −−−− La créance est signifiée : plusieurs conséquences majeures en découlent. La cession se voit, d’abord, conférer date certaine. Dès lors la publicité assure la résolution d’un éventuel concours de cessionnaires, par exemple lorsque la créance a été cédée à plusieurs cessionnaires distincts (créance cédée à plusieurs cessionnaires ou créance cédée à l’un et nantie au profit d’un autre) soit par malhonnêteté soit par négligence soit parce que les cessions étaient partielles et que la créance a diminué en valeur : le premier cessionnaire qui signifie est réputé (sauf fraude) propriétaire de la créance, indépendamment de la date du contrat de cession (1058), comme dans les ventes immobilières en quelque sorte, comme dans l’éventuel conflit entre un cessionnaire et un créancier bénéficiant d’un nantissement de la même créance par la combinaison des règles en matière de cession de créance (C. civ., art. 1690) et du nantissement (C. civ., art. 2362), ou entre le cessionnaire et un créancier du cédant exerçant une mesure d’exécution, une saisie attribution notamment (L. 9 juill. 1991, art. 43). −−−− La créance n’est pas signifiée : si − ou tant que − la créance n’est pas signifiée, les tiers, en revanche ne sont pas censés connaître cette cession et peuvent donc légitimement l’ignorer, soit qu’ils l’ignorent véritablement soit qu’ils trouvent intérêt à ce que le cédant demeure propriétaire de la créance. Le cédant peut ainsi réclamer le paiement auprès du débiteur cédé lequel ne peut se prévaloir de la cession pour le refuser (1059) mais inversement, le cessionnaire, pourtant devenu propriétaire de la créance par le seul de la cession ne peut le réclamer auprès du débiteur, situation paradoxale que la jurisprudence comble en considérant que le paiement volontaire par le débiteur cédé est libératoire, donc définitif, notamment lorsque ce paiement ne crée aucun grief à

1056 Cf. Cass. com. 11 juin 1981, Bull. civ. IV, n°264. 1057 Cf. Cass. civ. 1ère, 4 déc; 1985, Bull. civ. IV, n°336, RTD civ. 1986, p. 750, obs. J. Mestre. 1058 Cf. Cass. com. 19 mars 1980, Bull. civ. IV, n°137. 1059 Cf. Cass. civ. 3ème, 12 juin 1985, Bull. civ. III, n°95 ; Cass. civ. 20 juin 1938, DP 1938, 1, 26, note A. Weill.

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quiconque (1060). Le débiteur cédé peut ainsi payer le cédant ou invoquer une exception de compensation à son égard et donc ne point payer le cessionnaire. Plus compliquée est l’hypothèse dans laquelle, comme c’est fréquent, le débiteur est informé, par exemple parce que la cession s’inscrit dans un contrat sous seing privé auquel le débiteur cédé est partie. Faute de signification, le débiteur cédé est censé ignorer une cession qu’il est censé connaître par ailleurs. Le paiement fait entre les mains du cédant serait alors considéré comme de mauvaise foi et ne le libérerait pas à l’égard du cessionnaire : qui paie mal paie deux fois.

481. Effets de la cession de créance : transfert de propriété et des accessoires. −−−− La cession de créance emporte, d’abord, un transfert de propriété de la créance au profit du cessionnaire, pour son montant, quel que soit le prix, éventuellement nul, la cession de créance pouvant être gratuite, qu’il l’a payée : le plus souvent le prix de la cession de la créance est inférieur au montant de la créance elle-même, la différence représente le coût du temps et du risque pris par le cessionnaire. Il s’ensuit que la cession de créance est bien une cession : elle n’emporte pas création d’une obligation nouvelle entre le débiteur cédé et le cessionnaire par extinction de l’obligation entre le cédant et le cessionnaire, qui serait l’effet d’une novation (cf. infra, n°517). La créance cédée comporte alors la créance elle-même, sans aucune modification (elle demeure conditionnelle, affectée d’un terme, commerciale ou civile, etc. si elle présentait ces caractères) ainsi que tous ses accessoires, notamment les sûretés qui accompagnaient cette créance mais aussi les actions en justice qui lui sont afférentes (1061) et même les clauses compromissoires, solution qui s’explique tout autant par les logiques de la vente que par celles de l’arbitrage et du principe d’autonomie de ces clauses (1062).

482. Opposabilité des exceptions. −−−− Cependant, le transfert de la créance s’effectue également avec ses éventuels défauts : c’est le principe de l’opposabilité des exceptions, auquel le débiteur peut toutefois

1060 Cf. Cass. com. 28 sept. 2004, Bull. civ. IV, n°173. 1061 Cf. Cass. civ. 1ère, 19 juin 2007, Bull. civ. I, n°XX. Pour une action extracontractuelle fondée sur la faute antérieure d’un tiers: cf. Cass. civ. 1ère, 10 janv. 2006, Bull. civ. I, n°6 ; Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2006, Bull. civ. I, n°433. 1062 Cf. Cass. Civ. 1ère, 6 févr; 2001, JCP 2001, II, 10657, note C. Legros, Cass. civ. 2ème, 20 déc. 2001, Bull. civ. II, n°198, Rev. Arb. 2002, p. 379, note C. Legros (arbitrage interne), Cass. civ. 1ère, 5 janv. 1999, Bull. civ. I, n°1 (arbitrage international). Adde : X. Pradel, « Cession de créance et transfert de la clause compromissoire », D. 2003, Chr. p. 569, M.-E. Mathieu-Bouyssou, « La transmission de la clause compromissoire au cessionnaire de la créance », JCP 2003, I, 116.

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renoncer (1063). Le cessionnaire ne pouvant recueillir plus de droits que n’en disposait le cédant, le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions (la créance est nulle, elle est viciée, elle est payée, compensée, nantie…) qu’il aurait pu opposer au cédant.

483. Garantie de la cession. −−−− La cession de créance emporte, ensuite, des effets ressemblant à ceux de la vente : le cédant doit garantir la créance cédée c’est-à-dire l’existence de la créance cédée (et de ses accessoires : C. civ., art. 1693) (1064) mais point la solvabilité du débiteur cédé, sauf stipulation particulière à cet effet (C. civ., art. 1694). Plus complexe est l’hypothèse de la cession d’une créance litigieuse, c’est-à-dire des créances qui font l’objet d’une procédure civile déjà engagée au fond et portant sur existence ou sa validité (1065) : les articles 1699 à 1701 du Code civil proposent au débiteur défendeur lors de l’instance, de se substituer au cessionnaire en lui payant le prix de la créance accru des frais (1066), formule appelée traditionnellement le retrait litigieux. Ce type de retrait se retrouve essentiellement dans les hypothèses appelées, en droit comptable, créances douteuses, qu’un cédant cède pour un prix très inférieur à sa valeur vénale, à un cessionnaire qui espère faire triompher la créance en justice. Ce faisant, le débiteur prend la place du cessionnaire et ce faisant confond sur sa tête les titres de débiteur et de créancier, éteignant la créance, mettant fin au procès, libérant les éventuelles cautions et débiteurs solidaires et fait échec à la spéculation attendue du cessionnaire.

II. – Les cessions de créances simplifiées

484. Transmission des titres au porteur. – D’une manière générale, la lourdeur des procédures du droit civil de cession des créances ne convient guère aux logiques du droit commercial fondées sur l’apparence et la rapidité. On trouve alors en droit commercial des procédures de cession des créances rendues plus aisées ou plus rapides, comme dans le cas de la transmission des titres au porteur. Il s’agit de documents qui contiennent, en eux-mêmes, le droit de créance : on dit que le droit est incorporé dans le titre : c’est le cas des lettres de change, des warrants, des valeurs mobilières (les actions, les obligations), des chèques au porteur, d’un

1063 Cf. F.-X. Licari, « Une sûreté négative : la renonciation du débiteur cédé à ses exceptions (droit français, droit coparé, droit uniforme) », RDLC 2004/5. 1064 Cf. Cass. com. 29 mars 1994, Bull. civ. IV, n°126. 1065 N’est ainsi pas une créance litigieuse celle dont le litige porte sur la seule contestation du clacul des intérêts : Cass. com. 26 févr. 2002, Bull. civ. IV, n°41, Defrénois 2002, p. 767, obs. E. Savaux, RTD civ. 2002, p. 532, obs. P.-Y. Gautier. Par ailleurs, cette procédure est impossible en cas de procédure collective du débiteur, en raison de l’interdiction de payerles dettes antérieures (Cass. com. 12 oct. 2004, Bull. civ. IV, n°183. 1066 Cf. Cass. civ. 1ère, 20 janv. 2004, Bull. civ. I, n° 17.

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billet du Loto. On parle alors de titrisation des créances pour évoquer cette situation (cf. supra, n°476). Inversement, un mouvement de dématérialisation des titres propose la situation inverse comme en matière de titres de sociétés depuis 1983. C’est ainsi que les titres de société sont cessibles par simple ordre de virement de compte à compte. La transmission de la créance s’effectue par simple remise du titre : le possesseur du titre devient titulaire de la créance, voire par simple mouvement de compte à compte, lequel emporte, par lui-même transfert de la créance représentée par le titre (lui-même fictif le plus souvent).

485. Transmission des titres à ordre et effets de commerce. – C’est ensuite le cas de la transmission des titres à ordre comme le sont les billets à ordre : « payez 100000 € à Z » et des effets de commerce plus largement La transmission s’effectue par « endossement » c’est-à-dire par signature sur le dos du document.

486. Cession des créances professionnelles. – Les cessions de créances professionnelles ont fait l’objet d’une loi du 2 janvier 1981 (CMF, art. L. 313-23 etc.), dite loi Dailly et on parle de cession de créance par Bordereau Dailly. Il s’agit de mécanismes de financement d’une entreprise qui cède les créances commerciales qu’elle détient sur ses clients par le biais d’une cession simplifiée et facilitée par plusieurs techniques, de nature à rendre plus aisé l’accès, pour ces entreprises, au crédit. Notamment, le mécanisme évite la signification de la cession tel qu’il est envisagé dans l’article 1690 du Code civil. La formule connaît un certain succès, même si elle est très largement concurrencée par un autre système, voisin, de financement, l’affacturage, fondé sur le mécanisme de la subrogation personnelle (cf. infra, n°489). Le mécanisme demeure soumis aux règles du droit bancaire, de sorte que le cessionnaire ne peut être qu’un établissement de crédit. En outre, le mécanisme suppose qu’il soit adossé à une opération de crédit (emprunt ou plus souvent crédit revolving) souvent sous la forme d’un contrat cadre, prenant pour base une cession proprement dite ou une cession fiduciaire (CMF, art. L. 313-24). L’opération peut en revanche concerner n’importe quelle créance, contractuelle ou extracontractuelle, exigibles ou à termes, existantes, futures (1067) ou éventuelles (Cf. CMF, art. L. 313-23, al.2 et L. 313-27, al. 1er) que le cédant détient sur un tiers, personne privée ou publique, personne morale ou personne physique pour

1067 Cf. Cass. com. 7 déc. 2004, Bull. civ. IV, n°213, D. 2005, p. 230, note C. Larroumet, RTD civ.2005, p. 132, obs. J. Mestre et B. Fages.

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autant dans ce cas qu’elle présente un caractère professionnel (1068). L’opération, de cession ou de cession fiduciaire, s’effectue d’abord par un simple bordereau comportant un certain nombre de mentions obligatoires. Ainsi le bordereau doit-il impérativement présenter la formule « acte de cession de créances professionnelles » ou « acte de nantissement de créances professionnelles », de manière à les isoler des cessions ou nantissements de créances de droit commun (et alors soumises à la formalité de l’article 1690 du Code civil), la mention que ces actes sont soumis aux articles L. 313-23 à 313-24 du Code monétaire et financier, et le nom de l’établissement de crédit cessionnaire. Il doit ensuite récapituler les créances remises et présenter tous les caractères permettant de les individualiser, voire simplement le moyen de transmission, leur nombre et le montant total, lorsque la cession s’effectue par un procédé informatique. Le bordereau doit être signé par le cédant et daté par le cessionnaire. Ces mentions sont essentielles : leur non respect disqualifie, sans rémission possible, ces cessions de créances professionnelles en cession de créances de droit commun (1069). On retrouve là les exigences du droit commercial. L’intérêt de la formule tient au fait que la remise du bordereau emporte à elle seule transfert de propriété, automatiquement, accompagnées de tous leurs accessoires comme n’importe quelle cession de créance (CMF, art. L. 313-27, al. 3) et surtout que transmission est opposable aux tiers du seul fait de la transmission du bordereau, sans autre formalité. L’établissement de crédit est donc propriétaire des créances dès leur transmission (ce qui déroge au droit commun de la vente où le transfert de propriété résulte de l’échange des consentements). Faute de formalité, les conflits entre le cessionnaire et les tiers qui invoqueraient des droits sur cette créance sont alors tranché en application de la règle prior tempore potior jure : le premier qui, en date, détient un droit sur la créance l’emporte sur les autres. Dans les hypothèses simples (A détient une créance sur B qui est cédée à un établissement de crédit, mais également, ensuite, à d’autres), l’établissement de crédit cessionnaire l’emporte (1070). Dans les situations plus complexe, la situation est parfois plus complexe : le cessionnaire l’emporte ainsi sur un créancier ordinaire du cédant qui saisirait la créance postérieurement à la date figurant sur le bordereau (1071) mais point, par exemple, à l’égard du vendeur sous réserve de propriété qui aurait cédé une chose au cédant qui l’aurait revendue au débiteur cédé : la créance cédant –cédé est

1068 Cf. Cass. com. 3 janv. 1996, Bull. civ. IV, n°3. 1069 Cf. Cass. com. 11 juill. 2000, Bull. civ. IV, n°141 (date erronée, mention de la loi de « 1984 » au lieu de la loi de 1981). 1070 Cf. Avec l’affactureur qui a été subrogé ensuite : Cass. com. 3 janv. 1992, Bull. civ. IV, n°190 ; avec un second cessionnaire de la même créance : Cass. com. 12 janv. 1999, Bull. civ. IV, n°8.. 1071 Cass. com. 26 nov. 2003, Bull. civ. IV, n°176.

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postérieure au droit du vendeur sous réserve de propriété (1072). En outre l’article L. 313-27 ne propose de solution qu’en application de la cession : par exemple le cessionnaire qui se trouve en conflit avec un autre établissement de crédit qui a reçu paiement du débiteur cédé pour le compte du cédant, par un effet de commerce notamment, ne peut obtenir restitution de la part du banquier réceptionnaire du paiement (1073). Titulaire de la créance, le cessionnaire doit alors être payé du cédé. Encore convient-il que le cédé en soit informé : cette information résulte d’une notification, simple faculté (1074) et sans condition de forme, indiquant au débiteur cédé qu’il doit payer la créance entre ses mains (CMF, art. L. 313-28). Tant que le débiteur cédé n’est pas informé, il conserve la possibilité de payer le cédant, lequel est alors le mandataire du cessionnaire au paiement. Une fois informé cependant, le débiteur doit payer entre les mains du cessionnaire et point entre celles du cédant. En revanche, cette information ne modifie pas la nature de la créance de sorte que le débiteur peut toujours opposer au cessionnaire les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant (1075). Pour pallier ce risque, le cessionnaire peut alors demander au débiteur cédé d’accepter la cession (CMF, art. L. 313-29) par un acte d’acceptation au formalisme également particulier, qui interdira au cédé d’opposer les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant. Enfin, le cédant est garant solidaire du paiement des créances par le débiteur cédé (CMF, art. L. 313-24).

Section 2. – La délégation de créance

487. Définition. – La délégation de créance (1076) est la convention par laquelle une personne, le délégant, demande à une autre personne le délégué, de payer une troisième, le délégataire. Elle s’inscrit, comme la cession de créance ou la subrogation, voire la stipulation pour autrui, dans le cadre des opérations à trois personnes. Par exemple A doit 100 à B qui doit également 100 à C. B, délégant peut alors demander à A, délégué (son débiteur) de payer C, délégataire. L’opération permettra alors de créer, entre le délégué et le délégatoire un engagement nouveau au profit de ce dernier : A est désormais lié à C.

1072 Cass. com. 20 juin 1989, Bull. civ. IV, n°197, D. 1989, p. 431, note F. Pérochon. 1073 Cass. com. 19 déc. 2000, Bull. civ., IV, n°195. 1074 Remarque importante : l’absence d’information n’engage pas la responsabilité du cessionnaire à l’égard des cautions du cédant, qui reçoit paiement alors qu’il est en redressement judiciaire et ne peut donc payer le cessionnaire, invitant ainsi les cautions à payer à sa place (Cass. com. 18 nov. 1997, Bull. civ. IV, n°293). 1075 Par ex : exception de compensation : Cass. com. 15 juin 1993, Bull. civ. IV, n°242, D. 1993, p. 495, note C. Larroumet. 1076 Cf. M. Billiau, La délégation de créance. Essai d’une théorie juridique de la délégation en droit des obligations, LGDJ, 1989 ; J. François, Les opérations triangulaires attributives (stipulation pour autrui et délégation de créance), Th. Paris, II, 1994..

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Le Code civil évoque, incidemment, la délégation aux articles 1275 et 1276, parmi les textes relatifs à la novation, alors qu’il s’agit d’une opération différente. La délégation est une opération de paiement qui s’exerce à l’égard de personnes qui, le plus souvent, étaient déjà liées précédemment. Mais les conditions de validité de la délégation ne le précisent pas : le délégué peut n’est pas précédemment lié au délégant (1077) et l’opération peut être mue par une intention libérale (au sein d’une famille, dans des relations au sein d’une société, ou bien dans un groupe de sociétés à l’égard d’un créancier de l’une des sociétés du groupe), ou bien comme substitut d’un cautionnement. La délégation est une opération toute particulière. Ainsi, elle n’a pas pour objet de transférer une créance, à la différence de la cession de créance ou du mécanisme subrogatoire, mais de créer une obligation nouvelle entre le délégué et le délégataire qui selon les cas, double l’obligation due par le délégant au délégatoire (délégation simple) ou éteint cette dernière (délégation novatoire). De même, la délégation peut être distinguée de la simple « indication de paiement » (C. civ., art. 1277) par laquelle le débiteur B demande à son propre débiteur A de payer, à sa place, son créancier C, en application d’un simple mandat de payer : ce dernier ne dispose pas d’un droit de créance à l’encontre de A. De même le mécanisme se distingue de la stipulation pour autrui : le stipulant demande au promettant de s’engager au profit d’un tiers bénéficiaire. Cependant, l’acceptation du tiers bénéficiaire n’est pas une condition de validité de l’opération, mais rend simplement la stipulation pour autrui irrévocable. Au contraire, la délégation est une véritable opération à trois personnes dans laquelle le délégatoire doit exprimer son consentement. En outre, le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions que le délégant aurait pu invoquer, à la différence de la stipulation pour autrui ou de la cession de créance.

488. Délégation simple. – La délégation simple, dite parfois imparfaite, formule malheureuse car elle est parfaite mais propose simplement de effets différents de ceux de la délégation novatoire dite aussi parfaite, répond à la définition plus haut donnée : dans cette formule l’engagement des trois parties à la convention de délégation est requis, même de manière tacite (1078), celui du déléguant, qui est a priori l’initiateur et le point central de l’opération, le délégué, qui prend un engagement nouveau et le délégataire qui accepte cet engagement, que ces engagements résultent deux accords, entre le délégant et le délégué, puis

1077 Cf. Cass. com. 21 juin 1994, Bull. civ. IV, n°225, D. 1995, somm. p. 91, obs. L. Aynès, RTD civ. 1995, p. 113, obs. J. Mestre. 1078 Cass. Crim. 23 nov. 2004, Bull. crim., n°294 ; Cass. Com. 16 avr; 1996, Bull. civ. IV, n°120 (accord tacite du délégué); Cass. Com. 7 déc. 2004, Bull. civ. IV, n°214 (accord tacite du délégataire).

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celui du délégataire et du délégué, ou d’un seul. La délégation crée ainsi un rapport juridique nouveau entre le délégué et le délégataire. Les situations sont très diverses et les parties sont libres de le prévoir comme elles l’entendent. L’engagement du délégué peut être de payer une somme d’argent ou de faire quelque chose, indépendamment des obligations préexistantes des uns et des autres. On parle à cet effet de délégation certaine. C’est un avantage, une garantie donnée au délégataire. Il peut s’agir d’un engagement qui répète ce que le délégué doit au délégataire, comme concurrent d’une cession de créance, ou de ce que le délégant doit au délégataire, formule concurrente d’un engagement de porte-fort ou de garantie indépendante. On parle dans ce cas de délégation incertaine. Dans tous les cas, l’engagement nouveau du délégué n’est pas la résultante des rapports existants entre le délégant et le délégué : le délégataire bénéficie pour cette raison de l’inopposabilité des exceptions, le délégué ne peut en principe opposer au délégataire les exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre le délégant. Cependant, le Code civil ne règle pas cette question, elle dépend largement des prévisions contractuelles, et la jurisprudence a forgé le régime supplétif de la délégation en posant le principe de l’inopposabilité des exceptions (1079) : le délégué devra donc exécuter l’engagement, en toute circonstance. Si cependant, son engagement reposait sur une dette préexistante envers le délégant et que celle-ci est affectée d’un vice quelconque, il devra malgré tout exécuter l’engagement à l’égard du délégataire, puis se retourner contre le délégant, sauf fraude (1080) ou stipulation contractuelle particulière. De ce point de vue, la délégation ressemble à un acte abstrait, non causé, du type des engagements du droit commercial que sont les effets de commerce ou les garanties indépendantes. On comprend alors que la chambre commerciale s’en tienne à cette position quel que soit le type de délégation, certaine (1081) ou incertaine (1082), solution d’ailleurs reprise dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations (art. 1279-1) quoique la première chambre civile retienne la solution inverse : le délégué pourrait toujours opposer les exceptions qu’il aurait pu soulever contre le délégant, sauf stipulation contraire (1083), ce qui apparaît discutable, moins en raison du caractère abstrait de l’engagement que du fait que l’opération a précisément pour objet de créer un engagement nouveau, indépendant des engagements existants. Reste, alors, la question « énigmatique » selon le propos d’un auteur

1079 Cass. Civ. 24 janv. 1872, DP 1873, 1, 75 ; Cass. Com. 22 avr. 1997, Bull. civ. IV, n°98, Defrénois, 1997, p. 1002, obs. D. Mazeaud. 1080 Cass. Com. 22 avr. 1997, préc. 1081 Cass. Com. 25 févr. 1992, JCP, II, 21922, note M. Billiau. 1082 Cass. Com. 7 déc. 2004, préc. 1083 Cass. civ. 1ère, 17 mars 1992, Bull. civ. I, n°84, D. 1992, p. 481, note L. Aynès, RTD civ. 1992, p. 765, obs. J. Mestre.

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(1084), du sort de l’engagement, éventuel, du délégué à l’égard du délégant. Là encore, tout dépend des situations et des précisions contractuelles. Ainsi, très souvent, l’engagement du délégué est supporté par sa propre dette à l’égard du délégant de sorte que le paiement du délégatoire emporte extinction de la dette du délégué à l’égard du délégant. En revanche tant que la délégation n’a pas été exécutée, le sort de la créance du délégant sur le délégué reste complexe. En effet, la créance du délégant sur le délégué demeure dans son patrimoine, puisque l’engagement du délégué est nouveau et indépendant et n’est pas l’objet d’un transfert au délégatoire. Dès lors, la question de se pose de savoir si le délégant peut en demander paiement au délégué ou si les créanciers du délégant peuvent saisir la créance ou exercer une action oblique. Face à cette difficulté, majeure, car en principe la créance est bien dans le patrimoine du délégant le paiement par le délégué, risquerait de ruiner l’intérêt de la délégation pour le délégataire, la jurisprudence considère que la créance du délégant est indisponible tant que l’opération de délégation n’est pas dénouée (1085), solution parfaitement compréhensible économiquement, quoique difficile à justifier en droit, sauf à admettre que la créance du délégant devient, du fait de la délégation, réservée, comme nantie, au profit de l’opération. D’ailleurs, l’avant-projet de réforme du droit des obligations prolonge simplement la solution jurisprudentielle « l’engagement du délégué envers le délégataire rend indisponible la créance du délégant envers le délégué qui ne peut ni être cédée ni être saisie » (art. 1281).

489. Délégation novatoire. – La délégation novatoire, dite parfois aussi parfaite, est une opération de délégation, comme la précédente, mais dans laquelle l’engagement du délégué éteint le rapport existant entre le délégant et le délégataire. Pour cette raison, la délégation parfaite nécessite, en plus de l’accord des volontés de chacune des parties sur la convention de délégation, un accord de volonté spécial et exprès portant sur cet effet novatoire. Le délégataire dispose alors d’une nouvelle créance sur le délégué, mais ne dispose plus de créance sur le délégant, ce qui suppose que cette créance ait revêtu relativement peu d’importance pour le délégataire, comparé à l’engagement du délégué, soit en raison de sa solvabilité soit en raison des garanties apportées au soutien de cet engagement. Aux conditions précédentes, s’ajoute donc une exigence de double consentement de toutes les parties : un consentement portant sur l’existence de la délégation, et un consentement portant sur la novation,

1084 Ph. Simler, « L’énigmatique sort de l’obligation du délégué envers le délégant tant que l’opération de délégation n’est pas dénouée », Mélanges J.-L. Aubert, 2005, p. 295. 1085 Cass. com. 14 févr. 2006, Bull. civ. IV, n°37, JCP 2006, II, 10145, note M. Roussille, RTD civ. 2006, p. 319, obs. J. Mestre et B. Fages.

Supprimé: o

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en vertu du principe selon lequel la novation ne se présume pas (C. civ., art. 1273). Les effets de la délégation novatoire diffèrent également. Dans les rapports délégué-délégant, la créance était le support de la délégation, mais l’effet novatoire de la délégation ne l’atteint pas directement, pourtant, on considère que l’effet novatoire de la délégation éteint également cette créance, car à défaut, on voit mal comment la dette du délégant envers le délégataire pourrait être éteinte alors que sa créance envers le délégué subsisterait. Dans les rapports délégant-délégataire, la créance est éteinte par novation : le délégataire ne dispose plus que d’une créance, celle du délégué, même en cas d’insolvabilité de ce dernier (sauf clause contraire, très fréquente, mais qui rapproche la délégation novatoire de la délégation simple).

Section 3 – La subrogation

490. La ou les subrogations. – La subrogation (qui signifie substitution ou remplacement) est le mécanisme par lequel quelque chose est juridiquement remplacée par une autre. Il peut s’agir d’une subrogation réelle. Par exemple, lorsque l’acheteur d’un bien n’est pas encore livré par le vendeur et que la chose périt, l’acheteur détient, par subrogation réelle, une créance contre l’assureur de la chose. Le vendeur sous réserve de propriété vend une chose à un acheteur, ce dernier sera propriétaire lorsqu’il paiera, à terme. S’il ne paie pas, parce exemple parce qu’il est placé en redressement judiciaire, le mécanisme permet au vendeur de revendiqué la chose, dont il resté propriétaire, entre les mains du vendeur et au nez des autres créanciers de l’acheteur. Mais si l’acheteur, comme c’est probable, avait préalablement revendu la marchandise à un sous-acquéreur qui ne l’a pas payé, la créance du vendeur sous réserve de propriété est remplacée, par subrogation réelle, par la créance de l’acheteur contre le sous-acquéreur. Plus importante en pratique est l’hypothèse de la subrogation personnelle par laquelle une personne paie la dette d’une autre personne à l’égard de son créancier. L’hypothèse est la suivante : A est débiteur de B et C (une caution de A par exemple, un codébiteur solidaire) paie la dette à B en payant à la place de A, qu’il subroge dans le paiement, il effectue un paiement subrogatoire. Le mécanisme permet alors d’éteindre la dette A-B et de permettre à C, le subrogé de détenir la créance qui était celle de B contre A. A est désormais le débiteur de C comme il l’était de B. Les articles 1249 du Code définissent alors les conditions et les effets de la subrogation en envisageant plusieurs hypothèses de subrogation personnelle selon qu’elle est conventionnelle ou légale.

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491. Subrogation conventionnelle. – La subrogation conventionnelle est prévue par l’article 1250 du Code civil qui, lui-même, envisage deux hypothèses. 1 – La première (C.civ., art. 1250, 1°) concerne l’hypothèse commune : le créancier reçoit le paiement d’un tiers du fait d’un accord entre le créancier et le tiers (subrogation ex parte creditoris). La subrogation doit alors être expresse, c’est-à-dire qu’elle exprime clairement la volonté du créancier de subroger le tiers solvens dans ses droits et actions (1086). Elle doit ensuite être effectuée en même temps que le paiement et être spécialement constatée (C. civ., art. 1250-1°), en général par le biais d’une facture subrogatoire. Il ne peut donc y avoir subrogation par anticipation ni postérieure (1087) au paiement. En revanche, le consentement à la subrogation peut intervenir antérieurement dès lors que le créancier fait ainsi savoir que le paiement par le tiers solvens le subrogera au même du paiement (1088). Enfin, le paiement doit être effectué par le tiers, ou un mandataire du tiers, et le paiement doit être effectué directement au créancier. C’est ainsi que fonctionne (en droit interne) le mécanisme de l’affacturage. Un vendeur vend des marchandises à un acheteur, débiteur d’une obligation de paiement affectée d’un terme suspensif. Le vendeur peut se refinance cédant sa créance ou bien en utilisant la formule de l’affacturage auprès d’un établissement de crédit, un affactureur, ou factor, qui paie le créancier avec subrogation dans les droits du créanciers : le transfert de la créance s’effectue ainsi directement et est opposable au débiteur sans que soient nécessaires les formalités de l’article 1690 du Code civil, grand avantage par rapport à la cession de créance. Plus couramment pour les justiciables, c’est ainsi également que fonctionne le mécanisme du tiers payant avec les institutions de sécurité sociale. Dans une pharmacie par exemple, le client achète des médicaments et détient alors une créance contre l’organisme de sécurité sociale. Le pharmacien paie une partie de cette créance en la compensant avec la dette de l’acheteur à son endroit (justifiant le paiement du seul tiers payant par l’acheteur), son paiement étant subrogatoire et constaté par une facture subrogatoire qui justifie sa créance, à son tour, contre l’organisme de sécurité sociale. 2 – La seconde technique, plus rare (C. civ., art. 1250, 2°), concerne la subrogation consentie par le débiteur avec le tiers (subrogation ex parte debitoris). Cette fois, c’est le débiteur lui-même qui se substitue un tiers,

1086 Cf. Cass. civ. 1ère, 18 oct. 2005, Bull. civ. I, n°374, Defrénois, 2006, p. 614, obs. R. Libchaber.. 1087 Cf. Cass. civ. 1ère, 23 mars 1999, Bull. civ. I, n°105, RTD civ. 2000, p. 330, obs. J. Mestre et B. Fages. 1088 Cf. Cass. com. 29 janv. 1991, Bull. civ. IV, n°48, RTD civ; 1991, p. 531, obs. J. Mestre.

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généralement, un tiers auprès duquel le débiteur emprunte les fonds nécessaires au paiement de sa dette auprès d’un tiers qu’il subroge dans les droits du créancier. L’opération est utilisée par exemple parce que le taux d’intérêt de la dette nouvelle sera plus avantageux que celui de la dette ancienne, notamment dans de substitution d’un nouvel emprunt par un autre, où le créancier n’a évidemment pas intérêt à cette substitution. Le tiers sera alors subrogé dans les droits du créancier, par cette opération, contre le débiteur. L’opération suppose, pour être valable, d’une part qu’elle soit constatée par un acte authentique et, d’autre part qu’une double déclaration atteste de l’origine des sommes d’argent au moment du paiement et de l’emploi de ces sommes au moment de l’emprunt.

492. Subrogation légale. – La subrogation légale est prévue par l’article 1251 du Code civil qui envisage cinq hypothèses. La première hypothèse (C. civ., art. 1251, 3°) est celle l’hypothèse générale dans laquelle la subrogation joue au profit du créancier qui paye la dette de son débiteur au profit d’un autre créancier afin de profiter des garanties plus importantes de ce dernier, qui vont lui profiter à raison de l’effet subrogatoire proposé par la loi. Elle illustre la situation des codébiteurs et des cautions qui les uns étaient tenus « avec d’autres » et le dernier, « pour d’autres », selon les propres termes de l’article 1251, 3° du Code civil. Au-delà cependant, la subrogation légale joue dans des situations plus larges et notamment dans des situations où une personne paie une dette qui lui est propre et, ce faisant libère un autre créancier d’une dette qui aurait dû lui être imputée. L’hypothèse classique est celle du mandataire qui n’exécute pas correctement une obligation, qui indemnise la victime de cette inexécution et qui ce faisant, évite à un autre débiteur d’avoir à répondre de cette inexécution. Celui qui a payé dispose ainsi d’un recours subrogatoire. Par exemple, un transporteur est chargé de livré un colis contre remboursement et livre en omettant d’obtenir le paiement du destinataire. Il indemnise l’expéditeur et, ce faisant, dispose d’un recours subrogatoire contre le destinataire (1089). La subrogation joue alors, même en dehors de toute condamnation judiciaire ; elle se justifie par les logiques successives du paiement de la dette, situation provisoire de celui qui paie une dette pour autrui, autrui qui doit supporter, de manière définitive, cette dette au titre de son obligation de contribution à la dette. Les autres hypothèses sont beaucoup plus particulières : la subrogation joue légalement au profit du créancier qui paie un autre créancier qui détient une hypothèque ou un privilège d’un rang plus favorable que le sien, récupérant ainsi ce rang favorable (C. civ., art ; 1251, 1°), au profit de l’acquéreur d’un immeuble qui paie les créanciers hypothécaires de

1089 Cf. Cass. com. 9 mai 1990, RTD civ. 1990, p. 662, obs. J. Mestre.

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son vendeur (C. civ., art. 1251-2), au profit de l’héritier qui accepte une succession à concurrence de l’actif net et les dettes de la succession (C. civ., art. 1251, 4°), au profit de l’héritier qui a payé les frais funéraires pour le compte de la succession (C. civ., art ; 1251, 5°), mais aussi, hors de l’article 1250 du Code civil, en matière d’indemnisation des victimes, au profit de l’assureur de responsabilité qui indemnise la victime, contre les auteurs du dommage (C. ass., art. L. 121-12), ou des organismes tiers payeurs, les organismes de sécurité sociale qui ont remboursé les frais de soins de la victime d’un accident de la route par exemple.

493. Effets de la subrogation personnelle. – La subrogation permet de produire un transfert de propriété de la créance, du patrimoine du créancier payé ou subrogeant, vers celui du tiers solvens ou subrogé. Il n’y a donc pas de mécanisme de novation, extinction de la dette puis naissance concomitante d’une autre, mais bien transmission : c’est la même créance, avec ses qualités (droits, actions, sûretés notamment) mais également ses défauts qui passent ainsi dans le patrimoine du subrogé (1090), à l’exception, cependant des droits et obligations attachés à la personne du subrogeant (1091). Celui qui a payé à la place du débiteur prend la place du créancier : il devient titulaire de cette créance, à hauteur du montant payé. En effet, la subrogation ne joue que dans la limite du paiement effectué, point au-delà. De ce fait, la différence entre la cession de créance et la subrogation apparaît : le cessionnaire d’une créance d’un montant nominal de 100 mais qu’il acquiert pour 20 peut poursuivre le débiteur pour son montant nominal ; nous avions observé tout l’intérêt de l’opération s’agissant des créances douteuses ou à risque. En revanche, le subrogé qui paierait la même, ne pourrait agir que pour le montant payé : la subrogation ne joue pas comme opération de defeasance. Toutefois, le subrogé qui paie partielle le créancier et qui se retourne ensuite contre le débiteur, se retrouve en concours avec le créancier : A est débiteur de B pour 100, C, subrogé, paie à hauteur de 50 et se retourne, pour cette somme contre A, mais B, qui demeure créancier de A pour 50 exercera également une action pour 50 : l’article 1252 du Code civil accorde alors la priorité au tiers subrogé. Par conséquent également, le débiteur bénéficie du principe de l’opposabilité des exceptions : le débiteur peut opposer toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer à son créancier, l’exception de compensation notamment si le débiteur est par ailleurs créancier du subrogeant. Toutefois, cette exception ne peut être invoquée que pour autant que la dette du subrogeant soit antérieure à la subrogation, faute de réciprocité entre les créances (1092).

1090 Cass. civ. 1ère, 7 déc. 1983, Bull. civ. I, n°291, RTD civ. 1984, p. 717, obs. J. Mestre. 1091 Cass. com. 26 nov. 2002, Bull. civ. IV, n°116. 1092 Cf. Cass. com. 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, n°116.

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Bibliographie

– Sur la transmission des obligations en général : Cf. supra, p. ) et J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, 2001, 1113 s., M. Billiau, La transmission des créances et des dettes, LGDJ, 2002, C Larroumet, Les opérations juridiques à trois personnes, Th. Paris II, 1978, L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica, 1984, E. Jeuland, Essai sur la substitution de personne dans un rapport d'obligation, LGDJ, 1999, A.-S. Barthez, La transmission universelle des obligations, Th. Paris I, 2000.

– Sur la cession de créances : F. Grua, « A propos des cessions de créances par transmission d’effets », D. 1986, Chr., p. 261, V. Lasbordes, « La ctualité de la cession de créances », LPA 14 nov. 2002, F.-X. Licari, « L’incessibilité conventionnelle des créances (le pactum de non cedendo, de l’Ecole des Pandectes, à la loi relatives aux nouvelles relations économiques) » RJCom. 2002, p. 66 et p. 101, X. Pradel, « Cession de créance et transfert de la clause compromissoire », D. 2003, Chr. p. 569, M.-E. Mathieu-Bouyssou, « La transmission de la clause compromissoire au cessionnaire de la créance », JCP 2003, I, 116, F.-X. Licari, « Une sûreté négative : la renonciation du débiteur cédé à ses exceptions (droit français, droit coparé, droit uniforme) », RDLC 2004/5, L. Aynès, La cession de créance à titre de garantie, quel avenir, D. 2007, Chr, p. 961.

– Sur la délégation de créance : M. Billiau, La délégation de créance. Essai d’une théorie juridique de la délégation en droit des obligations, LGDJ, 1989 ; J. François, Les opérations triangulaires attributives (stipulation pour autrui et délégation de créance), Th. Paris, II, 1994 ; Ph. Simler, « L’énigmatique soort de l’obligation du délégué envers le délégant tant que l’opération de délégation n’est pas dénouée », Mélanges J.-L. Aubert, 2005, p. 295.

– Sur la subrogation : J. Mestre, La subrogation personnelle, LGDJ, 1979, V. Ranouil, La subrogation réelle en droit civil français, LGDJ, 1985, C. Mouloungui, L’admission du profit dans la subrogation, LGDJ, 1995, P. Chaumette, « la subrogation personnelle sans paiement », RTDciv.1986, p. 33, F. Auckenthaler, « Le droit du subrogé aux intérêts de la créance », D. 2000, Chr. p. 171.

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CHAPITRE 4

L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS

494. Paiement et paiements. – L’article 1234 énumère l’ensemble des hypothèses dans lesquelles les obligations s’éteignent par le paiement, par la novation, par la remise volontaire, par la compensation, par la confusion, par la perte de la chose, par la nullité ou la rescision, par l’effet de la condition résolutoire et par la prescription. Nous les envisagerons en modifiant un peu le sens de l’énumération, avec les modes d’extinction par paiement d’abord On peut s’intéresser à certaines de ces hypothèses : les paiements (Section 1) puis les différents modes d’extinction particuliers (Section 2).

Section 1. – Les paiements

I. – Le paiement proprement dit

495. Mode normal d’extinction des obligations. – Le paiement est juridiquement le mode normal d’extinction des obligations (1093), quelles qu’elles soient et pas nécessairement le paiement au sens de l’exécution d’une obligation de payer un prix. Le paiement est alors un acte volontaire d’exécution d’une obligation (C. civ., art. 1235) qui répond à des conditions extrêmement précises, réalisé entre le solvens – celui qui paie – et l’accipiens – celui qui reçoit le paiement –. Il convient alors que le débiteur, le solvens, soit mis en demeure d’exécuter son obligation (cf. supra, n°280).

1093 F. Grua, « L’obligation et son paiement », Mélanges Y. Guyon, 2003, p. 479, contra : A. Seriaux, « Conception juridique d’une obligation économique : le paiement », RTD civ. 2004, p. 225.

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Le solvens est le débiteur de l’obligation, ou son mandataire qui est chargé de payer au nom et pour le compte du solvens mais ce peut être un coobligé ou une caution (C. civ., art. 1236, al. 1) ou bien une personne quelconque (C. civ., art ; 1236, al. 2) qui a pu commettre une erreur et exercera une action en répétition de l’indu (Cf. supra, n°331), ou bien pour de bonnes raisons, mû par une intention libérale, ou bien encore de manière subrogatoire (cf. supra, n°489). L’ accipiens est celui qui reçoit le paiement, le créancier en principe ou son mandataire (C. civ., art. 1239, al. 1) ou encore le cessionnaire de la créance. Le paiement, en principe, est libératoire : c’est en ce sens que le paiement est un acte d’exécution et d’extinction des obligations. L’article 1241 du Code impose, à peine de nullité que l’accipiens dispose de la capacité juridique, à moins que le débiteur ne démontre que le paiement à profité au créancier, formule qui intéresse le droit des incapacités et qui est censé décourager le paiement entre les mains d’un incapable. Le paiement doit être réalisé entre les mains du créancier : le paiement fait à un tiers est nul : qui paie mal paie deux fois, sauf dans l’hypothèse ù le créancier a ratifié ce paiement ou bien en a profité, par exemple si le tiers est le conjoint du créancier (C. civ., art. 1239, al. 2) ou bien si le paiement a été réalisé de bonne foi au possesseur de la créance, ce qu’on appelle le créancier apparent (C. civ., art. 1240). Par ailleurs, la créance peut être indisponible, par exemple parce qu’elle fait l’objet d’une saisie-attribution : le paiement sera valable entre les parties mais ne sera pas opposable au créancier saisissant. Le débiteur, là encore, devra payer une seconde fois.

496. Refus d’être payé : les offres réelles. – Le créancier peut refuser l’offre de paiement, parce que le montant de la créance est contesté, par exemple ou raison des modalités de ce paiement. Accepter le paiement pourrait être considérer comme une confirmation d’une éventuelle cause de nullité ou une renonciation au vice affectant la créance. Le Code civil organise à cet effet le mécanisme des offres réelles (C. civ., art. 1257 et s.) : l’offre de paiement est réalisée par voie d’huissier au créancier et faute d’acceptation du paiement, le débiteur consigne le paiement et exerce une action contre le créancier visant à valider l’offre de paiement. Ainsi réalisée, l’offre réelle vaut paiement et arrêt le cours des intérêts moratoire (1094).

497. Objet du paiement. – Le principe est celui de l’identité entre l’objet de l’obligation et l’objet du paiement (C. civ. art. 1243, 1245, 1246) : le débiteur doit payer exactement ce qui est dû, une somme d’argent, une prestation, une abstention ou la remise d’une chose ; à l’inverse, le

1094 Cf. Cass. civ. 1ère, 11 juin 2002, Bull. civ. I, n°162, RTD civ. 2002, p. 813, obs. J. Mestre et B. Fages. Adde C. Robin, « La mora creditoris », RTD civ. 1998, p.607.

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créancier n’est pas tenu de recevoir autre chose que ce qui est dû, peu important que « la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande » (C. civ., art. 1243). L’application de cette règle ne pose aucune difficulté : le paiement d’une somme d’argent doit correspondre exactement au montant dû, y compris dans ses modalités voire dans la monnaie convenue. Ainsi, s’agissant des acquisitions courantes, le débiteur doit pouvoir faire l’appoint et le créancier n’est pas tenu de disposer de la monnaie suffisante pour rendre le surplus (CMF, art. 112-5) et, au-dessus d’un certain montant, le paiement en espèce est interdit. Si l’obligation porte sur une chose ou sur une prestation, c’est la chose elle-même qui doit être livrée ou la prestation réalisée, éventuellement avec ses accessoires (Cf. C. civ., art. 1615, pour la vente). En outre, le paiement obéit à la règle de l’indivisibilité, de principe, du paiement : si un paiement intégral est prévu, le créancier n’est pas tenu d’accepter un paiement partiel, même si l’obligation est divisible (C. civ., art. 1244, al. 1er), règle très stricte, que d’autres systèmes tempèrent parfois (Cf. Principes Unidroit, art. 6.1.3 : exception si le créancier n’a aucun intérêt à recevoir un paiement total), alors que le droit français ne connaît comme tempérament que la technique des délais de grâce (C. civ., art. 1244-1 et s.). 498. Délais de grâce. – Le débiteur peut en effet demander au juge de lui accorder des délais, dits délais de grâce, reculant ce faisant le terme normal du paiement (1095) sur le fondement des articles 1244-1 et suivants du Code civil, règles réformées par la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d’exécution. Avant 1991, ces délais pouvaient être accordés en considération de la position du débiteur et de la situation économique et ne pouvaient excéder 2 ans. Depuis 1991, l’article 1244 a été fractionné en quatre nouveaux articles 1244 à 1244-3. Désormais, le juge peut accorder des délais de grâce d’une durée maximum de 2 ans, mais doit tenir compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier. Toutefois il peut réduire, sur décision spéciale et motivée, réduire le taux jusqu’au taux légal ou bien décider que les paiements s’imputeront en premier sur le capital ; En toute hypothèse, la décision du juge suspend les mesures d’exécution qui aurait pu être engagées par le créancier. Enfin, l’ensemble est d’ordre public et exclut toute clause contraire.

499. Modalités du paiement. – Les modalités du paiement sont souvent précisées par le contrat et, parfois, par la loi (cf. C. com., art. L. 441-6).S’agissant du paiement d’une somme d’argent, la dette peut être payée

1095 Cf. G. Ripert, « Du droit de ne pas payer ses dettes », DH 1936, p. 57, E. Putman, « Retour sur le droit de ne pas payer ses dettes », RRJ 1994, p. 109, Ph. Soustelle, Les délais judiciaires différant l’exécution de l’obligation, Th. Saint-Etienne, 1996.

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en espèce, dans la monnaie nationale, l’euro, mais le plus souvent, via des instruments de paiement : chèque, lettre de change, billet à ordre, virement de compte à compte, voire par voie de monnaie électronique (CMF, art. 311-3). Le paiement s’effectue au moment prévu par les parties ou, à défaut, par la loi, c’est-à-dire à l’échéance prévue par un terme suspensif (cf. supra, n°458) et, en principe, au domicile du débiteur (C. civ., art. 1247, al. 3) : les obligations sont en principe quérables de sorte que c’est au créancier de venir récupérer le paiement. Par exemple, c’est à l’acheteur de venir récupérer la chose vendue, le vendeur étant tenu de délivrer la chose, point de la livrer. En pratique cependant, les modalités du contrat rendent souvent l’obligation portable, à moins que la loi elle-même en décide ainsi (Cf. C. ass., art. 113-3). 500. Cas particulier de la dation en paiement. – La dation en paiement (1096) est une modalité particulière de paiement par laquelle le débiteur propose de payer le débiteur autrement que de manière prévue, en lui transférant la propriété d’une chose (C. civ., art. 1243), tel le peintre qui remet des toiles à son bailleur à défaut de pouvoir payer un loyer (Vincent Van Gogh ou Jacques Calvet pour les Montpelliérains), l’héritier d’une fortune qui donne des tableaux en paiement des droits de succession ou le débiteur insolvable, proche de la faillite, qui paie son créancier pressant en lui remettant une chose, paiement suspect au regard des règles en matière de procédures collectives (C. com., art. L. 632-1, I, 4°). La dation en paiement est une institution juridique particulière. Elle n’est pas le résultat d’une novation par changement d’objet, par exemple, dans la mesure où on n’assiste pas à l’extinction d’une obligation de payer une somme d’argent et son remplacement par une obligation de remise d’une chose, c’est simplement un déplacement de l’objet du paiement. Elle ressemble en outre à une vente, dont elle emprunte d’ailleurs le régime (1097), de sorte que l’on retrouve tous les effets principaux de la vente (transfert automatique de propriété, obligations de garantie, de délivrance, capacité d’aliéner, etc.), à la différence cependant que la dation est une modalité d’exécution d’une obligation, au moment de l’exécution prévue, et en même temps un mode d’extinction d’une obligation de payer alors que la vente est un contrat consenti pour transférer une chose contre un prix. En même temps, la dation est autre chose qu’une simple modalité de paiement ou qu’un moyen de paiement dans la mesure où elle suppose un accord entre les parties, notamment celui du créancier qui pourrait le refuser. Dans ces conditions cependant, la dation est un paiement, qui éteint l’obligation de paiement.

1096 Cf. N. Bicheron, La dation en paiement, Ed. Panthéon-Assas, 2006. 1097 Cf. D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 2008, p. .

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501. Imputation des paiements. – L’hypothèse très fréquente en pratique de la pluralité de dettes entre le débiteur et le créancier pose la question de l’imputation des paiements lorsque le débiteur paie une dette sans toutes les éteindre (1098). Or ces dettes peuvent être affectées de modalités différentes, de termes différents, de garanties ou de cautionnements différents, etc. La question de l’imputation du paiement intéresse alors les éventuels coobligés ou cautions, mais aussi les créanciers du créanciers qui préfèreront qu’une dette d’éteigne plutôt qu’une autre en fonction des qualités de leur propre créance, spécialement lorsque le créancier est placé en redressement judiciaire. Le code civil propose alors un ordre des paiements. En principe, l’imputation est réalisée par le débiteur : celui-ci détermine la dette qu’il règle par son paiement (C. civ., art. 1253) : il l’imputera donc sur les dettes les plus importantes ou sur celles dont les intérêts sont les plus lourds, et, à défaut, l’imputation pourra résulter des circonstances (1099) et être contredit par un accord particulier des parties. Ainsi, les commerçants opèrent souvent par des opérations de compte, prévoyant que le paiement s’impute par priorité par ordre d’apparition de créances. De même, les échéanciers de remboursement d’un prêt d’argent prévoient conventionnellement l’imputation des paiements sur les intérêts et sur le capital, en fonction de la longueur du prêt. Quelques exceptions limitent cependant le choix du débiteur. Ainsi, le débiteur doit imputer le paiement sur les dettes échues avant celles qui ne le sont pas encore, sur les intérêts avant le capital (C. civ., art. 1254). En outre, la possibilité pour le créancier de refuser un paiement partiel permet d’imposer l’imputation sur les dettes égales ou inférieures au montant du paiement. En outre, si le débiteur n’a pas fait état de son choix et si l’imputation ne résulte ni des circonstances ni d’une stipulation, le créancier peut réaliser lui-même l’imputation à travers la remise d’une quittance de paiement. Toutefois, la quittance pour valoir imputation, suppose l’accord du débiteur (C. civ., art. 1255). Enfin, à défaut d’imputation par le débiteur ou par le créancier, l’article 1256 Code civil prévoit l’ordre des imputations : la ou les dettes pour lesquelles le débiteur a le plus intérêt à ce qu’elles soient payées si elles sont toutes échues, les dettes échues avant les dettes non échues. 502. Preuve du paiement. – Conformément aux règles du droit de la preuve (C. civ., art. 1315), la charge de la preuve du paiement appartient à celui qui s’en prévaut, c’est-à-dire le débiteur. Ces règles sont cependant à considérées en considération de la qualité de la créance :

1098 Cf. J. Vaillansan, « L’application des règles d’imputation des paiements », Defrénois 1989, p. 321. 1099 Cf. Cass. civ. 1ère, 6 oct. 1993, RTD civ. 1994, p. 608, obs. J. Mestre.

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selon qu’elle est une obligation de moyens ou de résultat notamment (Cf. supra, n°258 s.). Toutefois, le Code civil prévoit des présomptions de paiement notamment lorsque le créancier remet volontairement son titre au débiteur (C. civ., art. 1282 et 1283), par exemple la remise de lettres de change tirées par le vendeur sur l’acheteur en paiement des marchandises vendues. En pratique, cependant, la remise du titre vaut souvent constat du paiement, elle remplace la quittance en quelque sorte. Encore faudrait-il préalablement, décider si le paiement est un acte juridique ou un fait juridique, question qui a passionné les juristes pendant des années. Logiquement, le paiement, acte d’exécution d’un contrat relève de la catégorie des actes juridiques, voire d’une convention qui aurait pour but d’éteindre l’obligation de paiement, et doit donc être prouvé comme tel. Mais certains auteurs estiment que le paiement est un fait juridique, qui peut donc être prouvé librement (1100), solution que la jurisprudence semble avoir finalement consacrée (1101) comme l’avant projet de réforme (art. 1231).

II. – Le paiement par compensation

503. Définition. – La compensation est un mode d’extinction de deux dettes réciproques, à concurrence de la plus faible : A doit 100 à B et B doit 50 à A, leurs dettes sont compensées à hauteur de 50. Ce faisant, la compensation est un mode de paiement très efficace, un double paiement simplifié, dans la mesure où elle simplifie les paiements en évitant des mouvements de fonds inutiles. En outre, elle assure un mode paiement préférentiel, dans la mesure où le créancier qui reçoit un tel paiement, automatique, évite la concurrence des autres créanciers du débiteur ; de cette manière le mécanisme de compensation fait office de sûreté, dans la mesure de la dette la plus faible toutefois. Enfin, elle impose un paiement forcé, du moins dans les logiques de la compensation légale. Les règles bancaires utilisent cette technique de manière générale. Ainsi tous les chèques tirés sur les établissements bancaires ne donnent pas lieu à des paiements débridés mais sont résolus, à l’échelle du pays, par une chambre de compensation, qui établit le compte de chaque banque par rapport aux autres, imposant simplement le paiement du solde. De même en est-il du fonctionnement de la convention de compte-courant entre un établissement de crédit et ses clients (1102).

1100 Cf. N. Catala, La nature juridique du paiement, LGDJ, 1961. 1101 Cf. Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2004, Bull. civ., I, n°202, JCP 2004, II, 10913, note G. Nicolau, RDC 2005, p. 286, obs. Ph. Stoffel-Munck. 1102 Cf. R. Desgorces, « Relecture de la théorie du compte-courant », RTD com. 1997, p. 383.

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504. Compensation légale. – Prévue par l’article 1289 du Code civil, la compensation légale opère lorsque deux personnes sont débitrices l’une de l’autre. C’est un mode de compensation automatique lorsque les dettes réciproques sont certaines, liquides, exigibles et fongibles. Les créances doivent être réciproques entre un débiteur et un créancier. Un vendeur peut compenser la créance de paiement avec la dette de garantie, mais le sous-acquéreur ne peut pas compenser la dette de paiement avec son vendeur la créance de garantie contre le premier vendeur. La logique de réciprocité n’implique pas que les dettes procèdent de la même source contractuelle, la compensation opère quelle que soit leur cause ou leur source (C. civ., art. 1293) Les créances doivent être fongibles, c’est-à-dire porter sur un objet de même nature : des sommes d’argent, pou r l’essentiel, il ne peut pas y avoir fongibilité entre des créances de nature différente, ce serait la fin des contrats synallagmatiques. Pour la même raison, les créances doivent être liquides, c’est-à-dire certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant : seule l’exactitude des dettes permet leur compensation. Par exemple, une dette de dommages et intérêts est liquide lors du jugement définitif (1103). Les dettes doivent en outre être exigibles, c’est-à-dire échues, car à défaut le paiement ne peut pas opérer ; en outre, l’obtention de délais de grâce ne fait pas obstacle à la compensation (C. civ., art. 1292). Parfois, l’une des ces deux dernières conditions n’est pas remplie, la compensation légale ne peut pas opérer, mais l’une des parties peut la demander de manière judiciaire. Certaines dettes échappent toutefois au jeu de la compensation légale : l’article 1293 du Code civil propose une liste de celles-ci. Il en est ainsi des créances insaisissables et notamment des créances alimentaires, ainsi que les dettes réciproques de paiement du salaire et de paiement de fournitures entre l’employeur et le salarié, des créances de restitution d’un bien dont le propriété a été injustement dépouillé ou de restitution d’un dépôt ou d’un prêt à usage. Enfin, la compensation est exclue lorsque l’une des parties est placée en redressement ou en liquidation judiciaire (C. com., art. L. 622-7). 505. Effets de la compensation légale. – L’effet de la compensation est l’extinction des dettes compensées : il se produit un double paiement et, accessoirement, l’extinction des sûretés attachées à ces créances. Ainsi, la caution d’un débiteur peut opposer au créancier la compensation de la dette du débiteur principal (C. civ., art. 1294). La compensation opère en principe au moment où elles sont certaines, liquides, exigibles et fongibles, mais elle peut être invoquée à tout

1103 Cf. Cass. soc. 16 nov. 1988, Bull. civ. V, n°605.

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moment, même après le délai de prescription (1104). La compensation est automatique (C. civ., art. 1290), par la seule force de la loi et même à l’insu des débiteurs, ce qui fait du droit français un système original (Cf. PEDC, art. 13:104 la compensation suppose une notification). La jurisprudence permet toutefois aux parties de renoncer à la compensation, avant ou une fois la compensation acquise, même de manière tacite par exemple parce que l’un des débiteurs paie la dette indépendamment de la compensation (1105) ou bien parce qu’il accepte la cession de la créance réciproque (C. civ., art. 1295, al. 2). Toutefois une telle renonciation préserve la créance, mais point les sûretés qui l’accompagnent, notamment la caution, qui n’a pas à pâtir du choix du débiteur principal (C. civ., art. 1299).

506. Compensation conventionnelle. – La compensation conventionnelle, qui n’est pas prévue par le Code civil, résulte de la volonté des parties qui décident de compenser leurs dettes alors que les conditions de la compensation légales ne sont pas réunies, par exemple parce qu’elles ne sont pas encore exigibles, ou liquides, ou bien parce qu’elles ne sont pas réciproques, notamment dans le cadre de compensation multilatérales (1106). Un tel procédé de compensation est en principe valable quoiqu’elle repose sur des conditions différentes. Ainsi des deux parties doivent être capables et une telle convention de compensation peut être considérée comme nulle, si elle est opérée pendant la période suspecte dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire (C. com., art. 632-1, I, 4°).

507. Compensation judiciaire. – La compensation judiciaire est prononcée par le juge, à la demande d’une partie alors que l’autre réclame le paiement. Par exemple, une partie formule une demande en justice, en paiement, et l’autre demande des dommages et intérêts : la compensation judiciaire consiste à compenser les deux créances, opération facultative pour le juge. Lorsque les créances sont connexes, le juge ne peut pas écarter la demande de compensation au motif que l’une d’entre elles ne réunit pas toutes les conditions de la compensation légale, même lorsque l’une des parties est placée en redressement judiciaire (C. com., art. L ; 622-7). Tout l’enjeu consiste donc à repérer la logique de connexité de ces dettes (1107). La connexité suppose que les dettes naissent d’un même rapport de droit, même contrat (prix de la vente et dette de garantie) ou d’un ensemble contractuel unique (1108) pour autant

1104 Cass. Com. 30 mars 2005, Bull. civ. IV, n°72. 1105 Cass. com. 21 mars 1995, Bull. civ. IV, n°95. 1106 Cf. M. Roussille, La compensation multilatérale, Dalloz, 2006. 1107 Cass. civ. 1ère, 18 janv ; 1967, D. 1967, p. 358, note J. Mazeaud. 1108 Cass. com. 9 mai 1995, Bull. civ. IV, n°130, D. 1996, p. 322, note G. Loiseau.

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que les dettes soient de même nature, ce qui exclue la connexité entre des dettes contractuelle et délictuelle (1109). En l’absence de connexité, la compensation judiciaire demeure possible mais sur la base d’une demande particulière.

III. – La protection du droit de gage général du créancier

508. Présentation. – Le paiement suppose des garanties, offertes par les sûretés ou leurs substituts, que le droit des obligations offre parfois, comme la solidarité. Le principe en effet est que le débiteur engage l’ensemble de son patrimoine en garantie du paiement d’une dette sur le fondement du droit de gage général (C. civ., art. 2284 et 2285). Tout créancier, non nanti ou privilégié et disposant ce faisant d’une sûreté, tout créancier chirographaire donc, peut ainsi saisir n’importe quel bien du débiteur en paiement de sa créance. Or, il est certain que ces créanciers chirographaires sont directement intéressés par les contrats conclus par leur débiteur : le patrimoine de celui-ci grossit ou diminue au gré des contrats qu'il conclut et qui sont opposables à ce tiers créancier, comme à toute autre personne. La situation des chirographaires est alors proche de celle des héritiers. Pourtant, contrairement aux ayants cause universels ou à titre universel, le créancier chirographaire ne deviendra jamais partie aux contrats conclus par son débiteur ; il est et restera toujours un tiers à ces contrats. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Code civil a dû aménager quelque peu la situation de ces tiers en leur accordant des actions qu'il présente comme des exceptions au principe de l'effet relatif des contrats. Le droit civil offre alors deux actions, curieusement envisagées comme exception au principe de l’effet relatif du contrat, l’action oblique (C. civ., art ; 1166) et l’action paulienne (C. civ., art. 1167).

A – L’action oblique

509. Définition. – Prévue par l’article 1166 du Code civil, « néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne », l’action oblique permet à un créancier d’exercer les droits et actions de son débiteur négligent et insolvable. Elle permet ainsi à un créancier, mais seulement à celui-ci, d’exercer, à la place de son débiteur, les droits et actions, quelles qu’elles soient pourvu qu’elles ne soient pas personnelles, « exclusivement attachées à la personne », et qui sont certaines, liquides et exigibles. Deux rapports juridiques et trois personnes sont donc nécessaires. Un lien

1109 Cass. com. 14 mai 1996, D. 1996, somm. p. 332, obs. Ph. Delebecque, RTD civ. 1997, p. 135, obs. J. Mestre.

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d'obligation (pas nécessairement contractuel) entre une personne, couramment appelée créancier poursuivant, et une autre, le débiteur principal, elle-même liée à une troisième personne, appelée tiers poursuivi ou sous-débiteur, bien que ce terme, rappelant le mécanisme des groupes de contrats, soit source de confusion. Par l'action oblique, le créancier poursuivant pourra ainsi exercer, contre le tiers poursuivi, les droits et actions du débiteur principal, comme s'il était ce débiteur principal ou, plus exactement, à sa place. Deux conséquences en résultent. En premier lieu, exerçant les droits de son débiteur, le créancier poursuivant ne peut disposer de plus de droits que ce débiteur n'en a lui-même : le créancier poursuivant est contraint par les limites que le droit du débiteur principal connaît à l'égard du tiers poursuivi de sorte que l'action engagée se soumettra aux conditions que le débiteur principal aurait lui-même subies. En second lieu, l'action oblique n'ayant pas pour effet de permettre au créancier poursuivant de se substituer au débiteur principal mais simplement de lui assurer la faculté d'exercer une action à sa place, le fruit de son action demeurera dans le patrimoine du débiteur principal. Résultat, le créancier poursuivant sera placé à égalité avec les éventuels autres créanciers du débiteur principal pour être payé de sa créance.

1 – Conditions de l’action oblique

510. Conditions tenant aux droits et actions du débiteur principal à l'égard du tiers poursuivi. – Le créancier poursuivant, étranger au rapport débiteur principal-tiers poursuivi, peut exercer tous les droits et actions du débiteur principal, hormis ceux qui seraient exclusivement attachés à sa personne. Il s’agit donc de tous les droits ou actions de nature patrimoniale dont dispose le débiteur principal : action en paiement, en résolution d’un contrat (1110), en réparation, en nullité (1111), en garantie, etc., droits substantiels ou droits ou actions processuels, comme une inscription d’un droit soumis à publicité, la déclaration d’une créance dans le cadre du redressement judiciaire du débiteur du débiteur, des saisies, une déclaration de sinistre, etc... Plus difficile est le cas des options ou des facultés : le créancier peut-il accepter l’offre de contracter faite au débiteur, à sa place, peut-il agréer un cessionnaire, peut-il exercer le droit d’option du débiteur bénéficiaire d’une promesse de contracter, etc. ? La considération d’une option

1110 Cf. Cass. civ. 3ème, 14 nov. 1985, D. 1986, p. 368, note J.-L. Aubert, RTD civ. 1986, p. 599, obs. J. Mestre. 1111 Cf. J.-L. Aubert, « Le droit pour un créancier d’agir en nullité des actes passés par un débiteur », RTD civ. 1969, p.692.

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comme créant un droit né permet de l’admettre (1112), ce qui paraît cependant aller très au-delà de la simple considération du patrimoine de son débiteur par le créancier. Dès lors l’exercice d’une option relève difficilement de l’action oblique dans la mesure où l’exercice d’une option, par exemple relève du consentement du débiteur. En revanche, l’exercice ou le non exercice d’une option dans des conditions frauduleuse des droits du créancier s’inscrit dans le domaine des actions pauliennes. Sont exclus du jeu de l’action oblique les droits des droits et actions « exclusivement attachés à la personne » ce qui recouvre les droits et actions de nature extrapatrimoniale (action en divorce, en reconnaissance d’enfant naturel, action en paiement d’une pension alimentaire) mais aussi certains droits de nature patrimoniale mais exclusivement attachés à la personne, comme les droits ou actions portant sur des biens insaisissables ou inaliénables (1113), l’action en réparation d’un préjudice moral, une action en séparation de biens, la révocation d’une donation, mais aussi les droits et actions portant sur des biens ayant un caractère personnel ou familial (Cf. en matière de régime matrimoniaux, C. civ., art. 1402) ce qui peut alors étendre l’exception aux outils, ustensiles et matériels d’une profession libérale,.

511. Conditions tenant aux rapports entre créancier poursuivant et débiteur principal. – L'article 1166 du Code civil ne s'intéresse qu'aux rapports entre débiteur principal et tiers poursuivi ; il n'envisage pas les conditions de l'action oblique tirées de la relation entre créancier poursuivant et débiteur principal. Cependant, comme l'article 1166 évoque un créancier et un débiteur, on en déduit bien évidemment qu'un lien d'obligation doit exister entre eux. La jurisprudence ajoute à ce lien d'obligation la nécessité d'un intérêt sérieux et légitime du créancier et que la créance soit liquide, exigible et fongible (1114). Cet ajout est a priori inutile car il repose sur les principes généraux de procédure civile, mais il a permis de mieux cerner les conditions d'exercice de l'action oblique par le créancier poursuivant et, dans une certaine mesure, de limiter l'ingérence dans les affaires du débiteur que constitue l'action oblique.

2 – Effets de l’action oblique

512. Jouer collectif. – Par l’action oblique, le créancier est substitué au débiteur en sorte que le tiers peut lui opposer les exceptions qu’il aurait

1112 En ce sens I. Najjar, Le droit d’option, contribution à l’étude des droits potestatifs et de l’acte unilatéral, LGDJ, 1967, n°77. 1113 Cf. Cass. civ. 1ère, 29 mai 2001, Bull. civ. I, n°150. 1114 Cf. Cass. req. 25 mars 1924, DH 1924, 1, 282.

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pu opposer au débiteur (exception de compensation, nullité de la créance…) et que les sommes ainsi obtenues tombent dans le patrimoine du débiteur, point dans celui du créancier, ce qui retire beaucoup d’intérêt à l’action, dans la mesure où le créancier poursuivant ne dispose pas, par l’effet d’une action oblique, d’un droit de préférence au paiement de sa créance, d’une sorte de « prime à l’action » : la créance justifiait, pour préserver son paiement, le jeu de l’action oblique, dont les résultats bénéficient collectivement à tous les créanciers, également titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur.

B – L’action paulienne

513. Définition. – L'article 1167 du Code civil ajoute une autre action de nature à préserver le droit de gage général d'un créancier, l'action paulienne, dont l’origine remonte au droit romain et plus exactement à une sentence un prêteur ou d’un jurisconsulte appelé Paul auquel on doit les célèbres sentences, quoique l'action paulienne avait, en droit romain des caractères différents. Ainsi la venditio bonorum tel était son nom, était une sorte de procédure collective. Ainsi elle était exercée ut universis, pour le bien de tous les autres créanciers par un « curateur aux biens » et était pénalement sanctionnée (1115). L’article 1167 du Code civil dispose que « Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leur droits ». A la différence de l'action oblique, c'est la fraude du débiteur, et non sa simple négligence qui est ici poursuivie, lorsque, par exemple, un débiteur tente de soustraire à son patrimoine quelque actif, à son profit ou au profit de tiers, au détriment des créanciers. L'action paulienne est une action personnelle dirigée par le créancier poursuivant contre le tiers complice du débiteur (principal) et ce dernier est généralement également mis en cause ce qui a pour résultat de déclarer l'acte frauduleux inopposable au créancier et, par conséquent, de remettre les choses en état à son égard.

1 – Conditions de l'action paulienne

514. Conditions tenant aux actes attaqués. – En principe, tous les actes juridiques effectués par le débiteur peuvent être attaqués. Par ailleurs, seuls des actes juridiques sont susceptibles d'une action paulienne dans la mesure où la fraude suppose une manifestation de volonté que l'on ne retrouve que dans un acte juridique; la notion de fraude paulienne est étrangère aux faits juridiques et laisse la place à la notion de faute. Dès lors, aucune distinction n'affecte, sauf quelques exceptions, les actes

1115 P.-Y Gautier, V° Action paulienne, Rep. Civ. Dalloz; O. Barret, L'appauvrissement injuste aux dépens d'autrui en droit privé, Thèse Paris I, 1985.

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juridiques. Il peut s'agir de contrats, d'actes juridiques unilatéraux (1116) ; d'actes gratuits… Par exception cependant, certains actes exclus de l'action paulienne. L'article 1167, al.2 du Code civil dispose, à propos du partage, que « Ils (les tiers créanciers) doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre "Des successions" et au titre "Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux", se conformer aux règles qui y sont prescrites » dans la mesure où ces régimes organisent des procédures spéciales permettant aux créanciers de faire valoir leurs droits (cf. C. civ., art. 822, 1476). On peut ajouter l’acte juridique de jugement, qui ne peut être attaqué par un tiers que par la voie de la tierce-opposition (NCPC, art. 582). Il s’agit également des actes liés à des droits extrapatrimoniaux ou patrimoniaux mais attachés à la personne. Comme pour l'action oblique et pour les mêmes raisons, notamment la conception de ces actions comme des moyens de sauvegarder son patrimoine et son droit de gage général, les droits extra-patrimoniaux sont exclus du domaine de l'action paulienne. L’exception est cependant fragile car non générale : ainsi l’article 1397 du Code civil, s’agissant du changement de régime matrimonial, ou l’article 1447 à propos de la séparation judiciaire de biens, permettent l’action paulienne. Enfin et surtout, le paiement de dettes échues par le débiteur échappe à l'action paulienne qu’envisagerait son créancier car aucune règle n'organise le paiement entre plusieurs créanciers concurrents (1117) et qu’il appartenait au créancier d’être plus diligent. Toutefois, et par exception à l’exception, l’action paulienne est possible contre un paiement d’une dette non échue, ou d’une non-dette, comme une obligation naturelle ou une dette de jeu, ou encore contre une dette échue effectuée avec des moyens inhabituels réalisant un paiement frauduleux lorsque ce paiement est réalisé par un débiteur en redressement judiciaire pendant la période suspecte (C. com. art. L. 632-1, I, 3° et 4°).

515. Conditions tenant au créancier poursuivant et à la créance. – L'action paulienne est réservée aux créanciers du débiteur suspect de fraude paulienne avec le tiers poursuivi. Par conséquent, elle n'est pas ouverte aux parties au contrat litigieux ni à leurs ayants cause. Par ailleurs, seuls les créanciers disposant d'un droit né antérieurement à l'acte frauduleux reproché peuvent exercer l'action paulienne. C'est qu'en effet, l'action paulienne se veut un gardien du droit de gage général des créanciers. Or, le droit de gage général des créanciers est, par définition,

1116 Cass. civ. 1ère, 7 novembre 1984, Bull. civ. I, n°298, pour une renonciation à une succession et cf. C. civ., art. 788 ; Cass. civ. 3ème, 4 février 1971, JCP 1972, II, 16980, note M. Dagot et F. Spiteri, pour une constitution de sûreté. 1117 Cf. Cl. Colombet, « De la règle que l’action paulienne n’est pas reçue contre les paiements », RTD civ.1965, p. 5.

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soumis aux aléas de la gestion du débiteur. Les créanciers postérieurs ne peuvent donc se plaindre d'un acte frauduleux commis avant même que leur patrimoine fût en relation avec celui du débiteur. Il convient en outre que la créance soit certaine, liquide et exigible même si la jurisprudence assouplit parfois ces conditions. Il convient enfin que le créancier ait subi un préjudice du fait de la fraude commise par le débiteur. La jurisprudence considère qu'il y a préjudice lorsque le débiteur a commis un acte d'appauvrissement de son patrimoine et que cet acte soit la cause de son insolvabilité. Un acte d'appauvrissement est, ainsi, un acte qui fait sortir du patrimoine du débiteur un bien sans contrepartie ou presque, concernant au premier chef les actes à titre gratuit, donations, renonciation à une succession ou à un legs mais aussi les actes à titre onéreux conclus à des conditions anormales et dont, par exemple, le caractère lésionnaire pourrait être repéré comme une vente à un prix réduit (1118) ou bien encore un contrat conclu à des conditions normales mais qui altère fortement la valeur du bien comme un bail d’une très longue durée (1119).. En revanche, une renonciation à un enrichissement n'est pas une condition d'ouverture de l'action paulienne, comme la renonciation à une donation à la différence de la renonciation à une succession. L'acte d'appauvrissement doit, ensuite, provoquer ou accroître l'insolvabilité du débiteur pour ouvrir droit à l'exercice de l'action paulienne. La jurisprudence tempère cependant ces exigences particulières dès lors que le créancier subit un préjudice. Par exemple, lorsque l'acte frauduleux n'est pas un acte d'appauvrissement mais un acte conclu à des conditions normales, comme une vente, la jurisprudence admet l'action paulienne s'il résulte que cet acte avait pour objectif de substituer des biens aisément saisissables par des valeurs aisément dissimulables comme des espèces voire des titres de société (1120).

516. Conditions tenant au débiteur : la fraude. – La condition essentielle ouvrant droit à l'action paulienne est la fraude reprochée au débiteur affectant un acte qu'il effectue. Elle peut être définie, ou plus exactement décrite, comme les actes visant à empêcher que le créancier puisse entreprendre quelque action pour être payé et a été élargie à la notion d'acte réalisé en ayant conscience du préjudice causé au créancier. En ce sens, elle ne se résume pas, subjectivement, à l’intention de nuire

1118 Cf. Cass. civ. 1ère, 13 janv. 1993, Bull. civ. I, n°5 (vente d’un bien au dessous de sa valeur vénale, Cass. civ. 1ère, 4 juin 1996, Bull. civ. I, n°235 ; donation déguisée (vente à un prix fictif). 1119 Cf. Cass. civ. 1ère, 18 juill. 1995, Bull. civ. I, n°324. 1120 Cass. com. 1er mars 1994, Bull. civ. IV, n°81, Cass. civ. 1ère, 21 juin 1987, Bull . civ. I, n°231.

Supprimé: parts sociales

Mis en forme : Police :Italique

Supprimé: C

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au créancier (1121). Elle doit être prouvée par le créancier, dans la mesure où la bonne foi se présume, par tous moyens.

517. Condition tenant au tiers saisi : la complicité. – L'action paulienne, comme l'action oblique, a pour cible l'acte commis par deux contractants alors que celui qui attaque cet acte, lui-même en relation avec l'un de ces parties est un tiers à l'acte attaqué, en sorte que si on renverse ces propositions, l'action paulienne est dirigée contre le débiteur du débiteur du créancier lésé : le tiers poursuivi, de façon à priver d'effets l'acte attaqué à l'égard de ce tiers, qui peut être le complice du débiteur ou bien qui a pu contracter en toute bonne foi, ignorant la fraude du débiteur. Traditionnellement, le Code civil répugne à priver d'effet des actes réalisés en toute bonne foi, par un souci de sécurité des transactions et de respect d'un principe, à écrire, de libre circulation des biens, comme en témoigne le célèbre article 2276 du Code civil ou son cousin, l'article 1141. Lorsque l'acte attaqué est un acte à titre onéreux, la jurisprudence exige alors du créancier poursuivant la démonstration de la complicité du tiers, complicité active parfois par une forme de complot contractuel, mais aussi lorsque le tiers connaissait le préjudice causé au créancier, sa mauvaise foi étant alors démontrée (1122). En revanche, s'agissant d'actes à titre gratuit, et sans doute en raison de la méfiance, elle aussi traditionnelle, que la jurisprudence accorde à ces actes, la bonne foi du bénéficiaire est indifférente et l'acte à titre gratuit conclu avec un tiers de bonne foi pourra malgré tout justifier une action paulienne (1123). Dès lors, si le tiers-acquéreur a lui-même revendu le bien à un tiers, la situation devient encore plus complexe : quatre personnes sont en jeu, le créancier A agit contre son débiteur B qui aurait vendu un bien dans des conditions frauduleuse à C qui l’a revendu à D. Si C échappait à l’action paulienne, D y échappera également. Si, en revanche, C pouvait subir l’action paulienne, D la supportera également (1124).

2 – Effets de l'action paulienne

Inopposabilité. – Le résultat de l'action paulienne est l'inopposabilité de l'acte frauduleux à l'égard du créancier poursuivant, et point une sanction aussi drastique que la nullité de l'acte. Le créancier eut agir comme si

1121 Cass. civ. 1ère, 15 févr. 1995, Bull. civ. I, n°79, D. 1996, p. 391, note E. Agostini. 1122 Cf. Cass. civ. 1ère, 27 juin 1984, Bull. civ. I, n°211 ; Cass. Com. 1er mars 1994, Bull. civ. IV, n°81. 1123 Cf. Cass. civ. 1ère, 23 avr. 1981, Bull. civ. I, n°130, Cass. Com., 14 mai 1996, Bull. civ. IV, n°134. 1124 Cass. civ. 3ème, 9 mars 1994, Bull. civ. III, n°43, Cass. civ. 3ème, 22 janv. 1997, Bull. civ. III, n°16 (cessions en cascade à des sociétés contrôlées par le même gérant), Cass. civ ; 1ère, 13 déc. 2005, Bull. civ., I, n°485.

Supprimé: 9

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l’acte frauduleux n’existait pas à son égard, lui permettant de saisir le bien entre les mains du tiers-acquéreur, ce qui suppose toutefois une seconde action. Ce n’est pas en effet l’action paulienne qui produit ce résultat directement (1125). Simplement, elle permet au créancier de considérer que, à son égard, tout se passe comme si, rétroactivement, l'acte ne s'était pas produit de façon à saisir le bien comme si il n'avait pas été vendu à bas prix ou donné, d'exercer une action sur les biens d'une succession comme si le débiteur l'avait acceptée. Le tiers peut cependant désintéresser le créancier poursuivant en versant une indemnité en sorte qu'il bénéficie d'une sorte d'option consistant à rendre le bien ou à verser le montant de sa valeur. L’acte n’est cependant que inopposable : dans les relations entre le débiteur et le tiers (1126), l’acte demeure et doit être exécuté, quitte à permettre au tiers d’exercer un recours en garantie contre le débiteur, à cause duquel il a été évincé. En outre, les autres créanciers du débiteur ne profitent pas de l’action, ce qui résulte de la sanction, l’inopposabilité, qui produit un effet individuel, à la différence de l’action oblique (1127).

Section 2. – Les modes d’extinction particuliers de l’obligation

518. L’extinction par novation. – La novation est une convention qui a pour objet d’éteindre une obligation existante pour la remplacer par une obligation nouvelle : elle opère ainsi, en même temps, extinction et création de deux obligations successives. Elle est régie par les articles 1271et suivants du Code civil. La novation suppose, outre la capacité des parties (C. civ., art. 1272), trois conditions. Il convient en premier que les deux obligations, celle qui s’éteint et celle qui se crée, soient des obligations valables, le terme « valable » étant entendu de manière large. Si la première n’est pas valable ou est éteinte, la seconde obligation crée par novation se trouve dépourvue de justification, de cause (1128). Inversement, si la seconde est nulle, aucune novation de ne produit (1129), réactivant l’obligation ancienne faussement éteinte (1130). Il convient en outre de repérer une intention particulière, l’animus novandi, l’intention de nover, qui justifie par exemple dans la délégation novatoire, on retrouve cette intention, distinguée du consentement

1125 Cass. civ. 1ère, 30 mai 2006, Bull. civ. I, n°268. 1126 Cass. com. 14 mai 1996, Bull. civ. IV, n°34, RTD civ. 1997, p. 942, obs.J. Mestre. 1127 V. toutefefois, lorsque l’action paulienne est exercée par un organe de la procédure collective, dans l’intérêt collectif des créanciers : Cass. com. 13 nov. 2001, Bull. civ. IV, n°178. 1128 Cass. civ. 1ère, 7 nov. 1995, Bull. civ. I, n°387, RTD civ. 1996, p. 619, obs. J. Mestre. 1129 Cass. com. 4 févr. 1992, Bull. civ., IV, n°60. 1130 Cass. com. 14 mai 1996, Bull. civ., IV, n°138.

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exprimé pour former la délégation, et alors que l’intention de nover ne se présume pas (C. civ., art. 1273), ce qui ne suppose pas le respect de conditions de forme quelconque, il suffit que l’intention de nover puisse résulter clairement de l’acte (1131). Il convient enfin d’identifier, dans l’obligation crée par novation, une nouveauté, un élément nouveau comparé à la situation précédente. Cela peut être un changement de partie. On distingue alors la novation par changement de débiteur (C. civ., art. 1271, 2°), où l’obligation première est remplacée par une nouvelle obligation qu’un nouveau débiteur prend à sa charge, ce qui est le modèle de la délégation novatoire, et la novation par changement de créancier (C. civ., art. 1271, 3°) sans véritable intérêt avec les outils que sont la cession de contrat ou la subrogation, dans lesquels le consentement du débiteur n’est pas requis. Enfin la novation par changement de dette suppose une modification suffisamment sensible de celle-ci (1132). Les effets de la novation sont double, extinction de la premier obligation et création d’une nouvelle, de sorte que les exceptions inhérentes à la première dette ne sont pas opposables dans le cadre de l’exécution de la seconde et que les sûretés et autres accessoires de la première dette disparaissant avec elle, sauf stipulation pour reporter ceux-ci sur la seconde (C. civ., art. 1278, 1281).

519. L’extinction par confusion. – L’article 1300 du Code civil présente la confusion comme la situation dans laquelle la qualité de débiteur et de créancier se confondent sur la tête d’une même personne : le créancier devient son propre débiteur et réciproquement. Ce peut être le cas dans des opérations de restructuration d’entreprise, lorsque deux entreprises créancières et débitrices fusionnent, lorsqu’un commerçant cède son fonds de commerce à l’un de ses créanciers ou débiteur, dans des hypothèses de succession ou le fils emprunteur succède à son père prêteur, lorsque le locataire acquiert l’immeuble à son bailleur (1133), etc. Dans cette situation, plus qu’une extinction de la dette c’est tout autant d’inexistence dont il s’agit, comme si, d’un coup, la dette perdait toute consistance. En même temps, l’existence de la dette peut être envisagée comme une réalité par les tiers, par exemple les associés des sociétés fusionnées ou les autres héritiers de la succession. Autre conséquence très curieuse qui fait douter qu’il se fut agi d’extinction, si la situation qui a produit la confusion est annulée (la fusion est annulée, la vente de

1131 Cass. com. 14 oct. 1997, RTD civ. 1998, p. 377. 1132 Cass. civ. 1ère, 25 mai 1981, Bull. civ. I, n°182 : le changement de montant n’y suffit pas. 1133 Situation sans conséquence pour le sous-locataire, qui accède alors au rang de locataire : Cass. civ. 3ème, 2 oct. 2002, Bull. civ. III, n°188, RTD civ. 2003, p. 300, obs. J. Mestre et B. Fages.

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l’immeuble au locataire est résolue), l’annulation produit retour au statu quo ante faisant ainsi resurgie la situation ancienne : le créancier le redevient (1134).

520. L’extinction par remise de dette. – La remise de dette est la situation dans laquelle le créancier abandonne, par convention, tout ou partie de la créance, libérant à la hauteur de la remise le débiteur. Les articles 1282 et suivants du Code civil en organisent le régime, étant en entendu que la preuve de la remise de dette est facilitée par la question de la remise du titre (C. civ., art. 1282, 1283) qui présume le paiement. La remise de dette ne répond à aucune condition particulière : elle peut être prévue à titre gratuit ou à titre onéreux, par exemple sur la base d’une transaction (1135) ce qui est très fréquemment le résultat d’une procédure amiable de traitement du surendettement d’un particulier ou d’une entreprise, elle peut être librement consentie ou suscitée par une institution judiciaire, comme en matière de procédures collectives, dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement. A bien des égards, également, tout le régime des rabais, remises et ristournes (Cf. C. com., art. L. 441-3 et s.) repose sur cette logique, quoique, le plus souvent, ces remises soient accordées au moment de l’échange des consentements et que, de ce fait, elles ne soient pas des remises d’une dette non encore nées, à la différence d’avantages tarifaires qui interviendraient après la conclusion du contrat. L’effet de la remise de dette est un effet libératoire à hauteur de la remise. Lorsqu’elle est totale, elle emporte également extinction accessoires de la créance, mais elle peut être partielle, n’affecter qu’une partie déterminée de la dette, comme les intérêts, selon les termes de la convention choisis par les parties. Par ailleurs, lorsque l’obligation est plurale, la remise ne concerne que le débiteur concerné lorsque l’obligation est conjointe, alors que, en principe, lorsque l’obligation est solidaire, tous les débiteurs profitent de la remise de dette, sus réserve cependant que le créancier ait formulé une réserve à ce effet, auquel cas la remise ne leur profite que dans la mesure de la part qui incombait au débiteur libéré (C. civ., art. 1285, al. 2). Enfin, s’agissant des sûretés garantissant la créance et notamment des cautions, la remise accordée au débiteur principal profite, par l’application de la règle de l’accessoire, à la caution, mais sans que la réciproque soit vraie : la remise accordée à la caution ne profite pas au débiteur (C. civ., art. 1287), ni aux éventuelles aux autres cautions quoique la jurisprudence retienne des positions non identique en la

1134 Cass. civ. 3ème, 22 juin 2005, Bull. civ. III, n°143, D. 2005, p. 3003, note M.-A. Rakatovahiny, RTD civ. 2006, p. 313, obs. J. Mestre et B. Fages. 1135 Cass. com. 2 oct. 2001, Bull. civ. IV, n°154.

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matière (1136). Toutefois, dans le cas des procédures collectives, les choses sont un peu différentes. Dans le cadre d’un accord de conciliation préalable (C. com., art. L. 611-10) ou d’un plan de sauvegarde (C. com. art. L. 626-11) les remises de dettes consenties par le créancier profitent aux cautions ou aux garants, à la différence de la situation du redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-20), comme dans les procédures de surendettements des particuliers, en raison du caractère non volontaire mais judiciaire des remises de dette (1137).

521L’extinction par prescription. – La prescription est une institution très ancienne qui confère des pouvoirs juridiques à l’écoulement du temps, la prescription acquisitive de propriété, ou usucapion du droit des biens et la prescription extinctive du droit des obligations. Cette dernière est un mode d’extinction des obligations qui sanctionne la négligence du créancier qui a laissé écouler trop de temps pour que son titre demeure, protège le débiteur et ses héritiers à l’égard de dette anciennes ou oubliées, et évite l’encombrement des tribunaux. Négligence particulièrement grave en droit français puisqu’il faut attendre dix ans en matière délictuelle (C. civ., art. 2270) et trente ans ou dix ans selon que l’on est un particulier ou un commerçant, pour les dettes contractuelles (C. civ., art. 2262 ; C. com., art. L. 110-4), délais beaucoup trop longs eu égard à l’accélération des échanges et par ailleurs délais contrariés par une multitude de délais spéciaux dont le régime n’est pas toujours identique selon qu’ils sont susceptibles d’être suspendus ou point (délais préfix). Ces inconvénients justifient sans doute que, dans l’avant-projet de réforme des obligations, la partie concernant la prescription sera peut-être la première adoptée (1138) dans le sens d’un raccourcissement de celle-ci, cinq ans pour le principe précise l’avant-projet de réforme. L’effet libératoire lié à l’écoulement du délai de prescription est cependant susceptible d’être contrarié dans un certain nombre de situations. Ainsi, la prescrption ne joue que pour autant qu’elle est invoquée par seul (1139) le débiteur voire par son créancier exerçant une action oblique (C. civ., art,2223, 2225) ; après tout si lui –même est

1136 Ainsi, la dette accessoire des cofidéjusseurs solidaires n’est pas affectée par la remise accordée à l’un deux pour la chambre commerciale (Cass. com. 7 déc. 1999, Bull. civ. IV, n°219), alors que pour la première chambre civile, il faut raisonner comme entre débieurs solidaires, c’est-à-dire, en désuisant simplement la part de la caution bénéficiaire (Cass. civ. 1ère, 18 mai 1978, Bull. civ. IV, n°195. 1137 Toutefois, v. dans le même sens dans le cadre d’un plan amiable à l’égard d’un particulier (Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1996, D. 1997, p. 141, note T. Moussa, JCP éd. E, II, 903, note D. Legeais. 1138 Cf. A. Bénabent, « Sept clefs pour une réforme de la prescription extinctive », D. 2007, Chr., p. 1800, Ph. Malaurie, « Avant-projet de réforme de la prescription en droit civil », Defrénois, 2006, p. 230. 1139 Et point d’office par le juge : Cass. com. 19 déc. 2000, Bull. civ. IV, n° 197 ; Cass. civ. 1ère, 9 déc. 1986, RTD civ. 1987, p. 763, obs. J. Mestre (pour un délai d’ordre public).

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négligent dans la défense de ses droits… En outre, le débiteur peut renoncer à la prescription lorsque le délai s’est achevé, même de manière tacite, par exemple par exécution volontaire de l’obligation (1140) qui demeure comme obligation naturelle dont l’exécution ou le commencement d’exécution est définitif. En outre, des clauses peuvent aménager le mécanisme de la prescription sauf lorsqu’ils sont d’ordre public. Toutefois, les clauses en la matière ne peuvent pas allonger la prescription (C. civ. art. 2220) mais simplement la raccourcir dans la mesure où ces clauses facilitent le jeu de la prescrption (1141) ce qui suppose que le raccourcissement ne doit pas conduire à éluder le délai et sauf faute lourde du débiteur (1142). Cette discrimination dans le traitement des aménagements conventionnels s’explique essentiellement par la protection du débiteur, mais elle était compréhensible dans un système de prescrption déjà très long ; l’avant-projet de loi propose ainsi de permettre de raccourcir ou d’allonger, dans la limite de dix ans (art. 2235, al. 2). Sans entrer dans le détail des courtes prescriptions, très nombreuses, prescriptions annales, triennales, quinquennales, en général, le décompte des prescriptions s’effectue en jour et non en heures (C. civ., art. 2260) ce qui signifie que le point de départ de la prescription est, non le jour où elle part, mais le lendemain à minuit, et le décompte s’effectue à compter de ce jour, par quantième, lorsque la prescription est compter en mis ou en année (on ne décompte pas le nombre exact de jours, notamment les années bissextiles). Toutefois, contra non valentem agere non curit precriptio, la prescription ne joue pas contre celui qui ne peut pas agir, ce qui vise des hypothèses d’impossibilité absolue d’agir. Enfin, les prescriptions sont susceptibles de suspension et d’interruption. La suspension est une sorte d’arrêt de jeu : le comptage de la prescription cesse et reprend dès que la cause de la suspension cesse. Ces hypothèses de suspension sont définies par l’article 2251 du Code civil. C’est le cas, d’abord, d’un débiteur mineur (ce qui en pratique intéresse les hypothèses dans lesquelles un mineur devient l’héritier d’un débiteur) ou majeur sous tutelle (C. civ. art. 2252) : la prescription est suspendue pendant le temps de l’incapacité, ce qui se justifie par l’incapacité à agir personnellement du débiteur incapable, et ne le peuvent que par le biais de leur représentant légaux qui, eux ne profitent pas de cette suspension (C. civ., art. 2278). Pour des raisons voisines, s’agissant des créances entre époux, la suspension joue pendant la durée du mariage (C. civ., art. 2253) et au profit de l’héritier qui accepte une succession mais uniquement à concurrence de l’actif net, s’agissant des créances dont il pourrait se

1140 Cass. soc.. 27 sept. 1989, Bull. civ. V, n°550. 1141 Cass. civ. 4 déc. 1895, DP, 1896, 1, 241, note L. Sarrut. 1142 Cass. com. 12 juill. 2004, Bull. civ. IV, n°162, D. 2004, p. 2216, note Ph. Delebecque, RTD civ. 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages.

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prévaloir contre la succession (C. civ., art. 2258). La jurisprudence a ajouté d’autres hypothèses, tirées de l’adage contra non valentem plus haut cité, même pour suspendre un délai préfix pourtant insusceptible de suspension (1143), tout en contrôlant les hypothèses d’impossibilité invoquées, par exemple lorsque malgré l’impossibilité d’agir invoquée, le débiteur disposait largement du temps nécessaire pour agir (1144). L’interruption de la prescription l’empêche d’aboutir à la date qui aurait dû être la sienne et de faire repartir le délai depuis le début. L’article 2244 du Code civil énumère les hypothèses d’interruption liées à l’action du créancier qui par son comportement indique qu’il n’entend pas renoncer à son droit, comme une citation en justice, quelle qu’elle soit, assignation au fond ou en référé, même devant un juge non compétent (C. civ., art. 2246) , qui soit régulière en la forme (C. civ., art. 2247) mise en œuvre d’une clause compromissoire, pour autant qu’il s’agisse d’une citation, que n’est pas une requête en injonction de payer par exemple ou le déclanchement d’une expertise judicaire. Interrompt également la prescription un commandement de payer ou une saisie signifiés au débiteur par le créancier lui-même. De même l’interruption de la prescription peut résulter du comportement du débiteur et, notamment, de la reconnaissance de sa dette (C. civ., art. 2248), par exemple d’un commencement d’exécution. Bibliographie – Sur le paiement en général : N. Catala, La nature juridique du paiement, LGDJ, 1961, R. Libchaber, Recherches sur la monnaie en droit privé, LGDJ, 1992, M.-H. Monsérié, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Litec, 1994, L’endettement, Trav. Ass. H ; Cap. 1995, S. Gjidara, L’endettement et le droit privé, LGDJ, 1999, X. Lagarde, L’endettement des particuliers, 2ème éd. Joly, 2003, N. Bicheron, La dation en paiement, Ed. Panthéon-Assas, 2006, B. Oppetit, « L’endettement et le droit », Mélanges, A. Breton et J. Derrida, 1991, p. 295, J. Vaillansan, « L’application des règles d’imputation des paiements », Defrénois 1989, p. 321, C. Robin, « La mora creditoris », RTDciv. 1998, p.607, F. Grua, « L’obligation et son paiement », Mélanges Y. Guyon, 2003, p. 479, A. Seriaux, « Conception juridique d’une obligation économ, ique : le paiement », RTDciv. 2004, p. 225. – Sur la compensation : R. Mendegris, La nature juridique de la compensation, LGDJ, 1969, G. Duboc, La compensation et les droits des

1143 Cf. Cass. civ. 1ère, 22 déc. 1959, Bull. civ. I, n°558, RTD civ. 1960, p. 323, obs. J. Carbonnier. 1144 Cf. Cass. com. 11 janv. 1994, Bull. civ. IV, n°22, RTD civ. 1995, p; 114, obs. J. Mestre.

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tiers, LGDJ, 1989, A.-V. Delozière-Le Fur, La compensation dite multilatérale, Th. Paris, II, 2002, M. Roussille, La compensation multilatérale, Dalloz, 2006, R. Desgorces, « Relecture de la théorie du compte-courant », RTDcom. 1997, p. 383, A.-M. Toledo, « La compensation conventionnelle, RTDciv. 2000, p. 265. – Sur l’action oblique et l’action paulienne : O. Barret, L'appauvrissement injuste aux dépens d'autrui en droit privé, Thèse Paris I, 1985, P.-Y Gautier, V° Action paulienne, Rep. Civ. Dalloz, Cl. Colombet, « De la règle que l’action paulienne n’est pas reçue contre les paiements », RTDciv.1965, p. 5. – Sur la prescription : M. Bandrac, La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Economica, 1986, F. Zénati et S. Fournier, « Essai d’une théorie unitaire de la prescription », RTDciv. 1996, p. 339, et sur la réforme du droit de la prescription : A. Bénabent, « Sept clefs pour une réforme de la prescription extinctive », D. 2007, Chr., p. 1800, Ph. Malaurie, « Avant-projet de réforme de la prescription en droit civil », Defrénois, 2006, p. 230.

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 10ème éd. 2005. Ph Brun, Responsabilité extracontractuelle, Litec, 2005. R. Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, Coll. « Cours », 6ème éd., 2004. Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006. J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, 18 ème éd.1998. E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé, Introduction historique au droit des obligations, Litec, 2007 Ph. Delebecque, Droit des obligations, Litec, coll. « Objectif droit », 2ème éd., 1999 ; Responsabilité civile, Litec, coll. « Objectif droit », 1999. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, Puf, coll. « Thémis », 2004 B. Fages, Droit des obligations, LGDJ, 2007. B. Fages (dir.), Droit des contrats, éd. Lamy. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, t.1, L'acte juridique, Sirey 2006, t. 2, Le fait juridique, par J.-L. Aubert et E. Savaux, 2005, par J. Flour, J.-L. Auber, Y. Flour et E. Savaux, Le rapport d’obligation, Sirey 2006. J. François, Les obligations, régime général, Economica, 2000. J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, 3ème éd.1993. J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3ème éd. 2001. J. Ghestin, M. Billiau et G. Loiseau, Traité de droit civil, Le régime des créances et des dettes, LGDJ, 2005 Ch. Larroumet, Droit civil, t.3, Les obligations, le contrat, Economica, 5e éd., 2003. J.-M. et P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, 3ème éd. F. Lefebvre, 2005. Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, 3 t., éd. Defrénois, 2007. Ph. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, 10ème éd., 2007. D. Mazeaud (dir.), Droit de la responsabilité Lamy. H., L. et J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit civil, t.2, Vol.1; Obligations, 9ème éd. Montchrestien, 1998. A. Sériaux, Droit des obligations, Puf, Coll. Droit fondamental, 2ème éd., 1997. B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Obligations, t.1 Responsabilité délictuelle, t.2, Contrats, t.3 Régime général, Litec, 1997. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, les obligations, 8ème éd., Dalloz, 2003. F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 11ème éd. 2000. G. Viney, Introduction à la responsabilité, 1995. G. Viney et P. Jourdain, La responsabilité, conditions, 3ème éd. LGDJ, 2006. G. Viney et P. Jourdain, La responsabilité, les effets, LGDJ, 2ème, éd. 2001.

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INDEX ALPHABETIQUE (les références renvoient aux numéros de paragraphes)

A

Absents (contrat entre –) : 108 s. Abus dans la fixation du prix : 143. dans la rupture des pourparlers : 88. dans la rupture du contrat : 318, 319 s, de dépendance économique : 127. de domination : 149. de droit : 209, 214, 251, 374, 381s, 447 de faiblesse : 127. de puissance : 153. Abus de fonctions : 389, 429 s,

Acceptation de l’offre : 104. Définition : 104. Etendue : 105. Extériorisation : 106 s. Effets : 109.

Acceptation des risques : 377.

Accidents de la circulation : 399 s. Accident : 402. Circulation : 402. Conducteur : 410. Contrat : 400. Dommage : 406 s, 411. Faute de la victime : 408. Force majeure ou fait du tiers : Implication : 403. Indemnisation : 405 s, 412. Non-conducteur : 407 s. Recours entre coauteurs : 412. Réforme : 399. Remorques : 401. Véhicule terrestre à moteur : 401 Victime : 404.

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Accidents du travail : 258, 344, 353. Accidents médicaux : 344, 435. Accipiens : 331 s, 494.

Accord de principe : 39, 91, 105. Acompte : 447.

Acte abstrait : 487. authentique : 97, 171, 220, 478, 490. d’appauvrissement : 514. juridique : 26 s, 175, 328, 501, 513. matériel : 327. sous seing privé : 171, 479. unilatéral : Voir Engagement unilatéral. de courtoisie et de complaisance : 42. Action civile : 380, 436. Action de in rem verso : 337 s. Action directe : 238 s, 349. Action en justice : 4, 11, 35, 125, 203. Action en réparation : 120, 366, 435, 436. Action oblique : 335, 487, 508 s. Action paulienne : 512 s. Action publique : 345, 436. Action récursoire : 377, 421, 431.

Adhésion Contrat d’– : Voir ce mot. Agent d’assurance : 426, 430. Aléa : 254, 261, 342 s. Contrat aléatoire : Voir ce mot. thérapeutique : 435. Analyse économique : 65 s, 69 s, 108, 205, 255, 357, 439, 474.

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Anatocisme : 204, 302.

Animaux Responsabilité du fait des – : 394. Annonce de gain : 342. Voir Quasi-contrat. Apprenti Responsabilité de l’artisan du fait de son – : 432. Arrhes : 109, 192. Artisan Responsabilité de l’– du fait de son apprenti : Voir ce mot. Association : 358, 366, 418 s, 422, Liberté d’– : 17. Assurance : 81, 355, 371, 399, 419, 435, 446. Agent d’– : Voir ce mot. Contrat d’– : Voir ce mot. Astreinte : 284, 285, 308. Attente légitime : 67. Autonomie de la volonté (théorie de l’–) : 56 s. Exposé : 58 Conséquences : 59 Critique : 61. Renforts : 64 s. Autorité de la chose jugée : 436 Avant-contrats : 85, 89 s.

B

Bâtiment Ruine d’un – : Voir ce mot. Biens insaisissables : 510.

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Bonne foi : 52, 60, 66 s, 73, 86, 118 s, 190, 204 s, 212, 214, 294, 319, 336, 516 s. Bonnes mœurs : 146 s, 445. Bordereau Dailly : 476.

C Caducité : 101, 103, 149, 157, 183, 240, 281. Capacité : 108, 136 s.

Cas fortuit ou de force majeure : 254, 267 s, 394. Voir Force majeure. Causalité (lien de –) : 279, 347, 366, 375 s, 388, 403. adéquate : 376.

Cause : 131, 145 s, 154 s, 175. Absence de – : 154 s, 157. Erreur sur la – : 116.

Fausse – ou – erronée : 156.

Cause étrangère : 266 s , 371.

Cession de contrat : 229, 248 s. Cession de créance : 248, 476 s. Cession de dette : 249, 475.

Chaîne de contrats : 238 s.

Chose : 30, 114, 140 s.

future : 141.

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Choses Responsabilité du fait des – : Voir ce mot.

Cohérence contractuelle Principe de – : Voir ce mot.

Class action : 358.

Clause compromissoire : 181, 203, 292. d’electio juris : 21, 43, 148.

d’exclusio juris :148.

subject to contract : 40.

d’exclusivité : 149.

d’inaliénabilité : 152, 476. d’indemnité d’immobilisation : 308. d’indexation :197, 212. d’indivisibilité : 180. de dédit : 308. de durée : 198. de hardship :Voir Hardship. de litige : 203. de non-concurrence : 30, 73, 152, 158, 164, 201.

de prix catalogue : 143.

de réserve de propriété : Voir Réserve de propriété.

de secret, de confidentialité : 202.

limitative de responsabilité : 158, 159, 165 s, 203, 239, 263, 305 s.

pénale : 203, 308 s. Rebus sic stantibus …: 212.

Clauses abusives : 158 s.

Notion : 158 s.

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Sanction : 162.

Clause résolutoire : 293 s.

Clientèle Cession de – civile : 144. Coauteurs : 376, 412, 473. Codification : 19. Commettants (responsabilité des –) : 425 s. Abus de fonctions : Voir ce mot. Conditions : 425 s. Fait du préposé : 427. Préposition : 426. Régime : 431. Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) : 135. Commission de surendettement : 213, 283, 520. Compensation : 246, 333, 470, 503 s.

Exception de – : Voir ce mot.

Concubin : 367.

Concurrence (droit de la –) : 14, 23,43, 71, 75, 127, 134, 143, 149 s.

Condition : 443 s.

Effets : 449 s.

Notion : 444 s.

potestative : 153, 448 s. résolutoire : 289, 310, 452, 455. Rétroactivité : 453 s. suspensive : 451, 454. Conditions générales : 100, 108, 134, 161, 309.

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Conducteur de véhicule terrestre à moteur : 410.

Non – : 407 s.

Confirmation : 175, 184, 496. Confusion : 518.

Consensualisme (principe du –) : 3, 11, 47, 59, 167 s, 169 s.

Consentement : 79 s.

Définition : 80.

Existence : 82 s.

Vices du – : 112 s.

Consommateur : 25, 54, 61, 109, 158 s, 171, 192, 195, 205, 223, 296, 305, 307, 413.

Consommation (droit de la –) : Voir consommateur.

Contra non valentem agere non curit precriptio : 521.

Contrat à distance : 108, 342. à durée déterminée : 52, 195, 296, 311 s, 314 s. à durée indéterminée : 52, 289, 295 s, 311 s, 317 s. à exécution échelonnée : 52, 292. à exécution instantanée : 52. à exécution successive : 52, 292. à titre gratuit : 50, 137, 144 s. à titre onéreux : 50, 144. aléatoire : 51, 141, 154. cadre : 143.

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commutatif : 51, 153. consensuel : Voir consensualisme. Crise du – : 66, 153. d'adhésion : 48, 306. d’assurance : 51, 171, 234, 244 s, 358. d’intérêt commun : 134, 153, 322. de bienfaisance : 50. de consommation : Voir Consommateur. de dépendance : 66, 322, 337. de gré à gré : 48. de rente viagère : 51, 290. de travail : 291. entre absents : Voir Absents. innommé : 45. international : 43, 195, 464. médical : 262. par correspondance : 108, 342. perpétuel : 313. préparatoire : 89 s. réel : 167. solennel : 168. synallagmatique : 43, 49, 286 s, 290, 504. unilatéral : 49. Théorie générale du – : 29 s, 55. Corps humain : 144, 307, 415. Coûts de transaction : 73, 168. Crainte : 124 s. Créance Cession de – : Voir ce mot. insaisissable : 475, 504. Crédit-bail : 45, 195, 309, 414. Cumul de responsabilités (principe de non –) : 349. D Dailly Bordereau – : Voir ce mot. Dation en paiement : 500. Décès de l’offrant : 101, 108.

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du contractant : 229, 250. du stipulant : 246. Déchéance du terme : 461. Dédit :109, 192, 308. Clause de – : Voir ce mot. Défaut de sécurité du produit : 414. Délai de grâce : 461. Délai préfix : 521. Délégation : 249, 474, 487 s. Définition : 487. simple : 488. novatoire : 489. Démarchage à domicile : 54, 110, 171, 192. Dénaturation du contrat : 222. Dépendance économique : 62, 127, 158, 320, 337, 382. Dépôt : 29, 45, 165, 286, 288, 290, 504. Dette : 5, 35, 245, 284, 333, 489 s, 499, 503 s. Cession de – : Voir ce mot. de valeur : 440. quérable ou portable : 499 s. Reconnaissance de – : 156. Remise de – : 7, 520. Devoir de coopération : 204. Devoir de loyauté : Exécution du contrat : 66, 204 s, 453. Formation du contrat : 86. Voir Bonne foi. Dol : 87, 111, 117 s. Auteur : 121. Définition : 117. Conditions : 118 s. Preuve : 122. Réticence dolosive : 118. Sanctions :123 s.

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Dommage contractuel : 274 s, 278, 300. matériel : 277. moral : 277. prévisible : 276. Dommage délictuel : 361 s. certain : 365. corporel : 363. direct : 366. légitime : 367. matériel : 362. moral : 364. Dommages-intérêts : 86, 94, 97, 102, 123, 243, 274 s, 299 s, 439 s, 505, 507. moratoires : 302, 440. compensatoires : 301. punitifs : 439. Donation : 49, 50, 93, 108, 136, 146, 156, 290, 445, 476, 510, 515. déguisée : 218, 220. Droit de gage général : 9, 230, 508 s. Droit de préemption : 82, 92. Droit de préférence : 9, 512. Droit de rétention : 286, 288. Droit de suite : 9. Droit constitutionnel : 15. Droit de la concurrence : Voir Concurrence. Droit de la consommation : Voir Consommateur. Droit des obligations Réforme du – : 24. Droits discrétionnaires : 381, 448, 464. Droit européen des contrats : 18 s. Principes pour un – : 20. Droits extrapatrimoniaux : 5, 514.

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Droits patrimoniaux : 5, 514. Droits réels : 6 s, 168, 233 s. E Economie du contrat : 155. Effet relatif du contrat : 59, 62, 224 s. Efficacité contractuelle : 208. Efficient Breach of contract : 255. Enfant : 17, 139, 352, 370. handicapé : 367. infans : 370. responsabilité des parents du fait de leur – : Voir ce mot.

Engagement d’honneur : 2, 36 s, 41. perpétuel : 313. unilatéral : 4, 35. Enrichissement sans cause : 26, 324, 337 s. Origine : 337.

Conditions :338 s. Effets :341. Subsidiarité :340. Ensemble contractuel : 321, 507. Equité : 64, 66, 108, 153, 204 s. Equivalence : 153 s, 156. Théorie de l’– des conditions : 376. Erreur : 50, 53, 112 s. Définition :112.

obstacle : 113. sur la substance : 114. sur la personne : 115.

Etat de nécessité : 124, 130. Exception d’inexécution (Exceptio non adimpleti contractus) : 49, 286 s.

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Conditions : 287. Exception de compensation : 246, 470, 479, 493. Exécution forcée : 96, 179, 231, 255, 274, 282 s. Conditions : 282. Définition : 282. Impossibilité : 283.

Obligation de faire : 284. Obligation de ne pas faire : 285. F Fait d’autrui (responsabilité du –) : 416 s. Fait des choses (responsabilité du –) : 385 s. Fait d’un tiers : 265 s, 273, 392, 405, 417. Fait générateur : 368 s. Fait personnel (responsabilité du –) : 368 s.

Faute dolosive : 263. lourde : 165. précontractuelle : 86 s, 117 s, 128. non intentionnelle : 26, 372. Responsabilité contractuelle : 67, 102. Responsabilité délictuelle : 235, 369 s. Fiducie : 476. Fonds communs de créances : 476. Fonds de garantie : 345, 354, 356, 358, 399, 435. Fonds de commerce : 92, 96, 155, 171, 176, 195, 221, 233 s, 249, 476, 479, 519. Fonds libéral : 144. Forçage du contrat : 204, 223. Voir Interprétation. Force majeure : 254, 267 s, 394. Caractères : 267. Extériorité : 270.

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Effets : 271. Imprévisibilité : 269. Irrésistibilité : 268. Formalisme : 168. Forme : 167 s.

Fraude : 62, 119, 216 s, 220, 221, 351, 488, 513.

paulienne :514 s.

Fraus omnia corrumptit : 221.

Voir Fraude.

G

Gage : 167, 290. Droit de – général : Voir ce mot.

Gain

Annonce de – :Voir ce mot.

manqué : Voir Perte de chance.

Garde de la chose : 387, 389 s, 419. commune : 391. Garde du comportement : 390. Garde de la structure : 390.

Gentleman’s agreement : 37. Gestion d’affaires : 26, 325 s. Définition :325. Conditions :326 s.

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Effets : 329 s. Grève : 270, 272. Groupe de contrats : 11, 237 s.

H Hardship (clause de –) : 195, 215, 316. Hépatite : 352, 376, 415. Héritier : 137, 175, 229, 328 s, 335, 373, 436. Honoraires (réduction d’–) : 131. Hypothèque : 9, 491.

I

Imprévision : 66 s, 72, 74 s, 195, 212 s.

Imputation des paiements : 501.

Incapacité : 108, 136 s., 172, 175.

Incendie : 397, 398 s.

Indemnité d’immobilisation : 96, 308.

Indemnité d’occupation ou de jouissance : 178. Indexation : 197, 212. Indivisibilité : 62, 145, 180, 183, 195, 237, 240 s, 474 s. Indu (paiement de l’–) : Voir ce mot. Inexécution contractuelle : 66, 253 s.

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Inexécution efficace du contrat : 73. Inexistence (du contrat) : 113, 174.

Infans : 370.

Infection nosocomiale : 344, 352, 355. Information : 62, 66, 69, 100, 118, 202. Asymétrie d’– : 73. précontractuelle : 133 s. Voir Dol.

Injonction de faire : 284, 437. de payer : 520. Inopposabilité : 184, 479, 517. des exceptions : 470. Insaisissabilité : 475, 504, 510. Insanité d’esprit : 137. Instituteurs (responsabilité des) : 434 s. Intérêt légitime : 66, 152, 201, 367. Intérêts moratoires : 280, 302 s. Internet : 80, 161. Interposition de personnes : 219. Interprétation du contrat : 222 s.

L Lésion : 111, 116, 128 s.

Lettre de change : 476, 499.

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D’intention ou de confort : 38. Contre – : 216 s., 218, 220 s. Lex mercatoria : 19, 43.

Liberté contractuelle : 81.

Lien de causalité : Voir Causalité.

M Mandat : 11, 29, 45, 73, 108, 132. apparent : 66. Médecin : 136, 144, 207, 219, 248, 260. Mineur : 129, 136, 139, 371, 419, 420 s, 424, 521. Mise en demeure : 274, 280, 287, 293, 302, 465, 467, 471. Mœurs : Voir Bonnes mœurs. Monnaie : 198, 215, 497. de compte, de paiement :198. électronique : 499.

Mitigation of damages : 278.

N

Nécessité (état de –) : Voir ce mot. Négociation : 85 s. Nemo auditur … : 179. Nemo plus juris … : 182. Nominalisme : 55.

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Non-conducteur de véhicule terrestre à moteur : Voir conducteur Novation : 4, 35, 192, 475, 518. Nullité : 95 s, 112 s, 119 s, 123, 133, 137, 147 s, 171, 173 s,

absolue ou relative : 175 totale ou partielle : 180. Caractères : 175.

Confirmation : Voir ce mot.

Définition : 174. Effets : 177 s. Rétroactivité : 177.

O

Objet : 82, 140 s.

Définition : 140. Détermination : 142. Existence : 141. Prix et – : 142.

Obligation alternative : 464. conditionnelle : 448 s. conjointe : 464 s. de renégociation : 66, 212 s. d’information ou de renseignement : 26, 62, 66, 118, 204, 207, 277. essentielle : 165. Notion : 2 s. naturelle : 4. Théorie générale des obligations : 1, 3, 11. Obligation de sécurité : 27, 48, 223, 235, 244, 254, 258, 260, 262, 264, 271, 277, 307, 347, 390, 413. Obligation in solidum : 473 s. Obligations de moyens : 186, 259 s.

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ordinaire : 260. renforcée : 260. Obligations de résultat : 186, 259 s. atténuée : 260. renforcée : 260. Offre : 99 s. Définition : 99. Conditions : 100. Effets : 101. Révocation :102. Voir Acceptation. Ordre public : 43, 59, 60 s, 147 s. économique : 149 s. international : 43.

P PACS : 29. Pacte de préférence : 92 s. Définition : 92. Conditions : 93. Effets : 94. Violation : 94. Paiement : 477, 495 s. Paiement de l’indu : 331 s. Définition : 331. Conditions : 332 s. Effets : 336 s. Parents (responsabilité des –) : Voir ce mot. Partage : 130. Perte de la chose : 254, 456, 471. Perte de chance : 17, 88, 275 , 338, 365. Pluralité de causes : 377 s. Porte-fort : 242 s.

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Pourparlers : Voir Négociation, Offre. Pouvoir : 138 s. Voir Capacité. Préjudice : Voir Dommage. Préposé (responsabilité du fait du –) : Voir ce mot. Prescription : 339, 348, 440, 451 s, 471, 521. abrégée : 175. acquisitive : 182, 326. Présomption : 43, 355, 453. de causalité : 388. de faute : 352, 355, 417 s, 423, 425, 432, 434.

de paiement :502. de responsabilité : 386, 389, 394, 417. Prestation caractéristique : 43. Prête-nom : 219. Preuve : 27, 155, 220, 235, 260, 348, 355 s, 386 s, 394. du dol : 122.

de l’inexécution : 135, 258, 260. du dommage : 414. du paiement : 502.

électronique : 167. Obligation de préconstituer la – : 170.

Prévisibilité : 66, 276, 300.

Principe de cohérence contractuelle : 206. Principe de précaution : 344. Principes de droit européen des contrats : Voir Droit européen des contrats. Unidroit : 18, 19 s. 43, 78, 108, 158, 204, 278, 477, 497. Prix : 9, 143, 197 s. Détermination : 143, 153, 197. juste : 74, 154. vil – : 154.

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Produits défectueux (responsabilité du fait des –) : Voir ce mot.

Promesse de contrat : 95 s. unilatérale : 96. synallagmatique : 97. Proportionnalité : 23, 24, 66 s, 147, 151, 152, 166, 201. Prorogation : 315. Q Quae temporalia … : 175. Qualification : 45 s. Quasi-contrats : 324 s. Voir Annonce de gain, Enrichissement sans cause, Gestion d’affaires, Paiement de l’indu. Quasi-délit : 26, 372. Quittance : 501 s. R Rebus sic stantibus … (clause de –) : Voir ce mot. Recours entre coauteurs : 412. Reconduction : 315. Réel (contrat) : Voir ce mot. Réfaction du contrat : 290. Refus de contracter : 40, 62. Règlement d’exemption : 200. Relativité des conventions : Voir Effet relatif. Remise de dette : Voir Dette. Remorques ou semi-remorques : 401. Renonciation : 148, 192, 333, 453, 470, 479, 496, 505, 515.

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Renseignement (obligation de –) : Voir ce mot. Rente : 51, 290. Repentir (droit de –) : 109. Répétition de l’indu : Voir Paiement de l’indu. Représentation : 73, 136, 139, 219, 226, 326, 330, 367. Rescision : 130, 132, 175, 464. Réserve de propriété (clause de –) : 186, 196, 444, 486, 490. Résiliation : 213, 240, 289, 293 s. Res inter alios acta … : 224. Res nullius : 394. Res perit domino : 254. Resperit debitori : 254. Résolution : 289 s. judiciaire : 290 s. contractuelle : Voir Clause résolutoire. unilatérale : 296 s. Responsabilité contractuelle : 235, 253 s. du fait des choses : 264. du fait d’autrui : 265.

Responsabilité délictuelle : 344 s, Principes et fondements : 350 s. Responsabilité civile et responsabilité pénale : 346. Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : 347 s. Responsabilité délictuelle du fait d’autrui : 416 s. Régime général : 418 s. de l’administration du fait de ses agents : 433. des artisans du fait de leurs apprentis : 432. des commettants du fait de leurs préposés : 425 s. des enseignants et éducateurs du fait de leurs élèves : 434. des parents du fait de leurs enfants : 423 s. Responsabilité du fait des choses : 385 s.

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Régime général : 386 s. du fait des animaux : 394 s. du fait de la ruine des bâtiments : 395 s. du fait des accidents de circulation : 399. du fait des produits défectueux : 413 en cas de communication d'incendie : 398. Restitution de l’indu : Voir Paiement de l’indu. Réticence dolosive : 118.

Révision : 44, 67, 195, 212 s.

Révocation de l’offre : 102 s. de la stipulation pour autrui : 246. Risque : Voir Théorie du risque, Théorie des risques.

Ruine d’un bâtiment : Voir Responsabilité du fait des choses. Rupture : 52, 72. abusive : 321. brutale : 318, 320. d’une relation commerciale établie : 320. des pourparlers : 88. S Saisie : 284, 451, 460, 480. Sang : 144, 346, 376, 415.

Sécurité Obligation de – : Voir ce mot. Silence : et acceptation 107. et dol : 118 s. Simulation : 184, 216 s. Solidarisme contractuel : 66.

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Solidarité active : 467 s. nationale : 352, 355. passive : 468 s. Obligation in solidum : Voir ce mot. Solidarisme contractuel : Voir ce mot. Solvens : 331, 333 s. Stipulation pour autrui : 27, 249, 244 s, 436, 487. Conditions : 245. Définition : 244. Effets : 246. Subrogation : 247, 475, 486, 490 s. Surendettement : 213, 283, 520. Suspension : 215, 521.

T Terme : 297. Suspensif : 314. Extinctif : 314 s. Théorème de Coase : 73.

Théorie des jeux : 73. de l’agence : 73. de l’autonomie de la volonté : Voir Autonomie de la volonté. du risque : 353. des risques : 254. de la garantie : 354. Tiers : 182, 217, 224 s, 230 s. de mauvaise foi : 93, 94. Titrisation : 477, 484. Transaction (coûts de –) : Voir ce mot. Transfert de propriété : 4, 10, 97, 142, 145, 186, 188, 196, 233, 234, 239, 252, 254, 445, 452, 455, 476, 481, 486.

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Transport bénévole : 42. Troubles de voisinage : 381, 383. U Usages : 19, 23, 107, 204, 223, 318, 370. du commerce international : 43, 196. Usure : 302. V Valeurs mobilières : 484. Véhicule terrestre à moteur : 401. Vices du consentement : 112 s, Voir Dol, Erreur, Violence. Victime : 278, 346. par ricochet : 366, 367, 436. protégée (accident de la circulation) : 408. super protégée (accident de la circulation) : 409. Violence : 124 s. Conditions : 125 s. Contrainte économique : 127. Volonté (autonomie de la –) : Voir ce mot.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

I – La notion d’obligation A – Définition B – Distinction avec le droit réel II – Les sources du droit des obligations

PREMIERE PARTIE

LES CONTRATS

CHAPITRE 1– INTRODUCTION AU DROIT DES CONTRATS Section 1 - Classification des obligations et des contrats I – Classifications relatives au caractère obligatoire de l’obligation A – Les obligations naturelles et les obligations civiles B – Les engagements à portée obligatoire discutée C – Les actes de courtoisie et de complaisance II. – Classifications relatives à l'origine de la règle applicable III - Classifications relatives au contenu des règles applicables A– Classifications relatives aux conditions du contrat B– Classifications relatives aux effets des contrats C – Classifications relatives à la qualité des contractants Section 2 - Théorie du contrat I - La conception de base : autonomie de la volonté et respect de la parole donnée II – Les renforts : justice, utilité, équilibre contractuel Section 3 – Méthode

CHAPITRE 2 - LA FORMATION DU CONTRAT Section 1 - Les éléments constitutifs du contrat Sous-Section I - Le consentement I - L’existence du consentement II - La rencontre des volontés A - La préparation du contrat : « l’avant contrat » 1 - La préparation informelle : la négociation 2 - La préparation formalisée : les contrats préparatoires B - La conclusion du contrat 1 – L’offre de contracter 2 – L’acceptation de l’offre III - L’intégrité du consentement A . – La protection, a priori, du consentement : la théorie des vices du consentement 1 - Les vices généraux du consentement a– L’erreur b – Le dol i – Conditions du dol ii – Sanctions du dol

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c – La violence 2 - Vice spécial du consentement et du contrat : la lésion B . – La protection, a posteriori, du consentement Sous-Section 2 - Capacité et pouvoir I. – La capacité pour contracter II. – Le pouvoir de contracter Sous-Section 3 - L’objet I – Existence de l’objet II – Détermination de l’objet III – Liciété de l’objet Sous-Section 4 – Equilibre et validité des obligations et du contrat I. – Le contrôle de la validité du contrat A – Validité et bonnes mœurs B – Validité et ordre public C – Validité et droits fondamentaux II. – Le contrôle de l’équilibre des prestations réciproques dans le contrat A – Application de la technique classique de la cause de l’obligation B – Contrôle et élimination des clauses abusives dans ls contrats 1 – Les clauses abusives dans les contrats entre un professionnel et un consommateur 2 – Les clauses abusives dans les contrats entre professionnels

C – Contrôle de l’équilibre des prestations dans le contrat Sous-section 5 – La forme des contrats Section 2 – Les sanctions de la formation du contrat I – La nullité du contrat A – Caractères de la nullité B – Effets de la nullité 1 – Effets de la nullité entre les parties 2 – Effets de la nullité à l’égard des tiers II – Les autres sanctions de la formation du contrat

CHAPITRE 3 - L’EXECUTION DU CONTRAT Section 1 – l a force obligatoire du contrat I. – La force obligatoire du contrat a l’égard des parties A – Effet contraignant 1 – Enoncé de l’effet contraignant 2 – Objet de l’effet contraignant : contenu et construction du contrat B – Exécution de bonne foi du contrat et suites du contrat 1 – Identification et fondement d’une obligation de bonne foi 2 – Quelques développements de la bonne foi dans les contrats C – L’adaptation du contrat aux circonstances D – La simulation 1 – Définition et manifestations de la simulation 2 – Régime de la simulation II. – La force obligatoire du contrat et le juge :l’interprétation du contrat Section 2 – Le principe de l’effet relatif du contrat I – La détermination des parties et des tiers A – Les parties 1 – Les parties au moment de la formation du contrat 2 – Les parties au moment de l’exécution du contrat B – les tiers II. – Le contenu du principe de l’effet relatif des contrats A – Signification du principe de l’effet relatif du contrat

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B – L’opposabilité du contrat à l’égard des tiers III. – Les exceptions au principe de l’effet relatif du contrat A – Les groupes de contrats B – Les engagements pour autrui 1 – La promesse de porte-fort 2.– La stipulation pour autrui Section 3 −−−− La circulation du contrat Section 4 – L’inexécution du contrat et ses remèdes absence d’effet, la « responsabilité contractuelle » I – Le constat de l’inexécution A – L’inexécution contractuelle 1 – L’intensité des obligations 2 – La gravité de l’inexécution 3 – Le fait de la chose et le fait d’autrui 4 – Les causes d’exonération et de non imputabilité a – La force majeure et le cas fortuit b – Effets de la force majeure c – Le fait du tiers ou du créancier – Le fait de la chose ou d’autrui B – Le préjudice contractuel C – Un lien de causalité D – La mise en demeure II. – Les remèdes à l’inexécution A – L’exécution forcée B – L’exception d’inexécution C – La résolution du contrat pour inexécution 1 – Le mécanisme de la résolution judiciaire 2– La résolution contractuelle 3 – La résolution unilatérale D – La réparation 1 – Le principe de la réparation 2 – Les conventions sur la réparation a – Les clauses relatives à la responsabilité b – Les clauses pénales

CHAPITRE 4 - L’EXTINCTION DES CONTRATS

CHAPITRE 5 - LES LES QUASI-CONTRATS Section 1. – Les types classiques de quasi-contrats I. – La gestion d’affaires A – Les conditions de la gestion d’affaires B – Les effets de la gestion d’affaires II. – Le paiement de l’indû A –Les conditions du paiement de l’indu B– Les effets du paiement indû III - L’enrichissement sans cause A – Les conditions de l’enrichissement sans cause B – Les effets de l’enrichissement sans cause Section 2. – Les types nouveaux de quasi-contrats

DEUXIEME PARTIE

LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE

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I. – Distinction entre responsabilité civile et responsabilité pénale II. – Distinction entre responsabilité civile délictuelle et responsabilité civile contractuelle III. – Les principes et fondements de la responsabilité civile ont beaucoup évolué.

CHAPITRE 1 - LE FAIT JURIDIQUE GENERATEUR D’OBLIGAT IONS : LE FAIT DOMMAGEABLE Section 1 - Le dommage I – La nature du dommage II – Les caractères du dommage réparable Section 2 – Le fait générateur I - La faute A – Notion de faute B – Typologie des fautes II – les autres faits générateurs Section 3 - Le lien de causalité I. – Détermination du lien de causalité II. – La pluralité de causes

CHAPITRE 2 – LE REGIME DE RESPONSABILITE Section 1 - Le régime de droit commun : la responsabilité du fait personnel I. – Le régime commun de la responsabilité du fait personnel II – les régimes particuliers de responsabilité du fait personnel Section 2 – Les régimes spéciaux de responsabilité I. – La responsabilité délictuelle du fait des choses A – Le régime commun de la responsabilité du fait des choses 1 – Une chose 2 – Le fait de la chose 3 – La garde de la chose B. – Les régimes particuliers de la responsabilité du fait des choses 1 – La responsabilité du fait des animaux 2 – La responsabilité du fait de la ruine des bâtiments 3 – La responsabilité du fait de la communication d’incendie 4 – La « responsabilité » du fait des accidents de circulation a – Domaine d’application de la loi de 1985 b – Le régime de la loi de 1985 α. – Principes de l’indemnisation de la victime

i – Dommages causés à la personne ii – Dommages causés aux biens β. – Les techniques de l’indemnisation de la victime 5 – La responsabilité du fait des produits défectueux II - La responsabilité délictuelle du fait d’autrui A – Le mécanisme général de responsabilité du fait d’autrui B – Les régimes spéciaux de responsabilité du fait d’autrui 1 – La responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants 2 – La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés 3 – La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis 4 – La responsabilité de l’administration du fait de ses agents

CHAPITRE 3 – L’EFFET JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE : L’OBLIGATION DE REPARATION

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TROISIEMEPARTIE LE REGIME DES OBLIGATIONS

CHAPITRE 1 – LES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES ET LES OBLIGATIONS A TERME Section 1 – La condition I – Conditions de la condition II – Effets de la condition A – Avant la réalisation de la condition B –Le moment de la réalisation de la condition C – Après la réalisation de la condition Section 2 – Le terme I – Définition II – Les effets du terme A – Terme suspensif B – Terme extinctif

CHAPITRE 1 - LES OBLIGATIONS PLURALES Section 1. – Les obligations conjointes Section 2. – Les obligations solidaires I. – La solidarité active II. – La solidarité passive A – Définition de la solidarité passive B – Effets de la solidarité passive 1 – Les effets de la solidarité passive entre le créancier et les coobligés : l’obligation à la dette 2 – Les effets de la solidarité passive entre coobligés : la contribution à la dette Section 3. – Les obligations indivisibles

CHAPITRE 3 – LA CIRCULATION DES OBLIGATIONS Section 1 – La cession de créance I – La cession de créance ordinaire II – Les cessions de créance simplifiées Section 2 – La délégation de créance Section 3 – La subrogation

CHAPITRE 4 – L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS Section 1. – Les paiements I Le paiement proprement dit II Le paiement par compensation III La protection du droit de gage général du créancier A – L’action oblique 1 – Conditions de l’action oblique 2 – Effets de l’action oblique B – L’action paulienne 1 – Conditions de l’action paulienne 2 – Effets de l’action paulienne Section 2. – Les cas particuliers d’extinction des obligations