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Vivre ensembleautrement
Penserles migrationsautrement
Dispositif fdral
de sensibilisation aux
relations Nord-Sud
linitiative du secrtaire
dEtat la Coopration
au dveloppement
Dans le cadre de la campagne
Dossier pdagogique
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Table des matires
Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 3
Prsentation gnrale
Penser les migrations autrement, une campagne en trois volets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5
Vivre ensemble autrement: de la peur de lAutre au dialogue des cultures . . . . . . . . . . . . . . p. 7
Chapitre 1
Le cadre: le monde est l... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9
Chapitre 2
Manifeste pour laction interculturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 15
Chapitre 3
La dmarche interculturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21
Chapitre 4
Projet pour des temps mtis dans les contenus scolaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 25
Pour en savoir plus...
La culture: essai de dfinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 35
Le concept didentit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41
Rfrences bibliographiques et outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 45
Octobre 2002
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 5
Prsentation gnrale
Penser les migrations autrement, une campagne en trois volets
Lambition de ces campagnes est de contribuer largir
leur vision du monde dans un esprit douverture et de res-
pect. Elles visent galement aiguiser leur esprit critique
pour mieux apprhender les ralits dune socit multicul-
turelle et pour leur permettre dacqurir une exprience lie
la dmocratie et laction collective.
Un des points forts du dispositif est de sappuyer sur les
partenaires provinciaux pour sensibiliser les acteurs de
lducation, en suscitant des synergies locales sur len-
semble du territoire francophone. Ce dispositif sancre de
manire dynamique dans les provinces du Brabant wallon,
de Hainaut, de Luxembourg et de Namur, ainsi quau sein
de la MINTH (Maison internationale-Internationaal Huis)
pour Bruxelles et du Centre culturel Les Chiroux pour
Lige. La coordination gnrale, qui est assure au sein de
la MINTH depuis 1999, est reprise par la Coopration
Technique Belge (CTB) partir de 2003.
La gestion administrative dAnnoncer la Couleurest assure
par la Direction de linformation de la Direction gnrale de la
Coopration internationale (DGCI).
Dans chaque province, un promoteur mne bien les cam-
pagnes de sensibilisation. Pour ce faire, les promoteurs
dAnnoncer la Couleurproposent aux personnes-relais que
sont les enseignants et les animateurs socioculturels, des
pistes de rflexion et des outils pdagogiques appropris.
La campagne Penser les migrations autrement, qui se
dveloppe en trois volets, a pour objectif gnral dinviterles jeunes, les enseignants et les animateurs confronter
leurs reprsentations des migrations internationales des
ralits complexes et multiples.
Penser les migrations autrement sinscrit ainsi dans le
sillage des campagnes de sensibilisation prcdentes qui
abordaient dune part, les effets de la mondialisation (Les
gens dabord!) et dautre part, les ingalits daccs aux
droits conomiques et sociaux entre les deux hmisphres
(Droits et dveloppement).
Pour aborder la complexit de la thmatique,Annoncer la
Couleura fait appel lapport cognitif et aux comptences
pdagogiques des formateurs de lorganisation non gou-
vernementale ITECO (Centre de formation pour le dve-
loppement).
La ralisation du dossier et du guide Vivre ensemble
autrement est le fruit dune collaboration entre lquipe
dAnnoncer la Couleuret une cellule pdagogique compo-
se du Centre Bruxellois dAction Interculturelle (CBAI), de
la Confdration Gnrale des Enseignants (CGE),
dITECO et de lagence de presse InfoSud-Belgique.
Vous trouverez plus dinformations sur nos activits et surles campagnes auprs des promoteurs provinciaux
dAnnoncer la Couleur(voir contacts en dos de couverture)
ou sur le site www.annoncerlacouleur.be
Penser les migrations autrement,une campagne en trois volets
Annoncer la Couleurest un dispositif fdral de sensibilisation aux relations Nord-Sud
plac sous lgide du secrtaire dEtat la Coopration au dveloppement. Depuis 1997,
Annoncer la Couleur sadresse aux jeunes entre 12 et 20 ans afin de les sensibiliser aux
relations Nord-Sud par le biais de campagnes dducation spcifiques et originales.
Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
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6 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Construire un dialogue des cultures.
Bruxelles, quartier Matonge, mai 2002
Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 7
Prsentation gnrale
Vivre ensemble autrement: de la peur de lAutre au dialogue des cultures
En effet, la peur de lAutre gagne du terrain, elle sme lin-
quitude et alimente sournoisement le sentiment dinscu-
rit. Entranant chez certains le dsir de se replier frileuse-
ment sur soi, entre mmes, elle nourrit leur fantasme: ils
se croient assigs par des ennemis attachs la perte de
lOccident et de ses valeurs. Voulant voir dans les vne-
ments du 11 septembre 2001 la spectaculaire confirmation
de leurs peurs, ils en viennent croire que la cohabitation
de citoyens porteurs de cultures diffrentes est impossible
et que le choc des civilisations est invitable.
A loppos,Annoncer la Couleurfait clairement le choix du
dialogue des cultures. Cest le fil conducteur qui traverse
notre campagne Penser les migrations autrement.
Pour nous, toutes les cultures sont riches dexpriences,
toutes sont porteuses de valeurs universelles et aucune ne
peut en revendiquer le monopole.
Dans le premier volet, Le parcours du migrant, nous
avons essay de mieux cerner la ralit des migrations.
Nous y avons rappel quelles font partie de lhistoire de
lhumanit; que, depuis toujours, pousss ou attirs partoutes sortes de raisons, des hommes se sont mis en
route pour trouver ailleurs de meilleures conditions de
vie. Trs souvent, ils ont ainsi t des acteurs de dvelop-
pement, tant du pays daccueil que de leur pays dorigine.
Penser laccueil autrement, le deuxime volet de la
campagne, sintressait aux politiques mises en place par
les pays daccueil: comment jouent-elles sur lampleur
des migrations, sur les pratiques concrtes daccueil et
galement, de manire parfois plus subtile, sur la percep-
tion des migrants par la population locale?1
Au cours de cette troisime et dernire tape, Vivre
ensemble autrement, il sera question de la rencontre
interculturelle. Il sagira, dune certaine faon, de porter de
nouvelles lunettes culturelles pour dcouvrir lAutre sous un
jour diffrent, en stant dbarrass, autant que possible,
du prisme ou de lcran des strotypes et des prjugs
travers lequel il est bien souvent peru. En entrant ainsi en
contact avec lAutre pour mieux le connatre, cest aussi
une part de soi-mme que lon peut dcouvrir; limage que
lAutre nous reflte, comme dans un miroir, nous permet de
mieux apprcier ce quil y a de diffrent mais aussi de sem-
blable entre nous.
Cette prise de conscience de la logique de laltrit mais
aussi de la ressemblance entre humains devrait contri-
buer un vivre ensemble plus respectueux des valeurs
de chacun, enrichi des apports spcifiques des diff-
rentes composantes de nos socits multiculturelles.
Vivre ensemble autrement nous renvoie aussi notre rela-
tion avec les pays du Sud. Comment la diversit culturellepeut-elle nous pousser tablir des rapports plus qui-
tables entre pays riches et pays pauvres? Comment un
dialogue fructueux entre les cultures peut-il nous amener
nous dcentrer pour interroger, avec nos partenaires du
Sud, nos conceptions du progrs et du dveloppement?
Cest un des enjeux de notre campagne dont le prsent
dossier est le support.
Vivre ensemble autrement: de la peurde lAutre au dialogue des cultures
1 Penser laccueil autrement, Dossier pdagogique, p. 7.
Vivre ensemble, autrement... tout un programme.
Ou plutt un dfi, une dcision.
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Les projets pour des temps mtis dans les contenus
scolaires que nous proposons dans ce dossier ont t pen-
ss dans cet esprit. Ils invitent les enseignants franchir le
pas et intgrer la dmarche interculturelle dans leur cours.
Ces propositions de contenu3 ne sont bien entendu pas des
squences cl sur porte, mais des pistes dvelopper
par lenseignant en fonction de son contexte scolaire. Et
puisque la dmarche interculturelle se fonde sur la ren-
contre de lAutre, pourquoi ne pas les travailler dans une
dmarche interdisciplinaire ou en partenariat avec des
associations? L o des professeurs travaillent en commun,
entre disciplines diffrentes ou avec des associations, ils
prfigurent la socit interculturelle o se croisent des com-
ptences diffrentes et complmentaires.
Le guide pdagogique, deuxime partie de ce matriel de
sensibilisation, ouvre dautres pistes et prsente dautres
types dactivits pour le professeur ou lanimateur qui vou-
drait dvelopper une action plus spcifique. Le but
dAnnoncer la Couleur est de donner une impulsion, dinvi-
ter passer laction, et aussi de soutenir toute initiative qui
irait dans le sens de la dmarche interculturelle que nous
dveloppons. Les promoteurs prsents dans chacune des
provinces sont, cet effet, des personnes ressources qui
peuvent vous orienter vers ce que vous cherchez.
Une socit interculturelle respectueuse des droits et des
spcificits de chacun: tel est lobjectif de ce dernier volet
de la campagne Penser les migrations autrement. Elle mise
sur le dialogue des cultures. Elle vise faire de chacun un
acteur dtermin la dfense des droits de lAutre, de
ltranger reconnu comme mon semblable. Elle nous invi-
te entrer de plain-pied dans les temps mtis, dautant
plus riches quils confrontent et conjuguent les apports dif-
frents de chacune de ses composantes.
8 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Que peut-on trouver dans ce dossier?
Tout dabord un cadre, celui dans lequel nous situons
notre action. En effet, prner la dmarche interculturelle
sans faire rfrence aux rapports de force qui traversent
notre monde serait pur anglisme.
Dans le manifeste pour laction interculturelle, nous
dveloppons lalternative politique qui sous-tend la
dmarche propose: il sagit dun appel sattaquer aux
ingalits qui divisent notre monde, tant au Nord quau Sud,
et soutenir, en tant que modle de dveloppement,
dautres finalits que la recherche du profit maximal et de la
domination. Cest seulement sur ces bases quun dialogue,
sinon une action interculturelle fructueuse, peut se nouer.
La dmarche interculturelle est au cur de notre cam-
pagne et de notre dossier. Dmarche sans doute riche,
mais nexcluant pas dautres approches. Elle se garde de
rduire lautre sa dimension exotique voire folklorique,
mais le considre comme un partenaire part entire. Elle
est une rflexion sur notre relation lautre et elle sap-
prend. Elle implique la capacit de prendre distance par
rapport son propre modle culturel2 et le dsir de pn-
trer le systme de lAutre afin de mieux percevoir ce qui
fonde sa conduite: cest ces conditions quune vritable
ngociation peut souvrir. Il ne sagit videmment pas
dune recette, dune mthode ferme: la dmarche inter-
culturelle met les partenaires en route dans un processus
en volution permanente; elle cherche crer les condi-
tions dun dialogue pour construire un vivre ensembleplus respectueux de chacun.
Une dmarche adapteaux contenus scolaires
Lcole peut tre le lieu de la dmarche interculturelle. Dans
des activits spcifiques et ponctuelles; dans la manire de
concevoir dautres rapports entre les lves, ainsi quentre
les diffrentes composantes de la communaut scolaire;
mais aussi - et peut-tre surtout - dans le cadre des cours.
Si les nouveaux programmes incitent les enseignants partir de situations-problmes, ils les laissent souvent
dpourvus quant aux relles possibilits ainsi offertes.
2 On trouvera dautres documents pour approfondir
les concepts didentit et de culture dans le chapitre Pour ensavoir plus la fin du dossier.
3 Voir ch.4 p. 25.
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 9
Chapitre 1
Le cadre: le monde est l...
Les volets prcdents de la campagne Penser les
migrations autrement visaient dvelopper la compr-
hension du phnomne des migrations, loin des slogans
que lon entend trop souvent. Puisquune des caractris-
tiques de la modernit est la complexit croissante de nos
socits, il parat essentiel de donner aux jeunes des outils
qui leur permettent dapprhender un peu mieux le monde
dans lequel ils vivent. Et cela, entre autres, afin de les pr-
munir contre toutes tentatives de dsigner lAutre comme
bouc missaire, responsable de tous nos maux.
Nos campagnes poursuivent un objectif supplmentaire:
dvelopper lesprit critique, sinon la rsistance, par rap-
port un systme que daucuns ont tendance prsen-
ter comme le seul possible. Pour les tenants de lconomie
ultralibrale en effet, il ny a pas dalternative: le march
est le vritable rgulateur de la socit; et sil engendre
des mfaits, ce ne sont que des dgts collatraux qui
se corrigeront deux-mmes avec le temps, en intensifiant
la libralisation. Pour contrer le sentiment dimpuissance
devant une situation qui semble fige jamais, il nous
parat indispensable de proposer des alternatives en pre-
nant rsolument le parti de lhumain contre le profit, afin
que toute personne dsireuse de se mettre en route ne se
trouve pas dmunie face la question: Que peut-on y
faire?. A tous niveaux, un autre monde est possible pour-
vu que chacun prenne conscience de son pouvoir daction
sur son environnement.
A la recherche dun ailleurs
Les migrations sont un lment constitutif de lhistoire de
lhumanit: les deux volets prcdents de la campagne
lont dmontr. De tous temps, les hommes se sont dpla-
cs pour chercher un avenir meilleur ailleurs - ou tout sim-
plement un ailleurs - o ils ont t plus ou moins bienaccueillis. Pousss par la guerre, la faim, les catastrophes
climatiques ou dautres raisons, ils se mettaient en route,
pour un exode souvent temporaire. Aucun pays na chap-
p ce phnomne. Il est dailleurs intressant dobserver
lalternance entre migration et immigration en Europe:
Un demi-sicle a suffi changer la face de lEurope des
migrations. Un continent qui restait largement vou
lmigration et aux exils en 1945 sest mu, lore du XXIe
sicle, en une terre dimmigration, potentiellement ouverte
tous les vents de la plante, tous les mtissages. Une
prtendue terre de cocagne, dont chaque Etat dsormais,
mme parmi ceux que les habitants fuyaient, voil peu de
temps encore, accueille, de gr ou de force, une part des
flux mondiaux dhommes et de femmes en qute dun
avenir meilleur4. Quant aux Etats-Unis dAmrique, tents
par le mme repli lintrieur de la forteresse, ils doivent
leur puissance lapport de gnrations dimmigrs.
Le cadre: le monde est l...
Avant dentrer plus avant dans la comprhension de linterculturalit,
thme de ce dernier volet de la campagne, il nous a paru bon de tracer quelques lignes
de force de notre temps, de dessiner le cadre dans lequel laction interculturelle sinscrit.
Dautres approches sont videmment possibles, mais nous avons cherch donner
de la cohrence notre dmarche en la situant clairement dans la perception
des contextes conomique et socio-politique que nous avons de notre temps.
4 Philippe Bernard in Le Monde, Dossiers et documents. Immigrs:
lEurope entre accueil et rejet, 9/10 juin 2002.
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Aujourdhui cependant, le phnomne connat une ampleur
jamais gale dans le pass. Dans le cadre dune conomie
de plus en plus mondialise, les migrations de main-
duvre ne cessent de saccrotre. Par ailleurs, lexode de
rfugis revt dautres formes. Si la plupart des Etats recon-
naissent la dfinition durfugi tablie par la Convention de
Genve, il apparat que, depuis la fin de limmigration dci-
de par beaucoup de pays riches, les candidats lmi-
gration nont dautres solutions, pour entrer dans les pays
du Nord, que dtre reconnus comme demandeurs dasile.
Les chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour
les rfugis (HCR) prcisent lampleur du phnomne: si
lon prend en compte les rfugis et les personnes dpla-
ces - celles qui, dans leur fuite, nont pas travers de fron-
tire - lon est pass de 8,5 millions de personnes en 1980
40 millions au seuil du 3e millnaire.
Le monde: village ou champ de bataille?
La multiplication des conflits explique sans doute en par-
tie lacclration dun phnomne enracin dans lhistoire
des hommes. Mais ces conflits sont bien souvent lis -
directement ou indirectement - la comptition froce que
se livrent les puissances conomiques dans leur conqute
de nouvelles parts de march. Les technologies modernes
de linformation et de la communication et, plus largement,
les outils de la technoscience offrent aux nouveaux
conqurants des perspectives inconnues jusquici: le villa-
ge plantaire devient leur champ daction et, dans les faits,
globalisation ou mondialisation sont souvent des termes
commodes pour dsigner la volont dtendre lconomie
de march nolibrale lensemble des pays du monde.
Le progrs porte de tous promis par les chantres de
la mondialisation se rduit pourtant le plus souvent un
slogan qui cache mal les consquences quelle entrane
pour un nombre croissant dhabitants de la plante. Quant
aux gouvernements, ils se retranchent derrire ce pro-
cessus irrversible pour justifier leurs choix et les cons-
quences qui en dcoulent. Renonant se positionner
rsolument et mobiliser les citoyens autour de projetspolitiques et sociaux clairement orients, ils se disent
contraints de grer lEtat partir des directives issues de
10 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
structures supranationales, telles que lUnion europenne,
lALENA5 ou le MERCOSUR6. La constitution de ces
vastes ensembles cre sans doute une grande interd-
pendance, bnfique certains gards, entre leurs
membres, mais au prix dune perte significative de pou-
voirs autrefois dvolus aux Etats-nations. De plus, de
grandes organisations au pouvoir dinjonction consid-
rable dictent galement leur politique aux Etats. Cest le
cas du Fonds montaire international (FMI), de la Banque
mondiale ou de lOrganisation mondiale du commerce
(OMC). Leur intervention est le plus souvent conditionne
lapplication de plans conomiques svres qui touchent
les populations les plus fragilises, principalement dans
les domaines de la sant, de lducation, de la culture. Et
cest au sein des clubs trs ferms du G8 (les pays les plus
riches du monde) ou de lOCDE (Organisation de coopra-
tion et de dveloppement conomiques) que les discus-
sions et les tudes tracent les grandes orientations cono-
mico-politiques auxquelles devront se soumettre, demain,les Etats souverains.
Le roi est nu...
Ainsi, en mme temps quils vantent les qualits dune poli-
tique de proximit ou du travail sur le terrain et tandis quils
proposent lcoute de la base comme remde contre les
pousses extrmistes auxquelles on assiste dans la plupart
des dmocraties occidentales, les mandataires lus se
disent dpourvus de pouvoir de dcision sur les grandes
orientations socio-conomiques, contraints quils sont dap-
pliquer des politiques quils nont pas vraiment choisies.
5 En 1994, le Canada, les tats-Unis et le Mexique ont lanc
lAccord de libre-change nord-amricain (ALENA) et form ainsi
la plus vaste zone de libre-change du monde.
6 Le March commun du Sud - MERCOSUR pour les hispano-
phones - constitue le quatrime espace commercial du monde
(derrire lEurope, lAmrique du Nord et lAsie du Sud-Est);
il a t institu en 1991 entre le Brsil, lArgentine, le Paraguay
et lUruguay.
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Quant aux grands ensembles supranationaux, leur politique
contribue le plus souvent au renforcement de lconomie
nolibrale et met mal les structures collectives capables
de faire obstacle la logique du march pur. Ainsi, la fonc-
tion de redistribution des richesses dvolue lEtat - lEtat-
providence - est malmene au profit de la conception dun
Etat efficace - dun point de vue conomique essentielle-
ment - qui exige la leve des barrires administratives ou
politiques susceptibles de gner les dtenteurs de capitaux
dans leur recherche du profit maximal: suppression des
rglementations sur le march, commencer par celui du
travail, privatisation gnralise des services publics,
rduction des dpenses publiques et sociales.
Le culte du winner
Et pourtant le monde est l, comme lcrit Pierre
Bourdieu7, avec les effets immdiatement visibles de la
mise en uvre de la grande utopie nolibrale: non seule-ment la misre dune fraction de plus en plus grande des
socits les plus avances conomiquement, laccroisse-
ment extraordinaire des diffrences entre les revenus, la
disparition progressive des univers autonomes de produc-
tion culturelle (cinma, dition, etc.) par limposition intru-
sive des valeurs commerciales, mais aussi et surtout la
destruction de toutes les instances collectives capables
de contrecarrer les effets de la machine infernale, au pre-
mier rang desquelles lEtat, dpositaire de toutes les
valeurs universelles associes lide depublic, et limpo-
sition, partout, dans les hautes sphres de lconomie et
de lEtat, ou au sein des entreprises, de cette sorte de dar-
winisme moral qui, avec le culte du winner, form aux
mathmatiques suprieures et au saut llastique, ins-
taure comme normes de toutes les pratiques la lutte de
tous contre tous et le cynisme.
Et pourtant le monde est l, pourrait-on poursuivre, avec
les consquences de la mondialisation nolibrale pour
une part croissante de la population mondiale. Si, dans les
socits les plus avances conomiquement, la prcarit
et la misre touchent un nombre croissant de nos conci-toyens, on constate par ailleurs que, loin de rduire la frac-
ture conomique entre les pays du Nord et ceux du Sud,
Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 11
Chapitre 1
Le cadre: le monde est l...
la mondialisation ne fait que creuser encore un peu plus
le foss. Ainsi, lorsquen 1949 le prsident Truman lanait
la notion de sous-dveloppementen poussant les quatrecinquimes de la population mondiale sur la voie du dve-
loppement, certains rvaient encore dune vie meilleure
pour le plus grand nombre. Mais il fallut vite dchanter; et
le mal ne fait quempirer. En effet, si en 1960 les pays
industrialiss taient globalement 20 fois plus riches que
les pays pauvres du tiers monde, 20 ans plus tard, lcart
avait plus que doubl et les pays les plus dvelopps
taient dsormais 42 fois plus riches que les autres. Au
milieu du sicle dernier, lon pronostiquait que le Mexique
ou le Brsil rejoindraient les pays dvelopps en lespace
de 20 ou 25 ans; les estimations rcentes comptent dsor-
mais en sicles et des calculs futuristes montrent, par
exemple, quil faudrait 3.000 ans la Mauritanie pour
rejoindre les pays dvelopps, au rythme actuel de son
dveloppement... si tant est que la chose soit possible.
7 BOURDIEU Pierre: Lessence du nolibralisme - Le Monde
diplomatique, mars 1998, p. 3.
Eric de Mildt
Les chocs culturels peuvent tre multiples. Plage au Sngal.
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Schma en coupe de champagne de la rpartition des richesses
12 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Et la fracture ne fait que crotre: si lon observe le sch-
ma en coupe de champagne de la rpartition desrichesses tabli dans le Rapport mondial sur le dvelop-
pement humain publi en 1992 par le PNUD, lon imagi-
ne que son got est bien amer pour le plus grand
nombre. Les 20% les plus riches se partagent 82,7 % du
revenu mondial. Tandis que les 20 % les plus pauvres
nen reoivent que 1,4%8/9.
La forteresse Eldorado
Qui stonnera ds lors du rve des laisss-pour-compte
de la mondialisation, lorsque la situation perdure et sag-
grave? Certains en arrivent navoir plus quune seule
envie: essayer par tous les moyens datteindre une terre
daccueil o vivre dans la dignit avec leurs enfants.
Beaucoup esprent que cet exode sera passager, le temps
que la situation se calme ou quils aient acquis un savoir-
faire utile au dveloppement de leur pays. Certains sont
mme envoys au loin par leur famille ou leur communau-
t, pour y trouver ce qui permettra la collectivit de sor-
tir de la situation difficile quelle traverse.
Source: Rapport mondial sur le dveloppement humain publi par le PNUD en 1992 et adapt par ITECO. La population mondiale y est divise en 5
tranches de 20 %; chacune de ces tranches correspond la part du total des richesses mondiales auquel elle a accs. Ainsi, tandis que la tranche la plus
favorise de la population mondiale (20%) dispose de 82,7% des richesses, la tranche la plus dfavorise (20%) se partage 1,4 % de ces mmes richesses.
8 HOUTART Franois, Des alternatives crdibles au capitalisme mon-
dialis, (http://www.forumsocialmundial.org.br/bib/houtartfra.asp).
9 BAJOIT Guy, Les thories du dveloppement,
(http://www.iteco.be/boite_outils/concepts_base/modeles_deve-
loppement_fichiers/frame.htm).
20% de la population mondiale se partage 82,7% des richesses
11,7% des
richesses
mondiales
2,3% des richesses
mondiales
1,9% des richesses
mondiales
1,4% des richesses
mondiales
Chaque tranche
reprsente un cinquime
de la population mondiale
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7/23/2019 Vivre Ensemble Autrement - Dossier
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Quant aux pays riches du Nord, en voyant arriver desrfu-
gis, ils se croient envahis par des hordes dennemis aux-
quels ils ne prtent quune seule intention: semparer de
leurs richesses. Gagns par la peur, ils ne veulent pas voir
que des pans entiers de leur propre conomie reposent
sur lexploitation de cette main-duvre bon march.
Bien plus: certains trouvent assez commode de dtourner
sur cette population trangre expose le ressentiment
que des autochtones prcariss prouvent cause dun
systme conomique qui ne profite quaux plus forts.
Renonant satteler une vritable politique sociale
interne et grer les flux migratoires en sattaquant leurs
causes (entre autres les dsquilibres Nord-Sud), les gou-
vernements des pays de lUnion europenne, en applica-
tion de mesures concertes au niveau supranational, veu-
lent persuader que le problme rside aux frontires. Dans
un rflexe scuritaire, ils multiplient les mesures de police
destines rassurer leur population et rehaussent les murs
de la forteresse. Tout autour, ils tolrent pourtant deszones tampons o se concentre une main-duvre non
qualifie, discrtement admise lintrieur lorsque le
besoin sen fait sentir, mais laquelle tout droit est dni.
Plus insidieusement, lorsque la main-duvre qualifie
vient manquer, certains gouvernements entrouvrent les
barrires et ne laissent passer que ceux dont ils ont
besoin. Et la logique est pousse jusquau cynisme
lorsque certains gouvernements envisagent de rduire lai-
de au dveloppement, voire de suspendre les accords de
coopration avec les pays qui feraient preuve de mauvai-
se volont pour contrler les rseaux dimmigration ou
radmettre leurs nationaux expulss10.
Diversit culturelle
Cest dans ce contexte gnral dun monde largement
domin par lconomie de march nolibrale et du profit
tout prix que le concept de diversit culturelle11 pourrait
nous guider pour construire des rapports plus justes avec
nos contemporains. Par diversit culturelle, lon entend la
non-domination dune culture par rapport une autre, (...)
lacceptation du partage des biens et des valeurs cultu-rels. Il sagit donc bien dun partage: de la mme faon
que nous partageons la mme plante, nous sommes invi-
ts partager les savoirs, les savoir-faire, les technologies
nouvelles et anciennes. La diversit culturelle soppose
ainsi aux effets pervers de la mondialisation conomique
qui place la marchandise au centre du monde; elle vhicu-
le lide dun dialogue nouveau pour un partage des biens
en toute quit.
Il suffit cependant de jeter un coup dil aux changes
conomiques mondiaux pour sen convaincre, poursuitTanella Boni: la place de la diversit culturelle est rduite
sa plus simple expression. Il y a ceux qui produisent et
ceux qui consomment; ceux qui travaillent de leurs mains
et la sueur de leur front, et ceux qui se rpartissent les
dividendes de cette production. Les premiers se trouvent
bien souvent dans les pays du Sud, qui ne profitent que
trs faiblement des richesses inestimables de leur sous-
sol, tandis que les seconds, au Nord, engrangent les bn-
fices sans pour autant les utiliser bon escient. En effet,
lexploitation des richesses naturelles et le commerce des
armes font souvent bon mnage, tout en entretenant le
chaos dans nombre de pays du Sud. Il sagit l de lune
des figures les plus cyniques de la mondialisation cono-
mique, accuse Tanella Boni. Comment parler en effet de
dmocratie et de droits de lHomme et favoriser, dans le
mme temps, un march contraire au respect de lhuma-
nit et toute thique de prservation de la paix? Les
ingalits parmi les hommes commencent l o lcono-
mie ignore la diversit culturelle et impose ses lois comme
tant les seules universellement valables.
Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 13
Chapitre 1
Le cadre: le monde est l...
10 Comme cela avait t initialement propos au sommet des chefs
dtat Sville en juin 2002.
11 BONI Tanella, Place et rle de la diversit culturelle dans les ds-
quilibres Nord-Sud, Groupe dEtudes et de Recherches sur les
Mondialisations (GERM) - http://www.mondialisations.org/germ
2001/pages/index2.html
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7/23/2019 Vivre Ensemble Autrement - Dossier
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14 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Par ailleurs, les politiques de dveloppement dans les
pays du Sud ne prennent gure en compte la manire de
voir et de penser de ceux qui pourraient bnficier de ce
dveloppement, au point que bien souvent les impratifs
de dveloppement sont dabord conomiques avant dtre
humains. Et mme si, depuis les annes 1990, il est
dsormais question de dveloppement humain, place-t-on
pour autant la culture au centre de tout dveloppement?
Pourtant, la diversit culturelle est placer au dbut et
la fin de tout dveloppement humain durable. Il sagit
dadmettre que les cultures, malgr leur diversit, sont
appeles cohabiter sur une mme plante dont nous
devons conomiser les richesses naturelles et culturelles
en vue de rduire les dsquilibres entre Nord et Sud.
Dans cet esprit, chaque peuple et chaque nation dispose
dun droit gal lexistence, en parlant ses langues et en
appliquant ses manires de voir et de penser. Au-del du
rle de rgulation quil peut exercer en dniant toute cul-
ture la prtention tre suprieure, le principe de diversitculturelle est aussi mme de contrer les effets pervers
dune certaine mondialisation conomique qui rduit tout
bien et toute richesse une marchandise.
Cest pourquoi, conclut la potesse-philosophe, le princi-
pe de diversit culturelle constitue un nouvel humanisme
au dbut dun sicle qui sannonce comme celui du dia-
logue des cultures bien quil puisse apparatre certains
comme celui du choc des civilisations. Mais le dialogue
ne peut avoir lieu que si lhumain est respect, dans sa vie
comme dans sa dignit.
Vivre ensemble
Ds lors, considrer toute personne porteuse dune culture
diffrente comme source denrichissement mutuel plutt
que comme une menace devient une exigence dans un
monde marqu par des interactions linfini. Il ne sagit ni
dune mode teinte dexotisme, ni de bons sentiments.
Place dans la perspective des vnements du 11 sep-
tembre 2001, il sagit plutt dune voie susceptible de nous
prserver de tout repli identitaire et de larrogance dune
position dominante. Elle na de sens que si des actions
sont dveloppes au niveau local en vue dun vritable pro-
jet politique de lutte contre la fracture sociale. Au niveau
mondial galement, la diversit culturelle peut nourrir des
alternatives un modle qui ne profite qu une petite par-
tie de lhumanit. Plus que jamais, Vivre ensemble autre-
ment apparat comme un appel un nouvel humanisme,
mais aussi une exigence vitale pour le XXIe
sicle.
Eric de Mildt
Revendiquer une autre manire de voir le monde.
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13/44
Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 15
Chapitre 2
Manifeste pour laction interculturelle
En effet, il existe diffrentes faons de penser la cohabita-
tion - la faon de vivre ensemble - de populations, de
groupes, dindividus diffrents, que ce soit lchelle dun
quartier, dune rgion ou de la plante. Dans le contexte
actuel et surtout depuis le 11 septembre 2001, une vague
de fond scuritaire semble lemporter. Lheure est la
mfiance, la fermeture, au renforcement des mesures de
police et des contrles.
Laction interculturelle que nous proposons se veut une
alternative politique cette tendance au repli identitaire et
scuritaire. Une alternative lexclusion, la rpression,
lobsession angoisse du contrle. Elle offre, en tant que
telle, dautres finalits que la recherche du profit et de la
domination.
Comme rgle du jeu, elle propose la coopration plutt
que la comptition. Toutefois cette alternative politique
nest ni une doctrine ni une idologie: laction interculturel-
le constitue un ensemble de pratiques, de savoir-faire, de
dmarches individuelles et collectives qui font le pari de la
rencontre, de la coopration et de la ngociation. Laction
interculturelle est un art de faire avec laltrit plutt que
contre elle, de construire des passerelles plutt que des
murailles, des zones dintrt et didentit communs aux
diffrents habitants de la plante plutt que dartificiels
conflits de civilisation.
Afin de faciliter la comprhension et la communication
entre les diffrents acteurs dune campagne telle que
Vivre ensemble autrement, il est ncessaire de baliser
demble le champ de significations des principaux
concepts que nous allons utiliser. Il ne sagit donc pas uni-
quement de prciser ces concepts au moyen de dfini-
tions, mais aussi de les situer dans le contexte des diff-
rentes approches o ils sont mis en uvre12.
Des controverses maillent en effet ce champ de significa-
tions: elles opposent diffrentes conceptions sociopoli-
tiques du vivre ensemble. Ainsi, si lon se place du point
de vue de lEtat, il sagit de la gestion de la diversit socia-
le et culturelle, tandis que du point de vue des acteurs
sociaux individuels ou collectifs, il sagira de llaboration de
modalits, soit dvitement, soit de rencontre et dinterac-
tion, entre porteurs didentits culturelles diffrentes.
En outre, ct des questions lies aux enjeux idologiques
et politiques, le champ des significations de nos concepts est
bien souvent brouill par une grande confusion de vocabu-
laire. Les diffrents acteurs, quils soient dcideurs politiques,
chercheurs universitaires, militants ou travailleurs sociaux,
font en effet un usage assez anarchique de concepts tels que
multiculturel, interculturel ou encore intgration.
Ces divergences et ces confusions appellent une clarifica-
tion, une traduction: chaque lment de vocabulaire,
sera attribu une signification prcise.
Manifeste pour
laction interculturelle
Aprs avoir dgag quelques lignes de force du monde dans lequel
nous vivons, il convient prsent de dfinir lesprit dans lequelAnnoncer la Couleur envisage une action interculturelle.
12 En complment de ce chapitre, il sera intressant de se rfrer
aux annexes consacres la culture et lidentit, ainsi quaux
diffrentes questions quelles soulvent, dans le chapitre Pour en
savoir plus situ en fin de dossier.
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Ces distinctions tant poses, il convient de prciser que
ladjectif substantiv linterculturel peut tre utilis trois
niveaux de significations diffrents mais complmentaires:
1. Celui du phnomne
Depuis la nuit des temps, des interactions ont lieu entre
des individus ou des groupes humains porteurs de
cultures diffrentes. Ces rencontres et interactions pren-
nent des formes diverses selon quelles se produisentdans le contexte dchanges conomiques, dinfluences
techniques ou religieuses, de migrations, de guerres,
dinvasions ou encore de conqutes coloniales.
Ce phnomne est aujourdhui intensifi par le dve-
loppement technologique des moyens de transport et
de communication. Toutefois, mme des socits ou
des groupes premire vue culturellement homo-
gnes, sont traverss et travaills par des diffrences:
entre sexes, familles, classes ou castes, sous-groupes
dappartenance divers. Linterculturalit constitue ds
lors un phnomne qui est dj omniprsent: toute cul-
ture est interculturelle.
2. Celui du champ de recherches
en sciences humaines et sociales
Le phnomne des interactions interculturelles consti-
tue un objet dobservation scientifique. Lensemble des
observations et tudes sur ce phnomne dans ses
formes multiples (psychosociales, politiques, cono-
miques et spcifiquement anthropologiques ou cultu-
relles) constitue un champ de recherches ncessaire-ment interdisciplinaires.
Cest un champ de recherches relativement jeune, qui
a t stimul notamment par le phnomne des immi-
grations conomiques et dimportation de main-
duvre vers les pays dvelopps la fin de la prio-
de coloniale et durant la seconde partie du XXe sicle.
Dans ce contexte, les chercheurs se sont particulire-
ment intresss aux interactions entre les migrants et
les travailleurs sociaux et enseignants chargs de leur
accueil et de leur intgration.
16 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Du multiculturel linterculturel 13
Ladjectif multiculturel et le substantif multiculturalit
qui en est driv se rapportent la description dune situa-
tion, au constat de la coexistence, dans une situation don-
ne, dune multiplicit de personnes ou de groupes por-
teurs didentits culturelles diffrentes. Ainsi, un groupe
dlves peut-il tre dcrit comme multiculturel, de mme
que lon parlera de la multiculturalit dune ville ou dun
quartier, que lon fera le constat de la multiculturalit dans
une cole ou un hpital.
Ladjectif interculturel et le substantif interculturalit
qui en est driv ont trait des processus dynamiques,
des interactions, aux rencontres et aux relations entre des
groupes ou des individus porteurs didentits culturelles
diffrentes. Il faut donc quil y ait dabord une situation
multiculturelle - quil y ait de la multiplicit culturelle -
pour que se produisent alors des interactions intercultu-
relles. Cela signifie aussi quil ne suffit pas quil y ait multi-
plicit pour que se produisent des interactions: les indivi-
dus ou les groupes peuvent tre spars, isols ou se nier
mutuellement, de la mme manire quentre les diffrents
habitants dun immeuble, il ny a pas ncessairement din-
teractions significatives.
13 Voir les travaux de Martine ABDALLAH-PRETCEILLE, notamment
LEducation interculturelle, PUF, Que sais-je ?, 1999.
Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
Aller au-del de la multiculturalit... Bruxelles, mai 2002.
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Chapitre 2
Manifeste pour laction interculturelle
Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 17
3. Celui de laction interculturelle
Il sagit ici dun projet volontariste, caractre politique
et social, situ au carrefour de plusieurs traditions cul-
turelles et idologiques spcifiquement occidentales.
Toutefois, on peut distinguer, dans la plupart des sys-
tmes culturels des peuples de la Terre, de grands
thmes anthropologiques semblables ceux qui ali-
mentent laction interculturelle: lhospitalit, la solidari-
t, la confiance, le respect de laltrit, laffirmation de
lesprit contre la lettre ou de la sagesse contre la col-
re et la haine. Cette sagesse est en dfinitive une forme
de ralisme, de bon sens dans lvaluation des cots
et des risques.
Ces thmatiques constituent en effet une trame
basique de linterculturalit dont les fils traversent les
frontires des diffrentes identits culturelles. Notons
enfin que laction interculturelle, issue des pratiques du
travail social et du champ de lducation, slabore
dans une interaction constante entre les expriencesde terrain et le domaine de la recherche, en termes de
thorisation, de construction de modles et de typolo-
gies, ainsi que de mise au point de mthodes.
Trois perspectives divergentes
Ces dfinitions poses, il est important de distinguer - sch-
matiquement - trois grandes coles, trois conceptions socio-
politiques du vivre ensemble en socit multiculturelle:
> lapproche assimilationniste
> lapproche communautarienne14
> lapproche interculturelle
A. Lapproche assimilationniste
Parfois qualifie de rpublicaine, lapproche assimila-
tionniste est souvent prsente comme un modle
franais. Elle affirme, dune part, le caractre universel
des valeurs, des normes et des procdures rpubli-
caines franaises et, dautre part, la ncessit pour les
trangers de sassimiler ces valeurs, normes et
procdures, de les adopter en rejetant dans la sphre
prive celles quils ont hrites de leur propre culture etqui sont considres ds lors comme archaques ou
primitives, en tous cas infrieures au modle franais.
Un exemple fort connu pose les limites de cette
approche: la leon Nos anctres les Gaulois... que
lon a longtemps fait nonner aux enfants africains et
asiatiques lpoque de la colonisation franaise.
Lapproche assimilationniste peut prendre des formes
extrmement normatives et se dissimule souvent der-
rire le vocabulaire de lintgration: ds lors, sintgrer
consiste sassimiler, se convertir, changer didentit
pour correspondre au modle dominant, si incertain
soit-il. Jusquil y a peu, par exemple, lobtention de la
nationalit belge tait notamment subordonne la
preuve dune volont dintgration, lors dune enqu-
te mene par le commissariat du quartier de la person-
ne demanderesse. Ainsi, le policier de service pouvait
trs bien demander un jeune Marocain vivant en
Belgique sil buvait de la bire et mangeait du jambon,
deux habitudes alimentaires lies lidentit belge
laquelle il sagissait de sassimiler, mme pour une per-
sonne dont la religion interdit la consommation de cesaliments. Dans le mme esprit dassimilation, des
pays comme lAutriche, lAllemagne ou les Pays-Bas se
disposent imposer aux nouveaux immigrs et aux
trangers extrieurs lUnion europenne un contrat
dintgration qui les obligerait apprendre non seule-
ment la langue, mais aussi lhistoire, la civilisation, le
droit du pays, et se familiariser avec les usages en
vigueur dans la socit daccueil.
Portons toutefois au crdit de cette approche les
valeurs quelle prtend actualiser: les droits delHomme, ici entendu en tant quindividu. Les droits de
lHomme individuel participent du projet mancipateur
de la modernit qui vise protger lindividu de larbi-
traire de ses appartenances familiales, religieuses ou
communautaires15. Cette approche, par contre, ne
tient pas compte de la ralit vcue des apparte-
nances et des solidarits familiales et communautaires.
14 De langlais communautarian, parfois traduit par communautariste.
15 Comme la pression sociale villageoise, le fameux quen dira-t-on?
qui entrave la libert du choix personnel, sans oublier certaines
contraintes radicales comme les mariages forcs.
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B. Lapproche communautarienne
Appele parfois multiculturaliste, lapproche commu-
nautarienne est dorigine anglo-saxonne: lappartenan-
ce communautaire y prime sur la conception individua-
liste du citoyen. Au nom de la ncessaire reconnais-
sance des diffrentes minorits - terme utilis par les
communautariens - culturelles prsentes dans une
socit multiculturelle16, cest lappartenance commu-
nautaire et lidentit culturelle qui sont valorises. En
effet, diffrentes dispositions sont prises en faveur des
personnes dans la mesure o elles revendiquent leur
appartenance telle ou telle communaut ou minorit:
discrimination positive, quotas, cours dhistoire spci-
fiques pour chaque minorit, etc...
Dans cette perspective, lEtat gre la coexistence
spare de diffrents groupes communautaires qui
constituent une multiculturalit non interactive. Dans
ce sens, le multiculturalisme - autre nom de lapproche
communautarienne - est une idologie dorientation
sgrgationniste. Elle assigne les individus leur
appartenance communautaire (si tu es noir, reste
parmi les noirs) et favorise le dveloppement de zones
gographiques rserves des populations homo-
gnes ethniquement que lon appelle parfois des
ghettos: ainsi le quartier noir, le quartier chinois, le
quartier juif, le quartier italien, etc...
La gestion multiculturaliste de la diversit, en mettant
en avant la dimension de lappartenance communau-
taire et en objectivant les identits culturelles, sert poli-
tiquement, selon le sociologue Pierre Bourdieu, mas-
quer la question de la domination et des rapports de
force entre classes sociales: plutt que dtre un
exploit ou un exclu du systme conomique, un jeune
Mexicain de Los Angeles est dabord le membre dune
minorit ethnique, et la violence entre gangs eth-
niques sert de drivatif la contestation sociale.
18 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
16 Et presque toutes les socits sont multiculturelles aujourdhui.
Eric de Mildt
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 19
Chapitre 2
Manifeste pour laction interculturelle
C. Lapproche interculturelle
Lapproche interculturelle consiste en llaboration des
modalits du vivre ensemble partir des interactions
concrtes des individus ou des groupes porteurs
dhistoires, de codes et dhritages culturels diff-
rents. Contrairement aux deux premires approches,
elle noppose pas le projet de lmancipation indivi-
duelle la ralit des ancrages communautaires ni la
ncessit de laction collective; elle constitue donc
une voie du milieu. Ds lors, louverture despaces
sociaux de rencontre, dchange et de ngociation est
favorise, au sein desquels une crativit culturelle et
identitaire devient possible; des espaces o le respect
et la reconnaissance des identits permettent, trs
pragmatiquement, une production commune de la cul-
ture et de la socit. Cette approche interculturelle
suppose une certaine confiance dans les ressources
et capacits des habitants de la Terre sinventer un
devenir collectif meilleur. Elle implique galement ledveloppement de comptences spcifiques de
ngociation, danalyse critique des situations et des
informations, dvaluation et de prise de dcisions sur
des problmes communs. Elle suppose enfin la diffu-
sion et la gnralisation dune aptitude penser les
nuances et la complexit, lencouragement des atti-
tudes participatives et coopratives. Ainsi, des forma-
tions sont-elles organises, des groupes de rflexion
thmatiques, des comits dhabitants de quartier
sont-ils mis sur pied, des actions de sensibilisation ou
de mdiation interculturelles, des interventions auprs
dquipes de travailleurs sociaux et denseignants
sont-elles lances. Lapproche interculturelle trouve
son origine dans les pratiques des acteurs de terrain,
associations issues de limmigration, services sociaux
daide ou daccueil, coles ou encore maisons de
jeunes. Mme si, par la suite, elle a pu tre revendi-
que et promue par des dcideurs politiques (au
niveau des municipalits ou des ministres), ce nest
pas ce niveau quelle a t mise en uvre et labo-
re. Contrairement aux deux autres approches, quitrouvent leur origine dans la philosophie politique
(cest--dire quelles sont penses den haut et
idologiquementa priori), lapproche interculturelle est
issue des pratiques et de la crativit exprimentale
des acteurs sociaux de terrain confronts des situa-
tions concrtes nouvelles.
Dans son dveloppement, lapproche interculturelle
implique aussi un certain protagonisme social indispen-
sable au changement des normes et la modification
des rapports de force sociaux: il faut sorganiser en
groupes et en rseaux, dfinir des objectifs et des
moyens daction, bref se mettre en projet pour que les
choses changent, prendre le chemin vers une autre
faon de vivre ensemble tous les niveaux, du local au
global. Cela passe par laffirmation dautres valeurs que
le profit et le contrle, par une rappropriation collective
des technologies et de leurs finalits, et par une remise
en question permanente des fonctionnements socio-
politiques institus. Au niveau global, cette approcheimplique la reconnaissance que le mode de pense
occidental nest pas le modle culturel suprieur.
Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
Dcouvrir une culture et aller au-del de la musique en exprimentant
la complexit des codes musicaux. Bertrix, mai 2002.
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Du point de vue interculturel, lidologie peut tre un outil
quil est intressant de connatre ou dutiliser. Mais il ne
sagit pas dtre utilis par elle, et encore moins de la faire
prvaloir a priorisur le dbat interculturel dont elle nest
quun lment parmi dautres. Ce point de vue de lap-
proche interculturelle est dailleurs valable pour tout syst-
me de croyance, idologie ou religion.
Lapproche interculturelle sest dveloppe depuis unetrentaine dannes, principalement sur la base de lexp-
rience des immigrations. Ce quelle reprsente aujourdhui
permet de rencontrer les questions plus gnrales du
vivre ensemble, de la diversit et de la conflictualit
sociale et culturelle.
Au-del des aspects parfois un peu folkloriques quelle
peut prendre, laction interculturelle propose en effet des
outils issus de lexprience immigre, qui permettent de
mettre en question diffrentes formes de domination,
dalination ou dexclusion: la diffrence culturelle, eneffet, est aussi celle des cultures de classes sociales; celle
des multiples cultures institutionnelles, professionnelles,
religieuses ou idologiques (auxquelles correspondent
autant de modles normatifs et identitaires, qui contri-
buent autant enfermer et exclure qu structurer); celle
des identits en fonction de lge, du sexe et de la position
sociale ou de la localisation gographique.
Laction interculturelle rend visible lapport de lexprience
des immigrations dans les ressources collectives dont
nous disposons pour faire face aux problmes sociauxactuels (en termes de lien social, de valeurs, de solidarit,
didentit et de sens partags). Ainsi, elle dmontre que les
migrations ne sont pas seulement un problme, mais aussi
une ralit porteuse de sens et dvolution collective.
20 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Spcificits et ouvertures
Bien plus que les formes de revendication politique quelle
peut prendre ou susciter, laction interculturelle travaille au
niveau des mentalits et des reprsentations collectives.
Elle consiste dabord en lorganisation de dispositifs o
slabore collectivement une culture alternative. On peut
considrer que laction interculturelle, consiste essentielle-
ment en un dispositif de production culturelle17 qui vientrpondre la perte des appartenances collectives et la
crise actuelle des identits.
Cette subjectivit collective de linterculturel est par natu-
re inacheve, ouverte, en devenir: linstar de la culture
dmocratique, elle se fonde en effet sur le dbat, la ngo-
ciation, llaboration dlibre de normes qui peuvent tre
valuables et modifiables. Cest ce caractre inachev et
participatif qui diffrencie lapproche interculturelle de
lidologie, laquelle prtend tre un systme universel, et
donc achev, de lecture du monde.
17 Dans le sens de la production dune subjectivit collective,
du tissage dune trame de liens sociaux et symboliques.
Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest - Namur, mai 2002.
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 21
Chapitre 3
La dmarche interculturelle
Cest le constat que pose Margalit Cohen-Emerique18,
chercheuse en psychologie sociale, qui suit la question de
limmigration et de ses diffrentes manifestations depuis
de trs longues annes. A partir de lobservation du travail
des acteurs sociaux sur le terrain, elle a cherch forma-
liser la dmarche interculturelle. Elle a analys les interac-
tions qui ont lieu entre les personnes dorigines culturelles
diffrentes et a identifi les principaux obstacles la com-munication entre le migrant et toute personne de la soci-
t daccueil avec laquelle il entre en contact (lenseignant,
lassistant social, le mdecin, etc.).
La dmarche interculturelle
Partons dun constat: en dpit de la mondialisation et de lavnement dun prtendu
village global, la multiculturalit, telle quelle existe un peu partout, nentrane pas
ncessairement des relations interculturelles riches et harmonieuses.La relation entre des individus ou des groupes dorigines culturelles diffrentes
est trop souvent dforme par un cran teint de prjugs et de strotypes qui
engendrent malentendus, incomprhensions, jugements de valeurs et tensions.
Filtres
Distors
ions
Stro
types
Je
Nous
Il Elle
Eux
Malentendus - Incomprhensions
Jugements de valeur - Tensions / checs
18 Voir, par exemple, ses articles:
> Le Choc culturel, in Antipodes, une publication dITECO,
n145, juin 1999;
> Connaissance dautrui et processus dattribution en situations
interculturelles, in Cahiers de Sociologie conomique et culturelle
(Ethnopsychologie), n10. 95-107;
> Le modle individualiste du sujet, cran la comprhension
des personnes issues de socits non occidentales, in Cahiers
de Sociologie conomique et culturelle (Ethnopsychologie),
n13, juin, 9-34.
Schma de lcran des prjugs
Extrait du schma de lInteraction Interculturelle dITECO
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7/23/2019 Vivre Ensemble Autrement - Dossier
20/44
Les trois tapesde la dmarche interculturelle
Dans ce contexte, Cohen-Emerique identifie trois phases
qui jouent en troite interdpendance dans toute
dmarche interculturelle:
> la dcentration (dmarche vis--vis de soi-mme);
> la comprhension de lautre
(dmarche vis--vis de lautre);> la ngociation (dmarche vis--vis de la relation).
1. La dcentration
La dcentration est le processus qui permet de
prendre conscience de ses rfrents culturels, de
prendre distance par rapport eux pour arriver une
relativisation de ses points de vue, pour accder une
certaine neutralit culturelle qui nest pas synonyme
de ngation de son identit mais, au contraire, une
reconnaissance matrise de son identit.
22 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Le simple fait de recevoir des informations sur lAutre, sur
sa culture et ses origines contribue-t-il construire une
socit interculturelle harmonieuse? Les recherches de
Margalit Cohen-Emerique dmontrent que, dans une
dmarche interculturelle, la connaissance thorique de
lAutre ne suffit pas, pour deux raisons.
Dune part, la dmarche de dcouverte de lAutre est trop
souvent empreinte de strotypes: ainsi, les Africains sont-ils souvent perus comme de grands amateurs de musique
et de danse et lors de comptitions de football, les quipes
africaines sont assimiles leur marabout, prtendument
lorigine de la victoire. Il est courant de projeter mcani-
quement sur un individu ou sur un groupe les connais-
sances parfois trop maigres que lon a de sa culture, sans
prendre en compte le caractre unique de sa personne.
A fortiori, lorsque lon se sent atteint dans son identit, on
sestime menac et on ragit sur le mode motif, en rpli-
quant, parfois agressivement, et en raffirmant les faussesimages que lon a de lAutre. Le conflit est alors invitable.
Ainsi, lapproche se limitant diffuser de linformation sur
lEtranger se rvle-t-elle insuffisante: laccent doit tre mis
sur la relation entre une personne et lAutre. Dans une
dmarche interculturelle, en effet, des changes interactifs
(interactions) ont lieu entre individus ou groupes porteurs de
cultures diffrentes. Ce qui importe, cest ce qui se produit
lorsque deux personnes ou deux groupes denracinements
culturels diffrents entrent en contact et interagissent. Ce
type dapport peut avoir des consquences enrichissantes
et formatrices sur le dveloppement de la personne.
Dautre part, la rencontre interculturelle implique des indivi-
dus, avec leur personnalit et leurs caractristiques
propres: Ce qui rentre en contact, ce ne sont pas des cul-
tures ou des identits nationales mais des personnes, disait
Lipiansky, chercheur en psychologie sociale qui a beaucoup
travaill sur lidentit. La relation interculturelle se joue donc
la fois un niveau interpersonnel, qui met en jeu lidentit
personnelle etsociale de lindividu, et un niveau inter-cul-
turel, qui fait intervenir les diffrences culturelles entre les
individus en prsence et entrane une srie dattitudes et deractions propres toute personne entrant en contact avec
une personne dite trangre ou diffrente.
Dcentration
P
ersonne
Comprhension
Socit
Ngociatio
n
Cultur
e
Schma de ltoile ou le chemin de linterculturel
daprs ITECO
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 23
2. La comprhension de lAutre
Pour Cohen-Emerique, dcouvrir lAutre, pntrer son
systme, exige une attitude douverture et de curiosi-
t. Il sagit de lui donner la parole pour dcouvrir ce qui
donne sens et valeur son comportement et ses
ractions (y compris ceux issus de la socit daccueil
et quil a assimils).
Cette dcouverte de lAutre peut se faire soit:> en sinformant par la lecture ou par des stages
concernant la culture de lAutre. Cest intressant,
mais certainement pas suffisant; cette approche peut
mme se rvler dangereuse dans la mesure o elle
renforce les strotypes: certains jeunes se conten-
tent de suivre des cours de danse africaine ou de
cuisine africaine, persuads dapprocher ainsi la
culture de ce continent, dont la richesse ne se limite
bien sr ni la cuisine, ni la danse, ni la musique.
Ce sont l des productions culturelles, tandis que la
culture est, bien plus profondment, une faon dtre
au monde, dhabiter le temps et lespace, de vivre en
socit, de donner sens au fait dexister;
> en sinformant auprs de son interlocuteur: il est le
premier et sans doute le mieux plac pour faire part
de ses valeurs. Cela implique bien sr de le recon-
natre en tant quinformateur crdible;
> en observant les comportements non verbaux et le
langage utilis par les personnes dont on cherche
connatre les valeurs;
> en veillant ne pas censurer, dans toute perception, lesinformations quia priori ne font pas sens pour nous. Il
est en effet frquent dinscrire des dcouvertes nou-
velles dans des catgories que nous matrisons dj,
quitte ngliger les aspects qui ne cadrent pas avec
elles, linstar dun mdecin qui nentendrait pas cer-
tains symptmes dcrits par un patient parce quils ne
correspondent pas ses diagnostics habituels.
La dcouverte de lunivers de lAutre, exige tout dabord
du recul par rapport son propre systme de valeurs
(dcentration); elle rclame aussi du temps, raison pourlaquelle Cohen-Emerique rappelle quil faut, dans la
dmarche interculturelle, donner du temps au temps.
Chapitre 3
La dmarche interculturelle
En dautres termes, se dcentrer, cest confronter nos
points de vue avec dautres pour les nuancer. Chaque
opinion particulire est relative et ce nest quaprs inter-
action avec dautres quelle prend vritablement forme.
Pour comprendre lAutre, il sagit dapprendre porter un
regard sur soi-mme et dtre capable de prendre du
recul par rapport son propre systme de valeurs, qui
fonctionne bien souvent de faon inconsciente.
Ds lors que lon accepte de pratiquer la dcentration,
une confrontation avec le monde de lAutre permet une
prise de conscience de nos propres valeurs, compor-
tements et modes de pense. LAutre joue le rle dun
miroir: il reflte notre identit culturelle et nous donne
loccasion didentifier et de relativiser nos perceptions
et nos jugements. Autrement dit, la connaissance dau-
trui passe par la connaissance de soi, mais en interac-
tion avec les autres.
On le voit, la notion didentit est le concept cl du pro-
cessus de dcentration. Or, lidentit dune personne
est multiple, passant par son nom, son appartenance
sexuelle, sa profession, sa classe sociale, etc19.
Chacun dentre nous, lors de la rencontre avec laltri-
t, sera plus ou moins touch dans lun ou lautre
niveau de son identit. Cest ce que lon appelle les
zones sensibles, lies notre histoire personnelle mais
aussi lhistoire collective. Un chmeur, par exemple,
sera probablement plus touch par une question pro-
fessionnelle, tandis que les femmes occidentalesseront vraisemblablement plus sensibles la probl-
matique de lgalit des sexes, tant donn lhritage
du combat fministe en Occident.
Lorsque les zones sensibles sont vif, elles ont tendan-
ce provoquer des ractions affectives et peuvent frei-
ner, voire empcher toute communication. On risque
alors de tomber dans une logique de conflit. Pour tendre
vers une dmarche interculturelle plus positive, il est
important de prendre conscience de ses propres zones
sensibles et dapprocher celles de ses interlocuteurs.
19 Cfr. infra Le concept didentit, p. 41.
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24 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
3. La ngociation - mdiation
Une situation conflictuelle entre personnes dorigine
diffrente apparat lorsque les codes culturels des indi-
vidus sont soit en grande distance, soit carrment
en opposition. La ngociation constitue un moyen de
trouver des solutions acceptables pour les diffrentes
parties. Ce problme nest dailleurs pas rductible la
seule dimension culturelle: il apparat, comme nous
lavons rappel, dans un contexte historique, socio-
conomique et politique.
Mais la ngociation interculturelle est fonde sur les dif-
frences entre individus, leurs valeurs, leurs subjectivits,
leurs prsences dans des contextes multiculturels. Pour
garantir son bon droulement,a priori dlicat, le respect
de quelques conditions pralables est ncessaire.
Il est dabord essentiel de reconnatre que lon se situe
bien dans un conflit de valeurs, cest--dire dattribu-
tion de sens, de lecture ou dinterprtation de la ralit.
Ensuite, lAutre doit tre considr comme un partenai-
re incontournable, dont la lgitimit est reconnue, et
qui lon suppose un certain degr de rationalit, mme
si elle est diffrente. Cela implique que les groupes ou
individus en prsence soient ouverts et acceptent la
diversit culturelle.
De plus, toute attaque personnelle doit tre vite, et la
caricature, bannie.
Enfin, un accord sur la manire de ngocier peut favo-riser le bon droulement de cette dmarche.
Quelques autres prceptes sont aussi respecter. Par
exemple: les usages de prsentation en vigueur dans
la culture de linterlocuteur; ne pas hsiter avouer sa
mconnaissance des spcificits culturelles de lAutre
et le questionner pour ne rien laisser dans limplicite
et lincompris.
Dans le cas de jeunes adolescents issus de limmigra-
tion, cette forme de ngociation interculturelle nest
pas chose aise car ils sont pris entre leur loyaut la
culture familiale et leur volont dtre de la socit qui
les a vus natre et grandir, explique A. Mano, Docteur
en psychologie sociale lInstitut de Recherche,
Formation et Actions sur les Migrations (IRFAM) Lige.
Ce paradoxeest trs clair dans le cas de jeunes filles
issues de limmigration musulmane, qui portent le fou-lard et frquentent, par exemple, luniversit. Il explique
que ce compromis vestimentaire qui contribue calmer
langoisse parentale face lventualit dune assimila-
tion culturelle de leur fille est, en quelque sorte, la mon-
naie dchange dune libert de mouvement et dins-
truction, sans rupture avec la famille20.
20 MANCO A., Violences lencontre des jeunes filles musulmanes
et ngociation interculturelle: bilan de rcentes recherches et
actions en Belgique francophone, in Francopsy, juin 2001, n4.
Eric de Mildt - Bruxelles, quartier des Marolles, 2001
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 25
Chapitre 4
Projet pour des temps mtisdans les contenus scolaires
Pas seulement parce quun dcret nous limpose, mais
aussi parce quune socit dmocratique qui ne prendrait
plus la peine de transmettre ses valeurs aux gnrations
successives de citoyens, perdrait le fil qui les relie les uns
aux autres. Lducation la citoyennet simpose donc
comme une ncessit dmocratique.
Elle est aussi un projet politique, qui vise non seulement
prserver un lien social de type dmocratique, mais aussi lui donner un contenu, le nourrir dun choix de socit
pour demain. Or lvolution du contexte international lance
un nouveau dfi aux gnrations futures. Les socits
dmocratiques conues et organises sur une base natio-
nale font face une internationalisation gnralise des
relations humaines. Les contenus scolaires galement.
Notre choix dun Projet pour des temps mtis reflte lune
de nos intimes convictions: les confrontations sociocultu-
relles et conomiques ne seront positives pour nos socits
dmocratiques que si les citoyens de demain disposent desoutils et des connaissances qui leur permettent de dpas-
ser leurs prjugs, les ractions dexclusion et de rejet, et
de construire des projets politiques qui rassemblent au-del
des frontires nationales, conomiques et culturelles. Nous
pensons donc que lducation la citoyennet est aussi
une ducation la dmarche interculturelle.
Quel est le rle dvolu lenseignement? Comment les
enseignants peuvent-ils agir, dans leur classe, pour cette
ducation la citoyennet interculturelle?
Le tableau que nous proposons ci-dessous suggre quilnest pas ncessaire de sortir des contenus scolaires pour
aborder lducation la citoyennet interculturelle. Il nest
pas souhaitable que les projets ducatifs se juxtaposent
aux contenus scolaires sinon lenseignant - moins quon
lui donne plus de temps et une autre formation - renonce-
rait enseigner pour duquer. Enseigner les contenus sco-
laires (des outils et des connaissances qui permettent de
comprendre, danalyser et de se faire une opinion) consti-
tue un enjeu dmocratique en soi. Par contre, duquer
sans enseigner relve du projet totalitaire. Cest donc grce
aux contenus scolaires et non en concurrence avec eux
que nous avons pens ce Projet pour des temps mtis.
Lapproche idale de ce projet est interdisciplinaire et
coordonne par branche sur lensemble du parcours sco-
laire des lves de la 1re la 6e anne de lenseignement
secondaire. Cependant, la ralit de la pratique pdago-
gique doit aussi tenir compte de nombreuses contraintes
institutionnelles: ainsi, les conditions de pratiques collec-
tives dquipes interdisciplinaires denseignants sont-elles
rarement runies. Ce projet peut ds lors aussi tre abor-
d dans le cadre dun cours ou en petites quipes coor-
donnes, de manire plus ponctuelle.
Il est galement possible de sinspirer de ces contenus
pour les adapter aux contenus scolaires de lenseigne-
ment fondamental.
La grille ci-dessous propose des thmes de projet et des
contenus possibles par matire. Deux lectures sont per-
mises: soit la lecture individuelle dun enseignant qui
cherche des exemples de contenus aborder, soit la lec-
ture collective dune quipe denseignants qui cherchenon seulement des contenus par matire mais aussi des
ponts interdisciplinaires qui relieront leurs pratiques.
Projet pour des temps mtis
dans les contenus scolaires
Que lducation la citoyennet constitue un vaste programme ou une
simple tude formaliste du fonctionnement des institutions politiques,
elle reste lune des missions de lenseignement.
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26 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Savoirs pour des temps mtisDes empires la mondialisation - Migrations, dveloppement et gopolitique internationale
Nationalismes et identits culturelles - Les identits multiples - La diffrence et lgalit
Education physique
> Le jeu des chaises
> En collaboration avec les cours de biologie et de sciences sociales, un travail sur les performances sportives:
les prjugs sur les trangers, le dbat nature/culture, les connaissances de la gntique
Morale et religion
Histoire des religions
> Le rle des religions dans lextension des zones dinfluence de lEurope et du monde arabe
> Christianisation et islamisation
> Les croisades
> Lempire ottoman
> Le cas de lEspagne et de la progression arabe
> La colonisation de lAfrique et son vanglisation
> La colonisation de lAmrique du Sud et la controverse de Valladolid
> Linquisition
> Les chrtiens orthodoxes
> Le schisme protestant et le dveloppement industriel
La question du dveloppement
> Lhumanisme et les droits de lHomme: critique de lesclavagisme
> Laide au dveloppement et le travail des ONG: entre dmarches caritatives, thologie de la libration
et approches rvolutionnaires
> La question de lintrt individuel et de lintrt collectif: la solidarit, le quart-monde
> Le lien entre migrations et rpartition des richesses
> Dmocratie et totalitarisme: le lien entre lgitimit interne du pouvoir et dveloppement, lgitimit externe du pouvoir
et dpendance
Options artistiques
Une histoire de lart politique des confrontations culturelles
> Evolutions et influences
- Au travers de contenus
- Au travers de la forme
- Au travers des formes de lart
> La place de lart dans lorganisation sociale
- Dans les diffrentes civilisations
> Lart et la politique
- Art et colonisation
- Art et confrontations culturelles
- Art et mondialisation
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 27
Chapitre 4
Projet pour des temps mtisdans les contenus scolaires
Histoire
Histoire des religions (voir Morale et religion)
Histoire de lducation, histoire de la catgorie jeunesse
> Enfant
> Adolescent
> Adulte
> Les jeunes comme classe dangereuse
Empires et civilisations
> Les exemples multiples de lecture de lhistoire, de la prhistoire nos jours,
sous langle des diffrents modes de gestion des territoires par les civilisations dominantes> Le lien entre ces zones dextension et les confrontations culturelles
- Les cas de gnocides culturels (peuples autochtones)
- Les cas de mlange culturel
Les histoires oublies par lEurope
> Histoire des civilisations dAsie, dAmrique, dAfrique, dOcanie, qui prcde leur dcouverte
> Histoire de la destruction de certaines de ces civilisations par les puissances coloniales
La construction de la puissance des pays industrialiss
> La colonisation (colonies de ressources, colonies de peuplement, esclavagisme, la question des races,
le partage des territoires et la naissance dEtats artificiels)
> La rvolution franaise (droits de lHomme, galit des citoyens, dmocratie)
> La rvolution industrielle (capitalisme, classes sociales, pense librale et pense marxiste)
> La monte en puissance des Etats-nations> La guerre froide, le rideau de fer comme frontire de lEurope, les imprialismes
(URSS, pacte de Varsovie et Comecon; USA, UE, OTAN)
Gographie et Histoire
Histoire des migrations
> Lhistoire de lhumanit en tant quhistoire de grandes migrations, de la prhistoire nos jours: une approche thmatique
pour comparer des moments cl, les diffrentes formes des migrations depuis la Msopotamie jusquaux grandes migrations
du XXe sicle; les mouvements de populations dans le temps et dans lespace (voir aussi les mouvements de populations
dans les pays du Sud)
> Les colonies de peuplement, le cas des Etats-Unis, lesclavagisme, lapport des pays europens,
la problmatique des peuples autochtones
> Belgique, pays dmigration, pays dimmigration
> Histoire de la politique dasile
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28 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Gographie
Histoire des peuplements des territoires, tectonique des plaques et grands changements climatiques
Le regard sur les autres civilisations
> Le concept de race
> Lethnocentrisme
> La dmarche anthropologique (volution)
> Peuple et ethnie
> Catgories objectives
> Catgories dascription
> Catgories de classement et danalyse> Classes et milieux sociaux: des catgories croiser avec les catgories culturelles
Nationalisme et identits
> Ltranger, volution historique du concept
> La nationalit
- Le droit du sol
- Le droit du sang
- Lvolution vers une distinction plus nette entre nationalit et citoyennet
- Pays, Etat, peuple, nation, des concepts distinguer
- Politiques dassimilation: le nationalisme monoculturel et la confusion entre peuple et nation
- Politiques dacculturation: le nationalisme pluriculturel et la distinction entre peuple et nation
La problmatique des pays en voie de dveloppement
> Les thories du dveloppement- La thorie du retard
- La thorie de la dpendance
> Lenjeu dmographique
- Surpopulation et rpartition des richesses
- Pourquoi les pays qui ont le moins de richesses sont-ils ceux dans lesquels la croissance dmographique est la plus leve?
- Lenjeu de la transition dmographique
> La dette et le dveloppement
- Lorigine de la dette
- Le FMI et la Banque mondiale: la thorie du retard
- Le contexte gopolitique: la guerre froide, lOPEP, linternationalisation du capital
- La dtrioration des termes de lchange et lenjeu de la suppression de la dette
- Les effets boomerang de la dette (la problmatique de la drogue, de la corruption, du grand banditisme international)
> La proposition de la taxe Tobin
> La problmatique de lautosuffisance alimentaire
- Les rformes agraires
- Cultures vivrires et cultures dexportation
- Irrigation et dsertification, la question de leau et du reboisement
> Lenjeu du contrle des ressources mondiales
- Le ptrole, les minerais, les cultures dexportation
- Les zones gostratgiques
> Lenjeu du dveloppement social
- LEtat et les protections sociales
- La main-duvre bon march et les conditions de travail
- La lgislation sociale dans les pays dvelopps
- Les syndicats- Linternationalisation du capital et la dlocalisation
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 29
Chapitre 4
Projet pour des temps mtisdans les contenus scolaires
Gographie
> Lenjeu de la valeur ajoute: cration et rpartition
> Lenjeu environnemental
- Couche dozone
- Effet de serre, rchauffement de la plante, les responsabilits respectives, le protocole de Kyoto,
la consommation dnergies fossiles dans le monde
- Lintervention des Etats, les rglementations de protection de lenvironnement et linternationalisation du capital
> La question de leau
- Eau potable et eau dirrigation des cultures
- Hydrolectricit et besoins en eau des industries- Urbanisation et consommation de leau
- Le traitement des eaux uses
- Les rserves deau et leur contrle
Lorganisation du monde
> Les grands ensembles gopolitiques, goconomiques et gostratgiques aprs la fin de la guerre froide
> La rorganisation des zones dinfluence
> Les zones de conflit comme frontires de ces zones dinfluence
La construction de lUE
> Le libre change
> La libre circulation (des capitaux, des travailleurs)
> La problmatique de lintgration europenne (lEurope deux vitesses)
> La problmatique de llargissement- Dans la perspective de la chute du rideau de fer
- La question des rformes des institutions
- La rorientation de lEurope, de lAfrique vers les pays de lEst
- Les nouveaux migrants en provenance des pays dEurope centrale et dEurope de lEst
> Le contrle des frontires extrieures et la politique dimmigration
> Vers une Europe sociale?
Etude du cas de la Turquie (par exemple)
> Les populations turques en Europe
> La candidature lUE
> Europe/Asie, chrtient/islam, panturquisme
> Zone Economique de Coopration de la mer Noire
> LOtan et laspect gostratgique de la Turquie pour le contrle du Moyen-Orient
> La question du ptrole de la mer Caspienne
> La question kurde
> La question chypriote
> Mustapha Kemal et lEtat lac
> La dmocratie et les droits de lHomme
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30 I Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique
Franais
Thmes de lecture puis dexpression crite, avec travail sur les reprsentations des lves
> Les prjugs et les clichs sur la question des migrations
- LUE ne peut accueillir toute la misre du monde
- Les migrants simaginent venir dans un paradis et viennent pour profiter des avantages sociaux
- Il suffirait de renvoyer tous les trangers pour rsoudre les problmes du chmage et de linscurit
> Les liens entre les migrations et les menaces sur la civilisation europenne (islamisation, perte de valeurs, inscurit,
terrorisme international, la question de lgalit des femmes...)
> Les colonies, lesclavagisme, les races, le bon sauvage
La dcouverte de la littrature des pays dorigine des migrants (turque, arabe, africaine, des pays de lEst)> En mettant laccent sur des ouvrages qui permettent de sortir des clichs
> En mettant laccent sur des ouvrages qui nous renvoient une image diffrente de lEurope, une image inverse de notre civilisation
Travail de linguistique sur lorigine et lvolution des langues
> Migrations, zones dinfluence des empires et zones dextension des langues, du franais en particulier
> Les enrichissements et les appauvrissements de la langue franaise
- Linfluence de langlais et des autres langues
- Le cas du franais de Belgique
- Le franais populaire, le franais de la rue
- Le franais des trangers
- Les diffrents niveaux de langage
MathmatiqueHistoire des mathmatiques
> Mise en vidence des apports des diffrentes civilisations
La diffrence et lgalit dans les mathmatiques
> Lquation
> Egalit, ingalit et la diffrence
> Lquivalence
> Les ensembles et les individus
Travaux de statistiques et de traitement des donnes concernant
> Les migrations
> Le dveloppement et la rpartition des richesses dans le monde
> La dmographie
> Le lien dette, taux de change du dollar et taux dintrt
Les progressions gomtriques
> Le lien entre dveloppement industriel et accumulation du capital
Analyses de fonctions
> Tangentes, drives et taux de croissance dans les modles conomiques ou dmographiques
Reprsentation graphique et analyse des donnes statistiques
> Reprsentation graphique et propagande, ou comment prsenter des donnes pour faire passer une ide
> Corrlations et conclusions abusives (par exemple sur la criminalit et les trangers, le chmage et les migrations, etc.)
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Vivre ensemble autrement Dossier pdagogique I 31
Chapitre 4
Projet pour des temps mtisdans les contenus scolaires
Sciences
Biologie: la gntique
> Les races et lespce humaine
> La reproduction et lhrdit
> Le gnome humain
> Leugnisme
> Les brassages gntiques et les facults dadaptation de lespce
> La prservation de la diversit biologique et lenjeu alimentaire
> Le commerce du patrimoine gntique vgtal, animal et humain, le cas des pays en voie de dveloppement
qui vendent ce patrimoine aux entreprises multinationales> Les questions thiques des manipulations gntiques
> Les manipulations gntiques et la productivit agricole
Biologie et chimie: les produits pharmaceutiques
> Les progrs de la science
> Les enjeux de leur diffusion dans le monde
> Ethique de la recherche scientifique et de son financement: lenjeu public/priv
Physique et chimie: lenjeu nergtique
> La formation des combustibles fossiles et leur consommation
> Les bilans nergtiques des diffrentes sources dnergie
> Les bilans environnementaux des diffrentes sources dnergie
> Matrise nergtique et dveloppement: taille des projets et dpendance
La dsertification des sols et lexploitation des forts tropicalesLes thories sur lvolution
> Histoire de ces thories, de linterprtation biblique aux apports de la gntique en passant par les thories darwinistes,
la slection naturelle
> Rapport entre civilisation dominante et domine et les tentations de la sociobiologie
Economie
Les thories du dveloppement (voir aussi gographie)
Emploi, chmage et migration: le march du travail
> La confrontation des modles libraux et socialistes
> Le mouvement ouvrier, le syndicalisme, lamlioration des conditions de travail, la scurit sociale et la lgislation sociale
> Lenjeu de la rpartition de la valeur ajoute et le rapport salarial
> Le fordisme, la croissance et lemploi> Les politiques keynsiennes et lemploi
> La question du rle de lEtat
- Services publics, privatisations et nationalisations
> La concurrence sociale, les