dpédago 1718 cav/pag - geneveopera.ch · cavalleria rusticana ... pourquoi jouer en même temps...

28
DOSSIER PÉDAGOGIQUE LES JEUNES AU CŒUR DU GRAND THÉÂTRE AVEC LE SOUTIEN DE Ruggero Leoncavallo Cavalleria Rusticana I Pagliacci SAISON1718 Programme pédagogique réalisé grâce au soutien de la Fondation de bienfaisance du groupe Pictet et en collaboration avec le Département de l’Instruction publique, de la culture et du sport de la République et du canton de Genève www.geneveopera.ch/pédagogie T +41 22 322 5172 Pietro Mascagni

Upload: duongdan

Post on 15-Sep-2018

225 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

DOSSIER PÉDAGOGIQUELES JEUNES AU CŒUR DU GRAND THÉÂTRE

AVEC LE SOUTIEN DE

Ruggero Leoncavallo

CavalleriaRusticanaI Pagliacci

SAISON1718

Programme pédagogique réalisé grâce au soutien de la Fondation de bienfaisance du groupe Pictet

et en collaboration avec le Département de l’Instruction publique, de la culture et du sport de la République et du canton de Genève

www.geneveopera.ch/pédagogieT +41 22 322 5172

Pietro Mascagni

Janvier 2018

Dossier réalisé par Fabrice Farina

Cavalleria Rusticana Opéra en un acte de Pietro Mascagni Livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci inspiré des « scènes populaires » de Giovanni Verga. Créé à Rome le 17 mai 1890 au Teatro Costanzi.

I Pagliacci Drame en un prologue et deux actes de Ruggero Leoncavallo Livret écrit par le compositeur. Créé à Milan le 21 mai 1892 au Teatro dal Verme.

En coproduction avec le Teatro Comunale di Bologna Chanté en italien avec surtitres anglais et français

Bien que Mascagni et Leoncavallo ne se soient jamais concertés Cavalleria Rusticana et I Pagliacci sont devenus deux inséparables du monde de l’opéra. Chacun d’eux étant trop court pour faire une soirée, ils se sont retrouvés sur la même affiche du Met, un soir de 1895. Depuis, rien ne les sépare. Composés uniquement à deux années d’intervalle, tout les destinait à devenir deux jumeaux du lyrique.

LES COLLABORATEURS DU PROGRAMME PÉDAGOGIQUE

Elsa [email protected] + 41 22 322 57 72

Fabrice [email protected] + 41 22 322 51 88

Camille [email protected] + 41 22 322 57 73

CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI INTRODUCTION

2 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

Relations entre les personnagesAvant-propos - Synopsis - Clefs pour la mise en scène

Résumé - Écoute - Repère Scénique

Relations entre les personnagesAvant-propos - Un clown entre rire et horreur - Synopsis - Clefs pour la mise en scène

Résumé - Écoute - Repère ScéniqueActe1Acte 2

1. Le Vérisme, un courant littéraire et musical2. Le Vérisme littéraire3. Le Vérisme musical4. Cavalleria Rusticana et I Pagliacci : mettre en musique « une tranche de vie »5. Pourquoi jouer en même temps Cavalleria Rusticana et I Pagliacci ?6. Mascagni & Leoncavallo, un fabuleux destin : de l'ombre à la lumière7. Brèves biographies

ATELIERS ARTISTIQUESLe théâtre des émotions : ateliers maquillage théâtre combinés

45

6

1415

161620

21

22

23-24

24

Sommaire

Annexes

Cavalleria Rusticana

I Pagliacci

3CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

LES INTERPRÈTES PRINCIPAUX DE LA PRODUCTION CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

Direction musicale Alexander Joel

Cavalleria RusticanaMetteure en scène Emma DanteDécors Carmine MaringolaCostumes Vanessa SanninoLumières Cristian ZucaroChorégraphie Manuela Lo SiccoAlfio Roman BurdenkoLola Melody Louledjian*Santuzza Oksana VolkovaTuriddu Marcello Giordani

I PagliacciMetteure en scène Serena SinigagliaDécors Maria SpazziCostumes Carla TetiLumières Claudio De PaceCanio, alias Pagliccio Diego TorreNedda, alias Colombina Nino MachaidzeTonio, alias Taddeo Roman BurdenkoBeppo, alias Arlecchino Migran Agadzhanyan*Silvio Andrè SchuenDeux villageois Terige Sirolli & Rodrigo Garcia Muñoz

Chœur du Grand Théâtre, direction Alan WoodbridgeOrchestre de la Suisse RomandeMaîtrise du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre de Genève, direction Magali Dami & Fruzsina Szuromi

*Membre de la Troupe des Jeunes solistes en résidence

Répétition générale jeudi 15 mars 2018 à 19 h 30

Durée : approx. 2 h 45 (avec un entracte)

4 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

SANTUZZAune jeune paysanne

MEZZO-SOPRANO

LUCIAune villageoise

CONTRALTO

LOLAjeune paysanne

coquette et provocatriceMEZZO-SOPRANO

ALFIOun riche charretier

BARYTON

TURIDDUun jeune soldat

TÉNOR

Relation entre les personnages dans Cavalleria Rusticana

mère de en couple

liaison amoureuse secrète (adultère)

mariés

5CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

AVANT-PROPOS CAVALLERIA RUSTICANA

AVANT-PROPOSCavalleria rusticana, littéralement « chevalerie rustique ». Remarquons que normalement les codes de chevalerie sont réservés à des personnages héroïques (le roi Arthur) ou mythologiques (Achille) et qu’ils sont attribués ici à de gens « simples », des hommes du peuple et vrais comme le veut le vérisme (courant musical, cf. page 22).

SYNOPSISL’histoire est basée sur un fait divers simple mais violent extrait d’un recueil paru en 1880, Vita dei campi de Gio-vanni Verga : dans un village sicilien au XIXème siècle, pendant la Pâques, une jeune paysane Lola trompe son mari Alfio avec le jeune soldat Turiddu. Ce triangle amoureux mène les rivaux vers un inévitable duel et conduira à la mort l’un des deux hommes.

CLEFS DE LECTURE POUR LA MISE EN SCÈNEUNE PLUIE DE RÉFÉRENCES AU CULTE DE L'ÉGLISE CATHOLIQUEDéjà produit à Bologne, l’équipe artistique (constituée de la metteure en scène, du décorateur, du créateur lumière et de la créatrice des costumes) a voulu raconter l’histoire dans un décor chargé de références aux pratiques religieuses durant la Pâques en Sicile. Ces références vous seront expliquées au fur et à mesure de leur apparition dans le résumé de l’histoire.

AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE VIDE…La metteure en scène Emma Dante a l’habitude dans son travail de commencer avec une scène complètement vide. En effet, ce procédé permet de zoomer sur les personnages et de focaliser l’attention sur leurs mouvements.

UN CONSTANT PARALLÉLISMEPour raconter cet opéra, Emma Dante propose d’établir un parallèle entre l’histoire d’amour malheureuse de Turiddu et la passion du Christ : les deux hommes incarnant la figure de l’homme sacrifié (l’un pour le salut de l’humanité, l’autre pour le sien ou celui de sa compagne Santuzza). Vous verrez donc sur scène la narration de l’histoire de Turiddu entrecoupée par les déplacements du Christ portant sa croix. C’est par ce jeu de miroir que la metteure en scène établit un lien entre l’histoire du Christ et celle de Turiddu .

DU NOIR ET BLANC...Un jeu de couleur sera proposé tout au long de l’opéra : le noir et par opposition le blanc. Le noir est la couleur du deuil et de la passion du Christ (rideaux, voiles, costumes). Les costumes auront également des tonalités grises.

…AVEC QUELQUES TOUCHES DE COULEURDes touches de couleurs seront intégrées dans cette atmophère pour représenter avec force des tableaux vivants faisant référence aux tableaux de la Renaissance (le chemin de croix du Christ, les suivantes du Christ avec la Sainte Vierge Marie, etc.)

UN CHRIST À LA PEAU NOIREPour des raisons esthétiques et symboliques, un acteur à la peau de couleur noire jouera le Christ qui porte sa croix. Emma Dante souhaite ainsi souligner davantage le contraste et le jeu du noir et blanc.

6 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

1. RÉSUMÉ - Le thème de la jalousieAvant d'entrer dans l'histoire, je vous propose d'écouter ce thème. Il est associé à la jalousie et à la détresse de Santuzza. Il apparaîtra à plusieurs moments de l’opéra pour souligner l’angoisse du personnage.

ÉCOUTE PISTE 1

2. RÉSUMÉ - Un prélude atypiqueUn opéra commence toujours par une ouverture (sauf quelques exceptions). L’ouverture est souvent jouée par l’orchestre, rideau baissé. Elle introduit les thèmes musicaux principaux, elle est le résumé de l’atmosphère et plonge l’auditeur dans l’ambiance (ici le drame).

Mascagni, pour commencer son opéra, n’a pas compo-sé une ouverture mais un prélude entrecoupé par un air de ténor accompagné d’une harpe.

ÉCOUTE PISTE 2

ORCHESTRE

TURIDDUÔ Lola, vêtue d’une chemise couleur de laitT’es blanche et rouge comme la cerise,Quand tu te montres et que ta bouche souritBienheureux celui qui te donne le premier baiser !

Devant ta porte, le sang a été versé Et que m’importe de mourir assassiné.Mais si je meurs et que je vais au paradis,Si je ne t’y trouve pas, je n’y rentre pas !

ORCHESTRE

QUESTIONSDécrivez vos sensations sur la soudaine apparition de l’air du ténor au milieu du prélude orchestral.Si nous étions au cinéma, comment pourrait s’appeler cet effet ?D’après le texte que pouvez-vous conclure des senti-ments de Turiddu pour Lola ?

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

SUR SCÈNE Pour ce prélude, Emma Dante (metteure en scène) ouvre le rideau et laisse apparaître Lola, qui pendant la séré-nade, trône sur un élément de décor. Elle se parfume et se prépare pour aller voir son amant. Des hommes autour d’elle l’admirent et sont hypnotisés par son charme. Elle est le symbole de la femme que l’on désire, elle est la plus belle femme de tout le village, l’objet de toutes les tentations.

MAIS POURQUOI TOUT EST NOIR ? Pour comprendre ces longs drapés noirs, il faut se réfè-rer à la tradition catholique des voiles.

À Pâques, les pratiquants jeûnaient lors du Carême. En effet, autrefois les chrétiens, pour se préparer à vivre le grand mystère de la mort et de la résurrec-tion du Christ, observaient des privations des sens : goût, ouïe (pas de cloche, ni d'orgue, ni d’instruments de musique) et visuelles avec les voiles de couleur violette que l’on place sur les statues ainsi que le velum quadragesimale (grand voile qui ferme le sanctuaire). La symbolique du deuil est ainsi d’au-tant plus renforcée pour les pratiquants car elle est théâtralisée.

Cette scène sera suivie par la première apparition du chemin de croix : le Christ portant sa croix avec d’autres personnages (un soldat romain et quatre suivantes du Christ). Ce chemin de croix du Christ sera joué de manière récurrente pour ponctuer des scènes de l’opéra et établir un lien entre le Christ et Turid-du. (cf un constant parallélisme page 5)

Module-escalier mobile sur lequel trône Lola

7CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Exemple d’une peinture inspirant Emma Dante pour construire les scènes du chemin de croix. Les couleurs seront d’autant plus mises en valeur grâce au fond noir du décor initial.

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

Exemple de la tradition des voilesdans les églises siciliennes lors du Carême

Velum quadragesimal fermant le sanctuaire

VIA CRUCIS V Chemin de croix V, Giandomenico Tiepolo.1745 -1749.

8 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

3. RÉSUMÉ - Au petit matinSur la place du village au petit matin. Au son des premières cloches appelant les fidèles à la messe, peuples, acrobates et danseurs remplissent petit à petit la scène de vie, de fête et de jeunesse. Les modules-escalier entrent et se mettent en place pour figurer le village Parmi les habitant, Santuzza est à la recherche de Turiddu. Inquiète et torturée, elle se dirige vers la boutique de vin de Mamma Lucia (la mère de Turid-du) qui lui répond : « Il est allé au vin au village en pleine nuit ». Santuzza sait que les rumeurs disent le contraire…Mais la conversation des deux femmes est interrompue par l’arrivée du charretier Alfio (le mari de Lola).

SUR SCÈNE

Ces « modules-escalier » mobiles seront également déplacés pour souligner les tensions psychologiques entre les personnages : face-à-face lors de confrontation, côte à côte pour les rapprochements sentimentaux, etc…

4. RÉSUMÉ - Alfio et sa charretteAvec une entrée rythmée par des coups de fouet, Alfio se réjouit de son métier de charretier ainsi que de la fidélité de son épouse Lola. Il demande du vin à Mamma Lucia. Celle-ci répète que son fils est allé en chercher. Alfio est étonné car il a vu Turridu à proxi-mité de sa maison : les craintes de Santuzza sur l’infi-délité de Turiddu semblent se confirmer…

ÉCOUTE PISTE 3Ici nous retrouvons, comme lors de la chanson de Turiddu dans le prélude (piste 2), le genre de la chan-son populaire. On entend même les claquements

de fouet ! Le mouvement rapide correspond au moment où Alfio vante son formidable métier de char-retier et le mouvement plus lent, la fidélité de sa femme Lola.

ALFIOLe cheval piaffe,Les grelots tintents,claque le fouet. Hé là !Que le vent souffle le vent gelé,que tombe pluie ou neige,qu’est-ce que ça m’fait à moi ?

HOMMESAh quel beau métier D’être charretier,Aller ça et là !

ALFIO (+ lent)À la maison Lola m’attendqui m’aime et me console,qui m’est toute fidélité.

QUESTIONSQuel est le caractère d’Alfio d’après la musique ? timide ou sûr de lui ?La musique et son chant laissent-ils planer un doute sur la fidélité de sa femme Lola ?

SUR SCÈNE Alfio arrive sur scène sur l'un des emblèmes de la culture populaire sicilienne : la charrette. À l’époque, les familles aisées de Sicile se déplaçaient en calèche de luxe riche-ment décorée. Au XVIIIème siècle, les familles de paysans se mirent à les peindre de mille couleurs pour rivaliser avec celles des grandes familles.

Étonnant ! la charrette d’Alfio ne sera pas tirée par quatre chevaux ! Surprise…

Les coups de fouet donnés par Alfio rappeleront ceux reçus par le Christ lors de la passion. Alfio est celui qui punit, qui donne les coups.

5. RÉSUMÉ - La sortie de l'égliseLes cloches se remettent à sonner. Dans l’église, un chant religieux se fait entendre tandis qu’à l’extérieur l’hymne de la Résurrection - musique puissante aux grands élans mélodiques - est entonné par Santuzza et la foule en procession.

Plan des modules-escalier mobiles. Ils peuvent se combiner, se séparer et constituer ainsi divers espaces de jeux (maisons, église, place du village...).

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

9CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

SUR SCÈNECette grande scène de chœur sera l’occasion de glisser dans l’opéra une autre tradition catholique de la Pâques : la procession des « bandelettes » ou des « rubans » appe-lée « Lu Signuri Di Li Fasci » (qui se prononce : lou si-gno-ri di li fa-chi, une tradition de la province de Enna, en Sicile).

Lors du Vendredi saint à Pietraperzia (Enna), se déroule la procession de la « croix haute » appelée «Lu Signuri di li fasci». C’est une poutre en bois de cyprès de 8,50 mètres de haut se terminant par une croix. Ce long crucifix est porté à l’extérieur, de l’église vers l’autre bout du village, vers le soleil couchant. D’abord dans une position horizontale, les fidèles nouent sur une structure métallique circulaire en haut de la poutre un grand nombre de bandes de toile de lin blanc, d’environ 32 mètres de long et d’environ 40 centimètres de large. La fonction des bandes sera de permettre aux fidèles de maintenir le long poteau de bois en équilibre le long du chemin processionnel. L’effet est spectaculaire car de loin, les bandes blanches donnent l’impression d’assister à un miracle : la vision d’une grande montagne couverte de neige avec le Christ qui bouge tout seul !

6. RÉSUMÉ - Un couple à l'agoniePuis la place se vide et laisse Santuzza et Mamma Lucia seules. La jeune femme lui confie alors son his-toire, je cite : « le cœur brisé, Turiddu trouva refuge dans mes bras. Mais cette envieuse, oubliant son mari, brûlait de jalousie et me le ravi ! Privée de mon boh-neur je reste seule : Lola et Turiddu s’aiment, et moi, je pleure ! »

ÉCOUTE PISTE 4

SANTUZZAVous le savez, ô mamma,avant de partir soldatTuriddu avait juré à Lolaune foi éternelle.À son retour, il la trouva mariée ;et avec moi il voulut éteindre sa flamme qui lui brûlait le cœur.Il m’aima, je l’aimai , je l’aimai, ah ! Je l’aimai !

Le long « cri » de Santuzza est placé sur le « ah ! » (en rouge dans le texte)

7. RÉSUMÉ - Scène de ménageC’est à ce moment que Turridu apparaît : Santuzza ne peut s’empêcher de lui reprocher son infidélité, ce que le jeune homme dément ! Au mileu de cette dispute, on entend alors la voix de la coquette Lola qui traverse bientôt la place.

ÉCOUTE PISTE 5Observez comme la tension du couple Turiddu-San-tuzza est palpable et la discorde est bien mise en valeur dans ce chant alterné puis à l’unisson à grand renfort d’orchestre !

Présente à toutes les grandes fêtes,la fameuse charrette sicilienne fait partie de la culture de l’Italie du sud. Elle est décorée de scènes religieuses ou de scènes historiques.

« LU SIGNURI DI LI FASCI »(tradition de la province de Enna, en Sicile). Un crucifix est fixé sur un grand mât duquel descendent des longs rubans de tissus en lin blanc que la foule tient dans la main.

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

10 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

tout est épié… Des hommes et des femmes cachés observe-ront la scène sans en perdre une miette !

8. RÉSUMÉ - La malédictionLola partie, le couple Turiddu – Santuzza peut alors conclure la dispute. Mais Turiddu, fait le sourd et part rejoindre Lola dans l’église pour la célébration. Furieuse, Santuzza le maudit : « à toi la mauvaise Pâques ! ».

La soudaine arrivée d’Alfio apparaît pour Santuzza comme un signe du ciel. Elle décide de tout lui révéler. Le mari trompé jure de se venger !

ÉCOUTE PISTE 6Turiddu et Santuzza chantent tous deux les grands thèmes poignants du prélude orchestral, ce qui donne à cette scène beaucoup d’envergure. Les lon-gues lignes musicales tendues permettent aux voix d’être puissamment projetées. Le compositeur intro-duit dans ce duo infernal des progressions musicales qui mènent toujours vers plus de violence dans l’or-chestre et dans les voix si bien que celles-ci sont par-fois à la limite du cri ou comme à la fin, dans le parlé : du vérisme à l’état pur ! La scène se conclut par le retour du thème orchestral de la jalousie fortis-simo (cf piste 1 ).

SANTUZZAAh ! non, Turiddu, reste, reste encore, encore.TURIDDUVa t’en, je te répète, ne m’ennuie pas,se repentir est vain après l’offense, va t’en !SANTUZZANon !TURIDDUVa t’en !SANTUZZANon ! Ta Santuzza pleure et t’implore, comment peux-tu…TURIDDUVa t’en !SANTUZZAHa ! donc tu veux m’abandonner ?TURIDDUAh, va t’en, je te répète, va t’en, ne m’ennuie pas !SANTUZZAFais attention !TURIDDUTa colère ne me fait pas peur !SANTUZZAÀ toi les mauvaises Pâques, parjure !(thème orchestral de la jalousie cf. piste1)

SANTUZZATu l’aimes donc ?TURIDDUNon !SANTUZZALola est bien plus belle…TURIDDUTais-toi ! Je ne l’aime pas.SANTUZZATu l’aimes, tu l’aimes, ô maudit !TURIDDUSantuzza !SANTUZZACette mauvaise femme t’a arraché à moi !TURIDDUFais attention, Santuzza, je ne suis pas esclave de ta vaine jalousie.SANTUZZABats-moi, insulte-moi, je t’aime et pardonne ;mais mon angoisse est trop forte,(bis)LOLA (en coulisse)Fleur d’iris,Il y a mille anges magnifiques au ciel,mais beau comme lui, il n’ y en a qu’un seul !Oh ! Turiddu, Alfio est passé ?

QUESTIONSA) Quel procédé utilise le compositeur pour introduire le troisième personnage de Lola ? L’avez-vous déjà entendu lors d’un extrait précédent ? Si oui lequel ?B) Quel caractère possède la musique de Lola et quels renseignements nous donne-t-elle sur sa personnalité ?

Exemples : A) L’entrée de Lola est réalisée avec une brusque inte-ruption du déroulement de l’action, créant comme dans le prélude, une sorte de suspension du temps : l’explosion du couple Turiddu-Santuzza contenue pour le moment augmente en pression… B) la musique est légère, enlevée sur un rythme de valse évoquant le badinage, la frivolité et en même temps la jeunesse, la fraicheur de cette très belle femme. Le contraste musical apporté par Lola ren-force la tension de la scène d’autant plus que son arri-vée tombe vraiment au mauvais moment !

SUR SCÈNELes deux personnages seront placés chacun sur un module-escalier. Ceux-ci se déplaceront au rythme de la dispute avec des mouvements de rapprochement, d’éloignement, de face-à-face, etc… Le moment fort sera lorsque les deux modules s’écarteront pour inter-caler celui de Lola, la rivale ! Comme dans le village

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

11CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

SUR SCÈNELes modules-escalier se sont déplacés. Celui de Santuzza est isolé alors que celui de Lola et Turiddu sont collés. Le message est clair. Lorsque Turiddu entre dans l’église pour rejoindre Lola. Les modules-escalier quittent la scène. Ce vide représente les sentiments d’abandon, de solitude et de trahison de Santuzza.

9. RÉSUMÉ - Intermezzo orchestralUn intermezzo symphonique se fait alors entendre apportant un grand moment de calme bien appré-ciable après ses vives turbulences. C’est en quelques sortes l’entracte impossible à réaliser autrement dans une œuvre si courte.

ÉCOUTE PISTE 7Mais quel entracte ! Cet intermezzo, loin des thèmes de l’opéra, met en avant les talents du compositeur pour les œuvres orchestrales. il est un chef d'œuvre en soi, joué encore aujourd'hui dans de nom-breux concerts partout dans le monde !

SUR SCÈNE Lors de cet intermède, vous verrez le passage du Christ lors de son chemin de croix. Aidé traditionnellement par Marie-Madeleine dans la Bible, c’est ici Santuzza elle-même qui l’aidera. Puis une grande table, avec de riches décorations rappelant la charrette traditionnelle sicilienne, sera avancée pour le banquet traditionnel de la sortie de l’église.

10. RÉSUMÉ - Chanson à boireL’intermezzo précédent a permis de faire avancer l’ac-tion d’une ou de deux heures environ carc’est la sortie de la messe. Turiddu invite la foule à boire un verre dans la taverne de sa mère.

ÉCOUTE PISTE 8Remarquez bien le caractère joyeux, festif et l’allure bien rythmée de cette chanson à boire appuyée au milieu par des phrases de toast ponctuées de « VIVAT ! » de la foule.

TURIDDUVive le vin qui pétilledans les verres qui scintillentcomme le rire de l’amant ;il inspire une douce joie !Vive le vin qui pétille,Vive le vin qui est sincère,

qui réjouit toute nos penséeset qui noie les idées noiresdans de tendres ivresses !TURIDDUÀ vos amours !HOMMESVivat !LOLAÀ votre chance !HOMMES Vivat !TURIDDUBuvons !TOUSVive le vin qui pétilledans les verres qui scintillentetc…

SUR SCÈNETous les chanteurs sont présents autour de cette table. Les femmes tiennent leurs éventails colorés. Une grande joie se dégage de cette scène. Emma Dante (metteure en scène) travaillera ici avec importance les mouvements des corps de tous les chanteurs pour animer cette scène.

11. RÉSUMÉ - FinalLa joie disparaît quand Alfio fait son entrée. Celui-ci refuse le verre tendu par Turiddu prétextant que le vin pourrait l’empoisonner : Turridu comprend le sens caché de cette phrase et sait maintenant qu’il ne pourra pas échapper à un duel au couteau avec son rival. Les deux hommes se donnent l’accolade rituelle - Turiddu mord l’oreille d’Alfio en signe de défi - et conviennent du lieu de l’affrontement.

Sentant que l’issue risque de lui être défavorable, Turiddu part faire ses adieux à sa mère et la prie de s’occuper de « Santa » (Santuzza).. Prétextant devoir sortir à cause du vin qui lui fait tourner la tête, il lui fait ainsi ses dernières recommandations :

ÉCOUTE PISTE 9

TURIDDU(….) vous devrez être une mère pour Santa (Santuzza)à qui j’avais juré de la conduire à l’autel.vous devrez être une mère pour Santa si je ne reven-nais pas !LUCIAPourquoi parles-tu ainsi, mon fils ? TURIDDUHo ! pour rien !C’est le vin qui m’a inspiré….

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

12 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

Pour moi, priez Dieu,un baiser, un baiser, maman !Un autre baiser… Adieu !si je ne revenais pas !soyez une mère pour Santa (Santuzza)

SUR SCÈNEAu fur et à mesure que le conflit progresse entre les deux hommes, la foule se désagrège. Sur un plateau vide, seul un groupe d’hommes est resté avec les deux rivaux. Le groupe choisit son camp et se place derrière celui qui a raison, laissant tout seul celui qui a tort. Ce moment est très fort symboliquement car dans le parallélisme avec l’histoire du Christ, Turiddu se retrouve tout seul devant ses juges comme l’a été Jésus devant les siens. Turiddu comprend alors que le moment du sacrifice est arrivé. l’homme est seul face à son destin.

La dernière image du spectacle reconstituera une peinture de la Renaissance : la scène de Marie pleurant son fils au pied de la croix (Mater dolorosa).

RÉSUMÉ - ÉCOUTE - REPÈRES SCÉNIQUES CAVALLERIA RUSTICANA

13CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

I Pagliacci Drame en un prologue et deux actes de Ruggero Leoncavallo

Metteur en scène : Serena Sinigaglia

Décors : Maria Spazzi

Lumières : Cristian Zucaro

I PAGLIACCI

14 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

I PAGLIACCI

SYLVIOun paysan

BARYTON

BEPPE /ARLEQUINmembre de la troupe

TÉNOR

TONIO /TADDEOun clown membre de la troupe

BARYTON

NEDDA /COLOMBINAMembre de la troupe

SOPRANO

Relation entre les personnages dans I Pagliacci

amant secret

amoureux de

marié

CANIO /PAGLIACCIOdirecteur d'une troupe de

"pagliacci"TÉNOR

15CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

AVANT-PROPOS I PAGLIACCI

AVANT-PROPOS :Reprenant le même système de construction dramatique très resserré de Cavalleria rusticana mais sur deux actes cette fois, I Pagliacci exploite aussi un fait divers. Celui-ci est écrit par le compositeur R. Leoncavallo lui-même sur la base d’un souvenir autobiographique : son propre père avait été amené à juger en tant que magistrat une affaire de meurtre survenue sur scène durant une représentation à Montalto Uffugo, un village de Calabre. I Pagliacci s’est rendu célèbre par la mise en abyme de son action dramatique (l’histoire de l’acte 1 est rejouée par les chanteurs dans l’acte 2 sous forme de petit spectacle) ainsi que par son manifeste vériste : exposé par l’un des personnages lors du prologue, l’auteur appelle à rapprocher fiction et réalité, jusqu’à ne plus savoir distin-guer l’une de l’autre.

UN CLOWN ENTRE RIRE ET HORREUR« Paggliacio »(pa-gli-a –tcho) au singulier, « Paggliaci » (pa-gli-a-tchi) au pluriel, ce terme peut se traduire par « clown » ou par « paillasse ». (Paillasse est un pitre, un benêt ridicule et grotesque dont la maladresse excessive excite toujours les rires de l’auditoire) La figure burlesque du clown fût déjà théâtralement détournée pour en faire apparaître soit le côté triste, soit le côté effrayant :

• le clown triste, obligé de faire rire même quand son cœur est gros (Pierrot lunaire)• le clown maléfique, qui utilise l’attrait qu’il exerce pour tuer ( Ça, roman de Stephen King ;

« le Joker » figure bien connue des DC Comics ; Clown, film d’horreur réalisé par Jon Watts en 2014)

SYNOPSISL’histoire est basée sur un fait divers simple mais violent : Canio et sa femme Nedda, acteurs ambulants, joue-ront avec leur troupe le drame d’Arlequin et Colombine pour le public d’un petit village de Calabre, jusqu’à ce que la réalité fasse brutalement basculer la représentation dans l’horreur du meurtre. Sous son costume de Pail-lasse, Canio, mari trompé et fou de jalousie tuera deux personnes... « La commedia è finita ! » (la comédie est finie) conclue-t-il en réponse aux hurlements d’horreur des spectateurs qui comprennent subitement que le sang rouge qui coule est bien réel et que les acteurs n’ont pas fait « semblant ».

CLEFS DE LECTURE DE LA MISE EN SCÈNESerena Sinigaglia (metteure en scène) a préparé son spectacle avec son équipe ( costumier, créateur des lumières, décorateur) avec plusieurs idées fortes :

RELIER LES DEUX ŒUVRES"Généralement les deux œuvres sont jouées à la suite mais sans rapport entre elles", nous confie la jeune metteure en scène. C'est pourquoi elle établira une correspondance à l’image d’une pellicule : deux opéras comme le positif et le négatif d’une même photo. Par exemple : si Cavalleria rusticana était dans un décor sombre alors I Pagliacci sera dans un décor lumineux.

FAIRE RESSORTIR UN MAXIMUM LA THÉMATIQUE DU THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRELa mise en abyme est le thème central dans I Pagliacci puisque l’acte 1 est rejoué par les chanteurs dans l’acte 2 sous forme de petit spectacle. Elle désire aussi, tout comme le mouvement vériste invite à le faire, casser la fic-tion théâtrale en montrant l’arrière du décor : vous verrez les techniciens mettre en place le décor, les câbles qui tiennent les toiles de fond seront également à vue, rien ne sera caché.

LE CINÉMA NÉO-RÉALISTE ITALIENL’option prise par Serena Sinigaglia (metteure en scène) sera d’immerger L’opéra I Pagliacci dans l’esthétique et l’ambiance du cinéma néo-réaliste italien des années 1940-50. En effet, elle a trouvé dans ce courant ciné-matographique l’équivalent du vérisme musical. ( décors naturels, acteurs non professionnels, aspects réalistes venant d'évènements vécus, improvisation assez fréquente, dialogues relativement simples, refus des effets visuels dans le montage. Sujets : le quotidien, des faits divers, le travail, l'évolution socio-économique du pays )

16 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

QUELQUES THÈMES CLEFS À SE METTRE DANS L'OREILLE

PISTE 10, 11, 12, 13

Thème du rire douloureux de Paillasse (Canio)Thème de l’amour adultère de Nedda et SilvioThème de la jalousie de Canio À la manière d’une musique de parade survoltée

1. RÉSUMÉ - Quand le prologue* vous parle

À LIREAvant de l’écouter, voyez dans le début du texte ci-dessous chanté par Tonio, comment le compositeur utilise encore l’ancien procédé du prologue des opé-ras baroques et comment celui-ci est détourné avec humour.

Tonio : _ « S’il vous plaît! Permettez! Mesdames et Mes-sieurs!..... Excusez-moi de me présenter seul. Je suis le Prologue. Puisque l’auteur fait revivre les masques de l’ancienne comédie, il veut aussi reprendre les anciens usages de la scène, et c’est pourquoi il m’envoie. »

Remarquez que se présenter comme une allégorie dans un opéra qui se veut proche de la « vérité » est contradictoire. Mais aussi vériste que cela puisse paraître, l’opéra reste fondamentalement une forme artificielle.Puis son texte est un véritable manifeste de l’opéra vériste (cf. page 22) : le compositeur n’a d’autre but que la mise en musique de la réalité de la vie quotidienne des plus humbles et nous, le public, nous sommes censés assister à une « histoire vraie » dont les protagonistes sont des êtres de chair et de sang.

ÉCOUTE PISTE 14

TONIO :S’il vous plaît! Permettez! Mesdames et Messieurs!..... Excusez-moi de me présenter seul. Je suis le Prologue. Puisque l’auteur fait revivre les masques de l’ancienne comédie,Il veut aussi reprendre les anciens usages de la scène, Et c’est pourquoi il m’envoie.Mais non pour vous dire, comme avant : «Les larmes Que nous versons sont fausses!De nos angoisses

Et de nos martyres, Ne vous alarmez point!»Non! L’auteur a plutôt cherché à peindre une tranche de vie.Il a pour seule maxime que l’artiste est un homme, Et que c’est pour les hommes qu’il doit écrire. Et s’inspirer de la vérité. (…..)

SUR SCÈNEAvant l’intervention du Prologue, l’entracte sera déjà une oc-casion de mise en scène pour Serena Sinigaglia (metteure en scène) : « il n’y aura pas de rideau et vous verrez alors tous les changements de décors et d’accessoires. » Nous ferons ce que nous appelons dans le théâtre : « des change-ments à vue ». La première image que vous verrez sera un simple tréteau typique de la commedia dell’arte. Tous les drapés du dé-cor précédent d’Emma Dante seront retirés pour laisser place au soleil, à la lumière vive de la Calabre, à son sol sec et aride.La mise en scène pour cette entrée du Prologue musical in-carné par Tonio sera l’absence de mise en scène (la recherche du vrai chère au vérisme) : un homme « en 2018 » de manière très réaliste en répétition, chantera en s’adressant au public lors d’un changement de décor au Grand Théâtre de Genève (Opéra des Nations)

2. RÉSUMÉ - Acclamations de joieActe I, un village de Calabre, le jour de l’Assomption. Les villageois se réjouissent d’accueillir Canio et sa troupe ambulante pour une représentation à la nuit tombée.

ÉCOUTE PISTE 15

PAYSANS : « Ils sont là ! Ils reviennent ! Ils sont de retour ! …. Vive Paillasse ! Vive Paillasse ! »

QUELQUES THÈMES CLEFS À SE METTRE DANS L'OREILLE I PAGLIACCI

*Vers 1650, l’opéra baroque italien commence, avant d’entrer dans le vif du sujet, par un prologue. Celui-ci met en scène des allégories. Celles-ci permettent de personnifier les idées – l’Espérance, la Vertu, la Fragilité humaine, la Fortune, l’Amour, etc. Souvent ces personnages ne sont là que pour éveiller l’intérêt en faisant allusion au sujet de l’oeuvre, voire à son dénouement. En faisant chanter le prologue comme un personnage s’adressant au public, le compositeur utilise encore ce procédé et le détourne avec humour.

Théatre de tréteaux se référant au théâtre de rue du XVIIème siècle

17CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

QUELQUES THÈMES CLEFS À SE METTRE DANS L'OREILLE I PAGLIACCI

SUR SCÈNEla foule est là pour acceuillir la troupe de comédien.La fiction théâtrale commence ici: nous sommes plongés dans les années 1940-50, dans le climat sec et aride de la Calabre et dans l’atmosphère inspiré par le cinéma néo-réaliste (cf page 15)

3. RÉSUMÉ - la prémonition« Grand spectacle à vingt-trois-heures, préparé par votre humble et dévoué serviteur ! » crie Canio pour annoncer le spectacle. La publicité terminée, les artistes s’installent.

Si la mise en scène le met bien en exergue, vous ver-

rez alors dans cette petite scène totalement anodine, se cacher déjà tout le drame de l’opéra : Tonio cherchant à aider Nedda à sortir de la voiture, se fait gifler par Canio. Tonio, vexé, jure de se venger. Les villageois quant à eux se moquent de Canio en insinuant que Tonio courtise Nedda ! Canio les prévient ouvertement : contrairement au théâtre où tout finit bien, quiconque touchera à sa femme le paiera de son sang.

ÉCOUTE PISTE 16

CANIO Un tel jeu, croyez-moi,il vaut mieux ne pas le jouer avec moi, mes chers,et c’est à Tonio et un peu à vous tous que je parle !Le théâtre et la vie, ce n’est pas la même chose ;Et si là, Paillassesurprend sa femmeavec un galant dans sa chambre,il lui fait un sermon comiquepuis se calme et se rendau coup de bâton !Et le public applaudit,riant allègremenet !Mais, si vraiment je surprenais Nedda,l’histoire finirait autrement,aussi vrai que je vous parle !----silence---Un tel jeu, croyez-moiil vaut mieux ne pas le jouer !

NEDDA (à part)Je suis confuse !

4. RÉSUMÉ - L'amour est un oiseau libreLes cloches sonnent les Vêpres : la foule se disperse, Nedda reste seule. Elle ne peut masquer son effroi après les mena-çantes paroles de son mari : « Quelle flamme il avait dans le regard ! J’ai dû baisser les yeux de peur qu’il n’y lise ma pensée secrète ! ». Mais très vite elle chasse ses pensées sombres pour laisser place à l’expression de ses sentiments amoureux pour Silvio. Nedda est amoureuse et fait l’apo-logie de la liberté grâce à cette métaphore sur les oiseaux : "Laissez-les vagabonder dans l’atmosphère, ces assoiffés d’azur et de splendeurs : eux aussi suivent un songe, une chimère et ils vont parmi les nuages d’or !"

5. RÉSUMÉ - la drague de TonioÉpié par Tonio, Nedda interrompt son chant. Subjugué par son charme, Tonio lui déclare son amour et sera cruellement raillé par la belle jeune femme.

Exemple de la maquette des costumes dans le style cinématographique néo-réaliste italien des années 1940-50

L’atmosphère sera inspirée de celle d’un village de cam-pagne de la Calabre : sol aride, soleil brulant, herbes sèches. La touche spéciale apportée par Serena Sinigaglia (met-teure en scène) sera la présence de couleur noire sur l’herbe, comme si le soleil l’avait littéralement brûlée. Ce noir est un rappel de l’atmosphère du décor d’Emma Dante dans Cavalleria rusticana, dont le sol est encore présent.

18 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

I PAGLIACCI QUELQUES THÈMES CLEFS À SE METTRE DANS L'OREILLE

ÉCOUTE PISTE 17Écoutez, dans ce duo, comme le ton monte entre les deux personnages : déclaration d’amour, raillerie, menaces, colère, cri !

TONIOTu ne sais combien de pleurs m’arrache la douleur !Ne ris pas, non !J’ai subi ton charme, l’amour m’a vaincu ! Nedda !C’est ici que je veux te direet tu m’écouteras, que je t’aime et te désire, et que tu seras à moi !Je veux t’embrasser !Tu te moques malheureuse !Ah ! Par la sainte Vierge Sainte de l’Assomption, Nedda,je jure que te me le paieras !

NEDDAHa ! Ha ! Ha !Eh ! dites, maître Tonio !Le dos vous démange-t-il aujourd’hui ?Ha ! Ha ! Ha !Tu peux épargner tous tes discours…Des menaces ? Tu veux que j’aille appeler Canio ?Fais attention !Misérable !Serpent ! Va-t-en !

6. RÉSUMÉ - Silvio et Nedda foreverC’est alors que paraît Silvio, un jeune paysan devenu l’amant de la jeune femme. Après une longue hésita-tion tous deux décident de fuir après la représentation.

ÉCOUTE PISTE 18Écoutez la fin de leur duo d’amour rempli d’étreinte et de douceur :

NEDDA & SILVIOOublions tout !Regarde dans mes yeux ! Embrasse-moi !_Tu viendras ?_Oui. Embrasse-moi !_Je t’aime !

7. RÉSUMÉ - Ciel ! Mon mari !Mais Tonio a surpris leur conversation et par vengeance, s’empresse d’aller informer Canio de ce qui se trame dans son dos. Ce dernier accourt au campement, entend les derniers mots échangés par les deux amants, mais

ne peut rattraper le garçon qui s’enfuit par les champs. Nedda ne doit alors son salut qu’à Beppe qui empêchent Canio de la frapper violemment. Tonio souffle une meil-leure idée à son patron : attendre la représentation où Sil-vio sera certainement présent et se trahira par un geste ou un regard déplacé.

ÉCOUTE PISTE 19Écoutez comme Canio, dans cette scène rude au texte cinglant et cru, chante avec violence « Il nome ! » («le nom » de l’amant qu’il n’obtiendra jamais de la bouche de sa femme…)

CANIOToi, par le père éternel !Et en ce moment je ne t’ai pas encore égorgéec’est qu’avant de salir dans ton sang pourri, dévergondée,cette lame, je veux son nom !Parle !!NEDDAL’insulte est vaine.Mes lèvres resteront muettes.CANIOLe nom, le nom, ne tarde pas femme !BEPPEPatron ! Que faites-vous !Pour l'amour de Dieu !Allez, allez, calmez-vous !CANIOLaisse-moi Beppe !Le nom ! Le nom !Infamie !

8. RÉSUMÉ - L'air de PaillasseÉmouvant, pathétique voici un des airs les plus réputés et les plus célèbres dans le monde de l’opéra toutes époques confondues. Canio va devoir monter sur scène, faire rire le public alors qu’il ne pense qu’à pleurer. Mais la torture ne s’arrête pas là, car l’ironie du sort veut qu’il rejoue sur scène son propre drame qui va faire rire la foule. « Ris paillasse de la douleur qui t’empoisonne le cœur » se chante-t-il à lui-même…

ÉCOUTE PISTE 20Le début de cet air est comme un dialogue que Canio se fait à lui-même dans le délire de sa douleur. Les mots sont entrecoupés (soulignés dans le texte) dans un rythme respectant le parlé.Ensuite Canio passe de la tristesse à la colère, puis du désespoir aux pleurs. Le moment fort de cet air arri-vera sur les paroles colorées en bleu. Vous retrouverez

19CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

QUELQUES THÈMES CLEFS À SE METTRE DANS L'OREILLE I PAGLIACCI

SUR SCÈNEVisuellement, pendant l’air de Canio, des paysans couperont à la faux les grandes herbes devant la scène, afin de créer un espace pour acceuillir les chaises des spectateurs. Ce choix n’est pas gratuit car la faux est l’outil symboliquement associé à la Mort (personnage squelettique tenant une faux dans les mains), aussi appelée la Faucheuse de vies. C’est une prémonition certaine.

alors le thème du rire douloureux de Paillasse (cf piste 1).

CANIOJouer !Alors que brûlant de délireJe ne sais plus ce que je dis ni ce que je fais !Et pourtant il le faut, force-toi !Bah ! Si tu étais un homme !Mais tu n’es qu’un Paillasse !

Enfile ton costume et enfarine-toi la figure.Le public paie et il veut rire.Et si Arlequin te vole Colombine,Ris Paillasse, et chacun t’applaudira !Transforme en rire ton chagrin et tes larmes,en une grimace tes sanglots et ta douleur !Ha ! Ris Paillasse, de ton amour brisé !Ris de la douleur qui t’empoisonne le cœur !

Dans cette maquette du décor, on peut voir les paysans coupant l’herbe pour faire de la place, et à la fois, une ambiance macabre rappelant la Mort qui fauche les vies.

« La grande faucheuse » de Nikolai A.Tarkhov

20 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

ACTE 2 – LA COMÉDIE

L’acte 2 n’est que la mise en abyme de l’acte 1. L’effet produit un bel effet car le premier acte semble être devenu pour nous la réalité et le deuxième acte une comédie.

Tonio presse les spectateurs de s’asseoir. Nedda, qui encaisse les billets, met discrètement en garde Silvio.

Le rideau se lève : la jeune femme joue le rôle de Colombine.

Colombine (Nedda), restée seule en l’absence de son mari Paillasse (Canio), écoute la sérénade d'Arlequin (Beppe). Mais à la place de son amant, c’est Taddeo (Tonio) qui paraît sur le pas de la porte. Celui-ci fait une cour si empressée à la belle qu’elle appelle à l’aide Arlequin. Il le chasse à coup de pied pour la plus grande joie du public. Puis il remet à sa maîtresse une bouteille de vin et un somnifère destinés à son mari afin que les deux puissent s’enfuir tranquillement.

Alors que Paillasse (Canio) entre en scène, ces derniers se séparent. Le mari trompé surprend la même phrase échangée par Nedda et Silvio dans l’acte 1 ce qui le trouble profondément.

La confrontation théâtrale qui s’ensuit dérape car Canio cherche en réalité à connaître le nom de son vrai rival. Nedda tente en vain de ramener son époux à la comédie initiale. Le public, qui ne perçoit pas le double langage, est saisi par le réalisme du jeu des acteurs. Canio ne parvient bientôt plus à se maîtriser et sort son couteau… « La commedia è finita. » Rideau.

I PAGLIACCI - ACTE 2

21CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

VÉRISME1. UN COURANT LITTÉRAIRE ET MUSICAL

À la fin du XIXème siècle en Europe de nombreux courants esthétiques s’opposent, se croisent ou se mélangent, romantisme, symbolisme, naturalisme, vérisme… Issu du réalisme, le naturalisme donnera nais-sance au vérisme musical. Dans les dernières décennies du XIXème siècle, les auteurs cherchent à introduire dans les romans la méthodologie des sciences humaines et sociales, telles que Claude Bernard les a appliquées à la médecine. Zola s’inspire des travaux du Docteur Claude Bernard (1813 – 1878) sur l’hérédité pour créer les person-nages pour son œuvre les Rougon Maquart. Avant de rédiger le premier roman, l’auteur a élaboré un arbre généalogique et une description à connotation scien-tifique, de chaque personnage : pour Jacques Lantier, on lit : « Né en 1844, mort en 1870 d’accident. Ressem-blance physique du père. Hérédité de l’alcoolisme se tournant en folie homicide. État de crime. Mécanicien ». La démarche naturaliste de Zola établit une conti-nuité entre science et littérature.

2. LE VÉRISME LITTÉRAIRELe vérisme est un mouvement littéraire et artistique italien du XIXème siècle, héritier du naturalisme fran-çais (Zola) et dont Govanni Verga (1840-1922) était le maître incontesté en Italie.

Exigences du style :

1 - Délaisser l’histoire, la légende et le mythe, ainsi que le monde passionnel qui prenait appui sur des situa-tions extraordinaires et des personnages hors du com-mun, pour se rapprocher d’un monde plus familier, à l’image de celui que le public contemporain pouvait connaître.

2 - Mettre sur scène des catégories sociales qui aupa-ravant n’y avaient pas accès (sauf dans des genres « inférieurs » comiques) .

3 - De programme avait en général une valeur polé-mique et visait soit à donner la parole aux oubliés de l’histoire et de la société, soit à proposer une véritable critique qui dénonce les injustices de la société.

4 - Dans ce courant littéraire et musical, fini la recherche du sens moral, du devoir, du triomphe du destin ! C’est la vie quotidienne (manger, se chauffer,

payer son loyer...) qui constitue la valeur dramatique de l’action, dénuée d’intrigue à proprement parler. Le bonheur n’est plus lié à la quête d’un idéal de grandeur mais il est fragile, éphémère et menace de s’éteindre à chaque instant.

3. LE VÉRISME MUSICALEn musique, l’opéra vériste fait coïncider un théâtre réaliste avec une musique à émotion brute. Afin de faire le plus grand effet possible (retournements de situation spectaculaires, suspens haletant, issue tra-gique) la musique se charge d’exprimer passions vio-lentes et sentiments exacerbés. La musique veut toucher le cœur de l’auditeur et faire vibrer sa corde sensible !Le chant orné est délaissé au profit de lignes vocales plus tendues. On note également des inspirations tirées de la musique populaire.

4. CAVALLERIA RUSTICANA ET I PAGLIACCI : METTRE EN MUSIQUE « UNE TRANCHE DE VIE »Cavalleria rusticana - Littéralement « chevalerie rus-tique » - apparaît donc comme le premier opéra vériste et deux années plus tard I Pagliacci finira par enfoncer définitivement le clou.

Un héros, un homme comme tout le mondeRappelons que les héros véristes sont des hommes du peuple ; Ils font partie des gens modestes. Il s’ins-crivent ainsi aux antipodes du héros mythique de type wagnérien. L’opéra transpose chez des gens simples les éléments qu’on retrouvait auparavant dans les drames ayant de hautes personnalités.

« Il ne s’agit plus d’inventer une histoire compliquée, d’une invraisemblance dramatique qui étonne le lecteur ; il s’agit uniquement d’enregistrer des faits humains (…) Le premier homme qui passe est un héros suffisant, fouillez en lui et vous trouverez certainement un drame simple qui met en jeu tous les rouages des sentiments et des passions ». Emile Zola (1840-1902)

Mode d’emploiPagliacci, va encore plus loin car il donne un véritable mode d’emploi de l’opéra vériste dans le fameux Pro-logue : le compositeur n’a d’autre but que la mise en musique de la réalité de la vie quotidienne des plus humbles et nous, le public, nous sommes censés assis-ter à une « histoire vraie » dont les protagonistes sont des êtres de chair et de sang.

22 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

5. POURQUOI JOUER EN MÊME TEMPS CAVALLERIA RUSTICANA ET I PAGLIACCI ?

Des raisons pratiques …« Cav and Pag » c’est ainsi que les amateurs d’opéra ont pris l’habitude de désigner les deux ouvrages jumeaux depuis que le Metropolitan Opera de New-York a pris l’initiative de les faire représenter ensemble un soir de 1895 parce que chacun d’eux était trop court pour remplir à lui seul une soirée. Ce rapprochement dont il n’y a pas d’autre exemple est devenu presque systématique bien qu’il ne résulte d’aucune stratégie concertée de la part des deux compositeurs, Mascagni et Leoncavallo.

Une étrange ressemblance…Pourtant, au-delà des raisons purement pratiques évoquées ci-dessus, presque tout semblait destiner « Cav and Pag » à devenir les deux frères inséparables du répertoire lyrique. Composés à deux ans d’intervalle, ces deux drames de la jalousie présentent d’évidentes similitudes de construction et de style.

Ils ont comme points communs :

• Le même cadre et la même terre de l’Italie du sud aux paysans rudes et intransigeants sur l’honneur• Ils sont une tentative de renouveau du genre lyrique : le « vérisme musical » qui puise son origine dans la litté-

rature italienne de la fin du XIXème siècle. • Ils jettent les bases de ce « vérisme » musical qui veut raconter « une tranche de vie ». Le chant restitue les

déchirements de la passion dans une sorte d’emportement lyrique « naturel » dont les éclats auront la force du sentiment « vécu ».

• Ils réinventent l’opéra après le règne sans partage de Verdi et l’écrasante présence de Wagner en abandon-nant les lieux du pouvoir et le monde symbolique de la mythologie pour suivre les sentiers escarpés de la vie paysanne.

6. MASCAGNI & LEONCAVALLO, UN FABULEUX DESTIN : DE L’OMBRE À LA LUMIÈRETout comme dans « The Voice », Mascagni grâce à un concours de composition a vécu un conte de fées : il est passé de l’ombre à la lumière, de l’anonymat le plus total au succès fulgurant et international.

Mascagni en lisant par hasard la revue du Giornale illustrato apprend que s’ouvre un concours pour la création d’un opéra en un acte, qui sera publié par l’éditeur Sonzogno de Milan. Pour gagner il faudra composer un opéra en un acte respectant le meilleur de la tradition italienne sans toutefois méconnaître les nouvelles perspectives de l’art lyrique… Mascagni travailla jusqu’à seize heures par jours et la partition sera envoyée quelques jours avant la date limite fixée à mai 1889.

Triomphe immédiat et absolu ! À 26 ans, Mascagni rentre dans l’histoire ! À l’issue de la première représentation le 17 mai 1890, l’heureux compositeur de Cavalleria rusticana est rappelé soixante fois sur la scène du Teatro Costanzi de Rome où il reçoit les ovations d’un public littéralement déchaîné. Son opéra s’impose sur les scènes du monde entier Madrid, Munich, Buenos-Aires, Vienne, Paris, New-York… Toutes les maisons d’opéra voudront produire Cavalleria rusticana !

Et moi aussi ! Deux ans après ce triomphe, Leoncavallo envie la situation de Mascagni, d’autant qu’il a du mal à vivre de son art. Il voit immédiatement un exemple à suivre dans la réussite de Mascagni : « (…) Après le succès de Cavalleria rusticana de Mascagni je perdis patience et, je me reclus chez moi, désespéré mais décidé à livrer une dernière bataille, et en cinq mois j’écrivis le livret et la musique de ce Paillasse… » Fort heureusement, le directeur du concours, l’éditeur Sonzogno « acheta mon opéra après la seule lecture du livret ». Le 21 mai 1892, l’œuvre est créée et ce drame violent dominé par la jalousie, calqué en tout point sur le modèle de son grand frère, Cavalleria Rusticana de Mascagni, est un triomphe.

23CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

BIOGRAPHIES

Mascagni naît à Livourne en 1863. Son père est boulanger, et sa mère meurt alors qu’il est encore très jeune. Son père veut qu’il aille étudier le droit, mais Pietro va étudier la musique au conservatoire de Milan où il a Ponchielli comme professeur et Puccini comme condisciple. Puis il abandonne ses études et devient le directeur d’une petite troupe d’opérette. Il s’installe dans une petite ville, Cerignola, où il devient professeur de musique et chef du petit orchestre local. Le jeune compositeur vit dans une relative pauvreté jusqu’à sa victoire au concours Sonzogno avec son opéra le plus célèbre : Cavalleria rusticana (1889), d’après une histoire de Giovanni Verga. C’est le jour où il a commencé ce petit opéra que sa première fille est née. Ce bonheur conjugal lui donne la force d’écrire cette œuvre en une vingtaine de jours. Cavalleria est représenté en 1890 et en moins d’un an, Mascagni est célèbre dans le monde entier.

C’est la première manifestation du vérisme musical. Suivent d’autres opéras, dont les plus célèbres furent : L’Amico Fritz (1891) et Iris (1898), considéré comme son meilleur opéra, encore joué en Italie. On mentionnera également : Gugliemo Ratcliff (opéra commencé avant Cavalleria rusticana, terminé après), Zanetto, Amica, Il Piccolo Marat et Néron, plus une petite opérette : Si.

Mascagni mena également une brillante carrière de chef d’orchestre. Il prononça l’éloge funèbre de son ami Puc-cini lorsque celui-ci mourut prématurément en 1924. Il décède à Rome en 1945, après une vieillesse qui ternit l’image qu’il légua à la postérité, le compositeur septuagénaire étant devenu un proche de Benito Mussolini, qui le nomme par décret, en 1929, parmi les premiers membres de l’Académie d’Italie, créée trois ans plus tôt.

Pietro Mascagni (1863-1945)Compositeur

24 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CAVALLERIA RUSTICANA / I PAGLIACCI

BIOGRAPHIES

Si le nom de Ruggero Leoncavallo reste attaché à l’opéra Pagliacci (Paillasses), considéré comme un manifeste du vérisme, sa biographie est truffée de légendes qu’il a lui-même fabriquées.

De manière certaine, on sait qu’il est fils de magistrat, qu’il a étudié au conservatoire de Naples, qu’il a suivi à Bologne les cours du poète Giosuè Carducci, qu’il a voyagé en Égypte avant d’arriver à Paris où il a joué du piano pour gagner sa vie dans les cafés-concerts. À Paris, Leoncavallo se lie d’amitié avec Jules Massenet et le baryton Victor Maurel. Il commence alors à rédiger des livrets en s’inspirant de modèles littéraires (il avait déjà écrit Chatterton en 1866), mais c’est seulement en 1892 qu’éclatera son talent avec Pagliacci, un succès universel qui lui ouvrira de nombreux horizons. Également l’auteur d’une Bohème (1897) le succès lui sera confisqué au profit de la version de Puccini.

Leoncavallo a abordé d’autres genres : opérette et drame musical. L’artiste reçoit parfois des commandes de Guil-laume II, comme Der Roland von Berlin (1904), et il se lance dans la composition d’opérettes avant de renouer avec son style initial pour Œdipe Roi (1920) qui est créé de façon posthume. Il fait partie de la Giovane Scuola, groupe fondé en 1890 qui réunit des compositeurs tels que Puccini, Giordano, Cilea, Franchetti.

Ruggero Leoncavallo (1857 - 1919)Compositeur

ATELIERS ARTISTIQUES CAVALLERIA RUSTICANA/I PAGLIACCIAu Grand Théâtre de Genève

Immersion des classes dans le théâtre des émotions.Pour donner un avant goût du spectacle, le Service pédagogique vous emmène dans un atelier combiné : maquillage et théâtre. La jalousie et le drame règnent en maîtres dans ces deux opéras. Il s'agira pour les élèves à travers la transforma-tion du visage grâce au maquillage d’exprimer les « côtés obscurs » du cœur humain : vengeance, jalousie, trahison, colère, mensonge, violence ! Puis grâce à des scènes choisies dans la Cavalleria Rusticana et I Pagliacci, de plon-ger au cœur des violentes turbulences des sentiments qui conduisent les protagonistes des deux opéras véristes vers le drame et l’acte irréversible : la mort. Le pari sera ensuite de réaliser des tableaux vivants. Le but sera de faire travailler l'expression des corps et des visages aux élèves maquillés et costumés pour créer des tableaux, des images fortes, évoquant les situations des opéras où jalousie, crime, angoisse, vengeance, meurtre sont représen-tés. Les tableaux ainsi travaillés et mis en espace, seront alors pris en photo. Des compositions quasi picturales de moments choisis dans les deux opéra pourront être ainsi mises sur pied, avec toute la richesse du vocabulaire iconographique : personnifications allégoriques (beauté, vanité, orgueil, vérité, richesse) personnages stéréotypés, postures, costumes ou attributs, et de la photo : premier, second plan, fond, éléments détachés, groupés, mise en abîme, symbolique, etc.