Résumé
Voilà trente-cinq ans que M. Hanta nourrit la presse d'une usine de recyclage ou s'engloutissent jour
après jour des tonnes de livres interdits par la censure, et jusqu'aux chefs-d’œuvre de l'humanité. « Ce
genre d'assassinat, ce massacre d'innocents, il faut bien quelqu'un pour le faire. » Hanta travaille, boit
de la bière, déambule dans les rues de Prague, lit, et ressasse la mission dont il s'est investi : sauver la
culture en arrachant à la mort des trésors si injustement condamnés. Il en sauve jusqu'à deux tonnes
qu'il entasse au-dessus de son lit. Mais à ce jeu de cache-cache, son rendement baisse. Rejeté,
abandonné de tous, il ne lui reste plus qu'à rejoindre ses livres bien-aimés.
On suit les pensées de Hanta à travers un long monologue obsessionnel et émaillé d'images
singulières. Hanta revient sans cesse sur son travail, son passé, sans le dire réellement, sur la solitude
qui le mine. C'est le destin d’un homme, un ouvrier, rattrapé par une modernité assassine.
D’abord diffusé clandestinement à Prague en 1976, Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal
dénonce tous les progressismes totalitaires et productivistes, avec humour et véhémence, avec un sens
aigu du grotesque et de la dérision, avec un immense respect pour les livres, ennemis irréductibles de
la pensée unique et de la dictature. Ce sublime soliloque, révélant l'absurdité tragicomique du quotidien,
à propos duquel Hrabal disait : « Je ne suis venu au monde que pour écrire Une trop bruyante
solitude», est un splendide apologue de la « normalisation », machine à broyer l'esprit, dont Hrabal fut
lui-même la victime.
Distribution
Texte
Bohumil Hrabal
Adaptation
Cyril Tournier & Michel Laforest
Mise en scène & Direction d’acteur
Cyril Tournier
Jeu
Michel Laforest
Lumières
Vincent Morland
Dramaturgie
Pascal Dreyer & Jean-Pierre Bauza-Canellas
La compagnie
Imaginoir Théâtre est une compagnie professionnelle créée en 1997 par son metteur en scène Cyril Tournier. Dès ses débuts, la compagnie développe une esthétique forte et atypique à travers les scénographies de ses premières créations. Profondément ancrée dans son époque, Imaginoir porte ses pas vers un théâtre contemporain engagé et militant aux thématiques fortes (luttes des femmes, condition ouvrière, souffrance au travail, situation de handicap). Pour ces spectacles, elle allie la création artistique sans compromis au débat sociétal à la suite des représentations. En 2012, elle décide de se confronter au répertoire classique avec "L'Epreuve" de Marivaux. Dans une mise en scène contemporaine très stylisée et toujours atypique, elle relève toute la modernité du propos de Marivaux sur les travers de l’âme humaine. Actuellement, sa démarche est de se laisser finalement porter par la rencontre d'une œuvre avec l'état créatif de l'instant, sans s’enfermer dans une dynamique artistique précise, réinterrogeant ainsi sans cesse le sens, le fond et la forme de sa pratique. Parallèlement à son activité principale de création professionnelle, Imaginoir Théâtre développe un travail d’accompagnement aux pratiques amateurs dans le cadre d’ateliers de théâtre qu’elle mène depuis de nombreuses années, ainsi que lors d’interventions auprès d’un public spécifique (scolaire, milieux hospitaliers...).
Les créations Les spectacles ci-dessous ont tous tourné en région Rhône-Alpes et dans d’autres régions pour certains. 2012 : « L’Epreuve » de Marivaux
2009 : « Un passager délivré ». Spectacle sur le handicap d’après les textes d’Yves Lacroix auteur et
quadraplégique.
2008 : « Trepalium ». Commande d’écriture sur la souffrance au travail à l’auteur Lyonnais Claude
Monteil.
2004 : « Non Si Paga ! » de Dario Fo
2003 : « Celles Qui Vivent... » de Dario Fo et Franca Ram, d’après « Récits de femmes »
2002 : « Bal-Trap » de Xavier Durringer
1999 : « Le Premier » d’Israël Horovitz
Bohumil Hrabal - Auteur
Figure majeure de la littérature tchèque du XXe siècle, Bohumil Hrabal est
né en Moravie le 28 mars 1914. Docteur en droit, il choisit de ne pas
pratiquer un métier en rapport avec sa formation de juriste. Ouvrier de voie
dans les chemins de fer, télégraph
représentant de commerce, vendeur de feux d’artifices, employé dans un
magasin de jouets, emballeur de vieux papiers, coulissier et figurant
occasionnel au théâtre..., il exerce mille métiers qui lui fournissent la
matière de ses œuvres.
En 1963, à la faveur d’une relative libéralisation du régime tchécoslovaque,
il commence à vivre de sa plume, et se présente au public avec
fond de l’eau. Suivent très rapidement d’autres recueils de récits et de
nouvelles, qui attirent l’attention des critiques :
Cours de danse pour adultes et élèves avancés
ne veux pas vivre (1965), Histoires et légendes à faire frémir
Après 1970, Hrabal se voit refuser le droit de publier pendant quelques années
Bourgeons déjà imprimée, est suspendue, et le tirage pilonné. Ce n’est qu’après son
1975, que ses livres reparaissent, au prix de mutilations parfois importantes. Cette période d’interdiction sera
pourtant très féconde dans sa production. Entre 1970 et 1976, il écrit ses œuvres les plus importantes,
Chevelure sacrifiée, Beau-Deuil et Les Millions d’Arlequin
servi le roi d’Angleterre, ainsi que la version définitive du roman
d’abord publiés clandestinement ou
édulcorée. Après la chute du régime communiste, Hrabal change complètement de registre et cultive le genre du
feuilleton, essais et commentaires sur l’actualité. L’obsession suicid
époque une place de plus en plus importante dans les textes, qui rend bien ténue la thèse de l’accident avancée
après la mort de Hrabal, tombé, le 3 février 1997, de la fenêtre de sa chambre, au cinquième étage
praguoise.
L’œuvre de Bohumil Hrabal, située entre le surréalisme, la figure tutélaire de Kafka et les feuilletons populaires,
constitue une synthèse des grands mouvements littéraires d’avant
moitié du XXe siècle. Il pénètre dans la sphère de la surréalité, mais il y parvient en se fondant sur une base
authentique, la réalité triviale, quotidienne, celle de la périphérie et des brasseries. Ses textes contiennent à la
fois argot et expressions poétiques, considérations terre à terre et visées intellectuelles, propos de café du
commerce et pensées philosophiques, associant palabre et création littéraire. De même, les héros de Hrabal sont
pour la plupart des marginaux, quand ils ne se situent pas tout
capables qu’ils sont pourtant de s’élever au
poétique.
uteur
Figure majeure de la littérature tchèque du XXe siècle, Bohumil Hrabal est
né en Moravie le 28 mars 1914. Docteur en droit, il choisit de ne pas
pratiquer un métier en rapport avec sa formation de juriste. Ouvrier de voie
dans les chemins de fer, télégraphiste, contrôleur, agent d’assurances,
représentant de commerce, vendeur de feux d’artifices, employé dans un
magasin de jouets, emballeur de vieux papiers, coulissier et figurant
occasionnel au théâtre..., il exerce mille métiers qui lui fournissent la
En 1963, à la faveur d’une relative libéralisation du régime tchécoslovaque,
il commence à vivre de sa plume, et se présente au public avec Perle au
. Suivent très rapidement d’autres recueils de récits et de
nouvelles, qui attirent l’attention des critiques : Les Palabreurs (1964),
Cours de danse pour adultes et élèves avancés (1964), Trains étroitement surveillés (1965),
Histoires et légendes à faire frémir (1968).
Après 1970, Hrabal se voit refuser le droit de publier pendant quelques années – cette année
déjà imprimée, est suspendue, et le tirage pilonné. Ce n’est qu’après son « autocritique » au début de
1975, que ses livres reparaissent, au prix de mutilations parfois importantes. Cette période d’interdiction sera
pourtant très féconde dans sa production. Entre 1970 et 1976, il écrit ses œuvres les plus importantes,
Les Millions d’Arlequin. Il publie aussi Tendre Barbare
, ainsi que la version définitive du roman Une trop bruyante solitude
à l’étranger, avant d’être accessibles en Tchécoslovaquie dans une version
édulcorée. Après la chute du régime communiste, Hrabal change complètement de registre et cultive le genre du
feuilleton, essais et commentaires sur l’actualité. L’obsession suicidaire, présente dès les débuts, prend à cette
époque une place de plus en plus importante dans les textes, qui rend bien ténue la thèse de l’accident avancée
après la mort de Hrabal, tombé, le 3 février 1997, de la fenêtre de sa chambre, au cinquième étage
L’œuvre de Bohumil Hrabal, située entre le surréalisme, la figure tutélaire de Kafka et les feuilletons populaires,
constitue une synthèse des grands mouvements littéraires d’avant-gardes tchèques et européens de la première
ié du XXe siècle. Il pénètre dans la sphère de la surréalité, mais il y parvient en se fondant sur une base
authentique, la réalité triviale, quotidienne, celle de la périphérie et des brasseries. Ses textes contiennent à la
ques, considérations terre à terre et visées intellectuelles, propos de café du
commerce et pensées philosophiques, associant palabre et création littéraire. De même, les héros de Hrabal sont
pour la plupart des marginaux, quand ils ne se situent pas tout simplement sur le « dépotoir de l’histoire »,
capables qu’ils sont pourtant de s’élever au-dessus de leur situation par leur don de fabulation, onirique et
(1965), Vends maison où je
cette année-là, l’édition des
« autocritique » au début de
1975, que ses livres reparaissent, au prix de mutilations parfois importantes. Cette période d’interdiction sera
pourtant très féconde dans sa production. Entre 1970 et 1976, il écrit ses œuvres les plus importantes, La
Tendre Barbare, le roman Moi qui ai
Une trop bruyante solitude. Tous ces titres sont
à l’étranger, avant d’être accessibles en Tchécoslovaquie dans une version
édulcorée. Après la chute du régime communiste, Hrabal change complètement de registre et cultive le genre du
aire, présente dès les débuts, prend à cette
époque une place de plus en plus importante dans les textes, qui rend bien ténue la thèse de l’accident avancée
après la mort de Hrabal, tombé, le 3 février 1997, de la fenêtre de sa chambre, au cinquième étage d’une clinique
L’œuvre de Bohumil Hrabal, située entre le surréalisme, la figure tutélaire de Kafka et les feuilletons populaires,
gardes tchèques et européens de la première
ié du XXe siècle. Il pénètre dans la sphère de la surréalité, mais il y parvient en se fondant sur une base
authentique, la réalité triviale, quotidienne, celle de la périphérie et des brasseries. Ses textes contiennent à la
ques, considérations terre à terre et visées intellectuelles, propos de café du
commerce et pensées philosophiques, associant palabre et création littéraire. De même, les héros de Hrabal sont
simplement sur le « dépotoir de l’histoire »,
dessus de leur situation par leur don de fabulation, onirique et
Cyril Tournier – Metteur en scène
La passion du théâtre chevillée au corps et au cœur depuis son plus
jeune âge, il effectue sa formation initiale de comédien au sein des
ateliers théâtre de la compagnie Volodia, sous la direction du metteur
en scène André Fornier (actuel metteur en scène
qui le dirigera par la suite dans de nombreux spectacles lui permettant
de faire ses premiers pas en professionnel. Il apprendra ainsi, sur le
terrain, à l’école de la pratique, une grande partie du métier de
comédien, et les prémices des techniques de mise en scène.
Diplômé en Arts du spectacle à la Faculté Lumière Lyon II, il enrichit sa
formation de comédien par de nombreux stages (Clown, théâtre de rue,
Burlesque, Masque…), et celle de metteur en scène par une
inextinguible soif d’apprendre, de rechercher et explore ainsi sans
cesse les écrits théoriques des grands comme Peter Brook, Jacques Lecoq , Anatoli Vassiliev, Dario
Fo, Dusan Szabo, Eugénio Barba... Son parcours de comédien l’amène vers des rencontres
marquantes avec Raoul Ruiz et Philippe Sireuil. Cinéphile, il aime également à se nourrir des univers
de cinéastes atypiques comme Lynch, Cronenberg, Kusturica, Keaton, Chaplin, Gilliam,...
L’éclectisme de son apprentissage fait la richesse et la diversité de ses mises en scène a
d’Imaginoir Théâtre.
Passionné par la transmission de son art, il est diplômé d’Etat de l’Enseignement du théâtre. Il travail
également à accompagner les pratiques amateurs lors d’ateliers exigeants au sein desquels il aborde
de nombreux auteurs classiques et contemporains.
Metteur en scène
La passion du théâtre chevillée au corps et au cœur depuis son plus
jeune âge, il effectue sa formation initiale de comédien au sein des
ateliers théâtre de la compagnie Volodia, sous la direction du metteur
en scène André Fornier (actuel metteur en scène de L’Opéra Théâtre)
qui le dirigera par la suite dans de nombreux spectacles lui permettant
de faire ses premiers pas en professionnel. Il apprendra ainsi, sur le
terrain, à l’école de la pratique, une grande partie du métier de
es techniques de mise en scène.
Diplômé en Arts du spectacle à la Faculté Lumière Lyon II, il enrichit sa
formation de comédien par de nombreux stages (Clown, théâtre de rue,
Burlesque, Masque…), et celle de metteur en scène par une
prendre, de rechercher et explore ainsi sans
cesse les écrits théoriques des grands comme Peter Brook, Jacques Lecoq , Anatoli Vassiliev, Dario
Fo, Dusan Szabo, Eugénio Barba... Son parcours de comédien l’amène vers des rencontres
z et Philippe Sireuil. Cinéphile, il aime également à se nourrir des univers
de cinéastes atypiques comme Lynch, Cronenberg, Kusturica, Keaton, Chaplin, Gilliam,...
L’éclectisme de son apprentissage fait la richesse et la diversité de ses mises en scène a
Passionné par la transmission de son art, il est diplômé d’Etat de l’Enseignement du théâtre. Il travail
également à accompagner les pratiques amateurs lors d’ateliers exigeants au sein desquels il aborde
de nombreux auteurs classiques et contemporains.
cesse les écrits théoriques des grands comme Peter Brook, Jacques Lecoq , Anatoli Vassiliev, Dario
Fo, Dusan Szabo, Eugénio Barba... Son parcours de comédien l’amène vers des rencontres
z et Philippe Sireuil. Cinéphile, il aime également à se nourrir des univers
de cinéastes atypiques comme Lynch, Cronenberg, Kusturica, Keaton, Chaplin, Gilliam,...
L’éclectisme de son apprentissage fait la richesse et la diversité de ses mises en scène au sein
Passionné par la transmission de son art, il est diplômé d’Etat de l’Enseignement du théâtre. Il travail
également à accompagner les pratiques amateurs lors d’ateliers exigeants au sein desquels il aborde
Michel Laforest – Comédien
Comédien professionnel depuis 1989. Il effectue sa formation de base au sein des ateliers du théâtre de l’Iris à Villeurbanne et ceux du 2° degré de la Comédie de Saint Etienne. Il complète celle-ci lors de nombreux stages autour de diverses disciplines que ce soit la "méthode" Grotowsky (Christian Nadin, Gianni Palmoli), le clown (principalement Marcos(Marcos Malavia et Muriel Roland), la biomécanique de Meyerh(Nicolas Karpov), l'opéra de Pékinvoix avec le Roy Hart théâtre (Mireille Antoine), comédien à l'Institut International de la Marionnette de CharlevilleMézières (Jaime Lorca - compagnie Viaje immov Il a travaillé entre autres avec André Tardy, Valérie Vericel, Philippe ClementMarcos Malavia, Michel Talaron, Christian Nadindes textes de Fassbinder, TBeaumarchais, Ionesco, Maupassant Egalement metteur en scène, il femme de chambre d'Octave MDuszka Maksimowicz, Le spectateur condamné à mort
Comédien
Comédien professionnel depuis 1989.
au sein des ateliers du théâtre de l’Iris du 2° degré de la Comédie de Saint Etienne.
ci lors de nombreux stages autour de diverses que ce soit la "méthode" Grotowsky (Christian Nadin,
Gianni Palmoli), le clown (principalement Marcos Malavia), le mime (Marcos Malavia et Muriel Roland), la biomécanique de Meyerhold (Nicolas Karpov), l'opéra de Pékin (Mme Pei, Maître Guo Jinchun), la
(Mireille Antoine), le jeu marionnette-comédien à l'Institut International de la Marionnette de Charleville-
compagnie Viaje immovile, Chili).
avec André Tardy, Valérie Vericel, Philippe Clement, Gilles CMichel Talaron, Christian Nadin, Didier Carrier… dans une vingtaine de spectacles sur
, Tchekov, Rohmer, Visniec, Shakespeare, Maupassant…
fonde Bosse Compagnie en 1998 et met en scène d'Octave Mirbeau, PlaisirS (spectacle en appartement), Femme Le spectateur condamné à mort de Matéi VISNIEC…
, Gilles Chavassieux, une vingtaine de spectacles sur
, Maïakovski, Diderot,
met en scène Le journal d'une Femme de parloir de
Note d’intention
« Il y a nécessité et urgence à faire entendre le texte de Bohumil Hrabal. Il y a nécessité et urgence à
faire entendre ce poignant récit d’un vieil homme accablé par la solitude et en rupture avec le monde
qui ne le comprend pas et qu’il ne comprend plus, ou qu’il ne comprend, malheureusement, que trop
bien. Un vieil homme, anti-héro, au service d’un totalitarisme malgré lui, destructeur de livre malgré lui,
mais instruit malgré lui, malheureux d’être heureux et qui, résigné des actes qu’on lui fait commettre,
n’aura de cesse d’interroger sa honte et la capacité à s’adapter pour survivre. Un vieil homme qui
cherchera jusqu’au bout à résoudre son antagonisme moral, entre ciel et terre, sacré et profane, divin et
philosophie.
Le texte d’Hrabal est d’une très grande richesse. Il est une interrogation profonde sur l’âme humaine,
son existentialisme, son instruction, son intelligence, sa culture mais également sa capacité de
nuisance et de résistance.
Le texte de Hrabal fait parti de ces œuvres qui vous laissent un souvenir impérissable et qui résonnent
encore longtemps en vous après les avoir lu. Ces œuvres majeures, qui l’air de rien, constituent autant
de petits actes de remises en cause et de questionnement. Ce n’est pas un grand discours, c’est avant
tout un magnifique poème, « juste » des mots, « seulement » une histoire. Et c’est cette simplicité, cette
fragilité, qui lui donne toute sa force.
Nous, nous voulons en faire simplement une pièce de théâtre. Donner un corps à ces mots. Nous
laisser porter par l’œuvre et permettre sa résonance au plus proche et plus intime du spectateur, dans
un certain minimalisme d’effet, sans jamais venir alourdir un propos et placer l’interprétation au cœur de
notre processus scénique.»
Cyril Tournier
Extrait
1.
Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier, et c’est toute ma love story. Voilà trente-cinq
ans que je presse des livres et du vieux papier, trente-cinq ans que, lentement, je m’encrasse de lettres,
si bien que je ressemble aux encyclopédies dont pendant tout ce temps j’ai comprimé trois tonnes ; je
suis une cruche pleine d’eau vive et d’eau morte, je n’ai qu’à me baisser un peu pour qu’un flot de
belles pensées se mette à couler de moi ; instruit malgré moi, je ne sais même pas distinguer les idées
qui sont miennes de celles que j’ai lues. C’est ainsi que, pendant ces trente-cinq ans, je me suis
branché au monde qui m’entoure : car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une
belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu’à ce que
l’idée se dissolve en moi comme l’alcool ; elle s’infiltre si lentement qu’elle n’imbibe pas seulement mon
cerveau et mon cœur, elle pulse cahin-caha jusqu’aux racines de mes veines, jusqu’aux radicelles des
capillaires. Et c’est comme ça qu’en un seul mois je compresse bien deux tonnes de livres, mais pour
trouver la force de faire mon travail, ce travail béni de Dieu, j’ai bu tant de bière pendant ces trente-cinq
ans qu’on pourrait remplir une piscine olympique, tout un parc de bacs à carpes de Noël. Ainsi, bien
malgré moi, je suis devenu sage : je découvre maintenant que mon cerveau est fait d’idées. Ma tête
dont les cheveux se sont consumés, c’est la caverne d’Ali Baba, et je sais qu’ils devraient être encore
plus beau, les temps où toute pensée n’était inscrite que dans la mémoire des hommes. En ces temps-
là, pour compresser des livres, il aurait fallu presser des têtes humaines ; mais même cela n’aurait servi
à rien, parce que les véritables pensées viennent de l’extérieur, elles sont là, posées près de vous
comme une gamelle de nouilles, et tous les Konias, tous les inquisiteurs du monde brûlent vainement
les livres : quand ces livres ont consigné quelque chose de valable, on entend encore leur rire
silencieux au milieu des flammes, parce qu’un vrai livre renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même.
3, Place Croix Paquet / 69001 Lyon
09 52 09 93 41 / [email protected] www.imaginoirtheatre.fr
Siret : 419 015 557 000 46 / APE : 90.01Z / Licence : 2-134732