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  • Colonies trangres etHati : rsultats de

    l'mancipation anglaise/ par Victor Schoelcher

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Schoelcher, Victor (1804-1893). Colonies trangres et Hati : rsultats de l'mancipation anglaise / par Victor Schoelcher. 1843.

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  • COLONIES TRANGRESET HATI.

  • lmp. de Ch. Duriez Senlis.

  • COLONIES TRANGRESET HAITI

    RSULTATS DE L'MANCIPATION ANGLAISE;

    PAR

    VICTOR SCIIOELCHER.

    La servitude ne peut pas plus 'le rcglerhumainement que l'assassinat.

    flomt premier.colonies Anglaises, nos Espagnoles Quelques Mots sur la Traite et sur sonOrigine

    PARISPAGNERRE, DITEUR,

    RUB DE SEINE, 14 bis.

    1843

  • DES

    COLONIES TRANGRES ET D'HATI,

    gommage bt uut fttfonnataiance.

    V. SCHLCHER.

  • COLONIES ANGLAISES

  • COLONIES ANGLAISES.

    DOMINIQUE.(AOUT 1840.)

    CHAPITRE 1.

    1.01 D'AFFRANCHISSEMENT.

    Dans notre volume sur les Colonies Franaises', nousavons dcrit l'esclavage et expos nos raisons sur la ncessitde l'abolir. L'tude des Colonies trangres compltera le ta-bleau, en montrant la prparation l'affranchissementdansles les Danoises, l'affranchissement dans les les Anglaises,la libert dans Hati.

    Le lecteur parcourra de la sorte toutes les phases de cettehaute question le pass, le prsent, le commencement del'avenir, l'avenir ralis!

    Il verra l'uvre ces hommes dont les planteurs ont con-test l'intelligence, la bont, l'ducabilit, et jusqu' la res-semblance avec l'homme alors il pourra les juger tels qu'ilssont.

    Toute une race voue depuis des sicles la barbarie et l'esclavage, s'essayant la libert et faisant ses premiers pasdans la civilisation. Quel sublime tableau et qu'il serait bienfait pour exciter l'attention universelle, s'il nous tait donn

    1 Des Colonies franaises, chez Pagnerre, 1&42.

  • de le tracer d'une main assez ferme pour qu'on en pt saisirles dtails et l'ensemble

    Les ngres, en proie au gnie du mal dans Hati, rsistentmieux qu'on ne pourrait le penser ses tnbreuses inspira-tions guids, au contraire, dans les colonies de la Grande-Bretagne, par le gnie du bien, ils se montrent faciles mo-raliser, prompts se mettre en rapport avec le monde polic.

    L'histoire des rsultatsde l'abolition aux les Anglaises aprsdeux annes d'preuve, n'est donc rien de moins qu'une hautetude sociale si notre insuffisance nous commandait de nepas entreprendre une pareille tche, nous aurons du moinsamass avec consciencedes matriaux pour un plus digne.

    Nous nous sommes born l'examen de trois lles. En choi-sissant pour point de nos tudes, la Dominique, la Jamaqueet Antigue, avec leurs trois caractres bien distincts, nouscroyons avoir embrass tous les aspects qu'a prsent la solen-nelle exprience faite par l'Angleterre.

    Et d'abord exposons quelques faits prlminaires.Les colonsanglais n'taient pasmoins opposs que les ntres

    toute mesure d'mancipation;ils assuraient qu'elle serait suiviedes plus. horribles calamits, et entranerait la ruine de cesmalheureuses Iles qu'un ptitionnaire de la Dominiqueappelaitpotiquement des signesamoureuxposs sur le sein de l'Ocan.Le dsordre, les violences, la confusion, la destruction, labarbarie devaient tre les fruits de la libert. La Grande-Bretagne n'auraitpasseulement payer une norme indemnit,elle perdrait encore des dbouchs pour ses manufactures etses pcheries. La nourriture de plus de vingt mille matelots,le productifemploide plus de cent trente mille tonneaux de fretallaient tre sacrifis, la 'source d'un vaste revenu allait tretarie, pour obtenir un objet qui devait faire le malheur de ceuxmmes dont on avait le bonheur en vue

    Ptition des membres de l'assemble coloniale de la Dominique,27 mai 1823.

  • Les assembles coloniales anglaises rsistrent comme lesntres jusqu'au dernier moment aux projets d'mancipation,et souvent en des termes d'une violence extrme. Saint-Christophe, par exemple, disait, dans une adresse du 13 d-cembre 1828 Si le ministre veut sacrifier les Indes-Occi-dentales aux philanthropesdu parlementanglais pour s'assurerde leurs votes, que le sacrifice se consomme promptement;mais alors quiconque possde quelque chose dans notre mal-heureuse 110 maudira sa crdulit dans l'honneur et l'intgritdu gouvernement britannique Maurice peuple, il estvrai, de colons encore tout franais en appela ouvertementaux armes.

    Les planteurs de la Grande-Bretagne, on le voit, n'esti-maient pas que leurs ngres fussent mieux prpars que ne lesont les ntres, s'il faut en croire les planteurs franais, re-cevoir le bienfait de l'indpendance. Beaucoupd'entre eux, quirsidaient en Angleterre, formaient une corporation riche,claire, puissante par consquent, connue sous le nom deWest-Indies Body (corps des Indes-Occidentales). Ceux-l al-lrent jusqu' dire, pour pouvanter l'univers, qu'ils quitte-raient leurs proprits, livreraient tout l'abandon et laisse-raient au gouvernement rpondre devant la civilisation de cequi pourrait arriver! D'autres fois, ils insinuaient, toujourscomme les ntres, qu'ils taient rsolus repousser la libertde vive force.

    Les ptitions les plus imprieuses de la part du peuple, lesprotestations les plus nergiques de la part des croles ne ces-sant d'arriver la Chambre des Communes, elle nomma un co-mit charg tout la fois de s'enqurir de la situation des colo-nies et d'arriver aux moyens d'effectuerl'abolition. Le rapportdu comit prsent le 11 aot 1832, la suite d'une vaste en-

    Papiers publis par le parlement anglais, 5e partie, p. 198. L'lIe Maurice n'a t dtache des domaines de France que par le

    trait de Vienne, en 1818. Nous avons perdu par le mme trait Ta-bago et Sainte Lucie.

  • qute, dclara la situation des colonies telle qu'il n'y avait pas diffrerde prendre un parti. De l'aveu mme des intresss, onreconnut le lia tu quo dsormais impossible. Rtrograder,c'taitenhardir l'opposition descroles,quidjavaittportejusqu'la menace, c'tait s'exposer aussi aux fureurs des esclaves, quine pourraient renoncer la libert au moment o ils croyaientl'atteindre.

    Plac dans ces graves conjonctures, le gouverne-

    ment n'hsita pas. Le 14 mai 1833, lord Stanley, secrtaired'tat des colonies, au nom du cabinet, saisit le parlementdesrsolutions qui furent formulespar l'acte lgislatif sanctionnle 28 aot suivant par la couronne'.

    Cet acte mmorable du 28 aot 1833, aprs avoir prononcl'abolition de l'esclavage dans toutes les colonies de la Grande-Bretagne pour le ie' aot 1834, dclare que les affranchis qui cette poque seront gs de six ans et au-dessus, resterontcomme apprentis travailleurs chez leurs anciens matres lesprdiaux, c'est dire les hommes attachs au sol, les labou-reurs, jusqu'au 1" aot 1840; les non prdiaux, c'est direles artisans, domestiques, etc., jusqu'au ler aot 1838. Onfaisait cette inique distinction dans la supposition que les nonprdiaux taient plus instruits que les prdiaux par suite delent% rapports habituels avec les blancs. Outre les enfants au-dessous de six ans, taient aussi dclars compltement librestous les esclaves qui, du consentement de leurs matres, au-raient t transports dans les royaumes-unis de la Grande-Bretagne antrieurement la promulgation de l'acte manci-pa teur*.

    En dcrtant la dlivrance des esclaves, les Chambres au-

    Prcis de l'abolition de l'esclavage dans tes colonies anglaises,publi par le nnistre de la marine, i84i, 2e publication. Ce travail,qui a aujourd'hui quatre volumes, rsume avec une grande luciditl'immense quantit de documens mis au jour par ordre du parlementanglais.

    On peut voir, l'appendice des Colonies anglaises, la traductioncomplte de l'acte d'abolition, lettre A.

  • glaises votrent, par la mme loi une somme de 20 millionssterl. (500 millionsde francs) titre d'indemnitpour les mal-tres que l'on allait dpouiller de leur proprit humaine.C'tait afin d'arriver une sorte de compensation complte,autant que pour faire subir aux esclaves une initiationsupposencessaire, que l'on accordait aux colons le travail gratuit desaffranchis pendantsix annes.

    Le capital de l'indemnit devait tre rpartisur toutes lesMes et partag entre lea matres proportionnellement ce queleur avaient cot leurs esclaves. Voici de quelle manire la loid'abolition elle-mme ordonnait le mode de ce partage.

    Art. 33. Pour la distribution et la rpartition entre lesayant-droit du fonds de l'indemnit, S. M. pourra nommer descommissaires arbitres.

    Ces commissaires, dont le nombre ne pourra tre moindrede cinq, examineront les rclamations et prononcerontsur lesdroits des rcramans

    Art. 38. Danschacune des colonies, le gouverneur, le pro-cureur-gnral ou un autre magistrat attach au gouverne-ment, deux habitans ou un plus grand nombre, au choix desgouverneurs, seront nomms commissaires adjoints, l'effetd'clairer les commissaires arbitres dans tous les cas et surtous les points pour lesquels lesdits commissaires les consulte-raient.

    Ces commissaires adjoints exerceront les mmes pouvoirset la mme autorit que les commissaires arbitres.

    D'aprs les documens que leur transmettront les commis-saires adjointset ceux qu'ils auraient pu recevoir d'ailleurs, lescommissaires arbitres rendront leur dcision.

    Art. 45. Les commissaires arbitres dterminerontla part laquelle chacune des dix-neuf colonies aura droit, 1 d'aprs lenombre des esclaves appartenant chacune d'elles ou y tanttablis, tel que le donneront les derniers relevs faits au bureaude l'enregistrement des esclaves; 2 d'aprs les prix de ventedes esclaves dans chacune desdites colonies pendant les huit

  • annes antrieures au 1er juin 1834, en excluant de cette va-luation toutes les ventes d'esclaves qu'ils supposeraientavoirt faites sous des rserves ou des conditionsqui auraient af-fect le prix des esclaves. Ils tabliront ensuite en liv. sterl. lavaleur moyenne d'un esclave dans chacune desdites coloniespendant les huit annes dont il vient d'tre parl; ils multi-plieront le nombre total des esclaves de chacune d'elles par lechiffre de cette valeur moyenne, et les 20 millions de liv. sterl.seront rpartis entre les dix-neuf colonies proportionnellementau produit de cette multiplication.

    On voit que la base du mode de rpartition est l'estimationdes esclaves selon ce qu'ils avaient t pays d'aprs les der-niers achats antrieurs l'poque de l'affranchissement; maisla somme alloue ne pouvant suffire payer intgralement laproprit que l'on arrache aux possesseurs d'hommes, on laleur partage au prorata. C'est ce qui a fait dire aux planteursanglais, avec quelque raison, que le gouvernementavait lga-lis leur spoliation et en effet, une fois le principe de l'escla-vage admis, en leur donnant le travail des mancips pendantsix annes, on ne faisait autre chose que leur donner ce qu'onvenait de leur prendre.- Les troiscolonieso lesesclaves furentpays le plus cher sont La Trinit, 50 liv. 1 schell. par tte laGuyane, 51 liv. 17 schell. et Honduras, 53 liv. 7 schell. Lestrois colonies o ils furent pays le moins cher sont Tortola,14 liv. 3 schell.; les Bahamas, 12 liv. 14 schell.; enfin les Ber-mudes, 12 liv. 10 schell. Ce sont donc les esclaves de Hon-duras qui ont t pays le plus cher (1333 fr. 75 c.), et ceux desBermudes le moins cher (312 fr. 50 c.)

    En mme temps qu'il rglait le mode de rpartition de l'in-

    Dans la vue de fournirun renseignement utile quelqueslecteurs,nous joignons l'appendice(lettre B) un tableauprsentant la rpartitiondtaille de l'indemnit. Ce tableau, extrait de l'ouvrage sur les colo-nies anglaises, publi en 1859, Londres, par M. MontgomryMartin,a tous les caractres de l'exactitude.Il a t adopt par le ministre dela marine et insr dans la 5" publication du Prcis de l'abolition.

  • demnit, l'acte d'affranchissement, par ses art. 14, 15 et 18,instituait des stipendiant magistrats (magistrats rtribus)chargs de rgler les diffrens entre les anciens matres et lesapprentis.

    Le parlement, comme auxiliaire du radical changementqu'il introduisait dans la constitution sociale des colonies, seborna la cration deces magistrats spciaux, qui, prcismentparce qu'ils taient spciaux, devaient tre passionns.

    Nous avons eu occasion autre part de discuter longuementl'utilit de tels juges'. Nous n'y reviendronspas.

    Nous avons aussi montr les dangers de l'apprentissage'.Cette mesure, et ce sera l'inconvnient capital de tout systmetransitoire, ne rsolvait rien et laissait entire la question del'affranchissement. Elle substituait simplement l'autorit .dumagistrat spcial l'autorit domestique, et gardait le fouetdans toute son activit, en y ajoutant le tread mili'. Il ne nousparat pas ncessaire de rappeler ce que nous avons dit surcette institution de juste-milieu, sur les profondes msintelli-gences qu'elle a cres entre la classe des cultivateurs et celledes propritaires entre des apprentis qui n'taient pas libres etd'anciens matres dont on n'avait qu' moiti bris le pouvoir*.

    Des Colonies franaises, p. 547.1 do do p. 544 et 536.

    Nous ne croyons pas utile de dcrire ce ridicule supplice, que l'onpeut appeler en franais le moulin pas. Tout le monde sait mainte-nant qu'il consiste faire marcher le patient, qui se tient une barresuspendue au-dessus de sa tte sur les troites palettes d'une rouequi fuit toujours sous ses pieds.

    4 Voici le jugement qu'un adversaire dcid de l'mancipation aport sur l'apprentissage.

    Il Ce qui s'est pass Antigue a eu pour rsultat de dmontrerqu'un rgime intermdiaire entre' l'esclavage et la libert n'est pasune condition rigoureuse pour arriver l'mancipation. Il ne faut,avec des populations dfiantes comme les populations noires, et deshommes de peu de porte d'esprit, rien de douteux, rien qui puissefaire nattre des apprhensions. A Antigue, la position des noirs a tnette et franche ds le premier jour. Ailleurs ils n'ont pas compris la

  • L'exprience anglaise a du moins t utile en cela, pour lamajorit de nos colons, qu'elle les a dsabuss sur les prten-dus avantages de l'initiation que l'on voulait imposeraux ngrespour les rendre libres. Tout en repoussant l'affranchissementavec violence, ils demandentmaintenant,s'ils doivent le subir, ne pas subir l'apprentissage. Dj le conseil colonial de laGuadeloupes'estprononc dans ce sens. Le conseil colonial deCayenne vient de faire la mme dclaration en ces termes

    La conviction profonde du conseil est, que les esprances dela philanthropieseront trompes, que la culture et l'industrieseront perdues, etc.; mais le danger des mesures partiellesmet les colons dans le cas de prfrer l'mancipation gnraleet instantane, et de supplier le gouvernementde repoussertout autre moyen'.

    Six annes sont absolument insuffisantes pour modifier lesmurs d'une race mais qui, de bonne foi, oserait comptersurla disposition des affranchis tolrer un temps d'preuve plus

    condition transitoire laquelle on les soumettait. Vous tes librecommemoi-mdme, leur avait dclar chaque gouverneur, mais pendant sixannes vous serez soumis l'apprentissage. Ils s'expliqurenttrs bienla libert, mais pas du tout l'apprentissage.Ils ne voyaient point cequ'ils avaient apprendre,de sorte qu'aprs avoir rflchi, ils s'arr-trent l'ide qu'il y avait erreur, et qu'on ne pouvait rien exigerd'eux. L'apprentissage devint ainsi une poque de tiraillementet dedsordre qu'il fallut faire cesser avant le terme fix pour obvier de plus grands maux. Cette fois seulement la mre patrie et la gn-ralit des colonies se sont trouves d'accord. Les colons les plus com-ptens m'ont souvent assur qu'il et t prfrable de reculer le mo-ment de la libert de quatre ou six ans, et de ne pas crer un rgimequi n'a satisfait ni les noirs ni les planteurs, et qui au reste a t tropcourt pour que l'amlioration morale des affranchis en ft le rsultatcar ce n'tait pas une gnration faite qui pouvait profiter de l'talaged'coles et des moyens d'instruction que la philanthropie avait mis sadisposition.

    Dlibrationsur le rapport de M. de Rmusat relatif l'abolitionde l'esclavage.

    Rapport de M. le capitaine Layrle eur Antigue, 41 publication du Prdis del'abolition.

  • prolong. Aux colonies anglaises, on ne put pas mme at-teindre la limite des six ans! Les esclaves refusrent de sanc-tionner de leur adhsion les termes moyens adopts par leslgislateurs de la mtropole.

    Lorsqu'il s'agit, vers 1838, de librer d'une manire dfini-tive les artisans et les domestiques, il se manifesta beaucoupde mcontentement parmi les ngres laboureurs. Ils trouvaientinjuste que les autres fussent mieux traits qu'eux, et n'avaientjamais senti que trs confusment la prtendue sagesse d'unetelle distinction. La nuance un peu subtile sur laquelle on sebasait pour l'tablir n'tait point perceptiblepour leur bon sensnaturel, -et ils commencrent s'agiter. Tout le monde com-prit qu'il y avait l un pril, peut-tre des troubles effroyables.Il fut en consquence propos au parlement de remettre auxprdiaux les deux annes de travail gratuit qui leur restaient fournir, mais la majorit refusa. Par bonheur, les lgisla-tures coloniales, mieux instruites des ncessits du temps, etfatigues aussi du dtestable rgime de l'apprentissage, pro-noncrent toutes l'affranchissement gnral et sans exceptionde classes, pour le 1" aot 1838.

    1er aot 1838 date sublime qui restera ternellementdans les annales du monde pour la plus grande gloire du peu-ple anglais Ce jour-l, huit cent mille mes furent rendues la libre jouissance d'elles-mmes. Ce jour-l, toutes les cha-nes tombrent dans les colonies anglaises, et l'on n'y vit plusun seul homme qui ft la proprit d'un autre homme!

    Les abolitionistes avaient annonc thoriquement que l'-mancipation serait sans aucun danger rel les rsultatsviennent garantir qu'ils ne se sont pas tromps.

    Partout ce grand et magnifique vnement qui intressel'humanit entire s'est accompli sans violence. L'affranchis-sement des ngres anglais date aujourd'hui d'assez loin pourdevenir aux yeux du monde un tmoignage clatant quel'excrable base du systme colonial peut tre change sanscompromettre Fexistence des colonies que la libert peut tre

  • accorde aux noirs aans longue'prparation que leur escla-vage peut tre dtruit sans y substituer leurpropre misre etla ruine de leurs anciens maitres.

    Ici en particulier, il n'y a eu, depuis l'abolition dfinitive etl'on peut dire maintenant il n'y aura aucun dsordre grave.II est vrai que la garnison de l'ile se monte trois cent cin-quante soldats, parmi lesquels une compagnie ngre de centcinquante hommes

    Les esclaves, ds qu'ils furent libres, se mirent courir dect et d'autre; ils descendaientdes habitations et remontaient,ne fut-ce que pour s'assurer qu'ils avaient la facultde changerde place leur gr. On les voyait aller et venir sur les petitssentiers qui sont les grandes routes du pays, comme desfourmis folles dont on a trou la demeure. Tous les hommes,au premier moment, se firent pcheurs; toutes les femmescou-turires personne ne voulait plus de l'ancien travail e.sclavemais on fut bien oblig d'y revenir,car il faut boire et manger;peu peu chacun est retourn la terre, la vie a repris soncours habituel, et aujourd'hui, comme laboureurs libres, lesngres se montrent faciles conduire.

    On a pu juger, par ce que nous avons dit en commenant,et sans que nous ayons besoin de rien ajouter, si les colonsanglais se trouvaient beaucoup plus enclins que les ntres ac-cepter l'affranchissement. L'homme tant un, ses passions etleur mode d'action sont les mmes partout. C'tait, de la partdes croles des fVest-Indies exactement le mme langagequi se tient chaque jour la Martinique et la Guadeloupe,presque les mmes expressions.

    Aujourd'hui, elles ont bien chang: Si l'on avait fait debonnes lois spciales, nous a dit M. Laroche,crole franaistabli ici, l'mancipation nous et t favorable. Un autre

    Il L'arme anglaise a deux rgimens de troupes noires dans les An-tilles.

    1 Par West-Indies (Indes-Occidentales)on entend plus particulire-ment les colonies anglaises.

  • crole d'origine franaise, M. Renaud, nous a rpt la mmechose. Nous citons ces deux messieurs., autant parce qu'ilssont franais et qu'ils pouvaient avoir les prjugs des colonsfranais, que parce qu'ils ne sont pas d'exalts partisans del'abolition. M. Johnson, greur de l'habitation Rosalie, croitque l'mancipationseraitde beaucoup prfrable la servi-tude, si l'on obtenait des proper law8, .des lois spciales.

    Je ne voulais pas de l'apprentissage, nous a dit M. Davies,

    greur de la vaste habitation de Castle Bruce, je ne voulaispas non plus de l'mancipation, avant et aprs je m'en suisdclar l'ennemi; mais l'heure qu'il est, je pense qu'avec dutemps et de bonnes lo's, l'mancipation sera avantageuse pourtout le monde. C'est la traduction littrale des paroles doM. Davies, regard comme un des meilleurs planteurs de laDominique.

    Une chose certaine, c'est que la transformation sociale s'estopre avec une facilit laquelle les colons ne pouvaientcroire.

    On tonne beaucoup maintenant les habitans de la Domi-nique lorsqu'on leur apprend que nos croles affectent encorede'grandes craintes de massacres pour le jour de l'abolition, etsoutiennent l'impossibilit d'obtenir un travail libre et rgulierde la part des ngres.

    On ne se plaint de l'abolition ici, qu'en raison de ce que legouvernement l'a donne sans obvier aux embarras qu'unacte de cette importance devait ncessairement produire, enmodifianl d'une faon aussi essentielle l'tat politique du pays.

    L'Angleterren'a certes pas agi lgrementdans cette affairedepuis vingt ans elle s'en occupait; il y a sur la question, douzeou quinze volumes in-folio de sept huit cents pages publispar ordre du parlement, et cependant on peut avancer qu'ellea donn l'mancipation avec une sorte de violence. Elle n'apas eu de systme, ou plutt elle a eu pour systme de n'enpoint avoir, et croyant opportun de laisser tout organiserparles lgislatures particulires de chaque le, elle n'a rendu au-

  • cune loi approprie aux circonstances. Les lgislatures, ex-clusivementcomposes de blancs, n'ont presquerien fait, parceque d'un ct on n'a point voulu leur laisser tout dcider dansl'intrt particulier de leur classe', et que de l'autre ellesse souciaient fort peu de donner des garanties ou de procurerdes avantages au peuple mancip. Il est rsult de l que lasouveraine mesure a t livre, on pourrait dire, sa bonnefortune, surtout dans le principe, c'est--dire l'heure mmeo il tait le plus indispensable de diriger le mouvement d'unemain ferme et librale. On ne devra pas oublier cette leonen France; elle enseigne ce qui arriverait lorsqu'on aura d-crt l'abolition en principe, si l'on en rservaitl'excutionauxassemblescoloniales. Nos chambres, csprons-le, ne tombe-ront pas dans une pareille faute, elles voudront justifier cemot des habitans de la Dominique Si les franais pronon-cent l'mancipation, elle russira bien mieux chez eux quechez nous, parce que leurs lois sont plus fermes, plus pr-voyantes que les ntres. On ne peut s'tonner que d'une chose,c'est que tout aille aussi bien au sein de l'anarchie o l'onnous laisse.

    II serait difficile, en effet, d'imaginer une socit avec moinsde garanties lgales que la Dominique. Depuis l'abolition, rienn'est fix relativement aux devoirs, aux droits et aux obliga-tionsdesaffranchis;rien n'est rgl pour les conflits invitablesentre les anciens matres et les nouveaux libres, dont les

    Les colonies anglaises sont divises en deux catgories; lesunes*, appeles coloniesde la couronne, o la couronne possde seulele pouvoir lgislatif; les autres appeles colonies charte, qui ontle privilge de faire leurs lois elles-mmes, mais dont les rsolutionsne peuvent passer sans le concours du gouvernement et la sanctionmtropolitaine.

    La Trinit la Guyane Cap de Bonne-Esprance Honduras, Maurice Sainte-Lucie.

    Alllilllle, les Bahamas, la Barbade, les Bermudes, la Dominique, la Grenade,laJamaYqu,Montserrat, Nevis, Saint-Christophe,Saint-Vincent, Tabago Tortolaaui lies Vierges.

  • rapports ont si foncirement chang rien n'est prcis pour;dterminer et assurer les engagemens qu'ils peuvent prepfdre leles uns envers les autres. Ainsi, pour fournir una donn aux ngres la facult de rester trois moisdcases et sur les jardins qu'ils avaient autrefois commeesc ymais on n'a rien statu sur cette prise de possession. Les nvjinfne veulent pas s'en aller, et pour les renvoyer il faut l'arrdes juges spciaux, qui demeurent tous la ville.

    L'arbitraire des magistrats rtribus dcide peu prs seulde toutes les difficults qui se prsentent. Or, si la sagesse deshommes assemblset s'clairant mutuellement fait encore deslois entaches de tant d'esprit de parti, quelle partialit nedoit-il pas y avoir souvent dans ces juges uniques et tout puis-sans ?

  • CHAPITRE II.

    EFFETS DE L'ABOLITION.

    Malgr les dangers qu'on lui faisait ainsi courir, malgr ledsordre ncessaire et les excs qui devaient invitablementaccompagner le passage de l'apprentissage la libert, la po-pulation noire a montr une modration exemplaire, et, chosepresque impossible croire, quoique beaucoup de fautes et decrimes, qui du temps de l'esclavage recevaient leur chtimentsur les habitations, soient cette heure traduits devant les tri-bunaux, on n'a point remarqu que depuis l'mancipation lenombre des prvenus ou des accuss ait augment'.

    Les magistratsspciaux reoivent trs peu de plaintes'. Lesvols ruraux, dplorablement faciles dans ces vastes campagnessans cltures, ne sont pas plus nombreux que par le pass; jedirais qu'ils sont a la moiti moins nombreux si je n'avaiscout que M. Johnson, de Rosalie. M. Bertrand Dangle-bernes, propritaire que l'on peut ranger parmi les mcon-tens, ne va pas jusque-l, mais il convient avec tonnementetloyaut qu'on lui vole moins de cannes. Un fait positif, c'estqu'en parcourantla campagne,on trouve des fonds de ravines,fort loin de toute habitation et de toute case, cultivs jusqu'aubord des chemins en bananes, ignames, choux carabes, etc.Il est croire que les gens qui ont pris la peine de planter cesvivres, selon l'expression crole, ne les auraient pas ainsi li-vrs la foi publique s'ils n'avaient su pouvoir y compter.

    La race noire ressemble toutes les races humaines il y a

    1 C'est ce que nous disait l'honorable Will. Blanc, ancien attomeygnral, destitu pour cause d'opposition..

    Notre autorit sur ce point est M. Brigton, magistrat spcial.

  • des ngres bons et mauvais, et c'est une terre, on pourraitdire,qu'il ne s'agit que de bien cultiver pour en tirer des fruits utilesau monde entier.

    Le blue book de la Dominique pour 1839', que l'on a bienvoulu nous communiquer, tmoigne que nous n'avons pas vules choses notre favorable optique d'abolitioniste. Lors desrelevs statistiquesdu 31 dcembre 1839, il n'existait la seulegele de l'ile que 35 prisonniers, sur lesquels on comptait 3blancs. Au moment o nous la visitmes (aot 1840), elle n'encontenait que 27, hommes et femmes, prvenus et condamns!N'est-ce pas bien peu pour une population de 19,000 mes*.

    Dans presque toutes les les, mme la Jamaque, l'tat desprisons dpose d'une manire singulirement favorable pour la

    1 Les blue book ou livres bleus sont des relevs statistiques quechaque ile doit envoyer tous les ans au colonial office, ministre descolonies.

    Les derniers relevs de la population de la Dominique, faits en 1852,ont donn

    A ce nombre il faut ajouter la cargaison du ngrierportuguais Don Francisco, pris en 1857 prs de Ro-seau, capitale de la Dominique

    Ici, comme dans les Aotille franaises, le nombre des femmes dpasse celui deshommes. MM. Sturge et Berrey dans leur voyage aux West-Indits notent la mmediffrence en plus Ste-Lucie. la Barbade les 83,807 esclaves qui furent affranchi!m 1834 se composaient de 44,331 femmes

    Et 88,486 hommes.82,807

    2

  • masse des affranchis. M. Gurney, de la Socit des Amis, rendcompte en ces termes de sa visite la gele de Tortola. Je n'ytrouvai qu'un seul habitant, et l'on m'assura que depuis l'-mancipation complte les crimes avaient considrablement di-minu de nombre et de gravit. On me permit de parcourir laliste des incarcrations. La plupart n'avaient pour motifs quede lgers dlits, et je remarquai que le chiffre des crous, quidans les six derniers mois de 1827 avait t de 186, tait tombdans les six derniers mois de 1839 75; diffrence, 111 enfaveur du rgime libre. Pour ce qui est des dlits d'un genreplus grave, je me bornerai dire que les prcdentescours desession, qui embrassent une priode de neuf mois, n'ont t,dans la stricte acception du mot, que de longues vacances pasune seule accusation criminelle ne leur ayant t dfre.

    Nous avons toujours dit que l'on ne pouvait rien effectuerde bon dans la servitude, que l'tat de libert seul comportaitl'initiation la connaissance des devoirs de l'homme social. 11s'est pass aux West-Indies un fait trs frappant, confirmatifde ce que nous avions avanc. A peine mancips, les esclavescomprirent les avantages de l'ducation auxquels ils parais-saient fort indiffrens autrefois, et jetrent leurs enfans dansles coles, qui se remplissent mesure qu'elles se multiplient.Esclaves, la valeur d'ordre que renferme l'tat de mariage n'-tait pas assez sensible pour les engager sortir du concubi-nage o ils vivaient; peine libres, ils en sentirent la porte,et consacrrent lgitimement leurs unions illgitimes. Il nenous a pas t possible de faire le relev de ces unions lgi-times, mais toutes les opinions s'accordent sur ce point, que lenombre en est considrable. 11 y avait au commencement,trente, quarante, cinquante publicationsde bans chaque di-manche il yen a encore beaucoupaujourd'hui. Lesblancspr-tendent que cela n'est d'aucune signification et que les noirs

    1 A Monter in the Wesl-Indiet, 1859 i840, by J.-J. Gurney;ondon.

  • ne se marient que pour avoir le plaisir d'entendre mettre lemot monsieur ou mademoiselle devant leur nom; c'st une plai-santerie ddaigneuse dont nous avons ri volontiers avec ceuxqui se consolent par l de voir leurs anciens esclaves marcher l'galit par ces voies de perfectionnement. -Les ngres ontdonc fait ainsi d'eux-mmes un pas immense vers des habi-tudes rgulires. C'est dire que l'intelligenceet la moralit sesont rvles en eux tout coup. Une telle rvolution ne peutsurprendre que les gens sans philosophie, car elle est trs fa-cilement explicable. L'intelligence et la moralit sont inh-rentes l'homme elles existent chez l'esclave comme chez lelibre; mais, chez l'esclave, elles sont l'tat latent; la servitudeles comprime, tandis que l'mancipation les dveloppe. La li-bert est fconde par elle-mme.

    Il faut rendre justice la nation anglaise elle fait d'normesefforts pour rpandre l'instruction parmi les mancips; elley met un zle qui ne connat pas de sacrifices. Le parlement,avec la loi d'abolition, vota d'abord des fonds exclusivementconsacrs cet objet, et nombre d'associations de diverses na-tures le secondrent. C'est une chose consolante que de voir en-core tant d'espritsgnreux s'appliquer clairer le peuple detoutes les classes et de toutes les conditions. Heureuse semencepour l'avenir de l'Angleterre! Plus il y a d'hommes vritable-ment cultivs dans un pays, plus les murs s'amliorent! Lessocits s'adoucissent et se perfectionnent mesure qu'une plusgrande masse d'individus ont t appels jouir de la lumire!

    L'glise anglicane, en premier lieu, a institu la Domi-nique quelques coles et salles d'asile o elle a 191 lves, filleset garons. Les fonds sont faits par le gouvernement et pardes socits religieuses. Les mthodistesne se soutiennent quepar leur propreassociation; mais avec leur esprit de propagandeet le zle de gens qui ont leur chemin faire, ils ne se sont pasborns Roseau 1. Ils pntrent dans la campagne, et sub-

    1 Capitale de la Dominique.

  • viennent aujourd'hui l'instruction de 800 lves. L'glise es*tholiqffe ne se pique pas d'galer ses deux rivales: elle n'a, onplutt elle n'avait qu'une classe de 40 enfans. Nous trouvmescette classe ferme fautede matres.Le catholicisme n'a jamaismontrbeaucoup desympathiepour toutes les rformes qui ten-dent grandir le peuple. Il est trop l'ami des rois, le dfenseurde ce qu'on appelteta lgitimit. Heureusementles Mico-schoolssont encore venues augmenter les ressources du pauvre

    tablies la Dominiquedepuis dix-huit mois seulement, cescoles reoiventdj, dans les diffrentes stationsrpanduessurla surface de l'le 1,275 lves' qui ne prennent pas au del

    L'institutionMico est due une dame de ce nom qui lgua, il y acent cinquante ans, une proprit dont le produit devait tre employ payer la ranon de chrtiens captifs chez les barbaresques.Cette pro-prit a depuis acquis une grande importance, et en vertu d'un dcretde la cour de chancellerie britannique, le revenu doit en tre appliqu l'ducation des enfans ngres dans les colonies.

    Cette belle fondation est dirige Londres par des fidi-commissaires,et aux colonies par des agens locaux appoints. Le systme d'enseigne-ment des Mico-choolt est compos de plusieurs autres combins en-semble il cherche surtout dvelopper l'entendement des enfans;il s'attache ne pas les fatiguer, captiver leur attentionpar des moyensagrables. Les murailles de l'cole sont couvertesd'images,de gravurescolories qui amusent les lves et serventau matre de sujets d'expli-cation et d'analyse.-Lescoles anglicanes enseignent exclusivement lecatchisme et les critures saintes chez les mthodistes on n'apprendde mme lire que dans l'Ancien Testament. Dans les colonies fran-aises, les frres de Plormel font rpter une prire chaque change-ment d'exercice. La Bible est bonne tudier assurment, mais neserait-il pas mieux de donner aux enfans ngres des livres o ils ap-prendraient que la culture de la terre est honorable et que l'agricul-teur est un des hommes les plus utiles la socit. Ce qui distingueparticulirementles Mico-tchoolyc'est qu'elles ne sont soumisesa au-cune des mille sectes de l'glise chrtienne; il n'y parattpoint de ca-tchisme, et, banissant les ides de proslytisme, elles se bornent former intellectuellementles jeunes esprits qui leur sont confis.

  • de 1,200 liv. slerl. (30,000 fr.) sur le budget de la fondation.Le nombre de 1,275 mrite une attention particulire en celaque l'on doit payer une lgre rtribution pour tre admisauxcoles Mico. Quelque minime que soit cette rtribution, le prin-cipe en est excellent dans les colonies o la classe ouvriregagne assez pour la pouvoir supporter. Il serait imprudentd'exagrer le moyen mais il est trs sage d'amener insensi-blement les ngres devenus citoyens satisfaire par eux-mmes tous leurs besoins et tous leurs devoirs.

    En rsum, voil prs de 2,000 individus, enfans et adultes,qui reoivent l'ducation primaire la Dominique. Sur une po-pulation de 19,000 mes, c'est une proportion norme, et sil'on continue donner de pareils soins la race des mancips,il n'y a aucun doute qu'elle ne devienne apte fort rapidementaux obligations les plus abstraitesde l'homme libre.

    Les ngres, comme il a t not plus haut, ont merveilleu-sement senti tout de suite le prix de oe qu'on faisait pour eux,et ils y ont rponduen envoyant tous leurs filles et leurs rilg ces coles si libralement ouvertes. te lieutenant-gouverneurLiglit disaitdj, dans une des dpches du temps de l'appren-tissage

    On peut juger du dsir d'apprendre qui est dans la

    classe noire, lorsqu'on voit les enfans acheter avec hte les pe-tits livres lmentaires' 1 Aussi l'intendant des Mico-schools,M. Gordon, qui tous les jours est oblig de refuser, faute deplace, de jeunes lves que l'on amne aux diverses stations,vient-il d'crire en Europe pour engager la socit tendre

    C'est l'obligeance de M. Gordon, intendant des coles Micro laDominique que nous devons toutes ces notes.

    1 Prcis de l'abolition, etc., premire publication.

  • ses bienfaisantesoprations.-Ne manquons pas de faire obser-ver que les ngres adultes se montrent pour eux-mmes dsi-reux de sortir d'ignorance. Les coles du dimanche, plus par-ticulirement frquentes par les adultes qui sont occups pen-dant la semaine gagner leur vie, comptent Mico et auxmthodistes 714 lves.

    Il est digne de remarque que la colonie ne donne pas uneobole aux tablissemensd'instructionqu'elle possde. Plusieursfois l'assemble (les hommes de couleur y ont maintenant lamajorit) a vot des fonds pour cet objet, mais le conseil (lesblancs y sont en majorit) a toujours refus,.

    Les blancs sont opposs l'instruction du peuple. Toutes lesaristocraties,petitesougrandes, se ressemblent. Dans l'espce,toutefois, les blancs nous paraissent avoir raison de dire que lacolonie a des dpenses plus urgentes, puisque la charit suffitaux coles, et qu'il serait mieux de voter des taxes pour entre-tenir les chemins, qui sont dans un effroyable tat. L'assem-ble n'a par malheur jamais rien voulu faire de semblable.

    1 La Dominique tant une fle charte, son administrationest unpetit abrg de celle de la Grande-Bretagne. Il y a ici une chambrehaute, appele conseil, compose de sept membres nomms par le gou-verneur, avec une chambre basse, appele assemble composededix-sept membres la nomination du peuple. Le gouverneur repr-sente le troisime pouvoir.

  • CHAPITRE III.

    TRAVAIL.

    Mais le travail, le travail, demandent les conomisteset lesintresss; o en est le travail ? C'est l qu'est le bien ou le mal.Voyons, comptons avec ceux qui, peu sensibles la dlivrancede 800,000 mes, rsument toute la question en sacs de caf eten barriques de sucre. Rien ne vaut les chiffres. Adressons-nous aux chiffres.

    Voici donc pour la Dominique le tableau officiel des rcolte$de sucre pendant les seize dernires annes.

    La rcolte de 1840, toute entire plante, cultive, coupe,roule et fabrique par les ouvriers libres, ne se monte qu'

    L'ouragan de 1854 est la cause du dficit de cette anne; ses ter-ribles effets se sont fait sentir jusqu'en 1858.

  • 2,220 boucauts', tandis que le terme moyen des quinze annesprcdentes est de 3,260

    Les ngres libres ont moins travaill que les ngres esclaves,cela est incontestable. Mais n'est-ce pas tout simple? On lesa tirs de vos mains parce que vous les forciez travail-ler malgr eug; quoi de surprenant qu'ils en fassent moins,aujourd'hui qu'ils ne sont plus sous votre verge exigeante?Personne a-t-il jamaisni que des gens condamns un labeurforc ne voulussentprendrequelque repos lorsqu'ilsen auraientle pouvoir? Pouvait-on raisonnablementesprer qu'un change-ment aussi radical s'oprt sans jeter quelque agitation dansles esprits? et loin de se lamenter, ne doit-on pas tre surprisau contraire que la commotion n'ait pas eu des effets plus pro-longs, et que l'indpendance ait assez rapidement moralisles esclaves pour qu'ils n'aient pas instantanment refus touttravail? Considrez d'ailleurs que ces 2,220 boucauts formentla rcolte de la premireanne de libert absolue

    En prsence de ces chiffres, des hommes auxquels leur po-sition donnerait crdit si l'on ne voyait qu'ils sont insenss,crivent audacieusement

    C'est la Martinique, aujourd'hui,

    qui fournit Sainte-Lucie et la Dominique le sirop, le suereet le caf pour leur usage*.

    Maintenant que nous avons dclar le fait de la diminutiondes rcoltes sans crainte ni embarras, expliquons-le il nousserait mme permis de dire, justifions-le.

    L'effervescence des premiers momens n'a pas seule contri-bu au dficit; le nombre des bras employs sur les habita-tions, il ne faut pas l'oublier, a subi une diminution relle, ef-fective. Beaucoup de femmes, en premier lieu, ont cess demanier la houe; aujourd'hui que chacun vit pour soi, celles-l surtout qui ont une nombreuse famille restent la maison,

    Le poids des boucauts de sucre anglais est de 1700 !i. franaises.Les ntres, on le sait, ne sont que de 1000 liv.

    Le prsident du conseil colonial de la Martinique. 20 avril 1841.

  • o elles s'occupent de leur intrieur, dont les soins deviennentplusconsidrables mesureque l'on se rapprochedavantagedurang d'tres civiliss. C'est un malheur du travail isol quetant de femmes soient absorbes par le mnage, mais quelleme honnte le voudrait racheter par la servitude? Il se corri-gera si jamais l'avnement du travail en association harmo-nique rvl par Fourier vient rjouir la terre. Les enfansalors seront runis sous la surveillance de quelques matronesappeles remplir cet emploi par leur instinctif amour pourl'enfance, et les mres vaqueront d'autres obligations, sanstre forces de s'employer toutes veiller chacune sur sonnouveau n.

    Un certain nombre de jeunes filles ont disparu des atelierspar un motif moins lgitime. Ces malheureuses cratures, plu-tt que d'aller encore creuser les champs souills par la servi-tude, aiment mieux demander la dbauche de quoi satisfaire leurs besoins. La prostitution Affreux vice des socits,commun la libert et la servitude, qu'une longue actionmoralisatrice pourra peut-tre attnuer, mais que l'esclavagen'a jamais prvenu et n'aurait jamais su corriger.

    Quelques hommes ont quitt l'le au commencement pouraller la Trinidad et Dmrary, o ils croyaient Ctre mieuxpays', d'autres se sont tablis pour leur compte particulier,

    a Outre une case et un jardin qui leur seraient allous gratuite-ment, les migrans recevraient, comme tous nos laboureurs, un sa-laire rgl sur le pied d'un demi-dollar,d'une demi-livre de poissonet d'une petite pitance de rhum par tche. On peut aisment faire deuxde ces tches par jour.

    Le prix avantageux que leshabitansde la Trinitet de la Guyane peu-vent faire aux laboureurs s'explique par la prodigieusefertilit des solsvierges qu'ils exploitent, fertilit qui rend le travail plus productif.Dansces deux colonies,on tient pour terres infrieures celles qui ne donnentque pendant dix ou douze ans sans tre replantes. La canne une foispique ne cesse de fournir des rejetons qu'on coupe chaque r-

    Lettre du gouverneur de la Trinit au minislre secrtaire d'tat des colonie,si juillet 1840.

  • sans qu'on s'y oppost, sur les terres de la Reine, comme di-sent les Anglais, c'est dire sur les terrains vagues'. Ils y sub-sistent isolment en cultivant des vivres et un peu de cannesdont ils fabriquent du sirop qui se vend au march pour laconsommation de l'le2. Plusieurs enfin ont lou quelque petitmorceau de champ o ils vivent de la mme manire.

    Arrtons-nous pour noter que les affranchis plantent descannes aujourd'hui dans leurs jardins, ce qu'ils ne faisaientpas tant esclaves. C'est une observation que nous tenons deM. Bertrand d'Anglebernes et que nous avons pu constater parnous-mme. Les colons franais soutiennent que les ngresune fois libres pourront peut-tre planter des vivres leurusage, mais ne s'adonneront jamais la canne, vritable cul-ture des colonies, parce que cette culture demande des soinscontinuels!

    Outre les raisons dj numres, il faut ajouter que les n-gres ont encore beaucoup de rpugnance pour le travail de laterre. Ceux-l seuls qui n'ont pu faire autrement y sont re-tourns une certaine quantit de laboureurs sont rests enville, o ils remplissent tous les cadres de mtiers qu'ils pou-

    colle.

    Il y a un quartier de la Trinit fort tendu appel Naparima nordet sud dont les plantations, encore trs productives, n'ont pas t re-nouveles depuis vingt ans !*

    1 Il a t rendu, le 51 juillet 1858, par la lgislature locale, une loipour empcher ces prises de possession, contraires toutes les notionsdu droit et de la justice, et pour expulser l'intru elle n'a jamais texcute. Les Anglais ne possdent pas notre belle institution duministre public. L'attorney gnral (notre procureur du roi) plaidelorsqu'on lui porte plainte, autrement il se tait, et l'on ne s'adresse lui qu' toute extrmit, car la moindre plainte entrane des longueursinterminables et des frais considrables.

    Ils pressent la canne dans de petits moulins deux rouleaux debois qui se maneuvrentla main, et font cuire le vesou jusqu'l'tatde sirop.

    Tmoignage de M. Vurnlcy dans I'en|ui5to faite en 1840 par la Chambre des com-munes sur l'tat de* Il est-lndies. Voir Prcis de l'abolition deuxime partie de latroisime publicalion.

  • vaient occuper. Un planteur ne peut quelquefois pas trouverde bras, sans que ce soit paresse des ngres ils sont employsautre part, des ouvrages qu'ils prfrent. M. Walt qui di-rige la fois l'exploitation de la grande soufrire de la Domi-nique et une sucrerie, nous a dit qu'il ne manquaitjamais demonde pour la soufrire. M. Laidlaw, qui taille un chemindansune montagne de roches o il faut faire jouer la mine, a plusd'ouvriers qu'il n'en veut et en refuse tous les jours. (Rapportdu directeur des travaux.) A la soufrire, on vit dans uneatmosphre de feu au chemin, on est suspendu au-dessusd'un abyme. Mais il n'importe, le ngre prfre ces ouvragesdangereux, quoique bien autrement durs que ceuxde la canne,parce qu'ils ne sont pas du moins empreints des vieux souve-nirs de servitude attachs la houe.

    Le manque de bras en tous cas date de loin la Dominiquela difficult d'en trouver tient ce qu'il n'y en a pas assez,et ce n'est pas d'aujourd'hui que les matres se plaignent dela pnurie des travailleurs. On voit, en parcourant l'ile, lesruines de plusieurs sucreries abandonnes depuis longtempspour cette cause. La Dominique eut autrefois jusqu' 25,000esclaves; mais l'avantage que l'on trouvait depuis l'abolitionde la traite les vendre aux planteurs de la Guyane, dterminabeaucoup de maitres se dfaire d'une partie des leurs. Lesngres n'ont toujours t pour leurs propritaires que des ani-maux parlauts et l'on ne se faisait pas plus scrupule de lesarracher leur sol natal, que s'il se fut agi des boeufs dePuerto-Rico.

    Aujourd'hui, la population noire monte 15,000; dduisezde ce chiffre les gens employs dans les bourgs ou les villes,ceux attachs au service domestique, et vous verrez qu'ilreste 10,000 agriculteursau plus pour des terres qui pourraienten occuper 30,000, quoique la vingtime partie du territoiremis en exploitation ne soit pas cultive

    1 La Dominique est cependant une des plus petites iles des Antilles.

  • Le petit nombre des travailleurs et c'est pour cela quenous en parlons, est encore une cause eu rapport la surfaceexploite, qui tend les inutiliser. A l'poque o nous visitionsla campagne, M. Johnson, sur l'habitation Rosalie, et M. Dan-glebernes, sur .celles de Tabery avaient leur dispositionplus de ngres qu'ils n'en pouvaient employer. Ces ngres, an-ciens esclaves des deux habitations situes au vent de File, sontrests dans leurs vieilles cases, ils se trouvent trop loin desautres usines pour aller y louer leurs bras, et comme ils ontde quoi vivre sur leurs jardins, ils ne courent pas ailleurs, mal-gr l'inconstanceet le dsir de changement prts leur race.

    Aprs tout, il y aurait mauvaise foi ou erreur prendre cequ'on a dj obtenu des nouveaux libres pour la norme de cequ'on obtiendra.

    Un des privilges de la libert est de progresser, d'am-liorer toujours, et ce n'est pas un de ses moindres avantagessur la servitude, dont l'essence, au contraire, est de rester ina-moviblement stationnaire. Lors mme que les ngres montre-raient de plus mauvaises dispositions, il n'en faudrait pasmoins se rappeler que ce sont des affranchis d'hier, d'anciensesclaves, et qu'avec l'ducation surtout que reoivent leurs en-fans, on doit attendre naturellement mieux des gnrations venir. Nous ne faisons pas autant que nous faisions, nousdisait l'honorable W. Blanc mais je suis convaincu que nousregagnerons le temps perdu si la mtropole et la puissante so-cit des amis des noirs n'empchent point les ngres de tra-vailler par des mesures intempestives. La parole de l'hono-rable W. Blanc n'est pas suspecte, car attach par naissance etpar habitude au systme de l'esclavage, il serait, par sa fortune

    elle n'a que treize lieues de long sur trois de large. On estime sa sur-face 186,456 acres dont 86,000 seulement sont employs soit enculture, soit en prairie. Elle pourrait contenir cinq fois le nombre a-tuel de ses habitans.

    L'acre anglais a 660 pied? anglais de long sur 60 de large.

  • seulo, l'un des chefs de la rsistance, si les taiens dont il estdou ne l'en avaient pas fait le principal coryphe.

    Et ce n'est pas l une opinion individuelle sans consquenceparce qu'elle serait sans cho on est fort loin, la Dominiquecomme en Angleterre, de dsesprer des colonies.

    Les proprits valent ici ce qu'elles valaient avant l'manci-pation, et le crdit des habitans a plutt augment d Londresqu'il n'a baiss.

    Il est facile de donner cette affirmation des faits pour ap-pui. M. Thodore Gordon, l'un des principaux membres del'aristocratie blanche, crole de la Dominique, o il vient derentrer aprs avoir sjourn cinq ou six ans Dmrary, arcemment achet (aot 1839), une sucrerie pour la somme de5,400 liv. sterl. (135,000 francs) pays en cus. Les ngres part, elle ne valait pas davantage autrefois, et il l'achteraitencore nous disait-il, si le march tait conclure

    M. DugaldLaidlaw, riche propritaire, et fond de pouvoirde vingt-deux propritaires absens, fait mieux il monte unesucrerie neuve, les travaux sont commencs, et pour l'tablirl o il veut, Watten Waven, paroisse Saint-Georges, il estoblig d'ouvrir un chemin d'exploitation qui ne lui coterapas moins de 60,000 francs! cela ses propres frais, sans quele gouvernement participe en rien cette entreprise vri-table ouvrage public. Un autre crole d'ici a pris loyer unepetite habitation pour 500 liv. sterl. (12,600 francs) par an;enfin il est notre connaissance que le propritaire de l'habi-tation Geniva vient d'en refuser 10,000 liv. sterl. (250,000 fr.)

    Comparezcette situation avec celle des colons franais. Ils lut-tent pniblement contre la libert qui les dborde; ils augmen-tent leurs embarras pcuniaires en payant quelques crivainsperdus pour chanter les douceurs de l'esclavage; et pendant

    1 La Dominique a eu 275,556 liv. sterl. pour sa part d'indemnitses esclaves ont t pays, terme moyen, depuis les commandeursjusqu'aux vieillards, infirmes et enfans nouveau-ns, 19 liv. sterl.10 sh. (487 fr. if0 c.).

  • qu'au milieu de ces tristes efforts, toujours pleins d'inqui-tudes, ils n'osent relever les murs de leurs maisons ruines, lescolons anglais fondent de jeunes tablissemens. Chez eux lamort ici la vie. Chez eux le dcouragement, ici plus d'activitque jamais!

    On peut par ces faits et ces chiffres juger de l'avenir que leshabitans des West-Indies supposent, malgr la diminutionactuelle des rcoltes au travail libre qu'ils exprimentent de-puis deux ans. Voil des propritaires, gens riches, sachant cequ'ils font, qui mettent plus de 200,000 francs de premiersfrais dans une sucrerie nouvelle! Quand les hommes dans cetteposition placent de la sorte leur argent et leur industrie, as-surez-vous qu'ils sont loin de regarder le pays comme perdu

    De quel trange esprit d'erreur ne sont pas frapps nosfrres des colonies franaises pour crire aprs cela

    ,

    1 Dpche de Sir T. Metcalfe du 44 dcembre 1840.

  • allou celui qui s'acquitte de la sorte. Une ds premires foisque l'on eut lieu d'appliquer ce dcompte, le receveur, trouvantqu'il ne montait qu' un penny, dit avec indiffrence Bah,a ne vaut pas la peine. Donnez, donnez donc toujours, re-prit le nouveau citoyen, un penny a sa valeur sur la place quandles gens de la ville m'achtent des lgumes.

    1840 fut la premire anne o la taxe atteignit les ngres,etds la seconde, les nombreux achats de petits lots ont aug-ment les revenus de presque toutes les paroisses de dix foisleur valeur. Il est arriv mme une chose fort extraordinaire.Sans parler des troubles l'excessive scheresse qui rgne de-puis deux ans a svi d'une manire si terrible sur les grandesproprits) qu'elles se trouvent la plupart en arrire pour lepayement de leurs contributions. Or, dans la paroissedeSainte-Catherine, n'et t l'empressementdes affranchis s'acquit-ter de leurs taxes, la paroisse n'aurait pas eu de quoi subvenir ses charges publiques!

    Ce fait est si imposant dans la question, que les ennemis del'mancipationvoudrontpeut-tre le nier. Ils aurontalors s'enprendre M. Richard Hill, de qui nous le tenons. M. RichardHill, multre fils de ngresse, n'est pas seulement un deshommes les plus distingus de cur et d'espritqu'aient produitles Antilles, il est de plus chef des magistrats spciaux, et encette qualit, presque tous les comptes de la colonie passentpar ses mains.

    Ambitieuxcomme Us le sont de tous droits politiques, nousdevons voir encore dans la loi de la Jamaque du 19 dcembre1840 une des causes qui excitent les affranchis possder.Cetteloi, dont il faut d'autantplus admirer la libralit qu'elle est faitepar d'anciens matres, accorde le vote lectoral tout citoyeng de vingt-un ans, ayant un loyer de 30 liv. sterl., ou poss-dant, soit de son chefou de celui de sa femme, soit comme cu-rateur, ou fidl-commissaire, ou crancier hypothcaire, uneproprit consistant en maison d'habitation, terres, pturages,plantation, tablissement agricote, 'etc.! d'un revenu net an-

  • nuel de 6 liv. sterl. (150 fr.) Cent, cinquante francs reprsen-tent pour nous une somme encore assez forte, mais la Ja-maque elle compte peine. Aussi voit-on sur les listes, deslecteurs et des miliciens dont la profession indique est do-mestique. Il est vrai que des gens professiondite librale nes'y trouvent pas. Pour notre compte, nous croyons, depuislongtemps dj, qu'il y a beaucoup de prjug dans la dgra-dation attache la domesticit. Ce qui s'observe aux tats-Unis prouve que la ligne de dmarcation trace entre l'hommequi sert et celui qui paie le service, n'est peut-tre pas plus so-lide que bien d'autres; nous ne sommes donc aucunementbless que les domestiques soient lecteurs, mais nous vou-drions au moins que tout le monde, mme leurs maitres, lefussent avec eux.

    En somme, les mancips sont heureux, notoirement heu-reux il n'est pas un habitant des West-Indie qui le rvoqueen doute.-Pussions-nousobtenir le mme destin pour les pau-vres proltaires d'Europe! Sous ce rapport, le premier, leprincipalbut de l'mancipation a t parfaitement atteint. Lesngres anglais ont la satisfaction de tous les besoins qu'ilsconnaissent; ils ne se voient plus condamns au supplice deTantale rtribus pour leur travail, non pas avec excs, maisconvenablement, ils sont toujours assurs du pain quotidien, etce peuple si longtemps, si cruellement perscut, aujourd'huirendu l'humanit, plac sous le plus beau ciel du monde,travaillant comme les riches d'Europe selon que l'exigent sesbesoins, oubliera peut-tre ses dtresses passes dans la jouis-sance d'une libert qui n'a de limites que l'action de la loicontre les coupables.

    Doit-on s'inquiter aprs cela s'ils plantent autant de cannesque lorsqu'ils taient esclaves? Souvent, au milieu des magni-fiques forts des Antilles, absorb dans leur grandeur silen-cieuse et imposante, rchauff par ce beau ciel toujours pleinde douceur, toujoursbienfaisant, j'ai oubli l'conomiepolitiqueavec ses imprieuses ncessits de travail et je me suis de-

  • mand, dans l'amertumede mes souvenirs, si des hommes quijugeraient la banane une nourriture suffisante et l'eau de lasource une boisson prfrable aux liqueurs fermentes aveclesquelles nous nous empoisonnons qui trouveraient, dans lacontemplation du soleil et de la nature, de quoi satisfaire auxbesoins les plus illimits de l'imagination et qui ne cherche-raient rien au-del, seraientdes hommes dont la folie devraitparaitre bien mprisable? Si l'ignorance, compagne de l'tatsauvage, ne paralysait le dveloppement de la sensibilit, jeserais de l'cole des sauvagistes.

    Le bien-tre, les progrs, les perfectionnemens, les amlio-rations de mille natures diffrentes dont jouissent les manci-ps, tout cela est le fruit miraculeuxde quelques jours de li-bert Car les esclaves de la Jamaque n'taient pas mieuxpr-pars que les ntres pour l'indpendance. Ils n'taient ni moinsstupides, ni moins borns, ni moins barbares, ni moins abrutis.On a vu que bien qu'ils fussent 350,000 contre 20,000, jamaisaucune de leurs rvoltesne russit; l'intelligence, seule, pres-que sans le secoure des armes, refrnait aisment ces normesforces brutales. Lors de la dernire rbellion, on trouva dansles mains de quelques ngres des fusils piston chargs dehuit et dix balles. Ces malheureux chargeaient, tiraient sanscapsules, et, croyant le coup parti, chargeaientde nouveau.

    Voil ce qu'taient en 1831 les gens qui aujourd'hui paient lataxe avec fiert.

    Ils se trouvaient si peu avancs en 1838, lors de la libertdfinitive, que le gouverneur,sir Lyonel Smith, leur gnreuxami, dut faire deux proclamations pour leur apprendre et lesconvaincre que les cases des habitations appartenaient leursanciens matres et non pas eux. Vous ne devez pas voustromper, leur dit-il le 9 juillet de cette anne, en leur annon-ant qu'ils allaient tre libres', vous ne devez pas supposer

    1 Le lecteur ne sera pas fch de trouver ici cette proclamation elleest belle et simple elle a surtout ce caractre d'appropriation de la

  • que les maisons o vous tes et les terres de provisions qui s'ytrouvent jointes soient votre proprit, elles appartiennent aumattre de l'habitation, et vous aurez en payer la rente, ou en

    forme la chose ce juste rapport de la lettre l'esprit, qui font laplus grande supriorit de nos voisins.

    Apprentis prdiaux 1 peu de jours encore et vous allez devenirdes laboureurs libres la lgislature de Me vous fait grce des deuxannes restantes de l'apprentissage.

    Le premier aot prochain est le premier jour o vous deviendrezlibres, o vous vivrez sous les mmesloisque les autres hommes libres,blancs, noirs ou jaunes.

    Moi, votre gouverneur,je vous donne la joie de la bonne nouvelle.

    Souvenez-vousque libres vous aurez dpendre de vous-mmespour le soutien de votre vie et de celle de votre famille. Vous travail-lerez pour tels gages dont vous conviendrez avec ceux qui vous em-ployeront.

    II est de leur intrt de bien vous traiter; il est de votre intrtd'tre civils, respectueux et laborieux.

    Vous pourrez vous arranger et continuer d'tre heureux avec vosanciens maitres; je vous engage fortement rester sur les propritso vous tes ns, o sont enterrs vos parens.

    Vous ne devez pas supposer, etc. (le paragraphe transcrit dansnotre texte.)

    Les paresseux qui ne prendront pas d'emploi et se mettront errer dans la campagne, seront saisis comme vagabonds et punis de lamme manire que le sont les vagabonds en Angleterre.

    Les ministres de religion vous ont t d'affectueux amia; coutez-les, ils vous prserveront des embarras et des difficults.

    Souvenez-vous de ce qu'attend de vous le peuple d'Angleterre,qui a pay une si large somme pour votre,libert.

    a 11 n'espre pas seulement que vous vous comporterez comme defidles sujets de la reine en obissant aux lois, ainsi que je suis heu-reux de dire que vous avez toujours fait comme apprentis, mais quela prosprit de *l'lie s'accrotra par votre travail libre bien au-del deee qu'elle a jamais t durant l'esclavage.

    Soyez honntes envers tous les hommes, bons envers vos femmeset vos enfans. pargnez vos femmes, autant que vous le pourrez, leslourds travaux des champs; qu'elles accomplissent leurs devoirs lamaison, en levant vos enfants, en prenant soin du mnage mais sur-tout faites que vos enfans aillent l'glise et l'cole.

    Si vous suivez ces avis, vous serez heureux et prospres sous labndiction de Dieu.

  • monnaie, ou en travail, selonles traits que vous ferez avec lui. Le 25 mai 1839, d'aprs un ordre du ministre, il est oblig

    de leur dire encore Vu qu'il a t rprsent au gouverne-ment de S. M. que la population agricole de cette ile commetl'erreur considrable de se croire quelque droit aux cases etjardins qu'il leur tait permis d'occuper et de cultiver durantl'esclavage et l'apprentissage, et vu qu'une semblable erreur,parlout o elle existe, peut nuire tout la fois aux laboureurset aux propritaires, je fais connatre que j'ai reu des instruc-tions du secrtaire d'tat pour les colonies de S. M. qui m'or-donnent d'apprendre aux laboureurs qu'une pareille notion estcompltement errone, et qu'ils ne peuvent continuer occu-per leurs maisons et leurs jardins que sous les conditions faitesavec les propritaires.

    Et vu qu'il a t reprsent au gouvernement de S. M. queles laboureurs, dans beaucoup de parties de l'le, s'imaginaientqu'une loi allait tre envoye de la Grande-Bretagne qui leurdonnerait lesdites maisonset jardins sans aucun gard pour lesdroits des propritaires, je fais connatreque pareille loi ne serajamais envoye d'Angleterre.

    C'est ainsi qu'taient prpars les ngres de la Grande-Bre-tagne.

    Que le lecteur note ceci Les colons franais disent que l'af-franchissement dans les les anglaises n'a pas plus mal russiqu'on ne le voit, parce que les sujets noirs de S. M. Britan-nique taient plus avancs que les ntres, et les colons anglaispensent gnralement que notre mancipation sera moins la-borieuse que la leur, parce que, disent-ils, les esclaves de noslies qu'ils ont vus paraissent plus instruits, plus actifs, plus ca-pables decomprendre les devoirsde l'homme libre !-Unechosecertaine, c'est qu' Puerto-Rico,o on recevait les ngres fran-ais si avidement autrefois que nos coloniesdportaient l leursmauvais sujets, il n'est plus permis d'en importer un seul sousaucun prtexte, sans ou avec son matre, parce qu'on redoute

    leur esprit actifet port la rsistance.

  • CHAPITRE IV.

    TROUBLES.

    Mais, dira-t-on, o donc est le mal ? En quoi consiste-t-il?Est-ce un fantme destin seulement nous effrayer, que cettepeinture lugubre des malheurs de la Jamaque que font les ad-versaires de l'affranchissement?Non. Tout n'est point inexactdans leurs discours. Nous arrivons ces malheurs nous nesommes pas tent d'en rien dissimuler si nous en parlonstard le lecteur verra que ce n'est point de notre part craintede prsenter un fait accablant, mais simplement esprit de lo-gique qui place les choses leur rang et ne parle qu'en secondde ce qui joue un second rle il verra que ces maux, si gravesqu'ils soient pour quelques individus ne sont on peut direqu'un accessoire dans cette rvolution sociale o 320,000 treshumains renaissent tous les droits de l'homme.

    Mais les malheurs mmes, qui en doit porter le blme? quidoit-on accuser? quelle part en revient au gouvernement?quelle part aux anciens matres? quelle part aux anciens es-claves ? C'est ce que nous voulons examiner et il sortira peut-tre de l'expositioncomplte, dtaille, sincre des dsordresde la Jamaque. une nouvelle preuve plus triomphante quetoute autre de la droiture naturelle des ngres, un nouvel etirrsistible argument en faveur de la libert immdiate.

    Pourquoi l'mancipation a-t-elle eu plus de peine s'asseoir la Jamaque que partout ailleurs ? Voyons si de mauvaiseslois et des'procds injustes l'gard des mancips n'auraientpas provoqu bien des dsordres. Sachons quellea t, en pr-sence de ce grand vnement, la conduite des matres.

    Jusqu'au dernier moment, les colons de la Jamaque re-poussrent l'mancipation; ils ne l'acceptrent point de bonne

  • grce au fond du coeur; ils ne s'y taient pas prpars on avu plus haut avec quel acharnement ils refusaient mme laparole aux prdicateurs. Lorsque le grand jour arriva, il lestrouva pleins de colre et dcids, sinon la rsistance ou-verte, du moins l'opposition.

    Les croles de la Jamaque, riches et nombreux, avaientrpt satit, comme les ntres rptentencore aujourd'hui,quel'loignemento la mtropolese trouvait des lieux, et l'igno-rance o elle tait des choses, la rendait inapte avoir uneopinionsur les colonies. Ils insistaient sur ce point, qu'on de-vait s'en remettre entirement eux des mesures prendre,et qu'eux seuls pouvaient juger s'il tait opportun de changerou de ne pas changer le rgime colonial Le corps des blancsde la Jamaque est connu pour avoir t sur ces matires aussiexagr aussi rtrograde que celui de la Martinique, et leursmauvaises dispositions taient si peu dissimules, que le mi-nistre anglais envoya, ds que la loi d'abolition eut pass,treize magistrats spciaux dans l'ile, afin qu'ils arrivassentavant mme que la lgislature pt discuter l'acte; lui donnantainsi entendre, par leur prsence anticipe, qu'elle n'avaitrien de mieux faire que d'enregistrer. La lgislature compritqu'il fallait se soumettre et accepta le bill d'excution l'una-nimit, mais en disant Les colons de la Jamaque n'ont ja-mais entendu dfendre le principe de l'esclavage que commese rattachant leurs droits de propritaires. L'indemnit ad-mise, ils sont prts renoncer au principe, fiers de montrerque leurs sentimens rpondent ceux de la mtropolepour lesesclaves.

    1 The Wett-Indici in 1858 6y Thomas and Kimbail, publi New-York, par la socit d'abolition de cette ville.

    Il fut dit ces messieurs, par un planteur de la Barbade, que e'ett un propos sditieux dans l'ile d'exprimer la croyance que l'on putfaire du sucre sans le fouet. Il On peut voir, dans notre livre sur lescolonies franaises, qu'il en est encore de mme aujourd'hui la Mar-tinique et la Guadeloupe.

  • C'tait le seul langage tenir en prsence du fait accompliet l'on ne s'y trompa pas, car le nombre complmentaire desmagistrats spciaux assigns pour l'ile avait laiss les rivagesde Falmouth long-temps avant que l'on pt savoir en Europel'acceptation des colons. Le ministre, toutefois, ne laissapoint passer la petite audace du considrant sans la relever,et dit en rponse par l'empressement de la colonie se ren-dre aux vux de la mtropole, elle s'est acquis aa juste part l'indemnit,

    On ne pouvait gure attendre qu'ils sauraient habilementconduire une entreprise difficile, ceux-l mmes qui avaientdclar l'entreprise impossible. Les croles de la Jamaqueaugmentrent les embarras attachs une condition aussifausse que celle de l'apprentissage, par leur manque de sou-plesse et surtout leur fcheuse tendance rapprocher autantqu'ils purent l'apprentissage de l'esclavage. Et malheureuse-ment, on le sait, l'Angleterre ne leur avait donn cela quetrop de facilit, en laissant aux les le soin de rgler tous lesdtails de l'mancipation. Un rapide coup-d'eeil jet sur l'actede la lgislature locale qui promulga, le 12 dcembre 1833, laloi d'abolition rendue par la mtropole, ne servira que tropbien justifier notre accusation.

    Le fouet y est prodigu avec une dsolante et impitoyablebarbarie.

    L'article 31 prononce jusqu' 39 coups, pour insolence ouinsubordination de l'apprentienvers celui qui l'emploieu, l'ar-ticle 32 punit de 50 coups, celui qui par ngligence mettraune proprit en danger du feu ou maltraitera le btail, ou parinsouciance dtruira ou endommagera la proprit confie ses soins.

    Au nom de l'article 42, le juge spcial peut condamner 20coups de fouet

    liv. 9 ach. 2 3/4 d.f837 Apprentissage 10 5 3/41838-39 Libert 7 6

    Ouvrage sur leg glacis; pour retourner le caf et veiller ce qu'il ne toit potmouill par Us grain* de pinte.

    1833 Esclavage 1 liv. 1 ec6. S d.1831 Apprentissage 19 3 3/4f838-39 Libert 17 S 1/S

    Nettoytr une

  • Dr Steward, penche dcidment pour le meilleur marchmme la Jamaque; mais nous devons dire que des hommesde non moins de poids, et M. Cater, entre autres, sont d'unavis contraire.

    Les doutes qui existent sur une ditlicult aussi importantesont nos yeux une prsomption qu'elle se rsoudra favora-blement. On doit considrer que les colonies mancipes sontencore dans la crise du passage et fortement branles par lechangement radicalqu'ellesviennent de subir. Lorsque le tasse-ment de la nouvelle construction sociale se sera opr, beaucoup

    Nettoyer une pice de pturage.1837 Apprentissage 61iv. 13 sch. 4d.1839 Par contrat ou tche 3

    Abattre le bois et prparer la terre pour planter k caf. L'acre de terre1831 Apprentissage 8liv. lOsch. 'd.1839 Par contrat ou tache 9 6 8

    Construire 35 chanede mur en pierre poaea ka unes sur lu autres.1831 Apprentissage 1 liv. 5sch.lOi/2d.1839 Par contrat ou tche 1 6 8

    Arracher les mauvaises herbes; sarcler. 13 acres de caf:1837 Apprentissage. 14 UV. 8 sch. 4 d.1839 Par contrat ou tche 8 13 4

    Arracher les mauvaises herbes; sarcler. La pice de 21 acres de caf:1831 Apprentissage 15 liv. 1i sch. 8 d. 1839 Par contrat ou tAche. 44 0

    Couper les arbrisseaux qui crofaaenf dans un pturage. L'acre1857 Apprentissage 2 liv. 1 sch. 8 d.1839 Par contrat ou tche 1 b 0

    monder 13 acres de caf.1831 Apprentissage 17 liv. sch.d.1838 Par contrat ou lche 13 3

    l.a chane de la Jamaque est une mesura de 66 pieds anglais. Ces mun ferrentclore les habitations ou les pturage. Dans les quartiers o il n'y a pas de pierres

    on fait des barrires de boisa jour dans plusieurs autres on enferme l'babitationdansune vaste teinture de painguoins, espces d'anaou sauvages, que leurs tertibleapiquans rendent impntrables.

  • de choses que l'on ne peut faire maintenant deviendront possi-bles. Nous citerons dans ce sens l'opinion d'un homme qui, parson zle ardent dfendre la propritdes croles, doit mritertoute la confiance de leurs amis. M. John Flinter est l'auteur deplusieurs livres en faveur du maintien au moins actuel de l'es-clavage il ne veut pas de l'abolition,parce que, dit-il, le ngreest naturellement paresseux, et que ce serait mettre les colo-nies feu et sang que de l'manciper. Cela toutefois ne l'apas empch d'crire, sans autre provocation que celle de l'-vidence des faits observs sur les lieux Les propritairesdes Indes-Occidentalessont persuads que l'on ne peut cultiverla canne sans esclaves; mais ils pourront en peu d'anneschanger d'avis sur ce point, s'ils veulent faire des expriencesprudentes et judicieuses protges par le gouvernement. Avec le temps, il est possible qu'au moyen du travail librela culture tropicale soit plus avantageuse, et se fasse meilleurmarch et avec plus d'humanit que par des esclaves. J'ai faitl'exprience dans une cafire de l'Amrique du sud, je l'aivu faire aussi d'autres dans les indigoteries, et j'ai invariable-ment trouv que la culture revenait moins cher avec des jour-naliers qu'avec des esclaves'.

    En tous cas, selon nous tout labeur qui ne rapporte pas son auteur de quoi lui procurer une bonne vie, est un mau-vais labeur que l'on doit abandonner. Si le travail libre est pluscher que le travail esclave, il faudra payer le sucre plus cher;si le travail libre est assez cher pour rendre impossible la cul-ture de la canne, il faudra renoncer au sucre de cannes et auxcolonies. Ce serait un malheur, mais pas aussi grand que celuidesoumettre descratureshumainesau rle de btes de somme,et nous ne prcherions pas l'affranchissement avec moins d'-nergie sans que notre conscienceen prit alarme. Aucune con-

    Examen del eatado actual de los esclavos de Puerto-Rico, 1852.M. Flinter, dans cette brochure, a pour principal but d'tablir que lesesclaves de Puerto-Rico sont infiniment plus heureux que les paysansde l'Europe.

  • sidration d'intrt matriel ne peut lutter dans notre espritcontre une considrationd'intrt moral. Indemnisez les ma-tres, rpterons-nous toujours, mais dlivrez les serviteurs.Celui qui est ami de la justice n'a pas rechercher quel prixon peut obtenir du sucre ou du caf, mais bien quel prix onpeut les obtenir sans blesser la justice.

    En finissant, c'est un chagrin pour nous de penser que toutce qu'on vient de lire sera perdu pour nos compatriotesdes An-tilles. Ils ne contrleront mme pas l'exactitudeet la porte denos recherches. Ils ont, pour leur malheuret pour celui de leursesclaves,d'tranges faonsd'agir sur le terrain de l'abolition. Ilsnient purement et simplement les faits les plus concluansqu'onleur prsente, lorsqu'ilsne les trouventpasleurgr, et fermentainsi la porte la vrit sans lui permettremmede se montrer.On ne peut imaginer l'espce de vertigeauquel ils sont en proie.Leur citez-vous une parole favorable l'affranchissement re-cueillie dans les Iles anglaises ils vous rpondent aussitt Les croles anglais vous ont tromp; ils sont intresss jeternos colonies dans des embarras pareils ceux o ils se trou-vent.

    Puis, cela dit, ils restent persuads que les Antilles bri-

    tanniques sont perdues.Les colons anglais nous ont tromp L'homme n'a pas la

    force ncessaire pour sacrifierainsi ses ides et oublier ses pas-sions. Un individu le pt-il, soyez assur qu'un corps d'hommesne le pourra pas. Que les croles franais le sachent d'ailleurs,les habitans d'Antigue sont loin de l'optimisme. Ils disent quetout irait bien mieux si on les laissait faire; ils se plaignentavecamertume qu'on ne leur permette pas d'agir seuls, eux quiconnaissent le 'payset savent ce qui lui est propre ils blmenttrs haut les plans des hommes fanatiques ignorant les chosescoloniales et les rels besoins des Antilles auxquels la reineprte malheureusementl'oreille.

    Ils voudraient des lois de

    restrictionjusqu' ce que les progrs de la civilisation dictassentle momentde les abandonner.

    Uneligne contraire, nous cri-

    vait M. Salvage Martin, rpondant quelques questions qu'il

  • nous avait permis de lui adresser Une ligne contraire renddouteux de savoir si l'issue de l'opration politique laquellenous assistons sera l'addition la couronne d'Angleterredenombreuses les civilises ou leur retour la barbarie. Il taittrs possible de rendre la libert des ngres profitable tout le monde, si l'on et voulu nous permettre de faire debonnes lois. La trop courte dure de l'expriencene me laissepas d'opinion sur l'avenir. Souvent j'ai confiance, quelquefoisje me dcourage, et en somme si je n'y compte pas toujoursj'espre du moins une issue favorable. N'est-ce pas en d'au-tres termes le mme langage que nous tenait M. William Blanc la Dominique et M. le docteur Spalding la Jamaque!

    On voit donc que les Anglais, s'ils disent le bien aux aboli-tionistes de France qui viennent les visiter, ne cachent pasle mal. Ils s'en font un devoir d'honnte homme, comme nouscrivait encore M. Martin. Ces doutes, que nous nous sommesfait notre tour un devoir de ne pas dissimuler, on nouspermettra d'ajouter qu'ils sont trs faciles concevoir et nedoiventeffrayer personne. Ils sont dans la nature humaine.M. Salvage Martin, avec son esprit juste et ferme, leurdonnait une explication fort simple Quoi que nous puissionsvouloir, et en dpit de ce que nous enseigne le bon sens noussommes instinctivement un peu ennemis de l'mancipation.Eh comment n'aurions-nous pas de regret pour le passL'abolition m'a enlev ma puissance elle m'a retir mes cou-des, franches: j'tais matre, matre! je ne le suis plus; jepouvais tout, je ne puis plus rien. Ce ngre qui passe en mesaluant et qui ne me saluera plus demain, si je ne lui rpondspoliment, taitmonserviteurhier, il est mon gal aujourd'hui.

    Les planteursanglais ont t, comme le sont aujourd'hui lesplanteursfranais, de violens ennemis de l'abolition,parcequ'ilsy voyaient la ruine. Ils doutent de ses bienfaits actuels, parcequ'ils lui gardent rancune de la peur qu'elle leur inspira et dela toute puissance qu'elle leur a te parce qu'une longue ba-bitude avait depuis longtemps faonn leur esprit l'ancien

  • systme; parce que, accoutums au vif plaisir d'une volont ty-rannique, l'obligationde traiter d'gal gal avec leurs anciensesclaves les blesse et les chagrine; parce qu'on ne renoncejamais sans regret au pouvoir absolu, moins d'y tre conduitpar de hautes penses de philosophie, de morale et de charit;parce qu'en dfinitive, le vieil tat de choses tait plus com-mode. pour eux. Tout cela est assez naturel, et cependant,au fond, on pourraitcompter ceuxqui voudraient revenir l'es-clavage, s'il leur tait donn de retourner en arrire. a Non,non, nous disait M. Laroche, crole franais tabli la Do-minique, quand on a pris l'habitude des hommes libres, on neveut plus d'esclaves. M. Martin disait de mme, en ajoutant Les inconvniens de la servitude taient mille fois plus into-lrables que ceux de la libert. Aujourd'hui, aprs tout, nousn'avons plus qu' tcher d'obtenir le travail des ouvriers; nousne sommes plus responsables de rien, et j'irai me coucher cesoir en plaignant le laboureur malade, mais sans crainte que samaladie aboutisse pour moi une pertede 200 ou 300 dollars. Il

    L'affranchissement des ngres a dlivr les planteurs de laservitude des devoirs attachs la proprit pensante; le mal-ire tait toujours oblig de tenir la main la chaine rive aupied de l'esclave, et l'on retrouve le bonheur d'tre libr decette contrainte dans ce que disent beaucoup de croles an-glais. M. Sheriff, avocat Saint-John, et propritaire d'unesucrerie, allait plus loin que M. Martin. Il n'est pas un denous, prtendait-il, qui voudrait redevenir maitre, lors mmequ'on nous laisserait l'indemnit. coutons encore M. Shand.M. Shand ne possde pas moins de quatorze habitations aveccette immense fortune coloniale, il doit tre plus apte que per-sonne comprendre le pour et le contre de l'affranchissementson intrt d lui faire lire mieux qu' personne l'avenir dansle prsent. Voici comme il s'exprimaitdevant nous L'exercicedu libre vouloir chez les ouvriers a rendu, cela est certain, lemaniement des ateliers plus pnible. Nous avons affaire unepopulation impressionnable, jalouse, et le moindre reproche

  • sullit pour dcider un laboureur chercherune autre condition.Ce qui est difficile par-dessus tout, c'est d'obtenir le travailcontinu ncessaire dans une manufacturede sucre, et bien queces gens-l ne soient pas d'humeurplus fcheuse que d'autres,il nous faut maintenant un art infini pour les conduire. Vou-driez-vous donc retourner la servitude ? Oh non, bien quela peine soit augmente, il est plus agrable (more pleasant)de lutter avec les embarras de la libert qu'avec ceux de l'es-clavage.

    Ces discours, qui forment rellement l'opinion gnrale descroles anglais nous les livrons aux jugemens des crolesfranais comme le meilleur et le plus simple rsum des r-sulJats de l'abolition.

    Tout en faisant ces rassurantesobservations, nous insistonspour qu'on ne leur donne pas d'autre valeur que celle quenous y attachons, c'est--direune valeur d'preuve favorable,bonne tranquilliser les propritaires franais sur la crise del'abolition qu'ils doivent bientt subir. Ce sont des encourage-mens d'exprience que nous leur offrons mais notre pensen'est point du tout de soumettre l'opportunit de la mesuremancipatrice au plus ou moins de russite qu'elle a obtenuechez les Anglais. Nous n'entendons pas dmontrer que l'abo-lition ayanteu de bons succs dans les West-Indiea et n'y trou-vant point les intresss mcontens, on ne doit plus hsiter la proclamer chez nous. Ce serait admettre implicitement quesi elle et mal tourn l, il faudrait y renoncer ici. Or, dansnotre opinion, il n'est pas permis la France de refuser l'af-franchissement.

    Nos colons disent toujours CI Attendez les rsultats de l'ex-prienceanglaise. C'est une fin de non-recevoir, une maniremachiavliqued'luder une dtermination et de conserver leursesclaves, puisque c'est une ide tout--fait accrdite parmieux que les ngres anglais ne travaillent pas et que les coloniesanglaises sont perdues.

    Que signifie de vouloir attendre le rsultat de ce qu'on ap-

  • pelle l'preuve de la Grande-Bretagne ? Quoi qu'il arrive cheznos voisins, les Franais doivent toujours proclamer l'manci-pation, car il faut toujours que les ngres franais, d'une ma-nire ou de l'autre, deviennent libres. En vertu du pacte fon-damental de notre socit, aucun membre de la grande famillefranaise ne peut demeurer esclave.

    Dans toute chose de ce monde il y a du mal, mme dans lalibert. L'affranchissement aura donc ses douleurs, mais nonpas des douleurs mortelles, Les abolilionisles sont les premiers se rjouir qu'il ne faille point acheter l'abolition par de pluscruels sacrifices; car si l'affranchissementest un droit pour lesngres, un droit au-dessus de tout fait accompli les ngro-philes les plus ardens ont toujours dsir que la ralisation decette grande uvre de justice ne pt nuire la fortune et aubien-tre de familles entires attaches la proprit esclave.

    Nous demandons que nos compatriotes d'outre-mer, en li-sant cette tude de l'tat actuel de trois les affranchies, sedgagent de leurs ides prconues avec autant de soins etd'efforts que nous en avons mis nous dgager des ntres enla faisant. Qu'ils y mettent du courage et de la fermet; qu'ilscessent enfin de reculer devant la discussionapprofondie de lagrande preuve anglaise, comme des enfans qui ferrpent lesyeux l'approche d'un fantme.

    L'espced'horreur qu'ils montrent pour tout ce qui est favorrable l'abolition est une impardonnablefaiblesse. Le mal qu'ils.disent de l'mancipation britannique sans savoir ce qu'elle aproduit, sans admettre mme l'examen des faits est parfai-tement irrationnelle, surtout venant de gens qui nous repro-chent continuellement, nous autres europens, de parler descolonies sans les connatre. Ce reproche, au surplus, nous d-clarons ne le point accepter. Eh quoi! faut-il donc avant derappeler les hommes l'observance des lois de la morale, fr-quenter les maisons de jeux et de prostitution, aller respirerl'air empoisonn du vice, et se soumettre ses diaboliques ten-tations ? Non pas. Nous soutenons, nous, qu'il rr'est aucune-

  • ment ncessaire de s'exposer la Guadeloupe ou la Martini-que pour. avoir droit d'attaquer la servitude. La servitude estpar elle-mme une chose excrable priori, chacun en peuten doit donc demander la destruction priori.

    Mais voyez l'inconsquencedes colons! Quand ils ne nous ac-cusent pas de perfide partialit, de mauvaise foi et de dtes-tables ambitions, ils prononcent le mot de lgret et nous bljment svrement de ne point entreprendre un voyage de dix-huit cents lieues pour acqurir le droit de parler des colonies.Ils ont, eux, le travail libre leur porte, et ils le proclamentimpossible, sans se donner la peine de faire un voyage de dix-huit heures pour en constater les effets l o il existe! Ils fontun crime aux abolitionistes de ne pas savoir, disent-ils, ce quise passe aux Antilles et ils ne savent rien de ce qui se passe la Dominique et Antigue o leurs esclaves s'vadent en pe-tits bateaux 0 l'injustice des hommes!

    Mais le temps des rcriminations est pass; mditons tousensemble et cherchons la lumire et la vrit en gens de bienet de bonne volont.

    Nous ne nous sommes pas born citer des paroles, ar-gumenter sur nos propres thories, nous avons rapport desactes, fourni les noms des usines nouvelles qui s'organisent, lenombre des coteuses machines vapeur qui lvent leur mo-numentale cheminesous le soleil des tropiques, celui des co-les qui s'ouvrent et des banques qui se fondent. Cette faon deprocder, en permettant une vrification facile, garantit unefidlit scrupuleuse. Les colons franais doivent se rendre cespalpables vidences moins de croire que les colons de laGrande-Bretagne achvent volontairement leur propre ruinepar desdpenses extraordinaires,pour avoir le plaisird'entra-ner le monde dans le gouffre de l'mancipation, de mme queleur gouvernement publie de faux rapports pour tromperl'Europe! Ou les croles anglais s'entendent de gait de curavec le cabinet de Saint-James dans l'abominable projet d'a-nantir toutes les Antilles, ou les croles franais sont dans une

  • incroyable erreur lorsqu'ils prennent crainte de l'abolition surce que leurs journaux leur en disent. Et ce propos, un der-nier mot.

    N'est-point une chose affligeante et qui accuse bien le dfautde tenue et d'unit propre notre administration? Le gouver-nement rend des ordonnances en faveur des ngres; il avouedes dsirs d'arriver l'mancipation il sait que nos croless'encouragent la rsistance, persuads que le soin de leurfortune s'accorde avec leurs passions, et que l'affranchisse-ment serait leur ruine; il sait cela, et dans les journaux des co-lonies, censurs par ses agens, on ne trouve que les mauvaisesnouvelles des West-Indies, jamais les bonnes! Pourquoi donc?

    Malheureuses lies, ceux mmes qui les devraient clairer lesaveuglent!- Un de nos plus chers dsirs sera combl s'il estdonn notre livre d'ouvrir les yeux aux possesseurs d'es-claves, et de les convaincre bien que leurs vritables intrtss'unissent avec ceux de l'humanit.

  • APPENDICE

    AUX

    COLONIES ANGLAISES.

  • APPENDICE

    AUX COLONIES ANGLAISES.

    Ai.

    ACTE

    POUR L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE

    DANS LES COLONIES ANGLAISES.

    Londrea, 18 aot 1835.

    Considrant que divers individus sont retenus en tat d'esclavagedans plusieurs colonies de Sa Majest; qu'il est juste et opportun deles affranchir, et qu'en mme temps il convient d'accorder aux per-sonnes, qui ont eu droit jusqu' prsent aux services de ces individusesclaves, une indemnit raisonnablepour la perte de ce droit;

    Considrant qu'il y a lieu de prendre des mesures pour exciter l'in-dustrie des individus destins tre mancips, et pour s'assurer deleur bonne conduite pendantun certain laps de temps aprs leur man-cipation

    Considrant qu'il est ncessaire de mettre les lois actuellement envigueur dans lesdites colonies en harmonie avec les nouvelles relationssociales que doit amener cette mancipation gnrale des esclaves, etque, pour donner le temps de modifier dans ce sens la lgislation dont

    1 Voir page 6.

  • il s'agit, il y a ncessit de laisser couler un certain intervalle avantque l'mancipation commence avoir lieu;

    Le Roi, d'aprs l'avis, le consentementet l'autorit des lords spiri-tuels et temporels et des communes, runis en parlement, a dcrtcequi suit

    ARTICLE PREMIER.

    Tout individu, de l'un et de l'autre sexe, rsidant dans les coloniesci-dessus mentionnes, qui, antrieurement au 1er aot 1854, aurat, d'aprs les lois actuellement en vigueur, dment port sur le rledes esclaves, et qui cette poque sera g de six ans et au-dessus,deviendra apprenti-travailleur (apprenticed-labourer) par le simpleeffet des dispositions du prsent acte, et sans qu'il soit besoin pourcela d'un brevet d'apprentissage ou d'aucun autre acte particulier.Les esclaves retenus habituellementen mer par la nature de leurs oc-cupations seront, quant l'application des prsentes dispositions, con-sidrs comme rsidant dans la colonie laquelle ils appartiennent.

    ART. 2.Auront droit au travail de chaque apprenti-travailleur pendant la

    dure de l'apprentissage, les personnesqui auraient eu droit au tra-vail du mme individu comme esclave, si le prsent acte n'et pas trendu.

    ART. 3.Sont dclars compltement libres tous les esclaves qui, du consen-

    tement de leurs mattres, auraient t transports dans le royaume unide la Grande-Bretagneet de l'Irlande antrieurement la promulga-tion du prsent acte, et tous les apprentis-travailleursqui, postrieu-rement sa promulgation, y seraient galement transports du con-sentement de leurs anciens matres.

    ART. 4.Les apprentis-travailleursseront divises en trois classes distinctes

    la premire, se composant d'appr


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