drépanocytose de l'adulte 2009 emc

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Drépanocytose de l’adulte F. Lionnet, K. Stankovic, R. Girot La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine à transmission autosomique récessive. Elle est une des maladies génétiques les plus répandues dans le monde, essentiellement dans les populations originaires de l’Afrique intertropicale. Les manifestations de la maladie sont liées à la polymérisation des molécules d’hémoglobine drépanocytaires dans les globules rouges à l’origine de leur fragilisation, provoquant une hyperhémolyse, et de leur perte de plasticité, à l’origine des complications vaso- occlusives caractéristiques de la drépanocytose. L’espérance de vie des patients drépanocytaires a considérablement augmenté ces dernières années. La drépanocytose reste une maladie grave, ayant un retentissement majeur sur la vie de ceux qui en sont atteints, surtout en raison des douleurs intenses, répétées et imprévisibles. La prise en charge des adultes devient un enjeu de santé publique du fait de l’augmentation rapide du nombre des patients et du vieillissement de cette population. Ainsi, à côté des classiques complications aiguës (crise vaso-occlusive, syndrome thoracique aigu, priapisme, infections, etc.), on rencontre des complications chroniques, dont l’incidence augmente avec l’âge, pouvant entraîner des conséquences fonctionnelles lourdes (atteintes rénale, pulmonaire, osseuse, etc.). La prévention de ces séquelles devient un élément essentiel de la prise en charge des adultes drépanocytaires. Si les situations aiguës graves, mettant en jeu le pronostic vital, relèvent généralement de traitements symptomatiques et de la transfusion, le seul traitement de fond actuellement proposé est l’hydroxyurée. Les incertitudes concernant les effets secondaires potentiels de ce traitement à très long terme ne doivent pas entraîner une sous-prescription de ce médicament dont les effets positifs, y compris sur l’espérance de vie, sont réels. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Drépanocytose ; Hémoglobine ; Crise vaso-occlusive ; Hydroxyurée ; Transfusion sanguine Plan Introduction 1 Épidémiologie de la drépanocytose 2 Transmission génétique de la drépanocytose 2 Physiopathologie de la drépanocytose 2 Polymérisation des molécules d’hémoglobine drépanocytaire 2 Déformation du globule rouge drépanocytaire 2 Caractéristiques du globule rouge drépanocytaire 2 Anomalies rhéologiques de la microcirculation 3 Diagnostic biologique de la drépanocytose 3 Étude hématimétrique et phénotypique 3 Étude génotypique 3 Drépanocytose hétérozygote AS 4 Manifestations de la drépanocytose homozygote 4 Histoire naturelle 4 Complications aiguës 5 Complications chroniques 9 Syndromes drépanocytaires hétérozygotes composites 12 Drépanocytose hétérozygote composite SC 12 Drépanocytose hétérozygote composite Sb-thalassémique 12 Autres formes génétiques 13 Grossesse et conseil génétique 13 Grossesse 13 Conseil génétique 13 Traitement 13 Principes de prise en charge. Suivi 14 Transfusion sanguine 14 Hydroxyurée (HU) 15 Perspectives 16 Introduction La drépanocytose est une maladie génétique très fréquente dans les populations originaires de l’Afrique subsaharienne. Une mutation unique concernant le gène b-globine est la cause de la drépanocytose. Cette mutation est responsable de la synthèse d’une molécule anormale d’hémoglobine (l’hémoglobine S – HbS), ayant la propriété de polymériser en situation désoxygé- née, et ainsi d’entraîner une déformation (falciformation) et une perte de plasticité des globules rouges à l’origine d’une cascade d’événements dont l’aboutissement est la survenue d’occlusions microvasculaires. L’expression clinique de la drépanocytose chez un patient résulte de l’association aléatoire des différentes manifestations potentielles de la maladie : crises douloureuses, anémie, suscep- tibilité aux infections, et atteintes organiques diverses. Il existe plusieurs formes génétiques de drépanocytose. Outre la drépanocytose homozygote, la plus fréquente, cinq autres génotypes existent : l’hétérozygotie composite Sb 0 -thalassémie 13-006-D-16 1 Hématologie © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/06/2011 par Faculte de Medecine et Pharmacie RABAT (53125)

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Drépanocytose de l'Adulte 2009 EMC

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Page 1: Drépanocytose de l'Adulte 2009 EMC

Drépanocytose de l’adulte

F. Lionnet, K. Stankovic, R. Girot

La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine à transmission autosomique récessive. Elleest une des maladies génétiques les plus répandues dans le monde, essentiellement dans les populationsoriginaires de l’Afrique intertropicale. Les manifestations de la maladie sont liées à la polymérisation desmolécules d’hémoglobine drépanocytaires dans les globules rouges à l’origine de leur fragilisation,provoquant une hyperhémolyse, et de leur perte de plasticité, à l’origine des complications vaso-occlusives caractéristiques de la drépanocytose. L’espérance de vie des patients drépanocytaires aconsidérablement augmenté ces dernières années. La drépanocytose reste une maladie grave, ayant unretentissement majeur sur la vie de ceux qui en sont atteints, surtout en raison des douleurs intenses,répétées et imprévisibles. La prise en charge des adultes devient un enjeu de santé publique du fait del’augmentation rapide du nombre des patients et du vieillissement de cette population. Ainsi, à côté desclassiques complications aiguës (crise vaso-occlusive, syndrome thoracique aigu, priapisme, infections,etc.), on rencontre des complications chroniques, dont l’incidence augmente avec l’âge, pouvantentraîner des conséquences fonctionnelles lourdes (atteintes rénale, pulmonaire, osseuse, etc.). Laprévention de ces séquelles devient un élément essentiel de la prise en charge des adultesdrépanocytaires. Si les situations aiguës graves, mettant en jeu le pronostic vital, relèvent généralementde traitements symptomatiques et de la transfusion, le seul traitement de fond actuellement proposé estl’hydroxyurée. Les incertitudes concernant les effets secondaires potentiels de ce traitement à très longterme ne doivent pas entraîner une sous-prescription de ce médicament dont les effets positifs, y comprissur l’espérance de vie, sont réels.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Drépanocytose ; Hémoglobine ; Crise vaso-occlusive ; Hydroxyurée ; Transfusion sanguine

Plan

¶ Introduction 1

¶ Épidémiologie de la drépanocytose 2

¶ Transmission génétique de la drépanocytose 2

¶ Physiopathologie de la drépanocytose 2Polymérisation des molécules d’hémoglobine drépanocytaire 2Déformation du globule rouge drépanocytaire 2Caractéristiques du globule rouge drépanocytaire 2Anomalies rhéologiques de la microcirculation 3

¶ Diagnostic biologique de la drépanocytose 3Étude hématimétrique et phénotypique 3Étude génotypique 3

¶ Drépanocytose hétérozygote AS 4

¶Manifestations de la drépanocytose homozygote 4Histoire naturelle 4Complications aiguës 5Complications chroniques 9

¶ Syndromes drépanocytaires hétérozygotes composites 12Drépanocytose hétérozygote composite SC 12Drépanocytose hétérozygote composite Sb-thalassémique 12Autres formes génétiques 13

¶ Grossesse et conseil génétique 13Grossesse 13Conseil génétique 13

¶ Traitement 13Principes de prise en charge. Suivi 14Transfusion sanguine 14Hydroxyurée (HU) 15

¶ Perspectives 16

■ IntroductionLa drépanocytose est une maladie génétique très fréquente

dans les populations originaires de l’Afrique subsaharienne. Unemutation unique concernant le gène b-globine est la cause dela drépanocytose. Cette mutation est responsable de la synthèsed’une molécule anormale d’hémoglobine (l’hémoglobine S –HbS), ayant la propriété de polymériser en situation désoxygé-née, et ainsi d’entraîner une déformation (falciformation) et uneperte de plasticité des globules rouges à l’origine d’une cascaded’événements dont l’aboutissement est la survenue d’occlusionsmicrovasculaires.

L’expression clinique de la drépanocytose chez un patientrésulte de l’association aléatoire des différentes manifestationspotentielles de la maladie : crises douloureuses, anémie, suscep-tibilité aux infections, et atteintes organiques diverses.

Il existe plusieurs formes génétiques de drépanocytose. Outrela drépanocytose homozygote, la plus fréquente, cinq autresgénotypes existent : l’hétérozygotie composite Sb0-thalassémie

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(pas de synthèse d’hémoglobine normale A [HbA]) ou Sb+-thalassémie (persistance de synthèse d’une quantité variabled’HbA), l’hétérozygotie composite SC, l’association de l’HbS à lapersistance héréditaire de l’Hb fœtale (HbF), l’hétérozygotiecomposite HbS et HbE, et de rares associations de l’HbS avecl’HbO Arab, l’HbD Punjab...

C’est au XXe siècle que les caractéristiques hématologique,génétique, moléculaire, de la drépanocytose ont été établies [1].Cependant, cette maladie avait été individualisée en Afriquedepuis bien plus longtemps, en raison de ses expressions lesplus marquantes : les crises douloureuses intenses répétées et lerisque de mort prématurée [2].

La prise en charge de la drépanocytose à l’âge adulte com-porte certaines spécificités. En particulier, il est importantd’anticiper les complications organiques chroniques qui sur-viennent systématiquement avec le vieillissement, mais qui nesont souvent symptomatiques qu’à un stade où les lésions sontirréversibles.

Les progrès significatifs obtenus ces dernières années dansl’amélioration de l’espérance et de la qualité de vie des patientsdrépanocytaires sont essentiellement en rapport avec uneamélioration de l’organisation des soins et des pratiquespréventives, une meilleure information des patients et de leursfamilles [3], et avec l’efficacité d’un traitement de fond :l’hydroxyurée.

■ Épidémiologiede la drépanocytose

La drépanocytose est la première maladie génétique del’Afrique intertropicale. Dans certaines zones, la prévalence dugénotype hétérozygote AS peut atteindre 25 % à 30 % de lapopulation [4]. La mutation drépanocytaire est égalementprésente dans certaines régions de l’Inde. Au début de notre ère,les flux migratoires d’Afrique vers le bassin méditerranéen, desIndes vers le Moyen-Orient, puis, au cours des quatre dernierssiècles, de ces régions vers l’Amérique du Nord et du Sud etl’Europe occidentale ont diffusé la mutation drépanocytaired’Afrique et d’Asie vers l’Amérique et l’Europe. L’Organisationmondiale de la santé (OMS) estime à 120 millions le nombre deporteurs du trait drépanocytaire dans le monde [5].

Aux Antilles, la prévalence du trait drépanocytaire est prochede 10 % et il naît chaque année environ 70 enfants atteints desyndrome drépanocytaire majeur. En France métropolitaine, larépartition de la mutation drépanocytaire dans la populationn’est pas homogène ; elle est prédominante dans la région Île-de-France dans laquelle naissent plus de 150 nouveau-nésatteints de syndromes drépanocytaires chaque année. En 2008,on estime entre 6 000 et 7 000 le nombre de malades atteintsde syndrome drépanocytaire majeur en France métropolitaine etdans les Dom-Tom [5].

■ Transmission génétiquede la drépanocytose

La drépanocytose est une affection génétique transmise selonle mode mendélien récessif autosomique. Les sujets hétérozygo-tes sont dits AS et les homozygotes SS. Il existe d’autresanomalies génétiques fréquentes de l’hémoglobine pouvants’associer à la drépanocytose : l’hémoglobine C et lab-thalassémie. Il s’agit d’anomalies qui se transmettent aussi surle mode autosomique récessif. Lorsqu’un sujet drépanocytaireAS ou SS contracte une union avec un sujet hétérozygote AC oub-thalassémique hétérozygote, ces anomalies peuvent s’associeret donner naissance à des enfants hétérozygotes composites SCou Sb-thalassémiques.

■ Physiopathologiede la drépanocytose [6]

Polymérisation des moléculesd’hémoglobine drépanocytaire [7]

Dans l’hémoglobine drépanocytaire S, le remplacement d’unacide glutamique par une valine en position 6 de la chaîne bglobine à la surface de la molécule provoque une série demodifications structurales qui rendent compte de la diminutionde sa solubilité et de la polymérisation de sa forme déoxygénée.La polymérisation s’observe in vitro dans des solutions d’hémo-globine concentrées, ainsi qu’in vivo dans le globule rouge.Cette polymérisation aboutit à la formation d’un gel. Il a étémontré in vitro que la formation du gel par les molécules dedéoxyhémoglobine S n’était pas un phénomène instantané,mais qu’elle était précédée d’une période de latence d’une duréevariable allant de la milliseconde à plusieurs minutes. Desfacteurs physicochimiques favorisent la polymérisation et laformation du gel : augmentation de la température, abaissementdu pH, et augmentation de la concentration ionique.

La concentration en hémoglobine est un facteur essentielinfluençant la polymérisation des molécules de déoxyhémoglo-bine S. C’est pour cette raison que les a-thalassémies, souventassociées à la drépanocytose, réduisent 1a polymérisation endiminuant la concentration en hémoglobine intraérythrocytaire.

L’hémoglobine fœtale (HbF) est un autre facteur biologiqueimportant à considérer car cette molécule ne copolymérise pasavec l’hémoglobine S. L’effet inhibiteur de l’hémoglobine F surla polymérisation se manifeste dès le stade initial de la forma-tion du polymère. Ainsi, à titre d’exemple, une augmentationdu pourcentage d’HbF de 10 % à 25 % de l’hémoglobine totalemultiplie par 100 le temps de latence in vitro.

Déformation du globule rougedrépanocytaire

Dans le globule rouge, l’hémoglobine est à une concentrationvoisine de 33 g/dl, ce qui correspond à la concentrationcorpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH). La polyméri-sation des molécules d’hémoglobine S dans leur configurationdéoxygénée provoque la formation intracellulaire de longuesfibres allongées. La formation de ces fibres entraîne unemodification de forme du globule rouge qui acquiert un aspecten faux : le drépanocyte. Les cellules falciformées sont hétéro-gènes, tant en ce qui concerne leur aspect morphologique queleur densité. Le pourcentage des cellules denses (d > 1,120) estfaible, voire nul chez le sujet normal ; il est plus ou moins élevéchez le sujet drépanocytaire. Les drépanocytes font partie descellules les plus denses dont la concentration en hémoglobinepeut être supérieure à 40 g/dl. Le phénomène de falciformationest réversible pendant plusieurs cycles jusqu’à la fixationdéfinitive de la cellule sous la forme d’un drépanocyteirréversible.

Les principales anomalies rhéologiques caractérisant ladrépanocytose sont une augmentation constante de la viscositédu sang et une diminution de la déformabilité cellulaire. Cesdeux phénomènes sont très dépendants de l’hématocrite,d’autant plus nets que celui-ci est élevé. L’hématocrite bas (20-25 %) observé chez les patients drépanocytaires homozygotesatténue l’effet de ces anomalies.

Caractéristiques du globule rougedrépanocytaire

De nombreuses altérations surviennent dans le globule rougedrépanocytaire. Des phénomènes d’oxydation conduisent à laformation de méthémoglobine et d’hémichrome, qui se fixentsur la bande 3 de la membrane et participent aux mécanismesresponsables de l’hyperhémolyse.

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La déshydratation qui survient tant au stade du réticulocytequ’au stade plus mature est une des caractéristiques du globulerouge drépanocytaire. Elle est la conséquence d’une dysrégula-tion de deux canaux ioniques aboutissant à une perte d’eau etde potassium. Le premier concerne le cotransport KClmagnésium-dépendant ; le second est le canal Gardos, canalK+ activé par le Ca2++. À ces phénomènes membranaires, il fautajouter la production de microvésicules et une perte d’asymétriede la membrane drépanocytaire avec une exposition anormaledes phosphatidylsérines à sa face externe, qui peuvent participerà l’activation de la coagulation, à l’adhérence des globulesrouges à l’endothélium et à leur reconnaissance par les macro-phages à l’origine de la destruction précoce de l’hématie.

Anomalies rhéologiquesde la microcirculation

Les caractéristiques du globule rouge drépanocytaire décritesci-dessus rendent compte de l’hyperviscosité du sang drépano-cytaire à laquelle s’ajoutent deux phénomènes qui concourentau ralentissement du flux sanguin dans la microcirculation, lesphénomènes d’adhérence des globules rouges drépanocytaires àl’endothélium vasculaire et les anomalies du tonus vasculairefavorisant la vasoconstriction.

Phénomènes d’adhérence des globules rougesdrépanocytaires à l’endothélium vasculaire [8]

L’adhérence des cellules drépanocytaires à l’endothéliumvasculaire a été démontrée initialement in vitro dans unsystème de culture de cellules endothéliales provenant de veinesombilicales et d’aorte de bœuf.

Le phénomène d’adhérence des cellules drépanocytaires àl’endothélium est dépendant des caractéristiques du fluxsanguin. Dans des conditions de flux laminaire, l’adhérencecellulaire est très limitée, voire inexistante, à l’inverse de ce quise passe dans les zones de flux turbulent de certains territoiresde la circulation capillaire. L’adhérence la plus importante estobservée dans les vaisseaux de 7 à 10 µm de diamètre.

L’adhérence des globules rouges drépanocytaires à l’endothé-lium provoque un ralentissement circulatoire et induit lafalciformation et la vaso-occlusion. Les molécules protéiquesimpliquées dans les phénomènes d’adhérence ont été identi-fiées, au moins pour certaines d’entre elles. Ces phénomènesconcernent essentiellement des cellules jeunes, réticulocytaires,et impliquent les molécules proadhésives telles que la glycopro-téine CD36 et l’intégrine VLA-4. Leurs partenaires à la surfacede l’endothélium sont également CD36 et, après activation deces cellules, la protéine VCAM-1. L’interaction de VLA-4 avecVCAM-1 est directe, tandis que celle qui implique les deuxmolécules CD36 sur le globule rouge et l’endothélium faitintervenir un pontage par la thrombospondine plasmatique.D’autres mécanismes d’interaction ont été identifiés entre laprotéine B Cam/LU du globule rouge drépanocytaire et lalamiline sous-endothéliale et entre les multimères du facteur devon Willebrand et les récepteurs sur le globule rouge et del’endothélium. Enfin, les leucocytes, et plus particulièrement lespolynucléaires neutrophiles, ont un rôle certain dans lesphénomènes de vaso-occlusion. Ainsi, il a été montré quel’endothélium activé pouvait stimuler l’expression de protéinesproadhésives des polynucléaires neutrophiles et favoriser leuradhérence à l’endothélium, contribuant ainsi aux anomaliesrhéologiques caractéristiques de la maladie drépanocytaire.

Anomalies du tonus vasculaire [9, 10]

Les anomalies du tonus vasculaire sont de description plusrécente. Elles se fondent sur les propriétés vasoconstrictrices del’endothéline-1 (ET-1) et sur l’inhibition des propriétés vasodi-latatrices du monoxyde d’azote (NO) produit par laNO-synthase endothéliale. Il existe, à l’état normal, un équilibreentre la captation et la production de NO. Cet équilibre est

détruit dans la drépanocytose par l’effet de l’hémolyse intravas-culaire et la capture du NO par l’hémoglobine libérée par ladestruction des globules rouges. De plus, l’ET-1 se trouve à untaux élevé chez le patient drépanocytaire. Il en résulte commeeffet global une vasoconstriction de la microvascularisation àl’origine d’un défaut de perfusion des tissus.

■ Diagnostic biologiquede la drépanocytose [11]

Étude hématimétrique et phénotypique

Drépanocytose hétérozygote

Les caractéristiques hématimétriques du sang périphérique despatients drépanocytaires hétérozygotes sont identiques à celledu sang normal, tant en ce qui concerne la lignée érythrocytaireque les lignées leucocytaire et plaquettaire. La morphologie deshématies est normale et il n’y a pas de drépanocytes en circu-lation. Cependant, lorsque les hématies sont incubées aulaboratoire dans un milieu privé d’oxygène (test d’Emmel) lephénomène de falciformation se manifeste et fait apparaître desdrépanocytes. En pratique courante, cet examen biologique faitpartie, avec le test de précipitation de l’hémoglobine S en milieuréducteur (test d’Itano), des examens biologiques qui permettentle dépistage rapide de la drépanocytose hétérozygote. Unemicrocytose constatée chez un drépanocytaire hétérozygote doitfaire penser à une carence martiale ou à une a-thalassémieassociée.

L’électrophorèse de l’hémoglobine montre une fractionprédominante d’hémoglobine A de 55 % à 60 %, une fractionimportante d’HbS de 40 % à 45 % et enfin un constituantmineur d’hémoglobine A2 de 2 % à 3 %. Cet état doit êtredifférencié de celui d’un sujet drépanocytaire homozygotetransfusé. Dans cette situation, l’hémoglobine A du donneurdisparaît du tracé électrophorétique dans les quatre mois quisuivent la transfusion.

Drépanocytose homozygote et hétérozygotiescomposites SC et Sb-thalassémiques

En dehors de toute complication aiguë (infection, crisedouloureuse), la drépanocytose homozygote est caractérisée parun taux d’hémoglobine qui se situe entre 7 et 9 g/dl, uneréticulocytose entre 200 000 et 600 000 par mm3, un volumeglobulaire moyen normal, la présence constante sur le frottissanguin de drépanocytes, une hyperleucocytose à polynucléairesneutrophiles pouvant atteindre 15 000 à 20 000 par mm3 et unetendance à la thrombocytose. L’électrophorèse de l’hémoglobinemet en évidence la présence d’hémoglobines S, F et A2 ; il n’y apas d’hémoglobine A. Le test d’Emmel (ou le test d’Itano) estindispensable pour confirmer la nature drépanocytaire del’hémoglobine migrant à l’endroit de l’hémoglobine S. LeTableau 1 indique les caractéristiques biologiques des principauxsyndromes drépanocytaires majeurs, drépanocytose homozygoteet hétérozygotes composites SC et Sb-thalassémiques.

Étude génotypiqueL’étude du génotype des patients drépanocytaires doit

comporter l’identification de la mutation drépanocytaire et larecherche d’une a-thalassémie associée. L’identification de lamutation drépanocytaire est la seule méthode utilisable chez lesmalades qui ont été transfusés depuis moins de 4 mois et chezlesquels le diagnostic phénotypique (étude de l’hémoglobine)n’est pas possible. Quand on ne dispose pas d’une étude del’hémoglobine phénotypique de l’ensemble de la famille, larecherche de la mutation s’impose chez tout patient drépano-cytaire pour différencier les sujets homozygotes SS des sujetsthalasso-drépanocytaires Sb0-thalassémiques. Cette information

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est nécessaire pour éclairer le conseil génétique à donner auxparents d’enfants malades et aux patients en âge de procréer. Larecherche d’une a-thalassémie fait partie du diagnostic biologi-que des syndromes drépanocytaires. En effet, une a-thalassémieassociée à la drépanocytose explique la microcytose. En outre,elle modifie le risque de survenue de certaines complications.

■ Drépanocytose hétérozygote ASLes sujets ayant une drépanocytose hétérozygote sont aussi

appelés porteurs sains de la drépanocytose, ou porteurs du traitdrépanocytaire. Ils ont reçu le gène normal A de la b-globined’un de leurs parents, et le gène drépanocytaire S de l’autre.

Chez les sujets AS, le problème essentiel est celui du conseilgénétique. En effet, la plupart des nouveau-nés porteurs d’unsyndrome drépanocytaire majeur naissent de deux parentshétérozygotes AS qui n’étaient pas informés de leur statut deporteur de cette anomalie génétique, ou du risque que celle-cipouvait faire courir à leurs enfants.

La grande majorité des patients hétérozygotes AS est asymp-tomatique. Il est donc important qu’il n’y ait pas de confusionentre la forme homozygote (maladie) et la forme hétérozygote(situation non pathologique de porteur sain).

Cependant, certaines rares complications peuvent êtreattribuées à l’hétérozygotie AS : la survenue d’infarctus spléni-ques, dont l’apparition est favorisée par un séjour en altitude,et celle d’épisodes d’hématurie par nécrose papillaire [12].

Quelques publications ont rapporté que le trait drépanocy-taire exposerait à certains risques :• la pratique d’exercices physiques prolongés et intenses

s’accompagnerait d’un risque accru de mort subite [13] ;• le risque de survenue d’une maladie thromboembolique

veineuse est plus élevé chez les Américains d’origine africaineporteurs du trait drépanocytaire, comparativement à ceux quin’ont pas d’hémoglobinopathie [14] ;

• une augmentation du risque de mort fœtale chez les femmesenceintes hétérozygotes AS a été retrouvée par certaineséquipes [15], mais en l’absence de confirmation par d’autresétudes, il ne peut y avoir de certitude concernant la réalité dece risque ;

• la fréquence des infections urinaires serait plus élevée chez lespatients hétérozygotes AS que dans la population générale.Enfin, des cas isolés concernant certaines manifestations ont

été rapportés, sans qu’il soit possible d’avoir une certitudeconcernant la responsabilité de l’hémoglobinopathie dans leursurvenue : par exemple, des cas de rétinopathie [16], d’ostéoné-crose aseptique des têtes fémorales. Les personnes hétérozygotesAS présentent parfois des douleurs articulaires ou osseuses, dontle mécanisme n’est pas clair. Les rares individus AS symptoma-tiques posséderaient des gènes modificateurs (épistatiques), quiexpliqueraient les complications observées.

Finalement, les cas rapportés de complications sont très peunombreux comparativement au très grand nombre de personnesconcernées par la drépanocytose hétérozygote. De ce fait, il est

important de ne pas médicaliser indûment les hétérozygotes AS,qui ne justifient pas d’un suivi médical systématique, exceptionfaite des rares cas où est retrouvée une complication dont le lienavec l’anomalie génétique apparaît plausible.

Des précautions simples sont à conseiller à ces porteurs sains,notamment d’éviter les efforts violents et prolongés, les séjoursen haute altitude, la pratique de certains sports comme laplongée sous-marine.

■ Manifestationsde la drépanocytose homozygote

Histoire naturelleLa grande variabilité de la maladie, dans son intensité et son

mode d’expression clinique, est une des caractéristiques les plusfrappantes de la drépanocytose. Cette variabilité existe enpremier lieu entre les différents individus, mais également pourun même individu, selon les périodes de sa vie. Cette variétédans l’expression phénotypique est liée à l’existence de gènesmodulateurs et de facteurs d’environnement, qui ne sontqu’imparfaitement connus. Par exemple, la présence d’unea-thalassémie hétérozygote associée à la drépanocytose s’accom-pagne d’une augmentation de la concentration sanguine enhémoglobine, de l’espérance de vie, et d’une modification desmanifestations cliniques (diminution du risque d’ulcères cutanéset de rétinopathie, et augmentation du risque de crisesvaso-occlusives) [17].

La vie des patients drépanocytaires est marquée par unealternance de phases de stabilité et de phases de complicationsaiguës. Pendant les phases de stabilité, la symptomatologie estessentiellement en rapport avec l’anémie. En effet, l’anémieprovoquée par l’hémolyse chronique liée à la destructionaccélérée des hématies est permanente : chez les patientsdrépanocytaires, la durée de vie moyenne des globules rougesest estimée à 17 jours au lieu de 120 jours normalement [18]. Laconcentration sanguine en hémoglobine en phase stationnaireest fonction de l’équilibre entre la destruction des globulesrouges (appréciée sur les valeurs des lactodéshydrogénases [LDH]et de la bilirubine) et la capacité de régénération de la moelleosseuse (évaluée par le nombre de réticulocytes). Cette concen-tration est variable selon les patients. Elle est en généralcomprise entre 7 et 9 g/dl.

L’hyperhémolyse chronique a aussi pour conséquence l’appa-rition fréquente de calculs vésiculaires pigmentaires, survenantchez 40 % des patients avant l’âge de 20 ans [19].

Les complications aiguës sont représentées en premier lieupar les crises vaso-occlusives et le syndrome thoracique aigu,dont la fréquence est très variable selon les patients. Plus cettefréquence est élevée, plus le risque de mort prématurée estgrand [20]. Il n’est pas rare que l’intensité ou la fréquence descrises douloureuses diminuent à l’adolescence. Même lespatients peu symptomatiques ne sont pas à l’abri de la survenue

Tableau 1.Caractéristiques biologiques des syndromes drépanocytaires majeurs.

Normale (N) SS SC Sb0 thal Sb+ thal

Hémoglobine g/dl 12-16 7-9 10-12 7-9 9-12

Volume globulaire moyen fl 80-100 N N 70-90 70-90

Réticulocytes × 103/mm3 50-100 200-600 100-200 200-400 200-300

Électrophorèse de l’hémoglobine %

A 97–98 0 0 0 1-25

S 0 77-96 50 (C = 50) 80-90 55-90

F < 2 2-20 < 5 5-15 5-15

A2 2–3 2-3 – 4-6 4-6

Les hétérozygotes drépanocytaires AS, bien portants, ne sont pas atteints de syndrome drépanocytaire majeur. SS : drépanocytose homozygote ; SC : hétérozygote compositeSC ; Sß thal : hétérozygote composite Sß-thalassémique.

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imprévisible d’une complication grave. Les autres complicationsaiguës sont : le priapisme, l’accident vasculaire cérébral,l’infection, l’aggravation de l’anémie.

Les conséquences précises du vieillissement sont encoreimparfaitement connues. L’apparition progressive d’atteintesorganiques liées essentiellement à la vasculopathie drépanocy-taire semble inéluctable. Ces atteintes organiques sont d’instal-lation lente et sont décrites comme chroniques dans ce texte.Leur importance devrait augmenter à l’avenir, parallèlement àl’augmentation de la durée de vie des patients drépanocytaires.L’étude portant sur 1 056 patients suivis pendant 40 ans,effectuée par D. Powars et al. aux Etats-Unis, a permis certainesconstatations : l’existence de complications telles les ulcères dejambe, l’ostéonécrose, la rétinopathie est associée à la survenueultérieure d’atteintes organiques plus graves, et avec un plusgrand risque de mort prématurée. À partir de 50 ans, 48 % despatients ont une ou plusieurs atteintes organiques irréversibles.Les manifestations de la vasculopathie rapportées dans cetteétude sont : l’insuffisance rénale terminale, l’hypertensionartérielle pulmonaire, la rétinopathie, et les infarctus dans lesterritoires irrigués par la microcirculation cérébrale [21].

On constate aussi au cours du vieillissement une diminutionde l’hémoglobine, de la bilirubinémie, des plaquettes, et de laclairance de la créatinine [22]. Il y a un lien entre l’altération dela fonction rénale et l’aggravation de l’anémie [23].

L’espérance de vie des patients drépanocytaires est en aug-mentation continue. Elle est très différente en Afrique et dansles pays développés [24]. Dans ceux-ci, la mortalité infantile estdevenue faible, inférieure à 5 %. La médiane d’espérance de viedes hommes et des femmes homozygotes vivant aux États-Unisétait de 42 et 48 ans dans une étude parue en 1994 [25]. Dansune étude jamaïcaine parue en 2001, cette médiane était de53 ans pour les hommes, et de 58,5 pour les femmes [26].Actuellement, pour un patient pris en charge dans un paysdéveloppé, l’espérance de vie est probablement supérieure, maisnon quantifiable en l’absence d’étude récente de survie.

La survenue d’un syndrome thoracique aigu, d’une insuffi-sance rénale, d’une comitialité, la constatation d’une leucocy-tose supérieure à 15 000/mm3, et d’une faible concentration enhémoglobine F sont associés à un risque de mortprématurée [25].

Dans une étude clinique et autopsique effectuée chez desadultes drépanocytaires aux États-Unis, les causes de la mortétaient : l’hypertension artérielle pulmonaire (26 %), la mortsubite d’origine non explicitée (23 %), l’insuffisance rénale(23 %), l’infection (18 %), la maladie thromboembolique(15 %), l’atteinte cardiaque (12 %), la cirrhose (11 %), lesyndrome thoracique aigu (10 %), les hémorragies (8 %) et lasurcharge en fer (7 %) [27].

La drépanocytose homozygote représente la forme la plusfréquente et la plus sévère des syndromes drépanocytairesmajeurs. Le même type de complications peut se rencontrerdans les autres formes génétiques de la maladie, mais sont plusrares, avec généralement une gravité moindre, et certainesspécificités, qui seront développées dans un chapitre particulier.

Complications aiguës

Crise douloureuse vaso-occlusive

La crise douloureuse vaso-occlusive (CVO) représente l’événe-ment le plus fréquent chez le patient drépanocytaire. Elle estcaractérisée par l’apparition plus ou moins brutale de douleursprovoquées par des phénomènes d’occlusion microvasculairesurvenant le plus souvent dans les os. La principale caractéris-tique de la douleur est son intensité, qui est souvent extrême-ment forte. Elle peut intéresser les os longs, le bassin, le rachis,le sternum, les côtes..., et généralement plusieurs territoires sontatteints simultanément. La douleur est migratrice. La fréquencedes CVO est variable selon les malades, et pour un mêmemalade, dans le temps. Dans une étude américaine, il a étémontré que la fréquence de survenue des douleurs est maximaleentre 19 et 39 ans et que la mortalité est plus élevée chez les

patients ayant des douleurs fréquentes [20]. La durée de la CVOest généralement comprise entre 2 et 7 jours [28]. Un facteurfavorisant est parfois trouvé, mais le plus souvent, la CVOsurvient sans raison apparente.

Des signes inflammatoires locaux peuvent exister, en particu-lier en cas d’infarctus sous-périosté. Des signes générauxd’accompagnement sont présents dans environ la moitié descas, en particulier la fièvre. Il est rare que la fièvre constatéedans une CVO simple dépasse 38,5 °C. Il faut toujours envisagerl’hypothèse d’une infection associée, surtout si la températureexcède cette valeur. La localisation extra-osseuse de la CVO estrare et doit toujours faire chercher une autre origine auxdouleurs (en particulier en cas de douleurs abdominales).

Le retentissement psychosocial des douleurs est important, ilest souvent sous-estimé. La vie scolaire et professionnelle estchaotique quand les CVO sont fréquentes. Dépression, apathie,culpabilité, agressivité surviennent surtout si la douleur nesemble pas suffisamment prise en compte par les soignants [29].Cependant, la survenue de comportements toxicomaniaqueschez ces patients souvent traités par morphine est très rare [30].

La CVO n’induit pas de modification biologique spécifique,qui permettrait de différencier l’état de crise d’une infection. Onpeut observer durant les crises une accentuation de l’hémolyse :augmentation des LDH, perte de 1 ou 2 g par dl d’hémoglobine.L’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles peut dépasser15 000/mm3, même en l’absence de toute infection associée. Lesmarqueurs biologiques de l’inflammation peuvent se situer à desvaleurs très élevées, y compris dans une CVO non compliquée.

Certaines CVO peuvent être traitées à domicile, d’autresnécessitent une hospitalisation.

La prise en charge repose sur le traitement antalgique, quidoit être débuté le plus rapidement possible, adapté à l’intensitéde la douleur appréciée par l’échelle visuelle analogique (EVA),qui doit être puissant, et dont l’efficacité doit être rapidementévaluée puis régulièrement réévaluée. Quand l’EVA est supé-rieure à 4, l’administration répétée de doses fractionnées demorphine intraveineuse (la titration) est relayée par uneméthode d’autoadministration contrôlée. L’administrationcontinue de fortes doses de morphine est moins efficace quel’autoadministration pour calmer la douleur, et entraîne unrisque accru d’effets secondaires, en particulier d’hypoventila-tion alvéolaire, qui peut mettre en jeu le pronostic vital [31, 32].Les mesures d’accompagnement sont l’hyperhydratation etl’oxygénothérapie, la prise en compte de l’anxiété, la poursuitede la supplémentation par l’acide folique, le traitement de toutepathologie associée, notamment d’origine infectieuse. Latransfusion n’a pas d’indication dans le traitement de la CVOnon compliquée, sauf exceptionnellement en cas de douleurpersistante et résistante au traitement antalgique. La surveillanceclinique doit être rigoureuse, notamment à la recherche designes pulmonaires, pour immédiatement reconnaître l’installa-tion d’un syndrome thoracique aigu, qui est souvent précédé

“ Point important

Facteurs favorisant la survenue des CVO• Déshydratation• Variations de la météo : vent, sécheresse, froid, canicule• Effort intense ou prolongé• Infection• Stress physique ou psychologique• Consommation d’alcool• Période des règles• Désaturation nocturne, apnées du sommeil

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d’une CVO. La répétition des CVO doit faire chercher unfacteur aggravant à corriger (efforts physiques excessifs, atteinterénale, apnée du sommeil...) et discuter un traitement parhydroxyurée.

Syndrome thoracique aigu

Le syndrome thoracique aigu (STA) représente chez l’adulte ladeuxième complication aiguë en fréquence après la CVO, maisla première cause de mortalité [33, 34]. La définition repose sur

l’association d’un infiltrat radiologique avec l’un ou plusieurssignes fonctionnels ou physiques respiratoires (toux, dyspnée,fièvre, douleur thoracique...).

L’aggravation d’un STA peut être rapide et extrêmementsévère avec mise en jeu du pronostic vital. Il faut donc préveniret dépister précocement cette complication, surveiller de façonrapprochée un STA installé et, dès la mise en évidence de signesde gravité, discuter le transfert en unité de soins intensifs et latransfusion sanguine.

La physiopathologie du STA est complexe et incomplètementcomprise, avec l’intrication de plusieurs mécanismes : emboliesgraisseuses à partir de foyers de nécrose médullaire [35], hypo-ventilation alvéolaire, vaso-occlusion (entraînant des occlusionsde la microcirculation, et non des vaisseaux de gros calibrecomme dans la maladie thromboembolique), et infection(germes les plus fréquents : pneumocoque, Chlamydia, myco-plasme, virus respiratoire syncytial, parvovirus B19...). Lesspécificités de la circulation pulmonaire favorisent la falcifor-mation : flux lent, pressions basses, sang désoxygéné.

Les facteurs favorisant l’installation d’un STA sont en premierlieu tous ceux qui concourent à l’hypoventilation alvéolaire : ladouleur thoracique le plus souvent, mais aussi l’utilisation dequantités excessives de morphiniques (le risque existe surtoutquand celle-ci est administrée en continu, plus qu’en adminis-tration autocontrôlée), la grossesse, les suites de chirurgieabdominale, etc. Tout processus infectieux, une atteinte cardio-pulmonaire associée ou la prise de corticoïdes peuvent égale-ment être en cause.

Dans la moitié des cas, le STA survient au cours d’unehospitalisation motivée initialement pour une autre raison [33].Le diagnostic de STA doit être évoqué dès qu’une symptomato-logie pulmonaire existe. Parfois, avant l’apparition de cettesymptomatologie, c’est l’auscultation pulmonaire qui estanormale en retrouvant des râles crépitants ou un souffletubaire. L’expectoration d’un crachat de couleur jaune d’or estpeu fréquente, mais pathognomonique du STA.

L’appréciation de la gravité est essentiellement clinique.L’accentuation de la polypnée avec difficulté à la parole, dessignes d’épuisement, des sueurs, des troubles de conscience sontdes signes de gravité. Une atteinte bilatérale, une hypoxémieinférieure à 60 mmHg, une acidose sont des signes péjoratifs. Larapidité d’installation des symptômes, d’apparition de signes degravité est un élément de jugement important.

La répétition des STA paraît favoriser l’installation d’uneobstruction bronchique chronique [36].

La kinésithérapie respiratoire incitative permet de diminuer lerisque de survenue d’un STA chez les patients ayant desdouleurs thoraciques au cours d’une CVO [37]. Elle doit doncêtre systématiquement et rapidement débutée dans ce cas, maisaussi après une chirurgie abdominale ou un accouchement etlors de la grossesse.

Le traitement du STA avéré comporte dans tous les cas uneoxygénothérapie, une hydratation (adaptée pour éviter l’effetdélétère d’une surcharge), une action efficace sur la douleur(sans induire une altération de la conscience qui aggraveraitl’hypoventilation alvéolaire), une kinésithérapie respiratoireincitative. Une antibiothérapie est toujours débutée, pour ne pasretarder le traitement d’une infection pulmonaire, difficile àexclure formellement au moment du diagnostic du STA. Seulela transfusion sanguine, permettant la diminution de la propor-tion de globules rouges contenant de l’HbS, peut être efficacedans les cas où existent des signes de gravité. Si la concentrationen hémoglobine est suffisamment élevée, un échange transfu-sionnel est réalisé. L’échange transfusionnel doit être répété sil’état clinique ne s’améliore pas. La surveillance doit êtrerigoureuse, et doit être faite dans une unité de soins intensifsdès que des signes de gravité existent, ou si elle ne peut êtreassurée correctement dans un service de médecine (personnelnon formé, ou en nombre insuffisant). Le traitement parinhalation de NO semble une perspective prometteuse pourl’avenir, mais il n’est pas encore validé. En cas de récidive duSTA, un traitement par hydroxyurée ou l’initiation d’un pro-gramme d’échanges transfusionnels réguliers sont indiqués.

“ Point important

Indications à hospitaliser un patient présentantune crise vaso-occlusive• Tout signe fonctionnel pulmonaire, a fortiori tout signede gravité respiratoire• Tout signe neurologique ou toute altération de laconscience• Fièvre élevée > 39 °C• Signes d’anémie aiguë• Signes de défaillance hémodynamique• Défaillance viscérale connue (insuffisance rénale, HTAP,etc.)• Grossesse• Échec des antalgiques de niveau II à dose optimale• Tout signe non attendu dans une crise vaso-occlusivebanale• Malade isolé, sans aide ni surveillance extérieure• Impossibilité d’assurer une hydratation correcte(vomissements, etc.)

“ Point fort

Règles d’or pour la prise en charge de la crise vaso-occlusive (CVO)• Toute CVO est douloureuse, mais toute douleur n’estpas une CVO.• La CVO, même non compliquée, est toujourstraumatisante pour le patient.• Les radiographies osseuses n’ont aucun intérêt dansune CVO non compliquée.• L’auscultation pulmonaire, la surveillance de latempérature et de la fréquence respiratoire doivent êtrebiquotidiennes.• Le patient est la personne la mieux placée pourapprécier l’intensité de la douleur.• La morphine doit être immédiatement utilisée, à fortesdoses, en cas d’EVA > 4.• La morphine ne doit pas être utilisée en administrationcontinue.• La CVO non compliquée, avec une anémie restant bientolérée et régénérative, ne constitue pas une indication detransfusion.• Une CVO sans gravité peut se compliquer d’unsyndrome thoracique aigu à tout moment.• En cas de doute sur la présence d’un signe de gravité,ou sur la qualité de la surveillance qui pourra êtreproposée, le transfert en unité de soins intensifs estnécessaire.

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PriapismeLe priapisme est défini par une érection prolongée, souvent

douloureuse, survenant indépendamment de toute stimulation.Une prise en charge urgente est indispensable afin de réduire lerisque de séquelles fonctionnelles graves. C’est une complica-tion fréquente puisque sa prévalence chez les adultes drépano-cytaires est estimée entre 26 % [38] et 42 % [39]. Dans la majoritédes cas, le priapisme est dû à un mécanisme vaso-occlusif dansles corps caverneux. Il en résulte un blocage du drainageveineux, une stase, une ischémie, une anoxie à l’origine de ladouleur, pouvant évoluer, en l’absence de traitement, vers unenécrose du muscle lisse puis une fibrose et une impuissancedéfinitive [40]. Très rarement, il s’agit d’un priapisme à hautdébit, tel qu’il est rencontré après une lésion traumatique del’artère caverneuse, qui n’est pas douloureux du fait de l’absencede phénomène ischémique [41]. Il survient le plus souventspontanément la nuit ou le matin au réveil, ou parfois aprèséjaculation ou après ingestion d’alcool.

Il existe deux modes d’expression du priapisme :• le priapisme intermittent, durant de 10 minutes à 3 heures,

résolutif spontanément ou après des manœuvres propres àchaque patient (déambulation, exercices musculaires, douchetiède, miction). Les récidives fréquentes exposent au risque depriapisme aigu et à la constitution de lésions ischémiques descorps caverneux ;

• le priapisme aigu, d’une durée de plus de 3 heures, quiconstitue une urgence du fait du risque d’impuissancedéfinitive [42].En cas de priapisme récidivant, il faut rechercher une cause

favorisante (Tableau 2).Le traitement de l’accès de priapisme aigu est une urgence. Il

repose d’une part sur l’utilisation d’un a-agoniste, l’étiléfrine,per os dans les accès de priapisme intermittent [43], ou en auto-injection intracaverneuse dans l’accès aigu de moins de1 heure [44]. Si ce traitement est inefficace ou si l’accès duredepuis plus de 3 heures, une hospitalisation est nécessaire. Il estalors réalisé un drainage sans lavage, sous anesthésie locale,jusqu’à obtention de sang rouge [45], suivi d’une injectiond’étilefrine. En cas d’échec de ces traitements, une transfusionou un échange transfusionnel (en fonction de la valeur de l’Hb)

doivent être proposés. Le traitement chirurgical vient en dernierrecours, reposant sur l’anastomose cavernospongieuse réalisée àla base du pénis par voie scrotale.

Parallèlement à ces traitements, il faut assurer une antalgieefficace, à base de morphine, une hydratation suffisante, uneoxygénothérapie (cf. traitement de la crise vaso-occlusive).L’héparinothérapie locale et les benzodiazépines sont contre-indiquées car elles risquent d’aggraver ou de prolonger lepriapisme.

Après un priapisme aigu, un traitement quotidien par étilé-frine per os pendant 1 mois est préconisé. D’autres traitementsont été tentés mais leur réelle efficacité est controversée :terbutaline, analogues de la GRH (gonadotrophin-releasinghormone), stilbœstrol [46]. L’existence d’un priapisme doit êtresystématiquement recherchée à l’interrogatoire à chaqueconsultation, et les patients doivent en être informés etéduqués.

Le traitement de fond associe le traitement de la causefavorisante (discuter en particulier l’oxygénothérapie nocturne)et un traitement de fond de la drépanocytose (cf. chapitre). Encas d’impuissance totale, une prothèse pénienne peut êtreproposée, associée à une prise en charge psychologique, ensachant que la fibrose rend cette pose de prothèse difficile.

Complications infectieusesL’infection est une complication fréquente de la drépanocy-

tose. Le risque infectieux est particulièrement élevé chez lesenfants, chez qui la mise en place de mesures préventives a étédéterminante pour diminuer la mortalité. Chez l’adulte, lerisque infectieux a été moins étudié. Il a une présentation trèsdifférente de celle de l’enfant : le risque vital est moins souventmis en jeu, la présentation est plus souvent chronique, lesgermes et localisations sont différents [47].

L’altération de la fonction splénique liée à la survenuerépétée d’infarctus est à l’origine de la susceptibilité auxinfections constatée dans la drépanocytose [48]. Il y a de ce faitune prédisposition aux infections provoquées par les germesencapsulés, comme le pneumocoque. Cependant, « l’aspléniefonctionnelle » n’est pas la seule anomalie immunologiquedécrite dans la drépanocytose : des anomalies fonctionnellesconcernant le complément, les immunoglobulines, les leucocy-tes [49, 50] et particulièrement l’expression des molécules CD1 surles monocytes [51] ont été rapportées.

Une étude a montré que les bactériémies en rapport avec uneinfection communautaire chez l’adulte drépanocytaire sont leplus souvent liées à Escherichia coli, Staphylococcus aureus,Streptococcus pneumoniae et Salmonella, alors que Staphylococcusaureus est la principale bactérie des infections nosocomiales.L’apparition d’une bactériémie est corrélée à la présence d’unevoie d’abord intraveineuse et s’associe fréquemment à deslocalisations secondaires infectieuses ostéoarticulaires [52].

Les infections pulmonaires sont fréquentes. La distinctionentre syndrome thoracique aigu et infection pulmonaire isoléeest difficile à la phase initiale. Une antibiothérapie, activenotamment sur le pneumocoque, est donc systématiquementassociée au traitement du syndrome thoracique aigu. Il y a uneprédisposition à l’ostéomyélite chez le patient drépanocytairepar infection secondaire des régions osseuses infarcies. L’ostéo-myélite est localisée surtout au niveau des os longs, souventmultifocale, pouvant évoluer vers la chronicité. Salmonella etStaphylococcus aureus sont souvent en cause. Le diagnosticdifférentiel entre crise vaso-occlusive et ostéomyélite peut êtredifficile. L’IRM peut apporter une aide, mais l’étude bactériolo-gique du matériel obtenu par hémocultures, aspiration oubiopsie, avant toute antibiothérapie, est essentielle. Les infec-tions urinaires sont une cause fréquente de fièvre, et doiventêtre systématiquement recherchées en cas de douleurs abdomi-nales ou de fièvre.

Une étude récente a rapporté que la tuberculose avait untropisme particulier pour les localisations ganglionnaires [53].

L’infection par le parvovirus B19 peut s’accompagner d’uneérythroblastopénie transitoire.

Si la drépanocytose est associée à une protection relativecontre les formes graves de paludisme, il ne doit pas y avoir

Tableau 2.Causes favorisantes de priapisme et investigations minimales à réaliser encas de priapisme récidivant.

Causes favorisantes Investigations

Troubles respiratoires Antécédents de syndromesthoraciques aigus

- syndrome obstructif dusommeil

Interrogatoire : ronflements,somnolence diurne

- asthme vrai EFR, oxymétrie nocturne

- syndrome restrictif Examen ORL

Atteinte rénale, notamment : Ionogramme sanguin et urinaire

- acidose tubulaire distale Créatinine sanguine et urinaire,débit de filtration rénale

- atteinte glomérulaire Protéinurie

- insuffisance rénale

Hyperviscosité Drépanocytose SC ayant une Hbtotale > 12 g/dl

Fièvre, déshydratation

Toxiques, iatrogènes

- alcool

- médicaments (a-bloquants,clozapine (neuroleptique),testostérone (traitement despubertés retardées), sildénafil,tamoxifène, oméprazole,papavérine)

- cocaïne

EFR : explorations fonctionnelles respiratoires ; ORL : oto-rhino-laryngologie ;Hb : hémoglobine.

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d’ambiguïté sur le fait que le risque d’infection par ce parasitereste élevé, et que la prophylaxie est indispensable dans leszones à risque.

L’interprétation de la température n’est pas toujours simplechez le patient drépanocytaire. Une fièvre peut être masquée parla prise d’antalgiques antipyrétiques. La fièvre est un signe banalaccompagnant les CVO, mais il est rare qu’elle dépasse 38,5 °C.Il faut toujours rechercher un foyer infectieux associé.

Le risque infectieux persiste toute la vie du patient drépano-cytaire. Le pneumocoque reste une préoccupation chez l’adulte :la vaccination doit être renouvelée au moins tous les 5 ans, ettout traitement d’un sepsis sévère doit comporter un antibioti-que efficace contre cette bactérie.

Aggravation de l’anémie et nécrose médullaire

La valeur de la concentration en hémoglobine en phasestationnaire est stable et différente chez chaque patient. Ellereprésente un paramètre important. Elle est généralementcomprise entre 7 g/dl et 9 g/dl, avec une réticulocytose élevée(souvent > 500 000/mm3). L’interprétation de la concentrationen hémoglobine dans une situation donnée ne peut être faiteque si la réticulocytose, les LDH et la bilirubinémie sont connus.Les causes d’aggravation de l’anémie chez le patient drépanocy-taire sont nombreuses (Tableau 3). L’interprétation d’une telleaggravation se fait en premier lieu en appréciant les caractèresde l’anémie : régénérative ou non, aiguë ou chronique. Lors desCVO, il y a souvent une accentuation de l’hémolyse, et l’hémo-globine peut diminuer de 1 ou 2 g/dl [54]. Si la diminution estplus importante, il faut rechercher une autre cause. Selon qu’ilexiste ou non une régénération adaptée, le raisonnement estdifférent ; ainsi, l’intensité de la réticulocytose est le premierparamètre à évaluer. Si la réticulocytose est faible, la surveillancedoit être très rapprochée, car la baisse de l’hémoglobine peutêtre rapide, en raison de la durée de vie réduite des globulesrouges drépanocytaires.

La séquestration splénique est plus rare chez l’adulte que chezl’enfant, et intéresse surtout les patients ayant à l’état basal uneconcentration élevée en hémoglobine [55]. Elle est définie parune augmentation de la taille de la rate associée à une diminu-tion d’au moins 2g/dl de la concentration en hémoglobine.

La carence en folates doit être systématiquement prévenuepar une supplémentation au long cours.

L’atteinte rénale drépanocytaire peut se révéler par unediminution progressive de l’hémoglobine. Cette situationapparaît assez fréquente chez les patients drépanocytaires âgés,où une étude a permis d’estimer que l’hémoglobine diminue de0,02 g/dl pour chaque augmentation de 10 unités/l de lacréatininémie [23].

La majorité de la population est immunisée vis-à-vis duparvovirus B19. Seule une minorité présente une érythroblasto-pénie transitoire lors de la primo-infection. La mise en évidenced’IgM dirigées contre le parvovirus B19 et/ou la positivité de lapolymerase chain reaction (PCR) sanguine peuvent aider à établirce diagnostic.

La survenue d’une nécrose médullaire étendue est rare, grave,nécessitant la réalisation rapide d’échanges transfusionnels. Elleest évoquée chez un patient ayant une crise vaso-occlusivesévère, diffuse, éventuellement avec des emboles graisseux et/oudes signes de défaillance multiviscérale, et des signes « d’irrita-tion » médullaire : hyperleucocytose accompagnée d’uneérythromyélémie puis, dans un second temps, leucopénie,aggravation de l’anémie, thrombopénie. Elle doit être confirméele plus précocement possible, par la réalisation d’unmyélogramme.

Accidents vasculaires cérébrauxLa vasculopathie cérébrale chez les adultes drépanocytaires a

été peu étudiée et la plupart des données actuellement utiliséessont retranscrites d’études faites chez les enfants. Les accidentsvasculaires cérébraux (AVC) constituent l’une des complicationsles plus graves de la drépanocytose par le risque de décès ou delourdes séquelles psychomotrices qu’ils entraînent. Il s’agitessentiellement d’une complication pédiatrique puisque le picde fréquence se situe entre 1 et 9 ans, mais une étude améri-caine a montré qu’il existe également une recrudescence del’incidence des AVC après l’âge de 30 ans, majoritairement chezles patients homozygotes [56]. Les AVC sont de type ischémiquedans la majorité des cas, surtout chez les enfants, les accidentshémorragiques survenant préférentiellement chez les adultes. Lerisque de récidive après un premier AVC est élevé, estimé à67 % [57], survenant dans les 2-3 ans après le premierépisode [56].

La physiopathologie des AVC ischémiques est complexe,résultant de phénomènes occlusifs, d’emboles cruoriques etd’embolies graisseuses. L’occlusion est la conséquence dedifférents phénomènes :• atteinte vasculaire pariétale avec prolifération des fibroblastes

dans l’intima et des cellules musculaires lisses, et lésions dela limitante élastique interne ;

• turbulences et augmentation du débit sanguin [58] ;• adhérence anormale des hématies falciformées à l’endothé-

lium, entraînant des phénomènes inflammatoires locaux ;• consommation de facteurs vasodilatateurs par les produits de

l’hémolyse [59].On observe une atteinte préférentielle des vaisseaux de gros

et moyen calibre des territoires antérieurs : carotides internes,artères cérébrales antérieures et moyennes, mais les petitsvaisseaux distaux peuvent être également atteints [58]. Leshémorragies sont le plus souvent secondaires à la ruptured’anévrismes ou de néovaisseaux fragiles. C’est l’ensemble deces anomalies vues sur l’imagerie que l’on appelle Moya-Moya.

Les causes favorisant la survenue des AVC sont les apnées dusommeil secondaires à l’obstruction amygdalienne en particu-lier [60], un antécédent de méningite [61], la présence d’unesténose artérielle intracrânienne [56], une concentration enhémoglobine basse, une hyperleucocytose, et certains génotypesHLA [62]. La présence d’une a-thalassémie délétionnelle dimi-nuerait le risque d’AVC [56].

Devant des anomalies neurologiques cliniques, une tomo-densitométrie (TDM) cérébrale permet de distinguer un AVCischémique d’un AVC hémorragique qui pourrait nécessiter uneintervention neurochirurgicale. Une imagerie par résonance(IRM) magnétique couplée à une angio-IRM (ARM) permet deconfirmer le diagnostic. Les lésions peuvent être un infarctusmassif superficiel ou profond, ou de petits infarctus profonds oude la substance blanche [63], mieux visibles en séquences T2 etfluid attenuated inversion recovery (FLAIR). L’ARM permet, defaçon non invasive, de préciser les anomalies vasculaires, avecune sensibilité proche de l’angiographie conventionnelle [64].L’imagerie peut retrouver un aspect de moya-moya sous laforme d’un lacis de néovaisseaux de petit diamètre, fragiles,irréguliers, constituant un réseau anastomotique anarchiqueautour de lésions sténotiques des artères et artérioles cérébrales,et dessinant sur l’artériographie un aspect en volutes de« fumée ».

À la phase aiguë, le traitement, qui est une urgence thérapeu-tique, vise à diminuer l’HbS au-dessous de 30 % en réalisantplusieurs transfusions et/ou échanges transfusionnels (selon le

Tableau 3.Causes d’aggravation de l’anémie.

Anémie à réticulocytoseélevée

Accentuation de l’hémolyse (CVO)

Hémorragie (notamment liée à l’utilisationdes anti-inflammatoires non stéroïdiens)

Hémolyse auto-immune

Séquestration splénique ou hépatique

Accident transfusionnel

Crise palustre

Anémie à réticulocytosebasse

Carence en folates

Carence en fer

Infection à parvovirus

Toxicité de l’hydroxyurée

Insuffisance rénale

Nécrose médullaire

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degré d’anémie) successifs associés aux mesures habituelles(hydratation, oxygénothérapie et anticonvulsivants). Chezl’enfant, le risque élevé de récidive impose un relais par unprogramme d’échanges transfusionnels afin de maintenir l’HbSau-dessous de 30 % [65]. En revanche, on ne sait pas quel est cerisque chez l’adulte et si un programme d’échanges transfusion-nels doit être débuté lorsqu’un AVC survient après l’âge de20 ans. En outre, aucune étude ne permet à l’heure actuelle desavoir pendant combien de temps ces échanges doivent êtremaintenus. En l’absence de progression de la vasculopathie oude récidive d’anomalie neurologique, un relais par hydroxyuréea été tenté avec un succès relatif en raison de récidives dans unepetite série de patients pédiatriques et adultes [66], rendantnécessaires d’autres travaux complémentaires pour valider cetteindication. En outre, il n’y a pas d’étude permettant de guiderl’indication des antiagrégants plaquettaires, voire des statines etdes IEC en prévention des récidives d’AVC ischémiques chez cespatients. En fait, le traitement optimal serait préventif avant laconstitution d’un AVC symptomatique. Mais, contrairement àl’enfant, la valeur prédictive du Doppler transcrânien, examenclé pour la détection des sténoses des artères de la base ducrâne [67], n’est pas validée chez l’adulte. De plus, il n’existeaucune donnée sur le suivi et la détection systématique de lavasculopathie cérébrale chez les adultes drépanocytaires.

Douleurs abdominales aiguës et lithiase biliaireLa crise vaso-occlusive abdominale est une cause possible,

mais rare de douleur abdominale aiguë qui doit rester undiagnostic d’exclusion. Elle se manifeste par une douleurd’apparition progressive se généralisant à tout l’abdomen avecun iléus réflexe à l’origine d’un arrêt des matières et des gaz etun météorisme abdominal.

La recherche de la cause d’une douleur abdominale estorientée par sa localisation : douleur de la fosse iliaque droite etappendicite, de l’hypochondre droit et cholécystite, épigastriqueou du flanc et pancréatite, diffuse avec une défense évoquantune péritonite. Il faut également rechercher une cause rénale(pyélonéphrite, nécrose papillaire par ischémie de la médullairerénale s’accompagnant d’une hématurie macroscopique, coliquenéphrétique) ou gynécologique. La crise vaso-occlusive hépati-que est très rare et est suspectée devant une douleur de l’hypo-chondre droit d’apparition brutale associée à une hyper-leucocytose et à une cytolyse hépatique majeure (transaminases> 1 000 UI/l) pouvant évoluer rapidement vers une insuffisancehépatocellulaire terminale. De la même façon, une crise vaso-occlusive de la rate, phénomène également rare, se traduira parune douleur de l’hypochondre gauche, parfois associée à uninfarctus splénique visible à l’échographie.

Dans la pratique, la cause la plus fréquente de douleurabdominale est la constipation liée aux morphiniques et àl’alitement.

Des examens biochimiques, des prélèvements bactériologi-ques et l’échographie voire une TDM abdominopelviennedoivent être réalisés en fonction de la symptomatologie et ducontexte.

La lithiase biliaire constitue une entité à part car elle estfréquente chez ces patients du fait de l’hémolyse chronique. Lescalculs biliaires doivent être systématiquement recherchés,même en l’absence de symptôme. En effet, ils sont une cause decomplications (cholécystite, angiocholite, pancréatite) dontl’évolution chez ces patients drépanocytaires peut être grave.L’attitude actuelle est donc de proposer une cholécystectomieprogrammée pour tout calcul vésiculaire diagnostiqué, mêmeasymptomatique [68, 69].

Complications oto-rhino-laryngologiquesLes atteintes de la sphère ORL dans la drépanocytose sont

probablement sous-estimées. La survenue d’un vertige aigu oud’une diminution progressive de l’acuité auditive est plusfréquente chez les malades drépanocytaires que dans la popula-tion générale.

Le vertige aigu est le plus souvent provoqué par des phéno-mènes vaso-occlusifs survenant dans la microcirculation del’oreille interne. Parfois, il peut être en rapport avec un AVC de

localisation cérébellovestibulaire et nécessiter une prise encharge urgente. Les explorations utiles pour explorer un vertigeaigu sont la vidéonystagmographie et l’audiogramme avecimpédancemétrie. Le traitement impose la diminution d’unéventuel facteur d’hyperviscosité par hydratation ou saignée, etla discussion d’un échange transfusionnel en cas de signes degravité.

La prévalence précise de l’hypoacousie est inconnue, pouvantaller jusqu’à 60 % selon certaines études [70]. La cochlée est trèssensible à l’hypoxie, parce que la consommation en oxygène yest importante, et qu’elle a une faible capacité à fonctionner enanaérobiose. La vaso-occlusion dans la cochlée provoque unehypoxie de l’organe de Corti, et un risque pour l’audition. Laprincipale anomalie constatée chez le patient drépanocytaire estune altération de la réception sensoneuronale aux hautesfréquences. L’hydroxyurée pourrait avoir un effet bénéfiquedans la prévention de l’hypoacousie [71].

En outre, les grosses amygdales, provoquant un syndromeobstructif des voies aériennes supérieures, ou les infections(sinusite chronique), pouvant entraîner la survenue de compli-cations de la maladie drépanocytaire (CVO, priapisme, etc.),doivent être recherchées et traitées.

Complications chroniquesSous ce terme, on regroupe les complications de la drépano-

cytose d’expression non aiguë, liées aux atteintes organiquesprovoquées par cette maladie, essentiellement du fait de lavasculopathie. Ces complications représentent une spécificité dela drépanocytose à l’âge adulte. Elles ont certaines caractéristi-ques communes : leur incidence augmente avec la duréed’agression, donc avec l’âge ; elles s’installent le plus souvent defaçon insidieuse, ne se traduisant par des symptômes quetardivement, à un stade où le risque de séquelles est important.De ce fait, elles doivent être recherchées de façon systématique,prévenues et traitées précocement. La pleine mesure de cescomplications n’est pas prise, notamment parce que l’augmen-tation de la durée de vie des patients drépanocytaires est troprécente pour que de grandes cohortes de sujets âgés aient puêtre étudiées.

Atteinte ostéoarticulaire chroniqueLa complication ostéoarticulaire chronique la plus fréquente

chez l’adulte drépanocytaire est l’ostéonécrose aseptiqueépiphysaire. Aux États-Unis, 20 % à 40 % des adultes drépano-cytaires homozygotes (tous âges confondus) auraient uneostéonécrose aseptique [21, 72] ; elle serait plus fréquente encorechez les patients ayant une a-thalassémie associée [21].Lorsqu’elle atteint les têtes fémorales, elle est à l’origine deconséquences fonctionnelles potentiellement invalidantes. Lesautres localisations sont les têtes humérales, les extrémitésdistales des fémurs et humérus, les épiphyses tibiales proxima-les, l’astragale [72]. L’ostéonécrose aseptique de la hanche semanifeste habituellement par une douleur inguinale ou fessière,survenant à la marche ou après une station assise prolongée,d’abord intermittente puis progressivement croissante devenantconstante et invalidante. L’examen clinique recherche ladouleur dans les mouvements de rotation interne de la cuisse.L’imagerie est essentielle pour le diagnostic, surtout aux phasesprécoces, et oriente le traitement en fonction du stade degravité (Tableau 4).

Le traitement de l’ostéonécrose fémorale est le plus possibleconservateur, associant des mesures médicales et chirurgicales(Tableau 5). La mise en décharge prolongée proposée au stadeprécoce est souvent difficile à mettre en œuvre chez ces patientsjeunes et actifs et son efficacité est incertaine chez l’adulte. Lestechniques chirurgicales conservatrices (forage) sont difficiles etne sont pas pratiquées par toutes les équipes orthopédiques. Lapose d’une prothèse de hanche peut être la source de nombreu-ses difficultés : anesthésiques (réalisation de transfusions et/oud’échanges transfusionnels préopératoires), complicationsinfectieuses (recherche et éradication de foyers infectieuxpotentiels notamment vésiculaires, ou d’ostéomyélites chroni-ques), descellement (qualité de l’os moindre liée à la drépano-cytose), durée de vie limitée de la prothèse (habituellement une

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quinzaine d’années) [73]. Comparée à la prothèse de hanche,l’arthroplastie de la tête humérale se complique plus souvent dedescellement ou d’infections et doit être suivie d’une rééduca-tion prolongée (6 à 12 mois).

Les autres atteintes osseuses chroniques sont présentées dansle Tableau 5.

Les complications articulaires sont rares (Tableau 5). Devantun épanchement articulaire, il faut avant tout éliminer lediagnostic d’arthrite septique. Cependant, la cause la plusfréquente est l’apparition d’un épanchement au contact d’uninfarctus sous-périosté de voisinage au cours d’une crise vaso-occlusive. En l’absence de fièvre et de signe inflammatoire local,il n’y a pas d’indication à une ponction articulaire à viséebactériologique d’emblée dans cette situation.

Atteinte rénaleLa néphropathie drépanocytaire est fréquente puisqu’on

estime que 79 % des adultes drépanocytaires homozygotes ontune micro- ou macroalbuminurie (40 % des patients âgés de40 ans ayant une protéinurie) [74] et qu’au même âge, 5 % à18 % sont au stade d’insuffisance rénale [75]. Les mécanismesphysiopathologiques sont mal connus, incluant à la fois desaltérations glomérulaires et tubulaires. L’atteinte glomérulaireest probablement multifactorielle : effet de l’hyperfiltration,souvent majeure dès l’enfance et secondaire à l’anémie chroni-que, hypertrophie glomérulaire, glomérulosclérose segmentaireet focale, lésions de glomérulonéphrite avec dépôts d’immun-complexes, hémosidérose [74, 76]. L’atteinte tubulaire, dont lamanifestation principale est un défaut de concentration etd’acidification des urines, pourrait être secondaire à uneréduction néphronique juxtamédullaire profonde par atteinte dela microvascularisation locale [76].

La néphropathie drépanocytaire évolue le plus souvent à basbruit et doit être recherchée systématiquement. Elle se manifestepar la présence d’une protéinurie, de troubles ioniques, d’une

acidose métabolique. La créatininémie est un mauvais marqueurde la fonction rénale car elle est habituellement basse du fait del’hyperfiltration, mais aussi de la faible masse musculaire et dela dénutrition fréquente chez ces patients [77].

La pression artérielle (PA) basale est plus basse chez lespatients drépanocytaires en comparaison à la populationgénérale noire africaine. Ces valeurs basses sont en partie liéesà l’anémie et aux pertes sodées urinaires [75]. Ainsi, l’hyperten-tion artérielle (HTA) est rare chez les patients drépanocytaires etne survient qu’à des stades avancés d’insuffisance rénale. Enrevanche, il faut savoir reconnaître une élévation de la pressionartérielle (PA) par rapport à la PA de base et discuter untraitement [78].

Le traitement de la néphropathie drépanocytaire repose surdes mesures générales : prévention de tout facteur aggravant(médicaments et produits de contraste, infection, déshydrata-tion...), correction des troubles ioniques, supplémentationvitaminocalcique. Au stade de l’insuffisance rénale terminale, ladialyse, voire une transplantation rénale sont indiquées [79]. Lesinhibiteurs de l’enzyme de conversion seraient efficaces pourdiminuer la protéinurie, mais on ne connaît pas leur effet àlong terme [80]. Une aggravation de l’anémie devenant peu oupas régénérative chez les patients dont la fonction rénale sedégrade constitue une indication à un traitement par l’érythro-poïétine recombinante, qui doit être débuté d’emblée à desdoses élevées en une ou deux injections sous-cutanéeshebdomadaires [81].

D’autres complications rénales peuvent survenir. Une bacté-riurie devient plus fréquemment symptomatique chez lespatients drépanocytaires. Les infections urinaires à répétitionpourraient être des facteurs d’aggravation de la néphropa-thie [82]. L’hématurie micro- ou macroscopique est fréquente,secondaire à des nécroses papillaires, conséquence de phénomè-nes vaso-occlusifs dans la médulla. Elle doit cependant fairesystématiquement évoquer un carcinome médullaire rénal que

Tableau 4.Classification radiologique de l’ostéonécrose de la tête fémorale et traitements proposés chez le patient drépanocytaire.

Stade Données de l’imagerie Traitement proposé a

Stade I(infraclinique)

IRM en séquences pondérées T1 : liseré en hyposignal concave vers lehaut dans le secteur polaire supérieur

Mise en décharge complète et prolongée de plusieurs semaines,voire plusieurs mois de la hanche atteinte et béquillage complet

Stade II Radiographies simples :

• densification ou déminéralisation localisée de la tête fémorale

• géodes ou densification en îlots, ou forme « sclérogéodique »

• image en « coquille d’œuf » sous-chondrale

Forage parfois associé à un apport cellulaire par de la moelleosseuse hématopoïétique (prélevée le plus souvent à la crêteiliaque) ou ciment

Stade III Perte de sphéricité de la tête fémorale sans atteinte articulaire Injection de ciment pour rétablir la sphéricité de la tête fémorale(reprise de l’appui et effet antalgique immédiat)

Ou ostéotomie visant à déplacer les points d’appui (mais suitesopératoires de plusieurs mois)

Stade IV Destruction complète de l’articulation, signes d’arthrose Prothèse totale de hanchea D’après Hernigou P. IRM : imagerie par résonance magnétique.

Tableau 5.Complications osseuses et articulaires chez le patient drépanocytaire adulte.

Complications osseuses Complications articulaires

Infarctus osseux au cours d’une crise Arthrite septique

Ostéonécrose aseptique Arthrite au contact d’un infarctus osseux

Ostéomyélite chronique Arthrites goutteuses (rare malgré l’hyperproduction d’acide urique secondaireà l’hémolyse chronique et à la néphropathie)

Séquelles de nécroses diaphysaires (ou d’infarctus osseux survenant lors descrises vaso-occlusives)

Hémarthroses (genoux), secondaires aux thromboses intravasculaires de lasynoviale

- « os dans l’os » : régénérescences osseuses parallèles à la corticale interne Maladie auto-immune (à évoquer devant des arthrites ou arthralgiesrécurrentes)

- déformations des vertèbres « en H » : effondrement de la partie centraledes plateaux vertébraux au décours de crises vaso-occlusives vertébrales

Fractures pathologiques dans les zones d’infarctus osseux et/ou d’infectionspouvant être provoquées par un microtraumatisme à distance de l’épisodeaigu

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l’on recherche par une échographie rénale (contre-indication del’injection iodée tant que l’hématurie persiste) [75]. Enfin, des casd’amylose inflammatoire révélée par un syndrome néphrotiqueont été décrits [83].

Atteinte cardiaqueLes complications cardiaques chez l’adulte drépanocytaire

sont mal connues et rares, dominées par l’hypertension arté-rielle pulmonaire (HTAP).

Il y a une adaptation constante de la fonction cardiaque àl’anémie chronique, qui est compensée par une augmentationdu débit cardiaque évoluant progressivement vers une dilatationventriculaire gauche [84]. Cette « myocardiopathie hyperkinéti-que » évolue rarement vers une insuffisance cardiaque [84] paraltération de la fonction systolique du VG (« myocardiopathiehypokinétique ») et/ou anomalie de la relaxation (insuffisancecardiaque diastolique). Ainsi, les anomalies les plus fréquem-ment trouvées à l’échocardiographie sont, outre l’hypercontrac-tilité du VG, une hypertrophie du septum interventriculaire [85].

La complication cardiovasculaire la plus grave est l’HTAP quiserait à l’origine de la plupart des morts subites chez les patientsdrépanocytaires [86, 87]. Sa fréquence est estimée entre 20 % et40 % [86]. Elle est un facteur de mauvais pronostic (mortalité de

30 %) d’autant plus s’il existe une dysfonction diastoliqueassociée [88]. Elle est suspectée devant une dyspnée subaiguësans douleur thoracique et sur les données de l’écho-cardiographie-Doppler lorsque la vitesse de régurgitation d’uneinsuffisance tricuspidienne est supérieure à 2,5 m/s. Le cathété-risme droit est le seul examen permettant d’affirmer le diagnos-tic [86, 87]. Une élévation du pro-BNP serait un élémentsupplémentaire en faveur d’une HTAP et d’un mauvais pronos-tic [87]. Le traitement de l’HTAP chez les patients drépanocytai-res n’est pas codifié : l’utilisation de sildénafil serait efficace [89],les vasodilatateurs artériels pulmonaires tel l’antagoniste durécepteur de l’endothéline (bosentan) [90] pourraient être unealternative, mais des études complémentaires sont nécessairespour valider cette indication dans la drépanocytose. L’efficacitéde l’hydroxyurée est controversée [86, 87].

Les complications ischémiques semblent être des phénomè-nes rares [84, 91]. L’angor est exceptionnel et l’électrocardio-gramme est le plus souvent normal. Parfois, il montre des QRSamples traduisant l’hypertrophie ventriculaire gauche, une ondeQ profonde dans les dérivations latérales liée à l’hypertrophiedu septum interventriculaire [92], ainsi que des modificationsaspécifiques du segment ST [93].

Quant à la myocardiopathie par surcharge en fer secondaireà l’hémolyse chronique et aux transfusions itératives, elle estrare et souvent asymptomatique chez les patients drépanocytai-res comparés aux patients thalassémiques majeurs [94].

Atteinte pulmonaireLe parenchyme pulmonaire est le siège d’une altération

progressive pouvant évoluer vers une insuffisance respiratoire.Elle concernerait 40 % d’une série autopsique de patientsdrépanocytaires [95]. Radiologiquement, il s’agit le plus souventd’une atteinte interstitielle avec épaississements des septainterlobulaires et pleuraux, mais également d’atélectasies, debronchiectasies, de dilatations lobulaires focales [96]. Histologi-quement, ces anomalies correspondent à des foyers de nécrosedans les parois alvéolaires, puis à l’apparition d’une fibrose [95].Le retentissement fonctionnel n’est pas corrélé à l’étendue deslésions radiologiques [96]. Il peut être de type obstructif et/ourestrictif, avec ou sans anomalie de la diffusion du CO [36, 96].Ces anomalies détectées par les explorations fonctionnellesrespiratoires sont le plus souvent longtemps asymptomatiques.Il paraît maintenant bien démontré que l’atteinte pulmonaireradiologique et fonctionnelle augmente avec le nombre d’épi-sodes de syndrome thoracique aigu [97]. Le mécanisme physio-pathologique est mal connu et serait la résultante dephénomènes vaso-occlusifs locaux, d’infections parenchyma-teuses et d’embolies graisseuses. L’asthme, courant chez lesenfants drépanocytaires chez qui il favoriserait les épisodes desyndrome thoracique aigu [98], est peu fréquent chez les adultes.

Atteinte oculaireL’atteinte oculaire de la drépanocytose concerne essentielle-

ment la rétine. Elle reste longtemps non symptomatique et peutse révéler par une complication laissant des séquelles irréversi-bles (hémorragie intravitréenne ou décollement de la rétine).Elle doit donc être recherchée de façon systématique. L’atteinterétinienne, qui débute en périphérie, est en rapport avec lesphénomènes vaso-occlusifs, entraînant l’apparition de zonesnon perfusées. Puis les stigmates de la rétinopathie proliférativeapparaissent, sous la forme de néovaisseaux, fragiles, qui sedéveloppent à la limite des zones normales et non perfusées. Lesmécanismes exacts de cette vasculopathie sont mal connus. Il aété montré que certains facteurs de croissance vasculaires,comme le VEGF, étaient associés au développement de lavasculopathie [99].

Dans une étude prospective réalisée en Jamaïque portant sur100 000 naissances consécutives, 307 cas de drépanocytosehomozygote et 166 de drépanocytose hétérozygote compositeSC avaient été dépistés à la naissance. Ces enfants avaient étésuivis à l’âge adulte : entre 24 et 26 ans, une rétinopathie avaitété diagnostiquée chez 14 % des patients drépanocytaireshomozygotes et 43 % des patients hétérozygotes compositesSC [100]. Deux autres constatations étaient faites : une régression

“ Point important

Moyens thérapeutiques utilisables dans lanéphropathie drépanocytaire• IEC lorsque la protéinurie est supérieure à 30 mg/mmol,à doses croissantes jusqu’à la dose efficace• Éviter les médicaments néphrotoxiques, limiter lesinjections d’iode• Traitement précoce des crises vaso-occlusives• Hydratation adaptée suivant le stade d’atteinte rénale• Alcalinisation des urines (solution THAM ou eau deVichy)• Allopurinol en cas d’hyperuricémie et d’insuffisancerénale• Supplémentation calcique, 1-a, 25(OH)-vitamine D• Traitement des infections urinaires• Traitement par érythropoïétine en cas d’aggravation del’anémie et d’insuffisance rénale avérée• Traitement de l’HTA éventuelle• Discuter l’hydroxyurée et/ou programme trans-fusionnel en cas d’échec des mesures précédentes

“ Point fort

Médicaments néphrotoxiques fréquemmentprescrits chez les patients drépanocytaires devantêtre utilisés avec prudence en cas d’atteinterénale• Anti-inflammatoires non stéroïdiens• Traitements chélateurs du fer : Exjade® (Déférasirox) etDesferal® (Déféroxamine) (risque d’insuffisance rénaleaiguë dose-dépendante, réversible à l’arrêt dutraitement). L’Exjade® est contre-indiqué en cas de débitde filtration glomérulaire (DFG) < 80 ml/min• Aminosides, vancomycine• Injection d’iode• IEC : peuvent favoriser la survenue d’une insuffisancerénale aiguë dans des situations particulières(déshydratation...)

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spontanée était retrouvée pour 32 % des yeux atteints, uneperte de la vue survenait pour moins de 1 % des yeux atteints,alors que d’autres travaux plus anciens ont fait état d’un risquede 10 % [101].

L’examen de la rétine, qui doit être au moins annuel, doitsouvent être complété par une angiographie rétinienne, quipermet de préciser les territoires de l’ischémie et d’obtenir uncliché de référence pour apprécier l’évolutivité. Parmi lesdifférentes classifications de l’atteinte rétinienne, la classificationde Goldberg est la plus utilisée (Tableau 6).

Le traitement repose sur le laser argon qui permet d’éviter oude faire régresser la néovascularisation rétinienne par le traite-ment des zones ischémiques [102].

Ulcères cutanés

Ils touchent entre 5 % (en France) et 20 % des patients selonles séries publiées. Leurs conséquences fonctionnelles sontsouvent sous-évaluées, pouvant être majeures [103]. Ils sont plusfréquents chez l’homme, en zone tropicale, si l’anémie est plusprofonde, l’hémolyse plus intense [104]. La présence d’unea-thalassémie associée ou d’un taux élevé d’hémoglobine fœtaleest protectrice [105]. La plupart du temps localisés dans la régionmalléolaire, les ulcères sont souvent bilatéraux. Il faut distinguerdeux tableaux très différents : les ulcères de petite taille, quicicatrisent en quelques semaines ou mois, mais qui peuventrécidiver, et les ulcères géants, qui ne cicatrisent pas outransitoirement et dont le retentissement fonctionnel et socialest important. Ceux-ci entraînent des douleurs chroniquesintenses, parfois une ankylose de la cheville, et peuvent être uneporte d’entrée infectieuse ou la source d’un syndrome dépressif.Il a été proposé de les nommer « ulcères malins de la drépano-cytose » [103]. Récemment, un sous-phénotype de la drépanocy-tose comprenant les complications associées à l’hémolyse a étédécrit [104]. Il comporte : les ulcères, le priapisme et l’HTAP.

Le traitement des ulcères est souvent décevant [106]. Il reposedans tous les cas sur les soins locaux : débridement (il est utilede bien décaper le fond de l’ulcère, qui est particulièrementfibrineux), utilisation de pansements hydrocolloïdes, de tulles.Une greffe de peau peut être proposée dans les ulcères degrande taille, mais elle est suivie d’un risque élevé de récidive.Les autres traitements utilisés sont souvent décevants. La miseen place d’un programme transfusionnel peut être efficace, aumoins transitoirement. Le repos, avec surélévation des jambes,est bénéfique. La prévention des ulcères ou de leur récidive estfondamentale (protection contre les traumatismes, hygiène,contention).

Les complications cutanées de l’hydréa sont abordées dans leparagraphe « traitement ».

■ Syndromes drépanocytaireshétérozygotes composites

Drépanocytose hétérozygote composite SCLa drépanocytose composite SC représente 20 % à 30 % des

syndromes drépanocytaires majeurs. Elle est particulièrementfréquente dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, tels leGhana, le Burkina Faso, ou le Nigeria [107]. Cette maladieconstitue une entité autonome, très différente de la drépanocy-tose homozygote. Elle résulte de l’association des deux gènes deglobine S et C chez un même patient. L’hémoglobine C ne

copolymérise pas avec l’hémoglobine S, mais provoque unedéshydratation intraérythrocytaire qui augmente la concentra-tion de l’hémoglobine S et donc sa pathogénicité [107]. L’espé-rance de vie des patients drépanocytaires SC a été estiméesupérieure de 20 ans à celle des drépanocytaires homo-zygotes [25].

Les patients souffrants d’une drépanocytose SC ont souventune discrète splénomégalie.

L’anémie est moins importante que dans la drépanocytosehomozygote, voire n’existe pas. Le frottis est riche en cellulescibles. Les signes d’hémolyse sont plus discrets, la réticulocytosemoins intense. Une discrète thrombopénie par hypersplénisme,sans conséquence, est possible. En raison du chiffre élevé de laconcentration en hémoglobine et de la faible hémolyse, laphysiopathologie des complications de la drépanocytosecomposite SC fait intervenir essentiellement l’hyperviscosité.

Toutes les complications observées dans la drépanocytosehomozygote (à l’exception des ulcères cutanés) peuvent surve-nir, avec une fréquence généralement moindre (en particulierles CVO) [20], sauf pour certaines d’entre elles. Ainsi l’ostéoné-crose aseptique de hanche, la rétinopathie sont des complica-tions particulièrement fréquentes [101]. La quasi-totalité desinfarctus spléniques ou des séquestrations spléniques rencontréschez le sujet drépanocytaire adulte surviennent chez despatients SC (ou Sb+).

Une étude portant sur le suivi de 106 patients souffrant d’unedrépanocytose SC, ayant un âge médian de 50 ans, a retrouvéque les principales manifestations étaient les CVO (65 %),l’ostéonécrose aseptique de hanche (23 %), la rétinopathie(35 %), les infarctus spléniques (19 %). Dans cette étude, unefréquence élevée de comorbidités a été observée : obésité(19,8 %), hypertension artérielle (20,7 %), diabète (10,3 %) [108].

La symptomatologie étant atténuée, les anomalies hématolo-giques modérées, il peut arriver que le diagnostic de drépano-cytose SC ne soit porté qu’à l’âge adulte. Ce retard dans la priseen charge peut entraîner une perte de chance, notammentquand surviennent des atteintes organiques symptomatiqueslaissant des séquelles qui auraient pu être prévenues (enparticulier la baisse de l’acuité visuelle). Pour les femmesenceintes, le risque est qu’elles ne soient pas reconnues commeayant une grossesse à risque, alors qu’elles sont exposées à descomplications graves.

Le traitement des complications de la drépanocytose SC faitappel aux mêmes principes que celui de la drépanocytosehomozygote, à la restriction importante qu’il faut toujoursprendre en compte le taux d’hémoglobine normal ou subnor-mal dans cette forme de drépanocytose. En premier lieu, il fautveiller à assurer une hydratation suffisante et à ne pas augmen-ter le chiffre d’hémoglobine, ce qui majorerait l’hyperviscosité(si une transfusion est indiquée, il faut systématiquementdiscuter une saignée préalable en fonction de la concentrationde l’hémoglobine). En second lieu, il existe un moyen simple etsans danger pour réduire l’hyperviscosité : la saignée. Elle peutêtre proposée ponctuellement, dans le traitement d’une compli-cation aiguë, ou surtout sous forme d’un programme régulier,pour atténuer, voire faire disparaître certaines complications(CVO, priapisme, STA...). Son efficacité est souvent spectacu-laire [109, 110].

Drépanocytose hétérozygote compositeSb-thalassémique

La Sb-thalassémie (Sb) est le troisième syndrome drépanocy-taire majeur par la fréquence. Elle est représentée par deuxgénotypes, qui ont une expression clinique très différente : laSb0 et la Sb+. Dans le premier cas, il n’y a aucune synthèsed’hémoglobine normale A, et le tableau clinique et biologiqueest proche de celui de la drépanocytose homozygote ; le seulmoyen de différencier ces deux syndromes drépanocytaires estde réaliser une étude du génotype en biologie moléculaire. Dansle second cas, une synthèse d’hémoglobine A persiste, compriseentre 3 % et 25 % de l’hémoglobine circulante (ce qui permetde la différencier de la drépanocytose hétérozygote AS, oùl’hémoglobine A est supérieure à 50 %) [111].

Tableau 6.Classification de Goldberg des atteintes de la rétine liées à ladrépanocytose.

Stade 1 Occlusions artériolaires périphériques

Stade 2 Anastomoses artérioveinulaires

Stade 3 Néovascularisation prérétinienne périphérique

Stade 4 Hémorragies intravitréennes

Stade 5 Décollement de rétine

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La sévérité de l’expression clinique et biologique (en particu-lier la profondeur de l’anémie) de la drépanocytose Sb+ estinversement proportionnelle à la quantité d’hémoglobine Aprésente [112].

La drépanocytose Sb+ est marquée par la présence fréquented’une splénomégalie, le risque plus élevé d’atteinte rétinienne,la moins grande fréquence des CVO [20], des STA, des ulcèrescutanés et du priapisme que dans la drépanocytose homo-zygote [113]. La prise en compte de l’hyperviscosité, comme dansl’hétérozygotie composite SC, est importante chez les patientsSb+, d’autant plus que l’hémoglobine est élevée. Les saignées,ponctuelles ou sous forme d’un programme régulier, sont lemeilleur traitement curatif et surtout préventif des complica-tions en rapport avec l’hyperviscosité. La prise en charge despatients Sb0 est la même que celle des patients homozygotes SS.

Autres formes génétiquesIl existe d’autres formes, plus rares, de syndromes drépanocy-

taires majeurs correspondant aux formes S/D-Pundjab, S/O-Arab, S/D-Los Angeles, S-Antilles... Dans chacune de ces formesgénétiques, on constate une hétérogénéité de l’expressionclinique de la maladie drépanocytaire comme dans toutes lesformes génétiques classiques des syndromes drépanocytairesmajeurs.

■ Grossesse et conseil génétique

GrossesseLa grossesse chez la femme drépanocytaire s’accompagne

d’un risque accru de complications pour le fœtus et la mère [114,

115]. Une prise en charge spécialisée et coordonnée est indispen-sable pendant toute la durée de la grossesse. La survenue detout événement clinique, même s’il apparaît banal en dehors ducontexte (association drépanocytose et grossesse) peut être lesigne précurseur de complications plus graves et doit fairediscuter la transfusion, qui a des indications larges dans cettemaladie.

Les complications fœtales en rapport avec les perturbationsde la circulation placentaire peuvent consister en : fausse couchespontanée (risque évalué dans une étude prospective jamaïcaineà 36 %, contre 10 % dans une population témoin) [114], retardde croissance intra-utérin, mort fœtale in utero, petit poids denaissance, prématurité [116]. Une étude récente a retrouvé queles facteurs péjoratifs à l’origine de la fréquence élevée d’unfaible poids à la naissance surviennent tardivement dans lagrossesse [116].

L’existence d’un syndrome drépanocytaire chez le fœtus neparaît pas avoir d’influence sur le risque de complications à lanaissance ou dans le péripartum [117].

Les mères ayant une drépanocytose homozygote sont expo-sées au risque de développer certaines complications : fréquenceplus élevée des CVO et des syndromes thoraciques aigus,pyélonéphrite, prééclampsie, menace d’accouchement préma-turé, placenta praevia, rupture des membranes, césarienne,maladie thromboembolique, infection du post-partum [118, 119].Cependant, curieusement, dans une étude américaine, lamorbidité apparaissait semblable à celle des femmes drépanocy-taires non enceintes [115].

La surveillance de la grossesse doit être rigoureuse. D’éven-tuelles répercutions organiques de la drépanocytose doivent êtrerecherchées, si possible avant la grossesse (atteinte rénale,oculaire, cardiaque...). Les complications doivent être reconnueset traitées précocement (notamment les infections urinaires, lesCVO débutantes, la déshydratation par vomissements...). Lasurveillance de la croissance et de la vitalité fœtales doit êtrerapprochée.

Les médicaments tératotoxiques : anti-inflammatoires nonstéroïdiens, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, hydroxyurée,chélateurs du fer sont contre-indiqués.

Les indications de la transfusion prophylactique systématiquedemeurent discutées. Certains ont pu la recommander [120],alors que d’autres pensent que la transfusion doit être réservée

aux patientes présentant une crise vaso-occlusive ou un syn-drome thoracique aigu, une prééclampsie, une anémie pro-fonde, ou ayant un antécédent de complication obstétricale(mort fœtale in utero, retard de croissance...) [121].

Conseil génétiqueLe médecin peut être amené à donner une information

génétique dans trois situations différentes, qui correspondent àdes problématiques différentes : le dépistage des porteurs sains,le diagnostic prénatal, le dépistage néonatal.

Dépistage des porteurs sains

Le dépistage des porteurs sains repose sur l’initiative dechaque médecin, en fonction de l’origine ethnique et deshistoires familiales et personnelles de tout sujet à risque. Laréalisation d’une numération avec détermination des réticulo-cytes et d’une électrophorèse de l’hémoglobine permettentd’évaluer ce risque. Quand un sujet est porteur du gène drépa-nocytaire, l’étude de l’hémoglobine du conjoint permet dedéterminer le risque de transmission d’une hémoglobinopathiechez ce couple. Si le propositus est une femme enceinte et quele conjoint ne peut être étudié, seul le diagnostic prénatalpermettrait d’établir le diagnostic chez l’enfant attendu.

Diagnostic prénatal

Il est proposé à tous les couples se trouvant dans la situationoù un risque existe de donner naissance à un enfant porteurd’un syndrome drépanocytaire majeur, c’est-à-dire essentielle-ment une drépanocytose homozygote ou hétérozygote compo-site Sb0 thal, qui restent, malgré les progrès thérapeutiques, desmaladies graves et pénibles. La drépanocytose hétérozygotecomposite SC n’est pas considérée comme relevant du diagnos-tic prénatal en raison de sa sévérité clinique réduite par rapportà celle de la drépanocytose homozygote. Le principe de l’infor-mation génétique qui précède le diagnostic prénatal repose surl’explication claire du risque au couple, afin qu’il puisseexprimer son souhait librement en respectant ses convictionsmorales, philosophiques et religieuses. Il est surtout fondamen-tal d’expliquer les conséquences éventuelles de la maladie chezl’enfant à naître, en tenant compte de la difficulté posée par lavariabilité et l’imprévisibilité de l’expression phénotypique [122].Il faut qu’il soit clair que le diagnostic prénatal, parce qu’il faitcourir un risque faible de complication, n’est proposé qu’auxcouples qui souhaiteraient une interruption médicale degrossesse dans le cas où une drépanocytose serait retrouvée. Lestechniques utilisées sont la biopsie de trophoblaste, réalisablesà 10-12 semaines d’aménorrhée, et l’amniocentèse, à 15 semai-nes d’aménorrhée. Les prélèvements recueillis sont ensuiteanalysés par biologie moléculaire [123].

Dépistage néonatal

Un programme de dépistage néonatal national de la drépano-cytose chez les nouveau-nés dont les parents font partie d’ungroupe à risque existe en France depuis 1995. Son but est depermettre la mise en place précoce d’une prise en chargeadaptée comportant notamment une prophylaxie antipneumo-coccique chez les enfants malades.

■ TraitementLes traitements utilisés dans la drépanocytose ont pour la

plupart une action symptomatique. Seuls deux traitementsayant une action de fond sont actuellement disponibles : latransfusion et l’hydroxyurée. La transfusion apporte des globu-les rouges contenant de hémoglobine A. Elle est utilisée dans letraitement d’urgence de certaines complications graves, ou enprophylaxie sous forme de programmes transfusionnels.L’hydroxyurée (HU) est une chimiothérapie. En effet, si certai-nes molécules interférant avec le processus de polymérisation del’hémoglobine S représentent un espoir, le seul traitement actuelde ce type ayant fait la preuve de son efficacité et couramment

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prescrit depuis 1995 [124] est l’HU, qui améliore l’espérance devie, diminue la fréquence des CVO et des hospitalisations.

Chez l’adulte drépanocytaire, contrairement à l’enfant, il n’ya pas d’indication clairement établie à la greffe médullaireallogénique, en raison notamment de l’augmentation du risquede mortalité toxique avec l’âge, et du risque de poursuite del’évolutivité des atteintes organiques malgré cetteprocédure [125].

Principes de prise en charge. SuiviLe suivi médical de l’adulte drépanocytaire se fixe cinq

objectifs :• la prise en charge optimale et rapide des crises vaso-

occlusives, et surtout de la douleur ;• la détection précoce et le traitement des complications

aiguës ;• la prévention, le dépistage et le traitement des complications

chroniques ;• la discussion d’un traitement de fond selon la symptomato-

logie ;• l’appréciation permanente du retentissement psychologique

et des conséquences sociales de la maladie.Il est souhaitable que le patient soit porteur d’un document

dans lequel sont indiquées les principales informations leconcernant : les antécédents, le type de la drépanocytose, lechiffre habituel de l’hémoglobine, les consignes transfusionnel-les... Le suivi doit être organisé de telle façon que la continuitédes soins soit assurée. En particulier, le passage de la pédiatrie àla médecine d’adulte est un moment délicat car une rupture dusuivi peut se produire. Ce passage doit donc être anticipé etprogressif.

Une coordination doit être instituée avec le médecin traitant,le médecin du travail, les autres spécialistes (ophtalmologiste,dermatologue, orthopédiste, néphrologue, etc.), le gynécologueobstétricien, et éventuellement avec le service social et lepsychologue. Le conseil génétique est abordé dès la premièreconsultation, et doit être régulièrement répété. Même si lepatient n’évoque pas spontanément ce sujet, le médecin doitprendre l’initiative de le faire.

Les règles hygiénodiététiques à respecter sont énoncées etrégulièrement expliquées. Le patient doit être régulièrement vuen consultation, au minimum tous les 6 mois.

Une supplémentation quotidienne par 5 mg d’acide foliqueper os est systématique. Il n’y a pas d’indication à l’Oracilline®

au long cours chez l’adulte. Les antalgiques de palier I et II sont

prescrits à chaque consultation, permettant au patient depouvoir les utiliser rapidement en auto-administration en cas desurvenue d’une CVO.

Les anti-inflammatoires peuvent être un complément dutraitement de la crise. Ils sont contre-indiqués en cas degrossesse, de doute sur l’existence d’une infection évolutive,d’une néphropathie, d’antécédent d’ulcère gastrique.

Le calendrier vaccinal habituel doit être respecté et lavaccination antipneumococcique doit être répétée tous les 3 à5 ans (vaccin Pneumo 23®). Enfin, le vaccin antigrippal doitêtre effectué à chaque automne. En cas de voyage en paysd’endémie, une prophylaxie antipalustre adaptée doit êtreprescrite.

Tout acte chirurgical représente un risque de complicationspotentiellement graves, et doit être encadré. Dans tous les cas,la surveillance doit être rigoureuse, la collaboration étroite entrechirurgien, anesthésiste, et spécialiste de la drépanocytose. Selonles antécédents du patient, le type d’intervention, son urgence,les mesures thérapeutiques (en premier lieu l’échange transfu-sionnel) sont proposées.

Transfusion sanguine [126]

Chez la majorité des patients drépanocytaires homozygotes,le taux d’hémoglobine en phase stationnaire est situé autour de8 g/dl avec des extrêmes de 6 à 10 g/dl. Un tel taux d’hémo-globine permet aux patients d’avoir une activité physiquenormale et ne nécessite pas de transfusion sanguine au seul titreque leur taux d’hémoglobine est abaissé par rapport à lanormale.

Avant toute transfusion, les malades drépanocytaires doiventêtre phénotypés dans les systèmes ABO, Rhésus, Kell, Duffy,Kidd, Lewis et MNS. Les concentrés érythrocytaires transfusésdoivent être compatibles dans les systèmes ABO, Rhésus-Kell auminimum. La tendance actuelle est de tenir de plus en plussouvent compte d’un phénotypage compatible plus complet,incluant aussi les systèmes Kidd, Duffy et MNS. Cette tendancese heurte à la difficulté pratique de trouver des donneurscompatibles en raison des différences phénotypiques entrereceveurs et donneurs provenant de populations ethniquementdifférentes. Une épreuve de compatibilité in vitro prétransfu-sionnelle au laboratoire est recommandée.

Modalités de la transfusion sanguineIl existe deux modalités de réalisation de la transfusion

sanguine dans la drépanocytose : la transfusion sanguine simple etl’échange transfusionnel qui vise à remplacer les hématiesdrépanocytaires par des hématies contenant de l’hémoglobineA. Selon le taux d’hémoglobine souhaité, les volumes à sous-traire et à apporter au cours d’un échange transfusionnel sontdifférents. Par exemple, pour obtenir un pourcentage d’hémo-globine S inférieur à 25 %, il faut soustraire ± 60 ml/kg etapporter ± 40 ml/kg de concentrés érythrocytaires. L’hémato-crite final ne doit pas dépasser 40 %. La fréquence des échangestransfusionnels est variable. Il peut n’y en avoir qu’un seul. Leséchanges transfusionnels itératifs, de courte, moyenne ou longuedurée dépendent des indications de la transfusion sanguine(Tableau 7).

Les voies d’abord peuvent poser des problèmes difficiles chezles patients drépanocytaires. Les voies veineuses périphériquessont utilisées préférentiellement. Les port-à-cath, les cathéters oules fistules artérioveineuses sont des modes de recours quidépendent du réseau veineux du patient et des indications dela transfusion sanguine.

La majorité des échanges transfusionnels sont faits de façonmanuelle au lit du malade. Si l’on dispose de deux voies d’abordveineuses, l’une est utilisée pour la saignée et l’autre pour latransfusion sanguine. Si l’on ne dispose que d’une seule voied’abord, la saignée précède immédiatement la transfusionsanguine. On peut être amené à faire plusieurs cycles desaignée/transfusion pour obtenir le pourcentage d’hémoglobineS final souhaité. Lorsque les voies d’abord le permettent, onpeut faire les échanges drépanocytaires à l’aide de machines(érythraphérèse) [127]. Cette dernière technique permet de

“ Point important

Règles hygiénodiététiques conseillées• Toujours boire abondamment. Plus encore en casd’effort, de forte chaleur, de fièvre, de diarrhée ou devomissements.• Avoir un rythme de vie régulier, avec un sommeilsuffisant, éviter les efforts intenses.• Ne pas s’exposer au froid.• Ne pas faire d’effort violent, de plongée en apnée, deséjours en altitude, de voyages en avion non pressurisé (audessus de 1 500-2 000 m).• Éviter le port de vêtements serrés.• Avoir un suivi dentaire systématique (au moins une foispar an).• Ne pas consommer d’alcool ou de tabac.• Ne pas commencer un traitement par corticoïdes sansprécaution (risque de déclencher une crise grave). Sil’indication est formelle, faire auparavant un échangetransfusionnel.

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mobiliser des volumes importants dans des délais courts. Elle estrecommandée pour les programmes de transfusion sanguine aulong cours.

Indications de la transfusion sanguine [128]

Les indications de la transfusion sanguine simple, unique ourépétée sont les épisodes d’érythroblastopénie due au parvovirusB19, les aggravations mal tolérées de l’anémie (cf. chapitreanémie), les situations cliniques graves (septicémie, insuffisancerespiratoire aiguë, décompensation cardiaque, etc.), les autrescauses d’anémie hémolytique acquise (MAT, toxique, immuno-logiques) et les situations d’anémie chronique résistant àl’érythropoïétine (formes anémiques de la drépanocytose,anémie de l’insuffisance rénale, etc.). Le Tableau 7 résume lesprincipales indications des échanges transfusionnels uniques etdes échanges transfusionnels itératifs de courte ou de moyennedurée (< 1 an) et de longue durée (> 1 an).

Le pourcentage d’hémoglobine S recherché par les échangestransfusionnels est variable selon les indications. Par exemple,on cherche à être en permanence au-dessous de 30 % pourprotéger la rechute d’un accident vasculaire cérébral. Enrevanche, un taux d’hémoglobine S inférieur à 40 % estsuffisant pour protéger contre les rechutes de crises vaso-occlusives douloureuses.

Hydroxyurée (HU)Les mécanismes d’actions de l’HU sont incomplètement

connus. Le mécanisme principal repose sur l’augmentation del’hémoglobine F, qui s’intercale entre les molécules d’hémoglo-bine S et ainsi réduit leur polymérisation dans les globulesrouges drépanocytaires. En effet, l’HU augmente le nombre deglobules rouges contenant de l’hémoglobine F, la concentrationd’HbF dans les hématies drépanocytaires, et la quantitéd’hémoglobine F circulante [129]. L’action de l’HU est aussi enrapport avec la diminution de la leucocytose, la réduction del’hyperadhésivité des globules rouges à l’endothélium, l’amélio-ration de la déformabilité des globules rouges, l’amélioration dela biodisponibilité du NO [130].

L’appréciation de l’efficacité clinique de l’HU a été faiteinitialement par une étude en double aveugle, randomiséecontre placebo réalisée chez 299 adultes drépanocytaires [124]. Ila été retrouvé dans le groupe traité une baisse du nombre deCVO de 50 %, une diminution de l’incidence des STA, unediminution des besoins transfusionnels, avec une bonnetolérance. Le suivi à plus long terme de 233 de ces 299 patients

traités par l’HU a permis de mettre en évidence une diminutionde la mortalité de 40 % [129]. Les facteurs préthérapeutiques debonne réponse à l’HU sont : un pourcentage élevé d’hémoglo-bine F et un taux élevé de réticulocytes et de leucocytes, et unebonne tolérance hématologique permettant l’utilisation d’uneposologie élevée.

L’augmentation de l’hémoglobine F provoquée par l’HUentraîne une diminution de l’intensité de l’hémolyse (commeen témoigne une baisse des LDH) et une augmentation de laconcentration en hémoglobine pouvant atteindre, et parfoisdépasser 1,5 g/dl [131], ainsi qu’une augmentation du volumeglobulaire moyen.

La tolérance de l’HU est généralement bonne. Cependant, cetraitement pose cinq types de problèmes : les risques mutagèneet carcinogène, les questions en rapport avec la fertilité et latératogénicité, la myélotoxicité, et les autres effets secondairesqui sont surtout dermatologiques. Avec le recul d’une quinzained’années pendant lesquelles l’utilisation de l’HU a été large, lerisque carcinogène ne paraît pas se traduire dans les faits :moins de dix cas de maladies malignes survenues sous untraitement par HU ont été rapportés sans que la responsabilitéde ce traitement puisse être prouvée [131]. En outre, si une étudea retrouvé une augmentation du taux des mutations VDJ(anomalie qui n’est pas directement associée au risque leucémo-gène) chez les enfants ayant reçu un traitement prolongé parHU, ce n’était pas le cas chez les adultes [132]. Le risque muta-gène de l’HU paraît donc faible actuellement, mais il fautcependant rester vigilant : on ne peut pas prédire ce risque chezles patients qui auront reçu trois voire, quatre décennies deprise cumulée, surtout si le traitement a été débuté tôt dansl’enfance.

L’HU n’a aucune conséquence sur la fertilité féminine. Pourles hommes, un risque existe, l’HU pouvant provoquer uneoligo- ou une azoospermie. Même si celle-ci est le plus souventréversible, un recueil et une congélation de sperme sonteffectués avant la prise d’HU. Chez la femme, il est recom-mandé d’associer une méthode contraceptive au traitement parHU. Il est aussi recommandé, en cas de grossesse programmée,d’arrêter l’HU 3 à 6 mois avant la conception. Cependant,jusqu’à maintenant, aucun enfant né d’une mère traitée par HUpendant la conception ou le début de la grossesse n’a présentéune anomalie congénitale pouvant être rapportée à ce médica-ment. Ainsi, la survenue d’une grossesse chez une femme traitéepar HU n’est pas une indication à une interruption thérapeuti-que de la grossesse. Cependant, la prise d’HU contre-indiquel’allaitement.

La myélotoxicité est dose-dépendante. Elle ne représente pas,dans la pratique, un problème difficile, à la condition qu’unesurveillance régulière de la numération sanguine permetted’adapter la posologie. Quand une pancytopénie survient, elleest habituellement transitoire et réversible à l’arrêt du traite-ment, mais elle peut exceptionnellement être prolongée pen-dant plusieurs semaines [130]. Le traitement par HU n’est pasassocié à une augmentation du risque infectieux. Les effetssecondaires cutanés sont : un risque d’hyperpigmentation desongles et de la peau, surtout des paumes et des plantes, et unrisque faible d’alopécie mineure. La survenue d’ulcères cutanésest possible, dont l’imputabilité à l’HU n’est pas toujours facile,puisque la drépanocytose est elle-même pourvoyeuse d’ulcè-res [133]. Cette survenue impose l’arrêt ou la diminution deposologie de l’HU, dont la reprise après cicatrisation des ulcèresest possible, à une dose plus faible.

L’HU est indiqué dans les formes sévères de la drépanocytosehomozygote ou hétérozygote composite Sb0-thalassémie àretentissement fonctionnel important, en tenant compte desincertitudes concernant la toxicité de ce traitement à longterme, en accord avec un patient préalablement bien informé.Les indications reconnues sont : plus de trois hospitalisationspour CVO dans l’année sans facteur causal (hypoxie nocturne,néphropathie, calcul vésiculaire...), la répétition des STA (plusd’un épisode dans l’année écoulée). L’existence d’une anémieprofonde représente également une indication à l’HU, aprèsavoir éliminé une cause curable d’aggravation de l’anémie (sereporter au paragraphe « anémie »). L’intérêt de l’HU dans

Tableau 7.Indications des échanges transfusionnels.

Indications de l’échange transfusionnel unique a

Syndrome thoracique aigu

Crise douloureuse hyperalgique résistant aux morphiniques

Priapisme résistant à l’étiléfrine

Préparation préopératoire (chirurgie viscérale et orthopédique)

Vertige ou surdité aigu

Indications des échanges transfusionnels itératifs de courte ou demoyenne durée (< 1 an)

Crises douloureuses itératives (en cas d’échec ou de contre-indications àl’hydroxyurée)

Syndromes thoraciques aigus sévères

Grossesse

Ulcères drépanocytaires

Indications des échanges transfusionnels itératifs de longue durée (>1 an)

Vasculopathie cérébrale

Syndromes thoraciques aigus

Hypertension artérielle pulmonaire

Autres atteintes viscérales (cœur, etc.)a Lorsque le taux d’hémoglobine est bas ou lorsque les voies d’abord ne lepermettent pas, l’échange transfusionnel peut être remplacé par la transfusionsimple.

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d’autres situations comme certaines complications aiguës, lepriapisme, la prévention ou l’amélioration des complicationsorganiques chroniques n’a pas été démontré. La dose initiale estde 15 mg/kg par jour, adaptée en fonction de l’efficacité et dela tolérance, jusqu’à une posologie d’entretien qui se situehabituellement autour de 20-25 mg/kg par jour, sans dépasser35 mg/kg par jour [134].

L’observance est un problème majeur. Elle est d’autant mieuxrespectée que le traitement a été clairement expliqué et qu’enparticulier les questions liées à la fertilité ont été biencomprises.

■ PerspectivesLe nombre de patients drépanocytaires augmente en France,

et la drépanocytose perd progressivement son caractère demaladie rare. L’organisation de la prise en charge du patientdrépanocytaire à l’âge adulte s’améliore régulièrement. Cepen-dant, en dépit de ces progrès, la spécificité et l’importance d’unsuivi organisé ne sont pas encore reconnues par tous lespatients et soignants. Il peut encore arriver que des adultesn’aient pas d’autre prise en charge médicale que le traitementponctuel des crises vaso-occlusives. Il faut faire comprendrequ’un suivi structuré conditionne le pronostic vital et fonction-nel des adultes drépanocytaires, et favoriser l’organisation decircuits de soins coordonnés.

Les progrès récents permettent une augmentation de la duréeet de la qualité de vie des patients drépanocytaires, maisrévèlent de nouvelles difficultés, par exemple celles que posentl’apparition fréquente d’une allo-immunisation chez les patientstransfusés et celles que posent l’augmentation de fréquence desatteintes organiques chez les patients vieillissants.

En ce qui concerne les traitements, l’amélioration peut venirde la meilleure utilisation des traitements actuels, de la mise aupoint de médicaments modulant la production de l’HbF autresque l’hydroxyurée, de médicaments ayant d’autres mécanismesd’action, ou de l’association de ces différents médicaments entreeux [135]. Des médicaments augmentant l’HbF sont en coursd’expérimentation, comme la décitabine [136] et le butyrate desodium. Une autre voie d’expérimentation consiste à améliorerla biodisponibilité du NO avec l’arginine, ou les inhibiteurs desphosphodiestérases. Des tentatives sont faites pour agir sur lafonction endothéliale (inhibiteurs de l’endothéline-1, statines),développer une action antiadhésive, ou inhibitrice du transporttransérythrocytaire des cations.

Malgré les avancées attendues dans la greffe de moelleallogénique telles que l’utilisation de conditionnements nonmyéloablatifs, ou de sang de cordon [137], il est probable quecette procédure gardera des indications marginales chez l’adulte.

Des essais de thérapie génique se sont révélés concluants chezdes souris transgéniques [138]. Il n’est pas possible actuellementde présager les résultats de tels essais chez l’homme.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Lionnet F., Stankovic K., Girot R. Drépanocytose de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),Hématologie, 13-006-D-16, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com

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