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Du 30 novembre au 11 décembre 2015 se tiendra à Paris la 21ème Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Très attendue, cette conférence vise un accord international juridiquement contraignant sur le climat, applicable à tous les pays à partir de 2020, dans l’espoir de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C d’ici 2100. Il est essentiel que cet accord permette à la fois de lutter contre les dérèglements climatiques tout en répondant aux besoins de développement des pays les plus démunis et les plus exposés aux impacts des changements climatiques. L’Afrique est le continent le plus touché par les conséquences dévastatrices des changements climatiques et où les conditions climatiques changent le plus rapidement : pluies tardives, inondations, sécheresses récurrentes et érosion côtière sont déjà des réalités quotidiennes qui affectent - parmi d’autres - la sécurité alimentaire, l’agriculture vivrière, l’accès à l’eau, la pêche, la santé, les économies locales et l’accès à l’éducation. Ce faisant, les impacts et les causes des changements climatiques aggravent des inégalités existantes et remettent en cause le respect de droits sociaux, environnementaux et humains. Pire, les solutions parfois mises en avant sont aussi sources d’injustice : déplacement de population, insécurité alimentaire, violation de droits communautaires et autochtones, vulnérabilité accrue des femmes. L’Afrique est par ailleurs un des continents les moins émetteurs de gaz à effet de serre et dont les besoins en énergie augmentent chaque année. Il est essentiel de trouver une solution pour l’Afrique qui réponde à la fois à la crise énergétique et à la crise climatique que subissent les populations. Malheureusement, les financements pour accompagner l’adaptation, la transition énergétique et le développement durable des pays les plus pauvres manquent à l’appel aujourd’hui – des promesses non-tenues et insuffisantes aux instruments financiers inadaptés. Plus généralement, les priorités et besoins des populations africaines ne sont pas non plus au cœur des discussions. L’accord de Paris ne pourra pas à lui seul répondre à tous ces enjeux mais apporter certaines réponses. Premièrement, l’accord doit de toute urgence accélérer les efforts pour éliminer les causes des changements climatiques et ainsi, limiter les impacts du réchauffement climatique sur les pays les plus vulnérables. L’accord doit également apporter des solutions pour le développement durable des pays les plus démunis – garanties financières, solutions et technologies adaptées, créatrices d’emploi et génératrices de revenu. Le Réseau Climat & Développement, qui rassemble 73 associations africaines francophones, sera mobilisé tout au long de 2015 pour rappeler que justice sociale, lutte contre la pauvreté et lutte contre les changements climatiques doivent aller de pair. Le Réseau Climat & Développement rassemble 73 associations francophones, principalement africaines, qui travaillent à l’articulation entre changement climatique et développement. Retrouvez-nous ici : www.climatdeveloppement.org

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Du 30 novembre au 11 décembre 2015 se tiendra à Paris la 21ème Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Très attendue, cette conférence vise un accord international juridiquement contraignant sur le climat, applicable à tous les pays à partir de 2020, dans l’espoir de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C d’ici 2100. Il est essentiel que cet accord permette à la fois de lutter contre les dérèglements climatiques tout en répondant aux besoins de développement des pays les plus démunis et les plus exposés aux impacts des changements climatiques.

L’Afrique est le continent le plus touché par les conséquences dévastatrices des changements climatiques et où les conditions climatiques changent le plus rapidement : pluies tardives, inondations, sécheresses récurrentes et érosion côtière sont déjà des réalités quotidiennes qui affectent - parmi d’autres - la sécurité alimentaire, l’agriculture vivrière, l’accès à l’eau, la pêche, la santé, les économies locales et l’accès à l’éducation. Ce faisant, les impacts et les causes des changements climatiques aggravent des inégalités existantes et remettent en cause le respect de droits sociaux, environnementaux et humains. Pire, les solutions parfois mises en avant sont aussi sources d’injustice : déplacement de population, insécurité alimentaire, violation de droits communautaires et autochtones, vulnérabilité accrue des femmes.

L’Afrique est par ailleurs un des continents les moins émetteurs de gaz à effet de serre et dont les besoins en énergie augmentent chaque année. Il est essentiel de trouver une solution pour l’Afrique qui réponde à la fois à la crise énergétique et à la crise climatique que subissent les populations.

Malheureusement, les financements pour accompagner l’adaptation, la transition énergétique et le développement durable des pays les plus pauvres manquent à l’appel aujourd’hui – des promesses non-tenues et insuffisantes aux instruments financiers inadaptés. Plus généralement, les priorités et besoins des populations africaines ne sont pas non plus au cœur des discussions. L’accord de Paris ne pourra pas à lui seul répondre à tous ces enjeux mais apporter certaines réponses. Premièrement, l’accord doit de toute urgence accélérer les efforts pour éliminer les causes des changements climatiques et ainsi, limiter les impacts du réchauffement climatique sur les pays les plus vulnérables. L’accord doit également apporter des solutions pour le développement durable des pays les plus démunis – garanties financières, solutions et technologies adaptées, créatrices d’emploi et génératrices de revenu.

Le Réseau Climat & Développement, qui rassemble 73 associations africaines francophones, sera mobilisé tout au long de 2015 pour rappeler que justice sociale, lutte contre la pauvreté et lutte contre les changements climatiques doivent aller de pair.

Le Réseau Climat & Développement rassemble 73 associations francophones, principalement africaines, qui travaillent à l’articulation entre changement climatique et développement.

Retrouvez-nous ici : www.climatdeveloppement.org

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Les réalités observées en Afrique et ailleurs montrent bien que les impacts des changements climatiques représentent une menace majeure pour les droits humains, et en particulier pour les personnes vivant déjà dans la pauvreté, dont 70% sont des femmes. En raison des inégalités sociales et de genre et des rôles socialement construits, les femmes sont particulièrement touchées par les impacts des changements climatiques sur l’eau, les produits de la forêt, l’agriculture, la pêche, etc. Cependant, elles jouent aussi un rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques en apportant des solutions concrètes, surtout à l’échelle communautaire, grâce à leurs connaissances, expériences et leur rôle productif dans la vie de la communauté. Pour lutter efficacement contre les changements climatiques, il est impératif à la fois de tenir compte des vulnérabilités

spécifiques des femmes mais également d’en faire des vectrices du changement et de les inclure dans les processus de décision. Comme l’a récemment appelé de ses vœux la Secrétaire d’Etat française chargée des Droits des Femmes Pascale Boistard lors de la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme, l’accord de Paris doit faire des femmes le cœur de la solution et de l’action, tout en protégeant leurs droits.

« Les femmes sont au cœur de la solution et d’une action climatique égalitaire et efficace »

Zenabou Segda, WEP Burkina

Les changements climatiques constituent l’une des principales menaces à l’encontre des droits humains de notre époque. Pourquoi ? Car l’inaction renforce les inégalités entre ceux qui sont responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine de ces changements et ceux qui sont les plus exposés face aux impacts et qui ont pourtant le moins de ressources pour s’y adapter. Pire, certaines « solutions » mises en avant par la communauté internationale et les multinationales contribuent à dégrader ou même violer les droits humains : agrocarburants, OGM, grands barrages hydroélectriques, extraction minières et marchés carbone contribuent à déplacer les populations, accaparer les terres des paysans, détruire les forêts qui sont les lieux de vie de communauté et ainsi, renforcer l’insécurité alimentaire et la pauvreté. Dans ce contexte, l’accord de Paris doit impérativement renforcer la défense et la promotion des droits humains (droit au développement, à la santé, à l’alimentation, à l’eau, au logement, à l’accès à l’énergie, à l’éducation, au travail, droit de disposer d’un territoire national, droit à l’égalité des chances et à la justice sociale). Un tel accord permettrait de mettre en place des politiques

climatiques plus efficaces et mieux acceptées tout en protégeant et en améliorant la situation des populations les plus vulnérables ou marginalisées, en particulier des femmes et des peuples indigènes.

François Hollande a rappelé la déclaration sur les droits universels adoptée à Paris en 1948 et dit vouloir « entraîner le monde pour qu’il puisse adopter à son tour une déclaration pour les droits de l’humanité pour préserver la planète ». Y arriver suppose à la fois d’inscrire ces droits dans l’accord de Paris ET de s’assurer que les décisions prises et actions de lutte contre les changements climatiques ne viennent pas les contredire.

« Nous ne pourrons pas relever le défi climatique sans relever, en même temps, celui des droits humains »

Hindou Oumarou Ibrahim, AFPAT Tchad

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Les liens entre agriculture, alimentation, nutrition et dérèglements climatiques sont de plus en plus évidents. Les derniers rapports du GIEC en attestent largement. L’adaptation du secteur agricole, notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne, est un enjeu clé pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations. La production agricole y sera nettement plus affectée que celle des pays développés, et la population y est beaucoup plus vulnérable. Les projections scientifiques sont alarmantes : si rien n’est fait, la malnutrition chronique infantile augmentera de 23% en Afrique subsaharienne et de 62% en Asie du Sud d’ici 2050, sans compter le fait que près de 600 millions de personnes supplémentaires souffriront de sous-alimentation d’ici à 2080…

Pourtant, la sécurité alimentaire et nutritionnelle peine à être prise en compte au sein de la CCNUCC et les quelques références

explicites pourraient disparaître du futur accord qui sera soumis à la signature des chefs d’Etats en décembre 2015 à Paris. Il est, dès lors, essentiel non seulement de conserver les références à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans l’accord de Paris, mais surtout de les renforcer, afin d’être sûr que les politiques futures bénéficient en premier lieu aux agricultures familiales du monde et à des pratiques agro-écologiques, pouvant assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations les plus vulnérables.

« Un accord réussi sur le climat, c’est un accord qui renforce la sécurité alimentaire et nutritionnelle »

Ali Bonguere, EDER Niger

L’Afrique souffre déjà quotidiennement des impacts du changement climatique. Inondations, sécheresses à répétition et érosion côtière affectent la sécurité alimentaire, l’agriculture vivrière, l’accès à l’eau, la pêche, les économies locales et la santé. Il est indispensable et urgent de planifier l’adaptation dans les politiques et stratégies nationales et d’investir dans la gestion et la prévention des risques de catastrophes, les systèmes d’alerte précoce, dans des infrastructures résistantes face aux aléas climatiques, des pratiques agricoles plus résilientes. En l’absence de politiques d’adaptation ambitieuses, les pays et les communautés subiront de graves pertes et dommages irréversibles, humaines et économiques. Un rapport du PNUE de 2014 sestime que les coûts d’adaptation dans l’ensemble des pays en développement pourraient atteindre 250 à 500 milliards de dollars par an d’ici à 2050. Malheureusement, les politiques d’adaptation continuent trop souvent d’être élaborées en marge des politiques de développement et sont sous-financées, faute de

ressources domestiques pour les mettre en œuvre. En Afrique, l’adaptation ne représente que 25% des financements climat déboursés par les bailleurs internationaux et reste marginale dans l’Aide Publique au Développement alors qu’elle constitue une priorité pour le continent. Dans ce contexte, l’accord de Paris doit impérativement permettre de répondre – enfin - aux besoins d’adaptation des pays les plus vulnérables et les plus pauvres et ainsi garantir leur accès à un développement résilient, à la sécurité alimentaire et moins de pauvreté. La solution ? Faire de l’adaptation un pilier de l’accord de Paris et accompagner financièrement les pays en développement, en particulier les moins avancés.

« En dépit des nombreuses catastrophes climatiques, l’adaptation reste systématiquement le parent pauvre des politiques climat. Il faut donner les moyens à l’Afrique d’en faire une priorité »

Moutari Abdoul Madjid, Demi-E Niger

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Avec un réchauffement de seulement 2°C, la Banque Mondiale estime le coût mondial de l’adaptation dans la fourchette de 70 à 100 milliards de dollars par an entre 2010 et 2050. Le PNUE note qu’à cause des impacts des changements climatiques actuels et inévitables, l’Afrique doit déjà supporter des coûts d’adaptation de 7 à 15 milliards de dollars par an d’ici 2020. Sans investissements immédiats et massifs dans les pratiques d’adaptation, les dommages économiques et humains seront très coûteux. Sans investissements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts des changements climatiques se démultiplieront. Malheureusement, les financements publics pour le climat, notamment pour l’adaptation à ses impacts, continuent de manquer cruellement malgré les belles promesses des pays développés et des besoins croissants et

additionnels. Il sera difficile de signer un accord mondial à Paris qui ne répond pas aux besoins et urgences des pays les plus affectés.

Dans ce contexte, l’accord de Paris doit impérativement trouver une solution financière adaptée, publique, et fonction des besoins pour aider les pays les plus démunis et les plus vulnérables à faire face.

« Sans financements climat, les pays les plus pauvres ne pourront pas faire face et les conséquences seront inimaginables »

Maiga Mouhamadou Farka, Amade Pelcode Mali

Un des obstacles majeurs au développement durable de l’Afrique reste la précarité et la pauvreté énergétique. Paradoxe, alors qu’un énorme potentiel en efficacité énergétique et en énergies renouvelables, abordables pour les ménages, et sans impacts sur les changements climatiques existe, l’Afrique continue de dépendre des énergies les plus rares et chères qui plombent d’année en année son économie. Aujourd’hui, l’Agence Internationale de l’Energie confirme que seuls 14% de ménages africains ont accès à l’électricité et ceux-ci sont très majoritairement situés en zone urbaine.Or, en Afrique, l’investissement dans le secteur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables est une opportunité de création d’emplois, d’économie locale, et génératrice de revenus, d’éducation, de production alimentaire, de systèmes de santé de meilleure qualité, et favorable à l’émancipation des femmes.

L’accord de Paris peut et doit permettre à l’Afrique d’exploiter ce potentiel, d’investir dans les technologies et les infrastructures comme une clé d’atteinte des objectifs du développement durable. Il doit faire de l’accès aux services énergétiques durables, fiables et sobres en carbone, une priorité, y compris en Afrique. Plus concrètement, cela exige en particulier la redirection des financements « climaticides » ou des subventions aux énergies fossiles vers l’accès aux énergies renouvelables pour tous et la prise en charge des coûts additionnels occasionés par les bailleurs internationaux.

« L’accès aux services énergétiques durables et fiables : une priorité pour l’accord de Paris et une clé pour le développement de l’Afrique »

Is Deen Akambi, EcoBénin

ContactsAissatou Diouf, chargée de communication à ENDA énergie : +221 (0)7 77 16 46 72 - [email protected]

Marion Richard, Responsable Climat et Développement au Réseau Action Climat : +33 (0)7 81 64 84 41 - [email protected]