Université Robert Schuman
Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion
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DEA de droit des affaires
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Le statut du contribuable dans la jurisprudence
de la Cour de justice des Communautés
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Mémoire présenté par Arnaud Gag
Sous la direction du Professeur Philippe Marchessou
Année 2003/2004
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SOMMAIRE
INTRODUCTION TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du statut CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire Section 1 : Le contribuable opérateur économique §.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs §.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne §.1 Le statut de citoyen de l’union européenne §.2 Le droit de circuler et de séjourner librement CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de justification des entraves. Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général §1. La cohérence du système fiscal §2. La prévention de l’évasion fiscale Section 2 : Les autres arguments des Etats §1. Le cas Werner §2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire
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§.1 Le traité et l’harmonisation de la fiscalité §.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité §.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres §.1 L’article 293 (ex-article 220) TCE §.2 Les conventions fiscales bilatérales CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal communautaire Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation §.1 Les fondements §.2 L’autonomie procédurale Section 2 : Analyse des deux actions §.1 L’action en remboursement ou en décharge §.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire CONCLUSION
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LISTE DES ABREVIATIONS PRINCIPALES
aff. affaire AJDA Actualité juridique de droit administratif BFFL Bulletin fiscal Francis Lefebvre BDCF Bulletin des conclusions fiscales Bull. civ. Bulletin civil (recueil des arrêts de la Cour de cassation) CAA Cour administrative d’appel Cass. civ. Cour de cassation chambre civile Cass. com. Cour de cassation chambre commerciale CDE Cahiers de droit européen CE Conseil d’Etat CEDH Convention européenne des droits de l’Homme Cf. Confère CGI Code général des impôts chron. chronique coll. collection comm. commentaire CJCE Cour de justice des Communautés européennes D Recueil Dalloz D aff. Recueil Dalloz affaires DF Droit fiscal éd. Edition EStG Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu
en Allemagne) Europe Revue Europe fasc. fascicule GP Gazette du Palais JOCE Journal officiel des Communautés européennes JO Journal officiel Leb. Recueil des arrêts du CE LPA Les petites affiches LPF Livre des procédures fiscales n° numéro p. page OCDE Organisation de coopération et de développement
économique op. cit. opere citato (dans l’ouvrage cité) RAE Revue des affaires européennes RDP Revue de droit public
4
Rec. Recueil des arrêts de la CJCE req. requête RFEDIA Revue de fiscalité européenne et droit international des
affaires RFFP Revue française de finances publiques RJF Revue de jurisprudence fiscale RMC Revue du Marché commun RMCUE Revue du Marché commun et de l’Union européenne RMUE Revue du Marché unique et de l’union européenne RTDE Revue trimestrielle de droit européen TA Tribunal administratif TCE Traité de la Communauté européenne TPICE Tribunal de première instance des Communautés
européennes TVA Taxe sur la valeur ajoutée
5
INTRODUCTION
Le contribuable et son statut
Le statut du contribuable a fait l’objet de nombreuses études. C’est le Professeur Louis
Trotabas qui a crée cette expression sur le modèle de « statut du fonctionnaire ». Pour lui, « le
caractère légal de l’impôt détermine la nature des rapports juridiques qui existent entre le
contribuable et le fisc en fixant le statut du contribuable, qui est du type général et
impersonnel, comme pour toute situation légale ou réglementaire », il poursuit en affirmant
que « les rapports entre le contribuable et le fisc n’ont jamais le caractère contractuel »1.
Ce concept de statut de contribuable a petit à petit été construit par la doctrine avec comme
fondement le principe de légalité de l’impôt.
Seul, le Professeur Jean-Claude Martinez dans sa thèse sur « Le statut du contribuable »2
essaie de démontrer que ce statut n’est pas uniforme mais éclaté. Il va même plus loin en
affirmant que le contribuable n’est pas dans une situation statutaire mais contractuelle.
Pour la Direction Générale des Impôts, le terme de contribuable peut être employé comme
terme générique pour désigner « toute personne astreinte au paiement des contributions,
impôts, droits ou taxes dont le recouvrement est autorisé par la loi ». A l’origine, le terme
s’appliquait à toute personne tenue de verser une contribution directe. Aujourd’hui il est de
préférence utilisé lorsque l’impôt est perçu par voie de rôle3.
Le contribuable du XIXe siècle est généralement une personne physique, presque toujours
nationale, à statut de citoyen. En effet, la législation de 1789 veut redonner vie au principe du
consentement à l’impôt, une certaine relation entre Etat et contribuable est impliquée qui ne
1 TROTABAS (Louis) et COTTERET (Jean-Marie), Droit fiscal, 8e éd., Dalloz, 1997, n° 64, p. 86. 2 MARTINEZ (Jean-Claude), Le statut du contribuable, LGDJ, 1980. 3 AGRON (Laure), Histoire du vocabulaire fiscale, LGDJ, Bibliothèque de science financière, Tome 36, p. 161.
6
peut être qu’un lien de citoyenneté pour permettre au citoyen contribuable de consentir à
l’impôt par l’intermédiaire de l’élection qu Parlement. Ainsi, on ne peut être contribuable sans
être électeur ni citoyen. Ainsi, jusqu’à la fin du XIXe siècle le contribuable est resté un fait
national4.
Au XXe siècle, on assiste à un accroissement du nombre d’étrangers soumis au prélèvement
fiscal. Ce phénomène dissocie la relation entre le concept de contribuable et celui de national.
Le contribuable n’est plus exclusivement le national et en bien des points la législation fiscale
se met à distinguer entre étranger et ressortissant. Déjà des dérogations, sinon des
discriminations, existent sous la forme d’impositions spéciales aux étrangers ou plus souvent
par des particularités dans l’application des impôts de droit commun.
De façon plus générale, la réalité de l’élément d’extranéité dans la fiscalité contemporaine
n’est guère contestée.
Le statut du contribuable est de plus en plus perméable, il ne s’identifie plus forcément au
citoyen pas même au national5.
Signalons dès à présent que notre étude se limitera à l’étude du contribuable personne
physique.
Un statut nouveau : le statut de contribuable communautaire
La formule peut étonner car elle postule nécessairement l’existence d’un droit fiscal
communautaire.
Le droit fiscal a communément pour objet les règles qui assurent efficacement la juste
contribution des membres de la collectivité à la couverture des besoins collectifs. Dans cette
acception, le droit fiscal communautaire aurait pour objet, d’une part les règles assurant le
financement de la Communauté par les Etats membres, d’autre part, les règles relevant des
4 MARTINEZ (Jean-Claude), Le statut du contribuable, LGDJ, 1980, Tome 1 : L’élaboration du statut, p. 29 à 41. 5 MARTINEZ (Jean-Claude), op. cit., même passage.
7
secteurs où la Communauté dispose de moyens propres6 et d’un pouvoir fiscal direct : union
douanière, organisations de marché, fiscalité des fonctionnaires.
Or, la Communauté n’est pas un Etat, et elle ne perçoit pas de recettes fiscales directement.
Par conséquent, il ne peut pas s’établir une relation de fisc à contribuable entre la
Communauté et chacune des personnes résidant sur le territoire de l’espace communautaire7.
Ce n’est donc pas dans cette acception que s’est forgée la notion de droit fiscal
communautaire : on y voit généralement l’études des règles communautaires qui influencent
le droit fiscal national des Etats membres. Dès lors, si le droit douanier ou d’autres secteurs
n’en font pas partie, c’est précisément parce qu’il ne sont plus nationaux.
C’est seulement dans cette conception de droit fiscal communautaire qu’apparaît le
contribuable communautaire.
Ainsi, les libertés communautaires sont de nouvelles armes pour le contribuable, elles
viennent renforcer son statut.
Une atteinte à la souveraineté fiscale
La notion de souveraineté fiscale n’a que rarement retenue l’attention des auteurs. Les
définitions proposées sont peu nombreuses.
Il apparaît malgré tout que les caractères de la souveraineté fiscale8 sont l’exclusivité et
l’autonomie pour élaborer l’impôt et l’appliquer. L’exclusivité signifie que le système fiscal
s’appliquera, à l’exclusion de tout système concurrent, dans un territoire géographique
déterminé. L’autonomie est établie quand le système fiscal contient toutes les règles
nécessaires à sa mise en œuvre.
Les auteurs ayant tous indiqué que la souveraineté fiscale peut être reconnue à des
collectivités infra-étatiques comme supra-étatiques.
6 Article 269 (ex-article 201) TCE. 7 MARCHESSOU (Philippe), « L’incidence du droit communautaire sur le statut du contribuable national », LPA, 1997, n° 112, p. 38. 8 JARNEVIC (Jean-Pierre), note sous décision du Conseil constitutionnel, 19 juillet 1983, AJDA 1984, p. 33.
8
L’Etat parce qu’il est souverain peut limiter sa souveraineté fiscale. Il le fait alors par un acte
de volonté clairement manifesté qui peut avoir des effets tant dans l’ordre interne que dans
l’ordre international.
Ainsi, trois situations peuvent se rencontrer 9:
- L’Etat limite sa souveraineté fiscale dans son ordre interne, il confère un pouvoir fiscal à des
autorités publiques qui lui sont subordonnées. C’est le cas de la France avec ses territoires
d’outre-mer.
- L’Etat limite sa souveraineté fiscale en raison des risques de conflits qui peuvent exister
avec un autre Etat. En effet, pour éliminer les phénomènes de double imposition, l’Etat va
conclure avec un autre Etat un traité qui attribuera la souveraineté fiscale, c’est-à-dire le droit
d’imposer, à un seul Etat.
- Enfin, la dernière situation, plus rare, vise l’hypothèse qui nous intéresse : l’Etat
politiquement souverain limite sa souveraineté fiscale, toujours dans l’ordre international, en
étant partie à un traité qui contient des dispositions fiscales. Tel est précisément le cas du
TCE.
L’érosion de la souveraineté fiscale est acceptée concernant la TVA et plus généralement à la
fiscalité indirecte qui est largement harmonisée. S’agissant de la fiscalité directe, le TCE ne
parle que de rapprochement des législations10. Ce qui implique l’unanimité et donc la
préservation de la souveraineté fiscale des Etats membres.
Cependant, nous verrons que l’Union européenne exige plus qu’un rapprochement et devant
le blocage des autorités communautaires, la CJCE aura la légitimité pour prendre le relais et
cela au prix d’atteintes à la souveraineté fiscale des Etats membres.
Notre étude se limitera donc à la fiscalité directe des personnes physiques c’est-à-dire l’impôt
sur le revenu. Impôt sensible politiquement, il a fourni à la Cour de justice l’occasion de
réfléchir sur l’étendue respective des pouvoirs de l’Etat sur son contribuable et sur le statut
communautaire de ce contribuable.
9 BUISSON (Jacques), « L’érosion de la souveraineté fiscale dans les Etats membres de la Communauté : l’exemple de la France », D. 1999, chron. p. 129. 10 Article 94 (ex-article 100) TCE.
9
Ainsi, le Traité va conférer un ensemble de droits aux contribuables communautaires qui vont
ressortir des arrêts de la Cour de justice et lui forger peu à peu un statut (Titre 1er). La
pérennité de ce statut passant nécessairement par la protection de ses droits (Titre 2nd).
10
TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du
statut
Dans le premier chapitre nous verrons que le contribuable communautaire était
traditionnellement envisagé comme un opérateur économique et qui ne pouvait invoquer le
droit communautaire que comme tel. Cela n’allant pas automatiquement de soi, certains
domaines relève de la compétence des Etats membres -comme la fiscalité directe des
particuliers- et l’absence d’harmonisation ne peut justifier la carence de certains Etats à
adopter des réglementations respectueuses des grandes libertés définies par le droit
communautaire. C’est ce qu’un auteur a mis en évidence par l’expression « l’obligation de
neutralité fiscale des Etats membres »11.
Ce n’est que dans la mesure où ces réglementations ont un impact sur ces libertés qu’elles
sont appréhendées par le droit communautaire12.
S’il s’agit d’une compétence exclusive des Etats membres celle-ci n’est pas discrétionnaire.
Puis à la fin des années 1990, la Cour de justice eut à connaître de recours se fondant sur les
articles du Traité instituant la Citoyenneté européenne et notamment sur le droit de circuler et
séjourner librement dans la Communauté européenne. Ce nouveau statut est aujourd’hui, et
cela quelques années après son entrée en vigueur13, invoqué par les contribuables qui n’ont
pas la possibilité d’invoquer les articles du Traité relatifs aux libertés fondamentales.
Les décisions qui seront analysées concernent l’étendue et les limites de la compétence des
Etats en matière d’imposition des revenus. L’intervention du juge fiscal communautaire est
souhaitable et est devenue une réalité, à partir de 1990 par l’arrêt Biehl14.
En tout état de cause il faut se poser la question suivante : la norme fiscale interne a-t-elle
pour effet de restreindre l’exercice d’une liberté de circulation ? Et cela même si aucune
discrimination même indirecte n’est décelée.
11 LAMARQUE (Jean), Source du doit fiscal, Juris-Classeur Procédures fiscales, fasc. n° 116-36. 12 Points 24 et 25 des conclusions de l’Avocat général J. Léger sur l’arrêt Schumacker, CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 13 Le Traité de Maastricht est entrée en vigueur le 1er novembre 1993. 14 CJCE, 8 mai 1990, aff. C-175/88, Rec., p. I-1779.
11
Nous n’envisagerons dans le premier chapitre que les arguments qui ont pu être invoqués par
les contribuables. Les arguments des Etats membres visant à colmater les brèches de leurs
systèmes fiscaux causées par la pression communautaire feront eux l’objet du chapitre second.
CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire
Il s’agit ici de donner une application en matière fiscale aux grandes libertés de circulation
que consacre le traité. Ecartons tout de suite la libre circulation des marchandises15 qui met en
jeu majoritairement les impôts directs qui ne font pas l’objet de notre étude. Cependant,
concerne les impôts directs les articles relatifs à la libre circulation des personnes16, des
services17 et des capitaux18.
Nous n’étudierons cependant que la portée fiscale de la libre circulation des travailleurs
salariés et des travailleurs exerçant une activité libérale. La liberté de circulation des
services19 et des capitaux20 ont bien entendu aussi incidence sur les systèmes fiscaux
nationaux mais elles ne touchent qu’indirectement notre contribuable. Pour ce qui concerne
notre étude la liberté de circulation des travailleurs est plus intéressante parce qu’elle affecte
directement l’imposition du revenu des personnes physiques. Aussi, les points que nous
analyserons suffiront à mettre en évidence l’impact de la Cour de justice dans son œuvre
d’élaboration du statut de contribuable communautaire.
Les solutions dégagées concernent essentiellement les non-résidents qui exercent une activité,
salariée ou non, dans un Etat dont il n’ont pas la nationalité, et qui font l’objet de mesures
discriminatoires en matière d’imposition des revenus.
Depuis toujours les Etats distinguent les résidents des non-résidents, réservant à ces derniers
un traitement fiscal que l’on peut qualifier de plus rigoureux. Les Etats arguant de difficultés
de perception particulières les concernant…mais aussi, plus prosaïquement, parce qu’il s’agit
d’étrangers21. Cependant, la CJCE a pu connaître de situation plus complexe en ce sens que
15 Articles 25, 29, et 90 TCE 16 Articles 39, 43 et 48 TCE 17 Article 49 TCE 18 Articles 56, 57 et 58 TCE 19 CJCE, 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, aff. C-484/93, Rec., p. I-3955. 20 CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen, aff. C-35/98, Rec., p.I-4071. 21 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 487.
12
l’Etat d’emploi peut prendre des mesures discriminatoires à l’égard d’un national mais non-
résidents22.
Ainsi, vont principalement nous intéresser : le contribuable désirant travailler ou s’établir dans
un Etat membre autre que le sien (Section 1) ; mais également le contribuable en tant que
citoyen de l’Union usant de sa faculté d’évoluer dans un espace qui n’a plus vocation à n’être
qu’uniquement économique (Section 2).
Section 1 : Le contribuable opérateur économique
L’Etat de résidence ne doit pas être l’auteur d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée
sur la nationalité, ni d’une entrave à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le
Traité.
§.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs
Le principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne est contenu
dans l’article 39 (ex-article 48) du Traité. Cet article implique l’abolition de toute
discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, concernant
l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
Les Etats ne peuvent ignorer cela même dans un domaine relevant de leur compétence à
savoir la fiscalité directe. Nous analyserons donc la situation du travailleur salarié du point de
vue de l’Etat d’emploi (A) puis de celui de l’Etat de résidence (B).
Les justifications aux restrictions seront étudiées dans le second chapitre.
22 CJCE, 27 juin 1996, Asscher, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089.
13
A. Obligations incombant à l’Etat d’emploi
1. Remboursement et déduction
a. L’arrêt Biehl
Le premier arrêt mettant en relief la dimension fiscale de l’article 39 (ex-article 48) TCE est
l’arrêt Biehl23.
M. Biehl, ressortissant allemand et résident fiscal luxembourgeois, a exercé pendant les dix
premiers mois de l’année 1983 une activité salariée au Luxembourg où il a supporté une
imposition sur le revenu par voie de retenue à la source. Le fisc luxembourgeois refuse de lui
restituer le trop perçu parce qu’un tel remboursement est subordonné à une condition de
résidence permanente pendant l’année de référence.
La Cour va juger que le Traité fait obstacle à ce que la législation fiscale d’un Etat membre
prévoie que les retenues d’impôt sur les traitements et salaires opérées à charge d’un salarié
ressortissant d’un Etat membre, qui est contribuable résident pendant une partie de l’année
seulement parce qu’il s’établit au pays ou parce qu’il quitte le pays au courant de l’année
fiscale, restent acquises au Trésor et ne puissent être sujettes à restitution. En effet, bien qu’il
s’applique indépendamment de la nationalité du contribuable concerné, le critère de résidence
permanente sur le territoire national pour obtenir un éventuel remboursement d’un trop perçu
d’impôt risque de jouer, en particulier, au détriment des contribuables ressortissants d’autres
Etats membres, qui seront nombreux, en pratique, à quitter le pays en cours d’année ou à s’y
établir.
En effet, « les règles d’égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations
ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de
discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au
23 CJCE, 8 mai 1990, Biehl, aff. C-175/88, Rec., p. I-1779.
14
même résultat », selon la formule habituelle de la Cour de justice24. Au-delà des
discriminations directes sont également interdites les différences de traitement dissimulées,
dans la mesure où les non-résidents d’un Etat membre sont le plus souvent des non-nationaux.
M. Biehl est donc en droit d’obtenir le remboursement de l’excédant de retenue sur
l’imposition réellement due. La subordination d’un tel remboursement à une condition de
résidence permanente sur l’ensemble de l’année est contraire à l’article 39 (ex-article 48).
Cet arrêt est l’illustration qu’une disposition sans avoir un but purement fiscal peut être
invoquée par un contribuable, avec succès, pour sanctionner un dispositif fiscal.
Les espoirs qu’ont pu susciter cette jurisprudence, notamment chez les fiscalistes, vont être
momentanément balayés par l’arrêt Bachmann qui fait aujourd’hui figure de curiosité dans
l’élaboration du statut du contribuable communautaire par la Cour de justice.
b. L’arrêt Bachmann
Le second arrêt en ce domaine est constitué par l’affaire Bachmann25.
Il s’agit d’un citoyen allemand qui avait conclu en Allemagne plusieurs contrats d’assurance
libre auprès de sociétés allemandes avant de s’établir en Belgique où l’Administration fiscale
belge avait refusé, sur le fondement de l’article 54 du Code des impôts sur les revenus, la
déductibilité de ses cotisations du total de ses revenus professionnels belges.
Le régime fiscal d’un Etat membre (Belgique) qui, en matière d’impôt sur le revenu,
subordonne la déductibilité de cotisations d’assurance contre la maladie et d’invalidité ou
contre la vieillesse et le décès à la condition que ces cotisations soient versées à des
entreprises établies en Belgique constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs.
Cette condition risque en effet de jouer en particulier au détriment des travailleurs
ressortissants d’autres Etats membres ayant exercé une activité professionnelle dans un
premier Etat membre (Allemagne) et qui, occupant par la suite un emploi dans un second Etat
24 CJCE, 12 février 1974, Sotgiu, aff. 152/73, Rec., p. 153. 25 CJCE, 28 janvier 1992, Bachmann, aff. C-204/90, Rec., p. I-249.
15
membre (Belgique), conservent les contrats d’assurance souscrits auprès d’assureurs établis
dans le premier Etat.
Notons que cet arrêt fait figure d’exception quant à l’issue finale de l’affaire car la
discrimination indirecte sur la nationalité a pu être justifiée et donc la restriction à une liberté
de circulation acceptée !
Signalons enfin que cette affaire en tant qu’elle opère une distinction selon le lieu
d’établissement du prestataire constitue une entrave à la libre prestation de service. En effet,
des dispositions qui impliquent l’établissement de l’assureur dans un Etat membre pour que
les assurés puissent bénéficier, dans cet Etat, de certaines déductions fiscales, découragent les
assurés de s’adresser aux assureurs établis dans un autre Etat membre et constituent donc,
pour ces derniers, un obstacle à la libre prestation des services.
2. Prise en compte de la situation personnelle et familiale
En ce domaine nous pouvons citer trois affaires : Schumacker26, Gschwind 27 et Zurstrassen28.
a. L’arrêt Schumacker
Il s’agit d’un arrêt important car il assouplit la jurisprudence Bachmann offrant ainsi aux
contribuables de nouvelles perspectives.
Roland Schumacker est un ressortissant belge et réside avec sa famille dans cet Etat. Il tire la
totalité de ses revenus d’une activité salariée en Allemagne. Le droit fiscal allemand exclut les
non-résidents de la classe d’imposition des contribuables mariés, de la régularisation annuelle
de la retenue à la source sur salaires et de certaines déductions.
Le Bundesfinanzhof a donc interrogé la Cour dans le cadre d’une question préjudicielle, sur la
compatibilité de ces mesures avec la libre circulation des travailleurs garantie par le Traité.
26 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 27 CJCE, 14 septembre 1999, Gschwind, aff. C-391/97, Rec., p. I-5451. 28 CJCE, 16 mai 2000, Zurstassen, aff. C-87/99, Rec., p. I-3337.
16
La CJCE dispose qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-
résidents ne sont en règle générale, pas comparables. Il en va différemment lorsque le non-
résident ne perçoit pas de revenus significatifs dans son Etat de résidence et tire l’essentiel de
ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat d’emploi, de sorte que l’Etat de
résidence n’est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de
situation personnelle et familiale, ces avantages étant par ailleurs refusés par l’Etat d’emploi
car réservés aux résidents. Notamment le bénéfice du splitting tarif29 des revenus des
contribuables mariés.
Il existe entre un tel non-résident et un résident exerçant une activité salariée comparable
aucune différence de situation objective de nature à fonder la différence de traitement
consistant à réserver aux résidents la prise en considération de leur situation personnelle et
familiale.
Ainsi, en refusant à un non-résident qui perçoit la totalité de ses revenus sur son territoire le
bénéfice de certains avantages fiscaux, l’Allemagne se rend coupable d’une discrimination
indirecte, qui aboutit au même résultat qu’une discrimination ostensible fondée sur la
nationalité.
Cependant le critère dégagé par la CJCE demeure aléatoire : a partir de quel seuil un
travailleur non-résident tire-t-il l’essentiel des ses revenus professionnels dans l’Etat
d’emploi ?
M. Schumacker percevait la totalité de ses revenus en Allemagne, sa situation était donc
simple.
Dans une recommandation30 du 21 décembre 199331 la Commission souhaite que lorsqu’un
contribuable réalise au moins 75% de son revenu dans un Etat membre, celui-ci doit l’imposer
29 Le régime allemand du « splitting » a été institué pour atténuer la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Il consiste à additionner le revenu global des conjoints pour l’imputer ensuite fictivement à chaque conjoint à hauteur de 50 % et l’imposer en conséquence. Ainsi, si le revenu de l’un des époux est élevé et le revenu de l’autre faible, le « splitting » nivelle la base imposable et atténue la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. 30 Pour rappel les recommandations n’ont pas de force obligatoire, article 249 (ex-article 189) TCE. 31 Recommandation de la Commission, JOCE du 10 février 1994, n° L 39/22. Cette recommandation a été adoptée à la suite du retrait de la proposition de directive du 21 décembre 1979, JOCE du 26 janvier 1980, n° C 21, concernant l’harmonisation des dispositions relatives à l’imposition des revenus en relation avec la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté.
17
comme un résident. La preuve de l’origine des revenus appartient à l’intéressé. Mais, comme
le relève un auteur32, la recommandation ne fait pas état des revenus du conjoint.
La CJCE ne fait pas référence à cette recommandation mais elle invite simplement les Etats à
déterminer les critères d’assimilation d’un non-résident communautaire à leurs résidents.
Signalons également qu’un élément a été déterminant dans l’élaboration de la solution par la
Cour ; celle-ci s’est appuyée sur le régime découlant de la convention fiscale germano-
néerlandaise33 qui prévoit que les travailleurs frontaliers résidant aux Pays- Bas et exerçant
une activité salariée en Allemagne seraient assimilés aux travailleurs résidant en Allemagne
s’ils perçoivent au moins 90 % de leurs revenus sur le territoire allemand34.
Il s’agit donc de déterminer dans quelle situation l’Etat de la source des revenus doit retenir la
situation personnelle du bénéficiaire et dans quel cas il abandonne cette modulation de la
charge fiscale à l’Etat de résidence.
Il n’y aura pas discrimination pour non prise en compte de la situation personnelle et
familiale, que si le non-résident ne perçoit pas de revenus significatifs dans l’Etat de sa
résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat
d’emploi.
La reconnaissance de l’égalité de traitement fiscal, en matière d’imposition des revenus entre
non-résidents et résidents procède d’une appréciation circonstanciée de la Cour.
A la suite de cet arrêt, la Commission européenne a demandé à tous les Etats membres de lui
communiquer les dispositions qu’ils envisageaient -le cas échéant- de prendre pour conformer
leur législation à la jurisprudence de la CJCE.
b. L’arrêt Gschwind
Frans Gschwind est néerlandais et réside avec sa famille aux Pays-Bas. Il était salarié en
Allemagne de 1991 à 1992 tandis que son épouse occupait aux Pays-Bas une activité
32 SCHAFFNER (Jean), « L’arrêt Schumacker du 14 février 1995 : synthèse de la jurisprudence fiscale de la CJCE en matière de libre circulation des travailleurs », RAE 1995/2, p. 92. 33 La convention germano-belge, applicable à l’espèce, ne comportait pas un tel dispositif. 34 TRACANELLI (Christophe), « L’interaction entre les libertés économiques fondamentales du Traité de Rome et les conventions fiscales bilatérales », RFEDIA 2004, n° 136, p. 9.
18
identique. M. Gschwind a perçu au cours de chaque année des revenus salariaux de l’ordre de
74 000 DM ce qui représente alors 58 % des revenus cumulés du ménage. Les 42 % restant
étant perçus par sa femme dans l’Etat batave.
Les faits de cette affaire sont quasi similaires à ceux de l’affaire Schumacker. La différence, et
elle est de taille, réside dans l’origine des revenus des deux ménages. Alors que M.
Schumacker percevait la quasi-totalité des revenus de son ménage dans un Etat dont il n’était
pas le résident, les revenus des Gschwind proviennent d’une part de Mme Gschwind dans
l’Etat de résidence du ménage (Pays-Bas) et d’autre part de l’Etat d’emploi de M. Gschwind
(Allemagne).
Aussi, le droit applicable à cette affaire n’est plus le même en Allemagne, suite à l’affaire
Schumacker, l’ Einkommensteuergesetz (EstG), loi relative à l’impôt sur le revenu,
subordonne l’octroi du splitting tarif35 aux couples mariés non-résidents réalisant au moins 90
% de leur revenu mondial soumis à l’impôt en Allemagne ou, si ce pourcentage n’est pas
atteint, que leurs revenus de source étrangère -c’est-à-dire non allemande- non soumis à
l’impôt en Allemagne ne dépassent pas un plafond de 24 000 DM.
En vertu de cette nouvelle loi, applicable aux impôts non encore liquidés, le fisc allemand a
imposé en 1997, les revenus de 1991 et de 1992 de M. Gschwind en tant que célibataire, au
motif que les revenus perçus par son épouse aux Pays-Bas excédaient à la fois le seuil de
24 000 DM (celle-ci apportant plus de 53 000 DM) et que ses revenus de source allemande ne
représentaient que 58 % du revenu mondial du ménage alors qu’il devrait constituer au moins
90 % de ce même revenu. Cette liquidation entraîna une charge fiscale supplémentaire par
rapport à l’impôt qu’il aurait supporté en application de la procédure du splitting tarif.
Il soutient donc auprès du Finanzgericht Köln, qui décida de surseoir à statuer en posant une
question préjudicielle à la CJCE, que le refus d’appliquer le splitting tarif à un ressortissant
communautaire marié, travaillant en Allemagne et résidant dans un autre Etat membre, est
contraire à la libre circulation des travailleurs.
35 Cf. note n°29.
19
La Cour va admettre que l’article 39 (ex-article 48) ne s’oppose pas au régime fiscal d’un Etat
membre qui, d’une part accorde aux couples mariés résidents le bénéfice d’un avantage fiscal,
et d’autre part subordonne l’octroi d’un même avantage fiscal aux couples mariés non
résidents à la condition que 90% au moins de leur revenu mondial soient soumis à l’impôt
dans cet Etat membre ou, si ce pourcentage n’est pas atteint, que leurs revenus de source
étrangère non soumis à l’impôt dans cet Etat ne dépassent pas un certain plafond (en
l’occurrence 24 000 DM), en préservant ainsi la possibilité de prise en compte de leur
situation personnelle et familiale dans leur Etat de résidence.
En effet, la Cour estime que les Pays-Bas (Etat de résidence) peuvent prendre en compte la
situation personnelle et familiale de la famille Gschwind étant donné que la base imposable y
est suffisante pour permettre cette prise en compte.
Cette décision peut se justifier par le fait que l’interdiction des discriminations ne doit pas non
plus conduire à des avantages fiscaux injustifiés car cumulés. En effet, il faut éviter qu’un
contribuable ne bénéficie des réductions ou abattements personnels dans plusieurs Etats.
Cependant la solution n’est pas satisfaisante car M. Gschwind sera valablement imposé en
Allemagne comme un célibataire ce qui engendrera quand même une surcharge fiscale.
c) L’arrêt Zurstrassen
Patrick Zurstrassen (ressortissant belge) est dans une situation relativement analogue à celle
de son compatriote M. Schumacker.
En effet, ces deux contribuables salariés perçoivent la quasi-totalité des revenus du foyer
fiscal dans un Etat dont ils ne sont pas les ressortissants. Aussi, leur famille réside dans un
autre Etat.
Cependant, M. Zurstrassen, lui, a la qualité de résident de l’Etat de l’emploi (Luxembourg)
tandis que sa femme et ses enfants ont conservé leur résidence dans l’Etat dont ils sont les
ressortissants, à savoir la Belgique.
Lui aussi souhaite que son Etat d’emploi prenne en compte sa situation personnelle et
familiale dès lors qu’il en est également le résident. En outre, cela est impossible dans l’Etat
20
de résidence de sa femme car celle-ci n’y perçoit pas de revenus significatifs. Mais le Grand
Duché du Luxembourg (Etat de résidence de M. Zurstrassen), pose une condition, qui en
l’occurrence fait défaut, pour bénéficier de la prise en compte de sa situation personnelle et
familiale du ménage Zurstrassen : sa femme devrait être résidente luxembourgeoise.
La Cour va disposer que, l’article 39 (ex-article 48) s’oppose à une réglementation nationale
en matière d’impôt sur le revenu qui soumet le bénéfice de l’imposition collective des
conjoints à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse cet
avantage fiscal à un travailleur résident dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité
des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.
Dans l’arrêt Schumacker la CJCE énonce une méthode de raisonnement36 pour apprécier la
compatibilité au droit communautaire des distinctions entre résidents et non-résidents pour
l’imposition du revenu des personnes physiques.
B. Obligations incombant à l’Etat de résidence
C’est dans l’arrêt De Groot37, que la Cour aura l’occasion de mettre en perspective ce cas de
figure.
M. De Groot, ressortissant et résident néerlandais, a exercé une activité salariée dans plusieurs
Etats membres, à savoir : aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Par
application de la loi néerlandaise, il perd 60 % de la réduction fiscale à laquelle il a droit car
cela serait compensé par le fait qu’il acquiert des revenus dans trois autres Etats membres qui
ne tiennent pas compte de son revenu mondial pour déterminer la progressivité des taux.
Ainsi, il bénéficierait d’un important avantage de progressivité, parce que si les Etats en cause
tenaient compte de son revenu mondial, M. De Groot tomberait dans des tranches
d’imposition supérieures dans les trois Etats d’emploi et paierait donc davantage d’impôt.
36 Pour une application, TA Paris, 3 juillet 2002, req. n° 96-5437, Moukhaiber, RJF, 8-9/03, n° 941. 37 CJCE, 12 décembre 2002, De Groot, aff. C-385/00, Rec., p. I-11819.
21
M. De Groot a par conséquent perdu le bénéfice d’une partie des abattements fiscaux prévus
par la législation néerlandaise et aux quels il pouvait prétendre en sa qualité de résident aux
Pays-Bas du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation.
C’est en principe à l’Etat de résidence qu’il incombe d’accorder au contribuable la totalité des
avantages fiscaux liés à sa situation personnelle et familiale, cette obligation ne pèse sur l’Etat
d’emploi que lorsque le contribuable tire la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une
activité dans cet Etat.
La CJCE va disposer que l'article 39 du Traité CE (ex-article 48) s'oppose à une
réglementation telle que celle en cause au principal, reprise ou non dans une convention
tendant à éviter les doubles impositions, en vertu de laquelle un contribuable perd, pour le
calcul de ses impôts sur le revenu dans l'Etat de résidence, une partie de ses avantages fiscaux
personnels au prorata des rémunérations perçues et imposées dans un autre Etat membre, alors
que ce dernier ne prend pas en compte sa situation personnelle et familiale.
Le droit communautaire ne contient aucune exigence spécifique quant à la manière dont l'Etat
de résidence est tenu de prendre en compte la situation personnelle et familiale d'un travailleur
salarié qui, au cours d'un exercice fiscal déterminé, a perçu des revenus dans cet Etat et dans
un autre Etat membre, pour autant que les conditions de prise en compte par l'Etat de
résidence de ladite situation ne constituent pas une discrimination, directe ou indirecte, fondée
sur la nationalité, ni une entrave à l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par le Traité
CE.
§.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement
L’article 43 (ex-article 52) TCE dispose que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les
restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire
d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à
22
la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre
établis sur le territoire d’un Etat membre.
La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariés et leur exercice, (…) ».
Cet article consacre, pour ce qui nous intéresse, le libre exercice des professions libérales à
l’intérieur de la Communauté. Ainsi, nous verrons la reconnaissance de la porté fiscale de cet
liberté (A) puis les conséquences en découlant pour les professions libérales par quelques
illustrations (B).
A. Reconnaissance de la portée fiscale de l’article 43 (ex-article 52) TCE
La portée fiscale de cet article a cependant été reconnue par la CJCE38 dans une affaire
concernant la liberté d’établissement des sociétés.
En effet, la Commission avait introduit un recours en manquement à l’égard de la France en
raison de la non-conformité du régime fiscal institué par l’article 158ter du CGI qui prévoyait
que le bénéfice de l’avoir fiscal de l’article 158bis était « réservé aux personnes qui ont leur
domicile réel ou leur siège social en France ». De ce fait, les succursales et les agences en
France de sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre ne pouvaient en
bénéficier ce qui constituait manifestement une entrave à l’exercice de la liberté
d’établissement reconnue par le Traité.
Car admettre que l’Etat membre d’accueil de la société puisse librement appliquer un
traitement différent en raison du seul fait que le siège de la société est situé dans un autre Etat
membre viderait cette disposition de son contenu.
B. Illustrations pour les professions libérales
Comme pour les salariés, les discriminations fiscales condamnées sur le fondement de la
liberté d’établissement sont liées essentiellement à des questions de résidence. Cependant, et
38 CJCE, 28 janvier 1986, Commission /France, aff. 270/83, Rec., p. 285.
23
en dehors de toute discrimination fondée même indirectement sur la nationalité, les Etats
peuvent adopter des régimes fiscaux entravant en tant que tel cette liberté fondamentale.
L’affaire Werner39 sera étudié dans le chapitre consacré aux justifications invoquées par les
Etats étant donné que dans cet arrêt la Cour, comme dans l’affaire Bachmann40, a suivi
l’argumentation de l’Etat allemand et se faisant n’analysera même pas les griefs de M.
Werner.
1. Les discriminations en fonction du lieu de résidence
Deux affaires sont particulièrement significatives sur les discriminations fiscales que peuvent
subir les professions libérales qui usent de leur liberté de circulation au sein de la
Communauté. Il s’agit des affaires Wielockx41 et Asscher42.
a. L’arrêt Wielockx
M. Wielockx est un ressortissant belge qui exerce une activité libérale de physiothérapeute
aux Pays-Bas d’où il tire l’ensemble de ses revenus. Il est résident belge.
En application de la convention fiscale belgo-néerlandaise, il est imposable aux Pays-Bas. Le
fisc néerlandais lui refuse la déduction de ses cotisations de retraite complémentaire en raison
du régime fiscal des rentes qu’il percevra à la sortie de son régime de retraite complémentaire.
En effet, ces rentes seront taxables en Belgique et non aux Pays-Bas étant donné que leur
imposition est attribuée à l’Etat de résidence du contribuable.
Sa situation est comparable à celle de l’affaire Bachmann43, les arguments échangés étaient
les mêmes : discrimination justifiée à raison de la résidence, cohérence du système fiscal
39 CJCE, 26 janvier 1993, aff. C-112/91, Rec., p. I-429. 40 CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-204/90, Rec., p. I-249. 41 CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, Rec., p. I-2493. 42 CJCE, 27 juin 1996, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089. 43 CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-204/90, Rec., p. I-249.
24
national, mais heureusement le dénouement en sera différent du fait de la nouvelle approche
globale développée par la Cour44.
Une règle édictée par un Etat membre qui permet aux personnes résidant dans cet Etat de
déduire du revenu soumis à l’impôt des bénéfices d’une entreprise qu’elles affectent à la
constitution d’une réserve-vieillesse, mais refuse cet avantage aux ressortissants
communautaires contribuables qui, quoique demeurant dans un autre Etat membre, perçoivent
dans le premier Etat la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus, ne peut être justifiée par le
fait que les rentes, retirées postérieurement de la réserve-vieillesse par le contribuable non
résident, ne sont pas imposées dans cet Etat mais dans l’Etat de résidence avec lequel cet Etat
a conclu une convention fiscale bilatérale contre les doubles impositions.
Peu importe que la généralisation de l’avantage ne permette pas de garantir, dans le système
fiscal en vigueur dans le premier Etat, une stricte correspondance entre la déductibilité des
montants ajoutés à la réserve-vieillesse et le caractère imposable des montants qui en sont
retirés. Une telle discrimination est dès lors contraire à l’article 43 (ex-article 52) TCE.
b. L’arrêt Asscher
M. Asscher, ressortissant néerlandais, est directeur d’une SARL aux Pays-Bas et exerce
parallèlement une activité professionnelle en Belgique où il dirigeait également une société et
résidait depuis 1986. En application de la convention fiscale intervenue entre ces deux Etats,
il était imposable aux Pays-Bas pour le revenu versé par la société batave tandis que les autres
revenus étaient imposables en Belgique. Il était également affilié exclusivement, depuis son
changement de résidence, au régime belge d’assurances sociales.
La fiscalité directe des personnes physiques a fait aux Pays-Bas l’objet d’une réforme entrée
en vigueur le 1er janvier 1990. L’objectif étant de faire coïncider les assiettes de l’impôt et des
cotisations sociales.
Pour les contribuables résidents et assimilés45, le premier taux de l’impôt, de la première
tranche, est de 13 % tandis que pour les cotisations sociales le taux est de 22,1 %, soit un total
44 Cf. p. 41.
25
de 35,1 %. En revanche pour les non-résidents, le premier taux de l’impôt est de 25 %. C’est
ce taux qui a été appliqué à M. Asscher qui l’a contesté en considérant qu’il y avait une
discrimination indirecte contraire aux articles 12 (ex-article 6) et 43 (ex-article 52) TCE46.
La Cour va constater que la loi batave utilise le critère de résidence qui joue principalement
au détriment des non ressortissants et qui peut donc s’avérer discriminatoire.
Ainsi, le fait que les contribuables non-résidents percevant moins de 90 % de leur revenu
mondial aux Pays-Bas, soient imposés à un taux supérieur à celui applicable aux
contribuables résidents et assimilés est susceptible de constituer une discrimination indirecte.
Il y aura discrimination si les situations sont comparables, or a priori, la situation de résident
et de non-résident n’est pas comparable. Il y aura une différence de traitement discriminatoire
entre ces deux catégories si aucune différence objective de situation n’est prouvée.
En l’occurrence, les deux catégories de contribuables sont dans une situation comparable
notamment par le fait qu’elles sont toutes les deux soumises à la règle de la progressivité de
l’impôt car l’Etat de résidence de M. Asscher, en application de la convention fiscale belgo-
néerlandaise, va tenir compte de l’ensemble de ses revenus pour justement appliquer la règle
de la progressivité.
La différence de taux entre les résidents et les non-résidents est donc discriminatoire.
45 Le revenu mondial de ce contribuable non-résident devant être composé d’au moins 90 % de revenus néerlandais pour être qualifié d’assimilé à un résident. 46 La Cour a requalifié la situation juridique de M. Asscher car celui-ci invoqua l’article 39 (ex-article 48) TCE. En effet, en l’absence de lien de subordination, le directeur d’une société dont il est l’actionnaire unique ne peut être considéré comme un travailleur salarié mais comme une personne exerçant une activité non salariée au sens de l’article 43 (ex-article 52) TCE. Cela ne modifiant pas les données car les principes sont les mêmes.
26
2. L’entrave sans discrimination fondée sur la nationalité : l’affaire Lasteyrie du
Saillant47
a. les faits
L’article 24 de la loi de finances pour 199948 codifié aux articles 167-1 bis et 167 bis du Code
Général des Impôts a institué le principe d’une imposition immédiate des plus-values latentes
afférentes aux participations substantielles, c’est-à-dire supérieures à 25 % ainsi que des plus-
values placées en report d’imposition, due par toute personne qui, ayant résidé sur le territoire
français, part s’établir à l’étranger.
Concernant les modalités de paiement de cet impôt, le contribuable peut toutefois différé le
paiement, jusqu’au moment où s’effectuera la transmission, le rachat, le remboursement ou
l’annulation des droits sociaux en cause, si le contribuable en fait la demande, désigne un
représentant fiscal établi en France susceptible de recevoir les communications relatives à cet
impôt et constitue auprès du comptable chargé d’en assurer le recouvrement, les garanties
propres à en assurer le paiement.
Ce dispositif, qualifié d’« exit tax », est applicable à toutes les personnes qui ont transféré leur
domicile fiscal à l’étranger depuis le 9 septembre 1998.
Contrairement à ce qui est la règle en matière de fiscalité directe des particuliers, ce texte a
pour effet de rendre imposables des plus-values latentes c'est-à-dire non réalisées. La
spécificité de ce dispositif réside dans la taxation du contribuable sur un revenu dont il ne
dispose pas49.
47 CJCE, 11 mars 2004, Hugues de Lasteyrie du Saillant, aff. C-9/02, DF, 2004, n° 20, p. 882. 48 Loi n° 98-1266, 30 déc. 1998, JO du 31 décembre 1998, p. 20050. 49 Article 12 CGI qui pose le principe que le revenu imposable est le revenu disponible c'est-à-dire que sa perception ne dépend que de la seule volonté du bénéficiaire.
27
Le requérant s’est établi en Belgique le 12 septembre 1998 pour y exercer ses activités
professionnelles. Disposant de participations substantielles dans différentes sociétés
françaises, il était donc susceptible de se voir appliquer l’imposition prévue à l’article 167 bis.
Estimant que cette obligation était contraire à son droit de s’établir dans un autre Etat de la
Communauté, le requérant a formé devant le Conseil d’Etat50 un recours en annulation du
décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 pris pour l’application des dispositions légales précitées.
b) Réponse de la Cour
Ici il est question d’une loi fiscale qui entrave la liberté d’établissement sans par ailleurs
opérer de discrimination sur la nationalité.
Ce que l’on nomme l’exit tax est une mesure de dissuasion pour lutter contre les
délocalisations et pour se faire ne contient aucune discrimination même indirecte.
La CJCE va décider que le principe de liberté d’établissement posé par l’article 52 (devenu
article 43) TCE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un Etat membre institue,
à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-
values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167bis du CGI, en cas de transfert
du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet Etat.
Le dispositif incriminé constitue donc une entrave fiscale. La Cour n’a pas précisément défini
ce qu’il faut entendre par « entrave fiscale à l’exercice de la liberté d’établissement » mais
dans ses conclusions sous l’affaire « Daily Mail », l’avocat général la définissait « comme un
dispositif restrictif » qui a pour effet de limiter le droit des ressortissants d’un Etat membre de
s’établir dans un autre Etat « ou du moins qui les décourage de le faire »51.
Si le Gouvernement français n’a pas contesté l’existence d’une entrave, les Gouvernements
danois et néerlandais estimaient que le dispositif mis en place n’avait pas pour effet
d’empêcher l’établissement dans un autre Etat membre, et qu’il n’existe aucun indice
permettant d’affirmer que l’imposition limite la possibilité de s’établir dans un autre Etat
50 CE Ass., 14 décembre 2001, M. Lasteyrie du Saillant, req. n° 211341, RJF 2/02 n° 160. 51 Voir conclusions de M. Tesauro, BDCF, 6/98, n° 138, p 77.
28
membre. Ils ajoutèrent encore qu’il n’y a pas nécessairement perception de l’impôt au
moment du transfert du domicile grâce au mécanisme du sursis de paiement ou du
dégrèvement d’office.
L’Avocat général a répondu à cela en invoquant une jurisprudence52 constante disposant que
« la liberté d’établissement peut être entravée par une mesure nationale qui ne comporterait
pas d’interdiction mais serait simplement de nature à dissuader un opérateur de faire usage
de cette liberté ».
Au surplus, la Cour a jugé que des mesures restreignant la liberté d’établissement, mêmes
minimes, sont en principe prohibées53. Elles ne peuvent être justifiées que par des raisons
impérieuses d’intérêt général, et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour
atteindre cet objectif54.
En effet, force est de constater que ce régime fait subir à un contribuable, désireux de quitter
le territoire français, de considérables désavantages par rapport à une personne qui
continuerait à résider en France. La restriction qui en découle ne peut être affectée par les
modalités dont est assortie l’imposition. Le sursis de paiement n’est pas automatique et,
soumis à de nombreuses conditions, est très contraignant pour le contribuable qui se
délocalise. Il apparaît très nettement que ces modalités ne sont pas des facilités susceptibles
d’atténuer le caractère pénalisant du dispositif et qu’elles peuvent même être considérées
comme sanctionnant un peu plus les contribuables qui décident de quitter le territoire français.
La cour considérant même que : « ces garanties comportent par elles-mêmes un effet
restrictif, dans la mesure où elles privent le contribuable de la jouissance du patrimoine
donné en garantie ».
Faisant application de ces principes, la Cour a affirmé avec beaucoup de clarté que ces
dispositions « s’opposent également à ce que l’Etat d’origine entrave l’établissement dans un
autre Etat membre d’un de ses ressortissants »55.
52 CJCE, 13 avril 2000, Baars, aff. C-251/98, Rec., p. I-2787. 53 CJCE 13 décembre 1989, aff. 48/89, Corsica Ferries France, Rec. p. 4441 et CJCE 15 février. 2000, aff. 34/98, Commission / France, Rec. 2000 p.I-0995 54 CJCE 30 novembre 1995, Aff. C 55/94, Gebhard, Rec. p 4165 55 CJCE 27 septembre 1988, aff. 81/87, Daily Mail, Rec., p 5483 et CJCE 14 juillet 1994, aff. C 379/92, Peralta, Rec., p 3487.
29
Or, il est permis de penser que les dispositions attaquées, dont l’objectif est manifestement de
restreindre la liberté d’établissement de certains contribuables français, vont, en raison de leur
caractère très général, bien au-delà de ce qu’autorise la jurisprudence de la Cour.
La réponse à la question posée ne semblait d’ailleurs guère faire de doute pas pour le
Commissaire du Gouvernement G. Goulard. Selon lui, le renvoi de l’affaire devant la CJCE
devait permettre à la Commission et aux Etats-membres ayant pris des mesures semblables de
faire valoir leurs observations, ce qu’ils ne pouvaient faire devant le Conseil d’Etat. L’intérêt
de la décision ne se limite donc pas seulement au dispositif français et a vocation à être
d’application générale pour tous les Etats membres. Ainsi, les contribuables des autres Etats
membres pourront s’appuyer sur cette jurisprudence pour mettre à mal les dispositifs
similaires, dans leurs Etats respectifs, qui portent atteinte au statut du contribuable.
CONCLUSION :
La Cour ne reconnaît pas l’existence d’un principe d’égalité de traitement entre les
ressortissants des différents Etats pour l’application des législations fiscales nationales. La
jurisprudence communautaire suit une voie moyenne. Si les discriminations de toutes sortes
fondées sur la nationalité sont prohibées, les Etats demeurent en droit d’appliquer des règles
spécifiques à leurs non-résidents. Le droit fiscal communautaire confirme ainsi une pratique
traditionnelle des Etats, fondée sur la méfiance qu’inspire l’absence de localisation
géographique sur le territoire national56. Cette faculté offerte aux Etats de taxer de façon
spécifique et discriminatoire les non-résidents ne doit pas les conduire en réalité à surtaxer les
ressortissants des autres Etats membres et à avantager les nationaux. En conséquence, en
matière d’imposition des revenus, le contentieux fiscal communautaire distingue l’imposition
des résidents et des non-résidents, qui est a priori licite, et la discrimination selon la
nationalité, qui est toujours prohibée, et qui peut selon le cas être sous-jacente ou non à la
précédente57.
56 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 489. 57 MAUBLANC (Jean-Pierre), même passage.
30
Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne
La citoyenneté européenne a été reconnue les 9 et 10 décembre à Maastricht mais l’idée
n’était pas nouvelle. La volonté de dépasser la dimension économique de l’intégration
communautaire vers une union à caractère politique impliquait sa création. Notons ici que le
traité de Maastricht modifie l’intitulé du traitée instituant la Communauté Economique
Européenne qui devient dès lors le traité de la Communauté Européenne. La « logique du tout
économique »58 est ainsi rompue.
Le sommet de Paris de 1974, ou le Rapport Tindenmans de 1976, avait déjà mis l’accent sur
le souci de développer une vision spécifique de la citoyenneté. Par ailleurs, l’élection au
suffrage universel direct du Parlement européen a constitué la première étape tangible de
l’émergence d’une citoyenneté européenne.
Cependant, il a fallu attendre le Conseil européen de Fontainebleau et la mise en place du
Comité pour l’Europe des citoyens, pour que ce projet revienne en tête de ligne. Ce sera
finalement le Conseil européen de Rome qui inscrira cette perspective sur l’agenda des
conférences intergouvernementales chargées de procéder à la révision des traités originaires.
§1. Le statut de citoyen de l’Union européenne
A. Les caractères de ce statut
Notons tout d’abord que les dispositions relatives à cette citoyenneté de l’UE sont inscrites
dans le traité instituant la CEE, ce qui les rend « justiciables ». De ce fait, la Cour pourra
exercer un contrôle sur la mise en œuvre concrète de ces articles.
La notion renvoie également à un statut politique et non plus seulement économique et social.
58 DAVID (Franck), note sous l’arrêt Grzelczyk, RTDE 2003, n° 39, juill.-sept., p. 560.
31
Originairement, un ressortissant d’un Etat membre n’était envisagé par le droit
communautaire que comme un agent économique.
La citoyenneté de l’Union est une citoyenneté d’attribution59 par rapport à celle de droit
commun (c’est-à-dire l’étatique) car elle ne confère que des droits limités qui ne pourront être
complétés qu’en suivant une procédure qui exige l’accord de tous les Etats60, exprimé
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Ainsi la citoyenneté européenne
doit être conçue dans une « perspective dynamique »61.
Les rapports entre la nationalité d’un Etat membre et la citoyenneté de l’Union sont à la fois
indifférents et liés. En effet, l’article 17§1 (ex-article 8§1) dispose qu’ : « Il est institué une
citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité ayant la
nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et
ne la remplace pas ». Loin de supprimer les citoyennetés nationales, la citoyenneté
européenne s’ajoute à elles. Les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne
bénéficient ainsi d’une double citoyenneté. Un ressortissant français est à la fois citoyen
français et citoyen européen. Les deux citoyennetés ne sauraient se confondre. La citoyenneté
européenne étant régi par le droit communautaire, la citoyenneté nationale ne relève que du
droit national.
En droit international, la nationalité est regardée comme ressortissant de la compétence des
Etats, ce qui implique que chacun d’eux définit quelles sont les personnes bénéficiant de sa
nationalité. Cependant, le droit international n’oblige pas les autres Etats à reconnaître et à
donner effet à toute décision d’un Etat attribuant sa nationalité à une personne. Dans le
célèbre arrêt Nottebohm62, la CIJ a admis qu’un Etat pouvait refuser de donner effet à une
nationalité accorée par un autre Etat, notamment lorsque cette nationalité ne se révèle pas
effective.
Dans ce dernier cas, le droit communautaire se différencie du droit international. La CJCE63,
pour une affaire concernant la liberté d’établissement, décide que les Etats membres ne sont 59 Article 17§2 TCE (ex-article 8§2) : « Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité ». 60 Le traité de Nice, signé le 26 février 2001, supprime l’exigence de l’unanimité pour les décisions qu’arrête le Conseil, sauf en ce qui concerne les passeports, les cartes d’identité, les titres de séjour et les dispositions qui ont trait à la sécurité sociale ou à la protection sociale. 61 KOVAR (Robert) et SIMON (Denys), « La citoyenneté européenne », CDE, 1993, p. 285. 62 CIJ, 6 avril 1955, Nottebohm c. Guatemala, Rec CIJ., p. 4. 63 CJCE, 7 juillet 1992, Micheletti, aff. C-369/90, Rec., p. I-4239.
32
pas en droit de contester la qualité de ressortissant communautaire au motif que les personnes
concernées posséderaient également la nationalité d’un Etat tiers. Ainsi, l’Etat membre
d’accueil (Espagne) ne peut faire prévaloir la nationalité de l’Etat tiers (Argentine) sur celle
d’un autre Etat membre (Italie). Il n’y a aucune exigence d’effectivité concernant le droit
communautaire. Cette affaire est aisément transposable pour un litige mettant en cause
l’application du statut de citoyen de l’Union.
La qualité de citoyen européen est donc subordonnée à la possession ou l’acquisition de la
nationalité d’un Etat membre.
1. La citoyenneté de l’Union : statut fondamental
C’est par l’arrêt Grzelczyk64 que la Cour va ériger en statut fondamental le statut de citoyen de
l’Union : « (…) le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des
ressortissants des Etats membres »65.
M. Grzelczyk est un étudiant français poursuivant son cursus à l’Université de Louvain en
Belgique. Sa dernière année d’études ne lui permettait plus de travailler étant donné la
lourdeur du programme. Il décida alors de s’adresser au Centre Public d’Aide Sociale (CPAS)
qui par une décision du 16 octobre 1998 lui alloua le -minimex- (revenu minimum belge) pour
la durée de sa dernière année. Mais le 29 janvier 1999, le CPAS lui retire le bénéfice du
minimex étant donné qu’il n’a pas la qualité de travailleur et de ce fait n’entre pas dans le
champ d’application du règlement66 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de
la Communauté. Injustice caractérisée car les étudiants belges peuvent bénéficier du minimex
sans posséder par ailleurs la qualité de travailleur au sens du droit communautaire.
Le juge belge se rendit compte à l’évidence que la décision du CPAS, se fondant sur du droit
interne, entrait en contrariété avec le droit communautaire au regarde de l’article 12 TCE
(principe général de non-discrimination à raison de la nationalité) et des articles 17 et s. TCE
(citoyenneté européenne). Il jugea nécessaire de saisir la CJCE par voie préjudicielle aux fins 64 CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C-184/99, Rec., p. I-6193. 65 Notons que cette formule a été reprise par la CJCE dans les arrêts D’Hoop, 11 juillet 2002, aff. C-224/98, Rec., p. I-6191 et Baumbast, 17 septembre 2002, aff. 413/99, Rec., p. I-7091. 66 Règlement du Conseil n° 1612/68 du 15 octobre 1968, JOCE, L, 257, p. 2.
33
de savoir si les dispositions du traité mentionnées plus haut s’opposaient à un traitement
discriminatoire fondé sur la nationalité.
La CJCE67 constate qu’en l’espèce la discrimination était bien fondée uniquement sur la
nationalité, toutefois l’article 12 TCE n’est pas d’application générale et
inconditionnée : « Cet article doit être lu en combinaison avec les dispositions du traité sur la
citoyenneté de l’Union pour apprécier le domaine d’application de celui-ci ».
Il en résulte que la Cour après avoir affirmer que « le statut de CUE a vocation à être le statut
fondamental des ressortissants des Etats membres » va en déduire que des citoyens de
l’Union, indépendamment de leur nationalité et se trouvant dans la même situation, doivent
bénéficier du même traitement juridique.
La condition de l’existence d’un lien économique entre le ressortissant et l’Union n’est donc
plus requise.
2. Un statut fondamental et autonome
Le terme d’autonome signifie ici que ce statut a vocation à s’appliquer peut importe l’exercice
ou non par l’intéressé d’une quelconque activité économique. Ainsi, la liberté de circulation et
de séjour est indépendante de la qualité de l’intéressé : travailleur salarié, travailleur
indépendant, simple contribuable…
Soulignons à cet égard la réticence des Etats membres, fors le Portugal, qui s’est manifestée
dans les observations relatives à l’affaire Grzelczyk. Pour le gouvernement français en
particulier, la citoyenneté de l’Union ne permettrait pas de créer un droit global à l’égalité de
traitement, dans la mesure où une telle position paraîtrait difficilement conciliable au regard
des droits attachés à la nationalité. En effet, les Etats craignent de devoir assumer des
ressortissants communautaires indigents et par là-même un surcoût pour les finances
publiques.
67 C’est dans son arrêt Martinez Sala, 12 mai 1998, aff. C-85/96, Rec., p. I-2708, que la CJCE a été la première fois invitée à se prononcer sur la portée de l’article 8A (devenu article 18 TCE) et elle y attache au statut de CUE le droit tiré de l’article 6 (devenu article 12 TCE) de ne pas subir de discrimination en raison e sa nationalité.
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Ainsi, si le droit de circuler et de séjourner librement constitue un droit matériel autonome
pour les citoyens de l’Union, c’est sans préjudice des limitations et conditions dont est
susceptible d’être assorti ce droit. Dans l’affaire Grzelczyk, la Cour va conclure que l’article
17 TCE n’ouvre pas directement droit à des prestations sociales.
Cependant, il faut noter que le domaine d’application rationae personae du droit
communautaire s’est considérablement élargi étant donné que lien économique n’est plus
exigé.
En fait, on peut dire qu’il s’agit d’un statut autonome car la Cour a, dans la même affaire,
d’emblée fait appel à la notion de citoyenneté européenne peu important que le requérant ait
en l’espèce la qualité de travailleur ou d’étudiant. C’est un citoyen de l’Union alors il doit
bénéficier des droits contenus dans le traité.
B. Les droits du citoyen de l’Union
Notons que l’article 17§2 (ex-article 8§2) évoque non seulement des droits mais également
des devoirs. Cependant, leur contenu n’est pas précisé. La reconnaissance de la citoyenneté
européenne semble dépourvue de tout contenu spécifique en ce qui concerne les devoirs.
C’est peut-être la manifestation de ce que la solidarité entre les citoyens de l’Union n’a pas
encore atteint un degré suffisant pour constituer le fondement d’obligations68.
Les droits du citoyen de l’Union sont hétérogènes. Nous n’évoquerons qu’ici les droits
politiques (droit de vote et éligibilité aux élections européennes et aux élections municipales),
le droit de pétition, le droit de communication avec les institutions ; il bénéfice également de
protections (protection diplomatique et consulaire) et peut se plaindre auprès du médiateur.
Le droit de circulation et de séjour fera l’objet du paragraphe 2. Ce droit attaché au statut du
citoyen de l’Union n’est certes pas nouveau mais ici est attaché au fait même d’être un
ressortissant communautaire. En effet, la libre circulation des personnes était
traditionnellement entendue comme comprenant le droit de se déplacer et de séjourner et le
68 DUBOUIS (Louis) et BLUMANN (Claude), Droit matériel de l’Union européenne, Montchrestien, coll. Domat Droit Public, 2ème éd. 2001.
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droit d’exercer librement une activité professionnelle. Aujourd’hui, le traité de Maastricht
rend l’exercice du droit qu’a tout citoyen de l’Union de se déplacer librement et de vivre dans
l’Etat membre de son choix indépendant de toute activité professionnelle. Cependant, ce droit
du citoyen de l’Union n’est pas inconditionnel.
§2. Le droit de circuler et de séjourner librement
C’est l’article 18§1 TCE (ex-article 8A §1) qui confère ce droit « sous réserve des limitations
et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son
application. » Ce droit est désormais reconnu au niveau constitutionnel.
Comme nous l’avons déjà vu, le bénéfice du de droit ce circuler et de séjourner est ici reconnu
alors qu’il n’existe aucun lien avec l’exercice d’une activité économique. C’est une différence
essentielle par rapport à l’état de droit antérieur (fors les directives de 1990). C’est un droit
propre relevant des libertés personnelles.
A. Articulation et rapports entre les différents statuts
Il faut tout d’abord distinguer les bénéficiaires de ce droit dès l’origine (les salariés, les
personnes relevant du régime de l’établissement et du régime de la prestation de service) qui
n’était alors reconnu qu’indirectement comme l’accessoire de l’objet principal : l’activité
économique.
Puis, début 1990 deux directives sont intervenues pour reconnaître un droit de séjour à
certaines catégories de personnes : les inactifs69, les étudiants70. Ainsi, leur droit de séjour
n’est pas lié à l’exercice d’une activité économique et celui-ci ne résulte pas directement du
traité mais du droit dérivé.
69 Directive 90/365 du 28 juin 1990, JOCE, L, 180/28, 13 juillet 1990. 70 Directive 90/366 du 28 juin 1990 (annulée du fait d’une erreur de base juridique et remplacée par la directive 93/96 du 29 octobre 1993 qui en reprend les dispositions), JOCE, L, 317/59, 18 décembre 1993.
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Cependant, d’autres conditions ont été prévues : avoir des ressources suffisantes et une
couverture sociale suffisante.
Enfin, dans un troisième temps consécration du statut de citoyen de l’Union européenne par le
traité instituant l’Union européenne le 7 février 1992 ; et qui lui reconnaît le droit de séjour
sans condition d’exercice d’une activité économique. Cependant, ce droit n’est pas
inconditionnel, ce qui ressort de l’article lui-même. Il s’agit de la protection de l’ordre public,
de la sécurité et de la santé publique. Aussi, les conditions vues concernant les étudiants et les
inactifs valent également pour le CUE car aucune condition d’exercice d’une activité
économique n’est exigée.
Cependant, restait à la CJCE de reconnaître que l’article 18§1 présentait les caractères requis
pour être d’effet direct, ce qui n’allait pas sans difficultés71. La Cour a franchi le pas avec
l’arrêt Baumbast72. Elle y reconnaît que le doit de séjour est conditionné mais un contrôle
judiciaire sera toujours possible.
Notons tout d’abord que le statut de CUE ne fait pas disparaître les anciens statuts qui
continuent d’avoir leur raison d’être. Mais il a vocation à constituer le statut fondamental c’est
en quelque sorte la loi générale et les autres statuts seraient des lois spéciales.
Ce qui est essentiel réside dans le fait que si l’un des statuts particuliers n’est pas applicable
(absence d’activité économique), l’intéressé pourra toujours se prévaloir du statut de CUE ce
qui dans l’affaire Werner73 aurait eu un intérêt certain. Etant donné que les conditions de
ressources et de couverture sociale suffisantes doivent toujours être remplies.
B. L’incidence fiscale du droit de circuler et de séjourner librement
71 CJCE, 11 avril 2000, Kaba, aff. C-356/98, Rec., p. I-2623. Cet arrêt ne reconnaît pas l’effet direct à l’article 18§1 TCE étant donné le renvoi que cet article fait aux « limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». 72 CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, aff. 413/99, Rec., p. I-7091. 73 CJCE, 26 janvier 1993, Werner, aff. C-112/91, Rec., p. I-429.
37
Les effets sur la fiscalité directe sont simples : l’Etat de départ ou l’Etat d’accueil ne peut
entraver l’exercice de ce liberté garantissant un objectif de l’Union.
C’est par le biais de l’affaire Lasteyrie du Saillant que l’on peut entrevoir les possibilités
offertes par la citoyenneté de l’Union aux contribuables. Mais, c’est l’affaire Schempp (en
cours devant la CJCE) qui pourra nous donner la réelle mesure de la portée fiscale du statut de
citoyen de l’Union.
1. L’affaire Hugues de Lasteyrie du Saillant
M. Lasteyrie du Saillant invoqua, outre une entrave à la liberté d’établissement, une atteinte à
sa liberté d’aller et venir. Mais le Conseil d’Etat considéra que les dispositions attaquées
n’avaient « ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou
conditions, l’exercice effectif, par les personnes qu’elles visent, de la liberté d’aller et venir,
contrairement à ce que soutenait le requérant ».
Ceci peut paraître curieux car le texte avait pour objet même la limitation de la liberté d’aller
et venir de contribuables bien identifiés74 en les soumettant à un dispositif fiscalement
contraignant. D’ailleurs, la Cour de Cassation a sanctionné comme voies de fait des refus ou
retraits de passeports à des débiteurs du Trésor et, visant spécifiquement la Convention
Européenne des Droits de l’Homme, a jugé que « la liberté fondamentale d’aller et venir n’est
pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter »75. Ce qui
correspond au droit de circuler et de séjourner librement.
Ainsi, le Conseil d’Etat ici, a manqué une occasion de renvoyer l’examen de cette question
devant la CJCE afin qu’elle se prononce sur la compatibilité des dispositions attaquées avec
les articles 17 et 18 (ex-articles 8 et 8A) du traité CE qui instituent « une citoyenneté de
l’Union » et qui prévoient (art. 18) que « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de
74 « (…) dissuader les délocalisations des grandes fortunes » Extrait du rapport de D. Migaud à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour 1999, p. 305. 75 Cass. Civ. 1ère 28 novembre 1984, Bull. Civ., I, p. 321
38
séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et
conditions prévues par le présent Traité et par les dispositions prévues pour son application .
Il eut été intéressant d’interroger la Cour sur la compatibilité des dispositions attaquées avec
les principes de la citoyenneté européenne, mais l’article 167 bis du CGI n’a été examiné
qu’au regard de la liberté d’établissement76, le caractère professionnel du transfert de domicile
en Belgique ayant été présumé dans les conclusions de l’avocat général J. Mischo77.
Cependant devant la Cour de Justice, les gouvernements allemand et néerlandais ont fait
remarquer que l’ordonnance de renvoi du Conseil d’Etat ne contenait pas d’éléments propres
à établir que le contribuable aurait fait usage de la liberté d’établissement. De même, le
requérant soutenait qu’il transférait son domicile fiscal en Belgique pour y exercer son activité
professionnelle. Celui-ci estimant que seule une liberté économique pourrait venir à son
secours. Cela prouve en outre, le peu d’impact que revêt à l’heure actuelle le statut de citoyen
de l’Union et les droits y afférents. En effet, cette affaire témoigne encore d’une logique que
l’on peut qualifier d’ancienne en ce sens qu’il faille absolument exciper d’un lien économique
entre le ressortissant communautaire et l’Union pour bénéficier de la protection du droit
communautaire.
Le contentieux fondé sur la citoyenneté européenne reste donc ouvert pour le contribuable car
non abordé au cas d’espèce.
Mais il ne fait aucun doute que le sens dans lequel la CJCE a répondu à la question relative à
la liberté d’établissement n’aurait pas été différent si elle avait été invitée à apprécier la
compatibilité du même article 167 bis avec les dispositions du droit communautaire
précitées78.
Occasion que n’a pas laissé passer le Bundesfinanhof allemand.
2. L’affaire Egon Schempp 76 Cf. sur ce point : Titre 1er, Chapitre 1er, Section 1, §2. 77 JUILHARD (Philippe), « Chronique de la mort annoncée de l’exit tax », Option Finances, 24 novembre 2003. 78 En ce sens, GROUX (Jean), « L’exit tax de l’article 167 bis du CGI, mise à mal par la Cour de justice de Luxembourg, a-t-elle encore un avenir ? », BFFL, Etude, 5/ 04, p. 301, point 8.
39
Il s’agit d’une affaire pendante devant la CJCE suite à une demande de décision
préjudicielle79 présentée par ordonnance du Bundesfinanhof rendue le 22 juillet 2003 dans
l’affaire Egon Schempp contre Finanzamt München, et qui est parvenue au greffe de la Cour
le 29 septembre 2003. Le Bundesfinanzhof demande à la Cour de justice de statuer sur les
questions suivantes :
« 1. L’article 12 CE (dans le version du traité d’Amsterdam) doit-il être interprété en ce sens
qu’il s’oppose aux dispositions des articles 1a, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1,
point 1, de l’EStG80, en vertu desquelles un contribuable résidant en Allemagne ne peut
déduire les pensions alimentaires versées à son épouse divorcée qui habite en Autriche, alors
qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore en Allemagne ?
2. Pour le cas où il serait répondu par la négative à la première question : l’article 18,
paragraphe 1, CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions des articles
1a, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, en vertu desquelles un
contribuable résidant en Allemagne ne peut déduire les pensions alimentaires versées à son
épouse divorcée qui habite en Autriche, alors qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore
en Allemagne ? ».
Il s’agit là d’une belle opportunité qu’à la Cour pour consacrer sans discussion possible la
dimension fiscale du statut de citoyen de l’Union. On peut espérer qu’elle ne la laissera pas
passer.
CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de
justification des entraves.
79 C-403/03, JOCE, C 304, 13 décembre 2003, p. 11. 80 Einkommensteuergesetz : loi relative à l’impôt sur le revenu.
40
Les Etats vont essayer de justifier des entraves liées à leurs systèmes fiscaux en utilisant de
multiples arguments. Ces derniers n’étant pas d’égale valeur mais l’on retrouve
systématiquement les mêmes.
Ainsi, les Etats vont arguer qu’il n’y a pas de discrimination car la différence de traitement
fiscal est justifiée par la différence de situation entre les deux catégories considérées.
Et même, encore plus efficace, Les Etats vont estimer que le droit communautaire n’est pas
applicable en l’espèce puisqu’il s’agit d’une situation purement interne.
Ou encore, la nécessité de combler un vide fiscal, la prévention de la réduction de recettes
fiscales ou la volonté de compenser un avantage fiscal d’une autre nature n’ont jamais été des
justifications admissibles car étant des objectifs de nature purement économique elles ne
peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général81.
Ainsi, les Etats disposent de plusieurs types de moyens de défense :
- démontrer que le droit communautaire n’est pas applicable au litige (cas d’une situation
purement interne)
- justifier la restriction à la liberté de circulation au moyen d’une raison impérieuse d’intérêt
général
- ou simplement prouver que la règle fiscale mise en cause n’est pas contraire au droit
communautaire (le plus souvent en alléguant qu’il n’y a pas de discrimination).
Nous n’envisagerons donc que les arguments les plus pertinents.
Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général
Les mesures discriminatoires ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles
font l’objet d’une dérogation expresse, alors que les mesures non ouvertement
discriminatoires82 peuvent être justifiées par des exigences ou raisons impérieuses d’intérêt
général. Il s’agit de toute exigence impérative ou objectif légitime digne de protection.
81 CJCE, 16 juillet 1998, ICI, aff. C-264/96, DF, 1998, n°48, p. 1481. 82 Ces mesures sont encore qualifiées d’indistinctement applicables, c'est-à-dire ne faisant pas de distinction selon la nationalité ou le lieu d’établissement de l’intéressé.
41
Pour être efficacement invoqué, cet intérêt ne doit pas déjà être assuré par les règles de l’Etat
membre concerné et le résultat ne doit pas pouvoir être obtenu par des règles moins
contraignantes.
Selon la Cour, « les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant
l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre
conditions : qu’elles s’appliquent de manière non discriminatoire, qu’elles se justifient par
des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de
l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’ailent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour
l’atteindre »83.
Nous allons donc étudier les raisons impérieuses d’intérêt général qui ont pu être invoquées
par les Etats afin de justifier des restrictions à libre circulation des personnes.
§ 1. La cohérence du système fiscal
A. L’unique cas d’acceptation de cette justification : l’arrêt Bachmann
Le principe de cohérence fiscale permet à un Etat membre de protéger une règle fiscale
particulière sous couvert du respect et de la sauvegarde de son système fiscal national84. Ce
principe est une illustration de la multitude des systèmes fiscaux et de leurs particularités au
sein de l'Union européenne et de l'absence d'harmonisation fiscale.
La Cour s'est prononcée sur le principe de la cohérence fiscale dans l'arrêt Bachmann à propos
d'une assurance-vie conclue en Allemagne par un ressortissant allemand, employé en
Belgique, et dont les services des impôts belges refusaient la déduction de son revenu
imposable des cotisations versées en Allemagne. La Cour, tout en identifiant qu'il s'agissait
bien d'une discrimination préjudiciable aux travailleurs migrants non résidents, incompatible
83 CJCE, 30 novembre 1995, Gebhard, aff. 55/94, Rec., p. I-4165. 84 SEBASTIEN (Gilles), note sous l’arrêt Wielockx, D. 1996, p. 417.
42
avec l'art. 48 du Traité, l'a cependant justifiée par le principe de cohérence fiscale qui permet
de déroger aux libertés de circulation énoncées par le Traité.
Le gouvernement belge fit valoir que dans la logique de son système fiscal, la déduction des
primes d’assurance-vie ou maladie-invalidité complémentaire, était liée à la taxation
postérieure de la rente ou du capital versé par la compagnie d’assurances. Or, il estimai que
cette corrélation mise en place entre la déduction des primes et l’imposition des prestations de
l’assureur serait compromise si l’on laissait la possibilité au contribuable de déduire des
primes versées à des compagnies non établies en Belgique. Le fisc belge ne peut donc pas
s’assurer, dans ce cas de figure, que la rente ou le capital touché par la personne qui avait
bénéficié de la déduction serait imposé.
La Cour va alors faire un contrôle de proportionnalité de la mesure ne cause. Elle va
reconnaître que l’objectif du maintien de la cohérence d’un système fiscal est un objectif
légitime. Ensuite, elle va juger que la mesure est strictement nécessaire pour atteindre
l’objectif recherché, dès lors que d’autres solutions (directive du Conseil ou convention
bilatérale ente Etat membre) n’offrent pas des garanties identiques. La Cour va alors constater
que la solution retenue par le législateur belge est la seule capable d’atteindre l’objectif visé
avec certitude et donc que l’article 39 (ex-article 48) n’est pas violé.
Cette solution fournissait surtout aux Etats membres un argument commode pour justifier des
impositions restreignant les libertés fondamentales du Traité.
Cette justification vague, trop extensible, d’une mesure discriminatoire, reconnue dans l’arrêt
Bachmann, s’était heurtée à de vives critiques85.
Malgré tout, la loi belge du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et
diverses a remplacé le régime de déductibilité des primes/cotisations par un système de
réduction d’impôt.
B. L’évolution de la Cour de justice par rapport à cette justification 85 GOUTHIERE (Bruno), « Trois questions relatives au principe de non-discrimination », BFFL, 6/93, p. 399.
43
1. La cohérence fiscale n’est pas la panacée
Avec l’arrêt Schumacker, la Cour laisse clairement entendre que l’argument de la cohérence
fiscale à ses limites et qu’il serait utopique de croire qu’il convaincra le juge communautaire
en toute circonstance86. Dans cette affaire, le gouvernement allemand avait avancé que le
traitement discriminatoire était justifié par les nécessités d’une application cohérente des
régimes fiscaux aux non-résidents. Ainsi, l’Etat sur le territoire duquel travaille le non-
résident, en l’occurrence l’Allemagne, n’aurait pas à prendre en compte sa situation
personnelle et familiale, sous peine de voir celle-ci prise en compte doublement et de permette
au non-résident de bénéficier dans les deux Etats des avantages fiscaux y afférents.
La CJCE rejeta aisément cet argument, étant donné que dans l’Etat de résidence la charge
fiscale y était insuffisante pour permettre cette prise en compte, étant donné qu’il n’y
percevait presque aucun revenu. Il incombe donc à l’Etat d’emploi de prendre en compte sa
situation personnelle et familiale.
2. L’approche macro-économique de la CJCE
L’arrêt Wielockx ne fera que confirmer la nouvelle analyse de la Cour. Dans cet arrêt, la CJCE
va restreindre considérablement l’exception tirée de la cohérence du système fiscal.
La volonté de la Cour de justice de ne pas laisser hors de la portée de son contrôle les
fiscalités directes nationales apparaît donc dans le fait qu’elle rejette désormais
systématiquement, après l’avoir admis une seule fois dans l’arrêt Bachmann, la justification
tirée de la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal national87.
86 BINON (Jean-Marc), « Avantages fiscaux en assurance de personnes et droit européen », RMUE 1996/2, p. 133, point 6. 87 CJCE, 11 août 1995, Wielockx, aff. C-80/94, Rec., p. I-2493; CJCE, 27 juin 1996, Asscher, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089.
44
Il importe désormais, selon la Cour de justice, d’apprécier le respect de ce principe non plus
au niveau individuel mais au niveau global : ce que perd l’Etat néerlandais pour un résident
belge, il le gagne pour un résident néerlandais placé dans des conditions symétriques à celles
de M. Wielockx88.
Aussi, ce principe ne saurait être invoqué pour justifier le refus d’une déduction telle que celle
en cause dans l’affaire Wielockx étant donné que la cohérence fiscale est assurée sur la base
d’une convention bilatérale. C’est ce qu’un auteur exprime très bien à travers cette formule :
« la cohérence fiscale interne doit s’effacer devant la cohérence fiscale internationale »89.
Reportant l’appréciation de la cohérence fiscale au niveau macro-économique en s’appuyant
sur l’existence de conventions bilatérales conclues sur le modèle OCDE, la CJCE réduit
considérablement la portée de cette justification invoqué par les Etats membres90.
§.2 La prévention de l’évasion fiscale
Nous retrouvons cet argument dans l’affaire Lasteyrie du Saillant, la France invoquait
principalement la prévention de l’évasion fiscale comme justificatif aux restrictions instaurées
par l’article 167 bis du CGI. Cet objectif de prévention de l’évasion fiscale ressortait
d’ailleurs des débats parlementaires : « les pays qui n’imposent pas les plus-values ou qui
procèdent à des impositions plus faibles que les nôtres sont relativement nombreux. Il faut
donc se protéger »91.
Pour le Gouvernement français le dispositif litigieux vise à empêcher un abus de droit par
l’utilisation frauduleuse par un contribuable des libertés découlant pour lui du droit
communautaire.
Cependant, après avoir relevé que « l’article 167 bis du CGI n’a pas pour objet spécifique
d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de 88 NGUYEN (Bruno), « Bachmann, Werner, Schumacker, Wielockx et les autres…ou quand la Cour de justice harmonise la fiscalité européenne », Europe 1995, décembre, p. 2. 89 BINON (Jean-Marc), « Avantages fiscaux en assurance de personnes et droit européen », RMUE 1996/2, p. 134, point 7. 90 Par exemple, la France a signé des conventions bilatérales avec tous les Etats de l’Union. 91 MIGAUD (D.), JOAN, 2e séance, 16 octobre 1998, p. 6816.
45
contourner la législation fiscale française mais vise, de manière générale, toute situation
dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société
soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit son domicile hors
de France », la Cour va estimer que la présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale,
instaurée par l’article 167 bis, établie du seul constat d’un transfert de domicile fiscal à
l’étranger, était disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi. La Cour de justice va
estimer que le but envisagé, à savoir empêcher que le redevable transfère temporairement son
domicile à l’étranger pour éluder le paiement sur les plus-values en France, peut être atteint
par des mesures moins restrictives à la liberté d’établissement.
La Cour a notamment rappelé que les Etats membres peuvent mettre en œuvre les dispositions
de la directive n° 77/799/CEE modifiée, en date du 19 décembre 1977, relative à l’assistance
mutuelle dans le domaine des impôts directs pour obtenir les informations nécessaires au
recouvrement de l’impôt.
La Cour n’admet donc la justification tirée de la lutte contre l’évasion fiscale que quand la
législation restreignant la liberté d’établissement a pour objet spécifique d’exclure d’un
avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi
fiscale92.
Le dispositif litigieux va très au-delà de ces limites jusqu'à créer une présomption irréfragable
de fraude fiscale.
Le dispositif est trop systématique et ne tient pas compte des raisons qui ont pu pousser le
contribuable à émigrer à l’étranger. L’établissement du contribuable à l’étranger n’implique
pas en soi la fraude fiscale. C’est à l’Administration qu’il reviendra de prouver, au cas par cas,
qu’il existe un risque d’évasion fiscale. La mesure française est donc incontestablement
excessive par rapport au but recherché.
Au-delà de l’article incriminé, le raisonnement suivi par les juges communautaires devrait
pouvoir être appliqué à d’autres dispositions du CGI93 comme par exemple a l’article 123 bis
92 DIBOUT (Patrick), « Territorialité de l’impôt, répression de l’évasion fiscale et liberté d’établissement dans la communauté européenne », DF, 1998, n° 48, p. 1478. 93 BOUTEMY (Bernard) et MEIER (Eric), note sous l’arrêt Lasteyrie du Saillant, DF, 2004, n° 20, p. 882.
46
du CGI94 qui permet à la France d’imposer un résident fiscal français qui détient une
participation d’au moins 10 % dans une personne morale établie dans un pays à fiscalité
privilégiée à raison des revenus correspondants y compris si ceux-ci ne sont pas distribués. A
l’instar de l’article 167 bis du CGI, ce dispositif établit une présomption d’évasion fiscale du
seul constat d’une implantation dans un tel Etat et pourrait en conséquence, constituer une
restriction à la sortie en ce qu’ils dissuadent les personnes physiques de s’établir ou de créer
des sociétés dans un autre Etat membre de l’Union européenne.
Tout est donc une question d’équilibre entre la lutte contre la concurrence fiscale
dommageable et les libertés fondamentales du Traité
Section 2 : Les autres arguments des Etats
§1. Le cas Werner
A. Les faits
M. Werner, de nationalité allemande, avait acquis un diplôme de dentiste en Allemagne et s’y
était installé professionnellement tout en continuant à résider aux Pays-Bas avec son épouse,
de nationalité néerlandaise, qui travaille comme salariée au sein du cabinet de son mari.
Par application de la convention germano-néerlandaise, M. Werner est réputé résident aux
Pays-Bas. En vertu de la loi relative à l’impôt sur les revenus, les personnes physiques n’ayant
pas de résidence en Allemagne n’y sont assujetties à l’impôt que sur les revenus réalisés en
Allemagne.
M. Werner pensait donc être intégralement assujetti à l’impôt et donc non seulement
bénéficier du barème préférentiel, par le biais du système du splitting tarif, applicable aux
couples mariés, mais aussi qu’il lui serait permis de déduire de son revenu imposable
certaines dépenses (diverses cotisations d’assurances, des dépenses de formation
94 Pour la condamnation d’un dispositif similaire pour les personnes morales car contraire à la liberté d’établissement voir CE Ass. 28 juin 2002, Schneider Electric, n° 232276, DF, 2002, n° 36, p. 1133.
47
professionnelle…). Or, lors de l’établissement de l’impôt, au motif que M. Werner ne résidait
pas en Allemagne, le fisc de cet Etat décida qu’il ne pouvait être que partiellement assujetti.
Ceci ayant pour conséquence le refus du bénéfice du splitting tarif et des déductions ci-dessus
évoquées.
Saisie d’une question préjudicielle par la Cour des finances de Cologne, la CJCE devait
déterminer si la différence de traitement fiscal fondé sur la notion de résidence pouvait
s’analyser en une restriction à la liberté d’établissement, ou en une discrimination déguisée
fondée sur la nationalité contraire à l’article 12 TCE.
B. Les deux justifications acceptées
Le fait qu’il s’agisse d’une situation purement interne va en quelque sorte permettre la
discrimination à rebours. Ces deux justifications sont en liées.
1. L’absence d’extranéité professionnelle
La Cour éluda ces deux questions en décidant qu’en l’espèce, la situation de M. Werner
n’entrait pas dans la sphère protégée par le droit communautaire. L’article 43 (ex-article 52)
ne concerne que les personnes qui font usage de la liberté de circulation à finalité
économique. Or, M. Werner ne s’est pas déplacé en Allemagne pour faire valoir des droits
acquis aux Pays-Bas (diplôme), mais s’est borné à s’installer dans l’Etat où il a acquis son
titre professionnel, en continuant de résider pour des raisons personnelles, dans un autre Etat
membre. Indiquant, par ailleurs que l’article 12 TCE ne s’appliquait qu’à défaut de règles
spécifiques, telles que celles de l’article 43 (ex-article 52).
Dans l’arrêt Asscher, la Cour de justice a écarté fort logiquement l’argument de
l’incompétence de la Cour fondé sur l’existence d’une situation purement interne. Ce
contribuable ayant une dose d’extranéité dans sa situation étant donné qu’il travaillait à la fois
aux Pays-Bas et en Belgique.
48
Ou encore dans l’affaire Gilly95, la France contestait l’application de l’article 39 (ex-article
48) au motif que l’épouse, travaillait dans son Etat d’origine, n’avait pas exercé ses droits à la
libre circulation. La Cour va confirmer l’applicabilité en l’espèce de cet article, dès lors que
l’intéressé a acquis la nationalité française par mariage et exerce son activité professionnelle
en Allemagne tout en résident en France.
Ainsi, la CJCE ne répond pas à la véritable question : à situation comparable d’imposition, le
désavantage fiscal d’un non-résident percevant dans l’Etat membre la quasi-totalité des
revenus, y disposant de la quasi-totalité de son patrimoine et qui subit une imposition plus
lourde que celle applicable à un résident, constitue-t-il une discrimination à raison de la
nationalité prohibée par l’article 12 du Traité.
La jurisprudence Werner est « périmée »96 depuis l’entrée en vigueur du traité instituant
l’Union européenne et la reconnaissance de la citoyenneté de l’Union. Heureusement, la
liberté de circulation n’est plus divisible entre une liberté professionnelle et une liberté « à des
fins privés »97, comme la Cour a pu l’opérer dans cette affaire.
2. La discrimination à rebours
L’interprétation de l’article 43 (ex-article 52) aboutit à créer une situation paradoxale : comme
il ne s’applique pas à des situations purement internes. Dès lors, un Etat pourrait maintenir des
situations discriminatoires à l’égard de ses propres ressortissants qui n’auraient pas leur
résidence fiscale dans cet Etat.
C’est un peu la situation de l’affaire Lasteyrie du Saillant mais entre ces deux affaires le
Traité de Maastricht est entré en vigueur et a institué la citoyenneté de l’Union. Cependant,
95 CJCE, 12 mai 1998, Epoux Gilly, aff. C-336/96, Rec., p…. 96 DEROUIN (Philippe) et MARTIN (Philippe), « Droit communautaire et fiscalité », Litec fiscal, Juris Classeur, 2004, p. 48. 97 NGUYEN (Bruno), « Bachmann, Werner, Schumacker, Wielockx et les autres…ou quand la Cour de justice harmonise la fiscalité européenne », Europe 1995, décembre, p. 2.
49
dans cette dernière affaire le litige n’a pas été réglé grâce au droit de circulation et de séjour
attaché au statut du citoyen de l’Union mais sur le seul terrain de la liberté d’établissement98.
Dans son arrêt Knoors, la Cour a jugé que même si les dispositions du Traité en matière
d’établissement et de prestations de services ne sauraient être appliquées à des situations
purement internes à un Etat membre, un Etat déterminé ne peut exclure du bénéfice du droit
communautaire ses propres ressortissants lorsque ceux-ci -après avoir résidé sur le territoire
d’un autre Etat membre et y avoir acquis une qualification professionnelle reconnue par des
dispositions communautaires- se trouvent, à son égard, dans une situation assimilable à celle
de tout autre ressortissant communautaire bénéficiant des droits et libertés garantis par le
Traité. Mais contrairement à M. Knoors, M. Werner avait acquis sa qualification
professionnelle dans son Etat d’origine.
Il est regrettable que la CJCE n’ait pas condamné lors de la présente affaire l’existence d’une
discrimination insidieuse et se soit cantonnée à constater l’existence d’une situation purement
nationale.
Le seul tort de M. Werner en fin de compte est d’avoir eu le coup de foudre pour une batave.
Pas d’obstacle à une simple discrimination à rebours.
§2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité
Il s’agit là d’un argument systématiquement invoqué par les Etats qui allèguent que la ou les
dispositions incriminées sont applicables sans qu’il n’y ait à distinguer si le contribuable est
un national ou un ressortissant d’un autre Etat membre.
C’est là adopter une vision étroite des discriminations interdites par le traité c’est-à-dire que le
cas d’une discrimination formelle.
98 Cf. p. 36.
50
Cependant, depuis l’arrêt Sotgiu, il est établi que « les règles d’égalité de traitement prohibent
non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes
formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction,
aboutissent en fait au même résultat », selon la formule habituelle de la Cour de justice99.
CONCLUSION :
Ainsi, si étendue que soit la marge de manœuvre des Etats en matière de fiscalité directe, en
l’absence de législation communautaire spécifique, elle est limitée par l’obligation faite aux
Etats de respecter les grandes libertés, qui s’appliquent en matière fiscale comme en toute
autre matière. La CJCE a exploité toutes les potentialités des articles du traité relatifs à ces
libertés essentielles en leur reconnaissant une portée très large et en excluant en principe les
dérogations ou exceptions apportées par les Etats membres et cela quel que soit le rang
hiérarchique de la règle nationale.
En outre, Les arrêts postérieurs à l’accident de 1992, démontrent une fois de plus le rôle de la
Cour de justice des Communautés européennes dans la réalisation de la construction
européenne. En l'absence d'une harmonisation fiscale, et afin d'éviter une entrave dans
l'exercice des libertés fondamentales du Marché unique européen fixées par le Traité, des
solutions sont énoncées par le juge au cas par cas afin de combler les lacunes de la législation
européenne.
La Cour a fixé des limites aux techniques nationales d’imposition des revenus des personnes
physiques. Il en résulte que pour être conforme au TCE, l’impôt sur le revenu d’un Etat
membre doit respecter deux contraintes communautaires : il doit respecter les principes de
libre circulation, il doit respecter ensuite le principe de non-discrimination à raison de la
nationalité.
99 CJCE, 12 février 1974, Sotgiu, aff. 152/73, Rec., p. 153.
51
TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire
L’absence d’objectif d’harmonisation des fiscalités directes des Etats ne peut conduire à des
résultats satisfaisant concernant la protection du contribuable notamment sur le plan de
l’égalité de traitement fiscal entre résidents et non-résidents d’un Etat ou encore entre
résidents d’un Etat et ceux d’un autre Etat100.
100 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 486.
52
CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante
Selon une formule presque toujours rappelée par les arrêts, la fiscalité directe relève de la
compétence des Etats membres, mais ils doivent l’exercer dans le respect du droit
communautaire. La formulation de cette règle de compétence étatique en matière de fiscalité
directe est ambiguë. Elle signifie qu’à la différence de la fiscalité indirecte, largement
harmonisée au moyen de directives communautaires, la fiscalité de l’imposition des revenus
ou des bénéfices n’a pas fait l’objet d’une harmonisation européenne, en l’absence de
disposition du Traité le prévoyant expressément et parce que les Etats ont considérés que le
rapprochement des fiscalités nationales dans cette matière n’était pas nécessaire pour
l’établissement et le fonctionnement du marché commun. A plusieurs reprises, la Cour a
constaté l’absence de disposition communautaire pertinente en matière de fiscalité directe de
nature à faire obstacle à la double imposition des mêmes revenus ou à des inégalités de
traitement entre des ressortissants communautaires placés dans la même situation.
L’état de l’harmonisation fiscale est la cause de la jurisprudence développée plus haut. La
CJCE devant pallier l’incapacité de la Communauté mais surtout des Etats membres à
s’entendre dans un domaine où la souveraineté étatique demeure quasi inébranlable.
C’est ce qu’un auteur exprime en ces termes : « Pendant que les Etats membres et la
Commission discutent et rediscutent des mérites et des places respectives de la coordination
des politiques fiscales nationales et de l’harmonisation des législations fiscales, la Cour de
justice poursuit imperturbablement l’élimination des discriminations constitutives d’entraves
fiscales aux droits fondamentaux, notamment sur le terrain de la fiscalité directe »101.
Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire
101 DIBOUT (Patrick), « Territorialité de l’impôt, répression de l’évasion fiscale et liberté d’établissement dans la communauté européenne », DF 1998, n° 48, p. 1475.
53
L’harmonisation de l’impôt sur le revenu serait un gage de protection des contribuables car de
nombreuses différences existent entre les pays de l’Union, notamment : la définition de
l’assiette de l’impôt, l’unité d’imposition (c’est-à-dire l’option entre l’imposition conjointe
des revenus du groupe familial comme en France, en Belgique ou au Luxembourg, entre
l’imposition conjointe des époux avec généralement un droit d’option pour l’imposition
séparée comme en Irlande ou au Royaume-Uni, enfin certains pays pratiquent l’imposition
séparée qui rend chaque membre de la famille redevable sur ses revenus propres comme au
Danemark ou en Grèce), les modalités de personnalisation de l’imposition à travers les
kyrielles d'abattements sur le revenu ou les déductions d’impôts et les barèmes
d’imposition…si bien que les modalités de calcul de l’impôt présentent une diversité
quasiment sans limite qui ne facilite guère le rapprochement ni même les comparaisons de
charges fiscales d’un pays à l’autre102.
Quant aux taux d’imposition lui-même, la progressivité est généralement de mise mais le
barème peut être très différent suivant les pays : les taux marginaux, le nombre de tranches…
Ainsi comme nous l’avons vu dans notre première partie ces différences de régime sont le
vecteur d’entraves aux libertés fondamentales du Traité.
Ici se pose la question des aspects fiscaux de la construction communautaire.
§.1 Le Traité et l’harmonisation de la fiscalité
A. Historique
Les dispositions du traité relatives à l’harmonisation fiscale sont peu nombreuses et
imprécises quant à la signification exacte et à l’étendue d’un tel processus.
102 BELTRAME (Pierre) et MONTAGNIER (Gabriel), « L’Europe des impôts », AJDA 1990, p. 242.
54
Historiquement c’est le Comité Neumark qui en 1962 a fixé les principes directeurs de
l’harmonisation fiscale. La première proposition consistait à supprimer les taxes en cascade
sur le chiffre d’affaires au profit de la taxe sur la valeur ajoutée. A moyen terme,
l’harmonisation devait concerner les accises, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.
Enfin, la dernière étape de l’harmonisation devait mener à la création d’un service commun de
renseignements aux fins d’assurer un contrôle fiscal efficace.
Le rapport Neumark n’a pas eu l’impact escompté mais il a servi de base de travail à la
Commission qui va, dans le cadre d’une communication du 8 février 1967, développer un
programme d’action fiscale. Mais au final, ce programme a davantage été la définition d’une
ambition qu’un calendrier précis de rapprochements des législations fiscales.
Puis c’est en 1972 que fut établi le rapport Werner concernant la réalisation de l’Union
économique et monétaire et notamment ses aspects fiscaux. Cependant, la crise pétrolière
freina cet élan et le nouveau programme d’action fiscale de la Commission n’a été présenté
que le 30 juillet 1975. Mais une fois de plus ce programme a fait long feu, faute de volonté
politique de la part des Etats membres soucieux de conserver la maîtrise de leur souveraineté
fiscale.
La Commission a poursuivi ses réflexions sur le sujet et a présenté 27 mars 1980 le rapport
Burke au Conseil sur les perspectives de convergence des systèmes fiscaux. Dans ce rapport
l’harmonisation ne figure pas parmi les missions de la Communauté, elle ne sera qu’un
instrument au service de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et
des capitaux.
Ainsi, l’on devenait plus réaliste car attaché à leur souveraineté fiscale les Etats membres
souhaitent conserver une certaine souplesse sur leurs systèmes fiscaux nationaux pour des
raisons politiques, économiques et budgétaires.
Dans ces conditions, l’harmonisation devenait secondaire et limitée à la TVA et aux accises.
C’est sous l’impulsion de Jacques Delors que le serpent de mer de l’harmonisation fiscale va
être relancée pour l’achèvement du marché intérieur. La Commission va alors établir, en juin
1985, un Livre Blanc qui pour réaliser cet objectif fondamental va notamment mettre en avant
la nécessité d’éliminer les frontières fiscales103. Pour ce qui nous intéresse, la Commission a
103 Comme l’explique D. Berlin, Juris-classeur Europe, fasicule1611, point n° 73 et 74, en matière de fiscalité directe l’expression -frontières fiscales- n’a pas la même signification que celle que l’on peut déduire en matière de fiscalité indirecte où l’impôt est dû au passage de la frontière. En matière de fiscalité directe, le terme -frontière- départage ici le résident du non-résident (l’impôt étant dû à l’intérieur du pays), il faudrait plutôt parler
55
limité les implications fiscales du Marché intérieur à la fiscalité indirecte, mais le débat va
peu à peu se déplacer sur le terrain de la fiscalité directe. Cependant, ce sera essentiellement
sur celui de la fiscalité des entreprises qui ne fait pas l’objet de notre étude.
La nécessité d’une politique fiscale communautaire est apparue dans le discours de la
Commission en 1993 et a été confirmée dans les rapports Monti en 1996. La Commission a
proposé une stabilisation, voire une réduction des prélèvements obligatoires et une
modification de leurs structures qui aura une incidence sur la politique d’harmonisation.
Elle a également suggéré une coordination des politiques fiscales nationales pour infléchir la
tendance générale d’accroissement des prélèvements et recentrer la pression fiscale sur le
revenu du capital afin d’alléger la taxation des revenus salariaux.
Il en résulte qu’à la fin des années 1990, on se trouve dans une situation de blocage des
directives en ce qui concerne le rapprochement de la fiscalité directe.
B. L’harmonisation adéquate
Nous voyons bien que la fiscalité directe a souffert des non-dits du Traité de Rome. Et plus
particulièrement sur le thème qui nous intéresse. En effet, la fiscalité du revenu des personnes
physiques est et a toujours été considérée par certains Etats comme hors du champ
d’application du Traité. Comme le dit parfaitement un auteur ce n’est qu’en tant qu’ « homo
economicus »104 qu’une personne physique verra sa fiscalité examinée sous le prisme
communautaire. Ce n’est qu’indirectement, c'est-à-dire qu’en tant qu’acteur économique et
pas sous les traits d’un contribuable, qu’une personne physique et sa situation fiscale seront
atteintes par le droit communautaire.
de distinction. En réalité, la cause réelle des obstacles liés à la « frontière » est due à la territorialité des lois fiscales. Pour davantage de détails sur les notions de résident et de non-résident : cf. Titre 1, Chapitre 1, Section 1. 104 Berlin (Dominique), Juris-classeur Europe, fasicule1611, point n° 44.
56
Cependant, la Commission, tout en veillant à ce que la fiscalité appliquée aux personnes
physiques ne contrevienne pas au droit communautaire, a toujours affirmé qu’elle
n’envisageait pas l’harmonisation de l’impôt sur le revenu des personnes physiques105.
Par voie de conséquence, le contribuable introduisant une dose d’extranéité dans sa situation
tant professionnelle que personnelle, ne peut se référer à une base juridique communautaire
autonome pour voir son statut être respecté et sanctionné On peut donc affirmer que pour la
protection de ses droits il n’est pas dans une situation optimum.
Mais de quelle type d’harmonisation notre contribuable personne physique pourrait-il tirer
davantage de profit ? Aussi faut-il distinguer entre l’harmonisation du régime de l’impôt et
celle du niveau de taxation :
-L’harmonisation du régime de l’impôt
Il s’agit évidemment de la méthode la plus complète d’harmonisation en matière de fiscalité
directe. Cette méthode consiste à harmoniser les règles nationales applicables aux situations
transnationales : seule la fiscalité des opérations transfrontalières va faire l’objet d’une
harmonisation. Ainsi l’harmonisation a consiste a imposé un régime communautaire aux Etats
membres.
-L’harmonisation du niveau de taxation
A la différence de l’harmonisation du régime de l’impôt, la méthode s’attaquant au niveau de
la taxation semble plus respectueuse de l’autonomie fiscale des Etats membres. Cette
affirmation ne vaut que si, seul, le niveau de taxation fait l’objet d’une harmonisation, sans
que la structure de l’impôt ne soit touchée. De sorte que les différences de structures des
fiscalités nationales peuvent subsister pourvu que l’impôt applicable au contribuable
s’établisse dans chaque état à un niveau identique ou du moins similaire.
§.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité
A. Les dispositions fiscales du Traité
105 Réponse à une question écrite adressée à la Commission, n° 127/87, JOCE du 8 octobre 1987, n° C-270, p. 65.
57
Un seul article du Traité de Rome vise la fiscalité directe : il s’agit de l’article 92 (ex-article
98). Il faut tout de suite nuancer le propos106 car il ne s’agit que d’une référence a contrario. Il
impose aux Etats membres une sorte de code de « bonne conduite » fiscale afin que les Etats
ne réintroduisent, par le biais d’exonérations et de remboursements à l’exportation, les
mesures protectrices de leur économie nationale au moyen de leur fiscalité indirecte en
général. Signalons également que cette article n’a jamais trouvé à s’appliquer et qu’il est bien
peu probable que cet article puisse constituer de base juridique spécifique à l’action de la
Communauté en matière d’impôts directs.
Les autres dispositions fiscales du Traité, articles 90, 91 et 93 (ex-articles95, 96 et 99), sont
muettes. Ainsi, la fiscalité directe semble fondamentalement relever de la compétence
exclusive des Etats. Ce qui est confirmé par l’article 293 du Traité (ex-article 220)107 : « Les
Etats membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue
d’assurer, en faveur de leurs ressortissants : (…) l’élimination de la double imposition à
l’intérieur de la Communauté ».
B. Le rapprochement des législations
La fiscalité directe est de fait reléguée au nombre des : « dispositions législatives,
réglementaires et administratives des Etats membres qui ont une incidence directe sur
l’établissement ou le fonctionnement du marché commun »108. Elle relève donc du processus
de rapprochement des législations prévu à l’article 94 (ex-article100) TCE.
Dans cette perspective les Etats de l’Union ne sont soumis qu’à l’article 10 (ex-article 5) qui
institue un devoir de loyauté afin de ne pas « mettre en péril la réalisation des buts du (…)
traité ». Les Etats ont l’obligation de ne pas inclure dans leurs législations fiscales
respectives, ou d’y laisser perdurer, toutes dispositions entrant en conflit, dans les domaines 106 GEST (Guy), « Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, 1997, n° 60, p. 110. 107 Cf. Section 2, §1. 108 Article 94 (ex-article 100) TCE.
58
relevant de la compétence de la Communauté, avec celles du droit communautaire. En
d’autres termes il s’agit ne pas affecter le contenu de l’effet utile.
Dans le doit originaire, la fiscalité directe peut ainsi interférer avec la libre circulation des
personnes ou la prohibition des discriminations à raison de la nationalité.
Mais au-delà du traité, cette surveillance des fiscalités nationales s’étend aux dispositions
invocables des règlements ou directives intervenus pour l’application du traité, dans tous les
domaines où la Communauté dispose d’une compétence normative.
L’article 94 (ex-article 100) impose aux instances communautaires de recourir à la directive.
Or, la directive n’est sans doute pas le moyen le plus efficace du rapprochements des fiscalités
directes109. Trois principes gouvernent son adoption et ils représentent autant de contraintes à
l’action fiscale de la Communauté :
-le principe du vote à l’unanimité,
-le principe de subsidiarité,
-le principe de proportionnalité.
Mais avant de développer ces trois points, il faut noter que l’article 94 (ex-article 100) ne
confère pas une habilitation générale pour entreprendre toute harmonisation jugée utile : la
Commission et le Conseil doivent démontrer que la disparité de certaines législations en
matière de fiscalité directe avait « une incidence directe sur l’établissement ou le
fonctionnement du Marché commun » afin de justifier l’applicabilité de l’article 94 (ex-article
100) comme fondement juridique au rapprochement envisagé.
1. Le principe du vote à l’unanimité
109 G. GEST, « Réforme fiscale Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, n°60, novembre 1997, p.112.
59
Le vote à l’unanimité est la disposition qui a sans doute le plus bloqué le rapprochement des
législations nationales en matière fiscale. L’article 95 (ex-article 100A), introduit en 1986
dans le traité par l’Acte unique, organise ce rapprochement à la majorité qualifiée, mais pas en
matière fiscale. Il est question depuis longtemps en Europe d’y inclure la fiscalité, mais ce
débat n’a toujours pas trouvé de consensus. Soucieux de préserver autant que possible leur
souveraineté en matière fiscale, les Etats attachent à cette règle une grande importance.
M.MONTI avait proposé de ne conserver l’unanimité que pour les « décisions cruciales »,
laissant le vote à la majorité qualifiée pour les décisions les moins stratégiques110.
La règle de l’unanimité en matière fiscale aboutit à bloquer le processus de rapprochement
des législations des Etats membres. De nombreux projets de la Commission sont sur le bureau
du Conseil. Pour sortir de l’impasse que créée la règle de l’unanimité, des efforts ont été
entrepris à la fin de l’année 2000 pour généraliser le vote à la majorité qualifiée. Mais le traité
de Nice adopté le 11 décembre 2000 n’a pas étendu cette dernière procédure au domaine de la
fiscalité. Devant l’opposition formelle du Royaume-Uni, il a été décidé de renvoyer à 2004
pour rouvrir le débat sur l’abandon du vote à l’unanimité111.
Un auteur112 doute du succès de l’instauration du vote à la majorité qualifiée pour deux
raisons :
- en premier lieu, depuis la mise en place de l’Union économique et monétaire, le seul levier
économique dont dispose les Etats membres est celui de la fiscalité, en effet, selon lui, la
création de la monnaie unique fait ainsi émerger un nouveau paradoxe dans la construction
européenne alors qu’elle exigerait une coordination fiscale accrue des Etats membres, elle
engendre, dans le même temps, une réaction de renforcement du sentiment de souveraineté
fiscale ;
- en second lieu, il semble difficile d’envisager comment, dans le cadre d’une Europe élargie à
de nouveaux Etats, il sera possible de parvenir à un accord dans un domaine aussi sensible.
110. MONTAGNIER (Gabriel), « Harmonisation fiscale communautaire », RTDE, oct.-déc. 1999, n°4, p. 742. 111 LACOUDRE (A), « Harmonisation fiscale européenne : une fin de millénaire laborieuse », LPA, 20 février 2001, n° 36, p. 4. 112 MERLAND (Guillaume), « La coordination de la fiscalité de l’épargne : un exemple de la difficulté de la construction européenne », RTDE, oct.-déc. 2003, p. 637.
60
2. Le principe de subsidiarité
L’article 5§2 (ex-article 3B) TCE précise que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa
compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de
subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs envisagés ne peuvent être réalisés de
manière suffisante par les états membres et peuvent donc en raison des dimensions ou des
effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Comme dans
tous les domaines où la Communauté peut intervenir mais où les Etats conservent une
compétence de principe, l’exercice par les instances communautaires de leurs compétences
fiscales se trouve régulé par le principe de subsidiarité.
En d’autres termes, ce principe revient à rechercher le meilleur lieu de décision.
3. Le principe de proportionnalité
L’article 5§3 (ex-article 3B) TCE dispose que : « L’action de la Communauté n’excède pas ce
qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ». Ce principe implique que
l’intervention communautaire ne doit pas aller au-delà de ce qui est requis pour mettre en
œuvre les principes communautaires.
Si ces principes justifient et fondent une harmonisation fiscale, il n’est pourtant pas
négligeable de noter que ces trois mêmes principes peuvent être l’objet d’un blocage
politique.
La subordination de toute tentative d’harmonisation à la règle de l’unanimité et au principe de
subsidiarité laisse penser que l’Europe était dans une situation de quasi-blocage de
l’harmonisation des fiscalités directes113.
113 G. GEST, « Réforme fiscale Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », Revue française de finances publiques, n°60, novembre 1997, p.113.
61
Pour conclure on peut donc observer que le contribuable communautaire ne peut s’appuyer
sur aucune règle spécifique qui pourrait lui être appliquée ; et cela ne semble pas aller en
s’améliorant. Une solution reviendrait à modifier toute la logique de l’harmonisation de la
fiscalité directe en abandonnant notamment le principe de l’unanimité.
Et même, notre contribuable communautaire se satisferait d’une simple organisation des
cadres fiscaux nécessaires au plein exercice des libertés du Traité dont il peut faire usage.
§.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne
Comme pour toute juridiction, il n’entre pas dans la mission de la CJCE de construire des
édifices fiscaux. De ce fait, l’harmonisation prétorienne est imprévisible et par nature
rétroactive. Elle ne permet pas aux opérateurs économiques de prévoir les conséquences
fiscales de leurs actes ; aussi est-il nécessaire de faire appel au contentieux.
La Cour ne fait pas le droit : elle ne dispose pas des moyens d’atténuer les conséquences
budgétaires de ses décisions. Tels que des périodes transitoires ou des dérogations
sectorielles. Seules les Etats membres disposent, soit par voie de convention bilatérale soit par
voie de directive communautaire, des moyens pour définir une harmonisation fiscale
concertée et organiser ainsi le prolongement fiscal des libertés du Traité.
Aussi, une méthode d’harmonisation fiscale d’origine prétorienne manque de précision. Par
exemple, à partir de quel seuil, un non-résident peut être assimilé à un résident fiscal : faudra-
t-il se fier aux dispositions d’une convention bilatérale, à celles de la communication de la
Commission de 1993 ou à l’appréciation souveraine des juges nationaux ?
Enfin, un autre inconvénient majeur est exposé par Guillaume Goulard, commissaire du
gouvernement114, en posant la question de l’absence d’harmonisation fiscale dans l’Union
européenne, il constate à juste titre qu’il est pour le moins paradoxal que les Etats membres
aient échoué à harmoniser leurs fiscalités directes, et que la jurisprudence de la Cour de
114 Conclusions de Guillaume Goulard sur CE Ass., 14 décembre 2001, M. Lasteyrie du Saillant, req. n° 211341, RJF 2/02, p. 112.
62
justice interdise, dans les faits, toute restriction à la sortie du territoire. En effet, en privant les
Etats d’instruments de lutte contre l’évasion fiscale, la jurisprudence de la Cour de justice
conduit à ce que, dans les faits, la concurrence fiscale s’exacerbe, au prix d’un nivellement
par le bas des outils de taxation : en d’autres termes, ce que les politiques n’ont pas su ou
voulu faire, les juges européens sont en train de le réaliser.
Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres
Parallèlement à l’action de la Commission européenne pour harmoniser les législations
fiscales nationales et tenter de définir une véritable politique fiscale, le droit communautaire
permet aux Etats membres de compléter cette action par l’adoption de conventions
internationales afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et se faisant
améliorer la protection du contribuable communautaire.
L’action des Etats membres s’est d’ailleurs portée sur la conclusion de conventions fiscales
bilatérales, alors qu’une approche multilatérale paraissait plus appropriée pour assurer de
manière uniforme l’élimination des doubles impositions et des discriminations.
§.1 Les conventions de l’article 293 (ex-article 220) TCE
63
L’article 293 (ex-article 220) énonce que : « les Etats membres engageront entre eux, en tant
que de besoin, des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants (…)
l’élimination de la double imposition à l’intérieur de la Communauté »115.
Cette disposition figurant dans la partie -dispositions générales et finales- du TCE prévoit
l’utilisation des conventions multilatérales entre les Etats membres afin de faciliter la
réalisation du marché commun, notamment en matière fiscale.
A. Le mécanisme général
Lorsque les autorités communautaires n’ont pas légiféré dans certains domaines énumérés à
l’article 293 (ex-article 220) TCE, les Etats membres sont compétents à titre subsidiaire pour
régler ces questions par voie conventionnelle dès que le bon fonctionnement du marché
commun est en cause. Bien qu’il s’agisse de négociations menées entre les Etats membres de
la Communauté européenne, la Commission comme le Conseil sont généralement à
l’initiative de telles négociations et en suivent la procédure.
A l’issue de la procédure de négociation, les autorités communautaires donnent leur avis sur
le texte adopté.
Cette disposition ne pose donc pas de règles juridiques mais fixe un cadre pour l’adoption de
telles conventions. Dans la mesure où ces conventions ne font pas partie de l’ordre juridique
communautaire stricto sensu du terme mais se rattache au droit international public, la Cour
de justice n’est pas compétente pour les interpréter sauf quand cela est prévu par une clause
compromissoire ou un protocole additionnel et elles ne s’imposent pas aux Etats adhérents au
titre de l’acquis communautaire. Néanmoins, un auteur fait remarquer qu’un « faisceau
d’indices les intègrent au droit communautaire lato sensu » 116, en effet, leur utilisation est
limitée aux Etats membres : ce sont des conventions « fermées »117, leur entrée en vigueur est
subordonnée à la ratification de tous les Etats membres, ou encore par le fait que la signature
de ces conventions a lieu à l’issue d’une réunion du Conseil.
115 Cet article prévoit également cette procédure pour la protection des personnes et des droits individuels, pour la reconnaissance mutuelle des sociétés et pour la reconnaissance et l’exécution des décisions juridictionnelles. 116 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001, p. 343, n° 280. Pour l’auteur, il s’agit d’une source secondaire complémentaire du droit complémentaire. 117 SIMON (Denys), op. cit., p. 343, n° 280.
64
B. Le rôle de l’article 293 (ex-article 220) TCE en matière fiscale
Ainsi, cet article prévoit, pour ce qui nous intéresse, le recours à des conventions entre Etats
membres pour éliminer les situations de double imposition dans la Communauté. A ce jour, il
n’y a qu’une convention fiscale qui a été adoptée sur cette base juridique : il s’agit de la
Convention du 23 juillet 1990 sur l’élimination des doubles impositions en cas de correction
des bénéfices d’entreprises associées118.
Si la directive est adoptée selon une procédure communautaire, la convention est négociée
hors du cadre communautaire sans proposition de la Commission. En outre, contrairement à la
directive, la convention doit faire l’objet d’une ratification préalable des parlements nationaux
pour entrer en vigueur. On voit donc que cette procédure est plus respectueuse de la
souveraineté fiscale des Etats membres et résulte essentiellement d’un compromis
politique119.
Ainsi, parallèlement aux directives et aux règlements, l’article 293 (ex-article 220) TCE
permet d’utiliser une autre méthode que l’harmonisation pour accorder les régimes juridiques
nationaux avec les principes régissant la construction européenne. En effet, vue l’état de
l’harmonisation de la fiscalité directe et plus spécialement de l’impôt sur le revenu des
personnes physiques, cette procédure pourrait faire office de pis-aller afin d’améliorer la
protection de notre contribuable communautaire.
Enfin, comme l’a rappelé la CJCE120, l’article 293 (ex-article220) n’exprime qu’un simple
objectif communautaire, dans la mesure où cette disposition est de nature pragmatique et est
non susceptible de produire un effet direct. Les contribuables ne peuvent combattre les
imperfections résultant de la mise en place par les Etats membres de dispositifs
conventionnels destinés à éviter la double imposition, dès lors que ces dispositifs ne
118 Convention n° 90/436/CEE, JOCE, n° L 225 du 20 août 1990, p. 10. Les Etats membres ont signé un protocole modifiant la convention au Conseil Ecofin du 25 mai 1999, JOCE, n° C 202 du 16 juillet 1999. 119 L’adoption de la convention faisait suite au refus de certains Etats membres de la directive en tant qu’acte approprié pour la coordination des législations fiscales nationales. 120 CJCE, 12 mai 1998, Gilly, aff. C-336/96, Rec., p. I-2793.
65
permettent pas d’éliminer en totalité la double imposition à laquelle peut être sujet un
ressortissant communautaire.
§.2 Les conventions fiscales bilatérales
La multiplication des échanges créée de plus en plus de situation qui ne relèvent plus d’une
seule souveraineté fiscale ce qui explique la multiplication des sources internationales du droit
fiscal121. Ainsi, nous allons voir ce que le réseau des conventions fiscales bilatérales entre
Etats membres peut apporter au statut du contribuable communautaire.
A. Les relations des conventions conclues entre Etats membres avec les normes
communautaires
1. Les conventions antérieures au TCE
Si une convention signée entre Etats membres avant l’entrée en vigueur du Traité entre en
conflit avec celui-ci, la Cour estime que les Etats membres doivent respecter leurs
engagements communautaires sur la convention contraire au nom de la primauté du droit
communautaire122.
2. Les convenions postérieures au TCE
121 MARTINEZ (Jean-Claude) et DI MALTA (Pierre), Droit fiscal contemporain, Tome 1 : L’impôt, le fisc, le contribuable, 1986, p. 63. 122 CJCE, 26 janvier 1986, Commission c/ France, aff. 270/83, Rec., p. 285.
66
L’article 10 (ex-article 5) TCE oblige les Etats membres à prendre toutes les mesures
générales pour assurer l’exécution des obligations communautaires. Par voie de conséquence,
cette disposition a notamment pour objet de dissuader les Etats membres de conclure entre
eux des conventions comportant des dispositions contraires au droit communautaire. Dans
l’hypothèse où un tel conflit serait susceptible d’apparaître, la primauté du droit
communautaire l’emporterait. Cette priorité du droit communautaire a d’ailleurs été
expressément énoncée dans la convention de Luxembourg du 15 décembre 1975 et la
convention de Rome du 19 juin 1980, négociées sur la base de l’article 293 (ex-article 220).
Ainsi, en matière de fiscalité directe, les Etats membres peuvent recourir à des conventions
fiscales en l’absence d’harmonisation des règles fiscales nationales. Cependant, ils sont tenus
de respecter le droit communautaire en évitant de créer toute forme de discrimination.
B. Le droit international conventionnel ne garantit pas une protection optimale du
contribuable
1. L’affaire Epoux Gilly123
La démarche suivie par la Cour de justice dans cette affaire illustre la carence du droit fiscal
communautaire en matière d’élimination des doubles impositions sur le revenu et d’égalité de
traitement fiscal face aux différents systèmes d’imposition étatiques.
a. Les faits
M. Gilly a la nationalité française et travaille comme professeur de l’enseignement public en
France. Son épouse, à l’origine de nationalité allemande et ayant acquis la nationalité
123 CJCE, 12 mai 1998, Epoux Gilly, aff. C-336/96, RJF, 1998, n° 890.
67
française par mariage, travaille comme institutrice dans l’enseignement public en Allemagne.
Le couple réside en France.
Les revenus de Mme Gilly ont été imposés en Allemagne comme le prévoit la convention
fiscale franco-allemande, car il s’agit de rémunérations publiques et qu’elle possède la
nationalité allemande. Ces mêmes revenus sont également imposés en France, mais
bénéficient, au titre des impôts acquittés à l’étranger, d’un crédit d’impôt égal au montant de
l’impôt français correspondant à ces revenus.
Ainsi, les époux Gilly soutiennent que l’application des dispositions de la convention franco-
allemande entraîne, concernant leur situation, une taxation excessive et discriminatoire,
incompatible notamment avec les articles 12 (ex-article 6), 39 (ex-article 48) et 293 (ex-article
220) du Traité. En effet, le crédit d’impôt dont bénéficie les Gilly en France est inférieur à
l’impôt acquitté en Allemagne dans la mesure où Mme Gilly y est imposée comme si elle était
célibataire.
b. Compatibilité de la convention fiscale franco-allemande avec l’article 39 (ex-article
48) TCE
L’essentiel de l’apport de cet arrêt réside dans le fait que la Cour se prononce sur la
compatibilité entre les dispositions d’une convention fiscale bilatérale et un article du Traité.
Elle va juger que les inégalités d’imposition et les surtaxations qui résultent des dispositions
conventionnelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l’article 39 (ex-article 48)
TCE.
La Cour relève d’abord la carence des dispositions textuelles de source communautaire visant
l’égalité de traitement fiscal. L’article 293 (ex-article 220) TCE prescrivant notamment
comme objectif l’élimination des doubles impositions n’a pas d’effet direct et ne confère
aucun droit dont les particuliers pourraient se prévaloir devant leurs juridictions nationales.
Aussi, l’article 12 (ex-article 6) TCE, qui interdit toute discrimination en raison de la
nationalité n’est pas susceptible d’être invoqué lorsqu’il existe des dispositions particulières
dans le Traité qui mettent en œuvre, dans un domaine déterminé, ce principe général. Cet
68
article s’applique donc de manière autonome que quand le Traité ne prévoit pas de règles
spécifiques de non-discrimination.
Dès lors face à cette carence du droit communautaire, la Cour approuve la référence faite par
cette convention124 à divers critères de rattachement dont celui de la nationalité, pour répartir
les compétences fiscales entre les Etats, alors qu’une telle référence paraît non pertinente au
regard du droit communautaire.
Enfin, la Cour de justice va affirmer que : « l’objet des conventions fiscales internationales
sur les doubles impositions (…) n’est pas de garantir que l’imposition à laquelle est assujetti
le contribuable dans un Etat ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans
l’autre »125.
La Cour reconnaît ainsi la marge de manœuvre des Etats en matière de fiscalité directe ce qui
se traduit dans les faits à une surtaxation.
2. L’action de la Cour en vue de limiter les entraves résultant des conventions elles-
mêmes
En plus de ne pas garantir une protection satisfaisante, la différence de traitement fiscal entre
ressortissants communautaires peut résulter de l’application d’une convention fiscale.
L’hétérogénéité du réseau conventionnel, découlant de l’éclatement de la lutte contre la
double imposition au sein de la Communauté, peut ainsi dans certains cas produire des
entraves fiscales à l’exercice par les contribuables des libertés fondamentales du Traité.
La situation est simple : deux Etats membres concluent une convention fiscale qui octroie
certains avantages fiscaux ou le bénéfice d’une clause de non-discrimination aux seuls
124 Les dispositions en cause dans la convention franco-allemande s’inspirent de la pratique internationale et notamment du modèle de convention élaboré par l’OCDE. 125 Point 46 de l’arrêt.
69
nationaux126 des Etats contractants au détriment d’autres ressortissants communautaires
établis dans l’un des ces deux Etats. Que la discrimination selon la nationalité provienne
d’une législation nationale ou d’une convention fiscale bilatérale, l’entrave à une liberté du
traité est constituée.
Dans l’affaire Schumacker127, la Cour de justice va censurer une entrave fiscale à l’exercice
de la libre circulation des travailleurs, en appliquant l’égalité de traitement qu’implique cette
liberté, par référence au dispositif d’une convention fiscale conclue entre Etats membres128.
La Cour s’appuie sur cette convention pour conclure qu’entre l’Allemagne et la Belgique le
même régime aurait dû être appliqué, afin de ne pas créer d’entrave à la libre circulation des
travailleurs. Cette affaire illustre un renforcement du lien entre les conventions fiscales
internationales et le droit communautaire.
La Cour, tirant les conséquences de sa jurisprudence, va condamner les entraves pouvant
résulter des conventions fiscales bilatérales conclues entre Etats membres. Elle va étendre
l’obligation de traitement national inhérente à l’exercice des libertés fondamentales jusqu’au
bénéfice des conventions fiscales129.
Les ressortissants communautaires sont ainsi fondés à se prévaloir du bénéfice des
conventions conclues par l’Etat membre, sur le territoire duquel ils usent de leur liberté de
circuler, avec un autre Etat membre.
CONCLUSION :
126 La circonstance que les conventions réservent parfois leur champ d’application aux résidents et non aux ressortissants des Etats signataires ne changent pas fondamentalement la problématique car comme nous l’avons vu l’utilisation du critère de la résidence peut parfois cacher une discrimination déguisée aboutissant dans les faits à un résultat identique à celui d’une discrimination en raison de la nationalité. 127 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 128 TRACANELLI (Christophe), « L’interaction entre les libertés économiques fondamentales du Traité de Rome et les conventions fiscales bilatérales », RFEDIA 2004, n° 136, p. 10. 129 CJCE, 18 novembre 1999, X AB et Y AB, aff. C-200/98, Rec., p. I-8261.
70
Ainsi est mis en exergue l’importance des conventions bilatérales dans l’élaboration du
marché intérieur. Les conventions peuvent en effet lever les obstacles à la libre circulation au
sein de l’Union européenne ou au contraire en dresser130.
CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal
communautaire
130 SCHAFFNER (Jean), « L’arrêt Schumacker du 14 février 1995 : synthèse de la jurisprudence fiscale de la CJCE en matière de libre circulation des travailleurs », RAE 1995/2, p. 98.
71
Sans sanction, l’efficacité d’une règle juridique est réduite à peau de chagrin. L’œuvre de la
Cour de justice menant à la consécration d’un statut supranational au bénéfice des
contribuables nationaux exige qu’il soit respecté par les Etats membres.
Ainsi, la Cour doit admettre le droit du contribuable lésé à obtenir une réparation plus large
que la seule décharge, par le juge national -juge communautaire de droit commun-, des
impositions établies selon des modalités incompatibles avec le droit communautaire.
Lorsqu’un impôt national a été perçu en violation du droit communautaire, les particuliers ont
droit au rétablissement de leurs situations juridiques et financières. Cependant le droit à la
répétition de l’indu est entendu de manière restrictive par la Cour.
Nous allons voir dans cet ultime chapitre que l’action de la Cour de justice visant à faire
respecter la primauté du droit communautaire renforce le statut du contribuable
communautaire
Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation
§.1 Les fondements
A. L’immédiateté du droit communautaire
Tout le droit communautaire bénéficie en principe d’une caractéristique que l’on peut
appeler : l’immédiateté ou l’effet immédiat. Ce qui signifie qu’il ne nécessite aucune
médiatisation par une quelconque norme nationale131. La CJCE a clairement énoncé que le
traité de Rome se différencie des traités internationaux car il institue « un ordre juridique
131 CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec., p. 211.
72
propre intégré au système juridique des Etats membres … et qui s’impose à leurs
juridictions »132 Il en va de même pour les directives dont les mesures de transposition dans
l’ordre interne ne s’apparentes pas à une opération de réception. Le juge national reconnaît
que leur seule publication les intègre dans la légalité interne133. Le droit communautaire fait
partie du droit national. Cette caractéristique du droit communautaire consacre une approche
moniste des relations entre ce droit et celui des Etats membres. En effet, les mécanismes de
réception inhérents à la logique dualiste qui imprègnent certains systèmes constitutionnels des
Etats membres sont en quelque sorte « neutralisés »134.
B. L’effet direct du droit communautaire
Le droit communautaire possède une aptitude virtuelle à produire des effets qui affectent la
situation juridique des ressortissants communautaires. A la lecture du traité aucune disposition
ne parle d’effet direct ou d’applicabilité directe. C’est la CJCE qui va énoncer la justification
de l’effet direct135. La logique communautaire implique que les justiciables puissent se
prévaloir du droit communautaire devant les tribunaux nationaux qui doivent protéger et
sauvegarder les droits issus du droit communautaire. La Communauté européenne engendre
un nouvel ordre juridique dont les sujets sont les Etats membres mais également les
particuliers.
La norme communautaire doit répondre à certains critères pour qu’elle puisse produire un tel
effet direct c'est-à-dire qu’elle puisse être appliquée par les juridictions nationales. Puis nous
verrons les différentes normes communautaires au regard de l’effet direct.
1. Les critères de l’effet direct
132 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec., p. 1141. 133 CE Ass., 22 décembre 1978, Cohn-Bendit, Leb., p. 524. 134 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001. 135 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec., p. 1.
73
Pour qu’une norme soit directement applicable il faut qu’elle soit :
- claire et précise
- inconditionnelle
- juridiquement complète (ce qui signifie applicable sans intervention complémentaire des
Etats membres ou de la Communauté).
Concernant cette dernière condition, ne fait obstacle à l’effet direct, que l’existence d’un
pouvoir discrétionnaire des autorités dans la mise en œuvre du droit communautaire ; alors le
juge ne peut se substituer à l’Etat136.
Il s’agit là de simples conditions techniques qui doivent être réunies afin que le juge national
puisse appliquer effectivement la norme communautaire.
2. Les principales normes communautaires au regard de l’effet direct
a. Le droit originaire : les dispositions des traités constitutifs n’ont un effet direct que si elles
remplissent les critères dégagés par la Cour. Ainsi, certains articles n’ont pas d’effet direct
(ceux conférant une compétence discrétionnaire aux Etats membres) ; aussi certaines
dispositions n’édictent aucune obligation. Mais les articles ayant explicitement pour
destinataires les ressortissants de la Communauté ont un effet direct. Les articles 39 (ex-
article 40)137 et 43 (ex-article 52)138 possèdent cette qualité.
b. Les règlements : leur applicabilité directe est prévue par le traité de Rome. En effet,
l’article 249 (ex-article 189) dispose que : « Le règlement … est directement applicable dans
tout Etat membre ». Ils ont un effet direct par eux-mêmes comme l’a reconnu la Cour dans
l’arrêt « Politi »139.
c. Les directives : a priori elle nécessite une intervention des Etats membres : en d’autres
termes une mesure de transposition comportant une marge d’appréciation. Cette dernière
caractéristique est un obstacle à l’effet direct. Mais progressivement la CJCE a inversé sa
jurisprudence en admettant que dans certaines conditions certaines dispositions de certaines 136 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403. 137 CJCE, 12 décembre 1974, Walrave, aff. 36/74, Rec., p. 1420. 138 CJCE, 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec., p. 631. 139 CJCE, 14 décembre 1971, Politi, aff. 43/71, Rec., p. 1039.
74
directives étaient susceptibles de produire un effet direct140. Cependant la directive n’aura un
effet direct que dans un contexte « pathologique » ; c'est-à-dire dans les seules hypothèses où
un Etat membre aurait omis ou adopté des mesures non conformes à la directive. Cela dans le
souci de sanctionner indirectement le non-respect des Etats de leurs obligations de transposer
correctement et dans le délai imparti. Aussi, l’invocabilité de la directive est toujours
subordonnée au fait que les dispositions en cause remplissent les conditions techniques de
l’effet direct. L’affaire « Francovich »141 en est une bonne illustration. L’Italie n’avait pas
transposé une directive qui offrait aux Etats membres le choix entre trois systèmes
d’indemnisation si des salariés n’étaient pas payés après la faillite de leur entreprise. Ainsi,
une marge d’appréciation était laissée aux Etats quant au débiteur et donc faisait obstacle à
l’effet direct : la norme n’était pas juridiquement complète.
C. La primauté du droit communautaire
Les traités communautaires ne comportent aucune disposition exprimant la supériorité du
droit originaire ou dérivé par rapport aux droits nationaux des Etats membres. En droit
international classique si un Etat ne respecte pas un traité, la sanction interviendra dans l’ordre
international et non dans l’ordre interne. En réalité, les Etats ont le choix dans l’ordre interne :
tout dépend du choix constitutionnel c'est-à-dire entre le monisme et le dualisme. Pour
exemple en France la Constitution, par son article 55, opte pour un système moniste…alors
que dans un système dualiste les deux ordres juridiques sont étanches il faut donc une norme
de réception interne. Ainsi, si on applique cela au droit communautaire, les normes auraient
dans chaque Etat membre la place hiérarchique déterminée par chaque Constitution interne
comme pour les traités classiques, or cette solution est jugée incompatible avec les exigences
du droit communautaire.
Le fondement de la primauté va être recherché dans les caractères économiques de la
construction. En effet, le droit communautaire doit s’appliquer de la même manière sinon vont
réapparaître les distorsions de concurrence, les délocalisations d’activités économiques…qui
mèneraient à un rétablissement des cloisonnements.
140 CJCE, 4 décembre 1971, Van Duyn, aff. 41/74, Rec., p. 1337. 141 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403.
75
Il faut donc admettre le postulat affirmant que le droit communautaire n’est pas du droit
international.
La CJCE a solennellement énoncé ce principe en ces termes : « (…) le droit né du traité ne
pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un
texte quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause
la base de la Communauté elle-même »142.
En fait, le principe de primauté va permettre une unité d’application du droit communautaire
dans les différents pays de l’Union.
§.2 L’autonomie procédurale
Le droit au remboursement et à réparation s’opère en application des voies procédurales
internes. La CJCE a précisé les conditions d’application de ce principe afin de permettre aux
autorités nationales de mettre en œuvre les voies procédurales internes dans le respect des
impératifs communautaires.
A. L’affirmation de l’autonomie procédurale
Le traité CE ne contient aucune disposition relative à une procédure de réparation ou de
restitution. Une fois de plus, la CJCE va pallier ce vide juridique en tirant les conséquences de
l’article 10 du traité (ex-article 5) qui dispose : « Les Etats membres prennent toutes mesures
générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent
traité ou résultant des actes des institution de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci
l’accomplissement de sa mission. Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en
péril la réalisation des buts du présent traité ». De cette disposition, la Cour déduit
qu’ : « (…) en l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique
de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités
142 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec., p. 1141.
76
procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les
justiciables tirent du droit communautaire »143.
Ainsi, le renvoi au droit national repose sur un article du traité CE et sur la primauté du droit
communautaire qui implique qu’en cas de conflit entre le droit communautaire et le droit
national c’est la norme communautaire qui prévaudra mais la mise en œuvre de cette
prévalence est confiée aux autorités nationales. En, effet la Cour n’a pas le pouvoir d’annuler
un acte juridique interne contraire à la règle communautaire. Ce sont nécessairement les
autorités nationales qui annuleront ou abrogeront, d’où l’autonomie procédurale. Les Etats de
l’Union doivent assurer avec leur propre procédure la garantir effective du respect du droit
communautaire.
Mais ce recours au droit national peut engendrer un défaut de protection des droits que les
particuliers tirent du droit communautaire, voire l’inexistence d’une telle protection. La CJCE
a donc encadré le principe de l’autonomie procédurale.
B. Encadrement du principe
1. La délimitation de l’autonomie procédurale
a. Le principe d’équivalence de la protection juridictionnelle
143 CJCE, 22 janvier 1976, Russo, aff. 60/75, Rec., p. 45.
77
Les règles procédurales applicables à litige concernant l’action en réparation ou en restitution
doivent être aussi favorables que les règles procédurales qui seraient applicables à un litige
interne similaire.
b. Le principe d’effectivité minimale
Il signifie que les règles nationales ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou très
difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire144.
c. La notion de délai raisonnable
La Cour fait ici application d’un principe qui lui est cher : la sécurité juridique. Ce dernier
impliquant que la restitution se fasse dans un délai raisonnable.
2. Le principe du recours juridictionnel effectif
Les justiciables ne doivent jamais être privés par l’effet de l’autonomie procédurale d’un
recours effectif. Les juridictions nationales doivent appliquer le droit communautaire « sans
que puisse lui être opposées des règles de droit national quelles qu’elles soient, (…) il
appartient à l’ordre juridique interne de chaque Etat membre de déterminer le procédé
juridique aboutissant à ce résultat »145. Les Etats membres doivent permettre un contrôle
juridictionnel effectif afin de concilier le principe du renvoi au droit national avec les
impératifs du droit communautaire146.
144 CJCE, 27 mars 1980, Denkavit, aff. 61/79, Rec., p. 1226. 145 CJCE, 11 décembre 1973, Markmann, aff. 121/73, Rec., p. 1509. 146 CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., p. 1651.
78
Le juge national ne doit pas être limité par les conditions de recevabilité du recours par le
droit interne. Ainsi, il doit recevoir favorablement un recours non prévu par les procédures
nationales147.
Un arrêt de la CEDH148 va conclure à la nécessité pour les Etats de prévoir des voies de droit
effectives de nature à protéger les droits que les ressortissants tirent du droit communautaire.
Si cette possibilité n’existe pas, il appartient à l’Etat, en vertu de son obligation de
coopération loyale, de modifier et d’adapter son système juridique à cette exigence
d’effectivité.
Section 2 : Analyse des deux actions
En droit français, les actions en restitution de sommes versées, en paiement de droit à
déduction et en réparation de préjudice subi pour violation d’une règle communautaire
n’étaient pas clairement encadrées.
La Cour de cassation appliquait le régime de la répétition de l’indu une fois que la non-
conformité avec le droit communautaire avait été constatée par la CJCE. Depuis la loi de
finances rectificative pour 1989, les actions en restitution et en réparation relèvent de règles
procédurales communes énoncées à l’article L.190 du LPF.
Ainsi, est expressément prévue la possibilité de recourir à une action fiscale ainsi qu’à une
action en responsabilité pour tirer les conséquences de la non-conformité d’une règle fiscale
nationale avec une norme de droit supérieure.
L’action en remboursement ou en décharge sera envisagée de manière plus technique (§.1)
que celle visant à réparer le préjudice éventuellement subi par le contribuable qui, comme
nous allons le voir, renferme des enjeux bien plus importants et complexes (§.2).
147 CJCE, 3 décembre 1992, Oleificio Borelli, aff. C-97/91, Rec., I-6313. 148 CEDH, 16 avril 2002, SA Dangeville c/ France, req., n° 36677/97, Europe, 2002, août-septembre, n° 309 ; voir également l’ordonnance du TPCIE, 23 novembre 1999, Union de Pequeños Agricultores, Rec. II, p. 3357.
79
§.1 L’action en remboursement ou en décharge
A. Le recours préalable devant l’Administration fiscale
Les recours contentieux en matière fiscale, même fondés sur une contrariété avec le droit
communautaire, contiennent obligatoirement une réclamation administrative préalable devant
le service fiscal compétent. Une demande en restitution portée directement devant le juge sera
naturellement irrecevable. La réclamation doit être présentée par le contribuable qui a seul
qualité pour demander le remboursement.
La juridiction compétente dépend de la nature de l’impôt contesté. Les règles de compétences
en matière fiscale sont posées par l’article L. 199 du LPF. Ainsi, notre contribuable devra
saisir le juge administratif qui est compétent pour les impôts directs et la TVA.
B. Les actions concernées
L’article L. 190 alinéa 2 du LPF vise expressément les réclamations relatives à la réduction ou
à la décharge d’une imposition mise en recouvrement ou d’avis de mise en recouvrement, la
restitution de sommes acquittés sans émission d’un titre exécutoire, l’exercice d’un droit à
déduction, les actions en « reprise de l’indu » en matière fiscale fondées sur la non-conformité
d’une règle nationale avec une règle de droit supérieure.
En revanche, ne sont pas concernés par cette disposition, les recours pour excès de pouvoir et
les actions en responsabilité qui pourraient être engagés et qui auraient le même fondement.
Cette règle de droit supérieure peut émaner de la loi lorsqu’il a été fait application d’un décret
ou d’un arrêté dont la légalité est contestée au regard de cette même loi. Bien entendu, ce peut
aussi être une norme internationale, et notamment communautaire.
L’article L. 190 alinéa 3 du LPF concerne trois catégories d’actions : l’action en restitution
des sommes versées, l’action en paiement des droits à déductions non exercés et l’action en
80
réparation du préjudice subi. Ces actions ne peuvent être exercées que si la non-conformité
d’une règle nationale avec une norme supérieure a été révélée par une décision de justice.
Une instruction fiscale du 10 mai 1990149 précise que la décision de justice peut être nationale
(à condition qu’elle soit insusceptible de recours) ou communautaire sur la base d’un recours
en manquement ou d’un recours préjudiciel
Quand bien même l’article L. 190 alinéa 3 du LPF vise les actions en responsabilité qui
seraient engagées suite au constat par une décision de justice d’une violation du droit
communautaire, elles ne relèveront pas du contentieux fiscal ordinaire. L’Administration,
toujours dans l’instruction fiscale du 10 mai 1990, indique que ces actions se situent sur le
plan du droit commun de la responsabilité de la puissance publique. Cet article pose
simplement, pour ce type d’action, le principe de la réclamation préalable et fixe les règles
relatives à la période répétible.
C. Les délais de réclamation
La loi du 29 décembre 1989 est respectueuse des principes posés par la Cour de justice en la
matière150. En effet, elle renvoie au délai de droit commun pour les réclamations de taxes
perçues en violation du droit communautaire. C’est ce qu’a affirmé la Cour de cassation en
ces termes : « les dispositions nouvelles de l’alinéa 2151 n’ont pas pour effet de rendre
excessivement difficiles les possibilités d’agir en répétition de l‘indu et ne sont pas moins
favorables que les recours similaires de droit interne, lesquels ne sont pas tous régis par la
prescription trentenaire »152.
L’article R.* 196-1 LPF précise que le recours doit être exercé au plus tard le 31 décembre de
la deuxième année suivant celle, selon le cas, de la mise en recouvrement ou encore de la
survenance de l’événement qui permet de contester le bien-fondé de l’impôt.
149 DF, 1990, II, 10023. 150 CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentral, aff. 33/76, Rec., p. 1989. 151 De l’article L. 190 du LPF. 152 Cass. com., 13 décembre 1994, Abelsohn, Bull. civ. IV, n° 381 ; RJF, 1995, n° 284 ; DF, 1995, comm. n° 669.
81
Lorsque le contribuable fonde sa réclamation sur une décision de justice constatant la
contrariété de l’imposition avec le droit communautaire, le point de départ du délai court à
compter de cette décision qui constitue -l’événement- visé à l’article R.* 196-1 LPF.
D. La période répétible
Pour les demandes de restitution qui ne sont pas fondées sur une décision juridictionnelle
constatant une incompatibilité avec le droit communautaire, le juge octroie le remboursement
sur quatre ans mais pas au-delà en application de la prescription quadriennale.
Pour les demandes de restitution fondées sur une décision juridictionnelle constatant une
incompatibilité avec le droit communautaire, l’article L. 190 alinéa 3 du LPF dispose que
l’action en restitution ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la
quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue.
E. Les intérêts moratoires
Dans le cadre d’une action fiscale, les intérêts sont calculés en application de l’article L. 208
du LPF. A ce titre, ils courent du jour du paiement de l’impôt litigieux et non à compter de la
date d’assignation ou de la requête.
F. Le sursis de paiement
Lorsqu’un contribuable dépose une réclamation destinée à contester une imposition dont il est
redevable, il n’est pas en principe dispensé d’acquitter cet impôt dans les délais prévus.
82
Cependant, il peut demander le sursis de paiement total ou partiel des sommes réclamées par
l’Administration à condition d’agir dans les délais de réclamation153.
§.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire
Dans son arrêt Francovich154, la Cour avait précisé que les modalités d’exercice de l’action en
responsabilité ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations
semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement
impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation. Cependant, la mise en
œuvre de ces exigences s’avère bien plus complexe dans le domaine de la responsabilité de la
puissance publique, compte tenu des particularismes nationaux en matière de régime de
responsabilité, que dans le domaine d’une action en remboursement ou en décharge.
Ainsi, nous nous cantonnerons à étudier le cas de la France.
A. L’imputation de la responsabilité
Dans un premier temps, le juge administratif a retenu la responsabilité sans faute pour le non-
respect d’une norme communautaire par l’Administration155. Le requérant fut indemnisé à
raison de la rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques. L’application du
régime de la responsabilité sans faute aux manquements de l’Etat à ses obligations
communautaires n’était pas satisfaisante dans la mesure où un tel manquement se rattache
nécessairement à l’existence d’une faute : ne pas respecter ses engagements communautaires.
Quelques années plus tard, le Conseil d’Etat, avec l’affaire Rothmans, va retenir la
responsabilité pour faute de la puissance publique pour un acte réglementaire pris
illégalement sur la base d’une loi inapplicable pour incompatibilité avec les objectifs d’une
153 Articles L. 277 et suivant du LPF. 154 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403. 155 CE, 23 mars 1984, Société Alivar, AJDA, 1984, p. 396.
83
directive156. Cependant, le Conseil d’Etat va déplacer « le centre de gravité de
l’imputation »157. En effet, c’est bien la loi qui est contraire à la directive, toutefois, le
commissaire du gouvernement va dire que la loi n’exprime qu’une faculté en l’espèce et non
une obligation et donc l’origine du dommage résulte du pouvoir réglementaire. Mais selon
une jurisprudence ancienne, la responsabilité du fait des lois est une responsabilité sans
faute158, ce qui dans cette affaire ne pouvait tenir la distance et donc au prix de contorsions
juridiques le Conseil d’Etat a statué dans le sens de son commissaire du gouvernement, c’est-
à-dire a admis la responsabilité pour faute de l’Etat mais en raison d’un acte réglementaire.
En réalité, le responsable fautif était le législateur. Un auteur autorisé écrira même en
évoquant les raisonnements du Conseil d’Etat dans les affaires Alivar et Rothmans : « Ce sont
là des exercices qu’on ne fait qu’une fois »159.
Le problème de l’imputation de la responsabilité va être clarifié par une série de renvois
préjudiciels160, qui l’ont conduit à accentuer l’emprise des contraintes du droit communautaire
sur l’autonomie des régimes nationaux de responsabilité. La Cour va affirmer que le principe
du droit à réparation en cas de violation du droit communautaire « est valable pour toute
hypothèse de violation du droit communautaire par un Etat membre, et quel que soit l’organe
de l’Etat membre dont l’action ou l’omission est à l’origine du manquement ».
Cette solution s’imposait d’autant plus que l’uniformité d’application du droit communautaire
ne saurait dépendre des règles internes de répartition de compétences entre les pouvoirs
constitutionnels nationaux. Le fait que le manquement soit imputable au législateur national
ne remet pas en cause le droit d’obtenir réparation du préjudice causé par ce manquement
devant les juridictions nationales.
B. Une responsabilité pour faute nécessaire
156 CE Ass. 28 février 1992, SA Rothmans international France, AJDA, 1992, p. 210. 157 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001, n° 339. 158CE Ass., 14 janvier 1938, Soc. des produits laitiers La Fleurette, Leb., p. 25. 159 CHAPUS (René), Droit administratif général, Tome 1, Montchrestien, coll. Domat Droit public n ° 1519. 160 Notamment CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame III, aff. C-46/93 et C-48/93, Rec., p. I-1029.
84
1. Une reconnaissance fort incertaine
Comme le fait remarquer un auteur, en l’état actuel du droit et conformément à une très
ancienne et forte tradition juridique, le juge n’a pas le pouvoir d’apprécier la validité de la loi
au regard de la Constitution. Ainsi, le juge, poursuit cet auteur, ne saurait traiter le législateur
comme étant l’auteur d’une irrégularité (résultant d’un manquement à la Constitution), c’est-
à-dire comme étant l’auteur d’une faute161.
Si l’on met cela en parallèle avec, un arrêt récent du Conseil d’Etat162 qui vient de reconnaître
que la suprématie des engagements internationaux ne s’appliquent pas dans l’ordre interne
aux dispositions de valeur constitutionnelle, et que le droit communautaire ne saurait
conduire, dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution ; cela ne
semble pas aller vers une reconnaissance de la responsabilité pour faute du fait des lois.
Car si l’on suit cette logique, comment le juge national pourrait-il clouer au pilori le
législateur face au droit communautaire (c’est-à-dire une norme inférieure), alors qu’il ne peut
selon la tradition juridique française, admettre une faute du législateur même par rapport à la
norme suprême interne : la Constitution.
Cela en méconnaissant sciemment le principe de primauté du droit communautaire qui
implique une soumission de toutes les normes internes ce qui englobe les règles
constitutionnelles.
La protection du statut du contribuable communautaire ne s’en trouve pas renforcé étant
donné que la responsabilité sans faute est subordonnée à des conditions restrictives qui
limitent l’engagement de cette responsabilité fondée sur le principe d’égalité devant les
charges publiques. L’engagement de cette responsabilité nécessite un dommage anormal et
spécial difficile à démontrer.
161 CHAPUS (René), op. cit, même passage. 162 CE, 3 décembre 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique, DF, 2002, n° 41, comm. 806.
85
2. Une touche d’optimisme : la saga Dangeville
Cette affaire peut laisser nourrir quelques espérances dans le sens du respect des exigences du
droit communautaire et partant au profit du contribuable communautaire.
Tout débute par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris163qui va reconnaître la
responsabilité pour faute du législateur, celui-ci n’ayant pas transposé à l’époque la 6ème
directive TVA. La société requérante ne put donc bénéficier de l’exemption du paiement de la
TVA. La CAA Paris lui alloua une réparation d’un montant équivalent à la somme versée
indûment par la société. Le préjudice « résultant de la situation illicite » créée par la non-
transposition de la directive.
Rendu en matière fiscale, l’arrêt de la CAA Paris présente une certaine cohérence avec le
régime de responsabilité pour faute du fisc et semble marquer une étape importante vers la
reconnaissance d’un régime de responsabilité pour faute du fait des lois.
Cependant le Conseil d’Etat164 va casser cette décision en se fondant sur le principe de
distinction des contentieux, lequel interdit que soit recherchée, sur le fondement d’une action
en responsabilité, une satisfaction refusée sur le terrain d’un recours spécialisé. La société
requérante avait eu la malchance de saisir le Conseil d’Etat en 1986 dans le cadre d’une
procédure fiscale où elle fut déboutée pour vice de forme en l’absence de saisine préalable de
l’Administration et au motif que les dispositions d’une directive non encore transposée ne
peuvent pas être invoquées directement par un justiciable.
En 1996, le Conseil d’Etat va donc éviter de se prononcer sur le bien-fondé de la solution
retenue par la CAA Paris en déclarant irrecevable une action en responsabilité pour faute pour
laquelle il était demandé le même montant que celui sollicité lors de la procédure en
réparation de l’indu. C’est une application opportuniste du principe de l’exception des voies
de recours parallèles reconnu par la majorité des Etats de l’Union.
163 CAA Paris, 1er juillet 1992, Soc. Jacques Dangeville, DF, 1992, n° 33, p. 1420. 164 CE Ass., 30 octobre 1996, Dangeville, Europe, 1996, décembre, n° 453.
86
Enfin, la société Dangeville va obtenir gain de cause devant la Cour Européenne des Droits de
l’Homme165. La CEDH va constater une violation de l’article 1 du Protocole n° 1 parce que la
société Dangeville a subi une atteinte à ses biens (tenant en une créance sur l’Etat du fait du
paiement indu d’une imposition) non justifiée par un intérêt général de l’Etat. Notons que cet
arrêt est également important sur un autre point de vue166.
On peut donc espérer…le Conseil d’Etat ne pourra pas toujours se retrancher derrière
l’exception de recoure parallèle.
C. Les conditions d’engagement de la responsabilité
Le droit à réparation n’est reconnu que si la règle de droit violée avait pour objet de conférer
des droits aux particuliers, s’il existe un lien de causalité direct entre le fait générateur et le
dommage, et si la violation est suffisamment caractérisée.
La réparation n’existera que dans les domaines où les Etats membres disposent d’une marge
d’appréciation.
L’appréciation de la violation suffisamment caractérisée incombe en principe au juge
national, toutefois la CJCE va encadrer cette mission. Ainsi, elle va déterminer des
hypothèses dans lesquelles la violation sera toujours considérée a priori comme suffisamment
caractérisée. Par exemple, si la CJCE a préalablement condamné un Etat membre en
constatant l’illégalité de son comportement et que néanmoins il persiste dans son
comportement167. Aussi, une violation sera toujours suffisante si elle consiste en une non-
transposition de directive168.
Reste maintenant à tous les Etats membres d’accepter de reconnaître une telle responsabilité,
même au prix d’un bouleversement de quelques traditions juridiques fondées sur l’idée que le
165 CEDH, 16 avril 2002, SA Dangeville c/ France, req., n° 36677/97, Europe, 2002, août-septembre, n° 309. 166 Cf. p. 77. 167 Cass. com., 21 février 1995 United Distillers France, Bull. civ. IV, n° 52, p. 50. 168 CJCE, 8 octobre 1996, Dillenkoffer, aff. C-178/94, Rec., p. I-4845.
87
législateur ne peut mal faire. Le statut du contribuable communautaire en sera d’autant plus
complet.
88
CONCLUSION
Le statut du contribuable dans la jurisprudence de la CJCE se compose des libertés
fondamentales du Traité et du droit de ne pas être discriminé à raison de sa nationalité.
Cependant, « si remarquable que soit la jurisprudence qu’elle a suscitée, l’action des
contribuables et de la Commission en vue de la protection des droits et libertés garantis par
le droit communautaire s’est essentiellement concrétisée par la multiplication des obligations
d’abstention des Etats membres et ne s’est traduite dans les législations fiscales nationales,
étant donné son caractère à la fois défensif et ponctuel, que par des réformes relativement
marginales portant sur des aspects limités des impositions directes »169.
Le statut de contribuable communautaire s’il s’affirme de plus en plus n’en demeure pas
moins fragile et nécessite souvent d’aller au contentieux pour être respecté.
Mais la consécration ultime du statut du contribuable communautaire ne passerai-t-elle pas
par la création d’un impôt européen ?
Il assurerait l’autonomie de la Communauté et permettrait d’établir un lien direct avec les
contribuables170.
Bien entendu les Etats membres ne sont pas encore disposés à accepter ce genre d’initiative et
même l’opinion publique européenne, sensible à toute augmentation de la pression fiscale, ne
comprendrait pas cette nouvelle forme de prélèvement. Or, toute imposition doit faire l’objet
d’un du consentement des contribuables concernés.
Cela ne ferait qu’accentuer l’image négative de l’Europe, ainsi, l’instauration d’un impôt
européen relève du mythe.
Enfin, avec l’élargissement de la Communauté à 25 membres, la consolidation du statut de ce
contribuable communautaire par le biais d’une harmonisation est de plus en plus compromise.
169 GEST (Guy), « Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, 1997, n° 60, p. 117. 170 CLERGERIE (Jean-Louis), « L’impôt européen : mythe ou réalité ? », LPA 1995, n° 51, p. 20.
89
A moins d’aménager le processus décisionnel en ce domaine (suppression du principe de
l’unanimité), il sera impossible de relayer la Cour de justice dans son œuvre.
90
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94
TABLE DES MATIERES SOMMAIRE LISTE DES ABREVIATIONS PRINCIPALES INTRODUCTION TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du statut CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire Section 1 : Le contribuable opérateur économique §.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs A. Obligations incombant à l’Etat d’emploi 1. Remboursement et déduction a. L’arrêt Biehl b. L’arrêt Bachmann 2. Prise en compte de la situation personnelle et familiale a. L’arrêt Schumacker b. L’arrêt Gschwind c. L’arrêt Zurstrassen B. Obligations incombant à l’Etat se résidence §.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement A. Reconnaissance de la portée fiscale de l’article 43 (ex-article 52) TCE B. Illustrations pour les professions libérales 1. Les discriminations en fonction du lieu de résidence
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a. L’arrêt Wielockx b. L’arrêt Asscher 2. L’entrave sans discrimination fondée sur la nationalité : l’affaire Lasteyrie du Saillant a. Les faits b. Réponse de la Cour Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne §.1 Le statut de citoyen de l’union européenne A. Les caractères de ce statut 1. La citoyenneté de l’Union : statut fondamental 2. Un statut fondamental et autonome B. Les droits du citoyen de l’Union §.2 Le droit de circuler et de séjourner librement A. Articulation et rapports entre les différents statuts B. L’incidence fiscale du droit de circuler et séjourner librement 1. L’affaire Hugues de Lasteyrie du Saillant 2. L’affaire Egon Schempp CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de justification des entraves. Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général §1. La cohérence du système fiscal A. L’unique cas d’acceptation de cette justification : l’arrêt Bachmann B. L’évolution de la Cour de justice par rapport à cette justification 1. La cohérence fiscale n’est pas la panacée 2. L’approche macro-économique de la CJCE §2. La prévention de l’évasion fiscale
96
Section 2 : Les autres arguments des Etats §1. Le cas Werner A. les faits B. les deux justifications acceptées 1. L’absence d’extranéité professionnelle 2. La discrimination à rebours §2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire §.1 Le traité et l’harmonisation de la fiscalité A. Historique B. L’harmonisation adéquate §.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité A. Les dispositions fiscales du Traité B. Le rapprochement des législations 1. Le principe du vote à l’unanimité 2. Le principe de subsidiarité 3. Le principe de proportionnalité §.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres §.1 Les conventions de l’article 293 (ex-article 220) TCE A. Le mécanisme général
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B. Le rôle de l’article 293 (ex-article 220) TCE en matière fiscale §.2 Les conventions fiscales bilatérales A. Les relations des conventions conclues entre Etats membres avec les normes communautaires 1. Les conventions antérieures au TCE 2. Les convenions postérieures au TCE B. Le droit international conventionnel ne garantit pas une protection optimale du contribuable 1. L’affaire Epoux Gilly a. Les faits b. Compatibilité de la convention fiscale franco-allemande avec l’article 39 (ex-article 48) TCE 2. L’action de la Cour en vue de limiter les entraves résultant des conventions elles-mêmes CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal communautaire Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation §.1 Les fondements A. L’immédiateté du droit communautaire B. L’effet direct du droit communautaire 1. Les critères de l’effet direct 2. Les principales normes communautaires au regard de l’effet direct a. Le droit originaire b. Les directives c. Les règlements C. La primauté du droit communautaire §.2 L’autonomie procédurale A. L’affirmation de l’autonomie procédurale
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B. Encadrement du principe 1. La délimitation de l’autonomie procédurale a. Le principe d’équivalence de la protection juridictionnelle b. Le principe d’effectivité minimale c. La notion de délai raisonnable 2. Le principe du recours juridictionnel effectif Section 2 : Analyse des deux actions §.1 L’action en remboursement ou en décharge A. Le recours préalable devant l’Administration fiscale B. Les actions concernées C. Les délais de réclamation D. La période répétible E. Les intérêts moratoires F. Le sursis de paiement §.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire A. L’imputation de la responsabilité B. Une responsabilité pour faute nécessaire 1. Une reconnaissance fort incertaine 2. Une touche d’optimisme : la saga Dangeville C. Les conditions d’engagement de la responsabilité CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES
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